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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 4 septembre 1997 - Vol. 35 N° 21

Examen des orientations, des activités et de la gestion de la Caisse de dépôt et placement du Québec


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Table des matières

Ventilation du portefeuille et rendements

Filiales

Conclusions


Autres intervenants
M. Yves Blais
M. François Beaulne
M. Henri-François Gautrin
Mme Nicole Léger
Mme Monique Gagnon-Tremblay
M. Yvan Bordeleau
*M. Michel Nadeau, Caisse de dépôt et placement du Québec
M. Serge Rémillard, idem
*M. Fernand Perreault, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures dix minutes)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, mesdames, messieurs! La Commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre l'examen des activités et des orientations de la Caisse de dépôt et placement du Québec en vertu de l'article 294 des règlements de procédure de l'Assemblée nationale.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements qui vous sont suggérés?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. J'informe les membres de la commission que M. Beaulne (Marguerite-D'Youville) remplace M. Facal (Fabre); également, M. Gautrin (Verdun) remplace M. Maciocia (Viger).


Ventilation du portefeuille et rendements

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci. Je vais, au départ, souhaiter la bienvenue à tout le monde. Je souhaite une bonne journée à tous les membres de la commission et également à nos invités. Hier, à la fin de la journée, je pense que nous avions terminé d'analyser les thèmes 1 et 4, et nous en serions aujourd'hui au thème 2, soit la ventilation du portefeuille et les rendements. Sur ce point, tel que convenu hier, je laisserai une période d'une dizaine de minutes au président-directeur général de la Caisse pour faire peut-être un exposé, s'il le désire, sur ce thème qui est la ventilation du portefeuille et les rendements. Et, par la suite, on entreprendra un échange entre les parlementaires et nos invités. Est-ce que ça vous convient?

Des voix: Oui.

M. Gautrin: Ça nous convient.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On vous écoute.


Exposé des représentants de la Caisse de dépôt et placement du Québec

M. Scraire (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Concernant les rendements de la Caisse, ainsi que je l'ai exprimé hier, il y a différentes façons de les considérer selon les périodes. On peut prendre des périodes historiques, la période historique de 32 ans, on peut prendre 25 ans, 10 ans, cinq ans. Et on a ici, pour chacune des catégories de placements, ces rendements historiques qui sont disponibles pour les membres, s'ils le désirent, et qui permettent de faire tous les calculs pour quelque période qu'on prenne.

D'autre part, j'aimerais vous parler plus particulièrement maintenant des rendements de plus de 30 mois, soit pour la période dont l'actuelle direction est imputable. Nos gains, depuis les 30 derniers mois, totalisent 20 700 000 000 $ en 30 mois. C'est une progression par les gains, par les revenus, par la plus-value. C'est une progression de l'ordre de 600 000 000 $ par mois de gains, soit un peu plus de 20 000 000 $ par jour, y compris chacune des journées de fin de semaine. Ça porte l'actif global de la Caisse à 62 400 000 000 $ au 30 juin 1997. Et ça porte son rendement, sur la dernière période annuelle de 12 mois, à 20 %. Je demanderai tantôt, avec votre collaboration, votre accord, à notre premier vice-président, qui est responsable des grands marchés, de vous faire part des rendements, catégorie d'actifs par catégorie d'actifs, avec certaines comparaisons avec le milieu de l'investissement.

Cependant, juste avant de faire ça, j'aimerais vous parler de l'une des considérations qui est un enjeu important au niveau de la Caisse – pas pour la Caisse; pour ses rendements, pour ses déposants – et ça a trait à sa répartition d'actifs. Au début de la Caisse, on est en 1965, et tout le financement du secteur public, au Québec comme au Canada et comme dans plusieurs pays industrialisés, est au coeur des préoccupations des gouvernements et est une source d'investissements importante pour les investisseurs. C'est ainsi que la Caisse, pour sa part, a consacré dès le début de ses activités la plus grande part de ses actifs au financement de l'État québécois, de son réseau de services publics, les hôpitaux, les cégeps, les municipalités, les projets de développement hydroélectrique de la Baie-James, auxquels on était associé par des milliards de dollars, des financements importants et rentables dans chacun de ces cas.

Cependant, vous connaissez l'évolution des finances publiques, le désir des gouvernements, ici, au Québec, comme ailleurs dans les pays industrialisés, de réduire leur déficit et même de l'annuler, de le faire disparaître. Dans certains cas, on parle même de commencer à réduire la dette. Alors, lentement puis au fur et à mesure que les réalités de l'économie du Québec et des pays industrialisés changent, c'est donc vers les entreprises que se tournent les regards des gouvernements et des investisseurs pour assurer la croissance de la richesse.

Pour la Caisse, ça pose un problème de taille que je vous soumets très simplement de la façon suivante. La Caisse a augmenté au cours des années – c'est un mouvement qui s'est étendu sur au moins les deux dernières décennies, graduellement – la part de ses actifs en actions d'entreprises. Ça s'est accru graduellement. La loi a été changée il y a quelques années pour faire passer la limite globale que la Caisse pouvait détenir en actions d'entreprises de 30 % à 40 % de son actif. La croissance de nos investissements dans ces secteurs, aussi bien dans les actions canadiennes, les actions d'entreprises québécoises que sur les marchés étrangers, fait en sorte que finalement, à toutes fins utiles, le maximum que la loi nous permet est à peu près atteint, soit 40 %, et que, actuellement, ça se maintient à ce niveau-là.

Au cours des dernières années, cette restriction de la loi a contraint le portefeuille global de la Caisse. C'est une contrainte que nous avions et avec laquelle nous avons pu travailler; étant donné que c'était constamment en croissance, ça s'est bien fait. Aujourd'hui, si elle devait se poursuivre au cours des prochaines années, cette contrainte pourrait avoir des conséquences fâcheuses parce que, à l'encontre de ce qui prévaut dans la plupart des institutions de placement, la Caisse pourrait être dans l'incapacité de fixer de façon optimale la composition de son portefeuille de façon à optimiser son rapport de risque et de rendement.

Il faut considérer que, globalement, le rendement des actions pourrait vraisemblablement s'avérer supérieur à celui des obligations publiques à moyen et à long terme, dans un contexte où les gouvernements non seulement au Québec, mais ailleurs dans le monde, les gouvernements de pays industrialisés ont moins besoin de fonds. On comprendra donc que, pour maintenir des rendements élevés, ceux qui le recherchent, les déposants et les gestionnaires – nos organismes déposants et les gestionnaires de leur portefeuille, les gens de la Caisse – devront détenir une fraction plus importante de leur avoir sous la forme d'actions ou d'autres types de rendements variables. C'est ainsi que se pose la question de l'opportunité de lever la limite de 40 % de l'action ordinaire prévue par la loi actuelle. C'est un sujet qui occupe et préoccupe aussi le ministre des Finances, qui en est conscient.

Alors, sans plus tarder, j'aimerais peut-être, avec votre permission, demander à notre premier vice-président Grands marchés de passer en revue avec vous les rendements et la répartition de l'actif, les rendements, catégorie par catégorie d'actifs, et la répartition de l'actif de la Caisse.

M. Nadeau (Michel): Merci, M. le président. Alors, les activités de gestion de portefeuille sont des activités qui ont un grand avantage, c'est qu'on peut facilement mesurer la performance, il y a des indicateurs de résultat qui sont reconnus. Il peut s'agir des indices de référence, des indices de marché dont on parle tous les jours à la radio et à la télévision, le Dow Jones, le TSE 300, et, deuxièmement, il y a également les autres gestionnaires, les pairs, la «rue», les autres gestionnaires privés et publics.

Alors, ce matin, je vais vous parler des rendements de la Caisse. Le portefeuille de la Caisse est réparti dans sept grandes classes d'actifs. Et on va voir très rapidement, dans ces sept grandes classes d'actifs, comment se ventile le portefeuille de la Caisse.

Vous voyez, devant vous, à la télévision ou sur le moniteur, ici, la répartition de l'actif de la Caisse. Il faut se rappeler que la répartition de l'actif de la Caisse est extrêmement différente de la quasi-totalité des autres grandes caisses de retraite au Québec et au Canada. Cependant, par classe d'actifs, lorsqu'on parle des actions, des obligations ou des hypothèques des immeubles, là, la Caisse joue sur les marchés, qui sont les mêmes que ceux des gestionnaires privés. Alors, c'est pour ça qu'on va passer rapidement en revue les sept grandes classes d'actifs à la Caisse de dépôt.

(9 h 20)

Commençons par le portefeuille obligataire. Vous savez que la Caisse a plus de titres provinciaux que n'importe quelle autre caisse de retraite publique d'une grande province canadienne. Nous avons plus de titres du gouvernement québécois qu'un organisme similaire en Ontario ou en Colombie-Britannique, par exemple. Mais ceci est un avantage et nous a toujours favorisés. Or, quels ont été les rendements de la Caisse au cours des périodes de un, cinq et 10 ans? Alors, nous prenons, dans chacun des cas, le rendement de l'indice correspondant et, deuxièmement, le rendement d'une médiane, la médiane Sobeco, une firme qui calcule les rendements des gestionnaires pour des périodes de un à cinq ans, à Montréal, à partir souvent de gestionnaires québécois. Les rendements dont je vais parler ce matin ont été vérifiés selon le plus haut standard, les plus hautes normes de l'industrie de la gestion de portefeuille, selon les normes de l'AIMR, dont on pourra reparler si vous le souhaitez.

Donc, les rendements obligataires de la Caisse au cours des 12 mois. Dans l'industrie, c'est toujours un rendement des 12 derniers mois dont on parle: 15,09 versus 14,30, pour l'indice de référence ScotiaMcLeod 13,71. Et pour une période de cinq ans, la Caisse dépasse les rendements de l'indice et de la médiane; la période de 10 ans également, la Caisse affiche une performance supérieure. Donc, deux facteurs expliquent cette performance exceptionnelle, qui nous place parmi les tout premiers rangs, dans le peloton de tête des gestionnaires d'obligations au Canada: le poids du Québec, nous sommes très confortables avec la détention aux deux tiers de notre portefeuille obligataire de titres d'émetteur public québécois; et, deuxièmement, nos stratégies de gestion, qui expliquent la moitié de la valeur ajoutée par une gestion active de nos placements de durée, de prévision de taux, de positionnement sur la courbe des taux d'intérêt.

Passons maintenant aux actions québécoises et canadiennes. Là, encore une fois, la Caisse a une plus forte détention de titres québécois que la totalité des autres gestionnaires de fonds de caisse de retraite au Québec et au Canada, naturellement. Alors, là aussi, alliés à une stratégie de visite, de connaissance des entreprises, nous allons sur place rencontrer les dirigeants d'entreprises, ceci nous a permis d'afficher une performance supérieure à l'indice TSE 300 et à la médiane Sobeco.

Alors, est-ce que les titres québécois ont amélioré, bonifié ou ont ralenti, freiné la croissance du rendement du portefeuille d'actions québécoises? Eh bien, la réponse est dans les deux acétates suivantes. Lorsqu'on parle des petites capitalisations boursières, les entreprises, les petites entreprises québécoises, on voit que le rendement au cours des 12 derniers mois a été de 36,8 %; par rapport à l'indice Lévesque, Beaubien, 33,9 %, et un écart de 285 points en faveur des gestionnaires dans les titres de PME de la Caisse de dépôt. Alors, sur une période – ce portefeuille existe et est mesuré depuis quatre ans – on voit que la Caisse a ajouté 5 % de plus que l'indice correspondant de la maison Lévesque, Beaubien.

Si on prend maintenant l'ensemble des participations québécoises et quelques canadiennes, mais en quasi totalité québécoises, est-ce que ça a été rentable d'investir dans des firmes québécoises? Au cours des 12 derniers mois, nos placements, selon les calculs de l'AIMR, ont dégagé un rendement de 41,8 % au cours des 12 derniers mois. Et on pourra revenir individuellement, comment nos rendements s'expliquent par des placements dans des entreprises comme Imprimeries Quebecor, Téléglobe, la Banque Nationale, qui ont performé de façon remarquable au cours des 12 derniers mois.

Donc, sur une période de cinq ans, nos placements dans les entreprises d'ici ont dégagé un rendement de 19,3 %, contre 16,5 % pour l'ensemble des titres du marché boursier canadien, un avantage de près de 3 %, ce qui est remarquable dans l'industrie.

Donc, dans les deux grandes catégories, les deux principales catégories d'actifs de la Caisse, 70 % de la Caisse, les gestionnaires font mieux que les indices et la majorité de leurs pairs, qu'ils soient publics ou privés, sur des périodes de un, cinq et dix ans.

Passons maintenant aux autres classes d'actifs, les financements hypothécaires où, là, il n'y a pas d'indice véritable. Alors, on prend la médiane de ce que font les autres gestionnaires et on voit que la Caisse n'a pas de difficulté à réaliser des rendements supérieurs à la médiane et aux autres indicateurs.

Les valeurs à court terme. Tout ce qui est placement pour une durée de moins de 365 jours, là, également, la performance de la Caisse dépasse tous les indices de référence et les médianes des gestionnaires publics et privés québécois et canadiens.

Passons maintenant aux actions internationales. Depuis deux ans, nous avons partagé le portefeuille en deux grandes catégories: les actions européennes et asiatiques, qu'on appelle étrangères, et les actions américaines. C'est deux marchés qui évoluent de façon très différente.

Donc, actions étrangères, actions européennes et asiatiques, ça a procuré des rendements tout à fait remarquables, encore une fois, parmi les plus élevés dans le monde: 25 % sur une période de deux ans. Aux États-Unis, nous avons un rendement de 30,43 % pour la dernière année. Nous sommes un peu en bas de l'indice Standard & Poor's. Il faut signaler que 86 % des gestionnaires n'ont pas battu l'indice Standard & Poor's. Pour améliorer cette situation, nous avons indexé une partie du portefeuille, comme la tendance se fait sur plusieurs gestionnaires de grandes caisses de retraite américaines. Donc, sur deux ans, nous sommes en bas de l'indice Standard & Poor's, mais, si on prend le rendement absolu, ça laisse quand même un rendement de 24 %.

Si on prend maintenant l'ensemble, les deux portefeuilles, actions étrangères et actions américaines, le fait que nous ayons un peu moins d'actions américaines... Nous croyons que le marché américain – je pense qu'on pourra en reparler – est un marché qui a extrêmement progressé, qui a atteint des niveaux euphoriques, où les multiples par rapport aux valeurs historiques sont tout à fait exceptionnelles et qu'il convient d'être prudent face à ce marché. Donc, nous avons été extrêmement prudents face au marché américain. C'est ce qui fait que notre rendement n'a été que de 22,2 % au cours des 12 derniers mois et de 15,1 % par rapport aux cinq dernières années, ce qui laisse quand même un rendement en chiffres absolus très, très appréciable mais à l'enseigne de la prudence.

Donc, depuis 1984, depuis que nous avons commencé à investir à l'extérieur du Canada, notre décision d'investir dans les marchés étrangers a été très profitable. On voit que les marchés étrangers ont dominé par 5 % le rendement de l'indice boursier canadien. Or, si on regarde, durant toute cette période, il n'est jamais arrivé que le marché canadien ait été le meilleur marché dans les grands marchés boursiers mondiaux, alors que, au contraire, ça a été le marché qui a affiché la plus mauvaise performance au cours des 13 dernières années. Si on prend par rapport aux 18 principaux marchés, c'est au Canada qu'on a obtenu le moins bon rendement durant toute cette période. Donc, il était extrêmement rentable d'investir à l'étranger.

La Caisse gère de façon très prudente ses placements à l'étranger en se mettant à l'abri des soubresauts, des perturbations du marché des monnaies, des devises. Nous avons une politique de couverture complète de notre portefeuille, c'est-à-dire que, lorsque nous achetons une action en yens, des actions de Sony, nous avons immédiatement un contrat de couverture qui annule cette position pour nous protéger advenant une dévaluation du dollar canadien. Ces politiques-là, évidemment, ont neutralisé les gains, mais nous ont laissé un bénéfice de 309 000 000 $ en raison des différentiels parce que l'opération de couverture se fait à travers des dépôts à terme. Je pourrai l'expliquer en détail si vous le souhaitez.

Un mot sur le portefeuille immobilier, la septième grande classe d'actifs, où on observe un redressement tout à fait spectaculaire au cours des 12 derniers mois: un rendement de 19,3 %. On voit que ce portefeuille revient à des niveaux comparables par rapport aux grandes classes d'actifs et contribue au rendement total de la Caisse. Sur une période de cinq ans, la Caisse fait mieux que son indice de référence, mais un peu moins bien que la médiane Sobeco. Là, il y a peut-être une question d'évaluation. Nos évaluations sont faites par des experts indépendants, extérieurs, et peut-être que, dans le cas d'autres firmes, ça n'a pas été le cas.

Au total, lorsqu'on regarde les biens immobiliers – à l'acétate suivante – on voit que la Caisse, durant les trois grandes périodes du cycle immobilier, a fait 17 % de rendement durant la décennie quatre-vingt. Durant les cinq premières années de la présente décennie, ce fut baissé, la correction du marché, et le portefeuille de la Caisse comme celui de l'indice et de l'ensemble des propriétés immobilières mondiales ont corrigé. Mais, depuis 18 mois, on voit un redressement qui semble nous ramener au niveau de la décennie quatre-vingt.

(9 h 30)

Les biens immobiliers. On voit, à l'acétate suivante, que la Caisse, depuis 15 ans, a dégagé un rendement de 7,4 % par rapport à un indice un peu inférieur à 5 %, ce qui fait, pour un placement de 1 000 $, un différentiel d'à peu près 1 100 $. Donc, le rendement global de la Caisse au cours des 12 derniers mois: 20,1 % avec une répartition de l'actif très prudente, ce qui porte notre rendement sur deux ans à 16,39 %, 16,4 %, et sur cinq ans à 12,2 %, et 10 ans à 10,2 %, ce qui est nettement au-dessus des perspectives actuarielles pour le financement des différents régimes de retraite.

Or, ce rendement global évidemment a été produit à partir d'une répartition de l'actif, comme je l'ai mentionné, comme vous le voyez à la page suivante, qui a beaucoup évolué au cours des 10 dernières années. Nous avons 46 % maintenant d'obligations et de titres de débentures. Les actions québécoises et canadiennes représentent 26 %, les actions internationales environ 16,6 %, les biens immobiliers nets 4,6 %, les hypothèques 4,2 %. Or, la Caisse a une répartition de l'actif qui est très différente et c'est pour ça que c'est difficile de la comparer avec les autres, parce que 98 % des caisses de retraite au Canada ont beaucoup plus d'actions et de placements boursiers que la Caisse. La caisse médiane, au lieu d'avoir comme nous 25,6 % d'actions canadiennes, a entre 38 % et 40 % d'actions. Et alors qu'au niveau des obligations 91 % de l'ensemble des caisses de retraite ont moins d'obligations que la Caisse, nous en avons 46,2 %, les obligations, alors que la caisse médiane se trouve à 35 %. Donc, nous avons un portefeuille qui, dans l'ensemble, est beaucoup plus prudent, beaucoup plus stable, je dirais, que les autres caisses de retraite.

Cependant, il est évident que lorsque la performance des obligations est favorable... On l'a vu dans les années quatre-vingt, alors qu'on a eu ce déclin spectaculaire, les taux d'intérêt sont passés de 16 %, 17 % et 18 % au niveau actuel de 4 %, 5 %, le rendement de la Caisse a été très favorable, 12,37 %, alors que maintenant, dans un marché où les actions font mieux, là, la répartition de l'actif ne favorise pas la Caisse. C'est pour ça qu'on a parlé tout à l'heure, notre président a mentionné l'importance de rééquilibrer, du moins partiellement, le poids des actions et des obligations dans le portefeuille de la Caisse.

Ce qu'on doit retenir, c'est qu'en mesurant, classe d'actifs par classe d'actifs, les sept grandes classes d'actifs, les gestionnaires de la Caisse, en tenant compte de leurs placements québécois dans les actions, dans les obligations, ce qui est leur spécificité, en contribuant à l'essor économique, dégagent des rendements qui sont supérieurs à leurs indices de référence et qui sont supérieurs à la majorité des gestionnaires publics et privés du Québec et du Canada.


Discussion générale

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça complète votre présentation. On vous remercie de cette présentation avec des tableaux explicatifs faciles à comprendre qui, avec les comparables, donnent un bon aperçu de la gestion globale de la Caisse. Et juste brièvement faire allusion: si la Caisse peut également améliorer l'attitude de certains de ses fonctionnaires, ça serait merveilleux. M. le député de Crémazie.


Politique de couverture des taux de change

M. Campeau: Merci, M. le Président. Bien, je pense que personne ne sera surpris que je félicite la Caisse pour ses excellents rendements. Je pense qu'il y a des décisions qui ont été prises qui demandent du courage, et peut-être qu'on peut améliorer quand même. Il y a toujours place pour amélioration. Mais, quand on regarde ça, je pense qu'on peut être tout à fait heureux, satisfait et fier des performances et de l'administration de la Caisse de dépôt dans les rendements.

On voit qu'en 1984 la décision de sortir du Canada et du Québec pour investir à l'extérieur a été une excellente décision. Je me souviens que ça n'a pas été facile à ce moment-là, c'est une décision qui a été mûrie longuement, et on voit qu'elle a bien rapporté et qu'elle a été bien gérée depuis tout ce temps-là.

Il y a quand même... pas quand même, il y a certaines questions que j'ai à poser, qui ne vont pas en contradiction avec la politique de la Caisse mais qui demandent une explication. Et, dans toutes ces réflexions-là, les questions, je ne voudrais pas qu'elles passent ni noires ni blanches, c'est gris, c'est une opinion. La vôtre peut être aussi bonne que la mienne. Je pose la question et on peut, dans la gestion des portefeuilles, gérer d'une façon parce qu'on pense que notre jugement est mieux. Pour quelques années, c'est excellent, d'autres années ça va être moins bon.

Moi, c'est la couverture du change. Quand vous allez dans un pays... Vous avez mentionné le Japon, M. Nadeau. Quand on va au Japon, est-ce qu'on ne devrait pas, dans les actions... Je ne parle pas des obligations. Si on plaçait sur obligations, on voudrait avoir un rendement et on calculerait notre rendement. Si c'est x %, le taux d'intérêt, on voudrait qu'à la fin ça arrive bien à ça; donc, ça me semblerait logique de se protéger contre le risque de change. Quand on investit en actions, on est comme propriétaire. Alors, si on est propriétaire, est-ce qu'il n'est pas logique d'analyser l'économie du pays et de dire: Est-ce que le Japon, c'est un bon investissement? Est-ce que l'économie est bonne, est-ce qu'elle va être florissante? Et ajoutez à ça par la suite, si on décide d'aller au Japon, quelles compagnies on va choisir, mais de prendre les deux risques: prendre le risque de l'économie, le risque que la compagnie soit prospère, qu'elle fasse des profits, que le prix des actions monte et qu'en plus de ça on joue aussi - passez-moi le mot «jouer» - mais qu'on investisse aussi sur l'économie du pays, qu'on regarde ça.

Alors, je suis surpris de voir que, dans certains investissements d'actions, qui sont des investissements de propriétaires, la Caisse se protège contre le risque de change. Il me semble qu'il y aurait avantage à jouer les deux, à jouer aussi le risque de change et le risque de l'économie.

M. Scraire (Jean-Claude): Quelques commentaires là-dessus. Effectivement, sur la politique de couverture de change, de couverture totale de nos actifs, qui est en vigueur depuis 1991, on a, au cours de 1995 et 1996, eu des travaux très spécialisés sur cette question-là qui ont été tenus non seulement par nos gens, mais en collaboration avec les firmes les plus réputées dans le monde. Il s'agit d'une politique qui, en principe, est revue, qui est modifiée en principe, c'est-à-dire qu'on devrait se diriger, au moment opportun, vers une nouvelle politique de couverture à 50 % de nos actifs étrangers, qui permettrait, à ce moment-là, de faire des choix de ce type-là. Par exemple, décider de ne pas se couvrir au Japon ou décider de se couvrir aux États-Unis et en Europe, mais pas au Japon; ce qui permettrait des choix.

La question de la couverture à 100 %, le problème, c'est qu'il y a une très grande volatilité. On s'aperçoit, dans l'histoire récente de la Caisse dans ce secteur-là, quand même que, pour certaines années, le fait de se couvrir était désavantageux de façon importante et que, pour d'autres, c'est avantageux de façon importante. Alors, ça amène une grande volatilité dans le portefeuille et on pense que, plus globalement, une politique de couverture à 50 % réduirait la volatilité du portefeuille, réduirait les écarts qu'on peut observer par rapport à la devise. Et c'est certain que si on introduisait une politique semblable, quand on arriverait à investir en actions, bien ça nous amènerait à prendre ou à assumer les avantages et les risques d'une économie donc en ne neutralisant pas l'avantage possible de la devise.

Alors, c'est dans cette direction-là qu'on travaille mais, pour l'instant, disons que globalement, dans les mois que nous vivons actuellement, la politique de couverture à 100 % nous profite bien; alors, ce n'est pas le temps de la changer. Maintenant, quand on trouvera le temps opportun, elle pourrait fort bien changer à ce moment-là.

M. Campeau: Par exemple, on va prendre le dollar canadien qu'on connaît mieux. Le dollar canadien, depuis deux ans, les économistes disent: Ah! le dollar canadien va monter. Le dollar canadien s'en va à 0,78 $, s'en va à 0,80 $. Il n'arrête pas de descendre! Alors, est-ce que vous vous protégez contre le dollar canadien?

M. Scraire (Jean-Claude): Écoutez, disons que c'est certain que...

M. Bourbeau: S'il n'y avait pas la menace d'un référendum, ça aiderait peut-être le dollar canadien.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, non, non. Je regrette, il ne faut pas s'embarquer sur ce terrain-là.

M. Bourbeau: Bien, M. le Président...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vais rappeler à l'ordre le député de Masson aussi.

M. Campeau: M. le Président, dans l'économie, le dollar canadien, quand même... Il y a les taux d'intérêt qui viennent intervenir, toute l'affaire, la politique de la Banque du Canada. Il ne faut quand même pas mélanger les choux et les betteraves quand on regarde la politique du dollar canadien. Alors, allez-y, M. le président.

(9 h 40)

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. C'est certain que, sur le fondamental, les économistes trouvent que le dollar canadien devrait être à une position plus élevée. Il monte parfois, il a tendance à monter, mais il demeure quand même à un taux relativement bas; malgré que, sur le fondamental, les gens disent qu'il devrait être plus élevé.

M. Campeau: O.K. Le coût de la protection, maintenant. Quand vous vous protégez, est-ce que des fois il y a des profits à faire? Il y a quand même un coût à se protéger.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, ce sont les chiffres dont M. Nadeau parlait tantôt. Je vais le laisser aller sur la question des coûts ou des gains, selon les circonstances.

M. Nadeau (Michel): Alors, lorsque nous achetons une devise, comme je l'ai mentionné, nous plaçons immédiatement dans la monnaie inverse du placement qui a été fait, et à ce moment-là nous protégeons notre placement. Lorsque nous croyons, comme vous le mentionnez, M. le député, que le dollar canadien va s'apprécier, on a intérêt à être totalement couvert parce que, à ce moment-là, nos placements vont rapporter davantage. C'est pour ça qu'on a décidé de maintenir. Mais l'opération de couverture, elle se fait à partir d'un différentiel de taux, et ce différentiel de taux, comme les taux à court terme canadiens sont très élevés, ça rapporte 309 000 000 $ à la Caisse. Évidemment, ça varie beaucoup avec les pays. Avec le Japon, nous faisons beaucoup d'argent. Avec la France et l'Allemagne également. Les États-Unis, c'est un peu moins rentable parce que, les marchés américains, la Fed maintient des taux encore relativement très élevés. Mais, au total, c'est payant.


Calcul des rendements et frais d'administration

M. Campeau: Je vais passer à un autre sujet, rapidement. L'évaluation, là, le rendement, vous avez dit que les rendements de la Caisse, le calcul du rendement est fait par des firmes extérieures?

M. Nadeau (Michel): Sont vérifiés par. Disons que l'industrie du placement a une méthodologie de calcul du rendement qui est faite par une grande firme américaine, une grande institution américaine qui s'appelle AIMR, et cet organisme-là a établi une série de principes, de codes, et tout ça. Alors, nous avons demandé à une firme de vérifier si la façon dont la Caisse calculait ses rendements était conforme, et c'est ce que nous avons obtenu.

M. Campeau: Quel rôle, dans cette évaluation des rendements, joue le Vérificateur? Vous ne pourriez pas vous fier au Vérificateur général pour vérifier vos rendements?

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, disons que ça amène toute la question des relations avec nos déposants. On a des organismes déposants auxquels on rend compte, et ces organismes-là demandent des certifications qui sont indépendantes, totalement indépendantes, qui sont faites à l'effet que les calculs sont faits de façon conforme aux normes de l'AIMR. Alors, disons que ça amène effectivement une certification qui est de l'extérieur.

D'ailleurs, quand on souligne des bons coups, M. le député, je trouve que c'en est peut-être un. Ce n'est pas un coût spécifique en dollars, là, mais, en termes d'excellence dans une organisation, je pense que c'est digne d'être souligné. Il y a très peu, très peu d'organisations de placement qui font certifier qui détiennent un certificat indépendant attestant que tous leurs calculs de rendement sont faits conformément aux normes de l'AIMR. Plusieurs disent que les rendements sont calculés selon les normes de l'AIMR. Nous-mêmes, à la Caisse, on l'a dit depuis quelques mois parce que progressivement, au cours des deux dernières années, on a fait beaucoup de travaux pour se rassurer que tous ces calculs-là étaient faits conformément aux normes de l'AIMR. Ce qu'on a franchi de plus au cours de l'année 1997 comme pas, c'est qu'on a la certification indépendante à l'effet que c'est conforme. Parce qu'on a d'excellentes équipes de calculs de rendement chez nous. On dit: c'est à la fine pointe dans les calculs de rendement. Tout le travail s'est fait. Ce certificat-là, je peux vous le déposer pour que vous voyiez ce dont ça a l'air. C'est un certificat qui est émis par MLH et qui porte sur toute la vérification qui a été faite sur les rendements pour l'année...

M. Blais: C'est quoi, MLH?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est une firme d'actuaires.

M. Campeau: Un autre sujet rapide. Alors, on voit que votre double rôle, le rendement de profitabilité et votre rôle de support au développement économique, ne vient pas contraindre du tout les profits que vous pouvez réaliser. Donc, vous pouvez vivre facilement avec le double rôle de la Caisse qui est le rendement et le développement économique du Québec, tel que vous l'avez dit hier, et on le voit aussi dans les petites capitalisations, les investissements dans les petites et moyennes entreprises.

Et même, votre rôle de développement économique vous aide à obtenir une meilleure performance sur l'ensemble de vos fonds. Alors, vous devriez être contents que le législateur, dans sa sagesse et dans le discours de M. Lesage, tel qu'il le stipule, dise qu'il faut bien travailler au développement économique du Québec. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Crémazie. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Ce matin, on traite d'un sujet intéressant, le rendement de la Caisse. Je voudrais revenir... J'ai devant moi le journal La Presse de ce matin, qui parle un peu de la journée d'hier. Je voudrais simplement préciser une chose. Hier, j'ai employé le mot «prédateur» à l'endroit de la Caisse en citant des gens qui sont venus devant nous. Le mot n'est pas de moi, là, de gens qui sont venus devant nous, des entreprises. J'ai vu dans un journal qu'on mettait les mots dans ma bouche. J'ai bien dit hier que c'est des mots qu'on a entendus. Je ne veux pas moi-même porter ce jugement-là, je n'ai pas personnellement d'expérience malheureuse avec la Caisse. Je voulais simplement faire cette mise au point là, M. le Président.

Pour ce qui est des rendements, on vient d'entendre M. Nadeau qui nous parle des rendements tout à fait intéressants de la Caisse au cours des derniers 12 mois. C'est impressionnant d'entendre dire, par exemple, que les actions québécoises et canadiennes ont rapporté 33 % au cours des 12 derniers mois; par exemple, que les actions américaines ont rapporté – américaines, on a ça ici – 30,43 %. Mais je suis obligé de jeter une petite douche d'eau froide sur la bonne nouvelle. Vous savez, n'importe quel Québécois qui dépense 0,50 $, je crois, peut acheter le journal La Presse . Je ne veux pas faire de la publicité pour La Presse ...

Une voix: 0,68 $.

M. Bourbeau: 0,68 $, avec la taxe. C'est 0,68 $. À la page A14, Économie , vous avez en haut, à gauche, les résultats de la journée d'hier pour la Bourse de Montréal, la Bourse de Toronto et la Bourse New York. Si vous regardez un petit peu en-dessous, vous avez le résultat pour la dernière année. Bon. Regardons ce que ça a donné. La Bourse de New York, pour la dernière année, un an, le rendement est de 40,57 $; ça, c'est le rendement moyen de la New York Stock Exchange au cours de la dernière année. Si vous regardez Nasdaq, qui est un petit peu à droite, qui est la Bourse qui s'occupe un peu plus des titres de haute technologie, pour un an, c'est 41,77 %. Alors, n'importe qui qui aurait pris son argent et aurait dit «j'achète l'indice New York ou l'indice Nasdaq» aurait fait 40,57 % au cours des 12 derniers mois, ou 41 %. La Caisse, elle, en actions américaines, a fait 30 %, 30,40 %.

M. Scraire (Jean-Claude): M. le député, si vous permettez, c'est que vous comparez là des choux et des carottes, parce que le journal La Presse vous donne le rendement probablement hier, pas au 30 juin. Nous, on vous a donné le rendement au 30 juin.

M. Bourbeau: Oui, je comprends.

M. Scraire (Jean-Claude): Mais, en deux mois, un marché évolue grandement.

M. Bourbeau: Oui, je comprends. Mais, si vous suivez ça vous aussi, mois après mois, vous allez voir que, depuis un an, c'est toujours en haut de 30 %, le rendement de l'indice de New York et l'indice Nasdaq. Nasdaq est encore plus haut. Comme vous le savez, la Bourse a chuté, le Dow Jones avait chuté de 300 ou 400 points, elle en a repris une partie. Le Dow Jones n'est même pas revenu à 8 000, donc on a été plus haut que ça. On n'est pas au plus haut de l'indice, là. L'indice Dow Jones était à 7 894 hier, il s'est rendu à 8 200, 8 250 il y a un mois ou deux. Donc, on n'est pas plus haut, là. Ce n'est pas le haut qu'on a été depuis les derniers 12 mois.

Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que la Caisse – encore là, je ne veux pas non plus être trop pessimiste, mais il faut dire les choses telles qu'elles sont – avec une équipe d'experts importante, des frais d'administration élevés, parmi les plus élevés, d'ailleurs, de toutes les caisses, n'a pas fait aussi bien... en tout cas elle n'a pas fait mieux que l'indice: 33 % pour les actions américaines. 30 %, même, pour les actions américaines. La moyenne depuis 12 mois, si vous achetez La Presse à toutes les semaines, je ne me souviens pas que ce soit allé en bas de 30 %, la moyenne des 12 derniers mois.

(9 h 50)

Ça veut dire, ça, que la Caisse aurait pu engager un seul employé à 50 000 $ par année ou 600 $ par semaine, lui dire: Écoute, tu places notre argent dans les actions américaines, tu achètes l'indice de New York, vous auriez sauvé 6 000 000 $ en salaires, probablement, et vous auriez fait la même chose que vous avez faite, puisque, on le voit, l'indice a fait 40 % au cours des 12 derniers mois. Bon. Parfois, quand la Bourse baisse un peu, ça descend à 35 %, ça peut descendre à 34 %, 32 % et, après ça, ça remonte à 38 %. Mais, en général, depuis 12 mois, ça se maintient en haut de 30 %. Vous avez fait 30 %. Moi, je ne vous blâme pas, mais je dis simplement que vous avez fait ce qu'aurait fait n'importe qui qui n'est pas expert et qui ne dépense pas des millions de dollars en frais d'administration.

Frais d'administration. D'ailleurs, il faut bien le réaliser, les frais d'administration de la Caisse de dépôt, sur un total de dépenses de gestion par 100 $ d'actif, la Caisse de dépôt dépense 0,68 $ par 100 $ d'actif pour ses dépenses de gestion, selon les documents ici, que nous avons devant nous, là. La source, ça vient d'un témoignage qu'on a eu devant nous. La plupart des tableaux ici sont issus de Sobeco, et celui-ci, je pense, c'est Barron's , la revue, comparé avec le Régime de pensions du Canada qui, lui, a des dépenses de 0,46 $ par 100 $ d'actif; l'Ontario Municipal Employees Retirement Board, 0,16 $; puis le Teachers' Pension Board de l'Ontario, 0,145 $. La Caisse dépense 0,68 $ par 100 $ d'actif. Donc, on ne peut pas dire que la Caisse, sur les frais d'administration, là, elle économise trop. Il y a ce qu'il faut pour faire le travail. Bon. Même, elle dépense plus que les autres. Alors, moi, je dis ceci: C'est bon, mais ce n'est pas exceptionnel du tout, le rendement que vous affichez pour les 12 derniers mois.

Si vous regardez les actions canadiennes maintenant – on vient de parler des actions américaines – la Caisse québécoise et canadienne a fait 33 %; la Bourse de Montréal, depuis 12 mois, 33,04 %. Alors là, on est juste sur la moyenne des 12 derniers mois. Bon, ce n'est pas mauvais, mais ce n'est pas non plus quelque chose... On ne peut pas dire qu'on a fait beaucoup mieux que les autres.

D'ailleurs, c'est la question qu'il faut se poser: Comment la Caisse performe-t-elle dans son rendement par rapport aux autres? C'est sûr que là on nous donne les chiffres des 12 derniers mois. Il n'y a pas d'états financiers, la Caisse va rendre ses états financiers à la fin de l'année 1997, je présume. L'année financière, c'est l'année de calendrier, chez vous?

M. Scraire (Jean-Claude): Absolument, M. le député. Maintenant, on a déjà deux sujets qui sont abordés. Je serais bien prêt à commenter déjà sur les actions américaines, par mon collègue, et sur les frais d'administration, parce qu'on se promène...

M. Bourbeau: Peut-être que j'aimerais finir, M. le Président. Gardez là, si vous voulez, là, je vais terminer mon...

M. Scraire (Jean-Claude): Je m'excuse, M. le député. Mais vos sujets couvrent...

M. Bourbeau: Bien, écoutez, c'est moi... M. le Président, là, franchement!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le président, si vous permettez, le député veut finir son intervention. Prenez des notes et vous pourrez reprendre, répondre à chacun de ces sujets.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est juste que ça va prendre un peu de temps parce qu'on accumule les sujets, des sujets importants.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vais vous accorder le temps.

M. Bourbeau: Il n'y a pas de problème. Nous, on a des documents qui sont déposés devant nous, des tableaux; là, je vous cite des tableaux, les chiffres ne sont pas de moi. Mais je vais simplement terminer ceci. On nous donne des chiffres pour les 12 derniers mois, mais la Caisse ne fait pas d'états financiers aux six mois, elle les fait aux 12 mois. Donc, le dernier état financier qu'on a, c'est pour l'année 1996. C'est le dernier chiffre avec lequel on peut travailler, le reste, c'est des parties d'année. Pour l'année 1996, comparons les derniers chiffres produits par la Caisse et vérifiés par le Vérificateur général. Alors là, ce qu'on voit quand on compare la Caisse... Parce qu'il ne faut pas oublier que les autres fonds de pension aussi ont bien fait au cours des 12 derniers mois. Vous nous sortez des chiffres à 30 %, mais je suis certain qu'Ontario Teachers Retirement Board a fait la même chose, peut-être mieux même. Alors, moi, je ne peux pas comparer les autres avec vous pour les 12 derniers mois, mais je peux comparer pour l'année 1996 et les années précédentes parce que, là, on a pu vérifier les rapports des vérificateurs.

Alors, ici, au mois d'avril, il y a un document qui a été publié par Michel Girard, qui parle justement de la performance de la Caisse et qui disait «n'est pas trop reluisante en Bourse». On parlait du portefeuille d'actions de 26 000 000 000 $ de la Caisse à ce moment-là, un des plus gros, d'ailleurs, gestionnaires en Amérique du Nord. Bon, on a vérifié, on a plutôt consulté un rapport sur la gestion de l'actif des caisses canadiennes, publié par le Groupe Sobeco, Ernst & Young, et puis on disait que pour les actions canadiennes, pour l'année 1996, la Caisse a un rendement de 27,1 %. On le sait, c'est dans les documents, alors que le Toronto Stock Exchange, l'indice était de 28,3 %.

On dit ceci: «C'est donc dire qu'un néophyte de la Bourse, en se contentant d'acheter l'indice canadien – d'ailleurs, qui est vendu comme une action – aurait battu d'aplomb les gestionnaires de la Caisse de dépôt et placement, et ce, sans le moindre effort.» C'est toujours Michel Girard qui parle. Alors, on dit: «J'admets qu'il est injuste pour la Caisse de comparer la performance d'un néophyte avec celle de sa grosse équipe de spécialistes en gestion de portefeuille.»

Là il dit: «Comparons plutôt la performance des gestionnaires de la Caisse avec celle des gestionnaires des autres caisses de retraite canadiennes.» On peut quand même le faire, c'est les chiffres officiels. «Pour l'année 1996, sur 54 caisses de retraite, l'équipe de gestion de la Caisse arrive au 31e rang.» Alors, on n'est quand même pas dans le peloton de tête. On parle du Teachers' Pension Plan Board de l'Ontario, une autre gigantesque caisse de retraite. Elle a obtenu 31,5 % avec son portefeuille d'actions canadiennes, pour l'année 1996, j'entends. J'aimerais bien voir ce qu'ils ont fait depuis les derniers 12 mois, d'ailleurs.

