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(Dix heures dix-sept minutes)
La Présidente (Mme Bélanger): On peut commencer, M.
le ministre?
À l'ordre, s'il vous plaît!
Je déclare la séance ouverte. Nous sommes ici pour
procéder à l'étude des crédits budgétaires
du ministère de la Justice pour l'année financière
1988-1989. Avez-vous des remplacements, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Aucun remplacement.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, il y a
l'enveloppe de cinq heures prévue pour cette étude, qui se
répartit de 10 heures à 12 h 30 et, après les affaires
courantes, vers 15 h 30 jusqu'à 18 heures. Est-ce déjà
arrangé? Est-ce que vous étudiez crédit par crédit
ou programme par programme?
M. Filion: Étudier crédit par crédit, ce
serait long, mais programme par programme, grosso modo, avec l'entente
qu'à l'occasion des commentaires d'un côté ou de l'autre
peut s'ajouter un autre élément du programme.
M. Marx: Mme la Présidente, je suis très flexible.
Je laisse à l'Opposition le soin de choisir ses questions et ses
dossiers, le cas échéant.
M. Filion: Grosso modo, nous allons suivre les programmes, mais
il arrivera bien sûr que des questions se rapporteront à un autre
programme qui peut déverser.
La Présidente (Mme Bélanger): Je demande à
M. le ministre de faire ses remarques préliminaires.
Remarques préliminaires M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, Mme la Présidente. Vous voyez
qu'aujourd'hui nous avons changé un peu le système parce que
autrefois - cela fait au moins dix ans que j'assiste à l'étude
des crédits - il y avait tous les dirigeants d'organisme, tous les
sous-ministres et sous-ministres associés et ainsi de suite. Il y avait
toujours 30 ou 40 personnes qui accompagnaient le ministre. Nous avons
décidé de changer cela parce que les gens ont des choses à
faire dans leurs bureaux. Donc, je suis accompagné aujourd'hui seulement
par quelques personnes: à ma gauche, Jacques Chamberland, sous-ministre
en titre au ministère de la Justice; Jean Latulippe, conseiller
juridique au bureau du sous-ministre; Claude Lafrance, directeur du budget au
ministère et son adjoint,
Jean Gauvin et Carole Richard, attachée politique au cabinet du
ministre.
Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour procéder
à l'étude détaillée des crédits du
ministère de la Justice du Québec pour l'année 1988-1989.
J'ai l'intention de vous entretenir de l'évolution du budget et du
personnel du ministère et de vous indiquer les principales actions
législatives et administratives déjà entreprises ou
réalisées de même que celles à venir.
Les crédits du ministère de la Justice passent, en
1988-1989, de 358 830 400 $ à 393 691 800 $, ce qui représente
une augmentation de 9,7 % par rapport aux crédits de la dernière
année financière.
Cette augmentation se justifie principalement par les mouvements
budgétaires suivants: le coût des conventions collectives et les
ajustements des masses salariales, 21 000 000 $; le transfert des
crédits en provenance du ministère des Communications pour le
financement de certains comptes ministériels, 6 700 000 $; le transfert
de crédits en provenance du ministère de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu pour la mise en oeuvre d'un programme de
perception automatique des pensions alimentaires, 3 600 000 $; l'ajustement
pour faire face à une nouvelle responsabilité du Procureur
général d'intenter des plaintes pénales en vertu de la Loi
sur les relations du travail dans l'industrie de la construction du
Québec, 1 100 000 $; l'ajustement de l'enveloppe réservée
à l'aide juridique pour le paiement des avocats et notaires de la
pratique privée, 3 300 000 $; la reconnaissance par le gouvernement
d'activités prioritaires, dont le programme contre la violence
conjugale, 1 800 000 $, et les activités des bureaux d'enregistrement, 6
000 000 $.
L'effectif autorisé au 1er avril 1988 s'établit à
4327 personnes, soit une diminution nette de 36 postes par rapport au 1er avril
1987. Cette diminution de postes est due à la réduction de 2 %
des postes autorisés, ce qui représente 43 postes, et à
l'ajout de 7 postes en provenance de l'Office des ressources humaines.
J'aimerais maintenant vous entretenir des principales actions que nous
avons posées depuis l'an dernier et des dossiers en cours concernant
l'administration de la justice au Québec.
Vous savez que j'ai effectué une tournée de consultation
afin de faire le point sur les politiques et les services qui sont actuellement
offerts aux victimes d'actes criminels et pour recueillir les suggestions du
public et des milieux visés, afin d'améliorer le sort de ces
personnes.
À la suite de cette tournée, j'ai annoncé diverses
mesures. Par exemple, depuis octobre 1987, les victimes d'actes criminels du
district judiciaire de Montréal pourront remplir un questionnaire
intitulé "Déclaration de la victime."
Ce projet pilote vise à remplir trois objectifs:
reconnaître le droit de tous, victimes et accusés, devant la
justice; respecter le désir des victimes d'être entendues et
d'exprimer au tribunal, les conséquences vécues à la suite
d'un acte criminel; rendre justice à partir d'une connaissance
complète des éléments pertinents.
On sait que, dans bien des cas, les victimes, si elles ne sont pas
appelées à témoigner, ne peuvent pas faire valoir devant
le tribunal des préjudices moraux, physiques ou matériels
qu'elles ont subis avant le prononcé de la sentence par un juge. Par le
biais de la déclaration de la victime, ces personnes ont maintenant la
possibilité de s'exprimer.
Enfin, j'ai demandé de préparer un projet de loi pour
doter le Québec d'une politique globale d'aide aux victimes d'actes
criminels. Ce projet, que j'entends proposer pour adoption à
l'Assemblée nationale ce printemps, visera à assurer un meilleur
équilibre entre les droits des accusés et ceux des victimes,
à garantir à ces dernières un traitement équitable
ainsi qu'à favoriser leur collaboration avec les personnes
chargées de l'application de la loi.
Il propose aussi l'institution, au ministère de la Justice, d'un
bureau d'aide aux victimes d'actes criminels qui assurera la concertation et la
coordination des actions des intervenants qui dispensent des services d'aide
aux victimes. Ce bureau favorisera l'implantation et le maintien de centres
locaux d'aide aux victimes d'actes criminels par des groupes et organismes
communautaires.
Dans ce même ordre d'idées, je ne peux passer sous silence
le travail considérable réalisé en vue de venir en aide
aux victimes de violence conjugale. Vous savez que, depuis mars 1986, nous
avons une politique d'intervention énergique en matière de
violence conjugale. Dans cette politique, le rôle des policiers, des
substituts du Procureur général et des agents de probation, qui
ont à intervenir lorsqu'un cas de violence conjugale est porté
à leur connaissance, a été clairement défini et ils
sont beaucoup plus attentifs au phénomène de la violence
conjugale.
En effet, depuis son introduction, les policiers ne perçoivent
plus la violence conjugale comme une chicane de famille. Leurs interventions
les amènent à faire enquête et à recueillir tous les
éléments de preuve pertinents à une poursuite
éventuelle. Les substituts du Procureur général, de leur
côté, utilisent le processus judiciaire lorsqu'une infraction
criminelle a été commise. Ils doivent intenter des poursuites en
vertu du Code criminel et, dans les cas les plus graves, si la preuve le
permet, même lorsque la victime ne consent pas à porter plainte
contre son conjoint.
En ce qui concerne les agents de probation, ils peuvent être
appelés à apprécier l'admissibilité du contrevenant
à un programme de traitement pour conjoint violent. Dans le cadre de
cette évaluation, ces agents doivent non seulement tenir compte du
contrevenant, mais aussi de la victime.
Il faut bien comprendre que le caractère particulier de ce genre
de crime amenait, auparavant, une non-divulgation du crime de la part des
personnes qui en étaient victimes. Il s'agit, en effet, d'une situation
où la personne agressée vit avec son agresseur. À cette
violence, qui se traduit souvent par des voies de fait, viennent se greffer
d'autres facteurs, tels les enfants, l'amour, la dépendance
économique et ainsi de suite. Les différents intervenants
judiciaires doivent, malgré tout, faire en sorte d'assurer la protection
de la victime en tenant compte des facteurs que je viens
d'énumérer.
J'ai quelques données fort révélatrices à ce
sujet, qui démontrent que les crimes reliés à la violence
conjugale ne sont plus perçus comme des chicanes de famille,
contrairement à une époque très récente. Par
exemple, pour ce qui est des cas qui ont été signalés au
cours de l'année 1987 aux services de police municipaux, à la
Sûreté du Québec et à la police amérindienne,
on dénombre 6559 infractions. De ce nombre, plus de 60 % ont
été soumis aux substituts du Procureur général. Au
sujet des substituts du Procureur général, j'ai aussi quelques
données sur le nombre de dossiers ouverts pour les mois de septembre
à décembre 1987, c'est-à-dire quatre mois, qui m'indiquent
que 1662 dossiers de violence conjugale ont été traités.
De ce nombre, 1066 proviennent de la grande région de Montréal,
228 de la région de Québec et 358 des autres régions.
J'ai également pu constater, à la lumière des
renseignements qui m'ont été fournis, que le volume de dossiers
ayant trait à la violence conjugale a sans cesse augmenté depuis
l'introduction de la politique. En effet, pour le seul district de
Montréal, l'on remarque que le nombre de dossiers à traiter par
les substituts a quintuplé. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai
annoncé tout à l'heure une augmentation de 1 800 000 $ pour
procéder à l'embauche de substituts et du personnel de soutien
nécessaire.
La diffusion de politiques, la coordination entre les intervenants du
monde judiciaire et le traitement maintenant réservé aux plaintes
émises à la suite de ces crimes semblent avoir été
un incitatif important auprès des victimes à porter plainte.
De plus, je désire rappeler que, dans le but d'apporter un
soutien additionnel aux femmes qui sont aux prises avec des problèmes de
violence conjugale, j'ai mis sur pied une permanence
téléphonique. Ce service bilingue et gratuit, est en fonction
depuis le 1er décembre 1987 et est accessible 24 heures par jour, 7
jours par semaine, grâce à un numéro unique pour toutes les
régions du Québec.
J'ai obtenu quelques statistiques sur les appels reçus par SOS
Violence conjugale depuis le début de ses opérations. Je crois
que ces données sont éloquentes et démontrent bien que
ce service répond à un besoin.
Ainsi, durant le mois de décembre 1987, 479 appels ont
été reçus et, durant les mois de janvier, février
et mars 1988, 379, 557 et 1076 appels ont été respectivement
traités. C'est donc dire qu'en quatre mois seulement 2500 appels ont
été reçus par ce service. De ce nombre, 1372 appels ont
été faits par des personnes victimes de violence conjugale, 610
par des tierces personnes et 121 par des hommes agresseurs. Quelques appels ont
même été faits par des résidents de l'Ontario. (10 h
30)
Par toutes ces mesures, une prise de conscience du
phénomène de la violence conjugale est désormais
amorcée au sein de la population; j'irais même jusqu'à dire
un certain changement de mentalité. Je me suis attaqué aux
problèmes des victimes de violence conjugale, il y a deux ans seulement.
Ce dossier est et demeure prioritaire pour moi. De façon
générale, je ne prétends pas que le
phénomène de la violence conjugale a été ou sera
à jamais réprimé complètement, mais je suis
satisfait du travail qui a été fait dans ce domaine et soyez
assurés que j'ai l'intention de poursuivre avec autant d'efforts dans ce
dossier.
Par ailleurs, au chapitre des actions législatives, je veux vous
rappeler que nous avons instauré un système d'indexation
automatique des pensions alimentaires accordées par jugement. Ce nouveau
système s'applique depuis le 1er janvier dernier. En effet, depuis cette
date, toute pension alimentaire accordée par jugement ou qui le sera se
verra indexée au 1er janvier de chaque année suivant l'indice des
rentes établi en vertu de la Loi sur le régime des rentes. Ce
système s'applique automatiquement à moins que le tribunal n'en
ait ordonné autrement. Cette mesure vient en aide aux
Québécoises et aux Québécois en leur assurant le
maintien de la valeur réelle de leur pension aliementaire.
En ce qui concerne la réforme du droit, j'ai
déposé, en décembre 1986, un avant-projet de loi portant
réforme au Code civil du Québec du droit des sûretés
réelles et de la publicité des droits. Ce projet vise
essentiellement à moderniser et à simplifier les régimes
juridiques des privilèges, des hypothèques et de la
publicité des droits, notamment par une diminution du nombre de
privilèges, un regroupement des sûretés réelles sous
le concept d'hypothèque et la standardisation des recours ouverts aux
créanciers.
Ainsi, par les nouveaux principes développés par ce projet
de loi, un créancier hypothécaire ne pourra conserver que le
capital et les intérêts qui lui sont dus, à la suite d'une
reprise de possession, et non la totalité de la somme perçue
à la suite de la vente de la propriété.
Le chapitre de la publicité des droits revoit entièrement
toutes les techniques d'enregistrement des droits de façon à
assurer une meilleure publicité de ceux-ci et, en conséquence, de
meilleures garanties. Il est intéressant de noter qu'une disposition a
été introduite pour que soit créé un registre
central et informatisé des droits personnels et mobiliers.
Je vous rappelle qu'un autre projet de loi portant réforme au
Code civil en matière de droit des personnes, des successions et des
biens a, pour sa part, été sanctionné en avril 1987. Ce
projet se consacre à une série de droits, dont le droit à
l'intégrité de la personne, et propose de nombreuses
réformes parmi lesquelles je ne citerai que la réforme de
l'état civil, de la tutelle aux mineurs et des régimes de
protection des majeurs.
En regard des successions, il faut noter que ce projet accroît la
part du conjoint survivant à la moitié de la succession lorsqu'il
y a des descendants et qu'il s'agit d'une succession légale. Toujours en
matière successorale, l'héritier qui aura accepté la
succession ne sera jamais tenu de payer les dettes de celle-ci au-delà
de ce qu'il a effectivement reçu à la condition d'avoir
procédé à l'inventaire des biens.
Quant au livre sur les biens, le projet de loi innove à plusieurs
égards et révise en profondeur des institutions comme la
copropriété divise, l'emphytéose et les servitudes. Vous
savez également que, depuis décembre 1987, le nouveau chapitre de
cette réforme du Code civil du Québec a été
déposé. Il s'agit de l'avant-projet de loi sur les obligations,
qui est le coeur même du droit civil.
Cet avant-projet de loi traite des obligations en général
et aborde toutes les règles de formation, de validité et
d'exécution des contrats ainsi que les principes de la
responsabilité civile. Il comprend en outre la réglementation
d'une vingtaine de contrats, notamment les contrats de vente, de louage, de
travail, de société et d'assurance. Les organismes et les
personnes intéressés par ce projet auront d'ailleurs l'occasion
d'être entendus en commission parlementaire au mois d'août
1988.
Vous pouvez donc constater encore une fois que la révision du
Code civil est un dossier important pour le ministère de la Justice et
que son cheminement se déroule très bien. Nous entendons
déposer, d'ici quelques semaines, la dernière partie de cette
réforme, soit celle traitant de la preuve, de la prescription et de
droit international privé.
Par ailleurs, nous avons procédé à une
réforme de la procédure pénale, dont la révision
était en cours depuis plus de dix ans déjà. Cette loi
innove en introduisant le constat d'infraction et sert de fondement à
toutes les procédures pénales relatives aux lois et
règlements du Québec. Cette nouvelle procédure permet aux
justiciables d'être mieux informés en cas de poursuite et leur
donne la possibilité de transmettre leur plaidoyer par écrit
dès la réception de ce constat. Ainsi, de nombreux litiges seront
résolus sans que le défendeur et les témoins
n'aient besoin de se déplacer inutilement à la cour, ce
qui évitera une perte de temps et d'argent pour les contribuables.
Ce code offre plusieurs nouveaux recours aux justiciables afin de
garantir leurs droits et libertés. Ainsi, le projet de loi
précise, au chapitre de l'arrestation, dans quel cas un contrevenant
peut être arrêté et il indique expressément les
obligations de celui qui procède à l'arrestation. En
matière de perquisition, il expose les principes généraux
de délivrance et d'exécution d'un mandat de perquisition et
introduit le télémandat. De même, des mesures ont
été prises relativement à la garde, la rétention et
la disposition des choses saisies.
J'ajouterai que ce projet de loi se révèle
nécessaire pour réaliser la réforme des dispositions
pénales de nos lois. En effet, les principes et les règles qu'il
véhicule doivent servir de base à la mise à jour de toutes
les lois du Québec en matière pénale, que nous sommes
présentement à élaborer avec les ministères
concernés. Cette épuration de notre législation
constituera un autre pas important vers la garantie des droits et
libertés des justiciables du Québec.
Il est bien évident que les lois que je viens d'évoquer
constituent, si l'on veut, les pièces maltresses de l'action
législative du ministère de la Justice et que ces exemples
démontrent clairement l'importance du rôle que doit jouer ce
ministère. Par ailleurs, il va de soi que les réflexions sur
d'autres grands dossiers se poursuivent et m'amèneront à
déposer, au cours des prochains mois, d'autres modifications ou d'autres
réformes législatives d'une grande importance. J'aimerais vous
faire part de quelques-unes d'entre elles.
Au chapitre des tribunaux judiciaires, on connaît l'importance de
leur organisation sur les justiciables et sur l'efficacité de
l'administration de la justice. Dans cet esprit, j'ai voulu examiner d'une
façon particulière leur fonctionnement. Ce qui m'amènera
à proposer à l'Assemblée nationale, dès ce
printemps, une réforme visant l'unification de la Cour provinciale, de
la Cour des sessions de la paix et du Tribunal de la jeunesse en un seul
tribunal. Cette unification des tribunaux permettra d'améliorer
l'efficacité du système judiciaire et de favoriser une plus
grande accessibilité des justiciables aux tribunaux.
En ce qui concerne les tribunaux administratifs, comme je l'ai
déjà mentionné, un groupe de travail a été
formé et m'a remis son rapport il y a quelque temps. Ce rapport porte
notamment sur l'organisation comme telle des tribunaux administratifs, le
statut des membres de ces tribunaux et la procédure administrative. Il
suggère aussi la création d'une structure d'encadrement. Nous
examinons actuellement les recommandations de ce rapport et les commentaires
que j'ai obtenus à la suite de la consultation que j'ai effectuée
auprès de mes collègues.
Ce dossier est présentement à l'étude en vue du
dépôt d'un projet de loi pour la session d'au-tonme 1988.
En ce qui a trait aux cours municipales, vous savez que j'ai
formé en novembre dernier un groupe de travail afin de déterminer
les juridictions des cours municipales et de leurs juges, d'évaluer la
possibilité d'uniformiser ou d'harmoniser les règles applicables
devant ces cours et de faire des recommandations sur le statut des juges des
cours municipales ainsi que sur toute autre matière jugée
pertinente. Ce groupe de travail, composé des représentants des
divers milieux intéressés, doit me remettre son rapport en juin
prochain. Mon ministère procédera à l'examen des
recommandations et je proposerai des mesures pour y donner suite.
J'envisage aussi l'implantation d'un système de perception
automatique des pensions alimentaires pour favoriser une perception plus
efficace de ces pensions. Le percepteur serait non seulement chargé
d'agir en qualité de saisissant, comme c'est le cas actuellement, mais
également de percevoir tous les arrérages et versements à
échoir de la pension alimentaire. De plus, le débiteur du
jugement accordant une pension serait tenu de payer directement au percepteur
les arrérages ainsi que les versements à échoir de la
pension tant que le percepteur demeurera chargé de la perception de la
pension.
En plus des projets dont je viens de vous entretenir, plusieurs autres
font actuellement l'objet d'une attention particulière. J'entends
notamment me pencher sur les délais de prescription en matière
d'assurance-responsabilité professionnelle, sur l'abrogation de
certaines lois désuètes, sur la question de la preuve par
affidavit en matière matrimoniale, sur les lois sur les huissiers, sur
la curatelle publique ainsi que sur le courtage immobilier.
Je pourrais, bien sûr, poursuivre et vous fournir une fouie de
données sur les activités des ministères et des organismes
qui relèvent de ma juridiction. Cependant, vous avez déjà
en main des informations assez complètes sur nos activités et, au
cours des heures consacrées à l'examen des crédits du
ministère, il me fera plaisir de répondre à vos questions.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre. J'inviterais maintenant le porte-parole de l'Opposition à
faire des remarques préliminaires.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je
voudrais évidemment souhaiter la bienvenue au ministre de la Justice.
Cela fait près de deux ans et demi que nous travaillons ensemble. SI la
collaboration n'est pas évidente et prend parfois la forme de critiques,
le ministre aura compris, par ses agissements, qu'il
s'agit là de critiques positives visant à améliorer
la performance du ministère qu'il dirige. Évidemment, il en
dirige plusieurs, j'y reviendrai tantôt.
Je voudrais également profiter de l'occasion pour saluer la
nomination du sous-ministre en titre. Je crois que c'est la première
fois qu'il a l'occasion d'accompagner le ministre. Je voudrais également
souligner la présence des personnes qui accompagnent le ministre.
Les thèmes que nous aborderons aujourd'hui sont, bien sûr,
d'une importance capitale pour la société
québécoise. C'est avec un vif intérêt que
j'entrevois les prochaines heures que nous passerons ensemble.
Compte tenu justement de l'importance des thèmes, voire dans
certains cas de l'urgence de la situation, j'ose espérer que notre
discussion sera des plus fructueuses et constituera en même temps le
point de départ des changements d'attitudes et des changements
d'orientations qui s'imposent dans le secteur de la justice, à la suite
de presque deux ans et demi d'administration libérale. (10 h 45) il est
remarquable, Mme la Présidente, que, durant l'exposé du ministre
que j'ai écouté attentivement, pas un seul mot n'a porté
sur un outil de travail très important que nous a livré le
journal Le Devoir et la firme Créatec qui a
procédé, ce qui n'avait pas été fait depuis 1982,
et avant cela, ce qui n'avait pas été fait depuis la commission
Prévost, à un sondage de la perception par l'opinion publique de
la justice. Compte tenu que justice doit être rendue, doit paraître
avoir été rendue et être rendue, l'image de la justice fait
partie de la réalité de la justice. En ce sens, le silence du
ministre sur ce sondage, même s'il peut peut-être s'expliquer par
le fait que ce sondage nous révèle des données
extrêmement préoccupantes et inquiétantes, nous laisse,
quant à nous, songeurs. L'image de la justice est malade parce que, en
bonne partie, la justice elle-même est malade, et le ministre a
sûrement oublié la crise qui a secoué tout le monde
judiciaire depuis environ deux ans et demi. La priorité du ministre de
la Justice devrait donc être de s'attaquer à cette bien triste
réalité, à cette bien triste image, car toute
dégradation supplémentaire de la perception des citoyens face
à notre appareil judiciaire pourrait engendrer une crise de confiance
dramatique, il ne faut jamais oublier que l'appareil judiciaire est un des
fondements même de notre démocratie.
Le gouvernement libéral, au-delà de toute
considération partisane, devra s'attaquer de front et rapidement
à ce problème qui en est un de fond et de forme. Ce
problème doit désormais être considéré comme
une des priorités du gouvernement libéral. Pour ce faire, le
ministre lui-même et le gouvernement devront changer radicalement leur
attitude et l'actuel ministre de la Justice devra prendre les bouchées
doubles pour convaincre ses collègues de la nécessité
dé ce changement. Et immédiatement je vois le sourire du
ministre. Il me répondra: Vous savez, la perception de la justice, c'est
une chose et la justice en est une autre. Je lui ai dit tantôt que la
perception de la justice fait partie de la justice et, deuxièmement, il
aurait tort de croire que le reflet contenu dans l'enquête et les
études de Créatec est complètement dénué de
tout fondement. Le reflet que renvoie ce sondage correspond à une
réalité et, d'ailleurs, les experts qui se sont penchés
sur ce sondage ont été unanimes. Il y a un problème de
fond et un problème de forme.
Déjà, Mme la Présidente, en septembre 1987, je
dénonçais cette crise latente au sein de l'appareil judiciaire.
Dans les documents que j'avais remis lors d'une conférence de presse,
j'écrivais: "Le désintérêt, voire le mépris
dans certains cas, manifesté par le gouvernement de M. Bourassa à
l'égard de la fonction judiciaire a fait de celle-ci le parent pauvre de
l'État à comparer avec ses deux autres composantes, soit
l'exécutif et le législatif. Le manque de ressources humaines et
financières a engendré dans les palais de justice une absence de
motivation et une dégradation de l'image de la justice. Un gouvernement
qui ne considère pas son système judiciaire comme important et
crucial ne peut s'attendre à ce que, par la suite, les intervenants
eux-mêmes et les citoyens fassent autrement." En septembre 1987, donc
bien avant que l'étude de Créatec soit menée, je
sensibilisais à cette époque le ministre de la Justice, et le
sondage vient me donner raison.
Ce n'est pas un hasard, Mme la Présidente, si les juges
eux-mêmes - est-ce utile de le rappeler? - ont dû, l'an dernier,
procéder à des recours judiciaires contre le ministre de la
Justice lui-même, précédent jamais vu dans les annales du
monde entier. Les juges, à l'époque, ont dû même
utiliser un moyen de pression jamais vu, inégalé, soit la menace
de boycotter la cérémonie de la messe rouge. Les procureurs de la
couronne ont même employé des moyens de pression qui ont fait les
manchettes durant plusieurs mois. Les avocats de l'aide juridique ont dû,
eux-mêmes, recourir à sensibiliser l'opinion publique sur leurs
conditions de travail. Les notaires et avocats de la fonction publique ont
procédé de la même façon.
Il semble bien donc que nos propos aient été
confirmés par le récent sondage Créatec - Le Devoir.
En effet, les Montréalais ne croient plus que les tribunaux sont
au-dessus de tout soupçon. Ils doutent de la qualité de la
justice, de l'impartialité des juges, et un citoyen sur trois affirme
n'être pas certain d'être traité de façon juste et
égale devant un tribunal. Ces chiffres-là, pour l'information du
ministre, constituent une nette détérioration par rapport aux
enquêtes connues, soit celle, comme je le disais tantôt, de 1982 et
celle qui avait été menée à l'occasion de la
commission Prévost.
Par ce sondage, on apprend également que
57 % des gens interrogées soutiennent ne pas comprendre la
justice tellement elle est compliquée, que 48 % des gens croient qu'ils
seraient maltraités par l'appareil judiciaire s'ils étaient
victimes, que 68 % croient que les lois sont en retard sur la mentalité
des citoyens. D'ailleurs, comment peut-on s'en surprendre lorsqu'on constate
l'absence totale de visions d'avenir de l'ensemble du gouvernement
libéral?
Finalement, fait extrêmement grave, 77 % des Montréalais
estiment que la justice favorise les riches. Dort-on voir là l'impact de
la déclaration du ministre de la Justice de l'an dernier: La prison est
l'institution des pauvres? Le ministre de la Justice a eu l'occasion de
récidiver, je crois, à cette même commission des
institutions, Mme la Présidente, lorsqu'il a déclaré qu'il
y a deux sortes de justice: l'une pour les riches et l'autre pour les pauvres.
Comment se surprendre que 77 % des Montréalais estiment que la justice
favorise les riches? Une déclaration inacceptable de la part du plus
haut responsable de la justice, une déclaration de nature à jeter
le discrédit et le doute sur la qualité de l'appareil judiciaire.
Il ne faut pas se surprendre de recueillir l'écho des
déclarations du ministre dans te sondage mené par Créatec
- Le Devoir, et ce, sans compter la giffe inadmissible que constituait
à tout le service d'aide juridique la déclaration du ministre
lorsqu'il disait que la prison était l'institution des pauvres.
Bien sûr, il serait malhonnête de blâmer uniquement le
ministre de la Justice pour tous les résultats que nous livre le
sondage. L'appareil judiciaire fait face à certains
préjugés tenaces. Cependant, encore une fois, je mets en garde le
ministre contre l'erreur qui consisterait à ne voir dans ces chiffres
qu'un problème de forme et de perception. Il y a là un
problème de fond à la base.
Également, là où la responsabilité du
ministre est réelle, d'où le sens de ma conférence de
presse en septembre 1987, c'est l'existence d'une tendance troublante, selon
laquelle ceux qui ont eu affaire aux tribunaux font systématiquement
moins confiance à l'appareil judiciaire. Ainsi, la proportion de gens
qui disent n'être pas certains d'être bien traités passe de
29 % à 37 % lorsque ceux-ci ont déjà été
victimes d'un acte criminel. De même, 37 % des citoyens qui ont
déjà eu l'expérience des tribunaux ne sont pas certains
d'un juste traitement contre 30 % de ceux qui n'ont jamais eu cette
expérience. Cette bien triste réalité est l'image de la
justice. On la doit au leadership que n'a pas assumé l'actuel ministre
de la Justice au sein du Conseil des ministres, et ce, à plusieurs
chapitres. Premièrement, on la doit à l'incapacité du
ministre à contrecarrer la volonté du président du Conseil
du trésor de couper les montants d'argent octroyés à
l'appareil judiciaire. On se souviendra des houleuses négociations de
travail de 1987. Malgré que le ministre ait soutenu en paroles les
juges, les procureurs de la couronne, les avocats et avocates de l'aide
juridique, les avocats et notaires de la fonction publique, ceux-ci ont
dû se contenter d'ententes insatisfaisantes négociées
péniblement et minant ainsi leur motivation.
Seule l'injection de ressources humaines et financières
suffisantes s'impose et le ministre doit se redresser pour faire valoir la
cause de la justice auprès du Conseil du trésor et de ses
collègues. Qui plus est, alors que de l'avis de tous, les ressources
humaines sont insatisfaisantes au sein des palais de justice, des bureaux
d'enregistrement, voilà que le Conseil du trésor impose de
nouvelles coupures d'effectifs. Comme l'a souligné le ministre dans sa
présentation principale, 36 postes de moins au sein de l'appareil
judiciaire, alors que, de l'avis de tous les intervenants, il y a un manque
chronique d'effectifs pour assurer le soutien de la fonction judiciaire. 36
postes de moins!
Le ministre, encore une fois, a agi en opérateur aveugle d'une
commande insensée du Conseil du trésor qui, on le sait, a souvent
des visions déconnectées de la réalité. Si la
même situation se produisait dans les hôpitaux, Mme la
Présidente, la population hurlerait, mais, parce que cela se produit
dans le secteur judiciaire, qui est un secteur où les intervenants sont
très discrets, mesurés, pondérés, l'on se tait et
l'on assiste actuellement à une dégradation dans l'appareil
judiciaire qui prendra la forme, si le ministre ne la redresse pas, d'une crise
de confiance dramatique dans un des piliers de nos institutions
démocratiques.
