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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 19 avril 1988 - Vol. 30 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Ministère de la Justice


Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): On peut commencer, M. le ministre?

À l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare la séance ouverte. Nous sommes ici pour procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Justice pour l'année financière 1988-1989. Avez-vous des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Aucun remplacement.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, il y a l'enveloppe de cinq heures prévue pour cette étude, qui se répartit de 10 heures à 12 h 30 et, après les affaires courantes, vers 15 h 30 jusqu'à 18 heures. Est-ce déjà arrangé? Est-ce que vous étudiez crédit par crédit ou programme par programme?

M. Filion: Étudier crédit par crédit, ce serait long, mais programme par programme, grosso modo, avec l'entente qu'à l'occasion des commentaires d'un côté ou de l'autre peut s'ajouter un autre élément du programme.

M. Marx: Mme la Présidente, je suis très flexible. Je laisse à l'Opposition le soin de choisir ses questions et ses dossiers, le cas échéant.

M. Filion: Grosso modo, nous allons suivre les programmes, mais il arrivera bien sûr que des questions se rapporteront à un autre programme qui peut déverser.

La Présidente (Mme Bélanger): Je demande à M. le ministre de faire ses remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, Mme la Présidente. Vous voyez qu'aujourd'hui nous avons changé un peu le système parce que autrefois - cela fait au moins dix ans que j'assiste à l'étude des crédits - il y avait tous les dirigeants d'organisme, tous les sous-ministres et sous-ministres associés et ainsi de suite. Il y avait toujours 30 ou 40 personnes qui accompagnaient le ministre. Nous avons décidé de changer cela parce que les gens ont des choses à faire dans leurs bureaux. Donc, je suis accompagné aujourd'hui seulement par quelques personnes: à ma gauche, Jacques Chamberland, sous-ministre en titre au ministère de la Justice; Jean Latulippe, conseiller juridique au bureau du sous-ministre; Claude Lafrance, directeur du budget au ministère et son adjoint,

Jean Gauvin et Carole Richard, attachée politique au cabinet du ministre.

Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour procéder à l'étude détaillée des crédits du ministère de la Justice du Québec pour l'année 1988-1989. J'ai l'intention de vous entretenir de l'évolution du budget et du personnel du ministère et de vous indiquer les principales actions législatives et administratives déjà entreprises ou réalisées de même que celles à venir.

Les crédits du ministère de la Justice passent, en 1988-1989, de 358 830 400 $ à 393 691 800 $, ce qui représente une augmentation de 9,7 % par rapport aux crédits de la dernière année financière.

Cette augmentation se justifie principalement par les mouvements budgétaires suivants: le coût des conventions collectives et les ajustements des masses salariales, 21 000 000 $; le transfert des crédits en provenance du ministère des Communications pour le financement de certains comptes ministériels, 6 700 000 $; le transfert de crédits en provenance du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour la mise en oeuvre d'un programme de perception automatique des pensions alimentaires, 3 600 000 $; l'ajustement pour faire face à une nouvelle responsabilité du Procureur général d'intenter des plaintes pénales en vertu de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction du Québec, 1 100 000 $; l'ajustement de l'enveloppe réservée à l'aide juridique pour le paiement des avocats et notaires de la pratique privée, 3 300 000 $; la reconnaissance par le gouvernement d'activités prioritaires, dont le programme contre la violence conjugale, 1 800 000 $, et les activités des bureaux d'enregistrement, 6 000 000 $.

L'effectif autorisé au 1er avril 1988 s'établit à 4327 personnes, soit une diminution nette de 36 postes par rapport au 1er avril 1987. Cette diminution de postes est due à la réduction de 2 % des postes autorisés, ce qui représente 43 postes, et à l'ajout de 7 postes en provenance de l'Office des ressources humaines.

J'aimerais maintenant vous entretenir des principales actions que nous avons posées depuis l'an dernier et des dossiers en cours concernant l'administration de la justice au Québec.

Vous savez que j'ai effectué une tournée de consultation afin de faire le point sur les politiques et les services qui sont actuellement offerts aux victimes d'actes criminels et pour recueillir les suggestions du public et des milieux visés, afin d'améliorer le sort de ces personnes.

À la suite de cette tournée, j'ai annoncé diverses mesures. Par exemple, depuis octobre 1987, les victimes d'actes criminels du district judiciaire de Montréal pourront remplir un questionnaire intitulé "Déclaration de la victime."

Ce projet pilote vise à remplir trois objectifs: reconnaître le droit de tous, victimes et accusés, devant la justice; respecter le désir des victimes d'être entendues et d'exprimer au tribunal, les conséquences vécues à la suite d'un acte criminel; rendre justice à partir d'une connaissance complète des éléments pertinents.

On sait que, dans bien des cas, les victimes, si elles ne sont pas appelées à témoigner, ne peuvent pas faire valoir devant le tribunal des préjudices moraux, physiques ou matériels qu'elles ont subis avant le prononcé de la sentence par un juge. Par le biais de la déclaration de la victime, ces personnes ont maintenant la possibilité de s'exprimer.

Enfin, j'ai demandé de préparer un projet de loi pour doter le Québec d'une politique globale d'aide aux victimes d'actes criminels. Ce projet, que j'entends proposer pour adoption à l'Assemblée nationale ce printemps, visera à assurer un meilleur équilibre entre les droits des accusés et ceux des victimes, à garantir à ces dernières un traitement équitable ainsi qu'à favoriser leur collaboration avec les personnes chargées de l'application de la loi.

Il propose aussi l'institution, au ministère de la Justice, d'un bureau d'aide aux victimes d'actes criminels qui assurera la concertation et la coordination des actions des intervenants qui dispensent des services d'aide aux victimes. Ce bureau favorisera l'implantation et le maintien de centres locaux d'aide aux victimes d'actes criminels par des groupes et organismes communautaires.

Dans ce même ordre d'idées, je ne peux passer sous silence le travail considérable réalisé en vue de venir en aide aux victimes de violence conjugale. Vous savez que, depuis mars 1986, nous avons une politique d'intervention énergique en matière de violence conjugale. Dans cette politique, le rôle des policiers, des substituts du Procureur général et des agents de probation, qui ont à intervenir lorsqu'un cas de violence conjugale est porté à leur connaissance, a été clairement défini et ils sont beaucoup plus attentifs au phénomène de la violence conjugale.

En effet, depuis son introduction, les policiers ne perçoivent plus la violence conjugale comme une chicane de famille. Leurs interventions les amènent à faire enquête et à recueillir tous les éléments de preuve pertinents à une poursuite éventuelle. Les substituts du Procureur général, de leur côté, utilisent le processus judiciaire lorsqu'une infraction criminelle a été commise. Ils doivent intenter des poursuites en vertu du Code criminel et, dans les cas les plus graves, si la preuve le permet, même lorsque la victime ne consent pas à porter plainte contre son conjoint.

En ce qui concerne les agents de probation, ils peuvent être appelés à apprécier l'admissibilité du contrevenant à un programme de traitement pour conjoint violent. Dans le cadre de cette évaluation, ces agents doivent non seulement tenir compte du contrevenant, mais aussi de la victime.

Il faut bien comprendre que le caractère particulier de ce genre de crime amenait, auparavant, une non-divulgation du crime de la part des personnes qui en étaient victimes. Il s'agit, en effet, d'une situation où la personne agressée vit avec son agresseur. À cette violence, qui se traduit souvent par des voies de fait, viennent se greffer d'autres facteurs, tels les enfants, l'amour, la dépendance économique et ainsi de suite. Les différents intervenants judiciaires doivent, malgré tout, faire en sorte d'assurer la protection de la victime en tenant compte des facteurs que je viens d'énumérer.

J'ai quelques données fort révélatrices à ce sujet, qui démontrent que les crimes reliés à la violence conjugale ne sont plus perçus comme des chicanes de famille, contrairement à une époque très récente. Par exemple, pour ce qui est des cas qui ont été signalés au cours de l'année 1987 aux services de police municipaux, à la Sûreté du Québec et à la police amérindienne, on dénombre 6559 infractions. De ce nombre, plus de 60 % ont été soumis aux substituts du Procureur général. Au sujet des substituts du Procureur général, j'ai aussi quelques données sur le nombre de dossiers ouverts pour les mois de septembre à décembre 1987, c'est-à-dire quatre mois, qui m'indiquent que 1662 dossiers de violence conjugale ont été traités. De ce nombre, 1066 proviennent de la grande région de Montréal, 228 de la région de Québec et 358 des autres régions.