Maintenant, sur cinq ans, la Caisse a réalisé un rendement annuel composé de 13,6 %. «Comment se classe l'équipe de la Caisse par rapport aux 45 caisses évaluées par Sobeco, Ernst & Young? La Caisse arrive au 32e rang sur 45, accusant un important recul sur les gestionnaires les plus performants.» Et on les nomme ici. Je vais vous faire l'économie de ça.

Après ça, les actions étrangères. La Caisse de dépôt, au 31 décembre, avait une somme colossale de 10 400 000 000 $ investie dans les actions étrangères. Pour l'année 1996, la Caisse affiche un rendement de 21,6 % au chapitre des actions américaines par rapport à l'indice de référence Standard & Poor's 500, que l'on peut aussi acheter comme une simple action. La Caisse affiche un retard de deux points de pourcentage de moins que l'indice Standard & Poor's. Et, par rapport aux 38 caisses de retraite canadiennes, la Caisse arrive cette fois au 22e rang. Bon. Ce n'est pas, quand même...

Maintenant, on dit aussi ceci: «Quoiqu'il en soit, si on compare ce rendement de la Caisse, l'équipe de gestion fait-elle meilleure figure sur cinq ans? Pas facile à déterminer car le rendement affiché pour cette période, qui est 8,5 %, ne fait pas la distinction entre les actions américaines et les actions des autres pays.» Mais, la conclusion de l'article, ici, c'est que «quoi qu'il en soit, si on compare ce rendement de la Caisse avec la performance des actions américaines des 32 caisses de retraite, l'équipe de gestion de la Caisse de dépôt arrive à la queue, dernière. Et si on compare ce rendement, 8,55 % du portefeuille d'actions étrangères de la Caisse, avec la performance des 23 caisses qui géraient un portefeuille d'actions internationales, la Caisse arrive encore à la queue, dernière.»

Alors, il dit: «Est-ce que c'est la faute aux titres québécois si la Caisse a tant de problèmes à se classer parmi les autres caisses de retraite?» Alors, on dit: «Absolument pas. D'ailleurs, il est opportun de rappeler que le sous-portefeuille d'actions de la Caisse le plus rentable en 1996, soit 31 %, fut celui des PME, lequel renfermait une forte proportion de titres québécois.

«Autre point important, la place des actions des compagnies québécoises dans le gigantesque portefeuille d'actions de la Caisse est relativement modeste. Les titres québécois représentent en effet à peine 15,4 % de l'ensemble du portefeuille d'actions de la Caisse, soit 4 000 000 000 $ sur un portefeuille de 26 000 000 000 $.»

Mais on dit également, et il faut le souligner, M. le Président, que, en ce qui concerne les obligations, la Caisse performe bien. D'ailleurs, en général, elle performe mieux que l'indice. En 1996, elle a un rendement de 12,7 %. Pour la période de cinq ans, son rendement a atteint 11,1 %. Cela permet à la Caisse d'obtenir la 7e place sur 50 caisses sur un an et la 17e sur 41 caisses sur cinq ans.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte, c'est intéressant, ce que vous dites, mais ça fait 15 minutes que vous utilisez, donc je ne peux pas laisser juste cinq minutes au président pour répondre à tout ça.

M. Bourbeau: Non, je comprends, M. le Président, mais vous comprendrez qu'on parle de rendement et que vraiment je suis au coeur du problème. On a la Caisse...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): J'en conviens, je vous dis que c'est intéressant, ce que vous dites, mais, moi, il faut que je protège le temps de parole des autres.

M. Bourbeau: Très bien, M. le Président, je comprends. Je termine en disant ceci: La Caisse nous dit qu'au cours des six derniers mois ça va beaucoup mieux qu'au cours de l'année 1996, parce que, en fait, on nous donne 12 mois: six mois de l'année 1996 et les six premiers mois de l'année 1997. C'est vrai que ça va mieux, ça va mieux pour tout le monde, d'ailleurs, pas seulement pour la Caisse. Mais, si on regarde les statistiques sur une période d'année avec les chiffres officiels, vérifiés, on se rend compte que les rendements de la Caisse ne sont pas très bons, si on les compare à l'ensemble des caisses diversifiées au Canada. Ça, c'est un constat qui est inéluctable, M. le Président, et il faudra en tenir compte. Merci.

(10 heures)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le président de la Caisse de dépôt.

M. Scraire (Jean-Claude): M. le Président, je vais réserver pour la fin peut-être la question des frais d'administration, qui est un peu éloignée des rendements mais qui a été abordée pour la deuxième fois par le député de Laporte. J'aimerais qu'on rectifie un peu les choses là-dessus et je vais demander à M. Rémillard, tantôt, de le faire.

J'aimerais d'abord parler des actions canadiennes. Les actions canadiennes, la Caisse a eu une très mauvaise année en 1993 par une décision: elle était absente du domaine de l'or. Une très mauvaise année où elle a fait à peu près 700 points de base sous l'indice, en 1993. Alors, à chaque fois qu'on parle des statistiques sur cinq ans, dans le domaine des marchés boursiers canadiens, évidemment qu'on continue à avoir cette statistique-là dans nos chiffres. C'est une réalité, il faut vivre avec, qu'en 1993 il y a eu une mauvaise année. Cependant, à un moment donné, il faut savoir que c'est juste une année qu'on traîne aussi, juste une année de sous-performance, et que, quand on prend le reste, à ce moment-là ça devient très positif.

Tantôt, vous évoquiez les chiffres de l'année 1996, où on avait fait un petit peu moins que l'indice de la bourse, l'indice TSE 300. C'est exact. Mais on a eu l'occasion d'en discuter lors de la commission des crédits, je vous avais dit aussi: C'est un portrait au 31 décembre; il faut se méfier des portraits sur de trop courtes périodes de temps. Aujourd'hui, on vous reparle, on est six mois plus tard et nos gens surperforment l'indice, et de façon considérable. J'ai ici 30 mois, le 30 mois dont l'équipe actuelle est imputable, et, sur les marchés canadiens, actuellement, on surperforme l'indice de 150 points de base sur 30 mois. On a 22,53 de rendement contre 21 pour l'indice TSE 300. Et peut-être qu'au mois d'octobre on va sous-performer. C'est quand même très important de constater que c'est volatil, ces choses-là.

Alors, selon qu'on prend un portrait une journée ou une autre journée, ça peut être différent. Mais, pour l'instant, retenons que, pour 12 mois et pour 30 mois, on surperforme l'indice, donc, sur les marchés canadiens. Sur la période de cinq ans, je ne peux pas vous dire autre chose que de dire que l'année 1993 a été mauvaise. Donc, toutes les statistiques, aussi longtemps qu'on va traîner 1993, les statistiques vont être plus difficiles.

Sur les actions américaines, on a effectivement eu... Comme le disait M. Nadeau tantôt, sur l'ensemble des actions internationales, on a une bonne performance. Les actions américaines, on a constaté, en 1995-1996, certaines difficultés et on a pris les mesures là-dessus, de sorte que le portefeuille, aujourd'hui, d'actions américaines, il est en grande partie indiciel, et il est géré par des gestionnaires externes en grande partie aussi, et on a des gestionnaires internes aussi. Donc, on emploie différents moyens pour bien faire sur les marchés américains. Mais, comme le disait M. Nadeau également tantôt, 80 % au moins des gestionnaires sur le marché américain ne font pas l'indice pour des raisons... Mais, un jour, ils vont le dépasser, l'indice, ça serait dans la logique des choses, enfin, espérons-le. Alors donc, sur les actions américaines, où effectivement c'est difficile... Puis je pense qu'on a pris des mesures, à la Caisse, pour améliorer la performance de sorte qu'on soit satisfaits de nos rendements. Nous-mêmes, on ne l'est pas. On ne l'était pas, mais on a pris des mesures et on a fait des changements de gestionnaires, ajouté des nouveaux gestionnaires, ce qui a aussi un impact sur les frais d'administration. Quand on a des gestionnaires externes, par exemple, ça coûte beaucoup plus cher, évidemment, que nos gestionnaires internes. Mais, si ça rapporte, ça vaut la peine. Alors, c'est ce que j'aurais à dire sur les actions américaines.

M. Nadeau, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Nadeau (Michel): Bien, j'ajouterais, moi... Juste si on regarde le rendement des actions canadiennes, lorsqu'on mentionne que la Caisse fait à peu près le rendement... Non, l'autre acétate, s'il vous plaît, le tableau Actions canadiennes . Lorsque vous dites que la Caisse fait à peu près le rendement, moi, je crois que... Si la Caisse fait 3 % de plus, c'est 450 000 000 $. C'est 450 000 000 $ qu'on ajoute aux Québécois, 3 %, sur les 12 derniers mois. Donc, 33 et 30, là, ce n'est pas pareil.

M. Bourbeau: Non, non, je comprends.

M. Nadeau (Michel): C'est 3 % de plus.

M. Bourbeau: Oui, je suis d'accord.

M. Nadeau (Michel): Ce n'est pas l'indice.

M. Bourbeau: Oui, mais vous avez fait...

M. Nadeau (Michel): Et si on regarde, si je reprends les chiffres de M. Girard. M. Girard a publié récemment Comment va votre caisse de retraite? en prenant, encore une fois, l'échantillon Sobeco. Nous avons fait le calcul avec l'échantillon Sobeco selon les mêmes paramètres que M. Girard, en prenant trois ans. Là, lorsqu'on regarde le rendement de la Caisse, en montrant les acétates, on voit que la Caisse, au niveau des obligations... on est les troisièmes au Canada au chapitre de la gestion des obligations. Ça, je pense qu'on s'entend bien. Du côté des actions, on est au 15e rang. On est parmi les meilleurs gestionnaires d'actions, privés et publics, au Québec, sur une période de trois ans. Si vous voulez, j'ai ici l'échantillon Sobeco au 30 juin pour la période de trois ans.

Donc, la Caisse, dans le domaine de la gestion de portefeuille... Ce qui est important pour un gestionnaire de portefeuille, c'est de durer. Au Canada, pouvez-vous nommer un bon gestionnaire? Est-ce qu'il y a une personne au Canada, qui vous vient à l'esprit, qui est un excellent gestionnaire d'actions? Il n'y en a pas beaucoup parce qu'ils n'ont pas duré. On avait une vedette, par exemple, dans la gestion de portefeuille, Altamira, Frank Mersch. Frank Mersch, 1990–1994, c'était la vedette. Mais, malheureusement, il n'a pas duré.

Si on revient au rendement de la Caisse au cours des 10 dernières années... On peut jouer avec des périodes de trois ans, d'un an, de cinq ans. C'est l'ensemble du marché – les études le montrent – l'ensemble des gestionnaires fait l'indice. La question: Sur une longue période, est-ce qu'on le fait, l'indice? Si vous regardez sur une période de 10 ans, on fait 9,17 % versus 8,77 %, ça veut dire 50 points de base, ça veut dire 75 000 000 $ de plus par année sur une période de 10 ans. C'est là qu'on voit: Est-ce qu'un gestionnaire est capable de durer sur une longue période, de faire mieux que l'ensemble du marché, que l'ensemble de ses pairs? En ce sens-là, je pense que la Caisse a une performance, parmi les gestionnaires publics et privés au Québec et au Canada, qui est extrêmement enviable.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que ça complète les réponses? C'est parce que vous avez dit que vous reviendriez après.

M. Scraire (Jean-Claude): Peut-être quelques mots sur les frais d'administration, étant donné que le sujet a été abordé. Je pense que ce serait bon qu'on en parle un peu. Globalement, ce que je peux vous dire là-dessus, c'est qu'on a une préoccupation. Quand je vous parlais hier des six éléments principaux de notre plan d'action en 1995, le contrôle des coûts d'exploitation était l'un de ces six sujets-là. Donc, c'est un sujet qui fait l'objet d'une grande préoccupation chez nous constamment.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je l'ai dit tout à l'heure, je vais vous laisser le temps parce que M. le député de Laporte a pris 15 minutes pour poser ses questions, ça fait que je suis prêt à vous laisser un temps égal pour y répondre.

M. Scraire (Jean-Claude): Alors, c'est M. Rémillard qui pourrait parler un peu plus de façon précise des frais d'exploitation.

M. Rémillard (Serge): O.K. Alors, dans la comparaison des frais d'administration, je pense aussi qu'il faut être prudent dans la façon dont on peut interpréter des chiffres. Nous, à toutes les années, il y a une sommité dans l'évaluation des caisses, des 15 plus importantes caisses nord-américaines, incluant six canadiennes et neuf américaines. Il y a là une façon scientifique de prendre des données et de les comparer. Lorsqu'on compare la Caisse avec les 15 plus grandes caisses, nos frais d'administration sont 20 % inférieurs au cours des trois dernières années. Si on le prend en points de base, c'est 12,9 versus 15,2 pour le «benchmark cost». Ça inclut CALPERS, Florida State, Hospitals of Ontario, Maryland State, New Jersey, New York, Ohio, OMERS, Ontario Teachers', province de l'Alberta, province de la Colombie-Britannique, l'État du Wisconsin, etc.

Si on le prend sur le budget de Caisse, depuis quatre ans, depuis 1994, nos budgets de gestion interne sont passés respectivement, incluant les traitements, les avantages sociaux, etc., de 35 600 000 $ pour gérer 67 000 000 000 $... l'année suivante, 35 800 000 $; l'année d'après, 35 300 000 $, une diminution; et, cette année, 36 400 000 $. C'est évident qu'on peut ajouter la gestion externe. On a développé la gestion sur les marchés... par exemple les marchés émergents, mais on donne, nous, des mandats à l'extérieur et on les suit, au niveau des frais. Cette année, on a renégocié ces frais-là à la baisse compte tenu de, je dirais... au niveau de la compétition internationale, et on a pu retrancher pratiquement 300 % des frais avec des externes en les mettant en compétition. Alors, ils sont avantageusement comparables, les frais de la Caisse, avec son marché de référence.

(10 h 10)

Et c'est la même chose au niveau des placements privés. Lorsqu'on compare le placement privé de la Caisse à son industrie, on peut dire qu'ils sont à peu près, compte tenu des sommes gérées, à peu près à 50 % de son industrie. Alors, ce sont toutes des données que nous avons concernant la comparaison sur les frais de la Caisse par rapport à son marché de référence. Donc, il faut tenir compte d'un ensemble de données pour la comparer, et, nous, on l'a fait faire par des gens de l'externe, qui le font depuis sept ans pour la Caisse, incluant les neuf plus importantes maisons américaines et canadiennes. Alors, voilà.

M. Scraire (Jean-Claude): M. le Président, l'une des personnes les plus avisées dans ces questions-là, c'est M. Keith Ambachtsheer, de Toronto. J'en profite pour vous dire qu'on a à la disposition de la commission ce que j'appellerais un vidéo de sept minutes, qui est le vidéo qu'on présente aussi bien à nos employés, à nos déposants, quand on veut faire un sommaire de la Caisse, présenter ses différentes facettes. Ça dure sept minutes. À l'intérieur de ça, M. Ambachtsheer traite de la question des frais... enfin, de la performance de la Caisse et de son efficacité. Si ça intéresse les membres de la commission...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Très bien, on va regarder, visionner le vidéo. Le temps ne sera pas pris sur aucun groupe parlementaire, bien entendu.

Une voix: ...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est ça, comme il n'en prend pas beaucoup.

(Présentation audiovisuelle)

(10 h 12 – 10 h 19)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien. Est-ce que vous avez des choses à compléter, monsieur?

M. Scraire (Jean-Claude): Non, je pense qu'on a traité des différentes questions du député de Laporte.

(10 h 20)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On vous remercie. Donc, j'accorde la parole au député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Moi aussi, j'aimerais ajouter ma voix à celle de mon collègue de Crémazie pour souligner l'excellence de vos rendements. Si, personnellement, je compare vos rendements avec certains rendements dans des fonds mutuels où j'ai investi des REER, je pense que je ferais mieux de vous confier ces fonds-là à vous autres.

Mais la question que je veux poser est plus d'ordre d'orientation. On peut discuter pendant longtemps des frais d'administration et de ces questions techniques là, tout dépend de la base de comparaison qu'on utilise, d'une part, et tout dépend également des périodes qui sont considérées. J'aimerais simplement en préambule relever un commentaire que vous avez fait, M. Scraire, quand vous avez mentionné l'année 1993 comme n'ayant pas été tellement bonne en termes d'actions canadiennes. Et je pense qu'à votre décharge il faut reconnaître que, si on regarde sur une période de cinq ans en cinq ans, par exemple la période de 1984 à 1993, selon un tableau comparatif qu'on a ici qui est tiré de 25 ans de comparaisons – ça s'appelle Rapport sur les statistiques économiques canadiennes 1924-1993 , des données qui ont été recueillies par l'Institut canadien des actuaires en 1994 – ça indique de toute façon qu'en 1993 la performance générale des actions canadiennes avait été relativement piètre par rapport à d'autres catégories d'actifs. Donc, à ce niveau-là, je pense que vous n'êtes pas à signaler particulièrement, à singulariser particulièrement.


Demande de déplafonnement du pourcentage d'actions

Il y a deux questions que j'aimerais vous poser. D'abord, la première. Vous avez mentionné que vous visez à faire sauter le plafond qui vous est imposé de mettre 40 % de votre actif au chapitre des actions. Ça me surprend un peu, cette demande, d'autant plus que M. Nadeau a souligné, d'ailleurs très éloquemment, tout à l'heure comment la Caisse, au chapitre de la gestion des portefeuilles d'actions, se situait parmi les meilleurs gestionnaires de fonds publics, d'une part, et, d'autre part, lorsque vous avez dit également tout à l'heure que, dans la gestion du portefeuille, vous exerciez... pour vous, la prudence était une dimension qui vous préoccupait énormément. D'ailleurs, ça ressort également dans le vidéo que vous nous avez montré.

Quand on examine les différentes catégories d'actifs et les différents titres, c'est évident que les actions de quelque nature que ce soit sont plus spéculatives sur une gamme plus ou moins vaste que les titres obligataires. D'ailleurs, la même récapitulation des performances de différentes catégories d'actifs dont j'ai fait mention tout à l'heure montre bien que, sur une période de 25 ans, le rendement des obligations à terme, des hypothèques, des bons du Trésor, des actions américaines ou des actions canadiennes se compare très avantageusement. Alors, dans un contexte comme celui-là, comment expliquez-vous ce désir ou cette demande de déplafonner le pourcentage d'actions? 40 % d'actions dans un portefeuille, c'est quand même déjà assez important! Je ne sais pas si vous avez ici les mêmes règles qu'aux États-Unis, où les compagnies d'assurances ou les compagnies qui gèrent des fonds publics d'importance sont limitées en termes pas seulement de pourcentage, mais en termes de types d'actions. Habituellement, elles sont confinées à ce qu'on appelle communément les «blue-chips». Ici, à ma connaissance, la seule règle que vous avez, c'est une règle d'investissement maximal de combien? 1 %? En tout cas, une règle de ne pas investir plus qu'un certain pourcentage dans une entreprise en particulier. Bon. Ce n'est pas aussi étanche, ça, que de limiter les actions à certains types, à certaines catégories de compagnies très, très réputées.

Alors, quand on regarde tout ça, est-ce que vous ne pensez pas que, à l'intérieur du plafond des 40 % que vous avez à l'heure actuelle, vous pouvez très bien continuer à gérer la Caisse avec un rendement très adéquat, comme celui que vous nous avez mentionné, tout en maintenant une saine prudence qui fait partie également de vos objectifs?

Puis je vais énumérer tout de suite ma deuxième question parce qu'elle est un peu rattachée à ca. Vous avez mentionné tout à l'heure les produits dérivés. D'ailleurs, dans le vidéo, on en faisait mention, surtout sur le parquet de la Bourse de Montréal. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste ces produits dérivés là et quel est leur niveau de risque par rapport aux titres obligataires?

M. Scraire (Jean-Claude): Concernant la question de la levée du pourcentage maximal d'actions que la Caisse peut détenir, je dirais qu'il faut regarder en avant aussi, puis ça dépend du contexte économique qu'on entrevoit pour les prochaines années dans les pays industrialisés. Est-ce qu'avec toute la question... de la façon dont les gouvernements travaillent, en réduisant leur déficit, en réduisant leur dette, toute les économies sont tournées plus sur les entreprises que sur les gouvernements... Même aujourd'hui, les projets d'infrastructures, de plus en plus, c'est le privé qui fait ça, ce n'est plus les gouvernements. Aux États-Unis, par exemple, au niveau des écoles, au niveau des hôpitaux, la privatisation est très, très forte. Alors, une grande partie de ce qu'on pourrait appeler les infrastructures d'une société passe au privé, ce qui fait que les besoins de financement des gouvernements baissent constamment. C'est une grande tendance que l'on voit, qui s'accentue, puis on dit: Bien, on ne voit pas que ça va diminuer. De sorte que, si les gouvernements ont moins besoin d'argent, ils vont payer moins d'intérêts. Donc, c'est un véhicule qui peut – mais tout se rejoint dans la vie – avoir tendance à être moins performant pour les investisseurs.

On pourrait se tromper. C'est possible que ce raisonnement-là ne soit pas le bon. Mais, s'il n'est pas le bon, je dois vous dire qu'à peu près tout le monde se trompe actuellement, parce que, si on prend la moyenne des investisseurs, des grands investisseurs canadiens, ils ont 12 % de moins d'obligations que nous – il y a l'autre fiche. Mais parlons des actions, il faut dire que c'est un vase communicant, alors ils ont moins d'obligations puis ils ont plus d'actions. J'avais un tableau tantôt ici, le tableau précédent.

M. Gautrin: C'est le tableau du pourcentage d'actions, c'est ça?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est que je n'y vois rien, moi.

M. Gautrin: Bien, moi non plus.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est juste ça, le problème. Ça va.

Alors, les chiffres, c'est que, en moyenne, si on prend les SEI, les Top-40, les Top-100, les 15 pairs de l'environnement canadien, en moyenne, ils ont 12 % de plus d'actions canadiennes que nous – en moyenne. Ça veut dire que ça va de sociétés comme Teachers', qui sont à 75 %, mais on a une moyenne de 12 % supérieure. Et ça, ça ne comprend pas les actions internationales. En actions internationales, ils ont, en moyenne, 14 % de plus que nous, également. Alors, quand on totalise tout ça, ça leur fait une pondération en actions qui est nettement supérieure, qui est de l'ordre 50 %, 55 %, 60 %, en moyenne, encore là.

Alors, ce que je veux dire par là, c'est que peut-être que tous ces gens-là se trompent et qu'on aurait raison de penser que 40 % en actions, c'est suffisant, mais c'est un risque considérable pour les fonds que nous gérons que de faire ce pari-là. Alors, je pense qu'une saine vue des choses devrait nous amener à considérer l'augmentation, la levée de ce plafond-là. Ça ne veut pas dire pour autant qu'en tout temps on aurait 60 % en actions. Il est possible qu'à un moment donné les anticipations ou la façon de voir aujourd'hui... quand on dit que les obligations vont bien rapporter, il y a quand même des marchés qui sont efficients là-dedans. Alors, ça va se corriger à travers les cycles, puis tout ça. Donc, à certains moments, ça se peut que ce soit le temps de revenir à un portefeuille qui ressemble à celui qu'on a aujourd'hui.

(10 h 30)

L'important, c'est d'avoir la capacité, pour nos gestionnaires, pour les gens qui ont l'expertise de faire ces choix-là en fonction de l'information disponible, c'est d'avoir la capacité d'aller chercher la composition optimale, celle qu'ils pensent être à la fois prudente, relativement prudente, mais relativement, aussi, audacieuse, pour aller chercher le rendement. Si on ne le fait pas, la Caisse va quand même dégager des rendements convenables, mais elle ne dégagera pas, à mon sens, les rendements optimaux qu'on lui demande de dégager. On va pouvoir continuer à travailler indice contre indice, marché contre marché; ça, on va toujours pouvoir continuer à faire ça, mais, si dans la composition même de l'actif on n'est pas exactement à la bonne place, bien, il ne faudrait pas à ce moment-là attendre de la Caisse qu'elle se compare avec ses pairs qui, eux, ont la possibilité de prendre les véhicules de placement les plus performants. Or, c'est un peu le choix. Mais on va quand même générer des rendements convenables mais profondément marqués par le comportement des types de dettes, ce qu'on a fait quand même depuis 10, 15 ans, quoique le plafond ait augmenté en 1992, comme je le signalais tantôt.

Sur les produits, M. Nadeau, vous avez quelque chose à ajouter.

M. Beaulne: Avant de passer aux produits dérivés, j'aimerais réagir à ce que vous venez de dire. Ça, c'est une question de philosophie, dans le sens que ce sur quoi vous vous basez comme étant l'évolution des projets d'infrastructures, ainsi de suite, c'est une opinion de laquelle on peut diverger. Mais il reste quand même une chose, c'est que, tant et aussi longtemps que des projets économiques sont conduits par des entreprises privées par rapport à l'État, la catégorie de risque n'est pas la même. Et j'en donne comme preuve – je ne suis pas un gestionnaire de fonds, je suis un banquier... Alors, dans le domaine international, par exemple, vous savez très bien que, lorsque les banques canadiennes faisaient des prêts aux pays du tiers-monde, en particulier aux pays d'Amérique latine, et que ces prêts étaient faits en grande partie... les banques qui avaient fait des prêts, ce qu'on appelle les prêts souverains, c'est-à-dire aux entreprises d'État... n'étaient pas considérés par l'Inspecteur général des banques aux termes des prises de provisions pour pertes comme des prêts qui étaient faits aux entreprises privées de ces pays-là, même si ces entreprises-là étaient parmi les cinq entreprises les plus importantes ou les mieux cotées du pays.

Donc, ce n'est pas vrai de dire que le risque est équivalent de transférer le développement économique entre les mains d'une entreprise privée ou d'une entreprise d'État. Alors, si vous invoquez ça comme argument, c'est donc dire que vous sacrifiez un élément de prudence dans l'investissement de titres de ce genre-là à long terme.

Deuxièmement, vous nous avez distribué le texte de Jean Lesage au début de vos échanges, hier, où Jean Lesage disait très bien – vous l'avez répété vous-même – que la Caisse ne doit pas seulement être envisagée comme un fonds de placement au même titre que tous les autres, mais comme un instrument de croissance. Parce que, si on considérait la Caisse strictement comme un fonds comme les autres, à ce moment-là, on peut soulever tout le débat de la division de la Caisse, du morcellement, du fractionnement de la Caisse, selon les types d'activité ou de placement qu'elle veut faire, ce à quoi, nous, on s'objecte, et je pense bien que vous autres aussi.

Alors, la question du déplafonnement, moi, je ne suis pas convaincu du tout que ça va permettre de maximiser les rendements tout en maintenant le même niveau de risque, on s'entend bien, tout en maintenant le même niveau de risque et de prudence que vous avez à l'heure actuelle, d'une part, et, d'autre part, les barèmes ou les balises qui pourraient gérer vos placements, à ce moment-là, ne sont pas tellement tellement clairs non plus. J'ai mentionné ce qui se fait aux États-Unis dans certains cas; ça n'a pas l'air de s'appliquer ici. Donc, quelles seraient les balises? Est-ce que ce serait laissé strictement à la discrétion des gestionnaires? Et il y a des banques qui ont perdu de jolies sommes en laissant, justement, des gestionnaires, comme ça, avoir libre cours, en particulier sur les marchés monétaires qui ont perdu. Je me rappelle, ma propre banque, on avait perdu 45 000 000 $ d'un coup sec, là, à New York, avec une erreur d'un bonhomme sur le marché des fonds monétaires, les marchés monétaires internationaux.

Donc, à ce niveau-là, il reste qu'on veut bien considérer cette option-là, mais encore faut-il qu'elle soit présentée de façon objective, en juxtaposant le risque, le rendement souhaité, la mission économique de la Caisse et les balises qui seraient imposées aux gestionnaires. Mais la façon dont c'est présenté – peut-être que vous avez déjà songé à ça – mais la façon dont ça nous est présenté, comme ça, sur la table, en vrac, ce n'est pas évident, d'une part.

M. Nadeau (Michel): Je pense que vous avez raison, qu'il y a un équilibre entre le rendement et le risque. Nous, comme le montre le tableau ici, c'est que, de tous les grands gestionnaires canadiens, nous sommes celui qui a le moins d'actions et celui qui a le plus d'obligations. Or, lorsqu'on nous compare un jour avec Teachers' ou avec d'autres, il faut tenir compte qu'on a ce faible... Ce qu'on dit, c'est qu'avec les corrections qui s'en viennent dans les marchés boursiers – il va y avoir des corrections – il y aura peut-être des opportunités à saisir. La beauté de la globalisation, c'est qu'on peut aujourd'hui saisir des opportunités à l'échelle de la planète, et il faut être prêt, il faut être prêt à avoir cette flexibilité d'améliorer un peu le poids des actions pour peut-être nous rapprocher de la moyenne.

Mais je suis d'accord avec vous que, au niveau du risque, quand une caisse prend 70 % – je vois, aux États-Unis, 80 %; certaines caisses de retraite d'État prennent 80 % en actions – vous avez raison de dire: C'est un risque qui est démesuré. Advenant une correction du marché, je ne sais pas comment les gens vont payer les prestations aux bénéficiaires à ce moment-là. Donc, ce qu'on veut, c'est améliorer, si vous voulez, avoir la flexibilité à l'intérieur de contraintes qui seront à déterminer pour être capable de saisir les opportunités et améliorer davantage nos investissements dans les entreprises québécoises, dans les actions de compagnies québécoises, compagnies canadiennes, compagnies internationales, en tenant compte naturellement qu'au niveau du marché obligataire on demeure très près du ministère des Finances, des besoins d'emprunt de la province, et, s'il y a des besoins d'intervention, s'il y a une activité à faire à ce niveau, la Caisse est toujours un investisseur dynamique et qui cherche à saisir les bonnes opportunités, les bonnes occasions.

M. Beaulne: Si je reviens au tableau récapitulatif des 25 dernières années, ce que ça démontre en fait, c'est que le rendement de cinq catégories d'actifs... puis je vous les mentionne: il y avait les actions américaines, les obligations à long terme, les hypothèques, les bons du Trésor et les actions canadiennes. Vous ne l'avez probablement pas là, vous voyez, c'est pas mal... ça correspond pas mal sur une base de 25 ans. Donc, la question qu'on se pose, c'est: À l'intérieur – bien, vous l'avez... À l'intérieur du 40 %, ce que vous nous dites, c'est que vous n'avez pas assez de marge de manoeuvre pour prendre avantage des...

M. Scraire (Jean-Claude): Des cycles, parce que...

M. Beaulne: Bon, des opportunités ponctuelles qui peuvent surgir. Mais, nous, quand on regarde ça à long terme, ayant la préoccupation de maintenir, de protéger les fonds publics également puis que la Caisse ait de l'argent pour payer les prestataires, on se dit: Bon bien, si on regarde ça sur une période de 25 ans, qui est une période de temps normale, on s'aperçoit qu'il n'y a pas le diable de différence en termes de rendement. Alors, enfin, on voit difficilement à l'heure actuelle pourquoi est-ce qu'il faudrait déplafonner ça sans avoir d'autres balises d'introduites dans la gestion.

M. Scraire (Jean-Claude): Mais il y a de longues périodes, mettons cinq ans, six ans – c'est rendu de longues périodes, ça, cinq ans, six ans – de longues périodes où, par exemple, les obligations vont être nettement plus favorables que les actions, et d'autres périodes où c'est l'inverse.

Alors, pensons un instant au déposant, au fonds de pension qui est géré, aux cotisants dans ces fonds-là. Et nous, notre rôle, c'est de leur apporter, pour chacune des périodes, pas juste que statistiquement au bout de 25 ans on a fait la même chose, mais c'est qu'au fur et à mesure où les gens accumulent leur richesse dans ces fonds-là on aille chercher, selon les bonnes périodes, les meilleurs rendements disponibles. Parce que peut-être que sur 25 ans c'est égal, mais, si on a fait les bons choix par période de cinq ans, 10 ans, peut-être qu'on va aller chercher 50 points de base de plus ou 100 points de base de plus sur l'ensemble de la période. Alors, c'est très important pour le cotisant, celui dont on gère le fonds de pension, que ce soit la Régie des rentes, ou la CSST, ou peu importe, et lui... Ce n'est pas indifférent pour ces organisations-là que... je veux dire, le premier critère pour eux, ce n'est pas juste le 25 ans, c'est, pendant toutes les périodes, d'aller chercher le meilleur rendement.

M. Beaulne: Je comprends.

M. Scraire (Jean-Claude): Parce que eux n'investissent pas théoriquement, là.

M. Beaulne: Oui, mais ça marche des deux côtés, surtout quand on parle de la Bourse, et puis les pages financières spécialisées, vous les avez sûrement lues au cours des derniers mois, en tout cas, pendant cet été on voyait ça, les gens faisaient allusion: Est-ce qu'il pourrait y avoir un autre krash boursier? Des gens disaient: Non, ça ne peut pas se produire, pour telle raison structurelle, et ainsi de suite. Il y a quand même un débat autour de ça, puis il y a toujours une espèce d'épée de Damoclès concernant les marchés boursiers. Alors, quand vous avez la possibilité d'investir jusqu'à 40 % de votre portefeuille, de vos actifs, en actions, c'est déjà quand même pas mal important.

(10 h 40)

M. Nadeau (Michel): Moi, je pense que... Lorsque vous avez pris, ici, le tableau, c'est évident que, durant les années quatre-vingt, les obligations, à cause de cette baisse spectaculaire des taux... la première fois depuis le début du siècle qu'on a vu une baisse de 12 % des taux d'intérêt en moins de huit ans, alors ça favorise les obligations. Mais vous voyez à l'écran ici une répartition de l'actif. Si on avait, en janvier 1966, mis 1 000 $, 80 % en obligations et 20 % en actions québécoises et canadiennes; 80 % en obligations, 20 % en actions, ça aurait donné 27 884 $. Si on avait fait l'inverse, 80 % en actions canadiennes et 20 % en obligations, 47 158 $. Donc, sur une période de 30 ans, vous avez raison de dire: Il y a plus de risque, il y a plus de volatilité. Il faut bien choisir le moment où on rentre dans un marché d'actions, et c'est pour ça qu'il n'est pas acquis qu'il faille acheter le Standard & Poor's aujourd'hui ou demain matin, parce que le niveau, comme on l'a mentionné, est très élevé. Mais, à très long terme – toutes les études convergent dans tous les pays – les actions, parce qu'elles sont légèrement plus risquées, elles rapportent plus que les obligations.

M. Scraire (Jean-Claude): Mais vous avez raison, c'est la rémunération du risque, d'un risque additionnel. Alors, les actions, à long terme, rapportent un peu plus parce que, effectivement, dans des sociétés industrialisées comme le Québec, le Canada et les États-Unis, le risque du pays n'est pas vraiment existant, alors que les entreprises ont toujours un certain risque. Un investisseur qui a le choix entre pas de risque en obligations et un peu plus de risque dans des actions de compagnies, s'il est pour avoir le même rendement, il va aller dans ce qui n'est pas risqué. Il va aller en obligations. Pour qu'il aille dans les actions, il faut vraiment qu'il s'attende et qu'il obtienne un rendement supérieur. Alors, c'est ce qui fait qu'effectivement il y a un risque un peu plus élevé, dossier par dossier, par entreprise, même par marché aussi, parce que c'est plus volatil. Mais, sur le long terme, la théorie, c'est que le rendement va être supérieur, et les chiffres du passé l'établissent aussi.

M. Beaulne: Puis simplement quelques mots sur les produits dérivés.


Gestion de produits dérivés

M. Nadeau (Michel): Les produits dérivés sont des produits des contrats financiers qui sont reliés à la performance soit d'une matière première – ça peut être l'aluminium, le cuivre, l'or, le jus d'orange, le café, le sucre – mais surtout des rendements de marchés boursiers et de taux d'intérêt. Or, la Caisse utilise des produits dérivés. On peut utiliser les produits dérivés pour réduire ou augmenter le risque. Nous utilisons des produits dérivés pour réduire le risque dans une proportion de 98 % environ. Il y a 2 % où, des fois, on veut aller rapidement. On pense qu'un marché... le marché français, mettons, suite à une mauvaise nouvelle, corrige beaucoup. Vite on veut prendre une position dans le marché français; on achète des contrats à terme sur le CAC 40, 91 jours, et on va profiter de la correction.

Donc, la Caisse de dépôt... et c'est une activité qui, l'an passé, a été très rentable. Nos activités dans les produits dérivés sont des activités payantes qui réduisent le risque. Or, et d'ailleurs je dois le souligner, comme le mentionnait Mme Toïgo, Mme Toïgo qu'on voit dans le court métrage, qui est la responsable de la coordination des 50 plus grosses caisses de retraite aux États-Unis, et, à tous les ans, on invite la Caisse à venir participer aux travaux de cet organisme-là parce que la Caisse est reconnue comme gestionnaire de produits dérivés, de gestion du risque. Nous avons été choisis par la firme Northern Trust, le troisième plus gros fiduciaire gardien de valeurs aux États-Unis, pour un projet de gestion de produits dérivés et de contrôle du risque. Or, la Caisse de dépôt et ses gestionnaires ont une réputation principalement, je dois dire, aux États-Unis dans ce domaine qui contribue à réduire le risque et à améliorer nos rendements.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, MM. les représentants de la Caisse et également le député de Marguerite-D'Youville. Et la parole sera au député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je comprends que, quand on voit un verre à moitié plein, on peut dire qu'il est à moitié vide ou à moitié plein. Je vais quand même regarder du côté à moitié vide. Si je me fie aux chiffres que vous avez déposés, et je ne regarde pas le tableau que vous avez fait parce qu'il inclut 1997, ce qu'on a étudié, nous, c'était votre rapport d'activité de 1996... Et je vais le faire sur une période de 10 ans. Vous comprenez bien, et on est d'accord là-dessus, que regarder sur une seule année, c'est un peu fausser, de regarder l'évolution d'une caisse. Alors, je regarde sur 10 ans et, évidemment, les documents que vous nous avez donnés, c'était sur 1987-1996, qui était la période de 10 ans. Bon, la Caisse se situe un peu en dessous de la moyenne des indices sur une période de 10 ans. Ce que je peux vous dire, si vous voulez, sur les obligations, sur une période de 10 ans, vous êtes à 11,3...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Habituellement, vous avez une voix qui porte, puis là on a de la difficulté à vous comprendre.

M. Gautrin: Alors, c'est le micro. Est-ce que c'est correct?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): J'espère que ce n'est pas parce que je prends de l'âge. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Là, il y a un problème de voix. D'habitude, je suis... C'est rare qu'on me pose cette question-là.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, oui, je sais.


Mesures d'amélioration du rendement du portefeuille américain

M. Gautrin: Alors, sur une période de 10 ans, les obligations, vous êtes à 11,3. Si je regarde sur une période de 10 ans, vous êtes légèrement plus supérieur que le ScotiaMcLeod moyen, qui est à 11,1.

Sur les actions canadiennes, les TSE... Vous avez donné ça; je vous lis les pages 8 et 9 de votre rapport d'activité. Sur les actions canadiennes, vous êtes à 10,3. Le TSE varie; le TSE 100 à 10,4, légèrement supérieur; le XXM Montréal était à 10,6; le TSE 300 à 10,1. Vous êtes soit en dessous, soit un peu légèrement en dessous de la moyenne.

Sur les actions – on va parler des actions étrangères, à ce moment-là, parce qu'à l'époque on ne faisait pas de distinction entre les actions américaines et les actions étrangères – là vous êtes nettement en dessous.

Je fais ça pour nuancer un petit peu le concert de... Je trouve que, bon, la Caisse a une performance honnête, parfois au-dessus de la moyenne, parfois en dessous de la moyenne. Ma première question, c'est: Qu'est-ce que vous faites pour améliorer votre performance? Où vous êtes le moins performant, d'après moi, c'est sur le site des actions étrangères, qui est celui aussi, par contre, qui est le plus rémunérateur ou rentable.

M. Scraire (Jean-Claude): Sur les actions étrangères, disons que, comme le disait M. Nadeau tantôt, sur les actions autres qu'américaines, on n'a pas de difficultés de performance. On surpasse les indices de façon intéressante. Là où on a plus de difficultés, c'est sur les actions américaines...

M. Gautrin: Qui sont celles qui ont monté le plus.

M. Scraire (Jean-Claude): Qui sont celles qui ont monté le plus. Alors, ce n'est pas une consolation vraiment, mais on fait 28 % alors que le marché fait 30 %. Alors, il y a un des deux choix qu'on a faits là-dedans qui est bon, c'est d'être sur le marché américain.

M. Gautrin: Absolument.

M. Scraire (Jean-Claude): Parce qu'on apporte de la plus-value au portefeuille de la Caisse, on apporte de la plus-value au portefeuille d'actions canadiennes. Donc, ce choix-là, au moins, il faut dire qu'on a fait la première décision correctement.

Là où on a un peu plus de difficultés, c'est quand on arrive dans la gestion puis qu'on essaie de faire, nos gens essaient de battre le marché, de battre ou les compétiteurs ou les indices de marché. Et ça, si on regarde quelques années en arrière, c'est une difficulté qu'on a observée. Malgré les bons rendements, ils sont inférieurs au marché. Alors, les mesures qu'on a prises là-dessus, et ça, c'est une volonté de prudence, d'abord, c'est qu'on a augmenté le portefeuille indiciel. Alors, on se dit: Au moins pour une partie importante du portefeuille, on va faire l'indice. On ne se donnera pas comme objectif de dépasser l'indice sur l'ensemble du portefeuille si on n'est pas certain qu'on est capable de le faire sur une partie. Donc, on a mis une partie du portefeuille gérée indiciellement. Alors, l'acte de modestie qu'on fait en faisant ça, c'est d'accepter qu'on ne battra pas le marché. Mais, au moins, on va le faire.