S'ajoute au manque de ressources humaines et financières une
attitude généralisée du gouvernement qui mine la
crédibilité de la justice. Exemple, après avoir
décrié, pendant des années, le cumul des fonctions du
Solliciteur général et du ministre de la Justice, voilà
que le député de D'Arcy McGee occupe les deux fonctions. Les
conflits d'intérêts potentiels qui existaient avant 1985 existent
toujours malgré le fait que deux structures autonomes aient
été mises sur pied. C'est toujours un même et unique
individu qui doit trancher dans des situations potentiellement
conflictuelles.
Ainsi doit-on porter en appel un jugement impliquant un policier ou
encore doit-on déclencher une enquête lorsque le procureur
n'estime pas opportun de trancher. On peut également noter le peu
d'empressement de ce gouvernement de procéder à la réforme
des tribunaux administratifs et plus particulièrement au chapitre des
normes de nominations. Le ministre, dans sa proposition principale
tantôt, dans sa représentation principale, a parlé de
l'automne 1988. Mais, l'an dernier, il m'avait parlé du printemps
1988.
Durant tout ce temps, une bonne partie - on le sait - des citoyens est
affectée par le chaos qui règne dans le secteur des tribunaux
administratifs. Pendant tout ce temps, rien ne se fart. La déclaration
toute récente de l'ancien sous-ministre en titre du ministère de
la Justice
lui-même, devenu Protecteur du citoyen, devenu ombudsman, devrait
faire en sorte d'activer la volonté du ministre de la Justice quant
à la réforme des tribunaux administratifs. L'ombudsman donnait
quelques exemples. Neuf mois pour un handicapé avant d'obtenir
l'autorisation d'acheter une prothèse dans les démarches avec
l'Office des personnes handicapées du Québec. Deux à trois
ans de délai devant les tribunaux administratifs, alors qu'il s'agit
là de matières extrêmement vitales. Les tribunaux
administratifs ont été créés soi-disant pour
être plus rapides que les tribunaux ordinaires.
Pendant ce temps-là, la réforme est repoussée. Le
ministre déclarait en 1986, à peine quelques mois après
son assermentation, que l'heure est aux décisions. Nous sommes en 1988,
en avril 1988. Je vous dis, M. le ministre, que l'heure est passée en ce
qui concerne les décisions. Vous êtes sérieusement en
retard dans votre échéancier en ce qui concerne les tribunaux
administratifs.
Quant à nous de l'Opposition, nous sommes prêts à
discuter d'une reforme des tribunaux administratifs dès la session du
printemps. Ça urge. De milliers de citoyens ne connaissent l'appareil
judiciaire qu'à travers les tribunaux administratifs: Régie du
logement, commissions, etc. Ce ne sont pas tous les citoyens qui se
présentent devant les tribunaux ordinaires. Mais les tribunaux
administratifs affectent des citoyens souvent démunis. Est-ce que cela a
une once de bon sens qu'un citoyen doive attendre neuf mois pour obtenir une
autorisation de l'Office des personnes handicapées pour s'acheter une
prothèse? Cela n'a aucun sens, les délais que l'on rencontre dans
nos bureaux de comtés pour tous les accidentés du travail qui
vont en révision de leur cas ou à la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles. Cela n'a aucun sens. Ces
personnes sont déjà affectées par un problème
physique qui découle d'un accident du travail et, pendant ce
temps-là, elles doivent attendre des mois avant d'aller à la
révision, des années avant de voir la fin du dossier.
Pendant ce temps-là, le ministre, il y a deux ans, nous disait
que l'heure était aux décisions. Il vient au printemps 1988 en
commission parlementaire nous dire: Savez-vous, cela ne sera sûrement pas
avant l'automne 1988. C'est complètement inadmisible. (11 heures)
Par surcroît, le gouvernement, toujours au sujet des tribunaux
administratifs, cherche à raccourcir la durée des mandats,
accentuant ainsi la crise de confiance ou encore l'augmentation de l'octroi de
mandats à des avocats et notaires de la pratique privée, selon
des critères et normes inconnus. Durant les heures qui vont suivre, nous
allons interroger le ministre sur des mandats de six mois qui ont
été confiés à des membres des tribunaux
administratifs. On est loin de l'indépendance et de l'autonomie
lorsqu'on parle de mandats renouvelables de six mois. Ce sont là des
attitudes qui ne contribuent pas à améliorer la transparence de
la justice.
Le manque de leadership du ministre de la Justice s'est également
manifesté par son absence totale du débat constitutionnel.
Principal jurisconsulte du gouvernement, en vertu de nos lois, comment
expliquer que le jurisconsulte de la province, encore une fois, ait
été tenu à l'écart d'un débat aussi
fondamental? Comment expliquer qu'aucune opinion juridique valable sur le sens
de la clause de la société distincte n'ait été
émise par le ministère, de sorte que l'on nage toujours dans la
plus grande confusion? Aussi, comment peut-on se dire surpris des sentiments
des Montréalais à l'égard de la justice lorsque l'on
analyse l'attitude du Procureur général dans le dossier de la loi
101? Alors qu'il a l'obligation de voir au respect des lois votées
démocratiquement à l'Assemblée nationale, il refuse de
porter devant les tribunaux les dossiers qui lui sont transmis par la
Commission de protection de la langue française. Seulement 39 % des
dossiers transmis par la Commission de protection de la langue française
au Procureur général ont fait l'objet de poursuites devant les
tribunaux, alors que ce pourcentage, sous les dernières années du
gouvernement précédent, était de 72 %.
Par surcroît, à au moins deux reprises et même trois
selon la coupure de presse dont j'ai pris connaissance pendant mon absence,
à au moins trois reprises depuis six mois, dis-je, le ministre de la
Justice a déclaré que la loi 101 serait changée afin de
permettre l'affichage bilingue. La déclaration du ministre de la Justice
est irresponsable. Comment oublier que c'est l'Assemblée nationale qui
fait les lois? Comment oublier qu'une loi toujours en vigueur doit être
respectée et appliquée tant et aussi longtemps que le jugement
final d'un tribunal supérieur n'est pas rendu? La déclaration du
ministre de la Justice équivaut à inciter les citoyens à
la désobéissance civile. Il s'agit là d'une attitude
inacceptable pour un Procureur général.
Nous croyons sincèrement qu'il est plus qu'urgent que le ministre
de la Justice se prenne en main afin d'assumer le leadership que lui
confère son rôle. Il devra s'attaquer à réformer
l'image de la justice en convainquant le Conseil des ministres d'injecter de
nouvelles ressources au sein de l'appareil judiciaire. Il devra
également couper court aux prises de position contraires à
l'exercice de sa fonction. Il devra également donner suite à la
recommandation faite par l'Opposition et soutenue par plusieurs intervenants du
milieu judiciaire visant à mettre sur pied des états
généraux de la justice. Nous croyons qu'au-delà des
ressources humaines et financières, au-delà de la nomination
d'intervenants politiques et administratifs, un solide coup de barre s'impose
pour redonner aux intervenants et à la population confiance en leur
système de justice.
Cela peut prendre la forme d'états généraux
de la justice, convoqués par le ministre de la Justice qui leur
fournirait appui et soutien techniques par l'entremise de son ministère.
Un tel forum, en outre de constituer un tonus en soi pour un système qui
veut revenir à l'excellence et à une plus forte
crédibilité, permettrait l'échange d'idées et la
concrétisation de diverses solutions réelles et pratiques aux
problèmes vécus par l'administration de la justice au
Québec. Les juges, les policiers, les procureurs de la couronne, civils
ou criminels, les avocats de l'aide juridique, les avocats de pratique
privée, les agents de probation, les gardiens de prison, le personnel
administratif, toutes ces personnes aspirent à maintenir le
fonctionnement et la crédibilité de la justice à leur plus
haut niveau.
Maintenant, il appartient au gouvernement du Parti libéral du
Québec et au ministre de la Justice de sortir de leur
indifférence et d'agir maintenant. La mise sur pied de ces états
généraux constitue, certes, un pas en avant pour renverser la
tendance déplorable que, encore une fois, nous livrent les derniers
sondages et que j'avais déjà constatée en septembre
1987.
Donc, le ministre de la Justice, disais-je, doit se prendre en main afin
d'assumer le leadership que lui confère son rôle et doit
s'attaquer à réformer cette image de la justice. J'espère
donc que notre discussion d'aujourd'hui et que les quelques avenues de solution
qui pourront s'en dégager constitueront un nouveau départ pour le
ministre de la Justice.
Durant sa présentation, le ministre nous a entretenus de la
violence conjugale. J'ai déjà eu l'occasion de dire au ministre
que ce qui a été fait est bon, mais qu'il faut s'attaquer
plutôt à soutenir les 80 maisons de femmes au Québec qui
constituent des ressources de première ligne pour les clientèles
visées par les victimes d'actes criminels, les victimes de violence
conjugale, pardon. En ce qui concerne les victimes d'actes criminels, le
ministre nous annonce un projet de loi, nous l'étudierons.
Et, également, le ministre nous parle de la réforme du
Code civil ainsi que du Code de procédure pénale. Ces lois,
dois-je le mentionner au ministre, ne sont toujours pas en vigueur; il s'agit
là de belles réformes pour les professeurs d'universités
alors qu'il y a des choses à faire, concrètement et maintenant.
Par exemple, est-ce qu'il est concevable que les critères
d'admissibilité à l'aide juridique n'aient pas été
augmentés depuis si longtemps que même, dans certains cas, des
personnes qui reçoivent de l'aide sociale, ne sont pas admissibles
à l'aide juridique? Dans le secteur des tribunaux administratifs, j'ai
signalé au ministre l'urgence d'agir. Lorsqu'on traite également
de la loi 101, qui est un symbole important au Québec - 25 000
personnes, dimanche dernier, ont eu l'occasion, ont pris la peine d'envoyer le
message au ministre de la Justice et à l'ensemble du gouvernement
libéral - lorsqu'on parle de la loi 101, le ministre doit assumer ses
responsabilités.
Il y a des dossiers sur lesquels nous reviendrons, les journalistes, par
exemple, et la justice, sur lesquels il n'y a pas eu un traître mot de la
part du ministre de la Justice. La question de la violence faite aux
vieillards, dans notre société, sur laquelle le ministre de la
Justice attend peut-être que le problème devienne de plus en plus
aigu pour agir. Des petits problèmes qui touchent les citoyens: comme,
par exemple, le remorquage, notamment à Montréal, le remorquage
par des compagnies de touage, le remorquage illégal sur lequel un projet
de loi devrait être présenté par le ministre de la Justice.
Des choses concrètes qui affectent moins les professeurs des
facultés de droit, mais qui affectent plus les citoyens et qui seraient
de nature à redonner un début de crédibilité
à l'appareil judiciaire, alors que, depuis deux ans et demi, cette
crédibilité ne fait que se détériorer.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député de...
M. Herbert Marx (réplique)
M. Marx: Merci, M. le Président. Je comprends bien que le
député de Taillon n'avait pas le temps de préparer un vrai
discours et une vraie critique pour les crédits. Il est occupé
ailleurs, je comprends. Il a même manqué quelques semaines
à l'Assemblée nationale; on ne l'a pas vu. Mais au lieu de faire
une telle....
M. Filion: M. le Président, question de
règlement.
M. Marx: Mais il n'y a pas de question de règlement en
commission.
M. Filion: Question de règlement.
Le Président (M. Marcil): Oui, M. le député
de Taillon.
M. Filion: On sait que le ministre... M. Marx: Cela fait
mal, là.
M. Filion: ...a de la difficulté à suivre les lois
et de la difficulté à suivre notre règlement. Est-ce que
vous voudriez lui rappeler qu'en aucun cas le genre de commentaire qu'il fait
sur la présence ou l'absence d'un député en Chambre n'est
admissible? Et, au surplus, je signalerais au ministre de la Justice que, s'il
fait cas de mon absence en Chambre la semaine dernière, ce serait bon
qu'il soit informé des missions officielles de l'Assemblée
nationale auprès des autres gouvernements, notamment le gouvernement
français.
Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le
député de Taillon.
M. Marx: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Le message est passé. M.
le ministre.
M. Marx: Tout ce que je voulais dire, c'est que je n'ai pas eu
les échanges d'idées que j'aurais pu avoir avec le
député de Taillon depuis quelques semaines à
l'Assemblée nationale. Au lieu de faire une vraie étude et
d'apporter des suggestions, des recommandations, ce que le député
de Taillon a fait essentiellement, c'est de commenter un sondage qui n'aide pas
beaucoup le ministère, le ministre ou d'autres intervenants à
faire des changements qui pourraient s'imposer.
Le député parle de la justice au Québec comme si
c'était la pire au Canada, la pire en Amérique du Nord. Selon
lui, rien ne fonctionne. Pourtant, lorsque je vais aux conférences
fédérales-provinciales, tous les autres ministres copient le
Québec. Par exemple, le rapport Zuber en Ontario sur les services
judiciaires, vous allez voir cela, M. le Président, vous allez lire les
250 pages et vous allez voir que nous avons fait au Québec tout ce qui
est proposé dans le rapport Zuber, sauf l'unification des tribunaux
provinciaux que nous sommes en train de faire et de créer une Cour
suprême du Québec. Donc, tout ce qui ne fonctionne pas en Ontario
fonctionne bien au Québec.
Le Président (M. Marcil): Ce fut la raison de mon retard
ce matin, M. le ministre. J'étais justement en train de lire ce
rapport.
M. Marx: Parfait.
M. Filion: Est-ce qu'on peut passer au programme 1?
M. Marx: Non, je n'ai pas terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Marcil): Allez-y, M. le ministre.
M. Marx: Le député de Taillon a commenté le
sondage. Il va de soi que, si vous allez attendre les gens qui sortent du
palais de justice et qui ont plaidé une cause devant la Cour des petites
créances, il y a des gagnants et des perdants: 50 % des gens perdent et
50 % gagnent. Les 50 % qui ont perdu ne sont pas heureux, ils ne trouvent pas
que la justice leur a donné raison. C'est toujours comme cela. À
la "Cour en direct" ou aux autres émissions de cette nature, vous voyez
que les gens qui ont perdu ne sont pas heureux. C'est cela, la nature de la
justice. Dans les litiges devant la Cour des petites créances, il y a
des perdants et des gagnants, mais si on prend un autre dossier, comme la
violence conjugale ou les victimes, rien ne se fait au Québec depuis dix
ans, zéro, rien. Mais j'ai visité 16 villes
québécoises. J'ai parlé à tout le monde et tout le
monde est d'accord pour dire qu'on a fait beaucoup de progrès. Je n'ai
pas vu cela dans le sondage de Créatec, mais quand je me promène,
quand je vois les journaux, quand je parle aux femmes qui dirigent des maisons
d'hébergement, le regroupement, etc., tout le monde est d'accord pour
dire qu'on a fait du progrès.
Si vous me dites qu'on n'a pas fait assez de progrès, je suis
d'accord, ce ne sera jamais assez, mais est-ce que c'était mieux, M. le
député de Taillon, quand il n'y avait pas de politique sur la
violence conjugale? Quand il n'y avait pas d'intervention policière
énergique? Est-ce que c'était mieux quand on avait 40 procureurs
de la couronne de moins qu'aujourd'hui? Est-ce que c'était mieux quand
il n'y avait pas de ligne téléphonique? Est-ce que c'était
mieux quand on n'avait pas fait de campagne de publicité à 600
000 $? Est-ce que c'était mieux quand on avait seulement trois centres
pour aider les batteurs de femmes? Maintenant, on en a treize. Est-ce que
c'était mieux quand on avait moins d'argent qu'aujourd'hui? Cette
année, on va investir 2 800 000 $ de plus dans le dossier de la violence
conjugale au ministère de la Justice et au bureau du Solliciteur
général. Est-ce que c'était mieux quand on n'avait pas de
ressources?
Tout ce que je peux vous dire, c'est que je ne serai jamais satisfait,
même s'il reste une femme battue au Québec. Le
député a parlé de dossiers pitoyables. Ce n'est pas
sérieux du tout ce que le député a dit, M. le
Président. Depuis dix ans, pendant huit ou neuf ans, le Parti
québécois n'a rien fait dans le dossier de la justice. C'est bien
connu. Tout ce qu'ils ont déposé comme projets de loi, regardez,
vous allez voir cela, c'étaient des "bills omnibus" deux fois par
année. Ils ont déposé un grand projet de loi, la Loi sur
le coroner. Cela m'a pris douze conférences de presse pour convaincre le
ministre de faire quelque chose. Quand il a déposé la loi, elle a
été adoptée. Elle n'est pas entrée en vigueur parce
qu'ils n'ont pas fait l'étude des impacts financiers. Donc, le
coût a augmenté de 2 000 000 $ à 6 000 000 $. Cela a pris
un autre projet de loi pour réduire les coûts à 4 000 000 $
avant que la loi soit mise en vigueur. C'était cela, la grande
réalisation de mon prédécesseur. (11 h 15)
En ce qui concerne les procureurs de la couronne, quand j'ai
été nommé ministre de la Justice en décembre 1985,
il y avait 223 postes pour les substituts; maintenant nous avons 266 postes.
C'est une amélioration. Aussi, comme je viens de l'annoncer, nous aurons
1 800 000 $ de plus pour embaucher des procureurs de la couronne et du
personnel de soutien: Je pense que c'est une amélioration. Si je dis
qu'on a
augmenté le nombre de procureurs de 20 %, personne ne peut me
dire qu'on n'a pas fait de progrès et quand je dis qu'on va les
augmenter encore par des dizaines, c'est encore du progrès.
Le dossier des procureurs de la couronne n'a jamais été
réglé par l'ancien gouvernement. Celui-ci a traîné
avec le dossier des salaires des procureurs de la couronne d'une saison
à l'autre pendant des années. Comme on dit en bon
québécois, entre guillemets, ils ont "stâlé" dans ce
dossier. C'est pourquoi, quand je suis arrivé au ministère,
c'était nécessaire de le régler. En ce qui concerne les
juges, tout ce que le député de Taillon a dit n'est pas tout
à fait correct. Il oublie de dire que son ancien chef, Pierre Marc
Johnson, qui était alors ministre de la Justice, a été
hué par les juges lorsqu'il est allé leur parler lors de la
conférence des juges, en 1984, je crois. Moi, au moins, je peux vous
dire, que je n'ai jamais été hué par les juges.
M. Filion: il y a eu des procédures judiciaires. On vous a
poursuivi.
M. Marx: M. le Président, voulez-vous rappeler le
député de Taillon à l'ordre? Il a oublié les
règles depuis son absence de l'Assemblée nationale. M. Johnson a
été hué. Moi, j'ai été applaudi. Savez-vous
pourquoi, M. le Président? C'est parce que les juges de nomination
provinciale sont les mieux rémunérés au Canada, et pas
seulement dans l'Est du Canada. Ils ont eu une augmentation d'à peu
près 15 000 $. Ils sont les mieux payés au Canada. Si on parie de
l'unification des tribunaux, mon prédécesseur, M. Bédard,
que j'estime beaucoup, a malheureusement annoncé l'unification des
tribunaux pendant huit ans. Voulez-vous que je vous montre les discours que M.
Bédard a faits? Tous les trois mois, il a fait le même discours
sur l'unification. Il a même publié une série de trois
articles dans Le Devoir sur l'unification. Il n'a pas cessé de parler de
cela. Qu'est-ce qu'il a fait? Absolument rien. Il nous revient de la faire
à cette session. Donc, je comprends qu'on puisse tout critiquer à
tort et à travers comme le député de Taillon. Je pense que
le critique en matière de justice doit être au-dessus de la
partisanerie politique. Il faut qu'il soit neutre et au-dessus de la
mêlée, ce qu'il n'est pas. Si quelqu'un a écouté le
député, je ne sais pas si quelqu'un l'a écouté,
même dans ses commentaires sur les sondages, il a oublié de dire
que 74 % des Québécois sont heureux du travail de l'aide
juridique. Pourquoi n'a-t-il pas dit cela? Pourquoi n'a-t-il pas dit que...
M. Filion: Vous...
M. Marx: Vous l'avez dit? Peut-être que vous l'avez
chuchoté.
M. Filion: Vous avez dit que la justice, c'était
l'institution des pauvres. J'ai dit que ce n'était pas correct pour
l'aide juridique parce que les citoyens...
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez, M. le
député de Taillon, on va écouter.
M. Marx: Sur certains faits, il a chuchoté; sur d'autres,
il a crié.
En ce qui concerne les substituts des procureurs de la couronne, il a
oublié de dire que la population est très satisfaite du travail
des substituts. Finalement, en terminant, malheureusement, le
député de Taillon a oublié de me féliciter pour mes
bons coups de cette année. De temps en temps, il va me le dire en
privé, mais jamais en public. Je pense que c'est cela, la. politique
partisane. Je crois que le député est à son meilleur quand
il est au-dessus de la mêlée, quand il est en commission
parlementaire et qu'il fait la critique, comment dirais-je, positive des
projets de loi que nous déposons. Le député de Taillon est
un excellent avocat. On l'apprécie beaucoup comme critique, mais
seulement quand il est au-dessus de la mêlée, non quand il parle
de façon partisane. Ce n'est pas faire avancer nos dossiers au
ministère de la Justice.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre.
Compte tenu que les remarques préliminaires ont été faites
de part et d'autre, nous allons procéder immédiatement en
appelant le programme 1, Formulation de jugements. M. le député
de Taillon.
M. Filion: M. le Président, je voudrais signaler au
ministre de la Justice que, de tout temps, lorsqu'un litige entre deux
personnes morales ou physiques n'est pas réglé, il est rare qu'un
jugement fasse l'affaire des deux parties. Cela existait autant lorsque la
commission Prévost a fait son étude qu'en 1982. Et, si l'image de
la justice se détériore, le ministre de la Justice peut bien se
fermer les yeux et tenter de se cacher la réalité, mais il s'agit
là d'une dégradation que constatent à la fois les chiffres
et les intervenants du milieu judiciaire, à tel point qu'on peut se
demander dans quelle sorte de tour d'ivoire vit le ministre de la Justice s'il
ignore la récrimination des intervenants judiciaires.
En ce qui concerne la dernière partie de son propos, je
l'inviterais à faire preuve de moins de partisanerie politique lorsque
vient le temps d'appliquer les lois du Québec, notamment la loi 101 et
lorsqu'il fait des déclarations pour aviser la population que
l'affichage deviendra bilingue, ce qu'il a fait à trois reprises dans
les derniers six mois. À ce moment-là, c'est le rôle du
ministre de la Justice, du Procureur général, en vertu de la loi
qui a constitué son ministère, en vertu du serment
d'assermentation qu'il a prêté, d'appliquer et de faire respecter
les lois. Et lorsque le ministre de la Justice fait des déclarations
à son électorat ou à quelque élec-
torat que ce soit, disant que le gouvernement ira de l'avant en ce qui
concerne sa promesse inconsidérée et irréfléchie de
modifier le visage français de Montréal, ce qui est
déjà, malheureusement, dans les faits...
M. Marx: Tout ce que...
Le Président (M. Marcil): M. le
député...
M. Filion: M. le Président, vous n'avez pas
interrompu...
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Taillon.
M. Filion:... le ministre.
Le Président (M. Marcil): Je regrette, M. le
député de Taillon. Étant donné qu'il y a un
président à cette commission, je vous demanderais de le respecter
lorsqu'il intervient. Merci beaucoup.
M. Marx: Est-ce que je peux répondre à ses
faussetés...
Le Président (M. Marcil): Non, une seconde, M. le
ministre.
M. Marx:... parce qu'il m'a attaqué personnellement?
Le Président (M. Marcil): M. le ministre, je vous demande
une seconde, s'il vous plaît, tout simplement pour vous mentionner que
j'ai appelé le programme 1. Donc, les remarques préliminaires
sont terminées et je voudrais éviter qu'on tienne des propos qui
amèneraient des débats. Allez-y, M. le député de
Taillon.
Formulation de jugements
M. Filion: M. le Président, vous étiez absent, au
début de cette commission, lorsque nous nous sommes entendus pour
discuter entre nous avec souplesse et non pas... Parfois, un programme en
appelle un autre. Dans ce cas-ci, le programme 1 concerne la justice en
général, et nous sommes en train de parler de la justice.
Tantôt, le ministre a tenu des propos irréfléchis que je
relève maintenant et qui font tout à fait partie du cadre de
discussion de l'étude des crédits. Maintenant, pour votre
information, j'allais terminer...
Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le
député de Taillon.
Poursuites en vertu de la loi 101
M. Filion:... mais vous me permettrez de dire que le premier
devoir du ministre de la Justice est d'appliquer et de faire respecter les
lois, toutes lois, même celles avec lesquelles, personnellement, ii peut
ne pas être d'accord et qu'il ne peut pas, par ses déclarations,
par ses agissements, faire en sorte que les lois du Québec ne soient pas
respectées, comme c'est le cas actuellement en ce qui concerne la toi
101.
M. Marx: M. le Président, j'aimerais avoir le consentement
des députés pour répondre à cette intervention.
M. Filion: Oui, oui, cela va.
M. Marx: J'ai ce consentement? M. le Président, il faut
comprendre que j'applique et que j'administre des lois, et que je poursuis en
vertu de lois contre lesquelles j'ai voté quand j'étais
député. Il est arrivé que, quand j'étais
député, j'ai voté contre certaines lois que j'ai la
responsabilité de faire respecter, et je le fais. J'ai toujours dit: La
loi est la loi et le Procureur général n'a pas d'autre choix que
de faire respecter les lois. Je pense que j'ai fait cela depuis deux ans et
demi que je suis en fonction. Mais en tant que député, en tant
que ministre, j'ai le droit de proposer des réformes pour n'importe
quelle loi. J'ai le droit, en tant que député, de dire: Mon parti
a tel et tel programme. Mais de là à me dire que je n'applique
pas les lois, que je n'ai pas... Cela n'a pas de bon sens, M. le
Président. C'est tellement partisan, cela n'a pas de bon sens. C'est
comme dire: Le Procureur général de telle ou telle province
était contre l'avortement ou pour l'avortement et c'est pourquoi if a
poursuivi ou il n'a pas poursuivi quelqu'un. Mes positions politiques n'ont
rien à voir avec mes agissements comme Procureur
général.
En fait, M. le Président, le Procureur général
n'intervient pas dans chaque dossier, vous comprenez. Il y a des centaines de
substituts du procureur qui s'occupent de ces causes. Je trouve que le
député fait de la politique assez "cheap" quand il dit que le
Procureur général a émis telle ou telle opinion comme
ministre et que, donc, il n'applique pas la loi. C'est "cheap", cela n'a pas de
bon sens. Ce n'est pas la vérité. Si le député veut
essayer de faire la manchette avec une telle déclaration - il a
déjà essayé de le faire à maintes reprises, cela
n'a pas marché - je ne pense pas que cela marchera aujourd'hui.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre, j'aimerais tout
simplement vous mentionner que le mot "cheap", nous l'avons enregistré
comme un mot antiparlementaire. Donc...
M. Marx: Ah! c'est un mot antiparlementaire, dans les deux
langues, M. le Président?
Le Président (M. Marcil): Oui, dans les deux langues.
M. Marx: Parce que cela a un autre sens en français qu'en
anglais.
Le Président (M. Marcil): Sûrement.
M. Filion: Un moment, je vérifie notre
règlement.
M. Marx: Je retire le mot "cheap", M. le Président.
M. Filion: M. le Président, je dois vous dire...
M. Marx: Je me suis trompé parce que j'ai pensé
l'utiliser dans la langue...
Le Président (M. Marcil): Lors d'une commission
parlementaire, vous l'avez utilisé. Je vous avais demandé de le
retirer.
M. Marx: Je retire le mot, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre.
Maintenant, M. le député de Taillon.
M. Filion: Une question au ministre de la Justice. Comment
explique-t-il le fait que, depuis son assermentation ou son entrée en
fonction au ministère de la Justice, le ministère de la Justice
n'a poursuivi que dans 39 % des cas soumis par la Commission de protection de
la langue française, alors que, sous les trois années du
gouvernement précédent, il y a eu un taux de poursuite de 72 %
des dossiers soumis par la Commission de protection de la langue
française et alors que tout cela a lieu à un moment où le
nombre d'infractions à la loi 101 et le nombre de demandes
d'enquêtes concernant la loi 101 n'ont jamais été aussi
élevés? Est-ce que le ministre de la Justice peut m'expliquer
pourquoi dans seulement 39 % des cas il y a eu des poursuites en vertu des
articles 58 et 69 de la Charte de la langue française?
M. Marx: M. le Président, premièrement, j'aimerais
donner des chiffres aux membres de la commission.
Le Président (M. Marcil): Allez, M. le ministre.
M. Marx: Je donne l'année, les dossiers reçus, les
dossiers refusés et les dossiers transmis aux tribunaux.
En 1978: dossiers reçus: 3; dossiers refusés: 2; dossiers
transmis aux tribunaux: 1.
En 1979: dossiers reçus: 1; dossiers refusés: 1; pas de
poursuite.
En 1979, Zellers affichait bilingue...
M. Filion: Vous êtes au courant de la loi, vous savez qu'il
y avait un délai pour rendre les affiches conformes à la loi.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): Oui, M. le ministre.
M. Marx: il n'y a pas eu de poursuite de Zellers par mes
prédécesseurs.
M. Filion: il y avait un délai prévu à la
loi.
M. Marx: Ils n'ont pas poursuivi. Le délai était
expiré en 1986-1987. Ils n'ont pas poursuivi.
En 1980: dossiers reçus: 4; dossiers refusés: 1; dossiers
transmis aux tribunaux: 3.
En 1981: dossiers reçus: 5; dossiers refusés: 3; dossiers
transmis aux tribunaux: 2.
En 1982: dossiers reçus: 2; dossiers refusés: 1; dossiers
transmis aux tribunaux: 1.
Vous voyez pourquoi la moyenne est bonne. Ils ont eu une poignée
de dossiers.
En 1983: dossiers reçus: 32; dossiers refusés: 8; dossiers
transmis aux tribunaux: 24.
En 1984: dossiers reçus: 79; dossiers refusés: 15;
dossiers transmis aux tribunaux: 64.
En 1985: dossiers reçus: 175; dossiers refusés: 68;
dossiers transmis aux tribunaux: 107.
C'est avant mon arrivée au pouvoir, M. le Président.
M. Filion: Cela donne 61 %.
M. Marx: Je n'étais pas là.
En 1986: dossiers reçus: 186; dossiers refusés: 104;
dossiers à l'étude: 9; dossiers transmis aux tribunaux: 73.
En 1987: dossiers reçus: 84; dossiers refusés: 4; dossiers
à l'étude: 42; dossiers transmis aux tribunaux: 38.
En 1988, nous sommes en train de vérifier les quinze dossiers.
Jusqu'aux dernières nouvelles, nous avons reçu 15 dossiers.
