(Dix
heures cinquante minutes)
Le Président
(M. Simard) : Alors, chers amis, bienvenue à toutes et à tous.
Nous entamons cette dernière journée de consultations. Comme nous avons quorum,
nous pouvons entreprendre nos travaux.
Et,
comme vous le savez, nous sommes réunis afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 3,
Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux.
Mme la secrétaire,
bonjour. Aurions-nous des remplacements ce matin?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président,
M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par Mme Setlakwe
(Mont-Royal—Outremont) et
M. Bouazzi (Maurice-Richard), par M. Marissal (Rosemont).
Auditions (suite)
Le Président
(M. Simard) : Alors, merci. Bienvenue à ces collègues. Ce matin,
nous entendrons deux groupes et nous
commençons par l'Institut de la
statistique du Québec. Madame,
monsieur, je vous vois accompagnés des
membres de votre équipe qui sont derrière vous. Alors, bienvenue à tous et à
toutes. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, s'il vous
plaît?
Institut de la statistique du Québec (ISQ)
M. Bergeron (Simon) : Oui,
bonjour, M. le Président. Je suis Simon Bergeron, statisticien en chef à
l'Institut de la statistique du Québec.
Mme Caris
(Patricia) : Patricia Caris, statisticienne en chef adjointe à
l'institut également.
Le Président (M. Simard) : Soyez
les bienvenus, et vous savez que vous disposez d'une période de
10 minutes.
M. Bergeron (Simon) : Parfait.
Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de
l'Assemblée nationale, bonjour à tous et à toutes. Je suis Simon Bergeron,
statisticien en chef de l'Institut de la statistique
du Québec, et je suis accompagné aujourd'hui de Mme Patricia Caris,
statisticienne en chef adjointe, responsable du secteur de l'accès aux données et de la démographie. Nous sommes
reconnaissants de nous avoir invités à partager notre point de vue et de nous
permettre de communiquer certains éléments liés à notre pratique et à notre
expertise.
L'importance du
projet de loi n° 3 ne fait aucun doute pour l'ISQ. Le projet de loi à
l'étude propose des mécanismes qui sont complémentaires à ceux en place à
l'institut, et nous poursuivons aussi des objectifs qui sont similaires à ceux
prévus au projet de loi. Comme vous, nous voulons que les données sur la
population du Québec soient utilisées le plus fructueusement possible tout en
respectant les principes de confidentialité et de sécurité de l'information. Nous espérons que notre passage ici
contribuera à la discussion sur les grands enjeux de l'accès aux données,
et en particulier dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Je voudrais d'abord
prendre quelques minutes pour situer le rôle de l'institut dans le vaste
dossier de l'accès et de l'utilisation des données. L'ISQ poursuit l'objectif
d'utiliser au mieux les informations dont nous disposons collectivement. Pour remplir son mandat en tant
qu'agence statistique gouvernementale, l'ISQ doit fournir des informations
statistiques qui sont fiables et objectives quant à tous les aspects de la
société québécoise. Il doit également produire, analyser et diffuser de l'information statistique pour les ministères et
les organismes ainsi que pour la société en général.
Plusieurs secteurs
gouvernementaux ont de l'information qui pourrait aider à mesurer les résultats
liés à la livraison des services publics,
mais aussi à comprendre les grands enjeux de la société. Une bonne utilisation
de ces données permettrait de mieux répondre aux besoins des citoyens,
notamment en matière de santé et de services sociaux, mais encore faut-il le faire sur les bases qui sont
acceptables pour les Québécoises et les Québécois qui confient l'information
aux organismes publics afin d'obtenir des services. On se doit, donc, de
respecter les standards les plus élevés en matière
de sécurité et de protection de renseignements personnels. Nous savons que les
fuites de données contribuent, avec raison, à inquiéter la population.
Mais revenons plus
spécifiquement à l'apport de l'ISQ. Nos activités sont encadrées par une loi
qui garantit le respect des mesures de protection des renseignements
personnels. Nous appliquons des standards reconnus par des organismes statistiques de partout dans le monde,
incluant Statistique Canada. Dans les dernières années, le gouvernement a
bonifié les moyens de l'ISQ et a accru son mandat en matière d'accès aux
données. Je pense, entre autres, à l'ouverture d'un guichet de service aux
chercheurs voulant obtenir des renseignements détenus par les ministères
et les organismes. Ce guichet est en place depuis 2019.
Au départ, les chercheurs avaient accès aux
données du ministère de la Santé et des Services sociaux et de la Régie de
l'assurance maladie du Québec, puis le gouvernement a permis l'ajout des
données provenant du ministère de l'Éducation et du
ministère de l'Enseignement supérieur. Si on tient compte aussi des données
d'enquêtes menées par l'ISQ, parce qu'évidemment l'ISQ mène beaucoup, beaucoup
d'enquêtes, cela présente un potentiel inouï pour la recherche. L'ajout des
données de ces secteurs est venu confirmer que le mandat qui est confié à l'ISQ
évolue dans une perspective multisectorielle.
C'est ainsi que s'ajouteront les données du
ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale ainsi que celles du ministère de l'Immigration, de la
Francisation et de l'Intégration. Les données de Revenu Québec devraient
également être accessibles sous peu. À ce jour, l'équipe du guichet a traité
plus de 350 demandes de chercheurs. Plusieurs améliorations ont été mises
en place afin de faciliter le dépôt et le suivi des demandes. Nous en faisons
état dans notre mémoire.
Toujours dans l'idée d'améliorer l'accès aux
données, la Loi sur l'Institut de la statistique a été modifiée en juin 2021. L'ISQ assure depuis la communication
des renseignements détenus par des organismes publics aux chercheurs qui
sont liés à un organisme public. Le gouvernement peut maintenant désigner des
renseignements qui sont détenus par un
organisme public afin qu'ils puissent être utilisés par l'ISQ ou communiqués,
toujours à des fins de recherche, aux chercheurs qui sont liés à un
organisme public.
C'est cela, d'ailleurs, qui a été fait avec
l'adoption de décrets en juin 2022, donc l'an passé, pour désigner certaines
banques de données du ministère de la Santé et des Services sociaux, de la
RAMQ, du ministère de l'Éducation et du ministère de l'Enseignement supérieur.
Un autre avantage de ces modifications législatives est que l'ISQ peut maintenant communiquer aux chercheurs
les renseignements qui sont désignés, dont je viens de parler, sans qu'il soit
nécessaire d'obtenir, à chaque fois, l'autorisation de la Commission d'accès à
l'information. Enfin, dans le but de
tenir compte de l'opinion et des conseils de l'ensemble de la communauté de
recherche, l'ISQ a créé un comité composé d'utilisateurs représentatifs
de leur domaine.
Permettez-moi maintenant de vous entretenir sur
la complémentarité du projet de loi n° 3 et de nos
services. Le modèle ISQ vise les données détenues par les ministères et
organismes publics, alors que le modèle prévu par le projet de loi n° 3 vise d'abord l'accès aux renseignements de santé
et de services sociaux, y incluant les données cliniques des
établissements. Dans les deux cas, l'objectif est d'améliorer la qualité des
services offerts à la population et de permettre
une gestion basée sur les besoins des personnes et la consommation... la
compréhension de la consommation des services publics.
Sachez que plusieurs des propositions du projet
de loi n° 3 prévoient des modalités qui sont déjà en
place à l'ISQ. L'ISQ a d'ailleurs élaboré un grand nombre de documents et de
mécanismes qui lui permettent d'encadrer ses activités,
toujours d'accès à la recherche, pour bien accompagner les chercheurs. Je
pense, entre autres, à la possibilité d'accéder à un renseignement sans
le consentement de la personne concernée, mais en s'assurant que l'on ne puisse
jamais identifier la personne, tout en
respectant les principes de confidentialité, et ce, dans des environnements
sécurisés. Ces modalités sont assorties d'outils élaborés au fil des
années, qui pourront être partagés avec les responsables du ministère de la
Santé et des Services sociaux.
Autre point d'intérêt, le projet de loi n° 3 prévoit la mise sur pied de centres d'accès pour la
recherche, une autre similitude avec le
mécanisme implanté par l'ISQ, et qu'on retrouve ailleurs dans le monde. L'ISQ a
développé des centres d'accès aux données de recherche de l'ISQ. On les appelle
les CADRISQ. Ils sont en activité depuis une vingtaine d'années. Ils
fournissent un modèle d'accès du même type que celui des centres de données de
recherche de Statistique Canada.
Trois nouveaux CADRISQ ont été ouverts au cours des dernières années, ce qui
porte leur nombre à cinq, répartis à Montréal, à Québec et à Sherbrooke.
Un sixième ouvrira prochainement au centre hospitalier Sainte-Justine.
Dans l'environnement sécurisé de l'ISQ, le
chercheur a accès à un ensemble de logiciels statistiques et à de
l'accompagnement par des analystes. L'ISQ offre aussi un accès aux données à
distance, une option qui est très appréciée.
Pour protéger la confidentialité, ces fichiers sont moins détaillés que ce qui
est accessible en CADRISQ. Ils permettent,
par contre, une certaine souplesse aux chercheurs pour faire avancer leur
projet à partir de leur environnement de travail.
Finalement, tout comme le fait l'ISQ, le projet
de loi prévoit des mesures de prévention des risques afin de ne pas permettre d'identifier des personnes à
partir des résultats d'une analyse statistique. C'est ce qu'on appelle le risque
de divulgation. Vous l'avez compris, ce
n'est pas une mince affaire de mettre en place les outils nécessaires à une
utilisation optimale des données par
les chercheurs tout en maintenant un niveau de confidentialité et de sécurité
conforme aux attentes et aux droits des citoyens.
En plus des besoins des chercheurs et des
exigences légales, il faut aussi tenir compte des aspects technologiques. Bien
qu'elles semblent contraignantes, nos règles d'accès aux données permettent de
limiter les risques dans un contexte où les
nouvelles technologies multiplient les sources de données. Ainsi, les modalités
de l'ISQ concernant l'accès aux
données dans le cadre de ses centres d'accès comportent les mêmes exigences que
celles décrites dans le projet de loi.
Comme vous,
je vois que plusieurs des éléments prévus au projet de loi n° 3 restent à définir, dont les règles de gouvernance. L'ISQ a
élaboré les siennes, qui restent à être approuvées par la Commission d'accès à
l'information. L'élaboration de ces règles a pu s'appuyer sur les meilleures
pratiques en matière de confidentialité, de sécurité et de partage des responsabilités. L'ISQ sera, bien
entendu, ouvert et disponible pour collaborer avec les acteurs concernés.
• (11 heures) •
De notre point de vue, ceci aura un effet
bénéfique pour les chercheurs en simplifiant et en uniformisant les balises à respecter dans l'utilisation des
données. Il est certain que plusieurs aspects restent spécifiques au réseau de
la santé et des services sociaux. Par
exemple, les systèmes de collecte de données ont été conçus pour répondre à des
besoins de gestion et surtout à des
besoins cliniques. Les renseignements que détiennent les différents ministères
et organismes publics sont aussi de nature et de
sensibilité variables. Par exemple, les données fiscales ou... comme les
données relatives à l'état de santé, sont très sensibles. Elles relèvent de la
vie privée.
Pour conclure, I'ISQ
espère que les outils qu'il a élaborés ces dernières années seront utiles à la
mise en oeuvre du projet de loi n° 3, évidemment,
s'il est adopté. Les données du secteur de la santé, utilisées avec celles
d'autres secteurs comme l'éducation, l'emploi, l'immigration ou le revenu,
aident à mieux comprendre les liens entre la
santé et ses déterminants. C'est un thème qui est au coeur de nombreuses
recherches. Ça fait que je dois dire que de pouvoir contribuer toujours
plus à l'avancement des connaissances scientifiques au Québec est une grande
fierté pour l'ISQ, puis ce l'est d'autant
plus de pouvoir le faire dans un contexte de coopération gouvernementale et en
partageant notre expertise.
Ça
fait que nous resterons évidemment, donc, disponibles pour participer aux
travaux nécessaires à la mise en oeuvre du projet de loi n° 3.
Et, à partir de maintenant, ma collègue et moi sommes prêts à répondre à vos
questions. Merci pour votre attention.
Le Président
(M. Simard) : Alors, merci à vous, M. Bergeron. Et je cède
maintenant la parole au ministre de la Cybersécurité et du Numérique. Cher...
M. Caire :
Bravo!
Le Président
(M. Simard) : C'est pas mal, hein!
M. Caire :
Bien oui.
Le Président
(M. Simard) : J'ai fini par l'apprendre.
M. Caire :
Moi aussi.
Le Président
(M. Simard) : Et vous disposez d'une période de
16 min 30 s.
M. Caire :
Merci. Merci, M. le Président. Merci, bienvenue à vous deux. J'aurais une
première question, parce que vous avez abordé le fait qu'avec la loi n° 3, dans les protocoles de recherche, il n'y aura plus à
faire valider ces protocoles de recherche là par la Commission d'accès à
l'information. Donc, il faut en informer la commission, mais on n'a pas besoin
de faire valider. Vous semblez voir, là-dedans, un avantage. D'autres y ont vu
un délestage du pouvoir de la CAI à assurer son mandat de protection des
renseignements personnels. Comment on peut concilier deux visions qui sont quand même assez opposées? Pourquoi vous, vous
dites que c'est une bonne chose? Et qu'est-ce qui amène d'autres groupes
qui nous ont parlé, à dire : Bien, attention, parce que, là, vous délestez
le chien de garde de la protection des
renseignements personnels de sa... pas de sa prérogative, mais de certains
pouvoirs à assumer son rôle?
M. Bergeron
(Simon) : C'est une question intéressante.
M. Caire :
Je le sais.
M. Bergeron
(Simon) : Je vous dirais, M. le Président, ce qu'il est important de
bien comprendre, dans ce que vient d'expliquer M. le ministre, c'est que, oui,
la loi, la loi de l'ISQ prévoit que dorénavant, à chaque fois que... lorsque
les renseignements sont désignés, comme je l'ai mentionné, lorsqu'il y a des
décrets qui désignent des banques de données de ministères, auxquelles l'ISQ
peut les rendre accessibles aux fins de la recherche, on n'aura plus le besoin, à chaque fois, d'aller avoir
l'autorisation spécifique de la Commission d'accès à l'information. Mais, ça, ça
se fait dans un contexte où la loi prévoit également, par ailleurs, que
l'Institut de la statistique du Québec doit élaborer des règles de gouvernance
très détaillées et doit les... qui vont prévoir un ensemble de choses, vont
prévoir, par exemple, le fait... les
responsabilités diverses des différentes personnes, à l'intérieur de l'ISQ, qui
sont interpelées dans le processus, va détailler complètement le
processus qui permet de recevoir une demande d'un chercheur et... tout son
traitement jusqu'à ce que le fichier soit rendu accessible au chercheur. Ça va
aussi prévoir tous les éléments en lien avec la protection des renseignements
personnels, la sécurité, la gestion des données, incluant la conservation pendant
un certain temps et la destruction des renseignements, à terme. Ça prévoit
aussi qu'est-ce que le contrat qui lie l'ISQ
et le chercheur doit contenir. Ça prévoit qu'on va avoir des formations qui
vont être obligatoires, qui vont être faites avec les chercheurs. Ça
prévoit aussi, évidemment, que l'ensemble du dossier de la recherche qui nous
est soumis comporte tous les... tout ce que la loi prévoit, incluant, là, une
évaluation d'un comité éthique de la recherche dans l'établissement, comme le projet de loi n° 3
le prévoit aussi. Ça prévoit de la reddition de comptes au niveau de la CAI,
au niveau des ministères détenteurs des données et aussi l'information qu'on
doit rendre publique sur le Web.
Puis, je...
Évidemment, il y a beaucoup d'autres éléments, c'est un document qui est
important, les règles de gouvernance, qui
prévoit un ensemble de choses. Ces règles de gouvernance là, on est en
discussion avec la Commission d'accès à l'information, elles devront
être approuvées. Donc, effectivement, on n'aura plus besoin d'y aller à la
pièce à chaque fois qu'on aura une demande d'un chercheur à l'avenir. Mais, en
même temps, on fait la démonstration à la Commission
d'accès à l'information qu'on a en place des mécanismes rigoureux,
sophistiqués, qui permettent de traiter chacune de ces demandes-là. Et la commission va toujours recevoir
l'information relativement à chacun de ces... Ça fait que, donc, c'est
que... je vous dirais, c'est un peu l'analyse ou...
M. Caire : Puis,
si je vous suis, là, ce que vous dites, c'est qu'on établit un cadre général,
au lieu de faire du cas par cas, mais ce cadre général là va faire en sorte que
chaque projet de recherche va devoir se conformer à ce cadre-là. Ce qui fait que, si je vous comprends bien, vous dites :
On ne diminue pas les exigences au niveau de la protection des
renseignements personnels, mais on augmente notre capacité à accélérer le
traitement des projets de recherche.
Mme Caris (Patricia) : Mais,
peut-être pour revenir à l'article 125, qui était l'article duquel vous
parliez, ce que j'ai vu dans le projet de loi, c'est qu'en fait chacun des
responsables des renseignements personnels dans chaque établissement va devoir appliquer l'équivalent de l'article 125.
C'est ce que j'ai lu. Donc, ça veut dire que l'évaluation des facteurs sur la
vie privée est faite par le chercheur, mais ensuite chacun des responsables
doit faire une analyse qui est
l'équivalente de celle que nous, on fait. De la même façon, dans notre loi, on
retrouve l'équivalent de l'article 125. Donc, ce qui est... ce qui est perçu comme un délestage, c'est, dans le
fond, une décentralisation de cette fonction-là avec une fonction de
surveillance, qui, elle, reste entre les mains de la commission.
M. Caire : Merci. Un autre
sujet qui a été abordé et qui amène un certain questionnement. Bon, la loi
dit : Lorsque la donnée qui a été
collectée a atteint sa fin de vie utile, c'est-à-dire la raison pour laquelle
elle a été collectée n'existe plus, on doit la détruire ou l'anonymiser
à des fins de recherche, à moins que le possesseur de la donnée en question
refuse son consentement. Vous avez dit, tout à l'heure : On a mis en place
des outils pour protéger la donnée, donc je... Mais là c'est une déduction
personnelle, puis c'est là-dessus que je veux vous entendre. Vous nous dites
que vous êtes en mesure d'anonymiser ces données-là ou de les garder
anonymisées, exemple, de tout «retro-engineering»... je ne sais pas comment le
dire, là, le retour à l'état initial. Quels sont ces outils? Comment vous
faites ça? Et quelles garanties êtes-vous capables de donner aux Québécois qu'à
l'intérieur des CADRISQ, dont vous avez parlé, l'anonymisation des données,
c'est une garantie absolue qu'on ne reviendra pas en arrière, là? Parce que
c'est ça qui fait craindre, je pense, le plus les gens de donner leur
information, ce n'est pas tant l'information de santé, c'est le fait qu'elle
soit désanonymisable, si je peux me permettre. Ça, c'est un exercice de
diction, hein, soit dit en passant, j'espère que...
Mme Caris
(Patricia) : On n'anonymise
pas les données, on les dépersonnalise, ce qui n'est pas tout à fait pareil.
M. Caire : ...je comprends
donc! OK.
Mme Caris
(Patricia) : Et c'est pour ça
que les CADRISQ existent. C'est que, quand le chercheur va au CADRISQ,
il peut avoir accès à une microdonnée, il n'a jamais le nom, il n'a pas de
donnée identificatrice...
M. Caire : ...dépersonnalisation,
donc je ne peux pas associer la donnée?
Mme Caris (Patricia) : Oui,
voilà.
M.
Caire : Donc, le sujet n° 24
est un homme blanc de 50 ans quelques années qui habite à Québec, et ta,
ta, ta.
Mme Caris (Patricia) : C'est
ça.
M. Caire : Alors que
l'anonymisation, c'est...
Mme Caris (Patricia) :
C'est : je ne serai plus jamais capable de savoir. OK?
M.
Caire : Bon, mais la loi, elle, prévoit que les données
sont anonymisées. Donc, quand on vous les transfère, vous, vous les
ramenez à l'état de dépersonnalisation?
Mme Caris
(Patricia) : Non, quand
nous, on les reçoit, elles ne sont pas anonymisées. En fait l'anonymisation,
c'est la façon dont on va rendre possible l'utilisation à plus grande échelle
d'une donnée en dehors d'un...
M.
Caire : D'une donnée globale, sans la possibilité
d'associer ça à quelque individu que ce soit, voire même...
• (11 h 10) •
Mme Caris (Patricia) : Oui.
Oui. Mais, pour certains chercheurs, ces données-là ne sont pas intéressantes. Pour d'autres chercheurs, elles sont tout à fait suffisantes
parce qu'ils veulent faire du gros volume, parce qu'ils veulent la donnée massive. Mais, pour le chercheur qui
veut avoir la certitude que la personne qui est suivie dans le contexte a, c'est
bien la personne qui est suivie dans le contexte b, il faut qu'on puisse faire
le lien entre les données de la personne A
puis les données de la personne A dans un autre fichier. Donc, ça, c'est ce que
nos équipes font, complètement en dehors de la possibilité qu'un
chercheur y ait accès.
Et ce qu'on lui redonne, au chercheur, c'est un
fichier de recherche où on a pu prendre les données, par exemple, de revenus,
les données de santé, les... pas les jumeler, parce qu'on n'a pas d'identifiant
unique, mais les apparier. Puis à ce
moment-là le chercheur, lui, a accès à un fichier où il a la garantie que la
personne qui suit, c'est la personne
qui correspond à un numéro x. Il n'a jamais l'identifiant. Mais donc la donnée
au sens où on l'entend, anonymisée, nous, ce n'est pas avec ça que le
chercheur travaille, dans le contexte du CADRISQ.
M.
Caire : Puis, vu qu'on l'aborde, je pense que ça va être extrêmement
important que vous nous expliquiez, parce que M. Motulsky disait,
justement, sans les nommer, que de travailler dans le cadre des CADRISQ de
risques, c'était extrêmement contraignant,
c'était compliqué, souhaitait avoir accès à des informations, des données via
Internet. Je pense que vous avez entendu son témoignage. Et là, par
rapport à ce que vous me dites, en quoi le CADRISQ, moi, comme détenteur de mes données, me garantit que, comme individu, je
ne ferai jamais l'objet d'une personnalisation de ma donnée?
Comprenez-vous ce que je veux dire? Quelles garanties pouvez-vous me donner que
mes données...
Mme Caris
(Patricia) : Il y en a plusieurs, celles que je viens de vous
énumérer, c'est-à-dire que...
M. Caire :
Ça, je le comprends.
Mme Caris
(Patricia) : D'accord.
M. Caire :
Mais dans le contexte des CADRISQ, plus précisément.
Mme Caris
(Patricia) : Puis donc, dans le CADRISQ comme tel, vous n'avez pas de
capacité d'identifier quelqu'un. La donnée qui vous est rendue...
M. Caire :
Pourquoi?
Mme Caris
(Patricia) : Parce qu'il n'y a pas de nom, il n'y a pas d'identifiant.
M. Caire :
Mais qu'est-ce qui fait en sorte que je ne peux pas... J'ai utilisé le
terme «retro-engineering», mais qu'est-ce...
Mme Caris
(Patricia) : Parce que vous ne pouvez pas partir avec des données...
M. Caire : Quelle
garantie pouvez-vous me donner que moi, je ne suis pas capable, par des croisements
sur Facebook...
Mme Caris
(Patricia) : Parce que vous n'avez pas accès à Internet dans le
CADRISQ...
M. Caire :
Bon, OK.
Mme Caris (Patricia) : ...parce
que vous ne pouvez pas partir avec aucune donnée, parce que vous n'avez pas
votre téléphone, parce que tout ce que disent les chercheurs est vrai.
M. Caire :
OK. Donc, quand vous dites que je
n'ai pas le droit, dans... quand M. Motulsky dit : Je n'ai pas le
droit d'entrer dans les CADRISQ avec des appareils électroniques, quels
qu'ils soient...