J'ai également pu constater, à la lumière des renseignements qui m'ont été fournis, que le volume de dossiers ayant trait à la violence conjugale a sans cesse augmenté depuis l'introduction de la politique. En effet, pour le seul district de Montréal, l'on remarque que le nombre de dossiers à traiter par les substituts a quintuplé. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai annoncé tout à l'heure une augmentation de 1 800 000 $ pour procéder à l'embauche de substituts et du personnel de soutien nécessaire.

La diffusion de politiques, la coordination entre les intervenants du monde judiciaire et le traitement maintenant réservé aux plaintes émises à la suite de ces crimes semblent avoir été un incitatif important auprès des victimes à porter plainte.

De plus, je désire rappeler que, dans le but d'apporter un soutien additionnel aux femmes qui sont aux prises avec des problèmes de violence conjugale, j'ai mis sur pied une permanence téléphonique. Ce service bilingue et gratuit, est en fonction depuis le 1er décembre 1987 et est accessible 24 heures par jour, 7 jours par semaine, grâce à un numéro unique pour toutes les régions du Québec.

J'ai obtenu quelques statistiques sur les appels reçus par SOS Violence conjugale depuis le début de ses opérations. Je crois que ces données sont éloquentes et démontrent bien que

ce service répond à un besoin.

Ainsi, durant le mois de décembre 1987, 479 appels ont été reçus et, durant les mois de janvier, février et mars 1988, 379, 557 et 1076 appels ont été respectivement traités. C'est donc dire qu'en quatre mois seulement 2500 appels ont été reçus par ce service. De ce nombre, 1372 appels ont été faits par des personnes victimes de violence conjugale, 610 par des tierces personnes et 121 par des hommes agresseurs. Quelques appels ont même été faits par des résidents de l'Ontario. (10 h 30)

Par toutes ces mesures, une prise de conscience du phénomène de la violence conjugale est désormais amorcée au sein de la population; j'irais même jusqu'à dire un certain changement de mentalité. Je me suis attaqué aux problèmes des victimes de violence conjugale, il y a deux ans seulement. Ce dossier est et demeure prioritaire pour moi. De façon générale, je ne prétends pas que le phénomène de la violence conjugale a été ou sera à jamais réprimé complètement, mais je suis satisfait du travail qui a été fait dans ce domaine et soyez assurés que j'ai l'intention de poursuivre avec autant d'efforts dans ce dossier.

Par ailleurs, au chapitre des actions législatives, je veux vous rappeler que nous avons instauré un système d'indexation automatique des pensions alimentaires accordées par jugement. Ce nouveau système s'applique depuis le 1er janvier dernier. En effet, depuis cette date, toute pension alimentaire accordée par jugement ou qui le sera se verra indexée au 1er janvier de chaque année suivant l'indice des rentes établi en vertu de la Loi sur le régime des rentes. Ce système s'applique automatiquement à moins que le tribunal n'en ait ordonné autrement. Cette mesure vient en aide aux Québécoises et aux Québécois en leur assurant le maintien de la valeur réelle de leur pension aliementaire.

En ce qui concerne la réforme du droit, j'ai déposé, en décembre 1986, un avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des sûretés réelles et de la publicité des droits. Ce projet vise essentiellement à moderniser et à simplifier les régimes juridiques des privilèges, des hypothèques et de la publicité des droits, notamment par une diminution du nombre de privilèges, un regroupement des sûretés réelles sous le concept d'hypothèque et la standardisation des recours ouverts aux créanciers.

Ainsi, par les nouveaux principes développés par ce projet de loi, un créancier hypothécaire ne pourra conserver que le capital et les intérêts qui lui sont dus, à la suite d'une reprise de possession, et non la totalité de la somme perçue à la suite de la vente de la propriété.

Le chapitre de la publicité des droits revoit entièrement toutes les techniques d'enregistrement des droits de façon à assurer une meilleure publicité de ceux-ci et, en conséquence, de meilleures garanties. Il est intéressant de noter qu'une disposition a été introduite pour que soit créé un registre central et informatisé des droits personnels et mobiliers.

Je vous rappelle qu'un autre projet de loi portant réforme au Code civil en matière de droit des personnes, des successions et des biens a, pour sa part, été sanctionné en avril 1987. Ce projet se consacre à une série de droits, dont le droit à l'intégrité de la personne, et propose de nombreuses réformes parmi lesquelles je ne citerai que la réforme de l'état civil, de la tutelle aux mineurs et des régimes de protection des majeurs.

En regard des successions, il faut noter que ce projet accroît la part du conjoint survivant à la moitié de la succession lorsqu'il y a des descendants et qu'il s'agit d'une succession légale. Toujours en matière successorale, l'héritier qui aura accepté la succession ne sera jamais tenu de payer les dettes de celle-ci au-delà de ce qu'il a effectivement reçu à la condition d'avoir procédé à l'inventaire des biens.

Quant au livre sur les biens, le projet de loi innove à plusieurs égards et révise en profondeur des institutions comme la copropriété divise, l'emphytéose et les servitudes. Vous savez également que, depuis décembre 1987, le nouveau chapitre de cette réforme du Code civil du Québec a été déposé. Il s'agit de l'avant-projet de loi sur les obligations, qui est le coeur même du droit civil.

Cet avant-projet de loi traite des obligations en général et aborde toutes les règles de formation, de validité et d'exécution des contrats ainsi que les principes de la responsabilité civile. Il comprend en outre la réglementation d'une vingtaine de contrats, notamment les contrats de vente, de louage, de travail, de société et d'assurance. Les organismes et les personnes intéressés par ce projet auront d'ailleurs l'occasion d'être entendus en commission parlementaire au mois d'août 1988.

Vous pouvez donc constater encore une fois que la révision du Code civil est un dossier important pour le ministère de la Justice et que son cheminement se déroule très bien. Nous entendons déposer, d'ici quelques semaines, la dernière partie de cette réforme, soit celle traitant de la preuve, de la prescription et de droit international privé.

Par ailleurs, nous avons procédé à une réforme de la procédure pénale, dont la révision était en cours depuis plus de dix ans déjà. Cette loi innove en introduisant le constat d'infraction et sert de fondement à toutes les procédures pénales relatives aux lois et règlements du Québec. Cette nouvelle procédure permet aux justiciables d'être mieux informés en cas de poursuite et leur donne la possibilité de transmettre leur plaidoyer par écrit dès la réception de ce constat. Ainsi, de nombreux litiges seront résolus sans que le défendeur et les témoins

n'aient besoin de se déplacer inutilement à la cour, ce qui évitera une perte de temps et d'argent pour les contribuables.

Ce code offre plusieurs nouveaux recours aux justiciables afin de garantir leurs droits et libertés. Ainsi, le projet de loi précise, au chapitre de l'arrestation, dans quel cas un contrevenant peut être arrêté et il indique expressément les obligations de celui qui procède à l'arrestation. En matière de perquisition, il expose les principes généraux de délivrance et d'exécution d'un mandat de perquisition et introduit le télémandat. De même, des mesures ont été prises relativement à la garde, la rétention et la disposition des choses saisies.

J'ajouterai que ce projet de loi se révèle nécessaire pour réaliser la réforme des dispositions pénales de nos lois. En effet, les principes et les règles qu'il véhicule doivent servir de base à la mise à jour de toutes les lois du Québec en matière pénale, que nous sommes présentement à élaborer avec les ministères concernés. Cette épuration de notre législation constituera un autre pas important vers la garantie des droits et libertés des justiciables du Québec.

Il est bien évident que les lois que je viens d'évoquer constituent, si l'on veut, les pièces maltresses de l'action législative du ministère de la Justice et que ces exemples démontrent clairement l'importance du rôle que doit jouer ce ministère. Par ailleurs, il va de soi que les réflexions sur d'autres grands dossiers se poursuivent et m'amèneront à déposer, au cours des prochains mois, d'autres modifications ou d'autres réformes législatives d'une grande importance. J'aimerais vous faire part de quelques-unes d'entre elles.

Au chapitre des tribunaux judiciaires, on connaît l'importance de leur organisation sur les justiciables et sur l'efficacité de l'administration de la justice. Dans cet esprit, j'ai voulu examiner d'une façon particulière leur fonctionnement. Ce qui m'amènera à proposer à l'Assemblée nationale, dès ce printemps, une réforme visant l'unification de la Cour provinciale, de la Cour des sessions de la paix et du Tribunal de la jeunesse en un seul tribunal. Cette unification des tribunaux permettra d'améliorer l'efficacité du système judiciaire et de favoriser une plus grande accessibilité des justiciables aux tribunaux.