On remarquera à la lecture des statistiques qu'un nombre
important de dossiers ont été refusés parce qu'ils ne
contenaient pas les éléments nécessaires pour obtenir une
condamnation pénale. Pour corriger cette situation, les responsables de
la Direction des affaires pénales ont rencontré les
autorités de la commission pour apporter les correctifs
nécessaires. Vous vous souvenez, M. le Président, des discussions
sur la place publique entre mon ancien sous-ministre à la Justice qui a
été là pendant sept ans et le président de la
Commission de protection de la langue française. Il y avait discussion
publique parce que le sous-ministre n'était pas satisfait du dossier qui
avait été envoyé au ministère de la Justice,
c'est-à-dire que, s'il s'agit d'une poursuite pénale, il faut
avoir un minimum de preuve avant d'intenter une action. (11 h 30)
Mais je peux vous assurer, M. le Président, que, comme je l'ai
dit à maintes reprises et même à l'Assemblée
nationale lors de la période
de questions: La loi est la loi; on applique la loi, peu importe que ce
soit cette loi ou une autre loi, etc. Je ne vois pas de problème comme
cela, mais je comprends que le député de Taillon prend plus au
sérieux son dossier linguistique que son dossier de la justice. Si cela
doit faire avancer son dossier linguistique, il le fait, même si cela
doit nuire à la justice. C'est pour cela qu'il serait dangereux...
M. Filion: Ouf!
M. Marx: ...d'avoir une tel député comme ministre
parce que cela ne serait pas appliqué également, étant
donné ses discours ici et la sur cette question.
M. Filion: Je vois, M. le Président, que le ministre de la
Justice se livre - ce n'est pas la première fois - à des attaques
vulgaires à l'endroit de celui qui vous parle. Mais j'ai
déjà décidé il y a longtemps de ne pas relever le
gant, les règles parlementaires m'empêchant d'utiliser le
vocabulaire qui me vient à l'esprit.
Je voudrais que le ministre de la Justice m'explique, s'il est en mesure
de le faire, comment il se fait que, alors que le nombre d'infractions à
la loi 101 augmente, alors que le nombre de demandes d'enquêtes augmente
à la Commission de protection de la langue française, je voudrais
que le Procureur général m'explique pourquoi ou quelles sont les
raisons qui font en sorte qu'il y a si peu de dossiers transmis par la
Commission de protection de la langue française, à son avis,
selon les informations qu'il possède. Je prends bonne note qu'il ne nous
a pas fourni de réponse à la statistique que nous lui avons
donnée. Au contraire, à partir des mêmes chiffres que nous
avions en main en ce qui concerne le nombre de dossiers qui font l'objet de
poursuites par rapport à ceux qui sont arrivés sur son bureau,
c'est 39 % en 1986, 1987 et 1988; et, en ce qui concerne 1983, 1984 et 1985,
c'est 72 %. Mais revenons donc à ma question principale. De l'avis du
ministre de la Justice, qu'est-ce qui fait qu'il y a eu une baisse du nombre de
dossiers transmis par la Commission de protection de la langue
française?
M. Marx: M. le Président, nous avons une Direction des
affaires criminelles et pénales qui reçoit des dossiers en vertu
de toutes les lois. C'est-à-dire qu'il y a des centaines de dossiers qui
entrent chaque jour, des dossiers qui concernent les poursuites relatives
à toutes nos lois, et ils sont traités par cette direction.
M. le Président, la question que le député me pose
ne relève pas de mon ministère. Peut-être qu'il s'est
trompé de dossier aujourd'hui, mais qu'il garde sa question et qu'il la
pose au ministre responsable. Je ne peux pas vous dire pourquoi le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche nous envoie tant
de dossiers, pourquoi le ministère des Affaires culturelles nous envoie
tel nombre de dossiers, que tel organisme nous envoie trois dossiers au lieu de
quinze, etc. Je n'ai pas cette information. J'ai seulement l'information en ce
qui concerne les dossiers qui sont transmis au ministère de la Justice.
Comme vous le savez, M. le Président, je n'ai rien à cacher. J'ai
donné toutes les statistiques que nous avons au ministère pour ce
dossier comme pour tout autre dossier.
M. Filion: Pourquoi le Procureur général ne
s'est-il pas informé de la diminution du nombre de dossiers transmis par
la Commission de protection de la langue française? Est-ce que le
Procureur général ou son ministère n'a pas jugé bon
de s'enquérir des raisons qui font en sorte que le nombre de dossiers
transmis pour une poursuite devant les tribunaux en vertu de la loi 101 a
diminué, alors que, manifestement, celui qui vous parle, comme 25 000
personnes d'ailleurs dimanche, constate que le nombre d'infractions augmente au
Québec et qu'il existe une nette détérioration de la
langue française au Québec? Pourquoi le Procureur
général n'a-t-il pas vérifié ou ne s'est-il pas
enquis des raisons de la diminution du nombre de dossiers?
M. Marx: M. le Président, je ne me promène pas
partout au Québec pour demander aux gens pourquoi ils ont volé ou
pourquoi ils n'ont pas volé. Je ne demande pas aux gens pourquoi ils ont
fraudé ou pourquoi ils n'ont pas fraudé. Le député
de Taillon a le temps de faire de telles enquêtes, de se promener et de
demander aux gens s'ils font telle ou telle chose. Moi, je ne le fais pas. Je
ne suis pas le député de Taillon. Je n'agis pas comme
député. Je suis le Procureur général. Donc, en
vertu des lois, on reçoit des plaintes, des dossiers et on fait une
évaluation des dossiers. Si la preuve nécessaire est là,
on poursuit normalement.
M. Filion: Je voudrais revenir sur le statut du ministre de la
Justice, du Procureur général, chargé de l'application des
lois. Le ministre de la Justice, à trois reprises depuis six mois,
à ma connaissance, a déclaré que le gouvernement irait de
l'avant avec l'affichage bilingue à Montréal. Est-ce que le
Procureur général peut m'expliquer comment il conçoit la
compatibilité de ces déclarations avec le fait qu'il soit
chargé de l'application des lois? Est-ce que, plus
précisément, le Procureur général ne
considère pas que sa fonction de jurisconsulte lui confère un
devoir de neutralité, qui fait en sorte que son opinion personnelle ne
doit pas primer son devoir d'application des lois? Plus
précisément, très directement, le ministre de la Justice,
dimanche soir, a fait une déclaration qui est reproduite dans la
Gazette selon laquelle le gouvernement irait de l'avant avec l'affichage
bilingue et la Commission de protection de la langue française, le lundi
matin, doit aller voir les personnes, les marchands ou les commerçants
concernés par une
affiche qui serait illégale.
Comment le Procureur général peut-il concevoir que ses
déclarations sont compatibles avec sa fonction, alors que nettement ses
déclarations empêchent la Commission de protection de la langue
française de convaincre les récalcitrants, les délinquants
à la loi 101? Ces personnes, ces commerçants, ces marchands
lisent les journaux. Lorsqu'ils lisent que le ministre de la Justice favorise
l'affichage bilingue, il est tout à fait clair que ces
commerçants ont l'impression que l'affichage bilingue, s'il n'est pas
permis actuellement au Québec, le sera incessamment. Donc, ils
n'entreprendront pas le type de démarche, le type d'investissement
financier que demande une correction à leurs affiches ou à leurs
pancartes.
Est-ce que le Procureur général ignore que ses
déclarations - en deux mots - ont un impact sur la
société, sur les gens qui l'écoutent? Est-ce qu'il ignore
son strict devoir de neutralité qu'ont suivi tous ses
prédécesseurs à ce poste-là et est-ce qu'il ne
considère pas qu'il devrait cesser, pour le moins, ou même
rétracter ces déclarations ou les garder lorsqu'une politique
sera mise de l'avant par son gouvernement, ce qui n'est toujours pas le
cas?
M. Marx: Je n'ai jamais entendu une question aussi hors d'ordre
que celle-ci, M. le Président, jamais à l'Assemblée
nationale, parce que le député démontre qu'il ne
connaît pas les règles du jeu. Qu'il fasse l'étude de son
dossier sur le fond.
Dans notre système, nous avons un ministre de la Justice qui
administre, qui recommande la nomination des juges, qui a la
responsabilité des services judiciaires, qui a la responsabilité
des poursuites, qui a toutes sortes de responsabilités, un ministre de
la Justice qui est également responsable de la protection du
consommateur et ainsi de suite. Il a de multiples responsabilités. C'est
dans notre système, ici, au Canada. Dans d'autres juridictions, en
Australie, cela peut être différent où il y a un Procureur
général dans certains États qui ne s'occupent que des
poursuites et il ne fait pas autre chose. Ici, c'est différent. J'ai
déjà été attaqué par d'autres personnes en
ce qui concerne des poursuites. Déjà, des gens m'ont
accusé devant les tribunaux de ne pas avoir poursuivi certains
médecins d'avoir pratiqué des avortements illégaux. C'est
allé à la Cour supérieure où le juge a
décidé que je n'avais pas raison d'arrêter certaines
poursuites; cela a été cassé en Cour d'appel et la Cour
suprême a refusé d'entendre l'appel. Donc, même si j'ai fait
certaines déclarations en ce qui concerne l'avortement à la
télévision, au "Point" et ailleurs, la Cour d'appel et la Cour
suprême ont décidé que j'ai agi de façon neutre,
sans tenir compte des opinions personnelles que je pourrais avoir.
Il en est de même dans d'autres dossiers. Prenons le dossier de la
fermeture des magasins le dimanche. Si vous allez regarder les débats de
l'Assemblée nationale des années 1981-1982, vous allez voir que
je me suis déjà prononcé en faveur de l'ouverture le
dimanche. Parce que j'ai dit cela en 1982, cela ne veut pas dire qu'en 1988 on
ne poursuit pas les magasins ouverts le dimanche. C'est tout à fait
différent.
Je peux vous donner d'autres exemples, M. le Président. J'ai
déjà gagné une cause en Cour d'appel en tant qu'avocat,
mais le Procureur général qui m'a précédé en
a appelé à la Cour suprême du Canada de cette cause. La
cause était plaidée par les substituts du Procureur
général et la Cour suprême va décider un jour. Tout
ce que cela veut dire, c'est que le Procureur général est bien
sûr une personne, mais il est aussi une institution. C'est comme
lorsqu'on parle de la reine; c'est une personne, mais c'est aussi une
institution. Je pense qu'il faut voir aussi le Procureur général
comme une institution.
En ce qui concerne l'affichage, je pense que j'ai le droit de
répéter ce qu'est le programme du Parti libéral du
Québec dont je suis membre, comme le premier ministre
répète ce qu'est le programme du Parti libéral, comme il
l'a fait en Chambre. Quand le premier ministre répète quel est le
programme du Parti libéral, cela ne veut pas dire qu'il dit aux gens:
Vous ne devez pas respecter la loi actuelle. C'est - comment dirais-je? - une
façon de déformer complètement notre système. En
tant que ministre, je peux avoir des opinions, mais en tant que Procureur
général, je dois faire appliquer les lois, et c'est ce que je
fais. C'est partout comme cela au Canada. Il y a des ministres dans d'autres
juridictions qui sont pour l'avortement, mais qui ont poursuivi des
médecins qui ont pratiqué des avortements. Ils ne poursuivront
pas en fonction de leurs opinions personnelles, mais en fonction de
l'intérêt supérieur de la justice. Quand j'ai un dossier
devant moi, je ne pense pas à mes intérêts ou à mes
opinions personnelles, je pense à l'intérêt
supérieur de la justice.
Je peux même aller plus loin que cela. Je peux vous dire, M. le
Président, que le Procureur général n'est même pas
tenu d'intenter une poursuite. Il a toute la discrétion voulue, en vertu
de notre système, de poursuivre ou de ne pas poursuivre. C'est pourquoi,
dans certaines causes, en matière d'avortement, j'ai
décidé d'arrêter des poursuites parce que j'ai
pensé, comme mon prédécesseur, M. Marc-André
Bédard, que c'était dans l'intérêt supérieur
de la justice.
Voilà, je pense que le député veut mêler deux
choses complètement différentes. Je pense que j'ai agi de la
même façon que mes prédécesseurs qui ont aussi eu
des opinions politiques, mais qui ont fait fi de ces opinions quand ce fut le
temps d'appliquer des lois.
Par exemple, et ce sera mon dernier exemple, quand mon
prédécesseur est arrivé au ministère de la Justice,
en 1976-1977, il a décidé de mettre fin au litige concernant le
saccage de la Baie James. On peut se demander si c'est
parce que, comme député, il a critiqué le fait que
le gouvernement a intenté des poursuites...
M. Filion: Cela s'est réglé entre les parties, M.
le ministre. (11 h 45)
M. Marx:... ou si c'est parce qu'il a décidé que
c'était dans l'intérêt supérieur de la justice
d'arrêter ces poursuites pénales. J'ai toujours pensé que
c'était dans l'intérêt supérieur de la justice qu'il
a agi de cette façon. Je vois que cela fait mal au député
de Taillon, mais qu'est-ce que vous voulez? La vérité fait
souvent mal au député de Taillon. Il y a des cas semblables, M.
le Président. Je peux en citer à la tonne, si vous voulez, mais
je pense qu'un ou deux sont suffisants.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. M. le
député de Taillon.
M. Filion: Je ne sais pas pourquoi le ministre de la Justice ne
fait pas preuve d'un peu plus de rigueur lorsqu'il s'exprime publiquement. Il
vient de faire allusion aux poursuites en ce qui concerne le saccage de la Baie
James. Il y avait deux choses. D'abord, il s'agissait d'une poursuite
pénale devant les tribunaux qui est allée jusqu'au bout.
Deuxièmement, il y avait une poursuite civile qui a
intéressé certains organismes qui ont réglé. Cela
n'a absolument rien à voir avec ce dont on discute ce matin.
Deuxièmement, le ministre se rappelle-t-il avoir passé
toute l'année 1986, jusqu'au 22 décembre 1986, à dire
qu'il ne ferait pas de poursuite devant les tribunaux pour l'affichage bilingue
parce qu'il y avait...
M. Marx: Je n'ai jamais dit ça.
M. Filion: Qu'il ne vienne pas nier cela. Il a
répété en Chambre, à trois ou quatre
reprises...
M. Marx: Sortez les débats. Je n'ai jamais dit
ça.
M. Filion: Certainement. À trois ou quatre reprises, il a
répété qu'il faisait comme ses
prédécesseurs, alors que ses prédécesseurs
déposaient les plaintes et les gardaient en suspens, il disait que
c'était la même chose de ne pas poursuivre. Ce n'est pas "la loi,
c'est la loi"; on ne l'applique pas. C'était durant toute l'année
1986. Au mois de décembre 1986, il a décidé de
déposer quelques dizaines de plaintes.
L'essentiel de mon propos est le suivant. En ce sens, je vais rappeler
au ministre de la Justice certains auteurs qu'il connaît fort bien, ayant
eu à fréquenter les bibliothèques universitaires beaucoup
plus longtemps que moi. Edwards, qui a écrit une étude assez
extraordinaire qui s'appelle Law Officers of the Crown et
Shawcross également, qui est un auteur qui a étudié en
particulier le rôle du Procureur général. En 1954, par
exemple, Shawcross disait ceci: Le Procureur général ne doit pas
exercer son choix en tant que membre d'un parti. Il doit plutôt envisager
d'une façon quasi judiciaire et dans l'abstrait l'effet desdites
poursuites sur l'application de la loi et l'administration du gouvernement.
À l'article 3 de la Loi sur le ministère de la Justice, on dit
que le ministère de la Justice doit veiller à ce que les affaires
publiques soient administrées conformément à la loi. C'est
le rôle du ministre de la Justice. Lorsqu'il fait les déclarations
qu'il a faites depuis six mois, il met en péril l'exercice même de
l'institution qu'il représente, qui est d'appliquer et de faire
respecter la loi. Cela dit... M. le Président...
M. Marx: Non, mais c'est parce que mes
prédécesseurs ont fait la même chose par rapport aux
politiques de leur parti en ce qui concerne les gouvernements dont ils
étaient membres. Je pense que, si on veut changer le système et
avoir un Procureur général qui n'est pas élu, si cela
existe, ou - comment appelle-t-on cela dans d'autres juridictions? - "a
director of public prosecutions" qui ne fait pas partie d'un gouvernement, qui
ne se fait pas élire et qui n'est pas député, c'est autre
chose. Mais ici, nous avons des ministres, des Procureurs
généraux qui sont élus et qui, à titre de
députés, ont des opinions. Même en tant que Procureurs
généraux, ils ont parfois des opinions. Mais cela n'a rien
à voir avec l'application de la loi. C'est notre système. Je
comprends que le député ait mentionné Edwards qui a
écrit deux livres et quelques articles sur le Procureur
général au Canada, mais il n'y a rien dans Edwards qui contredit
ce que je viens de dire ou ce que je fais depuis deux ans et demi. Absolument
rien.
M. Filion: Je vais passer à une autre question, M. le
Président, parce que je constate non seulement que le ministre de la
Justice ignore le devoir de neutralité qui devrait l'habiter à
cause de l'institution qu'il représente mais, en même temps, je
constate qu'il tient absolument à en être parfaitement
inconscient. Et, surtout en matière d'affichage bilingue à
Montréal et peut-être à cause des pressions partisanes qui
ne devraient pas faire l'objet de réflexion de sa part lorsque vient le
temps d'appliquer la loi. Surtout à une période où il
existe au Québec une insécurité à la fois dans le
milieu francophone et dans le milieu anglophone. On devrait faire respecter la
règle de droit a fortiori encore plus lorsque nous traversons le genre
de période que nous traversons au Québec. Et par son
inconscience, par son ignorance, le Procureur général ne fait
qu'alimenter l'incertitude qui existe actuellement au Québec,
incertitude qui est pire que n'importe quoi.
M. Marx: Je suis...
M. Filion: Et les commentateurs, autant francophones
qu'anglophones, sont unanimes à condamner le type de position qui
consiste à ne pas prendre position et à attendre, envoyer toutes
sortes de ballons d'essai, dire des choses, dire le contraire... Le Procureur
général, dans cette mêlée, dans ce chaos qui
existent actuellement au Québec, devrait rester droit, devrait appliquer
la loi, devrait faire cas de son devoir de Procureur général,
mais je me rends compte que...
M. Marx: Monsieur...
M. Filion: ...non seulement il ignore, mais qu'il tient
absolument à en rester inconscient. Alors, à ce moment-là,
j'aurais une question à poser sur le programme 1.
M. Marx: M. le Président, j'ai juste une question à
poser aux gens qui nous entendent: Pensez-vous que, dans ce dossier, dans les
discours un peu parfois farfelus du député de Taillon,
pensez-vous que vraiment il a l'intérêt supérieur de la
justice en vue ou si ce ne sont pas plutôt là des discours
partisans, au-dessous de la mêlée et pas au-dessus. Je pense que
les gens qui l'ont entendu parler de ce dossier, les gens qui l'ont vu se
promener dans les rues, faisant des billets d'infraction cinquante-cinq fois
pour le même commerce...
M. Filion: Ah!
M. Marx: ...je pense que tout le monde a compris que ses
interventions n'ont rien à voir avec la justice, mais tiennent compte
seulement du fait qu'il veut "scorer" des points sur un dossier dont il discute
de façon très partisane, et je ne peux pas m'embarquer dans ce
débat en tant que Procureur général.
Le Président (M. Marcil): Voici, M. le ministre. Juste
avant de continuer...
M. Marx: Bien, c'est vrai.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre, M. le
député de Taillon, également, avant de poursuivre nos
travaux, j'aimerais quand même... Je comprends qu'au début vous
vous êtes peut-être entendus sur la nature du débat
aujourd'hui, puis d'être très larges, sauf que la commission
parlementaire, c'est une institution également, qui a un mandat bien
précis qui est aujourd'hui l'étude des crédits
budgétaires. Je comprends qu'on ne doit pas nécessairement
intervenir continuellement sur la pertinence du débat, mais quand
même j'aimerais bien que la commission joue un peu son rôle. Depuis
10 h 18, nous sommes en marche comme commission et jusqu'à maintenant il
n'y a eu aucune question concernant des crédits...
M. Fillion: Oui.
Le Président (M. Marcil): Non, non, une seconde, M. le
député de Taillon. Je pense qu'il y a des endroits
également pour les débats et aujourd'hui j'aimerais, pour tout le
respect que j'ai pour la commission parlementaire, pour cette commission
parlementaire, j'aimerais bien au moins qu'on essaie ensemble de passer
à travers l'étude des crédits budgétaires.
Tantôt j'ai appelé le programme 1 et ta discussion qui
s'est tenue touchait davantage le programme 10. Il faudrait quasiment vous
demander si le programme 10 est déjà accepté,
adopté de part et d'autre. Je ne voudrais pas être trop direct if,
sauf que je vous inviterais, M. le ministre de même que M. le
député de Taillon, à orienter davantage vos discussions
vers l'étude des crédits budgétaires. Et je vous remercie
d'avance de votre collaboration.
M. le député de Taillon.
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président.
Effectivement, vous aviez compris que nous étions à
l'intérieur du programme 10 et que le temps qu'on passe ce matin, eh
bien, on le gagne cet après-midi. Bon, je ne reviendrai pas sur les
propos du ministre de la Justice, qu'il dise n'importe quoi, qu'il dise des
faussetés d'ailleurs.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Taillon, j'aimerais que vous retireriez cette...
M. Filion: Oui... Il dit des choses qui sont tout à fait
inexactes, qui sont tout à fait inexactes. Il n'y a pas de doute.
Lorsqu'il qu'il dit qu'il y a 55 billets d'infraction pour la même
infraction, etc., je ne sais pas où il va pêcher cela.
M. Marx: c'était soulevé par la ministre
responsable des Affaires culturelles, M. le Président, c'était
bien dit...
M. Filion: Bien oui, mais...
M. Marx: ...que le député ou ses cohortes...
M. Filion: Bah!
M. Marx: ...ont dénoncé le même commerce 55
ou 1000 fois. Je ne sais pas combien de fois.
M. Filion: La ministre des Affaires culturelles n'a jamais
parlé...
Le Président (M. Marcil): M. le ministre. La parole est au
député de Taillon.
M. Filion: ...de Taillon et de ses cohortes. Le ministre de la
Justice malheureusement...
Quand on parte de la justice, on devrait avoir un minimum de respect
pour la vérité.
M. Marx: Malheureusement, on ne peut pas l'engager comme
inspecteur à temps partiel.
M. Filion: Qu'il cite la ministre des Affaires culturelles
complètement. Sa collègue n'a jamais dit cela. Il parle du
député de Taillon et de ses cohortes, imaginez-vous.
M. Marx: C'est cela.
M. Filion: Comme si le député de Taillon commandait
les 25 000 personnes qui étaient dans la rue dimanche. Voyons donc, vous
n'êtes pas sérieux. Un peu de respect pour la vérité
quand même. On aura un peu plus de justice à ce
moment-là.
M. Marx: Je parle des promenades du député de
Taillon d'autrefois, pas de dimanche. Je n'ai pas d'information...
M. Filion: C'est incroyable, en tout cas.
M. Marx: C'est incroyable ce que vous faites et ce que vous
dites.
Diminution de l'effectif du ministère
M. Filion: Au programme 1, les crédits en
général, je voudrais demander au ministre de la Justice comment
il conçoit qu'il y a une diminution de postes à
l'intérieur de son ministère, alors que tout le monde est d'avis
qu'il y a un manque de ressources humaines, que ce soit dans les palais de
justice, dans les bureaux d'enregistrement, à l'intérieur de
l'appareil judiciaire, à peu près à tous les niveaux, et
là on assiste à des coupures de postes d'environ 30. Ce n'est pas
énorme, sauf qu'il demeure que c'est une diminution, alors qu'on devrait
assister à une augmentation. Il y a des bureaux d'enregistrement qui
viennent d'ouvrir - je prends l'exemple du palais de justice dans mon
comté - et qui sont déjà débordés. Les
notaires se plaignent qu'il n'y a pas le personnel requis pour procéder
aux enregistrements rapidement. Les juges se plaignent qu'il n'y a pas le
soutien nécessaire sur le plan administratif, qu'il manque de personnel.
Les greffes des cours manquent également de personnel, de sorte que les
causes sont parfois remises ou reportées et, face à cette crise
dans l'appareil judiciaire, le ministre constate avec moi qu'il y a une
diminution de postes. Je veux bien qu'on rationalise, mais de là
à ne pas augmenter les effectifs... Il y a une limite à demander
aux gens de produire plus qu'ailleurs et en ce sens j'aimerais que le ministre
de la Justice m'explique pourquoi il y a une diminution de postes alors qu'il
devrait y avoir une augmentation.
M. Marx: M. |e Président, vous savez que le gouvernement a
rationalisé ses dépenses et ses coupures depuis 1979. Ce n'est
pas commencé hier, ce n'est pas commencé avant-hier, c'est
commencé en 1979. Chaque année, on essaie de rationaliser les
effectifs. C'est vrai que dans certains domaines nous avons peut-être
besoin de plus d'effectifs. Par exemple à la couronne, j'ai
déjà annoncé que nous avions 1 800 000 $ de plus pour
engager des procureurs de la couronne et du personnel de soutien. En ce qui
concerne les bureaux d'enregistrement, nous aurons 6 000 000 $ de plus pour
faire face aux problèmes dans un, deux ou trois bureaux
d'enregistrement. Vous devez comprendre, M. le Président, que quand on
s'informatise, à cause des nouvelles technologies, il arrive que cela
prend moins de personnes dans les bureaux, dans les palais de justice.
Par exemple en ce qui concerne les bureaux d'enregistrement, nous avons
une étude en cours maintenant pour voir si on peut demander aux notaires
de faire un résumé de leurs actes, parce que maintenant la saisie
des actes exige que la personne qui met les informations dans l'ordinateur
fasse lecture de l'acte et fasse une fiche des détails les plus
importants. Ainsi, à l'avenir, ce sera le notaire qui attachera un
bordereau à chaque acte. Se sera possible pour la personne qui fait la
saisie, de le faire de façon beaucoup plus efficace. Donc, cela prendra
moins de personnel au bureau d'enregistrement pour faire ce travail. Donc, il
s'agit de rationaliser. Dans certains domaines où nous avons besoin de
plus de personnes, nous avons plus de personnes. J'ai déjà
indiqué au député de Taillon que, quand j'ai
commencé comme ministre, il y avait 223 postes de procureurs de la
couronne. Maintenant, nous avons 266 postes et près de 2 000 000 $ pour
engager encore des procureurs de la couronne. Donc, on rationalise dans
certaines directions, on réduit le nombre d'employés, mais dans
d'autres on augmente. (12 heures)
M. Filion: Et puis, quand on fait le total au bout du compte, il
en reste moins.
M. Marx: Pas nécessairement. M. Filion: Mais les
chiffres sont là.
M. Marx: Oui, mais le député de Taillon ne comprend
pas exactement comment cela fonctionne au gouvernement. Par exemple, les postes
de substituts n'ont pas été ajoutés. On a l'argent pour
engager, mais je n'ai pas ajouté le nombre de postes parce que je ne
peux pas vous dire exactement combien de nouveaux procureurs nous allons
engager. C'est sûr que nous allons engager de nouveaux procureurs de la
couronne. Donc, dans quelques semaines ou quelques mois, les chiffres seront
modifiés et ajustés, et il est possible que, dans les faits, on
ait le même nombre de personnes au ministère de la Justice, le
même effectif.
M. Filion: Dans le calcul du nombre total d'employés, pour
les crédits 1988-1989 que nous étudions présentement, le
chiffre qui est là représente les postes autorisés pour
l'année. Alors, quand on parte...
M. Marx: Oui, mais cela va changer en cours de route, Mme la
Présidente. Prenez, par exemple, nous avons 3 600 000 $ pour la
perception automatique des pensions alimentaires. Mais ces 3 600 000 $ sont
aussi pour engager des personnes pour faire le travail. Je ne peux pas vous
dire à ce moment-ci combien de postes cela prendra, mais nous sommes en
demande de postes pour faire ce travail. L'argent a été
transféré et maintenant il faut transférer des postes.
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre, quand vous
parlez des postes pour aller chercher les pensions alimentaires, ce ne sera pas
nécessairement des avocats qui vont faire ce travail.
M. Marx: Non. Les percepteurs des amendes dans les palais de
justice et les personnes qui y travaillent ne sont pas nécessairement
des avocats.
M. Filion: En ce qui concerne les juges, le ministre a fait part
tantôt du projet de loi sur la réunification des tribunaux. Le
ministre a pris connaissance des préoccupations des juges à
l'égard de trois points en particulier: la reconduction du mandat des
juges en chef après sept ans, la proposition en vertu de laquelle le
juge en chef adjoint devra transmettre des rapports d'activités sur le
comportement des magistrats qu'il a sous sa juridiction et, également,
la possibilité de donner à tout citoyen le droit de contester des
erreurs de droit devant le Conseil de magistrature.
Il y a eu, je pense, et le ministre en a sûrement pris
connaissance, dans les journaux, des réactions des magistrats et des
confidences ont été sûrement faites au ministre. Le
ministre a d'ailleurs indiqué en ce qui concerne la reconduction du
mandat des juges en chef après sept ans qu'il retraiterait sur cette
proposition. Alors, ma question en ce qui concerne les deux autres sujets
d'inquiétude de la part des magistrats, à savoir les rapports
d'activités sur le comportement des magistrats et le droit de contester
des erreurs de droit devant le Conseil de magistrature, est la suivante: Est-ce
que le ministre de la Justice est maintenant du même avis que les juges,
à savoir que ces deux propositions pourraient mettre en cause
l'autonomie et l'indépendance judiciaire?
M. Marx: Mme la Présidente, on travaille encore à
ce projet de loi, mais je pense que sur les deux points soulevés par le
député, c'est effectivement le statu quo, c'est-à-dire la
même situation qu'aujourd'hui. Je ne pense pas qu'on change quoi que ce
soit en ce qui concerne tes deux points que le député a
soulevés. De toute façon, le député aura l'occasion
de commenter le projet de loi et les articles en question, le cas
échéant, lors de l'étude de ce projet de loi. Je pense
qu'il va de soi qu'on ne touche pas à l'indépendance des juges
parce que ce serait inconstitutionnel de le faire. Donc, il va de soi qu'on ne
le fait pas, mais il est vrai que nous avons eu un avant-projet, un brouillon
que nous avons envoyé aux juges en chef pour avoir leurs commentaires
et, effectivement, Le Devoir a eu une copie de ce document et a fait
état d'un certain nombre de points. Je pense que...
M. Filion: Je prends note du fait que sur ces deux points,
donc...
M. Marx: ...ce n'est pas un brouillon, c'est un document de
travail.
M. Filion: ...il y aura un projet de loi. M. Marx: Non,
pas un projet... M. Filion: Un projet de projet.