Mme Caris
(Patricia) : Oui, il a raison.
M. Caire :
...quand il dit : Je n'ai
pas accès à Internet, quand il dit : Je n'ai pas le droit de ressortir
avec mon jeu de données...
Mme Caris
(Patricia) : C'est vrai, oui.
M. Caire :
C'est vrai, mais c'est ce qui vous permet de donner la garantie absolue
qu'il n'y aura pas de désanonymisation dans certains cas et dépersonnalisation
dans d'autres cas.
Mme Caris
(Patricia) : Oui. Et c'est pire encore, parce qu'une fois qu'il veut
sortir ces résultats, il y a une vérification
des résultats pour être sûr qu'il n'y a pas de réidentification possible. Donc,
oui, c'est vrai, c'est très sévère.
M. Caire : Je... Vous dites que vous travaillez avec des
données... bien, en fait, vous permettez aux chercheurs, pardon, de travailler avec des données qui sont
dépersonnalisées. Est-ce que, dans vos politiques, vous adaptez l'état de la
donnée aux besoins de la recherche? Donc, est-ce que, dans tous les cas, j'ai
accès à des données dépersonnalisées ou si, l'objet de la recherche, je pourrais travailler avec des données
anonymisées? Est-ce que je les aurai dans cet état-là ou vous
dites : Bien, regarde, moi je te les donne dans un état personnalisé puis,
même si ta recherche n'a pas besoin de ce niveau-là de précision dans la
donnée, je vais quand même te donner accès à des données dépersonnalisées? Ou
vous adaptez quand même, à savoir, vous dites : Bien là, dans ton cas à
toi, anonymisées, ce serait un niveau de précision suffisant pour le profil de
recherche, donc on va s'adapter à ton besoin?
Mme Caris
(Patricia) : Oui, on va s'adapter...
M. Caire : Comprenez-vous ma
question?
Mme Caris
(Patricia) : Oui, mais on va s'adapter, c'est-à-dire que, dans le
fond, il y a une proportion qu'on applique, entre la sensibilité de la donnée
dont vous avez besoin pour travailler et les mécanismes de contrôle qu'on va
vous demander de respecter.
M. Caire : Qu'est-ce que ça
veut dire, ça?
Mme Caris
(Patricia) : Ça veut dire que plus vous voulez avoir accès à
une donnée qui est fine, granulaire, plus on va vous restreindre dans
votre capacité. C'est-à-dire que...
M. Caire : Je ne comprends pas.
Mme Caris
(Patricia) : Bon, par exemple, vous voulez accès... avoir accès
à des données qui vous permettent de
suivre, vraiment, les individus puis de faire de l'appariement entre, par
exemple, des données de revenus et des données...
M. Caire : Mais on est toujours
avec sujet n° 24?
Mme Caris (Patricia) : Oui,
sujet n° 24. Là, vous êtes dans un CADRISQ, OK, mais vous allez dans le
CADRISQ puis vous me dites, au bout d'un bout de temps : Regarde, j'ai
compris ce que je veux faire, je pourrais travailler avec une donnée moins
fine...
M. Caire : Moins granulaire.
Mme Caris
(Patricia) : ...moins granulaire, j'aurais besoin de moins de
renseignements, je pourrais aller voir, admettons, des groupes d'âge,
plutôt que l'âge précis, je pourrais avoir...
M. Caire : Donc
là, on tombe dans l'anonymisation, quand on parle de groupes d'âge, de région
géographique?
Mme Caris (Patricia) : Je vous
dirais, c'est un seuil entre les deux, OK? Donc là, moi, si vous me dites ça,
je vais vous dire : OK, je vais vous préparer un fichier qui va répondre à
vos besoins, un fichier d'accès à distance, puis,
ça, vous pourrez travailler avec ce fichier-là à partir de votre bureau ou à
partir de votre environnement de travail.
M. Caire : Ça, c'est une
question que je voudrais que vous précisiez. Quand vous parlez de
l'environnement de travail, vous parlez de l'environnement de travail à
l'intérieur du CADRISQ ou vous parlez du milieu de travail où opère le
chercheur?
Mme Caris (Patricia) : Du
chercheur.
M. Caire : Donc, le chercheur
peut partir avec les données puis les amener dans son milieu de travail?
Mme Caris (Patricia) : Bien, il
va avoir accès aux données à partir de son milieu de travail, il ne partira
jamais avec la donnée.
M. Caire : Donc, il sera...
Bien, OK, qu'on se comprenne bien. Moi, je suis à l'Université Laval, je fais
une recherche. Vous allez... à partir de mon
milieu de travail de l'Université Laval, vous allez me donner accès aux données,
mais comment vous faites pour savoir si je...
Mme Caris (Patricia) : Oui, à
ce fichier-là.
M. Caire : Oui, mais... Je le
comprends, mais comment vous faites pour savoir que moi, je ne l'ai pas
téléchargé, je ne l'ai pas sur mon poste de travail? Je mets ça dans une clé
USB, merci, bonsoir, là, je viens de partir avec. Non?
Mme Caris (Patricia) : Bien, il
y a plusieurs facteurs, mais le principal, c'est que vous allez avoir signé une
entente avec nous, et votre université va être également signataire. Donc, vous
allez avoir suivi une formation, suivi... vous vous êtes engagé, vous avez
toute une série de mesures qui viennent encadrer ce que vous allez faire. Donc,
vous êtes chercheur, vous êtes membre d'une communauté de recherche, affilié à
une université, vous avez signé un engagement, mais surtout votre université
s'est engagée avec vous, et vous allez avoir accès à un fichier qui ne vous
permettra pas de faire tant de choses que ça. Votre fichier, il est organisé
pour répondre au besoin de recherche pour lequel vous avez fait une demande.
Donc, vous n'avez pas un fichier qui vous permet de faire tant de choses que
ça, là.
M. Caire : OK. Deux questions
qui me viennent à l'esprit. D'une part, est-ce que la sensibilité de la donnée
et la granularité de la donnée qui est demandée par le chercheur va
conditionner ou non le fait qu'il puisse y avoir... depuis l'extérieur du CADRISQ? Et vous dites : Les chercheurs nous
demandent telles informations ou les chercheurs nous disent : Bien, je n'ai peut-être pas
besoin de toutes ces informations-là. Mais est-ce que l'inverse est vrai?
Est-ce que vous, vous validez, en fonction du protocole de
recherche : Bien, tu nous demandes ces données-là, mais tu n'en as
peut-être pas besoin, donc on va te donner un accès plus limité?
Mme Caris (Patricia) : Absolument.
C'est l'article 125 dont on se parlait au tout début, c'est le travail qu'on a à faire. Puis, au cours des derniers...
deux, trois années, c'est, d'ailleurs, une partie de ce qu'on a dû faire, parce
que l'article 125 était toujours en
vigueur jusqu'en septembre dernier. Donc, on préparait le dossier pour la
Commission d'accès, qui, dans le fond, regardait, dans une certaine mesure,
si on avait bien fait le travail.
M. Caire : ...en fonction de
vos règles de gouvernance, vous pourriez dire à un chercheur : On a
regardé ton protocole de recherche, on regarde nos règles de gouvernance...
Le Président (M. Simard) : ...
M. Caire : Et on en arrive à la
conclusion. Bien... Et, depuis l'extérieur, est-ce qu'il y a des données qui
sont à ce point granulaires et sensibles,
pour lesquelles vous dites : Non, là, ça, on ne peut pas te donner accès à
l'extérieur du CADRISQ, tu dois venir à l'intérieur du CADRISQ pour
travailler avec ça?
Mme Caris (Patricia) : Oui.
Le Président (M. Simard) : Bien,
écoutez, pour que la personne puisse répondre...
M. Caire : OK. Donc, ce n'est
pas une règle absolue.
Le Président
(M. Simard) : ...il faut lui laisser le temps, M. le ministre,
et vous n'en avez plus, malheureusement. Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Bonjour. Bien,
j'accepte que vous répondiez à...
M. Caire : ...
Mme Setlakwe : ...à la question
du ministre. Elle est pertinente, puis ça va... je pourrai enchaîner par la
suite.
Mme Caris
(Patricia) : Je ne sais pas si... Je ne suis pas sûre que... M.
Caire, est-ce qu'il y avait d'autres aspects que vous...
M.
Caire : ...question, c'était — merci à ma collègue — c'était : Est-ce que vous... on peut avoir
systématiquement accès, depuis l'extérieur, ou s'il y a un certain
niveau de granularité qui fait que, là, vous dites : Non, ça, pour ça, tu
dois venir?
Mme Caris (Patricia) : C'est
clair qu'il y a... Oui, ça, c'est clair.
M. Caire : OK.
Mme Caris (Patricia) : C'est
clair.
M. Caire : Ce n'est pas une
règle absolue.
Mme Caris (Patricia) : C'est
pour ça, d'ailleurs, qu'on a toujours des CADRISQ à cause de ça, là.
Une voix : ...
• (11 h 20) •
Mme Setlakwe : Avec plaisir.
Merci pour votre intervention, pour votre mémoire. Les questions du ministre
ont donné lieu à des échanges, on est allé dans le détail pour comprendre les
mécanismes auxquels vous êtes soumis, et je pense que ça donne un certain
réconfort, mais ça m'amène à peut-être remonter un petit peu dans l'analyse.
Juste pour
faire du pouce sur la question du réconfort, on a... Tu sais, dans mes lectures
puis dans les réflexions que cette étude du projet de loi nous amène à
faire, il y a, je pense, une inquiétude au niveau de la population, il y a peut-être un manque d'information, un manque de...
Puis je pense que l'adoption éventuelle du projet de loi et de toute la
réglementation va devoir être accompagnée d'une campagne de sensibilisation, et
tout ça, pour qu'il y ait un lien de
confiance, pour que la population se sente... qu'ils aient aussi... tu sais,
qu'il y ait une transparence qui donne assez d'information puis de
reddition de comptes, de sorte que la population va pouvoir suivre les
bienfaits.
Donc, je reviens, évidemment, à la recherche.
Est-ce que le processus de reddition de comptes, vous en avez parlé, donne lieu, selon vous, là, le cadre actuel
qui va être bonifié avec le projet de loi n° 3... est-ce qu'on s'en va
dans la bonne direction ou on pourrait aller encore plus loin dans la
reddition de comptes qui serait exigée?
M. Bergeron
(Simon) : Je vous dirais, dans la mesure où les exigences qui sont
proposées dans le projet de loi n° 3 ressemblent à celles qu'on a, nous, à
l'ISQ pour, justement, la reddition de comptes à l'égard des projets, là, moi,
je peux vous dire qu'elles sont exigeantes, parce que, première des choses,
comme j'expliquais tantôt, elles nous exigent vraiment, d'abord, qu'on ait des
procédures qui soient vraiment bien claires, bien établies puis bien détaillées et qu'elles ont... elles sont
suffisantes pour que la Commission d'accès les approuve. Et, après, la
commission, elle, prévoit que, justement, la Commission d'accès à
l'information reçoit tout l'état des... ou une information relativement à
chacun des projets qui va faire l'objet d'une étude. Puis ils ont toujours la
possibilité de revenir et de faire... et de revenir requestionner. Et, d'ailleurs,
à tous les trois ans, ils vont pouvoir revoir nos règles de gouvernance. Mais,
si, à la suite d'une réception d'un projet de recherche, pour une raison
quelconque, ils avaient un questionnement puis ils pouvaient prendre... avoir
une opinion que peut-être qu'on n'aurait pas fait le travail de la bonne façon — là,
je ne pense pas que ça va être le cas, mais disons que ça arrive — ils
pourraient nous revenir puis ils pourraient nous questionner par rapport à ça.
Donc, il y a une
reddition de comptes envers la CAI, qui est importante envers la population.
Parce que, sur notre site Internet, on dit, d'ailleurs, nous, on... chaque
demande de chercheurs qui mène à une publication sont détaillées, sont
accessibles sur notre site Internet. Ça fait que ce genre de reddition de
compte là informe les citoyens de ce qu'on
fait avec les renseignements qui sont désignés. Puis on a toujours la
Commission d'accès qui a déjà approuvé au préalable l'ensemble de nos
façons de faire... a toujours la possibilité de dire : Bien, à un moment
donné, je... Par exemple, je... elle a un doute sur un projet en particulier,
elle pourrait toujours venir le faire, parce qu'on doit l'informer de chacun des projets qui sont faits puis une fois qu'ils
sont... une fois que l'entente est signée avec un chercheur.
Mme Setlakwe :
Merci. Dans votre exposé, puis moi, je n'ai pas toutes ces informations,
là, en amont, mais ce que j'entends, c'est
que votre mandat a évolué au fil des ans, et, si je vous ai bien compris,
c'est... déjà qu'il y a des mécanismes en place, et là l'adoption du
projet de loi trois ne viendrait pas vous heurter, vous sentez vraiment que
vous vous imbriquez bien dans le processus et que c'est une suite logique?
M. Bergeron
(Simon) : Oui. Bien, en fait, ce qui est intéressant avec le projet de
loi n° 3, c'est qu'il vient... Bon, première des
choses, comme je disais toujours, puis on parle vraiment du volet pour l'accès
pour la recherche, parce que c'est vraiment le volet du projet de loi n° 3 qui nous interpelle davantage, bien, il vient
reprendre beaucoup des mécanismes, comme
j'expliquais tantôt, qui sont en vigueur à l'ISQ, puis qu'on a développés, puis
qui sont conformes, donc, avec les exigences de notre loi, sont cohérentes
avec les exigences de ce qui est dans le projet de loi n° 3.
Mais, en plus, ce que
le projet de loi vient faire aussi, puis c'est ce qu'on trouve intéressant,
c'est qu'il vient dire : Lorsqu'il y a
un chercheur du domaine de la santé qui veut avoir accès à des renseignements
de santé et services sociaux au sens du projet de loi n° 3,
mais qu'il veut, en plus de ces renseignements-là, faire un appariement avec
d'autres données de d'autres secteurs, auxquelles l'ISQ a accès, que ce soient
les données de revenus ou les données de l'éducation, par exemple, bien, le
projet de loi dit que le chercheur, il peut venir voir l'ISQ pour faire cet
appariement-là. Donc, ça vient un peu, je vous dirais, d'une certaine façon,
sans dire consacrer, ça vient confirmer le rôle de l'ISQ, qui, lui, a fait ce
travail-là dans les données qui sont multisectorielles, hors de réseau de la
santé et des services sociaux. Donc, pour ça, ce projet de loi là, donc,
évidemment, pour nous, c'est une bonne nouvelle de voir la complémentarité des approches et du fait que,
bien, le multisectoriel, on peut continuer à développer cette expertise-là, nous,
à...
Mme Caris (Patricia) : Peut-être
pour ajouter, pour répondre plus concrètement, le CADRISQ de Sainte-Justine,
qui doit ouvrir, va montrer la complémentarité des deux approches. Je ne suis
même pas sûre qu'on puisse dire que, de toute façon, les chercheurs du réseau
de la santé ne seront pas intéressés à nous utiliser, même quand ils vont
apparier seulement des données de santé. Notre loi nous le permet. Mais, si on
veut vraiment pousser un certain type de recherche qui permet de faire
l'analyse des déterminants avec les problèmes de santé, le CADRISQ devient un
outil très, très intéressant pour eux, avec un accès à d'autres banques pour
lesquelles la documentation, l'aide qu'on peut fournir va être disponible.
Donc, c'est pour ça que, non, on ne sent pas vraiment qu'il y a un problème.
Mme Setlakwe :
Parfait. Juste pour revenir sur Sainte-Justine, donc, là, c'est quelque
chose qui va être mis en place à court terme?
Mme Caris
(Patricia) : Oui, oui, c'est censé... en tout cas, ils sont en
construction, normalement, ça devrait être ouvert au début mars.
M. Bergeron
(Simon) : En tout cas, au printemps, c'est ce qu'ils veulent.
Mme Caris
(Patricia) : Au printemps, on est... L'entente a été signée l'été
dernier.
Mme Setlakwe :
OK. Super. Bien, je pense que vous avez répondu à ma dernière question.
Donc, le projet de loi va s'inscrire dans un cadre législatif existant, donc
vous n'avez pas identifié, vous n'avez pas vu d'élément de, tu sais... de confusion ou de chevauchement qui
pourrait créer des problèmes d'interprétation ou des... ou, en fait, même
peut-être des éléments qui seraient non compatibles?
M. Bergeron (Simon) : C'est une
belle complémentarité, je vous dirais.
Mme Caris
(Patricia) : C'est complémentaire. C'est certain qu'à mesure qu'on va
creuser, puis qu'on va implanter, puis qu'on va chercher à réglementer, il y a
des choses qui seront peut-être moins évidentes. Mais le projet de loi est
certainement un acquis important pour le réseau de la santé et des services
sociaux pour...
Mme Setlakwe : Bien, justement,
on a parlé des règlements, la loi va être complétée, éventuellement, par
plusieurs règlements. Puis vous ne voyez pas qu'on a laissé trop de place aux
règlements, tu sais? Ça ne vous donne pas... ça ne vous nuit pas dans votre
capacité d'apprécier le projet de loi?
M. Bergeron (Simon) : Bien, je
vous dirais, si on prend, par exemple... On a parlé quand même beaucoup des
règles de gouvernance, précédemment, au même titre que les... ce qui fait...
les conditions qui fait qu'un projet de recherche peut être recevable. Ce qui
est écrit dans les éléments du projet de loi n° 3
sont très similaires à ce qui existe dans les... ou qui existait dans
l'article 125, dont on parlait précédemment, ou dans la loi de l'ISQ. Ça
fait que, je vous dirais, c'est pas mal du même niveau.
Ce qui reste à établir, c'est, bon... c'est
justement, des fois... c'est la mécanique plus élaborée, puis ça, je pense,
c'est bien que ce soit... qu'il y ait un espace, là, soit dans les règlements
ou, des fois, dans des règles de gouvernance, qui sont des documents un peu
plus administratifs, mais qui nécessitent quand même une approbation, dans le
cas de la CAI, je pense, de laisser un espace pour ne pas que ce soit tout dans
le projet de loi. Parce que ça peut devenir assez assez lourd, tu sais? Les
règles de gouvernance, ça va être assez... c'est assez épais, là.
Mme Setlakwe : Oui, oui, puis
on peut comprendre qu'on ne peut pas attacher toute la mécanique tout de suite
dans le projet de loi. Mais au niveau, tu sais, du réconfort sur un éventuel
bris de confidentialité, vous êtes rassurés, à la lecture du projet?
M. Bergeron (Simon) : Je pense
que oui. Moi, je dirais oui.
Mme Caris (Patricia) : Vous me
posez une question embêtante.
Mme Setlakwe : Oui, je sais, je
le vois dans votre visage, Mme Caris.
Mme Caris (Patricia) : Je vous
dirais, on a de la donnée administrative qui va être... et de la donnée
clinique qui va changer d'environnement,
dans le sens où, jusqu'à présent, la donnée, en autant que je le sache, était
décentralisée. On la retrouvait dans chacun des établissements, elle ne
pouvait pas circuler. Ce que je ne sais pas, puis là j'avoue que je n'ai
peut-être pas une connaissance suffisante du projet de loi, c'est est-ce que
les mécanismes qui vont être mis en place vont pouvoir gérer cette
circulation-là de manière sécuritaire. Et là je n'ai pas, moi, cette
réponse-là. Je pense que c'est une question
que, de toute façon, je suis certaine, les gens du ministère vont se poser,
parce que c'est une question
centrale, mais, pour moi, c'est plus une question, là, qui touche le ministère
de la Cybersécurité et du Numérique, n'est-ce
pas, et les mécanismes qui sont mis en place. Ça, je ne pense pas que le projet
de loi puisse aller dans ce détail-là.
C'est certain que c'est un projet qui est,
comment je dirais... C'est quelque chose qui doit se faire. Maintenant, mettre
en place toutes les mesures nécessaires pour que ça se fasse correctement,
c'est un gros chantier, et je pense qu'on va
essayer, nous, en tout cas, de notre humble petit coin de mandat, de faire ce
qu'on peut pour aider. Il y a tous les aspects liés aux règles de
gouvernance mais aussi il y a des aspects technologiques importants, là.
Mme Setlakwe : Merci. Merci
beaucoup. Terminé pour moi.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, chère collègue. Je cède la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. J'ai combien de temps?
Le Président (M. Simard) : Techniquement,
5 min 8 s.
M. Marissal : Merci. Bien,
M. Bergeron, Mme Caris, merci. Ça veut dire quoi, CADRISQ?
Mme Caris (Patricia) : Centre
d'accès de recherche de l'Institut de la statistique du Québec.
M. Bergeron (Simon) : ...centre
d'accès aux données de recherche de l'ISQ, CADRISQ.
M. Marissal : Ce n'est pas «cas
de risque», c'est «CADRISQ», là, juste pour que...
M. Bergeron (Simon) :
«CADRISQ», oui.
M. Marissal : ...pour les gens
qui nous écoutent, là. Parce que ça porte à confusion. Avez-vous eu des fuites,
à l'ISQ, depuis que vous êtes là puis que
vous avez plus de liberté de cueillette, là, depuis le décret? Non? Ça va? Ça
tient? Vous pouvez répondre, qu'on vous note.
• (11 h 30) •
Mme Caris (Patricia) : Écoutez,
c'est le genre de chose qu'on n'aime pas du tout, du tout dire. C'est comme
tenter le diable, ça. Non, on n'a pas eu de fuite.
M. Bergeron
(Simon) : On n'a pas de fuite, non, non, on n'en a pas eu.
M. Marissal :
OK. Alors, je vais répondre pour vous : Vous n'en avez pas eu, de fuite.
Mme Caris
(Patricia) : Non.
M. Marissal : C'est bon. D'accord. Je
ne voudrais pas vous obliger à flirter avec le diable. Vous avez beaucoup
insisté, dans votre mémoire, et merci,
d'ailleurs, pour ça, sur chercheurs au public, hein, ça revient, vous l'avez
dit dans votre exposé, M. Bergeron, aussi, là. Donc, pour vous,
c'est exclusif?
M. Bergeron (Simon) : La
loi... notre loi prévoit que les chercheurs qui y ont accès, c'est des
chercheurs qui sont liés à un organisme public. C'est vraiment... c'est
l'univers dans lequel on... qu'on couvre.
M. Marissal : Vous, estimez-vous que les données que vous avez
ont une valeur relative, une grande valeur ou une très grande valeur,
mettons qu'on les rend disponibles, là?
M. Bergeron
(Simon) : Bien, je vous dirais, ils ont... Assurément, je le prendrais
d'un point de vue public. Moi, d'ailleurs,
j'ai fait ma carrière au service de l'État. La valorisation des données pour
l'amélioration des services publics, dans
ce sens-là, c'est clair qu'elle a une valeur parce qu'elle nous permet
collectivement de mieux comprendre comment les gens utilisent les
services publics, puis c'est une source de données qui nous... qui va permettre
autant...
Puis là je déborde un
peu, peut-être, du projet de loi n° 3 pour parler, en
général, de ce qu'on fait à l'Institut de la statistique du Québec, mais c'est
vraiment... Ces données-là permettent de mieux comprendre soit comment... la
situation des gens au Québec ou leur consommation des services publics. Ça fait
que, dans ce sens-là, l'utilisation des services publics, elle a une valeur
pour nous aider à mieux apprécier... parce que c'est une façon, des fois,
d'aller comprendre des phénomènes qui affectent les services publics,
peut-être, plus efficace que de... je vais faire une nouvelle... toujours une
nouvelle enquête... qui sont coûteuses, les nouvelles enquêtes, et tout.
Ça fait que c'est un
autre moyen très important pour l'État de comprendre comment les gens utilisent
les services publics, puis comme... C'est une tendance qu'on voit, d'ailleurs,
dans le monde aussi, l'utilisation des données administratives, c'est pour
mieux comprendre l'utilisation des services publics. Ce n'est pas quelque chose
spécifique au Québec, là.