En ce qui concerne les tribunaux administratifs, comme je l'ai déjà mentionné, un groupe de travail a été formé et m'a remis son rapport il y a quelque temps. Ce rapport porte notamment sur l'organisation comme telle des tribunaux administratifs, le statut des membres de ces tribunaux et la procédure administrative. Il suggère aussi la création d'une structure d'encadrement. Nous examinons actuellement les recommandations de ce rapport et les commentaires que j'ai obtenus à la suite de la consultation que j'ai effectuée auprès de mes collègues.

Ce dossier est présentement à l'étude en vue du dépôt d'un projet de loi pour la session d'au-tonme 1988.

En ce qui a trait aux cours municipales, vous savez que j'ai formé en novembre dernier un groupe de travail afin de déterminer les juridictions des cours municipales et de leurs juges, d'évaluer la possibilité d'uniformiser ou d'harmoniser les règles applicables devant ces cours et de faire des recommandations sur le statut des juges des cours municipales ainsi que sur toute autre matière jugée pertinente. Ce groupe de travail, composé des représentants des divers milieux intéressés, doit me remettre son rapport en juin prochain. Mon ministère procédera à l'examen des recommandations et je proposerai des mesures pour y donner suite.

J'envisage aussi l'implantation d'un système de perception automatique des pensions alimentaires pour favoriser une perception plus efficace de ces pensions. Le percepteur serait non seulement chargé d'agir en qualité de saisissant, comme c'est le cas actuellement, mais également de percevoir tous les arrérages et versements à échoir de la pension alimentaire. De plus, le débiteur du jugement accordant une pension serait tenu de payer directement au percepteur les arrérages ainsi que les versements à échoir de la pension tant que le percepteur demeurera chargé de la perception de la pension.

En plus des projets dont je viens de vous entretenir, plusieurs autres font actuellement l'objet d'une attention particulière. J'entends notamment me pencher sur les délais de prescription en matière d'assurance-responsabilité professionnelle, sur l'abrogation de certaines lois désuètes, sur la question de la preuve par affidavit en matière matrimoniale, sur les lois sur les huissiers, sur la curatelle publique ainsi que sur le courtage immobilier.

Je pourrais, bien sûr, poursuivre et vous fournir une fouie de données sur les activités des ministères et des organismes qui relèvent de ma juridiction. Cependant, vous avez déjà en main des informations assez complètes sur nos activités et, au cours des heures consacrées à l'examen des crédits du ministère, il me fera plaisir de répondre à vos questions. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. J'inviterais maintenant le porte-parole de l'Opposition à faire des remarques préliminaires.

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je voudrais évidemment souhaiter la bienvenue au ministre de la Justice. Cela fait près de deux ans et demi que nous travaillons ensemble. SI la collaboration n'est pas évidente et prend parfois la forme de critiques, le ministre aura compris, par ses agissements, qu'il

s'agit là de critiques positives visant à améliorer la performance du ministère qu'il dirige. Évidemment, il en dirige plusieurs, j'y reviendrai tantôt.

Je voudrais également profiter de l'occasion pour saluer la nomination du sous-ministre en titre. Je crois que c'est la première fois qu'il a l'occasion d'accompagner le ministre. Je voudrais également souligner la présence des personnes qui accompagnent le ministre.

Les thèmes que nous aborderons aujourd'hui sont, bien sûr, d'une importance capitale pour la société québécoise. C'est avec un vif intérêt que j'entrevois les prochaines heures que nous passerons ensemble.

Compte tenu justement de l'importance des thèmes, voire dans certains cas de l'urgence de la situation, j'ose espérer que notre discussion sera des plus fructueuses et constituera en même temps le point de départ des changements d'attitudes et des changements d'orientations qui s'imposent dans le secteur de la justice, à la suite de presque deux ans et demi d'administration libérale. (10 h 45) il est remarquable, Mme la Présidente, que, durant l'exposé du ministre que j'ai écouté attentivement, pas un seul mot n'a porté sur un outil de travail très important que nous a livré le journal Le Devoir et la firme Créatec qui a procédé, ce qui n'avait pas été fait depuis 1982, et avant cela, ce qui n'avait pas été fait depuis la commission Prévost, à un sondage de la perception par l'opinion publique de la justice. Compte tenu que justice doit être rendue, doit paraître avoir été rendue et être rendue, l'image de la justice fait partie de la réalité de la justice. En ce sens, le silence du ministre sur ce sondage, même s'il peut peut-être s'expliquer par le fait que ce sondage nous révèle des données extrêmement préoccupantes et inquiétantes, nous laisse, quant à nous, songeurs. L'image de la justice est malade parce que, en bonne partie, la justice elle-même est malade, et le ministre a sûrement oublié la crise qui a secoué tout le monde judiciaire depuis environ deux ans et demi. La priorité du ministre de la Justice devrait donc être de s'attaquer à cette bien triste réalité, à cette bien triste image, car toute dégradation supplémentaire de la perception des citoyens face à notre appareil judiciaire pourrait engendrer une crise de confiance dramatique, il ne faut jamais oublier que l'appareil judiciaire est un des fondements même de notre démocratie.

Le gouvernement libéral, au-delà de toute considération partisane, devra s'attaquer de front et rapidement à ce problème qui en est un de fond et de forme. Ce problème doit désormais être considéré comme une des priorités du gouvernement libéral. Pour ce faire, le ministre lui-même et le gouvernement devront changer radicalement leur attitude et l'actuel ministre de la Justice devra prendre les bouchées doubles pour convaincre ses collègues de la nécessité dé ce changement. Et immédiatement je vois le sourire du ministre. Il me répondra: Vous savez, la perception de la justice, c'est une chose et la justice en est une autre. Je lui ai dit tantôt que la perception de la justice fait partie de la justice et, deuxièmement, il aurait tort de croire que le reflet contenu dans l'enquête et les études de Créatec est complètement dénué de tout fondement. Le reflet que renvoie ce sondage correspond à une réalité et, d'ailleurs, les experts qui se sont penchés sur ce sondage ont été unanimes. Il y a un problème de fond et un problème de forme.

Déjà, Mme la Présidente, en septembre 1987, je dénonçais cette crise latente au sein de l'appareil judiciaire. Dans les documents que j'avais remis lors d'une conférence de presse, j'écrivais: "Le désintérêt, voire le mépris dans certains cas, manifesté par le gouvernement de M. Bourassa à l'égard de la fonction judiciaire a fait de celle-ci le parent pauvre de l'État à comparer avec ses deux autres composantes, soit l'exécutif et le législatif. Le manque de ressources humaines et financières a engendré dans les palais de justice une absence de motivation et une dégradation de l'image de la justice. Un gouvernement qui ne considère pas son système judiciaire comme important et crucial ne peut s'attendre à ce que, par la suite, les intervenants eux-mêmes et les citoyens fassent autrement." En septembre 1987, donc bien avant que l'étude de Créatec soit menée, je sensibilisais à cette époque le ministre de la Justice, et le sondage vient me donner raison.

Ce n'est pas un hasard, Mme la Présidente, si les juges eux-mêmes - est-ce utile de le rappeler? - ont dû, l'an dernier, procéder à des recours judiciaires contre le ministre de la Justice lui-même, précédent jamais vu dans les annales du monde entier. Les juges, à l'époque, ont dû même utiliser un moyen de pression jamais vu, inégalé, soit la menace de boycotter la cérémonie de la messe rouge. Les procureurs de la couronne ont même employé des moyens de pression qui ont fait les manchettes durant plusieurs mois. Les avocats de l'aide juridique ont dû, eux-mêmes, recourir à sensibiliser l'opinion publique sur leurs conditions de travail. Les notaires et avocats de la fonction publique ont procédé de la même façon.

Il semble bien donc que nos propos aient été confirmés par le récent sondage Créatec - Le Devoir. En effet, les Montréalais ne croient plus que les tribunaux sont au-dessus de tout soupçon. Ils doutent de la qualité de la justice, de l'impartialité des juges, et un citoyen sur trois affirme n'être pas certain d'être traité de façon juste et égale devant un tribunal. Ces chiffres-là, pour l'information du ministre, constituent une nette détérioration par rapport aux enquêtes connues, soit celle, comme je le disais tantôt, de 1982 et celle qui avait été menée à l'occasion de la commission Prévost.