M. Marx: C'est cela. Ce n'était pas le produit final.
M. Filion: Je prends note du fait que le ministre a semblé
sensible aux préoccupations des juges et qu'il considère que le
statu quo devrait exister sur ces deux points.
M. Marx: Je pense que c'est le statu quo.
On va le voir exactement. Supposons que, dans une loi actuelle, on
demande à quelqu'un de faire rapport au gouvernement et qu'on modifie
cela pour qu'il fasse rapport au ministre, je ne vois pas qu'il y ait un
changement de fond.
Sondage sur l'image de la justice
M. Filion: D'accord. Toujours dans le même ordre
d'idées, dans le même programme, j'ai longuement fait état,
dans mes déclarations de tantôt, du sondage qui a
été fait sur l'image de la justice. Je ne voudrais pas reprendre
tous les éléments, mais les trois quarts des citoyens estiment
que la justice favorise les riches; 51 % estiment que les juges ont des
préjugés raciaux; 57 % soutiennent ne pas comprendre la justice,
tant elle est compliquée; 48 % croient qu'ils seraient mal
traités par l'appareil judiciaire, etc. J'en conclus qu'il est
impérieux - comme je l'ai dit tantôt - de redresser cette
réalité, cette perception. Quand je dis réalité, il
y a un certain fondement à cette image. Il y en a, par contre, qui
relèvent de préjugés tenaces, notamment
l'élément portant sur les préjugés raciaux. Avant
que n'apparaissent diverses formes de
contestations qui, encore fois, remettraient en question l'institution
démocratique même que constitue l'appareil judiciaire, je voudrais
savoir du ministre de la Justice ce qu'il entend faire concrètement pour
redresser la situation. Par exemple - cela mérite d'être
fouillé - est-ce qu'on ne pourrait pas songer à faire en sorte
que le Conseil de la magistrature, par exemple, joue un rôle un peu plus
déterminant que maintenant? Évidemment pas avec les moyens dont
il dispose en vertu des crédits, mais en élargissant son budget,
est-ce qu'on ne pourrait pas envisager que le Conseil de la magistrature puisse
étudier et cerner davantage le problème, qu'il puisse
peut-être - peut-être encore, je dis bien, c'est une suggestion -
dialoguer un peu plus avec les représentants des intervenants, avec les
représentants des médias? En deux mots, est-ce que le ministre de
la Justice, face à cette image de la justice que nous renvoie le miroir
du sondage, a l'intention de poser des gestes précis visant à
corriger la situation?
M. Marx: Premièrement, Mme la Présidente, je ne
suis pas ici pour commenter les sondages. Si je me souviens, c'est une
tradition que le ministre de la Justice ne commente pas les sondages. Mon
prédécesseur, l'ancien chef du député de Taillon,
n'a pas jamais commenté les sondages. Il y a deux minutes, le
député de Taillon me demandait si j'allais respecter
l'indépendance de la magistrature. Maintenant, il me demande de
m'ingérer...
M. Filion: Non, non.
M. Marx: ...en ce qui concerne l'image des juges. Ce n'est pas le
ministre de la Justice qui s'occupe de l'image des juges. Les juges sont tout
à fait indépendants. Le Conseil de la magistrature est un
organisme qui appartient, si je puis dire, aux juges. J'ai déjà
vu dans les journaux que certains juges ont commenté le sondage. Ce
n'est pas au ministre de s'ingérer dans ce qui concerne le Conseil de la
magistrature. Le conseil a des fonds et les juges ont les moyens de prendre les
mesures qui s'imposent, le cas échéant.
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre, justement au
sujet de ce sondage, j'ai toujours dit que je représentais beaucoup plus
que d'autres peut-être, à certains moments, le peuple. Je pense
que, de tout temps, le peuple a toujours pensé, surtout s'il n'obtient
pas ce qu'il désire des cours, qu'il y a une injustice quelque part. On
ferait n'importe quoi pour changer cela, il n'y aurait jamais rien qui pourrait
changer cela. D'ailleurs, dans mon bureau de comté, à quelques
reprises, il m'est arrivé de rencontrer des gens qui venaient se
plaindre d'un procès ou d'un autre justement parce qu'ils avaient perdu
le procès. S'ils avaient gagné, ils auraient pensé que la
justice était là et ils auraient une con- fiance
indéfectible en la justice. Mais, je pense que cela a toujours
existé et, à mesure que les années passent et qu'il y a
plus de gens qui sont traduits devant la justice, de plus en plus, les gens
vont perdre confiance en la justice parce qu'ils n'obtiendront pas ce qu'ils
veulent. C'est mon opinion. Je ne veux pas dire que c'est l'opinion de tout le
monde, mais c'est mon opinion personnelle. Je pense que beaucoup la
partagent.
M. Marx: Mme la Présidente, je pense que vous avez raison.
Mais j'aimerais aussi souligner que si on parle aux gens de la violence
conjugale - la moitié de la population ou plus est constituée de
femmes - si on leur parle de ce dossier, quelles seront leurs
appréciations? Ils vont donner une appréciation positive. Si on
demande aux gens leurs opinions en ce qui concerne les victimes d'actes
criminels, je pense qu'avec le projet, surtout le projet de loi qu'on va
déposer, ils vont avoir une appréciation positive. Si on demande
aux gens leurs opinions en ce qui concerne le petit monde, ceux qui subissent
des saisies et ainsi de suite, et toute la réforme que nous avons faite,
je pense qu'ils vont avoir une appréciation positive. Les ACEF ont une
appréciation positive. Si on parle aux femmes de l'indexation
automatique des pensions alimentaires, je pense qu'elles vont avoir une
appréciation positive et aussi en ce qui concerne la perception
automatique des pensions alimentaires que nous avons l'intention d'introduire,
etc. Si on prend dossier par dossier, il y a des appréciations
positives. Si on prend la couronne, 75 % de la population est satisfaite.
M. Filion: L'aide juridique.
M. Marx: La couronne aussi. Ils ont confiance dans la couronne.
Il y a eu des sondages sur les policiers. Il y a eu des problèmes
à Montréal, si vous voulez, mais la grande majorité de la
population est satisfaite des policiers.
Le député de Taillon a fait sa "job" comme je ne l'ai
jamais faite lorsque j'étais critique, c'est-à-dire de
façon toujours négative et sans jamais faire de suggestions
positives. Cette année, je trouve qu'il manque de suggestions positives
comme il en avait l'an dernier et l'année précédente
aussi. Il faut comparer notre système à un système
quelconque qui existe ailleurs.
Mme la Présidente, je vais vous dire: Achetez le New York
Times le dimanche pendant 50 semaines dans l'année et vous allez
voir. Il y a tellement de scandales aux États-Unis en ce qui concerne le
patronage des juges, en ce qui concerne les policiers qui agissent comme
voleurs le soir, il y a tellement de scandales aux États-Unis en ce qui
concerne l'administration de la justice qu'on n'a pas au Québec. Je
comprends qu'on peut faire la comparaison entre le Québec ou
l'État de New York, ou le Québec et l'État du
Michigan, ou Montréal et Détroit ou New York, mais vous
allez voir que, chez nous, les gens ont une certaine confiance en ce qui
concerne l'administration de la justice, en ce qui concerne les forces de
l'ordre. Cela ne tient pas à moi, Mme la Présidente. Ce n'est pas
à cause de moi. Ce n'est pas à cause du gouvernement en place
aujourd'hui, c'est à cause de nos institutions. Mes
prédécesseurs dans ce poste, M. Bédard, M. Johnson, ont
fait beaucoup pour faire en sorte que nos institutions soient
respectées, que nos institutions marchent bien. (12 h 15)
Ce que j'ai trouvé malheureux dans le discours d'ouverture du
député de Taillon aujourd'hui, c'est qu'il m'a donné
l'impression qu'il a voulu dire que rien ne marche au Québec en ce qui
concerne l'administration de la justice. C'est complètement faux. Bien
sûr qu'il y a des réformes à faire. Il y a des choses
à changer et à améliorer, mais on ne peut dire que
l'administration de la justice ne marche pas au Québec à cause de
tel et tel problème que nous avons eu. Je n'ai jamais dit quand M.
Johnson a été hué par les juges que l'administration de la
justice au Québec n'a pas fonctionné. Je n'ai jamais dit quand M.
Bédard a décidé de ne pas poursuivre les gens qui ont fait
le saccage de la Baie James que l'administration de la justice n'a pas
fonctionné. Je n'ai jamais dit quand M. Bédard a
décidé de ne pas poursuivre Morgen-taler pour avortements, de
mettre fin à ces causes, que l'administration de la justice n'a pas
marché. Je pense que c'est faire fausse route que de procéder
comme le député de Taillon a décidé de
procéder cette année. Je sais que ce n'est pas à cause de
son recherchiste, parce qu'il a le même recherchiste, mais il y a quelque
chose qui a changé dans ses papiers.
M. Filion: Bon! avez-vous fini de dire n'importe quoi?
La Présidente (Mme Bleau): M. le député de
Taillon.
M. Filion: Est-ce que je dois comprendre, M. le ministre de la
Justice, que face à l'image que vous renvoie le sondage, qui est une
image détériorée par rapport à ce qui existait en
1962, et dans le temps de la commission Prévost, je le
répète pour que vous soyez bien au fait,...
M. Marx: Où sont les statistiques? Vous faites des
déclarations gratuites.
M. Filion: Alors, laissez-moi terminer, je vous ai laissé
parler, laissez-moi terminer. Est-ce que vous considérez... et je dois
comprendre de votre réponse que vous n'avez l'intention de poser aucun
geste précis, et les suggestions, M. le ministre de la Justice, j'ai
comme l'impression que je dois les répéter. Je vous ai
suggéré de tenir des états généraux, je vous
ai déjà suggéré de nommer un sous-ministre
associé à la magistrature, je vous ai suggéré de
revoir le budget du Conseil de la magistrature pour possiblement - c'est
à discuter avec eux bien sûr - voir si le Conseil de la
magistrature ne pourrait pas jouer un rôle positif, afin de redorer un
petit peu le blason de la justice. Vous me dites: On va continuer à
oeuvrer dossier par dossier et vous n'avez l'intention, je le comprends, de ne
poser aucun geste précis, face à cette image tout à fait
détériorée, noire et pessimiste que renvoie le sondage.
Alors, c'est cela que je veux savoir: Quels gestes précis allez-vous
poser?
M. Marx: Le député m'a entendu, mais il ne m'a pas
écouté. J'ai dit que nous posons des gestes concrets, par
exemple, en ce qui concerne la violence conjugale, où la
réaction, est très positive, en ce qui concerne les victimes
d'actes criminels, en ce qui concerne la couronne, le travail de la couronne,
en ce qui concerne les interventions policières dans certains dossiers,
et ainsi de suite. Et même en ce qui concerne l'unification des tribunaux
qui est un dossier qui traîne depuis dix ans, nous avons une
réaction très positive des milieux. Il y a par exemple, le
"victim impact statement", la déclaration de la victime, qui a
été reçue d'une façon très positive à
Montréal, et ainsi de suite. Mais en ce qui concerne l'image de la
magistrature, que le député a évoquée, il veut que
je fasse de l'ingérence. C'est cela. Il m'a donné l'impression
qu'il me demande de m'ingérer en ce qui concerne l'indépendance
judiciaire, ce que je ne ferai pas, Mme la Présidente.
M. Filion: Oui, mais tenir des états
généraux, ce ne serait pas de l'ingérence.
Sur le programme 2, vous êtes au courant de la déclaration
du juge Mayrand, sur le palais de justice de Saint-Jean....
La Présidente (Mme Bleau): Excusez-moi, M. le
député, le programme 1 est adopté. Est-ce qu'on passe au
programme ...
M. Filion: Je pense qu'on l'étudié, je ne pense pas
qu'on adopte un programme.
M. Marx: On est supposés les adopter, les uns après
les autres.
La Président (Mme Bleau): On adopte l'étude.
M. Filion: Ah oui, excusez, oui, adopté, peu importe. Cela
va. Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): C'est adopté. Alors, on
passe au programme 2.
M. Filion: Bon, adopté.
La Présidente (Mme Bleau): Bien, alors...
M. Filion: En ce qui concerne le programme 2.
La Présidente (Mme Bleau): Nous passons au programme
2.
Soutien administratif à l'activité
judiciaire
M. Filion: La question est bien simple. Je ne voudrais pas avoir
un discours, je n'en fais pas.
M. Marx: Non.
Palais de justice de Saint-Jean
M. Filion: Le palais de justice de Saint-Jean.
M. Marx: Oui.
M. Filion: Concrètement, quand les justiciables de
Saint-Jean pourront-ils se retrouver à l'intérieur d'un palais de
justice qui aura un peu plus d'allure? Le Juge Mayrand disait le 9 avril 1988:
Cela n'a plus aucun sens, cela frise le scandale. Je me demande parfois si on a
le droit de prétendre appliquer la justice dans ces conditions. On
manque de locaux, ceux que nous avons sont inadéquats et
l'édifice dans son ensemble est contraire aux normes
élémentaires de l'efficacité et de la
sécurité. C'est un vieux problème. Je le sais, ce que je
demande au ministre de la Justice, très simplement, c'est quand
concrètement les justiciables de Saint-Jean, dans le comté, on le
sait, du président de l'Assemblée nationale, qui ne peut pas
invoquer ses problèmes en Chambre, pourront recevoir justice dans des
locaux qui ne seront pas scandaleusement inefficaces?
M. Marx: Mme la Présidente, j'aimerais expliquer que,
quand je suis entré en fonction, il n'y avait pas de plan directeur en
ce qui concerne la construction des palais de justice au Québec.
C'était fait au pif. Le pifomètre a voulu que les nouveaux palais
de justice soient toujours construits dans les comtés des ministres, par
exemple, à Chicoutimi. Le ministre de la Justice a décidé
d'en construire un dans son comté. Par hasard, un deuxième
à Longueuil dans le comté de l'ancien premier ministre, M.
Lévesque, et ainsi de suite. Je ne travaille pas de cette façon,
Mme la Présidente. Je peux vous assurer que vous n'allez jamais voir un
palais de justice dans mon comté. Nous avons maintenant un plan
directeur. Par exemple, le plan directeur veut qu'on construire un palais de
justice à Joliette, dans le comté du chef de l'Opposition. On le
fait. Il y en a d'autres que nous sommes en train de construire. En ce qui
concerne celui de Saint-
Jean, je dois vous dire que j'ai visité Saint-Jean et le palais
de justice à au moins trois reprises depuis deux ans et nous avons
déjà annoncé que nous avons l'intention de rénover,
de faire ce qui est nécessaire à Saint-Jean. Ce sera fait dans
les meilleurs délais. Je ne peux pas vous donner de date exacte.
M. Filion: Est-ce qu'on parle de semaines, de mois,
d'années? Un ordre grandeur?
M. Marx: On attend une étude de faisabilité dans
quelques semaines, parce que, pour modifier, rénover ou construire un
palais de justice, il faut consulter toutes les personnes
intéressées, les juges, les services judiciaires, les procureurs,
etc. Il faut faire ces études avant de procéder. Pour nous, le
palais de justice de Saint-Jean est un de ceux qu'on va rénover ou
moderniser de façon prioritaire.
La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que les consultations
ont déjà été faites, M. le ministre?
M. Marx: Certaines consultations ont déjà
été faites, mais on attend une étude de
faisabilité. Après cela, on va avoir une étude pour donner
suite aux changements qui s'avèrent nécessaires.
M. Filion: D'ici à la fin de l'année?
M. Marx: On va avoir ces études, oui. L'étude de
faisabilité dans quelques...
M. Filion: Les études, mais la réalisation
concrète?
M. Marx: Je pense que...
M. Filion: Est-ce que le ministre peut s'engager à ce que
cela soit fait d'ici à la fin de l'année, oui ou non?
M. Marx: Je ne m'engage pas... M. Filion: À
rien.
M. Marx:... à une date maintenant. Il y a eu un reportage
dans La Presse, il y a une semaine ou deux et j'imagine que le
député a pris connaissance du dossier dans La Presse.
M. Filion: Oui, c'est pour cela que je vous en parle.
M. Marx: Vous pouvez...
M. Filion: Moi aussi, je suis allé au palais de justice de
Saint-Jean.
M. Marx: Je vous assure que c'est un dossier prioritaire au
ministère en ce qui concerne les palais de justice.
M. Filion: On va voir la vitesse des dossiers prioritaires. Cela
va être une bonne occasion d'évaluer ce qu'est un dossier
prioritaire en termes de temps.
Toujours dans le programme 2...
M. Marx: Vous comprenez que cela prend des études parce
que ce n'est pas le ministère de la Justice qui fait ces
rénovations, ces constructions, c'est la Société
immobilière du Québec.
Réforme des tribunaux administratifs
M. Filion: D'accord. Toujours dans le programme 2, en ce qui
concerne la réforme des tribunaux administratifs, j'ai cité
tantôt le ministre à sa conférence à
l'Université Laval en 1986 qui disait: L'heure n'est plus aux
études mais aux décisions. En même temps, les membres des
tribunaux administratifs s'inquiètent de ce que le gouvernement du
Québec leur octroie des mandats de plus en plus courts, tarde, dans
certains cas, à les renouveler et offre des salaires différents
pour une même tâche. Je voudrais citer le cas de trois membres du
BREF, Bureau de révision de l'évaluation foncière, qui ont
obtenu des mandats de six mois renouvelables. Quand on connaît les enjeux
de l'évaluation industrielle, ce n'est quand même pas rassurant de
voir que des membres sont nommés pour des mandats de six mois. De plus,
on sait que les nominations sont toujours faites par le Conseil
exécutif, d'où l'absence de caractère
d'impartialité de ces nominations. On sait qu'on nomme les juges avec un
concours, c'est-à-dire avec une forme de jury, mais en ce qui concerne
les membres des tribunaux administratifs, une enquête menée l'an
dernier par la conférence des membres de tribunaux administratifs avait
démontré que 60 % des nominations dans les postes de direction
des tribunaux administratifs étaient faites sans concours et sans aucune
règle de recrutement et de choix. Ma question au ministre de la Justice
est la suivante: Comment le ministre de la Justice concilie-t-il le fait que
des membres sont nommés pour des mandats de six mois avec les discours
qui cherchent à assurer l'indépendance, l'autonomie,
l'impartialité, etc., des membres des tribunaux administratifs? Est-ce
que le ministre surveille ces nominations? Je pense que c'est sous sa
responsabilité. Qu'entend-il faire? Comment se fait-il qu'il ne
réagit pas à ces nominations?
M. Marx: Premièrement, M. le Président, je pense
que, lorsque j'ai mis sur pied le groupe de travail sur les tribunaux
administratifs, c'était la première fois qu'on mettait sur pied
un tel groupe de travail depuis des années et des années. Je n'en
connais pas d'autres. Vous savez que le comité Ouellet a produit un
rapport. J'ai déjà dit que j'ai consulté tous mes
collègues sur les recommandations de ce rapport parce que les tribunaux
administratifs ne relèvent pas seulement du ministre de la Justice. Vous
comprenez que le Bureau de révision foncière - c'est cela, le
vrai nom?
M. Filion: Le Bureau de révision de l'évaluation
foncière.
M. Marx: Le Bureau de révision de l'évaluation
foncière ne relève pas du ministère de la Justice, cela
relève d'un autre ministère. La Régie du logement...
M. Filion: Du ministère des Affaires municipales.
M. Marx: La Régie du logement relève du
ministère des Affaires municipales et ainsi de suite. J'ai un rôle
de coordination.
Je dirais même, Mme la Présidente, qu'une telle
réforme sera une réforme majeure, pas seulement pour le
Québec, mais pour l'Amérique du Nord, parce qu'il n'y a pas une
juridiction qui a vraiment fait une réforme en ce qui concerne leurs
tribunaux administratifs. Nous avons l'intention de faire des propositions au
Conseil des ministres en ce qui concerne la réforme des tribunaux
administratifs. Ce sera une réforme majeure si elle est acceptée
même si je pense que ce sera difficile de faire toute la réforme
d'un seul coup. Mais en ce qui concerne les nominations au bureau que le
député a mentionné, cela ne relève pas du ministre
de la Justice même de faire des recommandations. Ce sont des nominations
du gouvernement. Cela ne relève pas de moi, Mme la Présidente.
Vous comprenez ce que cela veut dire. Je ne suis pas responsable de ce tribunal
administratif quoique, à mon avis, il soit important de faire une
réforme globale en ce qui concerne les nominations, en ce qui concerne
les traitements et en ce qui concerne le statut en général de ces
régisseurs qu'on trouve dans tous les tribunaux administratifs.
M. Filion: Je suis un peu déçu, Mme la
Présidente, de constater le peu d'influence du ministre de la Justice.
Il y a une étude en cours, il y a le rapport Ouellet qui a
été remis. Le ministre nous dit même qu'il a terminé
ses consultations et qu'il s'apprête à déposer des
recommandations au Conseil des ministres. Et, en même temps, il se fait
des nominations pour des mandats de six mois renouvelables, ce qui va tout
à fait à rencontre des recommandations du rapport Ouellet. Le
ministre nous dit: Cela ne relève pas de moi, je ne m'en occupe pas. Ma
question était précisément: Est-ce que le ministre n'a pas
ou ne devrait pas ou n'a pas l'intention d'utiliser son influence pour faire en
sorte que ces organismes reçoivent des ressources humaines qui peuvent,
de façon intelligente, raisonnable et indépendante, exercer leurs
fonctions sans
attendre de tout révolutionner ou de tout réformer? Le
ministre ne croit-il pas qu'il devrait dès maintenant s'appliquer
à faire en sorte que certaines des recommandations qui seront contenues
dans son mémoire, je n'en doute pas, au moins, soient appliquées
en attendant? Autrement dit, on n'est pas obligé d'attendre que la
catastrophe se poursuive.
M. Marx: Mme la Présidente, je trouve un peu injustes ces
critiques et je vais vous dire pourquoi. Son chef, jusqu'au dernier remaniement
à la chefferie du Parti québécois, avant de quitter, comme
ministre de la Justice, a fait un paquet de nominations, des gens qui
n'étaient pas...
M. Filion: Cela fait deux ans et demi que vous êtes
là.
M. Marx: Certains n'étaient pas, je dirais, assez
compétents pour occuper...
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre, comme il est 12
h 30, est-ce qu'il y a consentement pour qu'on termine juste cette partie, s'il
vous plaît?
M. Marx: Oui, c'est cela. Ils ont même fait des nominations
et des gens ont démissionné depuis parce qu'ils manquaient
parfois de compétence. Tout ce que je veux dire, Mme la
Présidente, c'est qu'il peut y avoir des raisons pour nommer quelqu'un
pour six mois, pour un an ou pour deux ans. Je ne dis pas que je suis d'accord
avec le système actuel. C'est pourquoi j'ai mis sur pied un groupe de
travail sur les tribunaux administratifs, ce que mes
prédécesseurs n'ont pas fait. Je l'ai fait parce que je ne suis
pas d'accord avec le système actuel. Je pense qu'il faut faire cette
réforme sur le statut, le traitement et l'indépendance des
régisseurs. Mais si le député s'attend à ce que ces
réformes soient faites dans six mois ou huit mois, c'est impossible. Je
lui ai donné l'exemple...
M. Filion: Dans deux ans.
M. Marx:... de mon prédécesseur qui a parlé
d'adopter une nouvelle Loi sur les coroners. Son ancien chef de cabinet est
dans cette salle en ce moment et il sait que cela a pris dix ans au ministre
pour faire cette réforme de la Loi sur les coroners. Et une fois que ce
fut fait, c'était raté; il a fallu reprendre la loi et faire des
amendements, parce que la première fois cela n'a pas marché. Si
cela a pris dix ans pour réformer la Loi sur les coroners, donnez-moi un
peu de temps pour proposer des réformes en ce qui concerne les tribunaux
administratifs. J'ai eu le rapport il y a quelques mois et je vais faire des
recommandations au Conseil des ministres. Je pense qu'on n'a pas fait autant
dans ce dossier depuis des années.
M. Filion: Mme la Présidente, je pense que le ministre est
en train de s'établir un nouvel objectif, c'est de battre le record de
son prédécesseur, semble-t-il, si on se fie...
M. Marx: C'est déjà fait.
M. Filion:... à la célérité avec
laquelle il étudie la réforme de la Loi de police.
Là-dessus, je suis prêt à adopter le programme...
La Présidente (Mme Bleau): Le programme 2.
M. Filion:... 2, c'est cela. On commencera avec l'étude du
programme 3 cet après-midi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bleau): Alors, on va suspendre nos
travaux jusqu'après la période de questions.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
(Reprise à 15 h 30)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons continuer les travaux. Nous sommes rendus au programme 3 et,
comme je l'ai mentionné ce matin, il serait intéressant, non pas
de continuer la période de questions ici, mais plutôt de
s'appliquer à l'étude des crédits. M. le
député de Taillon.
M. Filion: Comme on l'a souligné au début de nos
travaux, ce matin, M. le Président, le ministre de la Justice et moi
avons convenu de faire preuve de souplesse et de flexibilité - ce sont
les mots qui ont été employés - dans l'étude des
crédits du ministère de la Justice, et pour permettre de poser
certaines questions, je m'appliquerai à interroger le ministre sur le
programme 8.
Le Président (M. Marcil): J'appelle donc le programme 8 au
lieu du programme 3.
M. Filion: Merci.
Le Président (M. Marcil): Services juridiques du
gouvernement.
Services juridiques du gouvernement
M. Filion: Le programme 8 concerne les services juridiques du
gouvernement et contient notamment les mandats confiés aux avocats de
pratique privée par le ministère de la Justice. Je reviendrai
là-dessus tantôt. Je veux simplement faire remarquer au ministre,
pour qu'il puisse en prendre note et y revenir plus tard, qu'il y a eu une
augmentation draconnienne des mandats
octroyés à la pratique privée. En 1985-1986, 84
mandats; en 1986-1987, 129 mandats et en 1987-1988, 119 mandats confiés
à des avocats de pratique privée.
Ma question portera sur cette augmentation d'environ 113 % du nombre de
mandats confiés à des avocats de pratique privée, mais ma
première question portera sur le relevé des mandats qui ont
été confiés aux avocats de pratique privée entre le
1er avril 1987 et le 11 mars 1988. Très simplement, ma question au
ministre de la Justice est la suivante, et porte sur les contrats qui ont
été accordés a Me Yarosky et à Me Hilton, en date
du 18 octobre 1987, c'est-à-dire avant l'audition de la cause en Cour
suprême, mais après que la requête pour permission d'en
appeler ait été octroyée par la Cour suprême.
Ma question au ministre de la Justice est la suivante, et elle
nécessitait un petit préambule: Est-ce qu'il est exact qu'il n'y
eut de la Cour suprême aucune ordonnance enjoignant le Procureur
général à payer les honoraires des avocats, comme nous l'a
révélé notre petite enquête maison?
M. Marx: Tout ce que je peux dire dans ce dossier, c'est ce que
j'ai déjà dit en Chambre, c'est-à-dire que le
sous-ministre associé, M. Jean K. Samson, a agi dans ce dossier comme il
a agi dans d'autres dossiers. Mes instructions au ministère sont de
suivre la politique qui a toujours été suivie au ministère
dans ces dossiers.
Honoraires d'avocats payés par le gouvernement
pour des contestations de lois
M. Filion: Est-ce que le ministre de la Justice peut me donner un
exemple où les honoraires ont été payés à
une compagnie qui est intimée ou défenderesse, selon le niveau
d'instance où nous nous trouvons, soit en première instance ou
plus tard? Est-ce que le ministre de la Justice, qui me dit cet
après-midi suivre une pratique absolument ignorée des
spécialistes, peut me donner un exemple où des honoraires ont
été payés aux avocats d'une compagnie ou d'une firme du
type de Chaussures Browns, compte tenu que l'étude que j'ai faite
moi-même...
M. Marx:...
M. Filion: Est-ce qu'on peut me permettre de terminer?
L'étude que j'ai faite moi-même pour 1986, 1987, 1988, ne
révèle aucun exemple du type de ce que cherche à invoquer
le ministre de la Justice.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Marx: Premièrement, je pense que ce ne sont pas que des
compagnies, je pense qu'il y a des individus, mais de toute façon ce
sont des personnes en vertu de notre système de droit. Je peux vous dire
que j'ai demandé au sous-ministre de suivre la politique établie
au ministère avant même que je sois nommé ministre, et
c'est ce qu'il a fait. En ce qui concerne des exemples, j'ai déjà
dit en Chambre que je vais demander qu'on fasse le relevé d'autres
exemples. C'est peut-être arrivé aussi pour le saccage de la Baie
James. Je ne le sais pas, car M. Bédard a arrêté toutes les
procédures. Mais c'est cela.
M. Filion: Est-ce que, M. le ministre, vous pouvez me confirmer
le fait, parce que je n'ai retracé aucun exemple, qu'à la Cour
d'appel - parce que cette même cause de Chaussures Browns c. Procureur
général a été plaidée en Cour d'appel du
Québec - est-ce que le Procureur général du Québec
peut confirmer le résultat, encore une fois, de notre enquête
maison - on n'a pas tous les outils - à l'effet que les honoraires des
avocats en Cour d'appel, les avocats de la partie adverse, n'ont jamais,
d'aucune façon, été payés par le Procureur
général, mais que cette pratique est plutôt survenue alors
que le ministre de la Justice actuel était en poste, c'est-à-dire
le 28 octobre 1987 et que cette pratique ne connaît aucun
précédent?
M. Marx: Je peux demander s'ils étaient payés en
Cour d'appel, le cas échéant. Mais souvent dans certains dossiers
- ce n'est pas le relevé dont j'ai déjà parlé - il
y a des causes où le gouvernement paie l'avocat du Procureur
général, l'avocat de l'aide juridique, l'avocat du fonds de
recours privé, c'est-à-dire qu'il y a des causes où le
gouvernement paie pour tous les avocats en cause même si ce sont des gens
qui contestent le gouvernement. Par exemple, il y a quelqu'un qui a
demandé au fonds de recours d'être appuyé dans une action
contre le gouvernement, contre le ministère du Revenu, contre le
Procureur général et si le fonds de recours décide
d'octroyer une subvention, il va y avoir une cause avec quatre personnes. Donc,
le Procureur général sera impliqué et tous les avocats de
tout le monde seront payés par le gouvernement parce que nous avons
jugé, dans notre système judiciaire, et ce n'est pas moi qui ai
jugé cela, mes prédécesseurs ont jugé dans
certaines causes qui sont d'intérêt public que les avocats sont
payés par le gouvernement même si les avocats en question sont
engagés par un individu pour contester le gouvernement.