M. Marissal :
OK. Merci pour la réponse courte, là, j'ai le chronomètre qui court après
moi. L'article 125, vous dites :
C'est compliqué. Vous dites, Mme Caris : C'est assez rigoureux,
c'est... mais, à tout prendre, là, il vaut-tu mieux que ce soit
complexe, que ce soit trop slaque? Puis vous avez parlé de règles de
gouvernance. Votre cadre doit être approuvé par la CAI. Est-ce que c'est
satisfaisant, selon vous? Est-ce que c'est une voie valable?
Mme Caris
(Patricia) : Oui, c'est une voie valable, oui, c'est sérieux, c'est
très sérieux, parce qu'on est détenteurs de données. La donnée administrative,
c'est toujours quelque chose qui nous est confié sans que la personne n'ait
consenti. Elle nous a donné accès sans le savoir. Elle requiert un service de
santé. Elle donne des données. Nous, on les
utilise pour d'autres fins. Donc, c'est très important d'appliquer ça de façon
rigoureuse, sérieuse. Le côté pécunier n'est pas si important que ça, dans la
donnée de santé, à première vue, je dis bien «à première vue», mais il
n'en reste pas moins que la confiance de la population envers les gestionnaires
des données, c'est très important. Donc, oui, les règles de gouvernance, c'est
important. Les nôtres, pour l'instant, ne font que 165 pages.
M. Marissal : OK, une dernière
question, peut-être, si j'ai le temps. Vous allez chercher quoi avec
Sainte-Justine? Je n'étais pas au
courant de ça, pas plus que votre décret de juin dernier. Ça ouvre quoi, comme
données, à Sainte-Justine, dans votre CADRISQ?
M. Bergeron
(Simon) : En fait, c'est que le CADRISQ, il va permettre de rendre
accessibles, pour les fins de recherche, les données qu'on a déjà à l'Institut
de la statistique, donc, mais ça va permettre aussi aux chercheurs qui ont des
données à Sainte-Justine, qui peuvent avoir des... dans les protocoles de
recherche qu'eux-mêmes ont faits, bien, de... ça va... de permettre qu'il y ait
un certain appariement qui soit fait en ces données de ces projets de recherche
là et les données de renseignements désignés ou les données administratives que
l'ISQ fait... a accès... auxquelles a accès... Donc, ça peut... ça permet de...
plus facilement, avec la connaissance... parce que les gens qui sont là, ils ne
vont pas juste rendre les données accessibles, ils peuvent conseiller. Donc, ça
rend plus facilement cet appariement-là.
Le Président
(M. Simard) : Très bien, merci, M. Bergeron. Merci beaucoup.
M. Marissal :
Merci.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous deux d'être venus ce matin. Votre
présentation était fort intéressante. On espère vous retrouver sous peu
parmi nous.
Ceci étant
dit, nous allons suspendre momentanément nos travaux le temps de faire place à
nos prochains invités. Au revoir.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 11 h 40)
Le Président (M. Simard) : Chers
amis, merci pour votre ponctualité, et nous avons l'honneur de recevoir parmi
nous le Scientifique en chef du Québec. M. Quirion, soyez le bienvenu.
Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, vos titres et fonctions, et
peut-être nous présenter les personnes qui vous accompagnent?
M. Rémi Quirion
M. Quirion (Rémi) : Oui, très
heureux d'être avec vous. Rémi Quirion, Scientifique en chef du Québec. J'ai le
plaisir aussi de diriger les Fonds de recherche du Québec. Et je suis
accompagné de deux collègues, deux expertes.
Mme Jabet
(Carole) : Bonjour. Mon nom est Carole Jabet. Je suis la
directrice scientifique pour le Fonds recherche Québec, Santé.
Mme Deschênes
(Mylène) : Et bonjour. Mylène Deschênes. Je suis la
directrice des affaires éthiques et juridiques au Fonds de recherche.
Le Président (M. Simard) : Soyez
les bienvenus. Nous vous écoutons.
M. Quirion
(Rémi) : Merci beaucoup. Encore une fois, merci, M. le
Président. Merci à tous les membres de la commission.
Quelques mots, d'entrée de jeu, sur la
recherche. La recherche scientifique est une composante essentielle de l'offre
de soins et services à la société québécoise. On ne doit pas la considérer
comme une activité accessoire. Elle sauve des vies. Il faut qu'une recherche de
calibre mondial puisse être effectuée ici par nos chercheurs. C'est une
question de souveraineté scientifique. On ne peut pas dépendre entièrement des
autres pour relever les défis de notre société
et être à même de réagir en cas d'urgence. On peut penser ici à la gestion de
la pandémie de COVID-19, où je dois dire que, très souvent, on a
eu des difficultés d'accès aux données patients. Il faut, donc, un système de
mobilisation responsable des renseignements de santé qui établisse un réel
équilibre entre la protection et un accès efficient et qui tienne compte de
l'écosystème sécurisé dans lequel les activités de recherche se déroulent.
C'est un pacte social qui est proposé aux
Québécoises et aux Québécois en matière d'utilisation de leurs renseignements
personnels à des fins de recherche. Une telle mobilisation doit donc
évidemment se faire avec eux et pour eux.
Nous saluons, donc, le projet de loi n° 3,
qui renforce la gouvernance des données dans le réseau et qui, de ce fait, fortifie un milieu sécuritaire pour qu'à
l'intérieur de celui-ci circulent les renseignements personnels à des fins de
recherche d'une façon moderne et au-delà des silos administratifs. Nous sommes,
donc, pour l'adoption du projet de loi n° 3, qui contient des innovations
visant à permettre une mobilisation responsable des données à l'intérieur du
réseau de la santé. Celles-ci sont résumées en quatre piliers dans notre
mémoire. Le projet de loi n° 3 apparaît très
prometteur. Toutefois, considérant certaines difficultés vécues par les
chercheurs lors de la mise en place du guichet, on vient d'en entendre parler,
et, plus récemment, de la mise en oeuvre de la loi n° 25,
nous nous inquiétons que l'intention du législateur ne soit pas respectée au
moment de la mise en oeuvre du projet de loin n° 3.
Vous l'avez dit, M. le ministre, nous sommes le
lieu, en Amérique du Nord, où nous protégeons le mieux nos renseignements
personnels. C'est évidemment rassurant à entendre en tant que citoyens et que
citoyennes, mais protéger les citoyens, ça ne peut pas se résumer qu'à protéger
leurs renseignements personnels, ça veut aussi dire faire de la recherche sur les problèmes qui les affligent. La valeur
sociale de la recherche doit être au coeur de l'analyse du risque en matière de protection des
renseignements personnels. On mesure trop peu souvent le coût de ne pas
réaliser des activités de recherche en temps utile ou de les faire
traîner en longueur. Vincent Dumez et Catherine Wilhelmy, en début de commission,
vous ont témoigné, de manière très éloquente et touchante, en termes d'accès
aux données et le caractère essentiel d'accès aux données pour améliorer leurs
conditions de vie.
Le Québec investit des millions en argent public
au sein de ses établissements de santé pour réaliser des activités de recherche
et se veut un chef de file dans plusieurs domaines, dont l'intelligence
artificielle ou encore la recherche sur le cancer. Dans ce cas précis, le
cancer, cela signifie que, pour plusieurs patients, l'unique option de
traitement possible est due au fait qu'on les associe à des options de
traitement en lien avec de la recherche très novatrice. Comment concevoir un
système de santé apprenant, dont l'objectif est un arrimage optimal entre
l'offre, la demande et une garantie de soins, sans un mode d'accès aux données
vraiment efficient? On ne peut améliorer ce que l'on ne mesure pas
objectivement.
Malheureusement, trop souvent, les ressources
publiques, financières et humaines dévolues à la recherche servent à remplir
des formulaires administratifs. Vous pouvez le voir en annexe dans notre
mémoire, ce que les chercheurs doivent remplir. Les
chercheurs devraient passer leur temps... consacrer la majorité de leur temps à
faire de la recherche, pas seulement à remplir
des formulaires. N'ayant pas accès, ou avec un retard significatif, aux données
pendant la période de financement de leurs
projets, il arrive, en effet, que leurs recherches soient compromises et
n'apportent que des demi-réponses.
Nous l'avons déjà
écrit dans notre mémoire en 2015, faute d'accès à des données de qualité et en
temps utile, nos chercheurs doivent souvent
utiliser des données de l'Ontario, de l'Angleterre ou d'ailleurs. Et que dire
du leadership manqué dans les collaborations internationales, nos
chercheurs devant s'excuser que nos données à nous sont plus difficiles d'accès que dans les pays partenaires
d'Europe ou d'ailleurs? Les résultats de recherche apportent des réponses
avec des effets bien réels dans nos vies, surtout
si nos données sont à l'image de notre société et pas à celle de la société
voisine. On peut penser aux maladies rares, assez uniques au Québec.
Le
projet de loi n° 3 doit devenir un atout pour le Québec. Il a tout le
potentiel pour paver la voie à dynamiser l'activité de recherche au sein
d'un milieu sécuritaire, mais il y a deux conditions : d'une part, qu'on
s'assure que les autorités mentionnées dans le projet de loi n° 3 donnent
plein effet à l'intention législative, à savoir assurer une réelle mobilité
responsable des données, d'autre part, qu'on profite du projet de loi n° 3
pour assurer une cohérence et une prévisibilité des processus d'accès aux
renseignements personnels. Comme le mentionne la CAI dans son mémoire, cinq
voies d'accès différentes existeront selon les données visées par le chercheur.
Ces voies... ces cinq voies doivent cependant se parler et assurer une
cohérence entre elles. On ne peut pas risquer la cacophonie.
C'est pourquoi nous
proposons un certain nombre de recommandations dans notre mémoire, dont
celles-ci : la nécessité d'une simplification du processus, pour le
chercheur lié qui oeuvre dans son propre établissement, dans une perspective de
proportionnalité, il en va de même des étapes visant à obtenir les informations
de contact, de solliciter une personne pour
qu'elle considère participer à un projet de recherche, alors qu'elle n'a pas
refusé une telle sollicitation; deux, veiller à ce que le consentement soit
respecté et permette d'avoir accès à des données, fussent-elles parfois
identificatoires, particulièrement dans un contexte de soins, incluant les
données désignées dont l'accès est sous l'égide du guichet; voir le centre
d'accès, dans le projet de loi, comme un lieu de haute expertise en matière de
mobilité des renseignements de santé à des fins de recherche, à titre de tiers
de confiance, ce centre devrait jouir de toute l'indépendance requise pour
agir; considérer que la durée de conservation des renseignements doit tenir
compte d'un cycle de vie parfois très long
pour certains types de recherche. L'anonymisation fonctionnera pour certains
cas, mais pas pour tous les projets.
• (11 h 50) •
Plus
fondamentalement, j'aimerais ajouter ici que le Scientifique en chef, mon
bureau, et les Fonds de recherche du Québec sont mandatés par le gouvernement
du Québec pour soutenir la recherche d'excellence et la faire rayonner partout. Nous encadrons ces activités de recherche
par voie contractuelle et par l'énoncé de diverses politiques, dont celles
portant sur l'intégrité scientifique ou encore le libre accès aux résultats de
recherche, ce qu'on appelle la science ouverte. Nous sommes votre organe de
confiance en matière de recherche et nous connaissons mieux que quiconque
l'ensemble de l'écosystème de recherche québécois. Je vous propose, donc, de
prendre appui sur nous et de confier un rôle clair au Scientifique en chef et
au FRQ pour veiller à une mobilisation responsable et efficiente des données à
des fins de recherche et, de ce fait, à l'établissement des outils compatibles
à ces activités.
Pour ce faire, il
faudra notamment une table de concertation qui impliquerait, bien sûr, le
ministère de la Santé et des Services sociaux et le bureau du Scientifique en
chef pour convenir d'outils standardisés, interopérables et qui soient
compatibles avec l'activité de recherche, aussi, création d'un registre public
permettant de constater les projets réalisés, mais également les délais
d'accès. On a... objectif, par exemple, 30 jours comme objectif de délai
d'accès aux données et comme... et incluant les motifs de refus afin de
constamment être capable de suivre le pouls de la capacité et de la fluidité
d'accès aux renseignements de santé dans le contexte sécurisé du projet de loi
n° 3. Ce registre contiendra des statistiques relatives aux refus
d'utilisation des renseignements par les citoyens afin de suivre l'évolution de
l'état de santé du pacte social avec les citoyens en matière de recherche.
En
conclusion, mesdames et messieurs, le projet de loi n° 3 est une
formidable opportunité de rejoindre les pays qui, à la fois, détiennent des
renseignements personnels de santé et aussi offrent des soins de très grande
qualité à leur population. Merci.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, M. Quirion. Et je cède la parole
à M. le ministre.
M. Caire :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Quirion. Bonjour aux gens qui vous
accompagnent.
Vous
avez insisté, et ça, ça a attiré mon attention... vous avez insisté, à deux
reprises et de deux façons différentes, sur le fait que l'intention du
projet de loi sur la mobilité de la donnée, cette intention-là soit respectée,
et là vous avez... La première fois que vous en avez parlé, vous l'avez
contextualisé avec la loi n° 25, que je connais
bien, mais aussi dans le contexte du PL n° 3, où vous reconnaissez que l'intention est la mobilité de la donnée,
mais vous semblez avoir des doutes quant au fait que, dans
l'opérationnalisation de ça, cette intention-là soit respectée. Pourquoi?
M. Quirion (Rémi) : Ah! je vous dirais, c'est
souvent un peu... Le diable est dans les détails, et, comme législateur,
comme gouvernement, une nouvelle loi est créée, et, par la suite, en termes de
règlements de gouvernance, des fois, ça peut
dévier un peu de l'intention du législateur, et on le voit un peu dans le
projet de loi n° 25, là, et avec certaines des activités d'organismes comme la Commission d'accès
à l'information. Donc, on ne voudrait pas que ça arrive en PL n° 3, et il faudrait aussi que les différentes lois se parlent.
M. Caire : Si
je peux me permettre, si je peux me permettre, M. le Scientifique en chef,
c'est important, ce que vous dites là, là. En quoi... Qu'est-ce que vous vivez
actuellement, dans l'application de la loi n° 25,
versus la Commission d'accès à
l'information, qu'est-ce que vous vivez qui vous donne à affirmer aujourd'hui
que l'intention du législateur n'est pas respectée?
M. Quirion (Rémi) : Je vais
passer la parole à Mylène.
M. Caire : Parce que c'est...
Apprenons de nos erreurs. Donc, si vous vivez des situations qui vont dans ce
sens-là, pouvez-vous nous en faire part de façon à ce que nous, on puisse être
peut-être un peu plus clairs dans nos intentions?
Mme Deschênes (Mylène) : Peut-être,
d'abord, au niveau contextuel, on comprend que les différents organismes ont
une imputabilité en lien avec la protection des renseignements personnels, ce
qui fait que, sur le terrain, ce qu'on
constate, c'est que chaque personne au sein desquelles le chercheur passe
pour... dans le cadre du processus, pour avoir accès aux données, chaque
organisme qui se sent imputable en rajoute une couche, et ces couches se
superposent sans nécessairement se coordonner. Donc, ce qu'il arrive, à la fin,
c'est que le chercheur...
M. Caire : ...quand vous dites
«en rajoute une couche», en rajoute une couche en fonction de l'interprétation
que ces organismes-là font de la loi ou en rajoute une couche en fonction de ce
que la loi prévoit?
Mme Deschênes (Mylène) : Donc,
imaginons qu'on a un élément où on a un mandat assez précis, on va en demander un peu plus pour être vraiment sûr que
tout est protégé. Vous voyez, en annexe, encore une fois, du mémoire, un
ensemble de formulaires à remplir. Ce sont des formulaires qui... Ce sont des
étapes nécessaires, passer devant le comité d'éthique, si jamais j'ai un
appariement, aller voir l'ISQ, redonner à la Commission d'accès à l'information
accès, par exemple, au contrat, etc., etc.
Mais on a l'impression, puis c'est ce qu'on nous
rapporte, qu'à chacune des étapes, se sentant imputable, chacun se dit : Je vais en faire un peu plus,
et, en en faisant un peu plus, sur le terrain, l'effet est difficile, parce que
le chercheur se dit : Bien, OK, je
pensais que j'avais bien fait, mais là je me rends compte qu'il faut que j'en
fasse encore plus. ...voire, dans
certains cas, on nous a rapporté, plus récemment, certains projets qui sont
carrément bloqués parce qu'on se dit : Bien là, est-ce que le
chercheur a vraiment fait ce qui lui était demandé?
Donc, c'est sûr que, dans ces conditions, on se
préoccupe. On se dit : Là, il y a une opportunité de s'assurer que,
vraiment, l'intention du législateur, tout le monde va y prêter attention,
qu'il y a beaucoup d'énergie dans le système à protéger le renseignement, ce
qui est absolument nécessaire. Ce n'est vraiment pas quelque chose qu'on remet
en question, loin de là. On a tous intérêt à ce que les renseignements soient
bien protégés, mais il faut aussi que tout le monde mette l'épaule à la roue, à
la recherche. Comme le décrit le Scientifique en chef, on ne peut pas juste
être toujours en train d'essayer d'avoir accès à la donnée. Il faut que les
chercheurs puissent réaliser leurs activités de recherche.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Je cède de la parole au député de René-Lévesque.
M. Montigny : Bonjour. Petite
question en lien avec votre recommandation n° 13.
Vous avez, pendant votre exposé, tout à l'heure, partagé que, bien sûr, pour
protéger les citoyens, on ne faisait pas que protéger leurs données, on faisait
de la recherche aussi. Est-ce que c'est aussi parce que vous avez peur, dans
l'application de la loi, que vous proposez de donner des pouvoirs d'audit,
etc., là, à la personne, la plus haute autorité, à l'article 13?
J'aimerais vous entendre pour... là-dessus
parce que je voyais, moi, qu'à n'importe quel moment, c'est inscrit dans le
projet de loi n° 3, la personne
à la plus haute autorité pouvait intervenir si elle avait des doutes au niveau
éthique ou pas. Alors, j'aimerais ça vous
entendre là-dessus parce que moi, je voyais qu'il y avait quand même quelque
chose là qui sécurisait, puis là vous avez amené cette proposition-là.
Alors, ça me surprend un peu.
Mme Deschênes (Mylène) : Oui,
absolument. En fait, vous savez, les chercheurs, sont... on veut qu'il y ait
des mécanismes de surveillance de leurs activités. Il est, bien sûr, important,
par exemple, que la Commission d'accès
exerce ses mécanismes de surveillance au niveau de la protection des
renseignements personnels, mais, de longue date, depuis longtemps, les chercheurs sont aussi, je vais dire,
surveillés par d'autres organismes, que ce soit, par exemple, les Fonds de recherche du Québec, à l'égard des
projets que nous finançons, en matière d'intégrité scientifique, que ce
soient les comités d'éthique à la recherche, qui, eux aussi, assurent la
protection des personnes qui participent à des projets de recherche.
Et c'est là, dans ce contexte, qu'on veut
s'assurer, et, cela, la recommandation 13, que, lorsque d'autres
organismes, je vais en nommer un dernier, pardon, ce serait Santé Canada, par
exemple, à l'égard des recherches cliniques... quand d'autres organismes
veulent s'assurer que les chercheurs ont bien fait leur travail, ont bien fait
la recherche, incluant parfois, mais aussi, sur d'autres sujets que la protection
des renseignements personnels, que ces entités-là
pourront, justement, accéder à des données pour pouvoir vérifier qu'on ne leur
opposera pas un refus d'accès en disant : Bien là, ce n'est pas de
la recherche.
Donc, si on veut que la personne ayant la plus
haute autorité puisse réagir, stopper un projet de recherche, il va falloir qu'on puisse lui donner accès, ou, par
exemple, à un comité d'éthique, qui voudra aller valider que le travail a été bien fait... de se rendre parfois jusqu'à des
éléments... de valider un formulaire de consentement, une donnée qui a été
colligée, etc. Donc, c'est le sens de notre proposition.
Le Président (M. Simard) : Mme
la députée de Huntingdon. Pas facile à dire lorsqu'on a une petite sinusite.
Non, vraiment.
Mme Mallette : Oui, hein?
Le Président (M. Simard) : Non,
vraiment.
Mme Mallette : J'ai une question par rapport... Dans le fond,
est-ce que vous voyez, dans le projet de loi n° 3
puis dans les règlements qui vont en
découler, s'il devrait y avoir une différence, selon le demandeur, des données
pour des fins de recherche? Si c'est un demandeur, par exemple, qui est
en recherche privée, qui est en recherche publique ou même extérieure au
Québec, parce que vous l'avez mentionné, là, avec les échanges internationaux,
est-ce que les règles, processus... Puis
même le projet de loi n° 3, en lui-même, comment qu'il est, parce que c'est
quand même le sujet qui nous intéresse aujourd'hui, est-ce qu'il devrait
y avoir des modifications puis des différences ou on applique la loi de la même
manière?
M. Quirion (Rémi) : Très bonne
question. Je vais passer la parole à Carole et je pourrai revenir par la suite
au besoin.
• (12 heures) •
Mme Jabet (Carole) : Merci. Je
pense que le projet de loi n° 3 prévoit déjà un
certain nombre de catégories qui sont intéressantes entre le chercheur lié qui
est dans l'établissement puis le chercheur non lié. Je ne vous le redirai pas. Vous connaissez le projet aussi bien
que moi. Je pense que ce projet-là prévoit, puis ça, c'est, en tout cas, la façon dont on le lit, que, qu'on soit un chercheur
lié, qu'on soit un chercheur non lié, nos obligations, nos responsabilités
doivent être encadrées de la même manière. C'est le mécanisme d'encadrement qui
change un petit peu. D'un côté, j'ai la plus haute autorité d'un établissement
avec mon chercheur lié. Je suis dans mon cercle de feu. Donc, c'est mon rapport
au travail. De l'autre côté, c'est un centre d'accès aux données, mais qui va
appliquer les mêmes standards qu'on va avoir dans l'établissement puis de
l'autre côté.
Pourquoi j'approche la question de cette
façon-là? Parce que, si on s'assure que c'est ça qu'il se passe, puis que ces
processus-là sont bien les mêmes, avec la même rigueur et la même
responsabilité, à ce moment-là, que je sois
un chercheur lié d'un établissement, un chercheur académique — et
je vais y revenir — ou
un chercheur qui vient du milieu privé, je suis fixé aux mêmes
standards. Et donc, à ce moment-là, on a garanti la même chose, et je trouve
que le projet de loi le prévoit de cette façon-là.
Est-ce qu'on
pourrait avoir des petites zones d'amélioration? Peut-être. Je pense qu'elles
seraient intéressantes. Vous avez la recommandation dans notre mémoire.
Quelle est l'étendue d'un chercheur lié? Si je suis un chercheur d'un hôpital
universitaire, puis, si je suis un chercheur affilié dans une université qui
travaille avec cet hôpital-là, puis que j'ai des privilèges de recherche,
est-ce qu'on pourrait le mettre lié aussi? Ce sont deux mêmes individus qui se
ressemblent étrangement. Est-ce qu'au niveau du centre d'accès on pourrait
mettre encore plus de robustesse pour savoir
qu'est-ce qu'on va demander dans les contrats puis s'assurer qu'on encadre bien
le demandeur par rapport à ses obligations contractuelles... pourrait
être une autre chose qu'on demande.
Le Président (M. Simard) : Merci.
