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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 12 avril 2005 - Vol. 38 N° 80

Consultations particulières sur le projet de loi n° 85 - Loi sur le Centre de services administratifs


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Hamad): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Avant de commencer, je demanderais à tous ceux et celles qui ont un téléphone cellulaire de bien vouloir en éteindre la sonnerie afin de ne pas gêner les travaux de la commission. Alors, la Commission des finances publiques est réunie afin d'entreprendre des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 85, Loi sur le Centre de services administratifs.

Est-ce qu'il y a des remplaçants?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Paquet (Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Auclair (Vimont) et M. Legault (Rousseau) est remplacé par M. Simard (Richelieu) pour la durée du mandat.

Le Président (M. Hamad): Nous avons l'ordre du jour: les remarques préliminaires; après ça, à 10 heures, c'est la Commission d'accès à l'information; après ça, c'est la Centrale des syndicats du Québec; après, c'est le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec; après ça, il va y avoir une période de suspension, et, l'après-midi, nous aurons le Syndicat de la fonction publique du Québec.

Remarques préliminaires

Alors, maintenant, c'est l'étape remarques préliminaires. Alors, j'invite le ministre des Services gouvernementaux. Vous avez une période de 15 minutes pour les remarques préliminaires.

M. Pierre Reid

M. Reid: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais en profiter pour souhaiter la bienvenue à tous les membres de la commission à cette commission et dire que je suis très heureux d'avoir été invité à en faire partie pour la durée de ces travaux. C'est avec plaisir que je me retrouve aujourd'hui, devant vous, pour procéder aux consultations particulières sur le projet de loi sur le Centre des services administratifs. Permettez-moi, avant d'aller plus loin, de vous présenter les personnes qui m'accompagnent, enfin quelques-unes de ces personnes du moins. M. Gordon Smith, sous-ministre adjoint aux Services partagés; M. Michel Paradis, conseiller juridique; et M. Jean-Robert Pépin du bureau du sous-ministre adjoint aux Services partagés.

Donc, nous procédons, aujourd'hui, aux consultations particulières sur le projet de loi ayant pour but de développer, dans l'administration gouvernementale, une approche de services partagés. Nous aurons ainsi l'occasion d'entendre plusieurs organisations qui ont un intérêt particulier dans la question ou qui sont désireuses de partager leur expertise en cette matière. Comme j'ai eu l'occasion de le mentionner à l'étape de l'adoption de principe, le projet de loi n° 85 déposé à l'Assemblée nationale en décembre dernier s'inscrit dans la démarche de modernisation de l'État québécois entreprise par le gouvernement du Québec. Ceci a pour objectif d'améliorer la prestation de services aux citoyens ainsi que la prestation de services aux ministères et organismes gouvernementaux. Cette démarche de modernisation est au coeur des priorités de notre gouvernement et elle découle d'une vision ambitieuse que nous avons du développement de l'État québécois. Elle n'est pas le fruit d'une approche idéologique de la gestion des affaires publiques, elle est plutôt notre réponse aux défis auxquels nous sommes confrontés dans l'administration de l'appareil gouvernemental.

Au cours des 40 dernières années, l'État québécois a été le fer de lance de plusieurs projets collectifs, contribuant ainsi au développement d'un Québec prospère et moderne. Nous sommes fiers de cet héritage, car il est porteur des valeurs que nous partageons tous. Cependant, pour préserver nos acquis, nous devons relever des défis importants, notamment au niveau des finances publiques et des changements démographiques. Le fonctionnement de notre État nécessite des investissements importants de la part des contribuables québécois, qui sont désireux d'avoir accès à des services gouvernementaux abordables, efficaces et de qualité.

n (9 h 40) n

Or, au Québec, nous dépensons plus que la moyenne canadienne pour assurer le fonctionnement de notre État, et ce, même si nous sommes collectivement moins riches. Ceci exige une gestion efficace de nos dépenses publiques. Il y a donc lieu de revoir nos façons de faire afin de contrôler l'évolution des coûts des services publics et de respecter la capacité de payer des contribuables. Cet effort de modernisation de l'État correspond tout à fait aux exigences des Québécoises et des Québécois.

Trois projets d'importance constituent la base sur laquelle porte cet effort: la mise en place de Services Québec par l'instauration d'un guichet unique de services aux citoyens et aux entreprises; le gouvernement en ligne pour un accès électronique aux différents services et programmes gouvernementaux; et l'implantation d'une gestion mieux intégrée des services de soutien administratif pour permettre aux ministères et aux organismes publics de concentrer leurs énergies et leurs ressources sur leur mission principale. La réalisation de ces mandats représente une occasion exceptionnelle de contribuer au développement d'une administration gouvernementale mieux outillée pour faire face aux défis d'un État moderne.

M. le Président, l'État québécois est basé sur un appareil administratif vaste et complexe. Bon nombre de ministères et organismes ont développé, au fil des ans, une gamme de services administratifs en soutien à leur mission. Certains ministères ont ainsi développé des compétences et des expertises qui leur sont propres et qui n'ont pu jusqu'à ce jour être offertes à l'ensemble du gouvernement. Ainsi, en présentant le projet de loi n° 85 à l'Assemblée nationale, nous avons comme objectif de favoriser le partage d'expertise entre les ministères et les organismes gouvernementaux. La création du Centre des services administratifs nous permettra ainsi d'agir plus efficacement en soutien à la mission de l'État et de dégager les marges financières nécessaires à l'augmentation de notre capacité d'offrir des services de qualité à la population.

Le Centre de services administratifs identifiera, en collaboration avec les ministères, les services opérationnels et transactionnels qui gagneraient, en qualité et en économie, à être partagés ou à être offerts à l'ensemble de l'administration gouvernementale. Le Centre de services administratifs aura ainsi la tâche d'intégrer et de rationaliser ses services pour en optimiser l'usage. À court terme, le centre deviendra le point d'entrée des demandes de biens et de services des ministères et organismes publics et le point de référence des fournisseurs qui veulent faire affaire avec le gouvernement. Sa création contribuera à offrir un accès simplifié, économique et personnalisé aux services de soutien administratif publics. Une des missions du CSA, et non la moindre, c'est de développer des centres d'excellence et de compétence internes au gouvernement. Ces centres vont diminuer la dépendance du gouvernement dans certains secteurs d'expertise, vont augmenter la capacité d'action de l'administration gouvernementale, vont réduire graduellement certains coûts importants, vont mobiliser les meilleurs éléments de la fonction publique et vont assurer une plus grande constance de la qualité des services de soutien offerts aux différents ministères et organismes gouvernementaux dans toutes les régions du Québec.

Ce projet de loi apporte une nouvelle dynamique à la gestion des services de soutien administratif. Il met de l'avant des nouvelles formes de collaboration afin de permettre à nos gestionnaires de se libérer des tâches qui sont répétitives et coûteuses tout en leur donnant la possibilité d'allouer à leur programme de mission les ressources et les expertises nécessaires pour une meilleure offre de service aux citoyens et aux citoyennes du Québec. La concertation et la collaboration seront les assises des ententes qui seront convenues entre le Centre de services administratifs et les organismes publics. Chaque partie signataire disposera des outils pour mieux contrôler ses demandes de services, d'une part, et pour mieux cerner les spécificités des besoins, d'autre part. C'est la recherche d'une valeur ajoutée en termes de qualité de services et de coûts de livraison qui, dans beaucoup de cas... motivera, pardon, la signature de ces ententes, M. le Président.

Afin de bien faire ressortir l'importance du client dans le fonctionnement du Centre de services administratifs, le projet de loi prévoit que le conseil d'administration sera formé majoritairement de personnes issues de l'administration gouvernementale, et donc de la clientèle du centre. Il m'apparaît très important que le conseil d'administration puisse compter sur des personnes qui sont au fait des besoins de l'administration gouvernementale tout en étant sensibilisés aux contraintes budgétaires qui affectent les opérations courantes du gouvernement. Les employés du Centre de services administratifs seront nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique, et les conventions collectives de travail s'appliqueront telles quelles. Ces employés seront également assujettis aux règles d'éthique de la fonction publique. Ceux-ci étant les membres du personnel du gouvernement, ils devront se conformer aux dispositions de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.

Le Centre de services administratifs sera également tenu de respecter les règles reconnues de bonne gouverne. Plus particulièrement, l'organisme devra se doter d'un comité de vérification. Enfin, à l'instar des ministères, le Centre de services administratifs sera assujetti aux dispositions de la Loi sur le Protecteur du citoyen, de la Loi sur le vérificateur général et de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Nous porterons une attention particulière aux commentaires qui seront formulés par les représentants de la Commission d'accès à l'information et ceux du Protecteur du citoyen afin que le texte de loi reflète bien les précisions qui devront être apportées, le cas échéant.

Avant de conclure, M. le Président, je tiens à souligner aux membres de l'opposition que je me réjouis de l'annonce de leur collaboration lors de l'adoption du principe du projet de loi. Je tiens également à leur signifier que j'ai bien reçu leurs commentaires, qui rejoignent l'esprit du projet de loi n° 85. Le gouvernement sera disposé à apporter certains amendements pour en préciser la teneur et faire en sorte que l'esprit du projet de loi et son libellé soient conformes aux orientations du gouvernement. Je peux d'ores et déjà assurer mon collègue le député de Richelieu qu'il n'est pas de notre intention d'obliger l'Assemblée nationale et les organismes qui en dépendent à recourir aux services du Centre de services administratifs. Nous serons également ouverts à discuter de l'écologisation des acquisitions, d'autant plus que des démarches en ce sens sont déjà menées au gouvernement. À l'automne 2004, un plan d'action et une politique interne d'écologisation des acquisitions ont été mis en place, et nous comptons poursuivre nos efforts en ce sens.

Nous partageons également les préoccupations exprimées en ce qui concerne les problématiques de la desserte et des achats en région. En ce sens, je tiens à vous assurer que le centre poursuivra ses efforts pour le maintien et l'amélioration des services en région. Les ministères et les organismes se procurent déjà plusieurs produits et services dans chacune des régions du Québec, mais je crois qu'il serait avantageux pour le centre de participer à une réflexion élargie afin de favoriser les achats en région dans le respect du processus d'appel d'offres établi par le gouvernement et des accords de commerce dont le Québec est signataire.

Enfin, M. le Président, s'il y a consentement, je serais disposé à déposer le sommaire exécutif du rapport préliminaire du Groupe de travail sur l'intégration et la rationalisation des services de soutien administratif mis sur pied en septembre dernier. Ceci permettra aux membres de la commission et à tous les participants de prendre connaissance de l'ampleur et de l'importance des travaux réalisés, et de se préparer adéquatement pour mieux recevoir la présentation des coprésidents qui viendront nous entretenir de leurs travaux cette semaine et de pouvoir dialoguer avec eux. Alors, j'ai ici, M. le Président, s'il y a un accord, cette liste, cette pile de rapports préliminaires.

En terminant, M. le Président, je souhaite que nos échanges soient constructifs et fructueux pour que l'ensemble des ministères et des organismes publics deviennent des acteurs importants de la modernisation de l'État au bénéfice de l'ensemble de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Hamad): Merci, M. le ministre.

Document déposé

J'accepte le dépôt de votre document. M. le député de Richelieu, porte-parole de l'opposition officielle en matière de services gouvernementaux, vous avez la parole pour une période de 10 minutes.

M. Sylvain Simard

M. Simard: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord, puisque nous sommes dans une période, semble-t-il, de transition dans cette commission, de souligner votre élection à la tête de cette commission, vous dire ma grande satisfaction et m'engager ici, malgré mon tempérament parfois fougueux, à collaborer le plus entièrement possible à votre direction, qui, j'en suis sûr, sera sage et avisée.

Quant au ministre qui nous présente, ce matin, un projet de loi, qui avait été d'abord présenté, au mois de décembre, par la présidente du Conseil du trésor, et qui maintenant hérite de ces nouvelles fonctions, je l'ai déjà assuré privément de mon entière collaboration et je me permets aujourd'hui, publiquement, de lui dire que nous allons avec rigueur, avec beaucoup de sérieux, examiner chaque aspect de ce projet de loi et de tous les projets de loi ou de toutes les décisions qu'il pourrait prendre, mais que notre approche continuera d'être une approche évidemment dans l'intérêt de l'ensemble des Québécois. Et je suis sûr que là-dessus nous pourrons établir une solide collaboration.

n (9 h 50) n

M. le Président, le projet de loi n° 85, Loi sur le Centre des services administratifs, qui est devant nous, ce matin, vous savez, l'opposition a voté en faveur du principe lors du débat en Chambre, parce qu'il nous semble dans l'ordre des choses de tenter de regrouper et d'apporter plus d'efficacité à des services de nature administrative. Cependant, plusieurs des éléments de ce projet de loi ? je le dis très clairement et je suis sûr que déjà le ministre semble bien avoir compris que nous étions sérieux; il a annoncé que, sur certains points, il avait des éclaircissements à apporter et qu'il était ouvert, je crois, à des propositions ? il y a des points sur lesquels nous serons extrêmement rigoureux, et nous insisterons pour que des réponses nous soient apportées.

Nous avons voté pour le principe parce que, l'efficacité, nous en sommes, parce que c'est une étape supplémentaire, ce projet de loi, à des démarches qui ont été initiées dans le passé. Le regroupement des services gouvernementaux ne date pas d'hier, c'est une longue saga, c'est un travail qui s'est fait de façon, je dirais, systématique, depuis une vingtaine d'années. D'ailleurs, on pourrait remonter aux premières décisions du gouvernement de Jean Lesage et on pourrait faire l'histoire en montrant que l'État a tenté, tout au long des 50 dernières années, de donner plus d'efficacité à sa façon de dispenser les services, d'acheter des services, d'organiser des services en les regroupant, tout en respectant un certain nombre de règles sur lesquelles j'aurai à revenir.

Maintenant, il y a des enjeux, et ces enjeux sont sérieux. Nous allons entendre, au cours des prochains jours, un nombre impressionnant de groupes qui vont venir nous donner leur éclairage sur ces enjeux. Nous serons, de ce côté-ci, extrêmement attentifs à plusieurs des aspects de ces enjeux. Nous allons écouter attentivement, interroger les groupes qui vont venir. Et, parmi les sujets qui vont retenir notre attention ? le ministre l'a souligné tout à l'heure, mais vous allez voir que nous sommes là-dessus extrêmement attentifs ? c'est la question de l'achat local. Dans les préoccupations de l'État québécois ? et ça remonte à la politique d'achat d'Hydro-Québec, dans les années soixante, qui a permis de créer, au Québec, un réseau d'équipementiers qui a permis une bonne partie du développement québécois, jusqu'aux dernières réformes des secrétariats et des directions au Conseil du trésor ? il y a toujours eu ce souci de nous assurer qu'il y ait priorité, lorsque c'est possible, lorsque c'est économiquement viable, d'accorder une préférence aux entreprises québécoises parce que l'achat gouvernemental a eu dans le passé et doit continuer d'avoir un effet structurant. Tout ce qui pourrait, dans le projet de loi, ouvrir à une remise en question de cet aspect, nous allons nous y opposer fermement et nous allons revenir avec beaucoup d'insistance, sur tous les aspects, les aspects qui sont souvent des aspects indirects et induits.

Nous allons nous interroger notamment sur l'impact de certains regroupements sur les accords de commerce interprovinciaux, l'accord évidemment miroir qu'il y a avec l'État de New York concernant les achats de biens et services et leurs effets sur les politiques d'achat qui pourraient suivre le regroupement que le projet de loi propose. Alors, nous allons là-dessus être très attentifs à ce qui nous sera dit là-dessus.

Nous allons évidemment parler ? je n'utiliserai pas le terme, que je trouve un peu barbare, le ministre me le pardonnera ? d'«écologisation». Je trouve que la langue française est trop belle pour apporter des termes comme ceux-là. Parlons de politique d'achat responsable, de responsabilités sociale et écologique des achats gouvernementaux. Là-dessus, les choses ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Nous avons effectivement des progrès à faire. Ce qui était communément admis il y a 10 ans ne l'est plus aujourd'hui, donc nous devons nous assurer, au moment de ce projet de loi, que tout est fait de façon à ce que les meilleures pratiques soient appliquées dans ce nouvel organisme, dans cette superagence que nous sommes en train de créer.

Maintenant, nous allons entendre, ce matin, la Commission d'accès à l'information. Le projet de loi n° 85 prévoit une fourniture et le développement des solutions d'affaires en gestion des ressources. Il prévoit également que: «Le gouvernement peut, dans la mesure et aux conditions qu'il détermine, transférer au centre tout document ainsi que tout bien en possession d'un organisme public nécessaires pour l'application d'une entente ou d'un décret...» Je viens de citer un article du projet de loi. L'ensemble de ces considérations touchant principalement le domaine informatique posent un certain nombre de questions importantes. Notamment, le Centre des services administratifs sera responsable du projet informatique qui viendra en remplacement du projet GIRES abandonné par le gouvernement actuel. Il est important de rappeler que le Vérificateur général a déjà émis, dans son dernier rapport, des réserves importantes quant au projet SAGIR. Le nouveau ministre des Services gouvernementaux doit clarifier les actions de son gouvernement quant à ce projet, faire le point sur la progression de ce projet, sur sa portée et sur les coûts qui y sont rattachés.

La protection des renseignements personnels; la Commission d'accès à l'information. M. Saint-Laurent viendra tout à l'heure, en tout cas son équipe viendra tout à l'heure nous présenter ses remarques. À la lecture de l'article 11 du projet de loi, il apparaît que des informations nominatives transiteront par le Centre de services administratifs. Est-ce que des banques de données seront conservées par le centre? Est-ce que les projets liés au développement du gouvernement en ligne seront centralisés à cet endroit? Des questions que nous allons nous poser et des questions qui vont orienter notre écoute des groupes qui vont venir ici. Est-ce que le ministre a consulté la Commission d'accès à l'information sur le regroupement et la centralisation d'informations qui sont inhérentes au développement du Centre de services administratifs?

L'implication pour l'Assemblée nationale; un certain nombre d'assurances viennent de nous être déjà données par le ministre. Nous allons être attentifs, nous allons nous assurer qu'évidemment les privilèges des parlementaires soient totalement et absolument respectés. Nous allons nous assurer que la fonction administrative et la fonction législative n'aient en aucun moment de confusion qui puisse être au détriment de la réalité particulière de l'Assemblée nationale.

Maintenant, un conseil d'administration fait, vous le savez, fait place à des membres externes pour gérer le processus interne, alors nous allons nous interroger sur ce conseil d'administration. Quant à nous, nous avons déjà obtenu d'ailleurs des modifications à ce titre. Nous avons maintenant un projet de loi qui nous présente une majorité de membres venant de l'interne parce qu'il s'agit essentiellement d'une fonction interne au gouvernement. Il n'en demeure pas moins que cette tendance générale à déléguer à des conseils d'administration, pour séduisante qu'elle puisse paraître à première vue, pose un certain nombre de questions sur l'imputabilité, et nous allons les poser. Nous allons y être attentifs, là.

Maintenant, le projet de loi ? et je termine là-dessus pour laisser quelques minutes à mon collègue de l'ADQ ? mais, M. le Président, juste vous dire que je serai, vous le savez, très attentif à l'aspect qui m'apparaît dangereux ? je dis bien le mot «dangereux» ? dans le projet de loi, et nous allons là-dessus être d'une grande vigilance; le ministre devra nous donner exactement quelles sont ses intentions quant à d'éventuels partenariats public-privé touchant le Centre de services administratifs. En effet, l'article 12 du projet de loi prévoit que: «Le Centre peut s'adjoindre un tiers pour l'application d'une entente ou d'un décret.» L'article 16 mentionne que: «Le Centre peut, avec l'autorisation du gouvernement, acquérir ou constituer toute filiale utile aux fins de la réalisation de sa mission.» Et je ne vous donnerai pas ici la définition d'une filiale, mais référez-vous au texte. Nous aurons l'occasion de le faire. Actuellement, j'annonce déjà mes couleurs là-dessus, je serai extrêmement clair dans mes questions.

Alors, beaucoup de points d'interrogation, vous l'aurez compris, sur la transparence, sur l'achat local, sur la possibilité qu'un certain nombre de dossiers et une partie importante des missions échappent à cette nouvelle agence par le biais des PPP. Nous allons être vigilants, nous allons poser des questions, mais nous allons nous assurer que nous sortions avec le projet de loi le meilleur possible, sinon l'opposition évidemment qui a voté en faveur du principe d'améliorer l'efficacité par ce projet de loi pourrait évidemment s'opposer vertement et fortement à son adoption. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Hamad): Merci, M. le député de Richelieu. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, vous avez une période de cinq minutes.

M. Marc Picard

M. Picard: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je suis très heureux, ce matin, d'entendre l'ouverture du ministre qui a dit clairement qu'il va considérer les commentaires de la Commission d'accès à l'information, du Protecteur du citoyen et du Vérificateur général, parce que ces organismes-là sont les phares, au Québec, de notre système démocratique, et ça va être très important.

n (10 heures) n

Hier soir, j'ai fait la lecture du mémoire de la Commission d'accès à l'information. Il y a un certain nombre d'interrogations majeures. On fait des liens aussi avec le projet de loi n° 86. Mais j'ai compris des propos du ministre tout à l'heure qu'il est très sensible aux recommandations de la Commission d'accès. Tout comme mon collègue précédemment, nous aussi, notre groupe parlementaire, on est en faveur du partage de l'expertise. Si on peut trouver une meilleure façon de gérer l'argent que les citoyens nous remettent entre les mains, on est toujours d'accord avec ça. Cependant, on s'interroge quelque peu sur la création encore une fois d'une nouvelle structure. Est-ce que c'était vraiment nécessaire de créer une structure qui s'ajoute aussi à Services Québec, qui est dans la lignée du projet de gouvernement en ligne ? ça, ça va ? mais de créer une structure avec un conseil d'administration? Est-ce que c'était vraiment nécessaire? Probablement que, dans les propos du ministre, j'aurai les réponses.

Il y a un conseil d'administration, mais il y a aussi l'article 38 du projet de loi: Le conseil d'administration peut déléguer tous ses pouvoirs à un comité exécutif ou à un sous-comité. Donc, on crée un conseil d'administration pour la forme, selon moi. En tout cas, peut-être que je suis dans l'erreur aussi, mais c'est ma compréhension du texte de loi. Et aussi, comme j'avais fait des remarques au projet de loi n° 70, de mémoire il faut faire attention à la centralisation des données, là, pour éviter d'avoir un État que je vais qualifier de Big Brother, qui est au courant de tout. Donc, c'est des interrogations qu'il va falloir faire attention parce qu'avec les systèmes informatiques maintenant tout va très, très rapidement.

Et je serai très attentif au dépôt des différents mémoires de la CAI, de la Commission d'accès à l'information, mais aussi des différents partenaires qui sont les syndicats, les gens qui représentent les employés, les partenaires du gouvernement dans l'élaboration des services à la population. Donc, je termine là-dessus et je vais être très attentif aux différents commentaires. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Hamad): Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Maintenant, au nom des membres de la commission, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Commission d'accès à l'information. M. Saint-Laurent, avant de commencer votre exposé, pourriez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Commission d'accès
à l'information (CAI)

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce matin: d'abord, à ma droite, la directrice des affaires juridiques, Me Madeleine Aubé; et, à la droite de Me Aubé, l'adjointe à la législation, Me Danielle Parent; et, à ma gauche, le directeur de la Direction de l'analyse et de l'évaluation, Me Daniel Bourassa.

J'aimerais d'abord remercier les membres de la Commission des finances publiques de donner l'occasion à la Commission d'accès à l'information de présenter certains commentaires sur un projet de loi important qui est le projet de loi sur le Centre de services administratifs, qui, selon l'analyse qu'en fait la commission, aura possiblement des impacts majeurs sur la protection des renseignements personnels.

Le Président (M. Hamad): Juste avant, M. Saint-Laurent... juste rappeler le déroulement. Nous aurons 45 minutes. Et donc vous avez 15 minutes de présentation de votre mémoire, et après ça il y aura 30 minutes, une période de questions qui sera partagée entre les deux parties. Alors, M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Alors, je vais essayer de respecter le 15 minutes en question, M. le Président.