M. Filion: Pourquoi dans la cause Singer, ou alors... Je vais
recommencer un peu plus simplement. Le ministre de la Justice se souviendra
que, dans la cause de Chaussures Browns, il s'agit d'affichage bilingue. Dans
la cause de Singer, il s'agit d'affichage unilingue anglais. Pourquoi est-ce
que le Procureur général paie les honoraires des avocats dans la
cause de Singer?
M. Marx: Ce n'est pas dans le relevé, mais on peut
s'informer. Mais si ce n'est pas dans le relevé, c'est possible que les
avocats en question n'aient pas demandé au sous-ministre ou il n'y a pas
eu de demande dans ce sens.
M. Filion: Comment le ministre de la Justice peut-il m'expliquer
que dans le cas de Singer ou de McKenna, que dans le dossier de Singer, pardon,
le Procureur général ne paie pas alors que dans la cause de
Chaussures Browns qui a été jointe à la cause de McKenna,
dans ce cas-ci, les honoraires des avocats sont payés par le Procureur
général?
M. Marx: M. le Président, cela va de soi que le
sous-ministre ou la Direction des affaires criminelles et pénales ou la
Direction du contentieux plutôt va prendre des arrangements avec des
avocats qui en ont fait la demande. Ce n'est pas un avertissement à tout
le monde. Il y a des demandes. Il y a des arrangements qui sont pris. Il y a
des...
M. Filion: Le ministre de la Justice sait que, dans certains cas,
la cour peut ordonner le paiement d'honoraires d'avocats, encore une fois
généralement dans le cas de personnes qui n'ont pas les moyens,
par exemple de se retrouver au milieu d'un "test case" - je ne sais pas comment
on dirait cela en français - une cause type, pardon, alors donc qui se
retrouveraient au milieu d'une cause type.
Dans le cas qui nous occupe, à savoir Chaussures Browns, le
ministre de la Justice me confirme qu'il n'y a jamais eu d'ordonnance de la
cour. Est-ce que c'est exact ou s'il ne le sait pas? Ou si...
M. Marx: il se pourrait que l'ordonnance suive,
c'est-à-dire qu'il est possible de prendre des arrangements en regard
d'une ordonnance. C'est toujours possible.
M. Filion: Mais le jugement n'a pas encore été
rendu par la Cour suprême.
M. Marx: C'est possible, par exemple, pour un avocat de faire une
demande et un autre avocat va dire: Mais on ne va pas s'opposer à telle
demande. Donc, on tient pour acquis que l'ordonnance va suivre. C'est toujours
possible. J'ai déjà dit que je vais demander quels sont les
autres exemples que nous avons au ministère.
M. Filion: Vous vous référez à Me Samson,
l'un de vos fonctionnaires. Lorsque vous avez discuté de ce dossier avec
vos fonctionnaires, est-ce qu'il a été spécialement
question de payer les honoraires? Étant vous-même avocat, vous
connaissez la différence, évidemment, entre des frais et des
honoraires. Est-ce qu'il a été spécialement question de
payer les honoraires des avocats qui représentaient le point de vue d'un
contestataire de la loi 101?
M. Marx: Dans ces dossiers comme dans beaucoup d'autres, je
laisse à mon sous-ministre, à mes sous-ministres associés,
aux procureurs de la couronne le soin de prendre des arrangements avec les
personnes qu'on poursuit. On a toutes sortes de demandes au ministère de
gens qui veulent voir le ministre dans tel dossier ou veulent faire des
ententes avec le ministre. Il va sans dire que je ne prends pas des
arrangements avec des gens impliqués dans des dossiers. C'est toujours
fait, sur le plan administratif, par le sous-ministre, le sous-ministre
associé, le procureur dans le dossier, et ainsi de suite. Ce dossier,
comme dans tout autre dossier, est décidé par le sous-ministre,
les arrangements sont pris par lui. Quelqu'un peut téléphoner et
me demander ou demander à quelqu'un de mon cabinet de me voir à
propos d'un dossier, mais il va de soi que ces personnes sont toujours
référées au sous-ministre, au sous-ministre
associé, au procureur chef, à celui qui s'occupe du dossier.
M. Filion: Le Procureur général qui est devant moi
est en train de me dire qu'il n'a pas suivi personnellement le
déroulement et la conclusion des démarches qui ont fait en sorte
que cette entente se signe et pourvoie au paiement d'honoraires de 100 $
l'heure à deux avocats. Est-ce que c'est cela?
M. Marx: M. le Président, je pense que j'ai
été bien clair que, dans ce dossier comme dans tout autre
dossier, enfin dans tous les dossiers, c'est toujours sur le plan administratif
que les arrangements sont pris, sinon je serais impliqué dans 50 000
dossiers. Il y a des gens qui nous téléphonent, au cabinet, en ce
qui concerne tel dossier et ils sont toujours référés
à la personne responsable. Ce peut être le procureur chef. Ce peut
être le substitut du Procureur général. Ce peut être
l'avocat du contentieux qui s'occupe du dossier, et ainsi de suite.
M. Filion: Mais le ministre de la Justice reconnaîtra
d'emblée avec moi que, d'abord, la loi 101 n'est quand même pas
une loi ordinaire. On l'a appelée la Charte de la langue
française. Deuxièmement, le ministre de la Justice conviendra
également avec moi que tout ce qui entoure les contestations judiciaires
de la loi 101 est extrêmement capital pour l'avenir de notre
collectivité. Lui-même, le Procureur général, a
écrit, a plaidé devant la Cour suprême, que l'avenir de la
collectivité francophone au Québec était en jeu, dans la
cause de Chaussures Browns comme dans la cause de Singer. Là il me dit:
Vous savez, j'ai bien des causes à mon cabinet; je les envoie aux
fonctionnaires. Vous comprendrez que c'est difficile pour moi, M. le ministre,
d'accepter que vous me disiez: Vous savez, c'est mon ministère qui
s'occupe de cela.
Je pense que le ministère a une autorité élue et
c'est notre système démocratique qui veut que vous ayez la
responsabilité de vérifier tout le déroulement des
dossiers de premier ordre, de premier plan, pour l'avenir de la population qui
vous a mandaté. Dans ce sens-là, je demanderais au ministre de se
rafraîchir la mémoire: Est-ce qu'il n'a pas pris connaissance de
ce dossier avant que les arrangements soient conclus? Est-ce qu'il n'a pas pris
connaissance du fait qu'un tarif horaire avait même été
fixé à un montant supérieur à celui des autres
avocats. J'aimerais que le ministre nous dise de quelle façon ce dossier
est venu à sa connaissance. (15 h 45)
M. Marx: Je trouve que vos questions sont de bonne politique,
mais de mauvais droit. Vous me posez des questions sur le tarif horaire et ce
n'est pas moi qui m'occupe de ça; il y a un règlement, et un
directeur s'occupe de ces questions. Si vous voulez "scorer" des points
politiques avec ces questions, faites-le si ça vous fait plaisir; je ne
veux pas vous priver de vos plaisirs, mais ce n'est pas moi qui m'occupe de
ça.
En ce qui concerne ce dossier, je pense que, sur le fond, vous avez
convenu que nous avions plaidé comme il fallait dans cette cause comme
dans toute autre cause. J'ai le mandat de défendre les lois
adoptées par l'Assemblée nationale dans l'intérêt
supérieur de la justice et je le fais, même si j'ai voté
contre ces lois quand j'étais dans l'Opposition. Il faut comprendre que
le Procureur général - je vous l'ai dit ce matin et je peux vous
le répéter cet après-midi - est, bien sûr, une
personne, mais il s'agit, là aussi, d'une institution.
Vous m'avez posé la question sur le cas Singer. On m'informe
qu'il n'y avait pas de demande dans l'affaire Singer, tout comme dans l'affaire
Chaussures Browns.
M. Filion: M. le ministre, on est tous les deux avocats. Vous
êtes un ancien professeur d'université et, au surplus, vous
êtes ministre de la Justice; on va essayer de se comprendre un peu.
M. Marx: C'est difficile aujourd'hui avec vos questions!
M. Filion: Bon, alors vous allez voir.
M. Marx: Elles ne sont pas souvent d'ordre juridique.
M. Filion: Oui? Hé bien, vous allez voir! M. Marx:
J'attends.
M. Filion: Lorsqu'un avocat, à la demande de son client,
conteste la validité d'une loi de l'Assemblée nationale du
Québec, et je suis un peu votre raisonnement, est-ce que, à ce
mo- ment-là, il suffirait que l'avocat, pour contester la
validité d'une loi, fasse une demande au Procureur
général, au ministère de la Justice ou aux bons
fonctionnaires pour obtenir le paiement des honoraires attachés a sa
cause? Encore une fois, la distinction entre un mémoire de frais et les
honoraires, je pense, est bien connue de part et d'autre. Sinon, M. le ministre
de la Justice, depuis 1986, la constitutionnalité de lois
québécoises est contestée très souvent devant les
tribunaux et, vous-même, vous recevez un tas d'avis à votre
bureau. À ce moment-là, comment expliquez-vous qu'il existe des
tas de contestations devant les tribunaux portant sur la validité et la
constitutionnalité d'une loi québécoise et que, depuis
1986, selon ma modeste recherche et celle de l'équipe qui nous entoure,
on n'ait retracé aucun paiement d'honoraires pour aucune autre
cause?
M. Marx: Parce que votre recherche est très modeste.
M. Filion: Oui, c'est vrai que notre recherche est modeste,
mais...
M. Marx: On m'informe que, dans d'autres provinces, il y aurait
des précédents semblables, de ce genre. Par exemple, dans les
demandes de tarifications, Bell Canada paie souvent les avocats qui sont
représentés au CRTC. Mais vous pouvez me demander comment Bell
Canada paie les avocats de ses adversaires devant un tribunal administratif, si
c'est dans l'intérêt des contribuables, et ainsi de suite.
Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a ces
précédents que je viens d'énumérer et qu'il y a des
précédents où la décision a été prise
sur le plan administratif; mes instructions sont toujours d'observer la
politique suivie; le sous-ministre associé responsable de ce dossier est
M. Jean K. Samson qui est l'ancien conseiller constitutionnel de René
Lévesque et de Pierre Marc Johnson. Mes instructions sont de suivre les
mêmes procédures qu'on a toujours suivies. Jusqu'à preuve
du contraire, il me semble que le ministère a toujours suivi ces
procédures. Je n'ai pas d'indication qu'un de mes fonctionnaires ou de
mes sous-ministres n'a pas suivi la procédure établie depuis
longtemps, depuis peut-être un siècle au ministère de la
Justice. Je ne me demande pas quel est le tarif, quel est l'avocat, et ainsi de
suite pour chaque dossier. Je veux que les politiques soient suivies. Si vous
voulez me soulever un cas où la politique du ministère n'a pas
été respectée par un fonctionnaire, c'est une autre paire
de manches et je peux examiner la question.
M. Filion: Merci, M. le ministre de la Justice. Vous me parlez
d'une pratique administrative. J'ai déposé en Chambre
tantôt tous les relevés de mandats ou d'honoraires confiés
à des avocats de pratique privée. Encore une fois,
aucun de ces mandats ne porte sur le paiement d'honoraires aux avocats
de la partie adverse, premièrement.
Deuxièmement, le seul exemple que vous me donnez jusqu'à
maintenant c'est...
M. Marx: Vous n'avez pas tous les relevés, parce que
autrefois tous les relevés n'étaient pas même
déposés.
M. Filion: Écoutez, c'est une question que j'ai
posée pour préparer les présents crédits.
M. Marx: Non, mais pour certaines années les
crédits n'étaient pas toujours déposés. On
dépose ce qu'on a. On n'a pas de secret.
M. Filion: Combien d'argent a été effectivement
versé à ces deux procureurs?
M. Marx: Est-ce qu'on a le montant global? Les chiffres que j'ai
pour Me Hilton ici, c'est 18 215 $ et pour Me Yarosky, c'est 15 729 $.
M. Filion: À quelle date? M. Marx: À ce
jour, fin de mars. M. Filion: Fin de mars. M. Marx: Au 11 mars.
M. Filion: Au 11 mars. Aviez-vous vu les comptes qui ont
été adressés par ces avocats?
M. Marx: Non. M. le Président, j'ai dit que je ne vois pas
les comptes des avocats, des notaires.
M. Filion: D'accord. Mais vous avez une équipe avec vous.
Je sais que vous ne savez pas tout.
M. Marx: Je vous ai donné le montant. Je pense que c'est
suffisant.
M. Filion: Pouvez-vous déposer les comptes qui ont
été envoyés par ces procureurs?
M. Marx: Je n'ai pas de raison de le faire. Si je commence
à déposer des comptes et des factures d'avocats, je vais en
déposer beaucoup. Je vais déposer des comptes d'avocats
engagés par le gouvernement précédent, je vais
déposer toutes sortes de comptes. Je ne vois pas la
nécessité de déposer les comptes de tout le monde depuis
le début du ministère.
Le Président (M. Marcil): Je vais reconnaître le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Sur le même
sujet, soit relativement à des pratiques administratives ou des
conventions. On a su dans le passé que dans certaines situations on
avait à défrayer, en termes d'honoraires, des bureaux d'avocats
de pratique privée. À titre d'exemple, je crois qu'on a
payé des avocats de pratique privée pour nous aider à
travailler à des travaux législatifs, notamment les avocats pour
l'Opposition officielle. À ce moment-là, est-ce que les taux des
honoraires étaient les mêmes? De quelle façon a-t-on
procédé pour défrayer le coût des honoraires des
avocats de l'Opposition, soit cette année ou les années
antérieures?
M. Marx: Cette année, on a payé les mêmes
tarifs horaires pour les avocats qu'on a engagés pour l'Opposition, que
ce soit lors de l'étude du Code civil ou lors d'autres études. Si
vous vérifiez, vous allez voir que nous avons payé plus pour les
avocats de l'Opposition que ce que l'Opposition a payé pour mes avocats
quand j'étais dans l'Opposition. Ce n'est pas une question d'argent,
c'est-à-dire que, si quelqu'un engage un professeur d'université,
cela va coûter moins que s'il engage un avocat qui va demander 100 $
l'heure. Il y a des tarifs qui varient. On engage l'avocat; après cela,
on lui paie ce qui est prévu par le règlement relativement aux
tarifs d'honoraires autorisés pour des services professionnels rendus au
gouvernement par un avocat ou un notaire. Il y a un règlement. On suit
le règlement. Si on veut avoir une dérogation, il faut aller au
Conseil du trésor. Ce qu'on fait de temps à autre.
C'est indiqué ici: Le gouvernement. Je vois que certains avocats
étaient payés 400 $ par jour. D'autres, 100 $ l'heure. Il y en a
peut-être même un qui était payé 150 $ l'heure, et
ainsi de suite. On suit le règlement. Si on a une dérogation, on
demande la dérogation.
M. Dauphin: Si vous me le permettez, M. le Président.
Évidemment, il s'agit d'une contestation d'une loi du Parlement. Il
s'agit d'une pratique administrative. À votre connaissance, y a-t-il
d'autres lois? Je ne parle pas nécessairement de la loi qui fait l'objet
de la discussion aujourd'hui. M. le député de Taillon disait que
dans ses vérifications, depuis 1985 ou 1986... Est-ce qu'il y a d'autres
lois qui ont été contestées? Évidemment, il y en a
sûrement qui ont été contestées devant les tribunaux
et dont les honoraires des avocats ont été l'objet d'une entente
administrative de la même sorte?
M. Marx: Je pense qu'il y a une autre cause ici. L'affaire
Labrecque où on a payé aussi, à la suite d'une cause
semblable à cette cause-ci.
M. Dauphin: Pour une loi québécoise qui
était contestée devant les tribunaux?
M. Filion: La cause était-elle réglée
à ce moment?
M. Marx: J'ai dit en Chambre que je vais
demander qu'on trouve des précédents dans ce domaine.
M. Filion: Oui. Si M. le député de Marquette me le
permet. Il peut arriver dans le cadre d'un règlement de dossier - on l'a
vu, je pense, à la ville de Sainte-Foy récemment - il peut
arriver dans le cadre d'un règlement, pour éviter un litige, pour
éviter une décision qui pénaliserait davantage le
Procureur général et, donc, pour des fins économiques
évidentes, il peut arriver que dans certains cas une entente intervienne
entre des parties et que des honoraires soient payés pour éviter,
encore une fois, qu'un jugement soit rendu encore plus défavorable. Je
pense qu'il convient de le mentionner à juste titre dans le sillon des
propos du député de Marquette.
Dans ce cas-ci, il s'agit, encore une fois, de la contestation d'une
partie importante de la loi 101. Le litige existe toujours. La preuve, c'est
que la Cour suprême en est saisie. Il n'y a pas eu de règlement
qui est intervenu entre les parties. Le jugement n'est même pas encore
intervenu. Je pense qu'il faudrait, dans l'étude de ce dossier, en tout
cas, de notre côté, M. le ministre, faire preuve de rigueur et ne
pas comparer des pommes avec des carottes. Exemple, on peut poursuivre le
Procureur général. Le Procureur général se sent
coïncé. Pas lui personnellement, mais à cause, je ne sais
pas moi, d'un geste posé par un agent de police; il peut y avoir un
règlement qui intervient et on paie des honoraires à des avocats.
Ce sont des choses qui peuvent arriver. Des choses qui n'arrivent pas souvent,
mais qui arrivent à l'occasion. (16 heures)
Dans ce cas-ci, la loi 101 n'est pas une loi à portée
économique. Elle est une loi à portée sociale infiniment
percutante. On le constate toutes les semaines. Deuxièmement, il n'y a
pas de jugement de rendu. Troisièmement, le litige existe toujours.
Mais, encore une fois, si le ministre veut m'apporter des exemples, moi je suis
tout à fait prêt à les examiner en détail pour
connaître le bien-fondé d'une pratique, M. le ministre, qui, je
vous le dis franchement, me fait sourire, il ne peut pas exister de pratique
administrative pour payer les honoraires des avocats qui contestent nos lois.
Ce n'est pas possible. C'est le gros bon sens qui me le dicte. Je ne peux pas
me tromper. Autrement, ce serait une invitation et une incitation à
contester. Le seul exemple que vous me donnez de pratique administrative, c'est
celui du Bell et aussi celui du CRTC; je vais vous avouer qu'on est loin d'une
pratique administrative, que le Bell, dans sa magnanimité, de temps en
temps, va payer les honoraires des gens qui s'opposent à une hausse de
tarifs. C'est un secteur tout à fait différent. Encore une fois,
je serai disposé - je ne veux pas passer tous les crédits
là-dessus - d'ici à la fin de l'étude des crédits,
à recevoir du ministre quelque explication censée et raisonnable
que ce soit.
M. Marx: il peut y avoir une ordonnance de la cour, soit de la
Cour supérieure, de la Cour d'appel ou de la Cour suprême, pour
prévoir le paiement de tels frais et il peut y avoir aussi un
arrangement qui est pris sur le plan administratif, entre les avocats au
dossier, pour payer ces frais afin d'éviter une telle ordonnance de la
cour. Je pense que le député de Taillon, qui a plaidé
assez longtemps, doit savoir que des arrangements de cette nature sont
pris.
M. Filion: Vérification faite, M. le ministre, je vous le
répète, auprès de la Cour suprême, il n'existe
aucune requête pendante visant à ce que des honoraires soient
payés aux avocats de la partie adverse. Il n'existe aucune ordonnance,
encore une fois selon les vérifications...
M. Marx: Non, mais je vous ai seulement expliqué... Cela
peut être payé après une ordonnance ou cela peut être
payé avant pour éviter une ordonnance.
M. Filion: Oui. À ce moment-là, est-ce que le
ministre peut me fournir un précédent d'une compagnie qui a
reçu une telle faveur de se faire payer les honoraires de ses avocats
par le Procureur général? Qu'il me donne des exemples d'une
compagnie et non pas d'une personne infortunée, d'une personne
démunie qui n'a pas de ressources financières suffisantes. Je
suis prêt à suivre le Procureur général dans
n'importe lequel de ses raisonnements s'il y a un peu de cohérence.
M. Marx: J'ai déjà dit que je vais demander qu'on
vérifie. Dans ce dossier comme dans tout autre dossier, c'étaient
des arrangements administratifs pris par les personnes responsables au
ministère. Voilà! Si le député n'a pas d'autres
questions, peut-être peut-on continuer maintenant.
M. Dauphin: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): Oui, M. le député
de Marquette.
M. Dauphin: ...puisque le ministre vient de dire clairement qu'il
va faire une vérification et qu'il prend avis de la question, est-ce
qu'on peut passer à d'autres programmes ou si le député de
Taillon a d'autres questions sur le même sujet, qui ne feraient pas
l'objet du même avis?
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Taillon, est-ce que le programme 8...
M. Filion: Non, j'ai une autre question à poser au
ministre de la Justice. Est-ce qu'à sa connaissance il existe ou non une
ordonnance de
la Cour suprême dans le dossier de Chaussures Browns?
M. Marx: Je pense, M. le Président, que des ordonnances
sont des documents publics. Le député de Taillon a ses
recherchistes qui font la recherche. C'est un document public.
M. Filion: Oui.
M. Marx: Je n'ai pas à faire la recherche dans les
documents publics pour le député de Taillon.
M. Filion: Écoutez, on a un contrat, c'est la liste des
contrats. On est à l'étude des crédits. Il y a 25 000 $.
S'il existe une ordonnance...
M. Marx: Bien, si le député... Une
ordonnance...
M. Filion:... est-ce que le ministre...
M. Marx:... c'est comme un jugement; c'est un document public. Si
le député veut avoir des documents publics, qu'il s'informe au
gardien de ces documents publics.
M. Filion: Oui, mais le ministre de la Justice n'aurait pas
à prouver semblable entente s'il y avait eu une ordonnance.
M. Marx: J'ai dit qu'il peut arriver des cas où il y a une
ordonnance; il peut arriver des cas aussi où on paie afin
d'éviter une telle ordonnance. Une ordonnance, c'est un document public.
La cause est devant les tribunaux. Il n'y a pas de problème avec cela;
le député peut vérifier. Je me sens très à
l'aise dans ce dossier parce que je sais que j'ai donné comme
instructions à mon ministère de toujours suivre la
procédure habituelle; la pratique administrative est toujours suivie.
J'ai toujours dit aux gens de mon ministère de jouer "by the book". Je
pense que, dans ce dossier, on a joué "by the book", comme dans tout
autre dossier.
M. Filion: Lorsque le ministre a signé le document
autorisant le paiement d'honoraires à ces avocats, est-ce que, oui ou
non, il y avait une ordonnance de qui que ce soit, de quelque niveau de
tribunal que ce soit visant à couvrir le paiement de ces honoraires? Je
pense que ma question est précise, on est à l'étude des
crédits, on vient d'en débattre en Chambre. Si le ministre a une
information à nous donner, qu'il nous la donne.
M. Marx: Je n'ai signé aucun document en ce qui concerne
les frais des avocats dans ce dossier et dans n'importe quel autre dossier. Je
ne signe pas les documents, les paiements. On a un service qui s'occupe des
paiements.
M. Filion: Mais le ministre a pris connaissance du dossier.
Est-ce qu'il y a une ordonnance, oui ou non?
M. Marx: Je vous ai dit, M. le Président, que c'est un
document public, que le député demande au gardien des documents
publics, soit à Ottawa, soit ailleurs, le document qu'il veut avoir. Je
ne suis pas ici pour faire la recherche du député de Taillon.
M. Filion: Cela va. Je pense qu'on peut revenir au programme
4.
M. Marx: Est-ce que le dossier est épuisé ou est-ce
que le député de Taillon est épuisé?
Le Président (M. Marcil): Est-ce que le programme 8 est
adopté?
Augmentation des mandats confiés aux avocats de
pratique privée
M. Filion: Non, on va y revenir. Toujours dans le même
programme, est-ce que le ministre peut expliquer l'augmentation draconienne de
113 % des mandats confiés aux avocats de pratique privée?
M. Marx: L'automne dernier, des moyens de pression ont
été exercés par les avocats et les notaires de la fonction
publique. C'est pourquoi on a donné plus de mandats cette année
que l'an dernier.
M. Filion: Oui, mais l'augmentation est quand même
draconienne: de 84 en 1985-1986 à 179 en 1987-1988. Cela mérite
des explications.
M. Marx: J'ai donné des explications, mais si vous allez
vérifier au gouvernement, vous verrez que nous donnons moins de mandats
que le gouvernement précédent. Par exemple, en matière de
construction, nous ne donnons pas de mandats aux avocats de la pratique
privée, comme ce fut le cas de l'ancien gouvernement. Ce sont nos
procureurs de la couronne qui s'occupent maintenant de ces dossiers.
Dans l'ensemble du gouvernement, je suppose qu'on a donné moins
de mandats depuis deux ans et demi ou depuis deux ans que ce que l'ancien
gouvernement a donné.
M. Filion: Les chiffres contredisent ce que vous dites, M. le
ministre. À la Direction générale du contentieux...
M. Marx: C'est cela...
M. Filion:... de 84 à 179...
M. Marx: J'ai dit pour l'ensemble du gouvernement. En ce qui
concerne, par exemple, les mandats autrefois donnés par l'Office de
la
construction aux avocats de la pratique privée, maintenant, ce
sont les procureurs de la couronne qui plaident ces causes. Dans l'ensemble du
gouvernement, il me semble qu'on en donne moins. Si vous parlez de la Direction
générale du contentieux, c'est vrai qu'on a donné plus de
dossiers cette année par rapport à l'année
précédente, mais c'est en raison des moyens de pression
exercés l'automne dernier par les avocats et notaires de la fonction
publique. Probablement que, dans l'ensemble, on a dépensé moins
peut-être. C'est possible aussi qu'à cause des négociations
constitutionnelles on ait donné plus de mandats aux avocats qui se sont
occupés de ces dossiers.
M. Filion: Si je prends la ventilation des crédits du
programme 8, Fonctionnement-Personnel - je peux me tromper, vous me corrigerez
- j'ai l'impression que les honoraires à des avocats de pratique
privée se retrouve à l'élément "Autres
rémunérations." À ce moment-là, pour 1987-1988, une
somme de 1 073 000 $ et pour 1988-1989, une somme de 1 900 000 $. D'abord,
est-ce que ces chiffres sont exacts?
M. Marx: Quelle page?
M. Filion: C'est le programme 8, page 17-9 du livre des
crédits.
M. Marx: Ce ne sont pas seulement les avocats.
M. Filion: C'est-à-dire...
M. Marx: Ce ne sont pas nécessairement des avocats. On n'a
pas...
M. Filion: C'est l'élément 5, c'est-à-dire
4.
M. Marx: Tous les contrats que nous avons donnés ne sont
pas nécessairement pour des avocats. Sur les mandats, à vrai
dire, M. le Président, on n'a pas le contrôle. C'est-à-dire
qu'il est possible qu'un procureur de la couronne soit poursuivi par quelqu'un.
Donc en vertu - je ne dirais pas de la convention collective - du
règlement concernant les procureurs de la couronne, il revient au
gouvernement de payer les avocats engagés par le Procureur
général et il a le choix des avocats. Donc, si les procureurs
sont poursuivis plus cette année que l'année dernière, on
aura plus de mandats. Je pense qu'en général on ne donne pas
beaucoup de mandats à la pratique privée.
La tendance était, depuis une quinzaine d'années ou plus
maintenant, de donner moins de mandats et cette année nous avons
coupé un grand nombre de mandats en ce qui concerne le règlement
de la construction parce qu'autrefois, jusqu'à l'an dernier,
c'était plaidé par les avocats de la pratique privée.
Peut-être que vous n'avez pas vu les crédits lors de
l'étude des crédits du ministère de la Justice.
C'étaient des dépenses gouvernementales. Mais maintenant ces
mandats sont assumés par le ministère de la Justice, par les
substituts du Procureur général et, effectivement, dans les
crédits d'aujourd'hui, j'ai souligné qu'il va y avoir un
transfert de 1 100 000 $ du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu afin de s'occuper de ces dossiers devant les
tribunaux.
M. Filion: Mais parlons du ministère de la Justice, en ce
qui concerne la Direction générale du contentieux, comment le
ministre explique-t-il l'augmentation du nombre de mandats?
M. Marx: Je l'ai déjà expliqué trois
fois.
M. Filion: Uniquement pour le contentieux. Je ne parle pas des
autres ministères.
M. Marx: Je vais l'expliquer une cinquième fois. Le nombre
de mandats autorisés a augmenté en 1987-1988 par rapport à
l'année précédente en raison des moyens de pression
exercés l'automne dernier par les avocats et notaires de la fonction
publique. C'est le député de Taillon lui-même qui a
crié à tout le monde partout qu'il y avait des avocats qui
faisaient des pressions et que les causes ne procédaient pas. Donc,
parce que c'était nécessaire, nous avons donné des
mandats.
M. Filion: L'augmentation est donc strictement due à cela
et ne devrait pas se retrouver dans un contexte normal comme celui de
1988-1989.
M. Marx: Normalement, cela va diminuer.
M. Filion: Bon! Cela va. Alors, donc en ce qui concerne...
Le Président (M. Marcil): Où en êtes-vous
rendu pour l'engagement 8?
M. Filion: Cela va pour le programme 8. Je n'ai pas d'autres
questions là-dessus.
Le Président (M. Marcil): Cela va pour le programme 8.
Adopté. On revient au programme 3. C'est cela?
Protection des droits et libertés de la
personne
M. Filion: Oui, c'est cela, le programme 3.
Le Président (M. Marcil): Protection des droits et
libertés de la personne.
M. Filion: C'est cela. En ce qui concerne le programme 3...
Le Président (M. Marcil): Je peux peut-être
commencer par le député de Marquette. Si vous êtes
prêt, M. le député de Marquette...
M. Filion: Oui. M. Dauphin: Oui.
Le Président (M. Marcil): Oui, sur le programme 3.