M. le ministre.
M. Caire : Merci.
M. le Scientifique en chef, vous avez dit quelque chose tout à l'heure qui a
accroché mon oreille assez, assez fortement. Vous avez parlé de donner
des accès aux données, fussent-elles identificatoires. Là, j'imagine que vous
réalisez le pavé dans la mare parce qu'on est en train de parler d'anonymiser
les données. L'Institut de la statistique nous dit : Bien non, nous, on va
les dépersonnaliser, ce qui est quand même... Mais vous, vous allez plus loin, là, vous dites : Nous, on veut recevoir
des données brutes avec votre nom, votre prénom, votre date de naissance,
votre adresse, on veut être capable de dire : C'est cet individu-là dont
je traite les données, là. Comment on... d'abord,
au nom de quoi on ferait ça, au nom de quel besoin, je vais dire, on ferait ça
et dans quel contexte? Pouvez-vous, vous,
nous assurer que ces données-là vont recevoir le niveau de protection... si
tant est qu'on allait dans cette direction-là, évidemment, là, le niveau
de protection que ça requiert? Parce que, là, vous comprendrez que, je veux
dire, là, c'est...
M. Quirion (Rémi) : Oui. C'est
pour ça que j'ai parlé un peu de pacte social et d'impliquer vraiment nos
concitoyens, concitoyennes. Je ne sais pas, Mylène, si tu veux interagir sur
ça.
Mme Deschênes (Mylène) : Oui,
je peux ajouter là-dessus, je pense qu'en contexte de santé et en contexte de soins, quand j'ai le patient devant moi, je
suis à l'hôpital, j'ai le patient devant moi et je veux qu'il participe à un
projet de recherche, vous comprendrez que, là, l'anonymisation a ses
limites, la personne est là et elle veut bénéficier, là, de soins. Il est certain qu'après, quand on va gérer
la donnée, quand on va diffuser des résultats, on va complètement protéger le
renseignement personnel. Mais il peut arriver des circonstances dans un milieu
de soins où c'est un fait de la vie, je suis
le chercheur, j'ai le patient devant moi, je lui demande son consentement,
c'est certain qu'à ce moment-là je sais de qui il s'agit. Dans le traitement que je vais faire des renseignements,
dans mon dossier de recherche, comme on l'apprend au
jour 1 en tant que chercheur au niveau de l'éthique de la recherche, je
vais dépersonnaliser le renseignement qui va être contenu dans mes dossiers, et
tout ça va être traité de manière dépersonnalisée. Mais il faut reconnaître
cette situation-là, je pense.
M. Caire : Mais, si je peux me
permettre, là, vous parlez d'un contexte très précis où, moi, comme... bon,
j'ai une maladie x, y, vous êtes en train de développer, à un stade
avancé, un nouveau protocole de traitement, et moi, j'accepte d'être intégré à
ce protocole-là, qui est quand même encadré mais qui est innovant, vous
dites : Dans ce contexte-là, on sait qui on a en face de nous. J'en
conviens, mais là, c'est... dans le fond, vous l'avez, cet accès-là, c'est... puis je ne vois pas dans la loi, là, où
vous ne pouvez pas avoir accès à ça, évidemment, mais ce qui m'intéresse,
moi, c'est le tout après, du moment où, moi, je sors de votre salle de
traitement, là, il se passe quoi, là. Qu'est-ce que vous nous demandez par
rapport au PL n° 3?
Mme Deschênes (Mylène) : Je
pense que c'est intéressant parce qu'imaginons que, pour que je puisse bien
vous traiter, j'ai également besoin d'apparier ces données-là avec des données
qui viennent peut-être d'un autre, je ne
sais pas, d'un autre ministère ou... exactement, dans ce contexte-là, qu'est-ce
qu'on va faire? Est-ce qu'on va essayer... Il faut que je puisse aller
chercher ces données-là. Si j'ai le consentement...
M. Caire : Je comprends, mais
c'est parce que vous me mettez dans un contexte où je reçois des soins au même
titre que quand je vais dans le bureau de mon médecin. Mon médecin sait qui je
suis, ou n'importe quel autre personnel soignant, il sait qui je suis, je
reçois des soins, que ce soit dans un protocole de recherche ou non. Là, vous
parlez d'une prestation de services, évidemment que vous avez accès. Mais, moi,
ma question, c'est : Une fois que cette prestation de services là est
terminée, qu'est-ce qu'on fait avec les données que vous avez colligées?
Mme Deschênes (Mylène) : ...disais,
les données, après, lorsqu'elles seront traitées, seront dépersonnalisées dans
les dossiers qui vont les transférer. Mais c'est sûr qu'avec... je veux...
c'est important, parce que ce que vous nous dites, c'est... vous nous
dites : Effectivement, avec un consentement, vous pourriez avoir cette
information-là de manière nominative. Ça doit s'appliquer quand j'ai le patient
devant moi, ça doit s'appliquer quand ce patient-là me dit également : Je te donne mon consentement pour que les
données qui sont au ministère de l'Éducation, tu puisses les apparier.
Et donc ça veut dire que cette information-là, je pourrais aller la chercher,
si elle n'a pas été désignée d'une façon qui était nominative, mais le
traitement, après, de ce renseignement-là est toujours dépersonnalisé, c'est
toujours comme ça que se fait la conservation des renseignements de recherche.
Puis on parle de consentement ici.
M. Caire : Mais... non, mais je
comprends, mais j'essaie de tracer la frontière entre... Parce que dans ce que
vous nous dites, là, c'est qu'il y a comme une espèce de fusion entre le
traitement, donc, le patient qui reçoit un soin de son professionnel de la
santé et le chercheur, donc les deux ont les deux casquettes, là, donc c'est un
contexte qui est très particulier.
Et donc, moi, ma question, c'est dans le
contexte du projet de loi n° 3, où on parle d'avoir
une mobilité de la donnée, essentiellement, d'être capable de monter des
protocoles de recherche. Là, vous nous sortez de ça, vous nous amenez dans un... Bon, est-ce que, législativement,
le projet de loi n° 3, dans sa forme actuelle, vous permet de faire
ça, de jouer ce double rôle de professionnel de la santé et de
chercheur?
Mme Deschênes (Mylène) : Je
pense que oui.
M. Quirion (Rémi) : Oui.
M. Caire : Donc, vous n'êtes
pas en train de nous demander un amendement...
Mme Deschênes (Mylène) : Non,
non, non, pas du tout.
M. Quirion (Rémi) : C'est juste
qu'il y a des exceptions des fois, là.
M. Caire : OK. Tout à l'heure,
l'Institut de la statistique, puis on avait une discussion très intéressante,
nous parlait du contexte dans lequel elle
donnait accès aux informations. M. le Scientifique
en chef, vous avez dit : Au
Québec, c'est difficile d'avoir accès à une quantité importante et
diversifiée de données. Ce n'est pas ce que j'ai entendu de l'Institut de la statistique. Eux, ils nous
disent : Écoutez, on a des données de santé, éducation, famille, bientôt
revenu, donc il y a quand même un
éventail très large de données. Ils ont précisé que leur mandat était de les
mettre à la disposition des
chercheurs du public, dont vous, évidemment. Ce que vous nous dites me semble
incompatible avec ce que l'Institut de la statistique vient de nous
dire. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Simard) : Alors,
rapidement, s'il vous plaît.
M. Quirion (Rémi) : Ah! bien,
je vais commencer en disant qu'on est partenaire avec l'ISQ dans plusieurs dossiers, donc on travaille beaucoup, beaucoup
ensemble. C'est peut-être encore sur le terrain et c'est pour ça qu'on ajoute
aussi une limite en termes de temps, dire : Oui, on doit retourner aux
équipes de chercheurs en 30 jours, parce que oui, des fois, ça arrive maintenant, mais c'est
long, c'est très long. Souvent, le chercheur reçoit son financement, ça peut prendre
un an, deux ans avant d'avoir accès aux données, et là c'est pour ça qu'il va
les chercher en Ontario.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Merci. Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe :
Bonjour à vous trois. Merci, M. Quirion, Mmes Jabet et Deschênes,
pour vos interventions et pour la qualité du mémoire que vous avez déposé. Je
vous remercie de rappeler le rôle fondamental, là, pour notre société, là, de
la recherche fondée sur des données qui arrivent... des données de qualité qui
arrivent en quantité suffisante puis dans un délai qui nous permet de
rencontrer les objectifs. Vous avez même parlé parfois de frustration de ne même pas pouvoir utiliser les données
québécoises. Donc, tout ça est bien noté. Vous avez parlé de l'importance
de se rappeler, à tout moment dans notre exercice, de l'intention du
législateur, ne pas le perdre de vue. Donc, tout ça, ça, c'est le préambule à
mes deux questions. Je vous en remercie.
D'ailleurs, vous êtes
allés aussi en détail dans vos recommandations. Moi, si je comprends bien, vous
voulez un peu plus de... je ne sais pas si c'est tant de la souplesse, mais, en
tout cas, de simplifier le processus pour les chercheurs liés, on a bien noté
ça.
Je me demande... j'ai
deux questions pour vous, là. On a parlé de la CAI et de son rôle, évidemment,
dans... dans tout ce contexte-là, on le comprend. Est-ce que... Tu sais, puis
je reviens au... Ils ont déposé un mémoire. Ils étaient ici la semaine
dernière. La CAI demande, dans son mémoire sur le projet de loi, à pouvoir
réviser les ententes de demandes d'accès et éventuellement les suspendre sous
30 jours. Que pensez-vous que devrait être le rôle de la CAI en matière de
régulation de l'accès aux données pour la recherche?
• (12 h 10) •
M. Quirion
(Rémi) : C'est un organisme très, très, très important pour le Québec,
et on doit l'avoir. Je vais passer la parole à Carole, peut-être, sur ça, là,
mais... pour le rôle précis.
Mme Jabet
(Carole) : On doit l'avoir. Souvent, on compare la CAI, et je vais
faire attention à ce que je dis, mais à une fonction de vérificateur général.
Et, pour nous, c'est ce qu'elle doit avoir. Autrement dit, confions, tel que la
loi le prévoit, aux mécanismes de gouvernance et aux acteurs le jour, le jour,
donc, les ententes, l'encadrement, la gestion,
et utilisons la CAI dans le meilleur de ses rôles comme agent de vérification,
comme agent auditeur qui vient, une fois par année, vérifier ce qui a
été fait, la conformité de ce qui a été fait, qui dénonce les non-conformités,
qui oblige à des ajustements et qui oblige à des améliorations. Et je pense que
ça, c'est un mécanisme, qui est, d'ailleurs, celui qu'on lit dans le projet de
loi, qui permet d'avoir une amélioration continue des processus qu'on va trouver
dans nos établissements et dans notre centre d'accès.
M. Quirion
(Rémi) : Et je dirais... rajouterais que c'est vraiment un rôle très,
très, très important pour moi, au Fonds de recherche du Québec. Lorsqu'on
reçoit, à chaque année, la visite du Vérificateur général, tu sais, on est sur les épines un peu, là. Donc, avoir un peu un
rôle de ce type-là pour la CAI, je pense que ça valoriserait davantage que d'être
très en amont et peut-être ralentir des processus, là. Je pense qu'avoir un
rôle de contrôle, à chaque année, vérification de certains projets, je pense,
ce serait très, très... ce serait apprécié par tout le monde et certainement
utile pour nous.
Mme Setlakwe :
Merci. Sur un autre aspect, selon vous, est-ce qu'il existe une technologie
sécuritaire qui permettrait de redonner au patient lui-même la gestion de ses
données de santé?
M. Quirion
(Rémi) : Ah! ça, c'est intéressant aussi, là, et il y a, quoi, deux ans,
peut-être, on avait collaboré avec l'Institut de la gouvernance numérique, que
vous allez entendre plus tard aujourd'hui, pour produire un livre blanc sur les
chaînes de blocs. Et ça, c'est un moyen assez... très efficace, je pense, là,
pour vraiment redonner à l'individu le contrôle sur ses données, et c'est très,
très sécuritaire. Donc, très certainement qu'en après-midi vous allez avoir
beaucoup plus de détails là-dessus, là, mais c'est une technologie qui évolue
rapidement, et on a quand même de très bons chercheurs dans ce secteur-là au
Québec.
Mme Setlakwe :
Je vous remercie tous les trois. C'est tout pour moi.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, chère collègue. M. le député de
Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le Président. Merci d'être là. Bienvenue, rebienvenue. On parle beaucoup des
chercheurs. Ce matin, les gens avant
vous, l'institut... J'aime beaucoup les chercheurs, là, puis j'aime surtout
l'idée qu'ils puissent sauver des vies, y compris la mienne peut-être un jour,
mais notre rôle de législateur, c'est de protéger, d'abord et avant
tout, les citoyens et les citoyennes du Québec, là.
Je ne sais pas...
vous avez dit tantôt, M. Quirion, on sous-estime le fait de ne rien faire.
J'ai entendu ça aussi, on a entendu ça ici aussi en visio, je crois que
c'étaient les gens de la Société canadienne du cancer. Moi, je vous avoue que
je suis un peu mal à l'aise avec ça parce que c'est, genre, bien, il faut le
faire, puis on verra après. Ça me semble défier le principe de précaution.
J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Quirion
(Rémi) : C'est un très bon point. Les collègues pourront certainement
ajouter, là. Mais c'est certain qu'on a un système de recherche qui est actif.
On a des hôpitaux dynamiques. On a aussi une population québécoise
qui a des défis, hein, c'est une société âgée, et avec ça vient beaucoup... la
deuxième plus âgée dans le monde après le Japon, donc, des maladies reliées à
l'âge, il va y en avoir de plus en plus. On a aussi des maladies rares, on peut
penser à la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Et de ne rien faire, de dire : Finalement, c'est mieux de ne pas donner
accès à des données à personne, je pense qu'on ralentit les opportunités du
côté recherche pour trouver des traitements pour ces maladies rares là. Donc,
je pense qu'il y a un coût à ne pas... rien faire. Et, des fois, pour être peut-être
un peu malpoli, là, je dirais, on a un peu... on est un peu paternaliste de ce
côté-là en disant aux citoyens, entre guillemets, ordinaires : Ne t'en
fais pas, on s'occupe de toi, on te protège, tout ça. Mais le citoyen peut
aussi avoir en main et prendre des décisions lui-même, là. Et on le voit pour
les patients ou les familles de patients qui souffrent de maladies rares, ils
veulent vraiment participer à la recherche, pas seulement eux, là, mais
certainement eux, ils veulent le faire, là. Donc, c'est un peu pour ça qu'on
dit : Il y a des coûts à ne pas donner accès de façon efficace aux données
de santé.
M. Marissal : Je comprends bien, mais
c'est parce que l'éléphant dans la pièce ici, c'est la recherche notamment
de Big Pharma, hein, puis des
pharmaceutiques. Ça, vous, vous logez où là-dedans, là? Est-ce qu'on ouvre ça
largement, quitte à leur demander patte blanche? Vous parlez d'un fonds...
d'un registre, par exemple, éclairez-moi là-dessus.
M. Quirion
(Rémi) : Peut-être, Mylène, est-ce que tu veux commencer, puis
j'ajouterai?
Mme Deschênes
(Mylène) : Oui, absolument. Je pense que l'opportunité qu'on voit avec
ce projet de loi là, c'est très certainement que, dans ce qu'il se passe dans
le réseau, dans le cercle, nous autres, on l'a appelé le cercle de feu, dans le
cercle de feu du réseau de la santé avec des chercheurs liés, qu'on puisse
avoir une mobilité accrue. Après, pour ce qu'il se passe du côté du privé, le
lieu où ça va se passer, le lieu où on va pouvoir dicter des règles qui sont au
niveau de ce qu'on attend, ça va être le centre d'accès, et le centre d'accès
va être capable de moduler en fonction de qui il est. Et à ce chapitre, je
pense que le Scientifique en chef pourra vous parler lui aussi du mandat qu'il
a donné à la commission d'éthique pour réfléchir à cette question- là. Je pense
que c'est intéressant de voir les recommandations qui sont mises là-dedans et
qui pourront inspirer les travaux du centre d'accès. Le centre d'accès était...
m'apparaît être le lieu où on va être capable vraiment d'apporter une réponse
appropriée, proportionnelle aux risques que pourrait représenter le secteur
privé.
M. Quirion
(Rémi) : Et peut-être...
M. Marissal : Attendez, juste
là-dessus, là, rapidement. Donc, vous ne fermez pas cette porte-là. Cette
porte-là, elle est ouverte avec une clé, un code numérique, puis une
fenêtre pour voir l'autre bord, là, mais vous ne fermez pas cette fenêtre-là,
cette porte-là, vous.
M. Quirion
(Rémi) : Nous, on ne parle pas de ça en lien avec le projet de loi
n° 3. Dans notre mémoire, j'avais
demandé, comme disait Mylène, là, à la commission éthique, science et
technologie de produire des suggestions là-dessus. Je pense qu'il peut y
avoir... il faut que ce soit très conditionné vraiment avec le centre d'accès,
et ce n'est pas là... ce n'est pas un bar
ouvert pour le privé, là, que ce soit l'industrie pharmaceutique, que ce soit
dans le domaine des grandes bases de données, de l'intelligence
artificielle, il faut vraiment que ce soit très, très contrôlé.
M. Marissal : Oui. Vous effacez ma
mémoire, là, c'est parce qu'il s'est passé une élection, depuis la dernière fois
qu'on s'est vus, puis on était peut-être occupé à autre chose, là, mais vous
avez eu ce mandat-là, je crois, là. Éclairez-moi donc ça vient d'où, là, cette
demande. Je pense, vous aviez été interpelé, là, clairement, pour faire cette
recherche-là.
M. Quirion
(Rémi) : C'est certain que, pour nous, tout cet aspect-là est très
important. C'est certain que notre ministre avait parlé d'accès aux données
publiques, privées, et on s'est dit : On n'a peut-être pas toutes les
compétences qu'on devrait avoir pour faire ce genre d'étude là. On a la
Commission d'éthique en science et technologie, c'est des experts dans le
domaine, donc ils ont fait le travail, produit un rapport. Et nous, on est
assez en accord avec ce qu'ils ont dit, là. Donc, eux recommandent la création
d'un groupe de travail pour vraiment explorer ça davantage, là.
M. Marissal :
Pour fins de compréhension des gens qui nous écoutent et pour la
transcription, votre ministre, c'est celui de l'Économie et de l'Innovation.
M. Quirion
(Rémi) : Économie, Innovation, Énergie.
M. Marissal : Oui. Maintenant, oui,
c'est vrai, et peut-être autre chose aussi. En fait, pour le moment, c'est ça,
c'est pour fins de compréhension, les gens qui sont peut-être moins initiés que
nous à la discussion que l'on a. C'est pour quand, le rapport, savez-vous? Mais
ce n'est pas tellement...
M. Quirion
(Rémi) : Ah! le rapport, il est sorti, c'est au mois de...
Mme Deschênes (Mylène) : C'est
déjà public, c'est sur le site Web de la commission d'éthique.
M. Quirion (Rémi) :
...c'est au mois d'octobre, je crois, au mois d'octobre dernier.
M. Marissal : OK. Comme je vous
dis, on était un peu occupé à autre chose en septembre, octobre dernier, alors
je vais refaire mes devoirs. On va finir par se mettre à jour. C'est vrai qu'on
va... Non, d'abord, je voulais vous poser une question rapidement, là, s'il me reste
un peu de temps, vous avez dit : Pendant la COVID...
Le Président (M. Simard) : ...
M. Marissal : Ah!
j'ai six minutes. Merci, M. le Président. Pendant la COVID, ça a été long,
c'était compliqué, il y avait des
embûches. Mettons qu'on recommence une COVID, là, ce n'est pas un souhait,
c'est une hypothèse, qu'est-ce que le projet de loi n° 3
change dans les circonstances?
Mme Jabet (Carole) : Il change
qu'on peut avoir une donnée, avoir accès... dans le cercle de feu qu'on
appelle, là, avec les chercheurs liés, on peut avoir un accès à la donnée
beaucoup plus rapide. Ça ne se fait pas sans les règles, on en a assez parlé,
mais cet accès-là, rapide, est absolument essentiel parce qu'on peut s'en aller
vers une donnée en temps réel et dans un milieu réel d'utilisation. Puis ça, ça
change beaucoup la façon dont on est capable, après ça, d'enclencher la
recherche puis d'y répondre, donc on gagne en célérité.
M. Quirion (Rémi) : ...pendant
la pandémie, il y a des gens qui l'ont vécu aussi au jour le jour, là, au
niveau du ministère de la Santé et Services
sociaux, ça a été un peu lourd, un peu compliqué, on avait beaucoup de liens
avec, par exemple, l'Angleterre
qui... eux avaient un... qui ont un système un peu plus agile que le nôtre. Donc, on espère
qu'on va avoir appris de cette
pandémie-là. Et maintenant, avec projet de loi n° 3,
avec 25, ça va être plus facile d'avoir accès en temps réel aux données.
M. Marissal : Je
présume que vous avez suivi un peu, là, la dernière initiative immense de la
NHS, en Grande-Bretagne, avec...
Mettons qu'on se lance dans une recherche de ce type, là, on parle quand même
de 50 millions, possiblement, de personnes participant à une immense
recherche en Grande-Bretagne, je présume que le projet de loi n° 3 ici serait utile à ça.
M. Quirion (Rémi) : Mylène.
Mme Deschênes
(Mylène) : Bien, je pense qu'il offre tout l'encadrement
nécessaire pour être capable d'avoir une vision long terme. Ce genre d'études
là sont extrêmement importantes. Ça permet de comprendre nos populations, de
voir, là, de bout en bout, ce qui sont des facteurs de santé ou des facteurs de
risque à des maladies. Donc, moi, je pense
qu'on a les éléments, dans ce projet de loi là, pour réaliser des projets de
recherche d'envergure, ambitieux, puis qui vont répondre... puis là je reviens,
c'est extrêmement important, qui sont faits avec la collaboration de la
population et pour la population, c'est vraiment avec eux et pour eux.
• (12 h 20) •
M. Marissal : OK. Il me reste
une minute ou deux, là, d'après mes calculs.
Le Président (M. Simard) : Quatre.
M. Marissal : Je calcule très
mal, il me reste quatre minutes.
Le Président (M. Simard) : Je
vois ça, là, mais c'est le début de la semaine, faites-vous-en pas.
M. Marissal : C'est une bonne
nouvelle. Ça va être pire à la fin de la semaine, faites-vous-en pas. La
recommandation 10, pouvez-vous nous expliquer un peu davantage? C'est
intéressant, là, votre registre, compiler les demandes, expliquez-nous ça, s'il
vous plaît.
M. Quirion (Rémi) : ...
Mme Jabet (Carole) : Est-ce que
j'y vais? Bien, je vais commencer. On a beaucoup dit, puis ça a été répété dans
l'allocution du Scientifique en chef, que, quand on arrive sur le terrain et
qu'on met en application les lois, on peut
avoir des difficultés d'inertie, d'administration, de couches qui
s'additionnent. Une bonne façon d'être analytique par rapport à ça puis
d'être critique par rapport à ça est de créer un registre, justement, des
projets de recherche qui sont faits à partir des données, un registre qui
contient plusieurs informations : quel projet on a fait, avec quelles
données, dans quel temps on a eu accès à ces données-là, dans quel temps est-ce
qu'on a eu un résultat. L'avantage ici, c'est de vérifier plein de
choses : Est-ce que toutes les données sont mobilisables? Est-ce que les
temps d'accès sont les temps qui sont cohérents avec l'exercice de recherche?
Est-ce que j'informe correctement la population avec laquelle j'ai établi mon
pacte social? Autrement dit, est-ce que je lui redonne ce pour quoi elle a
contribué?
Donc, pour nous, c'est vraiment un instrument
qui, quand on le met en place, nous permet de regarder correctement ce qu'on
est en train de faire puis d'avoir des pistes d'amélioration au niveau des
chercheurs, au niveau des organismes qui accompagnent et encadrent les
chercheurs, dont nous.
M. Marissal :
OK. Vous voulez ajouter quelque chose?