D'abord, permettez-moi, avant d'aborder les questions plus immédiates au projet de loi n° 85, de faire un bref rappel du mandat de la Commission d'accès à l'information. La Commission d'accès est chargée de la mise en application de la loi sur l'accès à l'information, ce qu'on appelle plus précisément, selon le titre officiel de la loi, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Le titre de la loi lui-même donne une précision sur les activités de la commission qui doit s'intéresser à l'accès à l'information au sens large et qui doit s'intéresser à la protection des renseignements personnels ou, si l'on veut, à la protection de la vie privée. Je pense que c'est important de souligner qu'il s'agit de droits qui sont par ailleurs reconnus par la charte.

La Commission d'accès à l'information a aussi juridiction sur 2 600 organismes qui sont assujettis. Elle est chargée de la mise en application également de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Comme on l'aura compris de ce que je viens d'exprimer, la Commission d'accès à l'information exerce aussi double fonction: des fonctions de tribunal administratif lorsqu'il s'agit de la révision des décisions des responsables de l'accès ou de l'examen de mésententes en matière de protection des renseignements personnels dans le secteur privé, et elle exerce également une fonction de surveillance et de contrôle. Et justement, à l'occasion de ces travaux de surveillance et de contrôle, on a un exemple aujourd'hui, par l'avis qui est donné sur le projet de loi n° 85 et la protection des renseignements personnels.

Si l'on aborde maintenant plus spécialement le projet de loi n° 85, j'aimerais encore une fois faire peut-être une mise en contexte très rapide pour souligner que les pouvoirs qui sont confiés au nouveau Centre de services administratifs sont des pouvoirs quand même très, très larges, que ce soit en matière de ressources humaines, de ressources financières, de ressources matérielles et également, ce qui est beaucoup plus important dans le contexte actuel, en matière de ressources informationnelles où la protection des renseignements personnels est plus délicate à réaliser. Alors, le Centre de services administratifs pourra ? et on comprend de ce qui a été présenté plus tôt ce matin: ce sera une de ses responsabilités premières ? pourra procéder à des regroupements de services et gérer ces regroupements-là. On constate également, dans le texte du projet de loi qui est devant nous ? certains des articles ont été mentionnés tout à l'heure, les articles 9, 10 et 11, qui sont des articles où on prévoit des ententes conclues entre le centre et les organismes publics ? la possibilité de rendre obligatoires les services du centre auprès de certains organismes et la possibilité d'une décision du gouvernement sur le transfert de fichiers ou de biens par le biais de l'article 11. On reviendra sur ça tout à l'heure, si vous le voulez bien.

En terminant, peut-être mentionner la possibilité pour le centre de constituer des filiales et de s'adjoindre des tiers qui sont, je pense, des éléments importants dans le contexte à mentionner. Point positif et important aussi à souligner: le fait que le centre est assujetti à la Loi sur l'accès, donc il sera possible de faire des demandes d'accès à l'égard des activités du centre, et le législateur prévoit ? ce qui est aussi très bien ? de façon très claire ? ça évite la possibilité de litiges ? que les filiales vont être assujetties à l'application de la Loi sur l'accès également. On pourrait enchaîner en mentionnant qu'avec les larges responsabilités qui seront confiées au centre la commission se préoccupe plus spécialement de l'impact sur la protection des renseignements personnels. Il y a un respect du principe de la confidentialité des renseignements personnels qui est difficile à évaluer au moment où on se parle. On voit que le centre pourrait avoir plusieurs activités dans différents secteurs. Il est difficile, sur la base unique du projet de loi, de concevoir quelles seront de façon précise ces activités, mais on peut très bien en déduire qu'il y aurait des risques assez importants et évidents à l'égard de la protection des renseignements personnels.

Tenant compte de ces risques-là, permettez-moi, juste avant d'aborder quelques questions, de tracer une toile de fond des règles en protection de renseignements personnels, ce qui nous intéresse plus spécialement ce matin. À l'égard de ces règles-là, la loi sur l'accès à l'information, telle qu'elle existe actuellement, fait, si vous voulez, toute une série de règles, a établi toute une série de règles du début à la fin de la vie utile d'un renseignement personnel.

n (10 h 10) n

Alors, si on commence avec la collecte des renseignements, le principe est établi par l'article 64 de la Loi sur l'accès qui établit que la collecte doit avoir lieu lorsque c'est nécessaire à l'exercice des attributions d'un organisme. Donc, on ne peut pas colliger des renseignements personnels sans établir cet élément de nécessité là, qui est fort important. Et il y aura éventuellement, de façon secondaire, une déclaration de fichier par le biais de l'article 76.

Ensuite, l'utilisation. Une fois qu'on a colligé les renseignements, il y a l'utilisation des ces renseignements-là. Mentionnons simplement l'article 65 qui exige que, lorsqu'on utilise les renseignements, il faut s'assurer que les personnes concernées par ces renseignements-là sont informées de l'utilisation qui en est faite. Je passe rapidement par dessus la conservation des renseignements qui est prévue à l'article 72. Les renseignement doivent être conservés, soit, mais l'organisme doit s'assurer qu'ils sont à jour, exacts et complets. Là où ça devient beaucoup plus névralgique, si je peux le dire de cette façon-là, c'est au moment où on parle de la communication des renseignements personnels qui ont été colligés. Cette communication-là, le principe est très clair, c'est celui de l'article 53: les renseignements personnels sont confidentiels. Il existe certaines règles, comme vous le savez, où la communication peut avoir lieu, ce sont des règles qui sont explicitement prévues par la loi ou lorsqu'il y a consentement des personnes concernées. Et je termine avec la destruction simplement pour mentionner qu'on prévoit, lorsqu'on l'objet est accompli, la destruction des documents.

Qu'en est-il maintenant ? et je termine la toile de fond avec ça ? sur la communication de ces renseignements-là et quels sont les paramètres déjà prévus, dans Loi sur l'accès, sur la communication? Et ça permet de constater qu'il y a une possibilité quand même assez bien élaborée de fonctionner en réseau, déjà avec les dispositions de la loi actuelle. Je vous donne le premier exemple qui est celui de l'article 67, et on va enchaîner dans la chronologie des articles de la loi, jusqu'à 68.1 et 70. Alors, 67: Lorsque la communication est nécessaire à l'application d'une loi, il est possible de communiquer. Ce qu'il est important de souligner pour 67, c'est que cette communication-là se fait, à ce moment-là, sans entente et sans avis de la Commission d'accès à l'information. C'est la même chose, et je passe très rapidement, parce que le temps avance, sur 67.1 et 67.2 qui concernent les conventions collectives et les mandats. Naturellement, les mandats, c'est une situation qui pourrait se produire dans le cas du centre où un ministère ou un organisme confierait un mandat au centre. Et, si on était dans un processus de mandat, il pourrait être écrit, ce mandat-là, mais il n'y aurait pas d'avis de la Commission d'accès à l'information. Je pense que c'est important de souligner cette préoccupation-là à ce moment-ci.

Par ailleurs, les articles 68 et 68.1 donnent des situations qui nous semblent le plus correspondre aux activités du centre. Par exemple, l'article 68: Lorsque la communication est nécessaire aux attributions de l'organisme, il est possible qu'il y ait communication sans le consentement des personnes concernées, mais, cette fois-là, il y aura entente écrite entre les organismes et il y aura également un avis de la commission sur cette entente, avant qu'elle puisse entrer en vigueur. S'il y avait entente par ailleurs sur un couplage de renseignements, un couplage de fichiers, c'est la même mécanique qui est prévue, avec entente écrite et avis de la commission, cette fois-ci par l'article 68.1.

Ce qui est difficile à ce stade-ci dans notre travail sur le projet de loi n° 85, c'est d'essayer de bien évaluer, je l'ai mentionné tout à l'heure, quels sont les impacts réels qu'aura, dans la vie de tous les jours, dans les activités de l'administration gouvernementale, les dispositions actuelles du projet de loi n° 85. Ce que la commission propose aux membres de la Commission des finances publiques, c'est de soulever quatre questions très simplement. J'enchaîne avec la première question que nous soulevons, qui est bien évidemment la question de la centralisation des renseignements. On imagine assez facilement, je crois, la possibilité que constituent les services informatiques que pourrait offrir le centre via des machines obtenues avec des meilleurs prix, ce qui est souhaitable, comme on le mentionnait plus tôt, et des machines plus puissantes, plus performantes.

Alors, on imagine que ces machines-là pourraient être l'endroit pour colliger des banques de données, des fichiers de renseignements personnels qui actuellement se retrouvent dans différents ministères et organismes. Une fois que ces banques de données là sont gravées sur des disques durs, des fichiers électroniques au même endroit, bien on imagine, à ce moment-là, la tentation de faire en sorte que ces banques de données là puissent se parler. Alors, c'est pour la Commission d'accès à l'information une préoccupation importante. Et je manque de temps un petit peu pour le faire. Je le ferai en conclusion.

On a, dans notre mémoire, plusieurs d'entre vous l'avez lu, une citation de ce qui avait été fait par la commission Parent à l'époque...

Une voix: Paré.

M. Saint-Laurent (Jacques): ...Paré ? je m'excuse, je me trompe avec l'éducation ? la commission Paré il y a au-delà de 20 ans, et on voit que les commentaires de la commission Paré d'il y a 20 ans sont toujours tout à fait d'actualité.

Alors, cette préoccupation de centralisation là, jumelée aux capacités technologiques que nous connaissons maintenant, qui semblent ne pas avoir de limites en termes de stockage et en termes d'exploitation de banques de données ? on a des exemples avec la Régie de l'assurance maladie, on a des exemples avec le ministère du Revenu ? nous amène à souligner que le projet de loi n° 85, dans l'état où il est actuellement, présente des risques d'impacts importants sur la protection des renseignements personnels, eu égard à cette centralisation-là. Ce que nous proposons, ce que la Commission d'accès à l'information propose aux membres de la commission, c'est de s'assurer que le principe de l'étanchéité des fichiers de renseignements personnels, principe qui existe déjà actuellement lorsque les fichiers sont dans les ministères et les organismes concernés, que ce principe de l'étanchéité soit préservé, même si la responsabilité de la gestion électronique, si vous voulez, de la gestion matérielle de ces fichiers-là est confiée à la Commission d'accès à l'information.

La commission se préoccupe d'un risque de centralisation parce qu'en pratique ? nous le vivons dans toutes sortes de circonstances dans notre société et dans les autres sociétés ? l'État et les personnes qui administrent l'État, les fonctionnaires inclus, ont une capacité d'action, une toute puissance qui peut devenir, si elle n'est pas encadrée, passablement dangereuse pour la protection des renseignements personnels. Les risques de créer ou de constituer des profils à l'égard des individus, les risques qu'on utilise des renseignements personnels qu'on a déjà à des fins autres que celles qui étaient initialement prévues et qu'on fasse ça l'insu de la personne concernée deviennent plus grands. On comprend que ce n'est pas l'intention du départ, mais imaginons le contexte des restrictions budgétaires qu'on a connu il y a un certain nombre d'années, au moment du déficit zéro, le contexte des restrictions budgétaires que nous connaissons actuellement, au moment de l'objectif de réduire les impôts, alors, pour les administrateurs de l'État, ça devient un moyen alléchant de dire: Bien, on a des économies d'échelle à réaliser si on faisait en sorte d'aller chercher nos informations où on est sûrs de ne pas avoir à corriger l'information qui est déjà colligée.

Donc, on fait des passe-droits, et le risque, à ce moment-là, est délicat si le passe-droit se réalise sans encadrement, sans aucun paramètre. C'est le danger que nous voulons souligner sur cette première question là. Et on me fait signe qu'il me reste deux minutes, donc je vais accélérer pour les autres questions, mais c'était quand même la principale.

Or, vous constaterez que notre première recommandation est celle de dire: Il faut maintenir la règle du cloisonnement à l'égard de ces fichiers-là, même si physiquement les fichiers seront regroupés.

Deuxième questionnement, c'est celui encore une fois au niveau de la centralisation. Une fois qu'on a des banques de données comme celle-là qui sont disponibles, la tentation demeure très forte, comme je mentionnais tout à l'heure, d'en faire ce que nous appelons un autre usage ou un usage étranger à ce qui était prévu initialement, donc un usage secondaire. On ne peut penser à la possibilité d'avoir des résultats intéressants sur tel ou tel type d'activité d'un groupe de citoyens donné d'une région donnée et que ces informations-là puissent être, par exemple, commercialisées, et ça devient un mode de financement. Dans le contexte qu'on connaît actuellement, les modes de financement peuvent devenir très intéressants.

Justement, ce ne serait pas, selon la Commission d'accès, une raison suffisante de dire: Il faut qu'on justifie une économie d'échelle pour, sans paramètre bien articulé, autoriser des usages secondaires comme ceux-là. En fait, nous recommandons, au niveau de la Commission d'accès, sur ces usages secondaires là, que les informations qui sont colligées au départ par des ministères et des organismes à des fins déterminées soient utilisées à ces fins-là uniquement ou qu'elles soient utilisées aux fins pour lesquelles le Centre de services administratifs est constitué.

n (10 h 20) n

Je termine très, très rapidement avec deux questions. La question n° 3 qui concerne la communication des renseignements personnels: Comment on pourrait, dans le cadre du projet de loi n° 85, faire en sorte d'apporter une protection, selon la commission, adéquate de la circulation des renseignements personnels sans mettre en péril la réalisation du projet de loi n° 85? Dans le contexte de ce que nous lisons actuellement ? je vous parlais, tout à l'heure, des articles 9, 10 et 11 ? il nous apparaît y avoir un risque d'interprétation et de confusion sur la possibilité que ces transferts de renseignements personnels là puissent se réaliser sans paramètre précis, sans intervention de la Commission d'accès à l'information au préalable, a priori. Ces risques-là semblent pour nous totalement à éviter. On ne parle pas, là, d'une communication privée entre deux fonctionnaires pour le traitement du dossier de monsieur X ou de madame Y, on parle de la communication de fichiers complets dans un contexte strictement administratif, et selon nous ça justifie amplement une précaution pour faire en sorte que ce risque d'interprétation là ne soit pas présent.

La recommandation de la commission à ce sujet-là, pour éviter que la communication se fasse sans mesure de protection adéquate, c'est de faire en sorte qu'il y ait des dispositions explicites dans le projet de loi n° 85 faisant en sorte que les articles 68 et 68.1 de la Loi sur l'accès s'appliquent de telle sorte qu'il y ait des ententes écrites, d'une part, et que, d'autre part, ces ententes écrites là soient soumises à la commission. Ça ferait en sorte qu'il y aurait des mesures adéquates de protection, que seuls les renseignements personnels nécessaires seraient communiqués et que les citoyens seraient informés.

J'invite, en terminant, les membres de la commission à prendre connaissance de la dernière question qui constitue également une suggestion sur la transparence en invitant le centre à introduire, dans son rapport annuel de gestion, les informations relatives à l'utilisation des renseignements personnels. Et je tiens à remercier les membres de la commission de leur attention. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Hamad): Merci, M. Saint-Laurent. M. le ministre.

M. Reid: Merci, M. le Président. Merci, M. Saint-Laurent. Je vais vous souhaiter la bienvenue ainsi qu'à la délégation qui vous accompagne. D'entrée de jeu, je voudrais faire quelques petits commentaires et vous donner la chance peut-être de compléter certaines des idées, étant donné le temps très court dont on dispose.

D'abord, pour nous la transparence est essentielle en cette matière, et pour nous il n'est pas question de prendre le risque de diminuer la solidité de ce que nous avons bâti au Québec, c'est-à-dire un système de protection d'informations personnelles. Pour nous, c'est essentiel. C'est vrai aussi dans d'autres matières comme le gouvernement en ligne. Nous avons aussi l'intention ferme, je l'ai mentionné, au niveau de notre participation à la commission mais aussi comme gouvernement et dans l'implantation de ce processus de services partagés, de travailler en étroite collaboration avec la commission, pour nous assurer justement qu'il n'y ait pas de possibilité qu'on diminue et qu'on affaiblisse notre système de protection de l'information personnelle. Là-dessus, et pour vous donner peut-être la possibilité d'élaborer un petit peu plus sur certains aspects sur lesquels vous avez dû passer rapidement, a priori donc les lois existantes et les règles existantes sont celles qui à première vue, là, devraient s'appliquer, puisque les organismes, y compris les filiales, sont soumis entièrement à la loi.

Et ce que je comprends de votre intervention, c'est qu'il y a néanmoins, même si c'est soumis à la loi et aux règles, il y a néanmoins une augmentation du risque, disons, qui pourrait exister et qu'il y aurait lieu de renforcer certaines choses pour que ce risque-là, ce soit à un niveau acceptable comme ça l'est aujourd'hui, et etc., parce qu'il pourrait être augmenté éventuellement par les transformations qui pourraient être faites.

J'aimerais peut-être vous entendre parce que je vois, dans le sommaire à la page 15, par exemple, que la règle du cloisonnement soit expressément reconnue. Alors, vous ne mentionnez pas, quand vous dites «expressément reconnue», de quelle façon ça pourrait l'être. J'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus, de même que la deuxième recommandation où on dit «que le Centre des services ait explicitement l'obligation d'utiliser», etc., selon les règles habituelles. Le troisième, c'est plus précis, vous dites: «Que le projet de loi précise que toutes [...] communications», etc., et, le quatrième, jusqu'à un certain point, on dit: «...ait l'obligation, dans son rapport annuel», sans dire où cette obligation-là serait précisée.

Est-ce que vous aviez, dans la façon dont vous l'avez écrit, vous aviez en tête que tout ça, ça devrait être précisé dans le projet de loi ou s'il y a d'autres façons d'expliciter ces choses-là?

Le Président (M. Hamad): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. Avec la permission des membres de la commission, je donnerais peut-être la parole à mes collègues qui sont présents avec moi.

D'abord, peut-être sur la situation actuelle, puis on reviendra ensuite sur la façon d'articuler au niveau des recommandations. Sur la situation actuelle, mentionnons simplement que, dans le cadre de l'article 67 ? et je vais demander à Me Aubé et Me Parent de compléter ? dans le cadre de l'article 67, on dit: Il est possible de faire une communication de renseignements personnels si c'est nécessaire à l'application d'une loi au Québec. Alors, dans le cadre de l'élaboration du projet de loi n° 85, on pourrait, avec une interprétation très large, qui n'est pas celle de la commission mais qu'on doit entrevoir en tout réalisme, avec une interprétation assez large, on pourrait en venir à la conclusion que bien les activités du centre de façon générale sont prévues dans une loi, donc c'est nécessaire à l'application d'une loi.

Alors, vous comprenez donc, ce risque d'interprétation là ? peut-être un peu trop large, vous me direz ? étant présent, ça nous amène à dire: Bien, peut-être qu'on pourrait se donner quelques paramètres pour être bien certains que non seulement nous, au niveau des responsables de l'application de la loi, mais les gens sur le terrain qui, eux autres, vont être pris dans le quotidien puis dans l'urgence, et tout, ne risquons pas tout à fait involontairement de déraper. Peut-être Me Aubé ou Me Parent pourrait aussi compléter sur la situation actuelle.

Le Président (M. Hamad): Me Aubé.

Mme Aubé (Madeleine): Est-ce que le meilleur moyen serait dans la loi? Je peux vous dire que la meilleure garantie effectivement, la meilleure garantie d'assurer la protection des renseignements personnels, c'est certainement d'avoir des dispositions précises dans la loi qui s'appliquent au centre et à ses filiales. Je pense que ça, c'est une garantie additionnelle et c'est la meilleure garantie possible.

En ce qui concerne les façons de faire, c'est-à-dire que nous étions assez ouverts. Nous ne voulions pas, dans le cadre du libellé, même des recommandations... nous voulions vous faire part de nos objectifs. Les moyens à prendre, nous en avons pensé à certains, mais on se disait: Il appartient quand même aux législateurs de faire ces choix-là beaucoup plus précis, mais par contre c'est sûr qu'il y a d'autres exemples dans différentes législations qui pourraient servir, là, et elles pourraient être des avenues possibles, là. Mais, le libellé même, on n'est pas allés jusqu'au libellé, mais on a des avenues qui ont été songées. Mais je pense que ce qui est important de retenir, c'est que les communications soient faites avec un regard d'une tierce partie neutre qui serait la commission, que l'échange des renseignements se fasse tout dans ce contexte-là, devrait être dans la loi. Et c'est surtout les objectifs qu'on voulait porter à l'attention de la commission.

Le Président (M. Hamad): M. le ministre.

M. Reid: Merci.

M. Saint-Laurent (Jacques): ...donner peut-être juste quelques secondes à Me Parent?

Le Président (M. Hamad): Oui. Me Parent.

Mme Parent (Danielle): Oui. Merci, M. le Président. Simplement pour compléter, il faut rappeler aussi que, lorsque la Commission d'accès à l'information est appelée à analyser des ententes d'échange de renseignements, conformément aux articles 68 ou 68.1 de la Loi sur l'accès, elle fait, à ce moment-là, une analyse assez poussée des échanges qui sont projetés. À ce moment-là, elle peut s'assurer que les renseignements qui seront communiqués sont effectivement nécessaires et elle peut également imposer diverses mesures de sécurité afin d'assurer la confidentialité des renseignements.

Le Président (M. Hamad): Alors, merci. M. le député de Richelieu, porte-parole officiel.

M. Simard: Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, d'entrée de jeu, dès le début de cette commission, on tombe dans le coeur du sujet. Je veux d'abord féliciter la commission pour la qualité de sa présentation. Vous n'êtes pas un témoin comme les autres devant cette commission, vous êtes un organisme créé par la loi et qui dépendez directement de l'Assemblée nationale. Vous avez été nommé, M. Saint-Laurent, par l'Assemblée nationale, donc votre avis est d'une force et d'une importance capitales dans ces dossiers, et nous l'apprécions au plus haut point, d'autant plus que c'est un avis bien préparé et solide.

Et vous nous posez, dès le départ, des problèmes qui sont fondamentaux, et ça va exactement dans le sens de mes propos d'introduction tout à l'heure; le projet de loi devra refléter vos préoccupations et répondre à vos interrogations, sinon, ce projet de loi, nous allons le combattre parce que vous posez des problèmes fondamentaux.

Prenons le premier ? le ministre a amorcé dans cette direction-là, alors j'aimerais poursuivre ? la question de la transmission des informations. Vous nous dites et avec raison qu'il faut que la loi explicitement reconnaisse que tous les renseignements qui sont utilisés, transférés, manipulés doivent être soumis à la loi parce qu'il y a effectivement des risques d'interprétation. J'en citerais un, c'est celui de la possession à 100 % des actifs d'une filiale. Il y a des jugements qui ont rendu invalides en tout cas non applicables un certain nombre de dispositions ? je voudrais vous entendre là-dessus ? parce que, lorsque ce n'est pas détenu à 100 % par l'État, ça devient du domaine d'un tiers. Et la protection du renseignement privé d'un tiers, on le sait, pour des intérêts de secret industriel, pour des questions de compétition et de concurrence, un certain nombre de tiers refusent de rendre l'information disponible.

n (10 h 30) n

Donc, tout ce qui impliquerait... C'est juste un aspect, mais c'est un aspect important, parce que ? moi, je vais soulever la question des PPP tout le long, ici ? évidemment plus on ira vers des partenariats, donc de la création de filiales en participation majoritaire, égale, minoritaire, plus ce problème-là va se poser. Alors, j'aimerais avoir votre réaction.

Le Président (M. Hamad): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): J'aimerais peut-être vous proposer de donner la parole à Me Aubé à ce sujet-là.

Le Président (M. Hamad): Me Aubé.

Mme Aubé (Madeleine): Effectivement, M. le député, il y a eu une longue saga judiciaire concernant les filiales, et elle continue, là, mais nous pensons, à cet égard-là, que la mention dans le projet de loi n° 85, effectivement les filiales, il y a une disposition expresse qui dit qu'elles seront visées par la Loi sur l'accès, donc ça éclaircirait cette position-là en ce qui concerne les filiales dans le cadre du projet de loi actuel.

M. Saint-Laurent (Jacques): Peut-être ajouter une précision avec votre permission. Par ailleurs, lorsque le centre ou une filiale du centre fera affaire avec une entreprise, parce qu'on comprend que le centre va faire affaire avec une multitude d'entreprises éventuellement, bien les règles générales de la Loi sur l'accès devront s'appliquer à l'égard des contrats conclus par le centre ou une filiale et ces entreprises-là.