Le deuxième élément, c'est qu'on a augmenté nos gestionnaires externes, le nombre de nos gestionnaires externes, pour leur dire: Bien, écoutez, vous autres, on a choisi ce qui semblait être les meilleurs aux États-Unis pour gérer les portefeuilles américains et on leur a donné des mandats. On paie pour ça. On paie, mais leur objectif, c'est de... et ça, c'est des choses qui se sont mises en place en 1995-1996, ce dont on parle.

(10 h 50)

La troisième mesure qu'on a prise pour améliorer le rendement du portefeuille américain, c'est que, de mémoire, je pense qu'on avait un gestionnaire sur le portefeuille qui faisait de la gestion interne d'une partie du portefeuille américain. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a augmenté notre nombre de gestionnaires. Donc, au lieu d'avoir un gestionnaire qui gère 1 000 000 000 $, mettons qu'on en a deux qui gèrent 500 000 000 $, de sorte que notre potentiel... au moins, on répartit notre risque de ne pas faire l'indice sur deux, puis notre potentiel de le surpasser, bien, il est aussi divisé en deux. Donc, c'est un geste, c'est une attitude de prudence qu'on a adoptée sur ce marché-là, mais tout en étant confortable sur le fait d'y être, et je pense que les rendements qui sont obtenus nous disent...

M. Gautrin: ...on vous aurait critiqués de ne pas y être.

M. Scraire (Jean-Claude): On serait critiqués de ne pas y être. Donc, on y est, puis il faut qu'on améliore notre performance. On a eu un gestionnaire, entre autres, à un moment donné, qui a eu des difficultés. Bon. Ça arrive dans une équipe qu'à un moment donné il faut remplacer des gens. On a fait des remplacements là où on avait des faiblesses. Je pense qu'actuellement, quand on regarde l'équipe de gestion, je suis confiant que les résultats... D'ailleurs, les résultats des 30 mois qu'on a devant nous aujourd'hui, c'est pour ça qu'on en parle aussi, c'est parce qu'il y a plusieurs mesures qui ont été prises pour redresser ou améliorer quand ça s'imposait. Donc, on en parle aujourd'hui, on vous donne l'heure d'aujourd'hui. C'est pour ça que les résultats de 30 mois aussi indiquent un net redressement ou, en tout cas, une amélioration, en tout cas au moins partielle de la situation.


Marché immobilier à l'étranger

M. Gautrin: Je continue mes questions. Vous êtes allés sur l'immobilier avec relativement peu de succès. Je reste toujours sur une période de cinq ans. C'est sûr que, si on pense à une période d'un an, vous allez me dire que c'est une période d'un an. Mais, sur une période de cinq ans, avec relativement peu de succès. D'après les documents qu'on a reçus, on vous a même vu aller dans l'immobilier à l'étranger, dans les pays comme l'Indonésie ou le Viêt-nam. Moi, j'ai une question à vous poser: Alors que c'est aussi peu rentable, si je puis dire, sur cinq ans, pourquoi aller dans l'immobilier à l'étranger?

M. Scraire (Jean-Claude): Si j'ai bien compris votre question...

M. Gautrin: Il y a deux questions à ce moment-là. La première question est une affirmation. C'est une affirmation. Vous avez une rentabilité négative sur l'immobilier sur une période de cinq ans. Je suis d'accord avec vous que, sur 1997, vous avez eu une bonne performance, mais, sur une période de cinq ans, vous avez perdu de l'argent sur l'immobilier. Je suis d'accord avec vous que le marché est volatil. La question qu'on se pose, c'est: Pourquoi aller aussi investir dans l'immobilier à l'étranger? Ça a toujours été un débat qu'on a eu ici autour de cette table à un moment, lorsque le Fonds de solidarité, par exemple, qui est aussi un fonds d'investissement, voulait aller sur l'immobilier à l'étranger. On se pose cette question-là. L'immobilier, déjà localement, c'est difficile de savoir ce qui se passe. Quand vous êtes rendus à surveiller vos propriétés en Indonésie ou au Viêt-nam, c'est un peu plus difficile. À moins que vous le confiez à un gestionnaire, je ne sais pas comment vous fonctionnez.

M. Scraire (Jean-Claude): Sur l'immobilier, d'abord, les résultats sur cinq ans qui sont encore négatifs, je pense que, normalement, ça devrait s'améliorer par rapport à nos pairs au cours des prochains mois parce que le fondamental de nos portefeuilles va apparaître un peu plus. L'autre élément qui est à considérer, c'est que l'immobilier est très cyclique. On le voit, on a fait 17 % de rendement dans les années quatre-vingt, alors qu'on a été négatif dans les années 1990-1995. À notre avis, l'immobilier, non seulement au Québec et au Canada, en Amérique du Nord, est un des instruments de placement des prochaines années, alors qu'on va connaître des taux d'intérêt relativement bas. Les marchés boursiers vont faire ce qu'ils ont à faire. Donc, l'immobilier va être une valeur un peu de bon rendement et un peu une valeur refuge. Donc, on pense que la décision d'y être est bonne.

Par rapport à l'international, d'abord, quand on parle des rendements sur cinq ans, ça ne contient que très peu de rendement étranger.

M. Gautrin: Ah bon!

M. Scraire (Jean-Claude): Ce n'est qu'au cours des deux dernières années à peu près qu'on a vraiment commencé à avoir un impact des investissements internationaux sur le portefeuille. Cet impact-là a été positif sur le portefeuille. Tout ce qu'on a investi à l'étranger en immobilier nous a rapporté beaucoup plus que notre portefeuille local, beaucoup plus. Ça a été un apport positif.

M. Gautrin: O.K.

M. Scraire (Jean-Claude): Vous mentionniez l'Indonésie, tantôt, le Viêt-nam, on n'a pas encore d'investissement sur ces marchés-là. Je souligne d'ailleurs, comme le député de Laporte nous parle souvent du Viêt-nam, qu'il y a des gens qui sont ici, et ça m'a surpris, hier, qui ont des projets immobiliers au Viêt-nam et qui sont conscients des difficultés que ça pose à la Caisse, cette difficulté parfois que les parlementaires ont d'accepter un certain type de risque. Parce que, au Viêt-nam, on a peut-être – je vais en parler très ouvertement – 30, 40 entreprises québécoises qui travaillent là. C'est un marché vraiment que la communauté québécoise a identifié parmi d'autres, à tort ou à raison. Probablement que c'est à raison, quand on regarde le potentiel de ce pays-là, mais c'est un pays difficile, et ça, tout le monde le comprend. Mais il y a quand même une quarantaine, peut-être plus, d'entreprises québécoises – d'autres pourraient vous le dire... Mais juste dans l'alliance Québec–Viêt-nam, je sais qu'il y a une trentaine, une quarantaine d'entreprises qui sont présentes là-dedans, les banques y sont aussi, les grandes sociétés et des très petites aussi.

De sorte que, quand on nous parle d'accompagner nos entreprises, de l'essor économique, tout ça, nous, on dit: Bien, si nos entreprises québécoises sont présentes sur un marché comme celui-là, regardons-le avec elles. C'est certain que ça commande un niveau de prudence élevé. Mais, dans la mesure où on pense qu'on le fait de façon rigoureuse... le Viêt-nam, par exemple, ça fait au moins trois ans, trois ans et demi que nous avons des gens qui apprennent à le connaître, qui travaillent l'immobilier, qui connaissent les joueurs. De plus en plus on a... J'ai vu une personne ici, qui est dans l'immobilier, ça fait trois ans et demi au moins qu'elle est au Viêt-nam. Donc, on développe de l'expertise sur ces marchés-là. L'objectif, c'est de pouvoir accompagner les entreprises québécoises qui y vont.

Et pourquoi y vont-elles? Là, on parle de l'immobilier, donc limitons-nous à ça, parce que, dans toutes celles qui s'intéressent au Viêt-nam, il y en a qui sont dans l'ingénierie, l'infrastructure, les télécoms; de tous les angles, les entreprises québécoises s'intéressent au Viêt-nam. Je dirais la même chose pour la Pologne. C'est deux pays qui sont nettement identifiés par les entreprises québécoises comme étant... où on crée une masse critique d'entreprises qui travaillent, où le Québec crée une masse critique d'entreprises qui travaillent là.

Alors, quel est le rôle de la Caisse là-dedans? Quel est le rôle de la Caisse? Si ce n'était de notre volonté d'appuyer les entreprises québécoises tout en faisant du rendement, de les appuyer, d'appuyer leur développement tout en faisant du rendement, on n'irait pas au Viêt-nam. Mais notre rôle, c'est d'appuyer l'essor de nos entreprises. Dans le domaine de l'immobilier et de la construction, vous connaissez la situation depuis deux, trois, quatre ans, au Québec, où il y a peu de marge de manoeuvre pour nos entreprises de construction, nos firmes d'ingénieurs, etc., de sorte que beaucoup se tournent vers les pays étrangers, que ce soit le Viêt-nam ou la Pologne.

Alors, nous, on se dit: Si on a l'expertise, puis ça se développe, de l'expertise, si on a de l'expertise, si on a les bons partenaires, québécois et étrangers et locaux, si les gens compétents pour décider ça pensent qu'ils ont identifié un bon projet, qu'il y a des chances raisonnables de succès et que ça va aider une entreprise québécoise à croître et, en plus, non seulement cette entreprise-là... Mais, quand on a une entreprise québécoise qui travaille dans de l'immobilier à l'extérieur, on lui demande – et c'est une exigence, ça fait partie de l'ensemble du «deal» – qu'il y ait une partie significative des biens et services qui vont être consacrés à ce projet-là qui viennent du Québec – significative. On a des projets qui marchent en Pologne avec plusieurs entreprises; 50 % de tout ce qui est investi là-bas dans les projets vient du Québec: des portes, des fenêtres, des matériaux.

Alors, c'est donc en conjuguant nos deux objectifs de rendement – parce que c'est aussi des marchés qui commandent des rendements élevés – que ça nous amène à dire: ça fait partie de la mission de la Caisse que d'y être. Je voudrais juste terminer là-dessus.

(11 heures)

Par ailleurs, c'est très difficile. Et je vous le dis franchement: quand j'ai constaté que les gens qui font affaire au Viêt-nam étaient ici hier puis je ne le savais pas, quand j'ai vu qu'ils étaient là, j'ai compris pourquoi. C'est parce qu'ils comprennent bien, ces gens-là, que les gestionnaires de la Caisse sont en grande difficulté d'autoriser des investissements au Viêt-nam à cause de l'immense critique qui peut résulter d'un seul échec. Un petit échec de 1 000 000 $ peut compromettre tout un travail. Et, dans la mesure où on sait, à la Caisse, que les parlementaires sont très inquiets de ça, nos gestionnaires sont d'une prudence telle que les gens qui sont dans le champ le sentent et ils disent: Coudon, voulez-vous y être ou vous ne voulez pas y être? Qu'est-ce que ça va vous prendre comme niveau de garantie? Est-ce que ça vous prend une garantie de la Banque du Canada pour aller faire un projet au Viêt-nam? Quel est le niveau de garantie qu'on va demander?

Alors, je signale ça pour que vous soyez conscients aussi de la portée de ce qui se dit ici, à l'extérieur – que ça soit dans un sujet comme celui-là ou dans d'autres – parce que ça a une portée sur nos gestionnaires et sur les autres entreprises. Alors, si tout le monde nous disait «la Caisse de dépôt n'a pas à jouer son rôle d'essor économique dans des projets avec des entreprises québécoises qui se déroulent au Viêt-nam», on arrêterait demain. On pourrait le faire. C'est un rôle d'essor économique et c'est la seule raison pour laquelle on va là. Comme en Pologne. Sinon, on peut faire des projets qui vont être plus conventionnels, puis il n'y aura pas d'essor économique, puis il n'y aura pas de difficulté.

M. Gautrin: Attendez un instant, parce que, moi, j'ai mal compris. Alors, votre intervention permet de préciser une chose. Quand on parle d'investissement immobilier, est-ce que vous parlez d'investissement où il s'agit de construire un bien immobilier – dans lequel vous êtes partie, évidemment, pour le financement du bien – ou il s'agit d'acheter un bien déjà construit, comme vous pouvez demain acheter un bloc à appartements... Alors, je comprends que s'il s'agit de construire, il y a un intérêt économique pour le Québec, etc. Est-ce que, quand on parle d'investissements immobiliers à l'étranger, ils sont liés à des projets de construction?

M. Scraire (Jean-Claude): Disons que pour la volonté et la raison d'y être, c'est la construction et le développement. En même temps, c'est un risque supplémentaire. Tout le monde en convient, on a le risque du projet en plus, mais c'est la raison d'y être. Parce que, quand on parle d'accompagner des entreprises de construction, des ingénieurs et tout ce qui peut en découler comme essor économique, ce n'est pas le fait d'aller acheter un hôtel à Hô Chi Minh qui va avoir un impact économique, mais peut-être de le construire, oui.

Ce qui peut arriver, par ailleurs... Quel est le rôle de la Caisse? Pourquoi on va venir nous chercher sur un projet d'hôtel à Hô Chi Minh, par exemple? Un pur exemple. Bien, c'est parce qu'on va s'attendre que peut-être pendant quelques années la Caisse va en conserver la propriété et le revendre à un moment donné. Donc, pour nos gens, ils doivent décider s'ils estiment qu'ils vont être capables de revendre cet hôtel qui aura été construit, dans lequel on sera partenaire avec d'autres; on ne fait pas de projets seul comme ça. Puis ça se peut qu'on soit obligé de le garder pendant quelques années. Ce n'est pas l'objectif, vraiment, mais ça fait partie du processus. Une fois qu'il est construit, il faut que quelqu'un soit là. Et les partenaires québécois, les entreprises québécoises qui sont présentes sur ces marchés-là n'ont généralement pas les reins pour porter un hôtel. Alors, il s'agit de voir si nous, ça peut faire partie... si on trouve que de le porter pendant trois, quatre ans, c'est raisonnable, puis, à ce moment-là, le vendre... Les objectifs, c'est toujours de sortir très rapidement quand on fait un investissement.

Si je regarde les dossiers qui sont actifs en Pologne, par exemple, c'est de la construction de résidentiel, de condo, de sorte que ça va au rythme... Si vous avez besoin d'une banque de 10 condos ou 10 unités résidentielles, les gens en construisent 10, les vendent; ils en construisent d'autres, les vendent. Et notre objectif, ce n'est pas de rester avec des condos en Pologne. On ne veut pas gérer des condos en Pologne.

M. Gautrin: Ça clarifie la question.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Monsieur, votre temps serait écoulé.


Politique de placement des fonds des principaux déposants

M. Gautrin: Je reprends sur la question que je n'ai pas posée hier parce que vous m'avez coupé mon temps. Il y a une question que je voulais poser hier, donc je vais pouvoir la poser maintenant. Il y a essentiellement cinq grandes personnes qui déposent de l'argent à la Caisse: la Régie des rentes, les fonds de pension gouvernementaux dans leur ensemble, et les trois petits – les trois petits ne sont que 10 % chacun – la CSST, la SAAQ et la CCQ. Il y a à la Caisse des fonds différents, c'est-à-dire les fonds 301, 302 jusqu'à 330, et puis il y a le Fonds général qui gère, à ce moment-là, les fonds de Régie des rentes et, si je ne m'abuse, de la Société de l'assurance automobile du Québec. Les autres sont répartis dans différents fonds.

J'ai deux questions à vous poser: les taux de rendement par fonds, si ma connaissance est exacte, et je crois qu'elle l'est, sont différents des taux de rendement moyens de la Caisse que vous nous avez présentés. Donc, est-ce que vous pourriez nous donner le taux de rendement de chacun des fonds - mais il n'y en a pas 107, il y en a une vingtaine - de la Caisse et du Fonds général, premièrement?

Deuxièmement, s'il y a des taux de rendement différents, c'est parce qu'ils avaient choisi des véhicules d'investissement différents pour chacun des fonds. Alors, qui prend cette décision? C'est ça que je veux savoir. Comment elle se prend? Quelle est l'interaction que vous avez avec le gestionnaire, soit du fonds de pension, soit de la SAAQ, soit de la CCQ, quel est leur input là-dedans?

Et, troisième élément, est-ce que, pour le Fonds général, le ministre des Finances, ou le premier ministre, ou le gouvernement, a un élément dans la politique de gestion?

Et, quatrième question, quel est le rôle du conseil d'administration dans la politique de gestion, à ce moment-là? Autrement dit, je vous pose les questions – c'était sur les orientations de la Caisse – que je voulais poser hier mais que je n'ai pas pu poser.

M. Scraire (Jean-Claude): Je vais commencer par la fin.

M. Gautrin: Si vous voulez, ça se tient les uns aux autres. C'est essentiellement comment fonctionne chacun des fonds et qui fait quoi à l'intérieur.

M. Scraire (Jean-Claude): Juste une note pour votre information: depuis quelques mois, le Fonds général ne contient à toutes fins pratiques que la Régie des rentes.

M. Gautrin: La SAAQ?

M. Scraire (Jean-Claude): On a créé un fonds particulier pour la SAAQ de sorte que, maintenant, chacun a son fonds.

M. Gautrin: Ah! c'est parfait. Donc, le Fonds général, dans le fond, c'est comme si c'était un nouveau fonds 340, par exemple, que vous appelleriez Fonds de la Régie des rentes.

M. Scraire (Jean-Claude): À toutes fins pratiques, ça devient cela, à une exception près. Cela a toujours été le fonds que j'appellerais trésorier de la Caisse, c'est-à-dire que c'est lui qui opère la trésorerie entre les fonds, et ça même, il va cesser au cours des prochains mois, à un moment donné, de faire cette opération-là, on va partir une banque à part qui fera ces opérations-là.

Une fois qu'on a dit ça, les relations entre les responsables des actifs sous-jacents de chacun des fonds – mettons la Régie des rentes ou la CARRA, qui est responsable d'un grand nombre – en gros, les responsabilités sont un peu les suivantes – ça découle et de notre loi, et de nos règlements, et de nos façons de faire – c'est qu'on discute des politiques de placement avec chacun des déposants.

Prenons la CARRA, le régime qui gère différents fonds. Le régime des employés syndiqués de la CARRA est l'un de nos déposants. Il a un comité qui est responsable de sa politique de placement et de faire le suivi, et auquel on fait de la reddition de comptes. On fait de la reddition de comptes à nos 19 déposants, mais, avant la reddition de comptes, leur responsabilité, c'est de discuter avec nous de façon à en arriver à une politique de placement, de convenir combien on va mettre d'actions, combien on va mettre d'obligations et d'autres titres et quels types d'actions: des actions étrangères, des actions canadiennes, et les grands paramètres de gestion que l'on observe, de sorte qu'on convient ensemble d'une répartition.

Selon les déposants, parfois, certains déposants ont plus le droit que d'autres de souhaiter quelque chose. Comme la Commission de la construction, la loi dit qu'on doit tenir compte de l'industrie de la construction pour eux, de sorte que s'ils nous disent «faites plus d'hypothèques pour financer les projets de construction», bien, on en tient compte. Alors donc, on a une politique de placement qui est adaptée à chacun de nos déposants, selon ses contraintes aussi. Est-ce qu'il a besoin... Il y a des fonds dans l'industrie de la construction, par exemple, qui ont besoin d'argent à très court terme, eux-autres. D'autres, au RREGOP, ça ne presse pas. Ils ont des grosses réserves, ils n'ont pas besoin de cash – excusez l'expression – ils n'ont pas besoin que l'argent rentre, de sorte que ça n'amène pas nécessairement les mêmes politiques de gestion et ça n'amène pas la même répartition d'actif.

C'est certain qu'on a des déposants, par exemple, qui peuvent être à 40 %, 35 % en actions, 30 % en actions et à 60 % en obligations parce que c'est de ça dont ils ont besoin, alors que d'autres, ça va être l'inverse. L'écart n'est pas aussi considérable que ça, là, j'exagère un peu.

M. Gautrin: Vous souhaiteriez que ça puisse être l'inverse.

M. Scraire (Jean-Claude): Non, je ne souhaite pas nécessairement un écart aussi important. Donc, on a une équipe complète chez nous qui est responsable de toute la discussion des politiques de placement avec chacun des déposants, puis il y a un accord qui se fait sur ces politiques-là. Il y a un suivi qui est effectué; il y a plusieurs rencontres à chaque année. Évidemment qu'il y a des rencontres que je qualifierais sur une base quotidienne avec les gestionnaires, leurs interlocuteurs, les médias qui gèrent les opérations, que ce soit la CARRA ou la CSST, mais, en plus, il y a des rencontres avec les comités de retraite ou avec les conseils d'administration un certain nombre de fois par année pour revoir les politiques, parce que ces politiques-là sont révisables. Évidemment, c'est quelque chose qui est en marche constamment. Alors, ça peut être révisé sur une base de deux ou trois ans selon les perspectives de marché.

(11 h 10)

On présente à chacun des déposants nos perspectives économiques, ce que nos gens pensent sur l'évolution des économies dans le monde pour justifier ou expliquer et discuter avec eux quelles sont les principales grandes décisions qui vont se prendre ou qui devraient se prendre. On présente les perspectives économiques, les perspectives de marché; donc, les politiques de placement, les perspectives économiques et les perspectives de marché. À ce moment-là, disons que, ça, ça se fait sur une base de trois ou quatre fois par année, y compris la reddition de comptes. La plupart des déposants ont des rapports trimestriels. Certains sont sur une base mensuelle, mais la plupart, ce sont des rapports sur une base trimestrielle. Évidemment que le rapport annuel de chacun des déposants donne lieu à une discussion un peu plus...

M. Gautrin: La décision, c'est le déposant qui la prend, c'est vous, votre conseil d'administration? Autrement dit, prenons n'importe quel...

M. Scraire (Jean-Claude): Sur une politique de placement?

M. Gautrin: Sur une politique de placement. Dans le fond, c'est là-dessus qu'ils peuvent seulement intervenir. Ils peuvent choisir. Ils ne vont pas dire: Achetons du... n'importe quoi. Ils vont dire: Achetons plutôt un portefeuille plus important en obligations.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Verdun, il ne faudrait pas que vous abusiez du temps.

M. Gautrin: Mais, la décision, c'est qui?

M. Scraire (Jean-Claude): Le principe, M. le député, c'est que ça se fait ensemble. C'est selon les responsabilités. Alors, le comité de retraite, par exemple, est responsable d'élaborer des normes, mais il le fait à la lumière des recommandations qu'on lui fait. S'il devait y avoir des désaccords... Ça n'arrive pas vraiment. La seule contrainte – parce qu'on a une organisation d'ensemble à gérer – qu'on donne à nos déposants, c'est qu'on a une politique globale de la Caisse. Par exemple, on ne peut pas avoir plus que 40 % en actions. Alors, il ne faut pas que l'ensemble des politiques de placement ou des positions de placement en actions nous fasse dépasser notre limite de 40 %. Donc, ça, ça peut contraindre.

M. Gautrin: Un fonds pourrait dépasser la limite de 40 %?

M. Scraire (Jean-Claude): Un fonds? Oui.

M. Gautrin: Si l'autre en a moins, etc., de manière que vous limitiez la...

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, si c'est conforme à son potentiel d'accepter du risque, parce que c'est un fonds à plus long terme. Plus c'est à long terme, plus ils peuvent prendre des actions dedans. Les actions étant plus volatiles, si vous avez besoin du cash, il faut faire attention, il ne faut pas être trop dans les actions. Mais, si vous n'en avez pas besoin et que vous misez sur le long terme, allez plus en actions.

M. Gautrin: Je suis d'accord avec vous. Si je reviens maintenant: Le conseil d'administration fait quoi comme fonction, lui?

M. Scraire (Jean-Claude): La fonction du conseil d'administration de la Caisse, à cet égard-là, c'est de faire la politique générale et de tracer les grands paramètres. On a toute une politique générale de placement qui est finalement la base commune de chacun des déposants.

M. Gautrin: Et qui est publique?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est disponible, sans l'ombre d'un doute.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que vous pourriez en accepter le dépôt, si M. le président accepte de le déposer?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Déposer quoi, là?

M. Gautrin: La politique de placement de la Caisse.

M. Scraire (Jean-Claude): La politique générale de placement.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): La déposer?

M. Gautrin: Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, on peut la déposer, certainement. Est-ce qu'il faut l'expliquer ou bien si on va en prendre connaissance?

M. Gautrin: Non, non, mais j'attends qu'on me l'explique, moi.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce qu'on peut la résumer?

M. Gautrin: Non, non, mais l'important, ce qui est important pour moi, c'est de savoir que c'est déterminé par le conseil d'administration.


Document déposé

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, là, il ne faudrait pas que ce soit trop long. M. le député de Verdun, vous pourriez revenir. Combien ça peut prendre de temps, M. le président, expliquer ça? Il ne l'expliquera pas? C'est beau. Le document est déposé. On vous remercie, M. le député de Verdun. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Moi, j'aimerais tout d'abord vous féliciter pour les excellents rendements de la Caisse, parce que ça fait déjà deux heures que vous l'avez dit; moi, j'arrive. D'ailleurs, comme le disait le député de Crémazie, vous féliciter pour le trouble que vous vous donnez, parce que, quand on écoute tout ce que vous dites depuis tout à l'heure, c'est des choix que la Caisse a à faire dans ses rendements.

J'apprécie les graphiques de comparaison; pour moi, ils étaient assez éloquents. D'ailleurs, plusieurs interrogations ont déjà été soulevées quant au rendement de la Caisse, aux participations québécoises et aux placements obligataires. Le rendement est encore éloquent, à mon avis.

J'oserais vous dire que je comprends pourquoi le Canada, ou les stratèges fédéralistes, ou encore les stratèges québécois à tendance unifoliée voudraient discréditer la Caisse de dépôt et placement: pour démontrer que les institutions financières québécoises ne sont pas capables de gérer seules le bien québécois. Alors, la Caisse de dépôt et placement peut vraiment s'enorgueillir, se péter les bretelles, comme on dit, car elle fait beaucoup mieux que beaucoup d'autres. Alors, cela, il faut le dire aussi, puis je pense que, comme membres de la commission, on peut apprécier les bons coups et puis je crois qu'il faut le mentionner.

Alors, moi, j'aimerais revenir au discours de M. Lesage, à la page 10. C'était un bon ministre, un bon premier ministre, comme le dit l'opposition.

M. Campeau: Mais, ils étaient tellement rares, les bons premiers ministres libéraux, qu'il faut le dire.

Des voix: Ha, ha, ha!


Gestion de la stabilité du marché de la dette publique

Mme Léger: J'ai allumé un petit peu notre ferveur politique. À la page 10, je vais vous lire ce petit bout-là, j'aimerais ça que vous me parliez d'aujourd'hui, comment vous voyez ça.

«Une fois l'expérience acquise, la Caisse pourrait collaborer d'une façon extrêmement efficace à l'administration de toute la dette publique du Québec. Elle devrait normalement être en mesure d'élargir le marché pour ses titres, d'intensifier le volume des transactions, d'éviter qu'apparaissent des différences irrégulières de rendement pour diverses échéances. Elle jouera, en somme, dans l'avenir, un rôle qui n'est pas sans analogie avec celui que la Banque du Canada a joué à l'égard des titres du gouvernement canadien depuis maintenant près de 30 ans, mais surtout au cours des 15 dernières années, pour en développer, en stabiliser et en approfondir le marché.»

Alors, j'aimerais savoir, aujourd'hui, en 1997-1998 et les années à venir. Quand on sait, nous, que l'objectif principal du gouvernement du Québec est actuellement la lutte au déficit, alors, c'est évident que je fais un parallèle. J'aimerais connaître, aujourd'hui, comment vous voyez cette allocution de M. Lesage avec les yeux d'aujourd'hui. Je soulève peut-être un débat, mais...

M. Scraire (Jean-Claude): Je ne le crois pas, mais enfin. C'est reconnu, c'est bien établi, je pense, que le rôle de la Caisse, non pas dans l'administration de la dette mais dans la stabilité du marché de la dette publique ou des obligations du Québec, est un rôle majeur. La Caisse de dépôt est le principal détenteur de titres du secteur public québécois, et de loin. Donc, nous avons, conformément à notre mission qui date de 1965, continuellement joué ce rôle de gestionnaires de la stabilité du marché de la dette publique québécoise.

Ce que ça veut dire fondamentalement, c'est qu'étant donné qu'on a un gros portefeuille on est en mesure d'éviter qu'il y ait trop de volatilité parfois sur ces titres-là ou des comportements, disons, erratiques. Et on a avantage à le faire à double titre. Non seulement c'est notre mission, mais, étant donné qu'on a un portefeuille, c'est aussi notre intérêt immédiat d'être présents sur le marché, d'acheter quand il faut acheter et de vendre quand il faut vendre, de sorte qu'il y ait une certaine stabilité sur ces titres-là.

(11 h 20)

Alors, de tout temps donc on a joué ce rôle-là, au niveau de la Caisse de dépôt. C'était encore plus important en 1965 parce que le gouvernement voulait avoir un interlocuteur et qu'il n'était pas tout à fait satisfait de ceux qu'il avait à l'époque; il trouvait que ça manquait un peu de – comment je dirais ça? – fidélité à l'État et au gouvernement. Mais, aujourd'hui, le marché financier est beaucoup plus efficace, il y a beaucoup d'intervenants. Par ailleurs, la Caisse continue à jouer son rôle étant donné ses responsabilités. Alors, c'est un rôle de stabilisateur de marché qui s'ajoute et qui fait partie de notre mission, qui s'ajoute à nos objectifs de rendement.

Mme Léger: Est-ce que vous souhaitez que le Parti libéral revienne au pouvoir, puisque le déficit était élevé et puis que ça demandait plus d'emprunts pour le satisfaire? Alors, c'est une question, une sous-question; vous répondrez une sous-réponse si vous voulez. Et, comment le financer, le remboursement de la dette, là, comment vous voyez ça?

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, au niveau des déficits, je pense que le ministère des Finances et le gouvernement sont bien orientés sur la réduction de ce déficit-là et sur sa disparition éventuelle. Je pense que ça explique en grande partie le faible écart des taux entre le Québec et le Canada actuellement, la grande confiance des marchés financiers dans l'économie québécoise et le comportement du gouvernement. Ça donne beaucoup de crédibilité. Alors, tout ce qui se fait dans ce sens-là est un élément très positif sur les marchés. C'est ce qui fait aussi que les titres québécois sont bien en demande. C'est ce qui fait que si vous...

Mme Léger: On nous dit toujours le contraire.

M. Scraire (Jean-Claude): Non. Ce sont des titres qui sont en demande parce qu'ils sont un peu plus payants que les Canada, mais par ailleurs ils présentent le même niveau de risque ou à peu près que les Canada. Alors, l'élément que je voudrais signaler là-dessus, c'est que le marché est tellement efficace là-dessus qu'aujourd'hui la Caisse, dans son portefeuille obligataire, son pourcentage de titres québécois est moins élevé qu'habituellement parce que la demande est là. Puis, dans notre rôle de stabilisateur de marché, si la demande est là et qu'il y a des gens qui en veulent, bon, on en vend.

Mme Léger: Oui. Comment se fait-il que les écarts ont diminué juste, juste avant le référendum? Comment se fait-il?

Une voix: Avant le référendum?

Une voix: Bien oui.

Mme Léger: Comment se fait-il? On peut avoir une bonne discussion, là, mais comment se fait-il? Avant le référendum...

M. Scraire (Jean-Claude): La réponse que je penserais la plus technique, c'est que les gens pensaient que c'était un bon placement à faire, et c'est encore le cas aujourd'hui. Les écarts se sont encore rétrécis et de beaucoup par rapport à la période, à ce moment-là, de sorte que les gens estiment que c'est un véhicule qui est performant. Les investisseurs.

Mme Léger: C'est de la bonne administration de notre ministre des Finances, à ce que je peux voir. Ça, on pourra en discuter.

Des voix: Ha, ha, ha!


Mesures d'amélioration du rendement du portefeuille américain (suite)

Mme Léger: On ne leur laisse pas les commentaires, ils en ont eu assez. Je voudrais revenir à M. Nadeau, parce que vous avez parlé d'actions étrangères tout à l'heure, mais particulièrement au niveau des actions américaines. On l'a glissé mais... Vous avez parlé de l'essor faramineux du marché américain et vous avez dit: Tout à l'heure, on en reparlera, que 84 % des institutions n'atteignent pas le marché américain. Pouvez-vous élaborer un petit peu sur ça, pour moi, ce n'était pas clair?

M. Nadeau (Michel): Le marché américain est un marché boursier extrêmement efficace où il y a de très nombreux joueurs. Et, au cours des dernières années, on a vu différentes vagues qui ont fait que, à un moment donné, ce sont les titres à petite capitalisation qui ont très bien faits et, à d'autres moments, c'étaient les titres de haute technologie. Tout récemment, c'est les valeurs sûres, les «blue chips», qui ont surperformé. Or, les résultats montrent que les grands gestionnaires institutionnels ne parviennent pas à prévoir l'arrivée de ces vagues et la croissance d'une partie spécifique du marché, que ce soit les petites capitalisations, les grandes capitalisations, la haute technologie, les valeurs de croissance. Or, donc le résultat fait qu'il y a beaucoup de caisses de retraite aux États-Unis qui ont déplacé des sommes considérables vers des fonds indiciels. Environ 37 % des fonds des grandes caisses de retraite sont investis maintenant dans des titres indiciels. Et, du côté des fonds mutuels, vous avez une société qui s'appelle Vanguard qui offre des fonds indiciels américains à très bas prix et qui procure le rendement de l'indice, donc qui se situe au premier quartile des gestionnaires.

Alors, tout ça pour dire que les marchés sont des créatures très efficaces. Et, lorsqu'on arrive au bout de 10 ans à battre par 10, 15 ou 20 points de base, on a fait très bien parce que, sur des courtes périodes, on peut réussir, mais, comme le mentionnait le député de Verdun tout à l'heure, sur une période de 10 ans, lorsque la Caisse bat un indice de 25, 30, 40, 50 points de base, d'abord, ça se traduit en plusieurs dizaines de millions de dollars par année et, deuxièmement, ça démontre qu'on est capable d'ajouter de la valeur par une gestion active. Donc, nous l'avons fait dans toutes nos classes d'actifs excepté le marché américain. Et, comme l'a mentionné le président tout à l'heure, nous avons apporté les corrections qui devraient nous permettre d'ajouter cette dernière classe d'actifs de la valeur ajoutée.

Mme Léger: Vous l'avez un petit peu glissé tout à l'heure, qu'est-ce qui fait qu'avant la Caisse n'allait pas sur les marchés internationaux? Pourquoi c'est à partir des années quatre-vingt, 1984 à ce qu'on me dit, que vraiment vous avez décidé d'y aller?

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que le premier commentaire que je ferais là-dessus, c'est...

Mme Léger: Je pense que j'ai aiguisé l'appétit de l'autre côté, là, avec ce que j'ai soulevé tout à l'heure. Depuis tout à l'heure que ça...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Léger: Allez-y.

M. Scraire (Jean-Claude): On se rappellera qu'il y a eu une sévère correction des marchés boursiers dans les années 1973-1974, et la réaction de la Caisse, à ce moment-là, avait été de tenir son portefeuille d'actions assez bas. Je me souviens... De mémoire, on avait peut-être – je n'étais pas là, mais j'ai lu – 11 %, 12 %, 13 % en actions dans les années 1973, 1974, 1975. Mais, au début des années quatre-vingt, la Caisse a décidé de revenir de façon plus importante dans les actions. La théorie étant toujours bonne que les actions, à long terme, sont de meilleurs performants. Alors, au début des années quatre-vingt, 1979-1980, la Caisse a recommencé à investir de façon plus importante en actions et, graduellement, depuis lors, les actions ont continuellement ou à peu près monté jusqu'à atteindre aujourd'hui à peu près 40 %.

Alors, si on considère qu'au début des années quatre-vingt la Caisse a recommencé à investir en actions, ou vers 1984, à ce moment-là la diversification, quand vous êtes présent, la règle sur un marché ou la règle dans un véhicule, la règle de la diversification est une règle qui s'impose très rapidement comme étant un incontournable. Il faut diversifier. Et donc on a pu commencer à le faire dans les années 1984, investir à l'extérieur pour diversifier et, je dirais, diversifier le risque et augmenter le rendement.

Mme Léger: O.K. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mme la députée de Saint-François.


Gestion de produits dérivés (suite)

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. M. le président, je voudrais vous rassurer et vous dire que la Caisse de dépôt et placement, pour le Québec, représente une belle fierté, une grande fierté pour tous les fédéralistes, et ça ne nous empêche pas cependant de la critiquer à l'occasion. Ça ne nous empêche pas non plus de la questionner parce que, ce qui est important, c'est que sa gestion soit la plus saine possible et soit la plus performante, parce que n'oublions pas que la mission de la Caisse, c'est de faire fructifier les épargnes des déposants. C'est le bas de laine de tous les Québécois et les Québécoises. Donc, je pense que c'est très important d'être rigoureux dans la gestion et, dans ce sens-là, je pense qu'il n'y a personne qui peut ne pas être fier de la Caisse de dépôt et placement, mais ça ne nous empêche pas pour autant de la critiquer à l'occasion.

Je voudrais revenir sur les placements dans les instruments dérivés et placements tactiques. On a eu un représentant qui est venu la semaine dernière à cette commission et qui semblait nous dire que, bien sûr, lorsqu'on dépose ou lorsqu'on fait de tels placements, c'est plus de la spéculation que de l'investissement. Donc, la préoccupation, c'était qu'il ne semblait pas y avoir de comptabilité qui permettait d'évaluer les gains ou les pertes obtenus de ces opérations. Bon. Tout ce qu'il savait, tout ce qu'il nous disait qu'il savait, c'était que la Caisse a connu une perte de 160 000 000 $ au 31 décembre 1996, qui représentait les pertes sur couverture de change, et qu'en plus la valeur des instruments dérivés, au 31 décembre 1996, a une valeur négative de 141 000 000 $.

(11 h 30)

Bien sûr qu'il y a aussi, à un moment donné, d'autres pertes; en 1994, si ma mémoire est fidèle, je pense qu'il y avait eu une chute du dollar canadien... alors qu'elle couvrait les placements étrangers, puis il y avait un résultat de pertes de 750 000 000 $.

Donc, tout ça pour vous dire qu'il ne semble pas y avoir de comptabilité comme telle, au moins c'est ce qu'on semblait nous dire. Et, d'autre part, dans les préoccupations du Vérificateur général, aussi, il se posait la question: Est-ce que la Caisse a adopté une politique globale d'utilisation des instruments financiers dérivés pour la gestion des risques financiers? Alors, j'aimerais vous entendre sur cette préoccupation.

M. Scraire (Jean-Claude): Sur la première partie concernant les activités et leurs résultats, je vais laisser M. Nadeau. Sur la deuxième concernant les préoccupations du Vérificateur et les politiques de gestion de ce risque-là, je vais laisser M. Rémillard.

M. Nadeau (Michel): Alors, sur la gestion des produits dérivés, l'an dernier, nous avons réalisé des gains dans la couverture de change de 37 000 000 $. Donc, comme je l'ai mentionné, la couverture de change, les produits dérivés nous aident à réduire le risque de nos placements. Supposons qu'à un moment donné on a 5 % du portefeuille en actions américaines, on dit: le marché risque de corriger, on vend, avec des contrats à terme, 1 % du marché américain, donc on prend de l'assurance pour se dire: Si le marché corrige, en réalité, on aura 4 %, on enlève 1 %.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais ma question: Est-ce qu'on a une comptabilité? Est-ce qu'on peut prendre connaissance de ces placements que vous faites, à un moment donné? Est-ce que ça se vérifie quelque part?

M. Nadeau (Michel): C'est que les produits dérivés sont utilisés dans à peu près toutes les unités à la Caisse. En actions canadiennes, on va transiger des contrats sur le TSE 35. Dans le cas des obligations, c'est le CGP. Chacun des gestionnaires utilise des produits dérivés pour augmenter ou réduire son risque, et, comme j'ai dit, dans la plupart des cas, dans presque tous les cas, pour réduire le risque. Donc, c'est dans chacun des portefeuilles qu'on peut voir. Mais, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, au total, la gestion de l'ensemble des produits dérivés a dégagé des rendements positifs.

Si on prend chacun des cas, dans les placements tactiques, on a réussi au cours des dernières années à dégager des profits en réduisant le risque du portefeuille. Lorsqu'un marché nous semble trop cher, on achète de l'assurance. Évidemment, si votre maison ne passe pas au feu, bien là, votre prime d'assurance, vous pouvez dire que vous l'avez perdue. Mais, nous, on gère de façon prudente. Lorsqu'on voit le marché américain à 23,6 fois le cours-bénéfice actuellement, il faut protéger nos positions, il faut protéger nos acquis, donc on va prendre de l'assurance. Mais, au total, encore une fois, l'évolution... Si le marché monte, notre prime d'assurance vaudra moins parce qu'on ne brûle pas, mais la valeur de notre maison, elle, va s'accroître. Donc, au total, c'est neutre. Au total, c'est neutre.