M. Quirion (Rémi) : Donc, on va
essayer de vraiment avoir un vrai tableau de bord public, vraiment les
informations sont publiques pour tout le monde qui veut... qui est intéressé
par ça. Parce que, maintenant, c'est souvent difficile d'avoir ce genre
d'information là, en termes de combien ça prend de temps avant d'avoir accès
aux données, etc., combien de projets sont à l'étude, et tout ça, là, c'est
très lourd.
M. Marissal : Très bien. Je
vous remercie.
M. Quirion (Rémi) : Merci bien.
Le
Président (M. Simard) : M. Quirion, Mme Jabet,
Mme Deschênes, merci beaucoup pour votre présentation et votre
présence ce matin. Ce fut fort apprécié. On espère vous retrouver sous peu.
Compte tenu de l'heure, chers amis, nous allons
suspendre nos travaux. Et on se retrouve cet après-midi. Nous aurons la chance
de recevoir le Protecteur du citoyen. À bientôt.
(Suspension de la séance à 12 h 23)
(Reprise à 15 h 15)
Le
Président (M. Simard) : Alors, chers amis, nous sommes en mesure de
reprendre nos travaux. Je constate que nous avons quorum.
Comme vous le
savez, notre commission est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 3,
Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux.
Cet
après-midi, nous entendrons deux groupes et nous commençons par le Protecteur du citoyen. Monsieur, soyez le bienvenu. Auriez-vous,
d'abord, peut-être l'amabilité de vous présenter ainsi que la personne qui vous
accompagne?
Protecteur du citoyen
M. Dowd (Marc-André) : Tout à
fait. Merci, M. le Président. Marc-André Dowd, je suis Protecteur du
citoyen et je suis accompagné de Me Mylène Albert, conseillère
juridique à la Direction des affaires juridiques et institutionnelles du
Protecteur du citoyen.
Le
Président (M. Simard) : Bienvenue parmi nous, et vous savez que vous disposez
de 10 minutes pour faire votre intervention.
M. Dowd
(Marc-André) : Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M.
le ministre, Mmes, MM. les députés membres de la commission, je remercie
d'abord la Commission des Finances publiques d'avoir invité le Protecteur du Citoyen à participer aux consultations
particulières à l'égard du projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et
modifiant diverses dispositions législatives.
Je rappelle brièvement que le Protecteur du
citoyen reçoit les plaintes de toute personne insatisfaite des services d'un ministère ou d'un organisme du
gouvernement du Québec ou encore d'une instance du réseau de la santé et
des services sociaux. Il traite également des divulgations en matière
d'intégrité publique et mène des enquêtes, de sa propre initiative, sur des
situations préjudiciables à portée collective. Enfin, lorsqu'il le juge
opportun et d'intérêt public, le Protecteur
du citoyen propose des modifications à des projets de loi ou de règlement, et
c'est précisément à ce titre que je présente aujourd'hui mes
recommandations concernant le projet de loi n° 3.
Quelques
remarques générales sur le projet de loi n° 3. Bien, dans le cadre de ses
enquêtes, le Protecteur du citoyen a constaté que le manque de données
utiles est un problème récurrent dans le réseau de la santé et des services
sociaux, et ce, tant sur le plan de la
planification que de la gestion et de la dispensation des services. Pour les
usagers, un manque de fluidité dans
la circulation inter ou même intraétablissements de leurs renseignements de
santé et de services sociaux entraîne régulièrement des difficultés
d'accès à des services répondant à leurs besoins.
Dans cette
optique, je ne peux que saluer la volonté d'implanter un nouveau modèle de
gestion et de centralisation de ces renseignements car j'ai espoir que
l'esprit du projet de loi n° 3 puisse se traduire par une amélioration de la qualité des services offerts à la population. Il
sera cependant primordial d'atteindre le juste équilibre entre partage des
renseignements et respect de la vie privée. Confiant toutefois que d'autres
intervenants qualifiés en la matière aborderaient ces enjeux, je pense
notamment à la Commission d'accès à l'information, j'ai circonscrit mon analyse
aux aspects du projet de loi qui concernent de façon plus précise l'action du
Protecteur du citoyen et le respect de l'intention du législateur sur les
questions qui lui sont chères.
Mes premiers commentaires portent sur un enjeu
dont le Protecteur du citoyen est fréquemment témoin dans le cadre de ses enquêtes, l'impossibilité pour
certains proches d'accéder aux renseignements de santé et de services sociaux
concernant une personne décédée.
Dans sa forme
actuelle, le projet de loi n° 3 ne tient pas compte de l'intention du
législateur, clairement exprimée en 2021, de soutenir dans leur processus de
deuil le conjoint et les proches parents d'une personne décédée en leur accordant l'accès à ses renseignements. C'est là
précisément l'objet d'une modification qui a été apportée à la Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics et sur la protection des renseignements personnels par le projet de
loi n° 64. Dans le cadre des consultations sur ce projet de loi, ma
prédécesseure, la Protectrice du citoyen, Mme Marie Rinfret, avait
recommandé que les mêmes considérations puissent s'appliquer au dossier de
l'usager.
Je recommande
aujourd'hui qu'elles puissent s'appliquer aux renseignements de santé et de
services sociaux. C'est le sens de ma recommandation n° 1.
Une intention
similaire s'est traduite par la sanction récente de la Loi autorisant la
communication de renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones
disparus ou décédés à la suite d'une admission en établissement. Selon ma
compréhension, la modification que propose d'y faire le projet de loi n° 3
n'entravera pas la communication de renseignements à toute personne ou
groupement qui, conformément aux autres dispositions de la loi, doit pouvoir y
accéder. Le maintien de ce droit d'accès est primordial, à mes yeux, et le
Protecteur du citoyen sera très attentif à l'application de la loi à cet égard.
• (15 h 20) •
Avant
d'aller plus loin, soulignons que le projet de loi n° 3 propose, pour établir
un cadre juridique spécifique aux
renseignements de santé et de services sociaux, de modifier de nombreuses lois
et règlements dont le recoupement permet actuellement d'encadrer les
pratiques en matière d'accès. Parmi les lois qu'il est proposé de modifier se
trouvent la Loi sur les services de santé et les services sociaux — je
vais la désigner comme étant la LSSSS — et la Loi sur le Protecteur
des usagers en matière de santé et de services sociaux, qui encadre l'exercice
des fonctions du protecteur des usagers par le Protecteur du citoyen. Par
ailleurs, la Loi sur le Protecteur du citoyen établit un régime général de
confidentialité et d'accessibilité propre à l'exercice de ses fonctions. Mes
prochaines recommandations s'inscrivent dans une volonté d'assurer la cohérence
des dispositions à l'étude avec celles des lois qui attribuent ces fonctions au
Protecteur du citoyen.
J'attire d'abord
votre attention sur la proposition du projet de loi n° 3 de délaisser
l'expression «dossier de l'usager», utilisée dans la LSSSS, en faveur de la
formulation «renseignements de santé et de services sociaux». Les termes «dossier de l'usager» subsisteraient
toutefois dans la Loi sur le Protecteur des usagers. Pour plus de cohérence
entre ces deux lois, je recommande de
généraliser l'utilisation du terme «renseignements de santé et de services
sociaux» en l'intégrant aussi à la Loi sur le Protecteur des usagers.
Maintenant, je vais
aborder la question de la préservation du droit d'accès du Protecteur du citoyen
au dossier de plainte d'un établissement. Lorsqu'il exerce les fonctions de
protecteur des usagers, le Protecteur du citoyen agit normalement en deuxième
recours, après le commissaire aux plaintes et à la qualité des services d'un
établissement. À cette fin, il doit obtenir de l'établissement les
renseignements contenus dans le dossier de la plainte traitée en premier recours. La LSSSS établit les règles d'accès au
dossier de plainte de l'usager maintenu par l'établissement et prévoit une
liste de personnes et d'organismes pouvant se prévaloir de cet accès. Or, elle
n'y nomme pas le Protecteur du citoyen. L'accès au dossier de plainte lui est
plutôt garanti par la loi sur le Protecteur des usagers.
Afin que
l'application des dispositions de la LSSSS ne puisse pas interférer avec le
régime particulier d'accès du Protecteur du citoyen, je recommande de préciser,
à même la LSSSS, que celle-ci n'a pas pour effet de restreindre l'accès du Protecteur du citoyen à un renseignement détenu
par un établissement. C'est la recommandation 3.
Je vais maintenant
parler de l'accessibilité du dossier de plainte du Protecteur du citoyen. Quant
au dossier de plainte d'un usager maintenu par le Protecteur du citoyen, le
projet de loi n° 3 propose que les règles d'accès applicables soient celles prévues dans la LSSSS
qui s'appliquent au dossier de la plainte maintenu par l'établissement.
Or, la loi constitutive du Protecteur du citoyen établit déjà un régime de
confidentialité et d'accès propre à l'exercice de ses fonctions. Notamment,
selon ce régime, nul ne peut être contraint de révéler un renseignement qu'il a
obtenu dans l'exercice de ses fonctions au sein du Protecteur du citoyen ni de
produire un document contenant un tel renseignement, et ce, malgré toute loi au
contraire — j'insiste
sur cet aspect. Également, malgré la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics, nul n'a droit d'accès à un tel document.
Je crois fermement
qu'il y a lieu d'appliquer les règles de la LSSSS au dossier de plainte...
qu'il n'y a pas lieu — pardon — je
crois fermement qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les règles de la LSSSS au
dossier de plainte maintenu par le
Protecteur du citoyen. Plutôt, il convient de préserver la confidentialité
propre au régime législatif qui encadre l'exercice de la fonction de
Protecteur du citoyen afin que les mêmes protections et les mêmes immunités
s'appliquent pour l'ensemble de ses mandats.
Dans cette optique de
cohérence, je vois aussi l'occasion d'harmoniser les textes de loi qui
garantissent les immunités du Protecteur du citoyen. Actuellement, des
différences entre les libellés de la Loi sur le Protecteur du citoyen et de la Loi sur le Protecteur des usagers
peuvent laisser croire qu'ils renvoient à des régimes de confidentialité
différents. Si leur interprétation par les
tribunaux a toujours confirmé leur complémentarité, il demeure que ce manque
d'uniformité pave la voie à de possibles incohérences dans l'application des
règles de confidentialité.
Je
souligne ici que la confidentialité de l'intervention du Protecteur du citoyen
est une caractéristique intrinsèque de
sa fonction, essentielle à la préservation de son indépendance et à
l'établissement, avec les parties concernées par ses enquêtes, de
relations de confiance cruciales pour favoriser la collaboration.
Alors qu'il veille à
la qualité des services publics, le Protecteur du citoyen s'efforce chaque jour
de résoudre des problèmes vécus par les citoyens et d'initier le changement
avec comme outil de prédilection la discussion et la persuasion. Son pouvoir de persuasion repose sur deux éléments
indissociables de la confiance qu'il inspire : son pouvoir
d'enquête et le couvert de confidentialité qui lui est garanti.
Pour
toutes ces raisons, je recommande que le régime de confidentialité encadrant
l'exercice des fonctions du Protecteur des usagers soit celui qui est établi
dans la Loi sur le Protecteur du citoyen. C'est le sens de nos
recommandations R4 et R5.
Alors, je vous
remercie de votre attention et je répondrai maintenant avec plaisir à vos
questions.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous. Je cède maintenant la parole au ministre de la Cybersécurité.
M. Caire :
Merci, M. le Président. M. le
Protecteur du citoyen, maître, merci d'être là, merci de votre présentation.
Une présentation qui est très ciblée, je vous dirais. De toutes celles qu'on a
entendues, c'est probablement celle qui est la plus chirurgicale — on
parle de données de santé, donc, l'expression, vous me la passerez. Et donc je
vais avoir quelques questions pour vous,
mais je vous dirais que l'ensemble de vos recommandations, donc, d'entrée de
jeu... on va analyser très, très, très sérieusement, sous l'angle
juridique, les recommandations que vous nous faites, on va en évaluer l'impact.
Et là, évidemment, vous comprendrez que je n'irai pas plus loin dans les suites
à donner, mais je vous dirais qu'il y a plusieurs recommandations que vous
faites, là, qui vont très certainement, au minimum, amener une réflexion et une
analyse exhaustive de vos recommandations — suivez mon regard.
Ceci étant dit, vous
avez quand même amené certains éléments qui méritent, je pense, d'être
approfondis. Notamment, vous dites : Le manque de fluidité entraîne des
difficultés d'accès. Donc là, on sait que, comme Protecteur du citoyen, c'est
dans votre mandat de s'assurer que le citoyen reçoit les services auxquels il
est en droit de s'attendre et donc de prendre les mesures qu'il faut pour que
ce soit le cas quand ce n'est pas le cas. La question que j'ai à vous poser,
c'est : Est-ce que, dans votre mandat, ce manque de fluidité là, ce manque
de mobilité de la donnée, a entraîné des plaintes que vous avez eu à traiter?
Et évidemment, sans tomber dans la plainte à proprement parler, est-ce que vous
pouvez nous donner une idée de ce que ça veut dire pour le citoyen, ce manque
de fluidité là?
M. Dowd
(Marc-André) : De façon régulière, le manque de fluidité est une cause
de préjudice, je dirais, dans le réseau de la santé et des services sociaux, en
particulier lorsqu'un usager doit recevoir des services soit de deux établissements différents distincts, et là il
y a un problème de transfert des données de santé entre les établissements, ou
même à l'intérieur d'un même établissement, par exemple, quand il y a deux
missions à l'intérieur d'un même établissement et qu'ils doivent travailler
ensemble, qu'ils doivent travailler en complémentarité. Donc, on se rend compte que, régulièrement, les difficultés
d'accès... ou, en fait, les obstacles à la transmission de renseignements de
santé et des services sociaux
occasionnent des difficultés d'accès à des services donnés pour les citoyens.
Ça, c'est à un niveau de plainte individuelle, mais je vous amènerais aussi à
un niveau de plainte plus macro, je dirais. Et on a fait des enquêtes spéciales récemment. Je référerais à deux enquêtes
spéciales où le manque de données a été identifié comme un facteur
critique qui ne permettait pas de prendre les bonnes décisions. Oui?
M. Caire :
Quand vous dites «le manque de
données», est-ce que c'est au niveau des professionnels de la santé que vous
avez constaté ça? Donc, c'est les professionnels qui se sont plaints ou, dans
le cadre de votre...
M. Dowd
(Marc-André) : C'est toujours l'usager, c'est toujours l'usager, oui,
c'est ça.
M. Caire :
OK. Et, dans le cadre de votre enquête, vous en êtes arrivés à la conclusion
que ce n'était pas une mauvaise volonté du professionnel, mais un manque
d'information?
M. Dowd
(Marc-André) : Exactement. C'est toujours... notre perspective est
toujours celle de l'usager. Donc, l'usager
est insatisfait des services qu'il a reçus de l'établissement, va d'abord,
souvent, porter plainte en premier recours au commissaire local aux
plaintes et à la qualité des services. S'il est insatisfait des conclusions du
commissaire, il va pouvoir venir au Protecteur du citoyen. Il y a aussi une
mécanique de signalement, là, qui nous permet d'être saisis directement dans
certains cas. Donc, ça, c'est pour le niveau individuel des plaintes.
J'allais vous amener
sur le niveau collectif. On a mené deux enquêtes d'envergure, récemment, ma
prédécesseure, en fait, une enquête sur la gestion de la crise de la COVID dans
les CHSLD, de la première vague de la COVID dans les CHSLD, et il y a des
constats très clairs liés au manque de données par les établissements et par le
ministère, qui a amené l'impossibilité de prendre les bonnes décisions en temps
utile. Je me permets de citer un paragraphe de ce rapport-là parce que je pense
que ça illustre bien le problème. Donc, Mme Rinfret disait, c'est le
paragraphe 163 de l'enquête :
«À la lumière de
l'expérience de la première vague, même si la désuétude des modes de
communication avait déjà été constatée bien avant la crise, l'on réalise encore
davantage l'importance de pouvoir obtenir, en temps réel, les données qui
guident la gestion quotidienne. Ainsi, que l'on soit en période normale ou en
temps de crise, les données pertinentes doivent être disponibles et à jour, et
ce, afin d'apporter rapidement des solutions adaptées aux besoins. Des systèmes efficients pourraient également
renforcer les mécanismes d'imputabilité et de reddition de comptes des
gestionnaires et des décideurs publics.»
Et
cela amenait à la recommandation 18, où elle recommandait au ministère de
«se doter de systèmes intégrés d'information qui permettent d'obtenir en tout
temps et en temps réel des renseignements centralisés pour guider la gestion quotidienne, notamment en matière de
ressources humaines — c'est peut-être moins pertinent avec le
projet de loi n° 3,
mais... — de surveillance et de vigie sanitaire — on est en plein là-dedans — ainsi
que d'approvisionnements». Donc, à mon avis, le projet de loi n° 3
se rattache aux objectifs poursuivis par cette recommandation.
• (15 h 30) •
M. Caire : Si
je peux me permettre, au contraire, je pense qu'on touche à un point qui est
fondamental, parce que ce que vous dites,
c'est que cette difficulté-là de la mobilité de la donnée, ça n'entraîne pas
que des conséquences au niveau de la prestation des soins, ça amène
aussi des conséquences au niveau de la gestion et de l'administration du
réseau. Et ça, est-ce que vous avez des exemples...
M. Dowd (Marc-André) : Oui, je
pourrais...
M. Caire : ...ce
que ça veut dire comme conséquence, dans les faits?
M. Dowd
(Marc-André) : Je pourrais vous donner un autre exemple qui a été
illustré par une enquête spéciale, aussi,
qu'on a faite sur les mécanismes d'accès à l'hébergement public pour les
personnes en perte d'autonomie. On s'est rendu compte qu'un des problèmes principaux c'était la difficulté
d'accéder à des données en temps utile, pour permettre de bien orienter,
selon leurs besoins, les personnes qui avaient besoin d'un hébergement public.
Alors, la personne, par exemple, est à
l'hôpital, son état fait en sorte qu'elle ne peut pas retourner à la maison, ce
n'est pas sécuritaire pour elle, on
doit trouver un hébergement pour cette personne-là. Au sein des établissements,
l'accès à l'information pertinente sur l'état de ces personnes-là était
déficient, dans plusieurs cas, et le ministère avait très peu d'information sur
ce qui se passait d'un établissement à l'autre.
Alors, ça, c'est un autre exemple où... du
dossier individuel, de la situation individuelle de la personne, ça nous
permet, si on a l'information, de bien planifier les besoins, quels sont les
besoins d'hébergement pour cette région-là, combien de place on a besoin.
Alors, ça se recoupe, il faut le voir au niveau de l'accès aux services pour la
personne elle-même, pour l'usager elle-même,
mais aussi au niveau de la planification et de la gestion des services de
santé et de services sociaux.
M. Caire : C'est important, la
discussion qu'on a, M. Dowd. Parce qu'il y a des groupes qui sont venus
nous dire que, oui, le PL n° 3 est une bonne idée dans la mesure où cette mobilité-là de la donnée
est circonscrite aux seules fins des soins, donc de la thérapie. Ce que
vous nous dites, c'est qu'il y a aussi... vous avez, comme Protecteur du citoyen, constaté que cette incapacité à avoir
accès à des données de gestion qui découlent des données des renseignements de
santé, donc, ça amène une incapacité à faire une planification qui est adéquate
et ça a des conséquences directes sur la
qualité des services. Donc, est-ce que j'extrapole en disant que non seulement
vous n'êtes pas d'avis qu'on devrait circonscrire ça aux seuls soins,
aux seuls soins... aux seules fins de la thérapie des soins, mais que c'est
même, je dirais, une condition d'amélioration de la qualité des soins en
général que d'amener ça au niveau aussi de la gestion?
M. Dowd
(Marc-André) : C'est tout à fait le sens de notre position.
Maintenant, il faut prendre en considération le fait que le projet de loi reconnaît que, le mode de transmission des
données, à chaque fois que c'est possible, on privilégie la donnée
dépersonnalisée. Donc, il y a des cadres, là, qui doivent être respectés.
Maintenant,
plusieurs intervenants... je suis au courant que plusieurs intervenants, dont
la Commission d'accès à l'information et les ordres... en fait, le
Collège des médecins, je pense, ont insisté sur le fait qu'à certains égards le
projet de loi ne prévoyait pas suffisamment
de balises pour garantir la vie privée ou le respect du secret professionnel.
Je sais qu'il y a plusieurs propositions de recommandations qui vous sont
soumises, je suis convaincu que, comme parlementaires, vous allez les regarder.
Il faut assurer un équilibre entre la fluidité de l'information aux fins que
vous avez mentionnées, notamment l'amélioration
de la gestion du réseau et de l'accès aux soins, en garantissant, dans toute
la mesure du possible, le respect de la vie privée puis le respect du secret
professionnel. Donc, c'est l'équilibre que vous avez à réussir avec ce projet
de loi là.
M. Caire : Malheureusement pour
vous, je vais mettre la balle dans votre camp parce que, comme Protecteur du citoyen, vous avez aussi, j'imagine, une
préoccupation quant au respect de la vie privée, bien évidemment. D'ailleurs,
vous le mentionnez dans votre processus d'enquête, l'étanchéité que vous
souhaitez avoir autour de la confidentialité de ce que vous faites en est un
bon témoin.
Mais, à la lecture du projet de loi... Puis je
comprends que vous l'analysez du point de vue de votre mandat, mais c'est un peu la discussion qu'on a eue avec
les groupes, avec les collègues, trouver cet équilibre-là entre mobilité de
la donnée à des fins d'augmentation de l'efficience du réseau, au sens très
large du terme, mais aussi le respect de la vie
privée et de la confidentialité. Les médecins sont venus nous dire :
Écoutez, là, c'est la relation médecin-patient, là, qui pourrait être
compromise ou... Est-ce que vous vous jugez que le projet de loi, dans sa forme
actuelle, assure un équilibre qui vous semble de nature à respecter et la vie
privée mais et le besoin d'augmenter l'efficience ou... puis je vous amène
peut-être, maître... je vous amène peut-être sur un terrain où vous ne voulez
pas aller, mais je vais vous amener là pareil, ou alors vous avez, de façon
préventive, des a priori, outre ce que vous nous mentionnez du point de vue de
la confidentialité des renseignements que vous avez dans vos enquêtes à vous,
personnellement?
M. Dowd (Marc-André) : Bien, je
vous répondrais en disant que j'ai pris connaissance avec intérêt de plusieurs
mémoires, en préparant la présentation d'aujourd'hui, puis il y a quand même
certaines recommandations par différents
groupes ou différentes organisations qui ont retenu mon attention et auxquelles
je souscris, donc, comme Protecteur du citoyen, la première étant que...
le principe fondamental que la personne, l'usager peut refuser qu'on transmette un renseignement de santé et de service
social le concernant. J'ai été quand même bien sensible à l'argument qui était amené par le regroupement des comités
d'usagers à l'effet qu'encore faut-il que l'usager connaisse ce droit-là de
refus, qu'il sache comment l'exercer, que ce soit simple
et non... pas de formalité compliquée pour exercer un droit de refus ou un
droit de faire rectifier un renseignement, par exemple. Et donc, l'idée d'une
campagne d'information pour expliquer le nouveau régime, je souscris à cette
idée-là, je pense que ça va de pair avec un meilleur exercice des droits par
les usagers.
Également, vous avez un organisme qui est
spécialisé sur les questions de protection de la vie privée, qui est la
Commission d'accès à l'information. Je sais qu'il y a plusieurs recommandations
qui ont été présentées. Le principe général à l'effet qu'un règlement
d'application de cette loi-là puisse être... c'est-à-dire qu'il doive être soumis à la Commission d'accès à l'information
pour avis avant son adoption, je le trouve intéressant. Ça vous permettrait
de bénéficier... ça permettrait au
gouvernement de bénéficier de l'oeil expert de la Commission d'accès à
l'information sur ces questions-là.
