Journal des débats de la Commission des finances publiques
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
mardi 7 février 2023
-
Vol. 47 N° 5
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
-
-
-
Simard, Jean-François
-
Caire, Éric
-
Setlakwe, Michelle
-
Marissal, Vincent
-
-
Marissal, Vincent
-
Simard, Jean-François
-
Caire, Éric
-
Montigny, Yves
-
Mallette, Carole
-
-
Caire, Éric
-
Simard, Jean-François
-
Setlakwe, Michelle
-
Marissal, Vincent
-
-
Simard, Jean-François
-
Caire, Éric
-
-
Caire, Éric
-
Simard, Jean-François
-
Setlakwe, Michelle
-
Marissal, Vincent
-
-
Simard, Jean-François
-
Caire, Éric
-
Montigny, Yves
-
Bélanger, Gilles
-
-
Simard, Jean-François
-
Bélanger, Gilles
-
Setlakwe, Michelle
-
Marissal, Vincent
10 h 30 (version révisée)
(Dix heures cinquante minutes)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers amis, bienvenue à toutes et à tous. Nous entamons cette dernière journée
de consultations. Comme nous avons quorum, nous pouvons entreprendre nos
travaux.
Et, comme vous le savez, nous sommes
réunis afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé
et de services sociaux.
Mme la secrétaire, bonjour. Aurions-nous
des remplacements ce matin?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président, M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par Mme Setlakwe Mont-Royal—Outremont) et M. Bouazzi (Maurice-Richard), par M.
Marissal (Rosemont).
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci. Bienvenue à ces collègues. Ce matin, nous entendrons deux groupes et
nous commençons par l'Institut de la statistique du Québec. Madame, monsieur,
je vous vois accompagnés des membres de votre équipe qui sont derrière vous. Alors,
bienvenue à tous et à toutes. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous
présenter, s'il vous plaît?
M. Bergeron (Simon) : Oui,
bonjour, M. le Président. Je suis Simon Bergeron, statisticien en chef à l'Institut
de la statistique du Québec.
Mme Caris (Patricia) :
Patricia Caris, statisticienne <en chef adjointe à l'institut
également...
Mme Caris (Patricia) :
...Patricia
Caris, statisticienne >en chef adjointe à l'institut également.
Le Président (M. Simard) : Soyez
les bienvenus, et vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes.
M. Bergeron (Simon) : Parfait.
Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres
de l'Assemblée nationale, bonjour à tous et à toutes. Je suis Simon Bergeron,
statisticien en chef de l'Institut de la statistique du Québec, et je suis
accompagné aujourd'hui de Mme Patricia Caris, statisticienne en chef adjointe,
responsable du secteur de l'accès aux données et de la démographie. Nous sommes
reconnaissants de nous avoir invités à partager notre point de vue et de nous
permettre de communiquer certains éléments liés à notre pratique et à notre
expertise.
L'importance du projet de loi n° 3 ne
fait aucun doute pour l'ISQ. Le projet de loi à l'étude propose des mécanismes
qui sont complémentaires à ceux en place à l'institut, et nous poursuivons aussi
des objectifs qui sont similaires à ceux prévus au projet de loi. Comme vous,
nous voulons que les données sur la population du Québec soient utilisées le
plus fructueusement possible tout en respectant les principes de
confidentialité et de sécurité de l'information. Nous espérons que notre
passage ici contribuera à la discussion sur les grands enjeux de l'accès aux
données, et en particulier dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Je voudrais d'abord prendre quelques
minutes pour situer le rôle de l'institut dans le vaste dossier de l'accès et
de l'utilisation des données. L'ISQ poursuit l'objectif d'utiliser au mieux les
informations dont nous disposons collectivement. Pour remplir son mandat en
tant qu'agence statistique gouvernementale, l'ISQ doit fournir des informations
statistiques qui sont fiables et objectives quant à tous les aspects de la
société québécoise. Il doit également produire, analyser et diffuser de
l'information statistique pour les ministères et les organismes ainsi que pour
la société en général.
Plusieurs secteurs gouvernementaux ont de
l'information qui pourrait aider à mesurer les résultats liés à la livraison
des services publics, mais aussi à comprendre les grands enjeux de la société.
Une bonne utilisation de ces données permettrait de mieux répondre aux besoins
des citoyens, notamment en matière de santé et de services sociaux, mais encore
faut-il le faire sur les bases qui sont acceptables pour les Québécoises et les
Québécois qui confient l'information aux organismes publics afin d'obtenir des
services. On se doit donc de respecter les standards les plus élevés en matière
de sécurité et de protection de renseignements personnels. Nous savons que les
fuites de données contribuent, avec raison, à inquiéter la population.
Mais revenons plus spécifiquement à
l'apport de l'ISQ. Nos activités sont encadrées par une loi qui garantit le
respect des mesures de protection des renseignements personnels. Nous
appliquons des standards reconnus par des organismes statistiques de partout
dans le monde, incluant Statistique Canada. Dans les dernières années, le
gouvernement a bonifié les moyens de l'ISQ et a accru son mandat en matière
d'accès aux données. Je pense, entre autres, à l'ouverture d'un guichet de
service aux chercheurs voulant obtenir des renseignements détenus par les
ministères et les organismes. Ce guichet est en place depuis 2019.
Au départ, les chercheurs avaient accès
aux données du ministère de la Santé et des Services sociaux et de la Régie de
l'assurance maladie du Québec, puis le gouvernement a permis l'ajout des
données provenant du ministère de l'Éducation et du ministère de l'Enseignement
supérieur. Si on tient compte aussi des données d'enquêtes menées par l'ISQ,
parce qu'évidemment l'ISQ mène beaucoup, beaucoup d'enquêtes, cela présente un
potentiel inouï pour la recherche. L'ajout des données de ces secteurs est venu
confirmer que le mandat qui est confié à l'ISQ évolue dans une perspective
multisectorielle.
C'est ainsi que s'ajouteront les données
du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale ainsi que
celles du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration.
Les données de Revenu Québec devraient également être accessibles sous peu. À
ce jour, l'équipe du guichet a traité plus de 350 demandes de chercheurs.
Plusieurs améliorations ont été mises en place afin de faciliter le dépôt et le
suivi des demandes. Nous en faisons état dans notre mémoire.
Toujours dans l'idée d'améliorer l'accès
aux données, la Loi sur l'Institut de la statistique a été modifiée en juin
2021. L'ISQ assure depuis la communication des renseignements détenus par des
organismes publics aux chercheurs qui sont liés à un organisme public. Le
gouvernement peut maintenant désigner des renseignements qui sont détenus par
un organisme public afin qu'ils puissent être utilisés par l'ISQ ou
communiqués, toujours à des fins de recherche, aux chercheurs qui sont liés à
un organisme public.
C'est cela, d'ailleurs, qui a été fait
avec l'adoption de décrets en juin 2022, donc l'an passé, pour désigner
certaines banques de données du ministère de la Santé et des Services sociaux,
de la RAMQ, du ministère de l'Éducation et du ministère de l'Enseignement
supérieur. Un autre avantage de ces modifications législatives est que l'ISQ
peut maintenant communiquer aux chercheurs les renseignements qui sont désignés,
dont je viens de parler, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir à chaque fois
l'autorisation de la Commission d'accès à l'information. Enfin, dans le <but
de tenir compte...
M. Bergeron (Simon) :
...l'autorisation
de la Commission d'accès à l'information. Enfin, dans le >but de tenir
compte de l'opinion et des conseils de l'ensemble de la communauté de
recherche, l'ISQ a créé un comité composé d'utilisateurs représentatifs de leur
domaine.
Permettez-moi maintenant de vous
entretenir sur la complémentarité du projet de loi n° 3
et de nos services. Le modèle ISQ vise les données détenues par les ministères
et organismes publics, alors que le modèle prévu par le projet de loi n° 3 vise d'abord l'accès aux renseignements de santé et de
services sociaux, y incluant les données cliniques des établissements. Dans les
deux cas, l'objectif est d'améliorer la qualité des services offerts à la
population et de permettre une gestion basée sur les besoins des personnes et
la consommation... la compréhension de la consommation des services publics.
Sachez que plusieurs des propositions du
projet de loi n° 3 prévoient des modalités qui sont
déjà en place à l'ISQ. L'ISQ a d'ailleurs élaboré un grand nombre de documents
et de mécanismes qui lui permettent d'encadrer ses activités, toujours d'accès
à la recherche, pour bien accompagner les chercheurs. Je pense, entre autres, à
la possibilité d'accéder à un renseignement sans le consentement de la personne
concernée, mais en s'assurant que l'on ne puisse jamais identifier la personne,
tout en respectant les principes de confidentialité, et ce, dans des
environnements sécurisés. Ces modalités sont assorties d'outils élaborés au fil
des années, qui pourront être partagés avec les responsables du ministère de la
Santé et des Services sociaux.
Autre point d'intérêt, le projet de loi n° 3 prévoit la mise sur pied de centres d'accès pour la
recherche, une autre similitude avec le mécanisme implanté par l'ISQ, et qu'on
retrouve ailleurs dans le monde. L'ISQ a développé des centres d'accès aux
données de recherche de l'ISQ. On les appelle les CADRISQ. Ils sont en activité
depuis une vingtaine d'années. Ils fournissent un modèle d'accès du même type
que celui des centres de données de recherche de Statistique Canada. Trois
nouveaux CADRISQ ont été ouverts au cours des dernières années, ce qui porte
leur nombre à cinq, répartis à Montréal, à Québec et à Sherbrooke. Un sixième
ouvrira prochainement au centre hospitalier Sainte-Justine.
Dans l'environnement sécurisé de l'ISQ, le
chercheur a accès à un ensemble de logiciels statistiques et à de
l'accompagnement par des analystes. L'ISQ offre aussi un accès aux données à
distance, une option qui est très appréciée. Pour protéger la confidentialité,
ces fichiers sont moins détaillés que ce qui est accessible en CADRISQ. Ils
permettent, par contre, une certaine souplesse aux chercheurs pour faire
avancer leur projet à partir de leur environnement de travail.
Finalement, tout comme le fait l'ISQ, le
projet de loi prévoit des mesures de prévention des risques afin de ne pas
permettre d'identifier des personnes à partir des résultats d'une analyse
statistique. C'est ce qu'on appelle le risque de divulgation. Vous l'avez
compris, ce n'est pas une mince affaire de mettre en place les outils
nécessaires à une utilisation optimale des données par les chercheurs tout en maintenant
un niveau de confidentialité et de sécurité conforme aux attentes et aux droits
des citoyens.
En plus des besoins des chercheurs et des
exigences légales, il faut aussi tenir compte des aspects technologiques. Bien
qu'elles semblent contraignantes, nos règles d'accès aux données permettent de
limiter les risques dans un contexte où les nouvelles technologies multiplient
les sources de données. Ainsi, les modalités de l'ISQ concernant l'accès aux
données dans le cadre de ses centres d'accès comportent les mêmes exigences que
celles décrites dans le projet de loi.
Comme vous, je vois que plusieurs des
éléments prévus au projet de loi n° 3 restent à
définir, dont les règles de gouvernance. L'ISQ a élaboré les siennes, qui
restent à être approuvées par la Commission d'accès à l'information.
L'élaboration de ces règles a pu s'appuyer sur les meilleures pratiques en
matière de confidentialité, de sécurité et de partage des responsabilités.
L'ISQ sera, bien entendu, ouvert et disponible pour collaborer avec les acteurs
concernés.
• (11 heures) •
De notre point de vue, ceci aura un effet
bénéfique pour les chercheurs en simplifiant et en uniformisant les balises à
respecter dans l'utilisation des données. Il est certain que plusieurs aspects restent
spécifiques au réseau de la santé et des services sociaux. Par exemple les
systèmes de collecte de données, ont été conçus pour répondre à des besoins de
gestion, et surtout à des besoins cliniques. Les renseignements que détiennent
les différents ministères et organismes publics sont aussi de nature et de
sensibilité variables. Par exemple, les données fiscales ou... comme les
données relatives à l'état de santé, sont très sensibles. Elles relèvent de la
vie privée.
Pour conclure, I'ISQ espère que les outils
qu'il a élaborés ces dernières années seront utiles à la mise en œuvre du
projet de loi n° 3, évidemment, s'il est adopté. Les
données du secteur de la santé, utilisées avec celles d'autres secteurs comme
l'éducation, l'emploi, l'immigration ou le revenu, aident à mieux comprendre
les liens entre la santé et ses déterminants. C'est un thème qui est au coeur
de nombreuses recherches. Je dois dire que...
11 h (version révisée)
M. Bergeron (Simon) : ...C'est
un thème qui est au cœur de nombreuses recherches. Ça fait que je dois dire que
de pouvoir contribuer toujours plus à l'avancement des connaissances
scientifiques au Québec est une grande fierté pour l'ISQ, puis ce l'est d'autant
plus de pouvoir le faire dans un contexte de coopération gouvernementale et en
partageant notre expertise.
Ça fait que nous resterons évidemment,
donc, disponibles pour participer aux travaux nécessaires à la mise en œuvre du
projet de loi n° 3. Et à partir de maintenant, ma
collègue et moi sommes prêts à répondre à vos questions. Merci pour votre
attention.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous, M. Bergeron. Et je cède maintenant la parole au ministre de la
Cybersécurité et du Numérique. Cher...
M. Caire : Bravo!
Le Président (M. Simard) : C'est
pas mal, hein!
M. Caire : Bien oui.
Le Président (M. Simard) : J'ai
fini par l'apprendre.
M. Caire : Moi aussi.
Le Président (M. Simard) : Et
vous disposez d'une période de 16 min 30 s.
M. Caire : Merci. Merci, M.
le Président. Merci, bienvenue à vous deux. J'aurais une première question, parce
que vous avez abordé le fait qu'avec la loi n° 3,
dans les protocoles de recherche, il n'y aura plus à faire valider ces
protocoles de recherche là par la Commission d'accès à l'information. Donc, il
faut en informer la commission, mais on n'a pas besoin de faire valider. Vous
semblez voir là-dedans un avantage. D'autres y ont vu un délestage du pouvoir de
la CAI à assurer son mandat de protection des renseignements personnels.
Comment on peut concilier deux visions qui sont quand même assez opposées?
Pourquoi, vous, vous dites que c'est une bonne chose? Et qu'est-ce qui amène d'autres
groupes qui nous ont parlé, à dire : Bien, attention, parce que, là, vous
délestez le chien de garde de la protection des renseignements personnels de sa...
pas de sa prérogative, mais de certains pouvoirs à assumer son rôle?
M. Bergeron (Simon) : C'est une
question intéressante.
M.
Caire
: Je le
sais.
M. Bergeron (Simon) : Je vous
dirais, M. le Président, ce qu'il est important de bien comprendre, dans ce que
vient d'expliquer M. le ministre, c'est que, oui, la loi, la loi de l'ISQ
prévoit que dorénavant, à chaque fois que... lorsque les renseignements sont
désignés, comme je l'ai mentionné, lorsqu'il y a des décrets qui désignent des
banques de données de ministères, auxquelles l'ISQ peut les rendre accessibles
aux fins de la recherche, on n'aura plus le besoin, à chaque fois, d'aller
avoir l'autorisation spécifique de la Commission d'accès à l'information. Mais,
ça, ça se fait dans un contexte où la loi prévoit également, par ailleurs, que
l'Institut de la statistique du Québec doit élaborer des règles de gouvernance
très détaillées et doit les... qui vont prévoir un ensemble de choses, vont
prévoir, par exemple, le fait... les responsabilités diverses des différentes
personnes, à l'intérieur de l'ISQ, qui sont interpelées dans le processus, va
détailler complètement le processus qui permet de recevoir une demande d'un
chercheur et... tout son traitement jusqu'à ce que le fichier soit rendu
accessible au chercheur. Ça va aussi prévoir tous les éléments en lien avec la
protection des renseignements personnels, la sécurité, la gestion des données,
incluant la conservation pendant un certain temps et la destruction des
renseignements, à terme. Ça prévoit aussi qu'est-ce que le contrat qui lie l'ISQ
et le chercheur doit contenir. Ça prévoit qu'on va avoir des formations qui
vont être obligatoires, qui vont être faites avec les chercheurs. Ça prévoit
aussi, évidemment, que l'ensemble du dossier de la recherche qui nous est
soumis comporte tous les... tout ce que la loi prévoit, incluant, là, une
évaluation d'un comité éthique de la recherche dans l'établissement, comme le
projet de loi n° 3 le prévoit aussi. Ça prévoit de la
reddition de comptes au niveau de la CAI, au niveau des ministères détenteurs
des données et aussi l'information qu'on doit rendre publique sur le web.
Puis, je... Évidemment, il y a beaucoup d'autres
éléments, c'est un document qui est important, les règles de gouvernance, qui
prévoit un ensemble de choses. Ces règles de gouvernance là, on est en
discussion avec la Commission d'accès à l'information, elles devront être
approuvées. Donc, effectivement, on n'aura plus besoin d'y aller à la pièce à
chaque fois qu'on aura une demande d'un chercheur, à l'avenir. Mais, en même
temps, on fait la démonstration à la Commission d'accès à l'information qu'on a
en place des mécanismes rigoureux, sophistiqués, qui permettent de traiter
chacune de ces demandes-là. Et la commission va toujours recevoir l'information
relativement à chacun de ces... Ça fait que, donc, c'est que... je vous dirais,
c'est un peu l'analyse ou...
M. Caire : Puis, si je vous
suis, là, ce que vous dites, c'est qu'on établit un cadre général, au lieu de
faire du cas par cas, mais ce cadre général là va faire en sorte que chaque
projet de recherche va devoir se conformer à ce cadre-là. Ce qui fait que, si
je vous comprends bien, vous dites : On ne diminue pas les exigences au
niveau de la protection des renseignements personnels, mais on augmente notre
capacité à accélérer le traitement des projets de recherche.
Mme Caris (Patricia) : Mais
peut-être pour revenir à l'article 125, qui était <l'article
duquel...
Mme Caris (Patricia) :
...
Mais peut-être pour revenir à l'article 125, qui était >l'article
duquel vous parliez, ce que j'ai vu dans le projet de loi, c'est qu'en fait
chacun des responsables des renseignements personnels dans chaque établissement
va devoir appliquer l'équivalent de l'article 125. C'est ce que j'ai lu.
Donc, ça veut dire que l'évaluation des facteurs sur la vie privée est faite
par le chercheur, mais ensuite chacun des responsables doit faire une analyse
qui est l'équivalente de celle que nous, on fait. De la même façon, dans notre
loi, on retrouve l'équivalent de l'article 125. Donc, ce qui est... ce qui
est perçu comme un délestage, c'est, dans le fond, une décentralisation de
cette fonction-là avec une fonction de surveillance qui, elle, reste entre les
mains de la commission.
M. Caire : Merci. Un autre
sujet qui a été abordé et qui amène un certain questionnement. Bon, la loi
dit : Lorsque la donnée qui a été collectée a atteint sa fin de vie utile,
c'est-à-dire la raison pour laquelle elle a été collectée n'existe plus, on
doit la détruire ou l'anonymiser à des fins de recherche, à moins que le
possesseur de la donnée en question refuse son consentement. Vous avez dit tout
à l'heure : On a mis en place des outils pour protéger la donnée, donc
je... Mais là c'est une déduction personnelle, puis c'est là-dessus que je veux
vous entendre. Vous nous dites que vous êtes en mesure d'anonymiser ces
données-là ou de les garder anonymisées, exemple, de tout
«retro-engineering»... je ne sais pas comment le dire, là, le retour à l'état
initial. Quels sont ces outils? Comment vous faites ça? Et quelles garanties
êtes-vous capables de donner aux Québécois qu'à l'intérieur des CADRISQ, dont
vous avez parlé, l'anonymisation des données, c'est une garantie absolue qu'on
ne reviendra pas en arrière, là? Parce que c'est ça qui fait craindre, je
pense, le plus les gens de donner leur information, ce n'est pas tant
l'information de santé, c'est le fait qu'elle soit désanonymisable, si je peux
me permettre. Ça, c'est un exercice de diction, hein, soit dit en passant, j'espère
que...
Mme Caris (Patricia) : On
n'anonymise pas les données, on les dépersonnalise, ce qui n'est pas tout à
fait pareil.
M. Caire : ...je comprends
donc! OK.
Mme Caris (Patricia) : Et
c'est pour ça que les CADRISQ existent. C'est que, quand le chercheur va au
CADRISQ, il peut avoir accès à une microdonnée, il n'a jamais le nom, il n'a
pas de données identificatrices...
M. Caire : ...dépersonnalisation,
donc je ne peux pas associer la donnée?
Mme Caris (Patricia) : Oui, voilà.
M. Caire : Donc, le sujet n° 24 est un homme blanc de 50 ans quelques années qui
habite à Québec, et ta, ta, ta.
Mme Caris (Patricia) : C'est
ça.
M. Caire : Alors que
l'anonymisation, c'est...
Mme Caris (Patricia) :
C'est : Je ne serai plus jamais capable de savoir. OK?
M. Caire : Bon, mais la loi,
elle, prévoit que les données sont anonymisées. Donc, quand on vous les
transfère, vous, vous les ramenez à l'état de dépersonnalisation?
Mme Caris (Patricia) : Non,
quand nous, on les reçoit, elles ne sont pas anonymisées. En fait
l'anonymisation, c'est la façon dont on va rendre possible l'utilisation à plus
grande échelle d'une donnée en dehors d'un...
M. Caire : D'une donnée
globale, sans la possibilité d'associer ça à quelque individu que ce soit,
voire même...
• (11 h 10) •
Mme Caris (Patricia) : Oui.
Oui. Mais, pour certains chercheurs, ces données-là ne sont pas intéressantes. Pour
d'autres chercheurs, elles sont tout à fait suffisantes parce qu'ils veulent
faire du gros volume, parce qu'ils veulent la donnée massive. Mais, pour le
chercheur qui veut avoir la certitude que la personne qui est suivie dans le
contexte a, c'est bien la personne qui est suivie dans le contexte b, il faut
qu'on puisse faire le lien entre les données de la personne A puis les données
de la personne A dans un autre fichier. Donc, ça, c'est ce que nos équipes font,
complètement en dehors de la possibilité qu'un chercheur y ait accès.
Et ce qu'on lui redonne, au chercheur,
c'est un fichier de recherche où on a pu prendre les données, par exemple, de
revenus, les données de santé, les... pas les jumeler, parce qu'on n'a pas
d'identifiant unique, mais les apparier. Puis à ce moment-là le chercheur, lui,
a accès à un fichier où il a la garantie que la personne qui suit, c'est la
personne qui correspond à un numéro x. Il n'a jamais l'identifiant. Mais donc
la donnée au sens où on l'entend, anonymisée, nous, ce n'est pas avec ça que le
chercheur travaille, dans le contexte du CADRISQ.
M. Caire : Puis, vu qu'on
l'aborde, je pense que ça va être extrêmement important que vous nous
expliquiez, parce que M. Motulsky disait, justement, sans les nommer, que de
travailler dans le cadre des CADRISQ de risques, c'était extrêmement
contraignant, c'était compliqué, souhaitait avoir accès à des informations, des
données via Internet. Je pense que vous avez entendu son témoignage. Et là, par
<rapport à ce que...
M. Caire :
...
Internet. Je pense que vous avez entendu son témoignage. Et là, par >rapport
à ce que vous me dites, en quoi le CADRISQ, moi, comme détenteur de mes données,
me garantit que, comme individu, je ne ferai jamais l'objet d'une
personnalisation de ma donnée? Comprenez-vous ce que je veux dire? Quelles
garanties pouvez-vous me donner que mes données...
Mme Caris (Patricia) : Il y
en a plusieurs, celles que je viens de vous énumérer, c'est-à-dire que...
M. Caire : Ça, je le
comprends.
Mme Caris (Patricia) :
D'accord.
M.
Caire
: Mais
dans le contexte des CADRISQ, plus précisément.
Mme Caris (Patricia) : Puis
donc, dans le CADRISQ comme tel, vous n'avez pas de capacité d'identifier
quelqu'un. La donnée qui vous est rendue...
M. Caire : Pourquoi?
Mme Caris (Patricia) : Parce
qu'il n'y a pas de nom, il n'y a pas d'identifiant.
M. Caire : Mais qu'est-ce qui
fait en sorte que je ne peux pas... J'ai utilisé le terme «retro-engineering», mais
qu'est-ce...