Commission des droits de la personne
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Vous n'êtes pas
sans savoir, M. le ministre, que la commission des institutions dont les
honorables membres sont ici aujourd'hui a exercé, en vertu du
règlement, un mandat de surveillance et de contrôle d'un organisme
gouvernemental, la Commission des droits de la personne. Nous avons, à
l'occasion de ce mandat exigé effectivement par notre règlement,
eu l'occasion d'entendre une vingtaine de groupes de défense des droits
et libertés de la personne qui, à certains égards, ont eu,
par moments, des jugements assez sévères envers la Commission des
droits de la personne et notamment relativement aux délais que la
commission a dans le cheminement des différents dossiers. Je sais
pertinemment qu'il y a actuellement énormément de dossiers en
suspens et on a eu l'occasion de questionner et de converser avec les
commissaires de ladite commission. Est-ce que, selon vous, les délais
occasionnés sont effectivement dus à un manque de ressources? On
a souvent entendu les groupes nous parler d'une espèce de conflit chez
les agents entre, premièrement, leur rôle de faire enquête
et celui, deuxièmement, en vertu de la charte, de voir à une
certaine forme de médiation. Sur tout le phénomène
d'enquête, de médiation, de retard dans le fonctionnement de la
commission, j'aimerais vous entendre ainsi que sur ce qu'on pourrait faire pour
enrayer les délais qui sont quand même, selon les personnes
intéressées, très longs. (16 h 15)
M. Marx: Je comprends la question. La Commission des droits de la
personne compte 115 personnes qui travaillent à temps plein. C'est une
des commissions qui a le plus de personnel dans tout le pays. Il y a des
commissions des droits dans d'autres provinces et je ne pense pas qu'il y ait
beaucoup de provinces qui ont plus de 115 employés. Je pense que c'est
aussi à la commission de décider quelles sont ses
priorités. M. le Président, j'ai siégé pendant cinq
ans en tant que commissaire à la Commission des droits de la personne et
j'ai toujours dit que c'est à la commission de décider de ses
priorités. Si on met les priorités dans les enquêtes,
peut-être serait-il nécessaire de diminuer l'effectif dans une
autre direction. On ne peut pas voler dans toutes les directions en même
temps. Il me semble que c'est à la Commission des droits de la personne
de décider quelles sont ses priorités et de mettre l'effectif
nécessaire dans la direction concernée.
On parle également des délais. Forcément, pour les
cas devant la commission ou devant les tribunaux judiciaires, un délai
normal, c'est quelques mois ou un an. Ce n'est pas toujours la faute du
tribunal ou de la commission si la cause n'est pas réglée. C'est
parce que les avocats au dossier veulent avoir plus de temps: il y a des
témoins à entendre qu'on n'a pas entendus, et ainsi de suite.
C'est fort possible que la commission devra faire un effort pour
améliorer les délais. Vous avez les chiffres concernant les
directions: la Direction du contentieux compte 4 employés; la Direction
des enquêtes, 22; la Direction des communications, 12; la Direction de
l'éducation, 12; la Direction des services administratifs, 13; la
Direction des programmes d'accès à l'égalité, 18.
La commission est autonome dans la distribution de son effectif dans les
directions.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que cela va? Oui, M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: J'ai une sous-question, si vous me le permettez, M.
le Président. Concernant les bureaux régionaux de la Commission
des droits de la personne, je sais qu'actuellement il existe des bureaux
régionaux dans quatre régions du Québec, sauf
Québec et Montréal. Tout cela avait débuté sous la
forme d'expériences pilotes. Je crois que les huit bureaux
régionaux poursuivent toujours leurs activités. On a souvent
entendu les groupes ou des membres de la commission nous dire que, dans ces
bureaux régionaux, il manquait de personnel. Est-ce qu'à votre
connaissance il n'y aurait pas lieu d'augmenter le personnel dans ces
bureaux?
M. Marx: Premièrement, nous avons demandé au
Conseil du trésor de maintenir les bureaux régionaux existants et
de nous donner l'autorisation d'avoir des bureaux régionaux permanents.
Ceia a été évalué chaque année et il n'a
jamais été déterminé que c'étaient des
bureaux régionaux permanents.
M. Dauphin: Est-ce qu'il y en a huit, M. le ministre.
M. Marx: Non, je pense qu'il y en a quatre. M. Dauphin: il
y en a quatre?
M. Marx: il y en a à Hull, Sherbrooke, Sept-îles et
Rouyn.
M. Dauphin: Alors, il y en a quatre, à part Québec
et Montréal.
M. Marx: Disons qu'à Sherbrooke - j'étais là
l'autre jour - il y a une permanente et une secrétaire qui travaille
à mi-temps à la commission et à mi-temps au Comité
de la protection de
la jeunesse.
M. Dauphin: D'accord. Est-ce que le Comité de la
protection de la jeunesse a plus de bureaux régionaux que la Commission
des droits de la personne?
M. Marx: Je pense que oui. C'est instauré depuis
longtemps. Vous comprenez que, si un bureau régional, supposons de
Sherbrooke, de Hull ou d'ailleurs a besoin d'aide, on envoie quelqu'un de
Montréal ou de Québec, le personnel nécessaire pour
l'aider dans un ou plusieurs dossiers.
Le Président (M. Marcil): Dans la même ligne de
pensée, M. le ministre?
M. Kehoe: Dans la même ligne de pensée, M. le
ministre.
M. Marx: Je vais juste répondre pour les bureaux
régionaux du Comité de la protection de la jeunesse qui a douze
bureaux au Québec, y compris Montréal et Québec. Ils ont
douze bureaux au Québec, un dans chaque région.
M. Dauphin: En pratique, M. le ministre, ce serait facilement
faisable, sans nécessairement fusionner, de joindre à la limite
des personnes à même ces bureaux régionaux de la CPJ, si la
demande en était faite, évidemment, en termes de service pour la
commission.
M. Marx: De donner le mandat à la Commission des
droits...
M. Dauphin: Lorsqu'ils utilisent les mêmes locaux.
M. Marx: Ils partagent souvent des locaux. À Sherbrooke,
par exemple, les bureaux sont à côté du nouveau palais de
justice, je pense, et ils partagent le secrétariat et ainsi de suite. Il
y a une certaine collaboration entre eux.
M. Dauphin: Alors, cette collaboration existe
déjà.
M. Marx: Oui, mais pas en ce qui concerne le mandat précis
en vertu de la loi, mais sur le plan administratif.
M. Dauphin: D'accord, merci.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Je me souviens, M. le ministre, quand il avait
été question de fermer certains bureaux régionaux,
particulièrement celui de Hull dans ma région, il y a eu un
tollé. Je me souviens avoir, à ce moment-là,
demandé quel était l'avenir de ces bureaux. La réponse
était à peu près semblable à celle que vous nous
donnez aujourd'hui, que la demande est faite au Conseil du trésor. Mais
où en est rendu le dossier? Est-ce qu'une décision sera prise
dans un avenir rapproché ou est-ce qu'on peut plus ou moins tenir pour
acquis, à toutes fins utiles, que les quatre bureaux régionaux en
question qui sont déjà établis et celui de Hull plus
spécialement le sont en permanence? J'aimerais savoir si on peut
anticiper la réponse du Conseil du trésor ou si vous avez une
indication nous permettant de savoir où en est rendu le dossier.
M. Marx: J'espère que ces bureaux régionaux
resteront. On a eu un rapport d'évaluation, mais nous n'avons pas encore
reçu la décision du Conseil du trésor. Je ne peux pas
m'engager avant d'avoir reçu la décision du Conseil du
trésor.
M. Kehoe: Mais prévoyez-vous le faire dans un avenir
rapproché? Si je me souviens bien, presque à la même date
l'an passé, j'ai posé presque la même question, et c'est
presque la même réponse cette année. Je ne sais pas si ce
sera encore la même chose l'année prochaine. Entre-temps, j'ai
reçu, à plusieurs reprises, des demandes des différents
groupes justement pour savoir quel était l'avenir. Je suis sûr que
celui de Hull va subir le même sort que les trois autres. Mais,
entre-temps, l'inquiétude règne quant à son avenir.
N'êtes-vous pas en mesure, cette année, d'en dire plus que
l'année passée?
M. Marx: J'en ai déjà dit plus. Cette année,
on a un rapport d'évaluation et, l'an dernier, on n'en avait pas.
M. Kehoe: Et l'année prochaine?
M. Marx: L'année prochaine, j'espère qu'on aura la
décision.
M. Kehoe: Est-ce que ce sera avec les credits?
M. Marx: Je ne veux pas empêcher le député
d'exercer des pressions au sein du gouvernement pour que le bureau reste
à Hull et qu'il devienne permanent. Ce n'est pas permanent maintenant
dans les dossiers du gouvernement, mais cela l'est dans le sens que c'est
là depuis quelques années. C'est encore ouvert. Mais si le
député vient m'aider dans ce dossier, cela me fera grand
plaisir.
M. Kehoe: Dites-moi quoi faire, à qui et quand.
M. Marx: Après l'étude des crédits. M.
Kehoe: Tout de suite.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Taillon.
M. Filion: Le député de Chapleau a cette chance. Je
n'ai pas la chance. C'est juste la période des crédits.
M. Marx: Mais le député de Taillon est bien servi
dans son comté. Il y a un nouveau palais, étant donné que
c'est l'ancien comté de René Lévesque.
Le Président (M. Marcil): il ne manque que le roi.
M. Filion: Pardon?
Le Président (M. Marcil): il ne vous manque que le roi,
vous avez un nouveau palais.
M. Filion: Oui. Je voudrais demander au ministre de la Justice
s'il a pris connaissance du fait que la proportion...
Le Président (M. Marcil): Nous sommes toujours à
l'engagement 3?
M. Filion: On est au programme 3.
Le Président (M. Marcil): Excusez-moi, le programme 3.
Présence des minorités ethniques dans la
fonction publique québécoise
M. Filion: Je voudrais savoir du ministre s'il a
été sensibilité au fait que la proportion des
minorités ethniques dans la fonction publique va en décroissant:
4,14 % des effectifs globaux en 1987 contre 4,3 % en 1986, une baisse de 0,16
%. Évidemment, la présence des minorités ethniques au sein
de la fonction publique est un sujet éminemment important. Le ministre
de la Justice a lui-même eu l'occasion de se prononcer longuement
là-dessus à plusieurs reprises. Je ne citerai pas ses
déclarations.
On sait qu'en décembre 1986 l'Assemblée nationale adoptait
une déclaration solennelle du gouvernement du Québec sur les
relations interethniques et interraciales. Quand on regarde les chiffres, il
semble donc que peu de choses se font dans ce secteur. Quelle action le
ministre de la Justice entend-il prendre pour accélérer le
processus d'intégration des minorités ethniques dans la fonction
publique québécoise?
M. Marx: Premièrement, M. le Président, je suis
très conscient de ce problème. C'est pourquoi j'ai demandé
à la Commission des droits de la personne de faire un rapport sur la
situation dans la région montréalaise. Effectivement, j'ai eu un
rapport. Je peux vous dire que je ne suis pas satisfait de la situation.
Nous avons fait un certain nombre de choses. Depuis que nous sommes au
pouvoir, nous avons adopté le règlement en ce qui concerne les
programmes d'accès à l'égalité. Nous avons
adopté le règlement en ce qui concerne la taille et le poids des
policiers, ce qui a effectivement empêché un certain nombre de
personnes de se porter candidats dans les différents corps de police.
Nous avons adopté une politique en ce qui concerne l'obligation
contractuelle qui va aussi avoir l'effet de forcer ou encourager les compagnies
à engager des membres des communautés ethniques. En tant que
ministre, j'ai pris d'autres mesures auprès de mes collègues.
Où c'était possible d'agir tout de suite, le gouvernement l'a
fait. Par exemple, en ce qui concerne les nominations, environ 15 % des
nominations faites par le gouvernement concernent des personnes des
communautés ethniques.
M. Filion: Bref, le ministre est sensibilisé. Est-ce qu'il
y a des moyens concrets pour les prochains mois pour rétablir une
présence des minorités ethniques? Bien sûr, ce n'est pas le
ministre qui prend toutes les décisions dans ce secteur, mais compte
tenu de l'intérêt qu'on manifeste pour les droits de la personne,
l'intérêt qu'il a manifesté dans le passé pour une
fonction publique plus représentative, est-ce qu'il y a des choses
concrètes auxquelles on peut s'attendre dans les prochains mois?
M. Marx: J'ai déjà énuméré
quatre choses concrètes. (16 h 30)
M. Filion: Est-ce que c'est pour les prochains mois?
M. Marx: Mais ce sont des choses qu'on a déjà
faites; Les règlements en ce qui concerne les programmes d'accès
à l'égalité, le règlement en ce qui concerne la
taille et le poids des policiers. Vous savez que la Sûreté du
Québec travaille avec la Commission des droits de la personne pour
engager davantage de policiers membres de communautés ethniques.
M. Filion: En ce qui concerne l'ensemble de la fonction publique,
les policiers, bon...
M. Marx: Mais il y a déjà des policiers...
M. Filion: ...sont environ 10 000 ou 12 000, une goutte d'eau
dans l'océan.
M. Marx: C'est cela. Il y a déjà certaines
politiques en place et j'espère qu'il va y en avoir d'autres. Cette
question sur le plan technique relève davantage du ministre responsable
du Conseil du trésor. Je pense qu'il y a encore beaucoup de choses
à faire dans ce dossier.
Insertion du droit à la qualité
de
l'environnement dans la Charte des
droits et libertés de la personne
M. Filion: Toujours dans le même programme, M. le
Président, la Protection des droits et
libertés de la personne. On a beaucoup parlé, on parle
encore beaucoup du droit à la qualité de l'environnement. On sait
qu'il y a même eu une conférence constitutionnelle l'automne
dernier qui a recommandé que le droit à la qualité de
l'environnement soit intégré à la Charte des droits et
libertés de la personne. Le ministre a-t-il l'intention de donner suite
à cette proposition? Bon! je vous parle. Je suis obligé de
répéter.
M. Marx: M. le Président, deux mots m'ont
échappé.
M. Filion: Le ministre de la Justice a-t-il l'intention de donner
suite à la recommandation de la dernière conférence
constitutionnelle de l'automne qui mentionnait que le droit à la
qualité de l'environnement devrait être intégré
à la Charte des droits et libertés de la personne?
M. Marx: Qui m'a demandé de faire cela?
M. Filion: C'est moi qui vous demande si vous allez donner suite
à cette recommandation d'inclure le droit à la
qualité...
M. Marx: Qui a fait cette recommandation?
M. Filion: La conférence constitutionnelle de l'automne
dernier.
M. Marx: La conférence constitutionnelle...
M. Filion: À la conférence de droit
constitutionnel, l'automne dernier. D'ailleurs, Me Nicole Duplé, que
vous connaissez bien, qui est la présidente de la cinquième
conférence de droit constitutionnel a mis de l'avant le principe, ou en
tout cas, le moyen à l'effet d'inclure, dans les chartes des droits et
libertés, le droit à la qualité de l'environnement. Le
ministre est-il sensible à cette demande? A-t-il l'Intention d'y donner
suite à notre niveau, c'est-à-dire au niveau où il en a
les moyens, c'est-à-dire la Charte des droits et libertés de la
personne?
M. Marx: Étant donné que cette question
intéresse aussi le ministre de l'Environnement, je vais lui parler de
cette question.
M. Filion: il n'y a pas de travaux en cours visant à faire
en sorte que le droit à un environnement sain soit intégré
à la Charte des droits et libertés de la personne.
M. Marx: Je pense que le ministre de l'Environnement fait un
excellent travail en ce qui concerne la protection de l'environnement. S'il
faut prendre d'autres mesures, on va prendre les mesures qui s'imposent.
M. Filion: Cela va en ce qui concerne le programme 3.
Le Président (M. Marcil): Cela va pour le programme 3.
Adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Marcil): Adopté. J'appelle le
programme 4. Cela va?
Aide aux justiciables
M. Filion: Au programme 4, il y avait une question
là-dessus. Tantôt on a parlé de mandais confiés
à la pratique privée. Le ministre a-t-il l'intention de
relever le plancher des montants de revenus admissibles pour l'aide
juridique?
M. Marx: En ce qui concerne l'aide juridique, je pense
qu'étant donné... Voulez-vous suspendre, M. le
député de Taillon?
M. Filion: Je m'excuse.
M. Marx: En ce qui concerne l'aide juridique, vous savez que la
loi a été adoptée en 1972. On n'a jamais fait
l'étude de l'ensemble de la loi. Je pense que c'est le temps de
l'étudier dans son ensemble et je songe à constituer un groupe de
travail pour revoir toute la Loi sur l'aide juridique, le fonctionnement de la
commission, etc.
Barèmes d'admissibilité à l'aide
juridique
M. Filion: Avant d'entreprendre cette grande aventure que serait
peut-être un réexamen complet de la loi et de ses
modalités, etc., le ministre n'est-il pas d'avis qu'il serait temps
d'ajuster les barèmes d'admissibilité à l'aide juridique
pour les rendre conformes un peu au niveau de la vie et à ce qu'on vit
autour? Dans ma présentation principale, j'ai signalé au ministre
que certaines personnes qui sont sur l'aide sociale - dans certains cas, je ne
dis pas que c'est la majorité, c'est une archiminorité, bien
sûr...
M. Marx: C'est impossible. Les gens qui sont sur l'aide sociale
ont droit, automatiquement, à l'aide juridique.
M. Filion: Je dois vous signaler que les avocats de l'aide
juridique ont eux-mêmes fait ces représentations à
l'occasion de leur conflit. Donc...
M. Marx: Non, mais c'est dans la loi.
M. Filion: En dehors de cela, est-ce que le ministre n'est pas
d'avis qu'il serait temps de réétudier les barèmes
d'admissibilité à l'aide juridique?
M. Marx: M. le Président, je pense que l'aide juridique au
Québec est le programme le plus généreux à comparer
avec l'aide juridique du reste du Canada. Le coût de cette année,
c'est environ 75 000 000 $. L'an dernier, c'était 65 000 000 $; cette
année, c'est 75 000 000 $. Je pense qu'on fait un effort
considérable...
M. Filion: Même à cela...
M. Marx: Oui, mais à l'aide juridique, ce ne sont que des
salaires tout simplement. Qu'est-ce qu'il y a d'autres? Le loyer?
M. Filion: Non, non, mais je parlais des barèmes.
M. Marx: Non, non, je comprends, mais tout ce que je vais vous
dire c'est que l'aide juridique a coûté, l'an dernier, 65 000 000
$; cette année, cela va coûter 75 000 000 $. Combien est-ce que le
député de Taillon pense qu'il faut investir dans l'aide
juridique? Est-ce que le député a une...
M. Filion: D'accord. J'attire l'attention du ministre de la
Justice sur le fait que les barèmes n'ont pas été
réexaminés depuis déjà un bon bout de temps.
J'attire l'attention du ministre sur le fait qu'il est évidemment
important dans une société comme la nôtre que les plus
démunis aient un accès franc et total au mécanisme
judiciaire lorsque leurs droits sont en cause. Or, 11 ne s'agit pas ici... je
comprends qu'il fallait réajuster les conventions collectives des
avocats de l'aide juridique. Je parle ici des barèmes. Lorsqu'on cite
des cas, par exemple: un couple avec deux enfants peut recourir à l'aide
juridique si le revenu de la famille ne dépasse pas 245 $. Donc, 245 $
par semaine, cela fait grosso modo 12 000 $ par année. Est-ce que le
ministre se rend compte qu'un couple avec deux enfants, qui gagne 14 000 $ par
année, n'est pas admissible à l'aide juridique?
Alors, on s'aperçoit, seulement en donnant les figures, qu'il y a
beaucoup de couples qui sont dans cette situation et qui n'ont pas les moyens
de se payer des avocats de pratique privée, s'ils gagnent 250 $ par
semaine et ont deux enfants à la maison; je dois vous dire que, les
avocats, on n'a pas les moyens de trop' les payer. Le ministre est au courant;
l'inflation est là, l'indice de la vie a grimpé. Est-ce qu'il n'y
aurait pas lieu de modifier les barèmes, sans attendre une grande
réforme de la Loi sur l'aide juridique?
M. Marx: M. le Président, l'aide juridique me concerne
beaucoup parce que j'étais là au début de
l'élaboration du système de l'aide juridique, ce qui fut fait par
mon prédécesseur, M. Jérôme Choquette. Cela a
été un de ses bons coups au début des années
soixante-dix. J'ai même travaillé dans la première clinique
d'aide juridique à Pointe-Saint-Charles. Donc, je connais bien le
système. J'ajouterai qu'il n'y a pas si longtemps, mon
prédécesseur, en 1983, 1984 ou 1985, a voulu instaurer un ticket
modérateur pour les usagers de l'aide juridique. Je peux vous dire que
l'Opposition a fait son travail à l'époque et qu'elle l'a
empêché de le faire. C'est seulement pour vous démontrer
que nous avons un intérêt tout à fait particulier pour le
système de l'aide juridique au Québec.
Il y a d'autres systèmes au Canada. Par exemple, en Ontario, les
avocats contribuent des millions de dollars au système de l'aide
juridique, ce qui n'est pas le cas au Québec. Nous sommes très
sensibles aux problèmes que le député de Taillon a
soulevés. Nous avons l'intention de prendre les mesures qui s'imposent
dans ce dossier. Je pense que ce sera le temps de le voir dans son ensemble, et
c'est pourquoi nous songeons à mettre sur pied un groupe de travail pour
revoir toute la Loi sur l'aide juridique.
M. Filion: En terminant là-dessus, M. le Président,
ce n'est pas nécessaire, à mon sens, d'attendre encore un
comité qui soumettra un rapport qui sera étudié par un
autre comité. Un couple avec deux enfants qui gagne 250 $ par semaine
n'est pas admissible à l'aide juridique; c'est nettement insuffisant
comme barème d'admissibilité. Il faudrait revoir cela. Cela se
fait rapidement. Bon Dieu! cela traite un facteur aussi essentiel que
l'accessibilité à la justice. Le ministre nous dit: On va
attendre. Je songe à faire un comité d'étude. Ensuite, on
va songer à faire étudier le rapport par le Conseil du
trésor, puis on va songer à... Le ministre devrait agir
maintenant dans le secteur des barèmes d'aide juridique. Cela
coûte des sous, bien sûr, mais s'il est de temps en temps capable
de faire valoir le poids de l'institution qu'il représente au Conseil
des ministres, il devrait être capable de faire les
représentations qui s'imposent au Conseil du trésor pour arriver
à redresser ce qui apparaît de plus en plus comme une injustice
flagrante. C'est le rôle du ministre de la Justice.
Mme Bleau: M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Oui, Mme la
députée de Groulx.
Mme Bleau: Je ne suis pas toujours d'accord avec les propos de M.
le député de Taillon, mais, pour une fois, moi aussi, j'ai
certains problèmes avec ce sujet. Des gens qu'on trouve vraiment
démunis à cause d'un petit salaire qu'ils peuvent gagner n'ont
pas droit à l'aide juridique. Le salaire en cause est vraiment trop bas.
On devrait accorder un peu plus de liberté. Je ne veux pas parler de
ceux qui gagnent 500 $ ou 600 $ par semaine, je serais bien d'accord qu'on ne
leur donne pas, mais quand des gens ne gagnent pas plus de 200 $ à 300 $
par semaine, ils n'ont pas les moyens de se payer un avocat.
M. Marx: Je suis tout à fait d'accord qu'il y a des choses
à revoir. Ce que le député de Taillon et la
députée de Groulx ont soulevé, j'en suis tout à
fait conscient, mais le dossier a été laissé dans un
état pitoyable - le député de Taillon a le bon mot - par
mon prédécesseur. Il y a toutes sortes...
M. Filion: Pour le Journal des débats, Je n'ai rien
dit.
M. Marx: Non, mais vous avez chuchoté. C'est hors de la
portée.
M. Filion: Je voyais que vous cherchiez un adjectif absolument
terrible pour décrire ce qui a été fait avant vous. Alors,
pour gagner du temps...
M. Marx: Merci, M. le député.
M. Filion: ...je vous l'ai soufflé.
M. Marx: il y a des choses dans l'ensemble du système. Par
exemple, on dépense des centaines de milliers de dollars pour des
notaires qui vont faire des hypothèques pour des gens qui ont
accès à l'aide juridique. Mais est-ce logique que celui qui a
droit à l'aide juridique ait droit à une hypothèque sur sa
maison et que ce soit l'aide juridique qui paie pour l'hypothèque? Ce
sont des services de notaires. C'est quelque chose à revoir.
Par exemple, en d'autres matières où il y a des anomalies,
il faut faire des corrections et je suis très conscient que c'est un
dossier à revoir dans son ensemble. J'ai l'intention de le faire, mais
vous comprenez, M. le Président, pendant dix ans, le gouvernement n'a
rien fait. C'était toujours du "stâlage" et on a mis le dossier
sur la glace pendant dix ans. Qu'est-ce que votre gouvernement a fait en ce qui
concerne l'aide juridique? La seule chose...
M. Filion: Le "plancher" a été relevé sous
le gouvernement précédent.
M. Marx: La brillante idée de mon
prédécesseur a été de parler du ticket
modérateur pour les usagers de l'aide juridique. Ce fut une brillante
idée de mes deux prédécesseurs. J'ai enterré cette
brillante idée et je veux faire avancer le dossier. Je vais faire faire
une étude de l'ensemble du dossier et après on agira.
Le Président (M. Marcil): Le programme 4 est-il
adopté?
M. Filion: Le programme 4, cela va. J'ai peut-être une
question à poser sur le programme 5. Ensuite, on pourrait
peut-être ajourner quelques minutes.
Le Président (M. Marcil): J'appelle donc le programme
5.
Administration
M. Filion: Au programme 5, sans que ce soit nécessaire
pour moi de relancer tout le débat, en ce qui concerne la vente de
renseignements aux bureaux de crédit - Est-ce que le ministre
m'écoute? m'entend?
M. Marx: Attentivement.
Vente de données informatiques par les palais
de justice
M. Filion: Parfait. En ce qui concerne la vente de renseignements
par les greffes des palais de justice à des organismes de
vérification de crédit, est-ce que le ministre s'est
penché sur le caractère immoral - pour employer le mot du
président de la Commission d'accès à l'information
à l'époque - de cette pratique de vente de données
informatiques dans les palais de justice?
M. Marx: Si je me souviens, le député de Taillon a
déjà soulevé cette question.
M. Filion: Vous aviez dit que vous étiez pour regarder
cela.
M. Marx: Je peux vous faire état de la situation. Je vais
lire parce que ce sont des notes que j'ai devant moi. Cela va peut-être
vous aider à comprendre le dossier au complet.
En 1975, le ministère de la Justice informatise les plumitifs des
greffes des tribunaux et rend directement accessibles à la population
les données inscrites par des visuels de consultation.
En 1978, le ministère, afin de faire face à l'engorgement
des visuels de consultation et pour éviter des déboursés
additionnels pour l'achat de nouveaux équipements, signe avec les firmes
ACROFAX, la deuxième compagnie est SOQUEDIT et Échos de la cour,
des contrats pour la fourniture, sous forme de listes et rubans
magnétiques, des données apparaissant aux plumitifs des greffes
des tribunaux. Le caractère public des données transmises a
permis cette avenue de solution.
En 1982, le ministère se dote d'une politique d'accès des
données informatisées dont les deux principaux
éléments sont d'assurer le droit à l'information du public
sur les données à caractère public et de protéger,
par ailleurs, le droit à la vie privée.
En 1986 - j'imagine que c'est après que le député
de Taillon m'ait posé la question - le ministère adoptait une
nouvelle politique d'accès aux données par les organismes
privés, publics et parapublics. Cette politique prévoit diverses
mesures pour encadrer les demandes d'accès aux données sous la
responsabilité des ministères. La
mise en application de cette politique se fait graduellement et une des
mesures prévues est à l'effet de confier à la
Société québécoise d'information juridique le
traitement des demandes d'accès des requérants privés.
Voilà, il y a une pratique qui remonte à 1975, à
partir vraiment du moment où le député de Taillon a
porté cela à notre attention. Il y avait aussi un article dans
les journaux. À partir de cette information, nous avons demandé
que le dossier soit revu et nous sommes en train de prendre d'autres mesures
dans ce dossier. Tout cela ne se fait pas en un jour.
M. Filion: Oui. Je voudrais attirer l'attention du ministre sur
le fait que, premièrement, la loi sur l'accès à
l'information n'existait pas au moment où la pratique a
été instaurée...
M. Marx: C'est une information publique.
M. Filion: ...et, deuxièmement, j'ai déjà eu
l'occasion de dire au ministre de la Justice que, même si la pratique
remonte à des gouvernements précédents, il demeure
qu'à mon sens cela n'a pas de bon sens. Je reviens, M. le ministre,
d'une mission en France où on a eu l'occasion, premièrement,
d'examiner la loi française et, deuxièmement, de vérifier
la loi française. Les Français sont rendus beaucoup plus loin que
nous en ce qui concerne la protection des renseignements de nature
judiciaire.
M. Marx: C'est dans ce seul dossier qu'ils sont plus
avancés que nous.
M. Filion: Ils le sont aussi dans d'autres dossiers. C'est bon de
regarder un peu ce qui se fait là-bas.
M. Marx: Ils viennent ici nous copier.
M. Filion: Même qu'on protège, d'une façon
presque étanche, les renseignements de nature judiciaire. Ici, non
seulement on ne les protège pas, mais au contraire on facilite la
transmission. Le problème, je le soulève - c'est la
première fois que je le fais devant le ministre de la Justice - je me
base sur la question qui a été soulevée au congrès
de l'Association Henri-Capitant, le 22 mai 1987, qui est rapportée dans
le journal Le Soleil. C'est de savoir si l'État ne pourrait pas engager
sa responsabilité civile devant les tribunaux lorsqu'il diffuse des
informations qui pourraient être erronées - des erreurs, tout le
monde en fait, y compris les machines - lorsqu'il diffuse des informations
erronées sur les citoyens. Il me semble que cela fait déjà
non pas un an, mais six mois que j'ai soulevé la question. Encore une
fois, le président de la Commission d'accès à
l'information à l'époque et également son collègue,
le ministre des Communications, se sont montrés tous les deux
extrêmement surpris et déçus de l'existence de cette
pratique. Cela fait six mois que cela dure. J'apprécierais que le
ministre me tienne au courant au lieu que je sois obligé de revenir dans
un an.
M. Marx: Je pense que le député a raison en partie.
J'y reviens, il ne faut pas oublier que c'est de l'information publique,
c'est-à-dire que quelqu'un a le droit d'aller au palais de justice,
rester devant un écran et pitonner toute la journée pour avoir de
l'information. C'est de l'information publique.
M. Filion: L'information est colligée... M. Marx: Bien,
l'information publique.
M. Filion: ...et distribuée à des fins autres que
celles pour lesquelles le système existe. En deux mots, il y a un
principe dans la loi sur l'accès à l'information. Si vous
constituez un fichier, les renseignements qui y sont contenus doivent
être utilisés dans la finalité de la constitution du
dossier et non pas servir à d'autres finalités.
M. Marx: On ne peut pas empêcher les gens d'écrire
des articles, par exemple sur le fait qu'un tel fait l'objet d'une poursuite
devant la cour.
M. Filion: Oui, mais cela contrevient à l'esprit de la loi
sur l'accès à l'information. Deuxièmement, comme ces
informations peuvent contenir des erreurs, le ministère de la Justice se
rend, en partie, à un système qui peut brimer... Je vais vous
donner un exemple, M. le ministre, qu'on a eu l'occasion de débattre
à la Commission d'accès à l'information. Je pense que Mme
la députée de Groulx était là. C'est le cas d'un
individu, d'un père de famille, qui a été poursuivi parce
qu'il était tuteur à son fils mineur. Effectivement, cela arrive
souvent. Comme tuteur, il est poursuivi, mais, évidemment, le "es
qualités" n'apparaît pas pour une raison ou pour une autre.