Également, un
principe aussi qui était reconnu et auquel je pense que je souscrirais
également, c'est de nommer, là, d'exclure expressément la possibilité de
commercialiser les renseignements de santé et de services sociaux. Je
pense que c'est un énoncé de principe qui m'apparaît très pertinent.
M. Caire : OK. Je vais vous
amener sur un autre élément que vous avez soumis, c'est toute la question du
processus de deuil. Vous le soulignez, dans la loi n° 25,
on a des dispositions à cet effet-là, mais vous semblez dire qu'au niveau des renseignements de santé la même
disposition devrait prévaloir. En quoi les renseignements de santé, puis
c'est là où j'ai de la difficulté peut-être à comprendre... mais en quoi le
renseignement de santé, lui, peut être un facteur
qui facilite le processus de deuil? Parce que la loi n° 25
est une loi générale qui s'applique aux renseignements personnels de
façon très large. La loi n° 3 fait un régime
particulier aux renseignements de santé. Qui dit régime particulier dit spécificité. Ça, c'est un exercice de diction que je
vous invite à faire, là, spécificité : vous le direz trois fois sans partir à rire. Mais, bref, tout ça pour dire
que... en quoi le renseignement de santé, lui, peut favoriser le processus de
deuil? Là, j'avoue que je...
• (15 h 40) •
M. Dowd (Marc-André) : Je vous
donne un exemple concret, parce que je me suis posé la même question que vous, M. le ministre, et j'ai posé la question
à mon équipe en disant : Bien, donnez-moi un exemple, là. On pense
que c'est une bonne chose, mais de quelle façon? Et on m'a convaincu. L'exemple
suivant : un proche qui reçoit un appel de l'hôpital, OK, parce que la
personne... une personne est en fin de vie, et qui arrive à l'hôpital trop
tard, OK? Lorsqu'elle arrive à l'hôpital, la personne est déjà décédée. La
personne endeuillée essaie de comprendre ce qui s'est passé, essaie d'en savoir un peu plus sur les derniers moments de la
personne qu'elle aimait, la personne qui était proche d'elle, et pose
des questions. Est-ce que cette personne-là a souffert? Quel était son état? Et
là ce que je comprends, c'est qu'à certains
égards la loi permet de connaître la cause du décès, mais dans certains cas on
va... les intervenants vont avoir une compréhension restrictive, en
disant : Bien, tout ce qui est les circonstances du décès, on ne peut pas
en parler. Donc, d'ouvrir la porte en
disant : Si ça peut aider une personne à vivre son processus de deuil, on
accorderait une certaine forme d'évaluation, là, qui permettrait à des
intervenants de dire : Bien, voici le type de renseignements que je vous
donne pour vous aider dans votre processus de deuil. Alors, c'est un exemple.
M. Caire : OK. Merci. Vous avez
parlé de... bon, du régime de confidentialité, puis là je vais vous amener plus
sur la recommandation que vous faites. Vous semblez dire qu'il y a une
disparité, bon, entre les différents régimes de confidentialité. Par contre,
d'entrée de jeu, vous dites : Mais les tribunaux reconnaissent que ce
régime de confidentialité là qui est prévu dans votre loi s'applique. Donc,
quel est l'intérêt de légiférer si, de toute évidence, la façon dont les lois
sont interreliées fonctionne bien?
M. Dowd (Marc-André) : ...je
dirais, et pour plus de cohérence. En fait, notre loi fondatrice, la Loi sur le
Protecteur du citoyen, va reconnaître qu'on exerce différents mandats, donc, le
mandat d'ombudsman classique, Loi sur le Protecteur du citoyen, avec son propre
régime de confidentialité, qui est très fort, là, qui est un régime qui protège
vraiment la confidentialité. On a un nouveau mandat, depuis 2017, qui est
l'application de la Loi facilitant la divulgation
d'actes répréhensibles à l'égard des organismes publics, et là le législateur a
fait le choix, dans cette loi-là, de référer aux dispositions générales
sur la confidentialité, de la Loi sur le Protecteur du citoyen. Donc, alors, on
vient dire: Pour les questions de confidentialité, bien c'est dans la loi sur
le Protecteur du citoyen. Et là on a une disposition de la LPU qui ferait en
sorte qu'il pourrait y avoir une interprétation qui ouvrirait une petite brèche
à la confidentialité. Mais, lorsque ça s'est présenté devant les tribunaux, les
tribunaux ont plutôt décidé en fonction d'assurer la complémentarité et ont
fait prévaloir la disposition générale, dans la Loi sur le Protecteur du
citoyen. Mais ce serait un modèle plus
logique, plus cohérent de dire que la Loi sur le Protecteur du citoyen énonce
les trois mandats et le régime général de confidentialité. Merci.
Le Président (M. Simard) : Mme
la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci à vous
deux. Peut-être, oui, renchérir sur ce dont vous venez de mentionner. Mais,
juste en termes d'introduction, moi, quand je lis votre mémoire, qui
effectivement est très précis, très chirurgical, pour emprunter l'expression du
ministre Caire, vous évoquez plusieurs soucis au niveau de, bon... de possibles
incohérences ou d'un manque de clarté entre les différents textes de loi. Vous
avez un peu répondu à la question, mais c'était ce sur quoi je voulais qu'on
rediscute ou que vous apportiez peut-être des exemples concrets ou précis ou,
en tout cas, que vous nous aidiez à faire la distinction dans ce que vous
proposez.
À quel moment voyez-vous
une incohérence et dans quelles autres instances est-ce que vous voyez un
manque de... tu sais, un manque de clarté, comme on dit en droit, des fois,
dans les textes, pour plus de certitude? Ça ne
vient pas changer ce qu'on vient d'énoncer avant, ça vient juste préciser ou
même donner des exemples. Là, je parle comme une avocate. Des fois,
quand on va trop en détail dans des exemples précis qu'on veut absolument
couvrir, bien là, ça peut affecter l'interprétation d'une autre section, où on
est un petit peu plus général puis on dit : Ah! si on avait voulu être plus précis ici, on l'aurait fait comme on l'a fait
ailleurs. Je ne sais pas si ça a du sens, ce que je raconte. Puis juste
faire la part des choses puis, après ça, nous expliquer à quel moment ça doit
être vraiment plus précis.
M. Dowd (Marc-André) : Je vais
demander à Me Albert de compléter. Je vais juste dire, d'entrée de jeu, que ce qui me paraît problématique, c'est d'avoir
une disposition, dans la Loi sur le protecteur des usagers, qui semble
ouvrir une brèche, qui semble faciliter l'accès à certains documents, mais que,
dans les faits, c'est la disposition dans la Loi sur le Protecteur du citoyen
qui va l'emporter, et la personne n'aura pas accès, à ce document-là.
Donc, et pourquoi c'est important de prévoir, de
protéger la confidentialité de l'action de l'ombudsman? On n'insistera jamais
assez là-dessus — juste
avant que Me Albert puisse revenir sur la question — c'est de dire que
toute notre action, elle se fait confidentiellement en amenant le ministère,
l'organisme, l'établissement à échanger sur
la situation qui est dénoncée par le citoyen ou par l'usager, à accepter que
peut-être qu'il y a eu une erreur qui a été commise, donc faire des avancées en vue de réparer ce préjudice-là.
Alors, vous comprenez l'idée, c'est que, nous, l'objectif, c'est la réparation
du préjudice, et il faut que le processus qui nous amène à la réparation du
préjudice, il ne puisse pas être reproché
au ministère, à l'organisme ou à l'établissement. C'est pour ça que la
confidentialité de l'action de l'ombudsman, elle est fondamentale.
Maintenant sur la différence entre LPU, LPC, je
vais demander peut-être à Me Albert de compléter. Merci.
Mme Albert
(Mylène) : Bien, en fait, c'est qu'avec les articles
spécifiques qu'il y a actuellement dans la LPU, c'est qu'on a un régime
d'accès qui est prévu LPU, Loi sur le Protecteur des usagers. L'article 37
prévoit un régime d'accès pour le dossier de
plainte qui est maintenu par le Protecteur du citoyen en appliquant les
dispositions de la LSSSS, l'article 76.9,
qui permet l'accès au dossier de plainte maintenu par le Protecteur du citoyen
à certaines personnes nommées expressément à l'article 76.9 de la
LSSSS.
Maintenant,
le fait est que, comme le disait M. Dowd... qu'il n'y a rien qui est
accessible au Protecteur du citoyen, malgré
la loi sur l'accès. L'article 34 dit «malgré l'article 9 de la loi
sur l'accès», mais la Commission d'accès à l'information a interprété que
c'était aussi malgré l'article 83 de la loi sur l'accès. Donc, c'est
blindé, si vous me passez l'expression. Donc là, on a un premier article 37 qui permet une certaine
application de la LSSSS au dossier de l'usager, donc une certaine ouverture
à l'accès. On a également l'article 35 de la Loi sur le Protecteur des
usagers, qui ne contient pas le deuxième
alinéa de l'article 34 de la LPC qui dit : Malgré la loi sur l'accès, nul
ne peut avoir accès à un renseignement obtenu dans l'exercice de la fonction de protecteur ou un document
contenant un tel renseignement. Donc, je ne sais pas si vous voyez un
peu.
Puis oui, je comprends quand vous dites : Des
fois, ça n'a pas été précisé. Mais je crois seulement que c'est un arrimage qui
n'a pas été fait entre les différents régimes, au moment où le Protecteur du
citoyen est devenu le Protecteur des usagers, en fait, là.
M. Dowd
(Marc-André) : Et j'ajouterais que le législateur a quand même
fait le choix de faire cet arrimage-là en matière de divulgation d'actes
répréhensibles, en 2017, quand il a adopté la Loi facilitant la divulgation
d'actes répréhensibles à l'égard des organismes publics. Donc, on a fait le
choix de dire : Ce mandat-là, le régime de confidentialité, c'est celui
qui est prévu à la Loi sur le Protecteur du citoyen. Est-ce que ça répond?
Mme Setlakwe : Oui,
ça répond. Je pense que, généralement, il va falloir s'assurer qu'on ait un bon
arrimage.
M. Dowd (Marc-André) : Oui,
tout à fait.
Mme Setlakwe : Merci pour ça.
Là, je vous ramène sur les questions de confidentialité, puis vous l'avez dit,
d'entrée de jeu, dans votre mémoire, que ce n'est pas ce sur quoi votre mémoire
porte, mais vous... évidemment, ces notions-là sont très importantes, puis vous
vous en remettez, en quelque sorte, dans le mémoire, à ce que d'autres ont dit. Le ministre Caire vous ramène... et vous pose
la question ce sur quoi vous avez le plus grand nombre d'inquiétudes ou
les recommandations auxquelles vous adhérez, là, sur la protection de la
confidentialité, j'en ai pris note.
Quand vous parlez de la CAI, la Commission
d'accès à l'information, là, vous avez vu le mémoire détaillé puis toutes les préoccupations qu'ils ont, juste
peut-être élaborer. Donc, vous ne trouvez pas que, quand ils demandent de...
Ils nous disent que le curseur n'a pas été placé au bon endroit, selon eux, que
l'équilibre n'a pas été atteint. Mais pouvez-vous élaborer? Vous, qu'est-ce que
vous en pensez? Puis vous ne pensez pas que, là, si on déplace le curseur, ça
va venir diluer l'intention du législateur, ici, d'assurer une fluidité?
M. Dowd
(Marc-André) : Notre position est en faveur d'une plus grande
fluidité dans l'échange de renseignements de santé et de services sociaux en
vue d'améliorer l'accès aux services de santé et de services sociaux, tant
au niveau de l'accès aux services individuels pour un usager que la
planification et la gestion à haut niveau. Donc, notre... Les problèmes... Ce dont les usagers se plaignent au
Protecteur du citoyen, c'est rarement des questions liées à la vie privée. Et,
d'ailleurs, ces questions-là seraient... ce serait... on référerait à la
Commission d'accès à l'information. Ce dont les usagers
se plaignent, ce sont des coupures dans les services, ce sont des délais dans
l'obtention de services, quelquefois occasionnés par un problème dans la
transmission... souvent occasionnés par un problème dans la transmission
d'informations, surtout quand il y a plusieurs intervenants qui doivent
travailler ensemble, qui doivent collaborer ensemble. OK?
Et donc c'est sûr
que, dans notre perspective, on est favorable à l'objectif du projet de loi n°
3. Cela dit, on est sensible également au
respect de la vie privée, au respect du secret professionnel. Et j'ai lu, avec
beaucoup d'attention, le mémoire de la Commission d'accès à
l'information. J'ai souligné certaines recommandations où j'étais en mesure
d'appuyer. Pour les autres, ça demanderait, dans certains cas, une analyse plus
poussée, notamment tout ce qui entoure l'accès aux chercheurs. C'est quand même
assez détaillé, donc je ne veux pas m'aventurer sur ce terrain-là. Retenez de
mon message général qu'il faut quand même que le projet de loi, tel qu'adopté,
permette d'atteindre les finalités qui sont énoncées aux premiers articles du
projet de loi.
Mme Setlakwe : Merci. D'ailleurs, oui,
dans les premiers articles du projet de loi, l'objectif est là, on le retrouve,
il est clair. Est-ce que vous pensez qu'il manque des énoncés de principe,
quand même, au départ? Tu sais, tout de suite après, on embarque dans une
mécanique.
Puis je vous réfère à
quelque chose que vous avez dit un petit peu plus plus tôt, dans un exemple, je
crois, sur... bon, un proche décède, la personne arrive un peu trop tard puis
là pose des questions, puis là la personne qui gère la situation adopte une
interprétation restrictive. Puis, ça, on l'a entendu aussi ce matin, des fois,
il y a comme des couches qui s'ajoutent, là, une par-dessus l'autre,
d'interprétation restrictive, ce qui peut faire en sorte que, bon, finalement,
l'objectif n'est pas atteint. Est-ce que vous pensez qu'on devrait faire des
énoncés de principe clairs, au début, qui pourraient aider dans
l'interprétation des différents intervenants, tu sais, même à savoir sur, tu
sais, la... En tout cas, je vais vous laisser répondre.
M. Dowd
(Marc-André) : Mais est-ce que vous avez... Par exemple, quel type de
principes pourraient être énoncés?
Mme Setlakwe :
Bien, il y a certaines choses qui ont été discutées d'emblée, au début de
nos travaux, comme, tu sais, la donnée, elle
appartient à qui, elle suit qui. Tu sais, juste rappeler un peu le... Ça, c'est
un exemple que je donne, là.
M. Dowd
(Marc-André) : Oui. Bien, je trouve que c'est une avenue intéressante,
de la même façon que, comme principe, puis
je reviens là-dessus, je le mentionnais tout à l'heure, le fait d'exclure
expressément la possibilité de commercialiser les renseignements de
santé, pour moi, c'est un énoncé fort, tu sais, ça... Oui?
• (15 h 50) •
Mme Setlakwe :
...pas dans la loi.
M. Dowd
(Marc-André) : Non. Bien, en tout cas, je ne crois pas. Ma lecture...
Mais des intervenants, dont la CAI, ont recommandé de l'inscrire, oui.
Mme Setlakwe :
OK. Bien, je pense que, pour moi, ça va, oui. Je vous remercie beaucoup.
M. Dowd
(Marc-André) : Merci.
Mme Setlakwe :
Votre mémoire est très clair, très, très détaillé. Merci pour vos
interventions.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, chère collègue. M. le député de
Rosemont.
M. Marissal :
Merci, M. le Président. Bienvenue.Merci d'être là. Merci pour votre
exposé, qui est on ne peut plus clair. Mais, comme on n'est jamais trop clair,
dans la vie, qu'est-ce que vous entendez par commercialiser, quand vous dites
que ça doit être exclu d'office?
M. Dowd
(Marc-André) : Bien, la vente de renseignements de santé à des fins de
profit.
M. Marissal :
OK. Puis s'ils sont gratis? Parce que ça a déjà été évoqué ici par un
ministre en fonction.
M. Dowd
(Marc-André) : Bien, il faudrait regarder la finalité, il faudrait
vraiment regarder la finalité, en quoi ça sert l'intérêt public.
M. Marissal :
Bien, la finalité d'une pharmaceutique, c'est de créer des molécules puis
de les vendre, mettons. L'hypothèse ici a déjà été évoquée par l'actuel
ministre de l'Industrie, de l'Innovation et de l'Énergie, qui a gardé ses
fonctions, d'ailleurs, et, textuellement, c'était : On les donne aux
pharmaceutiques. Ce n'était pas innocent de dire ça, là. Alors, la finalité,
elle est d'avoir la donnée, de s'en servir, pas pour la beauté de la chose, là,
c'est pour faire quelque chose avec, là.
M. Dowd
(Marc-André) : Mon premier réflexe, je regarderais ça avec beaucoup de
doute, je dirais, donc... Parce que la visée de profit, elle peut exister, même
si le renseignement est donné gratuitement.Voilà.
M. Marissal : Oui, bien sûr.
Commercialiser n'inclut pas nécessairement une transaction mercantile de
monétisation.
M. Dowd (Marc-André) : Exact.
M. Marissal : Il faut voir à
quoi ça sert, à qui ça sert dans le processus.
M. Dowd (Marc-André) : De la
même façon, si vous permettez, que... c'est une recommandation de la CAI aussi,
que seul un organisme public puisse être désigné comme gestionnaire
opérationnel du système de dépôt de renseignements. J'accueille ça positivement
aussi de préciser cet élément-là.
M. Marissal : OK. C'est bien
entendu. Qu'est-ce que vous faites des préoccupations ou craintes exprimées par
quelques témoins ici, dans les derniers jours, à savoir que ce qui n'est pas
interdit peut être autorisé, ou on peut l'interpréter ainsi — l'inverse
est vrai aussi, là, mais, dans ce cas-ci, si ce n'est pas nommément interdit,
ça pourrait être considéré comme autorisé — que la police, par exemple,
ou des instances réglementaires ou quasi judiciaires, ou le DPCP pourraient
accéder à des demandes? Ça me semble être assez... Ça me semble être pas mal en
dessous du parapluie qu'est votre institution, qu'est votre organisme. Est-ce
que vous trouvez quelque chose dans le projet de loi là-dessus aussi? Est-ce
que vous partagez ces craintes?
M. Dowd (Marc-André) : En fait,
ce serait, à ce moment-là, dans le cas où la transmission est nécessaire à
l'application d'une loi ou à une poursuite pénale, c'est ça?
M. Marissal : ...notamment,
mais pas exclusivement, mais notamment.
M. Dowd (Marc-André) : Oui,
bien, je pense qu'il faut rester vigilant sur l'utilisation qui serait faite de
ce pouvoir-là. Par ailleurs, vous pourrez compléter, Me Albert, il me semble
que le critère de la transmission d'informations pour l'utilisation d'une
loi... pour l'application d'une loi, c'est un critère qu'on retrouve dans
d'autres lois. Mais c'est sûr qu'il y a une sensibilité particulière aux
renseignements de santé et de services sociaux, là. Je suis en train de... vous
m'entendez réfléchir, au moment où je vous parle, là. Donc, il faudrait
vraiment regarder les situations particulières. Et, en ce sens-là, bien, je
reviens à la proposition qui a été faite par la CAI de faire en sorte que les règlements
d'application soient soumis à la CAI pour avis. C'est le genre de réflexion qui
pourrait être faite par l'organisme qui est chargé de s'assurer du respect de
la vie privée.
M. Marissal : OK.
Vous dites que vous réfléchissez, mais vous n'avez pas fait complètement votre
idée là-dessus, ce n'est pas tout à fait clair pour vous là-dessus?
M. Dowd (Marc-André) : Effectivement,
mais je reçois la problématique.
M. Marissal : OK. Vous avez
suivi nos travaux, je pense, là, depuis quelques jours, là, visiblement, vous
êtes des élèves studieux, chez... au Protecteur du citoyen : «opting in»
ou «opting out»? Je fais court, à dessein parce que je n'ai pas beaucoup de
temps.
M. Dowd (Marc-André) : C'est
une... Qu'est-ce que tu en dirais, à ça?
Mme Albert (Mylène) : ...
M. Dowd (Marc-André) : «Opting
in», c'est...
M. Marissal : Est-ce qu'on est
réputé in tant qu'on n'est pas out, comme patient? C'est-à-dire qu'on autorise
d'emblée de facto, en fait, de facto...
M. Dowd
(Marc-André) : Bien, il y a peut-être des intervenants que j'ai
manqués. Quel intervenant a abordé cette question-là?
M.
Marissal : Je ne les ai pas par coeur, là, puis j'ai... il me
reste 2 min 30 s, là, mais ça a été abordé par presque
tous les...
M. Dowd
(Marc-André) : Mais, dans la logique du projet de loi tel qu'il
est actuellement rédigé, je comprends que c'est à la personne de faire
un «opting out», c'est ça?
M. Marissal : Out, c'est ça.
M. Dowd
(Marc-André) : C'est ça. Exactement.
M. Marissal : Donc, il est
réputé in.
M. Dowd (Marc-André) : Il est
réputé in, c'est ça, oui.
M. Marissal : Vous en pensez
quoi?
M. Dowd (Marc-André) : Puis...
Bien, à des fins pragmatiques, pour atteindre les finalités de la loi, il me
semble que... oui, je suis en accord avec cet élément-là, dans la mesure où le
droit de refus, OK, est clairement reconnu, qu'on en fait la promotion et que
c'est facile d'exercer son droit de refus ou son droit de rectification.
M. Marissal : Si c'est facile?
M. Dowd (Marc-André) : Si c'est
facile.
M. Marissal : Oui, OK. Il ne me
reste pas beaucoup de temps, je vous lance ça, vous n'avez peut-être pas non
plus complètement fait votre idée là-dessus, mais les personnes inaptes,
réputées inaptes, notamment dans tout ce qui
est le spectre de la démence, on a dit que ces gens-là seraient in aussi. Bien,
en fait, certains témoins ici ont exprimé l'idée qu'ils ont les mêmes droits que les autres, donc ils sont in
jusqu'à preuve du contraire, mais ils ne sont plus aptes. Avez-vous...
M. Dowd (Marc-André) : ...
M. Marissal : Ça,
c'est des gens qui tombent directement sous votre parapluie, là, parce qu'ils
sont vraiment, vraiment vulnérables, là. Qu'est-ce... Avez-vous une idée
là-dessus à nous suggérer?
M. Dowd
(Marc-André) : Et qu'en
est-il du représentant légal, par exemple, tuteur, curateur ou curateur public?
Bien, il peut exercer les droits au nom de la personne.
M. Marissal : Sauf si la
personne a opté out et qu'elle n'est plus apte après.
M. Dowd
(Marc-André) : J'ai de la
difficulté à vous suivre, je m'excuse. Si la personne a opté out, donc, ça veut
dire qu'elle ne veut pas que ce soit transmis, la...
M. Marissal : Voilà.
M. Dowd (Marc-André) : OK.
M. Marissal : Elle n'est plus
apte, elle ne peut pas, donc, revenir sur sa position.
M. Dowd (Marc-André) : C'est
une bonne question.
M. Marissal : Ça a l'air d'un
détail, là, mais...
M. Dowd (Marc-André) : Non,
non, non, mais je...
M. Marissal : ...d'ici cinq à
huit ans, là, il va y avoir 300 000 personnes, au Québec,
atteintes d'une forme ou d'une autre de démence, et ça va comme ça,
malheureusement, là. Ça, c'est ma déformation que j'ai acquise en travaillant
sur le projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Mais ces gens-là ne sont
plus en mesure de prendre des décisions, alors soit qu'il y a quelqu'un qui les
représente, soit que c'est immuable. Et on pourrait vivre le contraire, que cette personne n'est pas capable de
dire : Moi, je ne veux plus partager mes données. Je vous soumets ça parce
que...
M. Dowd
(Marc-André) : Si la
personne a un représentant et que le représentant estime que ce n'est pas dans
l'intérêt de la personne représentée de partager les données, je pense que le
représentant peut, à ce moment-là, prendre la décision. La question de
dire... le contraire, c'est-à-dire que la personne avait mentionné, alors
qu'elle était apte, qu'elle ne voulait pas partager les données...