M. Simard: M. le président, ça permet donc au deuxième degré, au troisième degré, parce que ça peut aller très loin, hein, cet enchaînement de filiales qui font affaire avec des tiers qui font affaire avec des tiers. Il faut que la loi soit extrêmement précise pour nous assurer qu'à chaque fois les renseignements personnels sont parfaitement protégés par la loi.

Donc, il faut une mention explicite, sinon le fil devient de plus en plus ténu à chaque nouvelle délégation, et on pourrait se retrouver avec une contestation du rôle de la commission et du rôle de la loi sur ces renseignements. Est-ce que je me trompe?

Le Président (M. Hamad): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci. Je pense qu'il y a la situation où j'énonçais: pour un contrat, par exemple, de services ou de fourniture de services professionnels ou de biens, de façon générale les règles de la Loi sur l'accès vont s'appliquer. La situation que vous semblez exprimer me semble un petit peu différente, où, là, ce serait, par exemple, ou dans le cadre de la gestion d'un fichier, comme on le mentionnait plus tôt ce matin, le centre ou une filiale faisait affaire avec un tiers.

C'est bien évident qu'à ce moment-là, dans le cadre de gestion de fichiers et si c'était plus d'un fichier ? pour reprendre notre préoccupation, votre question numéro un, comme je l'appelais tout à l'heure ? selon nous ce serait important d'apporter la précision sur le principe du cloisonnement. On est conscients par ailleurs qu'il existe déjà de ce genre de banque de données. Le Conseil du trésor, depuis 1995, fournit des services à des ministères et des organismes, et le principe du cloisonnement est respecté dans les services qui sont fournis actuellement, sauf que ce sont des règles non écrites avec les risques que cela comporte. Et, en créant le centre et en établissant un mécanisme beaucoup plus formel de services aux ministères et organismes, c'est l'occasion de passer de la règle non écrite à la règle écrite, si je peux dire, de cette façon-là.

Le Président (M. Hamad): M. le député de Richelieu.

M. Simard: M. le président, lorsque la commission, dans sa recommandation à la page 12, recommande que «le Centre de services administratifs ait explicitement l'obligation d'utiliser les renseignements personnels qu'il sera appelé à détenir qu'aux seules fins pour lesquelles ils ont été recueillis et aux seules fins nécessaires pour mettre en oeuvre les services qu'il [disposera] aux organismes publics conformément aux articles 9 et 10» ? vous avez été pressé par le temps tout à l'heure ? pouvez-vous vraiment nous dire ce que la commission exactement indique à cette commission à ce moment-ci?

Le Président (M. Hamad): M. Saint-Laurent.

M. Saint-Laurent (Jacques): Merci, M. le Président. En fait, la préoccupation est: devant un risque d'interprétation large des dispositions actuelles de la loi sur l'accès à l'information conjugué avec les dispositions du projet de loi n° 85, on pourrait être dans la situation où le centre ou les organismes qui transigent avec le centre en viendraient à la conclusion qu'il suffit de s'entendre, par exemple, pour un transfert de fichiers, si vous me permettez de reprendre cet exemple-là, dans le cadre de l'article 67, en disant qu'il s'agit d'un transfert en application d'une loi. Et une première lecture de l'article 11 du projet de loi n° 85 nous amène à penser que justement l'article 11 est une habilitation à utiliser l'article 67 en question.

Dans un contexte de prudence et de protection des renseignements personnels et des personnes visées par ces renseignements personnels là, il nous apparaît que ce risque d'interprétation large là préjudicie aux citoyennes et aux citoyens et qu'il serait préférable de fermer la porte. Et la façon selon nous de fermer la porte, c'est justement de clairement prévoir que les renseignements qui seront utilisés par le centre le seront lorsqu'ils sont nécessaires à la réalisation de ces objectifs et, de cette façon-là, de maintenir le principe du cloisonnement.

Le Président (M. Hamad): Est-ce qu'on peut aller...

M. Simard: Il me reste quelques minutes?

Le Président (M. Hamad): Oui.

M. Simard: Oui, bien je vais peut-être inviter d'abord le ministre à poursuivre et je reviendrai.

Le Président (M. Hamad): Alors, M. le ministre.

M. Reid: Juste un petit commentaire avant de passer la parole au député. Il est clair que l'interprétation dont on parle, ce n'est pas dans l'intention du législateur, ce n'est pas dans l'intention du gouvernement, donc on va trouver une façon, et avec votre collaboration, de s'assurer du respect de la loi et de l'esprit de la loi de la protection des informations.

Le Président (M. Hamad): M. le député de Montmorency, vous avez une question?

M. Bernier: Oui, merci. Alors, bonjour, bienvenue. C'est toujours un plaisir de vous recevoir. On a eu la chance, dans l'étude de plusieurs projets de loi, de vous recevoir et également de bien tenir compte des recommandations ou des suggestions que vous avez faites.

O.K. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, au niveau des partenariats public-privé, dans le cadre de la création de l'agence, vous aviez des recommandations qui ont été considérées et retenues par le gouvernement lors de l'adoption du projet de loi. Ce sur quoi je voudrais vous entendre, c'est dans le cadre d'ententes. On mentionne que les ministères et organismes du gouvernement du Québec vont s'entendre sous forme d'une entente écrite. À ce moment-là, est-ce que... Parce qu'on sait que les responsabilités vont concerner les ressources humaines, matérielles, financières et informationnelles, et je comprends bien que vos préoccupations sont de nature davantage informationnelle en ce qui concerne votre rapport. Dans ce cadre-là, on sait que ces organismes-là sont déjà sujets à l'application des normes et des lois qui vous concernent. Est-ce qu'à ce moment-là vous souhaitez revoir ces ententes-là d'une façon précise, individuelle ou si le fait que l'organisme a déjà une obligation d'appliquer la loi dans son organisation, puis je mentionne toujours que ce sont des organismes du gouvernement du Québec... Concrètement, là, vous voyez ça comment?

Est-ce que l'agence doit systématiquement soumettre ces ententes chez vous pour fins d'autorisation, pour fins de regard ou de recommandation? De quelle façon vous voyez ça?

M. Saint-Laurent (Jacques): Plaçons-nous peut-être, M. Bernier, du point de vue du citoyen ? j'essaie de prendre cet exemple-là ? en imaginant la situation du ou des citoyens voyant qu'on est, à l'intérieur du même gouvernement, différents ministères et organismes de ce gouvernement-là, et il y a une possibilité de transfert de renseignements personnels d'un ministère à un autre, d'un organisme à un ministère, et ainsi de suite. La perception qu'on entend à l'occasion, les citoyens nous disent: Ah, on est en face d'une situation où on ne sait pas à quoi s'en tenir. On constate après coup que les informations qu'on a données dans le cadre d'une demande de subvention à un ministère du développement économique sont maintenant utilisées par un autre ministère ? puis là je donne des exemples fictifs ? environnement pour des fins différentes ou sont utilisées pour un ministère revenu ou un ministère inspecteur général des institutions financières, comme ça s'appelait à l'époque. Ah, les gens disent: On ne sait plus à quoi s'en tenir, on ne sait plus comment circule l'information à l'intérieur de l'appareil étatique, et ça devient préoccupant. Et c'est là qu'on entend les expressions, que vous connaissez très bien, de Big Brother et autres.

Plutôt que de dire: On va tout simplement faire en sorte de ne pas permettre aucune circulation pour vraiment limiter la possibilité, la commission dit: Établissons ou reconnaissons le principe du contrôle a priori de la commission sur ces transactions-là, ces transferts de renseignements là, de telle sorte que le même citoyen qui s'interrogerait plus tard pour savoir: Qu'est-ce qui arrive de mes renseignements, les parlementaires, les administrateurs d'État, les cadres dans les ministères et les organismes pourraient dire: Écoutez, monsieur, madame, voici ce qui se passe, les renseignements sont utilisés à l'intérieur du ministère, pour les fins pour lesquelles on vous les a demandés. Si ces renseignements-là devaient être utilisés à l'externe, c'est parce qu'ils auront été transférés dans le cadre d'une habilitation, d'une entente...

M. Bernier: ...entre guillemets, quand vous mentionnez «à l'externe», là, ça demeure quand même à l'interne du gouvernement du Québec.

n (10 h 40) n

M. Saint-Laurent (Jacques): Oui. J'aurais dû dire à l'extérieur du ministère ou de l'organisme concerné, vous avez raison. Donc, si ces renseignements-là devaient circuler dans un autre ministère ou un autre organisme, bien ce sera parce qu'il y aura eu une entente écrite et que cette entente écrite là aura été examinée par la Commission d'accès à l'information.

La commission ne fera pas un examen arbitraire de ces ententes-là, la commission va simplement s'assurer que la communication des renseignements est nécessaire, que les fins pour lesquelles on communique les renseignements sont conformes aux dispositions législatives habilitantes ou va dire à un ministère ou à un organisme: Vous auriez avantage à aller demander à l'Assemblée nationale de vous autoriser à faire ce que vous souhaitez faire. Ensuite, on va s'assurer que ce soient les seuls renseignements nécessaires et on va mettre en place un mécanisme le plus léger possible de contrôle. Mais vous vous imaginez que pour la population ça donne une garantie de sécurité, puis ça apaise, ça vient contrecarrer la perception souvent non fondée de Big Brother, comme je le disais tout à l'heure. Alors, c'est ça, la préoccupation. C'est ce qu'on vous propose dans le projet de loi n° 85, actuellement.

Le Président (M. Hamad): M. le ministre.

M. Reid: Ça va.

Le Président (M. Hamad): Ça va?

M. Bernier: Est-ce qu'il reste encore du temps?

Le Président (M. Hamad): M. le député de Montmorency, vous avez du temps encore.

M. Bernier: O.K. Parce que, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, il existe quand même ? pensons à l'agence de revenu, pensons au niveau de la Régie de l'assurance maladie ? des organismes qui utilisent des informations ou des fichiers qui proviennent d'organisations internes au gouvernement du Québec, hein, et pour lesquels les mécanismes qui sont en place sont quand même suffisamment souples tout en assurant une rigidité au niveau de la conformité en ce qui regarde les lois d'accès à l'information. C'est dans cet esprit-là. Parce qu'on pense à l'agence du revenu qui doit soumettre dans certains cas, au niveau de l'Assemblée nationale, ces données-là.

Dans ce cas-ci, on a un organisme qui somme toute a quand même, si on veut, certains embryons qui existent, même dans des cas plus loin ou plus formels au niveau du Conseil du trésor, de certains éléments du regroupement qu'on retrouve dans les services de cette loi-là. C'est un peu ça, là, ma préoccupation; quand vous parlez de contrôle ou de soumettre ces ententes-là à votre organisme, il faudrait quand même voir de quelle façon on peut assurer également toute la souplesse nécessaire sur ça. Est-ce qu'il n'y a pas d'autre possibilité de façon à éviter de soumettre.... d'avoir des éléments au niveau de la loi actuelle, pour éviter cette consultation systématique?

Le Président (M. Hamad): M. Saint-Laurent, vous avez deux minutes pour répondre à cette question-là.

M. Saint-Laurent (Jacques): Oui, merci, M. le Président. Écoutez, c'est une question très importante. Il existe effectivement, au niveau du ministère du Revenu et d'autres ministères et organismes, des situations de transfert, de communication de renseignements personnels qui sont encadrées par des dispositions législatives. Dans le cas du ministère du Revenu, comme on me le souligne, il y a plusieurs de ces ententes-là qui ont fait l'objet d'une approbation formelle de la commission, et ces choses-là fonctionnent quand même bien, et très bien quand même. Là où ça peut devenir problématique ? et c'est ça que l'on cherche à éviter, que j'essaie d'exprimer ? c'est qu'en ne donnant pas les précisions que nous proposons on est dans la situation où il pourrait arriver des cas où il n'y a pas d'encadrement législatif existant par ailleurs. On est simplement avec la Loi sur l'accès, avec le projet de loi 85, et on est en présence de gestionnaires qui, en toute bonne volonté et avec les meilleures intentions du monde, cherchent à mettre le plus d'efficacité possible pour l'intérêt de la population. Et, dans leur compréhension des choses, en cherchant à mettre le plus d'efficacité possible dans l'intérêt de la population, ils se disent: Bien, voyons donc, ça va bien, on peut se communiquer ce genre d'informations là, c'est plein de bon sens.

Et c'est plausible qu'ils pensent ça, puis je serais malvenu de leur reprocher de penser ça. Ce n'est pas nécessairement leur rôle, d'avoir un regard objectif et neutre sur une problématique comme celle-là, mais, ce risque-là étant présent, on a la possibilité de dire à la population: Écoutez, le risque est là, mais on va essayer de faire en sorte a posteriori de contrôler ça puis de s'assurer qu'il n'y ait pas de gens qui, pleins de bonne volonté, dérapent un petit peu. Ou on dit: Plutôt que de prendre le risque qu'il y ait ce genre de dérapage là tout à fait involontaire, on va faire en sorte d'établir une règle très claire qui va sécuriser la population, qui va faire en sorte qu'avant de se lancer dans ce genre de transfert de renseignements là on va éviter de le faire mais sans l'approbation de la Commission.

Le Président (M. Hamad): Merci, M. Saint-Laurent. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Merci, M. le Président. Vous avez des propos ce matin qui sont d'une grande rigueur, d'une grande précision, mais votre ton est toujours extrêmement délicat. Vous êtes ici pour commenter un projet de loi, mais votre texte ? je m'y réfère ? parle d'une inquiétude de la commission. La commission s'inquiète, et l'un des facteurs fondamentaux de cette inquiétude, c'est que non seulement il y a la loi n° 85, mais il y a la loi n° 86. Ça veut dire qu'il y a des modifications qui sont annoncées à la loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels qui, conjuguées avec la loi n° 85, ouvrent une inquiétude qui nous ramène un peu à la ? je suis très heureux que vous ayez cité la commission Paré au départ ? qui nous ramène à la raison d'être fondamentale de la protection des droits des citoyens à la protection de leurs renseignements.

Là, j'aimerais que vous nous expliquiez ? et il y a peut-être une pédagogie à faire, là, ici ? pourquoi cette inquiétude. Pourquoi la loi n° 86, là ? moi, je le sais parce que je vous ai lu, là, et que notre attention a été attirée là-dessus ? mais pourquoi la dérive est maintenant possible par la centralisation des données qu'amène nécessairement 85 et l'ouverture que fait 86 à un certain nombre de pratiques qui n'étaient pas autrefois dans la loi?

M. Saint-Laurent (Jacques): Le projet de loi n° 86 introduit, propose ? on est encore à l'étape d'une proposition ? propose, dans la lignée de l'article 67 actuel de la Loi sur l'accès qui est l'article qui prévoit qu'il peut y avoir une communication de renseignements personnels ? j'insiste sur l'aspect «sans le consentement des personnes concernées» ? qu'il peut y avoir une communication de renseignements personnels sans le consentement des personnes concernées, lorsque c'est nécessaire à l'application d'une loi.

Le projet de loi n° 86 introduit des possibilités additionnelles dans cette même logique là en disant: Il sera possible également de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée, par exemple, lorsque l'utilisation des renseignements personnels est à des fins compatibles avec celles pour lesquelles ils ont été recueillis. Donc, comment nos gestionnaires pressés par les activités quotidiennes, par les contraintes budgétaires, vont interpréter cette notion-là de «fins compatibles»?

Deuxième élément: lorsque son utilisation est manifestement au bénéfice de la personne concernée. Il y a une appréciation quand même passablement subjective de ce qui est manifestement au bénéfice de Jacques Saint-Laurent par toutes les personnes autour de la table. Ça peut être bien différent d'une personne à l'autre, y compris par le soussigné, bien évidemment.

Le troisième élément: lorsque son utilisation est nécessaire à l'application d'une loi au Québec ? on en a parlé ? que cette utilisation soit ou non expressément prévue par la loi. Donc, on vient élargir encore davantage la notion de nécessité pour l'application d'une loi. Et, quatrièmement, lorsque son utilisation est nécessaire à la prestation d'un service à lui rendre. Dans ce contexte-là, le projet de loi n° 86, tel qu'il est actuellement et si le contexte du projet de loi n° 85 demeure ce qu'il est, les responsables du Centre de services administratifs, les responsables des ministères et organismes seraient placés dans une situation où, selon leur libre interprétation des choses, ils auraient une latitude gigantesque pour transférer des fichiers de renseignements personnels pour des raisons, en toute bonne foi, de commodité administrative ou de coût. Mais cette commodité administrative là, comme l'a déjà exprimé la Cour suprême, ne doit pas être une justification pour porter atteinte à des droits fondamentaux.

Donc, si on doit risquer de porter atteinte à la protection des renseignements personnels, il faudrait que ce soit dans un contexte où il y a une habilitation qui n'est pas la simple commodité administrative. C'est dans ce contexte-là que le projet de loi n° 86 pourrait amener encore plus de risques.

n (10 h 50) n

M. Simard: Évidemment, c'est énorme, ce que vous nous dites, M. Saint-Laurent, parce qu'aujourd'hui nous sommes dans un État qui déjà force le citoyen à transmettre un certain nombre d'informations. Les lois forcent. Même si nos banques, nos compagnies de crédit ont une foule d'informations sur nous, il reste que l'endroit où il y a la plus grande concentration d'informations sur les citoyens, c'est l'État. Et c'est très important pour notre avenir, et je pense que, là, il faut être d'une vigilance absolue.

Tout l'esprit qui a présidé, depuis, je dirais, une trentaine d'années à Ottawa, ici, un peu partout à travers le monde, à l'établissement de protection de la vie privée, surtout dans un monde où l'ordinateur, où la concentration des fichiers informatiques fait en sorte que nous sommes maintenant devant des mégafichiers qui possèdent des milliers d'informations sur chacun d'entre nous, tout l'esprit a été de créer des murs pare-feu, de nous assurer toujours qu'aucun renseignement ne puisse être utilisé pour des fins pour lesquelles ils n'ont pas été prévus et sans le consentement des individus. Ce que vous nous dites ici, c'est que c'est laissé, si le projet de loi n° 85 ajouté à 86 devaient devenir des lois, c'est laissé, ça, à l'interprétation très souvent de gestionnaires. On ne parle pas de mauvaise foi, vous avez raison. Il n'est pas question ici de parler de mauvaise foi, mais il est bien évident qu'il devient tellement plus pratique de passer outre et d'aller vers la plus grande simplicité administrative, la facilité.

Et la facilité, ici, irait presque toujours à l'encontre des intérêts des citoyens, le droit des citoyens à avoir leurs renseignements parfaitement protégés. Alors, moi, je voudrais vous entendre une dernière fois. Il s'agit d'une inquiétude majeure ici.

M. Saint-Laurent (Jacques): Le risque est important effectivement, comme vous le soulignez, M. le député. Dans le fond, si je peux reprendre l'exemple de tout à l'heure où je parlais du citoyen ou de la citoyenne qui selon nous est en droit de savoir à quel moment il y a circulation ou il n'y a pas circulation, je pense que l'ensemble de la population ne s'attend pas à ce que la personne qui travaille à la Société de l'assurance automobile ou la personne qui travaille à l'Emploi, Solidarité sociale pour les prestations de sécurité du revenu ait accès, dans un cas à l'Emploi et Solidarité sociale, aux données relatives à l'assurance automobile ou, à l'assurance automobile, aux données relatives aux prestations de sécurité du revenu.

Mon exemple est un peu imagé, un peu exagéré, mais il y a une attente, il y a un lien de confiance de la population à l'égard des administrateurs de l'État à l'effet que, lorsque je fournis des renseignements à Emploi et Solidarité sociale, ces renseignements sont fournis uniquement pour les fins de Solidarité sociale. Et, si ces renseignements-là devaient servir à autre chose dans le lien de confiance qui existe entre l'État et les citoyens, ce sera parce qu'il y aura eu un encadrement normalement législatif par les parlementaires autorisant l'utilisation à d'autres fins.

Le Président (M. Hamad): O.K. 30 secondes. Je vous donne 30 secondes et je donne 30 secondes après au...

M. Simard: Oui, juste, en terminant, pour vous dire que nous avons entendu très clairement. Et j'espère que des deux côtés... et que nous allons nous assurer, tout au long du travail autour de ce projet de loi, que vos inquiétudes trouvent une réponse très précise dans la rédaction finale du projet de loi.

Le Président (M. Hamad): En cinq secondes. Après ça, partie ministérielle, 30 secondes. C'est terminé après.

M. Saint-Laurent (Jacques): Je voudrais simplement vous remercier de votre attention et en profiter pour, surtout avec le commentaire que vous avez fait, remercier Me Parent qui a rédigé le texte que nous avons devant nous, aujourd'hui. Alors, je tenais à la remercier spécialement.

Le Président (M. Hamad): Alors, pour terminer, vous avez 30 secondes, M. le ministre.

M. Reid: Oui. Je voudrais remercier les membres de la commission. Vous avez soulevé des situations qui, quoiqu'hypothétiques par moments, sont des situations qui nous ont interpellés, certainement de notre côté, et le collègue de Richelieu également.

Je voudrais vous assurer, comme je l'ai fait précédemment, que, pour la suite des choses, en ce qui concerne le projet de loi n° 85, vous pouvez compter sur toute notre collaboration, comme nous savons que nous pouvons compter sur la vôtre. Merci.

Le Président (M. Hamad): Alors, M. Saint-Laurent, Mme Aubé, Mme Parent, M. Bourassa, merci beaucoup. On va suspendre quelques secondes.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Hamad): Nous reprenons. Alors, je souhaite la bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec. M. Parent, je vous demande tout d'abord ? bienvenue ? de présenter votre collègue.

Centrale des syndicats
du Québec (CSQ)

M. Parent (Réjean): À ma gauche, Gabriel Danis, conseiller à la Centrale des syndicats du Québec, et je vais faire ça tout de suite, en partant, le remercier. C'est lui qui a rédigé l'avis qui vient de vous être déposé.

Le Président (M. Hamad): Alors, les règles: vous avez 15 minutes de présentation, et après nous aurons 30 minutes de discussion, dont 15 minutes de chaque partie. C'est à vous la parole.

M. Parent (Réjean): Vous me permettrez, dans un premier temps, de commencer par la conclusion. Si jamais je manque de temps, on aura donné l'essentiel. Je dirais que, comme Centrale des syndicats du Québec, la nomination de M. Reid à ce nouveau ministère, je dirais que, connaissant le ministre, connaissant sa capacité de recherche, sa capacité de bien étudier et de bien évaluer les enjeux, c'est avec, je dirais, une certaine satisfaction qu'on recevait cette nomination.

Et finalement la conclusion, quand on dit: «La Centrale des syndicats du Québec n'est pas défavorable ? je suis en page... j'espère qu'on a les mêmes pages, en page 10; n'est pas défavorable ? aux économies d'échelle», de ce côté-là, de pouvoir améliorer l'efficacité pour avoir des services publics de meilleure qualité, on ne s'y objectera jamais. Et je pense qu'on a là, dans le ministre, un fin chercheur, mais encore faut-il prendre le temps nécessaire et bien évaluer les enjeux. Et, dans ce sens-là, je dirais, en termes de recommandations qui sont somme toute, je dirais, une reconnaissance d'une nécessité peut-être de faire autrement mais en même temps de ne pas s'en aller n'importe où, la première recommandation était, si on parle de créer cette agence sur la base que ça doit entraîner des économies d'échelle, d'avoir au moins des simulations et de nous en faire la démonstration, parce qu'il y a beaucoup de projets qui deviennent quasi religieux, la pensée magique. Et, moi, je pense que, de ce côté-là, on a un ministre universitaire qui sait qu'il y a des démonstrations à faire et on souhaiterait pouvoir en avoir, des démonstrations, quand on va parler du Centre des services administratifs, de dire qu'est-ce que ça va engendrer puis qu'est-ce qu'effectivement ça va entraîner comme efficacité et comme économies d'échelle.