Donc, les produits dérivés, c'est un outil qui nous permet de gérer de façon beaucoup plus active, beaucoup plus responsable la façon de contrôler notre risque. Nous avons une unité qui est à l'extérieur de ma direction, qui ne relève pas du tout de moi et qui, à tous les jours, voit le risque possible de pertes qu'on peut avoir à la Caisse. Nous avons été parmi les premiers au Canada à appliquer des mesures du Groupe des 30. Le Groupe des 30, c'est 30 gros usagers de produits dérivés qui se sont réunis en Suisse il y a trois ans et qui ont formulé une politique. Or, nous avons appliqué à la Caisse cette politique du Groupe des 30 et, maintenant, très fréquemment, on nous la demande. Nous l'avons traduite en anglais. On pense à diffuser notre politique en Europe, suite à des demandes de gens qui veulent savoir. Je dois participer au mois d'octobre à une conférence sur notre gestion des produits dérivés: comment la Caisse gère le contrôle de son risque, devant les plus grands investisseurs américains. Nous allons expliquer ce que nous faisons.

Donc, du côté des produits dérivés, c'est une gestion prudente, conservatrice que nous effectuons et qui permet de neutraliser certains risques et, en bout de ligne, donne quelques petits profits, comme je l'ai mentionné, de 37 000 000 $ dans les frais de couverture de change.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Donc, si je comprends bien, la politique que vous vous êtes donnée, c'est celle que vous utilisez avec le Groupe des 30 dont vous parliez tout à l'heure, que vous allez mettre à la disposition, que vous allez annoncer bientôt, et c'est cette politique que tous vos gestionnaires utilisent actuellement dans ce type de placement.

M. Nadeau (Michel): Oui. Nous avons également une politique interne à l'effet que la valeur nominale de l'ensemble des produits dérivés ne devrait pas excéder 25 % de l'actif total. C'est une autre norme que nous nous sommes donnée à l'interne. Mais nous avons les normes, les standards les plus élevés de l'industrie actuellement.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est un sujet – je le signale avant de laisser la parole à M. Rémillard – qui fait l'objet d'un suivi très régulier, vous le comprendrez, au niveau du comité de vérification de la Caisse, qui est bien préoccupé parce qu'il est aussi responsable, comme je le soulignais hier, de la gestion du risque, il supervise la gestion du risque. Alors, c'est un sujet qui est suivi au niveau de notre comité de vérification.

M. Rémillard (Serge): Alors, si vous permettez, très brièvement. Pour la comptabilité des produits dérivés, vous avez, au rapport d'activité 1996, à la page 51, en note, les instruments financiers qui sont représentés par véhicule: marchés hors cote, marchés réglementés, etc. Alors, vous l'avez, là, en note, aux états financiers. Et vous pouvez voir sa redistribution dans les pages suivantes, répartie par catégorie de placement.

Pour ce qui est de la politique, la politique qui a été aussi soulignée dans le rapport à la direction du Vérificateur, alors nous l'avons élaborée évidemment en collaboration avec tous les niveaux d'intervention à la Caisse, et cette politique-là est actuellement prête à être déposée au prochain comité de vérification, qui devrait l'amener au conseil d'administration du mois de septembre.


Rôle, compétence et composition du conseil d'administration

Mme Gagnon-Tremblay: D'autre part, on sait que la Caisse, au point de vue de ses rendements, a une obligation de résultat, une obligation, finalement, de rendement, car les clients et les clientes de la Caisse le sont de façon statutaire. On n'a pas le choix, finalement, de déposer à la Caisse, plutôt que de déposer nos fonds ailleurs; c'est une façon statutaire. Donc, c'est important. Il faut aussi que le conseil d'administration reflète bien les besoins des gestionnaires. Parfois, on se pose une question et on se dit: Au fond, qui est le véritable patron de la Caisse de dépôt, qui est imputable, surtout au niveau de l'imputabilité? Est-ce que c'est le président de la Caisse? Est-ce que c'est le ministre des Finances? Est-ce que ce sont les déposants ou encore le RREGOP? Qui exactement est vraiment imputable?

Quand on regarde, entre autres, le conseil d'administration, les membres, je pense qu'ils doivent avoir une expérience très aiguë de placement. Je comprends que vous avez des gestionnaires aussi bien internes qu'externes et qui peuvent donner tous les renseignements possibles, mais encore faut-il avoir des outils d'évaluation. Parce qu'on a beau avoir des gestionnaires, mais quand on parle de membres du conseil d'administration avec une expérience aiguë, je pense que ce n'est pas nécessairement le conseil d'administration qui se reflète actuellement. Je n'ai rien, entre autres, contre Gérald Larose, mais je ne vois pas qu'est-ce que Gérald Larose peut faire dans des placements ou dans des questions de rendement. Je me dis à ce moment-là: Si vous aviez à faire le choix... La première question, c'était l'imputabilité, qui est le grand patron véritablement? la deuxième, c'est le choix. Si vous aviez le choix des administrateurs du conseil d'administration de la Caisse, par exemple, à ce moment-là, est-ce que ça devrait être vraiment des spécialistes de la gestion plutôt que des gens qui proviennent des syndicats ou autres?

Parce que, quand on fait la politique générale de placement, c'est très important. Moi, je m'imagine très bien que la politique générale de placement, elle est préparée par vos propres gestionnaires et elle est soumise au conseil d'administration, puis le conseil d'administration décide en bout de ligne, ou apporte des modifications, des corrections. Mais j'ai comme l'impression que c'est toujours le même monde, finalement. Je comprends que c'est des spécialistes, et c'est pour ça que je reviens à la question des administrateurs du conseil d'administration.

M. Scraire (Jean-Claude): Au niveau de l'imputabilité, je pense que, si j'étais à l'Assemblée nationale, je tiendrais le président du conseil et directeur général imputable des résultats de la Caisse. Évidemment que le conseil d'administration m'est étroitement associé, évidemment. J'aimerais juste peut-être en profiter pour vous parler un petit peu du travail du conseil d'administration.

(11 h 40)

À chaque année, depuis 1995 – c'est la période à laquelle je réfère le plus souvent parce que j'en suis imputable – chaque secteur d'activité, que ce soit de l'administration ou du placement à la Caisse ou dans ses filiales, chaque filiale... alors, chaque secteur d'activité, chaque filiale est vue systématiquement au niveau du conseil d'administration de la Caisse. Les orientations de cette unité ou de cette filiale, son plan d'affaires, ses modes de gestion, ses ressources, chaque unité est examinée annuellement. À chaque année, elles reviennent.

Le conseil adopte les plans d'affaires. Évidemment qu'il adopte la politique de placement, toutes ses responsabilités, mais il adopte les plans d'affaires annuels de la Caisse et des groupes de placements privés. Une fois qu'il a adopté la politique de placements, il supervise les programmes de placements, il fixe les orientations, il adopte les politiques.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce qu'ils ont les outils pour le faire?

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que oui. Je pense que oui. Je veux juste continuer sur son travail. Je pense que c'est important que les parlementaires sachent les responsabilités et le travail qu'effectue le conseil, donc ses membres.

Il est informé ou il approuve chaque décision selon son importance. On a une structure de délégation et les décisions importantes sont toutes approuvées par le conseil d'administration. Puis il gère, il opère, je devrais dire, quatre comités: celui de la vérification, dont j'ai parlé tantôt; celui des ressources, qui s'occupe de toutes les questions budgétaires et du personnel; un comité du Groupe immobilier; puis un comité d'éthique et de déontologie et de régie d'entreprise.

Puis j'ajoute que les membres du conseil d'administration siègent tous sur des comités de la Caisse ou sur les conseils des filiales, et on a une politique systématique: sur chaque conseil de filiale, on retrouve non seulement du personnel de direction de la Caisse, mais un ou deux membres du conseil d'administration aussi. Alors, je dis ça, parce que c'est pour vous dire que les membres du conseil d'administration exercent leurs responsabilités. Ils les exercent vraiment, leurs responsabilités, et c'est pour ça que je peux les considérer associés à mon imputabilité. Ils sont très présents à ce niveau-là, à tous les niveaux des orientations et de la direction de la Caisse.

Quant à la composition du conseil, évidemment, j'ai des commentaires là-dessus. Le principal, ce serait que je pense, étant donné l'importance de la Caisse dans la société québécoise non pas seulement comme gestionnaire de fonds, mais comme institution que la société du Québec s'est donnée, et son double rôle aussi d'essor économique et de rendement, je pense qu'il est toujours bon et sain, comme ça a été fait au départ, de viser à avoir une diversification des points de vue autour de la table du conseil. C'est bon de se faire dire par des gens qui viennent du mouvement coopératif ou qui viennent du milieu syndical: N'oubliez pas les emplois, là; qu'est-ce qui arrive sur les emplois là-dedans? Ou bien de se faire dire: Oui, mais nos institutions, là, qu'est-ce qui arrive là-dedans? C'est bon que des gens aient des points de vue très différents. C'est certain aussi que c'est bon d'avoir des gens d'affaires autour de la table. C'est excellent d'avoir des gens d'affaires autour de la table.

Alors, je me dis: Je pense qu'un gouvernement qui compose le conseil de la Caisse, je pense que c'est dans cette direction-là de représenter la diversification des points de vue de la communauté québécoise pour que le président de la Caisse puis son management, l'équipe les entendent, ces points de vue là, puis se les fassent rappeler à l'occasion, puis les points de vue de tous les éléments importants de la communauté. Alors donc, je pense que c'est les deux commentaires que j'aurais à faire sur la composition du conseil.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Crémazie.


Niveau des participations québécoises

M. Campeau: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur les petites capitalisations boursières québécoises. Dans un de vos tableaux, je ne sais pas lequel, le sixième ou le septième, on voit que, depuis un an, le rendement est fort intéressant, 36,83 %, et comparé, mettons, à l'indice Lévesque... mais sans comparaison... comparons-le à d'autres investissements boursiers. Alors, on serait porté à se demander comment il se fait que la Caisse n'a pas une proportion encore plus importante de son capital dans ces petites capitalisations boursières québécoises.

Et, à ceci, ma question a un double volet. Dans les participations québécoises, quand on les sort, qui ne sont pas cotées à la Bourse, vous semblez faire aussi d'excellents rendements. Alors, est-ce qu'il y a moyen d'augmenter ces participations-là, aussi bien dans les petites capitalisations boursières que dans des participations qui ne sont pas déjà cotées, ou s'il y a un point de saturation où de bonnes entreprises québécoises... vous ne seriez pas à l'aise d'être dans plus que ça, ou c'est difficile d'augmenter compte tenu du risque, et tout ça, et que, dans votre choix, évidemment... si vous avez eu 36,83 %, c'est que vous avez fait un excellent choix, vous n'avez pas choisi celles qui ont eu une moins belle performance, vous avez été sélectifs, avec raison, et vous avez choisi celles qui avaient un bon rendement. Autrement dit, est-ce que c'est possible d'augmenter vos investissements aussi bien dans ces petites capitalisations boursières québécoises que dans les participations de petites entreprises ou s'il y a un point de saturation? Et s'il y est, le point de saturation, où est-ce qu'il se trouve?

M. Scraire (Jean-Claude): Il y a certainement un point de saturation où ce serait malsain que la Caisse détienne un pourcentage. J'ai de la difficulté à dire à quel niveau, mais, mettons au-dessus de 10 % de la plupart des entreprises à petites capitalisations, je pense que, si on était présent au-dessus de 10 % d'à peu près tout le marché, probablement qu'on commencerait à avoir des difficultés.

Mais, d'un autre côté, je pense que les gens peuvent faire aussi des choix. Ils peuvent être un peu plus présents dans certaines et un peu moins dans d'autres. Mais c'est certain que, quand on investit dans une entreprise à faible capitalisation comme ça, la liquidité du titre est moins forte. C'est certain que, si on est une petite entreprise à faible capitalisation et si on détient 12 %, il n'est pas évident qu'on peut pendant la semaine qui suit, supposons qu'on n'est pas satisfait des résultats, liquider cette position-là. Le marché n'est peut-être pas là. Ce que ça veut dire, c'est que c'est bien rémunéré, mais il y a un niveau de risque qui va avec cette rémunération-là. C'est un peu plus volatil que des titres de grands marchés ou à plus forte capitalisation. Ce que ça veut dire, d'après moi, au niveau de la volatilité, c'est que sur de courtes périodes, parfois, on pourrait faire moins bien dans ces titres-là qu'on va faire sur un autre marché. L'important, c'est: Est-ce que sur plus longue période on fait mieux que le marché? Pour l'instant, les réponses, c'est que sur longue période on est capable de faire mieux que le marché. Mais il pourrait arriver, par exemple, s'il y avait de violentes corrections boursières, que ces titres-là soient plus frappés même que l'ensemble du marché, de sorte que sur une courte période de six mois, peut-être même un an, on fasse moins bien que le marché TSE 300. Ça, ça pourrait arriver. C'est pour ça que l'important, c'est de se rattraper à ce moment-là en considérant qu'est-ce qu'on fait sur une plus longue période.

Est-ce qu'on peut en mettre plus? Est-ce qu'on peut investir plus? Je dirais d'abord que je pense qu'à toutes fins pratiques, depuis deux ans, on a quadruplé nos investissements dans ce secteur-là. On en a à peu près quatre fois plus. Est-ce qu'on peut continuer? On pense chez nos gestionnaires qu'on peut continuer, tenant compte aussi de l'état des marchés, mais qu'on peut continuer. On ne m'a pas signalé pour l'instant qu'on avait des problèmes ou qu'on atteignait un plateau difficile. Par ailleurs, quand je dis que ça a avancé, ça a quadruplé en deux ans, bien, disons, ça, c'est à peu près le rythme auquel on peut le faire. C'est une progression assez importante sur une aussi courte période. Pour l'instant, on pense qu'on peut continuer.

(11 h 50)

Au niveau des participations, je suis tout à fait convaincu qu'on peut augmenter encore de façon considérable nos participations, nos placements privés dans les entreprises et l'économie québécoises de diverses façons. L'une, c'est certainement d'appuyer la croissance des entreprises qui vont déjà bien, qui vont bien, d'appuyer leur croissance notamment sur les marchés étrangers, parce que c'est là que ça se déroule pour une grande part. Le commerce international pour l'ensemble de nos entreprises est un facteur de succès considérable et d'ailleurs, à la Caisse, on travaille à définir de nouveaux instruments de travail pour favoriser le commerce international de nos entreprises, nos entreprises en portefeuille, les aider à mieux travailler sur l'étranger, puis il y a l'ensemble des entreprises québécoises. Donc, on peut investir dans des entreprises qui sont saines et en bonne croissance, mais elles ne sont pas illimitées non plus en nombre.

C'est pour ça qu'il est important de bien regarder quelles sont les nouvelles niches sur lesquelles on peut travailler, et l'une de ces niches-là, c'est de faire naître des nouvelles entreprises. Le réseau Accès Capital dont on parle, qui est en région, qui appuie des toutes petites entreprises; le réseau des incubateurs, la dizaine d'incubateurs avec lesquels on travaille, ça aussi, c'est de la naissance d'entreprises. Et dans le domaine de l'innovation technologique, on parle souvent souvent... c'est de la naissance d'entreprises dont on parle. C'est un métier particulier, c'est un métier difficile, mais c'est de la naissance d'entreprises. Et ça, c'est une des façons, en appuyant la naissance d'entreprises, avec les risques qui sont inhérents, avec l'expertise que ça commande, mais c'est une des façons de mieux investir et de plus investir dans l'économie québécoise. Donc, la naissance d'entreprises, soit par les incubateurs, soit par Accès Capital, soit particulièrement dans l'innovation technologique, et c'est pour ça qu'on travaille beaucoup sur comment mieux ficeler notre approche dans le domaine technologique. On a entendu quelques cas qui ont été mentionnés ici. C'est certain qu'il peut toujours y avoir des améliorations, mais l'orientation – parce qu'il faut d'abord saisir ou s'entendre sur l'orientation et sur sa pertinence – c'est de faire naître des nouvelles entreprises.

Et on sait que le commerce international du Québec, la part des hautes technologies dans le commerce international du Québec a plus que doublé au cours des 10 dernières années. Alors, ça devient très important d'investir, et d'investir plus en haute technologie. C'est vraiment un facteur de croissance et de l'emploi et des entreprises parce que c'est le commerce international. C'est vraiment un secteur absolument intéressant et les performances sont là. C'est certain que c'est un secteur, les nouvelles technologies, où les rendements qui sont attendus sont de l'ordre de 20 % et plus. On n'investit pas avec un tel niveau de risque sans attendre un rendement de 20 % et plus. Donc, ça obéit à nos espoirs en matière de rendement, mais aussi au niveau de l'essor économique.

Pour répondre très spécifiquement à votre question, oui, les participations peuvent faire encore beaucoup, beaucoup de chemin.

Juste le point peut-être que j'ajouterais sur les participations, par ailleurs, je pense qu'il est important de toujours se rappeler que, quand on fait des placements privés, c'est plus consommateur de ressources humaines, ça prend plus de personnes. Pour faire quatre dossiers de 2 000 000 $, ça prend à peu près une ressource, alors que gérer 5 000 000 000 $, de l'autre côté, en obligations, ça prend aussi une ressource. Alors, plus on veut faire des participations, plus on va vouloir faire des placements privés, plus on va vouloir créer des entreprises, appuyer des démarrages, des prédémarrages d'entreprises, appuyer nos entrepreneurs, plus la Caisse devra y consacrer de ressources. Mon approche, c'est qu'on doit y consacrer plus de ressources. Et, au niveau des frais d'administration, quand on se pose des questions là-dessus, il faut être capable de mettre en parallèle les frais corporatifs de la Caisse, les frais de gestion de son grand portefeuille qui est plus de 85 %, 90 % et, d'un autre côté, regarder au niveau des placements privés: Est-ce qu'on se compare aux normes de l'industrie? Puis les rendements qu'on sortira de ces placements-là, enlevons nos frais, parce que plus on en fait, si on fait plus d'argent, plus on a de ressources, plus on peut faire des dossiers, tout le monde est gagnant. C'est juste qu'au niveau des frais ça augmente, puis au niveau du défi de l'expertise. Le défi de l'expertise est continuellement présent.

M. Campeau: Bien, M. le Président. Donc, quand vous mettez une petite capitalisation, un an, 36,83 %, c'est votre rendement brut. On ne peut pas dire que vous avez déduit les dépenses occasionnées par ces...

Une voix: ...

M. Campeau: Ah! c'est vrai, c'est...

M. Scraire (Jean-Claude): Non, c'est avant frais, ça.

M. Campeau: Avant frais.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

M. Campeau: Donc, dans vos différentes...

M. Scraire (Jean-Claude): Et c'est la norme.

M. Campeau: O.K. Dans vos différentes filiales, est-ce qu'éventuellement vous allez voir un profit en dessous... on va être capable de déduire du rendement brut des frais occasionnés pour voir le rendement net ou si...

M. Scraire (Jean-Claude): C'est mon objectif qu'on considère les filiales comme étant des sources de profits. Ce que ça veut dire, c'est qu'elles devraient encaisser leur rendement, encaisser leurs profits, soustraire leurs dépenses, et notre rendement dans les filiales à la Caisse, ça devrait être le rendement sur nos actions dans ces filiales-là, donc, net des dépenses. Et ça, ça nous donnerait vraiment le portrait clair, pour la Caisse de dépôt, du comportement de ses filiales.

M. Campeau: O.K. Je reviens sur les participations. Je laisse les petites capitalisations boursières, mais je prends la deuxième partie. Je vous fais juste remarquer que, quand vous avez dit: On va se comparer aux autres... je veux juste vous rappeler, à la page 2, encore, le même paragraphe, que la Caisse, ce n'est pas un outil comme les autres. La Caisse, ce n'est pas un fonds de placement au même titre que tous les autres. Il faut qu'il soit différent, sans cela – je vais dire comme ma collègue a dit tout à l'heure – sans cela, aussi bien diviser la Caisse en 10 ou en 20, si vous êtes comme tous les autres. Alors, il faut que vous gardiez votre ligne de distinction.

M. Scraire (Jean-Claude): Sur ce sujet, mon commentaire sur la comparaison avec les autres portait essentiellement sur les coûts, parce que, effectivement, on peut prendre une filiale puis dire... Il y a des normes dans l'industrie. Combien ça prend de personnes pour faire quatre dossiers par année? Il y a des normes dans l'industrie. On a de l'information là-dessus. On est capable de se comparer à d'autres. Est-ce que nos gens sont aussi efficaces? Est-ce que nos filiales nous coûtent plus cher que d'autres, etc.? À ce moment-là, il ne faut pas les comparer à des gestionnaires de fonds qui font des obligations. Il faut vraiment aller dans des sociétés de capital de risque qui font le même métier et, à ce niveau-là, au niveau des coûts, on peut comparer les coûts de nos filiales avec d'autres coûts de sociétés.

M. Campeau: Avec les commentaires que vous faites, j'en conclus que la Caisse ne regrette pas sa décision. À la fin des années soixante-dix, vous vous souviendrez que la Caisse, dans les participations de petites et moyennes entreprises, n'investissait que dans la dette. Elle n'était jamais partenaire. Elle ne se donnait pas la peine ou le trouble d'étudier le dossier à fond pour devenir partenaire. J'en conclus que, pour la Caisse, ça a été une excellente décision et que ça fait faire de l'argent, et qu'on aide aussi les entrepreneurs de cette façon-là à opérer aussi bien au Québec qu'à l'étranger et à susciter des retombées au Québec. Bon.

Vous parlez de naissance d'entreprises puis d'incubateurs. C'est ça qu'on ne voit pas souvent, nous autres, de l'extérieur, à moins d'être à la Caisse. On ne se rend pas assez compte de votre impact là-dedans. On ne le voit pas assez. On a la perception que, chaque fois qu'il y a un incubateur, ça va à quelqu'un d'autre. La Caisse ne semble pas en tirer le bénéfice qu'elle devrait retirer de sa participation dans les démarrages d'entreprises, dans les incubateurs, dans les naissances d'entreprises. Ça ne sort pas.

M. Scraire (Jean-Claude): Je dois dire à cet égard, sur les incubateurs, M. le député, que c'est une initiative qui est, disons, du deuxième semestre de 1996, alors les résultats commencent à se produire, mais c'est assez récent. C'est vrai que ça ne se sait pas beaucoup, mais les résultats sont encore assez récents.

M. Campeau: Ce n'est pas là-dessus que je dis. Je ne dis pas que les résultats ne sont pas bons, je dis que ce n'est pas connu, ça ne sort pas dans le public – c'est le seul commentaire que je fais – alors que ça devrait sortir. Votre ouvrage là-dedans est tout à fait exemplaire, d'aider les nouvelles entreprises à se créer. Alors, moi, je dis qu'il faudrait que ça sorte plus.

M. Scraire (Jean-Claude): On a quelques publications qui ont été faites là-dessus et on va en faire distribuer aux membres de l'Assemblée.

M. Campeau: Et pas juste à nous autres, dans le public.

M. Scraire (Jean-Claude): J'ai bien saisi votre message, M. le député, mais au moins on va commencer par les parlementaires.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Sur ce, nous allons suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 14 h 12)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): La commission des finances publiques reprend ses travaux afin de poursuivre l'examen des activités, des orientations et la gestion de la Caisse de dépôt et placement du Québec en vertu de l'article 294 des règles de procédure de l'Assemblée nationale.

À la suspension de nos travaux, c'était le député de Crémazie qui avait la parole, mais il lui restait seulement quelques minutes. Je ne sais pas si vous avez terminé, M. le député de Crémazie.

M. Campeau: J'aurais juste à ajouter, M. le Président, sur la composition du conseil d'administration, que c'est dans la loi de la Caisse de décider qui sont les représentants. Ils ne sont pas nommés tel quel, mais par classe d'individus. Ça a été fait à la fondation de la Caisse, en 1965. Vous aviez là-dessus des représentants des déposants, des représentants des emprunteurs susceptibles d'emprunter à la Caisse de dépôt, comme Hydro-Québec et le ministère des Finances, qui, en plus, représente le ministre, et la Commission municipale du Québec. Il y avait aussi des gens de l'extérieur. Alors, il y avait un assortiment qui représentait la société québécoise à ce moment-là. Est-ce que ça pourrait être amélioré? Peut-être, mais c'est au gouvernement d'en décider. C'est tout, M. le Président.


Augmentation des frais de gestion et d'administration

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Crémazie. Si les membres de la commission me le permettent, il y a une interrogation, en tout cas, que je me pose, j'aimerais essayer d'avoir une réponse. On a abordé cet avant-midi les frais de gestion, les frais d'administration de la Caisse, on en a parlé un peu largement. Mais, quand on regarde dans le résultat cumulé de l'exercice terminé au 31 décembre 1996, dans le rapport d'activité 1996, à la page 43, on voit que les frais de gestion de placements ont été, en 1996, de 54 000 000 $ et, en 1995, de 45 000 000 $, et les dépenses de frais d'administration ont été de 22 000 000 $ en 1996 et de 21 000 000 $ en 1995, ce qui fait un total de 76 000 000 $ en 1996 et de 66 000 000 $ en 1995.

Comment on explique l'augmentation de 10 000 000 $ des frais de gestion et d'administration de la Caisse? Est-ce qu'il y a eu une augmentation du portefeuille d'une façon aussi considérable ou équivalente pour, je vais dire, justifier l'augmentation des frais de 10 000 000 $ à la Caisse?

M. Scraire (Jean-Claude): Avec votre permission... En fait, la réponse concerne les services professionnels, mais je vais laisser M. Rémillard donner les détails.

M. Rémillard (Serge): Alors, c'est totalement lié à la gestion qu'on fait à l'externe dans des marchés émergents. Donc, on a augmenté l'actif, de 1995 à 1997, de 5 200 000 000 $ à 9 000 000 000 $. Donc, cette gestion-là, est faite par des gestionnaires étrangers. Dans la gestion des produits, surtout sur les marchés émergents, on les calcule en points centésimaux, en points de base, reliés aussi évidemment à la performance. Alors donc, l'augmentation des frais est concentrée sur les frais de gestion qu'on a donnés pour faire gérer l'augmentation de notre portefeuille sur les marchés internationaux.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Pouvez-vous nous déposer un état détaillé des dépenses...

M. Rémillard (Serge): Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...des coûts, plutôt? Parce que je trouve quand même assez importante l'augmentation de 10 000 000 $. En tout cas, je me l'expliquais, moi, du fait que le président-directeur général, ce matin, a amené le fait que plus on investirait dans les compagnies québécoises, les entreprises québécoises, plus on engagerait de personnes, mieux ce serait. J'ai gobé ça, j'étais bien content. Tant mieux, bravo! Mais là je me disais: Est-ce que ça fait déjà une année qu'ils ont commencé ou bien... Parce que, cet avant-midi, vous parliez comme du futur. C'est pour ça que je m'expliquais mal l'augmentation de 10 000 000 $, parce qu'on sait que, depuis quelques années, les gouvernements, les organismes essaient justement de diminuer leurs frais de gestion, leurs frais d'administration. Et, quand on voit l'augmentation de 10 000 000 $, c'est quand même majeur. Est-ce que vous avez... Oui?

M. Scraire (Jean-Claude): Comme M. Rémillard le disait ce matin, nos frais internes de gestion sont stables, depuis trois ou quatre ans; ils sont stables. Vraiment, la partie qui a augmenté tient à nos décisions de placements, et ce sont des frais externes. On a décidé d'accroître les positions sur les marchés internationaux, dont les marchés émergents. Sur les marchés émergents, en particulier, les frais sont très élevés, et on ne le fait que pour de petites parties à l'interne. En général, sur les marchés émergents, parce qu'on commence et qu'on n'a pas toute l'expertise requise pour gérer nous-mêmes tout cet argent-là, on confie des mandats à l'externe, et c'est très coûteux. C'est très coûteux, mais on pense que c'est la bonne décision de placements. C'est mieux d'encourir plus de frais de gestion externe, mais d'aller chercher à long terme les rendements que ces marchés-là nous offrent. Alors, vraiment, la différence, c'est à ce niveau-là, ce n'est pas sur la gestion interne de la Caisse.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vous ai demandé tout à l'heure si on pouvait avoir les détails. C'est à la page 50 du même document, à la note 6, on parle de traitements, avantages sociaux. Services professionnels: 19 000 000 $ comparativement à 12 000 000 $ en 1995. Est-ce que c'est de là que vient...

M. Scraire (Jean-Claude): C'est ça, c'est ça.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...la différence?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, tout à fait. Et, dans ces services professionnels là, ce sont des services de gestion externe.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Peut-être qu'il est quelque part dans votre document, mais est-ce que vous avez fait un pourcentage d'augmentation de frais de gestion et de frais d'administration par sommes, par montants d'argent, que ce soit par 100 $ ou par milliers de dollars, ou par millions, parce que vous avez beaucoup d'argent à gérer? L'avez-vous fait, ce pourcentage-là? Et ça représente quoi face à l'an passé? Est-ce que ça peut être – je ne sais pas, moi – 0,60 $, 0,50 $ dans la piastre, ou trente sous? Je ne sais pas quoi.

M. Rémillard (Serge): Alors, dans les frais d'opération, lorsqu'on les compare et qu'on les prend globalement, en 1994, c'était 13,2 points centésimaux selon l'actif sous gestion, en 1995, 13,4 et en 1996, 12,9. Alors, c'est basé sur trois ans. Et ces chiffres-là, si on les compare à 15, les 15 plus grands fonds de gestion, nos frais sont à 19 % inférieurs. Ça, évidemment, ça tient compte de notre gestion active. Alors, au niveau des détails, évidemment, là où ça a augmenté, c'est au niveau des conseillers de placements, à l'extérieur, qui sont liés notamment au portefeuille des marchés émergence. Alors, je peux vous donner, si vous voulez, une copie de ça, pour fins de...

(14 h 20)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, j'aimerais ça, parce qu'on ne retrouve pas ça dans le document, ce que vous venez de dire là.

Une voix: Non.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Si vous pouviez le déposer, ce serait intéressant de comparer les coûts. Pour ce qui est de moi, ça me conviendrait. Donc, je vais laisser la parole au député de Laporte.


Gestion des trois fonds de pension du secteur de la construction

M. Bourbeau: M. le Président, à ce moment-ci, j'aimerais tourner nos yeux vers un dossier qui est sur la table de la Caisse de dépôt depuis peut-être 25 ans ou 30 ans. C'est la demande du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction qui, comme vous le savez, est le seul fonds de pension privé qui est, de par la loi, géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec. Les travailleuses et les travailleurs de la construction ont leur propre fonds de pension, et ce fonds de pension là, de par la loi, est déposé à la Caisse de dépôt. On ne parle pas d'un petit montant; on parle d'une somme d'argent qui approche les 6 000 000 000 $. C'est donc un gros client de la Caisse, un client qui a à peu près 10 % de l'actif de la Caisse et un client qui régulièrement – ce n'est pas d'aujourd'hui, là – se plaint du peu de cas que la Caisse fait de son dossier.

Nous avons eu l'occasion de les rencontrer la semaine dernière; ils nous ont répété encore leurs récriminations à l'endroit de la Caisse. Et, quand on regarde ça attentivement, je pense que ça mérite qu'on en parle un peu. Essentiellement, c'est un fonds de pension qui touche à peu près 330 000 personnes, les travailleurs actifs comme les travailleurs inactifs, d'après le document qu'ils nous ont déposé. Et les sommes d'argent sont déposées à la Caisse dans trois comptes différents: un compte pour les participants actifs, qui vaut tout près de 3 000 000 000 $, un compte pour les retraités, qui vaut 2 000 000 000 $, et un autre compte de 715 000 000 $, qui appartient aux participants actifs qui versent des cotisations complémentaires en plus de la cotisation de base obligatoire.

Essentiellement, ce que nous disent les gens de la construction, c'est que la Caisse fait bien peu de cas d'eux, qu'ils ont tenté, au cours des années, de connaître un peu mieux la composition de leur portefeuille, d'influencer parfois la Caisse, d'obtenir des renseignements et – M. le Président, je pense que, là, c'est un peu le même type de récriminations qu'on nous a faites dans d'autres cas – ils prétendent que la Caisse a une attitude un peu hautaine à leur endroit, manque de transparence. Ce sont des mots qui sont dans leur mémoire. Je peux citer l'exemple, ici, à la page 18: «Ce manque de transparence nous irrite et entraîne des coûts supplémentaires aux travailleurs».

Donc, attitude hautaine de la Caisse à leur endroit, manque de collaboration, manque de transparence. Même que, une chose assez étonnante, je dois le dire, M. le Président – assez étonnante, là – c'est vraiment surprenant, la CCQ a été obligée d'aller devant la Commission d'accès à l'information pour avoir des renseignements relatifs à ses placements à la Caisse. Ça, là, je dois dire que ça dépasse l'entendement. Moi, en tous les cas, si j'étais en affaires et si j'avais un client qui a 10 % de ses affaires chez moi, il n'aurait pas besoin de me tordre les bras pour avoir des renseignements sur ses affaires chez moi. Il faut vraiment être dans un milieu de monopole, protégé par la loi pour refuser de donner à ces gens-là des renseignements sur des choses qui les concernent.

Et, moi, je pense que la Caisse aurait intérêt à réfléchir attentivement au cas de la construction et à se demander s'il n'y aurait pas lieu de traiter ces gens-là avec un peu plus de déférence avant qu'il ne soit trop tard. Parce que, un jour ou l'autre, si la construction continue à se plaindre, il y a des gens qui vont l'écouter. Il y a des gens qui vont les écouter et qui vont penser qu'ils ont peut-être raison. Un fonds de pension privé, après tout, pourrait fort bien être administré par des gestionnaires privés. Et ils seraient tout à fait justifiés, en tous les cas, de le demander parce qu'ils nous affirment, chiffres à l'appui, que les rendements qu'ils obtiennent sont moins importants que les rendements que d'autres fonds de pension privés obtiennent avec des gestionnaires différents. Premièrement.

Deuxièmement, ils affirment même que les rendements qu'ils ont à la Caisse sont moins importants que les rendements de la Caisse elle-même. Autrement dit, ils accusent la Caisse de leur refiler les plus mauvais placements. Il y a sûrement des exagérations là-dedans, j'en conviens. Je ne crois pas ça moi-même, d'ailleurs. Mais comment se fait-il qu'à quelques occasions le rendement de certains de leurs placements soit moins important que le rendement qu'obtient la Caisse pour tous ses fonds? Alors, là, il y a certainement des explications que vous allez nous donner.

Mais, d'une façon générale, M. le Président, moi, ce que je retiens de ça, c'est l'attitude de la Caisse à leur endroit. En consultant tous les documents, on peut voir qu'effectivement ils ont de la difficulté. Ils parlent, à un moment donné, de relations avec la Caisse qui sont très tendues. Ils parlent de croiser le fer: «Pourquoi faut-il avoir à croiser continuellement le fer avec la Caisse de dépôt?» C'est un client, là, un client de la Caisse de dépôt qui est obligé de croiser le fer avec son fournisseur de services. Il me semble que ça ne marche pas comme ça dans le monde ordinaire. Il faut vraiment qu'on soit au gouvernement ou dans une entreprise en possession d'un monopole pour développer des relations semblables avec la clientèle. Ils nous disent également que «Sobeco, dans un rapport dans le cadre de la réalisation de son mandat, soulignait que l'information transmise aux fiduciaires est incomplète et souvent confuse.» C'est Sobeco qui dit ça.

Et, de conclure la Commission de la construction du Québec, des correctifs s'imposent. Ils demandent des correctifs et, dans ces correctifs-là... En fait, il y a quatre recommandations. Alors, je vais simplement les reprendre et demander aux représentants de la Caisse de nous dire d'abord s'ils sont d'accord avec les recommandations et s'ils voient une possibilité de leur donner suite. Parce qu'il faut être constructif, M. le Président, on n'est pas ici uniquement pour véhiculer les récriminations, on est ici, je pense, pour tenter de faire avancer les choses.

Alors, la première recommandation, c'est que les gens de la construction voudraient avoir un comité de retraite qui aurait de véritables pouvoirs. Ils disent que leur comité de retraite ne doit plus être sous la tutelle de la Caisse de dépôt et qu'il doit avoir les mains libres, être capable de jouer pleinement son rôle.

Ils demandent qu'une partie de leurs fonds soient fractionnés, qu'on leur permette, si vous voulez, de transférer une partie de leurs fonds chez d'autres gestionnaires, de façon à pouvoir et à avoir un secteur témoin. Autrement dit, si je comprends leur recommandation, une partie des 6 000 000 000 $ pourrait leur être confiée à eux-mêmes, et eux, ils pourraient choisir d'autres gestionnaires qui pourraient placer leurs fonds de façon à ce qu'ils puissent faire une comparaison entre la performance que la Caisse de dépôt leur donne et la performance qu'ils pourraient avoir ailleurs. Et, ça, c'est une première recommandation.

La deuxième recommandation, c'est: Les travailleurs doivent pouvoir bénéficier d'une gestion de leur régime de retraite selon les critères généralement admis par les spécialistes. Alors, ils veulent que le gouvernement demande à la Caisse de revoir complètement la gestion des trois fonds de la construction pour instaurer des critères comparables à ceux utilisés pour les régimes privés de retraite. Donc, la recommandation, c'est que le gouvernement redéfinisse le mandat de la Caisse quant à la gestion des fonds de retraite de la construction afin que les investissements soient réalisés dans le meilleur intérêt des participants.

(14 h 30)

Troisième recommandation: Les gens de la construction veulent des investissements distincts pour des fonds distincts. Ils disent: «Nous recommandons que le gouvernement modifie la loi pour obliger la Caisse à respecter la volonté du comité de retraite de participer ou non dans les fonds spécialisés et à consulter le comité de retraite de la construction avant de procéder.» En fait, essentiellement, ce qu'ils nous disent, c'est que la Caisse de dépôt leur a imposé la présence de participations dans des fonds spécialisés. Alors, eux, ils ne veulent pas être partie de ces fonds spécialisés, disent-ils, et ils voudraient, en conséquence, que leur comité de retraite puisse s'objecter à ces pratiques de la Caisse.

Et, finalement, la dernière recommandation, c'est que le gouvernement réserve un siège au conseil d'administration aux membres du comité de retraite de la construction, étant donné qu'ils représentent 10 % des actifs de la Caisse.

Alors, M. le Président, c'est essentiellement les recommandations de l'Association du conseil provincial du Québec des métiers de la construction relativement à leurs fonds de pension. Les recommandations sont là, leurs récriminations sont là, et je pense qu'il convient qu'on demande aux gens de la Caisse de dépôt de réagir et de nous dire quelles sont leurs intentions relativement à ces recommandations.

Oh! oui, une dernière chose, M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que c'est sur le même sujet?

M. Bourbeau: Oui, oui, toujours. Je lis au passage, tout simplement pour qu'on le note. Dans les récriminations du comité de la construction, il dit évidemment que ses membres, à l'occasion, ont des sueurs froides quand ils voient les gestes que pose la Caisse de dépôt relativement à leur fonds. Ils disent ceci en page 11: «Plus récemment, au lendemain du dernier référendum, les déclarations de M. Parizeau à l'effet qu'il avait ordonné à la Caisse de dégager des milliards de liquidités pour soutenir le dollar, nous donnent des sueurs froides, disent-ils. Le gouvernement n'avait sûrement pas en tête l'obtention de rendements optimums pour le régime de la construction quand il a pris cette décision.» Disent-ils. Évidemment, ce n'est pas moi qui ai dit ça, M. le Président, c'est l'Association de la construction. Alors, ce serait intéressant de savoir ce qu'en pensent les gens de la Caisse.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le président.


Document déposé

M. Scraire (Jean-Claude): Alors, M. le Président, d'abord, j'aimerais déposer une copie de la lettre du 29 août que nous avons envoyée à M. Pouliot en réponse à sa lettre du 28 août. Dans la lettre du 28 août qu'il nous a fait parvenir, il soulevait les questions probablement qu'il a abordées avec certains membres de la Commission. Alors, on lui a répondu le lendemain. Et je vais me servir pas mal de cette lettre-là pour répondre aux différentes questions.

Mais le premier point que j'aimerais bien faire, c'est que M. Pouliot représente le Conseil provincial des métiers de la construction. C'est l'un des cinq syndicats de notre déposant, qui est la Commission de la construction. C'est un cinquième de la Commission. Ce n'est pas la position de la Commission que nous avons ici. Nous, nous devons travailler avec notre déposant, qui est la Commission de la construction et non pas le Conseil provincial des métiers de la construction. Je comprends qu'ils sont là pour un cinquième, mais il reste que notre interlocuteur à qui on doit rendre des comptes, c'est la Commission de la construction et non pas chacun de ses syndicats qui la composent. Alors, ça, c'est très important parce qu'il peut même y avoir des désaccords entre ces groupes-là. Et nous savons pertinemment que la Commission de la construction n'endosse pas tous les points qui sont soulevés ici.

Ceci étant dit, je dois dire que, si je prends les sujets que vous avez abordés sur la recommandation quant au rôle du comité de retraite, je suis sûr que, si vous demandiez au comité de retraite de la Commission de la construction s'il a l'impression d'être en tutelle de la Caisse, il vous dirait non. Il joue effectivement son rôle, il a ses responsabilités. Alors, nous, notre interlocuteur, c'est la Commission, c'est son comité de retraite. Ces gens-là font leur travail. Malheureusement, et toujours avec un peu d'échos ici et là, le Conseil provincial des métiers de la construction, je pense qu'il n'a jamais accepté que la Commission de la construction soit créée, quelque part dans les années 1973, à la suite de la commission Cliche. Et il continue à maintenir constamment une attitude critique sur la Caisse de dépôt, nonobstant le fait que la Commission de la construction, elle, puisse estimer que ses relations sont bonnes, sont cordiales et que les rendements qui sont dégagés sont intéressants et optimaux.

L'un des points qui reviennent souvent dans les propos qui sont véhiculés, c'est: Nos fonds rapportent moins que les autres de la Caisse. Dans la lettre que vous avez, vous trouverez, dès la première page, la question des rendements. On a traité de la période de 10 ans. Probablement que c'était sa question, à M. Pouliot. Alors, le rendement global moyen annuel de la Caisse sur 10 ans, c'est 10,24 %. Le fonds 311 a fait 10,25 %, le 312, 10,19 %, et le 313, 10,25 %.