Par ce sondage, on apprend également que

57 % des gens interrogées soutiennent ne pas comprendre la justice tellement elle est compliquée, que 48 % des gens croient qu'ils seraient maltraités par l'appareil judiciaire s'ils étaient victimes, que 68 % croient que les lois sont en retard sur la mentalité des citoyens. D'ailleurs, comment peut-on s'en surprendre lorsqu'on constate l'absence totale de visions d'avenir de l'ensemble du gouvernement libéral?

Finalement, fait extrêmement grave, 77 % des Montréalais estiment que la justice favorise les riches. Dort-on voir là l'impact de la déclaration du ministre de la Justice de l'an dernier: La prison est l'institution des pauvres? Le ministre de la Justice a eu l'occasion de récidiver, je crois, à cette même commission des institutions, Mme la Présidente, lorsqu'il a déclaré qu'il y a deux sortes de justice: l'une pour les riches et l'autre pour les pauvres. Comment se surprendre que 77 % des Montréalais estiment que la justice favorise les riches? Une déclaration inacceptable de la part du plus haut responsable de la justice, une déclaration de nature à jeter le discrédit et le doute sur la qualité de l'appareil judiciaire. Il ne faut pas se surprendre de recueillir l'écho des déclarations du ministre dans te sondage mené par Créatec - Le Devoir, et ce, sans compter la giffe inadmissible que constituait à tout le service d'aide juridique la déclaration du ministre lorsqu'il disait que la prison était l'institution des pauvres.

Bien sûr, il serait malhonnête de blâmer uniquement le ministre de la Justice pour tous les résultats que nous livre le sondage. L'appareil judiciaire fait face à certains préjugés tenaces. Cependant, encore une fois, je mets en garde le ministre contre l'erreur qui consisterait à ne voir dans ces chiffres qu'un problème de forme et de perception. Il y a là un problème de fond à la base.

Également, là où la responsabilité du ministre est réelle, d'où le sens de ma conférence de presse en septembre 1987, c'est l'existence d'une tendance troublante, selon laquelle ceux qui ont eu affaire aux tribunaux font systématiquement moins confiance à l'appareil judiciaire. Ainsi, la proportion de gens qui disent n'être pas certains d'être bien traités passe de 29 % à 37 % lorsque ceux-ci ont déjà été victimes d'un acte criminel. De même, 37 % des citoyens qui ont déjà eu l'expérience des tribunaux ne sont pas certains d'un juste traitement contre 30 % de ceux qui n'ont jamais eu cette expérience. Cette bien triste réalité est l'image de la justice. On la doit au leadership que n'a pas assumé l'actuel ministre de la Justice au sein du Conseil des ministres, et ce, à plusieurs chapitres. Premièrement, on la doit à l'incapacité du ministre à contrecarrer la volonté du président du Conseil du trésor de couper les montants d'argent octroyés à l'appareil judiciaire. On se souviendra des houleuses négociations de travail de 1987. Malgré que le ministre ait soutenu en paroles les juges, les procureurs de la couronne, les avocats et avocates de l'aide juridique, les avocats et notaires de la fonction publique, ceux-ci ont dû se contenter d'ententes insatisfaisantes négociées péniblement et minant ainsi leur motivation.

Seule l'injection de ressources humaines et financières suffisantes s'impose et le ministre doit se redresser pour faire valoir la cause de la justice auprès du Conseil du trésor et de ses collègues. Qui plus est, alors que de l'avis de tous, les ressources humaines sont insatisfaisantes au sein des palais de justice, des bureaux d'enregistrement, voilà que le Conseil du trésor impose de nouvelles coupures d'effectifs. Comme l'a souligné le ministre dans sa présentation principale, 36 postes de moins au sein de l'appareil judiciaire, alors que, de l'avis de tous les intervenants, il y a un manque chronique d'effectifs pour assurer le soutien de la fonction judiciaire. 36 postes de moins!

Le ministre, encore une fois, a agi en opérateur aveugle d'une commande insensée du Conseil du trésor qui, on le sait, a souvent des visions déconnectées de la réalité. Si la même situation se produisait dans les hôpitaux, Mme la Présidente, la population hurlerait, mais, parce que cela se produit dans le secteur judiciaire, qui est un secteur où les intervenants sont très discrets, mesurés, pondérés, l'on se tait et l'on assiste actuellement à une dégradation dans l'appareil judiciaire qui prendra la forme, si le ministre ne la redresse pas, d'une crise de confiance dramatique dans un des piliers de nos institutions démocratiques.

S'ajoute au manque de ressources humaines et financières une attitude généralisée du gouvernement qui mine la crédibilité de la justice. Exemple, après avoir décrié, pendant des années, le cumul des fonctions du Solliciteur général et du ministre de la Justice, voilà que le député de D'Arcy McGee occupe les deux fonctions. Les conflits d'intérêts potentiels qui existaient avant 1985 existent toujours malgré le fait que deux structures autonomes aient été mises sur pied. C'est toujours un même et unique individu qui doit trancher dans des situations potentiellement conflictuelles.

Ainsi doit-on porter en appel un jugement impliquant un policier ou encore doit-on déclencher une enquête lorsque le procureur n'estime pas opportun de trancher. On peut également noter le peu d'empressement de ce gouvernement de procéder à la réforme des tribunaux administratifs et plus particulièrement au chapitre des normes de nominations. Le ministre, dans sa proposition principale tantôt, dans sa représentation principale, a parlé de l'automne 1988. Mais, l'an dernier, il m'avait parlé du printemps 1988.

Durant tout ce temps, une bonne partie - on le sait - des citoyens est affectée par le chaos qui règne dans le secteur des tribunaux administratifs. Pendant tout ce temps, rien ne se fart. La déclaration toute récente de l'ancien sous-ministre en titre du ministère de la Justice

lui-même, devenu Protecteur du citoyen, devenu ombudsman, devrait faire en sorte d'activer la volonté du ministre de la Justice quant à la réforme des tribunaux administratifs. L'ombudsman donnait quelques exemples. Neuf mois pour un handicapé avant d'obtenir l'autorisation d'acheter une prothèse dans les démarches avec l'Office des personnes handicapées du Québec. Deux à trois ans de délai devant les tribunaux administratifs, alors qu'il s'agit là de matières extrêmement vitales. Les tribunaux administratifs ont été créés soi-disant pour être plus rapides que les tribunaux ordinaires.

Pendant ce temps-là, la réforme est repoussée. Le ministre déclarait en 1986, à peine quelques mois après son assermentation, que l'heure est aux décisions. Nous sommes en 1988, en avril 1988. Je vous dis, M. le ministre, que l'heure est passée en ce qui concerne les décisions. Vous êtes sérieusement en retard dans votre échéancier en ce qui concerne les tribunaux administratifs.

Quant à nous de l'Opposition, nous sommes prêts à discuter d'une reforme des tribunaux administratifs dès la session du printemps. Ça urge. De milliers de citoyens ne connaissent l'appareil judiciaire qu'à travers les tribunaux administratifs: Régie du logement, commissions, etc. Ce ne sont pas tous les citoyens qui se présentent devant les tribunaux ordinaires. Mais les tribunaux administratifs affectent des citoyens souvent démunis. Est-ce que cela a une once de bon sens qu'un citoyen doive attendre neuf mois pour obtenir une autorisation de l'Office des personnes handicapées pour s'acheter une prothèse? Cela n'a aucun sens, les délais que l'on rencontre dans nos bureaux de comtés pour tous les accidentés du travail qui vont en révision de leur cas ou à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. Cela n'a aucun sens. Ces personnes sont déjà affectées par un problème physique qui découle d'un accident du travail et, pendant ce temps-là, elles doivent attendre des mois avant d'aller à la révision, des années avant de voir la fin du dossier.

Pendant ce temps-là, le ministre, il y a deux ans, nous disait que l'heure était aux décisions. Il vient au printemps 1988 en commission parlementaire nous dire: Savez-vous, cela ne sera sûrement pas avant l'automne 1988. C'est complètement inadmisible. (11 heures)

Par surcroît, le gouvernement, toujours au sujet des tribunaux administratifs, cherche à raccourcir la durée des mandats, accentuant ainsi la crise de confiance ou encore l'augmentation de l'octroi de mandats à des avocats et notaires de la pratique privée, selon des critères et normes inconnus. Durant les heures qui vont suivre, nous allons interroger le ministre sur des mandats de six mois qui ont été confiés à des membres des tribunaux administratifs. On est loin de l'indépendance et de l'autonomie lorsqu'on parle de mandats renouvelables de six mois. Ce sont là des attitudes qui ne contribuent pas à améliorer la transparence de la justice.