Deuxième recommandation. Je suis en page 11. Je pense qu'il est important, là... Je dirais que, pour nous, le projet de loi marque certaines imprécisions, difficultés, là, en tout cas plus de l'ordre des inquiétudes. J'ai entendu des déclarations du ministre, qui se veulent rassurantes, mais souvent, le gouvernement en place, entre les intentions et l'écrit, il y a tellement d'écarts. Et encore là, là aussi, on a un ministre qui est fin connaisseur, et il sait que ce qu'on écrit reste, ce qu'on dit s'envole, et il y a nécessité d'avoir des précisions exactes au projet.

n (11 heures) n

Donc, dans ce sens-là, deuxième recommandation, c'est de préciser la démarche, de baliser les dimensions de l'agence, le mandat réel, les champs d'intervention du Centre des services administratifs. Il y a intérêt, là, à sortir du flou, que je ne qualifierai pas d'artistique, pour avoir les précisions sur le mandat et la portée réels de cette agence.

Et l'autre aspect, troisième recommandation, toute la notion d'obligation. J'ai eu la chance de lire une déclaration du ministre à l'effet que ce serait sur une base volontaire que les organismes publics auraient à faire affaire, sauf que, dans la loi, ils se donnent le pouvoir de pouvoir obliger. Si c'est volontaire, c'est volontaire. Donc, de ce côté-là, on pense qu'il devrait y avoir cette expression claire du volontarisme des organismes publics pour requérir aux services de l'agence. Et, s'il maintient cette possibilité, pour le gouvernement, d'obliger, bien, là, il faudrait peut-être réviser la liste des exclus, là, ce côté-là.

Quatrième recommandation. La CSQ recommande au gouvernement de ne pas permettre la création de filiales. Je vous dirais, c'est le coeur de ce projet-là, c'est l'aspect qui nous inquiète le plus, toute la notion de filiale. J'y reviendrai plus loin dans la présentation, mais, de ce côté-là, je dirais que, s'il y a un message avec une fermeté, c'est de ne pas procéder à des créations de filiales à ce Centre des services administratifs.

Cinquième recommandation. On invite le gouvernement à préciser et à renforcer sa démarche de protection des renseignements personnels. Et là je vous dirais que, comme il y a eu des savants beaucoup plus connaisseurs que nous sur la question qui nous ont procédés, on ne s'étendra pas longtemps, mais, les préoccupations de la commission, on les partage et on les partageait. Je suis convaincu que le gouvernement ne donnera pas suite à la création de filiales, mais, si en plus on met des filiales, je vous dirais qu'il va y avoir intérêt à avoir deux, trois cadenas supplémentaires pour s'assurer de la protection des renseignements personnels.

Et dernière recommandation: invitant le gouvernement à une plus grande prudence. Et c'est de ce côté-là que j'ose souhaiter qu'on pourra saluer les qualités du ministre. Il y a déjà des commandes qui sont données, il y a des rapports qui sont attendus, ça fait qu'avant de se précipiter dans l'application, d'attendre les rapports qui sont faits, l'étude sur la Loi de l'administration publique, cinq ans, le Groupe de travail sur les services partagés. Et en même temps, moi, je pense qu'il faut donner une chance au ministre. Il vient d'être nommé, ça fait que lui donner une chance de pouvoir s'approprier le dossier, de pouvoir prendre compte de ça.

Ce sont nos recommandations. Donc, j'en reviens, au début, un peu à la Erikson, hein: L'introduction, c'est l'art de dire en premier ce qu'on a découvert en dernier. C'est fait. Maintenant, on va y revenir. Je vous dirais que, comme centrale, d'abord remercier la commission de nous avoir invités. Je dirais que ce n'est peut-être pas d'évidence ? on n'a pas comme tel de salariés dans la fonction publique et on aurait pu passer à côté ? mais je pense qu'on a une préoccupation services publics, on a une préoccupation fonction publique, on a une préoccupation finalement d'un Québec qui se développe, qui donne les instruments pour se développer, et, de ce côté-là, qu'on nous ait salués, je veux dire, c'est apprécié. Nous autres, on pense que c'est un projet de loi qui ne fait pas grand train et pourtant, là, un peu à l'échelle d'un trou noir dans la galaxie, ça peut bouffer de l'énergie pas mal. Et ça paraît un peu, là, avec les imprécisions qu'il y a dedans, comme une espèce de bar ouvert des services d'État, et n'importe qui pouvant se servir, et je suis convaincu que ce n'est pas ça, l'objectif. Je suis convaincu que ce n'est pas ça, l'objectif du moment, c'est au contraire d'avoir une fonction publique efficiente. Et, de ce côté-là, on peut partager ça, l'efficience, mais pas nécessairement la vente de débarras.

Si on regarde l'ouverture, sur quoi ça ouvre, on prévoit que le Centre de services administratifs a pour mission de fournir aux organismes publics les biens et services administratifs dont ils ont besoin dans l'exercice de leurs fonctions en matière de ressources humaines, financières, matérielles et informationnelles. C'est tous azimuts, c'est: tout est à donner puis tout est à vendre, surtout en faisant des liens avec des filiales. Donc, de ce côté-là, c'est sûr qu'on n'est pas gentils, on est un peu méfiants, on a des expériences passées: toute la réingénierie, toutes les déclarations de la présidente du Conseil du trésor, un parti pris du gouvernement pour un certain vent de privatisation, un préjugé à l'effet que c'est tellement mieux fait par le privé que par le public. Et évidemment, nous autres, on a le préjugé contraire. Des fois, ça fait un peu d'opposition, mais on pense que le gouvernement aurait intérêt à parier plus sur sa fonction publique, pour préserver, je dirais, un État indépendant, parce que, quand on laisse aller l'ensemble de notre expertise, je veux dire, on s'aliène jusqu'à un certain point comme État, on s'affaiblit.

Donc, de ce côté-là, il y a une préoccupation, puis c'est sûr que ça ne sonne pas d'évidence. Le projet a l'air un peu inoffensif sur les bords. Il part de bonnes intentions, et, les bonnes intentions, nous les partageons, c'est ce qui pourrait en surgir par la suite. Moi, je pense que, de côté-là, il y a intérêt à associer la fonction publique, que ce soient les professionnels ou les fonctionnaires, dans le processus, je dirais, de révision des programmes, de révision des manières de faire. Évidemment, ça peut être compliqué, que d'associer les fonctionnaires ou des professionnels du gouvernement. Quand on annonce des coupures paramétriques de l'ordre de 20 %, c'est comme inviter la victime à s'associer à son propre assassinat, là. C'est vrai que ça peut être compliqué ou paradoxal, mais il n'en demeure pas moins que, si on veut avoir des changements qui soient significatifs, qui visent une efficience, qui visent à assurer des services publics de qualité, il y aurait intérêt à associer les acteurs.

Sur les structures, un petit point d'interrogation, parce qu'en même temps qu'on a un gouvernement qui veut alléger il me semble qu'il se crée beaucoup de nouvelles structures, le sentiment qu'on fait dans le virtuel. C'est beaucoup de changements d'organigrammes, créer des agences, et ça revient à ce qu'on mentionnait d'entrée de jeu: Est-ce qu'on sera en mesure de faire la démonstration de l'impact réel de ces transformations-là et est-ce que ça correspondra à un véritable changement culturel qui entraînera l'efficience recherchée?

Ah, il y a un élément ? je suis en page 5 de l'avis ? sur toute la dynamique, qui nous apparaît, là, assez académique: le gouvernement demeurant maître d'oeuvre dans la stratégie et une grande porte ouverte à l'opérationnel. Il y a cette espèce de césure ou d'hiatus entre, je dirais, les orientations stratégiques, entre la vision sociétale d'un gouvernement et le faire-faire, et on pense que ça ne se tranche pas aussi net au couteau, là. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des choses qui ne peuvent pas se faire faire, mais de là à la mise en oeuvre, s'en détacher complètement et à l'abandonner à une série de filiales, là, ça nous apparaît aventurier et dangereux.

J'ai déjà indiqué sur le champ d'intervention. Je suis rendu en page 7. Et, de ce côté-là, là, je dirais, pour l'essentiel, je répète, sur les intentions, on peut en saisir, des intentions qui sont fort nobles. Et je connais le vocabulaire du ministre. Quand on parle d'un centre qui est aux dimensions évolutives, je reconnais là le chercheur qui continue d'être éveillé en lui puis de toujours tendre vers le perfectionnement des structures et des institutions, mais en même temps je pense que c'est important de baliser le chemin. Moi, je vous dis: c'est important de savoir dans quel cadre, dans quel enclos on va jouer, qu'est-ce que ça va viser, quels organismes sont visés et tout cet aspect. Parce que ce qu'on devine en arrière de l'intention, c'est un effet de synergie, c'est de recentrer, pouvoir centraliser certains services d'État autour d'un même ministère. Et, si c'est pour justement augmenter l'efficience, on sera preneurs, on sera acheteurs, mais, si c'est pour favoriser, je dirais, un désengagement, un démantèlement ou une plus grande vague de privatisation, on va être moins intéressés. Mais je suis convaincu que ce n'est pas une surprise pour vous, que je vous dise ça.

Je suis en page 8, sur les filiales. Sur les filiales, je ne le sais pas, moi, il me semble que toute l'expérience fédérale devrait vous inviter à la prudence pour éviter qu'on ait une commission d'un nom d'un autre juge, pour savoir qu'est-ce qu'il en retirera. Il me semble que le centre... Déjà, une agence qu'il faudrait voir qu'est-ce qu'elle apporte, mais en plus, si on y ajoute des satellites avec toute une dynamique d'intérêts privés qui vont graviter autour? Et, si on a réussi, je dirais, au Québec, à avoir des moeurs politiques, en tout cas, pour ce qui est de l'éthique, qui sont nettement supérieures à ce qu'on peut retrouver ailleurs, je pense qu'il faut continuer de tendre dans cette direction-là. Et tout l'aspect filiales, là, on a bien de la difficulté à voir ce serait quoi, le véritable apport pour le Québec, si ce n'est qu'un vrai nid à patronage puis à une porte ouverte au népotisme.

n (11 h 10) n

Achat local. Là, l'autre aspect aussi. Puis là c'est sûr qu'on pourrait ouvrir, là, sur d'autres projets de loi, sur toute une autre dimension ? puis fort probablement que le gouvernement du Québec n'est pas le seul acheteur dans la province ? vous dire qu'à la fois on a le ministre Mulcair qui fait le tour du Québec pour parler de développement durable, on pense au développement des régions et en même temps on semble amputer, là, je veux dire, toute cette dynamique, cette préoccupation d'achat responsable, d'achat régional. Donc, on a une préoccupation à cerner, là. On en fait quoi, de l'occupation du territoire, de l'achat local, de l'achat responsable? Je dirais que le projet de loi, à ce niveau-là, est muet.

Le conseil d'administration; plutôt en questionnement. Quel est l'apport véritable? Qu'est-ce qu'on recherche en introduisant, je veux dire, des acteurs privés dans un centre de services administratifs qui, à dessein, ses clients, pour prendre le langage habituel, là, ça va être des organismes publics, et donc c'est ce qui est le support?

Sur le financement, un questionnement. Le gouvernement peut autoriser les cadeaux ou les legs, là. Il me semble que des dons ou des legs au centre seraient acceptables si le gouvernement accepte. Encore là une autre porte, on essaie de mesurer des intentions.

Sur la perte d'expertise, je n'y reviens pas. Nous autres, on fait le pari qu'un gouvernement a intérêt à avoir une fonction publique solide et d'être indépendant par rapport aux entreprises privées puis aux entrepreneurs. Et, la protection des renseignements personnels, vous avez eu, je dirais, une bonne séance. Merci beaucoup.

Le Président (M. Hamad): Merci, M. Parent. M. le ministre.

M. Reid: Oui. Merci, M. Parent. Bienvenue à vous et à votre délégation. Ça me fait plaisir de vous entendre, de vous revoir, et je vous remercie de vos bons mots, de m'honorer aussi du titre de chercheur, alors que ça fait un certain temps que je ne fais plus ce type d'activité.

M. Simard: Ça fait toujours plaisir.

M. Reid: Mais ça nous fait toujours plaisir, n'est-ce pas, de se retrouver professeur, même si on ne l'est plus.

M. Parent, je trouve très intéressants les éléments que vous avez mentionnés. Vous avez fait référence à l'importance de recevoir ce que les gens qui ont eu le temps d'y penser ont à dire là-dessus, et je pense notamment au groupe de travail présidé par M. Trudeau et Mme Lortie, le groupe qui est composé de personnel interne au gouvernement, sauf deux personnes, je pense. Et, d'après le rapport préliminaire qu'on a distribué ce matin ? et vous pourriez sûrement en avoir une copie; on pourra vous en trouver une copie ? et un rapport final qui devrait être rendu, je pense, à la fin du mois ou au tout début du prochain mois, je pense qu'on a beaucoup de réponses à des questionnements, et on a beaucoup d'éléments, là, qui nous disent déjà un peu les orientations dans lesquelles on peut aller.

Je peux vous donner quelques éléments ici qui sont déjà des acquis très forts pour tout le monde. Le groupe à qui j'ai eu l'occasion de parler, du moins à ses coprésidents, de même qu'aux membres de mon ministère, quand on pense... Tout à l'heure, vous parliez d'un préjugé, un préjugé où on dit et on semble dire qu'on pense que c'est mieux fait, les choses sont mieux faites par le privé que par le public.

Bien, c'est assez intéressant parce que toute l'orientation de ce Centre de services administratifs qui s'adresse bien sûr pas à tout mais aux aspects de la gestion des choses, la gestion du soutien dans ces quatre aspects, toute cette orientation est une orientation vers la création de centres internes au gouvernement, de centres d'expertise et de centres d'excellence, et ce qui a fait dire à un des coprésidents qu'il voudrait redéfinir, pour les fins du Centre de services administratifs, la notion de PPP pour parler de partenariats public-public plutôt que de public-privé, dans ce sens qu'on veut développer là-dedans ? et c'est très important ? dans la notion d'un centre de services administratifs, on veut développer des secteurs spécifiques d'expertise qui appartiennent au gouvernement, donc, en fait, des centres qui sont composés de personnes qui sont des membres de la fonction publique et qui fassent en sorte que le gouvernement soit moins dépendant, par exemple, du privé pour des domaines d'expertise et ne doive pas devoir changer ses modes de fonctionnement ou prendre des modes de fonctionnement qui ne sont pas les plus appropriés parce qu'on est soumis à une dépendance du privé. Il s'agit donc, au contraire, de développer, à l'intérieur du gouvernement, des centres d'expertise pour tout ce qui concerne les services de soutien effectivement aux ministères et aux organismes publics.

Et, dans ce sens-là, je pense que ça va tout à fait dans le sens de ce que vous souhaitez.

Et il n'y a pas non plus ? vous avez parlé de quasi-religion, d'idéologie ? il n'y a pas du tout de cette approche, sauf peut-être celle que je viens de vous mentionner, c'est-à-dire de donner à notre fonction publique, à notre appareil gouvernemental des centres d'expertise et la force de pouvoir travailler au niveau du gouvernement et de pouvoir faire appel au privé parce qu'il faut le faire mais lorsque cela est utile, lorsque cela est intéressant et lorsque cela ne diminue pas notre capacité d'avoir nos propres centres d'expertise interne en ce qui concerne les services administratifs.

Là-dessus, peut-être un élément intéressant aussi, c'est concernant le conseil d'administration. L'idée d'un conseil d'administration, c'est évidemment l'idée d'avoir une gouvernance, pas une gestion dans le quotidien. Mais ce conseil d'administration est composé majoritairement de personnes qui sont des clients internes, donc des organismes ou des ministères qui sont sur place et qui sont donc là pour s'assurer que le centre va jouer son rôle interne d'être en appui aux ministères et aux organismes dans leurs missions pour les aspects qui sont, disons, partageables, si vous pouvez me permettre cette expression-là, avec d'autres ministères ou organismes du gouvernement et aussi de s'assurer qu'on a un apport de l'externe, un apport de l'externe comme il y en a dans les universités, dans les collèges, un peu partout dans le monde de l'éducation ? je prends cet exemple-là parce que nous le connaissons bien tous les deux ? mais un apport qui n'est pas majoritaire. La majorité et le sens de la décision pour les orientations de ce centre-là vont appartenir à un conseil qui est majoritairement composé de ses clients qui sont des membres de la fonction publique et qui ont des imputabilités chacun dans leur organisme et dans leur ministère.

Alors, je pense que ça répond à un certain nombre de vos préoccupations. Il y en a d'autres pour lesquelles il y a des réflexions qui sont peut-être à faire. Il y en a d'autres pour lesquelles nous aurons, en commission, je pense, des discussions intéressantes. Vous nous avez mentionné que vous partagez les préoccupations de la Commission d'accès à l'information. On a eu l'occasion de dire, je pense, de part et d'autre, qu'on partage aussi une bonne partie de ces préoccupations-là et qu'on ne veut pas faire de compromis sur la capacité de l'État québécois de préserver la confidentialité des données des Québécoises et des Québécois, les données qui les concernent.

Je pense que là-dessus il y a une base au départ où on s'entend tous, et on va discuter quant aux moyens d'y arriver bien sûr et on prend bonne note de votre opposition. Évidemment, on comprend, quoique ce serait intéressant que vous puissiez nous en parler un peu plus, de l'opposition aux filiales. En quelque sorte, ce que je comprends, c'est que vous ne voyez aucune occasion où ce serait opportun de créer des filiales, quitte à baliser leur usage. Est-ce que c'est ce que je comprends dans votre intervention?

M. Parent (Réjean): Avant de répondre à votre question, M. le ministre, je dirais que ce que j'ai entendu... Puis j'avais déjà fait la remarque à Alain Dubuc de La Presse il y a quelques années, je trouvais de valeur qu'il n'écrive pas comme il parle. Et, je vous dirais, ce que vous mentionnez, ce que vous dites rentre dans nos cordes. Et, si le projet de loi ou si la loi s'écrit dans cet esprit-là, la question que vous me posez quand vous parlez de centres d'expertise interne, bien ça nous éloigne des filiales, ça nous éloigne d'aller créer une espèce d'agence ou de sous-agence avec des intérêts privés à hauteur de 50 %, avec des intérêts particuliers, alors qu'on parle de se donner, je dirais, un centre, des centres, parce que vous parlez en termes des centres d'expertise interne, ce qui apparaît très favorable.

Moi, je partage le discours d'avoir un fonction publique, d'avoir un centre, d'avoir même une agence qui est sous la gouverne du gouvernement mais qui fait en sorte qu'on est indépendant comme État, «indépendant» au sens des entrepreneurs ou du privé, là. Et, de côté-là, en tenant compte de votre discours, j'essaie de voir qu'est-ce que ça viendrait ajouter de supplémentaire, que de créer des filiales, si ce n'est que d'asservir et d'avoir, je dirais, plusieurs petits ou gros entrepreneurs qui seront, à même les mamelles de l'État, à essayer d'en soutirer un maximum de profits et d'énergies pour leurs propres intérêts plutôt que pour l'ensemble. Puis je sais qu'il y a des choses qu'il faut faire avec le privé, là. Je ne dis pas qu'il n'y aura pas d'entreprise privée, puis tout ça, puis que même ce centre-là n'aura pas à faire affaire avec éventuellement d'aller chercher de l'expertise externe, vous l'avez dit vous-même. Et ce n'est pas haro sur tout ce qui est privé, c'est plus en termes que les fonctions d'État devraient être assumées par des organismes d'État. Et, de ce côté-là, on voit mal l'apport des filiales à sa lumière même, là. Et, je vous dirais, à ce stade-ci, on pense que ça devrait passer par-dessus bord.

n (11 h 20) n

Il y a des études. Vous allez, à partir de ça, je présume, peaufiner les effets recherchés, les effets escomptés. Et par la suite, s'il manque des instruments, je présume qu'un gouvernement en place pourra aller se donner les instruments. Mais, aujourd'hui, à la face même, en tenant compte, je dirais, de la toile de fond qui... Et je suis heureux d'entendre, là, votre préjugé favorable pour les salariés de l'État, mais ça n'a pas transpiré. Fort probablement que les prédécesseurs ne l'ont pas aussi bien expliqué que vous-même, mais, si c'est ça, moi, je pense que, compte tenu qu'il y a comme des préjugés un peu dans l'environnement social, il n'y a pas intérêt, je veux dire, à vous mettre une enfarge supplémentaire avec ces filiales-là, à ce stade-ci, parce qu'on n'en voit pas leur utilité puis en tenant compte de votre propre affirmation que vous avez faite il y a quelques secondes.

Le Président (M. Hamad): Alors, est-ce que vous...

M. Bernier: En complément sur ça.

Le Président (M. Hamad): En complément, oui. Allez-y, M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Juste en complément sur ça.

M. Bernier: Bonjour, M. Parent.

M. Parent (Réjean): Bonjour.

M. Bernier: Ça me fait plaisir de vous recevoir encore une fois ce matin. On a eu l'occasion de se rencontrer à quelques reprises lors des commissions, et merci de votre participation parce qu'effectivement, comme vous l'avez mentionné, vous êtes fort actif en ce qui regarde le devenir du Québec.

Au niveau des filiales, juste en complément sur ça, quand on pense aux chaires de recherche qui existent dans des universités, hein, on pense à certains projets au niveau des cégeps même, qui sont disponibles, on pense au monde municipal qui développe des éléments spécifiques au niveau de certains projets, et, moi, j'ai un exemple très précis en ce qui regarde Sainte-Brigitte-de-Laval qui l'a fait au niveau de services en ligne avec la population, qui pourra vendre ces données-là au niveau des autres municipalités. Je pense qu'à ce moment-là, dans votre optique... Puis c'est quand même des groupes avec qui le gouvernement pourrait avoir certaines ententes par rapport à ses activités. Et le but précis, comme le ministre l'a précisé, c'est de protéger et de mettre en place toute l'expertise qui existe au niveau du gouvernement du Québec dans les différents ministères et organismes. C'est ce qui est prévu.

Mais, de cette vision-là, que je vous amène, en ce qui regarde la participation des universités, des cégeps, des municipalités ou d'organismes publics ou péripublics, qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

Le Président (M. Hamad): M. Parent.

M. Parent (Réjean): Écoutez, vous donnez un bon exemple, vous parlez de chaires pour les universités. Pour avoir été, je pourrais qualifier, d'un comité qui a plus un caractère consultatif, la chaire économique à l'UQAM, il reste que l'université était, si je peux m'exprimer ainsi, complète propriétaire, avait, je dirais, 100 % des actifs, si ce n'est que contributions de certains organismes, mais il reste que l'orientation, la direction étaient imprimées par l'université et fort probablement que l'ensemble des chaires demeurent sous le contrôle universitaire.

Évidemment, je n'ai pas eu la chance du ministre de passer ma vie à l'université. Il pourra sûrement vous parler des autres chaires, lui, de son côté. Moi, en termes d'avoir des collaborations, des recherches, on pourrait pousser plus loin. Je vous dirais que, dans le monde de la recherche, là aussi, il y a des éléments qui nous tricotent. Moi, je regarde l'intrusion d'entreprises, que ce soient de grandes compagnies pharmaceutiques, en milieu universitaire et qui ont un contrôle, qu'il y a de la recherche qui se fait là à bon prix, sans qu'ils y mettent leur contribution. On est en train, dans le domaine des soins de la santé, je veux dire, de... Je vais éviter les expressions, là. Mettons que ça va moins bien que ça a déjà été. Donc, tout ça, là, il y a une dominance des grandes transnationales dans la recherche des universités, avec un contrôle de plus en plus même sur les recherches qui sont faites, sur la propriété intellectuelle. Et il faudrait faire attention.

Je vous dirais que, moi, qu'il y ait des collaborations, qu'il y ait des ententes possibles, qu'il y ait des contrats, je veux dire, que le Centre des services administratifs, à un moment donné, dise: Oup, par rapport à tel ou tel domaine, nous ne sommes pas en mesure, nous ne disposons pas de l'expertise, nous devons aller chercher l'expertise ailleurs, nous allons convenir d'un contrat, d'une entente sur une durée donnée pour pouvoir opérationaliser, comme dirait le président, je veux dire, il y a des choses qui peuvent se faire, mais encore faut-il y aller avec une assurance qu'on ne cède pas sa propriété intellectuelle et d'État.

Le Président (M. Hamad): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à M. Parent et à son collaborateur. La CSQ nous a toujours habitués à une participation extrêmement présente aux grands débats de société et, chaque fois qu'un projet de loi interpelle l'ensemble des citoyens québécois, la CSQ essaie habituellement ? et c'est très heureux pour nous ? d'y donner son éclairage.