Dans sa lettre, M. Pouliot parle également du pourcentage d'accumulation depuis 10 ans. Alors, vous pouvez voir les chiffres. La Caisse, globalement, est à 165,09, et les trois autres fonds sont légèrement plus hauts, de sorte qu'ils ne peuvent pas véritablement se plaindre d'une distinction entre les rendements, ce qui pourrait quand même arriver, à cause de la répartition différente des actifs. Mais, étant donné les comportements des taux obligataires au cours des dernières années, des hypothèques, respectivement, avec les obligations, et tout ça, sur une période de 10 ans, ça a donné des résultats identiques.

Et, cette question, cette préoccupation sur les résultats identiques est un peu contradictoire avec l'opposition du Conseil provincial aux fonds spécialisés. Parce que les fonds spécialisés, c'est ni plus ni moins que des fonds mutuels, des fonds communs qu'on a mis en place. Alors, mettons que vous avez le fonds spécialisé des actions, le fonds spécialisé des obligations. Et qu'est-ce que ça permet, ça? Ça permet qu'un déposant qui entre en obligations à la Caisse va recevoir le même rendement qu'un autre déposant qui entre en obligations à la Caisse. Alors, c'est une des façons de faire en sorte que, justement, les rendements ne sont pas différents selon les titres qui sont rentrés. Si on achète dans un premier six mois du Alcan puis que les gens n'ont pas investi leur argent de la même façon, il y en a qui vont avoir de l'Alcan puis il y en a d'autres qui, s'ils investissent dans la deuxième partie, ne peuvent pas avoir de l'Alcan. Alcan ayant monté entre les deux, ils vont en avoir moins. À long terme, ça, ça crée des différences de rendements.

En procédant par les fonds spécialisés, tout ce qu'on a, par exemple en obligations, est mis ensemble. Puis, quand quelqu'un, un déposant investit en obligations, il achète des unités de ce fonds-là comme s'il investissait dans un fonds mutuel, et ça assure l'équité, en termes de rendement.

M. Gautrin: Est-ce que vous pouvez répéter ce que vous venez de dire là? Parce que, M. le Président, je n'ai pas compris.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Juste la fin?

M. Gautrin: C'est ça. Quand, par exemple, dans le fonds 311, ils décident d'avoir tel pourcentage en actions, est-ce que ça va être le rendement moyen de la Caisse en actions?

M. Scraire (Jean-Claude): En actions, oui.

M. Gautrin: Donc, ça n'a rien à voir avec le fait qu'ils ont acheté de l'Alcan. Donc, ce n'est pas le type de...

M. Scraire (Jean-Claude): Non, grâce aux fonds spécialisés, et c'est ça mon point. Parce que, d'un côté, le Conseil provincial dit: On ne veut pas avoir des rendements différents, et, de l'autre côté, il s'oppose aux fonds spécialisés. Les fonds spécialisés sont justement le mécanisme qui permet d'avoir des rendements identiques. Par ailleurs, le dernier fonds spécialisé...

M. Campeau: Mais, c'est la journée qu'ils rentrent. Si quelqu'un est rentré le 1er janvier et qu'il a acheté du fonds, le jour où l'autre rentre, le 30 juin, il va rentrer au prix du 30 juin, il ne rentrera pas au prix du 1er janvier, donc il n'aura pas le même rendement à la fin de l'année.

M. Gautrin: Bien sûr, mais ce sera le rendement moyen du fonds spécialisé sur le fonds d'actions...

M. Scraire (Jean-Claude): C'est ça. Quand les analystes vont faire les évaluations de rendement pondérées par le temps, alors, à ce moment-là, cette différence de moment d'entrée va disparaître.

M. Gautrin: Merci, monsieur.

M. Scraire (Jean-Claude): Alors, ça, ça dispose aussi de deux autres des sujets qui sont abordés. La gestion selon les critères professionnels du marché, si on n'avait pas des bons rendements, on pourrait s'en plaindre, mais, une fois qu'on accepte que les rendements sont convenables, c'est le moins qu'on puisse dire... Je pense que ce qu'on doit admettre aussi, c'est que la Caisse gère selon les critères professionnels les plus élevés dans le marché, selon les règles de l'art. Alors, c'est assez difficile, en tout cas quant à nous, de partager une telle préoccupation.

(14 h 40)

Alors, je pense que ce sont les principaux points qui sont soulevés assez régulièrement par le Conseil provincial des métiers de la construction du Québec. Quant à nos relations avec la Commission de la construction elle-même, on est régulièrement en contact, comme avec les autres déposants. C'est certain que c'est un déposant différent, mais les relations sont efficaces.

M. Bourbeau: M. le président, vous dites que le Conseil provincial des métiers de la construction est un des cinq groupes qui forment la Commission de la construction. Mais quelle proportion il a dans le 6 000 000 000 $, ce groupe-là, ici, qui représente le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction? Quelle proportion ont-ils dans le 6 000 000 000 $ ?

M. Scraire (Jean-Claude): Je dirais probablement le tiers.

M. Bourbeau: Un tiers?

M. Scraire (Jean-Claude): Environ. Je pourrais vérifier pour avoir les chiffres plus précis, mais disons que, spontanément, on serait porté à dire le tiers.

M. Bourbeau: Les autres groupes qui sont les quatre autres groupes, pourriez-vous nous les nommer, qui forment la Commission de la construction? Vous n'avez pas ça dans vos ordinateurs?

M. Nadeau (Michel): Je m'en souviens de mémoire. Il faudrait dire, encore une fois, que c'est le tiers de la moitié, parce que la Commission de la construction est un organisme paritaire, patron-syndicat. Alors, donc, la moitié des membres de la Commission sont des représentants patronaux de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec; ça, c'est la partie patronale. La partie syndicale, il y a cinq syndicats: il y a la FTQ-construction, il y a la CSN-construction, il y a la CSD-construction, il y a l'Association provinciale des employés de la construction de la Côte-Nord, si je ne m'abuse, et il y a l'union internationale, le Conseil provincial des métiers de la construction.

M. Bourbeau: O.K. Alors, le Conseil provincial, qui est un des cinq groupes, aurait à peu près 2 000 000 000 $ d'argent chez vous. C'est ça, dans le fond.

M. Nadeau (Michel): Si vous prenez seulement le volet syndical, oui.

M. Bourbeau: Quand vous dites le volet syndical, une fois que les patrons ont souscrit, ça fait partie de leur fonds de pension, les patrons ne peuvent pas retirer l'argent? L'argent une fois qu'elle est souscrite par les patrons, elle devient partie du fonds. Donc, c'est le fonds de pension de ces travailleurs-là qui équivaut à peu près à un tiers du 6 000 000 000 $ ?

M. Nadeau (Michel): C'est ça.

M. Bourbeau: Vous n'avez pas répondu sur les quatre recommandations. Enfin, j'ai peut-être mal été compris, mais il me semble que je n'ai pas entendu vos remarques sur, par exemple, la scission du fonds, où ils demandent qu'une partie de leur fonds puisse être confiée à d'autres gestionnaires qu'à la Caisse, par exemple.

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense que, sur un sujet comme celui-là, ce serait plutôt à la Commission de la construction, globalement, de s'exprimer, plutôt qu'à l'un des intervenants. Moi, je pense que c'est d'abord à l'intérieur de leur organisation qu'ils doivent s'entendre sur des questions comme celles-là. Et, à ce moment-là, c'est au gouvernement de voir ensuite. Supposons que c'était partagé, ce qui ne semble pas être le cas actuellement, mais si ça devait l'être, c'est au gouvernement d'aviser si les circonstances qui ont fait que ça devait se gérer de cette façon-là sont toujours valables ou si elles ont changé, de tenir compte de l'ensemble des avantages ou des inconvénients.

Alors, nous, ce qu'on peut dire, c'est que la sécurité qu'on offre au niveau des travailleurs de la construction dans la qualité de la gestion, l'intégrité de la gestion, je pense que c'est un niveau très élevé de qualité, de sécurité et d'intégrité. Les rendements sont ceux que vous voyez. Si quelqu'un veut prendre des risques différents, c'est à la société et à l'Assemblée nationale de voir ce qui doit être fait. Moi, je sais que ces gens-là sont bien servis. Maintenant, c'est certain que d'autres peuvent servir aussi. C'est toute la question globale de la Caisse, aussi. Bon. Est-ce qu'on a avantage à avoir une masse critique plus forte ou si on n'y a pas avantage, comme société québécoise?

M. Bourbeau: Quoique, rendu à 63 000 000 000 $, la masse est pas mal forte. Est-ce que, par exemple, à la question de...

M. Scraire (Jean-Claude): Si vous permettez, juste sur votre commentaire, M. le député. Oui, c'est fort au Canada, mais on n'est que quelques milliards en avant d'autres au Canada et, sur le marché nord-américain, on n'est pas dans les premiers. Quand on regarde aujourd'hui les actifs des grandes institutions financières, on n'est pas dans les premiers. Et aujourd'hui, la masse critique permet d'avoir accès à des transactions et à des opportunités beaucoup plus rentables. Alors, c'est certain que, quand vous avez de l'argent, ça vous dégage des opportunités que vous n'auriez pas autrement. Ça vous permet aussi de faire affaire dans un plus grand nombre d'activités, dans une période où, effectivement, la diversification est très importante, la recherche de niches peut être constamment à la fine pointe dans tous les domaines. Alors, il y a des avantages. Il peut y avoir des inconvénients, mais il y a des avantages.

M. Bourbeau: Ce surplus d'argent, par exemple, vous permet d'acheter des immeubles au Mexique ou d'investir en Pologne dans l'immobilier, ou au Viêt-nam, ou en Indonésie. C'est à cause de ça, je suppose, que vous allez faire de l'immobilier à l'extérieur, parce que vous avez trop d'argent? Mais ça, c'est une remarque, M. le Président, qui est...

Une voix: Qui n'est pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Non, c'est parce que je ne veux pas, à ce stade-ci, ouvrir un débat sur l'immobiliser parce qu'on va dériver, c'est pour ça que j'ai dit ça. Je ne la retire pas, mais je ferme la porte. Je ferme la porte.

Mais disons ceci. Comment expliquez-vous que l'Association provinciale a été obligée d'aller devant la Commission d'accès à l'information pour obtenir de vous des renseignements et, finalement, elle a obtenu gain de cause? Enfin, c'est d'après ce qu'on nous dit, ça, ce qu'ils nous disent: «Nous avons enfin obtenu le droit que nous réclamions.» Alors, là, si ce n'est pas vrai, il faudra nous le dire. Mais, moi, je l'ai ici: «Finalement, nous avons dû nous adresser à la Commission d'accès à l'information. Au printemps 1996, trois ans plus tard, nous avons enfin obtenu le droit que nous réclamions.» Enfin, si ce n'est pas vrai, vous le direz. Mais, moi, je trouve ça un peu étonnant que les relations soient si mauvaises entre la Caisse et un client. Comment ça se fait que vous ne pouvez pas satisfaire leurs demandes, qui m'apparaissent légitimes, en tout les cas, de savoir ce qui se passe dans leur fonds de pension?

M. Scraire (Jean-Claude): Non, la Commission de la construction n'a pas eu à s'adresser à la Commission d'accès à l'information pour avoir de l'information. Il y a un consultant qui travaille, à l'occasion...

M. Bourbeau: Je n'ai pas dit «la Commission de la construction», j'ai dit «le Conseil provincial», qui est allé devant la Commission d'accès à l'information. Enfin, c'est ce qu'il nous dit.

M. Scraire (Jean-Claude): Il y a effectivement, il y a quelques années, un consultant qui travaillait pour le Conseil provincial qui est allé devant la Commission d'accès, mais qui n'a pas donné suite à sa demande.

M. Bourbeau: C'est vrai, ils nous le disent, ça, aussi. Mais ils nous disent qu'ils ont obtenu gain de cause mais qu'ils n'ont pas donné suite quand même.

M. Scraire (Jean-Claude): Ah! S'ils ont eu gain de cause, c'est sans doute qu'ils se sont adressés à la Commission de la construction du Québec, qui est notre déposant et à qui on fournit l'information sur des détails concernant leur gestion. Alors, je pense que la nuance est assez importante. Et je reviens sur...

M. Bourbeau: Alors là, écoutez, je vais vous arrêter, je vais vous lire le texte. Ce n'est pas ce que vous dites, là. «Il est très difficile d'obtenir de l'information auprès des dirigeants de la Caisse de dépôt. En 1993, notre actuaire a demandé à la Caisse de dépôt de lui permettre de procéder à une vérification sur place des registres et documents de la Caisse. Notre demande a circulé pendant de nombreuses semaines dans les officines de la Caisse. Finalement, nous avons dû nous adresser à la Commission d'accès à l'information. Au printemps 1996, trois ans plus tard, nous avons enfin obtenu le droit que nous réclamions. Nous n'avons pas pu donner suite à notre demande, entre-temps, des compressions budgétaires nous ont forcé de mettre fin au contrat de M. Lafontaine – c'était le consultant. Pourquoi faut-il avoir à croiser le fer avec la Caisse?»

Donc, ils prétendent qu'ils sont allés devant la Commission, qu'ils ont eu gain de cause, etc.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. Je pense qu'on peut comprendre assez facilement que – là, on parle d'une vérification de livres ou de je ne sais pas quoi – d'entrer beaucoup dans les détails de la gestion de la Caisse... C'est évident qu'on ne peut pas ouvrir les portes à toute personne et tout syndicat qui viendraient faire des demandes de ce type-là. Les gens doivent s'adresser à leur organisation; dans le cas, c'est la Commission de la construction, dans d'autres cas, c'est la CARRA qui est responsable et, dans certains cas, c'est la Régie des rentes. Et ces gens-là, les responsables de ces déposants-là, eux, ils sont en contact avec nous, ils fournissent l'information qui leur est demandée lorsqu'ils la jugent appropriée. C'est à eux de gérer les relations avec leurs membres, ce n'est pas à nous de gérer les relations avec les membres.

M. Bourbeau: Et la nomination d'un membre au conseil d'administration...

M. Scraire (Jean-Claude): Ce n'est vraiment pas de mon ressort de commenter cette demande-là.

M. Bourbeau: Très bien.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Juste la dernière intervention, sur le reste... Je comprends que, sur le conseil d'administration de la Caisse, on a Clément Godbout de la FTQ et Gérald Larose de la CSN, donc ce déposant-là est déjà représenté par deux membres.

M. Scraire (Jean-Claude): Quelqu'un peut dire ça.

M. Campeau: On peut dire oui?

M. Scraire (Jean-Claude): Quelqu'un peut dire ça, certainement.

M. Campeau: O.K. Évidemment, la perception, quand on a reçu M. Pouliot, il nous a bien expliqué ça, on ne nous a pas dit ou on n'a pas compris que c'était la Commission de la construction, on a pensé qu'il était un déposant lui-même et seul. C'était ça, notre perception du coup. Donc, il nous semble que M. Pouliot, quand il s'adresse à la Caisse, s'adresse à la mauvaise adresse. Il devrait s'adresser au comité de la construction qui, lui, va demander des informations à la Caisse de dépôt. Alors, M. Pouliot devrait, s'il a une revendication à faire, la faire au comité de la construction, mais ne pas la faire à la Caisse.

Maintenant, je comprends que la Caisse traite le comité de construction comme tout autre déposant qu'elle traite bien. Elle le rencontre périodiquement, discute de la répartition d'actifs chaque année, dans quel véhicule ils vont intervenir, et fait une reddition de comptes à la fin de l'année ou à tous les trois ou six mois. Ça, c'est fait.

(14 h 50)

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, c'est fait.

M. Campeau: Alors, il semble que le comité de la construction ne refait pas ça vis-à-vis de M. Pouliot. En tout cas, il semble. C'est ça qu'il nous dit, lui. Puis, là, je voudrais sortir un petit peu du sujet pour deux secondes, pour mieux y revenir, et poser une question à la Caisse et, si elle est compromettante, en tout cas, je ne m'en excuse pas.

Il y a une différence entre le privé et la Caisse. On sait que, dans le privé, vous faites gérer vos fonds par – je vais nommer des compagnies mais je ne sais pas si c'est leur procédure – Taal, Montrustco, Addenda Capital, qui est venu ici. Alors, on soigne bien les clients. Quand je dis qu'on soigne bien les clients, on les rencontre, on leur explique la répartition d'actifs et, en plus de ça, si on a une banque de billets de hockey, celui qui est responsable, qui nous confie l'argent, on l'amène au hockey des fois ou on l'amène au baseball. Au football, c'est moins intéressant parce que c'est mineur.

Des voix: ...

M. Campeau: Mineur, je voulais dire que ce n'est pas une équipe des majeures, le football à Montréal.

M. Bourbeau: Je pense que le député ferait mieux de s'en tenir aux finances, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: À ce que je sache, ce n'est pas la ligue de football des...

Des voix: ...

Une voix: Ne vous renvoyez pas le ballon, là!

M. Campeau: Ce n'est pas une méchante ligue, c'est une ligue mineure. Dans les mineures, c'est très bon. Dans les semi-professionnelles, c'est très bon aussi.

Alors, je continue donc mon affaire. Quand on fait affaire avec le privé, évidemment, on est peut-être mieux traité qu'à la Caisse parce que, à un moment donné, aussi, il peut y avoir des séminaires en Floride, à West Palm Beach, tout comme il peut y avoir des séminaires à Porto Rico ou des séminaires en Europe où le gestionnaire amène son client pour mieux lui faire voir ses placements. Est-ce que la Caisse a cette politique-là de faire voyager ses déposants à travers le monde?

M. Scraire (Jean-Claude): Non, honnêtement, on ne consacre pas beaucoup d'argent à ce qu'on pourrait appeler les relations avec la clientèle dans ce sens-là, dans le sens où vous le dites. Peut-être qu'on ne le fait pas assez, peut-être qu'on devrait le faire un peu plus, mais on estime aussi que les clients, étant invités fortement à déposer chez nous, ce n'est peut-être pas nécessaire d'aller jusqu'à payer des voyages à Porto Rico, ou des choses comme ça. Donc, la réponse à ça, c'est qu'effectivement nos frais en relations publiques comme ailleurs sont plus bas que dans le secteur de la gestion privée.

Quand on regarde les rendements, parfois, on néglige ça aussi. On parle de rendements avant frais, mais, si on parlait de rendements après frais par rapport à des gestionnaires privés, la gestion coûte très cher. Alors, le rendement après frais, comparativement, serait très différent. C'est vrai pour l'ensemble de nos frais puis notamment dans le domaine des relations publiques.

M. Campeau: Alors, qu'est-ce qu'on doit dire aux membres du Conseil provincial? Qu'il est à la mauvaise adresse, qu'il doit s'adresser au comité de la construction?

M. Scraire (Jean-Claude): Pour l'essentiel, oui. Mais c'est certain qu'on peut leur fournir certaines informations aussi. Comme un citoyen qui nous demande de l'information, il a accès à beaucoup d'informations. Alors, la question est de savoir: Est-ce que c'est une information qui appartient particulièrement à un déposant comme la Commission de la construction? À ce moment-là, on est redevable de cette information-là à ce déposant-là. Et là on dit à son syndicat membre ou à l'association patronale membre: Écoutez, vous êtes membre du comité de retraite, vous êtes membre de cette organisation, travaillez avec votre groupe.

M. Campeau: Donc, quand M. Pouliot s'adresse ici ou à la Caisse, il est à la mauvaise adresse. Il doit s'adresser au comité de construction. Il peut s'adresser au législateur, bien sûr, mais pas à la commission, ici. Il fait partie d'un groupe.

Une voix: On ne vous dérange pas? Ce n'est pas vous qui allez...

M. Campeau: Parfait! Je pense, M. le Président, que ça répond à ma question. Je pense que ça clarifie l'imbroglio.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça complète votre interrogation? Pas d'autres sujets? Je n'ai pas d'autres membres en liste? Est-ce que les gens n'ont plus rien à dire? Excusez! M. le député de l'Acadie.


Portefeuille de liquidités au moment du référendum

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, ce matin, on a fait allusion, à quelques reprises, de façon assez indirecte, au référendum. Le député de Laporte, tout à l'heure, a fait référence en citant un extrait du mémoire de la Commission de la construction du Québec... Mais je pense qu'il y a quand même une opération qui est relativement importante qui s'est produite, disons, au cours des dernières années et qui mérite qu'on s'y attarde parce que la Caisse de dépôt était directement impliquée, était partie prenante. Et je parle ici de ce qu'on a appelé le plan o. Pourquoi il faut y faire référence? C'est parce que, bon, évidemment, c'est un plan qui était secret jusqu'au référendum, qui est devenu public le lendemain du référendum, et c'est un plan qui a été reconnu par M. Parizeau dans une entrevue qu'il avait donnée en novembre 1996. Ça a également fait l'objet d'un article, quelques mois avant, dans L'actualité . Ça a été également reconnu par le premier ministre actuel, en novembre 1996 également, à l'Assemblée nationale.

On doit se rappeler que la Caisse de dépôt avait fait partie d'un plan où le gouvernement avait fait des réserves de liquidités ou s'était assuré de réserves de liquidités de 37 000 000 000 $, dont 17 000 000 000 $ venaient du ministère des Finances, d'Hydro-Québec et de la Caisse de dépôt. La Caisse de dépôt contribuait, dans ces 17 000 000 000 $, pour des liquidités de 8 000 000 000 $.

Alors, essentiellement, le gouvernement anticipait, au lendemain d'un référendum, des conséquences économiques, financières négatives et, contrairement à ce qu'on laissait entendre – parce qu'on nous avait toujours dit que le lendemain du référendum, advenant un oui, tout continuait normalement, qu'il n'y avait pas de problème, que ce serait «business as usual» – on s'aperçoit que, parallèlement à ça, le gouvernement avait prévu qu'il y aurait des conséquences négatives et avait mis en place tout un plan pour essayer de stabiliser le dollar canadien et racheter des obligations d'épargne du Québec que les investisseurs étrangers pourraient vouloir liquider rapidement compte tenu d'une nouvelle situation politique. Et, dans ce contexte-là, la Caisse de dépôt avait mis de côté 8 000 000 000 $ de liquidités pour répondre à ce besoin-là, qui est un besoin qui avait été fixé par le premier ministre, à ce moment-là, de l'époque, qui avait demandé au ministre des Finances du moment de préparer ce plan-là, et tout ça en catimini, en cachette.

Alors, évidemment, c'est clair qu'on ne peut pas aujourd'hui passer du temps avec la Caisse de dépôt et placement sans aborder cette question-là. Mais, moi, la première question que je voudrais vous poser, c'est: En vertu de quelle partie du mandat qui est confié à la Caisse de dépôt et placement dans sa loi constitutive la Caisse a-t-elle participé à cette opération qui visait, au fond, à risquer les épargnes que les Québécois avaient mises de côté pour leur pension, pour leur retraite, dans un contexte où on prévoyait, contre tout ce qui était dit publiquement, des conséquences négatives? Et on était prêt, à ce moment-là, à utiliser 8 000 000 000 $ des épargnes des Québécois, des fonds de pension qui appartenaient à tous les Québécois, dans un contexte que je viens de décrire. Alors, en vertu de quelle partie du mandat de la Caisse de dépôt vous avez participez à cette opération?

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense, M. le député, qu'avant de demander en vertu de quelle partie on a fait quelque chose on devrait demander: Est-ce qu'on a fait quelque chose? Et, si oui, quoi? Je pense que je pourrais vous... Les choses les plus simples, parfois, sont difficiles à comprendre. On parle de liquidités. La Caisse de dépôt avait 6 000 000 000 $ liquides – «liquide», c'est le terme que tout le monde emploie – en octobre 1995, lors du référendum. Puis, aujourd'hui, elle en a plus que ça, puis il n'y a pas de référendum, à ce que je sache, en vue.

(15 heures)

Ça s'inscrit, très simplement – très simplement – dans une évolution qui a porté le portefeuille de liquidités de la Caisse de 13 %, en janvier 1994, graduellement à peu près à 24 % – on parle du portefeuille obligataire – ...

Une voix: Le portefeuille obligataire ou...

M. Scraire (Jean-Claude): ...obligataire, à 24 %, en octobre 1995 – on se situe à peu près là – et ça a continué à s'accroître. Aujourd'hui, on est à 36 %. Alors, sur une période de – ça, ça fait 1994, 1995, 1996 et six mois – trois ans et demi, le portefeuille de liquidités de la Caisse est passé de 13 % à 36 %. Ce n'est pas lié à des événements politiques, c'est lié...

Une voix: C'est parce que lui prend de la valeur aussi.

M. Scraire (Jean-Claude): Ce n'est pas lié à des événements politiques, c'est lié aux marchés financiers, au fait que les obligations du Québec – on le disait tantôt – étaient recherchées. Donc, nous, on a pu accroître notre portefeuille de liquidités. On alimente le marché quand il en veut, des obligations du secteur public québécois. Donc, effectivement, depuis 1994, c'est un titre qui est bien recherché, qui l'est encore, et, aujourd'hui, on a encore plus de liquidités qu'auparavant.

Là où les gens, le public ou d'autres peuvent se tromper à l'occasion, c'est de penser que de la liquidité, c'est du cash qu'on a. De la liquidité, ce n'est pas du cash, ce sont des titres, mais ce sont des titres soit à plus courte échéance, soit dans des marchés plus liquides, qui se transigent plus rapidement. Et, pour nous, plus liquides... C'est sûr que, quand des titres québécois... je dirais, des titres du gouvernement du Québec, c'est un peu moins liquide, pas parce que le titre l'est moins, parce que, nous, on en a beaucoup. Alors, c'est certain donc que ça représente pour nous une caractéristique différente. Notre portefeuille est très porté sur les titres québécois, vous le savez. Bon. De sorte que, quand le marché le requiert et que, nous, on peut aller dans les titres plus liquides, bien, tout le monde y gagne, et les finances publiques, et le marché financier du secteur public, et la Caisse dans ses rendements parce qu'elle alimente le marché. Puis, quand on alimente le marché comme ça, on le fait parce qu'on pense que c'est profitable pour nos déposants.

Alors, l'ensemble donc du positionnement du portefeuille de la Caisse a été graduel puis il nous a donc porté de 13 % à 36 % de liquidités au cours de l'ensemble de cette période-là. Donc, il est exact qu'il y avait 6 000 000 000 $ de liquidités. C'est un fait. Mais ça s'inscrit dans une stratégie de placements pour obtenir le rendement sur nos portefeuilles et la protection dans notre mission normale.

Alors donc, en vertu de quoi vous avez participé? Premièrement, on n'a pas participé à aucune opération. Aucune opération. Mais on avait des liquidités élevées dans le cadre de notre gestion normale de portefeuille.

M. Bordeleau: Au niveau des liquidités, quand on regarde la question du plan O, les 8 000 000 000 $ de liquidités auxquels vous faites référence, disons, c'est inhabituel, selon les informations qu'on a, par rapport à la... ça représentait 12 % des actifs de la Caisse qui étaient des liquidités à ce moment-là, alors que, normalement, les actifs de la Caisse qui étaient sous forme liquide étaient de 4 % à 5 %. Ça, c'est des informations qu'on a reçues régulièrement.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est que les gens confondent, M. le député. Je reviens à ce que je disais tantôt. Les gens confondent entre les investissements à court terme puis des titres qu'on appelle «liquides». On peut avoir des obligations de l'État de New York ou du gouvernement américain à 10 ans, et ça, ce sont des titres liquides. C'est liquide, ce n'est pas du court terme. Alors, quand on parle du 3 % à 4 %, on parle des titres de court terme. Les titres de court terme rapportent un rendement de court terme. C'est vrai qu'on a, en moyenne, 3 %, 4 %, 5 %, parfois 6 % dans le court terme du portefeuille de la Caisse. C'est à peu près l'ordre de variations qu'on a. Et ça, c'est décidé selon notre anticipation du comportement des marchés. Ce dont je parle, quand je parle des liquidités, c'est la position en obligations à l'intérieur du portefeuille obligataire, ce n'est pas une position de court terme. À l'intérieur du portefeuille obligataire, on avait des titres plus liquides, et on avait, et on a, en croissance constante, des titres de plus en plus liquides.

M. Bordeleau: M. Parizeau avait clairement reconnu, et ça a été affirmé de façon très évidente, que la Caisse s'était préparée pour racheter toutes les obligations d'épargne que les investisseurs étrangers pourraient vouloir rejeter au lendemain d'un référendum qui aurait été en faveur du oui. Parce qu'on anticipait ces conséquences-là, il y a eu une opération qui a été mise en place dans laquelle ont participé des institutions privées et, dans le cas de toutes ces institutions privées là, il y a eu des liquidités supérieures à ce qui existait normalement. À la Caisse de dépôt, en même temps on retrouve la même situation, c'est-à-dire des liquidités supérieures à ce qui existait antérieurement.

Et vous avez, je ne sais pas si on vous a bien cité, mais, dans l'article de L'actualité , on fait référence à une déclaration que vous avez faite, où on dit: «On s'était même préparés pour un référendum hâtif. Le président du Conseil, M. Jean-Claude Scraire, reconfirmait à L'actualité », etc. Alors, vous étiez préparés à un référendum. C'est une opération qui était faite en fonction du référendum, le niveau de liquidités que vous aviez de disponibles, et c'était fait, selon ce que dit M. Parizeau, pour racheter des obligations que les investisseurs auraient pu vouloir vendre ou soutenir le dollar canadien. C'est ce qui a été dit.

Alors, ce que je retiens, moi, c'est qu'on avait 8 000 000 000 $ qui étaient consacrés à ça pour corriger des dégâts économiques qui surviendraient le lendemain, et je ne pense pas que ce soit à ça que la population du Québec s'attend quand on pense qu'on a mis nos argents à la Caisse de dépôt pour s'assurer qu'on obtiendra des rendements maximums, des rendements optimaux, en fonction des retraites. Il doit y avoir une certaine sécurité à ce niveau-là. J'écoutais M. Sanschagrin ce matin, dans le vidéo que vous avez démontré, qui est le président de la CARRA, et qui disait qu'on devait sécuriser les placements des déposants québécois qui mettent ça là en toute confiance parce que c'est leur argent pour leur pension. Et cet argent-là était mis en secret. Ça n'a jamais été discuté à nulle part, la population n'a jamais été informée de ça, qu'il y avait des risques économiques le lendemain...

M. Scraire (Jean-Claude): Je m'excuse, M. le député...

M. Bordeleau: ...et on avait mis de côté 8 000 000 000 $ pour racheter des obligations...

M. Scraire (Jean-Claude): Non, non, non, non, non, non.

M. Bordeleau: ...que les gens voulaient revendre le lendemain parce qu'il y avait des conséquences économiques.

M. Scraire (Jean-Claude): Je m'excuse, M. le député. Moi, je ne suis pas ici pour faire de la politique et je n'en ai pas fait en 1995, comme je n'en fais pas aujourd'hui. Alors, ce qu'on a fait, nous, c'est de la gestion de portefeuille, tel que je vous l'ai indiqué. Si les gens veulent affirmer que la Caisse a fait des choses, qu'ils l'affirment. Mais ce que je vous dis, c'est qu'il n'y a personne qui va pouvoir établir quoi que ce soit là-dessus, et on ne s'est pas préparé à un référendum hâtif, on a géré notre portefeuille. Toutes les déclarations qu'on a faites ont été très claires, à part ça, parce que, pendant la période référendaire – puis j'estime que c'était ma responsabilité – je l'ai dit qu'on avait une position de liquidités très forte pour ne pas que les gens soient surpris, pour que ça ne prenne personne par surprise, comme toutes les institutions financières – vous le disiez – avaient des liquidités très fortes.

Mais, nous, ce n'était même pas fait en fonction de cela. Je vous le dis, le tableau, la situation est très, très claire, on l'a fait en termes de gestion de portefeuille. On est rendu à 36 % puis on est confortable avec cette position-là. Ça pourrait changer. Supposons que demain matin, pour une raison x, y ou z, les obligations du Québec présentent une opportunité de placements particulièrement intéressante, bien ça se pourrait qu'on baisse nos liquidités puis qu'on rachète des obligations du Québec plus performantes. Ça se pourrait fort bien. Alors, ce n'est pas sacré, ces pourcentages-là. Ça se gère selon l'évolution des marchés et des opportunités pour avoir une bonne rentabilité. Je sais que des gens peuvent essayer de faire de la politique là-dessus. Moi, ce que je vous dis, c'est que, nous, notre responsabilité, c'est de gérer un portefeuille et c'est ce que nous faisons.

M. Bordeleau: La déclaration, vous dites: On ne s'est pas préparés à un référendum hâtif. Ce n'est pas ce que vous disiez dans l'article de L'actualité , où on dit que vous avez dit qu'on s'était même préparés pour un référendum hâtif. Alors, je n'argumenterai pas sur ce point-là.

Mais ce que je voudrais savoir, au fond... Puis ce que je trouve un peu curieux dans la présentation, vous dites: On était prêt, au fond, pour ces placements-là qui auraient pu rapporter, qui auraient pu être des bons placements, de racheter les obligations. Vous nous avez expliqué depuis hier que la Caisse de dépôt devrait mettre plus d'argent dans des actions et moins dans les obligations. Alors, c'est un peu contradictoire avec ce que vous mentionniez là, que vous auriez mis plus d'argent dans des obligations, alors que vous êtes ici et que vous voudriez qu'on change le niveau de 40 %. C'est une remarque sur laquelle vous pourrez ajouter, si vous le désirez.

Mais ce que je voudrais vous demander: Dans cette opération-là, dirigée par le premier ministre Parizeau, oui, le ministre des Finances de l'époque, est-ce que la Caisse, vous personnellement, ou d'autres personnes de la Caisse, avez été contacté, soit par le premier ministre, à ce sujet-là, par le ministre des Finances, par un haut fonctionnaire du Conseil exécutif ou par un haut fonctionnaire du ministère des Finances? Est-ce que vous avez été contacté à ce niveau-là par une de ces personnes-là?

M. Scraire (Jean-Claude): Je vous ai clairement dit, je pense, en tout début, que la Caisse n'a participé à aucune opération quelconque qui ressemble à ce dont vous parlez.

(15 h 10)

M. Bordeleau: N'appelons pas ça une opération, mais je vous demande si vous avez été contacté à ce sujet-là par les personnes que je vous ai mentionnées.

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, écoutez, on n'avait même pas besoin de se contacter. Je vais vous donner l'extrait de mon discours devant la Chambre de commerce le 17 octobre 1995. Je l'ai dit en public devant 700 personnes.

M. Bordeleau: Ce n'est pas ça. Je m'excuse, je ne veux pas que vous me lisiez votre discours, je l'ai vu, le discours que vous aviez prononcé à ce moment-là. Je vous demande si vous avez été contacté par le premier ministre, le ministre des Finances, un haut fonctionnaire du Conseil exécutif ou un haut fonctionnaire du ministère des Finances à ce sujet-là.

M. Scraire (Jean-Claude): Je répète qu'on n'a participé à aucune opération. Moi, je n'ai pas eu de discussion sur aucune opération non plus.

M. Bordeleau: Écoutez, ce n'est pas ça que je vous ai demandé.

M. Scraire (Jean-Claude): Mais ce n'est pas ça, la question?

M. Bordeleau: Non, je vous ai demandé si vous avez été contacté par le premier ministre, ou le ministre des Finances, ou un haut fonctionnaire du Conseil exécutif, ou un haut fonctionnaire du ministère des Finances. C'est ça, la question. C'est oui ou c'est non.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est non.

M. Bordeleau: D'aucune de ces personnes-là?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

M. Bordeleau: Ça veut dire que les hauts fonctionnaires du ministère des Finances qui prenaient des contacts régulièrement, quotidiennement avec toutes les institutions financières privées pour s'assurer que les liquidités seraient là durant l'été 1995, et je pense, entre autres, à certains sous-ministres, que ces gens-là n'ont jamais discuté avec la Caisse de dépôt de cette question-là, de s'assurer du niveau des liquidités?

M. Scraire (Jean-Claude): Mais là il faut distinguer les choses. On a parlé hier de la gestion du portefeuille, de la gestion de la dette publique au Québec, de nos responsabilités à cet égard-là, de l'importance de notre portefeuille.

Le ministère des Finances et la Caisse de dépôt sont en interaction constante à l'égard du portefeuille de la Caisse et du marché des obligations. Les gens entre les deux organisations se parlent constamment. Il n'y a aucune surprise au ministère des Finances si on leur dit aujourd'hui, et je parle des fonctionnaires du ministère des Finances qui sont en relation avec les gens des départements, particulièrement pour la dette, c'est la dette qui concerne le ministère des Finances... mais il n'y a aucune surprise sur le fait qu'on avait des liquidités de 6 000 000 000 $. Ils le savent, ils connaissent le portefeuille. Ils savent régulièrement si on a vendu plus ou moins ou si on a acheté.

C'est certain qu'un agent économique comme le ministère des Finances puis un investisseur important, avec son rôle de stabilisateur du marché, comme la Caisse, au niveau des instances appropriées, se parlent dans la gestion des titres du secteur public québécois. Ça se fait, ça, sur une base très, très régulière.

M. Bordeleau: Ce n'est pas à ça que je fais référence...

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, mais...

M. Bordeleau: ...et vous le savez très bien. Qu'il y ait des discussions, il y en a, des discussions continuelles et régulières avec les institutions privées, comme il y en a avec vous sur la question de la dette. Je vous ai parlé, moi, d'un contexte bien particulier, c'était la question des obligations du Québec le lendemain d'un référendum – c'est de ça que je parlais – et de la façon de se préparer, à laquelle M. Parizeau a reconnu qu'il y avait un plan qui existait et que c'est lui-même qui l'avait commandé. C'est à ce sujet-là que je vous parlais. Et je vous demandais si, dans ce contexte-là précis, il y avait eu des contacts avec les personnes, que je vous ai mentionnées, sur ce point-là en particulier. Vous me dites: Non.

Et je dois conclure, et vous me permettrez quand même, en tout cas, de mettre ça entre parenthèses dans mon esprit à moi, les autres feront bien ce qu'ils veulent, mais, au moment où ces contacts-là existaient de façon régulière et directe précisément sur ce point-là, à l'intérieur de ce plan-là, avec les institutions privées, durant tout l'été qui précédait, c'est difficile de penser que ça n'ait pas existé au niveau de la Caisse. Est-ce que vous, personnellement, vous étiez au courant qu'il existait un plan, qu'on appelle le plan O, de l'existence de ce plan-là?

M. Scraire (Jean-Claude): Je ne sais toujours pas de quoi on parle.

M. Bordeleau: Écoutez, on en a parlé dans les journaux, vous savez de quoi on parle...

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, mais vous savez...

M. Bordeleau: ...des liquidités qu'on avait mises de côté.

M. Scraire (Jean-Claude): ...M. le député, ça fait un petit bout de temps que j'ai appris à distinguer entre les preuves des choses et tout ce qu'on peut lire ou tout ce qu'on peut entendre. Ça fait longtemps que j'ai appris à distinguer ça. Alors, voilà. Mais c'est certain, ça, je le répète, que les contacts concernant les liquidités, les transactions, et tout ça, entre le ministère des Finances et la Caisse, c'est courant, courant, y compris durant cette période-là.

M. Bordeleau: Oui, mais, durant cette période-là, il y avait quelque chose de particulier. Alors, je pense que là-dessus...

M. Scraire (Jean-Claude): Non, non, mais «y compris», «y compris». Ce n'est pas particulier, mais c'est «y compris».

M. Bordeleau: En tout cas, on va prendre avis de votre réponse, que vous ne saviez pas que ça existait, vous ne savez pas de quoi on parle quand on parle du plan O, ce qui est assez particulier, que vous n'avez eu aucun contact alors que les contacts existaient de façon régulière, disons, avec toutes les autres personnes qui étaient impliquées à l'intérieur du plan. Je pense à Hydro-Québec, je pense aux institutions privées. C'est de notoriété publique que ce plan-là existait. M. Parizeau l'a confirmé, le premier ministre actuel l'a confirmé. Il y a eu des articles dans L'actualité qui en ont fait état. Tous les journaux en ont fait état. Alors, les gens concluront ce qu'ils veulent bien conclure de ce côté-là.

Maintenant...

M. Scraire (Jean-Claude): Écoutez, même, M. le député, moi, tout ce que j'ai réussi à lire sur ça dans les déclarations de M. Parizeau, parce que je m'intéresse, je suis de près tout ce qu'on peut dire sur un sujet comme celui-là, et les seuls commentaires que j'ai retrouvés là-dessus concernant le dollar canadien, puis la seule déclaration que j'ai retrouvée là-dessus – je ne sais pas s'il y en a eu d'autres, je ne prétends pas être exhaustif – celle qui a fait le plus de bruit, c'était à l'effet que, advenant un oui ou une situation similaire, toutes les institutions canadiennes, québécoises, en appui à la Banque du Canada, auraient appuyé le dollar canadien pour assurer sa stabilité. C'est la seule chose. Je n'ai rien vu d'autre. Quand je dis: Je ne sais pas de quoi vous parlez, tout ce que je veux dire, c'est que je n'ai rien lu d'autre que ça.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. On dit, dans l'article de L'actualité , et ça a été confirmé ailleurs aussi: «Le ministère des Finances était donc prêt à racheter au besoin toutes les obligations québécoises dans une vente de panique aux États-Unis, à Tokyo, en Suisse ou ailleurs.» Ça a été écrit. Est-ce que ces liquidités-là, qui étaient inhabituelles, qui étaient supérieures à la normale à ce moment-là, qui étaient destinées, selon le plan auquel on fait référence, à acheter des obligations advenant des ventes rapides sur le marché, est-ce qu'il y a eu des discussions à ce sujet-là au conseil d'administration de la Caisse, sur ce point-là en particulier, soit avec l'ensemble du conseil de la Caisse ou avec certains membres du conseil de la Caisse?