Le manque de leadership du ministre de la Justice s'est également manifesté par son absence totale du débat constitutionnel. Principal jurisconsulte du gouvernement, en vertu de nos lois, comment expliquer que le jurisconsulte de la province, encore une fois, ait été tenu à l'écart d'un débat aussi fondamental? Comment expliquer qu'aucune opinion juridique valable sur le sens de la clause de la société distincte n'ait été émise par le ministère, de sorte que l'on nage toujours dans la plus grande confusion? Aussi, comment peut-on se dire surpris des sentiments des Montréalais à l'égard de la justice lorsque l'on analyse l'attitude du Procureur général dans le dossier de la loi 101? Alors qu'il a l'obligation de voir au respect des lois votées démocratiquement à l'Assemblée nationale, il refuse de porter devant les tribunaux les dossiers qui lui sont transmis par la Commission de protection de la langue française. Seulement 39 % des dossiers transmis par la Commission de protection de la langue française au Procureur général ont fait l'objet de poursuites devant les tribunaux, alors que ce pourcentage, sous les dernières années du gouvernement précédent, était de 72 %.

Par surcroît, à au moins deux reprises et même trois selon la coupure de presse dont j'ai pris connaissance pendant mon absence, à au moins trois reprises depuis six mois, dis-je, le ministre de la Justice a déclaré que la loi 101 serait changée afin de permettre l'affichage bilingue. La déclaration du ministre de la Justice est irresponsable. Comment oublier que c'est l'Assemblée nationale qui fait les lois? Comment oublier qu'une loi toujours en vigueur doit être respectée et appliquée tant et aussi longtemps que le jugement final d'un tribunal supérieur n'est pas rendu? La déclaration du ministre de la Justice équivaut à inciter les citoyens à la désobéissance civile. Il s'agit là d'une attitude inacceptable pour un Procureur général.

Nous croyons sincèrement qu'il est plus qu'urgent que le ministre de la Justice se prenne en main afin d'assumer le leadership que lui confère son rôle. Il devra s'attaquer à réformer l'image de la justice en convainquant le Conseil des ministres d'injecter de nouvelles ressources au sein de l'appareil judiciaire. Il devra également couper court aux prises de position contraires à l'exercice de sa fonction. Il devra également donner suite à la recommandation faite par l'Opposition et soutenue par plusieurs intervenants du milieu judiciaire visant à mettre sur pied des états généraux de la justice. Nous croyons qu'au-delà des ressources humaines et financières, au-delà de la nomination d'intervenants politiques et administratifs, un solide coup de barre s'impose pour redonner aux intervenants et à la population confiance en leur système de justice.

Cela peut prendre la forme d'états généraux

de la justice, convoqués par le ministre de la Justice qui leur fournirait appui et soutien techniques par l'entremise de son ministère. Un tel forum, en outre de constituer un tonus en soi pour un système qui veut revenir à l'excellence et à une plus forte crédibilité, permettrait l'échange d'idées et la concrétisation de diverses solutions réelles et pratiques aux problèmes vécus par l'administration de la justice au Québec. Les juges, les policiers, les procureurs de la couronne, civils ou criminels, les avocats de l'aide juridique, les avocats de pratique privée, les agents de probation, les gardiens de prison, le personnel administratif, toutes ces personnes aspirent à maintenir le fonctionnement et la crédibilité de la justice à leur plus haut niveau.

Maintenant, il appartient au gouvernement du Parti libéral du Québec et au ministre de la Justice de sortir de leur indifférence et d'agir maintenant. La mise sur pied de ces états généraux constitue, certes, un pas en avant pour renverser la tendance déplorable que, encore une fois, nous livrent les derniers sondages et que j'avais déjà constatée en septembre 1987.

Donc, le ministre de la Justice, disais-je, doit se prendre en main afin d'assumer le leadership que lui confère son rôle et doit s'attaquer à réformer cette image de la justice. J'espère donc que notre discussion d'aujourd'hui et que les quelques avenues de solution qui pourront s'en dégager constitueront un nouveau départ pour le ministre de la Justice.

Durant sa présentation, le ministre nous a entretenus de la violence conjugale. J'ai déjà eu l'occasion de dire au ministre que ce qui a été fait est bon, mais qu'il faut s'attaquer plutôt à soutenir les 80 maisons de femmes au Québec qui constituent des ressources de première ligne pour les clientèles visées par les victimes d'actes criminels, les victimes de violence conjugale, pardon. En ce qui concerne les victimes d'actes criminels, le ministre nous annonce un projet de loi, nous l'étudierons.

Et, également, le ministre nous parle de la réforme du Code civil ainsi que du Code de procédure pénale. Ces lois, dois-je le mentionner au ministre, ne sont toujours pas en vigueur; il s'agit là de belles réformes pour les professeurs d'universités alors qu'il y a des choses à faire, concrètement et maintenant. Par exemple, est-ce qu'il est concevable que les critères d'admissibilité à l'aide juridique n'aient pas été augmentés depuis si longtemps que même, dans certains cas, des personnes qui reçoivent de l'aide sociale, ne sont pas admissibles à l'aide juridique? Dans le secteur des tribunaux administratifs, j'ai signalé au ministre l'urgence d'agir. Lorsqu'on traite également de la loi 101, qui est un symbole important au Québec - 25 000 personnes, dimanche dernier, ont eu l'occasion, ont pris la peine d'envoyer le message au ministre de la Justice et à l'ensemble du gouvernement libéral - lorsqu'on parle de la loi 101, le ministre doit assumer ses responsabilités.

Il y a des dossiers sur lesquels nous reviendrons, les journalistes, par exemple, et la justice, sur lesquels il n'y a pas eu un traître mot de la part du ministre de la Justice. La question de la violence faite aux vieillards, dans notre société, sur laquelle le ministre de la Justice attend peut-être que le problème devienne de plus en plus aigu pour agir. Des petits problèmes qui touchent les citoyens: comme, par exemple, le remorquage, notamment à Montréal, le remorquage par des compagnies de touage, le remorquage illégal sur lequel un projet de loi devrait être présenté par le ministre de la Justice. Des choses concrètes qui affectent moins les professeurs des facultés de droit, mais qui affectent plus les citoyens et qui seraient de nature à redonner un début de crédibilité à l'appareil judiciaire, alors que, depuis deux ans et demi, cette crédibilité ne fait que se détériorer.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de...

M. Herbert Marx (réplique)

M. Marx: Merci, M. le Président. Je comprends bien que le député de Taillon n'avait pas le temps de préparer un vrai discours et une vraie critique pour les crédits. Il est occupé ailleurs, je comprends. Il a même manqué quelques semaines à l'Assemblée nationale; on ne l'a pas vu. Mais au lieu de faire une telle....

M. Filion: M. le Président, question de règlement.

M. Marx: Mais il n'y a pas de question de règlement en commission.

M. Filion: Question de règlement.

Le Président (M. Marcil): Oui, M. le député de Taillon.

M. Filion: On sait que le ministre... M. Marx: Cela fait mal, là.

M. Filion: ...a de la difficulté à suivre les lois et de la difficulté à suivre notre règlement. Est-ce que vous voudriez lui rappeler qu'en aucun cas le genre de commentaire qu'il fait sur la présence ou l'absence d'un député en Chambre n'est admissible? Et, au surplus, je signalerais au ministre de la Justice que, s'il fait cas de mon absence en Chambre la semaine dernière, ce serait bon qu'il soit informé des missions officielles de l'Assemblée nationale auprès des autres gouvernements, notamment le gouvernement français.

Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le député de Taillon.

M. Marx: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Le message est passé. M. le ministre.

M. Marx: Tout ce que je voulais dire, c'est que je n'ai pas eu les échanges d'idées que j'aurais pu avoir avec le député de Taillon depuis quelques semaines à l'Assemblée nationale. Au lieu de faire une vraie étude et d'apporter des suggestions, des recommandations, ce que le député de Taillon a fait essentiellement, c'est de commenter un sondage qui n'aide pas beaucoup le ministère, le ministre ou d'autres intervenants à faire des changements qui pourraient s'imposer.