L'individu en question s'est présenté pour obtenir du
crédit et on lui a répondu non. Lui, il est allé au fond
des choses: Pourquoi me refusez-vous le crédit? J'ai une bonne fiche de
remboursement de mes prêts; je n'ai aucune poursuite judiciaire. On lui a
dit: Non, il y a une poursuite judiciaire contre vous pour 163 000 $, ou peu
importe le montant. Mais le père en question était poursuivi, non
pas à titre personnel, mais en sa qualité de tuteur à son
fils mineur.
La même chose peut se produire pour un tuteur, un curateur. En
deux mots, il y a des erreurs. Ce n'est pas parce que c'est informatisé
que c'est parfait. Bref, cela véhicule des informations
incomplètes, inexactes et parfois erronées et cela cause
préjudice à des gens. S'il y en a qui veulent savoir ce qui se
passe dans les dossiers des tribunaux, qu'ils aillent s'asseoir
devant les écrans, qu'ils pitonnent, qu'ils aillent apprendre ce
qu'ils veulent savoir. Mais ce n'est pas au ministère de la Justice
à vendre ces informations, systématiquement en blocs à des
compagnies de crédit. Je ne refais plus mon point; je pense que le
ministre m'a saisi.
M. Marx: Je me souviens, il y a quelques années, à
la même question, je pense que c'est avant 1985, un fonctionnaire a
répondu: Si on ne leur donne pas cette information, ils vont bloquer les
écrans au palais de justice. Les gens ont le droit de pitonner, d'avoir
cette information. Donc, ils vont aller au palais de justice et ils vont
pitonner toute la journée, mais cela va priver d'autres personnes de
l'accès à ces écrans.
M. Filion: Des problèmes d'organisation qui peuvent se
régler.
M. Marx: J'espère qu'on va trouver une solution d'ici aux
prochains crédits.
M. Filion: Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Pour le programme 5.
Adopté.
M. Filion: Cela va également pour le programme 8 qui est
le suivant. Les programmes 6 et 7 sont des programmes qui concernent...
Le Président (M. Marcil): 6? Non. C'est un programme
à étudier aujourd'hui. 7, oui, mais pas 6.
M. Filion: Le programme 7, c'est la Protection du
consommateur.
Le Président (M. Marcil): C'est fait.
M. Filion: Vous attirez mon attention, ne bougez pas.
Le Président (M. Marcil): Le programme 8 est fait. Donc,
nous sommes au programme 6.
M. Filion: Qui est le programme...
Le Président (M. Marcil): Enregistrement officiel.
M. Filion: Je n'ai pas de question là-dessus. Le
Président (M. Marcil): Pas de questions? M. Filion: Non.
Le Président (M. Marcil): Donc, adopté. M.
Filion: C'est cela.
Affaires législatives
Le Président (M. Marcil): Le programme 7 a
déjà été fart. Le programme 8 également.
Nous sommes rendus au programme 9, Affaires législatives.
M. Filion: Affaires législatives. On peut peut-être
suspendre trois minutes.
Le Président (M. Marcil): Cela va. On va suspendre nos
travaux trois minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 55)
(Reprise à 17 heures)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons nos travaux et je vais appeler le programme 9, Affaires
législatives. M. le député de Taillon.
M. Filion: Ce ne sera pas long.
Le Président (M. Marcil): Est-ce qu'il y a des
députés qui veulent intervenir sur le programme 9?
Cela va? M. le ministre, programme 9. Adopté?
M. Filion: Vous êtes au programme 9, M. le
Président?
Le Président (M. Marcil): Oui.
Déréglementation
M. Filion: Je voudrais aborder, avec la permission du ministre et
des membres de cette commission, la question de la
déréglementation. En ce qui concerne la question de la
déréglementation, promesse libérale
véhiculée haut et fort...
M. Marx: De quel mandat s'agit-il?
M. Filion: Au mois de mars 1987, M. Reed Scowen, alors
député de Notre-Dame-de-Grâce, avait dénoncé
en public la piètre performance du gouvernement libéral en cette
matière. Loin de diminuer, la réglementation continuait de
s'accroître. Je cite le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je ne sais pas si le ministre va me dire que c'est
partisan: "The Government, so far, has taken no steps to implement those
recommendations. I am very disappointed. " L'objectif était de
réduire le nombre de règlements de 25 %.
À l'étude des crédits l'an dernier, pour 1987-1988,
le ministre de la Justice qui est encore devant moi disait avoir formulé
des recommandations au Conseil des ministres pour réduire le nombre de
règlements. Est-ce que le ministre de la Justice peut me dire,
maintenant
que M. Scowen est en Angleterre, comment il se fait que strictement rien
ne soit fait sur le plan de la déréglementation? Est-ce à
dire que ce n'est plus une priorité pour le ministre? Si ce n'est plus
une priorité pour le ministre, je pense que ce serait plus honnête
de le dire au monde, parce que les milieux d'affaires, en particulier, ont
attendu beaucoup de ce discours néo-conservateur sur la
déréglementation et, au moment où l'on se parle, il n'y a
toujours rien de fait. Je pourrais citer, M. le Président, des grands
passages du document du Procureur général, mais je me suis
refusé depuis le début, depuis...
M. Marx: À quel titre ai-je écrit cela?
M. Filion:... deux ans et demi, je me suis refusé de citer
le ministre de la Justice dans son livre L'avenir de la justice au
Québec parce que je ne finirais pas de le mettre en contradiction avec
ses déclarations antérieures. J'avais choisi de tourner la page.
Mais maintenant qu'il est en poste, je me rends compte que le ministre a
également de la difficulté à tourner la page parce qu'il
fait continuellement allusion au passé, soit pour citer ses deux
gourous, MM. Bédard et Johnson, qui prennent parfois l'allure de
modèles à imiter ou dont ils dénoncent leur inaction. Cela
dépend de la façon dont il se sent cette journée-là
et dans quelle situation il est placé.
Bref, pour terminer cette petite parenthèse...
M. Marx: J'ai subi les deux.
M. Filion:... comment le ministre de la Justice explique-t-il
qu'en termes de déréglementation - on est en avril 1988, cela
fait deux ans et demi qu'il occupe ce poste; en plus, il est ministre
responsable de la Déréglementation, un chapeau de plus...
M. Marx: Le lieutenant-gouverneur a beaucoup confiance en mes
capacités.
M. Filion: Je ne blâmerai d'ailleurs personne d'oublier que
le ministre de la Justice est le ministre responsable de la
Déréglementation. Il a tellement de chapeaux, qu'on oublie
celui-là.
Bref, comment se fait-il qu'il n'y ait rien de fait en termes de
déréglementation, que le nombre de règlements n'ait pas
été diminué et qu'il est à peu près au
même niveau qu'il l'était en décembre 1985?
M. Marx: M. le Président, en ce qui concerne le
déréglementation, nous avons commencé dès notre
arrivée au pouvoir avec un projet de loi, la loi 15, pour encadrer
l'adoption des règlements. Je pense que...
M. Filion: C'était la loi 8 et non 15. M. Marx:
Peut-être 8, oui.
M. Filion: il me semble que la Loi sur les
règlements...
M. Marx: C'est 12, 15? C'est 12. M. Filion: C'est 12.
Bon.
M. Marx: Ce n'étaient pas les "Dirty Dozen",
c'était 12. Nous avons adopté la loi 12 pour faire en sorte que
l'adoption des règlements et les règlements soient
encadrés par une loi. C'est important d'avoir une certaine
centralisation.
Deuxièmement, nous avons procédé à
l'élagage des règlements inusités, inutiles,
déjà abrogés, etc. Nous avons essayé de faire le
ménage dans la réglementation. Nous sommes aussi en train de
vérifier la conformité de toute notre réglementation avec
les chartes. Nous avons l'intention de proposer un règlement à un
moment donné pour faire en sorte que nos règlements soient eh
conformité dans tous leurs aspects avec nos chartes.
Nous avons procédé aussi avec une certaine
déréglementation sectorielle, qui dépend d'autres
ministres comme, par exemple, en matière de transport. Je vois aussi que
notre ministre délégué aux PME a procédé
avec une certaine, entre guillemets, déréglementation en ce qui
concerne la paperasse, mais il s'occupe de ce dossier.
Je peux conclure, M. le Président, en disant que nous avons fait
un certain nombre de démarches. Si vous voulez dire qu'on n'est pas
allés aussi loin que Mme Thatcher en Angleterre, je vous dis oui, merci.
Mais je pense que nous avons fait un certain progrès. Le progrès
qu'on fait n'est jamais assez pour le député de Taillon,
même si ses gourous à lui, ses anciens chefs n'ont rien fait dans
ce dossier. Je conviens que probablement nous n'avons pas fait assez de
progrès. Mais qu'est-ce qui a empêché le gouvernement
précédent, pendant dix ans, pas un, pas deux, pas trois, pas
quatre, pas cinq, pas six, pas sept, pas huit, pas neuf, mais dix ans,
d'adopter une loi sur les règlements? Ils n'ont rien fait.
Donc, nous avons procédé avec un certain nombre de
réformes. Bien sûr, il y a encore des choses à faire dans
ce dossier, mais je peux vous assurer que nous sommes au travail.
M. Filion: M. le Président, le plus drôle dans ce
que dit le ministre, d'abord ce n'est pas une période de dix ans mais
neuf ans.
M. Marx: C'était comme dix ans.
M. Filion: Deuxièmement, la grande différence,
c'est que le Parti libéral a promis, a clamé sur tous les toits
et probablement que les candidats qui se sont présentés à
la dernière élection dont certains ont été
élus députés, ont clamé qu'il y aurait une vaste
entreprise de
déréglementation. Force est de constater, deux ans et demi
plus tard, que le ministre est encore à l'étape de nous dire
qu'il va peut-être faire quelque chose là-dessus.
Pour l'information du ministre de la Justice d'ailleurs, le ministre
délégué aux PME a tout simplement dit qu'il entendait
proposer des mesures concrètes. Mais, jusqu'à maintenant, if n'y
a toujours rien de fait. Cela fait deux ans et demi et je suis forcé de
constater que cet engagement électoral, comme beaucoup d'autres
d'ailleurs du Parti libéral, n'a pas été suivi.
Dans le même programme...
M. Marx: Non, cela a été suivi, mais pas à
votre satisfaction.
M. Filion: Bien non. Le nombre de règlements est le
même. La loi 12, malgré que...
M. Marx: M. le Président, je ne comprends pas du tout. On
a dit qu'on veut légiférer moins mais mieux. Quand on
légifère moins, ils nous disent qu'on ne légifère
pas assez. Quand on adopte moins de règlements, ils disent qu'il faut en
adopter plus. Quand on dépose moins de projets de loi, Ils disent qu'on
n'a rien à faire ici parce que l'Opposition pense que l'Assemblée
nationale est une machine à adopter des lois. Quoi qu'on fasse, le
député de Taillon va nous critiquer, je pense.
M. Filion: La population du Québec...
M. Marx: Le problème avec le député de
Taillon, ces jours-ci, comme il l'a fait au début - au début il
était comme cela - c'est qu'il ne dit jamais qu'on a fait un bon coup
dans un dossier ou dans un autre. Moi, j'ai toujours dit...
M. Filion: Attendez, j'ai un dossier, un programme un peu plus
loin.
M. Marx: ...au ministre dont j'étais le critique qu'il
faisait de bons coups et c'est pourquoi il m'arrive de temps en temps de parler
de mes prédécesseurs et de souligner les bons coups qu'ils ont
faits.
M. Filion: Le ministre oublie. Il a fait des bons coups comme
beaucoup. Il en a fait quand on a étudié le projet de loi 92.
J'ai eu l'occasion de féliciter...
M. Marx: Dans le comté de...
M. Filion: ...non seulement le ministre, mais son équipe,
etc.
M. Marx: Je commence à comprendre. Continuez.
M. Filion: J'ai eu l'occasion de dire au ministre que
c'était une bien bonne chose aussi d'avoir une ligne
téléphonique pour les femmes violentées, sauf que des
centres de femmes il y en a 80. Je pense que le ministre confond un peu parce
que c'est lui qui a été élu...
M. Marx: J'aime qu'on me rappelle ces bons coups du
député de Taillon.
M. Filion: ...à la dernière élection. C'est
lui qui est ministre de la Justice. C'est eux qui ont promis la
déréglementation.
M. Marx: On le fait.
M. Filion: Cela fait deux ans et demi et il n'y a rien de fait.
Le nombre de règlements est au même niveau. C'est simple, il me
semble. Ce n'est pas le député de Taillon qui a promis cela.
Quand j'ai fait le tour, je n'ai pas parlé de
déréglementation, et cela ne faisait pas partie de la campagne
électorale du Parti québécois, sauf qu'on a dit que ce
serait une bien bonne chose. Mais eux en ont fait un point fort d'ailleurs dans
leur campagne électorale. Il faut être conséquent, sinon on
crée des expectatives. Quand on crée des expectatives qui ne sont
pas remplies, on crée de la frustration, et c'est le cas des gens
d'affaires actuellement au Québec.
M. Marx: M. le Président, il a dit: Les gens d'affaires
sont frustrés. Ils nous appuient à 90 %. Les gens qui nous
appuient à 90 % sont loin d'être frustrés. Combien le Parti
québécois a-t-il recueilli lors de sa campagne de financement?
C'est 500 000 $.600 000 $?
M. Filion: Nous, ce ne sont pas les conseils municipaux qui
donnent l'argent.
M. Marx: C'est 600 000 $? Nous avons recueilli plus de 7 000 000
$, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez revenir à
l'engagement 9, on va laisser de côté les campagnes de
financement.
M. Filion: Je pense que le ministre aimerait que je parie des
dîners à 1000 $.
M. Marx: Bien oui.
M. Filion: J'ai fait des petites activités dans mon
comté. Cela coûtait 7,50 $ mes brunchs.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): C'est bien cela. Je voudrais
qu'on revienne à l'engagement... M. le ministre. Je ne veux pas...
M. Filion: On recueille moins, mais on n'a pas besoin de 7 000
000 $. De toute façon, on ne peut pas dépenser 7 000 000 $ dans
une élection.
Le Président (M. Marcil): On revient à l'engagement
9. Le programme 9.
M. Filion: Au programme 9, je voudrais exposer quelque chose au
ministre.
M. Marx: Les gens sont tellement heureux dans mon comté
qu'ils nous envoient des chèques sans qu'on fasse quoi que ce soit.
M. Filion: Je voudrais exposer quelque chose au ministre sur
l'engagement 9, bien tranquillement. Il se fait tard, n'est-ce pas? Mais
j'aimerais avoir l'attention du ministre.
M. Marx: Oui.
Compagnies de remorquage
M. Filion: il y a une situation à Montréal
où plusieurs entreprises propriétaires font appel à des
firmes privées pour faire remorquer les voitures qui se trouvent sur
leur terrain de stationnement.
M. Marx: Oui, oui, j'écoute.
M. Filion: D'accord. Il y a un jugement qui a été
rendu, qui a été porté en appel, certes, mais il y a un
jugement qui a été rendu, et l'état de la jurisprudence,
à ma connaissance, est le suivant: On ne peut pas forcer un individu
dont la voiture a été remorquée à payer à
l'entreprise le remorquage parce qu'il n'y a pas de lien entre les deux. Il n'y
a pas de lien de droit entre le propriétaire de la voiture
remorquée et l'entreprise de remorquage. Je ne sais pas si certains
d'entre vous avez vécu l'expérience, mais le fait de payer pour
obtenir sa voiture, c'est, selon l'état de la jurisprudence,
illégal. Je suis sûr qu'il ne m'a pas entendu.
M. Marx: Oui, oui. Je connais le dossier, M. le Président,
je vous assure. Je l'ai étudié toute la nuit. (17 h 15)
M. Filion: Bon! Il y a une compagnie de remorquage, qui a
été condamnée à 25 000 $ d'amende pour vol et
méfait. Or, ce qui arrive, c'est que les citoyens ignorent, d'abord,
qu'ils ne sont pas obligés de payer à l'entreprise de remorquage.
Si un individu stationne, par mégarde ou simplement par insouciance sa
voiture, dans une espèce de parc d'automobiles et qu'il veut ravoir son
automobile, donc, selon l'état de la jurisprudence - là vous me
corrigerez - il n'est pas obligé de payer. Il paie quand même
parce qu'il ne sait pas. Écoutez, c'est une industrie. Cela coûte
des bidous de sortir sa voiture du terrain de stationnement. Le ministre ou le
ministère se sont-ils penchés sur cette problématique? Le
ministre ou le ministère ne croient-ils pas qu'il serait opportun de
déposer une loi pour couvrir ces cas qui se trouvent dans des zones
grises? Dans le droit civil, c'est compliqué, il y a le mandat de
dépôt, etc., c'est-à-dire le contrat de dépôt.
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de clarifier la situation une fois pour
toutes, empêcher des incidents où des voies de fait ont
été commis, dans certains cas? La frustration est assez
élevée, l'émotion est à son comble quand la
personne ne retrouve pas sa voiture, de sorte qu'il y a eu des voies de fait,
dans certains cas, qui ont été appliquées. On est
civilisés un petit peu au Québec. Alors, premièrement,
est-ce que le ministre ou le ministère s'est penché sur cette
problématique? Deuxièmement, est-ce qu'il a l'intention de
déposer une loi ou, en tout cas, de prendre une mesure claire pour
aviser, d'abord, les citoyens de leurs droits et, deuxièmement, de
clarifier peut-être, s'il en reste, les zones grises de ce dossier?
M. Marx: En ce qui concerne le remorquage, M. le
Président, la ville de Montréal a adopté un
règlement...
M. Filion: Oui, cinq kilomètres.
M. Marx:... portant notamment sur la distance maximale et pour
l'affichage adéquat et la délivrance des permis.
En ce qui concerne l'Office de la protection du consommateur - j'ai
déjà dit cela à l'Assemblée nationale et comme on
me pose la même question, je donne la même réponse - a
porté plainte contre certaines compagnies en vertu de l'article 33 de la
Loi sur le recouvrement de certaines créances. Je pense que
l'intimidation a été plaidée. Cette question est devant
les tribunaux et on attend la décision avant de prendre les mesures qui
s'imposent. Étant donné qu'on a plaidé devant les
tribunaux pour voir si la loi actuelle répond aux besoins dans ce
dossier, avant de légiférer, je pense qu'il est mieux d'avoir la
décision des tribunaux...
M. Filion: En tout cas...
M. Marx:... et non pas légiférer chaque fois qu'on
intente une action. Avant de légiférer, il faut peut-être
voir si la loi actuelle est adéquate. Je comprends que le
député de Taillon désire qu'on dépose un autre
projet de loi parce qu'il veut qu'on en dépose davantage. Je pense qu'il
est normal qu'on attende la décision des tribunaux avant de
légiférer et chaque fois que quelqu'un soulève un
problème, on ne doit pas aller devant l'Assemblée nationale au
lieu d'aller devant les tribunaux. Comme vous le savez, nous ne déposons
pas de projets de loi omnibus, fourre-tout, comme le précédent
gouvernement; ils avaient deux projets de loi par année: un projet de
loi omnibus justice et un autre projet de loi omnibus gouvernemental. Comme on
ne le fait pas, il n'est pas question de procéder sans avoir les
décisions des tribunaux.
M. Filion: Le problème que soulève ce genre
d'attitude, c'est qu'il va peut-être falloir attendre un jugement final
de la Cour suprême. Or, entre-temps, il y a plusieurs incidents qui se
produisent, quotidiennement. Même on rapporte - on n'a qu'à lire
les journaux - dans La Presse du 17 mars...
M. Marx: Non, mais...
M. Filion: ...laissez-moi terminer, on rapporte qu'il y a un gros
doberman qui est à la porte du parc de stationnement des voitures
remorquées. Il y a eu des voies de fait, je l'ai signalé. Il y a
un individu qui s'est mis devant la voiture de remorquage pour l'empêcher
d'avancer et, finalement, le camion a passé sur le pied du citoyen, etc.
En deux mots, est-ce qu'il est nécessaire d'attendre qu'à un
moment donné il survienne un décès? Encore une fois, je le
soulève, c'est un problème où l'émotivité
est un peu plus élevée qu'ailleurs. En matière de
remorquage, les gens au Québec, on le sait, tiennent beaucoup à
leurs voitures. Alors, est-ce que le ministre ne croit pas qu'il ne faudrait
pas attendre durant trois, quatre, cinq ou six ans après un jugement
final d'une Cour supérieure? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de
regarder cela et d'agir immédiatement, en clarifiant certaines zones
grises du droit qui pourraient porter à confusion et faire croire qu'il
y a apparence de droit dans certains cas, etc.?
M. Marx: M. le Président, si on doit
légiférer chaque fois que quelqu'un veut clarifier le droit
devant les tribunaux, on n'aura pas assez de jours durant une année pour
le faire.
M. Filion: Bien non, je ne parle pas de chaque fois, je parle de
ce cas-là.
M. Marx: il parle de ce cas-là.
M. Filion: Je ne vous demande pas 28 lois...
M. Marx: Bien, pourquoi ce cas?
M. Filion: ...par année.
M. Marx: Tout ce que le député a dit est exact,
sauf sur un point. Le point qu'il a soulevé est: Est-ce que vous allez
attendre la décision de la Cour suprême du Canada? Vous savez que
nous sommes intervenus dans beaucoup de lois après une décision
de la Cour provinciale, de la Cour supérieure, de la Cour d'appel. Ce
n'est pas nécessaire d'attendre la Cour suprême du Canada dans
chaque dossier. De tout évidence, il est bien possible que la Cour
suprême refuserait d'entendre une cause qui porte sur une telle question,
mais je pense qu'on suit de très près le dossier. On va prendre
les mesures qui s'imposent quand ce sera nécessaire de les prendre.
L'Office de la protection du consommateur suit le dossier de très
près aussi.
Vous savez, M. le Président, j'ai pris quatre engagements en ce
qui concerne la protection du consommateur. J'ai déjà rempli
trois de ces engagements et il m'en reste un autre que j'aimerais remplir
aussitôt que possible.
Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le ministre.
Est-ce que cela va pour le programme 9?
Révision des lois à la suite de l'accord
du libre-échange
M. Filion: J'ai un autre sujet à aborder là-dessus,
toujours dans le programme 9. On sait qu'il y a eu un accord important qui a
été signé, l'accord du libre-échange.
L'avènement du libre-échange devra entraîner une
révision en profondeur de nos lois qui pouvaient avoir une incidence sur
le commerce.
Le fédéral a déjà commencé à
se livrer à cet exercice et le Québec a annoncé son
intention de se livrer à un exercice semblable, je pense, lors de la
commission parlementaire que nous avons eue avec le ministre du Commerce
extérieur et le premier ministre.
Je voudrais savoir premièrement si c'est le ministère de
la Justice qui est responsable de cet exercice.
M. Marx: De l'exercice de?
M. Filion: Deuxièmement, quel est
l'échéancier de travail de cette grande opération de
concordance?
M. Marx: On ne fait pas cela. On a une loi qui fait cela.
M. Filion: Troisièmement, si les conclusions seront
rendues publiques et quand nous pourrons les espérer.
M. Marx: C'est-à-dire qu'il y a un dossier au
ministère, en concertation avec les autres ministères en ce qui
concerne le dossier du libre-échange. Et il y a beaucoup d'études
qui se font, toujours, au ministère de la Justice sur toute question,
mais nous sommes loin d'une loi.
M. Filion: Quel est l'échéancier? Est-ce que le
ministère est le maître-d'oeuvre de cette opération?
M. Marx: Bien, on fait des études au ministère de
la Justice comme on en fait ailleurs au gouvernement sur cette question. C'est
sûr qu'on veut se mettre à jour. Si c'est nécessaire de
légiférer, on sera prêts.
M. Filion: Qui a la responsabilité de l'opération
de concordance des lois?
M. Marx: Bien, quand il s'agit de quelque chose qui touche le
jurisconsulte, c'est toujours le ministère de la Justice. Quand il
s'agit de l'ensemble des lois, normalement, dans ce dossier comme dans tout
autre dossier, c'est le ministère de la Justice, quoique souvent on joue
un rôle de coordination avec d'autres ministères. Si cela touche
le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministère des
Transports et d'autres ministères, c'est nous qui ferons la
coordination, comme on a fait dans la loi 92, par exemple. La loi 92 que nous
avons déposée pour mettre en conformité toutes les lois
avec les chartes, c'est nous qui avons piloté ce projet, mais on a fait
cela en collaboration avec tous les ministères.
M. Filion: Quelle est l'échéancier de travail du
ministère?
M. Marx: C'est-à-dire qu'on va être prêts
quand ce sera nécessaire d'être prêts. Je pense que c'est
assez précis. Comme pour les scouts.
M. Filion: Est-ce qu'il y aura des consultations qui seront
faites à l'extérieur du gouvernement.
M. Marx: Cela veut dire des consultations publiques? Avec
qui?
M. Filion: Non, mais est-ce qu'il y a des consultations qui sont
faites avec des organismes?
M. Marx: Bien, nous faisons des consultations avec les
ministères. Nous travaillons en collaboration avec les ministères
du gouvernement. Je pense que le député de Taillon a vu un
article dans Le Soleil sur cette question et j'imagine que c'est cela
qui...
M. Filion: Le libre-échange est un petit peu important
pour le Québec.
M. Marx: Tout est important. Parfait.
M. Filion: Je pense qu'on n'a pas besoin de lire d'articles dans
les journaux...
M. Marx: Cela aide.
M. Filion: Le ministre manifestement était plus ou moins
au courant. En tout cas. Il y a là une opération
fondamentale.
M. Marx: Plus ou moins, cela veut dire quoi?
M. Filion: Cela veut dire modifier des lois qui
gouvernaient...
M. Marx: Oui, on n'a pas...
M. Filion: - Laissez-moi terminer - les lois qui gouvernaient un
peu nos habitudes commerciales.
M. Marx: Oui, mais je vais...
M. Filion: Cela veut dire des changements dans les habitudes
commerciales, dans les lois dans ce secteur. C'est comme un petit peu
important.
M. Marx: Mais on...
M. Filion: M. le ministre...
M. Marx: Non, mais M. le Président...
M. Filion: ...me dit: L'échéancier va être
prêt quand il le faut, etc.
M. Marx: Mais on sera prêts quand il sera nécessaire
de l'être. Cela veut dire qu'on n'a pas de projet de loi en ce moment, on
n'a pas de projet, de mémoire, pour modifier nos lois. Je ne peux pas
être plus précis que cela sur une question imprécise.
Les journalistes et la justice
M. Filion: Cela va là-dessus. Toujours dans ce programme,
j'espère que le ministre aura fait ses devoirs cette fois-ci. Je
voudrais parler au ministre du rapport Ducharme...
M. Marx; Je connais bien cela, M. le Président.
M. Filion: - Laissez-moi terminer - sur les journalistes et la
justice. Le fond du problème est le suivant: Le journaliste doit-il se
taire pour protéger ses sources ou doit-il aider la justice à
voir plus clair dans une affaire? Aux crédits 1987-1988, le ministre
nous avait dit - cela fait déjà un an - qu'il était en
consultation et en discussion là-dessus. La Fédération
professionnelle des journalistes du Québec est revenue à la
charge auprès du ministre durant cette dernière année pour
lui demander de faire diligence et de procéder rapidement avec des
amendements à la Loi sur la presse. Le ministre nous a toujours
répondu que son projet est en consultation.
Je pense que cela vaut la peine de rappeler les grandes lignes des
recommandations du rapport Ducharme. Le rapport Ducharme suggérait que,
dans les matières provinciales, on reconnaisse aux journalistes une
immunité relative par l'insertion dans la loi québécoise
de la disposition suivante: "Le journaliste qui participe à la recherche
d'informations pour le compte d'une entreprise de presse ne peut être
contraint de témoigner sur les faits dont il a eu connaissance dans
l'exercice de cette fonction, ni de divulguer la source de son information. De
même la personne qui a en sa possession, pour le compte
d'une entreprise de presse du matériel journalistique concernant
de tels faits, ne peut être contrainte de la produire. Toutefois - et
cela c'est important, toujours dans la recommandation du rapport Ducharme -
cette immunité cesse lorsqu'une partie démontre que la preuve de
ces faits revêt une importance déterminante pour la solution du
litige et qu'elle ne peut raisonnablement être obtenue autrement que par
le témoignage du journaliste sur la production du matériel
journalistique." Il y a d'autres volets aux recommandations du comité
Ducharme. Ma question est précise, on sait qu'elle est toujours
d'actualité, on n'a qu'à penser, par exemple, à l'affaire
Lester, le journaliste de Radio-Canada. Quelles mesures...
M. Marx: Quels sont les faits dans l'affaire Lester?
M. Filion: Des faits... Peu importe les faits. M. Marx:
C'est ce qui est important.
M. Filion: Je vous dis que c'est encore d'actualité.
M. Marx: Voulez-vous me répéter...
M. Filion: Tous les trois mois, M. le ministre.
M. Marx: Est-ce que le député peut demander
à son recherchiste des faits?
M. Filion: Oui. Si le ministre veut utiliser les gens qui
l'entourent, on va lui faire le "briefing" de l'affaire Lester.
M. Marx: Non, je pense que l'affaire Lester va démontrer
que tout ce que le député de Taillon demande sera inefficace.
C'est le problème.
M. Filion: Vous êtes en train de me dire que vous avez
rejeté les recommandations du rapport Ducharme?
M. Marx: Non, je n'ai rien rejeté. Je vais vous expliquer
le problème.
M. Filion: Expliquez-moi surtout ce que vous entendez faire. (17
h 30)
M. Marx: C'est cela. M. le Président, le problème
avec les médias qu'on relève dans les journaux, c'est qu'il y a
des saisies faites en vertu du Code criminel, des films pris par des
équipes de postes de télévision. D'accord? Le projet de
loi qu'on pourrait déposer à l'Assemblée nationale ne
couvrira pas une telle éventualité parce que nous avons
compétence seulement en matière pénale provinciale et par
matière civile. En ce qui concerne la question soulevée par le
député de Taillon, c'est surtout en matière criminelle
qu'il y a des problèmes. Ce serait plutôt au gouvernement
fédéral de régler ce problème parce que nous ne
pouvons pas régler ce problème. Je comprends qu'il y avait des
éditoriaux sur cette question dans l'affaire Lester ou dans d'autres
affaires. Des éditorialistes ont écrit que c'est à
l'Assemblée nationale d'intervenir et de régler ce
problème. Mais, malheureusement, l'Assemblée nationale n'a pas la
compétence voulue parce qu'il s'agit d'un domaine de droit criminel.