Mme Caris (Patricia) : Parce
que vous ne pouvez pas partir avec des données...
M. Caire : Quelles garanties
pouvez-vous me donner que moi, je ne suis pas capable, par des croisements sur
Facebook...
Mme Caris (Patricia) : Parce
que vous n'avez pas accès à Internet, dans le CADRISQ...
M. Caire : Bon, OK.
Mme Caris (Patricia) : ...parce
que vous ne pouvez pas partir avec aucune donnée, parce que vous n'avez pas
votre téléphone, parce que tout ce que disent les chercheurs est vrai.
M. Caire : OK. Donc, quand
vous dites que je n'ai pas le droit, dans... quand M. Motulsky dit : Je
n'ai pas le droit d'entrer dans les CADRISQ avec des appareils électroniques,
quels qu'ils soient...
Mme Caris (Patricia) : Oui,
il a raison.
M. Caire : ...quand il
dit : Je n'ai pas accès à Internet, quand il dit : Je n'ai pas le
droit de ressortir avec mon jeu de données...
Mme Caris (Patricia) : C'est
vrai, oui.
M. Caire : C'est vrai, mais
c'est ce qui vous permet de donner la garantie absolue qu'il n'y aura pas de
désanonymisation, dans certains cas, et dépersonnalisation, dans d'autres cas.
Mme Caris (Patricia) : Oui. Et
c'est pire encore, parce qu'une fois qu'il veut sortir ces résultats, il y a
une vérification des résultats pour être sûrs qu'il n'y a pas de
réidentification possible. Donc, oui, c'est vrai, c'est très sévère.
M. Caire : Je... Vous dites
que vous travaillez avec des données... bien, en fait, vous permettez aux
chercheurs, pardon, de travailler avec des données qui sont dépersonnalisées.
Est-ce que, dans vos politiques, vous adaptez l'état de la donnée aux besoins
de la recherche? Donc, est-ce que, dans tous les cas, j'ai accès à des données
dépersonnalisées ou si, l'objet de la recherche, je pourrais travailler avec
des données anonymisées? Est-ce que je les aurai dans cet état-là ou vous
dites : Bien, regarde, moi je te les donne dans un état personnalisé puis,
même si ta recherche n'a pas besoin de ce niveau-là de précision dans la
donnée, je vais quand même te donner accès à des données dépersonnalisées? Ou
vous adaptez quand même, à savoir, vous dites : Bien là, dans ton cas à
toi, anonymisées, ce serait un niveau de précision suffisant pour le profil de
recherche, donc on va s'adapter à ton besoin?
Mme Caris (Patricia) : Oui,
on va s'adapter...
M. Caire : Comprenez-vous ma
question?
Mme Caris (Patricia) : Oui,
mais on va s'adapter, c'est-à-dire que, dans le fond, il y a une proportion
qu'on applique, entre la sensibilité de la donnée dont vous avez besoin pour
travailler et les mécanismes de contrôle qu'on va vous demander de respecter.
M. Caire : Qu'est-ce que ça
veut dire, ça?
Mme Caris (Patricia) : Ça
veut dire que plus vous voulez avoir accès à une donnée qui est fine,
granulaire, plus on va vous restreindre dans votre capacité. C'est-à-dire
que...
M. Caire : Je ne comprends
pas.
Mme Caris (Patricia) : Bon,
par exemple, vous voulez accès... avoir accès à des données qui vous permettent
de suivre, vraiment, les individus puis de faire de l'appariement entre, par
exemple, des données de revenus et des données...
M. Caire : Mais on est
toujours avec sujet n° 24?
Mme Caris (Patricia) : Oui,
sujet n° 24. Là, vous êtes dans un CADRISQ, OK, mais vous allez dans le
CADRISQ puis vous me dites, au bout d'un bout de temps : Regarde, j'ai
compris ce que je veux faire, je pourrais travailler avec une donnée moins
fine...
M. Caire : Moins granulaire.
Mme Caris (Patricia) : ...moins
granulaire, j'aurais besoin de moins de renseignements, je pourrais aller voir,
admettons, des groupes d'âge, plutôt que l'âge précis, je pourrais avoir...
M. Caire : Donc là, on tombe
dans l'anonymisation, quand on parle de groupes d'âge, de régions géographiques?
Mme Caris (Patricia) : Je
vous dirais, c'est un seuil entre les deux, OK? Donc là, moi, si vous me dites
ça, je vais vous dire : OK, je vais vous préparer un fichier qui va répondre
à vos besoins, un fichier d'accès à distance, puis, ça, vous pourrez travailler
avec ce fichier-là à partir de votre bureau ou à partir de votre environnement
de travail.
M. Caire : Ça, c'est une
question que je voudrais que vous précisiez. Quand vous parlez de
l'environnement de travail, vous parlez de l'environnement de travail à
l'intérieur du CADRISQ ou vous parlez du milieu de travail où opère le
chercheur?
Mme Caris (Patricia) : Du
chercheur.
M. Caire : Donc, le chercheur
peut partir avec les données puis les amener dans son milieu de travail?
Mme Caris (Patricia) : Bien,
il va avoir accès aux données à partir de son milieu de travail, il ne partira
jamais avec la donnée.
M. Caire : Donc, il sera...
Bien, OK, qu'on se comprenne bien. Moi, je suis à l'Université Laval, je fais
une recherche. Vous allez... à partir de mon milieu de travail de l'Université
Laval, vous allez me donner accès aux données, mais comment vous faites pour
savoir si je...
Mme Caris (Patricia) : Oui, à
ce fichier-là.
M. Caire : Oui, mais... Je le
comprends, mais comment vous faites pour savoir que moi, je ne l'ai pas
téléchargé, je ne l'ai pas sur mon poste de travail? Je mets ça dans une clé
USB, merci, bonsoir, là, je viens de partir avec. Non?
Mme Caris (Patricia) : Bien,
il y a plusieurs facteurs, mais le principal, c'est que vous allez avoir signé
une entente avec nous, et votre université va être également signataire. Donc,
vous allez avoir suivi une formation, suivi... vous vous êtes <engagé,
vous avez...
Mme Caris (Patricia) :
...
Donc, vous allez avoir suivi une formation, suivi... vous vous êtes >engagé,
vous avez toute une série de mesures qui viennent encadrer ce que vous allez
faire. Donc, vous êtes chercheur, vous êtes membre d'une communauté de
recherche, affilié à une université, vous avez signé un engagement, mais
surtout votre université s'est engagée avec vous, et vous allez avoir accès à
un fichier qui ne vous permettra pas de faire tant de choses que ça. Votre
fichier, il est organisé pour répondre au besoin de recherche pour lequel vous
avez fait une demande. Donc, vous n'avez pas un fichier qui vous permet de
faire tant de choses que ça, là.
M. Caire : OK. Deux questions
qui me viennent à l'esprit. D'une part, est-ce que la sensibilité de la donnée
et la granularité de la donnée qui est demandée par le chercheur va
conditionner ou non le fait qu'il puisse y avoir... depuis l'extérieur du
CADRISQ? Et vous dites : Les chercheurs nous demandent telles informations
ou les chercheurs nous disent : Bien, je n'ai peut-être pas besoin de
toutes ces informations-là. Mais est-ce que l'inverse est vrai? Est-ce que
vous, vous validez, en fonction du protocole de recherche : Bien, tu nous
demandes ces données-là, mais tu n'en as peut-être pas besoin, donc on va te
donner un accès plus limité?
Mme Caris (Patricia) : Absolument.
C'est l'article 125 dont on se parlait au tout début, c'est le travail
qu'on a à faire. Puis, au cours des derniers... deux, trois années, c'est
d'ailleurs une partie de ce qu'on a dû faire, parce que l'article 125
était toujours en vigueur jusqu'en septembre dernier. Donc, on préparait le
dossier pour la Commission d'accès, qui, dans le fond, regardait, dans une
certaine mesure, si on avait bien fait le travail.
M. Caire : ...en fonction de
vos règles de gouvernance, vous pourriez dire à un chercheur : On a
regardé ton protocole de recherche, on regarde nos règles de gouvernance...
Le Président (M. Simard) : ...
M. Caire : Et on en arrive à
la conclusion. Bien... Et, depuis l'extérieur, est-ce qu'il y a des données qui
sont à ce point granulaires et sensibles, pour lesquelles vous dites :
Non, là, ça, on ne peut pas te donner accès à l'extérieur du CADRISQ, tu dois
venir à l'intérieur du CADRISQ pour travailler avec ça?
Mme Caris (Patricia) : Oui.
Le Président (M. Simard) : Bien,
écoutez, pour que la personne puisse répondre...
M. Caire : OK. Donc, ce n'est
pas une règle absolue.
Le Président (M. Simard) : ...il
faut lui laisser le temps, M. le ministre, et vous n'en avez plus,
malheureusement. Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Bonjour. Bien,
j'accepte que vous répondiez à...
M. Caire : ...
Mme Setlakwe : ...à la
question du ministre. Elle est pertinente, puis ça va... je pourrai enchaîner
par la suite.
Mme Caris (Patricia) : Je ne
sais pas si... Je ne suis pas sûre que... M. Caire, est-ce qu'il y avait
d'autres aspects que vous...
M. Caire : ...question,
c'était — merci à ma collègue — ...c'était : Est-ce
que vous... on peut avoir systématiquement accès, depuis l'extérieur, ou s'il y
a un certain niveau de granularité qui fait que, là, vous dites : Non, ça,
pour ça, tu dois venir?
Mme Caris (Patricia) : C'est
clair qu'il y a... Oui, ça, c'est clair.
M. Caire : OK.
Mme Caris (Patricia) : C'est
clair.
M. Caire : Ce n'est pas une
règle absolue.
Mme Caris (Patricia) : C'est
pour ça, d'ailleurs, qu'on a toujours des CADRISQ à cause de ça, là.
Une voix : ...
• (11 h 20) •
Mme Setlakwe : Avec plaisir.
Merci pour votre intervention, pour votre mémoire. Les questions du ministre
ont donné lieu à des échanges, on est allés dans le détail pour comprendre les
mécanismes auxquels vous êtes soumis, et je pense que ça donne un certain
réconfort, mais ça m'amène à peut-être remonter un petit peu dans l'analyse.
Juste pour faire du pouce sur la question
du réconfort, on a... Tu sais, dans mes lectures puis dans les réflexions que
cette étude du projet de loi nous amène à faire, il y a, je pense, une
inquiétude au niveau de la population, il y a peut-être un manque
d'information, un manque de... Puis je pense que l'adoption éventuelle du
projet de loi et de toute la réglementation va devoir être accompagnée d'une
campagne de sensibilisation, et tout ça, pour qu'il y ait un lien de confiance,
pour que la population se sente... qu'ils aient aussi... tu sais, qu'il y ait
une transparence qui donne assez d'information puis de reddition de comptes, de
sorte que la population va pouvoir suivre les bienfaits.
Donc, je reviens, évidemment, à la
recherche. Est-ce que le processus de reddition de comptes, vous en avez parlé,
donne lieu, selon vous, là, le cadre actuel qui va être bonifié avec le projet
de loi n° 3... est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction ou on pourrait
aller encore plus loin dans la reddition de comptes qui serait exigée?
M. Bergeron (Simon) : Je vous
dirais, dans la mesure où les exigences qui sont proposées dans le projet de
loi n° 3 ressemblent à celles qu'on a, nous, à l'ISQ pour, justement, la
reddition de comptes à l'égard des projets, là, moi, je peux vous dire qu'elles
sont exigeantes, parce que, première des choses, comme j'expliquais tantôt,
elles nous exigent vraiment, d'abord, qu'on ait des procédures qui soient
vraiment bien claires, bien établies puis bien détaillées et qu'elles ont...
elles sont suffisantes pour que la Commission d'accès les approuve. Et après,
la commission, elle, prévoit que, justement, la Commission d'accès à l'information
reçoit tout l'état des... ou une information relativement à chacun des projets
qui va faire l'objet d'une étude. Puis ils ont toujours la possibilité de
revenir et de faire... et de revenir requestionner. Et d'ailleurs, à tous les
trois ans, ils vont pouvoir revoir nos règles de gouvernance. Mais si, à la
suite d'une réception d'un projet de recherche, pour une raison quelconque, ils
avaient un questionnement puis ils <pouvaient prendre...
M. Bergeron (Simon) :
...
une raison quelconque, ils avaient un questionnement puis ils >pouvaient
prendre... avoir une opinion que peut-être qu'on n'aurait pas fait le travail
de la bonne façon — là, je ne pense pas que ça va être le cas, mais
disons que ça arrive — ils pourraient nous revenir puis ils
pourraient nous questionner par rapport à ça.
Donc, il y a une reddition de comptes
envers la CAI, qui est importante envers la population. Parce que, sur notre
site Internet, on dit d'ailleurs, nous, on... chaque demande de chercheurs qui
mène à une publication sont détaillées, sont accessibles sur notre site Internet.
Ça fait que ce genre de reddition de compte là informe les citoyens de ce qu'on
fait avec les renseignements qui sont désignés. Puis on a toujours la Commission
d'accès qui a déjà approuvé au préalable l'ensemble de nos façons de faire... a
toujours la possibilité de dire : Bien, à un moment donné, je... Par
exemple, je... elle a un doute sur un projet en particulier, elle pourrait
toujours venir le faire, parce qu'on doit l'informer de chacun des projets qui
sont faits puis une fois qu'ils sont... une fois que l'entente est signée avec
un chercheur.
Mme Setlakwe : Merci. Dans
votre exposé, puis moi, je n'ai pas toutes ces informations, là, en amont, mais
ce que j'entends, c'est que votre mandat a évolué au fil des ans, et, si je
vous ai bien compris, c'est... déjà qu'il y a des mécanismes en place, et là l'adoption
du projet de loi trois ne viendrait pas vous heurter, vous sentez vraiment que
vous vous imbriquez bien dans le processus et que c'est une suite logique?
M. Bergeron (Simon) : Oui.
Bien, en fait, ce qui est intéressant avec le projet de loi n° 3,
c'est qu'il vient... Bon, première des choses, comme je disais toujours, puis
on parle vraiment du volet pour l'accès pour la recherche, parce que c'est
vraiment le volet du projet de loi n° 3 qui nous
interpelle davantage, bien, il vient reprendre beaucoup des mécanismes, comme
j'expliquais tantôt, qui sont en vigueur à l'ISQ, puis qu'on a développés, puis
qui sont conformes, donc, avec les exigences de notre loi, sont cohérentes avec
les exigences de ce qui est dans le projet de loi n° 3.
Mais en plus, ce que le projet de loi
vient faire aussi, puis c'est ce qu'on trouve intéressant, c'est qu'il vient
dire : Lorsqu'il y a un chercheur du domaine de la santé qui veut avoir
accès à des renseignements de santé et services sociaux au sens du projet de
loi n° 3, mais qu'il veut, en plus de ces
renseignements-là, faire un appariement avec d'autres données de d'autres
secteurs, auxquelles l'ISQ a accès, que ce soient les données de revenus ou les
données de l'éducation, par exemple, bien, le projet de loi dit que le
chercheur, il peut venir voir l'ISQ pour faire cet appariement-là. Donc, ça
vient un peu, je vous dirais, d'une certaine façon, sans dire consacrer, ça
vient confirmer le rôle de l'ISQ, qui, lui, a fait ce travail-là dans les
données qui sont multisectorielles, hors de réseau de la santé et des services
sociaux. Donc, pour ça, ce projet de loi là, donc, évidemment, pour nous, c'est
une bonne nouvelle de voir la complémentarité des approches et du fait que,
bien, le multisectoriel, on peut continuer à développer cette expertise-là,
nous, à...
Mme Caris (Patricia) : Peut-être
pour ajouter, pour répondre plus concrètement, le CADRISQ de Sainte-Justine,
qui doit ouvrir, va montrer la complémentarité des deux approches. Je ne suis
même pas sûre qu'on puisse dire que, de toute façon, les chercheurs du réseau
de la santé ne seront pas intéressés à nous utiliser, même quand ils vont
apparier seulement des données de santé. Notre loi nous le permet. Mais, si on
veut vraiment pousser un certain type de recherche qui permet de faire
l'analyse des déterminants avec les problèmes de santé, le CADRISQ devient un
outil très, très intéressant pour eux, avec un accès à d'autres banques pour
lesquelles la documentation, l'aide qu'on peut fournir va être disponible.
Donc, c'est pour ça que, non, on ne sent pas vraiment qu'il y a un problème.
Mme Setlakwe : Parfait. Juste
pour revenir sur Sainte-Justine, donc, là, c'est quelque chose qui va être mis
en place à court terme?
Mme Caris (Patricia) : Oui,
oui, c'est censé... en tout cas, ils sont en construction, normalement, ça
devrait être ouvert au début mars.
M. Bergeron (Simon) : En tout
cas, au printemps, c'est ce qu'ils veulent.
Mme Caris (Patricia) : Au
printemps, on est... L'entente a été signée l'été dernier.
Mme Setlakwe : OK. Super.
Bien, je pense que vous avez répondu à ma dernière question. Donc, le projet de
loi va s'inscrire dans un cadre législatif existant, donc vous n'avez pas
identifié, vous n'avez pas vu d'élément de, tu sais... de confusion ou de
chevauchement qui pourrait créer des problèmes d'interprétation ou des... ou,
en fait, même peut-être des éléments qui seraient non compatibles?
M. Bergeron (Simon) : C'est
une belle complémentarité, je vous dirais.
Mme Caris (Patricia) : C'est
complémentaire. C'est certain qu'à mesure qu'on va creuser, puis qu'on va
implanter, puis qu'on va chercher à réglementer, il y a des choses qui seront
peut-être moins évidentes. Mais le projet de loi est certainement un acquis
important pour le réseau de la santé et des services sociaux pour...
Mme Setlakwe : Bien, justement,
on a parlé des règlements, la loi va être complétée, éventuellement, par
plusieurs règlements. Puis vous ne voyez pas qu'on a <laissé trop...
Mme Setlakwe :
...
éventuellement, par plusieurs règlements. Puis vous ne voyez pas qu'on a >laissé
trop de place aux règlements, tu sais? Ça ne vous donne pas... ça ne vous nuit
pas dans votre capacité d'apprécier le projet de loi?
M. Bergeron (Simon) : Bien,
je vous dirais, si on prend, par exemple... On a parlé quand même beaucoup des
règles de gouvernance, précédemment, au même titre que les... ce qui fait...
les conditions qui fait qu'un projet de recherche peut être recevable. Ce qui
est écrit dans les éléments du projet de loi n° 3
sont très similaires à ce qui existe dans les... ou qui existait dans l'article 125,
dont on parlait précédemment, ou dans la loi de l'ISQ. Ça fait que, je vous
dirais, c'est pas mal du même niveau.
Ce qui reste à établir, c'est, bon...
c'est justement, des fois... c'est la mécanique plus élaborée, puis ça, je
pense, c'est bien que ce soit... qu'il y ait un espace, là, soit dans les
règlements ou, des fois, dans des règles de gouvernance, qui sont des documents
un peu plus administratifs, mais qui nécessitent quand même une approbation,
dans le cas de la CAI, je pense, de laisser un espace pour ne pas que ce soit
tout dans le projet de loi. Parce que ça peut devenir assez assez lourd, tu
sais? Les règles de gouvernance, ça va être assez... c'est assez épais, là.
Mme Setlakwe : Oui, oui, puis
on peut comprendre qu'on ne peut pas attacher toute la mécanique tout de suite
dans le projet de loi. Mais au niveau, tu sais, du réconfort sur un éventuel
bris de confidentialité, vous êtes rassurés, à la lecture du projet?
M. Bergeron (Simon) : Je
pense que oui. Moi, je dirais oui.
Mme Caris (Patricia) : Vous
me posez une question embêtante.
Mme Setlakwe : Oui, je sais,
je le vois dans votre visage, Mme Caris.
Mme Caris (Patricia) : Je
vous dirais, on a de la donnée administrative qui va être... et de la donnée
clinique qui va changer d'environnement, dans le sens où, jusqu'à présent, la
donnée, en autant que je le sache, était décentralisée. On la retrouvait dans
chacun des établissements, elle ne pouvait pas circuler. Ce que je ne sais pas,
puis là j'avoue que je n'ai peut-être pas une connaissance suffisante du projet
de loi, c'est est-ce que les mécanismes qui vont être mis en place vont pouvoir
gérer cette circulation-là de manière sécuritaire. Et là je n'ai pas, moi,
cette réponse-là. Je pense que c'est une question que, de toute façon, je suis
certaine, les gens du ministère vont se poser, parce que c'est une question
centrale, mais, pour moi, c'est plus une question, là, qui touche le ministère
de la Cybersécurité et du Numérique, n'est-ce pas, et les mécanismes qui sont
mis en place. Ça, je ne pense pas que le projet de loi puisse aller dans ce
détail-là.
C'est certain que c'est un projet qui est,
comment je dirais... C'est quelque chose qui doit se faire. Maintenant, mettre
en place toutes les mesures nécessaires pour que ça se fasse correctement, c'est
un gros chantier, et je pense qu'on va essayer, nous en tout cas, de notre
humble petit coin de mandat, de faire ce qu'on peut pour aider. Il y a tous les
aspects liés aux règles de gouvernance mais aussi il y a des aspects
technologiques importants, là.
Mme Setlakwe : Merci. Merci
beaucoup. Terminé pour moi.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, chère collègue. Je cède la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. J'ai combien de temps?
Le Président (M. Simard) : Techniquement,
5 min 8 s.
M. Marissal : Merci. Bien, M.
Bergeron, Mme Caris, merci. Ça veut dire quoi, «CADRISQ»?
Mme Caris (Patricia) : Centre
d'accès de recherche de l'Institut de la statistique du Québec.
M. Bergeron (Simon) : ...centre
d'accès aux données de recherche de l'ISQ, CADRISQ.
M. Marissal : Ce n'est pas «cas
de risque», c'est «CADRISQ», là, juste pour que...
M. Bergeron (Simon) : «CADRISQ»,
oui.
M. Marissal : ...pour les gens
qui nous écoutent, là. Parce que ça porte à confusion. Avez-vous eu des fuites,
à l'ISQ, depuis que vous êtes là puis que vous avez plus de liberté de
cueillette, là, depuis le décret? Non? Ça va? Ça tient? Vous pouvez répondre,
qu'on vous note.
• (11 h 30) •
Mme Caris (Patricia) : Écoutez,
c'est le genre de chose qu'on n'aime pas du tout, du tout dire. C'est comme
tenter le diable, ça. Non, on n'a pas eu de fuite.
M. Bergeron (Simon) : On n'a
pas de fuite, non, non, on n'en a pas eu.
M. Marissal : OK. Alors, je
vais répondre pour vous : Vous n'en avez pas eu, de fuite.
Mme Caris (Patricia) : Non.
M. Marissal : C'est bon.
D'accord. Je ne voudrais pas vous obliger à flirter avec le diable. Vous avez
beaucoup insisté dans votre mémoire, et merci, d'ailleurs, pour ça, sur «chercheurs
au public», hein, ça revient, vous l'avez dit dans votre exposé, M. Bergeron,
aussi, là. Donc, pour vous, c'est exclusif?
M. Bergeron (Simon) : La loi...
notre loi prévoit que les chercheurs qui y ont accès, c'est des chercheurs qui
sont liés à un organisme public. C'est vraiment... c'est l'univers dans lequel
on... qu'on couvre.
M. Marissal : Vous,
estimez-vous que les données que vous avez ont une valeur relative, une grande
valeur...
11 h 30 (version révisée)
M. Marissal : ...vous,
estimez-vous que les données que vous avez ont une valeur relative, une grande
valeur ou une très grande valeur, mettons qu'on les rend disponibles, là?
M. Bergeron (Simon) : Bien,
je vous dirais, ils ont... Assurément, je le prendrais d'un point de vue
public. Moi, d'ailleurs, j'ai fait ma carrière au service de l'État. La
valorisation des données pour l'amélioration des services publics, dans ce
sens-là, c'est clair qu'elle a une valeur parce qu'elle nous permet collectivement
de mieux comprendre comment les gens utilisent les services publics, puis c'est
une source de données qui nous... qui va permettre autant...