Le député parle de la justice au Québec comme si c'était la pire au Canada, la pire en Amérique du Nord. Selon lui, rien ne fonctionne. Pourtant, lorsque je vais aux conférences fédérales-provinciales, tous les autres ministres copient le Québec. Par exemple, le rapport Zuber en Ontario sur les services judiciaires, vous allez voir cela, M. le Président, vous allez lire les 250 pages et vous allez voir que nous avons fait au Québec tout ce qui est proposé dans le rapport Zuber, sauf l'unification des tribunaux provinciaux que nous sommes en train de faire et de créer une Cour suprême du Québec. Donc, tout ce qui ne fonctionne pas en Ontario fonctionne bien au Québec.

Le Président (M. Marcil): Ce fut la raison de mon retard ce matin, M. le ministre. J'étais justement en train de lire ce rapport.

M. Marx: Parfait.

M. Filion: Est-ce qu'on peut passer au programme 1?

M. Marx: Non, je n'ai pas terminé, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Allez-y, M. le ministre.

M. Marx: Le député de Taillon a commenté le sondage. Il va de soi que, si vous allez attendre les gens qui sortent du palais de justice et qui ont plaidé une cause devant la Cour des petites créances, il y a des gagnants et des perdants: 50 % des gens perdent et 50 % gagnent. Les 50 % qui ont perdu ne sont pas heureux, ils ne trouvent pas que la justice leur a donné raison. C'est toujours comme cela. À la "Cour en direct" ou aux autres émissions de cette nature, vous voyez que les gens qui ont perdu ne sont pas heureux. C'est cela, la nature de la justice. Dans les litiges devant la Cour des petites créances, il y a des perdants et des gagnants, mais si on prend un autre dossier, comme la violence conjugale ou les victimes, rien ne se fait au Québec depuis dix ans, zéro, rien. Mais j'ai visité 16 villes québécoises. J'ai parlé à tout le monde et tout le monde est d'accord pour dire qu'on a fait beaucoup de progrès. Je n'ai pas vu cela dans le sondage de Créatec, mais quand je me promène, quand je vois les journaux, quand je parle aux femmes qui dirigent des maisons d'hébergement, le regroupement, etc., tout le monde est d'accord pour dire qu'on a fait du progrès.

Si vous me dites qu'on n'a pas fait assez de progrès, je suis d'accord, ce ne sera jamais assez, mais est-ce que c'était mieux, M. le député de Taillon, quand il n'y avait pas de politique sur la violence conjugale? Quand il n'y avait pas d'intervention policière énergique? Est-ce que c'était mieux quand on avait 40 procureurs de la couronne de moins qu'aujourd'hui? Est-ce que c'était mieux quand il n'y avait pas de ligne téléphonique? Est-ce que c'était mieux quand on n'avait pas fait de campagne de publicité à 600 000 $? Est-ce que c'était mieux quand on avait seulement trois centres pour aider les batteurs de femmes? Maintenant, on en a treize. Est-ce que c'était mieux quand on avait moins d'argent qu'aujourd'hui? Cette année, on va investir 2 800 000 $ de plus dans le dossier de la violence conjugale au ministère de la Justice et au bureau du Solliciteur général. Est-ce que c'était mieux quand on n'avait pas de ressources?

Tout ce que je peux vous dire, c'est que je ne serai jamais satisfait, même s'il reste une femme battue au Québec. Le député a parlé de dossiers pitoyables. Ce n'est pas sérieux du tout ce que le député a dit, M. le Président. Depuis dix ans, pendant huit ou neuf ans, le Parti québécois n'a rien fait dans le dossier de la justice. C'est bien connu. Tout ce qu'ils ont déposé comme projets de loi, regardez, vous allez voir cela, c'étaient des "bills omnibus" deux fois par année. Ils ont déposé un grand projet de loi, la Loi sur le coroner. Cela m'a pris douze conférences de presse pour convaincre le ministre de faire quelque chose. Quand il a déposé la loi, elle a été adoptée. Elle n'est pas entrée en vigueur parce qu'ils n'ont pas fait l'étude des impacts financiers. Donc, le coût a augmenté de 2 000 000 $ à 6 000 000 $. Cela a pris un autre projet de loi pour réduire les coûts à 4 000 000 $ avant que la loi soit mise en vigueur. C'était cela, la grande réalisation de mon prédécesseur. (11 h 15)

En ce qui concerne les procureurs de la couronne, quand j'ai été nommé ministre de la Justice en décembre 1985, il y avait 223 postes pour les substituts; maintenant nous avons 266 postes. C'est une amélioration. Aussi, comme je viens de l'annoncer, nous aurons 1 800 000 $ de plus pour embaucher des procureurs de la couronne et du personnel de soutien: Je pense que c'est une amélioration. Si je dis qu'on a

augmenté le nombre de procureurs de 20 %, personne ne peut me dire qu'on n'a pas fait de progrès et quand je dis qu'on va les augmenter encore par des dizaines, c'est encore du progrès.

Le dossier des procureurs de la couronne n'a jamais été réglé par l'ancien gouvernement. Celui-ci a traîné avec le dossier des salaires des procureurs de la couronne d'une saison à l'autre pendant des années. Comme on dit en bon québécois, entre guillemets, ils ont "stâlé" dans ce dossier. C'est pourquoi, quand je suis arrivé au ministère, c'était nécessaire de le régler. En ce qui concerne les juges, tout ce que le député de Taillon a dit n'est pas tout à fait correct. Il oublie de dire que son ancien chef, Pierre Marc Johnson, qui était alors ministre de la Justice, a été hué par les juges lorsqu'il est allé leur parler lors de la conférence des juges, en 1984, je crois. Moi, au moins, je peux vous dire, que je n'ai jamais été hué par les juges.

M. Filion: il y a eu des procédures judiciaires. On vous a poursuivi.

M. Marx: M. le Président, voulez-vous rappeler le député de Taillon à l'ordre? Il a oublié les règles depuis son absence de l'Assemblée nationale. M. Johnson a été hué. Moi, j'ai été applaudi. Savez-vous pourquoi, M. le Président? C'est parce que les juges de nomination provinciale sont les mieux rémunérés au Canada, et pas seulement dans l'Est du Canada. Ils ont eu une augmentation d'à peu près 15 000 $. Ils sont les mieux payés au Canada. Si on parie de l'unification des tribunaux, mon prédécesseur, M. Bédard, que j'estime beaucoup, a malheureusement annoncé l'unification des tribunaux pendant huit ans. Voulez-vous que je vous montre les discours que M. Bédard a faits? Tous les trois mois, il a fait le même discours sur l'unification. Il a même publié une série de trois articles dans Le Devoir sur l'unification. Il n'a pas cessé de parler de cela. Qu'est-ce qu'il a fait? Absolument rien. Il nous revient de la faire à cette session. Donc, je comprends qu'on puisse tout critiquer à tort et à travers comme le député de Taillon. Je pense que le critique en matière de justice doit être au-dessus de la partisanerie politique. Il faut qu'il soit neutre et au-dessus de la mêlée, ce qu'il n'est pas. Si quelqu'un a écouté le député, je ne sais pas si quelqu'un l'a écouté, même dans ses commentaires sur les sondages, il a oublié de dire que 74 % des Québécois sont heureux du travail de l'aide juridique. Pourquoi n'a-t-il pas dit cela? Pourquoi n'a-t-il pas dit que...

M. Filion: Vous...

M. Marx: Vous l'avez dit? Peut-être que vous l'avez chuchoté.

M. Filion: Vous avez dit que la justice, c'était l'institution des pauvres. J'ai dit que ce n'était pas correct pour l'aide juridique parce que les citoyens...

Le Président (M. Marcil): Si vous voulez, M. le député de Taillon, on va écouter.

M. Marx: Sur certains faits, il a chuchoté; sur d'autres, il a crié.

En ce qui concerne les substituts des procureurs de la couronne, il a oublié de dire que la population est très satisfaite du travail des substituts. Finalement, en terminant, malheureusement, le député de Taillon a oublié de me féliciter pour mes bons coups de cette année. De temps en temps, il va me le dire en privé, mais jamais en public. Je pense que c'est cela, la. politique partisane. Je crois que le député est à son meilleur quand il est au-dessus de la mêlée, quand il est en commission parlementaire et qu'il fait la critique, comment dirais-je, positive des projets de loi que nous déposons. Le député de Taillon est un excellent avocat. On l'apprécie beaucoup comme critique, mais seulement quand il est au-dessus de la mêlée, non quand il parle de façon partisane. Ce n'est pas faire avancer nos dossiers au ministère de la Justice.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre. Compte tenu que les remarques préliminaires ont été faites de part et d'autre, nous allons procéder immédiatement en appelant le programme 1, Formulation de jugements. M. le député de Taillon.