Le Président (M. Simard) : ...M.
le protecteur.
M. Dowd (Marc-André) : Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Alors, merci pour votre présence, merci pour la qualité de vos
informations et du partage.
Nous allons, donc,
suspendre nos travaux, le temps de faire place à nos prochains invités. Au
revoir.
(Suspension de la séance à 15 h 59)
(Reprise à 16 h 05)
Le Président (M. Simard) : Chers
amis, nous sommes de retour en compagnie de représentants de l'Institut de gouvernance numérique du Québec. Madame messieurs,
bonjour. Auriez-vous, d'abord, l'amabilité de vous présenter, s'il vous
plaît?
Institut de gouvernance
numérique (IGN)
M. Gauthier (Jean-François) : Bonjour,
merci. Bien, bonjour, M. le Président. Mon nom est Jean-François Gauthier. Je suis le président-directeur de
l'Institut de gouvernance numérique. Je suis accompagné de Mme Charlaine Bouchard, qui est titulaire de
la Chaire de recherche sur les contrats intelligents de l'Université Laval, et de M. Wilfried Bazomanza Nzabandora — je
savais que j'allais m'enfarger — qui est chargé de cours et doctorant à
cette même université.
Le
Président (M. Simard) : Soyez les bienvenus. Vous savez que vous disposez
d'une période de 10 minutes.
M. Gauthier (Jean-François) : Parfait.
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, M. le Président, l'Institut de
gouvernance numérique est très fier d'être avec vous cet après-midi. On vous
remercie de l'opportunité que vous nous donnez, de pouvoir vous présenter, là,
un point de vue qui, je pense, va vous intéresser, en tout cas, je l'espère,
dans le contexte de l'étude du projet de loi actuellement à l'étude.
Donc, l'Institut de gouvernance numérique est un
organisme à but non lucratif qui a été fondé il y a bientôt 10 ans. On va
fêter notre 10e anniversaire en mai prochain. Notre mission consiste à
concevoir et implanter des solutions de gouvernance ouverte et de gestion
collaborative dans les institutions et les organisations au profit du bien
commun. L'équipe passionnée d'IGN souhaite démocratiser les principes de la
gestion collaborative, utilisant le numérique et la force de l'intelligence
collective comme outils rassembleurs. Notre proposition de valeurs, en tant qu'OSBL, est d'agir pour accélérer le virage
numérique des organisations par l'implantation d'une gouvernance ouverte
et collaborative au service de leur croissance.
En novembre 2019, l'IGN a publié un livre blanc
sur les registres distribués et les chaînes de blocs. Des travaux ont été menés par un comité directeur
composé d'universitaires, d'entrepreneurs, d'avocats et d'administrateurs
publics. Le Scientifique en chef du
Québec, Hydro-Québec, les ministères de l'Économie et de l'Innovation, ainsi
que celui du ministère des Finances, Finance Montréal et le Hub Saguenay—Lac-Saint-Jean ont rendu possible la préparation
de ce livre blanc par leurs contributions financières respectives, et je les en
remercie encore. L'IGN croit fortement dans
l'intelligence collective et dans l'«empowerment» des citoyens. La technologie
des registres distribués représente, selon
nous, une innovation majeure qui pourrait redonner aux citoyens la capacité de
gérer eux-mêmes leurs informations de santé, et faire ainsi du Québec un
leader en la matière.
Dans ce contexte, et en conclusion, je vous lis
un bref passage de notre livre blanc : «Historiquement, les humains ont
stocké des informations dans des lieux protégés. Évidemment, la forme de ces
entrepôts a changé. Du bâtiment gardé au
serveur géant hypersécurisé, l'approche n'en est pas moins demeurée la même, ce
sont essentiellement des variations sur le thème du coffre-fort. La
chaîne de blocs vient bouleverser une pratique ancienne. À l'heure où les délits de vol de données sont un nouveau fléau
à travers le monde, avec l'arrivée de la connectivité 5G qui décuple
les données en circulation, au moment où
s'amorce la révolution de l'intelligence artificielle, la technologie des
registres distribués apparaît comme un élément incontournable. Elle
devient un nouveau symbole, en cette ère numérique, qui fait des données une ressource
et la sécurité des renseignements personnels une condition de succès.»
Je cède maintenant la parole à
Mme Charlaine Bouchard.
Mme Bouchard (Charlaine) : Bonjour.
Le projet de loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et
modifiant diverses dispositions législatives vise à favoriser, donc, un
meilleur échange de données entre les établissements, aussi à améliorer l'accès
aux données des gestionnaires et des chercheurs, tout en assurant, nous dit-on, leur confidentialité. Quant au patient, on
nous informe qu'il pourrait consulter son dossier plus facilement. C'est, pour
le gouvernement, je pense, un projet de loi très important. Présent aux côtés
du ministère Caire, en décembre dernier, au moment de sa présentation, le
ministre Dubé a souligné que le projet de loi n° 3 était essentiel à la
réalisation de son plan de refondation du système de santé. Refonder implique,
à mon sens, de partir sur de nouveaux principes
et de nouvelles bases. Eh bien, M. le Président, je suis d'avis que, pour
refonder le système de santé, il faut oser.
• (16 h 10) •
On vous a entendu dire, M. le ministre, que les
renseignements de santé d'un citoyen lui appartiennent et devraient
l'accompagner. Il s'agit là de musique à mes oreilles. Par contre, on vous a
aussi entendu dire, monsieur, que la donnée qui est collectée par un organisme
ou pour un organisme qui relève du gouvernement, eh bien, cette donnée, le gouvernement en est le propriétaire.
Cela m'inquiète énormément. Si l'objectif du projet de loi est véritablement
de redonner le contrôle aux citoyens sur ses données, des données qui
constituent, pour lui, un actif précieux, nous sommes
d'avis, et avec beaucoup de respect pour l'opinion contraire, que la démarche
qui est prise pour y arriver n'est pas la bonne puisqu'elle est fondée sur une
gestion centralisée des données, ce qui ne permettra pas d'atteindre les
objectifs souhaités.
Je disais plus tôt qu'il fallait oser. Eh bien,
osons, osons le choix d'une technologie vraiment innovante comme la chaîne de
blocs, qui est mieux connue sous le nom de blockchain, une technologie de
confiance, qui permet véritablement de conserver et de transférer des données
en toute sécurité. Au sein de la grande famille des registres distribués, dont
fait partie la blockchain, la protection et l'anonymat des données patients
sont garantis par quatre caractéristiques fondamentales, à savoir la
décentralisation, l'immuabilité, la transparence et le pseudonymat.
Donc, premièrement, la décentralisation de la
blockchain signifie que le registre des données de santé n'est pas tenu par un
seul organisme, mais par plusieurs, évitant ainsi le risque de point de
défaillance unique, ce qui garantit la disponibilité des données de santé
chaque fois qu'elles sont demandées par les patients ou encore par les
organismes de santé.
Deuxièmement, lorsqu'on fait référence à
l'immuabilité de la blockchain, elle empêche la modification ou encore la falsification des données de santé ainsi
que des conditions dans lesquelles une personne a donné son consentement
pour l'accès, l'utilisation et la communication de ses données de santé. Par
exemple, elle empêche la modification par un
organisme de la durée ou encore de la finalité d'un consentement précédemment
donné par une personne concernant l'accès,
l'utilisation ou encore la communication de ses données de santé, ce qui oblige
les organismes de santé à obtenir de
nouveau le consentement des personnes lorsque la durée ou encore la finalité
d'accès, d'utilisation et de communication de leurs données de santé
sont modifiées.
Troisièmement, la transparence. Eh bien, la
transparence du registre de la blockchain permet la visibilité des informations
contenues dans ce registre à l'ensemble des parties prenantes, ce qui permet
aux personnes de savoir à tout moment qui a accès à leurs données de santé, et
surtout comment elles sont utilisées. La transparence de la blockchain permet également au médecin qui a accès
aux données de santé d'une personne d'avoir accès à l'historique médical
de ce dernier.
Enfin, quatrièmement, le pseudonymat qui est
offert par la blockchain permet de renforcer la confidentialité des données de
santé pendant leur utilisation et leur communication. En effet, les identités
réelles des personnes sont cachées derrière des adresses générées par la
technologie, ce qui empêche de retrouver les identités des propriétaires de
données de santé utilisées ou encore échangées entre les organismes de santé.
Jamais, M. le Président, le cadre proposé dans
le projet de loi n° 3 ne pourra assurer un tel niveau
de sécurité. En plus de ses caractéristiques exceptionnelles, la blockchain
permet le déploiement de contrats intelligents qu'on appelle des «smart contracts». De telles applications vont permettre de
transformer les conditions d'accès, les conditions d'utilisation et de
communication des données de santé en codes informatiques déployés sur la
blockchain.
Dans ce contexte, la gouvernance des données de
santé sera automatisée et gérée par des contrats intelligents dont les codes sont non modifiables et dont les
codes s'exécutent uniquement lorsque des conditions d'accès, d'utilisation
et de communication des données de santé sont respectées par une personne ou
encore un organisme de santé. De plus, les codes des contrats intelligents sont
ouverts, ce qui permet d'auditer l'exactitude et la conformité légale des
conditions d'accès, des conditions d'utilisation et de communication des
données de santé implémentées dans ces contrats intelligents.
L'utilisation de la blockchain dans le domaine
de la santé apporte une réelle plus-value dans la gestion des données de santé.
Plusieurs autres juridictions à travers le monde l'ont compris. L'Estonie le
fait depuis 2016 déjà avec son système Estonian eHealth Foundation. La Suisse
s'est dotée aussi d'un système, une plateforme sécurisée basée sur la
blockchain, qui place réellement les patients au centre de la gestion de leurs
données de santé. L'Union européenne finance la conception d'un projet, un
modèle de blockchain de santé compatible à la fois avec le secret médical et le
fameux Règlement général sur la protection des données, pour les initiés.
Finalement, nos voisins du Sud, aux États-Unis,
utilisent, eux aussi, la blockchain comme infrastructure de partage sécurisée
des données médicales, et j'ai dit «finalement», mais je prendrai un dernier
exemple. En Angleterre et en France, donc,
deux start-up ouvrent la voie de la blockchain dans le domaine de la santé. Le
logiciel Medicalchain permet aux patients de partager la version unique
et la plus complète de leur dossier de santé avec des organisations de leur
réseau médical. Enfin, la parisienne Galeon propose des solutions basées sur la
blockchain qui permettent de connecter tous les acteurs de la santé :
médecins, pharmaciens, hôpitaux, chercheurs et patients.
M. Gauthier
(Jean-François) : Simplement en conclusion, M. le Président, je vous
dirais que le gouvernement du Québec a trop souvent englouti des sommes
considérables dans de grands projets informatiques. Si le projet de loi que la commission est chargée d'étudier
actuellement peut devenir une opportunité historique, refaire la même recette
risque de conduire au même résultat. Nous serons, donc, heureux de répondre à
vos questions. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous. Je cède maintenant la parole au ministre de la Cybersécurité.
M. Caire : Merci, M. le
Président. Ça va me permettre de rassurer nos amis de l'institut de la
gouvernance numérique, parce que, comme
moi... J'ai vu, d'ailleurs, mon collègue de Rosemont... Je ne me souviens pas
d'avoir dit que le gouvernement devenait propriétaire des données des
citoyens. Je me souviens d'avoir dit qu'il en était le fiduciaire. D'ailleurs, ma première question sera : Est-ce que...
Et, dans la loi n° 95, que vous avez suivie, très certainement,
et qui est, dans le fond, le précurseur de la loi n° 3,
et la loi n° 3, est-ce que vous voyez quelque
chose qui ferait en sorte que le citoyen ne serait pas le propriétaire de ses
données?
Mme Bouchard
(Charlaine) : Dans la philosophie de la législation, le projet de
loi... Le projet de loi n° 3, il reprend évidemment la philosophie de la
législation de la gestion des données au Québec. Et, pour reprendre le terme
que vous avez utilisé, vous êtes fiduciaire des données de santé, mais les
données... la propriété des données n'est pas remise entre les mains des patients
ou, enfin, du citoyen québécois.
M. Caire : Donc, ce que vous
dites, c'est que vous ne retrouvez pas, dans le projet de loi n° 3, le
contrôle que le citoyen pourrait avoir sur ses propres données.
Mme Bouchard (Charlaine) : Tout
à fait, tout à fait.
M. Caire : OK, et, de votre
point de vue, de quelle façon pourrait-on modifier le projet de loi pour que
vous retrouviez cette idée-là, ce principe-là?
Mme Bouchard
(Charlaine) : Bien, je pense que c'est un peu ce que je vous ai
présenté dans ma présentation. Le projet de loi, il est fondé sur une
gestion centralisée des données.
M. Caire : Je comprends, mais on se
comprend que le projet de loi est technologiquement neutre. Donc, je ne peux
pas intégrer l'utilisation de la chaîne de blocs dans un projet de loi parce
que, technologiquement... C'est une technologie, puis on s'entend, là, que,
jusqu'à tant que l'informatique quantique prenne de l'ampleur, vous avez raison, les chaînes de blocs sont probablement ce
qui se fait de plus sécuritaire en termes de stockage et de transmission
de données. Ça, là-dessus, on n'aura pas...
D'ailleurs, c'est intégré au Service québécois d'identité numérique. C'est la technologie sur laquelle on est basés. Donc, vous
prêchez à un converti, mais, dans une idée où le projet de loi doit être technologiquement
neutre, là, ce n'est pas une option, on ne peut pas intégrer l'utilisation ou
l'idée de l'utilisation d'une technologie dans un projet de loi, ce que vous
dites, c'est que le projet de loi n° 3 nous amène vers une centralisation
de la donnée. Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Gauthier (Jean-François) : Bien,
c'est effectivement ce qu'on craint, parce qu'effectivement les risques
associés à la centralisation des données, on en a parlé un petit peu tout à
l'heure, sont de plus en plus importants. Ça demande toujours des efforts. On
connaît tous les enjeux qui tournent autour de la cybersécurité, aujourd'hui,
c'est un enjeu constant. Donc, nous, l'idée même de... Est-ce que, dans le
projet de loi, on ne serait pas capable d'indiquer clairement que ça va être de
redonner au patient que... et le principe de redonner au patient la capacité de
gérer ses données de santé, vraiment, très clairement inscrit dans toutes les
dispositions du projet de loi, là, je pense qu'on va faire un pas dans la bonne direction, sans aller nécessairement... Puis
je comprends très bien ce que vous dites, là. Il faut que ce soit
technologiquement agnostique. On est tout à fait d'accord avec ça, c'est clair,
mais les principes mêmes qui sous-tendent, par exemple, le
positionnement du Québec dans une nouvelle technologie comme la blockchain,
comme le fait de pouvoir se reposer sur cette technologie-là, bien, les
principes de... on pense, en tout cas, qu'ils pourraient s'inscrire dans la
loi, et, ça, relativement simplement, là.
M. Caire : Bien, c'est
intéressant, M. Gauthier, ce que vous dites. Bon, on s'entend, là, on
évacue l'idée de mentionner spécifiquement une technologie ou une autre dans le
projet de loi.
M. Gauthier (Jean-François) : Tout
à fait, c'est clair.
M. Caire : Donc, de ce côté-là,
on est bien d'accord, puis plusieurs groupes ont vu ça aussi. Donc, je vous
pose la question. C'est un projet de loi qui vise la mobilité de la donnée.
M. Gauthier (Jean-François) : Tout
à fait.
M. Caire : Vous, vous associez
mobilité et centralisation?
M. Gauthier (Jean-François) : C'est
le contraire.
M. Caire : C'est ce bout-là que
je veux essayer de démêler avec vous, là.
M. Gauthier (Jean-François) : En
fait, on associe mobilité avec décentralisation.
M. Caire : OK,
mais... OK. J'essaie de réconcilier ce que vous nous dites
avec ce qu'on a entendu de la plupart des intervenants, parce que
l'idée, c'est de la mobilité de la donnée, dans le sens où, bon,
l'établissement XY a un dossier médical sur moi, ce dossier-là, il est
physiquement attaché à cet établissement-là, même chose pour un autre
établissement ou pour un autre professionnel de la santé. Ce que le projet de
loi vise, en tout cas, l'objectif, et vous me dites qu'il n'est pas atteint,
c'est de faire en sorte que tout ça puisse circuler librement, mais à
l'intérieur d'un périmètre, qui est le réseau de la santé et des services
sociaux, évidemment. Donc, vous dites que cet objectif-là n'est pas atteint?
• (16 h 20) •
M. Gauthier
(Jean-François) : Bien, écoutez, nous, pour le moment, on ne le voit
pas. Peut-être... En tout cas, je vais laisser aller Wilfried, si tu veux y
aller, expliquer peut-être davantage... Wilfried est un spécialiste de cette question-là.
M. Caire :
Oui, oui, je vous en prie.
M. Bazomanza
Nzabandora (Wilfried) : Un grand merci pour la prise de la parole.
Donc, l'idée, c'est de dire que les systèmes de gestion des données actuels
sont des systèmes qui sont centralisés et, plus particulièrement, cloisonnés.
Donc, aucune communication n'existe entre les différentes structures de santé
parce que chaque dossier de santé est vraiment particulier à un organisme
précis, et le fait de partager les données entre ces systèmes cause vraiment un
problème sur la mobilité de la donnée où, même, ça empêche la vision
360 degrés des soins d'un patient étant donné qu'il est impossible, pour
un patient en particulier, de recouvrer toutes les informations de santé qui se
sont échangées ou qu'il a subies dans les différentes structures de santé.
Maintenant, grâce à la chaîne de blocs, et particulièrement aux contrats
intelligents, il va être maintenant plus facile d'interconnecter les différents
dossiers de santé, et on pourra maintenant avoir une vision beaucoup plus
complète des soins liés à un patient en particulier.
M. Caire : Mais
je... parce qu'encore une fois vous reliez ça à une technologie, là. On est
dans un principe législatif de mobilité de la donnée. Je pourrais vous dire
qu'un modèle relationnel gouvernemental va nous donner exactement le même
résultat avec... Tu sais, dans un principe technologique, là, si on établissait
un modèle relationnel gouvernemental au niveau de la structure de la gestion de
données, on arriverait au même résultat qu'avec une chaîne de blocs, même...
peut-être même plus efficace parce que, là, on serait vraiment plus structuré
au niveau du stockage de données, mais là
n'est pas le propos parce que, d'abord et avant tout, l'obstacle qu'on vit au
niveau du système de santé, vous, vous avez parlé de l'incompatibilité
des systèmes au niveau technologique, mais je ramène ça au niveau législatif,
c'est le fait que le renseignement qui est possédé, que ce soit dans un support
technologique, que ce soit sur un support
papier, que ce soit en chaîne de blocs, le renseignement, il appartient, dans
les faits, il est détenu par l'établissement et il ne peut pas être
partagé.
Alors, je veux dire,
on n'est même pas à l'étape... Avant de changer la loi, on n'est même pas à
l'étape de parler d'une technologie parce
que, même si je le faisais avec des chaînes de blocs, l'établissement A ne peut
pas échanger des données avec l'établissement B, puis l'établissement A
et l'établissement B ne peuvent pas échanger des données avec le CIUSSS, puis le CIUSSS ne peut pas
échanger des données avec l'autre CIUSSS, et les deux CIUSSS ne peuvent pas échanger des données avec le ministère. Donc,
on n'est même pas à l'étape de parler d'une technologie, là. On est à l'étape de parler que la donnée, elle est
législativement cloisonnée. Donc, je vous repose ma question. Vous ne pensez
pas que le projet de loi, dans sa forme actuelle, vient briser ces silos-là, et
là va permettre qu'on essaie cette discussion-là sur quel est le meilleur moyen
technologique de permettre à la donnée de circuler? Je comprends, là, qu'on
aura des échanges, puis ça, ce sera au ministère de la Santé à faire ses choix,
mais, législativement, vous ne voyez pas, dans ce projet de loi là, la mobilité
de la donnée?
Mme Bouchard
(Charlaine) : Bien, enfin, M. le ministre, on a l'impression que ça
pourrait être plus clair parce qu'on ne le voit pas aussi clairement que vous
semblez le voir, et avec beaucoup de respect, là, pour vous.
M. Caire :
C'est correct, on est là pour échanger. Et donc je vous repose ma
question : Législativement, quelles
seraient les modifications que vous nous proposeriez pour que ce soit plus
évident que cette donnée-là, on la veut? Parce que la base de tout
succès technologique, c'est la mobilité de la donnée. Actuellement, l'ennemi
numéro un des modifications technologiques... Puis M. Gauthier faisait
référence à des projets passés, mais c'est parce que les bases n'étaient pas
là. Législativement, les bases n'étaient pas là. Donc, on a favorisé des
systèmes cloisonnés parce que nos données étaient cloisonnées, et on a favorisé
des systèmes qui ne se parlent pas parce que, législativement, personne ne
pouvait se parler. Bien là, l'idée, c'est de briser ces silos-là. Donc,
législativement, comment peut-on modifier la loi pour donner cette mobilité-là
que vous ne semblez pas retrouver dans le projet de loi?
M. Gauthier
(Jean-François) : ...M. le ministre, le principe même que l'unique
propriétaire des données de santé, c'est le citoyen. C'est lui qui devrait être
l'unique détenteur de ses données de santé puis le seul autorisé au partage, au
moment où il l'autorise, au moment où il le souhaite, dans son parcours de
santé. Ça, c'est un principe qu'on n'a pas présentement dans la loi. Donc, à
mon avis, d'inscrire ce principe-là, cette base-là, de dire que la donnée de
santé... Le gouvernement a beau en être fiduciaire, là, mais le propriétaire
des données de santé... elle appartient à chacun et chacune d'entre nous, comme
citoyens, d'abord. Une fois qu'on a établi ce principe-là, puis qu'on tend à
redonner au citoyen le contrôle de ses données de santé, puis qu'on l'inscrit
dans une loi, bien, on aura mis la table, justement, pour s'ouvrir sur ces
nouvelles pratiques là dont on vous parle cet après-midi.
Puis je ne vous parle
pas de la technologie, là, je vous parle simplement d'inscrire, dans la loi,
les principes fondateurs d'une décentralisation de la donnée vers le patient,
qui va permettre, par la suite, dans tout autre domaine d'activité gouvernementale, parce que c'est le même enjeu, de redonner
au citoyen la capacité de gérer ses informations, point barre. Le
citoyen, c'est lui... Comme on est en 2000... Dans les années d'aujourd'hui,
2023, le citoyen devrait être en capacité de gérer lui-même ses données tous
azimuts, dont, a priori, au plus grand chef, les données de santé, c'est
fondamental.
Donc, on a une opportunité, qui pourrait être
historique, de le faire maintenant, encore faut-il être créatif. Regardons ce que
les autres législations ont fait, regardons ce que... comment les Américains
s'y sont pris, comment l'Europe s'y est prise. Ils l'ont
fait, eux autres. On n'est pas en train d'inventer la roue, là. Il y a des gens
qui l'ont fait avant nous. On peut s'inscrire dans l'innovation dans ces
nouvelles législations là. Puis, moi, ce que je souhaite, c'est que le Québec
se dote d'un cadre législatif moderne qui va vraiment nous permettre d'aller de
l'avant puis de se positionner parmi les meilleurs au monde, et on est capable
de le faire ensemble si on s'inspire... si on s'ouvre l'esprit et qu'on est
ouvert à ce grand principe là, de redonner et de distribuer la donnée plutôt
que de la centraliser.
Le Président (M. Simard) : Oui.
Alors, je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque.
M. Montigny : ...très, très
courte. Je fais...
Le Président (M. Simard) : Il
vous reste au moins cinq minutes, cher collègue, prenez votre temps.