M. Scraire (Jean-Claude): De mémoire, tout ce que je peux penser qui a été discuté au conseil de la Caisse, parce que le conseil de la Caisse suit l'évolution de ses portefeuilles, c'est l'évolution des premières liquidités dont je vous ai parlé tantôt. C'est un mouvement qui était à la hausse depuis 1994 et qui s'est poursuivi depuis. Alors, au niveau du conseil d'administration de la Caisse, c'est un «reporting» qui est mensuel, il y a des tableaux de bord de l'évolution de tous les portefeuilles, et ça, ça fait partie des éléments suivis par un conseil d'administration, la répartition des titres dans un portefeuille. Alors, ça, c'est certain que tous les membres au conseil voyaient que le niveau de liquidités était en hausse depuis deux ans presque, comme ils voient aujourd'hui qu'il a continué à monter.

M. Bordeleau: Est-ce que les membres du conseil de la Caisse savaient à ce moment-là que ces liquidités-là, qui étaient à la hausse à ce moment-là, étaient destinées à contrecarrer des ventes rapides des obligations du Québec sur le marché au lendemain d'un référendum?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, mais, encore là, vous répétez une destination à ces fonds-là qui n'était pas la leur et qui ne faisait pas partie d'aucune stratégie, sous réserve de ceci: c'est qu'évidemment, dans n'importe quelle circonstance, si on a des bonnes opportunités, même importantes, sur certains titres, bien on se sert effectivement des liquidités pour investir à ce moment-là. C'est ça, l'objectif des liquidités, c'est d'être capable de déplacer des portefeuilles selon les opportunités que les marchés présentent. À certains moments, ça peut être vers des actions internationales, ça peut être sur des obligations du Québec. Alors, c'est la nature même des liquidités que d'être un instrument qu'on peut utiliser rapidement pour saisir des opportunités.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de l'Acadie, votre bloc de 20 minutes est déjà largement épuisé.

Des voix: Consentement.

M. Bordeleau: Les questions, c'est moi qui les formule, alors...

Une voix: À ce moment-là, pas de consentement...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, non. Là, un instant.

M. Bordeleau: Alors, M. le Président...

M. Blais: M. le Président, je lui demanderais – on a été très gentils – de ne pas être arrogant. Même s'il est déçu par les réponses qu'il a, qu'il continue d'être un gentlemen, s'il vous plaît, s'il en est capable.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien.

M. Bordeleau: Oui, mais je suis capable de formuler mes questions moi-même, je n'ai pas besoin d'indications de votre part.

M. Blais: Oui, mais ne soyez pas arrogant, là.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien, M. le député de Masson.

M. Blais: Ne soyez pas arrogant. Comment voulez-vous reprocher à la Caisse d'avoir des gens qui sont arrogants dans leurs rangs lorsque vous l'êtes devant eux?

Une voix: Ça, c'est votre point de vue à vous.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Masson... M. le député de l'Acadie, si vous voulez, on va vous laisser formuler votre question, et qu'on retrouve le climat qu'on vit depuis deux jours. Ça va bien, dans l'harmonie, dans l'entente la plus complète, et espérant que...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien oui. Même si on ne s'entend pas tout de suite, on va s'entendre plus tard. Moi, je suis un gars optimiste, vous savez.

Une voix: Ça va venir.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça va venir.

Une voix: Un gars terre-à-terre.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je suis un gars terre-à-terre, je suis un gars de terrain. M. le député de l'Acadie, vous voulez formuler votre question?

M. Bordeleau: Oui. Alors, M. Parizeau, dans son entrevue qu'il a donnée à M. Bureau, mentionnait à un moment donné... Bon, M. Bureau dit: «On parle d'une vingtaine de milliards de dollars, et c'est bien ça, le chiffre?» M. Parizeau répond: «Oui, oui, c'est tout à fait 19 000 000 000 $.» «Entre Hydro-Québec et la Caisse de dépôt?» M. Parizeau répond: «Hydro-Québec, la Caisse de dépôt et le ministère des Finances.» Alors, vous voyez pourquoi je faisais allusion, dans mon texte, la semaine dernière, à ce sujet-là, d'un des représentants du syndicat financier qui vient maintenant atterrir au centre de ce... etc. Est-ce que M. Parizeau a inventé ça, que dans son plan, auquel il fait référence, du 19 000 000 000 $, Hydro était impliquée, que la Caisse de dépôt était impliquée et que le ministère des Finances était impliqué? C'est une invention de M. Parizeau?

(15 h 20)

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, écoutez, moi, ce que je peux vous dire, c'est que, nous, on avait 6 000 000 000 $ de liquidités et que certainement le ministère des Finances le savait, probablement que le premier ministre du Québec le savait aussi. Alors, s'il savait aussi ce qu'il y avait ailleurs...

M. Bordeleau: En tout cas, M. le Président, je veux juste conclure là-dessus.

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense même que, à l'époque, c'était de commune renommée, à peu près à la même époque où je parlais devant la Chambre de commerce de Montréal sur nos liquidités, puis tout ça, le premier vice-président, responsable des grands marchés, était à Québec devant une autre salle, puis je pense même qu'il a évoqué qu'il y avait à peu près 20 000 000 000 $ dans les grandes institutions québécoises à ce moment-là.

M. Bordeleau: Je veux tout simplement conclure qu'il est clair, au fond, que, d'abord, le gouvernement avec la Caisse de dépôt, avec Hydro-Québec et le ministère des Finances – ce n'est pas moi qui l'affirme, c'est le premier ministre Parizeau qui l'affirme – avaient mis en place un plan qui visait à contrecarrer des conséquences négatives qu'ils attendaient à la suite d'un vote pour le oui et que, dans ce contexte-là, on était prêts, selon encore là ce qu'on nous rapporte et ce qu'a confirmé M. Parizeau, à utiliser 8 000 000 000 $ des régimes de retraite, des régimes de pension des citoyens du Québec, qu'on était prêts à prendre ça pour littéralement le jouer sur les marchés financiers, pour une autre fin que celle à laquelle les citoyens du Québec s'attendent quand ils confient leur argent à la Caisse de dépôt et placement et qu'ils s'attendent à ce que les seuls critères qui jouent soient les critères qu'on retrouve dans la mission de la Caisse, d'abord de s'assurer le développement économique du Québec, mais aussi de s'assurer des rendements optimaux, parce qu'il s'agit de quelque chose d'extrêmement important, il s'agit de la caisse de retraite des Québécois.

Il est loin d'être clair, il est loin d'être démontré que cette utilisation-là des 8 000 000 000 $, 12 % des actifs de la Caisse, dans le contexte où on nous l'a décrit, n'était pas à ce moment-là, disons, risquée et que ça constituait tout simplement, à mon avis, un détournement des épargnes des Québécois parce qu'elles étaient utilisées en fonction d'une fin qui n'était pas celle à laquelle les citoyens s'attendaient...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de l'Acadie...

M. Bordeleau: ...que la Caisse de dépôt assume ses responsabilités.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de l'Acadie, vous jouez un petit peu avec ma patience. Je pense qu'on doit prendre la parole de nos invités, qu'on soit d'accord avec leurs paroles ou qu'on ne soit pas d'accord. On n'est pas devant un tribunal, effectivement; il n'y a pas de contre-interrogatoire ici. Il ne faudrait pas non plus présumer ou demander aux représentants de la Caisse d'interpréter les paroles, ou les discours, ou les positions de premiers ministres, de l'époque ou d'aujourd'hui. Donc, c'est pour ça que je vous demanderais un peu plus de discipline et également de discernement dans vos propos. On peut présumer des choses, mais porter des accusations, je pense que c'est peut-être un peu aller loin, en tout cas, au niveau de cette commission-ci.


Document déposé

M. Scraire (Jean-Claude): M. le Président, si vous permettiez, j'aimerais déposer la position publique de la Caisse sur ce sujet-là, ce qui résume tout ce que je viens de dire – pas ce que le député vient de dire, mais tout ce que je viens de dire. Mais l'un des éléments qui est noté et que, je pense, il faut noter, parce que, quand on parle du travail de la Caisse, j'apprécie qu'on soit exact et qu'on ne laisse pas entendre qu'on a risqué indûment des choses quand ce n'est pas le cas... Puis, en 1995, notre portefeuille d'obligations a rapporté 21,2 %; ça a été l'un de nos grands succès historiques en termes de rendement.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On va prendre note du dépôt du document. La parole est au député de Crémazie.

M. Campeau: M. le Président...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Et j'ai laissé – en passant – cinq minutes de plus au député de l'Acadie que son temps permis.

M. Campeau: Je n'aurai pas besoin de prendre tout ce temps-là, M. le Président, avec la coopération, évidemment, du président de la Caisse de dépôt. Alors, j'ai quelques questions à poser au président de la Caisse. Est-ce que c'est vrai que la Caisse est autonome et n'a pas à recevoir d'ordre du gouvernement? Et, pour ça, pour l'aider dans sa réponse, au président de la Caisse de dépôt, je lui lirai encore un texte de Jean Lesage, ce fameux premier ministre comme il n'y en a pas beaucoup. Comme je disais tout à l'heure, je suis fier du discours de M. Lesage, et c'était un grand homme. Alors, il dit, au sujet du président de la Caisse de dépôt: «Dans ces circonstances, il a été décidé que le directeur sera nommé pour une période de 10 ans, qu'il ne pourra être renvoyé qu'à la suite du vote de deux Chambres – dans ce temps-là, il y avait deux Chambres – et que, pendant la durée de son mandat, son salaire ne pourra être réduit.» Alors, je reviens à ma question. Est-il vrai que le président de la Caisse de dépôt est autonome et qu'il n'a pas d'ordre à recevoir du gouvernement?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est vrai. C'est vrai.

M. Campeau: Ça va.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est vrai.

M. Campeau: Alors, pour écourter les choses. Est-ce qu'il est normal ou, dans la pratique, qu'est-ce qui arrive... Est-ce qu'il est vrai qu'Hydro-Québec, le département des finances d'Hydro-Québec, que le département du financement du ministère des Finances et les gestionnaires de la Caisse de dépôt se parlent assez régulièrement sur les questions du marché? Que le ministère des Finances est au courant, évidemment, quand Hydro-Québec va emprunter, parce que c'est lui qui approuve, c'est le ministre des Finances qui approuve, et qu'il y a des échanges entre la Caisse, Hydro-Québec et le ministère des Finances, section financement, sur les conditions de marché?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, tout à fait.

M. Campeau: Bon.

M. Scraire (Jean-Claude): Puis on a des contacts aussi au niveau des gestionnaires avec le ministère des Finances à Ottawa, la Banque du Canada, avec tous les grands émetteurs avec lesquels... qui constituent une partie importante de notre portefeuille. De la même façon, on parle du secteur public, là, mais, vous savez, les grandes entreprises dans lesquelles on a 300 000 000 $, 400 000 000 $, 500 000 000 $, nos gestionnaires sont en contact avec les trésoriers. Alors, c'est un peu la même chose, puis a fortiori quand on parle du secteur public québécois évidemment. Mais c'est vrai aussi sur les marchés canadiens.

M. Campeau: Une autre chose. J'aimerais, si vous voulez bien, que vous définissiez qu'est-ce que c'est, les liquidités. Parce que, dans l'idée populaire, on est souvent porté à penser que «liquidités» veut dire «argent en banque» que je peux aller chercher demain matin. Alors que, dans les termes de la Caisse de dépôt, «liquidités», ce n'est pas ça, «liquidités» ça rapporte de l'argent. Alors, j'aimerais que vous nous définissiez c'est quoi, les liquidités pour la Caisse de dépôt?

M. Scraire (Jean-Claude): Avec votre permission, je vais laisser mon collègue, M. Nadeau, prendre la relève un peu.

M. Nadeau (Michel): Alors, les liquidités, M. le Président, ce sont des titres, des valeurs dont on peut disposer rapidement en grande quantité sans perturber le prix. Alors, si je veux vendre à un moment donné... Vous savez, depuis deux ou trois ans, nous sommes très prudents, nous attendons des corrections, nous cherchons des opportunités dans les marchés, nous regardons dans le Sud-Est asiatique actuellement. Or, nous, nous sommes à l'affût d'aubaines. On achète quand ce n'est pas cher et on vend quand c'est cher. Or, donc, on ne veut pas garder cet argent-là en encaisse. L'encaisse rapporte actuellement 3 %. Or, ce que nous cherchons, c'est d'avoir des titres, souvent à long terme, des titres des obligations américaines qui rapportent 6,56 % actuellement. Nous aurons des obligations allemandes ou japonaises, pas beaucoup parce que les taux sont tombés en bas de 2 % actuellement. Mais nous avons des titres que nous pouvons vendre rapidement sans affecter le prix. Alors, si on vend des titres de la municipalité de Saint-Prosper pour 300 000 000 $, 400 000 000 $, c'est évident qu'on va affecter le prix de cet émetteur. Donc, ce que nous cherchons, c'est d'avoir des valeurs de toutes sortes, le plus grand possible, pour, lorsque nous devons intervenir vigoureusement pour aller chercher des aubaines, acheter quand ce n'est pas cher. Or, c'est des outils très rapides où on peut, en moins de 24 heures, vendre des quantités importantes.

M. Campeau: Donc, comme exemple, je dirais, les obligations du gouvernement américain, parce que le gouvernement américain étant 10 fois plus gros que le Canada, on peut liquider les obligations du gouvernement américain très rapidement sans affecter le marché.

M. Nadeau (Michel): Exactement.

M. Campeau: Bon. Alors, mon autre question, c'est: Quel était le montant de ces liquidités-là, de ce montant d'argent qu'on appelle «liquidités» aux environs du référendum? Puis, après ça, je demanderai le montant, aujourd'hui, de ces liquidités-là. Donnez-moi un ordre de grandeur.

M. Scraire (Jean-Claude): Ça devait être 6 000 000 000 $ à peu près. J'arrondis les chiffres dans les deux cas, là. Mais on disait 6 000 000 000 $ en octobre 1995 et, aujourd'hui, ça doit être près du double.

M. Campeau: Du double, à peu près 12 000 000 000 $? Donc, ce sont des situations normales. Ces occasions de marché, c'est parce que vous pensez qu'il va y avoir des corrections de marché et vous voulez en profiter. Bon. Maintenant, est-ce qu'il est vrai qu'à la Caisse de dépôt on se prépare aux événements mondiaux? Un, quand il y a des élections au Canada, on se prépare; quand il y a des élections au Québec, ça nous influence; quand il y a des élections aux États-Unis, s'il y a un nouveau président, ça nous influence; quand il y a des élections en France, parce qu'on a des placements en France, ça nous influence; au Japon, la même chose. Mon collègue me parle des règles modifiant... et surtout dans le cas de Maastricht. Quand il y avait le référendum sur Maastricht, est-ce que ça influençait la politique de placement de la Caisse, les semaines ou les mois qui précèdent ou les jours qui précèdent? Est-ce que ça a une influence ou que, pour la Caisse, ça n'a pas d'influence, cette affaire-là, on jette ça dehors?

(15 h 30)

M. Nadeau (Michel): Oui, il est évident que lorsqu'on veut investir sur les marchés financiers on regarde deux grands éléments. C'est le fondamental des économies. Le fondamental des économies, de plus en plus, converge. De plus en plus, les gouvernements veulent réduire leur déficit, veulent combattre l'inflation. Or donc, nous, on fait notre pain et notre beurre en allant chercher les opportunités, en allant chercher certaines volatilités, et là on regarde d'autres éléments extérieurs aux économies fondamentales. Vous avez encore certains pays qui ont, par exemple, des problèmes avec l'inflation, l'Italie et l'Espagne, où là on a réussi à tirer profit de la baisse des taux dans ces pays-là. Donc, le côté fondamental converge et il y a de moins en moins de différence entre les pays.

Ce qui fait la différence entre les pays, c'est l'environnement, disons, socio-politico-économique. Maastricht en est un, l'avènement de l'Euro, un changement politique en France. Vous avez vu récemment l'élection en France. Nous avons, par exemple, en Malaisie, en Thaïlande, aux Philippines, en Indonésie... Nous regardons constamment à travers toute la planète quelles sont les opportunités où, advenant une perception négative des marchés, il y aurait une correction à la baisse et, à ce moment-là, nous, on va être long sur le portefeuille, lorsqu'on pense qu'il y aura un mouvement favorable des marchés. Si on pense que les taux vont monter, au contraire, on est court, on vend à découvert. Or donc, c'est un élément, oui, chaque fois qu'il y a des mouvements qui peuvent influencer des taux d'intérêt ou une devise, on cherche à en tirer profit.

M. Campeau: Donc, la veille d'une élection américaine, par exemple, la Caisse n'aura pas nécessairement la même stratégie que le lendemain de l'élection.

M. Nadeau (Michel): Exactement.

M. Campeau: Ça va.

M. Scraire (Jean-Claude): J'aimerais juste avec votre permission, M. le député, revenir sur le chiffre que j'ai donné. J'ai dit qu'aujourd'hui ce serait 12 000 000 000 $. C'est un peu moins que ça. La proportion est plus forte, mais, par ailleurs, on a réduit un peu les obligations par rapport à l'époque. Donc, c'est plus que 6 000 000 000 $ mais c'est moins que 12 000 000 000 $.

M. Campeau: En conclusion, la Caisse gère selon les opportunités du marché pour obtenir un meilleur rendement. Évidemment, s'il y a un événement politique qui s'en vient, elle va en tenir compte.

J'avais un autre commentaire. Donc, on peut dire que la Caisse, à la veille de quelque référendum que ce soit, Charlottetown, Québec, à quelque élection que ce soit dans chacun des pays, en tient compte et agit de cette façon-là. Est-ce qu'il est vrai que, dans les semaines qui ont précédé le référendum, les obligations du Québec s'étaient rapprochées, quant à l'écart, des obligations du Canada? Est-ce que c'est vrai que, pour la Caisse de dépôt, ç'aurait pu être avantageux de fournir le marché ou de laisser aller les obligations du Québec sur le marché parce qu'elles se vendaient à un prix avantageux pour vous?

M. Nadeau (Michel): Disons qu'on ne veut pas exploiter la panique, les mouvements de vente rapide, mais vous savez que dans la loi du marché, lorsqu'une personne veut vendre rapidement, habituellement, elle fait des concessions importantes sur le prix. Et cette position de vente dans des délais très courts favorise l'acheteur. Encore une fois, lorsque sur la planète il y a des gens qui sont pressés de vendre rapidement, nous sommes heureux de les accueillir évidemment à nos conditions. S'ils acceptent d'ajuster leur prix à des niveaux qui nous conviennent, nous allons alors certainement faire une transaction.

S'il y a des gens qui, après un événement quelconque, veulent agir trop rapidement... Il y a des gens qui l'ont fait. Il y a des gens qui l'ont fait en 1995, il y a des gens qui l'ont fait en 1996. Or, nous, nous sommes toujours là pour regarder si ce n'est pas des mouvements de courte durée. Ce dont on s'aperçoit – il y a des études qui l'ont montré – c'est que tous les mouvements au cours des dernières années ont été des excès. Les vendeurs paniquent et ça va beaucoup trop loin.

Si vous achetez dans le creux, si, le 19 octobre 1987, à 15 h 30, vous avez acheté quand le Dow était à moins 522 et puis que vous avez revendu le lendemain ou le surlendemain... C'est ce qu'il faut aller rechercher. C'est des creux, des creux de marché lorsque des gens veulent aller trop vite.

Nous, on sait qu'il y a toujours un retour à la normale, que ce sont des phénomènes passagers. S'il y a des investisseurs qui veulent se départir de leurs titres, que ce soient des obligations du Québec, du Canada, des actions de compagnies, ils trouveront toujours preneur à la Caisse si le prix n'est pas cher.

M. Scraire (Jean-Claude): J'ajouterais une chose, revenant sur la définition des liquidités, concernant les liquidités dont on parlait tantôt. En termes de définition, je dois dire qu'une grande partie de notre portefeuille, quand on parle de liquidités, ce sont des obligations du Canada. Je sous-tends par là que, évidemment, on ne risque pas les fonds de nos déposants.

M. Campeau: J'aurais aussi un commentaire que j'aimerais passer. Les obligations d'épargne des investisseurs étrangers, ça n'existe pas, des obligations d'épargne pour des investisseurs étrangers. Alors, quand on prête sur les marchés étrangers...

M. Bourbeau: Non, non, des obligations, je voulais dire.

M. Campeau: Des obligations. Alors, les obligations des investisseurs étrangers, elles ne sont pas encaissables non plus. Il faut qu'ils les vendent sur le marché; on n'est pas obligé de les acheter. Mais, l'obligation d'épargne, ça n'existe qu'au Québec, pour les résidents du Québec. Ça, il faut que le gouvernement prévoit des liquidités pour ça parce que les obligations d'épargne, c'est encaissable en tout temps, mais pas les obligations détenues par les investisseurs étrangers.

Dernière question. On sait que la Banque du Canada a le rôle de maintenir un marché ordonné sur la devise canadienne. Je pense que c'est connu, de notoriété, c'est son rôle, à la Banque du Canada.

Une voix: Un de ses rôles.

M. Campeau: C'est un rôle important. O.K. Réglons pour un de ses rôles, mais disons «un de ses rôles importants», et on va être d'accord. Est-ce que c'est le rôle de la Caisse de dépôt de maintenir un marché ordonné sur le dollar canadien, comme on semblait le laisser entendre, ou est-ce qu'elle pourrait avoir quelque influence que ce soit sur le marché du dollar canadien?

M. Scraire (Jean-Claude): Je dirais que la Caisse étant active sur le marché du dollar canadien, c'est un des joueurs, mais, vous savez, il y a tellement de mouvement sur le dollar canadien, tellement de transactions que, même si on en fait beaucoup, on ne peut pas, comment dire, influencer significativement le dollar canadien. On est un joueur parmi d'autres, évidemment, mais c'est tout le marché qui influence le dollar canadien.

M. Campeau: Donc, vous ne pouvez pas l'empêcher de descendre ni l'empêcher de monter.

M. Scraire (Jean-Claude): On manquerait de liquidités, et de beaucoup. Il n'y a aucune commune mesure entre l'argent nécessaire pour influencer le comportement du dollar et l'argent qu'on utilise dans les transactions sur la devise. Évidemment, ce n'est pas notre rôle. Ce n'est pas notre rôle, puis, par ailleurs, c'est la responsabilité des institutions financières. La Banque du Canada ne peut pas travailler toute seule non plus, c'est la responsabilité des institutions financières canadiennes; québécoises et canadiennes. Alors, c'est une responsabilité qui est commune pour tout le monde et qui est à l'avantage de tout le monde.

M. Campeau: M. le Président, j'espère que je n'ai pas dépassé mon temps alloué, mais je vous remercie.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Vous êtes pas mal précis, M. le député de Crémazie. Maintenant, le député de Marguerite-D'Youville m'a demandé... il aurait une question complémentaire. Je sais que depuis ce matin j'ai été tolérant, l'opposition a pris beaucoup de temps. Est-ce que vous permettriez que le député de Marguerite-D'Youville puisse poser la question? Je vous remercie. Allez-y, monsieur.

(15 h 40)

M. Beaulne: M. le Président, ce n'est pas une question, c'est plutôt un commentaire.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah!

M. Bourbeau: M. le Président, c'était pour poser une question.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, c'est pour permettre un commentaire également.

M. Beaulne: Non, mais c'est plutôt... Oui, je peux virer ça en question: Est-ce que... mais je pense que ce n'est pas la place. Non. Le débat qu'a enclenché notre collègue de l'Acadie, c'est un débat qui comporte des éléments techniques et qui peut facilement déboucher sur de la démagogie et sur de la désinformation. Je ne dis pas que c'est ça qu'il fait. Sauf que, quand on lit les statuts de la Caisse, on s'aperçoit qu'il y a certaines analogies, tout du moins au niveau de l'autonomie du président et de l'action de la Caisse, avec l'autonomie dont jouit la Federal Reserve, la réserve fédérale américaine par rapport au président et à l'administration américaine.

Dans un contexte comme celui-là, au fond, ce que beaucoup de personnes ont identifié à un plan politique – ils appelaient ça le plan O, c'est en grande partie une politique de – je ne sais pas comment traduire ça – «edging», où les institutions financières, comme vous l'avez répondu tout à l'heure, compte tenu des situations de changement dans le marché, prévoient l'utilisation de certains instruments financiers par rapport à d'autres. Je pense que, dans ce qu'on appelle le plan O, il y a une grande partie de ça qui est impliquée. On a voulu lui donner une dimension politique qu'elle n'a pas.

Au même moment – pour reprendre quasiment les mêmes articles qu'a cités mon collègue – la Banque du Canada et le ministre des Finances du Canada avouaient eux-mêmes avoir pris des mesures pour faire face à des pressions potentielles sur le dollar canadien, qui se seraient soldées par des conditions négatives à la fois pour nous autres et pour le Canada, d'autant plus que, comme vous l'avez dit tout à l'heure, M. le président, 31,5 %, ici, des placements obligataires de la Caisse, au 30 juin 1997, étaient en termes de titres canadiens.

Donc, il y a une dimension et je pense que c'est important de le préciser parce que, dans toute cette question-là, chaque fois qu'il y a un risque de transformation politique, que ce soit d'une façon ou d'une autre, les institutions financières et pas seulement la Caisse, et pas parce qu'elles reçoivent des instructions d'un politicien, d'un ministre ou d'un président, se prévalent de certains instruments financiers pour garantir une stabilité du marché. C'est ça, en grande partie, qui est arrivé. Qu'on appelle ça le plan O ou n'importe quoi, il y a une dimension technique et je pense que ce serait important de le souligner également.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ça va? Donc, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, tout en faisant remarquer au député de Marguerite-D'Youville que ce n'est pas l'opposition qui a inventé le plan O, c'est M. Parizeau lui-même qui en a parlé.

M. Beaulne: Ce n'est pas lui qui a appelé ça le plan O, ou n'importe quoi, là.

M. Bourbeau: Bien, écoutez, les gens... les journalistes ont appelé ça «O» pour obligations. C'est M. Parizeau lui-même qui a fait état de ce plan-là. Ç'a été confirmé à l'Assemblée nationale par le premier ministre actuel. Alors, il ne faut pas blâmer l'opposition de tenter de faire de la démagogie avec une nouvelle qui émane de l'ancien premier ministre du Québec. Ce n'est quand même pas rien, là! Mais, M. le Président, mon propos ne porte pas là-dessus.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon! On conclut.

M. Beaulne: M. le Président, quand on dit que c'est l'ancien premier ministre qui a appelé ça le plan O, je m'excuse, mais ce n'est pas vrai. On veut quand même respecter une décence d'objectivité ici.

M. Bourbeau: Non, je n'ai pas dit ça. Je n'ai pas dit qu'il l'avait appelé le plan O, j'ai dit que c'est les journalistes qui l'ont appelé le plan O.

M. Beaulne: Oui, oui, vous avez dit que c'était l'ancien premier ministre qui avait appelé ça le plan O.

M. Bourbeau: Qui avait parlé d'un plan que les journalistes ont appelé le plan O.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon!

M. Beaulne: Ou le laisser sous-entendre.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Écoutez, de toute façon, s'il y avait un plan O au Québec, il y a un plan B à Ottawa qu'on peut discuter aussi. Ça fait qu'on ne veut pas s'embarquer là-dessus...

M. Beaulne: Non, non, je sais qu'on ne veut pas s'embarquer là-dessus, mais, l'objectif ici, de la commission – et je pense que c'est convenu avec les collègues, on l'a fait dans le contexte d'autres commissions – c'est de discuter, dans un certain degré d'objectivité, des questions factuelles et techniques. Alors, c'est vrai que je ne vous attribue pas le plan O ou quoi que ce soit, mais quand on soulève des points comme ceux-là dans une discussion qui est quand même assez technique avec la Caisse de dépôt, il faut éviter, surtout si on a en tête d'éclairer nos concitoyens et d'améliorer la gestion et le fonctionnement de la Caisse, de s'en tenir à des propos objectifs sans nécessairement essayer d'en tirer des avantages politiques.

M. Bordeleau: M. le Président, je m'excuse, je suis intervenu sur ce point-là, je veux juste corriger le député de Marguerite-D'Youville. Ici, on a affaire à des faits: ça s'est produit, ça existait et on a le droit de questionner, je pense, pour le bénéfice de nos concitoyens. Ce n'est pas de ma faute à moi si, ça, c'est arrivé au moment où il y a eu un référendum et qu'il y a des liens entre les deux, selon ce que nous en dit le premier ministre de l'époque. Alors, je pense que ce sont des faits, on a le droit de questionner des faits, et on ne fait pas de la démagogie quand on questionne des faits.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien. C'est bien.

M. Bordeleau: Le président de la Caisse peut nous donner les réponses qu'il pense être les meilleures, mais l'opposition ne fait pas de la démagogie quand on aborde cette question-là, ça existait, c'était un fait.

M. Campeau: M. le Président, il y a quand même des limites entre des questions et faire des conclusions par la suite.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, c'est ça.

M. Campeau: Le député de l'Acadie pose ses questions, il n'est pas satisfait et il fait ses propres conclusions. Ça, c'est de la démagogie.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, s'il vous plaît! J'avais l'intention de suspendre à 16 heures. Pour faire du bien à tout le monde, je vais suspendre tout de suite.

(Suspension de la séance à 15 h 47)

(Reprise à 16 h 5)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des finances publiques va reprendre ses travaux.

Comme la période de repos a été fructueuse pour tout le monde, avec le consentement des deux parties, nous conclurions le thème 2, Ventilation des portefeuilles et les rendements , et nous passerions tout de suite au thème 3, Les filiales de la Caisse , et ça en souhaitant – c'est un voeu des membres de la commission – de terminer ce thème-là vers 17 heures. Si on finit avant, tant mieux. Par la suite, on entreprendra les remarques ou les commentaires pour la fin.

Je vous dis tout de suite la façon dont nous allons procéder pour la fin. Je vais offrir une période de temps au président de la Caisse de dépôt et placement pour nous faire connaître l'appréciation de ces deux journées avec nous, ou d'autres sujets. Par la suite, j'offrirai le temps à un représentant de l'opposition officielle; après, ce sera au représentant du gouvernement. Pour terminer, ce sera le président de la commission qui aura de brefs commentaires et conclusions pour terminer ces deux séances de travail. Est-ce que ça vous convient?

Une voix: ...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon.

Une voix: ...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah! Oui, merci de me le souligner. M. le Vérificateur général... Je laisserai également, juste avant que je parle, du temps au Vérificateur général aussi pour nous faire part de l'appréciation de ces deux journées.

Donc, nous allons entamer le thème 3, soit Les filiales de la Caisse . M. le député de Laporte m'avait demandé la parole, je pense.

M. Bourbeau: M. le Président, avant. Il y a une question qui revient depuis deux jours. Je voudrais demander au président: Est-ce que vous avez reçu l'information concernant les frais juridiques engagés dans le dossier de LSC 2+1? On vous a demandé ça à une couple de reprises.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est 60 000 $, M. le député.

M. Bourbeau: 60 000 $ dépensés à date ou engagés, à venir, parce que ce n'est pas terminé encore. Avez-vous une idée de ce que...

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, mais il ne viendra pas grand-chose, je ne pense pas.

M. Bourbeau: Donc, 60 000 $, c'est le coût des frais juridiques dans ce dossier-là.


Marché immobilier à l'étranger (suite)

M. le Président, je pense qu'on ne peut pas passer deux jours avec la Caisse de dépôt sans toucher au moins quelques minutes le dossier de l'immobilier à la Caisse de dépôt. Ce n'est pas évidemment le dossier où la Caisse de dépôt a la plus grande partie de son portefeuille, mais c'est quand même un dossier où elle a quelques milliards d'investis et c'est un dossier aussi où – on l'a vu tantôt – les rendements n'ont pas été exceptionnels. Il faut bien réaliser que le domaine de l'immobilier, depuis quelques années, n'est pas ce qu'il a été, et on comprend que, quand on réussit à ne pas perdre de l'argent dans l'immobilier au cours des dernières années, c'est déjà beau. Alors, mon propos n'est pas de prétendre que la Caisse aurait dû faire aussi bien dans le domaine de l'immobilier que dans le domaine des obligations. Évidemment, personne n'a fait cela.

La Caisse a investi ou se propose d'investir dans certains pays étrangers. Le président sait qu'à plusieurs reprises dans le passé, lui et moi, on a discuté dans des commissions parlementaires de ce dossier de l'immobilier, et j'aimerais revenir un peu là-dessus aujourd'hui pour faire le point sur la question rapidement et peut-être dégager quelques... les orientations, enfin, en ce qui nous concerne.

Est-ce que le président pourrait nous dire – et c'est une courte question que je lui pose, j'aimerais que ce soit court comme réponse aussi – dans quels pays la Caisse a investi dans l'immobilier? En dehors du Canada présentement, dans quels pays est-ce que vous avez des investissements? Et est-ce qu'il y a d'autres pays dans lesquels vous vous proposez d'investir?

M. Scraire (Jean-Claude): Hier, j'ai mentionné qu'on était présent beaucoup aux États-Unis. C'est le principal pays où on a des investissements, et de loin. Je pense que, si j'attends encore quelques secondes, je vais avoir des détails. Donc, les États-Unis, l'Angleterre et la France sont les trois principaux pays où on a des investissements à l'extérieur du Canada. Ensuite de ça, je pense qu'on a quelques millions en Pologne et quelques millions au Mexique pour à peu près, je dirais, 20 000 000 $, mais je vais vérifier avec le premier vice-président.

Une voix: ...

(16 h 10)

M. Scraire (Jean-Claude): Environ 20 000 000 $ au Mexique et 10 000 000 $ en Pologne. Alors, ça fait évidemment à peu près 30 000 000 $ sur un portefeuille de 4 000 000 000 $ et quelque chose, le portefeuille immobilier. Est-ce qu'il y a des pays où on se propose d'investir? Vous savez qu'on travaille avec patience et difficultés le Viêt-nam depuis trois ans ou quatre ans. On a des possibilités actuellement aussi qui semblent intéressantes en Espagne. L'Indonésie, les gens l'ont considéré assez sérieusement, mais on n'est pas près de transactions. C'est à peu près ça.

M. Bourbeau: M. le Président, vous allez pouvoir constater ma déception de voir que le président ne tient aucun compte, évidemment, des remarques de l'opposition concernant l'immobilier parce qu'à plusieurs reprises dans le passé j'ai fait état au président de mes préoccupations relativement à la volonté de la Caisse d'investir dans l'immobilier dans les pays étrangers.

Mais, avant d'aller plus loin, je vais vous poser une question. En France, l'investissement dans l'édifice de la défense, est-ce que c'est le seul que vous avez fait ou s'il y en a d'autres?

M. Scraire (Jean-Claude): On a deux groupes d'investissement en France, deux blocs d'investissement: le groupe de la défense et un groupe de bâtisses industrielles avec le Groupe Aaron. La défense, c'est avec la Générale des Eaux, et l'industriel avec Aaron.

M. Bourbeau: Ce qui m'a frappé dans la défense, dans l'édifice de la défense qui est un gros édifice, vous avez pris 20 %, je crois, de l'édifice, hein?

M. Scraire (Jean-Claude): La transaction porte sur cinq édifices et non pas un seul immeuble, c'est le quartier de la défense. On en parle de cette façon-là, mais c'est cinq immeubles importants dans lesquels on a investi.

M. Bourbeau: En lisant les documents, je me suis rendu compte que le coût au pied carré était de 600 $ ou 700 $, le pied carré. Est-ce que c'est exact?

M. Scraire (Jean-Claude): Là, je vous avoue que...

M. Bourbeau: On a ça ici, quelque part. Je pense que c'est entre 600 $ et 700 $ le pied carré. Peut-être que vous pourriez me... vos experts derrière vous doivent s'en souvenir parce que, à des niveaux comme ça, c'est assez exceptionnel.

M. Scraire (Jean-Claude): Peut-être pas pour certains pays.

M. Bourbeau: Non, 600 $, 700 $ le pied carré, ça commence à être assez cher, même en France.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, oui, c'est vrai. Alors, avec votre permission, je demanderais à M. Perreault, qui est notre premier vice-président responsable, de commenter ou de répondre à votre question.

M. Bourbeau: La question est simple. C'est quoi, le prix au pied carré?

M. Perreault (Fernand): Je n'ai pas le prix au pied carré, de mémoire, ici.

M. Bourbeau: Bon, bien, c'était ça, la question.

M. Perreault (Fernand): Je ne l'ai pas dans les choses que j'ai ici. C'est-à-dire que...

M. Bourbeau: Bon.

M. Perreault (Fernand): Si vous me permettez une précision. Nos achats se font évidemment en tenant compte du coût de remplacement d'un immeuble, mais principalement nos acquisitions sont faites en fonction des revenus de l'immeuble. Dans le cas de la défense, il y a deux choses qui sont importantes. La première, c'est qu'on a acheté à un coût qui est inférieur au coût de remplacement de l'immeuble; on ne pourrait pas reconstruire ces immeubles-là pour ce prix-là actuellement. Le deuxième, c'est que les loyers que génèrent ces immeubles-là nous permettent un rendement courant chaque année de 15 %. Alors, c'est les critères qui nous ont amenés à investir dans ce marché-là.

M. Bourbeau: Je l'ai ici. C'est 636 $CAN le pied carré pour deux tours et un engagement d'acheter 20 % des trois autres tours.

M. Perreault (Fernand): C'est possible, oui.

M. Bourbeau: Ici, la question que pose un intervenant, c'est: Est-ce que les déposants québécois ont besoin de ces achats prestigieux mais risqués au moment où, à Montréal, l'immobilier comparable se vend à 200 $CAN du pied carré – et je vais dire, 200 $CAN du pied carré, c'est une erreur, c'est du mètre carré parce que... non, pas du mètre carré non plus. 200 $CAN du pied carré, à Montréal, c'est rare. On peut trouver probablement la moitié de ça et même moins que ça. En tout cas.

Moi, M. le Président, ce que je voudrais dire là-dessus, c'est que la Caisse de dépôt a décidé d'aller investir à l'étranger dans des immeubles. La raison: on veut diversifier le portefeuille – ça, on n'a pas de problème avec ça – et il semble que le Québec soit trop petit, il n'y a pas d'opportunités, le Canada soit trop petit, l'Amérique du Nord soit trop petite. Il faut aller en Europe, il faut aller en Asie, je ne sais pas trop où. C'est quoi, l'objectif recherché? C'est uniquement, quand on achète un immeuble construit, d'obtenir un rendement, et on le dit, rendement de 15 %. Bon. Je présume qu'un rendement, à Paris, dans un édifice comme celui-là, je suis un peu d'accord, il n'y a pas trop de risques d'avoir trop longtemps des loyers vacants, encore qu'il peut y avoir des vacances quand l'édifice est très grand. Mais je n'ai pas trop de problèmes avec Paris, encore que je ne comprends pas pourquoi il faille aller investir à Paris ou en Angleterre.

Mais quand on sort de ces pays-là, quand on arrive au Mexique, par exemple, quand on arrive en Pologne, quand on arrive en Indonésie, probablement au Viêt-nam aussi, là on tombe dans des pays où la culture est différente de la culture nord-américaine. Il faut connaître l'immobilier assez pour savoir ce qui entre dans le cocktail d'un placement immobilier. Bien sûr, il y a de la brique puis du béton, ça, c'est certain, mais il y a autre chose. Il y a de la réglementation, il y a de la politique, il y a des taxes, il y a toute une série de décisions qui n'appartiennent pas aux promoteurs et qui peuvent faire en sorte qu'un placement qui pourrait paraître à un moment donné intéressant puisse se détériorer tout à coup sans qu'on puisse rien y faire.

Et c'est le président, je pense, de la Caisse ou un de ses adjoints qui nous parlait plus tôt dans des discussions de sortir rapidement! On parlait de sortir rapidement; quand on a des placements liquides, on peut sortir rapidement. Mais s'il y a un domaine où on ne peut pas sortir rapidement, c'est le domaine de l'immobilier. Quand on est rendu dans l'immobilier, on est là dans la brique puis le béton puis on ne peut pas sortir. En fait, on peut en sortir uniquement quand ça va bien. Mais, quand ça va bien, on ne veut pas en sortir parce que ça va bien. Mais, quand ça commence à aller mal, c'est là qu'on voudrait sortir, mais c'est là qu'on ne peut plus sortir parce qu'il n'y a personne qui va aller acheter un immeuble quand il y a des problèmes. Vous le voyez, au Québec, au Canada, depuis quelques années, tous ceux qui ont des immeubles qui voudraient les vendre ne réussissent pas à les vendre ou, s'ils le font, c'est avec des pertes énormes. Alors, il y a un danger d'investir dans l'immobilier dans le sens que c'est un placement qui est captif: on est pris avec puis on doit vivre avec.