Puis là je déborde un peu, peut-être, du
projet de loi n° 3 pour parler en général de ce qu'on
fait à l'Institut de la statistique du Québec, mais c'est vraiment... Ces
données-là permettent de mieux comprendre soit comment... la situation des gens
au Québec ou leur consommation des services publics. Ça fait que, dans ce
sens-là, l'utilisation des services publics, elle a une valeur pour nous aider
à mieux apprécier... parce que c'est une façon, des fois, d'aller comprendre
des phénomènes qui affectent les services publics, peut-être, plus efficace que
de... je vais faire une nouvelle... toujours une nouvelle enquête... qui sont
coûteuses, les nouvelles enquêtes, et tout.
Ça fait que c'est un autre moyen très
important pour l'État de comprendre comment les gens utilisent les services
publics, puis comme... C'est une tendance qu'on voit, d'ailleurs, dans le monde
aussi, l'utilisation des données administratives, c'est pour mieux comprendre l'utilisation
des services publics. Ce n'est pas quelque chose spécifique au Québec, là.
M. Marissal : OK. Merci
pour la réponse courte, là, j'ai le chronomètre qui court après moi. L'article 125,
vous dites : C'est compliqué. Vous dites, Mme Caris : C'est
assez rigoureux, c'est... mais, à tout prendre, là, il vaut-tu mieux que ce
soit complexe, que ce soit trop slaque? Puis vous avez parlé de règles de gouvernance.
Votre cadre doit être approuvé par la CAI. Est-ce que c'est satisfaisant, selon
vous? Est-ce que c'est une voie valable?
Mme Caris (Patricia) : Oui,
c'est une voie valable, oui, c'est sérieux, c'est très sérieux, parce qu'on est
détenteurs de données. La donnée administrative, c'est toujours quelque chose
qui nous est confié sans que la personne n'ait consenti. Elle nous a donné
accès sans le savoir. Elle requiert un service de santé. Elle donne des données.
Nous, on les utilise pour d'autres fins. Donc, c'est très important d'appliquer
ça de façon rigoureuse, sérieuse. Le côté pécunier n'est pas si important que
ça, dans la donnée de santé, à première vue, je dis bien «à première vue», mais
il n'en reste pas moins que la confiance de la population envers les
gestionnaires des données, c'est très important. Donc, oui, les règles de
gouvernance, c'est important. Les nôtres, pour l'instant, ne font que 165 pages.
M. Marissal : OK, une
dernière question, peut-être, si j'ai le temps. Vous allez chercher quoi avec
Sainte-Justine? Je n'étais pas au courant de ça, pas plus que votre décret de
juin dernier. Ça ouvre quoi, comme données, à Sainte-Justine, dans votre
CADRISQ?
M. Bergeron (Simon) : En
fait, c'est que le CADRISQ, il va permettre de rendre accessibles, pour les
fins de recherche, les données qu'on a déjà à l'Institut de la statistique, donc,
mais ça va permettre aussi aux chercheurs qui ont des données à Sainte-Justine,
qui peuvent avoir des... dans les protocoles de recherche qu'eux-mêmes ont faits,
bien, de... ça va... de permettre qu'il y ait un certain appariement qui soit
fait en ces données de ces projets de recherche là et les données de
renseignements désignés ou les données administratives que l'ISQ fait... a accès...
auxquelles a accès... Donc, ça peut... ça permet de... plus facilement, avec la
connaissance... parce que les gens qui sont là, ils ne vont pas juste rendre
les données accessibles, ils peuvent conseiller. Donc, ça rend plus facilement
cet appariement-là.
Le Président (M. Simard) : Très
bien, merci, M. Bergeron. Merci beaucoup.
M. Marissal : Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous deux d'être venus ce matin. Votre présentation était fort intéressante.
On espère vous retrouver sous peu parmi nous.
Ceci étant dit, nous allons suspendre
momentanément nos travaux le temps de faire place à nos prochains invités. Au
revoir.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 11 h 40)
Le Président (M. Simard) : Chers
amis, merci pour votre ponctualité, et nous avons l'honneur de recevoir parmi
nous le Scientifique en chef du Québec. M. Quirion, soyez le bienvenu.
Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, vos titres et fonctions, et
peut-être nous présenter les personnes qui vous accompagnent?
M. Quirion (Rémi) : Oui, très
heureux d'être avec vous. Rémi Quirion, Scientifique en chef du Québec. J'ai le
plaisir aussi de diriger les Fonds de recherche du Québec. Et je suis
accompagné de deux collègues, deux expertes.
Mme Jabet (Carole) : Bonjour.
Mon nom est Carole Jabet. Je suis la directrice scientifique pour le Fonds recherche
Québec, Santé.
Mme Deschênes (Mylène) : Et
bonjour. Mylène Deschênes. Je suis la directrice des affaires éthiques et juridiques
au Fonds de recherche.
Le Président (M. Simard) : Soyez
les bienvenus. Nous vous écoutons.
M. Quirion (Rémi) : Merci
beaucoup. Encore une fois, merci, M. le Président. Merci à tous les membres de
la commission.
Quelques mots, d'entrée de jeu, sur la
recherche. La recherche scientifique est une composante essentielle de l'offre <de
soins et services...
M. Quirion (Rémi) :
...la
recherche scientifique est une composante essentielle de l'offre >de
soins et services à la société québécoise. On ne doit pas la considérer comme
une activité accessoire. Elle sauve des vies. Il faut qu'une recherche de
calibre mondial puisse être effectuée ici par nos chercheurs. C'est une
question de souveraineté scientifique. On ne peut pas dépendre entièrement des
autres pour relever les défis de notre société et être à même de réagir en cas
d'urgence. On peut penser ici à la gestion de la pandémie de COVID-19, où je
dois dire que, très souvent, on a eu des difficultés d'accès aux données
patients. Il faut donc un système de mobilisation responsable des
renseignements de santé qui établisse un réel équilibre entre la protection et
un accès efficient et qui tienne compte de l'écosystème sécurisé dans lequel
les activités de recherche se déroulent. C'est un pacte social qui est proposé
aux Québécoises et aux Québécois en matière d'utilisation de leurs
renseignements personnels à des fins de recherche. Une telle mobilisation doit
donc évidemment se faire avec eux et pour eux.
Nous saluons donc le projet de loi n° 3,
qui renforce la gouvernance des données dans le réseau et qui, de ce fait,
fortifie un milieu sécuritaire pour qu'à l'intérieur de celui-ci circulent les
renseignements personnels à des fins de recherche d'une façon moderne et
au-delà des silos administratifs. Nous sommes donc pour l'adoption du projet de
loi n° 3, qui contient des innovations visant à permettre une mobilisation
responsable des données à l'intérieur du réseau de la santé. Celles-ci sont
résumées en quatre piliers dans notre mémoire. Le projet de loi n° 3
apparaît très prometteur. Toutefois, considérant certaines difficultés vécues
par les chercheurs lors de la mise en place du guichet, on vient d'en entendre
parler, et, plus récemment, de la mise en oeuvre de la loi n° 25,
nous nous inquiétons que l'intention du législateur ne soit pas respectée au
moment de la mise en oeuvre du projet de loin n° 3.
Vous l'avez dit, M. le ministre, nous
sommes le lieu, en Amérique du Nord, où nous protégeons le mieux nos
renseignements personnels. C'est évidemment rassurant à entendre en tant que
citoyens et que citoyennes, mais protéger les citoyens, ça ne peut pas se
résumer qu'à protéger leurs renseignements personnels, ça veut aussi dire faire
de la recherche sur les problèmes qui les affligent. La valeur sociale de la
recherche doit être au coeur de l'analyse du risque en matière de protection
des renseignements personnels. On mesure trop peu souvent le coût de ne pas
réaliser des activités de recherche en temps utile ou de les faire traîner en
longueur. Vincent Dumez et Catherine Wilhelmy, en début de commission, vous ont
témoigné, de manière très éloquente et touchante, en termes d'accès aux données
et le caractère essentiel d'accès aux données pour améliorer leurs conditions
de vie.
Le Québec investit des millions en argent
public au sein de ses établissements de santé pour réaliser des activités de
recherche et se veut un chef de file dans plusieurs domaines, dont
l'intelligence artificielle ou encore la recherche sur le cancer. Dans ce cas
précis, le cancer, cela signifie que, pour plusieurs patients, l'unique option
de traitement possible est due au fait qu'on les associe à des options de
traitement en lien avec de la recherche très novatrice. Comment concevoir un
système de santé apprenant, dont l'objectif est un arrimage optimal entre
l'offre, la demande et une garantie de soins, sans un mode d'accès aux données
vraiment efficient? On ne peut améliorer ce que l'on ne mesure pas
objectivement.
Malheureusement, trop souvent, les
ressources publiques, financières et humaines dévolues à la recherche servent à
remplir des formulaires administratifs. Vous pouvez le voir en annexe dans
notre mémoire, ce que les chercheurs doivent remplir. Les chercheurs devraient
passer leur temps... consacrer la majorité de leur temps à faire de la
recherche, pas seulement à remplir des formulaires. N'ayant pas accès, ou avec
un retard significatif, aux données pendant la période de financement de leurs
projets, il arrive, en effet, que leurs recherches soient compromises et
n'apportent que des demi-réponses.
Nous l'avons déjà écrit dans notre mémoire
en 2015, faute d'accès à des données de qualité et en temps utile, nos
chercheurs doivent <souvent utiliser des données de l'Ontario, de
l'Angleterre ou d'ailleurs...
M. Quirion (Rémi) :
...nos
chercheurs doivent >souvent utiliser des données de l'Ontario, de
l'Angleterre ou d'ailleurs. Et que dire du leadership manqué dans les
collaborations internationales, nos chercheurs devant s'excuser que nos données
à nous sont plus difficiles d'accès que dans les pays partenaires d'Europe ou
d'ailleurs? Les résultats de recherche apportent des réponses avec des effets
bien réels dans nos vies, surtout si nos données sont à l'image de notre
société et pas à celle de la société voisine. On peut penser aux maladies rares,
assez uniques au Québec.
Le projet de loi n° 3 doit devenir un
atout pour le Québec. Il a tout le potentiel pour paver la voie à dynamiser
l'activité de recherche au sein d'un milieu sécuritaire, mais il y a deux
conditions : d'une part, qu'on s'assure que les autorités mentionnées dans
le projet de loi n° 3 donnent plein effet à l'intention législative, à
savoir assurer une réelle mobilité responsable des données, d'autre part, qu'on
profite du projet de loi n° 3 pour assurer une cohérence et une prévisibilité
des processus d'accès aux renseignements personnels. Comme le mentionne la CAI
dans son mémoire, cinq voies d'accès différentes existeront selon les données
visées par le chercheur. Ces voies... ces cinq voies doivent cependant se
parler et assurer une cohérence entre elles. On ne peut pas risquer la
cacophonie.
C'est pourquoi nous proposons un certain
nombre de recommandations dans notre mémoire, dont celles-ci : la nécessité
d'une simplification du processus, pour le chercheur lié qui œuvre dans son
propre établissement, dans une perspective de proportionnalité, il en va de
même des étapes visant à obtenir les informations de contact, de solliciter une
personne pour qu'elle considère participer à un projet de recherche, alors
qu'elle n'a pas refusé une telle sollicitation; deux, veiller à ce que le
consentement soit respecté et permette d'avoir accès à des données,
fussent-elles parfois identificatoires, particulièrement dans un contexte de
soins, incluant les données désignées dont l'accès est sous l'égide du guichet;
voir le centre d'accès, dans le projet de loi, comme un lieu de haute expertise
en matière de mobilité des renseignements de santé à des fins de recherche, à
titre de tiers de confiance, ce centre devrait jouir de toute l'indépendance
requise pour agir; considérer que la durée de conservation des renseignements
doit tenir compte d'un cycle de vie parfois très long pour certains types de
recherche. L'anonymisation fonctionnera pour certains cas, mais pas pour tous
les projets.
• (11 h 50) •
Plus fondamentalement, j'aimerais ajouter
ici que le Scientifique en chef, mon bureau, et les Fonds de recherche du
Québec sont mandatés par le gouvernement du Québec pour soutenir la recherche
d'excellence et la faire rayonner partout. Nous encadrons ces activités de
recherche par voie contractuelle et par l'énoncé de diverses politiques, dont
celles portant sur l'intégrité scientifique ou encore le libre accès aux
résultats de recherche, ce qu'on appelle la science ouverte. Nous sommes votre
organe de confiance en matière de recherche et nous connaissons mieux que
quiconque l'ensemble de l'écosystème de recherche québécois. Je vous propose
donc de prendre appui sur nous et de confier un rôle clair au Scientifique en
chef et au FRQ pour veiller à une mobilisation responsable et efficiente des
données à des fins de recherche et, de ce fait, à l'établissement des outils
compatibles à ces activités.
Pour ce faire, il faudra notamment une
table de concertation qui impliquerait, bien sûr, le ministère de la Santé et
des Services sociaux et le bureau du Scientifique en chef pour convenir
d'outils standardisés, interopérables et qui soient compatibles avec l'activité
de recherche, aussi, création d'un registre public permettant de constater les
projets réalisés, mais également les délais d'accès. On a... objectif, par
exemple, 30 jours comme objectif de délai d'accès aux données et comme... et
incluant les motifs de refus afin de constamment être capables de suivre le
pouls de la capacité et de la fluidité d'accès aux renseignements de santé dans
le contexte sécurisé du projet de loi n° 3. Ce registre contiendra des
statistiques relatives aux refus d'utilisation des renseignements par les
citoyens afin de suivre l'évolution de l'état de santé du pacte social avec les
citoyens en matière de recherche.
En conclusion, mesdames et messieurs, le
projet de loi n° 3 est une formidable opportunité de rejoindre les pays
qui, à la fois, détiennent des renseignements personnels de santé et aussi <offrent
des soins de très grande qualité...
M. Quirion (Rémi) :
...personnels
de santé et aussi >offrent des soins de très grande qualité à leur
population. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, M. Quirion. Et je cède la parole à M. le ministre.
M. Caire : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Quirion. Bonjour aux gens qui vous accompagnent.
Vous avez insisté, et ça, ça a attiré mon
attention... vous avez insisté, à deux reprises et de deux façons différentes,
sur le fait que l'intention du projet de loi sur la mobilité de la donnée,
cette intention-là soit respectée, et là vous avez... La première fois que vous
en avez parlé, vous l'avez contextualisé avec la loi n° 25,
que je connais bien, mais aussi dans le contexte du PL n° 3,
où vous reconnaissez que l'intention est la mobilité de la donnée, mais vous
semblez avoir des doutes quant au fait que, dans l'opérationnalisation de ça,
cette intention-là soit respectée. Pourquoi?
M. Quirion (Rémi) : Ah! je
vous dirais, c'est souvent un peu... Le diable est dans les détails, et, comme
législateur, comme gouvernement, une nouvelle loi est créée, et, par la suite,
en termes de règlements de gouvernance, des fois, ça peut dévier un peu de
l'intention du législateur, et on le voit un peu dans le projet de loi n° 25,
là, et avec certaines des activités d'organismes comme la Commission d'accès à
l'information. Donc, on ne voudrait pas que ça arrive en PL n° 3,
et il faudrait aussi que les différentes lois se parlent.
M. Caire : Si je peux me
permettre, si je peux me permettre, M. le Scientifique en chef, c'est important,
ce que vous dites là, là. En quoi... Qu'est-ce que vous vivez actuellement, dans
l'application de la loi n° 25, versus la
Commission d'accès à l'information, qu'est-ce que vous vivez qui vous donne à
affirmer aujourd'hui que l'intention du législateur n'est pas respectée?
M. Quirion (Rémi) : Je vais
passer la parole à Mylène.
M. Caire : Parce que c'est...
Apprenons de nos erreurs. Donc, si vous vivez des situations qui vont dans ce
sens-là, pouvez-vous nous en faire part de façon à ce que nous, on puisse être
peut-être un peu plus clairs dans nos intentions?
Mme Deschênes (Mylène) : Peut-être,
d'abord, au niveau contextuel, on comprend que les différents organismes ont
une imputabilité en lien avec la protection des renseignements personnels, ce
qui fait que, sur le terrain, ce qu'on constate, c'est que chaque personne au
sein desquelles le chercheur passe pour... dans le cadre du processus, pour
avoir accès aux données, chaque organisme qui se sent imputable en rajoute une
couche, et ces couches se superposent sans nécessairement se coordonner. Donc,
ce qui arrive, à la fin, c'est que le chercheur...
M. Caire : ...quand vous
dites «en rajoute une couche», en rajoute une couche en fonction de
l'interprétation que ces organismes-là font de la loi ou en rajoute une couche
en fonction de ce que la loi prévoit?
Mme Deschênes (Mylène) : Donc,
imaginons qu'on a un élément où on a un mandat assez précis, on va en demander
un peu plus pour être vraiment sûr que tout est protégé. Vous voyez, en annexe,
encore une fois, du mémoire, un ensemble de formulaires à remplir. Ce sont des
formulaires qui... Ce sont des étapes nécessaires, passer devant le comité
d'éthique, si jamais j'ai un appariement, aller voir l'ISQ, redonner à la
Commission d'accès à l'information accès, par exemple, au contrat, etc., etc.
Mais on a l'impression, puis c'est ce
qu'on nous rapporte, qu'à chacune des étapes, se sentant imputable, chacun se
dit : Je vais en faire un peu plus, et, en en faisant un peu plus, sur le
terrain, l'effet est difficile, parce que le chercheur se dit : Bien, OK, je
pensais que j'avais bien fait, mais là je me rends compte qu'il faut que j'en
fasse encore plus. Voire, dans certains cas, on nous a rapporté, plus récemment,
certains projets qui sont carrément bloqués parce qu'on se dit : Bien là,
est-ce que le chercheur a vraiment fait ce qui lui était demandé?
Donc, c'est sûr que, dans ces conditions,
on se préoccupe. On se dit : Là, il y a une opportunité de s'assurer que,
vraiment, l'intention du législateur, tout le monde va y prêter attention,
qu'il y a beaucoup d'énergie dans le système à protéger le renseignement, ce
qui est absolument nécessaire. Ce n'est vraiment pas quelque chose qu'on remet
en question, loin de là. On a tous intérêt à ce que les renseignements soient
bien protégés, mais il faut aussi que tout le monde mette l'épaule à la roue, à
la recherche. Comme le décrit le Scientifique en chef, on ne peut pas juste
être toujours en train d'essayer d'avoir accès à la donnée. Il faut que les
chercheurs puissent réaliser leurs activités de recherche.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Je cède de la parole au député de René-Lévesque.
M. Montigny : Bonjour. Petite
question en lien avec votre recommandation n° 13.
Vous avez, pendant votre exposé, tout à l'heure, partagé que, bien sûr, pour
protéger les citoyens, on ne faisait pas que protéger leurs données, on faisait
de la recherche aussi. Est-ce que c'est aussi parce que vous avez peur, dans
l'application de la loi, que vous proposez de donner des pouvoirs d'audit,
etc., là, à la personne, la plus haute autorité, à l'article 13?
J'aimerais vous entendre pour... là-dessus parce que je voyais, moi, qu'à
n'importe quel moment, c'est inscrit dans le projet de loi n° 3, la
personne à la plus haute autorité pouvait intervenir si elle avait des doutes
au niveau éthique ou pas. Alors, j'aimerais ça vous <entendre
là-dessus...
M. Montigny :
...alors
j'aimerais ça vous >entendre là-dessus parce que moi, je voyais qu'il y
avait quand même quelque chose là qui sécurisait, puis là vous avez amené cette
proposition-là. Alors, ça me surprend un peu.
Mme Deschênes (Mylène) : Oui,
absolument. En fait, vous savez, les chercheurs, sont... on veut qu'il y ait
des mécanismes de surveillance de leurs activités. Il est, bien sûr, important,
par exemple, que la Commission d'accès exerce ses mécanismes de surveillance au
niveau de la protection des renseignements personnels, mais, de longue date,
depuis longtemps, les chercheurs sont aussi, je vais dire, surveillés par d'autres
organismes, que ce soit, par exemple, les Fonds de recherche du Québec, à
l'égard des projets que nous finançons, en matière d'intégrité scientifique,
que ce soient les comités d'éthique à la recherche, qui, eux aussi, assurent la
protection des personnes qui participent à des projets de recherche.
Et c'est là, dans ce contexte, qu'on veut
s'assurer, et, cela, la recommandation 13, que, lorsque d'autres organismes, je
vais en nommer un dernier, pardon, ce serait Santé Canada, par exemple, à
l'égard des recherches cliniques... quand d'autres organismes veulent s'assurer
que les chercheurs ont bien fait leur travail, ont bien fait la recherche,
incluant parfois, mais aussi, sur d'autres sujets que la protection des
renseignements personnels, que ces entités-là pourront justement accéder à des
données pour pouvoir vérifier qu'on ne leur opposera pas un refus d'accès en
disant : Bien là, ce n'est pas de la recherche.
Donc, si on veut que la personne ayant la
plus haute autorité puisse réagir, stopper un projet de recherche, il va
falloir qu'on puisse lui donner accès, ou, par exemple, à un comité d'éthique,
qui voudra aller valider que le travail a été bien fait... de se rendre parfois
jusqu'à des éléments... de valider un formulaire de consentement, une donnée
qui a été colligée, etc. Donc, c'est le sens de notre proposition.
Le Président (M. Simard) : Mme
la députée de Huntingdon. Pas facile à dire lorsqu'on a une petite sinusite.Non,
vraiment.
Mme Mallette : Oui, hein?
Le Président (M. Simard) :
Non, vraiment.
Mme Mallette : J'ai une
question par rapport... Dans le fond, est-ce que vous voyez, dans le projet de
loi n° 3 puis dans les règlements qui vont en
découler, s'il devrait y avoir une différence, selon le demandeur, des données
pour des fins de recherche? Si c'est un demandeur, par exemple, qui est en
recherche privée, qui est en recherche publique ou même extérieure au Québec,
parce que vous l'avez mentionné, là, avec les échanges internationaux, est-ce
que les règles, processus... Puis même le projet de loi n° 3,
en lui-même, comment qu'il est, parce que c'est quand même le sujet qui nous
intéresse aujourd'hui, est-ce qu'il devrait y avoir des modifications puis des
différences ou on applique la loi de la même manière?
M. Quirion (Rémi) : Très
bonne question. Je vais passer la parole à Carole et je pourrai revenir par la
suite au besoin.
• (12 heures) •
Mme Jabet (Carole) : Merci.
Je pense que le projet de loi n° 3 prévoit déjà un
certain nombre de catégories qui sont intéressantes entre le chercheur lié qui
est dans l'établissement puis le chercheur non lié. Je ne vous le redirai pas.
Vous connaissez le projet aussi bien que moi. Je pense que ce projet-là prévoit,
puis ça, c'est, en tout cas, la façon dont on le lit, que, qu'on soit un
chercheur lié, qu'on soit un chercheur non lié, nos obligations, nos
responsabilités doivent être encadrées de la même manière. C'est le mécanisme
d'encadrement qui change un petit peu. D'un côté, j'ai la plus haute autorité
d'un établissement avec mon chercheur lié. Je suis dans mon cercle de feu. Donc,
c'est mon rapport au travail. De l'autre côté, c'est un centre d'accès aux
données, mais qui va appliquer les mêmes standards qu'on va avoir dans
l'établissement puis de l'autre côté.
Pourquoi j'approche la question de cette
façon-là? Parce que, si on s'assure que c'est ça qui se passe, puis que ces
processus-là sont bien les mêmes, avec la même rigueur et la même
responsabilité, à ce moment-là, que je sois un chercheur lié d'un établissement,
un chercheur académique — et je vais y revenir — ou un
chercheur qui vient du milieu privé, je suis fixé aux mêmes standards. Et donc,
à ce moment-là, on a garanti la même chose, et je trouve que le projet de loi
le prévoit de cette façon-là.
Est-ce qu'on pourrait avoir des petites
zones d'amélioration? Peut-être. Je pense qu'elles seraient intéressantes. Vous
avez la recommandation dans notre mémoire. Quelle est l'étendue d'un chercheur
lié? Si je suis un chercheur d'un hôpital universitaire, puis si je suis un
chercheur affilié dans une université qui travaille avec cet hôpital-là, puis
que j'ai des privilèges de recherche, est-ce qu'on pourrait le mettre lié
aussi? Ce sont deux mêmes individus qui se ressemblent étrangement. Est-ce
qu'au niveau du centre d'accès on pourrait mettre encore plus de robustesse
pour savoir qu'est-ce qu'on va demander dans les contrats puis s'assurer qu'on
encadre bien le demandeur par rapport à ses obligations contractuelles... pourrait
être une autre chose qu'on demande.