M. Filion: M. le Président, je voudrais signaler au ministre de la Justice que, de tout temps, lorsqu'un litige entre deux personnes morales ou physiques n'est pas réglé, il est rare qu'un jugement fasse l'affaire des deux parties. Cela existait autant lorsque la commission Prévost a fait son étude qu'en 1982. Et, si l'image de la justice se détériore, le ministre de la Justice peut bien se fermer les yeux et tenter de se cacher la réalité, mais il s'agit là d'une dégradation que constatent à la fois les chiffres et les intervenants du milieu judiciaire, à tel point qu'on peut se demander dans quelle sorte de tour d'ivoire vit le ministre de la Justice s'il ignore la récrimination des intervenants judiciaires.

En ce qui concerne la dernière partie de son propos, je l'inviterais à faire preuve de moins de partisanerie politique lorsque vient le temps d'appliquer les lois du Québec, notamment la loi 101 et lorsqu'il fait des déclarations pour aviser la population que l'affichage deviendra bilingue, ce qu'il a fait à trois reprises dans les derniers six mois. À ce moment-là, c'est le rôle du ministre de la Justice, du Procureur général, en vertu de la loi qui a constitué son ministère, en vertu du serment d'assermentation qu'il a prêté, d'appliquer et de faire respecter les lois. Et lorsque le ministre de la Justice fait des déclarations à son électorat ou à quelque élec-

torat que ce soit, disant que le gouvernement ira de l'avant en ce qui concerne sa promesse inconsidérée et irréfléchie de modifier le visage français de Montréal, ce qui est déjà, malheureusement, dans les faits...

M. Marx: Tout ce que...

Le Président (M. Marcil): M. le député...

M. Filion: M. le Président, vous n'avez pas interrompu...

Le Président (M. Marcil): M. le député de Taillon.

M. Filion:... le ministre.

Le Président (M. Marcil): Je regrette, M. le député de Taillon. Étant donné qu'il y a un président à cette commission, je vous demanderais de le respecter lorsqu'il intervient. Merci beaucoup.

M. Marx: Est-ce que je peux répondre à ses faussetés...

Le Président (M. Marcil): Non, une seconde, M. le ministre.

M. Marx:... parce qu'il m'a attaqué personnellement?

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, je vous demande une seconde, s'il vous plaît, tout simplement pour vous mentionner que j'ai appelé le programme 1. Donc, les remarques préliminaires sont terminées et je voudrais éviter qu'on tienne des propos qui amèneraient des débats. Allez-y, M. le député de Taillon.

Formulation de jugements

M. Filion: M. le Président, vous étiez absent, au début de cette commission, lorsque nous nous sommes entendus pour discuter entre nous avec souplesse et non pas... Parfois, un programme en appelle un autre. Dans ce cas-ci, le programme 1 concerne la justice en général, et nous sommes en train de parler de la justice. Tantôt, le ministre a tenu des propos irréfléchis que je relève maintenant et qui font tout à fait partie du cadre de discussion de l'étude des crédits. Maintenant, pour votre information, j'allais terminer...

Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le député de Taillon.

Poursuites en vertu de la loi 101

M. Filion:... mais vous me permettrez de dire que le premier devoir du ministre de la Justice est d'appliquer et de faire respecter les lois, toutes lois, même celles avec lesquelles, personnellement, ii peut ne pas être d'accord et qu'il ne peut pas, par ses déclarations, par ses agissements, faire en sorte que les lois du Québec ne soient pas respectées, comme c'est le cas actuellement en ce qui concerne la toi 101.

M. Marx: M. le Président, j'aimerais avoir le consentement des députés pour répondre à cette intervention.

M. Filion: Oui, oui, cela va.

M. Marx: J'ai ce consentement? M. le Président, il faut comprendre que j'applique et que j'administre des lois, et que je poursuis en vertu de lois contre lesquelles j'ai voté quand j'étais député. Il est arrivé que, quand j'étais député, j'ai voté contre certaines lois que j'ai la responsabilité de faire respecter, et je le fais. J'ai toujours dit: La loi est la loi et le Procureur général n'a pas d'autre choix que de faire respecter les lois. Je pense que j'ai fait cela depuis deux ans et demi que je suis en fonction. Mais en tant que député, en tant que ministre, j'ai le droit de proposer des réformes pour n'importe quelle loi. J'ai le droit, en tant que député, de dire: Mon parti a tel et tel programme. Mais de là à me dire que je n'applique pas les lois, que je n'ai pas... Cela n'a pas de bon sens, M. le Président. C'est tellement partisan, cela n'a pas de bon sens. C'est comme dire: Le Procureur général de telle ou telle province était contre l'avortement ou pour l'avortement et c'est pourquoi if a poursuivi ou il n'a pas poursuivi quelqu'un. Mes positions politiques n'ont rien à voir avec mes agissements comme Procureur général.

En fait, M. le Président, le Procureur général n'intervient pas dans chaque dossier, vous comprenez. Il y a des centaines de substituts du procureur qui s'occupent de ces causes. Je trouve que le député fait de la politique assez "cheap" quand il dit que le Procureur général a émis telle ou telle opinion comme ministre et que, donc, il n'applique pas la loi. C'est "cheap", cela n'a pas de bon sens. Ce n'est pas la vérité. Si le député veut essayer de faire la manchette avec une telle déclaration - il a déjà essayé de le faire à maintes reprises, cela n'a pas marché - je ne pense pas que cela marchera aujourd'hui.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, j'aimerais tout simplement vous mentionner que le mot "cheap", nous l'avons enregistré comme un mot antiparlementaire. Donc...

M. Marx: Ah! c'est un mot antiparlementaire, dans les deux langues, M. le Président?

Le Président (M. Marcil): Oui, dans les deux langues.

M. Marx: Parce que cela a un autre sens en français qu'en anglais.

Le Président (M. Marcil): Sûrement.

M. Filion: Un moment, je vérifie notre règlement.

M. Marx: Je retire le mot "cheap", M. le Président.

M. Filion: M. le Président, je dois vous dire...

M. Marx: Je me suis trompé parce que j'ai pensé l'utiliser dans la langue...

Le Président (M. Marcil): Lors d'une commission parlementaire, vous l'avez utilisé. Je vous avais demandé de le retirer.

M. Marx: Je retire le mot, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. Maintenant, M. le député de Taillon.

M. Filion: Une question au ministre de la Justice. Comment explique-t-il le fait que, depuis son assermentation ou son entrée en fonction au ministère de la Justice, le ministère de la Justice n'a poursuivi que dans 39 % des cas soumis par la Commission de protection de la langue française, alors que, sous les trois années du gouvernement précédent, il y a eu un taux de poursuite de 72 % des dossiers soumis par la Commission de protection de la langue française et alors que tout cela a lieu à un moment où le nombre d'infractions à la loi 101 et le nombre de demandes d'enquêtes concernant la loi 101 n'ont jamais été aussi élevés? Est-ce que le ministre de la Justice peut m'expliquer pourquoi dans seulement 39 % des cas il y a eu des poursuites en vertu des articles 58 et 69 de la Charte de la langue française?

M. Marx: M. le Président, premièrement, j'aimerais donner des chiffres aux membres de la commission.

Le Président (M. Marcil): Allez, M. le ministre.

M. Marx: Je donne l'année, les dossiers reçus, les dossiers refusés et les dossiers transmis aux tribunaux.

En 1978: dossiers reçus: 3; dossiers refusés: 2; dossiers transmis aux tribunaux: 1.

En 1979: dossiers reçus: 1; dossiers refusés: 1; pas de poursuite.

En 1979, Zellers affichait bilingue...

M. Filion: Vous êtes au courant de la loi, vous savez qu'il y avait un délai pour rendre les affiches conformes à la loi.

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Marcil): Oui, M. le ministre.

M. Marx: il n'y a pas eu de poursuite de Zellers par mes prédécesseurs.

M. Filion: il y avait un délai prévu à la loi.

M. Marx: Ils n'ont pas poursuivi. Le délai était expiré en 1986-1987. Ils n'ont pas poursuivi.

En 1980: dossiers reçus: 4; dossiers refusés: 1; dossiers transmis aux tribunaux: 3.