Quand on est dans des sociétés, dans des pays qui ont des cultures différentes des nôtres, on est tributaire, là, de ce qui se passe dans ces pays-là. Ça peut être de l'instabilité politique; le Viêt-nam, ce n'est pas un pays qui a été reconnu au cours des années pour sa grande stabilité. Le Mexique, c'est un pays où il y a pas mal de turbulences aussi, merci beaucoup. La Pologne, il semble, c'est un pays qui est en voie, disons, de se transformer; espérons que ça va bien aller. L'Indonésie, bien, c'est loin, l'Indonésie; on ne sait pas ce qui va arriver là. Moi, je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment la Caisse décide d'aller investir dans l'immobilier dans des pays exotiques comme ceux-là. Vous prenez des risques que vous ne pouvez pas contrôler. Vous vous engagez à long terme à part de ça, parce que c'est des placements à long terme. Puis les rendements ne sont pas plus intéressants que ceux que vous pouvez avoir sur la Bourse de New York avec 40 %, ou la Bourse de Toronto avec 30 %, ou les obligations. Alors, c'est quoi, le kick – excusez l'expression – d'aller investir dans l'immobilier dans des pays comme ça? Je ne comprends pas, M. le Président. Je trouve que c'est risqué, c'est des placements qui ne sont pas liquides, et puis c'est des placements où vous pouvez vous faire faire mal à l'occasion si le moindrement il y a des problèmes.

Maintenant, le président de la Caisse de dépôt nous a dit, à l'occasion de certains de ces placements-là, mais ce n'est pas le cas au Mexique, ce n'est pas le cas non plus, disons, en France, mais, disons, en Pologne, il nous a dit: Bien, on va supporter des entreprises québécoises. Et je pense qu'il l'a dit pour le Viêt-nam aussi. Parce qu'on en a discuté de ça dans le passé, M. le Président. Ce que je comprends de ça, c'est que certains entrepreneurs québécois vont fournir à la Caisse ou à d'autres des produits, des biens: des châssis, des portes, du béton, du bois, etc., puis ça, ça va faire tourner les usines au Québec pour pouvoir exporter les matériaux. C'est l'exemple qu'on nous a donné ou la raison qu'on nous a donnée. Donc, en faisant la promotion de l'immobilier en Pologne, on fait marcher la roue au Québec.

Bien, la Pologne est un pays qui est en plein essor, mais, encore là, la Caisse a eu des problèmes en Pologne. Pour montrer comment ça peut être dangereux, vous avez commencé là puis, au début, ça a mal tourné, vous avez été obligé de congédier votre premier partenaire, littéralement, ou de le racheter, des corrections à faire, en tout cas vous avez eu des problèmes. Il semble maintenant que ça s'est redressé un peu, mais on voit là qu'il y a des problèmes parfois. Puis les problèmes sont dans le béton, donc ils ne sont pas faciles à exporter, on ne peut pas sortir de là facilement. Alors, c'est donc dire que ce n'est pas un domaine où on doit s'engager facilement.

Et, quand on pense à ça, là... Vous voulez aider les entreprises québécoises à vendre leurs produits à l'étranger, disons. Fort bien, moi, je n'ai rien contre ça; nous, on n'a rien contre ça. Mais est-ce que vous ne pourriez pas trouver des endroits plus sécuritaires? Exemple, je ne sais pas, moi, ici au Québec, le tourisme est un domaine qui va bien, il va très bien même. Le dollar canadien aidant, les touristes viennent en grand nombre. Ils viennent des États-Unis, ils viennent d'Europe beaucoup, de plus en plus. Et les infrastructures touristiques au Québec auraient besoin d'être aidées aussi. Si vous décidiez, je ne sais pas, moi, de faire un projet touristique ici, au mont Sainte-Anne ou ailleurs... Venez dans les Cantons-de-l'Est, on a une industrie viticole, nous autres, qui prétend attirer beaucoup de touristes et puis il n'y a pas d'infrastructures. Je suis convaincu que, dans toutes les régions du Québec, il y a des besoins. Vous pourriez aider les entreprises québécoises à fournir des portes et des fenêtres et vous n'iriez pas mettre votre argent dans un pays où on ne sait pas ce qui va se passer demain matin.

(16 h 20)

Moi, je ne veux pas vous empêcher d'aider les entreprises québécoises, mais, si, pour ce faire, vous allez investir des millions de dollars quelque part et puis vous allez vous brûler les ailes, ce n'est pas intéressant. Vraiment, je dois dire que certains des pays dans lesquels vous êtes, c'est incompréhensible. Moi, je pense que les chances que vous perdiez de l'argent dans vos placements immobiliers exotiques sont aussi grandes que vous fassiez des profits. Je ne veux pas cibler en particulier certains projets, mais, moi, si j'étais un dirigeant de la Caisse, j'y penserais à deux fois avant d'embarquer dans des projets dans des pays comme ça. Je vais vous dire une chose: Tant mieux si ça va bien, mais, si ça va mal, vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été avertis, et à plus d'une fois. Si c'est si bon que ça, pourquoi les banques n'y vont pas à votre place? Pourquoi risquer le fonds de pension des Québécois dans des placements exotiques comme ça? Que les banques canadiennes y aillent, ça, c'est parfait, moi, je n'ai pas de difficultés avec ça, puis, s'il y a des profits, elles les feront. Mais, si c'est le bas de laine des Québécois, essayons donc de nous en tenir à des choses qui sont un peu plus sécuritaires.

Quant à moi, M. le Président, je vais vous dire franchement que je pense qu'on devrait interdire à la Caisse d'investir dans l'immobilier en dehors de l'Amérique du Nord. Les États-Unis, ce n'est pas un problème parce que c'est une société qui s'administre comme la nôtre, qui est démocratique. On sait que les règles du jeu sont connues puis elles ne changeront pas facilement. Mais, quand on arrive au Mexique ou quand on arrive dans d'autres pays, demain matin, un coup d'État, ça change. Moi, j'ai vu ça de mes yeux, un gouvernement qui sait fort bien que les gens qui ont investi des millions dans l'immobilier sont captifs; on peut imposer des nouvelles taxes, des nouvelles charges, quoi que ce soit, on peut faire toutes sortes de règlements qui font que l'investisseur est pris, est piégé.

Alors, M. le Président, j'ai redit pour la xième fois ce que j'ai dit l'année dernière, puis l'année suivante, mais je constate que la Caisse de dépôt continue avec ses rêves de grandeur, d'investissements un peu partout à travers la planète. Il me semble que la sagesse et la prudence voudraient que la Caisse se limite, dans ses placements immobiliers, à le faire dans des contrées qui sont plus de nature à sécuriser l'épargne des Québécois plutôt que de prendre des risques indus.

Alors, M. le Président, je ne sais pas si le président veut commenter, mais c'est l'essentiel de ce que j'avais à vous dire sur le dossier de l'immobilier.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le président de la Caisse de dépôt.

M. Scraire (Jean-Claude): Je voudrais juste séparer la question en deux: les pays émergents ou, disons, moins industrialisés, puis les pays du G 7 ou les pays bien structurés avec des marchés financiers bien organisés puis tout ça.

Si on prend les pays du G 7, les marchés bien organisés, à condition d'avoir l'expertise puis les partenaires requis, ça devient un élément très, très positif de rendement que de pouvoir investir dans ces pays-là. Le marché immobilier, dans tous les pays, a ceci de particulier qu'il est cyclique. Donc, si on veut, dans une institution comme la nôtre, avoir un portefeuille immobilier, il faut avoir une certaine diversification et il faut être actif dans le sens de vendre – comme dans d'autres stocks – quand c'est le temps puis d'acheter quand il y a des opportunités de marché. Ça demande de pouvoir agir sur un certain nombre de marchés. Puis, avec l'expérience que les gens dans les filiales immobilières ont développée au cours des quatre dernières années, au moins quatre, les partenaires avec lesquels ils travaillent, je pense qu'ils sont donc capables dans ces pays-là, sans aucune difficulté, de faire des placements en bonne connaissance de cause. Et le critère, à ce moment-là, ça devient le rendement.

M. Perreault vous disait tantôt: La transaction de Paris, c'est 15 % de rendement courant. Courant, là, c'est du cash qui rentre. Il n'y a pas de marché qui donne ça actuellement. C'est une opportunité de marché qui vient de la faiblesse ou des besoins de certaines grandes institutions françaises qui sont propriétaires et qui doivent vendre. On a la capacité de transiger avec eux; ils aiment transiger avec des gens responsables. On parlait tantôt de masse critique, de la grosseur de la Caisse. Bon, bien, la transaction de la défense, à Paris, c'est une transaction pour grand investisseur. Il n'y a aucun petit fonds, moyen fonds qui auraient été approchés par la Générale des eaux pour travailler ça et qui auraient pu le faire. Mais le point, c'est le rendement. C'est vraiment notre travail, optimiser le rendement et diversifier le portefeuille. Parce que, si on est trop concentré, on l'a appris, ça, puis, si on devait rester trop concentré dans un portefeuille immobilier, je dirais que la logique, ce serait de sortir de l'immobilier comme étant un véhicule d'investissement pour la Caisse. Il faut diversifier. Et c'est rentable à ce moment-là.

La question sur les pays émergents, qu'on a abordée très brièvement hier puis que M. le député de Laporte nous soulève constamment et avec constance... Et je ne peux pas dire autrement que de dire qu'il a raison sur le fait que ce sont des risques importants, des risques de pays, des risques légaux, des risques à tous égards. La façon dont on le fait, c'est qu'on développe l'expertise puis on recherche des partenaires pour travailler. On évite les placements à long terme, c'est pour ça qu'on est plus porté à appuyer des développeurs puis de la construction que des investissements. On ne va pas là pour des investissements à long terme, c'est vraiment en appuyant nos entreprises. Les résultats qu'on obtient permettent... Quand on pense aux biens et services québécois qui sont expédiés dans ces projets-là, puis on n'a pas une longue expérience là-dedans, c'est vrai, on n'en a pas une longue, c'est la motivation qu'on a pour le faire, puis d'appuyer non seulement les biens et services, mais d'appuyer nos entreprises de construction, nos bureaux d'ingénieurs et d'architectes qui travaillent dans ces pays-là.

Alors, je pense que, raisonnablement, quand on a un portefeuille de 4 000 000 000 $, on peut consacrer une partie de ce portefeuille-là à des placements dont le niveau de risque est plus élevé, dans l'attente d'un rendement, aussi, supérieur. On ne peut pas consacrer une grosse partie d'un portefeuille à ce type d'activité là, c'est certain, ça ne peut pas, en aucune façon, devenir une portion significative du portefeuille. Mais, en appuyant nos entreprises dans des conditions optimales, je pense encore que c'est la mission de la Caisse que de le faire, et je souhaite que, si on a des échecs, parce qu'on peut en avoir, le total de l'action qu'on va mener là-dedans, au total, ça va être bon pour et le rendement de la Caisse puis de ses déposants et pour l'économie québécoise.

Mais je ne peux pas faire autrement que d'écouter avec toujours beaucoup d'attention les conseils et les rappels du député de Laporte là-dedans. On connaît assez le secteur immobilier pour savoir qu'il a raison dans toute la description des risques. La question, je l'ai soulignée hier, c'est: Est-ce qu'on accompagne ou pas nos entreprises dans ces activités-là? Et, si on le fait, prenez pour acquis qu'on va le faire en essayant d'optimiser notre rendement. Donc, ce n'est pas juste pour accompagner, il faut aussi que, globalement, on obtienne un bon rendement.

M. Bourbeau: M. le Président, toujours sur ce sujet-là. Alors, au moins, on avance. Le président admet qu'il y a des risques importants dans les pays en émergence. Là, vraiment, une fois que ca, c'est dit puis que c'est écrit dans le Journal des débats , je ne comprends pas comment le président maintenant va autoriser des placements dans ces pays-là. Il ne pourra pas dire qu'il ne savait pas qu'il y avait des risques importants, puisqu'il nous dit qu'il y en avait, puis il nous dit que ce n'est pas pour le long terme. Le président devrait savoir que, quand ça va mal, c'est pour le long terme – dans l'immobilier, j'entends. Si vous êtes là et que vos clients, vos entreprises construisent des trucs puis des condos, je ne sais pas quoi, puis, à un moment donné, ça ne se vend pas, vous êtes bailleur de fonds, vous allez prendre des garanties, vous allez prendre des hypothèques, ou je ne sais pas quoi, là-dessus, puis là vous allez être là-dedans pour longtemps. Alors, vous ne pouvez pas dire que vous ne serez pas là pour le long terme, vous ne le savez pas.

M. Scraire (Jean-Claude): Dans le Journal des débats devrait aussi apparaître ce que j'ai dit, l'autre partie de ce que j'ai dit, c'est-à-dire que...

M. Bourbeau: Ça va y être aussi.

(16 h 30)

M. Scraire (Jean-Claude): ...étant donné que c'est toujours possible quand on fait plusieurs investissements d'en avoir quelques-uns qui échouent, notre critère principal, ça va être le global de ces placements-là. C'est le global. Alors, si on fait 10 investissements et que les 10, comprenant le tout, nous procurent un rendement qui est compétitif avec nos autres véhicules de placement, à mon sens, on aura atteint tous nos objectifs: aider les entreprises et procurer un bon rendement. Si la majorité devait être des échecs au point de vue financier... Pas la majorité, c'est les dollars qui parlent là-dedans. Si, sur 10 000 000 $, on ne réussit pas à faire un rendement concurrentiel, de l'ordre, mettons, de 12 %, 15 % minimum, les résultats rentrés, c'est un échec, si on a 10 placements. Mais il se pourrait qu'on en manque un, qu'on en manque deux mais que les huit autres nous rapportent suffisamment pour quand même générer le 15 %. Et, à ce moment-là, j'aimerais bien pouvoir citer le Journal des débats pour dire que c'est comme ça que j'avais envisagé la chose.

M. Bourbeau: Si vous aviez su que Bre-X serait un échec, est-ce que vous auriez investi dans Bre-X? Je suppose que non. Je pense que poser la question, c'est la réponse.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est ça.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte, c'est parce qu'on a convenu de terminer vers 17 heures, puis ça fait déjà 25 minutes...

M. Bourbeau: Oui, je comprends. M. le Président, j'ai presque terminé. C'est que la dernière réponse du président me laisse très, très, très perplexe. Très perplexe. Parce que le président nous dit: C'est sûr qu'il est possible qu'on fasse des mauvais placements, mais, sur l'ensemble, si c'est bon, il n'y a pas de problème. Moi, je ne suis pas d'accord avec ça. Vous n'avez pas le droit de dire: Ça ne me fait rien si je fais un mauvais placement, pourvu que ça soit bon sur l'ensemble. À partir du moment où vous admettez qu'il y a des risques importants dans un placement, vous n'avez pas le droit de le faire. Ce n'est pas parce que vous allez noyer ça dans vos 57 000 000 000 $, un petit million ici, un petit million là... C'est ça, dans le fond, qu'on... Mais, moi, ce que je comprends de ce que vous me dites, c'est: Je sais que mon placement est risqué, je vais peut-être perdre de l'argent avec, mais ça ne me fait rien parce que, sur l'ensemble, je vais pouvoir dire que j'ai fait mon 15 % de la Caisse. Moi, je ne suis pas d'accord avec ça du tout.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui...

M. Bourbeau: Je sais que vous allez parler, je vais terminer, là. Moi, je pense qu'à partir du moment où vous savez qu'il y a un risque important dans un placement vous n'avez pas d'affaire à le faire, le placement. Même si c'est un petit placement, même si c'est seulement un petit million, c'est un million, puis c'est un million de trop. C'est ça, la réalité.

M. Scraire (Jean-Claude): Quand je faisais référence au rendement d'ensemble, je ne parlais pas du rendement sur les 62 400 000 000 $, je parlais uniquement du rendement sur ce type d'activité là.

M. Bourbeau: ...c'est le même principe.

M. Scraire (Jean-Claude): Mais je précise juste que c'est pour ce type d'activité là. Mais je comprends votre point, que, quant à vous, aucun dossier ne devrait faillir.

M. Bourbeau: Écoutez, il ne faut pas partir dans un dossier en disant: Je sais que je vais avoir des faillites. Moi, en tous les cas, je trouve qu'au départ il faut que, tous vos dossiers, vous ayez une bonne raison d'espérer, de croire qu'ils vont être rentables en partant, là.

M. Scraire (Jean-Claude): Absolument, absolument.

M. Bourbeau: Puis quand on commence comme ça, des fois on en a qui ne sont pas bons. Mais quand on commence en sachant qu'il y en a qui vont être pas bons, bien, là, on va en avoir une majorité de pas bons.

M. Scraire (Jean-Claude): Écoutez, c'est certain qu'au moment où on prend la décision d'investir la conviction est là. Mais, vous savez, les commentaires qu'on échange sur l'immobilier dans les pays émergents, actuellement, s'appliquent tout autant au secteur de l'innovation technologique. C'est bien connu que le taux d'échec dans l'innovation technologique est aussi important. Mais la seule façon pour un investisseur de bien faire là-dedans, c'est sa moyenne au bâton. Il faut accepter la moyenne au bâton. Si on n'accepte pas ça, on n'est pas capable d'investir.

M. Bourbeau: Oui, mais, dans la technologie, vous n'êtes pas pris dans le béton pendant 30 ans, après. C'est ça, la différence.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, c'est vrai.

M. Bourbeau: C'est ça, la différence.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte... Oui? M. Perreault?

M. Perreault (Fernand): Il faudrait peut-être compléter sur le fait que les investissements dans les pays émergents ne sont pas des investissements à long terme. Je donne notre placement en Pologne comme étant un exemple. Le placement qu'on a en Pologne actuellement est un investissement dans un développement d'une subdivision résidentielle d'à peu près 130 logements dont à peu près 70 % sont vendus, actuellement, et dont la construction se terminera à la fin de l'année, ou à peu près à la fin de l'année. Alors, on ne parle pas d'un investissement qui va se prolonger sur plusieurs années, on parle d'un investissement qui va se prolonger la période d'un an et demi, deux ans, le temps de développer une subdivision résidentielle de taille raisonnable, alors que la construction s'est faite après un nombre de préventes important, comme c'est le cas généralement dans le domaine du développement résidentiel. Alors, quand on parle d'investissements à court terme, c'est ce type d'opérations là auquel on fait allusion.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Marguerite-D'Youville.


Filiales


Discussion générale


Sofinov

M. Beaulne: Oui. Vous avez mentionné, M. le Président, la question du développement technologique. Mon intervention se situe à ce niveau-là. On a entendu des commentaires d'entrepreneurs qui avaient eu des mauvaises expériences avec certaines filiales de la Caisse dans ce domaine-là. Bien sûr, il y a également des histoires à succès. Mais, parmi ceux qui ont vécu des problèmes, on ne les a pas tous entendus. Il y a des gens qui sont venus ici sur invitation, mais il y en a plusieurs autres. Entre autres, il y a une firme dans mon comté qui a vécu ce genre d'expérience avec la Caisse, en particulier avec Sofinov et Nouveler. Je ne veux pas traiter ici d'un cas particulier, mais tous les collègues ont détecté, dans chacun de ces cas-là, une sorte de tendance qui laissait croire à certains comportements d'individus qui utiliseraient des fonds publics pour leurs propres avantages personnels. Je ne veux pas, non plus, porter des accusations sur qui que ce soit, mais simplement illustrer et avoir votre opinion sur le marché dans ce secteur-là.

Ce qui ressort des gens qu'on a entendus, c'est que le marché de l'innovation technologique est très restreint, au Québec. Non seulement en termes d'intervenants, que ce soit au niveau du capital de risque ou des sociétés filiales de la Caisse ou d'Hydro-Québec, mais également en termes d'individus – et c'est là où on se pose la question – qui oeuvrent dans ces groupes-là et qui semblent s'échanger des informations. En d'autres mots, la tendance qui se dessinait chez tous les cas qu'on a vus – et, moi, je comparais avec ceux que je connais, et il y avait des similarités, des ressemblances également – c'était la mise en faillite, à toutes fins pratiques, de l'entreprise et des offres de rachat d'autres partenaires. Les collègues de l'opposition, hier, ont mentionné un cas particulier dans l'Outaouais, mais il y en a d'autres.

La question que je veux vous poser, c'est la suivante. Lorsqu'une entreprise a vécu des problèmes avec la Caisse – et vous en avez quand même reconnu certains qui se sont présentés dans le passé – et qu'elle a réussi malgré tout à conserver la propriété de la technologie... Le cas qu'on a mentionné de la compagnie dans l'Outaouais, les propriétaires avaient dû céder la technologie, et c'est arrivé souvent dans des cas de ce genre-là. Mais dans mon cas à moi, enfin, dans celui dont je vous parle, les gens sont demeurés, par la peau des dents, propriétaires de la technologie. Dans des situations comme celle-là – je ne parle pas d'un cas en particulier, mais je parle d'autres qui pourraient se trouver dans une situation comme celle-là – est-ce que la Caisse est prête à faire un certain effort, via Sofinov ou via une de ses filiales, en collaboration avec d'autres institutions de capital de risque dans le secteur technologique, pour essayer de réchapper cette technologie et d'en maximiser la commercialisation, ou si, une fois que le dossier est classé, il est classé à tout jamais?

M. Scraire (Jean-Claude): Qu'est-ce que vous appelez un dossier classé, M. le député?

M. Beaulne: Où la Caisse a laissé tomber la compagnie, elle s'est retirée, puis les gens sont laissés à se débrouiller par eux-mêmes, ou elle le laisse traîner, ou les délais sont trop longs. De toute façon, l'entreprise est en difficulté. Il y en a qui, malgré tout, réussissent à sauver la technologie, à demeurer propriétaire de la technologie par la peau des dents. Mais ce que j'aimerais savoir de vous, c'est que, dans des situations comme celles-là – et, bien sûr, c'est à examiner au cas par cas – est-ce la Caisse est quand même prête, suite aux échanges qu'on a eus pendant deux jours ici, à réexaminer la possibilité de soutenir ces entreprises-là?

M. Scraire (Jean-Claude): Ce que je peux vous dire très certainement, c'est que, à la suite des différents commentaires qu'on a entendus, on va essayer d'approfondir, d'abord, le type de problème dont on parle, parce qu'on les évoque, disons, superficiellement. J'aimerais ça qu'on réussisse à les identifier plus précisément et à en voir la substance. Ceci étant dit, donc, on va regarder nos façons de faire, chez Sofinov, à cet égard-là, on va leur demander de regarder ça, et je vais voir ce qui peut se faire là-dedans.

Ceci étant dit, quand on peut réchapper une technologie – c'est son rôle même, et c'est ce qu'ils veulent faire, les gens de Sofinov, c'est de développer des nouvelles technologies, c'est ça, leur métier – alors, en principe, la réponse, c'est oui, en principe. Et c'est leur mission de faire ça, soit eux, soit avec des partenaires, etc. Mais c'est leur mission de faire ça, développer des technologies. Ça passe toujours, par ailleurs, par un certain nombre de... Chaque dossier doit être bien évalué.

(16 h 40)

Une fois qu'on a dit oui, en principe, c'est notre mission, et on aime ça, puis on aime le secteur, puis on pense que c'est performant: Bien, c'est quoi le produit, vraiment? Il faut que les gestionnaires aient la conviction qu'ils ont une technologie prometteuse. Il faut qu'ils aient la conviction d'une commercialisation possible et rentable: commercialisation, marketing, les débouchés, et dans des délais... ça dépend des délais, mais dans des délais qui sont prévisibles. Il faut qu'ils retrouvent, évidemment, une équipe de gestion. Ça leur prend une équipe de gestion: soit le promoteur, si c'est une personne d'affaires, un entrepreneur. Si c'est un chercheur et qu'il n'a pas les talents d'affaires – ce qui arrive – il faut que ce chercheur-là complète son équipe. Il faut qu'il aille se chercher des gens de commercialisation puis des gens d'affaires, une personne d'affaires, quelqu'un qui va mener l'entreprise pour mettre ça sur le marché.

Donc, ça nous prend le produit puis que les gens soient d'accord sur le produit à long terme, la commercialisation, les gestionnaires et un plan financier qui soit adéquat, c'est-à-dire que les gens qui prennent les risques soient récompensés en conséquence. Il y a un rendement qui doit être versé par rapport au risque qui est recherché, comme dans tous les secteurs. Alors, il faut une structure financière qui est adéquate, qui rémunère en même temps le chercheur, les gestionnaires, les gens d'affaires et les investisseurs et prêteurs.

M. Beaulne: Mais, ça, on convient tous que c'est la prudence même. Sauf que, bien souvent, les propriétaires de l'entreprise, c'est vrai, ce sont souvent des chercheurs, ce n'est pas nécessairement des experts en montage financier. Mais là on revient à la question de départ, qui avait été d'ailleurs soulevée par ma collègue de Saint-François hier, lorsqu'elle disait que l'impression qu'on avait et qui se dégageait des témoignages qu'on avait entendus, c'est que ces entrepreneurs-là, ces chercheurs, ces gens qui avaient conçu quelque chose étaient, à toutes fins pratiques, en position sur un siège éjectable. Et c'est ça. C'est un peu ce qui est arrivé chez nous.

Alors, je veux bien croire qu'on a un produit qui réponde à tous les critères que vous avez énumérés, mais, et c'est là qu'est le problème, et c'est ça qu'on a essayé de vous dire au niveau de la recherche et du développement technologique, depuis hier, quand on a abordé ces choses-là, c'est que: Est-ce que la Caisse est là pour éviter que les chercheurs, les entrepreneurs, les concepteurs se sentent en position de siège éjectable, justement, ou si elle est là pour leur donner le soutien financier qui va leur permettre de combler leurs carences administratives pour que leur entreprise fleurisse, mais qu'ils en demeurent les propriétaires et pas que ça soit artificiellement cédé à d'autres pour une chanson? C'est ça, le fond du problème.

M. Scraire (Jean-Claude): O.K. Disons que ma connaissance des milieux d'innovation technologique n'est pas égale dans tous les secteurs, mais ce que je sais, c'est que, par exemple, dans le domaine de la biotechnologie et tout le domaine de la santé, qui est un secteur où il y a beaucoup plus d'intervenants, qui est beaucoup plus développé en termes d'innovation technologique, il y a maintenant presque des normes sur: Quelle est la part qui va aux centres de recherche dans les profits futurs de la compagnie, quelle est la part qui va aux chercheurs, quelle est la part qui va aux investisseurs et de quelle façon c'est partagé? Il y a comme des normes qui se développent. Et les gens, dans le domaine de la biotechnologie, ont appris que le chercheur ne peut pas avoir 80 % de la compagnie parce qu'il a l'idée. Il est le chercheur. Mais ils ont appris qu'ils doivent partager avec des équipes d'investisseurs, avec les centres de recherche, avec les fournisseurs ou les distributeurs, parfois. Alors, il y a des modèles qui se sont bâtis. Puis, aujourd'hui, il y a comme des normes du métier avec lesquelles les gens peuvent...

Il y a des variations selon les dossiers, évidemment, mais disons qu'à Montréal surtout, puis un peu à Québec, où on a une masse critique en biotechnologie – on a maintenant une grosse masse critique – c'est très rare qu'on trouve ce type de difficulté entre les investisseurs et les chercheurs, parce qu'il y a comme des normes du métier. On peut leur dire: Écoutez, allez voir en Californie comment ça se fait, allez voir ici, où ça se fait. En informatique ou les secteurs reliés aux technologies de l'information, c'est quelque chose qui se développe beaucoup. Le secteur de la technologie de l'information, c'est à Ottawa qu'il s'est développé; il y a une masse critique incroyable à Ottawa. Alors, c'est dans cette région-là, je dirais, que les normes se développent, de sorte qu'il y a un peu les règles du métier là-dedans. Il y en a un peu; moins en technologie de l'information, plus en biotechnologie.

Et, par ailleurs, le troisième secteur dans lequel Sofinov commence à travailler, c'est les nouvelles technologies industrielles. Et, dans ce secteur-là – c'est malheureusement un nouveau secteur; moins nouveau aux États-Unis qu'au Québec, mais très nouveau au Québec et assez nouveau aux États-Unis – les normes sont moins claires. Alors, et les chercheurs, et les promoteurs, et les investisseurs ont plus de difficultés actuellement à établir l'équilibre pour savoir: Qu'est-ce qui doit rester aux chercheurs, aux découvreurs? Et, si on compare à d'autres secteurs, c'est sûr, aujourd'hui, que ce n'est pas évident que, parce que vous avez eu la bonne idée, vous allez conserver 80 %, sinon... Et, pour le faire, il faut se débrouiller seul.

M. Beaulne: Alors, je comprends un peu...

M. Scraire (Jean-Claude): Alors, la question, donc, c'est: Quelqu'un ne devrait pas être sur un siège éjectable, il devrait connaître les règles du jeu dès le départ. Mais nos gens, ici, dans différents secteurs, il faut que l'apprentissage se fasse aussi chez nos chercheurs et nos gens d'affaires, puis peut-être aussi chez les investisseurs. Quelle est la part respective des gens? Alors, il y a un exercice qui se fait là-dedans. C'est certain que la théorie des sièges éjectables n'est pas la théorie à rechercher pour bâtir des relations de partenariat à long terme. C'est sûr.

M. Beaulne: Non, mais il ne faut pas non plus que ça soit l'impression qui se perpétue, qui se répande. D'ailleurs, vous venez de confirmer un peu. Le cas dont je vous parle en particulier, c'est justement dans le secteur manufacturier. Alors, je comprends un peu plus que les règles du jeu sont un peu plus floues. Et, à plus forte raison, est-ce que la Caisse peut examiner un peu là-dedans, faire marche arrière, s'il y a lieu de le faire, sur la base des critères que vous avez énumérés?

Et je terminerai tout simplement en disant que vous nous avez distribué hier un code de déontologie. Je suppose que ce code de déontologie s'applique également à vos filiales?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

M. Beaulne: Et, entre autres, également à vos filiales qui sont dans le domaine de la recherche et du développement et du financement technologique?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

M. Beaulne: Oui. Et quelles sont les sanctions s'il est démontré que quelqu'un déroge à ce code de déontologie?

M. Scraire (Jean-Claude): Dans la mesure où c'est un employé, il existe toute la gamme de sanctions.

M. Beaulne: Il y a des sanctions.

M. Scraire (Jean-Claude): Ah, oui! Au niveau du respect du code d'éthique, ça peut aller au congédiement.

M. Beaulne: Bon. Ça va.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mme la députée de Saint-François?

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Je vais demeurer dans le secteur technologique parce que c'est un secteur qui est très intéressant et, finalement, qui est passionnant aussi, avec votre filiale Sofinov qui fournit le capital de risque au point de vue technologique. Tout à l'heure, je feuilletais une revue de presse des activités de financement et j'avais presque trouvé la réponse au député de Crémazie, quand il vous disait: On ne connaît pas vos succès, on a de la difficulté à connaître vos succès. Mais c'est parce que vous avez plusieurs filiales. Et, quand on parle de Sofinov, ce n'est pas la caisse de retraite qui investit, c'est Sofinov. Et, pour la plupart des gens, M. et Mme Tout-le-Monde, Sofinov, ce n'est pas la caisse de retraite, de placement. Alors donc, je pense que c'est ça aussi qui fait, à un moment donné, que peut-être qu'on mélange ou qu'on voit moins les succès. Parce que, en feuilletant cette revue de presse, j'étais étonnée justement de voir toutes les filiales qui investissaient, mais on ne voit jamais le nom de la Caisse de dépôt et placement du Québec, c'est plus les filiales.

Donc, je veux revenir à votre filiale, entre autres, Sofinov, bien sûr, qui fournit du capital de risque au point de vue technologique, qui a des partenaires aussi. Ma première question, c'est au niveau des gestionnaires ou encore des consultants. Hier, je n'ai peut-être pas bien saisi, mais, à un moment donné, j'avais l'impression que... Ils sont rémunérés, bien sûr. Mais est-ce qu'ils ont le droit, premièrement, de le faire? Puis est-ce que c'est une tradition que ces gestionnaires ou ces consultants participent également au capital-actions de toute nouvelle entreprise lorsque, par exemple, ils gèrent l'entreprise ou lorsqu'ils sont consultants? Ça, c'est ma première question. Avant de poursuivre, j'aimerais savoir comment ces gens-là sont rémunérés. Est-ce que c'est une façon...

(16 h 50)

M. Scraire (Jean-Claude): Les gens qui travaillent comme consultants ne peuvent pas participer au capital-actions de l'entreprise dans laquelle on investit.

Mme Gagnon-Tremblay: O.K. Que ce soit une filiale ou que ce soit la Caisse de dépôt, c'est impensable, on ne peut pas permettre ça. À moins, bien sûr, qu'ils quittent la Caisse de dépôt puis qu'ils décident, par la suite, de...

M. Scraire (Jean-Claude): Ils ne peuvent pas participer au capital.

Mme Gagnon-Tremblay: Même pas. Alors, il y a...

M. Scraire (Jean-Claude): Une fois qu'ils sont partis, comme je le disais hier...

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, c'est ça, peut-être, que... C'est des cas comme ça qu'on a retrouvés.

M. Scraire (Jean-Claude): ...il n'y a pas de relation légale qui subsiste vraiment, à moins qu'il y ait eu des contrats de signés à cet effet-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, d'accord. Alors, c'est un peu des cas comme ça qu'on essayait d'éliminer, parce qu'on s'est rendu compte, finalement, que, dans certains cas qui nous avaient été soumis la semaine dernière, la meilleure façon, finalement, de pouvoir se faire une carrière, à un moment donné, ou de pouvoir développer un produit ou de pouvoir faire des sous, c'était peut-être de se faire embaucher par la Caisse, par la suite, avoir accès à des réseaux, quand même, ou bien à des dossiers puis, par la suite, pouvoir sortir et investir. Mais, bon, voici, ça peut être des cas...

M. Scraire (Jean-Claude): C'est certain que c'est un bon moyen. Si ça se fait conformément au code d'éthique et aux obligations légales...

Mme Gagnon-Tremblay: Sauf que, quand la personne a quitté, vous comprendrez que le code d'éthique, on a de la difficulté. Il n'y a pas de clauses qui indiquent, comme des clauses de non-concurrence, des clauses de...

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. Je pense que, hier, vous avez manifesté cette préoccupation et, quand je l'ai bien compris, j'ai dit qu'on s'y attarderait.


T2C2

Mme Gagnon-Tremblay: Bon, d'accord. Parfait. Parce que, hier, aussi, vous disiez que la Caisse de dépôt n'avait pas pour objectif de faire, mais de faire faire. Alors, Sofinov, qui est une filiale de la Caisse de dépôt, fournit du capital-actions. Je voudrais savoir, à partir de ça, quelle est la relation entre Sofinov et T2C2. Est-ce que c'est une sous-filiale? Quelle est la relation? C'est quoi, T2C2 par rapport à Sofinov qui, elle, fait faire, finalement, qui, elle, fait?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est un fonds dans lequel Sofinov a investi, T2C2, avec la Banque de développement du Canada et d'autres partenaires qui sont susceptibles de se joindre. Mais là c'est lancé sur la base de l'accord et des mises de fonds de ces deux investisseurs-là, la Caisse de dépôt... Pardon?

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que c'est plutôt privé, à ce moment-là? Est-ce que c'est privé? Est-ce que T2C2, c'est privé?

M. Scraire (Jean-Claude): Actuellement, c'est deux organisations publiques qui sont là, la Banque de développement du Canada et la Caisse de dépôt.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, le capital provient de ça. Mais est-ce que T2C2 est complètement privé, malgré tout?

M. Scraire (Jean-Claude): Ah! non, non, ce n'est pas privé.

Mme Gagnon-Tremblay: Parce que vous détenez des actions, vous détenez des participations. C'est un fonds.

M. Scraire (Jean-Claude): C'est un fonds dans lequel nous avons investi, Sofinov et la Banque de développement de Canada. Mais, donc, il y a ces deux acteurs-là. Il y en aura d'autres qui vont se joindre. Mais partons avec ces deux-là. Ces investisseurs-là, qui ont créé un fonds, s'embauchent des gestionnaires, une équipe de gestion pour gérer leur fonds, faire les investissements, faire le travail.

Mme Gagnon-Tremblay: Et quelle est la participation, à ce moment-là, des gestionnaires de ce fonds? J'entends, par là, le président de T2C2, étant donné que c'est un fonds. Est-ce que ces gens-là, les responsables, peuvent, eux, avoir des participations dans les entreprises qu'ils développent ou bien s'ils ont le même code d'éthique que, par exemple, les gestionnaires de Sofinov?

M. Scraire (Jean-Claude): En fait, le fonds T2C2, c'est tout nouveau. Le président vient d'entrer en fonction. Alors, ils ont commencé à rencontrer les gens, mais ils n'ont pas vraiment travaillé de dossiers encore. Mais, pour répondre à votre question, je pense qu'il sera dans l'ordre en établissant les règles du jeu de T2C2. Ils sont à mettre au point les contrats entre le personnel, puis tout ça. C'est à se mettre en place, actuellement. Alors, les questions d'investissement dans des entreprises dans lesquelles T2C2 investirait vont se reposer immédiatement. Mais c'est assez évident, dans notre cas, qu'on ne peut pas permettre que des gens qui gèrent un fonds comme celui-là investissent personnellement à côté.

Mme Gagnon-Tremblay: Parce que vous comprendrez, finalement, que cette entreprise peut concurrencer avec toute autre, à un moment donné, aussi.

M. Scraire (Jean-Claude): On parle de T2C2?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

M. Scraire (Jean-Claude): T2C2, nous, on considère ça comme étant une émanation de Sofinov. C'est une continuité de Sofinov qui est spécialisée sur quelque chose qui me semble intéressant, c'est vraiment quelque chose que Sofinov ne fait pas. C'est vraiment de partir – j'en ai dit un mot, hier, très brièvement – du centre de recherches vraiment avec le chercheur. Le secteur dans lequel ils ont le plus de dossiers – parce qu'ils n'ont pas commencé à opérer puis ils ont une centaine de dossiers sur leur table – c'est le biomédical, tout le domaine de la biotechnologie, biomédical, c'est plein de recherches qui se fait à Montréal, dans nos universités.

Mme Gagnon-Tremblay: À Sherbrooke.

M. Scraire (Jean-Claude): Ha, ha, ha! Vous avez raison, madame. Dans nos universités, les centres de recherche publics ou privés, il y a tellement de découvertes et de potentiel là-dedans. Alors, T2C2, son métier très, très spécifique, ça va être d'identifier, de rencontrer les chercheurs. C'est ce qu'ils font, ils rencontrent les chercheurs et, à un moment donné, ils identifient, ils disent: Ça, ce produit-là, nous, on a confiance, nous on a confiance dans le produit, et là, on va vous aider – parce que c'est un chercheur – on va essayer de trouver des gens d'affaires pour vous accompagner, faire un plan d'affaires, faire un montage financier, des études de commercialisation. Alors, T2C2 va investir un peu d'argent pour mettre sur pied ces plans d'affaires là, pour ramener ça aux investisseurs. Alors, c'est un métier qui n'existe pas au Québec, actuellement.

Silicon Valley a développé ça d'une façon incroyable. Les universités sur la Côte-Ouest sont toutes entourées disons de T2C2 de cette façon-là. Les sociétés de capital de risque ont toutes des équipes comme ça pour venir voir les chercheurs et dire: Ça, ça a du potentiel, on l'aime, on va t'aider à le bâtir.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, donc, je comprends qu'étant donné les activités de T2C2 et le rapprochement avec Sofinov vous allez vous assurer du même code d'éthique, finalement, pour les administrateurs, qu'on soit sûr qu'il n'y ait pas de problème à ce niveau-là.

M. Scraire (Jean-Claude): D'un code d'éthique adéquat. D'ailleurs, ce qui est prévu, la mécanique sur les codes d'éthique concernant nos filiales, c'est que tous les codes d'éthique... Parce que chaque filiale doit adopter son code d'éthique, sinon elle a celui de la Caisse intégralement. Et, si elle a un projet de code d'éthique dans la filiale, ça doit remonter au comité d'éthique du conseil de la Caisse pour être approuvé au comité d'éthique du conseil de la Caisse, de sorte que ça se peut qu'il y ait des variations. Par exemple, on a des gens dans le secteur immobilier. Chaque filiale immobilière doit avoir son code d'éthique aussi, mais ça remonte au comité d'éthique du conseil de la Caisse, parce qu'il peut y avoir des différences entre le secteur immobilier et le secteur d'innovation technologique. Alors, chaque code d'éthique doit couvrir le secteur d'activité qui lui est propre.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, ma dernière question: Quel rôle jouera cette société par rapport, par exemple, aux Innovatech, aux trois Innovatech qui sont créées présentement?

M. Scraire (Jean-Claude): T2C2?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

M. Scraire (Jean-Claude): T2C2 va plus loin qu'Innovatech. Innovatech était un investisseur, disons, de premier rang, c'est-à-dire qu'un projet qui était structuré et qui arrivait pour investissement, Innovatech pouvait investir dedans. T2C2 va en avant parce qu'il va aider le chercheur à structurer son plan d'affaires et sa business pour venir voir Innovatech ou Sofinov. Alors, c'est un cran en avant. C'est vraiment un travail qui se fait en amont pour multiplier le nombre de dossiers qu'on peut faire. Parce que, on s'en aperçoit, les chercheurs, parfois il y en a qui sont de très bons hommes d'affaires, parfois non. Et, en général, ils aiment bien avoir une équipe qui arrive et qui dit: Écoutez, nous, on aime votre produit et on va vous aider à bâtir votre business.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Saint-François. Est-ce qu'il y a d'autres membres qui veulent intervenir? M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je veux revenir sur une autre question qui est complètement différente, qui est un problème que j'ai toujours eu entre ce que je pourrais percevoir comme étant des intérêts divergents entre le ministère des Finances et la Caisse. Une bonne partie de la dette du Québec provient de ce qui est non financé dans les régimes de retraite des employés du gouvernement, qui sont inclus dans la dette au taux de rendement moyen de la Caisse. Donc, plus la Caisse a un taux de rendement élevé, plus la dette du gouvernement pour les fonds de pension va en croissant. Alors, j'ai l'impression qu'il y a comme une espèce, parfois, d'éléments contradictoires entre la Caisse qui... Imaginons que vous ayez, demain, un taux de rendement qui, au lieu d'être à 10 % ou 11 % soit rendu à 25 % ou 30 %. Vous voyez l'effet direct que ça aurait...