Le Président (M. Simard) : Merci.
M. le ministre.
M. Caire : Merci. M. le
Scientifique en chef, vous avez dit quelque chose tout à l'heure qui a accroché
mon oreille assez, assez fortement. Vous avez parlé de donner des accès aux données,
fussent-elles identificatoires. Là, j'imagine que vous réalisez le pavé dans la
mare parce qu'on est en train de parler...
12 h (version révisée)
M. Caire : ...identificatoire.
Là, j'imagine que vous réalisez le pavé dans la mare parce qu'on est en train
de parler d'anonymiser les données. L'Institut de la statistique nous dit :
Bien non, nous, on va les dépersonnaliser, ce qui est quand même... Mais vous,
vous allez plus loin, là, vous dites : Nous, on veut recevoir des données
brutes avec votre nom, votre prénom, votre date de naissance, votre adresse, on
veut être capable de dire : C'est cet individu-là dont je traite les
données, là. Comment... comment on... d'abord, au nom de quoi on ferait ça, au
nom de quel besoin, je vais dire, on ferait ça et dans quel contexte?
Pouvez-vous, vous, nous assurer que ces données-là vont recevoir le niveau de
protection... si tant est qu'on allait dans cette direction-là, évidemment, là,
le niveau de protection que ça requiert? Parce que, là, vous comprendrez que,
je veux dire, là, c'est...
M. Quirion (Rémi) : Oui. C'est
pour ça que j'ai parlé un peu de pacte social et d'impliquer vraiment nos
concitoyens, concitoyennes. Je ne sais pas, Mylène, si tu veux interagir sur ça.
Mme Deschênes (Mylène) : Oui,
je peux ajouter là-dessus, je pense qu'en contexte de santé et en contexte de
soins, quand j'ai le patient devant moi, je suis à l'hôpital, j'ai le patient
devant moi et je veux qu'il participe à un projet de recherche, vous
comprendrez que, là, l'anonymisation a ses limites, la personne est là et elle
veut bénéficier, là, de soins. Il est certain qu'après, quand on va gérer la
donnée, quand on va diffuser des résultats, on va complètement protéger le
renseignement personnel. Mais il peut arriver des circonstances dans un milieu
de soins où c'est un fait de la vie, je suis le chercheur, j'ai le patient
devant moi, je lui demande son consentement, c'est certain qu'à ce moment-là je
sais de qui il s'agit. Dans le traitement que je vais faire des renseignements,
dans mon dossier de recherche, comme on l'apprend au jour 1 en tant que
chercheur au niveau de l'éthique de la recherche, je vais dépersonnaliser le
renseignement qui va être contenu dans mes dossiers, et tout ça va être traité
de manière dépersonnalisée. Mais il faut reconnaître cette situation-là, je
pense.
M. Caire : Mais, si je peux
me permettre, là, vous parlez d'un contexte très précis où moi, comme... bon, j'ai
une maladie x, y, vous êtes en train de développer, à un stade avancé, un
nouveau protocole de traitement, et moi, j'accepte d'être intégré à ce
protocole-là, qui est quand même encadré mais qui est innovant, vous dites :
Dans ce contexte-là, on sait qui on a en face de nous. J'en conviens, mais là,
c'est... dans le fond, vous l'avez, cet accès-là, c'est... puis je ne vois pas
dans la loi, là, où vous ne pouvez pas avoir accès à ça, évidemment, mais ce
qui m'intéresse, moi, c'est le tout après, du moment où, moi, je sors de votre
salle de traitement, là, il se passe quoi, là. Qu'est-ce que vous nous demandez
par rapport au PL n° 3?
Mme Deschênes (Mylène) : Je
pense que c'est intéressant parce qu'imaginons que, pour que je puisse bien
vous traiter, j'ai également besoin d'apparier ces données-là avec des données
qui viennent peut-être d'un autre, je ne sais pas, d'un autre ministère ou...
exactement, dans ce contexte-là, qu'est-ce qu'on va faire? Est-ce qu'on va
essayer... Il faut que je puisse aller chercher ces données-là. Si j'ai le
consentement...
M. Caire : Je comprends, mais
c'est parce que vous me mettez dans un contexte où je reçois des soins au même
titre que quand je vais dans le bureau de mon médecin. Mon médecin sait qui je
suis, ou n'importe quel autre personnel soignant, il sait qui je suis, je
reçois des soins, que ce soit dans un protocole de recherche ou non. Là, vous
parlez d'une prestation de services, évidemment que vous avez accès. Mais moi,
ma question, c'est une fois que cette prestation de services là est terminée,
qu'est-ce qu'on fait avec les données que vous avez colligées?
Mme Deschênes (Mylène) : ...disais,
les données, après, lorsqu'elles seront traitées, seront dépersonnalisées dans
les dossiers qui vont les transférer. Mais c'est sûr qu'avec... je veux... c'est
important, parce que ce que vous nous dites, c'est... vous nous dites :
Effectivement, avec un consentement, vous pourriez avoir cette information-là
de manière nominative. Ça doit s'appliquer quand j'ai le patient devant moi, ça
doit s'appliquer quand ce patient-là me dit également : Je te donne mon
consentement pour que les données qui sont au ministère de l'Éducation, tu
puisses les apparier. Et donc ça veut dire que cette information-là, je
pourrais aller la chercher, si elle n'a pas été désignée d'une façon qui était
nominative, mais le traitement, après, de ce renseignement-là est toujours
dépersonnalisé, c'est toujours comme ça que se fait la conservation des
renseignements de recherche. Puis on parle de consentement ici.
M. Caire : Mais... non, mais
je comprends, mais j'essaie de tracer la frontière entre... Parce que dans ce
que vous nous dites, là, c'est qu'il y a comme une espèce de fusion entre le
traitement, donc, le patient qui reçoit un soin de son professionnel de la
santé et le chercheur, donc les deux ont les deux casquettes, là, donc c'est un
contexte qui est très particulier.
Et donc, moi, ma question, c'est dans le
contexte du projet de loi n° 3, où on parle d'avoir
une mobilité de la donnée, essentiellement, d'être capable de monter des
protocoles de recherche. Là, vous nous sortez de ça, vous nous amenez dans
un... Bon, est-ce que, <législativement...
M. Caire :
...monter
des protocoles de recherche. Là, vous nous sortez de ça, vous nous amenez dans
un... Bon, est-ce que, >législativement, le projet de loi n° 3,
dans sa forme actuelle, vous permet de faire ça, de jouer ce double rôle de
professionnel de la santé et de chercheur?
Mme Deschênes (Mylène) : Je
pense que oui.
M. Quirion (Rémi) : Oui.
M. Caire : Donc, vous n'êtes
pas en train de nous demander un amendement...
Mme Deschênes (Mylène) : Non,
non, non, pas du tout.
M. Quirion (Rémi) : C'est
juste qu'il y a des exceptions des fois, là.
M. Caire : OK. Tout à
l'heure, l'Institut de la statistique, puis on avait une discussion très
intéressante, nous parlait du contexte dans lequel elle donnait accès aux
informations. M. le Scientifique en chef, vous avez dit : Au Québec, c'est
difficile d'avoir accès à une quantité importante et diversifiée de données. Ce
n'est pas ce que j'ai entendu de l'Institut de la statistique. Eux, ils nous
disent : Écoutez, on a des données de santé, éducation, famille, bientôt revenu,
donc il y a quand même un éventail très large de données. Ils ont précisé que
leur mandat était de les mettre à la disposition des chercheurs du public, dont
vous, évidemment. Ce que vous nous dites me semble incompatible avec ce que
l'Institut de la statistique vient de nous dire. J'aimerais ça vous entendre
là-dessus.
Le Président (M. Simard) : Alors,
rapidement, s'il vous plaît.
M. Quirion (Rémi) : Ah! bien,
je vais commencer en disant qu'on est partenaire avec l'ISQ dans plusieurs
dossiers, donc on travaille beaucoup, beaucoup ensemble. C'est peut-être encore
sur le terrain et c'est pour ça qu'on ajoute aussi une limite en termes de
temps, dire : Oui, on doit retourner aux équipes de chercheurs en 30 jours,
parce que oui, des fois, ça arrive maintenant, mais c'est long, c'est très
long. Souvent, le chercheur reçoit son financement, ça peut prendre un an, deux
ans avant d'avoir accès aux données, et là c'est pour ça qu'il va les chercher
en Ontario.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci. Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Bonjour à vous
trois. Merci, M. Quirion, Mmes Jabet et Deschênes, pour vos
interventions et pour la qualité du mémoire que vous avez déposé. Je vous
remercie de rappeler le rôle fondamental, là, pour notre société, là, de la
recherche fondée sur des données qui arrivent... des données de qualité qui
arrivent en quantité suffisante puis dans un délai qui nous permet de
rencontrer les objectifs. Vous avez même parlé parfois de frustration de ne
même pas pouvoir utiliser les données québécoises. Donc, tout ça est bien noté.
Vous avez parlé de l'importance de se rappeler, à tout moment dans notre
exercice, de l'intention du législateur, ne pas le perdre de vue. Donc, tout
ça, ça, c'est le préambule à mes deux questions. Je vous en remercie.
D'ailleurs, vous êtes allés aussi en
détail dans vos recommandations. Moi, si je comprends bien, vous voulez un peu
plus de... je ne sais pas si c'est tant de la souplesse, mais, en tout cas, de
simplifier le processus pour les chercheurs liés, on a bien noté ça.
Je me demande... j'ai deux questions pour
vous, là. On a parlé de la CAI et de son rôle, évidemment, dans... dans tout ce
contexte-là, on le comprend. Est-ce que... Tu sais, puis je reviens au... Ils
ont déposé un mémoire. Ils étaient ici la semaine dernière. La CAI demande,
dans son mémoire sur le projet de loi, à pouvoir réviser les ententes de
demandes d'accès et éventuellement les suspendre sous 30 jours. Que
pensez-vous que devrait être le rôle de la CAI en matière de régulation de
l'accès aux données pour la recherche?
• (12 h 10) •
M. Quirion (Rémi) : C'est un
organisme très, très, très important pour le Québec, et on doit l'avoir. Je
vais passer la parole à Carole, peut-être, sur ça, là, mais... pour le rôle
précis.
Mme Jabet (Carole) : On doit
l'avoir. Souvent, on compare la CAI, et je vais faire attention à ce que je
dis, mais à une fonction de vérificateur général. Et, pour nous, c'est ce qu'elle
doit avoir. Autrement dit, confions, tel que la loi le prévoit, aux mécanismes
de gouvernance et aux acteurs le jour, le jour, donc, les ententes,
l'encadrement, la gestion, et utilisons la CAI dans le meilleur de ses rôles
comme agent de vérification, comme agent auditeur qui vient, une fois par
année, vérifier ce qui a été fait, la conformité de ce qui a été fait, qui
dénonce les non-conformités, qui oblige à des ajustements et qui oblige à des
améliorations. Et je pense que ça, c'est un mécanisme, qui est d'ailleurs celui
qu'on lit dans le projet de loi, qui permet d'avoir une amélioration continue
des processus qu'on va trouver dans nos établissements et dans notre centre
d'accès.
M. Quirion (Rémi) : Et je dirais...
rajouterais que c'est vraiment un rôle très, très, très important pour moi, au
Fonds de recherche du Québec. Lorsqu'on reçoit à chaque année la visite du Vérificateur
général, tu sais, on est sur les épines un peu, là. Donc, avoir un peu un rôle
de ce type-là pour la CAI, je pense que ça valoriserait davantage que d'être
très en amont et peut-être ralentir des processus, là. Je pense qu'avoir un
rôle de contrôle, à chaque année, vérification de certains projets, je pense, ce
serait très, très... ce serait apprécié par tout le monde et certainement utile
pour nous.
Mme Setlakwe : Merci. Sur un
autre... un autre <aspect...
M. Quirion (Rémi) :
...ce
serait apprécié par tout le monde et certainement utile pour nous.
Mme Setlakwe :
Merci.
Sur un autre... un autre >aspect, selon vous, est-ce qu'il existe une
technologie sécuritaire qui permettrait de redonner au patient lui-même la
gestion de ses données de santé?
M. Quirion (Rémi) : Ah! ça,
c'est... c'est intéressant aussi, là, et il y a, quoi, deux ans, peut-être, on
avait collaboré avec l'Institut de la gouvernance numérique, que vous allez
entendre plus tard aujourd'hui, pour produire un livre... un livre blanc sur
les chaînes de blocs. Et ça, c'est un moyen assez... très efficace, je pense,
là, pour vraiment redonner à l'individu le contrôle sur ses données, et c'est très,
très sécuritaire. Donc, très certainement qu'en après-midi vous allez avoir
beaucoup plus de détails là-dessus, là, mais c'est une technologie qui évolue
rapidement, et on a quand même de très bons... très bons chercheurs dans ce
secteur-là au Québec.
Mme Setlakwe : Je vous
remercie tous les trois. C'est tout pour moi.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, chère collègue. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Merci d'être là. Bienvenue, rebienvenue. On parle beaucoup des
chercheurs. Ce matin, les gens avant vous, l'institut... J'aime beaucoup les
chercheurs, là, puis j'aime surtout l'idée qu'ils puissent sauver des vies, y
compris la mienne peut-être un jour, mais notre rôle de législateur, c'est de
protéger, d'abord et avant tout, les citoyens et les citoyennes du Québec, là.
Je ne sais pas... vous avez dit tantôt, M. Quirion,
on sous-estime le fait de ne rien faire. J'ai entendu ça aussi, on a entendu ça
ici aussi en visio, je crois que c'étaient les gens de la Société canadienne du
cancer. Moi, je vous avoue que je suis un peu mal à l'aise avec ça parce que
c'est, genre, bien, il faut le faire, puis on verra après. Ça me semble défier
le principe de précaution. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Quirion (Rémi) : C'est un
très bon... très bon point. Les collègues pourront certainement ajouter, là.
Mais c'est certain qu'on a un système de recherche qui est actif. On a des
hôpitaux dynamiques. On a aussi une population québécoise qui a des défis, hein,
c'est une société âgée, et avec ça vient beaucoup... la deuxième plus âgée dans
le monde après le Japon, donc, des maladies reliées à l'âge, il va y en avoir
de plus en plus. On a aussi des maladies rares, on peut penser à la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Et de ne rien faire, de dire : Finalement, c'est mieux de ne pas donner
accès à des données à personne, je pense qu'on ralentit les opportunités du
côté recherche pour trouver des traitements pour ces maladies rares là. Donc,
je pense qu'il y a un coût à ne pas... rien faire. Et des fois, pour être peut-être
un peu... un peu malpoli, là, je dirais, on a un peu... on est un peu
paternaliste de ce côté-là en disant aux citoyens, entre guillemets, ordinaires :
Ne t'en fais pas, on s'occupe de toi, on te protège, tout ça. Mais le citoyen
peut aussi avoir en main et prendre des décisions lui-même, là. Et on le voit
pour les patients ou les familles de patients qui souffrent de maladies rares,
ils veulent vraiment participer à la recherche, pas seulement eux, là, mais
certainement eux, ils veulent le faire, là. Donc, c'est un peu pour ça qu'on dit :
Il y a des coûts à ne pas donner accès de façon efficace aux données de santé.
M. Marissal : Je comprends
bien, mais c'est parce que l'éléphant dans la pièce ici, c'est la recherche
notamment de Big Pharma, hein, puis des pharmaceutiques. Ça, vous, vous
logez où là-dedans, là? Est-ce qu'on ouvre ça largement, quitte à leur demander
patte blanche? Vous parlez d'un fonds... d'un registre, par exemple,
éclairez-moi là-dessus.
M. Quirion (Rémi) : Peut-être,
Mylène, est-ce que tu veux commencer, puis j'ajouterai?
Mme Deschênes (Mylène) : Oui,
absolument. Je pense que l'opportunité qu'on voit avec ce projet de loi là,
c'est très certainement que, dans ce qui se passe dans le réseau, dans le
cercle, nous autres, on l'a appelé le cercle de feu, dans le cercle de feu du
réseau de la santé avec des chercheurs liés, qu'on puisse avoir une mobilité
accrue. Après, pour ce qui se passe du côté du privé, le lieu où ça va se
passer, le lieu où on va pouvoir dicter des règles qui sont au niveau de ce
qu'on attend, ça va être le centre d'accès, et le centre d'accès va être
capable de moduler en fonction de qui il est. Et à ce chapitre, je pense que le
Scientifique en chef pourra vous parler lui aussi du mandat qu'il a donné à la
commission d'éthique pour réfléchir à cette question- là. Je pense que c'est
intéressant de voir les recommandations qui sont mises là-dedans et qui
pourront inspirer les travaux du centre d'accès. Le centre d'accès était...
m'apparaît être le lieu où on va être capable vraiment d'apporter une réponse
appropriée, proportionnelle aux risques que pourrait représenter le secteur
privé.
M. Quirion (Rémi) : Et
peut-être...
M. Marissal : Attendez, juste
là-dessus, là, rapidement. Donc, vous ne fermez pas cette porte-là. Cette
porte-là, elle est ouverte avec une clé, un code numérique, puis une fenêtre
pour voir l'autre bord, là, mais vous ne fermez pas cette fenêtre-là, cette
porte-là, vous.
M. Quirion (Rémi) : Nous, on
ne parle pas de ça en lien avec le projet de loi n° 3. Dans notre mémoire,
j'avais demandé, comme disait Mylène, là, à la commission éthique, science et
technologie de produire des <suggestions...
M. Quirion (Rémi) :
...demandé,
comme disait Mylène, là, à la commission éthique, science et technologie de
produire des >suggestions là-dessus. Je pense qu'il peut y avoir... il
faut que ce soit très conditionné vraiment avec le centre d'accès, et ce n'est
pas là... ce n'est pas un bar ouvert pour le privé, là, que ce soit l'industrie
pharmaceutique, que ce soit dans le domaine des grandes bases de données, de
l'intelligence artificielle, il faut vraiment que ce soit très, très contrôlé.
M. Marissal : Oui. Vous
effacez ma mémoire, là, c'est parce qu'il s'est passé une élection, depuis la
dernière fois qu'on s'est vus, puis on était peut-être occupés à autre chose, là,
mais vous avez eu ce mandat-là, je crois, là. Éclairez-moi donc ça vient d'où,
là, cette demande. Je pense, vous aviez été interpelé, là, clairement, pour
faire cette recherche-là.
M. Quirion (Rémi) : C'est
certain que, pour nous, tout cet aspect-là est très important. C'est certain
que notre ministre avait parlé d'accès aux données publiques, privées, et on
s'est dit : On n'a peut-être pas toutes les compétences qu'on devrait
avoir pour faire ce genre d'étude là. On a la Commission d'éthique en science
et technologie, c'est des experts dans le domaine, donc ils ont fait le
travail, produit un rapport. Et nous, on est assez en accord avec ce qu'ils ont
dit, là. Donc, eux recommandent la création d'un groupe de travail pour
vraiment explorer ça davantage, là.
M. Marissal : Pour fins de
compréhension des gens qui nous écoutent et pour la transcription, votre
ministre, c'est celui de l'Économie et de l'Innovation.
M. Quirion (Rémi) : Économie,
Innovation, Énergie.
M. Marissal : Oui. Maintenant,
oui, c'est vrai, et peut-être autre chose aussi. En fait, pour le moment, c'est
ça, c'est pour fins de compréhension, les gens qui sont peut-être moins initiés
que nous à la discussion que l'on a. C'est pour quand, le rapport, savez-vous?
Mais ce n'est pas tellement...
M. Quirion (Rémi) : Ah! le
rapport, il est sorti, c'est au mois de...
Mme Deschênes (Mylène) : C'est
déjà public, c'est sur le site Web de la commission d'éthique.
M. Quirion (Rémi) : ...c'est
au mois d'octobre, je crois, au mois d'octobre dernier.
M. Marissal : OK. Comme je
vous dis, on était un peu occupé à autre chose en septembre, octobre dernier, alors
je vais refaire mes devoirs. On va finir par se mettre à jour. C'est vrai qu'on
va... Non, d'abord, je voulais vous poser une question rapidement, là, s'il me
reste un peu de temps, vous avez dit : Pendant la COVID...
Le Président (M. Simard) : ...
M. Marissal : Ah! j'ai six
minutes. Merci, M. le Président. Pendant la COVID, ça a été long, c'était
compliqué, il y avait des embûches. Mettons qu'on recommence une COVID, là, ce
n'est pas un souhait, c'est une hypothèse, qu'est-ce que le projet de loi n° 3 change dans les circonstances?
Mme Jabet (Carole) : Il
change qu'on peut avoir une donnée, avoir accès... dans le cercle de feu qu'on
appelle, là, avec les chercheurs liés, on peut avoir un accès à la donnée
beaucoup plus rapide. Ça ne se fait pas sans les règles, on en a assez parlé,
mais cet accès-là, rapide, est absolument essentiel parce qu'on peut s'en aller
vers une donnée en temps réel et dans un milieu réel d'utilisation. Puis ça, ça
change beaucoup la façon dont on est capable, après ça, d'enclencher la
recherche puis d'y répondre, donc on gagne en célérité.
M. Quirion (Rémi) : ...pendant
la pandémie, il y a des gens qui l'ont vécu aussi au jour le jour, là, au
niveau du ministère de la Santé et Services sociaux, ça a été un peu lourd, un
peu compliqué, on avait beaucoup de liens avec, par exemple, l'Angleterre qui...
eux avaient un... qui ont un système un peu plus agile que le nôtre. Donc, on
espère qu'on va avoir appris de cette pandémie-là. Et maintenant, avec projet
de loi n° 3, avec 25, ça va être plus facile d'avoir
accès en temps réel aux données.
M. Marissal : Je présume que
vous avez suivi un peu, là, la dernière initiative immense de la NHS, en
Grande-Bretagne, avec... Mettons qu'on se lance dans une recherche de ce type,
là, on parle quand même de 50 millions, possiblement, de personnes
participant à une immense recherche en Grande-Bretagne, je présume que le
projet de loi n° 3 ici serait utile à ça.
M. Quirion (Rémi) : Mylène.
Mme Deschênes (Mylène) : Bien,
je pense qu'il offre tout l'encadrement nécessaire pour être capable d'avoir
une vision long terme. Ce genre d'études là sont extrêmement importantes. Ça
permet de comprendre nos populations, de voir, là, de bout en bout, ce qui sont
des facteurs de santé ou des facteurs de risque à des maladies. Donc, moi, je
pense qu'on a les éléments, dans ce projet de loi là, pour réaliser des projets
de recherche d'envergure, ambitieux, puis qui vont répondre... puis là je
reviens, c'est extrêmement important, qui sont faits avec la collaboration de
la population et pour la population, c'est vraiment avec eux et pour eux.
• (12 h 20) •
M. Marissal : OK. Il me reste
une minute ou deux, là, d'après mes calculs.
Le Président (M. Simard) : Quatre.
M. Marissal : Je calcule très
mal, il me reste quatre minutes.
Le Président (M. Simard) : Je
vois ça, là, mais c'est le début de la semaine, faites-vous-en pas.
M. Marissal : C'est une bonne
nouvelle. Ça va être pire à la fin de la semaine, faites-vous-en pas. La
recommandation 10, pouvez-vous nous expliquer un peu davantage? C'est intéressant,
là, votre registre, compiler les demandes, expliquez-nous ça, s'il vous plaît.
M. Quirion (Rémi) : ...
Mme Jabet (Carole) : Est-ce
que j'y vais? Bien, je vais commencer. On a beaucoup dit, puis ça a été répété
dans l'allocution du Scientifique en chef que, quand on arrive sur le terrain
et qu'on met en application les lois, on peut avoir des difficultés d'inertie,
d'administration, de couches qui s'additionnent. Une bonne façon d'être
analytique par rapport à ça puis d'être critique par rapport à ça est de créer
un registre, justement, des projets de recherche qui sont faits à partir des <données...
Mme Jabet (Carole) :
...critique
par rapport à ça est de créer un registre, justement, des projets de recherche
qui sont faits à partir des >données, un registre qui contient plusieurs
informations : quel projet on a fait, avec quelles données, dans quel
temps on a eu accès à ces données-là, dans quel temps est-ce qu'on a eu un
résultat. L'avantage ici, c'est de vérifier plein de choses : Est-ce que
toutes les données sont mobilisables? Est-ce que les temps d'accès sont les
temps qui sont cohérents avec l'exercice de recherche? Est-ce que j'informe
correctement la population avec laquelle j'ai établi mon pacte social?