C'est au fédéral de légiférer dans ce dossier.
M. Filion: M. le ministre.
M. Marx: Cela veut dire qu'on peut faire des pas, des
immunités en matière de droit pénal provincial, en
matière de droit civil, mais cela ne va pas régler le
problème qui est soulevé trois fois par année, cinq fois
par année dans les journaux en ce qui concerne l'immunité des
journalistes face aux saisies en vertu du Code criminel. C'est cela, le
problème.
M. Filion: Alors, le ministre ne m'a pas écouté
tantôt.
M. Marx: Bien oui.
M. Filion: J'ai spécifiquement dit que le rapport
Ducharme, bien sûr, et ses recommandations traitait des matières
provinciales, donc sur la juridiction du ministre de la Justice. Donc, lorsque
le ministre dit qu'on ne peut rien faire, ce n'est pas vrai. On peut agir en
matière pénale, premièrement. Deuxièmement, le
ministre de la Justice est convoqué à des conférences
fédérales-provinciales, il est en contact avec son homologue
fédéral et il lui est loisible et facile de faire des
représentations auprès de son homologue fédéral
pour que des modifications soient apportées au Code criminel. On le
sait, le ministre de la Justice a été impliqué, a
été consulté sur le projet de loi fédéral
concernant l'avortement. Il a participé à une conférence
fédérale-provinciale et il a donné à ce
moment-là son point de vue qui est comme le secret de Fatima. Donc,
premièrement, il peut agir en matière pénale et,
deuxièmement, il peut agir également en faisant des
recommandations à son homologue fédéral qui est
responsable, on le sait, du Code criminel. Alors, ma question, donc, au
ministre de la Justice dans ces deux secteurs-là: Qu'est-ce que le
ministre entend faire pour donner suite... L'an dernier, il y a un an, il me
disait: On est en consultation. Cette année, il semble me dire: On ne
veut rien faire. Alors, moi, je lui pose à nouveau la question:
Qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire concrètement pour
donner suite au rapport Ducharme?
M. Marx: On est encore en consultation
avec des personnes intéressées et tout ce que je peux dire
au député, c'est que le dossier est loin d'être
classé. En ce qui concerne mon homologue fédéral,
malheureusement il ne m'écoute pas en ce qui concerne tous les dossiers.
Le député de Taillon a fait l'erreur de dire qu'il m'a
consulté sur un projet de loi sur l'avortement. Le député
de Taillon peut faire une manchette avec cela, mais, que je sache, le
fédéral n'a pas de projet de loi sur l'avortement, du moins, moi,
je n'ai pas vu le projet de loi.
M. Filion: Un projet de loi éventuel.
M. Marx: J'ai déjà dit en Chambre, M. le
Président, que j'ai été à la conférence et,
lors de la discussion sur ce sujet, quoiqu'on ait discuté sur beaucoup
d'autres sujets, j'ai dit que j'ai décrit la situation juridique au
Québec. Le député a dit à l'époque que
j'aurais pu faire cela par courrier. Il a raison. Mais j'ai assisté
à une conférence qui a touché beaucoup de sujets et cela
aurait été impossible pour moi de couvrir tous les sujets par une
lettre; donc, j'ai assisté à la conférence. Cette question
a été soulevée et j'ai décrit la situation
juridique au Québec. J'imagine que le député de Taillon
est tout à fait à l'aise et appuie le ministère de la
Justice dans ses démarches dans ce dossier.
M. Filion: Revenons au rapport Ducharme.
M. Marx: Je n'ai jamais entendu une critique du
député de Taillon en ce qui concerne nos agissements dans le
dossier qu'il a soulevé.
M. Filion: Là, c'est le rapport Ducharme. Moi, j'aimerais
que vous alliez de l'avant.
M. Marx: Est-ce que j'ai le droit de poser des questions au
député de Taillon, M. le Président?
M. Filion: Oui. J'ai le droit de lui répondre ou de ne pas
lui répondre. C'est cela, la différence.
M. Marx: Bon, parce que je pense que...
M. Filion: Si vous m'en posez trop, cela ne marchera plus, parce
que c'est vous qui êtes au pouvoir.
M. Marx: Parce que ce serait... De temps en temps, j'ai...
M. Filion: La démocratie s'est exercée. Je vis bien
avec cela. J'aurais aimé un résultat différent, mais c'est
vous qui êtes là.
M. Marx: Cela va venir. C'est juste une question de temps. La fin
du siècle arrive.
M. Filion: Je sais que vous avez été bien patient.
Mais, en ce qui concerne le rapport Ducharme, le dossier est loin d'être
clos. Est-ce qu'on peut s'attendre à une action législative en
matière pénale ou une action administrative avec votre homologue
fédéral, une lettre, quelque chose pour...
M. Marx: Honnêtement, M. le Président, en ce qui
concerne le gouvernement fédéral, c'est fort possible qu'une
telle question soit discutée lors d'une conférence
fédérale-provinciale, mais il arrive que mes homologues ne soient
pas prêts à discuter une question ou ne soient pas prêts
à agir sur une question. Donc, nous avons l'impression qu'il faut
traiter. Cela arrive souvent.
M. Filion: Est-ce que le ministre est conscient de l'effet
d'entraînement, l'effet didactique que pourrait avoir une loi provinciale
en matière pénale sur d'éventuelles modifications au Code
criminel? En deux mots, si Québec prenait de l'avance pour s'occuper de
ses oignons en matière pénale, pour couvrir et appliquer des
recommandations du rapport Ducharme en matière pénale
provinciale, est-ce qu'il est conscient de l'effet que cela pourrait avoir sur
d'autres provinces et possiblement sur le Code criminel?
M. Marx: il y a une différence entre le meurtre...
M. Filion: Oui, oui.
M. Marx: ...et un billet de stationnement.
M. Filion: Oui, mais le rapport Ducharme tient compte des nuances
qu'il faut apporter...
M. Marx: Non, non, je comprends.
M. Filion: Je l'ai cité tantôt. Je peux le citer
à nouveau au ministre.
M. Marx: Non, non. Je connais bien le dossier. Il y a des lois en
Autriche, dans certains États des États-Unis, en Allemagne, je
pense. Il y a un certain nombre de pays qui ont une législation plus ou
moins bien faite. Mais je peux dire au député que le dossier est
loin d'être classé. On va donner suite à ce dossier dans la
mesure du possible. On ne peut pas me demander de faire presque
l'impossible.
M. Filion: Vous avez dit cela, il y a un an. Il y a deux ans, en
fait, vous m'aviez dit cela également.
M. Marx: Mais je pense que nous sommes encore en consultation
avec certaines personnes qui sont intéressées...
M. Filion: Cela dure longtemps. M. Marx: ...par ce
dossier.
M. Filion: Des consultations qui perdurent. En tout cas, quant
à nous, nous le faisons formellement. Le ministre n'a pas saisi notre
appel l'an dernier et l'autre année avant. Il faudrait sortir ce rapport
des tablettes et agir. Ce n'est pas une matière extrêmement
complexe. Il faut juste y faire son nid. Le ministre nous dit: On est en
consultation. Ce n'est pas possible que des consultations durent depuis deux
ans et demi, quand même.
M. Marx: Deux ans et demi, non. On n'a pas commencé...
M. Filion: Cela fait deux ans et demi que vous êtes
là et je vous en ai parlé la première fois, il y a deux
ans, en tout cas.
M. Marx: À moi ou à quelqu'un d'autre?
M. Filion: On en avait parlé ensemble. Pardon?
M. Marx: À moi ou à quelqu'un d'autre?
M. Filion: Non, non, c'est vous. Vous avez toujours
été titulaire du ministère de la Justice, M. le
ministre.
M. Marx: Bon.
M. Filion: Le chapeau de Solliciteur général est
venu après, mais celui du ministère de la Justice est là
depuis le début.
M. Marx: Quand il fait froid en hiver, cela prend deux
chapeaux.
M. Filion: Ce n'est pas ce que vous disiez quand vous
étiez dans l'Opposition. Vous décriiez le nombre de chapeaux sur
la tête de vos homologues.
M. Marx: Mais, M. le Président, il faut que j'explique
pour la nième fois la situation.
M. Filion: Non, mais cela va.
Le Président (M. Marcil): Non, non, s'il vous plaît,
M. le ministre!
M. Filion: Parce que cela me force.
M. Marx: À force de répéter cela, le
député de Taillon fait un peu de progrès.
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, M. le
ministre! On n'est pas trop sur le sujet.
M. Marx: Voilà, M. le Président, j'ai compris.
C'était une blague, la question que le député a
soulevée.
Le testament biologique
M. Filion: Avant de passer au programme suivant, juste une
question rapide pour savoir si le ministère a étudié la
question du testament biologique. On sait qu'il y a des gens qui... D'abord, on
connaît l'affaire Quinlan aux États-Unis où une personne a
été maintenue en vie artificiellement pendant une dizaine
d'années, sauf erreur, en tout cas, assez longtemps. Ici, au
Québec, il y a un mouvement qui s'est créé. Le mouvement
s'appelle: Mourir dans la dignité. Il y a 40 000 formulaires qui ont
été distribués. Alors, le fond du problème, ce sont
des gens qui veulent mourir dans la dignité - le mot le dit - mais qui
veulent ne pas être maintenus en vie artificiellement, qui veulent que
leurs derniers jours soient des plus sereins possibles et qui s'opposent donc
à ce qu'ils appellent l'acharnement thérapeutique pour le
maintien en vie. De là, il y a des espèces de formulaires qui ont
été distribués. Cela a commencé aux
États-Unis, etc. J'avoue que cela pose des problèmes d'ordre
moral important que je ne nie pas. Ce n'est pas comme la question du remorquage
sur laquelle le ministre pourrait agir rapidement. Je voudrais simplement
savoir du ministre de la Justice si son ministère s'est penché
sur cette question du testament biologique et si on peut espérer une
prise de position quelconque du ministre de la Justice.
M. Marx: Je pense que le moment propice pour soulever une telle
question était lors de l'étude de la loi 20, qui touche les
personnes, les successions et ainsi de suite, parce que la loi 20 a
été adoptée. Mais, lors de l'étude article par
article du Code civil - espérons que ce sera l'an prochain - il sera
possible de soulever cette question une autre fois. Mais nous avons
adopté la loi 20, qui touche les personnes et les successions.
J'étais en commission parlementaire à l'époque. Je ne me
souviens pas avoir entendu des gens soulever cette question à
l'époque. C'était il y a quelques années
déjà. Mais nous sommes disposés à étudier
cette question, comme celle qui a été étudiée et
dont on a fait état dans les journaux, les nouvelles technologies...
M. Filion: De reproduction.
M. Marx: ...de reproduction. C'est un autre dossier très
nouveau, si vous voulez.
M. Filion: Est-ce qu'il y a un comité qui étudie
cela au sein du ministère de la Justice?
M. Marx: Sur le...
M. Filion: Sur la reproduction, oui.
M. Marx: Cela, oui.
M. Filion: Mais sur le testament biologique?
M. Marx: Sur le testament biologique, c'est sûr que nous
avons des études, parce que nous avons des études sur presque
tous les sujets. Mais je peux m'informer pour savoir où on en est dans
la réflexion sur ce dossier.
M. Filion: Bon! le ministre pourra m'en faire part autrement que
par des voies formelles, l'idée étant, bien sûr,...
M. Marx: Ce n'est pas dans mes priorités, mais je vais
m'informer.
M. Filion:... que le Code civil ne fait pas partie des dix
commandements. J'ai toujours pensé que la loi 20 n'était pas une
table de Moïse. Il y a des événements qui surviennent. La
société évolue.
M. Marx: Ce ne sont pas des lois marxistes.
M. Filion: Les lois doivent évoluer. Le testament
biologique en est une forme. Cela existe déjà dans plusieurs
États américains. Bon! J'attire l'attention du ministre
là-dessus.
M. Marx: La question est simplement celle-ci, sans avoir
réfléchi trop. Aux états-Unis, les États ont la
compétence en matière civile et criminelle, ici, on a seulement
la compétence en matière civile. Cela peut avoir des implications
dans le droit criminel, non?
M. Filion: Non. Le testament biologique n'aurait pas
d'implication au niveau criminel. Je pense que c'est, à mon sens en tout
cas, une matière surtout civile.
M. Marx: Vous pensez que c'est strictement au civil?
M. Filion: À mon point de vue, oui. Je ne parle pas de
l'euthanasie...
M. Marx: Non, non, je ne parle pas...
M. Filion:... comme telle...
M. Marx:... de "déploguer" quelqu'un.
M. Filion:... qui est une problématique qui peut soulever
des matières pénales ou criminelles.
Mais je parte uniquement du testament biologique.
M. Marx: On va étudier cela. On va voir où nous en
sommes dans ce dossier. On va vous faire état de cela.
M. Filion: D'accord. Alors, cela va.
Le Président (M. Marcil): Cela va? Le programme 9 est
adopté?
M. Filion: Adopté.
Le Président (M. Marcil): J'appelle le programme 10.
Affaires criminelles et pénales
M. Filion: En ce qui concerne le programme 10, j'ai traité
ce matin de la question de la loi 101. Je n'y reviendrai pas.
M. Marx: Pourquoi pas?
M. Filion: Avez-vous des informations additionnelles?
M. Marx: Non, mais je veux avoir des questions.
M. Filion: Êtes-vous capable d'expliquer pourquoi il y
aurait seulement 39 % des dossiers qui ont fait l'objet de poursuites devant
les tribunaux?
M. Marx: Bien, je vous ai déjà dit ce matin que,
pour les autres dossiers, il y en a un certain nombre qui sont à
l'étude. Donc, il ne faut pas exclure qu'il y ait d'autres
poursuites.
Le Président (M. Marcil): Essayez d'éviter, M. le
ministre, de reprendre les débats de ce matin, s'il vous
plaît.
M. Filion: Je voudrais aborder avec le ministre la question de la
violence faite aux vieillards.
M. Marx: Oui.
M. Filion: C'est une problématique, encore une fois,
qui... Quand je disais dans ma présentation de ce matin que l'image de
la justice était détériorée au Québec et
qu'une des façons de l'améliorer était justement
d'introduire des mesures qui soient administratives ou législatives
visant non pas toujours à réparer les pots cassés et
attendre que les pots soient totalement cassés pour intervenir, mais
aussi des mesures d'ordre préventif. Exemple: la violence conjugale. Les
statistiques sont effarantes et on est intervenu un peu après coup. Dans
le cas de la violence faite aux vieillards... (17 h 45)
M. Marx:... après coup.
La violence faite aux vieillards
M. Filion: Dans le cas de la violence faite aux vieillards, il
s'agit un petit peu de la même problématique que la violence
conjugale. Les victimes sont démunies, il va sans dire. Souvent elles
sont presque prisonnières d'un milieu de vie qui ne leur permet pas
beaucoup d'accès à
l'extérieur. C'est un type de violence qui, comme la violence
conjugale, peut être physique ou morale, mais on abuse
systématiquement de la faiblesse de la victime. Alors, je voudrais
savoir - il y a de longues analyses qui ont été faites dans les
journaux, notamment dans Le Quotidien du 26 mars, dans Le Droit
du 14 janvier, dans La Presse aussi - si le ministère s'est
penché sur cette problématique de la violence faite aux
vieillards et quelles sont les mesures que le ministère entend mettre de
l'avant pour empêcher que le problème devienne aussi énorme
peut-être que celui de la violence conjugale.
En ce qui concerne la violence conjugale; le ministre le sait, une femme
sur dix ou sur huit est victime de violence conjugale, quarante-huit pour cent
des meurtres sont des drarrçes familiaux, conjugaux et passionnels; de
ce nombre soixante-dix-huit sont des femmes tuées, etc. Bref, le
problème est énorme.
M. Marx: C'est des ...
M. Filion: Cela vient du ministère.
M. Marx: Ah! du ministère, d'accord.
M. Filion: C'est une bonne source. Bref, ce que je voudrais
savoir du ministre, en ce qui concerne la violence faite aux vieillards, je
reviendrai sur la violence conjugale tantôt, c'est si le ministre a
l'intention de faire en sorte qu'on se penche sur cette réalité,
sur ce phénomène, avant qu'on attende les manchettes dans les
journaux ou qu'on attende que carrément le problème devienne
très aigu.
M. Marx: Je ne peux pas attendre notre vieillissement. Je pense
qu'il y a trois points. Premièrement, il y a bien sûr, le Code
criminel et nos lois. Il y a non seulement les lois d'ordre pénal ou
criminel, mais il y a aussi la Loi sur la curatelle publique, qui est
importante en ce qui concerne les personnes du troisième âge. Les
lois s'appliquent et nous sommes en train de les revoir et de faire des
réformes dans celles qui sont sous notre juridiction.
Deuxièmement, j'ai déjà mentionné ce matin
que nous avons l'intention d'établir des centres locaux d'aide aux
victimes d'actes criminels, c'est-à-dire qu'il va y avoir des centres au
Québec qui vont aider les vieillards victimes d'actes criminels. Par
exemple, si un vieillard subit un vol par effraction, on va l'aider à
changer la serrure, on va lui donner une certaine information, faire le rapport
aux assurances, expliquer que cela ne va pas nécessairement se
reproduire, lui donner un certain réconfort, et ainsi de suite. Donc, je
ne peux pas annoncer ici ce qu'on va avoir dans le projet de loi, mais je suis
convaincu que le député de Taillon est prêt à
attendre encore une couple de semaines pour voir ce projet de loi.
Troisièmement, la ministre de la Santé et des Services
sociaux va nous sortir un rapport sur toute la question bientôt et on va
prendre nos responsabilité face aux recommandations qu'on va faire dans
ce rapport.
Bon, M. le Président, étant donné que le
député de Taillon n'est pas ici, moi je propose qu'on...
Le Président (M. Marcil): Mme la député de
Groulx...
Une voix: il revient.
Le Président (M. Marcil): Juste avant, Mme la
députée de Groulx, s'il vous plaît?
Mme Bleau: Moi, M. le ministre...
M. Marx: ...qu'on mette fin à cette séance.
Mme Bleau: M. le ministre, vous avez parlé de votre...
M. Marx: ...sauf si on donne la permission aux recherchistes des
députés de parier, je n'ai pas d'objection.
Le dédommagement des victimes d'actes
criminels
Mme Bleau: ...on a parlé de la nouvelle loi pour les
victimes d'actes criminels que vous devriez faire adopter cet automne, je
pense. Cette loi, je pense qu'elle est attendue. Moi, en tout cas, j'ai une
couple de cas dans le comté où des gens ont été
victimes d'actes criminels et ont bien de la difficulté à faire
reconnaître leurs droits. En tout cas, moi, j'ai un cas que je vais
soumettre à votre bureau pas plus tard que demain. Si on avait ce projet
de loi le plus vite possible pour qu'on n'ait pas besoin de faire de semblables
démarches, je pense que... Au moment où vous aurez fait adopter
votre projet de loi, il ira de soi que les tribunaux seront justifiés de
faire des choses.
M. Marx: Je pense que, ce qui concerne les droits des victimes,
nous allons annoncer beaucoup de mesures à la suite de
dépôts de projets de loi. Nous avons l'intention d'établir
des centres locaux d'aide aux victimes d'actes criminels dans tout le
Québec. Il va de soi qu'on ne peut pas établir tous ces centres
en même temps. Peut-être faut-il privilégier le comté
de Groulx ou Saint-Jérôme, je n'ai pas d'objection à cela.
Nous avons cette intention et nous allons aussi annoncer l'établissement
d'un certain nombre de ces centres aussitôt que possible.
Vous savez que nous avons insisté auprès du ministre
fédéral de la Justice pour modifier le Code criminel afin de
prévoir, par exemple, des dispositions plus efficaces sur le
dédommagement des victimes. Il y a des dispositions dans le Code
criminel, mais, à cause de l'arrêt Zelensky,
Z-e-l-e-n-s-k-y...
M. Filion: Z-e-l-i-n... je crois. M. Marx: Non, mais
Z-e-l... Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bleau: i-n...
M. Marx: Z-e-l-e-n-s-k-y - je fais cela pour le Journal des
débats, sinon on aura un appel. À cause de cet arrêt de
la Cour suprême du Canada, souvent, les ordonnances de
dédommagement sont impossibles. C'est pourquoi nous avons insisté
auprès du ministre fédéral de la Justice pour apporter des
modifications au Code criminel, ce qu'il est en train de faire. J'espère
que le projet de loi sera adopté avant l'été. Il y aura
aussi d'autres dispositions en ce qui concerne, par exemple, la
déclaration de victimes. Il sera possible, pour chaque victime, au
Canada, de faire une déclaration. Il y aura d'autres modifications pour
lesquelles nous avons été consultés. Nous avons
insisté beaucoup en ce qui concerne ces modifications au Code criminel
afin de protéger, d'avantager les victimes et de raffermir leurs droits.
Je pense qu'il faut féliciter le ministre fédéral de la
Justice, M. Raymond Hnatyshyn pour l'excellent travail qu'il a fait en pilotant
ce dossier sur les victimes d'actes criminels.
La violence conjugale
M. Filion: il ne reste que quelques minutes. Je voudrais parler
de la violence conjugale. On connaît les chiffres. On sait ce qui a
été fait. Le -ministre nous a parlé ce matin du montant de
1 800 000 $, il nous a parlé de la ligne, etc. Je formule quelques
suggestions au ministre. Premièrement, est-ce qu'on a songé
à former une escouade policière, pourquoi pas essentiellement
féminine, qui serait spécialement affectée aux
interventions en matière de violence conjugale?
Deuxièmement...
M. Marx: Des escouades féminines, c'est la première
fois que j'entends cela.
M. Filion: Oui, c'est une escouade policière
spéciale.
M. Marx: Ah! pas nécessairement des femmes policiers, mais
des...
M. Filion: Oui, mais peut-être à majorité
féminine aussi.
M. Marx: Des femmes policiers seulement? Ce sera de la
discrimination.
M. Filion: Non, mais essentiellement fémini- nes, pourquoi
pas? Une femme se confie à une femme beaucoup plus facilement. Non? Pas
vous.
Mme Bleau: Moi, j'aime mieux me confier à un homme.
M. Filion: Oui? Mme Bleau: Ah oui!
M. Filion: Bon, en tout cas, les 80 centres de femmes semblent
croire que les femmes se confient plus facilement à des femmes. Je lance
la suggestion comme cela. Le ministre a fait une campagne publicitaire; c'est
vrai qu'elle a été décriée par certains organismes
qui ont jugé que cette campagne faisait abstraction de la violence
psychologique, etc. On a même reproché à cette campagne
publicitaire, malgré ses images-chocs et peut-être à cause
de ses images-chocs, d'éviter de mentionner qu'il s'agit d'un crime
également. Mais peu importe l'appréciation des campagnes
publicitaires, je ne suis pas un spécialiste là-dedans, il
demeure qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire.
M. Marx: Sur cette...
M. Filion: Juste pour terminer...
M. Marx: Sur cette campagne, on a confié le dossier
à des professionnels.
M. Filion: D'accord. Cela va. On peut être pour ou
contre.
M. Marx: Quand j'ai vu le...
M. Filion: Je suggère peut-être des escouades
policières spéciales et peut-être, encore une fois,
essentiellement féminines. Je suggère également une
intervention beaucoup plus personnalisée, notamment pour ce qui est des
procureurs de la couronne. On me dit que dans certains secteurs cela avance
beaucoup. Surtout ce que je signale au ministre, c'est que, dans le secteur de
la violence conjugale, on a déjà des institutions en
première ligne, qui sont les 80 centres de femmes au Québec. Ces
maisons d'accueil pour femmes violentées ont d'énormes
problèmes financiers. Encore une fois, on aura beau faire les campagnes
publicitaires qu'on voudra, on aura beau mettre les procureurs de la couronne
qu'on voudra, il restera toujours qu'à la base...
M. Marx: On a juste doublé lors du budget...
M. Filion:... ces centres d'aide et de lutte contre les
aggressions sont 80 au Québec. Ils envoient des communiqués
régulièrement, viennent nous voir dans les bureaux de
comté et ont besoin de ressources suffisantes. Il y en a
qui sont sur le point de fermer, alors et surtout...
M. Marx: Est-ce que vous êtes...
M. Filion: Laissez-moi terminer. Je vous laisse parler M. le
ministre, laissez-moi terminer.
M. Marx: Ce sont des déclarations gratuites.
M. Filion: il reste quelques minutes. Je. vais vous
écouter, même après six heures. Je suggère donc au
ministre de la Jusice, APC, c'est-à-dire le plus rapidement possible, de
vérrfier auprès de sa collègue, de faire les pressions
auprès de sa collègue pour que les montants nécessaires
soient débloqués pour des centres de femmes.
M. Marx: Est-ce que le député de Taillon admet ou
est-ce qu'il est au courant - il ne l'admet pas, mais il est au moins au
courant - que nous avons doublé les budgets pour les maisons
d'hébergement?
M. Filion: Oui, mais quand on crée, quand on
sensibilise...
M. Marx: Est-ce qu'on a doublé les budgets?
M. Filion: Laissez-moi vous répondre. Quand on
sensibilise...
M. Marx: Ce n'est pas cela, la réponse. Est-ce qu'on a
doublé, oui ou non?
M. Filion: Quand on sensibilise les gens à la violence
conjugale, il est normal qu'il y ait plus de femmes au Québec qui se
réveillent et qui n'admettent pas la violence conjugale. Ce qu'on dit,
c'est qu'aujourd'hui il y a une demande dans les centres pour femmes
hébergées qui est de beaucoup plus énorme que ce qui
existait il y a cinq ans, parce qu'il y a de plus en plus de femmes qui sont
conscientisées...
M. Marx: Pour chaque question, pour chaque intervention du
député de Taillon, je me pose la question si c'est
sérieux. Si je dis: On a doublé le budget pour les maisons
d'hébergement, il ne répond pas. Je pense que doubler un budget
de 6 000 000 $ à 12 000 000 $, c'est faire un effort
considérable. Si on parle des procureurs de la couronne, on a
augmenté les postes de 40 de 123 à 266...
M. Filion:...
M. Marx: Non, les postes en général... On va
ajouter encore des postes cette année. Il y a une limite à tout.
Si le député veut me dire: On n'a pas fait assez. Je suis tout
à fait d'accord que cela ne sera jamais assez, mais il faut - comment
dirais-je - qu'il admette qu'on a fait un effort considérable. Il ne
faut pas juste charrier en disant qu'il faut mettre plus d'argent, il faut
faire cela, etc. Il y a des dossiers où nous avons fait un effort et
où nous avons fait des progrès. En ce qui concerne le financement
des maisons d'hébergement, nous avons doublé notre budget de 6
000 000 $ à 12 000 000 $. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on a
dormi sur la "switch".
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Filion: Sur la violence conjugale, encore une fois je l'ai dit
au ministre, ce que je soulève... il aimerait que je le félicite
encore une fois. Il n'a pas compris mes félicitations tantôt.
C'est un premier pas, mais on ne peut pas du même souffle faire une
campagne de publicité qui coûte 600 000 $, donc soulever une
sensibilisation accrue chez les victimes, chez les intervenants des
différents milieux et en même temps considérer que les
ressources de première ligne que sont les maisons de femmes peuvent
faire face à une demande qui est accrue. En deux mots, ce sont deux
choses différentes et je souligne au ministre l'importance de
communiquer avec sa collègue pour être cohérent et faire en
sorte que la campagne de publicité soit suivie de mécanismes
concrets pour accueillir les femmes victimes de violence conjugale.
M. Marx: Oui, mais ce que le député ne comprend pas
ou ne veut pas comprendre - je termine sur ce point, M. le Président -
c'est qu'on a doublé le budget en fonction de la campagne de
publicité qui est arrivée tout de suite après. On savait
qu'on aurait une campagne de publicité de 600 000 $. Donc, étant
donné qu'on savait qu'on aurait une certaine demande, on a doublé
le budget pour les maisons d'hébergement et cette année je viens
d'annoncer qu'on aura 2 800 000 $ de plus pour la violence conjugale.
M. Filion: 1 800 000 $.
M. Marx: 1 800 000 $, Solliciteur général.
M. Filion: Ah! les deux ministères.
M. Marx: Les deux ministères, parce que vous savez qu'il y
a un titulaire pour les deux ministères. Donc, j'ai regroupé les
deux ensemble. M. le Président, dois-je expliquer comment il se fait que
j'ai deux ministères?
Le Président (M. Marcil): À une autre commission
parlementaire.
M. Marx: Cela démontre la confiance que le
lieutenant-gouverneur en conseil a en mes capacités.
Le Président (M. Marcil): Je comprends que vous soyez
plein d'initiatives aujourd'hui, mais on va dormir sur la "switch", comme vous
le dites.
M. Filion: Je vous dirai, M. le ministre, qu'il y a deux maisons
d'hébergement sur la rive sud à Longueuil. Je les ai vues toutes
les deux. Elles ont toutes les deux de sérieux problèmes
financiers. Le regroupement de maisons de femmes dit la même chose. Il y
en a plusieurs qui sont sur le point de la fermeture. Vous me disiez qu'on a
doublé; vous savez que ces chiffres ont été
contestés. Bon, ce n'est pas tout à fait doublé, etc.. Ce
que je vous dis, c'est qu'il faut être cohérent et faire suivre
ces politiques par des moyens concrets et financiers...
Le Président (M. Marcil): Pour votre information, M. le
député de Taillon, je peux vous dire qu'à Valleyfield il y
a une maison d'hébergement et elle a été très bien
servie cette année. Il y a une augmentation du budget d'opération
de façon très substantielle. Il y a eu également un
investissement dans le but d'agrandir la maison. Également à
l'occasion de l'année des sans-abri aussi, il y a eu une injection de
montants substantiels. Donc, depuis un an, on peut dire qu'on a quasiment
doublé en totalité le montant d'argent.
Sur ce, nous nous attendions toujours, M. le ministre, à des
félicitations de la part du député de Taillon. Il avait
annoncé des félicitations sur un des programmes, mais ce n'est
pas arrivé.
M. Filion: Je l'ai fait sur la violence conjugale.
Le Président (M. Marcil): C'est bien. Le programme 10
est-il adopté?
M. Filion: Adopté.
Le Président (M. Marcil): Le programme 11
également?
M. Filion: Adopté.
Adoption des crédits
Le Président (M. Marcil): Est-ce que les crédits
budgétaires du ministère de la Justice pour l'année
financière 1988-1989 sont adoptés?
M. Filion: Ce n'est pas assez, mais on va les adopter quand
même.
Le Président (M. Marcil): Très bien. Donc,
j'ajourne les travaux à demain, 10 heures, au salon rouge où nous
étudierons les crédits du ministère des Relations
internationales.
(Fin de la séance à 18 h 5)