M. Montigny : OK,
c'est bon. Je fais référence évidemment au projet de loi, l'article 527, en
fait, c'est la notion d'hébergement. Pour vous, si vous voulez que les données
ne soient pas centralisées, est-ce que c'est compatible, dans votre vision, d'avoir un service d'hébergement de
la donnée? J'aimerais ça que vous détailliez ça, parce qu'il est écrit comme
ça dans le projet de loi.
M. Bazomanza
Nzabandora (Wilfried) :
Merci. Pour l'hébergement des données, il y a principalement
deux stratégies qui peuvent être adoptées, soit que la première stratégie,
c'est de stocker directement les informations sur la technologie de la chaîne
de blocs, là, on fait recours au stockage en chaîne, mais, étant donné les
problèmes d'efficacité dans le traitement de données de santé qui sont
directement sur la technologie de la chaîne de blocs, on pourra proposer la
deuxième stratégie, qui est beaucoup... la meilleure, c'est le stockage en
dehors de la chaîne. Là, maintenant, on utilise les serveurs locaux pour
stocker les informations liées à un patient, et le stockage «off-chain» apporte
maintenant une plus-value parce que c'est un stockage qui vient être... qui est
en conformité avec certaines lois sur la protection des données personnelles,
par exemple le droit à l'oubli, qui est un droit réservé à un patient, et, grâce
au stockage en dehors de la chaîne, dans les serveurs, il est possible de
supprimer les données du patient sur sa demande, mais, si les données restent
sur la technologie de la chaîne de blocs, il peut y avoir incompatibilité avec
cette loi parce qu'il serait impossible de supprimer les données du patient une
fois enregistrées sur la technologie de la chaîne de blocs.
M. Montigny : Merci beaucoup
pour votre réponse. Ça répond exactement à ma question.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, cher collègue. M. le député d'Orford.
M. Bélanger : Moi, j'avais une
question, une question simple, parce que ce n'est quand même pas un domaine où
je suis si familier, mais, admettons, moi, bon, je suis citoyen, puis j'ai
plusieurs maladies, puis plusieurs traitements, etc., puis la donnée
m'appartient, mais elle est quand même intéressante, et moi, je ne peux pas
nécessairement gérer cette donnée-là moi-même, je vais la gérer de quelle façon
ou quelles conclusions je vais en tirer,
donc le gouvernement ou, en tout cas, le système de santé est plus apte à
pouvoir gérer cette information-là, cette donnée-là, et pouvoir faire
évoluer un peu au niveau des solutions qui peuvent être trouvées, que ce soient
des médicaments ou... mais comment vous...
Comment vous voyez ça au niveau de la... si, justement, le citoyen, ça lui
appartient, et comment, au niveau de la gestion... c'est par la chaîne
de blocs ou...
• (16 h 30) •
M. Bazomanza
Nzabandora (Wilfried) :
Merci. Quand nous parlons de la gestion, c'est plus
l'implication du patient dans la gestion de ses données de santé. Donc,
ce n'est pas lui-même qui gère, mais il est impliqué chaque fois que sa donnée doit être utilisée, chaque fois
que la donnée doit être communiquée. Et là, maintenant, lorsque nous utilisons,
par exemple, la technologie de la chaîne de blocs, ça va permettre à ce que la
donnée appartienne au patient, et,
chaque fois que cette donnée est nécessaire à un endroit particulier, il doit
être sollicité. Donc, la gestion n'est pas à dire que c'est le patient
qui gère directement ses données de santé, mais il est impliqué dans sa gestion
des données.
M. Bélanger : Comment vous
voyez ça, qu'il est... Il doit autoriser à chaque fois qu'il y a une demande au
niveau de l'utilisation d'une variable dans sa base de données santé?
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) : Alors, je peux donner un exemple. Dans une gestion
particulière où... par exemple, lorsqu'un patient arrive dans un hôpital, il
subit des traitements et, à la fin, ses données de santé seront chiffrées en utilisant la clé publique du
patient, et, comme lui détient la clé privée, c'est lui-même qui détient sa clé
privée, cette donnée ne pourra pas être
déchiffrée sans que le patient ait été sollicité pour déchiffrer cette donnée-là.
Et là on se retrouve dans le cas où, vraiment, les données reviennent
principalement au patient parce qu'il est le seul individu à détenir la
clé privée pour déchiffrer ses informations de santé.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Auriez-vous d'autres questions, cher collègue?
M. Bélanger :
...je ne sais pas, par la suite, là, comment on veut... peut utiliser ces
données-là. Je ne sais pas, si je fais une association avec l'identité
numérique au niveau du permis de conduire, des infractions... des infractions, puis si, à chaque fois,
il y a un processus d'autoriser l'utilisation de ces données-là, il me semble
qu'on n'évoluera pas rapidement, là,
ça peut devenir complexe. Surtout que ces données-là, bon, c'est... on paie
pour un service, le système de santé offre ces services. Je ne dis pas
que ça appartient nécessairement au système de santé, mais on doit pouvoir
utiliser ces données-là de façon, justement, à trouver... à améliorer de
l'espérance de vie, oui.
Le Président (M. Simard) :
En conclusion, s'il vous plaît, très rapidement, peut-être.
M. Bélanger :
Bien, je l'ai faite, la conclusion.
Mme Bouchard
(Charlaine) : ...données, ce sont des données qui appartiennent au
patient, donc c'est un élément qui est extrêmement important. Puis aujourd'hui,
avec la technologie, avec...
Le Président
(M. Simard) : Très bien...
Mme Bouchard
(Charlaine) : ...prenons
l'exemple des contrats intelligents, l'automatisation, c'est relativement
simple.
Le Président
(M. Simard) : Merci beaucoup. Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe :
Merci. J'écoute ça avec grand intérêt depuis tout à l'heure, je trouve ça
passionnant. Là, si je comprends bien, on propose un régime, mais là, vous, ce
que vous nous... ce que vous, vous mettez de l'avant comme étant la meilleure
approche est incompatible avec le régime qui est mis de l'avant. C'est-à-dire
que, si je le comprends bien, là, la chaîne de blocs... Je suis une néophyte,
là, je ne connais pas ça puis je pense qu'il y a bien des gens dans la
population qui ne sont pas des experts. Est-ce qu'on doit comprendre... Puis là
expliquez-nous, là. Donc, on adopterait ce
régime-là, comme ça a été fait ailleurs. Là, on comprend que tout ça est
automatisé et que, donc, c'est quelque chose qui assure une meilleure
étanchéité. Est-ce qu'on doit le comprendre comme ça?
Mme Bouchard (Charlaine) : C'est une... Je vais commencer puis ensuite je laisserai la parole à Wilfried, qui...
Mme Setlakwe : ...est-ce que c'est
deux... c'est ça, deux... Juste pour clarifier ma pensée. Donc, c'est un autre
régime, on devrait, en fait, s'en aller sur une autre voie en parallèle? Et ma
deuxième question, c'est : Est-ce que c'est ça, ce système-là que, je
comprends, est un autre système complètement, assure une meilleure étanchéité?
Mme Bouchard
(Charlaine) : La finalité qui est poursuivie par le registre... par le
projet de loi, excusez-moi — on
parle de régime — c'est
une finalité, évidemment, qui est louable. Mais, pour arriver aux objectifs
recherchés, nous sommes d'avis que le chemin qui est privilégié n'est pas le
meilleur chemin. Donc, nous sommes d'avis, avec respect pour le ministre, que
c'est la philosophie de la gestion centralisée, qu'on retrouve... des données,
qu'on retrouve dans ce projet de loi. Et, nous, dans les travaux que l'on fait,
dans les recherches que l'on effectue au quotidien, on constate que le meilleur
chemin pour y arriver, c'est d'opter pour une gestion décentralisée des
données. C'est ce qui permet actuellement, selon les avancées scientifiques, de
redonner véritablement le contrôle au patient sur ses données.
Et je vais donner
maintenant la parole à mon collègue, pour poursuivre.
M. Bazomanza
Nzabandora (Wilfried) : Oui, effectivement, donc je pourrais aussi
augmenter l'aspect lié à une bonne gestion des consentements, par exemple, d'un
patient sur l'utilisation ou la gestion de ses données de santé. Avec des
systèmes de santé plus ou moins... qui sont centralisés, lorsqu'un patient a
donné un consentement pour utiliser ses
données de santé, son consentement est basé sur un certain nombre de
conditions. Or, dans un système beaucoup plus centralisé, on n'est pas
sûr que ces conditions-là sont respectées pendant toute la durée de
l'utilisation de la donnée. Chaque patient, lorsqu'il donne accès à ses données
de santé, c'est pour une durée bien précise et c'est pour une finalité bien précise. Mais, lorsque les données sont gérées
sans que le patient ne soit impliqué, il peut arriver des moments où la
structure de santé, l'organisme puisse prolonger la durée d'utilisation de ces
données ou puisse changer la finalité qui a été le fondement du consentement
exprimé par le patient. Mais, grâce à la technologie de la chaîne de blocs, où le patient a la possibilité de
tracer l'utilisation de ses données, qui a accès à mes données, qu'est-ce
qu'il fait de mes données, ça permet quand même d'apporter une transformation
qui serait bénéfique dans la gestion de données de santé.
Mme Setlakwe :
OK. Ça, ça va. Dans le projet de loi, on cherche, avec des mots, là, tu
sais, c'est ce que la loi fait, à contrôler toutes ces situations-là, tous ces
échanges-là puis à les baliser. Mais là, dans ce que vous, vous évoquez, il me
semble, à moins que je ne comprenne pas bien, qu'on revient souvent au patient.
Je comprends le principe du «empowerment», puis que le patient contrôle
vraiment ses données, et puis qu'il y a tout un système qui est en place pour... Puis j'ai été impressionnée,
là, par... tu sais, automatiquement, les adresses courriel sont transformées,
et tout est crypté. En tout cas, c'est très impressionnant. Mais vous avez
quand même dit : On revient au patient pour qu'il puisse, comme, je vais
utiliser une expression simple, débloquer à chaque fois, puis il me semble que
c'est, justement, ce qu'on veut éviter. On l'entend des différents
intervenants, que ça ralentit, ça cause un frein, ça ajoute de la paperasse, ça
ajoute des délais, ça ajoute des formalités. Donc, j'essaie de réconcilier ces
deux notions-là.
M. Bazomanza
Nzabandora (Wilfried) : À mon avis, je pense que, dans cette logique,
il y a toujours, par exemple, des compromis à faire, soit pour garantir la
sécurité de la donnée ou soit pour faciliter la gestion de la donnée. Et, comme les données de santé sont quand
même des données qui sont très sensibles, bien, ce sont des données qui
sont beaucoup plus vendues sur le Dark Web. Il y a toujours des attaques de
sécurité sur ces données. Je pense qu'on pourrait quand même privilégier la sécurité
au détriment de la rapidité...
Une voix : ...
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) : ...dans le traitement, oui, oui, des informations de
santé.
Mme Setlakwe : C'est sûr que,
là, vous, vous apportez un point de vue, vraiment, en termes d'efficacité, d'étanchéité, de... vous allez à fond dans la
protection de la confidentialité des renseignements personnels, puis c'est un
volet hyperimportant de notre étude, évidemment.
Mais là nous, on entend aussi des chercheurs qui veulent désespérément
avoir accès à des données en grande quantité, qui ne sont pas désuètes, et les
avoir en temps opportun pour pouvoir remplir
leurs missions importantes, tu sais? Donc, on a tout ça. Mais comment...
qu'est-ce que vous répondez à ça, tu sais? Vous diriez quoi à un
chercheur qui veut désespérément avoir accès à des banques de données?
M. Gauthier (Jean-François) : Je
répondrais simplement, si vous me permettez, que le citoyen pourra autoriser le
partage de ses données pour des fins de recherche de façon très, très simple,
très, très facile. Et, une fois que ça va
avoir été donné par le patient, la donnée va circuler beaucoup plus simplement
parce que, justement, elle sera contrôlée par le patient, le OK aura été
donné, puis là on va être légitimé de pouvoir le partager. C'est pour ça,
d'ailleurs, vous entendiez M. Quirion, ce matin, qui vous disait que c'est
probablement la technologie la plus aidante pour
être... faciliter le partage des données, c'est la chaîne de blocs, à cause,
justement, du fait que c'est le patient qui gère. Donc, c'est beaucoup plus léger de faire ça que de
se taper, actuellement, toute la mécanique qu'il va falloir repenser,
d'échanges entre chacun des établissements, etc. Il y a toute une... Bonne
chance, ça va être compliqué, là.
Mme Setlakwe : ...la mécanique,
parlez-nous concrètement, là. La mécanique se déroule de quelle façon avec le patient, là, pour assurer le consentement
libre et éclairé puis pour lui expliquer le mandat, disons, du chercheur
puis ce à quoi sa donnée serait... ce pour quoi sa donnée serait utilisée?
• (16 h 40) •
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) : ...je voulais placer un mot sur le délai, qui peut être
considérable pour avoir le consentement d'un patient. Mais, dans la technologie
de la chaîne de blocs, ce n'est pas à chaque fois qu'on a besoin d'accéder aux
données de patients qu'il faut chaque fois recourir au patient. Parce qu'avec
cette technologie il est possible de définir, par exemple, des contrats
intelligents qui vont définir pour... Chaque personne va définir les conditions
d'accès à ses données médicales, et toute personne qui veut accéder à ces
données médicales doit se plier sur ces différentes conditions préalablement
définies au sein de la technologie. Donc, même en l'absence du patient, on peut
accéder à ses données de patient... à ses données de santé si et seulement si
l'organisme ou l'individu qui veut y accéder respecte les conditions qui ont
été fixées au niveau des contrats intelligents, raison pour laquelle l'accès
pourra être automatisé, pas se baser sur des conditions qui doivent être
respectées avant d'accéder aux données de santé.
Mme Setlakwe : Je trouve ça
fascinant, donc ça m'amène à essayer de voir... Donc, vous dites que c'est
utilisé dans d'autres juridictions et... Tu sais, donnez-nous des...
Donnez-nous un compte rendu, là, du feedback, tu sais, des arguments pour lesquels on devrait se pencher vers cette
technologie-là parce qu'utilisée ailleurs, elle a apporté tel, tel
bienfait, tel résultat concret.
M. Bazomanza
Nzabandora (Wilfried) : Voilà. Donc,
les applications, dans les autres juridictions, de la chaîne de blocs ont apporté deux principals objectifs ou deux principales
finalités. La première finalité, c'est d'abord la remise de la propriété
de données aux mains des patients. Parce qu'avec la structure, le principe de
fonctionnement de cette technologie, il est possible qu'avec ces clés, que ça
peut être privé ou public, qu'il soit le seul à détenir le moyen de déchiffrer ces données. Donc, ça permet à
ce que le patient recouvre la propriété sur ses données de santé. Donc,
ça, c'était le premier élément.
Le deuxième élément, c'était aussi
l'interconnexion des différents dossiers de santé électroniques. Parce que,
dans les juridictions où on a adopté la chaîne de blocs, il y avait de la
difficulté, pour un patient ou pour un personnel soignant, de retracer
l'historique médical d'un patient. Parce que, si le patient, peut-être, s'est
fait soigner dans un organisme A et que, pour un cas de maladie, il se retrouve
dans un organisme B, l'organisme B ne pourra pas accéder à l'historique de cet
individu dans l'organisme A. Mais, grâce aux contrats intelligents, il va être
maintenant plus facile pour que les organismes puissent communiquer entre eux.
Ça, c'est le...
Un autre
aspect aussi, c'était lié aux standards. Donc, la technologie que nous
proposons permet de standardiser les échanges d'informations entre les
différentes structures de santé. Parce que, la manière dont les dossiers
de santé se présentent, actuellement, ces
dossiers sont basés sur des standards différents, raison pour laquelle il est
difficile d'interchanger les
informations. Mais, grâce à la chaîne de blocs, il peut être facile de définir
des standards communs qui vont permettre à ce que le patient ou le
personnel médical puisse avoir accès à l'historique des soins d'un patient, et
là ça permet maintenant d'apporter l'efficacité dans la prise en charge d'un
patient dans un organisme de santé. Parce que, lorsqu'on
a accès à ces données de manière complète, on pourra apporter un diagnostic qui
est efficace et qui permet de... qui prend en compte l'historique médical de
l'individu.
Mme Bouchard
(Charlaine) : En Estonie, par exemple, 95 % des données produites
par les hôpitaux, par les médecins, ont été numérisés, et il y a plusieurs
études qui démontrent que ça améliore la rentabilité et la durabilité,
l'efficacité, la transition vers une médecine plus préventive. Et, de façon
générale, les études qui... où on étudie les technologies de la chaîne de blocs
et des registres distribués de façon générale, en matière étatique, dont en
matière de santé, ça démontre que ça garantit l'intégrité et vraiment la
sécurité des données des patients. Et ça, c'est la littérature scientifique qui
le dit et non moi personnellement.
Mme Setlakwe :
Vraiment fascinant. Donc, ça, c'est Estonie. Puis là vous avez parlé des
États-Unis. Là, on connaît le régime aux États-Unis. Est-ce que c'est certains
hôpitaux, certaines compagnies ou c'est quelque chose qui commence à être assez répandu? Juste nous donner un ordre de
grandeur de l'implantation de cette technologie-là dans les... au niveau
des services de santé aux États-Unis.
M. Bazomanza
Nzabandora (Wilfried) : Aux États-Unis, c'est le centre... le CDC,
donc Center of Disease Control and
Prevention, qui adopte cette technologie pour créer une infrastructure commune
de santé au niveau de la région. Comme ça, ça pourra permettre à ce que
plusieurs organismes de santé puissent échanger facilement les données à
travers cette infrastructure.
Mme Setlakwe :
Parfait. Moi, j'aurais une dernière question. Des fois, quand on est...
Le Président
(M. Simard) : ...
Mme Setlakwe :
...oui, quand on n'est pas expert du tout, on arrive avec des questions... pas
qui sortent du champ gauche, mais qui nous
aident à comprendre, là. Est-ce que, simplement énoncé, vous parlez... puis je
ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, on est en train de se
priver d'une technologie optimale?
Le Président
(M. Simard) : ...
Mme Bouchard
(Charlaine) :
Tout à fait, sans l'ombre d'un doute.
M. Gauthier (Jean-François) :
Tout à fait. C'est... moi, je pense...
Le Président
(M. Simard) : Très rapidement .
M. Gauthier
(Jean-François) : ...si vous me permettez, juste...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Malheureusement, je dois vous couper ici. M. le député de Rosemont.
M. Marissal :
Allez-y.
M. Gauthier (Jean-François) : Donc,
ce que j'allais dire, simplement, c'est qu'effectivement on a... on est en
train, devant d'autres, de prendre un
certain retard parce qu'on se prive, effectivement, des meilleures
technologies. Mais, on va se le dire,
c'est un changement de paradigme majeur, là, ce dont on est en train de parler.
Passer d'une technologie... d'une confiance qu'on base sur, justement,
les fameux coffres-forts dans lesquels on stocke notre donnée, vers une
décentralisation de ces données-là complète, c'est un gros changement, ça,
c'est certain. Par contre, les avantages qui sont générés par la
décentralisation des données... Parce que, vous savez, vous en parliez tout à l'heure,
puis on en parle depuis le début, la chaîne de blocs est la seule technologie,
à ce jour, le ministre le disait tout à l'heure, qui garantit l'intégrité complète des données, qui n'a jamais été hackée
depuis sa fondation, ça n'est jamais arrivé. Il y a eu des malversations qui ont été faites, parce que
des individus ont fait des choses, mais c'est l'humain qui est intervenu,
la technologie elle-même n'a jamais été
hackée, parce qu'elle est distribuée sur des centaines, des milliers de
serveurs, et ça devient comme une
impossibilité, jusqu'au temps que l'ordinateur quantique débarque peut-être
avec une solution, là. Mais, au niveau de la sécurisation des données,
c'est à toute épreuve. Donc, oui, en réponse à votre question, moi, je pense qu'on a une opportunité historique de faire
les choses autrement, maintenant, au Québec, puis d'innover vraiment dans
la gestion de nos données de santé. Ou bien on continue à le faire comme on l'a
toujours fait puis on fait des grands systèmes centraux de protection, avec des
coffres-forts, etc., hypersécurisés, là.
Une voix :
...
M. Marissal :
C'est moi qui posais les questions, là. Non, je vous en prie, juste pour
qu'on sorte... Je n'appellerais pas ça des questions champ gauche, mais je vais
vous poser des questions profanes. C'est une façon coquette de dire que je m'y connais assez peu en blockchain, puis, de
toute façon, je pense qu'on n'est pas rendus tout à fait là non plus
dans nos décisions qu'on va prendre ici, là. Mais je comprends ce que vous
dites, que c'est le nec plus ultra puis qu'on serait bêtes de s'en priver, mais
c'est probablement à l'étape subséquente.
Puis, de toute façon,
dites-moi donc, là... On nous a dit, par exemple... les archivistes médicaux,
là, nous ont dit, là, qu'on parle, en ce moment, de 500 à 700 systèmes
différents, qui ne se parlent pas. Je ne sais pas comment l'Estonie a fait ça,
là, je ne suis jamais allé en Estonie, là, puis je ne comprendrais pas plus le
blockchain en Estonie qu'ici, là, mais
comment on réconcilie ça, là? Mettons qu'on en parle, puis ça ne sera pas dans
le projet de loi, là. Mais, par ailleurs, on fonctionne encore avec des
fax, dans le réseau de la santé, on a 500 à 700 systèmes qui ne se parlent
pas, comment on arrive, là, avec votre solution optimale?
Mme Bouchard (Charlaine) : C'est
sûr qu'on part de loin. Puis vous n'êtes pas le premier... Là, moi, je ne suis
pas informaticienne moi-même, je suis juriste, mais on travaille dans des
équipes multidisciplinaires, et c'est ce qu'on nous souligne.
Pour répondre à votre question concernant
l'Estonie, bien, il faut comprendre que... et c'est le consul de l'Estonie qui est venu nous voir, nous raconter
l'histoire, donc, le pays, après la guerre, s'est retrouvé complètement démoli,
et on a évidemment, là, reconstruit sur du
nouveau. Donc, ici, évidemment, c'est tout... ce serait tout un changement là,
mais il y a des choix, évidemment, qui doivent être faits. On est dans une
transformation numérique, donc on est, je pense,
à une période critique et on va devoir faire des choix et prendre des
décisions. Parce que l'actif, la donnée, et la donnée de santé en
particulier, c'est un actif, évidemment, stratégique, fondamental pour le
patient, pour la sécurité des données. Moi, ça m'apparaît extrêmement
important. Donc, de toute façon, on va devoir investir des sommes incroyables,
donc je ne mettrai pas de chiffre, là.
M. Marissal : Ok. Il me reste
12 secondes, je vous remercie.
Le Président (M. Simard) : Alors.
Mme Bouchard, M. Gautier, M. Nzabandora, merci beaucoup pour
votre présentation, votre présence parmi nous. Et, vous savez, vous étiez les
derniers intervenants dans le cadre de cette consultation publique portant sur
le projet de loi n° 3.
Mémoires déposés
Alors, avant de conclure, deux petites choses.
J'aimerais bien sûr, d'abord, déposer les nombreux mémoires que nous avons reçus. Je vous invite à les
consulter, vraiment, il y en a plus d'une vingtaine, de mémoires, qui ont été
déposés par des groupes qui n'ont pas pu les présenter. Puis j'aimerais
également vous remercier pour votre précieuse collaboration dans le
cadre de ces consultations.
Alors, nous allons ajourner nos travaux, et on
se revoit demain sur un autre mandat...
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : Hein?
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : Non,
malheureusement, pas de sine die parce que nous poursuivons sur autre chose. Comme vous le savez, la Commission des
finances publiques est sans doute l'une des plus occupées de toutes les commissions et, par chauvinisme, j'oserais presque
vous dire qu'elle est probablement l'une des plus importantes, mais
enfin c'est un autre débat.
(Fin de la séance à 16 h 50)