Autrement dit, est-ce que je lui redonne ce pour quoi elle a contribué?
Donc, pour nous, c'est vraiment un
instrument qui, quand on le met en place, nous permet de regarder correctement
ce qu'on est en train de faire puis d'avoir des pistes d'amélioration au niveau
des chercheurs, au niveau des organismes qui accompagnent et encadrent les
chercheurs, dont nous.
M. Marissal : OK. Vous voulez
ajouter quelque chose?
M. Quirion (Rémi) : Donc, on
va essayer de vraiment avoir un vrai tableau de bord public, vraiment les
informations sont publiques pour tout le monde qui veut... qui est intéressé
par ça. Parce que, maintenant, c'est souvent difficile d'avoir ce genre
d'information là, en termes de combien ça prend de temps avant d'avoir accès
aux données, etc., combien de projets sont à l'étude, et tout ça, là, c'est
très lourd.
M. Marissal : Très bien. Je
vous remercie.
M. Quirion (Rémi) : Merci
bien.
Le Président (M. Simard) : M. Quirion,
Mme Jabet, Mme Deschênes, merci beaucoup pour votre présentation et
votre présence ce matin. Ce fut fort apprécié. On espère vous retrouver sous
peu.
Compte tenu de l'heure, chers amis, nous
allons suspendre nos travaux. Et on se retrouve cet après-midi. Nous aurons la
chance de recevoir le Protecteur du citoyen. À bientôt.
(Suspension de la séance à 12 h 23)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 15)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers amis, nous sommes en mesure de reprendre nos travaux. Je constate que
nous avons quorum.
Comme vous le savez, notre commission est réunie
afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques
sur le projet de loi n° 3, Loi sur les renseignements de santé et de
services sociaux.
Cet après-midi, nous entendrons deux
groupes et nous commençons par le Protecteur du citoyen. Monsieur, soyez le
bienvenu. Auriez-vous d'abord peut-être l'amabilité de vous présenter ainsi que
la personne qui vous accompagne?
M. Dowd (Marc-André) : Tout à
fait. Merci, M. le Président. Marc-André Dowd, je suis Protecteur du
citoyen et je suis accompagné de Me Mylène Albert, conseillère
juridique à la Direction des affaires juridiques et institutionnelles du
Protecteur du citoyen.
Le Président (M. Simard) : Bienvenue
parmi nous, et vous savez que vous disposez de 10 minutes pour faire votre
intervention.
M. Dowd (Marc-André) : Merci,
M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés
membres de la commission, je remercie d'abord la Commission des Finances
publiques d'avoir invité le Protecteur du Citoyen à participer aux
consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 3, Loi sur les
renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses
dispositions législatives.
Je rappelle brièvement que le Protecteur
du citoyen reçoit les plaintes de toute personne insatisfaite des services d'un
ministère ou d'un organisme du gouvernement du Québec ou <encore d'une...
M. Dowd (Marc-André) :
...
services d'un ministère ou d'un organisme du gouvernement du Québec ou >encore
d'une instance du réseau de la santé et des services sociaux. Il traite
également des divulgations en matière d'intégrité publique et mène des enquêtes,
de sa propre initiative, sur des situations préjudiciables à portée collective.
Enfin, lorsqu'il le juge opportun et d'intérêt public, le Protecteur du citoyen
propose des modifications à des projets de loi ou de règlement, et c'est
précisément à ce titre que je présente aujourd'hui mes recommandations
concernant le projet de loi n° 3.
Quelques remarques générales sur le projet
de loi n° 3. Bien, dans le cadre de ses enquêtes, le Protecteur du citoyen a
constaté que le manque de données utiles est un problème récurrent dans le
réseau de la santé et des services sociaux, et ce, tant sur le plan de la planification
que de la gestion et de la dispensation des services. Pour les usagers, un
manque de fluidité dans la circulation inter ou même intraétablissements de
leurs renseignements de santé et de services sociaux entraîne régulièrement des
difficultés d'accès à des services répondant à leurs besoins.
Dans cette optique, je ne peux que saluer
la volonté d'implanter un nouveau modèle de gestion et de centralisation de ces
renseignements car j'ai espoir que l'esprit du projet de loi n° 3 puisse se
traduire par une amélioration de la qualité des services offerts à la
population. Il sera cependant primordial d'atteindre le juste équilibre entre
partage des renseignements et respect de la vie privée. Confiant toutefois que
d'autres intervenants qualifiés en la matière aborderaient ces enjeux, je pense
notamment à la Commission d'accès à l'information, j'ai circonscrit mon analyse
aux aspects du projet de loi qui concernent de façon plus précise l'action du
Protecteur du citoyen et le respect de l'intention du législateur sur les
questions qui lui sont chères.
Mes premiers commentaires portent sur un
enjeu dont le Protecteur du citoyen est fréquemment témoin dans le cadre de ses
enquêtes, l'impossibilité pour certains proches d'accéder aux renseignements de
santé et de services sociaux concernant une personne décédée.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi
n° 3 ne tient pas compte de l'intention du législateur, clairement exprimée en
2021, de soutenir dans leur processus de deuil le conjoint et les proches
parents d'une personne décédée en leur accordant l'accès à ses renseignements.
C'est là précisément l'objet d'une modification qui a été apportée à la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels par le projet de loi n° 64. Dans le cadre des
consultations sur ce projet de loi, ma prédécesseure, la Protectrice du
citoyen, Mme Marie Rinfret, avait recommandé que les mêmes considérations
puissent s'appliquer au dossier de l'usager.
Je recommande aujourd'hui qu'elles
puissent s'appliquer aux renseignements de santé et de services sociaux. C'est
le sens de ma recommandation n° 1.
Une intention similaire s'est traduite par
la sanction récente de la Loi autorisant la communication de renseignements
personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou décédés à la suite
d'une admission en établissement. Selon ma compréhension, la modification que
propose d'y faire le projet de loi n° 3 n'entravera pas la communication de
renseignements à toute personne ou groupement qui, conformément aux autres
dispositions de la loi, doit pouvoir y accéder. Le maintien de ce droit d'accès
est primordial, à mes yeux, et le Protecteur du citoyen sera très attentif à
l'application de la loi à cet égard.
• (15 h 20) •
Avant d'aller plus loin, soulignons que le
projet de loi n° 3 propose, pour établir un cadre juridique spécifique aux
renseignements de santé et de services sociaux, de modifier de nombreuses lois
et règlements dont le recoupement permet actuellement d'encadrer les pratiques
en matière d'accès. Parmi les lois qu'il est proposé de modifier se trouvent la
Loi sur les services de santé et les services sociaux — je vais la
désigner comme étant la LSSSS — et la Loi sur le Protecteur des
usagers en matière de santé et de services sociaux, qui encadre l'exercice des
fonctions du protecteur des usagers par le Protecteur du citoyen. Par ailleurs,
la Loi sur le Protecteur du citoyen établit un régime général de
confidentialité et d'accessibilité propre à l'exercice de ses fonctions. Mes
prochaines recommandations s'inscrivent dans une volonté d'assurer la cohérence
des dispositions à l'étude avec celles des lois qui attribuent ces fonctions au
Protecteur du citoyen.
J'attire d'abord votre attention sur la
proposition du projet de loi n° 3 de délaisser l'expression «dossier de
l'usager», utilisée dans la LSSSS, en faveur de la formulation «renseignements
de santé et de services sociaux». Les termes «dossier de l'usager»
subsisteraient toutefois dans la Loi sur le Protecteur des usagers. Pour plus
de cohérence entre ces deux lois, je recommande de généraliser l'utilisation du
terme «renseignements de santé et de services sociaux» en l'intégrant aussi à
la Loi sur le Protecteur des usagers.
Maintenant, je vais aborder la question de
la préservation du droit d'accès du Protecteur du citoyen au <dossier de
plainte d'un...
M. Dowd (Marc-André) :
...
question de la préservation du droit d'accès du Protecteur du citoyen au >dossier
de plainte d'un établissement. Lorsqu'il exerce les fonctions de protecteur des
usagers, le Protecteur du citoyen agit normalement en deuxième recours, après
le commissaire aux plaintes et à la qualité des services d'un établissement. À
cette fin, il doit obtenir de l'établissement les renseignements contenus dans
le dossier de la plainte traitée en premier recours. La LSSSS établit les
règles d'accès au dossier de plainte de l'usager maintenu par l'établissement
et prévoit une liste de personnes et d'organismes pouvant se prévaloir de cet
accès. Or, elle n'y nomme pas le Protecteur du citoyen. L'accès au dossier de
plainte lui est plutôt garanti par la loi sur le Protecteur des usagers.
Afin que l'application des dispositions de
la LSSSS ne puisse pas interférer avec le régime particulier d'accès du
Protecteur du citoyen, je recommande de préciser, à même la LSSSS, que celle-ci
n'a pas pour effet de restreindre l'accès du Protecteur du citoyen à un
renseignement détenu par un établissement. C'est la recommandation 3.
Je vais maintenant parler de
l'accessibilité du dossier de plainte du Protecteur du citoyen. Quant au
dossier de plainte d'un usager maintenu par le Protecteur du citoyen, le projet
de loi n° 3 propose que les règles d'accès
applicables soient celles prévues dans la LSSSS qui s'appliquent au dossier de
la plainte maintenu par l'établissement. Or, la loi constitutive du Protecteur
du citoyen établit déjà un régime de confidentialité et d'accès propre à
l'exercice de ses fonctions. Notamment, selon ce régime, nul ne peut être
contraint de révéler un renseignement qu'il a obtenu dans l'exercice de ses
fonctions au sein du Protecteur du citoyen ni de produire un document contenant
un tel renseignement, et ce, malgré toute loi au contraire — j'insiste
sur cet aspect. Également, malgré la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics, nul n'a droit d'accès à un tel document.
Je crois fermement qu'il y a lieu
d'appliquer les règles de la LSSSS au dossier de plainte... qu'il n'y a pas
lieu — pardon — je crois fermement qu'il n'y a pas lieu
d'appliquer les règles de la LSSSS au dossier de plainte maintenu par le
Protecteur du citoyen. Plutôt, il convient de préserver la confidentialité
propre au régime législatif qui encadre l'exercice de la fonction de Protecteur
du citoyen afin que les mêmes protections et les mêmes immunités s'appliquent
pour l'ensemble de ses mandats.
Dans cette optique de cohérence, je vois
aussi l'occasion d'harmoniser les textes de loi qui garantissent les immunités
du Protecteur du citoyen. Actuellement, des différences entre les libellés de
la Loi sur le Protecteur du citoyen et de la Loi sur le Protecteur des usagers
peuvent laisser croire qu'ils renvoient à des régimes de confidentialité
différents. Si leur interprétation par les tribunaux a toujours confirmé leur
complémentarité, il demeure que ce manque d'uniformité pave la voie à de
possibles incohérences dans l'application des règles de confidentialité.
Je souligne ici que la confidentialité de
l'intervention du Protecteur du citoyen est une caractéristique intrinsèque de
sa fonction, essentielle à la préservation de son indépendance et à
l'établissement, avec les parties concernées par ses enquêtes, de relations de
confiance cruciales pour favoriser la collaboration.
Alors qu'il veille à la qualité des
services publics, le Protecteur du citoyen s'efforce chaque jour de résoudre
des problèmes vécus par les citoyens et d'initier le changement avec comme
outil de prédilection la discussion et la persuasion. Son pouvoir de persuasion
repose sur deux éléments indissociables de la confiance qu'il inspire :
son pouvoir d'enquête et le couvert de confidentialité qui lui est garanti.
Pour toutes ces raisons, je recommande que
le régime de confidentialité encadrant l'exercice des fonctions du Protecteur
des usagers soit celui qui est établi dans la Loi sur le Protecteur du citoyen.
C'est le sens de nos recommandations R4 et R5.
Alors, je vous remercie de votre attention
et je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous. Je cède maintenant la parole au ministre de la Cybersécurité.
M. Caire : Merci, M. le
Président. M. le Protecteur du citoyen, maître, merci d'être là, merci de votre
présentation. Une présentation qui est très ciblée, je vous dirais. De toutes
celles qu'on a entendues, c'est probablement celle qui est la plus chirurgicale — on
parle de données de santé, donc, l'expression, vous me la passerez. Et donc je
vais avoir quelques questions pour vous, mais je vous dirais que l'ensemble de
vos recommandations, donc, d'entrée de jeu... on va analyser très, très, très
sérieusement, sous l'angle juridique, les recommandations que vous nous faites,
on va en évaluer l'impact. Et là, évidemment, vous comprendrez que je n'irai
pas plus loin dans les suites à donner, mais je vous dirais qu'il y a plusieurs
recommandations que vous faites, là, qui vont très certainement, au minimum,
amener une réflexion et une analyse exhaustive de vos recommandations — suivez
mon regard.
Ceci étant dit, vous avez quand même amené
certains éléments qui méritent, je pense, d'être approfondis. Notamment, vous
dites : «Le manque de <fluidité...
M. Caire :
... qui
méritent, je pense, d'être approfondis. Notamment, vous dites : «Le manque
de >fluidité entraîne des difficultés d'accès. Donc là, on sait que,
comme Protecteur du citoyen, c'est dans votre mandat de s'assurer que le
citoyen reçoit les services auxquels il est en droit de s'attendre et donc de
prendre les mesures qu'il faut pour que ce soit le cas quand ce n'est pas le
cas. La question que j'ai à vous poser, c'est : Est-ce que, dans votre
mandat, ce manque de fluidité là, ce manque de mobilité de la donnée, a
entraîné des plaintes que vous avez eu à traiter? Et évidemment, sans tomber
dans la plainte à proprement parler, est-ce que vous pouvez nous donner une
idée de ce que ça veut dire pour le citoyen, ce manque de fluidité là?
M. Dowd (Marc-André) : De
façon régulière, le manque de fluidité est une cause de préjudice, je dirais,
dans le réseau de la santé et des services sociaux, en particulier lorsqu'un
usager doit recevoir des services soit de deux établissements différents
distincts, et là il y a un problème de transfert des données de santé entre les
établissements, ou même à l'intérieur d'un même établissement, par exemple,
quand il y a deux missions à l'intérieur d'un même établissement et qu'ils
doivent travailler ensemble, qu'ils doivent travailler en complémentarité.
Donc, on se rend compte que, régulièrement, les difficultés d'accès... ou, en
fait, les obstacles à la transmission de renseignements de santé et des
services sociaux occasionnent des difficultés d'accès à des services donnés
pour les citoyens. Ça, c'est à un niveau de plainte individuelle, mais je vous
amènerais aussi à un niveau de plainte plus macro, je dirais. Et on a fait des
enquêtes spéciales récemment. Je référerais à deux enquêtes spéciales où le
manque de données a été identifié comme un facteur critique qui ne permettait
pas de prendre les bonnes décisions. Oui?
M. Caire : Quand vous dites «le
manque de données», est-ce que c'est au niveau des professionnels de la santé
que vous avez constaté ça? Donc, c'est les professionnels qui se sont plaints
ou, dans le cadre de votre...
M. Dowd (Marc-André) : C'est
toujours l'usager, c'est toujours l'usager, oui, c'est ça.
M. Caire : OK. Et, dans le
cadre de votre enquête, vous en êtes arrivés à la conclusion que ce n'était pas
une mauvaise volonté du professionnel, mais un manque d'information?
M. Dowd (Marc-André) : Exactement.
C'est toujours... notre perspective est toujours celle de l'usager. Donc
l'usager est insatisfait des services qu'il a reçus de l'établissement, va
d'abord, souvent, porter plainte en premier recours au commissaire local aux
plaintes et à la qualité des services. S'il est insatisfait des conclusions du
commissaire, il va pouvoir venir au Protecteur du citoyen. Il y a aussi une
mécanique de signalement, là, qui nous permet d'être saisis directement dans
certains cas. Donc ça, c'est pour le niveau individuel des plaintes.
J'allais vous amener sur le niveau
collectif. On a mené deux enquêtes d'envergure, récemment, ma prédécesseure, en
fait, une enquête sur la gestion de la crise de la COVID dans les CHSLD, de la
première vague de la COVID dans les CHSLD, et il y a des constats très clairs
liés au manque de données par les établissements et par le ministère, qui a
amené l'impossibilité de prendre les bonnes décisions en temps utile. Je me
permets de citer un paragraphe de ce rapport-là parce que je pense que ça
illustre bien le problème. Donc, Mme Rinfret disait, c'est le
paragraphe 163 de l'enquête :
«À la lumière de l'expérience de la
première vague, même si la désuétude des modes de communication avait déjà été
constatée bien avant la crise, l'on réalise encore davantage l'importance de
pouvoir obtenir, en temps réel, les données qui guident la gestion quotidienne.
Ainsi, que l'on soit en période normale ou en temps de crise, les données
pertinentes doivent être disponibles et à jour, et ce, afin d'apporter
rapidement des solutions adaptées aux besoins. Des systèmes efficients
pourraient également renforcer les mécanismes d'imputabilité et de reddition de
comptes des gestionnaires et des décideurs publics.»
Et cela amenait à la
recommandation 18, où elle recommandait au ministère de «se doter de
systèmes intégrés d'information qui permettent d'obtenir en tout temps et en
temps réel des renseignements centralisés pour guider la gestion quotidienne,
notamment en matière de ressources humaines — c'est peut-être moins
pertinent avec le projet de loi n° 3, mais... — de surveillance
et de vigie sanitaire — on est en plein là-dedans — ainsi
que d'approvisionnements.» Donc, à mon avis, le projet de loi n° 3 se
rattache aux objectifs poursuivis par cette recommandation.
• (15 h 30) •
M. Caire : Si je peux me
permettre, au contraire, je pense qu'on touche à un point qui est fondamental,
parce que ce que vous dites, c'est que cette difficulté-là de la mobilité de la
donnée, ça n'entraîne pas que des conséquences au niveau de la prestation des
soins, ça amène aussi des conséquences au niveau de la gestion et de
l'administration du réseau. Et ça, est-ce que vous avez des exemples...
M. Dowd (Marc-André) : Oui,
je pourrais...
M.
Caire
: ...ce
que ça veut dire comme conséquence, dans les faits?
M. Dowd (Marc-André) : Je
pourrais vous donner un autre exemple qui a été illustré par une enquête
spéciale, aussi, qu'on a faite sur les mécanismes d'accès à l'hébergement
public pour les personnes en perte d'autonomie. On s'est rendu compte qu'un des
problèmes principaux c'était la difficulté d'accéder à des données en temps
utile, pour permettre de bien orienter, selon leurs besoins, les personnes qui
avaient besoin...
15 h 30 (version révisée)
M. Dowd (Marc-André) : ...des
données en temps utile pour permettre de bien orienter, selon leurs besoins,
les personnes qui avaient besoin d'un hébergement public. Alors, la personne,
par exemple, est à l'hôpital, son état fait en sorte qu'elle ne peut pas
retourner à la maison, ce n'est pas sécuritaire pour elle, on doit trouver un
hébergement pour cette personne-là. Au sein des établissements, l'accès à l'information
pertinente sur l'état de ces personnes-là était déficient, dans plusieurs cas,
et le ministère avait très peu d'information sur ce qui se passait d'un
établissement à l'autre.
Alors, ça, c'est un autre exemple où... du
dossier individuel, de la situation individuelle de la personne, ça nous
permet, si on a l'information, de bien planifier les besoins, quels sont les
besoins d'hébergement pour cette région-là, combien de place on a besoin.
Alors, ça se recoupe, il faut le voir au niveau de l'accès aux services pour la
personne elle-même, pour l'usager elle-même, mais aussi au niveau de la planification
et de la gestion des services de santé et de services sociaux.
M. Caire : C'est important,
la discussion qu'on a, M. Dowd. Parce qu'il y a des groupes qui sont venus
nous dire que, oui, le PL n° 3 est une bonne idée
dans la mesure où cette mobilité-là de la donnée est circonscrite aux seules
fins des soins, donc de la thérapie. Ce que vous nous dites, c'est qu'il y a
aussi... vous avez, comme Protecteur du citoyen, constaté que cette incapacité
à avoir accès à des données de gestion qui découlent des données des
renseignements de santé, donc, ça amène une incapacité à faire une
planification qui est adéquate et ça a des conséquences directes sur la qualité
des services. Donc, est-ce que j'extrapole en disant que non seulement vous n'êtes
pas d'avis qu'on devrait circonscrire ça aux seuls soins, aux seuls soins... aux
seules fins de la thérapie des soins, mais que c'est même, je dirais, une
condition d'amélioration de la qualité des soins en général que d'amener ça au
niveau aussi de la gestion?
M. Dowd (Marc-André) : C'est
tout à fait le sens de notre position. Maintenant, il faut prendre en
considération le fait que le projet de loi reconnaît que, le mode de
transmission des données, à chaque fois que c'est possible, on privilégie la donnée
dépersonnalisée. Donc, il y a des cadres, là, qui doivent être respectés.
Maintenant, plusieurs intervenants... je
suis au courant que plusieurs intervenants, dont la Commission d'accès à l'information
et les ordres... en fait, le Collège des médecins, je pense, ont insisté sur le
fait qu'à certains égards le projet de loi ne prévoyait pas suffisamment de
balises pour garantir la vie privée ou le respect du secret professionnel. Je
sais qu'il y a plusieurs propositions de recommandations qui vous sont
soumises, je suis convaincu que, comme parlementaires, vous allez les regarder.
Il faut assurer un équilibre entre la fluidité de l'information aux fins que
vous avez mentionnées, notamment l'amélioration de la gestion du réseau et de l'accès
aux soins, en garantissant, dans toute la mesure du possible, le respect de la
vie privée puis le respect du secret professionnel. Donc, c'est l'équilibre que
vous avez à réussir avec ce projet de loi là.
M. Caire : Malheureusement
pour vous, je vais mettre la balle dans votre camp parce que, comme Protecteur
du citoyen, vous avez aussi, j'imagine, une préoccupation quant au respect de
la vie privée, bien évidemment. D'ailleurs, vous le mentionnez dans votre
processus d'enquête, l'étanchéité que vous souhaitez avoir autour de la
confidentialité de ce que vous faites en est un bon témoin.
Mais, à la lecture du projet de loi... Puis
je comprends que vous l'analysez du point de vue de votre mandat, mais c'est un
peu la discussion qu'on a eue avec les groupes, avec les collègues, trouver cet
équilibre-là entre mobilité de la donnée à des fins d'augmentation de l'efficience
du réseau, au sens très large du terme, mais aussi le respect de la vie privée
et de la confidentialité. Les médecins sont venus nous dire : Écoutez, là,
c'est la relation médecin-patient, là, qui pourrait être compromise ou...
Est-ce que vous vous jugez que le projet de loi, dans sa forme actuelle, assure
un équilibre qui vous semble de nature à respecter et la vie privée mais et le
besoin d'augmenter l'efficience ou... puis je vous amène peut-être, maître...
je vous amène peut-être sur un terrain où vous ne voulez pas aller, mais je
vais vous amener là pareil, ou alors vous avez, de façon préventive, des a
priori, outre ce que vous nous mentionnez du point de vue de la confidentialité
des renseignements que vous avez dans vos enquêtes à vous, personnellement?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
je vous répondrais en disant que j'ai pris connaissance avec intérêt de
plusieurs mémoires, en préparant la présentation d'aujourd'hui, puis il y a
quand même certaines recommandations par différents groupes ou différentes
organisations qui ont retenu mon attention et auxquelles je souscris, donc,
comme Protecteur du citoyen, la première étant que... le principe fondamental
que la personne, l'usager peut refuser qu'on transmette un renseignement de
santé et de service social le <concernant...
M. Dowd (Marc-André) :
...
qu'on transmette un renseignement de santé et de service social le >concernant.
J'ai été quand même bien sensible à l'argument qui était amené par le
regroupement des comités d'usagers à l'effet qu'encore faut-il que l'usager
connaisse ce droit-là de refus, qu'il sache comment l'exercer, que ce soit
simple et non... pas de formalité compliquée pour exercer un droit de refus ou
un droit de faire rectifier un renseignement, par exemple. Et donc, l'idée
d'une campagne d'information pour expliquer le nouveau régime, je souscris à
cette idée-là, je pense que ça va de pair avec un meilleur exercice des droits
par les usagers.