M. Scraire (Jean-Claude): Tout à fait.

(17 heures)

M. Gautrin: ...sur la dette du Québec, et qui ne se chiffre pas en millions, elle se chiffre en milliards de dollars, sur la dette par rapport au RREGOP. Alors, la question que j'ai à vous poser est la suivante. Le gouvernement l'a déjà fait dans le passé et le fait de temps en temps, il va sur les marchés financiers, il emprunte aux taux du marché pour reverser, rembourser ou redonner l'argent à la Caisse et, à ce moment-là, ne pas avoir à financer, en quelque sorte, sa dette. Ma question: Si le gouvernement le faisait sur une très grande échelle, ce qui augmenterait considérablement vos sommes à placer, c'est-à-dire les avoirs de la Caisse, est-ce que ça aurait un effet direct sur le rendement de la Caisse?

Autrement dit, si vous augmentez considérablement les avoirs de la Caisse – comprenez-moi bien, toute la dette, actuellement, qui représente à peu près les 40 % de vos avoirs qui viennent du RREGOP, qui sont aussi aux livres du gouvernement sous une forme de dette qui augmente en fonction du taux de rendement moyen de la Caisse – est-ce que ceci, d'après vous, aurait des effets directs sur le taux de rendement, donc serait pénalisant si le gouvernement allait dans cette direction-là?

M. Scraire (Jean-Claude): On pense généralement que, si le gouvernement allait dans cette direction-là, on serait capable de gérer la situation et les portefeuilles additionnels qui pourraient en découler d'une façon...

M. Gautrin: Sans que ça affecte à la baisse...

M. Scraire (Jean-Claude): Ça peut dépendre de différentes conditions et de quelle façon ça se ferait et quelle serait notre capacité de transiger, soit par produits dérivés sur ces titres-là, etc. Mais disons qu'en principe on peut penser qu'à certaines conditions ça ne nuirait pas au rendement et que ça pourrait être avantageux pour tout le monde.

M. Gautrin: Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de...

M. Gautrin: ...pas politiquement dans un autre débat, mais...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je sais que vous êtes une source pratiquement inépuisable de sujets. Sur ça, puisque nous en sommes rendus à la fin de nos travaux, d'une façon de consensus, je permettrai au président de la Caisse de dépôt et placement, comme je l'ai dit tout à l'heure, de lui laisser la conclusion pour connaître ses impressions de ces deux journées que nous avons passées ensemble. M. Scraire.


Conclusions


M. Jean-Claude Scaire, président-directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec

M. Scraire (Jean-Claude): M. le Président, je vous remercie de me permettre quelques commentaires de clôture, d'abord pour vous remercier à nouveau, comme je l'ai fait au début, de cette invitation au conseil de la Caisse et à sa direction. J'avais dit d'entrée de jeu que ça nous permettrait sans doute de vous informer et d'informer le public et qu'en même temps nous serions sans doute éclairés sur certaines de vos préoccupations.

Je ne sais pas si on a réussi à vous éclairer, mais soyez assurés que vous, vous avez réussi à nous éclairer sur les vôtres, vos préoccupations, sur plusieurs des sujets qui ont été évoqués et dont on a pris bonne note pour la réflexion et les actions qui peuvent en découler, qui peuvent s'imposer, et peut-être des correctifs, à l'occasion. Je ne veux pas tous les énumérer parce qu'il y a plusieurs sujets qui ont été évoqués, que ça soit en matière de déontologie, en matière de gestion des refus, en matière de relations avec les partenaires, différents sujets, donc, qui ont été abordés. La question aussi de la gestion sur les marchés américains, où on doit continuer nos efforts, on le sait; mais on a pris note que d'autres le savaient aussi.

C'est certain qu'une des choses qui m'apparaît claire dès maintenant, c'est qu'au niveau des relations avec nos clientèles, surtout les petites entreprises, on a des efforts à faire. On va voir comment et on va procéder à une évaluation d'un certain nombre de choses. On a peut-être des programmes de formation ou d'information pour certains de nos employés qui sont en contact avec la clientèle aussi pour les différentes questions que vous avez soulevées. Il est certain que ça va nous amener, au niveau du conseil de la Caisse, à considérer l'établissement d'un processus de traitement des plaintes. C'est certain que, s'il y a une chose, avec les travaux de la commission, avec laquelle je suis le moins à l'aise, c'est les dossiers spécifiques qui ont dû être abordés ici. Je considère que c'est sans doute parce qu'on n'avait pas un processus adéquat de traitement des plaintes. Ils ont dû être abordés ici et dans un contexte qui n'est pas optimal, où les versions des plaignants sont un peu... Certains les ont, certains ne les ont pas, les dossiers ne sont pas clairs. Donc, ça, ce n'est certainement pas le processus optimal. En tout cas, c'est peut-être un processus de dernier recours. Mais je pense qu'on devrait avoir un processus interne de premier recours pour ceux qui ont des plaintes. Alors, on va voir avec le conseil d'administration la façon d'aborder cette question-là.

On a abordé d'autres questions de déontologie sur lesquelles, honnêtement, les députés m'ont bien sensibilisé. Il y a des éléments où je vois très clairement qu'on peut améliorer notre code d'éthique et son application.

J'ai pris note des autres commentaires ou préoccupations qui ont été indiqués aussi. Alors, je vous remercie de votre patience. Et j'espère qu'on a réussi à vous informer du mieux qu'on pouvait dans le temps que vous nous donniez aussi, j'espère qu'on a réussi cette partie-là de notre travail. Je vous remercie de cette opportunité à nouveau et j'espère que tout le monde en bénéficiera.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le président-directeur général, de ces propos fort constructifs. Et je laisserai la parole maintenant à M. le Vérificateur général.


M. Guy Breton, Vérificateur général

M. Breton (Guy): Alors, M. le Président, mesdames, messieurs, je remercie la commission de m'avoir permis de rappeler le mandat que le législateur m'a confié pour procéder à la vérification de l'optimisation des ressources dans une entreprise du gouvernement. J'ose espérer que la Caisse modifiera sa position lors de ma prochaine rencontre avec les membres du conseil d'administration, de manière à reconnaître que seul le Vérificateur général puisse décider de l'opportunité de faire une vérification d'optimisation des ressources, l'entente à intervenir ne devant porter que sur les modalités. Je puis assurer les membres de cette commission que mon équipe se mettra à l'oeuvre sans délai, en espérant pouvoir accomplir mon mandat conformément à la lettre et à l'esprit de l'article 28 de la Loi sur le Vérificateur général. Je tiens à vous remercier de l'attention que vous m'avez donnée.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le Vérificateur général. Au nom des membres de la commission, je vous remercie de votre présence et de la documentation que vous avez préparée et fournie à chacun des membres pour encore mieux nous préparer à questionner et à connaître tous les tenants et aboutissants de la Caisse de dépôt et de placement et de ses filiales. Maintenant, M. le député de Laporte.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Vous me permettrez, au nom de ma formation politique, de donner quelques remarques finales à l'occasion de la fin de ces travaux de deux jours. Je dois dire, M. le Président, que j'ai trouvé ces deux jours là utiles, même parfois agréables. Vous savez que je ne suis pas un maniaque des commissions parlementaires, mais j'ai l'impression qu'on n'a pas perdu notre temps, qu'on a joué un rôle qui, j'espère, sera utile dans l'avenir.

La Caisse de dépôt, c'est une institution importante de notre société. On a coutume de dire que c'est le bas de laine des Québécois; il ne faut pas l'oublier, il ne faut pas oublier ce rôle-là. Je pense qu'on doit être en général satisfait du travail qu'accomplit la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je pense que c'est une excellente décision qu'a prise Jean Lesage il y a 33 ans. Si on ne l'avait pas, je pense qu'il faudrait l'inventer, la Caisse de dépôt.

M. Campeau: Là-dessus, on est d'accord.

M. Bourbeau: Elle joue un rôle important dans notre société. Elle tente de maximiser, bien sûr, le rendement de notre fonds de pension collectif et aussi, elle tente, conformément à sa mission, de participer au développement économique du Québec, d'assurer au Québec une place importante sur les marchés financiers et aussi dans l'économie canadienne en général.

(17 h 10)

Maintenant, la Caisse, elle a fait des bons coups, je pense qu'il faut le souligner. À certains égards, elle a une grande expertise dans certains domaines plus que dans d'autres. Elle a aussi, bien sûr, à l'occasion, eu des investissements malheureux, surtout dans le domaine immobilier où il y a eu des gros problèmes, on l'a vu d'ailleurs dans les statistiques, dans le domaine des mines, où l'aventure de Bre-X – on n'en a pas parlé – a été une aventure extrêmement malheureuse. J'ai repris à mon compte l'expression «cowboy» à l'endroit de ces deux investissements-là, je l'ai dit parce que je le pensais, la façon un peu imprudente – je pense que le mot, c'est «imprudent», c'est ce que ça voulait dire – avec laquelle la Caisse s'est lancée dans des placements immobiliers au Québec, ici, là – pour l'étranger, on verra dans l'avenir ce que ça va donner – et aussi dans le domaine minier.

Pour ce qui est du domaine minier, M. le Président, justement, je regardais tout à l'heure les coupures de journaux et de revues sur l'aventure de Bre-X. C'est sûr que le président de la Caisse a raison de dire que la Caisse n'est pas la seule qui s'est fait prendre dans Bre-X. Un grand nombre d'investisseurs se sont fait prendre. Les maisons de courtage recommandaient l'achat du titre. Il a été inclus dans l'index du Toronto Stock Exchange, ce qui a fait penser à bien du monde que c'était un bon placement. Encore qu'il faut bien se souvenir que l'insertion dans l'index d'un titre n'est pas un gage de la qualité du titre, mais plutôt du volume de transactions qui a place à son endroit. Et le fait de l'inclure dans l'index ça a vraiment fait en sorte d'inciter un grand nombre d'investisseurs à acheter le titre, alors que ce n'était pas une garantie de la qualité du titre.

Justement, j'ai devant moi, ici, un article de Ned Goodman, qui est connu comme étant un des gourous au Canada, un des plus grands experts dans le domaine, associé et président du conseil de Goodman & Company qui gère les fonds de pension. Dans un article, ici, dit qu'il est très triste de voir comment – comment il dit ça? C'est en anglais – son groupe, même il a honte de voir comment le groupe, la famille des investisseurs s'est fait prendre dans le dossier Bre-X. Il dit que sa compagnie de même que certains autres – il en nomme d'autres: Trimark, Mackenzie – un certain nombre de fonds, ayant considéré attentivement le titre de Bre-X, ont décidé, après analyse, de ne pas participer dans Bre-X, de ne pas investir parce que leur analyse leur a fait découvrir un nombre suffisant de raisons historiques, dit-il, «historical facts», des faits historiques, et la prudence, «outright prudence», alors la prudence élémentaire les avait convaincus de ne pas investir. Ce sont, bien sûr, des gens qui ont fait une étude approfondie de l'investissement.

D'ailleurs, ça recoupe exactement les propos que tenait Steve Jarislowsky, qui disait exactement la même chose, que lui aussi n'avait pas investi et n'avait pas fait investir ses clients non plus dans Bre-X pour les mêmes raisons. Et, surtout, je reviens sur la question des faits historiques, les gens près de ça savent ou devaient savoir que le promoteur, qui était un type de Montréal, donc qui devait être plus connu des gens de Montréal, et avait un passé un peu douteux qui a fait en sorte que ce n'était pas un individu qui donnait l'assurance d'une grande probité. On comprendrait que des investisseurs de l'extérieur des États-Unis auraient pu se faire prendre, mais, quand on a l'expertise, en fait, l'expertise qu'on devrait avoir, il me semble que, quand on est tout près, aussi, quand on est à Montréal où avait demeuré le promoteur, on aurait dû savoir que ces faits historiques existaient, et ça aurait dû inciter à la prudence. En tout cas, M. le Président, c'est de l'histoire ancienne. Ça a coûté 70 000 000 $, mais ça nous a permis, évidemment, de souligner certaines faiblesses.

Je voudrais revenir sur le rôle du député. Nous sommes des députés, et les citoyens viennent nous voir parfois. Ils viennent nous voir pourquoi? Essentiellement, pour se plaindre, la plupart du temps, du mauvais traitement qu'ils reçoivent de la machine, ce qu'on appelle la machine gouvernementale. Et notre rôle, c'est de servir de courroie de transmission entre le simple citoyen, qui parfois se sent opprimé, et la machine gouvernementale, qui peut être un haut fonctionnaire, qui peut être une société de la couronne, qui parfois ne lui donne pas satisfaction. Et c'est pour ça, je pense, que les députés se sont sentis un peu frustrés de voir que des contribuables québécois, des citoyens prétendaient – on verra si c'est avec raison ou non – avoir été maltraités par la Caisse de dépôt. Et je pense que les députés ont parfaitement le droit de s'immiscer dans ces dossiers-là et d'exiger de la Caisse, ou d'autres organismes semblables, qu'elle réponde à nos questions et qu'elle nous donne satisfaction. Et je pense que certains d'entre nous avaient essuyé des fin de non-recevoir ou s'étaient fait fermer un peu la porte par la Caisse de dépôt dans leur tentative, justement, d'être éclairés, ce qui a généré éventuellement la commission que nous venons de vivre, les deux jours de travaux.

Maintenant, j'ai eu l'occasion, au cours de ces deux jours, de traiter du régime de retraite des travailleurs et des travailleuses de la construction; le président nous a éclairés un peu là-dessus. Il reste quand même qu'il ressort de ces témoignages-là que ce groupe fort important se plaint d'une attitude un peu cavalière de la Caisse et du manque de transparence. C'est un propos qui est revenu chez eux, qui est revenu ailleurs dans d'autres interventions. J'ai eu l'occasion de parler des placements immobiliers, je ne reviendrai pas là-dessus, M. le Président, mais je maintiens tous et chacun des propos que j'ai tenus en souhaitant, cette fois, que le président va avoir le temps de relire le Journal des débats . De la même façon que le député de Crémazie lisait le discours de Jean Lesage avant de se coucher, j'espère que le président de la Caisse va lire le mien.

Et il y a la question aussi, M. le Président, des placements de la Caisse. Alors, là, la Caisse a essentiellement investi dans quatre domaines. Il y a les obligations, où on doit, je pense, lui accorder de très hautes notes, la Caisse a vraiment, dans ce domaine-là, un dossier impeccable, et, bien sûr, l'obligation qui lui est faite d'investir dans les obligations du Québec. Enfin, la mission qu'elle s'est donnée l'a favorisée, étant donné que les obligations du Québec ont fluctué énormément au cours des dernières années. La Caisse en a profité, tant mieux.

Mais on doit reconnaître que l'âge d'or des obligations est peut-être un peu derrière nous. Avec les taux d'intérêt qu'on connaît maintenant et les perspectives d'avenir en matière de taux d'intérêt, qui ne laissent pas présager des taux très élevés compte tenu que les dettes des provinces et du gouvernement canadien ont tendance à diminuer, enfin les déficits disparaissent, les dettes vont éventuellement plafonner, probablement même commencer à diminuer. Ça va donc faire en sorte d'avoir un effet à la baisse sur les taux d'intérêt. Alors, je comprends très bien que la Caisse se trouve un peu à l'étroit dans le carcan de 40 % des actions de compagnies qui lui est imposé. Et ça peut expliquer aussi une des raisons, il faut bien le reconnaître, qui fait probablement que les rendements globaux de la Caisse sont un peu inférieurs à d'autres fonds de pension, puisqu'elle a cette contrainte-là. Quant à moi, je peux dire, M. le Président que je serais absolument d'accord pour lever ce plafond-là, qui ne m'apparaît pas être, aujourd'hui, réaliste par rapport au marché en général. Et je pense que, dans une perspective à long terme, il serait préférable que la Caisse puisse investir davantage dans les actions de compagnies, de façon à pouvoir maximiser son rendement pour le bénéfice de tout le monde.

Il y a aussi les placements immobiliers, le troisième volet. Ça, on en a parlé. Je pense que la Caisse devrait être très prudente dans ce domaine-là.

Et, finalement, les investissements directs. La Caisse en fait passablement, avec assez de succès, je dois le dire. Ça a été dans certains cas très utile. Ça permet à des entreprises québécoises de fructifier. On a vu certains problèmes, ici, au cours des deux jours, qui, je présume, vont servir d'exemple. Il y a quand même un aspect de ça qui me laisse un peu à réfléchir, c'est le fait que la Caisse commence à diversifier énormément. On a compté au-delà de 80 filiales, bien sûr, un grand nombre dans le domaine immobilier, qui sont des filiales inactives, en fait, où on n'a qu'un seul immeuble. Mais il y a quand même un grand nombre de filiales. La Caisse diversifie de plus en plus dans un grand nombre de domaines. Et j'ai, quant à moi, toujours peur de voir, quand on diversifie trop, qu'éventuellement on perde l'expertise. Parce qu'on vit dans un monde très compétitif où l'expertise est concentrée, et à vouloir être expert en tout, parfois, on n'est expert en rien. Et, moi, je me préoccupe un peu de cette tendance de la Caisse d'aller dans toutes les directions et de tenter d'avoir l'expertise dans toutes les directions, et aussi de fractionner ses placements. C'est rendu que la Caisse fait de tout petits placements, dans les centaines de milliers de dollars. Quand on a un fond de 63 000 000 000 $ et qu'on est rendu qu'on fait des placements, des petits placements... D'abord, je me demande si la Caisse est équipée pour gérer tous ces placements-là et faire de bons investissements à un niveau aussi bas. Et je me demande s'il y aurait pas lieu de repenser à tout ça et dans une perspective peut-être de décentralisation ou d'impartition. C'est une question qui vaudrait la peine d'être regardée.

(17 h 20)

De façon générale, M. le Président, je pense qu'après bientôt 40 ans d'existence il était temps de faire le point sur la Caisse de dépôt et de réaliser que les temps ont changé et peut-être qu'il est temps aussi de penser à des changements concernant la Caisse. Je pense, quant à moi, qu'il y aurait lieu de regarder attentivement la possibilité de modifier la loi de la Caisse de dépôt, enfin assez bientôt, pas nécessairement dans les prochaines années. La mission de la Caisse devrait, je pense, demeurer la même, bien sûr: maximiser le rendement du fonds de pension et supporter le développement économique.

Est-ce qu'on devrait aller dans les détails autant qu'on le fait présentement? Je pose la question. Je ne suis pas certain qu'il est sage que la Caisse devienne à la fois une société de développement, une SDI, qu'elle devienne un fonds de solidarité, qu'elle devienne une SGF. Il y a des rôles qui doivent être joués par certains organismes. Je ne vois pas pourquoi la Caisse devrait nécessairement être en duplication sur chacun des ces rôles-là d'acteurs qui existent présentement. Alors, je voudrais qu'on regarde ça, je pense.

La composition maintenant de la Caisse, son conseil d'administration. La Caisse a été formée il y a 37, 38 ans, dans un contexte différent d'aujourd'hui. Est-ce qu'aujourd'hui par exemple, il est souhaitable d'avoir huit fonctionnaires au conseil d'administration de la Caisse, d'avoir deux, trois chefs syndicaux et un très petit nombre de gens du monde des affaires? Je pense qu'on peut se poser la question. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de repenser le conseil d'administration, d'avoir plus de gens du monde des affaires et pas nécessairement autant de fonctionnaires? Il faudrait regarder ça aussi.

Les actifs de la Caisse. La Caisse a des actifs énormes, qui progressent à un rythme fulgurant. Voyez-vous, on avait des documents qui nous parlaient de 57 000 000 000 $; on apprend que c'est 63 000 000 000 $. Alors, en l'espace de peu de temps, on a augmenté de 5 000 000 000 $, 6 000 000 000 $. Quand on pense à 5 000 000 000 $, 6 000 000 000 $, c'est une somme énorme. Alors, ça progresse rapidement. Et la Caisse devient énorme, elle devient extrêmement importante. Les frais d'administration sont importants aussi. Et, je comprends, quand on est rendu qu'on fait des placements de 100 000 $ ou de 200 000 $, ça demande énormément d'expertise et de personnel. L'Association de la construction du Québec... Je ne me souviens pas du nom.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ce n'est pas ça. Le Conseil des métiers de la construction.

M. Bourbeau: Le Conseil des métiers de la construction a recommandé, dans son mémoire, de scinder en deux son fonds à la Caisse de façon à ce qu'un partie reste à la Caisse et qu'une partie soit confiée à l'entreprise privée pour fins de gestion, ce qui pourrait permettre de faire des comparaisons, ce qui pourrait peut-être permettre à la Caisse, d'ailleurs, de prouver qu'elle est meilleure que la compétition. C'est une idée qui ne m'apparaît pas, à première vue, en tout les cas, inintéressante. Je me demande même si, à l'égard de tout le fonds de la Caisse, on ne pourrait pas penser... Au rythme où on en est rendu, est-ce qu'on pourrait pas penser que, par exemple, on pourrait scinder en deux ou en trois fonds différents les actifs de la Caisse, qu'une partie pourrait être gérée par des maisons d'investissement qui pourraient en prendre une partie? On pourrait faire des comparaisons. Il y aurait un secteur témoin. Enfin, je pense qu'une réflexion s'impose sur la façon dont on devrait procéder à l'avenir relativement à la gestion de ces sommes énormes là. Est-ce qu'on devrait instaurer une concurrence, par exemple, entre la Caisse et le secteur privé relativement à l'administration de ces fonds-là?

Il y a une autre question aussi, je pense, qu'on doit regarder. La raison de ces deux jours ici nous laisse à penser qu'on devrait réfléchir sur le degré d'indépendance de la Caisse. M. le Président, je ne sais pas si j'ai indisposé le député de Masson ou non, mais je ne voudrais pas...

Une voix: ...

M. Bourbeau: Ah! bon. L'indépendance de la Caisse. On a toujours prétendu que l'indépendance de la Caisse, c'était une chose sacro-sainte et que, la Caisse, on ne doit pas lui parler, que le gouvernement ne doit pas avoir de rapport avec la Caisse, qu'elle doit faire rapport au ministre des Finances, etc. On voit aujourd'hui que, quand un organisme est comme ça, ne fait rapport qu'à lui-même – c'est le cas de la Caisse – des problèmes peuvent surgir. On a vu un bon nombre de problèmes. On a vu des problèmes de sociétés qui prétendent avoir été maltraitées par la Caisse, d'autres qui se plaignent qu'ils n'ont pas un mot à dire dans la gestion de leur fonds de pension, alors qu'ils sont déposants à la Caisse. On a vu des placements malheureux, etc. Enfin, il y certainement des problèmes. Et est-ce que la Caisse ne doit répondre qu'à elle-même? Les députés, ici, se sont plaints, avec probablement raison, qu'ils n'avaient aucune façon de pouvoir communiquer avec la Caisse ou d'influencer la Caisse de façon à pouvoir répondre à des attentes de députés qui veulent, eux, donner du service à leur clientèle.

Alors, est-ce que le droit de regard, par exemple, de l'Assemblée nationale est suffisant? Est-ce qu'il ne pourrait pas être plus important? Est-ce que le Vérificateur général, par exemple, qui est l'émissaire de l'Assemblée nationale, ne pourrait pas avoir plus de droits, plus de responsabilités? Qui donne les orientations à la Caisse? Présentement, c'est elle-même. Est-ce que l'Assemblée nationale ou le gouvernement, je ne sais trop, ne pourrait pas éventuellement intervenir et regarder le dossier immobilier, par exemple? Si l'Assemblée nationale en venait à la conclusion qu'il n'est pas souhaitable, pour des raisons que les députés pourraient... de ne pas investir dans l'immobilier en dehors du Canada, est-ce que, par exemple, on ne pourrait pas trouver une façon de le faire savoir?

Je pose des questions. Je n'ai pas de réponses, mais je pense qu'il est intéressant de les poser, ces questions-là, parce que le fait que la Caisse soit totalement indépendante et qu'elle ne réponde qu'à elle-même a causé des problèmes et est susceptible d'en causer. Et je pense que, si le gouvernement est responsable présentement de certains dossiers importants, est-ce que le gouvernement ne pourrait pas, ou l'Assemblée nationale, avoir un mot à dire là-dedans?

M. le Président, je vais terminer là-dessus. Je vais terminer sur deux autres points. L'attitude générale de la Caisse à l'endroit de sa clientèle, à l'endroit des députés, c'est une attitude qui a été décriée par plusieurs intervenants, tant verbalement que par écrit, et par des députés aussi. C'est une attitude, pour employer un mot plus poli, qui est qualifiée de hautaine; des mots plus sévères ont été même employés. Et je me demande si, véritablement, il ne serait pas temps d'instaurer un ombudsman à la Caisse pour justement traiter les problèmes de relations de la Caisse avec sa clientèle et avec les citoyens, ce qui éviterait probablement aux députés d'avoir à jouer ce rôle-là.

Finalement, il y a la question du Vérificateur général, qui, mandaté par l'Assemblée nationale, tente de faire son travail et à qui la Caisse jusqu'à maintenant a refusé de le faire. Je note que, dans les conclusions du président, tout à l'heure, il a complètement omis de traiter de ce sujet-là, pourtant, qui était un peu à la base même de la raison d'être de cette réunion, ici. Moi, pour un, je pense que les députés ont raison d'exiger que le Vérificateur général puisse faire le travail que la loi lui ordonne de faire, que c'est lui qui doit être le maître d'oeuvre de ces travaux-là. Et, si la Caisse refuse de le recevoir et de donner suite à sa volonté, je me demande si, à ce moment-là, la commission, ici, ne devrait pas intervenir d'une façon énergique pour tenter de faire en sorte que les députés et l'Assemblée nationale puissent avoir la certitude au moins qu'ils sont correctement informés par rapport aux préoccupations qu'ils ont.

En terminant, M. le Président, j'aimerais vous remercier vous-même pour votre grande patience et votre grande tolérance à mon endroit, à l'endroit de mes collègues et, je présume, des autres députés aussi. Mais c'est surtout l'opposition, en général, qui dans certaines commissions essuie les foudres du Président. Mais, ici, je dois dire que ça a été absolument impeccable. J'aimerais remercier le Vérificateur général aussi, pour sa contribution. J'aimerais remercier mes collègues, bien sûr, nos amis d'en face, ainsi que les gens de la Caisse de dépôt, le président et tous ses adjoints, qui ont été d'une disponibilité totale, d'une grande patience aussi, qui ont démontré un sang-froid remarquable. Et j'espère que les travaux que nous avons tenus auront des suites, que ça ne sera pas un exercice futile et qu'on pourra éventuellement voir que les deux jours que nous avons consacrés ici auront servi à faire avancer l'économie du Québec, puisque c'est de ça dont on parle. Merci.

(17 h 30)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Laporte. M. le député de Crémazie.


M. Jean Campeau

M. Campeau: Merci, M. le Président. D'abord, tout comme mon collègue le député de Laporte, je voudrais reconnaître l'importante décision de Jean Lesage de créer la Caisse de dépôt. Je pense que personne ne va être surpris de voir mon allusion. Pour moi, c'était un grand premier ministre qui n'avait pas peur d'oser et qui faisait des choses, et qui créait.

Je voudrais remercier le président de la Caisse, M. Jean-Claude Scraire, pour avoir répondu à toutes nos questions, à toutes nos préoccupations et avoir bien voulu discuter avec nous, je pense, d'une façon fort ouverte, très ouverte. Je veux, bien sûr, remercier M. Nadeau, M. Rémillard, M. Provost et M. Perreault, qui sont intervenus dans le débat. De ce côté-ci, je pense que nous sommes très satisfaits du travail de ces deux journées qu'on a passées ensemble. Comme député – j'en parlerai comme ancien président de la Caisse tout à l'heure – c'est un privilège, quand même, de rencontrer la Caisse de dépôt parce que c'est une grande institution, et puis sachez qu'on en est fiers.

On voit qu'à se parler on peut se comprendre. On voit aussi qu'il y a deux côtés à une médaille. Et, ça, je pense qu'on prend une leçon, M. le Président. Dans la vie, il y a deux côtés à une médaille, et on ne doit jamais juger en voyant juste un côté de la médaille, il faut regarder l'autre côté. On a reçu des gens ici de bonne foi, mais, quand la Caisse donne son explication, on comprend mieux ce qui est arrivé, on comprend mieux les circonstances. Je ne dis pas que quelqu'un a raison ou tort, je dis qu'on comprend mieux.

On a réalisé aussi qu'il y avait de la confusion dans certaines choses, certains témoignages qu'on a eus la semaine dernière à huis clos. Par exemple, une lettre de démission du 7 avril, alors que quelques mois après encore, la personne pense qu'elle est encore présidente et signe comme présidente – je ne veux pas l'attaquer, je ne la nomme pas – alors que la même personne signe un entente une autre fois.

On regarde le président du Conseil des métiers de la construction. Nous autres, quand on le reçoit, on pense qu'il parle directement à la Caisse, alors qu'il doit passer par une commission. Alors, ça a été bon que vous nous éclairiez là-dessus. Alors, s'il a quelque chose à dire, il faut qu'il passe par sa commission. Ce n'est pas la Caisse qui lui a refusé des explications, puisqu'elle les doit à la commission qui chapeaute d'autres fonds de pension. On pensait aussi qu'il demandait d'avoir accès au conseil d'administration de la Caisse, jusqu'à ce qu'on réalise qu'il y a déjà quelqu'un de la FTQ et quelqu'un, Gérald Larose, de la CSN. Alors, c'est un éclaircissement qui était essentiel pour nous et qui nous aide beaucoup.

En passant, je voudrais féliciter la Caisse sur les gestes concrets que vous mentionnez dans votre rapport, les gestes concrets qui favorisent Montréal comme centre d'excellence du placement international. Je pense que vous devez continuer là-dessus. Et le fait d'avoir commencé, si on veut vraiment reconnaître Montréal comme un centre de placement, d'excellence, il faut que la Caisse continue là-dessus. Je vous félicite aussi pour avoir continué de tenter de faire le plus de transactions possible à la Bourse de Montréal et de faire vos transactions, dans le domaine du possible, avec des courtiers de Montréal, avec des courtiers qui paient des impôts ici et qui paient des taxes ici. Ça ne veut pas dire que vous ne devez pas faire affaire avec des gens de l'extérieur aussi, mais d'avoir un penchant là-dessus, je pense que c'est ça, du développement économique aussi. Alors, ce sont des gestes concrets.

Comme mes collègues, je pense qu'il y a du travail à faire sur la perception, la perception des entrepreneurs sur le rôle de la Caisse. Il faut trouver le moyen que les gens qui sont refusés à la Caisse comprennent pourquoi et que, malgré leur déception, ils ne soient pas trop amers, ou pas amers – enlevez le mot «trop» si vous voulez. On ne doit pas seulement s'occuper des entrepreneurs, mais il faut qu'ils aient la perception aussi qu'on s'en occupe réellement. La perception est aussi importante que la réalité, là-dedans. Alors, je pense qu'il y a un effort à faire là-dedans. Je reconnais que la Caisse n'a pas toujours été dans les participations et qu'elle pourrait peut-être, d'après son rôle – le député de Laporte l'a mentionné – décider de s'en retirer un jour. Ce serait malheureux, mais ça pourrait être comme ça. J'espère que ça n'arrivera pas.

Les relations avec les gens de l'extérieur de la Caisse. J'en ai parlé et je continue à dire que ça prend seulement quelques individus, deux ou trois, pour défaire toute une perception, toute une réputation. Il y a des gens qui ont de la difficulté à bien gérer le pouvoir que leur donne la Caisse. Tout de suite, d'entrée, M. le président, ce n'est pas votre cas. Mais il en faut juste quelques-uns pour donner à l'institution une attitude d'arrogance. Moi, j'en vois seulement quelques-uns. Je ne qualifie pas tout le personnel de la Caisse d'arrogant. Il y en a sûrement un, deux ou trois, par inadvertance ou je ne sais pas comment, qui donnent cette pensée-là. Je pense qu'il y a du travail à faire pour identifier ces rares individus, les aider à se corriger, leur montrer le tort qu'ils peuvent faire sur la réputation de la Caisse, là-dessus, alors qu'ils sont seulement quelques-uns. Dans les propos du président de la Caisse, de tout à l'heure, je vois qu'il y a une ouverture là-dessus. Mais, je dirais, si ces gens-là sont incorrigibles, bien, à regret, il faut penser à s'en départir parce qu'ils peuvent nuire beaucoup plus à la Caisse qu'on peut le penser à première vue.

Les relations avec le Vérificateur général, elles sont excellentes, dans la vérification des comptes. C'est ça qu'il ne faudrait pas oublier de dire, elles sont excellentes, à ce que je comprends, dans la vérification des comptes: complète coopération. Bravo! Il y a désaccord dans l'optimisation des ressources. Bien, merci au président de la Caisse pour son ouverture d'avoir accepté la proposition du député de Verdun, du député de Masson, de la députée de Pointe-aux-Trembles de faire en sorte que le Vérificateur rencontre les membres du conseil d'administration. Moi, je suis convaincu que le Vérificateur général sera conciliant avec la Caisse et qu'une entente sera conclue entre les deux parties puis que le gouvernement n'aura pas à intervenir dans ce domaine. En passant, merci au Vérificateur général pour avoir assisté aux travaux et nous avoir éclairés dans nos délibérations.

Je souligne, je dis bien, l'excellente performance de la Caisse de dépôt, mais là dans ses deux mandats. Je pense que le rendement est bon, excellent, puis je pense que la Caisse travaille aussi au développement économique du Québec. Mais, M. le président, il faut être vigilant. Puis là je vous suggère, peut-être pas de le relire avant de vous coucher, mais de le relire régulièrement, le discours de Jean Lesage. Ma foi, chaque employé qui arriverait à la Caisse, moi, je lui ferais l'obligation de le lui faire lire, puis je le lui ferais réciter, après.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: Les frais d'administration. Parce qu'on vit dans une organisation riche – parce que la Caisse est riche, ça déborde – il ne faut pas vivre en riche. Alors, la Caisse doit faire un effort de sobriété.

Le marché international. Je rejoins mon collègue de Laporte dans sa préoccupation de prudence, tout au moins, et dans les montants qui y seront investis: prudence quant aux investissements et aussi quant aux montants investis, tant qu'on ne sera pas arrivé à une meilleure expérience. Je ne dis pas de ne pas y aller, je dis: Prudence, double prudence dans ces domaines-là.

En conclusion, mes collègues du côté ministériel, la députée de Pointe-aux-Trembles, le député de Marguerite-D'Youville puis le député de Masson, je pense que, eux et moi, on a eu beaucoup de satisfaction à passer ces deux jours avec la Caisse. Quant à moi, j'ai réalisé encore une fois combien j'avais été privilégié de travailler pendant 10 ans et quatre mois à la Caisse de dépôt à gérer l'argent des Québécoises et des Québécois.

Au personnel de la Caisse, je voudrais leur passer un message, si vous le permettez. J'aimerais leur dire qu'ils sont privilégiés de travailler à la Caisse. Pourquoi? Parce qu'ils font fructifier les avoirs des leurs, des Québécoises et des Québécois, et ce n'est pas tout le monde qui a cet avantage-là ou cette chance-là.

À vous, M. le président, 10 ans dans la vie, ça passe bien vite, 10 ans à la Caisse de dépôt, ça passe encore plus vite, alors profitez de la chance qui vous est donnée de travailler au bien-être de tous les Québécois et des Québécoises pendant que ça passe. Et je suis convaincu que votre performance va être excellente.

Merci à vous, M. le Président, merci aux membres de l'opposition qui ont travaillé avec nous puis merci à tout le personnel de l'Assemblée nationale qui nous a assistés dans ces deux journées.


M. Jacques Baril, président

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Crémazie. À mon tour, j'aimerais vous transmettre ma satisfaction du déroulement des travaux de ces deux dernières journées. Je ne vous cacherai pas que j'appréhendais certaines difficultés à diriger les travaux, à cause d'abord des sujets importants et sans doute aussi à cause de la divergence d'opinions des personnes, tout à fait louable, justifiable, c'est-à-dire qui peut nous animer. Par moments, les échanges furent plus vigoureux que par d'autres moments, mais la compréhension de toutes les parties – et quand je dis «les parties», j'inclus aussi la partie des représentants de la Caisse de dépôt et placement – a participé à maintenir un climat de respect mutuel.

(17 h 40)

Ma satisfaction, je vais vous dire, elle s'est confirmée davantage en écoutant ou en entendant vos propos, M. le président, de la fin. Et je vais vous dire, ça fait un certain nombre d'années que je suis ici, ça fait un certain nombre de représentants d'organismes qu'on reçoit ou qu'on entend, et ça n'arrive pas souvent qu'un représentant pratique une certaine, je vais dire, humilité en reconnaissant qu'il y a des faiblesses, qu'il y a des anomalies, qu'il y a des choses, en tout cas, à corriger au niveau du fonctionnement, de la perception et de certaines attitudes des représentants de la Caisse et des filiales. C'est tout à votre honneur. Et, je le répète, ça n'arrive pas souvent que des gens, des présidents-directeurs généraux reconnaissent ça publiquement devant les parlementaires.

M. le député de Crémazie l'a mentionné, si le président de la Caisse n'a pas parlé du sujet du Vérificateur général, je pense que c'est sans doute un oubli, parce que, hier, dans ma perception, c'était très clair qu'il y aurait une rencontre sous peu entre le conseil d'administration de la Caisse et le Vérificateur général. Et nous allons trouver un moyen également, les membres de la commission, lors d'une séance de travail, dans les semaines qui viennent, de faire une sorte de suivi de nos travaux, des engagements que vous avez pris et aussi de faire un suivi pour les personnes qui ont daigné venir nous rencontrer pour nous faire part de leur appréciation des échanges qu'elles ont eus avec les représentants de la Caisse.

M. le président, peut-être que ces deux journées vous ont paru longues, difficiles, à cause que vous n'étiez pas habitué. Mais je vous dirai tout de suite que, s'il n'en tient qu'à moi, je vous permettrai de vous habituer en n'attendant pas 32 ans avant de vous réinviter. Je pense que l'exercice, les deux côtés de la table l'ont confirmé, de ces deux jours a été bénéfique pour tous et chacun et chacune d'entre nous et également pour vous autres, et c'est tout à notre honneur.

Je tiens également à féliciter les membres de la commission, qui se sont bien préparés pour vous recevoir, pour échanger avec vous. C'est également tout à l'honneur de cette commission de vraiment... En tout cas, je pense que chacun d'entre nous, on n'a pas le sentiment d'avoir perdu notre temps ou d'avoir occupé du temps, et ça, c'est important pour le rôle des députés, de vraiment confirmer notre rôle de représentants de la population et qu'on puisse échanger avec les dirigeants. Si les députés se sont bien préparés, il y a deux raisons. D'abord, le secrétaire de la commission, M. Boivin, avec un recherchiste de l'Assemblée nationale, M. Martin Rochefort, ont préparé un document dont les députés, chacun des membres de la commission ont pris connaissance, qui était une magnifique, une bonne source d'informations, bien documentée, et je les remercie au nom des membres de la commission de cet apport intéressant qu'ils ont amené à la commission.

Également, je remercie les membres de la commission de s'être donné la peine, la semaine dernière, d'entendre et d'écouter les citoyens, le monde ordinaire. Et, sans rien avoir contre les spécialistes, je suis certain qu'il n'y a pas un spécialiste, aussi connaissant qu'il puisse être, qui aurait pu nous amener l'information que ces personnes-là, concrètement, nous ont amenée, parce qu'elles nous ont fait part de ce qu'elles avaient vécu. Elles nous ont parlé avec beaucoup de coeur, beaucoup de conviction et même beaucoup d'émotion de l'ennui, même de l'échec de leur dossier. Et ça, je pense que c'est également un peu une primeur des membres de la commission, qu'on se donne la peine d'inviter des gens. Et, si on avait fait une invitation publique, selon moi, nous en aurions eu au moins pour 15 jours à entendre les gens. Donc, c'est juste pour démontrer un peu... Je tiens à signaler pourquoi je dis ça, c'est parce que, sans faire d'annonce publique, j'ai dû en refuser. Il y a beaucoup de personnes qui m'ont appelé, puis elles voulaient passer devant la commission, elles voulaient venir se faire entendre pour nous faire connaître leurs ennuis, je vais dire, qu'elles ont vécus, qu'elles ont connus avec des représentants, certains représentants... Parce que, tout au long des deux jours, on a bien voulu spécifier que c'est seulement certains représentants, et c'est ça qui est dommage, qui brise l'image de la Caisse et de ses filiales.

Sur ça, également, je le répète, je remercie le Vérificateur général et toute son équipe pour l'information qu'ils nous transmettent. Le Vérificateur général, c'est les yeux et les oreilles des députés dans chacun des ministères et des organismes, c'est un outil important pour nous pour vérifier. On ne veut pas gérer, on ne veut pas gouverner, mais, au moins, on veut être informés de ce qui se passe et on veut sensibiliser nos dirigeants ou nos dirigeantes d'entreprises, de sociétés ou d'organismes afin que, tous ensemble, on puisse améliorer et développer l'économie du Québec. Parce que, peu importe les gouvernements qui sont au pouvoir, on a tous des bonnes intentions de vraiment développer l'économie du Québec et, quelquefois, des gestes ou des attitudes de certains représentants, de certains hauts fonctionnaires nuisent énormément à l'effort que les gouvernements veulent faire de bonne foi pour développer l'économie.

Donc, sur ce, je vous remercie encore une fois, vous, M. le président, et toute votre équipe, de ces deux journées que nous avons passées ensemble. J'espère que je n'oublie personne.

Sur ça, je vais ajourner les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 47)


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