Je ne ferai pas allusion, aujourd'hui, aux autres dossiers qui vous préoccupent beaucoup plus, j'en suis convaincu, et sur lesquels nous aurons sûrement l'occasion de revenir. On parlait d'universités tout à l'heure, et le ministre et moi avons eu l'occasion d'y passer l'essentiel de notre vie active et nous savons tous les deux qu'on peut... et c'est un des dangers de la recherche universitaire, c'est d'isoler de son contexte un certain nombre de données sans les relier à toutes les interdépendances qui ont finalement un effet important sur les conclusions, sur les buts de la recherche.

Ici, c'est un peu la même chose. Il y a actuellement, au gouvernement du Québec, un secrétariat aux services administratifs qui peut faire à peu près tout ce qui est dans le projet de loi, sauf deux, trois choses, notamment forcer les ministères à adhérer à des regroupements de services, hein? C'est sur la base d'une offre de services. Si le prix est meilleur, si vous offrez un service téléphonique au ministère, ministère que vous connaissez ou d'autres ministères, si les prix sont bons, le ministère va préférer recourir à vos services, mais, s'il a découvert ou s'il a eu l'initiative d'un système autonome qui répond mieux à ce service, bon, il y va. on a laissé cette autonomie-là. Peut-être qu'on est arrivés à une étape où peut-être il faut passer à une étape suivante et à regrouper davantage. Mais l'autre aspect de ce projet de loi, que vous avez mis en lumière très justement, ce sont les articles 12 et 16, hein, l'article 12, qui dit: «Le Centre peut s'adjoindre un tiers pour l'application d'une entente», et l'article 16: «Le Centre peut, avec l'autorisation du gouvernement, acquérir ou constituer toute filiale utile aux fins de la réalisation de sa mission», et ensuite on définit ce que c'est, qu'une filiale.

Moi, la question qui me vient à l'esprit... Et il ne faut jamais isoler un aspect. Vous êtes venus ici, il y a quelques mois, lorsqu'un projet de loi a été étudié puis ensuite adopté, dans un bâillon, par cette Chambre. Sur la création du Secrétariat aux partenariats public-privé, vous êtes venus mettre en garde le gouvernement contre cette tendance actuellement vers la privatisation. On ne peut pas voir ces deux articles du projet de loi sans tenir compte de la loi qui a été adoptée et des intentions manifestées à plusieurs reprises par le gouvernement et des gestes posés par le gouvernement, alors est-ce que vous croyez ? et j'aimerais que vous l'explicitiez encore davantage ? qu'il s'agit là d'une voie royale ouverte à la sous-traitance et aux partenariats public-privé?

M. Parent (Réjean): Écoutez, je pense que l'introduction de notre avis fait part de cette vive inquiétude, et c'est sûr que, quand je parlais de toile de fond tantôt, pour prendre une expression latine, le background nous invite à énormément de prudence. Et est-ce qu'on croit que c'est une porte ouverte? Je vous parlais du trou noir dans la galaxie. Ça peut avaler, je dirais, la fonction publique. Je ne dis pas que ça va arriver demain matin, mais c'est une voie royale pour dilapider, ouvrir la porte à la privatisation de certaines expertises publiques et de se rendre plus dépendants.

Le ministre se veut rassurant aujourd'hui, puis je prêt à le croire. Je regarde l'expérience précédente. Je retiens que c'est un ministre qui ne veut pas traumatiser les organisations et qui a une certaine volonté de les faire cheminer. Ça fait que, partant de là, je veux dire, je suis prêt à prendre un pari sur cette volonté-là, mais elle doit s'exprimer au texte, pas seulement que dans les paroles, parce que ceux qui ont écrit précédemment puis ceux qui ont dit, j'ai entendu dire, mais ils ont écrit différemment, et là vous faisiez référence à une loi qui a été sous le bâillon, mais je pense qu'un jour le bon sens nous rejoint ou nous rattrape, et c'est dans ce sens-là, l'introduction, quand je l'ai dit. Ce n'est pas par flagornerie, c'est à la lumière d'un ministre qui nous a démontré qu'il y avait un intérêt à entraîner des changements en associant le milieu, en s'assurant de ne pas traumatiser les réseaux. Bien, j'ose croire qu'on va se retrouver dans la même situation, et c'est le pari que je fais aujourd'hui. Et citer un vieux cubain qui disait: L'histoire me donnera raison. Je me souhaite la même chose, que l'histoire me donne raison.

Le Président (M. Hamad): Oui, monsieur. Oui.

n (11 h 30) n

M. Simard: Oui, M. le Président. Votre centrale est très sensible, depuis de très nombreuses années ? vous n'avez pas attendu que ce soit à la mode ? au développement durable, à la sensibilisation de l'ensemble des jeunes qui sont en apprentissage dans les écoles aux réalités écologiques. Je pense au réseau d'écoles Brundtland que vous parrainez, je pense à la journée de la terre, où vous êtes extrêmement actifs depuis très longtemps.

Est-ce que l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui, autour d'un nouveau projet de loi, de nous assurer que les achats gouvernementaux nous donnent, nous permettent une avancée, dans, disons des politiques d'achat plus responsables par rapport à l'environnement, est-ce que ça ne vous inciterait pas à conseiller au ministre de profiter de cette occasion?

M. Parent (Réjean): C'est ce qu'on écrit, c'est ce qu'on dit. Il y a une occasion là ratée dans le sens où il y aurait un intérêt à le mettre de l'avant. Le projet de loi est muet de ce côté-là. Et en même temps on fait un parallèle ? je ne sais pas si Gabriel voudra en remettre plus ? sur le projet de loi n° 83 ? et là je cherche ma page, je suis en page 9: «...inquiétude d'autant plus grande qu'un autre projet de loi du gouvernement, dans sa forme actuelle, contribue à diminuer l'importance de l'achat local et régional», et l'amendement qui est apporté vient supprimer la notion, là, «en tenant compte de leur impact sur leur économie régionale». Donc, on fait un lien avec une autre loi, un autre projet de loi qui, lui, semble plus cavalier.

Dans le projet n° 85, on n'a pas de référence à la notion d'achat responsable. Dans le 83, je veux dire, on ampute la notion d'économie régionale. Et on dit, là, à ce niveau-là, si on parle de développement durable, d'assurer la pérennité des ressources sur l'ensemble du territoire québécois, s'il y a un regroupement, que ce soit d'achats, puis tout ça, il me semble que, pour un gouvernement qui est préoccupé de l'occupation du territoire, une pleine occupation du territoire puis du développement des régions, il y a comme des liens à faire puis une nécessité de retrouver des références, et une préoccupation d'achats régionaux puis l'impact de ces centres d'expertise sur l'économie régionale. Et il y aurait une belle occasion, là. Et, vous avez raison, M. le député, ce n'est pas d'hier, mais c'est d'avant avant-hier qu'on a ces préoccupations-là.

M. Simard: M. le Président, est-ce qu'il reste juste une petite minute?

Le Président (M. Hamad): Oui, vous avez le temps encore.

M. Simard: Moi aussi, j'ai été très sensible aux propos du ministre, mais j'ai malheureusement eu l'expérience à quelques reprises, notamment à l'automne dernier, où les propos et le texte de loi ne se sont jamais rejoints. Moi, je fais totalement confiance actuellement, là. La bonne foi se présume. C'est un nouveau ministre qui arrive avec un nouveau dossier, et vous avez tout à fait raison de l'inviter justement à ajuster le texte à son discours qui, lui, est extrêmement ouvert. On va tous le souhaiter ensemble, en tout cas. À la fin du processus, on jugera, mais vous ouvrez actuellement un certain nombre d'interrogations que nous partageons pleinement.

Le Président (M. Hamad): Alors, il vous reste six minutes et il vous reste une minute.

M. Reid: Allons-y. Moi, j'attendrai pour remercier à la fin.

M. Simard: ...

Le Président (M. Hamad): Vous avez conclu. Alors, M. le ministre, conclure.

M. Reid: Oui. Bien, écoutez, moi, je voulais vous remercier d'être là. Peut-être juste une petite précision, parce que j'ai demandé, bon, au niveau des tiers, par exemple, ce que l'on entend par tiers. La raison pour laquelle ça existe, c'est parce qu'il y a des choses où il faut laisser une porte ouverte. Peut-être faut-il le baliser, par règlement ou autrement, mais en tout cas l'idée, c'est, par exemple: on ne va pas transformer le gouvernement en compagnie de services de téléphonie, par exemple. Donc, il faut bien, à un moment donné, donner des contrats de téléphone à Bell ou à quelqu'un d'autre. C'est ce genre de chose là pour laquelle il faut laisser une porte ouverte.

Alors, c'est une petite précision que je voulais apporter. Pour le reste, je vous remercie encore de vos bons mots, M. le président, et merci de votre participation et de vos commentaires.

Le Président (M. Hamad): Merci, M. le ministre. M. Parent, M. Danis, merci beaucoup et à la prochaine.

On va suspendre pour une minute, permettre à l'autre groupe de s'installer. Très rapidement, parce qu'on dépasse notre échéancier.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

 

(Reprise à 11 h 37)

Le Président (M. Hamad): ...Mme Roberge, bienvenue. Je vous demanderais de présenter votre collègue.

Syndicat de professionnelles et professionnels
du gouvernement du Québec (SPGQ)

Mme Roberge (Carole): ...Merci, M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés. D'abord, je suis accompagnée de Jacques Pelchat à mon extrême droite, qui est informaticien au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale; je suis accompagnée aussi, à ma droite, de Pierre Eubanks, vice-président chez nous; et, à ma gauche, de Louis Lévesque, qui est conseiller au SPGQ.

D'abord, j'aimerais vraiment remercier la commission de nous accueillir ce matin. Ce projet-là concerne plusieurs milliers de nos membres. Le SPGQ regroupe près de 19 000 personnes de la fonction publique, des sociétés d'État, des réseaux de la santé et de l'éducation. Mais, concernant la fonction publique, c'est près de 8 000 membres qui sont concernés par ce projet de regroupement au niveau des services administratifs et de développement des services administratifs. Évidemment, ça touche à davantage la catégorie des informaticiens ou des procédés administratifs, mais ça touche aussi à de nos membres qui sont au niveau de la gestion financière, par exemple, ou attachés d'administration.

Donc, on a vraiment accordé notre importance, au regard de ce projet-là, sur les risques en tout cas qui sont susceptibles d'y être rattachés, évidement sur les objectifs poursuivis. On est très à l'aise avec les objectifs poursuivis dans le cadre de ce projet-là qui sont l'amélioration, la qualité des services administratifs, qui sont aussi la réalisation d'économies d'échelle bien évidemment et l'uniformisation de plusieurs processus. Évidemment, ces objectifs-là, dans une perspective de bonifier les services aux citoyens, de faire des économies, dégager des marges de manoeuvre pour améliorer les services à la population, on s'inscrit dans cette perspective-là. On comprend aussi que la stratégie, c'est la centralisation des services administratifs. On a déjà commencé à regrouper les services qui étaient déjà offerts à plusieurs ministères par le Conseil du trésor et par le ministère des Relations avec les citoyens.

n (11 h 40) n

Ce qui nous inquiète un peu davantage, c'est qu'on ne connaît pas vraiment le panier de services qui va être offert au moment où on se parle, jusqu'où ça va aller, la portée, l'ampleur de ce projet-là. Vous avez le groupe de travail qui a déposé son rapport en mars. On aurait aimé vraiment l'avoir en main pour pouvoir évaluer davantage les orientations qui s'inscrivent dans le cadre de ce projet-là. On pense qu'on aurait pu amener une opinion beaucoup plus éclairée à la commission, ce matin.

On a dégagé les faits saillants du projet de loi, mais j'aimerais peut-être attirer l'attention de la commission sur trois préoccupations qui attirent particulièrement notre attention. La première concerne la main-d'oeuvre; la deuxième préoccupation concerne les limites de la centralisation; et la troisième, le développement économique des régions aux niveaux local et régional.

D'abord, au niveau de la main-d'oeuvre, on pense qu'à court terme très certainement il y a du personnel qui va être regroupé. Ça peut amener en tout cas des problématiques ou des éléments négatifs par rapport au sentiment d'appartenance des gens qui seraient mutés du ministère ou organisme dans lequel ils sont très à l'aise vers un autre organisme plus centralisé. Et, ceci dit, je pense, ce qui nous préoccupe le plus, c'est, lorsque le centre va vraiment élargir son panier de services, comment on va gérer, exemple, le transfert de postes d'un ministère à un organisme par rapport au centre? On voit qu'actuellement, dans les changements de restructuration des ministères et des organismes, souvent des mandats sont transférés, mais les postes ne suivent pas toujours avec. Donc, les nouveaux ministères et organismes qui accueillent les nouveaux mandats ont de la difficulté à livrer parce que les postes ne suivent pas nécessairement. Et, je dirais, c'est plus comme dans une phase avancée du projet, plus au niveau de sa consolidation, puis particulièrement en ce qui concerne l'article 12, de recourir à des tiers. Ça, on est très attentifs à cette question-là.

L'article 16 qui qui touche les filiales, la création de filiales, dans le contexte des compressions actuellement et du renouvellement d'une personne sur deux au regard des départs à la retraite, nous, ça nous questionne, parce que: Quelle va être la main-d'oeuvre, demain, de la fonction publique? Et on sait très bien qu'au moment où on se parle, nous, à peu près la masse salariale des services professionnels offerts par la fonction publique, les professionnels de la fonction publique, c'est à peu près 1 milliard de dollars, hein, et la sous-traitance juste en services professionnels au gouvernement du Québec, par année, est presque aussi de 1 milliard de dollars. Donc, on voit qu'il y a la moitié de la main-d'oeuvre professionnelle qui est une main-d'oeuvre externe à la fonction publique. En tout cas, nous, ça, on a vraiment des bémols là-dessus, parce que, concernant la dépendance par rapport au privé, qui est déjà très présent, et particulièrement dans le réseau de l'informatique, et le centre concerne particulièrement, en tout cas, l'aspect de l'informatisation. Donc, des préoccupations au niveau de la main-d'oeuvre.

On a aussi, je dirais, des préoccupations au niveau des limites de la centralisation. Évidemment, la centralisation pour nous, c'est un élément positif pour des économies d'échelle, mais ce n'est pas un absolu, c'est loin d'être un absolu. Puis nos collègues dans l'éducation, nos membres, ce qu'ils nous disent, dans l'éducation, exemple, au niveau des cégeps: Ça coûte moins cher en services administratifs, trois cégeps de 5 000 étudiants que plutôt un cégep de 15 000 étudiants. C'est ce qu'on voit dans le réseau. Donc, oui à la centralisation des services, mais on pense que ce n'est pas un absolu en termes d'économies d'échelle. Au contraire, ça peut générer aussi une lourdeur administrative et des coûts supplémentaires. En tout cas, on pense très certainement que, pour les petits organismes, c'est très avantageux. Beaucoup de petits organismes n'ont pas les moyens de s'offrir une qualité au niveau des services administratifs. Mais, pour les gros ministères qui sont autonomes déjà, en tout cas on questionne si ça n'amènerait pas davantage de coûts administratifs ou qu'il n'y aurait pas des bémols en termes de l'efficacité, en tout cas une plus grande bureaucratisation, une plus grande lourdeur administrative.

Puis un troisième élément qui nous concerne au regard de ça, c'est l'article 10 sur le caractère obligatoire, possiblement obligatoire à l'égard des ministères et des organismes, d'adhérer aux services offerts par le centre. Puis on pense que ce caractère obligatoire là va créer des résistances auprès des ministères et des organismes et qu'on doit apprendre de l'expérience de GIRES, de la gestion intégrée des ressources. Les gens des ministères et des organismes avaient beaucoup de réserve à travailler d'une façon centralisée, dans d'autres lieux. Les ministères voulaient conserver leur expertise.

Donc, nous, en tout cas on pense que la centralisation peut aussi amener une perte de sources importantes d'innovation, de sources importantes de recherche de solutions originales puis une expertise précieuse, parce qu'on sait que l'expertise varie selon la culture des ministères et des organismes, selon les mandats des ministères et des organismes. Les cultures des ministères et organismes sont différentes, donc on pense qu'on peut perdre de l'expertise et des sources originales de solutions aux problèmes administratifs. Et d'autre part, concernant le caractère obligatoire, au regard vraiment de la Loi de l'administration publique qui a été adoptée il y a quelques années, l'objectif de cette loi-là, c'était de rendre davantage responsables les ministères et les organismes, de les rendre davantage imputables, mais, si on veut les rendre imputables, il faut leur laisser le choix des moyens. Donc, sur le caractère obligatoire des ministères et des organismes, pour nous, on pense très certainement qu'il faut aller davantage dans une perspective de persuasion que de coercition, même si le projet de loi, ce n'est pas un absolu que ce soit obligatoire, que ce sera davantage efficace pour les ministères de choisir leurs propres moyens, leurs propres voies, et aussi ça va être plus respectueux, je dirais, à leur égard par rapport à leur sens des responsabilités.

La troisième problématique soulevée, c'est le développement local et régional. On pense que la recherche du moindre coût ne doit pas se faire au détriment évidemment du développement local et régional et ne doit pas se faire au détriment non plus du développement de la société québécoise, hein? On sait de plus en plus qu'on se rapproche des marchés internationaux, etc., donc la perte des emplois avec en tout cas développement d'ententes avec des compagnies internationales ou plus larges, ça nous questionne, ça nous interpelle au niveau de la perte d'emplois, particulièrement. On sait que le gouvernement du Québec a quand même une politique d'achat qui favorise le développement local et régional. On doit continuer de s'inscrire dans cette perspective-là. Mais je soulignais tout à l'heure: je trouve que la plus grande problématique qui nous empêche de se prononcer de façon plus catégorique, au regard de ce projet de loi là, c'est qu'on ne connaît pas les orientations gouvernementales au regard du panier de services. Ça, pour nous autres, c'est majeur parce que ça détermine l'ampleur du projet, la portée du projet. Donc, ça nous est difficile d'évaluer vraiment le projet dans son ensemble.

On a des recommandations au regard de ce projet-là qui sont au nombre de quatre. D'abord, on veut être consultés sur la création de filiales, parce que, pour nous, la création de filiales, c'est vraiment une porte ouverte à la privatisation. Et, avec le contexte dans lequel on s'inscrit, de l'article 45 de l'année dernière, qui favorise les cessions, du dépôt, je dirais, des demandes patronales dans nos revendications collectives, de la fonction publique particulièrement, on veut obliger le personnel à être cédé lorsqu'il y a des cessions d'unités administratives, on veut nous forcer à y aller. Les professionnels sont contre cette stratégie-là du gouvernement: portes ouvertes aux filiales. On ne veut pas être forcés d'aller dans les filiales.

Le deuxième élément, c'est l'équité parce qu'on sait qu'il va y avoir du transfert de personnel plus cette entité-là, ce nouveau centre là, va grandir, va donner de nouveaux services. Il y a des problématiques de transfert de personnel qui vont s'instaurer. Donc, on voudrait vraiment regarder de près les règles de sélection, d'intégration des personnes qui seraient transférées dans ce nouveau centre là. En tout cas, on pense qu'on peut s'inspirer de l'expérience de la DGSIG il y a déjà quelques années, lorsqu'on avait consolidé les centres de traitement informatique. Il y avait des règles avec lesquelles on s'était entendu avec les syndicats, puis je pense que ça avait été à la satisfaction de pas mal l'ensemble du personnel. On devrait s'en inspirer. Donc, on voudrait vraiment être présents au regard du transfert du personnel, puis être présents dans la détermination des règles de sélection puis qu'elles soient équitables pour tous.

n (11 h 50) n

Notre troisième recommandation, c'est la participation à un soutien administratif. On sait, lorsqu'on crée des nouveaux organismes, lorsqu'on enlève des fonctions dans des ministères et organismes pour les envoyer ailleurs, on crée de nouvelles fonctions, il y a des gens qui devront apprendre de nouvelles fonctions, ils devront délaisser des fonctions existantes. Pour nous, c'est très important que ça ne se transforme pas en opération de mise en disponibilité, par exemple, ou que ça ne se transforme pas en opération de perte d'emplois, par exemple. On voudrait vraiment être associés à des mesures de recyclage pour pouvoir exercer de nouvelles fonctions, de pouvoir être là pour donner le soutien aux gens en termes de développement de compétences et aussi, en termes de transferts, faciliter les transferts de ces personnes-là.

Et finalement, je dirais, notre quatrième recommandation, elle touche vraiment la politique d'achats locaux. On pense que le gouvernement a quand même un bon alignement sur cette question-là, donc on l'invite à poursuivre sur cette voie-là, pour continuer à développer vraiment, favoriser le développement de nos régions aux niveaux local et régional.

Et, en terminant, pour nous, en tout cas on entendait beaucoup parler de l'obsession des PPP, puis là on ne se demande pas s'il n'y a pas l'obsession des filiales. En tout cas, on voit ça dans plusieurs projets de loi. On a vu ça dans le projet de loi sur l'agence, hein, les PPP, sur la création de Services Québec. Là, on voit ça avec la création du Centre de services administratifs. On n'aime pas ça, on vous le dit, on n'aime pas ça. Puis on considère que la main-d'oeuvre externe est déjà très présente dans la fonction publique au Québec, particulièrement la main-d'oeuvre externe professionnelle. Donc, toute la question de la filiale, on n'est pas du tout à l'aise avec cette question-là, parce que, pour nous, même si ce n'est pas une privatisation, c'est des pas vers une privatisation, et les gens le sentent comme ça. Ici, peut-être que l'objectif n'est pas ça, mais c'est quand même des outils qu'on met en place, qui pourraient arriver à ça. Et ça, on n'accepte pas cette perspective-là, d'autant plus, comme je le disais tout à l'heure, on s'inscrit dans le contexte des modifications au Code du travail et de l'article 45 l'année dernière, les dépôts des revendications patronales dans le cadre de nos conventions collectives sur les cessions et forcer les professionnels à être cédés.

Donc, en tout cas, c'est nos principaux bémols puis évidemment, compte tenu qu'on ne connaît pas l'ampleur et la portée de ce projet de loi là, comme on ne connaît pas les orientations qui vont être amenées. Puis on pense, il me semble, que ça aurait ajouté du sérieux à cette commission-là si on avait pu avoir accès en tout cas à ce rapport-là pour pouvoir se prononcer davantage sur cette question-là.

Donc, en terminant, je dirais, pour nous, la question de la privatisation des services publics est dans l'air. D'ailleurs, les membres de la commission, vous êtes sûrement au courant, on a formé une coalition. Mon collègue qui vient de passer, Réjean Parent de la CSQ, de la Centrale des syndicats du Québec, et avec mon collègue Michel Sawyer du Syndicat des fonctionnaires, on a formé la coalition, le Secrétariat des services publics. Donc, c'est dans une perspective de s'assurer que les Québécois auront accès à des services publics de qualité auxquels ils ont droit et en vertu de la Loi sur la fonction publique. Voilà. Merci.

Le Président (M. Hamad): Merci, Mme Roberge. M. le ministre.

M. Reid: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais remercier la délégation du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec de s'être présentée, de nous avoir présenté un mémoire et de nous expliquer son point de vue.

D'emblée, là, je voudrais d'abord corriger peut-être une perception. Vous avez mentionné à deux reprises au moins que le rapport du groupe de travail avait été déposé au mois de mars. Ce n'est pas le cas, il n'est pas encore déposé. Ce que j'ai demandé, sachant que ce ne serait pas prêt pour la commission, ce que j'ai demandé au groupe, c'est d'au moins transmettre un rapport sommaire pour qu'on nous donne une idée des orientations qu'ils ont prises et sur lesquelles va être basé le rapport final, ce qui a été déposé ce matin, à la commission, et dont on pourrait avoir copie facilement, là, si vous voulez. Et, dans ce sens-là, bien nous comptons beaucoup sur le groupe de travail pour effectivement nous transmettre des orientations quant au panier de services, quant aux services obligatoires ou aux règles quand un service sera obligatoire ou non.