Également, vous avez un organisme qui est
spécialisé sur les questions de protection de la vie privée, qui est la
Commission d'accès à l'information. Je sais qu'il y a plusieurs recommandations
qui ont été présentées. Le principe général à l'effet qu'un règlement
d'application de cette loi-là puisse être... c'est-à-dire qu'il doive être
soumis à la Commission d'accès à l'information pour avis avant son adoption, je
le trouve intéressant. Ça vous permettrait de bénéficier... Ça permettrait au
gouvernement de bénéficier de l'œil expert de la Commission d'accès à
l'information sur ces questions-là.
Également, un principe aussi qui était
reconnu et auquel je pense que je souscrirais également, c'est de nommer, là,
d'exclure expressément la possibilité de commercialiser les renseignements de
santé et de services sociaux. Je pense que c'est un énoncé de principe qui
m'apparaît très pertinent.
M. Caire : OK. Je vais vous
amener sur un autre élément que vous avez soumis, c'est toute la question du
processus de deuil. Vous le soulignez, dans la loi n° 25,
on a des dispositions à cet effet-là, mais vous semblez dire qu'au niveau des
renseignements de santé la même disposition devrait prévaloir. En quoi les
renseignements de santé, puis c'est là où j'ai de la difficulté peut-être à
comprendre... mais en quoi le renseignement de santé, lui, peut être un facteur
qui facilite le processus de deuil? Parce que la loi n° 25
est une loi générale qui s'applique aux renseignements personnels de façon très
large. La loi n° 3 fait un régime particulier aux
renseignements de santé. Qui dit régime particulier dit spécificité. Ça, c'est
un exercice de diction que je vous invite à faire, là, «spécificité» : vous
le direz trois fois sans partir à rire. Mais bref tout ça pour dire que... en
quoi le renseignement de santé, lui, peut favoriser le processus de deuil? Là,
j'avoue que je...
• (15 h 40) •
M. Dowd (Marc-André) : Je
vous donne un exemple concret, parce que je me suis posé la même question que
vous, M. le ministre, et j'ai posé la question à mon équipe en disant :
Bien, donnez-moi un exemple, là. On pense que c'est une bonne chose, mais de
quelle façon? Et on m'a convaincu. L'exemple suivant : un proche qui
reçoit un appel de l'hôpital, OK, parce que la personne... une personne est en
fin de vie, et qui arrive à l'hôpital trop tard, OK? Lorsqu'elle arrive à
l'hôpital, la personne est déjà décédée. La personne endeuillée essaie de
comprendre ce qui s'est passé, essaie d'en savoir un peu plus sur les derniers
moments de la personne qu'elle aimait, la personne qui était proche d'elle, et
pose des questions. Est-ce que cette personne-là a souffert? Quel était son
état? Et là ce que je comprends, c'est qu'à certains égards la loi permet de
connaître la cause du décès, mais dans certains cas on va... les intervenants
vont avoir une compréhension restrictive, en disant : Bien, tout ce qui
est les circonstances du décès, on ne peut pas en parler. Donc, d'ouvrir la
porte en disant : Si ça peut aider une personne à vivre son processus de
deuil, on accorderait une certaine forme d'évaluation, là, qui permettrait à
des intervenants de dire : Bien, voici le type de renseignements que je
vous donne pour vous aider dans votre processus de deuil. Alors, c'est un
exemple.
M. Caire : OK. Merci. Vous
avez parlé de... bon, du régime de confidentialité, puis là je vais vous amener
plus sur la recommandation que vous faites. Vous semblez dire qu'il y a une
disparité, bon, entre les différents régimes de confidentialité. Par contre,
d'entrée de jeu, vous dites : Mais les tribunaux reconnaissent que ce
régime de confidentialité là qui est prévu dans votre loi s'applique. Donc,
quel est l'intérêt de légiférer si, de toute évidence, la façon dont les lois
sont interreliées fonctionne bien?
M. Dowd (Marc-André) : ...je
dirais, et pour plus de cohérence. En fait, notre loi fondatrice, la Loi sur le
Protecteur du citoyen, va reconnaître qu'on exerce différents mandats, donc, le
mandat d'ombudsman classique, Loi sur le Protecteur du citoyen, avec son propre
régime de confidentialité, qui est très fort, là, qui est un régime qui protège
vraiment la confidentialité. On a un nouveau mandat, depuis 2017, qui est
l'application de la Loi facilitant la <divulgation...
M. Dowd (Marc-André) :
...
nouveau mandat, depuis 2017, qui est l'application de la Loi facilitant la >divulgation
d'actes répréhensibles à l'égard des organismes publics, et là le législateur a
fait le choix, dans cette loi-là, de référer aux dispositions générales sur la
confidentialité, de la Loi sur le Protecteur du citoyen. Donc, alors, on vient
dire: Pour les questions de confidentialité, bien c'est dans la loi sur le
Protecteur du citoyen. Et là on a une disposition de la LPU qui ferait en sorte
qu'il pourrait y avoir une interprétation qui ouvrirait une petite brèche à la
confidentialité. Mais, lorsque ça s'est présenté devant les tribunaux, les
tribunaux ont plutôt décidé en fonction d'assurer la complémentarité et ont
fait prévaloir la disposition générale, dans la Loi sur le Protecteur du
citoyen. Mais ce serait un modèle plus logique, plus cohérent, de dire que la
Loi sur le Protecteur du citoyen énonce les trois mandats et le régime général
de confidentialité. Merci.
Le Président (M. Simard) : Mme
la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci à vous
deux. Peut-être, oui, renchérir sur ce dont vous venez de mentionner. Mais,
juste en termes d'introduction, moi, quand je lis votre mémoire, qui
effectivement est très précis, très chirurgical, pour emprunter l'expression du
ministre Caire, vous évoquez plusieurs soucis au niveau de, bon... de possibles
incohérences ou d'un manque de clarté entre les différents textes de loi. Vous
avez un peu répondu à la question, mais c'était ce sur quoi je voulais qu'on
rediscute ou que vous apportiez peut-être des exemples concrets ou précis ou en
tout cas que vous nous aidiez à faire la distinction dans ce que vous proposez.
À quel moment voyez-vous une incohérence
et dans quelles autres instances est-ce que vous voyez un manque de... tu sais,
un manque de clarté, comme on dit en droit, des fois, dans les textes, pour
plus de certitude? Ça ne vient pas changer ce qu'on vient d'énoncer avant, ça
vient juste préciser ou même donner des exemples. Là, je parle comme une
avocate. Des fois, quand on va trop en détail dans des exemples précis qu'on
veut absolument couvrir, bien là, ça peut affecter l'interprétation d'une autre
section, où on est un petit peu plus général, puis on dit : Ah! si on avait
voulu être plus précis ici, on l'aurait fait comme on l'a fait ailleurs. Je ne
sais pas si ça a du sens, ce que je raconte. Puis juste faire la part des
choses puis, après ça, nous expliquer à quel moment ça doit être vraiment plus
précis.
M. Dowd (Marc-André) : Je
vais demander à Me Albert de compléter. Je vais juste dire d'entrée de jeu
que ce qui me paraît problématique, c'est d'avoir une disposition, dans la Loi
sur le protecteur des usagers, qui semble ouvrir une brèche, qui semble
faciliter l'accès à certains documents, mais que, dans les faits, c'est la
disposition dans la Loi sur le Protecteur du citoyen qui va l'emporter, et la
personne n'aura pas accès, à ce document-là.
Donc, et pourquoi c'est important de
prévoir, de protéger la confidentialité de l'action de l'ombudsman? On
n'insistera jamais assez là-dessus — juste avant que Me Albert puisse
revenir sur la question — c'est de dire que toute notre action, elle
se fait confidentiellement en amenant le ministère, l'organisme,
l'établissement à échanger sur la situation qui est dénoncée par le citoyen ou
par l'usager, à accepter que peut-être qu'il y a eu une erreur qui a été
commise, donc faire des avancées en vue de réparer ce préjudice-là. Alors, vous
comprenez l'idée, c'est que, nous, l'objectif, c'est la réparation du
préjudice, et il faut que le processus qui nous amène à la réparation du
préjudice, il ne puisse pas être reproché au ministère, à l'organisme ou à
l'établissement. C'est pour ça que la confidentialité de l'action de
l'ombudsman, elle est fondamentale.
Maintenant sur la différence entre LPU,
LPC, je vais demander peut-être à Me Albert de compléter. Merci.
Mme Albert (Mylène) : Bien,
en fait, c'est qu'avec les articles spécifiques qu'il y a actuellement dans la
LPU, c'est qu'on a un régime d'accès qui est prévu LPU, Loi sur le Protecteur
des usagers. L'article 37 prévoit un régime d'accès pour le dossier de
plainte qui est maintenu par le Protecteur du citoyen en appliquant les
dispositions de la LSSSS, l'article 76.9, qui permet l'accès au dossier de
plainte maintenu par le Protecteur du citoyen à certaines personnes nommées
expressément à l'article 76.9 de la LSSSS.
Maintenant, le fait est que, comme le
disait M. Dowd... qu'il n'y a rien qui est accessible au Protecteur du citoyen,
malgré la loi sur l'accès. L'article 34 dit «malgré l'article 9 de la
loi sur l'accès», mais la Commission d'accès à l'information a interprété que
c'était aussi malgré l'article 83 de la loi sur l'accès. Donc, c'est
blindé, si vous me passez l'expression. Donc là, on a un premier
article 37 qui permet une certaine application de la LSSSS au dossier de
l'usager, donc une certaine ouverture à l'accès. On a également
l'article 35 de la Loi sur le Protecteur des usagers, qui ne contient pas
le deuxième alinéa de l'article 34 de la LPC qui dit : Malgré la loi sur
l'accès, nul ne peut avoir accès à un renseignement obtenu dans l'exercice de
la fonction de protecteur ou un document contenant un tel renseignement. Donc,
je ne sais pas si vous voyez un peu.
Puis oui, je comprends quand vous dites :
Des fois, ça n'a pas été précisé. Mais je crois seulement que c'est un arrimage
qui n'a pas été fait entre les différents régimes, au moment où le Protecteur
du citoyen est devenu le Protecteur des usagers, en fait, là.
M. Dowd (Marc-André) : Et
j'ajouterais que le législateur a <quand même fait le...
Mme Albert (Mylène) :
... des usagers, en fait, là.
M. Dowd (Marc-André) :
Et
j'ajouterais que le législateur a >quand même fait le choix de faire cet
arrimage-là en matière de divulgation d'actes répréhensibles, en 2017, quand il
a adopté la Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles à l'égard des
organismes publics. Donc, on a fait le choix de dire : Ce mandat-là, le
régime de confidentialité, c'est celui qui est prévu à la Loi sur le Protecteur
du citoyen. Est-ce que ça répond?
Mme Setlakwe : Oui, ça
répond. Je pense que, généralement, il va falloir s'assurer qu'on ait un bon
arrimage.
M. Dowd (Marc-André) : Oui, tout
à fait.
Mme Setlakwe : Merci pour ça.
Là, je vous ramène sur les questions de confidentialité, puis vous l'avez dit
d'entrée de jeu dans votre mémoire que ce n'est pas ce sur quoi votre mémoire
porte, mais vous... évidemment, ces notions-là sont très importantes, puis vous
vous en remettez, en quelque sorte, dans le mémoire à ce que d'autres ont dit.
Le ministre Caire vous ramène... et vous pose la question ce sur quoi vous avez
le plus grand nombre d'inquiétudes ou les recommandations auxquelles vous
adhérez, là, sur la protection de la confidentialité, j'en ai pris note.
Quand vous parlez de la CAI, la Commission
d'accès à l'information, là, vous avez vu le mémoire détaillé puis toutes les
préoccupations qu'ils ont, juste peut-être élaborer. Donc, vous ne trouvez pas
que, quand ils demandent de... Ils nous disent que le curseur n'a pas été placé
au bon endroit, selon eux, que l'équilibre n'a pas été atteint. Mais
pouvez-vous élaborer? Vous, qu'est-ce que vous en pensez? Puis vous ne pensez
pas que, là, si on déplace le curseur, ça va venir diluer l'intention du
législateur, ici, d'assurer une fluidité?
M. Dowd (Marc-André) : Notre
position est en faveur d'une plus grande fluidité dans l'échange de
renseignements de santé et de services sociaux en vue d'améliorer l'accès aux
services de santé et de services sociaux, tant au niveau de l'accès aux
services individuels pour un usager que la planification et la gestion à haut
niveau. Donc, notre... Les problèmes... Ce dont les usagers se plaignent au
Protecteur du citoyen, c'est rarement des questions liées à la vie privée. Et
d'ailleurs ces questions-là seraient... ce serait... on référerait à la
Commission d'accès à l'information. Ce dont les usagers se plaignent, ce sont
des coupures dans les services, ce sont des délais dans l'obtention de services,
quelquefois occasionnés par un problème dans la transmission... souvent
occasionnés par un problème dans la transmission d'informations, surtout quand
il y a plusieurs intervenants qui doivent travailler ensemble, qui doivent
collaborer ensemble. OK?
Et donc c'est sûr que, dans notre
perspective, on est favorables à l'objectif du projet de loi n° 3. Cela dit, on
est sensibles également au respect de la vie privée, au respect du secret
professionnel. Et j'ai lu avec beaucoup d'attention le mémoire de la Commission
d'accès à l'information. J'ai souligné certaines recommandations où j'étais en
mesure d'appuyer. Pour les autres, ça demanderait, dans certains cas, une
analyse plus poussée, notamment tout ce qui entoure l'accès aux chercheurs. C'est
quand même assez détaillé, donc je ne veux pas m'aventurer sur ce terrain-là. Retenez
de mon message général qu'il faut quand même que le projet de loi, tel
qu'adopté, permette d'atteindre les finalités qui sont énoncées aux premiers
articles du projet de loi.
Mme Setlakwe : Merci.
D'ailleurs, oui, dans les premiers articles du projet de loi, l'objectif est
là, on le retrouve, il est clair. Est-ce que vous pensez qu'il manque des
énoncés de principe, quand même, au départ? Tu sais, tout de suite après, on
embarque dans une mécanique.
Puis je vous réfère à quelque chose que vous
avez dit un petit peu plus plus tôt, dans un exemple, je crois, sur... bon, un
proche décède, la personne arrive un peu trop tard puis là pose des questions, puis
là la personne qui gère la situation adopte une interprétation restrictive.
Puis, ça, on l'a entendu aussi ce matin, des fois, il y a comme des couches qui
s'ajoutent, là, une par-dessus l'autre, d'interprétation restrictive, ce qui
peut faire en sorte que, bon, finalement, l'objectif n'est pas atteint. Est-ce
que vous pensez qu'on devrait faire des énoncés de principe clairs, au début,
qui pourraient aider dans l'interprétation des différents intervenants, tu
sais, même à savoir sur, tu sais, la... En tout cas, je vais vous laisser
répondre.
M. Dowd (Marc-André) : Mais
est-ce que vous avez... Par exemple, quel type de principes pourraient être
énoncés?
Mme Setlakwe : Bien, il y a
certaines choses qui ont été discutées d'emblée, au début de nos travaux,
comme, tu sais, la donnée, elle appartient à qui, elle suit qui. Tu sais, juste
rappeler un peu le... Ça, c'est un exemple que je donne, là.
M. Dowd (Marc-André) : Oui. Bien,
je trouve que c'est une avenue intéressante, de la même façon que, comme
principe, puis je reviens là-dessus, je le mentionnais tout à l'heure, le fait
d'exclure expressément la possibilité de commercialiser les renseignements de
santé, pour moi, c'est un énoncé fort, tu sais, ça... Oui?
• (15 h 50) •
Mme Setlakwe : ...pas dans la
loi.
M. Dowd (Marc-André) : Non.
Bien, en tout cas, je ne crois pas. Ma lecture... Mais des intervenants, dont
la CAI, ont recommandé de l'inscrire, oui.
Mme Setlakwe : OK. Bien, je
pense que, pour moi, ça va, oui. Je vous remercie beaucoup.
M. Dowd (Marc-André) : Merci.
Mme Setlakwe : Votre mémoire
est très clair, très, très détaillé. Merci pour vos interventions.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, chère collègue. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bienvenue.Merci d'être là. Merci pour votre exposé qui est
on ne peut plus clair. Mais, comme on n'est jamais trop clair, dans la vie,
qu'est-ce que vous <entendez...
M. Marissal :
...
Mais, comme on n'est jamais trop clair, dans la vie, qu'est-ce que vous >entendez
par «commercialiser», quand vous dites que ça doit être exclu d'office?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
la vente de renseignements de santé à des fins de profit.
M. Marissal : OK. Puis s'ils
sont gratis? Parce que ça a déjà été évoqué ici par un ministre en fonction.
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
il faudrait regarder la finalité, il faudrait vraiment regarder la finalité, en
quoi ça sert l'intérêt public.
M. Marissal : Bien, la
finalité d'une pharmaceutique, c'est de créer des molécules puis de les vendre,
mettons. L'hypothèse ici a déjà été évoquée par l'actuel ministre de
l'Industrie, de l'Innovation et de l'Énergie, qui a gardé ses fonctions,
d'ailleurs, et textuellement c'était : On les donne aux pharmaceutiques.
Ce n'était pas innocent de dire ça, là. Alors, la finalité, elle est d'avoir la
donnée, de s'en servir, pas pour la beauté de la chose, là, c'est pour faire
quelque chose avec, là.
M. Dowd (Marc-André) : Mon
premier réflexe, je regarderais ça avec beaucoup de doute, je dirais, donc... Parce
que la visée de profit, elle peut exister, même si le renseignement est donné
gratuitement.Voilà.
M. Marissal : Oui, bien sûr. Commercialiser
n'inclut pas nécessairement une transaction mercantile de monétisation.
M. Dowd (Marc-André) : Exact.
M. Marissal : Il faut voir à
quoi ça sert, à qui ça sert dans le processus.
M. Dowd (Marc-André) : De la
même façon, si vous permettez, que... c'est une recommandation de la CAI aussi,
que seul un organisme public puisse être désigné comme gestionnaire
opérationnel du système de dépôt de renseignements. J'accueille ça positivement
aussi de préciser cet élément-là.
M. Marissal : OK. C'est bien
entendu. Qu'est-ce que vous faites des préoccupations ou craintes exprimées par
quelques témoins ici, dans les derniers jours, à savoir que ce qui n'est pas
interdit peut être autorisé, ou on peut l'interpréter ainsi — l'inverse
est vrai aussi, là, mais, dans ce cas-ci, si ce n'est pas nommément interdit,
ça pourrait être considéré comme autorisé — que la police, par
exemple, ou des instances réglementaires ou quasi judiciaires, ou le DPCP
pourraient accéder à des demandes? Ça me semble être assez... Ça me semble être
pas mal en dessous du parapluie qu'est votre institution, qu'est votre organisme.
Est-ce que vous trouvez quelque chose dans le projet de loi là-dessus aussi?
Est-ce que vous partagez ces craintes?
M. Dowd (Marc-André) : En
fait, ce serait, à ce moment-là, dans le cas où la transmission est nécessaire
à l'application d'une loi ou à une poursuite pénale, c'est ça?
M. Marissal : ...notamment,
mais pas exclusivement, mais notamment.
M. Dowd (Marc-André) : Oui, bien,
je pense qu'il faut rester vigilant sur l'utilisation qui serait faite de ce
pouvoir-là. Par ailleurs, vous pourrez compléter, Me Albert, il me semble que
le critère de la transmission d'informations pour l'utilisation d'une loi...
pour l'application d'une loi, c'est un critère qu'on retrouve dans d'autres
lois. Mais c'est sûr qu'il y a une sensibilité particulière aux renseignements
de santé et de services sociaux, là. Je suis en train de... vous m'entendez
réfléchir, au moment où je vous parle, là. Donc, il faudrait vraiment regarder
les situations particulières. Et en ce sens-là, bien, je reviens à la
proposition qui a été faite par la CAI de faire en sorte que les règlements
d'application soient soumis à la CAI pour avis. C'est le genre de réflexion qui
pourrait être faite par l'organisme qui est chargé de s'assurer du respect de
la vie privée.
M. Marissal : OK. Vous dites que
vous réfléchissez, mais vous n'avez pas fait complètement votre idée là-dessus,
ce n'est pas tout à fait clair pour vous là-dessus?
M. Dowd (Marc-André) : Effectivement,
mais je reçois la problématique.
M. Marissal : OK. Vous avez
suivi nos travaux, je pense, là, depuis quelques jours, là, visiblement, vous
êtes des élèves studieux, chez... au Protecteur du citoyen : «Opting in»
ou «opting out»? Je fais court, à dessein parce que je n'ai pas beaucoup de
temps.
M. Dowd (Marc-André) : C'est
une... Qu'est-ce que tu en dirais, à ça?
Mme Albert (Mylène) : ...
M. Dowd (Marc-André) : «Opting
in», c'est...
M. Marissal : Est-ce qu'on
est réputé in tant qu'on n'est pas out, comme patient? C'est-à-dire qu'on
autorise d'emblée de facto, en fait, de facto...
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
il y a peut-être des intervenants que j'ai manqués. Quel intervenant a abordé
cette question-là?
M. Marissal : Je ne les ai
pas par coeur, là, puis j'ai... il me reste 2 min 30 s, là, mais
ça a été abordé par presque tous les...
M. Dowd (Marc-André) : Mais,
dans la logique du projet de loi tel qu'il est actuellement rédigé, je
comprends que c'est à la personne de faire un «opting out», c'est ça?
M. Marissal : Out, c'est ça.
M. Dowd (Marc-André) : C'est
ça. Exactement.
M. Marissal : Donc, il est
réputé in.
M. Dowd (Marc-André) : Il est
réputé in, c'est ça, oui.
M. Marissal : Vous en pensez
quoi?
M. Dowd (Marc-André) : Puis...
Bien, à des fins pragmatiques, pour atteindre les finalités de la loi, il me
semble que... oui, je suis en accord avec cet élément-là, dans la mesure où le
droit de refus, OK, est clairement reconnu, qu'on en fait la promotion et que
c'est facile d'exercer son droit de refus ou son droit de rectification.
M. Marissal : Si c'est facile?
M. Dowd (Marc-André) : Si
c'est facile.
M. Marissal : Oui, OK. Il ne
me reste pas beaucoup de temps, je vous lance ça, vous n'avez peut-être pas non
plus <complètement...
M. Marissal :
...
beaucoup de temps, je vous lance ça, vous n'avez peut-être pas non plus >complètement
fait votre idée là-dessus, mais les personnes inaptes, réputées inaptes,
notamment dans tout ce qui est le spectre de la démence, on a dit que ces
gens-là seraient in aussi. Bien, en fait, certains témoins ici ont exprimé
l'idée qu'ils ont les mêmes droits que les autres, donc ils sont in jusqu'à
preuve du contraire, mais ils ne sont plus aptes. Avez-vous...
M. Dowd (Marc-André) : ...
M. Marissal : Ça, c'est des
gens qui tombent directement sous votre parapluie, là, parce qu'ils sont
vraiment, vraiment vulnérables, là. Qu'est-ce... Avez-vous une idée là-dessus à
nous suggérer?
M. Dowd (Marc-André) : Et
qu'en est-il du représentant légal, par exemple, tuteur, curateur ou curateur
public? Bien, il peut exercer les droits au nom de la personne.
M. Marissal : Sauf si la
personne a opté out et qu'elle n'est plus apte, après.
M. Dowd (Marc-André) : J'ai
de la difficulté à vous suivre, je m'excuse. Si la personne a opté out, donc,
ça veut dire qu'elle ne veut pas que ce soit transmis la...
M. Marissal : Voilà.
M. Dowd (Marc-André) : OK.
M. Marissal : Elle n'est plus
apte, elle ne peut pas, donc, revenir sur sa position.
M. Dowd (Marc-André) : C'est
une bonne question.
M. Marissal : Ça a l'air d'un
détail, là, mais...
M. Dowd (Marc-André) : Non,
non, non, mais je...
M. Marissal : ...d'ici cinq à
huit ans, là, il va y avoir 300 000 personnes, au Québec,
atteintes d'une forme ou d'une autre de démence, et ça va comme ça,
malheureusement, là. Ça, c'est ma déformation que j'ai acquise en travaillant
sur le projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Mais ces gens-là ne sont
plus en mesure de prendre des décisions, alors soit qu'il y a quelqu'un qui les
représente, soit que c'est immuable. Et on pourrait vivre le contraire, que
cette personne n'est pas capable de dire : Moi, je ne veux plus partager
mes données. Je vous soumets ça parce que...
M. Dowd (Marc-André) : Si la
personne a un représentant et que le représentant estime que ce n'est pas dans
l'intérêt de la personne représentée de partager les données, je pense que le
représentant peut, à ce moment-là, prendre la décision. La question de dire... le
contraire, c'est-à-dire que la personne avait mentionné, alors qu'elle était
apte, qu'elle ne voulait pas partager les données...
Le Président (M. Simard) : ...M.
le protecteur.
M. Dowd (Marc-André) : Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Alors, merci pour votre présence, merci pour la qualité de vos
informations et du partage.
Nous allons donc suspendre nos travaux, le
temps de faire place à nos prochains invités. Au revoir.
(Suspension de la séance à 15 h 59)
16 h (version révisée)
(Reprise à 16 h 05)
Le Président (M. Simard) : Chers
amis, nous sommes de retour en compagnie de représentants de l'Institut de
gouvernance numérique du Québec. Madame messieurs, bonjour. Auriez-vous d'abord
l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?
M. Gauthier (Jean-François) : Bonjour,
merci. Bien, bonjour, M. le Président. Mon nom est Jean-François Gauthier. Je
suis le président-directeur de l'Institut de gouvernance numérique. Je suis
accompagné de Mme Charlaine Bouchard, qui est titulaire de la Chaire de
recherche sur les contrats intelligents de l'Université Laval, et de M.
Wilfried Bazomanza Nzabandora — je savais que j'allais m'enfarger — qui
est chargé de cours et doctorant à cette même université.
Le Président (M. Simard) : Soyez
les bienvenus. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes.
M. Gauthier (Jean-François) : Parfait.
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, M. le Président, l'Institut de
gouvernance numérique est très fier d'être avec vous cet après-midi. On vous <remercie
de l'opportunité...
M. Gauthier (Jean-François) :
...fier
d'être avec vous cet après-midi. On vous >remercie de l'opportunité que vous
nous donnez, de pouvoir vous présenter, là, un point de vue qui, je pense, va
vous intéresser, en tout cas, je l'espère, dans le contexte de l'étude du
projet de loi actuellement à l'étude.
Donc, l'Institut de gouvernance numérique
est un organisme à but non lucratif qui a été fondé il y a bientôt 10 ans.
On va fêter notre 10e anniversaire en mai prochain. Notre mission consiste
à concevoir et implanter des solutions de gouvernance ouverte et de gestion
collaborative dans les institutions et les organisations au profit du bien
commun. L'équipe passionnée d'IGN souhaite démocratiser les principes de la
gestion collaborative, utilisant le numérique et la force de l'intelligence
collective comme outils rassembleurs. Notre proposition de valeurs, en tant
qu'OSBL, est d'agir pour accélérer le virage numérique des organisations par
l'implantation d'une gouvernance ouverte et collaborative au service de leur
croissance.
En novembre 2019, l'IGN a publié un livre
blanc sur les registres distribués et les chaînes de blocs. Des travaux ont été
menés par un comité directeur composé d'universitaires, d'entrepreneurs,
d'avocats et d'administrateurs publics. Le Scientifique en chef du Québec,
Hydro-Québec, les ministères de l'Économie et de l'Innovation, ainsi que celui
du ministère des Finances, Finance Montréal et le Hub Saguenay—Lac-Saint-Jean
ont rendu possible la préparation de ce livre blanc par leurs contributions
financières respectives, et je les en remercie encore. L'IGN croit fortement
dans l'intelligence collective et dans l'«empowerment» des citoyens. La
technologie des registres distribués représente, selon nous, une innovation
majeure qui pourrait redonner aux citoyens la capacité de gérer eux-mêmes leurs
informations de santé, et faire ainsi du Québec un leader en la matière.
Dans ce contexte, et en conclusion, je
vous lis un bref passage de notre livre blanc : «Historiquement, les
humains ont stocké des informations dans des lieux protégés. Évidemment, la
forme de ces entrepôts a changé. Du bâtiment gardé au serveur géant
hypersécurisé, l'approche n'en est pas moins demeurée la même, ce sont
essentiellement des variations sur le thème du coffre-fort. La chaîne de blocs
vient bouleverser une pratique ancienne. À l'heure où les délits de vol de
données sont un nouveau fléau à travers le monde, avec l'arrivée de la
connectivité 5G qui décuple les données en circulation, au moment où
s'amorce la révolution de l'intelligence artificielle, la technologie des
registres distribués apparaît comme un élément incontournable. Elle devient un
nouveau symbole, en cette ère numérique, qui fait des données une ressource et
la sécurité des renseignements personnels une condition de succès.»
Je cède maintenant la parole à Mme
Charlaine Bouchard.
Mme Bouchard (Charlaine) : Bonjour.
Le projet de loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et
modifiant diverses dispositions législatives vise à favoriser, donc, un
meilleur échange de données entre les établissements, aussi à améliorer l'accès
aux données des gestionnaires et des chercheurs, tout en assurant, nous dit-on,
leur confidentialité. Quant au patient, on nous informe qu'il pourrait
consulter son dossier plus facilement. C'est, pour le gouvernement, je pense,
un projet de loi très important. Présent aux côtés du ministère Caire, en
décembre dernier, au moment de sa présentation, le ministre Dubé a souligné que
le projet de loi n° 3 était essentiel à la réalisation de son plan de
refondation du système de santé. Refonder implique, à mon sens, de partir sur
de nouveaux principes et de nouvelles bases. Eh bien, M. le Président, je suis
d'avis que, pour refonder le système de santé, il faut oser.
• (16 h 10) •
On vous a entendu dire, M. le ministre,
que les renseignements de santé d'un citoyen lui appartiennent et devraient
l'accompagner. Il s'agit là de musique à mes oreilles. Par contre, on vous a
aussi entendu dire, monsieur, que la donnée qui est collectée par un organisme
ou pour un organisme qui relève du gouvernement, eh bien, cette donnée, le
gouvernement en est le propriétaire. Cela m'inquiète énormément. Si l'objectif
du projet de loi est véritablement de redonner le contrôle aux citoyens sur ses
données, des données qui constituent, pour lui, un actif précieux, nous sommes
d'avis, et avec beaucoup de respect pour l'opinion contraire, que la démarche
qui est prise pour y arriver n'est pas la bonne puisqu'elle est fondée sur une
gestion centralisée des données, ce qui ne permettra pas d'atteindre les
objectifs souhaités.
Je disais plus tôt qu'il fallait oser. Eh
bien, osons, osons le choix d'une technologie vraiment innovante comme la
chaîne de blocs, qui est mieux connue sous le nom de «blockchain», une
technologie de confiance, qui permet véritablement de conserver et de
transférer des données en toute sécurité. Au sein de la grande famille des
registres distribués, dont fait partie la «blockchain», la protection et
l'anonymat des données patients sont garantis par quatre caractéristiques
fondamentales, à savoir la décentralisation, l'immuabilité, la transparence et
le pseudonymat.
Donc, premièrement, la décentralisation de
la «blockchain» signifie que le registre des données de santé n'est pas tenu
par un seul organisme, mais par plusieurs, évitant ainsi le risque de point de
défaillance unique, ce qui garantit la disponibilité des données de santé chaque
fois qu'elles sont demandées par les patients ou <encore par les
organismes de santé...
Mme Bouchard (Charlaine) :
...chaque
fois qu'elles sont demandées par les patients ou >encore par les
organismes de santé.
Deuxièmement, lorsqu'on fait référence à
l'immuabilité de la «blockchain», elle empêche la modification ou encore la
falsification des données de santé ainsi que des conditions dans lesquelles une
personne a donné son consentement pour l'accès, l'utilisation et la
communication de ses données de santé. Par exemple, elle empêche la
modification par un organisme de la durée ou encore de la finalité d'un
consentement précédemment donné par une personne concernant l'accès,
l'utilisation ou encore la communication de ses données de santé, ce qui oblige
les organismes de santé à obtenir de nouveau le consentement des personnes
lorsque la durée ou encore la finalité d'accès, d'utilisation et de
communication de leurs données de santé sont modifiées.
Troisièmement, la transparence. Eh bien,
la transparence du registre de la «blockchain» permet la visibilité des
informations contenues dans ce registre à l'ensemble des parties prenantes, ce
qui permet aux personnes de savoir à tout moment qui a accès à leurs données de
santé, et surtout comment elles sont utilisées. La transparence de la
«blockchain» permet également au médecin qui a accès aux données de santé d'une
personne d'avoir accès à l'historique médical de ce dernier.
Enfin, quatrièmement, le pseudonymat qui
est offert par la «blockchain» permet de renforcer la confidentialité des
données de santé pendant leur utilisation et leur communication. En effet, les
identités réelles des personnes sont cachées derrière des adresses générées par
la technologie, ce qui empêche de retrouver les identités des propriétaires de
données de santé utilisées ou encore échangées entre les organismes de santé.
Jamais, M. le Président, le cadre proposé
dans le projet de loi n° 3 ne pourra assurer un tel
niveau de sécurité. En plus de ses caractéristiques exceptionnelles, la
«blockchain» permet le déploiement de contrats intelligents qu'on appelle des
«smart contracts». De telles applications vont permettre de transformer les
conditions d'accès, les conditions d'utilisation et de communication des
données de santé en codes informatiques déployés sur la «blockchain».
Dans ce contexte, la gouvernance des
données de santé sera automatisée et gérée par des contrats intelligents dont
les codes sont non modifiables et dont les codes s'exécutent uniquement lorsque
des conditions d'accès, d'utilisation et de communication des données de santé
sont respectées par une personne ou encore un organisme de santé. De plus, les
codes des contrats intelligents sont ouverts, ce qui permet d'auditer
l'exactitude et la conformité légale des conditions d'accès, des conditions
d'utilisation et de communication des données de santé implémentées dans ces
contrats intelligents.
L'utilisation de la «blockchain» dans le
domaine de la santé apporte une réelle plus-value dans la gestion des données
de santé. Plusieurs autres juridictions à travers le monde l'ont compris.
L'Estonie le fait depuis 2016 déjà avec son système Estonian eHealth Foundation.
La Suisse s'est dotée aussi d'un système, une plateforme sécurisée basée sur la
«blockchain», qui place réellement les patients au centre de la gestion de
leurs données de santé. L'Union européenne finance la conception d'un projet,
un modèle de «blockchain» de santé compatible à la fois avec le secret médical
et le fameux Règlement général sur la protection des données, pour les initiés.
Finalement, nos voisins du Sud, aux
États-Unis, utilisent, eux aussi, la «blockchain» comme infrastructure de
partage sécurisée des données médicales, et j'ai dit «finalement», mais je
prendrai un dernier exemple. En Angleterre et en France, donc, deux start-up
ouvrent la voie de la «blockchain» dans le domaine de la santé. Le logiciel
Medicalchain permet aux patients de partager la version unique et la plus
complète de leur dossier de santé avec des organisations de leur réseau
médical. Enfin, la parisienne Galeon propose des solutions basées sur la
«blockchain» qui permettent de connecter tous les acteurs de la santé :
médecins, pharmaciens, hôpitaux, chercheurs et patients.
M. Gauthier (Jean-François) : Simplement
en conclusion, M. le Président, je vous dirais que le gouvernement du Québec a
trop souvent englouti des sommes considérables dans de grands projets
informatiques. Si le projet de loi que la commission est chargée d'étudier
actuellement peut devenir une opportunité historique, refaire la même recette
risque de conduire au même résultat. Nous serons donc heureux de répondre à vos
questions. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous. Je cède maintenant la parole au ministre de la Cybersécurité.
M. Caire : Merci, M. le
Président. Ça va me permettre de rassurer nos amis de l'institut de la gouvernance
numérique, parce que, comme moi... J'ai vu d'ailleurs mon collègue de Rosemont...
Je ne me souviens pas d'avoir dit que le gouvernement devenait propriétaire des
données des citoyens. Je me souviens d'avoir dit qu'il en était le fiduciaire.
D'ailleurs, ma première question sera : Est-ce que... Et dans la loi n° 95, que vous avez suivie, très certainement, et qui est,
dans le fond, le <précurseur de la loi n° 3...
M. Caire :
...dans
le fond, le >précurseur de la loi n° 3,
et la loi n° 3,
est-ce que vous voyez quelque chose qui ferait en
sorte que le citoyen ne serait pas le propriétaire de ses données?
Mme Bouchard (Charlaine) : Dans
la philosophie de la législation, le projet de loi... Le projet de loi n° 3,
il reprend évidemment la philosophie de la législation de la gestion des
données au Québec. Et, pour reprendre le terme que vous avez utilisé, vous êtes
fiduciaire des données de santé, mais les données... la propriété des données
n'est pas remise entre les mains des patients ou, enfin, du citoyen québécois.
M. Caire : Donc, ce que vous
dites, c'est que vous ne retrouvez pas, dans le projet de loi n° 3, le
contrôle que le citoyen pourrait avoir sur ses propres données.
Mme Bouchard (Charlaine) : Tout
à fait, tout à fait.
M. Caire : OK, et, de votre
point de vue, de quelle façon pourrait-on modifier le projet de loi pour que
vous retrouviez cette idée-là, ce principe-là?
Mme Bouchard (Charlaine) : Bien,
je pense que c'est un peu ce que je vous ai présenté dans ma présentation. Le
projet de loi, il est fondé sur une gestion centralisée des données.
M. Caire : Je comprends, mais
on se comprend que le projet de loi est technologiquement neutre. Donc, je ne
peux pas intégrer l'utilisation de la chaîne de blocs dans un projet de loi
parce que, technologiquement... C'est une technologie, puis on s'entend, là, que,
jusqu'à tant que l'informatique quantique prenne de l'ampleur, vous avez
raison, les chaînes de blocs sont probablement ce qui se fait de plus
sécuritaire en termes de stockage et de transmission de données. Ça, là-dessus,
on n'aura pas... D'ailleurs, c'est intégré au Service québécois d'identité
numérique. C'est la technologie sur laquelle on est basés. Donc, vous prêchez à
un converti, mais, dans une idée où le projet de loi doit être
technologiquement neutre, là, ce n'est pas une option, on ne peut pas intégrer
l'utilisation ou l'idée de l'utilisation d'une technologie dans un projet de
loi, ce que vous dites, c'est que le projet de loi n° 3 nous amène vers
une centralisation de la donnée. Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Gauthier (Jean-François) : Bien,
c'est effectivement ce qu'on craint, parce qu'effectivement les risques
associés à la centralisation des données, on en a parlé un petit peu tout à
l'heure, sont de plus en plus importants. Ça demande toujours des efforts. On
connaît tous les enjeux qui tournent autour de la cybersécurité, aujourd'hui,
c'est un enjeu constant. Donc, nous, l'idée même de... Est-ce que, dans le
projet de loi, on ne serait pas capables d'indiquer clairement que ça va être
de redonner au patient que... et le principe de redonner au patient la capacité
de gérer ses données de santé, vraiment, très clairement inscrit dans toutes
les dispositions du projet de loi, là, je pense qu'on va faire un pas dans la
bonne direction, sans aller nécessairement... Puis je comprends très bien ce
que vous dites, là. Il faut que ce soit technologiquement agnostique. On est
tout à fait d'accord avec ça, c'est clair, mais les principes mêmes qui
sous-tendent, par exemple, le positionnement du Québec dans une nouvelle
technologie comme la «blockchain», comme le fait de pouvoir se reposer sur
cette technologie-là, bien, les principes de... on pense, en tout cas, qu'ils
pourraient s'inscrire dans la loi, et, ça, relativement simplement, là.
M. Caire : Bien, c'est
intéressant, M. Gauthier, ce que vous dites. Bon, on s'entend, là, on évacue
l'idée de mentionner spécifiquement une technologie ou une autre dans le projet
de loi.
M. Gauthier (Jean-François) : Tout
à fait, c'est clair.
M. Caire : Donc, de ce
côté-là, on est bien d'accord, puis plusieurs groupes ont vu ça aussi. Donc, je
vous pose la question. C'est un projet de loi qui vise la mobilité de la
donnée.
M. Gauthier (Jean-François) : Tout
à fait.
M. Caire : Vous, vous
associez mobilité et centralisation?
M. Gauthier (Jean-François) : C'est
le contraire.
M. Caire : C'est ce bout-là
que je veux essayer de démêler avec vous, là.
M. Gauthier (Jean-François) : En
fait, on associe mobilité avec décentralisation.
M. Caire : OK, mais... OK. J'essaie
de réconcilier ce que vous nous dites avec ce qu'on a entendu de la plupart des
intervenants, parce que l'idée, c'est de la mobilité de la donnée, dans le sens
où, bon, l'établissement XY a un dossier médical sur moi, ce dossier-là,
il est physiquement attaché à cet établissement-là, même chose pour un autre
établissement ou pour un autre professionnel de la santé. Ce que le projet de
loi vise, en tout cas, l'objectif, et vous me dites qu'il n'est pas atteint,
c'est de faire en sorte que tout ça puisse circuler librement, mais à
l'intérieur d'un périmètre, qui est le réseau de la santé et des services
sociaux, évidemment. Donc, vous dites que cet objectif-là n'est pas atteint?
• (16 h 20) •
M. Gauthier (Jean-François) : Bien,
écoutez, nous, pour le moment, on ne le voit pas. Peut-être... En tout cas, je
vais laisser aller Wilfried, si tu veux y aller, expliquer peut-être davantage...
Wilfried est un spécialiste de cette question-là.
M. Caire : Oui, oui, je vous
en prie.
M. Bazomanza Nzabandora (Wilfried) :
Un grand merci pour la prise de la parole. Donc, l'idée, c'est de dire que
les systèmes de gestion des données actuels sont des systèmes qui sont
centralisés et, plus particulièrement, cloisonnés. Donc, aucune communication
n'existe entre les différentes structures de santé parce que chaque dossier de
santé est vraiment particulier à un organisme précis, et le fait de partager
les données entre ces systèmes cause vraiment un problème sur la mobilité de la
donnée où, même, ça empêche la vision 360 degrés des soins <d'un patient
étant donné qu'il est impossible pour un patient...
M. Bazomanza Nzabandora (Wilfried) :
...ça empêche la vision 360 degrés des soins >d'un patient
étant donné qu'il est impossible, pour un patient en particulier, de recouvrer
toutes les informations de santé qui se sont échangées ou qu'il a subies dans
les différentes structures de santé. Maintenant, grâce à la chaîne de blocs, et
particulièrement aux contrats intelligents, il va être maintenant plus facile
d'interconnecter les différents dossiers de santé, et on pourra maintenant
avoir une vision beaucoup plus complète des soins liés à un patient en
particulier.
M. Caire : Mais je... parce
qu'encore une fois vous reliez ça une technologie, là. On est dans un principe
législatif de mobilité de la donnée. Je pourrais vous dire qu'un modèle
relationnel gouvernemental va nous donner exactement le même résultat avec... Tu
sais, dans un principe technologique, là, si on établissait un modèle
relationnel gouvernemental au niveau de la structure de la gestion de données,
on arriverait au même résultat qu'avec une chaîne de blocs, même... peut-être
même plus efficace parce que, là, on serait vraiment plus structurés au niveau
du stockage de données, mais là n'est pas le propos parce que, d'abord et avant
tout, l'obstacle qu'on vit au niveau du système de santé, vous, vous avez parlé
de l'incompatibilité des systèmes au niveau technologique, mais je ramène ça au
niveau législatif, c'est le fait que le renseignement qui est possédé, que ce
soit dans un support technologique, que ce soit sur un support papier, que ce
soit en chaîne de blocs, le renseignement, il appartient, dans les faits, il
est détenu par l'établissement et il ne peut pas être partagé.
Alors, je veux dire, on n'est même pas à
l'étape... Avant de changer la loi, on n'est même pas à l'étape de parler d'une
technologie parce que, même si je le faisais avec des chaînes de blocs, l'établissement
A ne peut pas échanger des données avec l'établissement B, puis l'établissement
A et l'établissement B ne peuvent pas échanger des données avec le CIUSSS, puis
le CIUSSS ne peut pas échanger des données avec l'autre CIUSSS, et les deux
CIUSSS ne peuvent pas échanger des données avec le ministère. Donc, on n'est
même pas à l'étape de parler d'une technologie, là. On est à l'étape de parler
que la donnée, elle est législativement cloisonnée. Donc, je vous repose ma
question. Vous ne pensez pas que le projet de loi, dans sa forme actuelle,
vient briser ces silos-là, et là va permettre qu'on essaie cette discussion-là
sur quel est le meilleur moyen technologique de permettre à la donnée de
circuler? Je comprends, là, qu'on aura des échanges, puis ça, ce sera au
ministère de la Santé à faire ses choix, mais, législativement, vous ne voyez
pas, dans ce projet de loi là, la mobilité de la donnée?
Mme Bouchard (Charlaine) : Bien,
enfin, M. le ministre, on a l'impression que ça pourrait être plus clair parce
qu'on ne le voit pas aussi clairement que vous semblez le voir, et avec
beaucoup de respect, là, pour vous.
M. Caire : C'est correct, on
est là pour échanger. Et donc je vous repose ma question : Législativement,
quelles seraient les modifications que vous nous proposeriez pour que ce soit
plus évident que cette... cette donnée-là, on la veut? Parce que la base de
tout succès technologique, c'est la mobilité de la donnée. Actuellement,
l'ennemi numéro un des modifications technologiques... Puis M. Gauthier
faisait référence à des projets passés, mais c'est parce que les bases
n'étaient pas là. Législativement, les bases n'étaient pas là. Donc, on a
favorisé des systèmes cloisonnés parce que nos données étaient cloisonnées, et
on a favorisé des systèmes qui ne se parlent pas parce que, législativement,
personne ne pouvait se parler. Bien là, l'idée, c'est de briser ces silos-là.
Donc, législativement, comment peut-on modifier la loi pour donner cette
mobilité-là que vous ne semblez pas retrouver dans le projet de loi?
M. Gauthier (Jean-François) : ...M.
le ministre, le principe même que l'unique propriétaire des données de santé,
c'est le citoyen. C'est lui qui devrait être l'unique détenteur de ses données
de santé puis le seul autorisé au partage, au moment où il l'autorise, au
moment où il le souhaite, dans son parcours de santé. Ça, c'est un principe
qu'on n'a pas présentement dans la loi. Donc, à mon avis, d'inscrire ce
principe-là, cette base-là, de dire que la donnée de santé... Le gouvernement a
beau en être fiduciaire, là, mais le propriétaire des données de santé... elle
appartient à chacun et chacune d'entre nous, comme citoyens, d'abord. Une fois
qu'on a établi ce principe-là, puis qu'on tend à redonner au citoyen le
contrôle de ses données de santé, puis qu'on l'inscrit dans une loi, bien, on
aura mis la table justement pour s'ouvrir sur ces nouvelles pratiques là dont
on vous parle cet après-midi.
Puis je ne vous parle pas de la
technologie, là, je vous parle simplement d'inscrire dans la loi les principes
fondateurs d'une décentralisation de la donnée vers le patient, qui va
permettre, par la suite, dans tout autre domaine d'activité gouvernementale, parce
que c'est le même enjeu, de redonner au citoyen la capacité de gérer ses
informations, point barre. Le citoyen, c'est lui... Comme on est en 2000... Dans
les années d'aujourd'hui, 2023, le citoyen devrait être en capacité de gérer
lui-même ses données tous azimuts, dont, a priori, au plus grand chef, les données
de santé, c'est fondamental.
Donc, on a une opportunité qui pourrait
être historique, de le faire maintenant, encore faut-il être créatif. Regardons
ce que les autres législations ont fait, regardons <ce que... comment les
Américains...
M. Gauthier (Jean-François) :
...regardons
ce que les autres législations ont fait, regardons >ce que... comment
les Américains s'y sont pris, comment l'Europe s'y est prise. Ils l'ont fait,
eux autres. On n'est pas en train d'inventer la roue, là. Il y a des gens qui
l'ont fait avant nous. On peut s'inscrire dans l'innovation dans ces nouvelles
législations là. Puis, moi, ce que je souhaite, c'est que le Québec se dote
d'un cadre législatif moderne qui va vraiment nous permettre d'aller de l'avant
puis de se positionner parmi les meilleurs au monde, et on est capables de le
faire ensemble si on s'inspire... si on s'ouvre l'esprit et qu'on est ouverts à
ce grand principe là, de redonner et de distribuer la donnée plutôt que de la
centraliser.
Le Président (M. Simard) : Oui.