À ce sujet-là, je pense qu'il est important de mentionner que, dans le panier de services existant aujourd'hui, il y a quand même un bon nombre de services qui sont obligatoires, et ce, depuis de nombreuses années et il y en a d'autres aussi qui sont optionnels. Mais l'orientation est très claire et la conversation que j'ai eue avec les coprésidents du groupe de travail. Je m'attends donc, comme dans leur mémoire préliminaire, je m'attends à ce que le mémoire soit très clair là-dessus et aille très clairement avec un billet très clair vers l'adhésion volontaire. Bon. Mais maintenant il faut laisser la porte ouverte parce que parfois on est obligé d'avoir une obligation comme parfois on est obligé d'avoir un tiers.

On ne va pas demander au gouvernement de se transformer en compagnie de téléphone, donc il faut faire affaire avec des experts, des entreprises expertes dans certains secteurs, et c'est pour ça que ces portes-là sont ouvertes, non pas pour que ça devienne un manie ou je ne sais pas quel mot vous avez employé, par exemple, pour les filiales. Il ne s'agit pas de tout transformer en filiales, loin de là. Et là-dessus j'aimerais encore une fois insister sur le fait que nous visons, par le CSA ? et c'est un élément très important dans les orientations du groupe de travail et dans les orientations de notre gouvernement ? nous visons à développer des centres d'expertise interne pour diminuer la dépendance que l'on a. Et vous avez mentionné le cas de GIRES. Je pense que le cas de GIRES est un bel exemple où nous avons rapatrié l'expertise à l'interne et nous développons cette expertise à l'interne maintenant plutôt que de le faire, comme dans le cas de GIRES, avec une expertise externe. D'ailleurs, là-dessus ? je pense que c'est intéressant ? dans votre recommandation 2 et dans l'ensemble de vos recommandations, là ? ...très rapidement, puis il y a des gens qui l'ont fait autour de moi ? je pense que notre première réaction est une réaction d'être très heureux d'avoir des recommandations très constructives.

Et je note que, dans la recommandation 2, on mentionne ici que, par exemple, à la fin du premier paragraphe: «En effet, les syndicats étaient impliqués dans l'élaboration des règles de sélection et d'intégration du personnel au sein de la DGSIG.» Et je voudrais vous dire que pour nous c'est un modèle dont on veut s'inspirer pour l'ensemble des opérations du Centre de services administratifs. Je voudrais vous mentionner que nous aurons aussi l'occasion, dans cette commission, en tout cas d'entendre, cette semaine un peu plus tard, les deux coprésidents qui vont répondre aux questions des membres de la commission parlementaire sur effectivement les orientations. Donc, on aura l'occasion de leur demander de préciser des orientations qui sont déjà très claires. Je pense qu'ils en sont à la rédaction de leur rapport final... complet, c'est-à-dire, donc.

Et, dans ce sens-là, moi, je me demande: Est-ce que, par exemple, quand je vous dis qu'on a l'intention de s'inspirer du modèle qui a été utilisé pour la DGSIG et de ce que vous avez pu voir vous-mêmes, le rapatriement de l'expertise, dans le contexte, par exemple, des systèmes informatiques, dans le contexte de GIRES, est-ce que c'est quelque chose qui correspond à vos vues, en quelque sorte? Est-ce que vous voyez ce type de collaboration là de façon positive et que ça répond à un certain nombre de vos préoccupations?

Mme Roberge (Carole): Bon. En tout cas, nous, on est contents d'entendre que vous allez vous inspirer de ce qui s'est fait à la DGSIG, au niveau du transfert du personnel, parce que je pense que les gens, ils avaient vraiment apprécié. C'était ouvert, c'était transparent, il y avait des concours, il y a eu des affichages, les gens pouvaient aller aux entrevues, même, on le... c'est un pouvoir décisionnel de l'employeur. Les gens, ils avaient apprécié cette perspective-là.

Puis le développement de l'expertise dans le cadre de tout le service support ? vous parliez de GIRES ? que les gens développent leur expertise dans la fonction publique, on est de ceux-là. Il faut donner l'opportunité aux employés de développer leur expertise. On pense qu'il ne faut pas nécessairement donner l'opportunité aux gens de l'externe de développer l'expertise, puis ils s'en vont avec. C'est des coûts énormes pour le contribuable lorsque les gens partent avec une expertise qu'ils ont développée dans la fonction publique. Donc, ça va dans le sens du développement de l'expertise à l'interne pour garantir la qualité des services et du support. Parce qu'au niveau du support administratif dans les ministères, on le sait, les gens se parlent, les supports administratifs, ça sert aux usagers dans les opérations. Les gens, lorsqu'ils sont même à l'interne des ministères, ils se jasent entre eux autres de qu'est-ce qui pourrait être le plus utile, le plus adapté aux opérations du ministère qui ne sont pas nécessairement pareilles puis souvent même très différentes dans un autre ministère, de par leur nature, de par le contexte culturel, etc. Puis, l'éloignement de ça, les gens, ça les inquiète dans les ministères, parce qu'ils aiment ça travailler en collaboration directe avec les gens du support administratif.

Souvent les outils qui sont fournis par le support administratif sont moins adaptés. Plus il y a de contacts, plus les outils sont mieux adaptés. Donc, nous, c'est très certain qu'on privilégie le développement de l'expertise interne, là. On doit privilégier ça. C'est un gage de succès.

M. Reid: Merci.

M. Simard: M. le Président...

Le Président (M. Hamad): M. le député de Richelieu.

n (12 heures) n

M. Simard: M. le Président, d'abord souhaiter la bienvenue, devant une autre commission parlementaire, à Mme Roberge, M. Eubanks, M. Pelchat et M. Lévesque. On a eu l'occasion, au cours des derniers mois et des deux dernières années, de nous voir régulièrement, sur des projets de loi, et votre analyse, votre rapport à la discussions a toujours été extrêmement marquant. Vous prenez très au sérieux. Vous êtes des collaborateurs nécessaires. Je pense que c'est très heureux que la commission vous accueille aujourd'hui, parce qu'il ne peut rien se faire d'efficace à mon point de vue, s'il n'y a pas cette collaboration. Les changements ne peuvent pas se faire à l'encontre de tout le monde en même temps, en soulevant toutes les résistances. S'il y a une conclusion que devrait tirer le gouvernement actuel après deux ans, disons, d'une gestion qui est ? je ne vais pas, moi, la qualifier ? mais disons qu'il semble que la population juge assez calamiteuse, c'est vraiment d'avoir tenté de faire des changements sans aller chercher la collaboration et la participation de ceux et celles qui devront oeuvrer à ces changements, et notamment des collaborateurs de l'État québécois. Alors, si, aujourd'hui, nous sommes ici, pour assister à un certain nombre de changements dans l'attitude, nous ne pourrons, je pense, que nous en féliciter, ça, dans l'intérêt de tous les Québécois.

Vous posez plusieurs problèmes, plusieurs diagnostics qui sont importants et vous êtes un des seuls groupes à non pas remettre en question mais à interroger. Et je pense que, lorsqu'on recherche la vérité, il faut avoir ce point de vue critique. On parlait d'universités, de recherche universitaire tout à l'heure. La base première de la recherche, c'est le doute systématique, l'interrogation. Et vous dites en gros: Actuellement, la mode est aux unités regroupées, aux énormes organisations parce que, dit-on, cela amènera des économies d'échelle, cela amènera une meilleure orientation décisionnelle. Je pense que c'est peut-être vrai dans certains cas, mais ça peut aussi être discutable. Et parfois, effectivement, plusieurs unités, plusieurs ensembles plus petits arrivent à plus de souplesse et à des résultats meilleurs. Il en est de la gestion publique comme à peu près de toutes les réalités humaines, c'est sujet à des modes, hein? Les administrateurs actuels ne jugent que par ces grandes agences depuis quelques années. En ce sens-là, le projet de loi actuel s'inscrit dans une mouvance que l'on retrouve dans plusieurs pays, mais il n'est pas certain que le résultat soit toujours. Et, quand la mode aura changé dans quelques années, il n'est pas sûr que l'on ne scindera pas ça en différentes agences plus petites et avec une vision moins énorme.

Rappelons-nous qu'il y a 40, il y a 50 ans, le Gosplan en Union soviétique amenait à: au lieu d'avoir 10 hôtels dans la ville de Moscou, il n'y en avait qu'un seul. Effectivement, sur papier, là, c'était théoriquement extraordinaire de pouvoir tout regrouper. Évidemment, vous avez tous compris que ça donnait des monstres qui n'ont jamais fonctionné, et il faut toujours être prudent face à ces modes de gestion qui emportent l'univers des gestionnaires. Là, où vous mettez le doigt sur un véritable problème, c'est: Est-ce qu'il y a intérêt? Est-ce qu'on parle de gagnant-gagnant dans le rapport du comité, là, de chercher des solutions gagnantes? Est-ce qu'il n'y aura vraiment que des gagnants à forcer des ministères et organismes à passer par l'entremise de l'agence? Est-ce qu'il n'y a pas là une faille fondamentale ou la création d'un monopole? Dans le fond, il me semble que, dans l'entreprise comme dans la gestion publique, il doit y avoir de la place à de la concurrence, à du choix.

Il me semble ici, là, qu'on se dirige peut-être... Et, en ce sens-là, il faudrait sans doute, comme vous l'avez précisé vous-même, demander au ministre, peut-être préciser le panier de services visés, mais il faudrait peut-être nous assurer qu'on maintienne des champs de compétition et ne pas nous retrouver devant des situations de monopole. Et je pense que c'est contre ça que vous nous mettez en garde. En tout cas, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Roberge (Carole): Oui. D'abord, j'aimerais vous remercier de souligner qu'on est des collaborateurs nécessaires. J'aimerais aussi entendre ça de M. le ministre, ça me ferait plaisir.

M. Reid: M. le Président, moi, j'aimerais dire que vous êtes non seulement des collaborateurs nécessaires mais essentiels.

Mme Roberge (Carole): Ah, bien, merci. Moi, je dirais incontournables. À chacun ses mots. Merci.

M. Reid: Et je l'ai toujours dit. Et je l'ai toujours dit.

Mme Roberge (Carole): Ah, d'accord.

Le Président (M. Hamad): Mme Roberge.

Mme Roberge (Carole): En tout cas, nous, il y a quand même une perspective intéressante en termes d'économies d'échelle, mais plus c'est gros, il y a des dangers de bureaucratisation, plus les organismes grossissent. Puis, on l'a vu, les entreprises, vous savez, c'est comme le balancier: on centralise, on décentralise. Les entreprises fusionnent, défusionnent, etc. Il y a comme des jeux qui se font. Moi, je dirais, à votre question plus précise: Est-ce qu'on est gagnants forcés?, je pense qu'on n'est jamais gagnants forcés. On peut être gagnant à court terme à forcer, mais c'est humain. On n'est jamais gagnant à long terme à forcer.

Et je reviens sur la Loi de l'administration publique. Cette loi-là se voulait une loi importante pour responsabiliser, rendre imputables les ministères et les organismes. C'est comme si on déresponsabilise les présidents d'organisme et les sous-ministres d'organisme. Ils doivent avoir le choix des moyens pour rencontrer les objectifs de leur mission à notre avis et, le choix des moyens, ils doivent être questionnés s'ils prennent les moyens les plus appropriés, les plus efficaces, les moins coûteux, très certainement, mais je pense que l'aspect décisionnel doit leur revenir, qu'on départage la responsabilité des décisions au regard de la livraison des missions gouvernementales.

Le Président (M. Hamad): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Vous avez souligné, à plusieurs reprises dans votre intervention, et vous l'avez fait à la lumière d'autres projets de loi et d'autres décisions antérieures du gouvernement: vous voyez, dans la création de filiales, une sorte de cheval de Troie qui permettrait éventuellement d'aller vers de la sous-traitance et vers de la privatisation. Pouvez-vous donner des exemples ou nous montrer comment cela pourrait effectivement se développer à l'intérieur de la fonction publique québécoise?

Mme Roberge (Carole): Nous, en tout cas, au moment où on se parle, le projet, tel qu'il s'inscrit, s'inscrit dans la fonction publique, on ne sait pas si, demain, ces filiales-là seront fonction publique, on ne sait pas quelle sera la nature, la structure juridique de ces filiales-là, le fonctionnement de ces filiales-là. On ne sait pas encore quelles seraient les conditions de travail, de transfert du personnel dans ces filiales-là. Ce qu'on sait, c'est qu'on développe des structures en marge, de plus de plus de structures en marge, et ça, on n'est pas très à l'aise avec ça. C'est sûr qu'on ne doit pas prendre en charge, je pense, les télécommunications Québec, là. Une filiale dans cette perspective-là, on n'a pas de problème avec ça, là, mais, ceci dit, quelle va être la nature des filiales? Parce qu'on dit même, dans le projet de loi, qu'on va créer des filiales au regard de la mission. Ça peut aller loin, là. Jusqu'où les filiales vont prendre, en partie ou en totalité, les missions? C'est ça, c'est ça qui nous inquiète.

Parce qu'on constate qu'en tout cas, toujours ou très souvent, la stratégie gouvernementale est par petits pas vers, hein, donc c'est sûr qu'un pas ne donne pas nécessairement un résultat escompté mais s'en va dans une direction donnée, et, pour nous, la direction de la filiale, c'est la direction de mettre des structures en parallèle, en marge, en parallèle de plus en plus. C'est ce qui nous inquiète.

M. Simard: M. le Président, Mme Roberge a mentionné, tout à l'heure, qu'elle s'inquiétait à l'aide même des critères de la Loi de l'administration publique qui vise ? puis elle est toute nouvelle, cette loi, on n'a même pas encore eu le temps de faire le bilan quinquennal de son application ? qui vise essentiellement, vous le rappeliez, à l'imputabilité, à faire en sorte que les gens annoncent leurs objectifs et soient imputables des résultats obtenus.

Est-ce que la possible création de filiales, qui entraînerait peut-être des filiales des filiales, ne nous éloigne pas du principe premier de la Loi de l'administration publique qui est justement lié à l'imputabilité? On éloigne démocratiquement des décideurs et notamment de la responsabilité des parlementaires un certain nombre de décisions. Il n'y a rien de ça qui est écrit tel quel, là. On est ici non pas pour semer un vent de panique mais pour poser les questions essentielles de façon à, si un jour ça se produit, ce qu'on ne puisse pas dire qu'on ne l'a pas vu puis qu'on n'a pas mis en garde. On n'est pas dans un rapport conflictuel aujourd'hui, on essaie d'éclairer. Est-ce que c'est ça qui vous inquiète dans le projet de loi?

Le Président (M. Hamad): Mme Roberge.

Mme Roberge (Carole): Bien, je dirais, nous, plus il y a de création d'organismes parallèles, de divisions, hein, de divisions ? puis on voit ça comme vraiment un gruyère, un petit morceau par-ci par-là s'éloigne de la fonction publique ? nous, ce qu'on a peur, c'est que ? la multiplication de structures parallèles, etc. ? c'est que les décideurs s'éloignent de la mission gouvernementale. Ça, ça nous préoccupe parce que chacun devient très centré sur sa petite mission de son petit organisme. Que les gens restent centrés sur la mission gouvernementale du gouvernement du Québec.

n (12 h 10) n

Puis ça, c'est un bémol important, en tout cas au regard des obligations du gouvernement au niveau des services publics.

M. Simard: Qu'est-ce que qui vous satisferait, hein? Le ministre vous écoute, là. Est-ce que ce serait la radiation, l'élimination complète de ces articles ou est-ce qu'il y aurait des balises qui vous permettraient d'être rassurés? Est-ce que c'est à la lumière du panier de services que vous pourriez avoir des garanties? Qu'est-ce qui vous permettrait de ne plus être inquiets sur ce sujet?

Le Président (M. Hamad): Mme Roberge.

Mme Roberge (Carole): O.K. D'abord, sur la nature des filiales, le nombre des filiales, quels objets, quelles missions auraient ces filiales-là, si on savait les balises, sur quelles balises porteraient les filiales, ce serait déjà rassurant. Si c'est les radiocommunications, on n'a pas de problème avec ça, je vous l'ai dit tout à l'heure, mais on aimerait savoir où ça commence, où ça finit. Et je pense que c'est la grosse limite de ce projet-là: on ne sait pas où. On sait un peu où ça commence, mais on ne sait pas où ça finit. Et on voudrait, lorsqu'on donne notre adhésion à un projet, qu'on sache clairement les tenants et les aboutissants, ce qui n'est pas clair à notre avis, au moment où on se parle. Voilà.

Le Président (M. Hamad): On va aller au côté ministériel, le député de Montmorency.

M. Bernier: Merci. Alors, bienvenue, merci d'être ici. Merci de collaborer également. Je comprends très bien votre crainte en ce qui regarde les filiales, O.K.? Tout à l'heure, j'ai élaboré sur le sujet, en mentionnant qu'il pourrait y avoir des universités, il pourrait y avoir des cégeps, il pourrait y avoir des municipalités qui sont des filiales. Et je comprends qu'au moment où on vient baliser, au moment où on vient définir quelle est la nature, quelles sont les activités en regard de ces filiales en question, à ce moment-là, on pourrait revenir à la base même du principe du projet de loi n° 85, qui est justement d'utiliser toute l'expertise et les connaissances que possèdent les ministères et organismes du gouvernement du Québec dans le but d'en assurer une plus grande responsabilité.

Je pense strictement au niveau informatique. On a un spécialiste qui est avec nous. On sait qu'il y a des ministères et des organismes qui sont beaucoup plus en avance que certains autres, hein? On sait que l'expertise des gens qui a été développée au cours des 20 dernières années, dans plusieurs cas en partenariat avec le privé, dans certains cas où les systèmes ont été développés parce qu'on n'avait pas nécessairement toute l'expertise voulue dans le temps, et qui, aujourd'hui, est davantage manipulée, davantage contrôlée par le personnel à l'intérieur des ministères et des organismes pourrait servir à d'autres ministères et des organismes dans le but de venir fournir ces conseils et d'apporter du soutien nécessaire. À ce moment-là, le ministère ou l'organisme en question devient sous-traitant, et là je pense à l'agence du revenu au niveau de la loi n° 77, qui pourra utiliser son expertise dans ces domaines-là pour aider certains organismes. Et ça, je pense que c'est positif pour l'ensemble du personnel de la fonction publique. En plus de ça, ça nous permet également de préserver, préserver les connaissances et l'expertise de ces gens-là dans un processus où on aura à vivre, d'ici les 10 prochaines années, une fonction publique qui va grandement changer au niveau de son personnel, où beaucoup de gens vont quitter pour la retraite. À ce moment-là, on doit s'assurer qu'on va avoir des disponibilités au niveau du personnel, pour être capables de poursuivre notre travail dans ce sens-là.

Donc, si on vient baliser ces choses-là, à ce moment-là, est-ce que vous croyez que ça pourrait amener, de votre part, un appui plus grand par rapport à ce projet de loi?

Mme Roberge (Carole): Très certainement, la question des filiales est une question importante. Ça, ça nous préoccupe, c'est au coeur. Comme vous le dites, ça pourrait peut-être être: que, que, que. Bien, «ça pourrait», c'est illimité, hein, par définition ? ça pourrait. On aimerait vraiment avoir des balises claires: «ça serait»; ça serait ça, ça, ça. Ça, ça cernerait quand même bien l'objet, et la limite, et la portée de ce projet de loi là.

En ce qui concerne toute la question du développement de l'expertise au sein de la fonction publique, on sait qu'il y a des ministères qui ont plus d'expertise que d'autres, etc. Nous, les professionnels, on a toujours privilégié la mobilité à l'intérieur de la fonction publique. Il y a quelques années déjà, on avait même demandé à ce qu'on ait un centre qui permettrait la mobilité du personnel de la fonction publique. On voit même qu'il y a des sous-traitants: ils ont plus de mobilité dans la fonction publique que le personnel lui-même. Ça nous inquiète parce que cette expertise-là après ça sort de la fonction publique.

Donc, toute la mobilité interne, on est de ceux-là. Mais ce qu'on entend du discours du gouvernement actuellement, il veut de la mobilité, mais, nous, en tout cas, au regard, je dirais, du dépôt patronal sur notre convention collective, c'est qu'il veut nous forcer à sortir de la fonction publique. Regarde, la mobilité vers l'externe là, nous, on n'est pas là, mais, la mobilité interne, on est de ceux-là très, très certainement. Le partage d'expertise d'un ministère à un autre, on est partisans de ça, d'une plus grande mobilité, de l'entraide, de l'entraide entre nous, puis on pense qu'on n'est pas obligé de créer des filiales, quelles qu'elles soient, pour ça. Même faire des collaborations avec d'autres, de développer notre expertise au contact d'autres groupes, on ne pense pas que ça nécessite des filiales.

Le Président (M. Hamad): M. le ministre.

M. Reid: Oui. D'abord, on a parlé tantôt de la mission et puis on apprend que le... s'éloigne de la mission gouvernementale, etc. Il faut comprendre qu'ici, avec le projet de loi n° 85, dans ce contexte, on est au niveau des services administratifs et qu'un des objectifs de la loi c'est précisément d'essayer de faire en sorte que chaque organisme, ministère puisse peut-être, quand c'est approprié, peut-être délester certaines activités qui ne sont pas directement liées à sa mission, des activités de soutien administratif pour faire en sorte qu'on puisse se concentrer davantage. Dans ce sens-là, au niveau des filiales, il n'y a pas de délestage d'imputabilité du tout. Le ministre est imputable au niveau des filiales, et il faut aussi mettre en contexte. On parle de filiales dans le domaine des services administratifs bien sûr et que ces filiales-là sont soumises totalement au Vérificateur général, sont soumises à la Commission d'accès à l'information, toute la loi d'accès à l'information. Et on va entendre d'ailleurs le Protecteur du citoyen qui a peut-être des choses à nous dire là-dessus et on va montrer beaucoup d'ouverture sur ce qui va nous être dit et demandé là-dessus parce qu'on ne veut pas en aucun cas éloigner effectivement, quand on parle de filiales, nous éloigner de l'imputabilité gouvernementale et du niveau de standard de qualité qui est exigé par nos organismes gouvernementaux.

Là-dessus, peut-être un petit point. Bon. On parlait tantôt de modes. Oui, il y a des modes de centralisation, de décentralisation, on peut remonter ça dans l'histoire, dans les gouvernements, dans les entreprises. Il faut faire attention. Il faut voir apparaître, quand c'est le cas, quelque chose qui est plus qu'une mode, un changement de paradigme. Et, ici, le changement de paradigme, il est vraiment lié à une notion nouvelle qui est celle de services partagés, qui est une approche non pas de décréter les centralisations mais qui est une approche d'inciter les autorités de la fonction publique, les différents groupes, ministères, organismes à pouvoir partager les services qu'ils possèdent, partager les expertises, et ceci, lorsque ça a du sens; ceci, lorsque ça a un impact positif. Et, dans ce sens-là, il est clair ? et vous avez bien fait de le faire remarquer ? il est clair que la centralisation puis l'économie d'échelle, ce n'est pas toujours au rendez-vous en termes de rendement. Donc, il faut avoir des critères, et on compte sur le comité, entre autres, le groupe de travail pour nous en fournir, mais, de façon continue, regarder cette question-là, trouver dans quelle mesure est-ce qu'on va avoir des regroupements de partage de services qui vont nous amener des économies d'échelle ? ça ne sera pas toujours le cas ? dans quelle mesure est-ce que ça va nous amener des regroupements d'expertises qui seront intéressants.

Et là-dessus il n'est pas question de faire de la centralisation et du regroupement de ministères et d'organismes pour en faire des gros, on se comprend bien. C'est toujours uniquement au niveau du service administratif à ces organismes-là. Et, par exemple, on peut imaginer facilement que, dans beaucoup de cas, notamment certainement des aspects de l'informatique, on pourra trouver des petits ministères ou des petits organismes qui auront grand avantage à pouvoir avoir accès à un centre d'expertise interne au gouvernement, pas un centre d'expertise privé, un centre d'expertise interne au gouvernement parce qu'on aura regroupé des forces qui existent dans d'autres ministères pour pouvoir les rendre disponibles à des plus petits ministères qui n'ont pas les moyens de se payer ce genre d'expertise là et qui ne le feront peut-être pas s'il faut aller dans le privé, étant donné les difficultés et les coûts.