Alors, je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque.
M. Montigny : ...très, très
courte. Je fais...
Le Président (M. Simard) : Il
vous reste au moins cinq minutes, cher collègue, prenez votre temps.
M. Montigny : OK, c'est bon.
Je fais référence évidemment au projet de loi, l'article 527, en fait, c'est la
notion d'hébergement. Pour vous, si vous voulez que les données ne soient pas centralisées,
est-ce que c'est compatible, dans votre vision, d'avoir un service
d'hébergement de la donnée? J'aimerais ça que vous détailliez ça, parce qu'il
est écrit comme ça dans le projet de loi.
M. Bazomanza
Nzabandora (Wilfried) :
Merci. Pour l'hébergement des données, il y a principalement
deux stratégies qui peuvent être adoptées, soit que la première stratégie,
c'est de stocker directement les informations sur la technologie de la chaîne
de blocs, là, on fait recours au stockage en chaîne, mais, étant donné les
problèmes d'efficacité dans le traitement de données de santé qui sont
directement sur la technologie de la chaîne de blocs, on pourra proposer la
deuxième stratégie, qui est beaucoup... la meilleure, c'est le stockage en
dehors de la chaîne. Là, maintenant, on utilise les serveurs locaux pour
stocker les informations liées à un patient, et le stockage «off-chain» apporte
maintenant une plus-value parce que c'est un stockage qui vient être... qui est
en conformité avec certaines lois sur la protection des données personnelles, par
exemple le droit à l'oubli, qui est un droit réservé à un patient, et, grâce au
stockage en dehors de la chaîne, dans les serveurs, il est possible de
supprimer les données du patient sur sa demande, mais, si les données restent
sur la technologie de la chaîne de blocs, il peut y avoir incompatibilité avec
cette loi parce qu'il serait impossible de supprimer les données du patient une
fois enregistrées sur la technologie de la chaîne de blocs.
M. Montigny : Merci beaucoup
pour votre réponse. Ça répond exactement à ma question.
Le Président (M. Simard) : Merci
à vous, cher collègue. M. le député d'Orford.
M. Bélanger : Moi, j'avais
une question, une question simple, parce que ce n'est quand même pas un domaine
où je suis si familier, mais, admettons, moi, bon, je suis citoyen, puis j'ai
plusieurs maladies, puis plusieurs traitements, etc., puis la donnée
m'appartient, mais elle est quand même intéressante, et moi, je ne peux pas
nécessairement gérer cette donnée-là moi-même, je vais la gérer de quelle façon
ou quelles conclusions je vais en tirer, donc le gouvernement ou, en tout cas,
le système de santé est plus apte à pouvoir gérer cette information-là, cette
donnée-là, et pouvoir faire évoluer un peu au niveau des solutions qui peuvent
être trouvées, que ce soient des médicaments ou... mais comment vous... Comment
vous voyez ça au niveau de la... si, justement, le citoyen, ça lui appartient,
et comment, au niveau de la gestion... c'est par la chaîne de blocs ou...
• (16 h 30) •
M. Bazomanza Nzabandora (Wilfried) :
Merci. Quand nous parlons de la gestion, c'est plus l'implication du
patient dans la gestion de ses données de santé. Donc, ce n'est pas lui même
qui gère, mais il est impliqué chaque fois que sa donnée doit être utilisée,
chaque fois que la donnée doit être communiquée. Et là, maintenant, lorsque
nous utilisons, par exemple, la technologie de la chaîne de blocs, ça va
permettre à ce que la donnée appartienne au patient, et, chaque fois que cette
donnée est nécessaire à un endroit particulier, il doit être sollicité. Donc,
la gestion n'est pas à dire que c'est le patient qui gère directement ses
données de santé, mais il est impliqué dans sa gestion des données.
M. Bélanger : Comment vous
voyez ça qu'il est... Il doit autoriser à chaque fois qu'il y a une demande au
niveau de l'utilisation d'une variable dans sa base de données santé?
M. Bazomanza Nzabandora (Wilfried) :
Alors, je peux donner un exemple. Dans une gestion particulière où... par
exemple, lorsqu'un patient arrive dans un hôpital, il subit des traitements et,
à la fin, ses données de santé seront chiffrées en utilisant la clé publique du
patient, et, comme lui détient la clé privée, c'est lui-même qui détient sa clé
privée, cette donnée ne pourra pas être déchiffrée sans que le patient ait été
sollicité pour déchiffrer cette donnée-là. Et là on se retrouve dans le cas où,
vraiment, les données reviennent principalement au patient parce qu'il est le
seul individu à détenir la clé privée pour déchiffrer ses informations de
santé...
16 h 30 (version révisée)
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) : ...il le seul individu à détenir la clé privée pour
déchiffrer ses informations de santé.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Auriez-vous d'autres questions, cher collègue?
M. Bélanger : ...je ne sais
pas, par la suite, là, comment on veut... peut utiliser ces données-là. Je ne
sais pas, si je fais une association avec l'identité numérique au niveau du
permis de conduire, des infractions... des infractions, puis si, à chaque fois,
il y a un processus d'autoriser l'utilisation de ces données-là, il me semble
qu'on n'évoluera pas rapidement, là, ça peut devenir complexe. Surtout que ces
données-là, bon, c'est... on paie pour un service, le système de santé offre
ces services. Je ne dis pas que ça appartient nécessairement au système de
santé, mais on doit pouvoir utiliser ces données-là de façon, justement, à
trouver... à améliorer de l'espérance de vie, oui.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, s'il vous plaît, très rapidement, peut-être.
M. Bélanger : Bien, je l'ai
faite, la conclusion.
Mme Bouchard (Charlaine) : ...données,
ce sont des données qui appartiennent au patient, donc c'est un élément qui est
extrêmement important. Puis aujourd'hui, avec la technologie, avec...
Le Président (M. Simard) : Très
bien...
Mme Bouchard (Charlaine) : ...prenons
l'exemple des contrats intelligents, l'automatisation, c'est relativement
simple.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.
Mme Setlakwe : Merci. J'écoute
ça avec grand intérêt depuis tout à l'heure, je trouve ça passionnant. Là, si
je comprends bien, on propose un régime, mais là, vous, ce que vous nous... ce
que vous, vous mettez de l'avant comme étant la meilleure approche est
incompatible avec le régime qui est mis de l'avant. C'est-à-dire que, si je le
comprends bien, là, la chaîne de blocs... Je suis une néophyte, là, je ne
connais pas ça puis je pense qu'il y a bien des gens dans la population qui ne
sont pas des experts. Est-ce qu'on doit comprendre... Puis là expliquez-nous,
là. Donc, on adopterait ce régime-là, comme ça a été fait ailleurs. Là, on
comprend que tout ça est automatisé et que, donc, c'est quelque chose qui
assure une meilleure étanchéité. Est-ce qu'on doit le comprendre comme ça?
Mme Bouchard (Charlaine) : C'est
une... Je vais commencer puis ensuite je laisserai la parole à Wilfried, qui...
Mme Setlakwe : ...est-ce que
c'est deux... c'est ça, deux... Juste pour clarifier ma pensée. Donc, c'est un
autre régime, on devrait, en fait, s'en aller sur une autre voie en parallèle?
Et ma deuxième question, c'est : Est-ce que c'est ça, ce système-là que,
je comprends, est un autre système complètement, assure une meilleure
étanchéité?
Mme Bouchard (Charlaine) : La
finalité qui est poursuivie par le registre... par le projet de loi,
excusez-moi — on parle de régime — c'est une finalité,
évidemment, qui est louable. Mais, pour arriver aux objectifs recherchés, nous
sommes d'avis que le chemin qui est privilégié n'est pas le meilleur chemin.
Donc, nous sommes d'avis, avec respect pour le ministre, que c'est la
philosophie de la gestion centralisée, qu'on retrouve... des données, qu'on
retrouve dans ce projet de loi. Et nous, dans les travaux que l'on fait, dans
les recherches que l'on effectue au quotidien, on constate que le meilleur
chemin pour y arriver, c'est d'opter pour une gestion décentralisée des
données. C'est ce qui permet actuellement, selon les avancées scientifiques, de
redonner véritablement le contrôle au patient sur ses données.
Et je vais donner maintenant la parole à
mon collègue, pour poursuivre.
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) : Oui, effectivement, donc je pourrais aussi augmenter l'aspect
lié à une bonne gestion des consentements, par exemple, d'un patient sur l'utilisation
ou la gestion de ses données de santé. Avec des systèmes de santé plus ou
moins... qui sont centralisés, lorsqu'un patient a donné un consentement pour
utiliser ses données de santé, son consentement est basé sur un certain nombre
de conditions. Or, dans un système beaucoup plus centralisé, on n'est pas sûr
que ces conditions-là sont respectées pendant toute la durée de l'utilisation
de la donnée. Chaque patient, lorsqu'il donne accès à ses données de santé, c'est
pour une durée bien précise et c'est pour une finalité bien précise. Mais,
lorsque les données sont gérées sans que le patient ne soit impliqué, il peut
arriver des moments où la structure de santé, l'organisme puisse prolonger la
durée d'utilisation de ces données ou puisse changer la finalité qui a été le
fondement du consentement exprimé par le patient. Mais, grâce à la technologie
de la chaîne de blocs, où le patient a la possibilité de tracer l'utilisation
de ses données, qui a accès à mes données, qu'est-ce qu'il fait de mes données,
ça permet quand même d'apporter une transformation qui serait bénéfique dans la
gestion de données de santé.
Mme Setlakwe : OK. Ça, ça va.
Dans le projet de loi, on cherche, avec des mots, là, tu sais, c'est ce que la
loi fait, à contrôler toutes ces situations-là, tous ces échanges-là puis à les
baliser. Mais là, dans ce que vous, vous évoquez, il me semble, à moins que je
ne comprenne pas bien, qu'on revient <souvent au patient...
Mme Setlakwe :
...
il me semble, à moins que je ne comprenne pas bien, qu'on revient >souvent
au patient. Je comprends le principe du «empowerment», puis que le patient
contrôle vraiment ses données, et puis qu'il y a tout un système qui est en
place pour... Puis j'ai été impressionnée, là, par... tu sais, automatiquement,
les adresses courriel sont transformées, et tout est crypté. En tout cas, c'est
très impressionnant. Mais vous avez quand même dit : On revient au patient
pour qu'il puisse, comme, je vais utiliser une expression simple, débloquer à
chaque fois, puis il me semble que c'est justement ce qu'on veut éviter. On l'entend
des différents intervenants, que ça ralentit, ça cause un frein, ça ajoute de
la paperasse, ça ajoute des délais, ça ajoute des formalités. Donc, j'essaie de
réconcilier ces deux notions-là.
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) : À mon avis, je pense que, dans cette logique, il y a toujours,
par exemple, des compromis à faire, soit pour garantir la sécurité de la donnée
ou soit pour faciliter la gestion de la donnée. Et comme les données de santé
sont quand même des données qui sont très sensibles, bien, ce sont des données
qui sont beaucoup plus vendues sur le Dark Web. Il y a toujours des attaques de
sécurité sur ces données. Je pense qu'on pourrait quand même privilégier la
sécurité au détriment de la rapidité...
Une voix : ...
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) : ...dans le traitement, oui, oui, des informations de
santé.
Mme Setlakwe : C'est sûr que
là, vous, vous apportez un point de vue, vraiment, en termes d'efficacité,
d'étanchéité, de... vous allez à fond dans la protection de la confidentialité
des renseignements personnels, puis c'est un volet hyperimportant de notre
étude, évidemment. Mais là nous, on entend aussi des chercheurs qui veulent
désespérément avoir accès à des données en grande quantité, qui ne sont pas
désuètes, et les avoir en temps opportun pour pouvoir remplir leurs missions
importantes, tu sais? Donc, on a tout ça. Mais comment... qu'est-ce que vous
répondez à ça, tu sais? Vous diriez quoi à un chercheur qui veut désespérément
avoir accès à des banques de données?
M. Gauthier (Jean-François) :
Je répondrais simplement, si vous me permettez, que le citoyen pourra autoriser
le partage de ses données pour des fins de recherche de façon très, très
simple, très, très facile. Et, une fois que ça va avoir été donné par le
patient, la donnée va circuler beaucoup plus simplement parce que, justement,
elle sera contrôlée par le patient, le OK aura été donné, puis là on va être
légitimé de pouvoir le partager. C'est pour ça, d'ailleurs, vous entendiez M.
Quirion, ce matin, qui vous disait que c'est probablement la technologie la
plus aidante pour être... faciliter le partage des données, c'est la chaîne de
blocs, à cause, justement, du fait que c'est le patient qui gère. Donc, c'est
beaucoup plus léger de faire ça que de se taper, actuellement, toute la
mécanique qu'il va falloir repenser, d'échanges entre chacun des
établissements, etc. Il y a toute une... Bonne chance, ça va être compliqué,
là.
Mme Setlakwe : ...la
mécanique, parlez-nous concrètement, là. La mécanique se déroule de quelle
façon avec le patient, là, pour assurer le consentement libre et éclairé puis
pour lui expliquer le mandat, disons, du chercheur puis ce à quoi sa donnée
serait... ce pour quoi sa donnée serait utilisée?
• (16 h 40) •
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) : ...je voulais placer un mot sur le délai qui peut être
considérable pour avoir le consentement d'un patient. Mais, dans la technologie
de la chaîne de blocs, ce n'est pas à chaque fois qu'on a besoin d'accéder aux
données de patients qu'il faut chaque fois recourir au patient. Parce qu'avec
cette technologie il est possible de définir, par exemple, des contrats
intelligents qui vont définir pour... Chaque personne va définir les conditions
d'accès à ses données médicales, et toute personne qui veut accéder à ces
données médicales doit se plier sur ces différentes conditions préalablement
définies au sein de la technologie. Donc, même en l'absence du patient, on peut
accéder à ses données de patients... à ses données de santé si et seulement si
l'organisme ou l'individu qui veut y accéder respecte les conditions qui ont
été fixées au niveau des contrats intelligents. Raison pour laquelle l'accès
pourra être automatisé, pas se baser sur des conditions qui doivent être
respectées avant d'accéder aux données de santé.
Mme Setlakwe : Je trouve ça
fascinant, donc ça m'amène à essayer de voir... Donc, vous dites que c'est
utilisé dans d'autres juridictions et... Tu sais, donnez-nous des...
Donnez-nous un compte rendu, là, du feedback, tu sais, des arguments pour
lesquels on devrait se pencher vers cette technologie-là parce qu'utilisée
ailleurs, elle a apporté tel, tel bienfait, tel résultat concret.
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) : Voilà. Donc, les applications, dans les autres
juridictions, de la chaîne de blocs ont apporté deux principals objectifs ou
deux principales finalités. La première finalité, c'est d'abord la remise de la
propriété de données aux mains des patients. Parce qu'avec la structure, le
principe de fonctionnement de cette technologie, il est possible qu'avec ces
clés, que ça peut être privé ou public, qu'il soit le <seul à détenir...
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) :
... il est possible qu'avec ces clés, que ça peut
être privé ou public, qu'il soit le >seul à détenir le moyen de
déchiffrer ces données. Donc, ça permet à ce que le patient recouvre la
propriété sur ses données de santé. Donc, ça, c'était le premier élément.
Le deuxième élément, c'était aussi
l'interconnexion des différents dossiers de santé électroniques. Parce que,
dans les juridictions où on a adopté la chaîne de blocs, il y avait de la
difficulté, pour un patient ou pour un personnel soignant, de retracer
l'historique médical d'un patient. Parce que, si le patient, peut-être, s'est
fait soigner dans un organisme A et que, pour un cas de maladie, il se retrouve
dans un organisme B, l'organisme B ne pourra pas accéder à l'historique de cet
individu dans l'organisme A. Mais, grâce aux contrats intelligents, il va être
maintenant plus facile pour que les organismes puissent communiquer entre eux. Ça,
c'est le...
Un autre aspect aussi, c'était lié aux
standards. Donc, la technologie que nous proposons permet de standardiser les
échanges d'informations entre les différentes structures de santé. Parce que,
la manière dont les dossiers de santé se présentent, actuellement, ces dossiers
sont basés sur des standards différents, raison pour laquelle il est difficile
d'interchanger les informations. Mais, grâce à la chaîne de blocs, il peut être
facile de définir des standards communs qui vont permettre à ce que le patient
ou le personnel médical puisse avoir accès à l'historique des soins d'un
patient, et là ça permet maintenant d'apporter l'efficacité dans la prise en
charge d'un patient dans un organisme de santé. Parce que, lorsqu'on a accès à
ces données de manière complète, on pourra apporter un diagnostic qui est
efficace et qui permet de... qui prend en compte l'historique médical de
l'individu.
Mme Bouchard (Charlaine) : En Estonie,
par exemple, 95 % des données produites par les hôpitaux, par les médecins,
ont été numérisés, et il y a plusieurs études qui démontrent que ça améliore la
rentabilité et la durabilité, l'efficacité, la transition vers une médecine
plus préventive. Et de façon générale, les études qui... où on étudie les
technologies de la chaîne de blocs et des registres distribués de façon
générale, en matière étatique, dont en matière de santé, ça démontre que ça
garantit l'intégrité et vraiment la sécurité des données des patients. Et ça,
c'est la littérature scientifique qui le dit et non moi personnellement.
Mme Setlakwe : Vraiment
fascinant. Donc, ça, c'est Estonie. Puis là vous avez parlé des États-Unis. Là,
on connaît le régime, aux États-Unis. Est-ce que c'est certains hôpitaux,
certaines compagnies ou c'est quelque chose qui commence à être assez répandu?
Juste nous donner un ordre de grandeur de l'implantation de cette
technologie-là dans les... au niveau des services de santé aux États-Unis.
M. Bazomanza Nzabandora
(Wilfried) : Aux États-Unis, c'est le centre... le CDC, donc Center of
Disease Control and Prevention, qui adopte cette technologie pour créer une
infrastructure commune de santé au niveau de la région. Comme ça, ça pourra
permettre à ce que plusieurs organismes de santé puissent échanger facilement
les données à travers cette infrastructure.
Mme Setlakwe : Parfait. Moi,
j'aurais une dernière question. Des fois, quand on est...
Le Président (M. Simard) : ...
Mme Setlakwe : ...oui, quand
on n'est pas expert du tout, on arrive avec des questions... pas qui sortent du
champ gauche, mais qui nous aident à comprendre, là. Est-ce que, simplement
énoncé, vous parlez... puis je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche,
on est en train de se priver d'une technologie optimale?
Le Président (M. Simard) : ...
Mme Bouchard (Charlaine) :
Tout
à fait, sans l'ombre d'un doute.
M. Gauthier (Jean-François) :
Tout à fait. C'est... moi, je pense...
Le Président (M. Simard) :
Très rapidement .
M. Gauthier (Jean-François) :
...si vous me permettez, juste...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Malheureusement, je dois vous couper ici. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Allez-y.
M. Gauthier (Jean-François) : Donc,
ce que j'allais dire, simplement, c'est qu'effectivement on a... on est en
train, devant d'autres, de prendre un certain retard parce qu'on se prive,
effectivement, des meilleures technologies. Mais, on va se le dire, c'est un
changement de paradigme majeur, là, ce dont on est en train de parler. Passer
d'une technologie... d'une confiance qu'on base sur, justement, les fameux
coffres-forts dans lesquels on stocke notre donnée, vers une décentralisation
de ces données-là complète, c'est un gros changement, ça, c'est certain. Par
contre, les avantages qui sont générés par la décentralisation des données... Parce
que, vous savez, vous en parliez tout à l'heure, puis on en parle depuis le
début, la chaîne de blocs est la seule technologie, à ce jour, le ministre le
disait tout à l'heure, qui garantit l'intégrité complète des données, qui n'a
jamais été hackée depuis sa fondation, ça n'est jamais arrivé. Il y a eu des
malversations qui ont été faites, parce que des individus ont fait des choses,
mais c'est l'humain qui est intervenu, la technologie elle-même n'a jamais été
hackée, parce qu'elle est distribuée sur des centaines, des milliers de
serveurs, et ça devient comme une <impossibilité...
M. Gauthier (Jean-François) :
...
des centaines, des milliers de serveurs, et ça devient comme une >impossibilité,
jusqu'au temps que l'ordinateur quantique débarque peut-être avec une solution,
là. Mais au niveau de la sécurisation des données, c'est à toute épreuve. Donc,
oui, en réponse à votre question, moi, je pense qu'on a une opportunité
historique de faire les choses autrement, maintenant, au Québec, puis d'innover
vraiment dans la gestion de nos données de santé. Ou bien on continue à le
faire comme on l'a toujours fait puis on fait des grands systèmes centraux de
protection, avec des coffres-forts, etc., hypersécurisés, là.
Une voix : ...
M. Marissal : C'est moi qui
posais les questions, là. Non, je vous en prie, juste pour qu'on sorte... Je
n'appellerais pas ça des questions champ gauche, mais je vais vous poser des
questions profanes. C'est une façon coquette de dire que je m'y connais assez
peu en blockchain, puis, de toute façon, je pense qu'on n'est pas rendus tout à
fait là non plus dans nos décisions qu'on va prendre ici, là. Mais je comprends
ce que vous dites, que c'est le nec plus ultra puis qu'on serait bêtes de s'en
priver, mais c'est probablement à l'étape subséquente.
Puis, de toute façon, dites-moi donc,
là... On nous a dit, par exemple... les archivistes médicaux, là, nous ont dit,
là, qu'on parle, en ce moment, de 500 à 700 systèmes différents, qui ne se
parlent pas. Je ne sais pas comment l'Estonie a fait ça, là, je ne suis jamais
allé en Estonie, là, puis je ne comprendrais pas plus le blockchain en Estonie
qu'ici, là, mais comment on réconcilie ça, là? Mettons qu'on en parle, puis ça
ne sera pas dans le projet de loi, là. Mais, par ailleurs, on fonctionne encore
avec des fax, dans le réseau de la santé, on a 500 à 700 systèmes qui ne
se parlent pas, comment on arrive, là, avec votre solution optimale?
Mme Bouchard (Charlaine) : C'est
sûr qu'on part de loin. Puis vous n'êtes pas le premier... Là, moi, je ne suis
pas informaticienne moi-même, je suis... je suis juriste, mais on travaille
dans des équipes multidisciplinaires, et c'est ce qu'on nous souligne.
Pour répondre à votre question concernant
l'Estonie, bien, il faut comprendre que... et c'est le consul de l'Estonie qui
est venu nous voir, nous raconter l'histoire, donc, le pays, après la guerre,
s'est retrouvé complètement démoli, et on a évidemment, là, reconstruit sur du
nouveau. Donc, ici, évidemment, c'est tout... ce serait tout un changement là,
mais il y a des choix, évidemment, qui doivent être faits. On est dans une
transformation numérique, donc on est, je pense, à une période critique et on
va devoir faire des choix et prendre des décisions. Parce que l'actif, la
donnée, et la donnée de santé en particulier, c'est un actif, évidemment,
stratégique, fondamental pour le patient, pour la sécurité des données. Moi, ça
m'apparaît extrêmement important. Donc, de toute façon, on va devoir investir
des sommes incroyables, donc je ne mettrai pas de chiffres, là.
M. Marissal : Ok. Il me reste
12 secondes, je vous remercie.
Le Président (M. Simard) : Alors.
Mme Bouchard, M. Gautier, M. Nzabandora, merci beaucoup pour votre
présentation, votre présence parmi nous. Et vous savez, vous étiez les derniers
intervenants dans le cadre de cette consultation publique portant sur le projet
de loi n° 3.
Alors, avant de conclure, deux petites
choses. J'aimerais bien sûr, d'abord, déposer les nombreux mémoires que nous
avons reçus. Je vous invite à les consulter, vraiment, il y en a plus d'une
vingtaine, de mémoires, qui ont été déposés par des groupes qui n'ont pas pu
les présenter. Puis j'aimerais également vous remercier pour votre précieuse
collaboration dans le cadre de ces consultations.
Alors, nous allons ajourner nos travaux,
et on se revoit demain sur un autre mandat...
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : Hein?
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : Non,
malheureusement, pas de sine die parce que nous poursuivons sur autre chose.
Comme vous le savez, la Commission des finances publiques est sans doute l'une
des plus occupées de toutes les commissions et, par chauvinisme, j'oserais
presque vous dire qu'elle est probablement l'une des plus importantes, mais
enfin c'est un autre débat.
(Fin de la séance à 16 h 50)