Donc, il y a un intérêt à regrouper mais pas absolu. Et il faut donc se donner des critères, il faut donc se donner des modes de fonctionnement. Et là-dessus je compte beaucoup sur le rapport du groupe de travail, que je vais rendre public très rapidement, pour nous donner effectivement quel pourrait être le panier de services initial, quels pourraient être les critères qui vont faire en sorte que ça va être intéressant. Et n'oublions pas que ceux qui vont appliquer ces critères-là, ça va être les organismes, les ministères et ça va être aussi le conseil d'administration du Centre de services administratifs qui est composé encore une fois de gens de l'interne.

n (12 h 20) n

Et donc c'est vraiment ceux qui connaissent les besoins de l'interne, qui connaissent les capacités, les compétences de l'interne qui vont être aux commandes en quelque sorte des décisions qui vont mener à des regroupements ou à des non-regroupements comme tels. Dans ce sens-là, est-ce qu'il y a des éléments de ce que je viens de vous dire, là, qui amènent une nuance nouvelle dans les commentaires que vous souhaitez nous faire et dont vous aimeriez qu'on tienne compte?

Le Président (M. Hamad): En 30 secondes, Mme Roberge.

Mme Roberge (Carole): En 30 secondes. O.K., que ça relève encore de la fonction publique puis que le Vérificateur général est là, la Commission d'accès, etc., mais la centralisation, pour nous autres, ça peut amener facilement l'impartition puis ça peut amener aussi la privatisation. Vous savez, des gros DMR, des gros CGI, c'est de la centralisation de services de support, hein, aux entreprises très importants. Les gens sont inquiets là-dessus. Puis on a vu même des petits organismes, nous autres, comme le centre de recherche COREM, bien il est privatisé maintenant. Il était fonction publique au préalable, il est rendu privatisé. Donc, on voit les étapes. Mais, en ce qui concerne toute la mobilité, on est à l'aise avec ça, dans la fonction publique. Le développement de l'expertise dans la fonction publique, ça va de soi. Donc, on va être vraiment à l'affût de voir les prochaines steppettes. Merci.

Le Président (M. Hamad): Mme Roberge, M. Eubanks, M. Pelchat, M. Lévesque, merci beaucoup. Et j'aimerais profiter aussi de l'occasion, remercier mes collègues pour leur discipline et leurs questions intéressantes.

On va suspendre les travaux jusqu'à 3 h 30. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

 

(Reprise à 15 h 32)

Le Président (M. Hamad): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Avant de commencer, je demanderais à tous ceux et celles qui ont un cellulaire de l'éteindre. Il y a une pénalité de 5 $ à la minute là-dedans. Et je rappelle le mandat de la commission: la Commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 85, Loi sur le Centre de services administratifs.

Alors, au nom de la commission, je vous souhaite la bienvenue, aux représentants du Syndicat de la fonction publique du Québec. M. Sawyer, avant de commencer votre exposé, je vous demanderais de présenter vos collègues. Et vous avez 15 minutes pour la présentation, et par la suite il y aura 15 minutes de chaque partie pour poser des questions, une discussion.

Syndicat de la fonction publique
du Québec (SFPQ)

M. Sawyer (Michel): Je vous remercie, M. le Président. Pour les cellulaires, je suppose que c'est pour les parlementaires. Vous savez que nous, qui venons témoigner, n'avons pas les goussets assez forts pour verser 5 $ de pénalité. Bon. Alors, on va devenir sérieux parce que c'est sérieux, là, qu'est-ce qu'on va faire ici. Je suis accompagné de deux personnes: Johanne Laperrière, qui est du Service de la recherche de chez nous, qui a travaillé sur le projet de loi; et également Paul de Bellefeuille, qui est mon adjoint.

Alors, M. le Président, notre syndicat représente plus de 40 000 personnes, employés du gouvernement du Québec qui travaillent principalement dans les catégories d'emploi de personnel de bureau, techniciens et d'ouvriers. À titre de syndicat représentant tous ces fonctionnaires couverts par la Loi de la fonction publique, nous tenons à faire connaître nos préoccupations concernant le projet de loi n° 85, Loi sur le Centre des services administratifs. Nous remercions les membres de la commission de nous entendre à ce sujet, cet après-midi. Avec le projet de loi n° 85, le projet d'intégration et de partage des services de soutien administratif est bel et bien sur les rails. Il a même déjà été amorcé en date du 1er avril 2005, avec le regroupement des services de soutien administratif chapeauté par le nouveau ministère des Services gouvernementaux, mais ce projet comporte plusieurs risques à notre sens qui sont abordés dans notre mémoire.

La création du Centre de services administratifs aura des effets à court, moyen, long terme sur le personnel des ministères et des organismes gouvernementaux. Le Groupe de travail sur l'intégration et la rationalisation des services de soutien administratif a d'ailleurs été mandaté en septembre 2004, afin d'analyser les impacts humains, financiers et technologiques du regroupement et de l'intégration des services de soutien administratif. Il devait déposer, ces jours-ci, son rapport et ses recommandations. Je pense, si mes sources sont bonnes, il y a une partie qui aurait été déposée ce matin. Je le dis sous réserve. C'est ce qu'on m'a raconté.

Alors, au moment de la création du Centre des services administratifs, beaucoup de fonctionnaires représentés par notre syndicat seront touchés, dont ceux qui travaillent pour le directeur des achats, pour les services aériens gouvernementaux, pour le fonds de formation gouvernementale, pour le Sous-secrétariat aux services administratifs du Conseil du trésor et ultérieurement pour le Secrétariat du Conseil du trésor. En soi, ce regroupement de services ne représente pas de risque particulier pour le personnel de la fonction publique, même si le SFPQ devra s'assurer que les modalités de transfert des employés des ministères et des organismes concernés sont appliquées dans le respect des dispositions de nos conventions collectives actuelles.

Les services partagés. La mandat du futur Centre de services administratifs nous préoccupe davantage en raison de ses effets sur le personnel et sur le mode de prestation des services publics. À ce chapitre, le projet de loi n° 85 traduit la volonté gouvernementale de favoriser le partage des services de soutien administratif entre les ministères et les organismes gouvernementaux. Selon le ministère des Services gouvernementaux, le centre regroupera des fonctions de soutien administratif dans les domaines des ressources humaines, matérielles, financières et informationnelles et deviendra un centre d'excellence en matière de services partagés. Alors qu'il est mandaté pour répertorier les services de soutien administratif, le Groupe de travail sous l'intégration et la rationalisation des services de soutien administratif a confirmé, en février dernier, que certains services de soutien administratif dans les ministères et organismes seront appelés à évoluer vers des services partagés dans le domaine des ressources humaines, matérielles, financières et informationnelles. À moyen et long terme, les services partagés nuiront au maintien de l'expertise du personnel et par conséquent l'autonomie des ministères et des organismes gouvernementaux si ces services de soutien administratif sont centralisés au sein d'un centre de services administratifs. Ce sont les employés de la fonction publique et les citoyens et citoyennes qui risquent d'en faire les frais.

Premièrement, les membres du personnel du Centre de services administratifs verront leurs conditions de travail, tant qu'à nous, se dégrader. En effet, selon l'article 41, en vertu duquel le secrétaire et les autres membres du personnel du centre sont nommés suivant la Loi de la fonction publique, le personnel des filiales n'est pas automatiquement couvert par la Loi de la fonction publique. Dans des cas extrêmes, il se pourrait même que des employés de soutien administratif d'une même catégorie d'emploi qui travaillent pour le même organisme public en vertu d'une entente de gestion de services partagés aient des conditions de travail différentes selon qu'ils sont rattachés à l'organisation centrale ou à l'une ou l'autre de ses filiales.

Le projet de loi n° 85 risque de pénaliser les citoyens et citoyennes également. D'abord, il menace la gratuité et... l'universalité, plutôt, des services publics en ouvrant la porte à la tarification. En effet, le projet de loi permet que des ententes de biens et de services imposées ou contractées par les organismes publics envers le Centre de services administratifs le soient à titre onéreux pour permettre au Centre de services administratifs de se financer, tel que le prescrit la loi. Il peut même vendre des services de consultation reliés à son savoir-faire. À terme, cela risque d'obliger les ministères et les organismes à refiler leur facture aux citoyens. Ensuite, il menace la qualité des services publics, puisqu'il ouvre la porte à la sous-traitance. En effet, en vertu du projet de loi n° 85, des ententes de services avec des entreprises, des organismes régionaux, des gouvernements et des municipalités pourraient être contractées en vue d'assurer la prestation de services publics par des tiers. Le projet de loi n° 85 ouvre la porte à la sous-traitance parce qu'il permet au Centre de services administratifs de s'adjoindre un tiers pour l'application d'une entente ou d'un décret conclus en vertu de la future loi n° 85. Le recours externe n'est spécifiquement autorisé par le projet de loi n° 85 qu'en ce qui concerne Les Publications du Québec dont le Centre de services administratifs a l'appellation. Envisage-t-on d'élargir la vente de produits et de services grâce au centre et à ses filiales?

Enfin, le projet de loi n° 85 menace de porter atteinte à la vie privée des citoyens et citoyennes. En effet, dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 85 autorise la centralisation des données virtuelles, qui pourraient être à caractère personnel ou à caractère gouvernemental dans la mesure où le gouvernement peut imposer le transfert de tout document et de tout autre bien possédé par un organisme public, vers le centre. L'échange et le traitement électronique de données nominatives comporte toujours des risques de porter atteinte aux droits à la vie privée et même de favoriser l'utilisation de données confidentielles à des fins commerciales, comme le concluait la Commission d'accès à l'information. Cette menace pèse non seulement sur les sites commerciaux, mais aussi sur les sites gouvernementaux, dont ceux qui seront opérés dans le cadre du partenariat public-privé, surtout lorsque des ressources externes se voient autoriser l'accès virtuel aux banques d'informations pour réaliser des opérations de sous-traitance.

n (15 h 40) n

Compte tenu des risques qui viennent d'être énumérés, le SFPQ a formulé plusieurs demandes dans le cadre de son mémoire. Elles concernent les questions suivantes. Le libellé de l'article 41, selon lequel le secrétaire et les autres membres du personnel du centre sont nommés suivant la Loi de la fonction publique, autorise les filiales à embaucher leur personnel à d'autres conditions. Pourquoi les filiales ne sont-elles pas incluses dans le libellé de l'article 41, afin de garantir des conditions de travail décentes au personnel des filiales? L'objectif visé par le gouvernement en accordant la gestion des ressources informationnelles au Centre de services administratifs est-il le partage des banques de données gouvernementales entre les ministères, les organismes et les tiers visés à l'article 12 du projet de loi? Qui sont ces tiers? Les municipalités? Le gouvernement fédéral? Les sous-traitants? Les partenaires d'affaires? Le gouvernement a-t-il évalué les risques de porter atteinte aux droits des citoyens et citoyennes en mettant de l'avant son projet en ce qui concerne, entre autres, la divulgation d'informations confidentielles? Entend-il en informer les utilisateurs d'Internet?

Dans quel but le gouvernement crée-t-il des filiales qui sont mandataires de l'État et d'autres qui ne le sont pas, étant donné que l'article 17 prévoit que les filiales mandataires sont celles dont le centre détient la totalité des actions? Pourquoi le gouvernement ne précise-t-il pas les conditions selon lesquelles il pourrait autoriser le Centre de services administratifs à recevoir des dons et des legs auxquels sont assorties des conditions?

Nous avons quelques questionnements. Le SFPQ demande à recevoir le rapport du Groupe de travail sur l'intégration et la rationalisation des services de soutien administratif et ses recommandations dès leur dépôt, afin d'être informé des impacts humains, financiers et technologiques du regroupement des services de soutien administratif. Nous demandons à être informés rapidement des critères en vertu desquels d'autres services de soutien administratif sont évalués par le Groupe de travail sur l'intégration, la rationalisation des services de soutien administratif dans le but de les intégrer et de les rationaliser. Nous désirons également être tenus informés des ministères, et les organismes gouvernementaux et des autres organismes publics qui seront obligés de faire appel au modèle de services administratifs partagés développé par le Centre de services administratifs tel que le permet la loi.

Nous désirons également savoir en vertu de quels critères seront désignés ces organismes publics par le gouvernement. Nous croyons essentiel que les modalités d'application du modèle de services partagés respectant les droits reconnus au personnel de la fonction publique en vertu des ententes et des conventions collectives en vigueur. Nous recommandons que le projet de loi n° 85 soit modifié afin que le personnel des filiales soit nommément couvert par la Loi de la fonction publique. Nous réclamons que le Centre de services administratifs soit tenu de recourir au personnel de la fonction publique pour l'application d'ententes et de décrets conclus en vertu des futures lois 85. Nous demandons également à ce que le Centre de services administratifs dispose de toutes les ressources et de tout le personnel nécessaires pour fournir aux ministères et aux organismes ce dont il a besoin pour assurer la prestation de services de qualité à la population du Québec. Nous voulons savoir quelles mesures de maintien et de développement de l'expertise du personnel seront mises en place pour éviter le recours à la sous-traitance. Nous désirons également que les modalités d'application de la future loi n° 85 soient prévues afin d'empêcher que l'obligation de se financer ne se traduise par une augmentation de la facture des ministères et des organismes. Cela les priverait de ressources et de personnel dont ils ont besoin pour offrir des services de qualité à la population du Québec, à moins de refiler cette facture aux citoyens.

Le SFPQ réclame le maintien de la gratuité des documents publics réalisés par les ministères, les organismes et les partenaires, y compris ceux qui seront déposés au Centre des services administratifs à la demande du gouvernement, afin que ces documents restent accessibles à tous et à toutes. Le SFPQ demande finalement à ce que les utilisateurs de l'Internet soient informés des risques qu'ils encouragent lorsqu'ils transigent des données dans le cadre des services gouvernementaux en ligne, même s'ils détiennent des clés d'authentification personnelle.

Je vous dirai qu'au premier abord il nous semble que le projet de loi, qui, soit en aspect général, je m'en allais dire, semble inoffensif ? mais il n'y a rien de péjoratif ? est en train d'établir toutes les pièces nécessaires pour faire en sorte que de plus en plus de domaines des services puissent être offerts non plus par des gens de l'appareil gouvernemental, non plus par la fonction publique, mais plutôt de développer toute cette vision gouvernementale actuellement qui est de dire... et qui est dans l'optique d'un développement important de la sous-traitance, malgré qu'elle est déjà très importante dans le secteur de la fonction publique, et également dans cette vision du partenariat public-privé. C'est la brève présentation que j'avais à faire, M. le Président.

Le Président (M. Hamad): Merci. M. Sawyer, vous êtes président général du syndicat. Juste expliquer, au bénéfice de nos auditeurs, qu'est-ce que c'est, président général. C'est la première fois que je l'entends.

M. Sawyer (Michel): Président général. Premièrement, je ne suis pas un militaire, je suis un pacifique.

Le Président (M. Hamad): Et vous n'êtes pas un président particulier, vous êtes président...

M. Sawyer (Michel): Ah, je suis un président unique. Je suis le président du Syndicat de la fonction publique du Québec, mais, par rapport au «général», je vous dirai, c'est parce que l'accréditation de SFPQ est à double volet: il y a celle de l'unité des ouvriers et celle de l'unité des fonctionnaires. Et, la composante de l'organisation, on se retrouve avec 122 sections syndicales locales à travers le Québec et on a également des structures régionales, ce qui veut dire qu'on a des présidences locales, des présidences régionales. Et on a gardé le vieux vocable de «présidence générale», mais fort probablement, en 2008, je suggérerai de devenir un président national.

M. Simard: ...c'est intéressant comme nouvelle.

M. Sawyer (Michel): Je n'ai pas dit ça, mais je ne l'ai pas mis de côté. Bien, je vais profiter du trois ans qui s'annonce.

M. Simard: Je serai content de travailler avec vous.

Le Président (M. Hamad): Merci. On va passer à la période des questions. M. le ministre.

M. Reid: Oui. Merci, M. le Président. Bienvenue, M. le président général du Syndicat des fonctionnaires du Québec et à la délégation. Je vous remercie également de votre mémoire et des recommandations, qui sont, je pense, une contribution constructive à l'effort que nous faisons actuellement. Et je peux peut-être me permettre de reprendre quelques éléments que vous avez cités. Peut-être ces précisions amèneront-elles des précisions, d'autres commentaires ou vous amèneront peut-être à compléter les commentaires que vous avez déjà faits.

Bon. On a bien reçu, je pense, votre position sur les filiales. Nous avons eu l'occasion d'en parler avec d'autres groupes ce matin. Nous allons réfléchir à cette question-là de façon bien attentive. Nous avons également bien entendu vos préoccupations quant à la protection des données confidentielles des citoyens. Nous avons eu, ce matin, l'occasion de discuter avec la délégation de la Commission d'accès à l'information et on a eu aussi des suggestions très constructives que nous allons regarder attentivement, parce qu'on veut être certains que, là-dedans, le projet de loi ne vise pas en aucun cas à affaiblir ? bien au contraire ? notre position, au Québec, quant à la protection des informations confidentielles des Québécoises et des Québécois. Et donc là-dessus je pense que vous vous inscrivez dans une continuité, et nous sommes très attentifs à ces préoccupations-là.

Quant au rapport du groupe de travail, effectivement le groupe de travail n'a pas remis encore son rapport. Ça devrait se faire d'ici quelques semaines. Il y a un rapport préliminaire qui a été déposé à ma demande, pour que les membres de la commission puissent en prendre connaissance, et les différents intervenants. Nous n'avons pas de copie, mais nous allons rendre peut-être...

Une voix: ...

M. Reid: ...une déjà?

M. Sawyer (Michel): C'est déjà fait.

M. Reid: D'accord. Alors, ce que je voulais vous dire aussi, c'est que j'ai l'intention de rendre public très rapidement le rapport lorsqu'il me sera remis par le groupe de travail, de telle sorte que tout le monde puisse y trouver des réponses à des questionnements. Et certaines des questions que vous posez seront traitées par le rapport, de ce que je déduis de la conversation que j'ai eue avec les coprésidents, par exemple, la question de critères qui pourraient servir de base à des critères de choix pour savoir quels sont les services pour lesquels il pourrait y avoir vraiment des avantages. Et, parmi ces critères, grosso modo, si on se fie à l'esprit du projet de loi, il est clair qu'il y a au moins deux grandes avenues, là. Il faut très certainement qu'il y ait de véritables économies d'échelle, c'est-à-dire qu'il ne faut pas que ce soit des pseudoéconomies d'échelle. Ce n'est pas parce qu'on regroupe des choses qu'on a des économies d'échelle. Donc, il n'y a pas d'obligation de regrouper. Ce n'est une philosophie de regrouper et de centraliser, c'est une philosophie de partager des services lorsque c'est au bénéfice du citoyen et lorsque ça permet aux ministères concernés d'offrir de meilleurs services ou de se concentrer davantage sur les services qui sont directement reliés à sa mission plutôt que le soutien administratif. Donc, ça, c'est un critère important.

L'autre critère très important, enfin qui va regrouper un ensemble de critères, c'est la capacité, en faisant certains regroupements, de pouvoir créer ou développer des centres de compétence interne au gouvernement. Et ça a toutes sortes d'avantages, mais le premier avantage ? et ça correspond directement à l'une de vos préoccupations, en tout cas une de celles que vous manifestez ? c'est-à-dire, pour des domaines d'expertise qui sont importants pour le gouvernement, de diminuer la dépendance du gouvernement par rapport à des organismes externes lorsque cette compétence est externe au gouvernement.

n (15 h 50) n

Et on sait que dans certains cas la compétence s'est développée à même des contrats gouvernementaux, elle est externe au gouvernement, et on la repaie une autre fois. Je pense qu'ici il y a un objectif clair qui est poursuivi, et ça va faire partie des critères. Et le groupe de travail va donner des éléments supplémentaires là-dessus, que j'ai hâte de lire moi-même, pour nous assurer que les regroupements vont se faire. En particulier, une des motivations, c'est de créer, à l'intérieur du gouvernement, des centres de compétence. Et on a quelques exemples qui ont été faits là-dessus. Par exemple, au niveau de l'informatique, on a récupéré des compétences qui étaient dans le contexte, par exemple, des développements de GIRES, etc., on a récupéré des compétences à l'interne et on veut garder et développer ce type de compétences. Il y a plusieurs avantages. Et je ne veux pas y revenir, là-dessus, aujourd'hui.

Par exemple, si on a des centres de compétence gouvernementaux interne, ça va permettre d'autant plus à des petits ministères ou des plus petites organisations gouvernementales de pouvoir avoir accès à ces compétences-là parce qu'il n'a pas besoin d'aller à l'extérieur, il n'a pas besoin de payer le prix peut-être qu'il ne serait pas capable de payer autrement, alors qu'on aura réussi à développer ces compétences-là et aussi à donner aux employés du gouvernement qui sont intéressés de développer des compétences ? parce qu'il y a des gens qui sont intéressés à des choses générales, mais il y a des fonctionnaires qui sont intéressés aussi à se spécialiser dans un domaine de compétence ? donc de leur donner des endroits où ils pourront développer leurs compétences dans un centre de compétence et donc une motivation supplémentaire et une qualité qui va en découler, de leur travail, mais aussi de leur performance au travail en termes de ce qu'ils vont donner comme résultats aux processus gouvernementaux qui mènent aux services aux citoyens. Alors, dans ce sens-là, c'est l'orientation dans laquelle nous voulons pousser ces choses-là, et autant l'économie d'échelle pour des éléments répétitifs quand ça a vraiment un impact et que ça puisse se faire dans le respect des individus, et je voudrais vous dire aussi le respect des conventions collectives, parce que tous les employés de ce centre-là, il est clair que c'est couvert par les conventions collectives, par les lois de la fonction publique.

Et donc là-dessus je comprends, et c'est tout à fait votre rôle de manifester des inquiétudes là-dessus et d'être sûrs que ça va se faire, mais c'est bien notre intention et c'est tel quel dans même le projet de loi. Il y a des garanties législatives là-dessus. Et donc l'intention est de faire en sorte qu'on puisse véritablement dégager pour les ministères et les organismes concernés des marges de manoeuvre qui permettent de se concentrer davantage sur les services que seul le ministère ou l'organisme est en mesure de reproduire ou de faire, c'est-à-dire, alors que les services de soutien sont souvent des services, pas toujours, mais sont souvent des services ? et c'est ceux-là qui nous intéressent ? qui sont les mêmes pour plusieurs organisations ou plusieurs ministères. Et là on a un intérêt possible à les regrouper. Encore une fois, la plupart des regroupements se feront sur une base volontaire. Les regroupements obligatoires, mis à part ceux qui existent déjà, qui le sont déjà, depuis plusieurs années, les regroupements obligatoires seront des exceptions, à toutes fins pratiques. La base des services partagés de cette philosophie-là, c'est une base d'adhésion volontaire de la part des organismes concernés.

Et donc là-dessus il y a encore une fois là un élément de motivation parce que ça veut dire qu'on peut se concentrer, si on est dans un ministère ou un organisme, sur la mission davantage de ce ministère. Et ceux qui sont davantage intéressés au soutien administratif, bien ils pourront, si ça les intéresse, migrer vers, par exemple, des centres d'expertise ou des centres d'application, et c'est là où les choses doivent se faire dans le respect, comme vous le demandez, des conventions collectives. Et c'est bien notre intention. Là-dessus, il n'y a aucune... Les bénéfices en soi, pour le citoyen et pour les employés de la fonction publique, de mettre en place des regroupements volontaires lorsque c'est utile sont très grands en soi, alors il n'y a pas besoin, comme on dit, de chercher des chevaux de Troie ? on a entendu ce mot-là ce matin ? parce que ce n'est pas ce qu'on faire. Donc, s'il y a une place où on pense qu'il y aura des chevaux de Troie, on écoute, on est attentifs puis on va essayer de faire en sorte que tous ensemble, à cette commission, de fermer ces portes-là. Alors, là-dessus je ne sais pas si mes commentaires vous amènent à compléter vos commentaires ou à nuancer peut-être?

M. Sawyer (Michel): Vous savez, à chaque fois que je viens dans des commissions parlementaires, bien je change souvent de président, ça me permet d'avoir une carte de visite pour les rencontres. Mais, au-delà de ça, entre le discours qui est donné et la vie sur le terrain, parfois c'est deux mondes. Et, moi, je suis d'une école où, je vous dirai, que souvent je dis: des fois, c'est dans les petits gestes, hein, la première réaction qu'on a le fond. Je peux bien vous faire un beau discours puis tout vous détester, mais souvent, juste par la poignée de main, on voit.

Vous savez, l'exemple que je vais donner est tout récent parce qu'on parle de vouloir en fait centraliser et confirmer la notion de l'expertise. Nous, on a une préoccupation importante, elle est reliée aussi à la négociation ? mais je ne suis pas ici pour la négociation la sous-traitance. Et, au niveau informatique ? vous l'avez touché ? on va s'entendre, là, j'ai ici une liste puis je suis assuré qu'elle est partielle, mais ça, c'est juste de la sous-traitance au niveau informatique qui est énormément en développement, puis on sait qu'au niveau gouvernemental l'informatique est une pierre angulaire importante dans le cadre du fonctionnement. L'exemple que je vais vous donner, ce ne sera pas ça. Je ne vous parlerai pas des contrats de sous-traitance qui dépassent des centaines de millions; Curateur public. Petits gestes, petits cas.

À la curatelle publique, actuellement on donne, en sous-traitance, des contrats pour les rapports d'impôts pour la succession, ce qui veut dire des gens qui sont à la curatelle, qui décèdent. Il faut qu'ils fassent les rapports d'impôts, et ainsi de suite, pour les successions, et c'est donné en sous-traitance. Dernièrement, l'automne dernier, dans un cadre de discussion, on a établi le coût de la sous-traitance. On parlait de 250 quelques millions... pas millions, 250 quelques mille dollars. Et, dans le cas qui nous préoccupait, ça représente deux techniciens en vérification fiscale et un professionnel, un agent de gestion. Si on les prenait en régie, ce qui veut dire à l'interne, on économiserait environ 123 000 $. Et ce qu'on nous a dit à ce moment-là ? bien, premièrement, nous, on calculait du premier échelon, mais, même si on les mettait à la moitié de l'échelon, il y aurait une économie significative ? et ce qu'on nous a dit: Bien, il n'y a pas une notion de coût et revient, la sous-traitance n'est plus reliée. C'est ça. Et on le dit ouvertement, c'est ça qui est... Alors, je me dis toujours: Quand on dit ouvertement, c'est parce qu'on est rendu pas mal loin, là. Alors, on dit ouvertement: Même si ça nous coûte plus cher, aller en sous-traitance, c'est l'optique que l'on prend. Bon. Ça, c'est un petit exemple.

Sur la notion du respect des conventions collectives, je vous dirai, je n'ai pas vraiment de crainte. De toute façon, il y a des mesures légales. La problématique est toute dans le cadre du renouvellement. Nous, actuellement, on a 729 personnes, là, par rapport au premier lot du regroupement au ministère des Services gouvernementaux, qui sont de notre unité de négociation, qui sont touchés à ça. Ces gens-là rentrent dans la moyenne, là, actuelle. D'ici une dizaine d'années, il y en a au moins un sur deux qui risque de partir. Et c'est à ce niveau-là actuellement que, nous, on est préoccupés. Parce que, la mesure, on peut dire: On veut maintenir l'expertise, mais, lorsqu'il y a des départs, ça rouvre la porte. Et, à partir de là, c'est là qu'on crée de plus en plus une... la sous-traitance ou, vous avez le terme, les filiales, là. En tout cas, il y a des filiales, il y a des sous-filiales. En tout cas, ce n'est pas de même que vous l'appelez, mais vous savez ce que je veux dire. Il y en a qu'on possède tout puis il y en a d'autres qu'on ne possède pas tout. Bon. Mais, en bout de ligne, on se retrouve à ce niveau-là.

Moi, je vous dirai, je suis un jeune fonctionnaire, j'ai 37 ans de service dans la fonction publique. Et, depuis les dernières années ? même je peux aller 10 ans en arrière, pas juste deux ans, là ? même 10 ans en arrière, au niveau de l'ensemble des effectifs, à un moment donné, ça a été relativement stable, mais, aujourd'hui, on est en régression globale. Et actuellement les chiffres, c'est sur les cotisants. Moi, je trouve que c'est les chiffres les plus neutres que je peux avoir: c'est des gens qui paient de la cotisation syndicale au syndicat. Je vous dirai que la moyenne que l'on avait au mois de novembre 2004 par rapport à 2003 est d'environ 750 personnes de moins, parce que je sais que des chiffres... On me dit qu'il y en a 3 000 à Québec, à Montréal. En tout cas, je ne sais pas où ils sont, mais en tout cas, chose certaine, ils ne sont pas des gens qu'on représente, et on est en régression.

Et c'est pour ça que je disais ? d'ailleurs, en introduction du mémoire, on l'indique: Le projet de loi comme tel, je veux dire, l'idée de concentrer, de dire: On peut-u s'organiser, faire en sorte d'avoir, s'il y a de l'impression, tout ça, on centralise ça pour avoir une bonne coordination, permettre à un petit ministère. Il n'a pas besoin d'avoir un service de reprographie. Ça, là, c'est la règle du gros bon sens. Il n'y a pas de problématique. La problématique est à l'effet que, si on ne s'enligne pas en disant: Ça, ça doit rentrer cependant dans la vision ou la mission gouvernementale, en soutien, pas nécessairement, mais dans la mission gouvernementale, bien, à ce moment-là, si j'ai des départs, ça nous permet de faire en sorte qu'on est capables de consolider. Et là, ce qu'on se retrouve, on ne consolide pas. Mais c'est la première réaction. J'aimerais être fâché aujourd'hui. Je ne le suis pas, mais je vous mets en garde, comprenez-vous? Parce que ce que vous dites, c'est sûr qu'il y a des choses.

Au niveau de la notion de l'expertise, tout le monde dit qu'il faut garder l'expertise dans la fonction publique, mais pratiquement, actuellement, il n'y a pas de mesure pour conserver l'expertise. Tout le monde dit qu'il va y avoir 32 000 départs dans la fonction publique, puis il va y en avoir un sur deux qui va être engagé.

n (16 heures) n

Oui, je regarde ça d'un côté positif. Je ne dis pas: Un sur deux qui ne sera pas remplacé, je dis: un sur deux qui va être engagé, mais il n'y a aucune mesure concrète pour permettre que justement, cette nouvelle génération qui arriverait, que l'expertise ne se perde pas. C'est un petit peu dans ce cadre-là.

Le Président (M. Hamad): Terminé. Alors, on va passer au côté de l'opposition.

M. Simard: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de saluer Mme Laperrière, M. Sawyer et M. de Bellefeuille, votre adjoint. On se revoit régulièrement, évidemment sur des dossiers qui vous concernent. Vous avez noté tout à l'heure ? et je pense que là-dessus vous avez déjà une certaine pratique dans le passé, et c'est pour ça que vous insistez là-dessus ? c'est la différence qu'il y a toujours ? et je m'adresse avec beaucoup de candeur, là, ici, à vous mais aussi au nouveau ministre ? entre le texte d'un projet de loi et les intentions manifestées par le ministre. Le problème d'une loi, c'est qu'une fois qu'on l'a adoptée elle est là, et d'autres ministres avec d'autres intentions peuvent l'utiliser. Si elle permet des choses, il n'y a rien qui empêche le ministre de l'utiliser.

Il y a deux aspects, là, qui sont au coeur de votre présentation, c'est la notion de tiers, la notion de création de filiales et ? nous en avons beaucoup discuté dans le cadre d'une autre loi ? celle de la création des partenariats public-privé. On nous dit: Non, non, ça va être parfaitement contrôlé, ce n'est pas du tout la porte vers une privatisation. Mais à la limite pourquoi c'est là si ça ne permet pas ça? Et l'autre question, qui est aussi troublante, et on se demande aussi pourquoi c'est là, c'est toute la question que le projet de loi permet au ministre de décider de forcer un organisme ou un ministère de passer par l'intermédiaire actuellement dans le projet de loi, actuellement dans le projet de loi.

Une voix: ...

M. Simard: Pardon.

Une voix: ...

M. Simard: Le gouvernement, vous avez raison, le gouvernement. Mais évidemment le gouvernement là-dessus va fonctionner sur recommandation du ministre ou d'un ministre. Et la distinction est utile à noter. C'est quand même un niveau d'exigence plus élevé. Mais il n'en demeure pas moins que, si ce n'est pas souhaitable, pourquoi le retrouve-t-on dans un projet de loi? Et j'espère qu'à la fin de cet exercice ? en tout cas vous semblez présenter là-dessus une inquiétude ? moi, je plaide pour qu'on ne mette rien dans un projet de loi qui aille à l'encontre même de l'esprit de ce projet de loi, parce que l'esprit de ce projet de loi, ce n'est pas de mettre fin à la compétition et ainsi faire en sorte que les coûts deviennent plus élevés.

S'il y a des ministères qui font mieux ça que d'autres, là, pourquoi seraient-ils forcés, eux, de passer par cet organisme, cette agence qui a des qualités? Alors, bon, j'ai ouvert deux pistes, mais j'aimerais bien entendre vos réactions à ce moment-ci.

Le Président (M. Hamad): M. Sawyer.

M. Sawyer (Michel): Oui, M. le Président. Au niveau des tiers, là ? puis je pense que vous êtes mieux placé que moi dans le quotidien, là ? je pense que la raison de faire, elle est omniprésente. Je ne dis pas que, le projet de loi, c'est ça, votre intention, je ne pense pas, là. Je ne vous connais pas encore assez pour vous condamner à ça au moment où on se parle. Mais il n'en demeure pas moins qu'en bout de ligne le danger est à ce niveau-là.

Prenez, au centre de reprographie, actuellement les gens qui travaillent là, au quotidien. Eux, là, dans leur échéancier, psychologiquement, ils se disent: Un jour ou l'autre, on va s'enligner dans le cadre d'un partenariat, soit qu'on va donner directement au privé ou on les fait aujourd'hui, dans le cadre de la fonction publique, mais ça va être refilé en quelque part. Et un des éléments importants, c'est que ? je suis obligé de faire le lien parce que, moi, j'ai toujours cru qu'on ne faisait rien inutilement ? alors, actuellement, dans la fonction publique, chez nous, là ? moi, je connais pas mal ma gang, là ? j'ai 25 % des effectifs qui sont des employés occasionnels. Dans le cadre de la négociation ? puis il y a un projet de loi qui va nous tomber dessus, à un moment donné, qui est la modification à la Loi de la fonction publique ? on veut modifier des modalités au niveau de la cession. Actuellement, un fonctionnaire qui travaille dans un ministère, si on veut céder son entité à l'extérieur de la fonction publique, il doit accepter, sinon on ne peut pas le céder. Il peut y avoir une entente de prêt de services, mais il appartient toujours à la fonction publique.

Actuellement, dans le cadre de la négociation, cet aspect-là, c'est qu'on veut faire sauter cet aspect de refus. Alors, mettez-vous actuellement, dans un cadre donné, où, quand on regarde l'ensemble de l'évaluation, on nous dit: Il faut aller sur les missions essentielles du gouvernement, on a également ce droit, cette modalité-là qu'on veut mettre de côté. Les gens, en bout de ligne, disent, là: En quelque part, je vais être coincé à un moment donné, dans la track. Ça risque d'arriver à ça. C'est pour ça. Lorsque vous dites: Nous voulons consolider l'expertise, bien, si on regarde la façon que c'est fait, il n'y a aucune garantie qu'au niveau, par exemple, des filiales donc qui sont majoritairement au niveau du gouvernement, là ? c'est le gouvernement qui possède dans son entité ? ces gens-là sont couverts par la Loi de la fonction publique. Et la Loi de la fonction publique, quand on parle de conditions de travail, ça veut dire: c'est un domaine à caractère comparable.

Et on a parlé de l'agence. Puis j'ai eu l'occasion d'en parler avec votre collègue, là, la présidente du Conseil du trésor, puis avec d'autres. D'ailleurs, ça a commencé avec le ministre Després, sur l'article 45, alors c'est constamment en évolution. Si on regarde tout ça, c'est pour ça tantôt je disais: On se retrouve un peu avec un projet de loi qui au départ est logique, de regrouper comme tel, sans obligation, comme vous l'avez amené, là, mais de consolider les choses, il n'y a pas de problématique. Mais, à partir du moment où je commence à avoir des filiales, qu'il n'y a pas d'obligation qu'elles relèvent de la Loi de la fonction publique, à partir de là, je commence à les sortir d'un cadre juridique qui est reconnu aujourd'hui, qui existe aujourd'hui, et c'est là toute cette notion de problématique.

Moi, la bataille qu'on fait, nous, là, ce n'est pas une bataille d'accréditation, c'est véritablement dans le cadre de dire: Il y a une expertise gouvernementale qui a été, à travers les années, en évolution, et on ne peut pas se permettre de la perdre. Pourquoi on ne peut pas se permettre de la perdre? Parce qu'en la perdant on devient, je vous dirai, de façon toute simple, on devient locataire. Moi, j'ai toujours considéré que le gouvernement était le propriétaire, puis, quand tu es propriétaire, tu mènes tes affaires, et, à partir du moment où je cède ailleurs et j'en perds dans le fond le contrôle, bien, là, je me retrouve locataire. En d'autres termes, je me trouve à subir. Ça ne sera pas demain matin, là, je suis bien conscient de ça, mais c'était l'exemple que je vous donnais tantôt par rapport au renouvellement des effectifs, comment ça va se faire. Je perds.

Il y a des services actuellement qui peuvent être visés à l'intérieur, mais je n'ai pas de cas précis ? il doit y en avoir, sinon je vous le donnerais ? mais qu'il y a des services où il n'y a plus personne d'employé permanent, c'est des employés occasionnels qui effectuent l'emploi. Entre nous, là, juste un petit secret, ce ne serait pas intéressant, à un moment donné, de dire: Bien, là, vu que je n'ai pas d'employés permanents ? puis je ne considère pas qu'il devrait y avoir des emplois permanents ? les occasionnels, surplus de travail, pourquoi ne pas l'envoyer à un tiers ou l'envoyer à un sous-traitant et dans tout ce cadre-là, ce qui fait en sorte qu'à un moment donné on peut se retrouver avec un organisme central qui mène les grandes lignes mais qui dans le fond passe par des sous-traitants, en tout cas des tiers, et ça, c'est un des éléments qui, nous, nous préoccupent énormément actuellement. Je vous le dis, là. Parce que, si je regarde la situation actuelle, les enjeux, de la façon qu'on se retrouve, presque à certains égards, je dirai, en confrontation malheureusement, parce que ce n'est pas agréable d'être en confrontation, c'est sur ces aspects-là, à bien des niveaux.

Alors, au niveau du centre d'expertise, à l'intérieur, on l'a précisé, il y a beaucoup d'imprécisions. En tout cas, là, je vous remercie puis je pense que le message a été compris.

Le Président (M. Hamad): ...vous demander d'aller plus succinctement un peu, pour laisser à mes collègues...

M. Sawyer (Michel): Alors, bien... un petit peu de tout.

Le Président (M. Hamad): Oui, on voit ça, mais là on va...

M. Sawyer (Michel): Bon. Bien, là, j'ai arrêté.

Le Président (M. Hamad): ...on va aller un petit peu dans...

M. Sawyer (Michel): ...

Le Président (M. Hamad): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Je ne veux pas vous interrompre, M. le président du syndicat, mais, juste pour peut-être retourner le problème à l'envers, si on pouvait regarder la chose dans l'autre sens, u'est-ce qui empêche, dans le projet de loi actuel, qu'est-ce qui empêche l'État de sous-traiter ou de transformer en partenariats public-privé à peu près toutes les fonctions ? je vais employer le mot chinois, là ? le «back office» du gouvernement. Qu'est-ce qui ferait obstacle, dans ce projet de loi, à un gouvernement qui déciderait d'appliquer ce projet de loi là et qui déciderait de faire que la reprographie, les communications, toutes les fonctions d'édition, toutes les fonctions, disons, qui ont leur correspondance dans le privé... Il y a des gens qui font l'équivalent ailleurs. Qu'est-ce qui empêcherait, dans ce projet de loi, le gouvernement d'aller vers une privatisation quasi complète du «back office»?

n (16 h 10) n

M. Sawyer (Michel): Bien, écoutez, je vais être très court, je n'ai rien trouvé, là. La seule chose dans les constats terrains qu'on peut faire, c'est plutôt à l'inverse.

Je dois vous avouer que, quand on regarde le Service aérien gouvernemental, là, bon ? il y en a beaucoup qui ont ça a l'oeil ? ou la reprographie, ce n'est pas un service qui est non plus en progression. De plus en plus, il y a de la sous-traitance à ce niveau-là. En tout cas, moi, dans le projet de loi ? puis, s'il y a quelque chose que je n'ai pas vu, gênez-vous pas, profitez-en pour me le dire, là ? mais, moi, je n'ai pas rien vu de ça, sinon j'aurais dit: Il faut l'élargir plus, mais il y a déjà quelque chose qui est bien. Mais on a travaillé là-dessus, là, puis on n'a rien trouvé.

M. Simard: Des tiers, il y en aura toujours, là. On achète pour des centaines de millions de biens et services. On ne va pas ouvrir une compagnie de téléphone puis on ne va pas fabriquer des papiers au gouvernement, là. Les tiers, ils seront toujours en lien avec l'État, là. Le mot «tiers» ne doit pas nous faire peur en lui-même.

M. Sawyer (Michel): Non, non il ne fait pas peur, mais...

M. Simard: Par contre, lorsqu'on parle de filiales, quelles sont les conséquences possibles de l'extension maximale de l'utilisation de cette possibilité?

M. Sawyer (Michel): À partir du moment où je dégage, là, ça ouvre la porte à quelqu'un qui intervient. C'est sûr que je n'avais pas en tête les papetières, mais, vu que vous avez ouvert la porte, je vous dirai, parfois, quand on regarde le financement qu'on donne aux papetières, c'est aussi bien peut-être de les prendre comme propriétaires. Mais ça, c'est un autre domaine, je ne suis pas à la bonne place, là.

Mais, à ce niveau-là, je dois vous avouer qu'il est évident... Moi, je suis obligé de... Ce n'est pas le même ministre ou la même ministre. La présidente du Conseil du trésor m'a dit toujours: Il faut être en mesure de s'occuper des missions essentielles de l'État. Bon. Bien, quand je regarde le courrier, là, à moins que ce ne soit un courrier du coeur, bien, en tout cas, je ne suis pas sûr que ça rentre, ou la reprographie, à ce niveau-là. On va-tu s'entendre? Je veux dire, il y a de l'argent à faire. Et pourquoi on est si opposés à de la sous-traitance? C'est simple, hein? Il n'y a aucune entreprise privée que je connaisse qui est en affaires pour perdre de l'argent, aucune. Si vous en connaissez une, donnez-moi-la, là, je vais aller les féliciter.

Le Président (M. Hamad): Alors, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, vous avez une question.

M. Picard: Merci, M. le Président. M. Sawyer, à la lecture de votre mémoire, vous indiquez aussi que vous avez des craintes concernant une certaine application de tarifs, parce qu'on est habitués à certains tarifs avec ce gouvernement-là. Et vous indiquez qu'il faudrait éviter qu'il y ait une facturation entre le centre et les différents ministères, parce que la facture va être refilée aux citoyens. Et est-ce que vous iriez jusqu'à dire que le service devrait être gratuit, le centre devrait être une entité gouvernementale qui offre des services gratuits aux ministères, donc il n'y a pas de facture de refilée? Parce que le danger de faire de la facturation entre entités du même gouvernement, c'est de l'argent de Monopoly qu'on s'échange, là. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Sawyer (Michel): Écoutez, ça va être relativement simple. Actuellement, si un ministère fait une production ? prenons la reprographie, je trouve que celle-là, elle est plus simple, là ? bon, il y a un coût qui est relié à ça. À partir du moment où même on peut obliger le ministère de passer par le centre, il va y avoir une tarification parce que le centre doit s'autofinancer. Ce qu'on souligne, c'est que le danger, c'est qu'à un moment donné, en centralisant ça, il n'y a plus nécessairement de contrôle sur la tarification. Et, au niveau des ministères, on va s'entendre, actuellement ils risquent de refiler en quelque part le coût.

Vous savez, moi, là, quand je suis rentré ? ça fait quelques années, je vous l'ai dit tantôt ? un projet de loi, ça coûtait 0,50 $. Ce n'était pas les publications. En tout cas, à l'époque, en tout cas, celui qui l'imprimait, là, je ne me souviens plus du nom, ça fait quelques années. Bon. Bien, aujourd'hui, tu va acheter un projet de loi ? malgré qu'on peut l'avoir gratuitement sur Internet, c'est bien ? mais, si on va l'acheter puis on veut l'avoir en beau papier, je dois vous avouer que c'est rare que c'est en bas 12 $ à ce niveau-là. Mais tout ça pour dire: Dans le fond, c'est la base de la notion du contrôle. Actuellement, si ça coûte un montant à un ministère qui le refile au centre administratif, la problématique n'est pas à ce niveau-là. C'est à partir que j'ai une double tarification, ça fait en sorte que j'ouvre un marché.

On va s'entendre sur les publications légales et législatives. Il y a plusieurs imprimeurs, des librairies légales. Notamment, j'en connais une très bien, en face du palais de justice à Montréal, qui publie tous les textes de loi, et ainsi de suite, et je dois vous avouer qu'à bien des égards parfois ils reviennent moins chers de les acheter d'eux autres que de les acheter de la maison-mère qui est le gouvernement, de l'éditeur ou la version originale. Et c'est dans ce contexte-là qu'on dit: À partir de là, si le coût revient plus bas en bas, donc j'ai moins de demande. Si j'ai moins de demande, à partir de là, bien, je veux dire, pourquoi les produire si le marché est ailleurs? Donc, je ne coupe pas le service, mais, à un moment donné, je dis: ça donne quoi? Je publie 1 000 projets de loi puis j'en vends 25. Ça me donne quoi?

Le Président (M. Hamad): Merci.

M. Sawyer (Michel): Je suis docile, hein?

Le Président (M. Hamad): Oui, c'est...

M. Sawyer (Michel): ...à la présidente du Conseil du trésor.

Le Président (M. Hamad): Vous êtes généralement docile. Le mot «général» revient encore. M. le ministre, vous avez une minute.

M. Reid: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais juste, en terminant et en vous remerciant, indiquer que, si effectivement on prend la peine de faire un projet de loi qui va dans ce sens-là, ce n'est certainement pas parce qu'on a l'intention de privatiser tout. Ce serait plus simple de privatiser puis de ne pas faire un projet de loi. Donc, si on fait un projet de loi, c'est effectivement parce que nous avons la conviction ? et vous allez voir que c'est aussi celle au moins des deux coprésidents, j'imagine, de tout le groupe de travail ? nous avons la conviction que les fonctionnaires de l'État québécois ont la capacité, si on leur donne les moyens ? les moyens, ça veut dire des structures, ça veut dire des organisations, ça veut dire des tarifications qui sont adéquates, ça veut dire tout ça ? si on leur donne les moyens, on est persuadés et je suis personnellement convaincu qu'ils peuvent faire aussi bien sinon mieux que n'importe qui dans le privé, parce qu'il n'y a pas en plus la nécessité d'avoir un profit au bout.

Et donc, tous les endroits où c'est possible de faire ça, on voudrait donner à nos fonctionnaires et aux citoyens du Québec la possibilité d'avoir un service adéquat, d'avoir un service qui se fait à un prix, et à une efficacité, et un niveau de qualité qui est largement comparable à ce qui se ferait à l'extérieur, et ceci, à l'intérieur d'un ensemble qu'on contrôle mieux, c'est-à-dire celui de la fonction publique, avec des employés qui sont motivés effectivement à rendre service aux citoyens.

Et là-dessus, moi, je voudrais terminer en vous invitant à travailler avec nous, en étroite collaboration, pour être sûrs que le projet de loi... Et on ne peut pas tout écrire, hein, vous savez. C'est comme une convention collective, il faut aussi travailler ensemble après coup, travailler ensemble pour être certains que nous puissions offrir à nos fonctionnaires québécois la possibilité de montrer ce qu'ils savent faire.

Le Président (M. Hamad): Merci, M. le ministre. Au nom de mes collègues, on aimerait vous féliciter pour votre élection ? on ne l'a pas dit au début votre élection à titre de président général de votre syndicat. Alors, Mme Laperrière, M. Sawyer, M. de Bellefeuille, merci beaucoup. Et j'ajourne les travaux de la commission au jeudi 14 avril 2005, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 16 h 17)

 

 


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