En 1981: dossiers reçus: 5; dossiers refusés: 3; dossiers transmis aux tribunaux: 2.

En 1982: dossiers reçus: 2; dossiers refusés: 1; dossiers transmis aux tribunaux: 1.

Vous voyez pourquoi la moyenne est bonne. Ils ont eu une poignée de dossiers.

En 1983: dossiers reçus: 32; dossiers refusés: 8; dossiers transmis aux tribunaux: 24.

En 1984: dossiers reçus: 79; dossiers refusés: 15; dossiers transmis aux tribunaux: 64.

En 1985: dossiers reçus: 175; dossiers refusés: 68; dossiers transmis aux tribunaux: 107.

C'est avant mon arrivée au pouvoir, M. le Président.

M. Filion: Cela donne 61 %.

M. Marx: Je n'étais pas là.

En 1986: dossiers reçus: 186; dossiers refusés: 104; dossiers à l'étude: 9; dossiers transmis aux tribunaux: 73.

En 1987: dossiers reçus: 84; dossiers refusés: 4; dossiers à l'étude: 42; dossiers transmis aux tribunaux: 38.

En 1988, nous sommes en train de vérifier les quinze dossiers. Jusqu'aux dernières nouvelles, nous avons reçu 15 dossiers.

On remarquera à la lecture des statistiques qu'un nombre important de dossiers ont été refusés parce qu'ils ne contenaient pas les éléments nécessaires pour obtenir une condamnation pénale. Pour corriger cette situation, les responsables de la Direction des affaires pénales ont rencontré les autorités de la commission pour apporter les correctifs nécessaires. Vous vous souvenez, M. le Président, des discussions sur la place publique entre mon ancien sous-ministre à la Justice qui a été là pendant sept ans et le président de la Commission de protection de la langue française. Il y avait discussion publique parce que le sous-ministre n'était pas satisfait du dossier qui avait été envoyé au ministère de la Justice, c'est-à-dire que, s'il s'agit d'une poursuite pénale, il faut avoir un minimum de preuve avant d'intenter une action. (11 h 30)

Mais je peux vous assurer, M. le Président, que, comme je l'ai dit à maintes reprises et même à l'Assemblée nationale lors de la période

de questions: La loi est la loi; on applique la loi, peu importe que ce soit cette loi ou une autre loi, etc. Je ne vois pas de problème comme cela, mais je comprends que le député de Taillon prend plus au sérieux son dossier linguistique que son dossier de la justice. Si cela doit faire avancer son dossier linguistique, il le fait, même si cela doit nuire à la justice. C'est pour cela qu'il serait dangereux...

M. Filion: Ouf!

M. Marx: ...d'avoir une tel député comme ministre parce que cela ne serait pas appliqué également, étant donné ses discours ici et la sur cette question.

M. Filion: Je vois, M. le Président, que le ministre de la Justice se livre - ce n'est pas la première fois - à des attaques vulgaires à l'endroit de celui qui vous parle. Mais j'ai déjà décidé il y a longtemps de ne pas relever le gant, les règles parlementaires m'empêchant d'utiliser le vocabulaire qui me vient à l'esprit.

Je voudrais que le ministre de la Justice m'explique, s'il est en mesure de le faire, comment il se fait que, alors que le nombre d'infractions à la loi 101 augmente, alors que le nombre de demandes d'enquêtes augmente à la Commission de protection de la langue française, je voudrais que le Procureur général m'explique pourquoi ou quelles sont les raisons qui font en sorte qu'il y a si peu de dossiers transmis par la Commission de protection de la langue française, à son avis, selon les informations qu'il possède. Je prends bonne note qu'il ne nous a pas fourni de réponse à la statistique que nous lui avons donnée. Au contraire, à partir des mêmes chiffres que nous avions en main en ce qui concerne le nombre de dossiers qui font l'objet de poursuites par rapport à ceux qui sont arrivés sur son bureau, c'est 39 % en 1986, 1987 et 1988; et, en ce qui concerne 1983, 1984 et 1985, c'est 72 %. Mais revenons donc à ma question principale. De l'avis du ministre de la Justice, qu'est-ce qui fait qu'il y a eu une baisse du nombre de dossiers transmis par la Commission de protection de la langue française?

M. Marx: M. le Président, nous avons une Direction des affaires criminelles et pénales qui reçoit des dossiers en vertu de toutes les lois. C'est-à-dire qu'il y a des centaines de dossiers qui entrent chaque jour, des dossiers qui concernent les poursuites relatives à toutes nos lois, et ils sont traités par cette direction.

M. le Président, la question que le député me pose ne relève pas de mon ministère. Peut-être qu'il s'est trompé de dossier aujourd'hui, mais qu'il garde sa question et qu'il la pose au ministre responsable. Je ne peux pas vous dire pourquoi le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche nous envoie tant de dossiers, pourquoi le ministère des Affaires culturelles nous envoie tel nombre de dossiers, que tel organisme nous envoie trois dossiers au lieu de quinze, etc. Je n'ai pas cette information. J'ai seulement l'information en ce qui concerne les dossiers qui sont transmis au ministère de la Justice. Comme vous le savez, M. le Président, je n'ai rien à cacher. J'ai donné toutes les statistiques que nous avons au ministère pour ce dossier comme pour tout autre dossier.

M. Filion: Pourquoi le Procureur général ne s'est-il pas informé de la diminution du nombre de dossiers transmis par la Commission de protection de la langue française? Est-ce que le Procureur général ou son ministère n'a pas jugé bon de s'enquérir des raisons qui font en sorte que le nombre de dossiers transmis pour une poursuite devant les tribunaux en vertu de la loi 101 a diminué, alors que, manifestement, celui qui vous parle, comme 25 000 personnes d'ailleurs dimanche, constate que le nombre d'infractions augmente au Québec et qu'il existe une nette détérioration de la langue française au Québec? Pourquoi le Procureur général n'a-t-il pas vérifié ou ne s'est-il pas enquis des raisons de la diminution du nombre de dossiers?

M. Marx: M. le Président, je ne me promène pas partout au Québec pour demander aux gens pourquoi ils ont volé ou pourquoi ils n'ont pas volé. Je ne demande pas aux gens pourquoi ils ont fraudé ou pourquoi ils n'ont pas fraudé. Le député de Taillon a le temps de faire de telles enquêtes, de se promener et de demander aux gens s'ils font telle ou telle chose. Moi, je ne le fais pas. Je ne suis pas le député de Taillon. Je n'agis pas comme député. Je suis le Procureur général. Donc, en vertu des lois, on reçoit des plaintes, des dossiers et on fait une évaluation des dossiers. Si la preuve nécessaire est là, on poursuit normalement.

M. Filion: Je voudrais revenir sur le statut du ministre de la Justice, du Procureur général, chargé de l'application des lois. Le ministre de la Justice, à trois reprises depuis six mois, à ma connaissance, a déclaré que le gouvernement irait de l'avant avec l'affichage bilingue à Montréal. Est-ce que le Procureur général peut m'expliquer comment il conçoit la compatibilité de ces déclarations avec le fait qu'il soit chargé de l'application des lois? Est-ce que, plus précisément, le Procureur général ne considère pas que sa fonction de jurisconsulte lui confère un devoir de neutralité, qui fait en sorte que son opinion personnelle ne doit pas primer son devoir d'application des lois? Plus précisément, très directement, le ministre de la Justice, dimanche soir, a fait une déclaration qui est reproduite dans la Gazette selon laquelle le gouvernement irait de l'avant avec l'affichage bilingue et la Commission de protection de la langue française, le lundi matin, doit aller voir les personnes, les marchands ou les commerçants concernés par une

affiche qui serait illégale.

Comment le Procureur général peut-il concevoir que ses déclarations sont compatibles avec sa fonction, alors que nettement ses déclarations empêchent la Commission de protection de la langue française de convaincre les récalcitrants, les délinquants à la loi 101? Ces personnes, ces commerçants, ces marchands lisent les journaux. Lorsqu'ils lisent que le ministre de la Justice favorise l'affichage bilingue, il est tout à fait clair que ces commerçants ont l'impression que l'affichage bilingue, s'il n'est pas permis actuellement au Québec, le sera incessamment. Donc, ils n'entreprendront pas le type de démarche, le type d'investissement financier que demande une correction à leurs affiches ou à leurs pancartes.

Est-ce que le Procureur général ignore que ses déclarations - en deux mots - ont un impact sur la société, sur les gens qui l'écoutent? Est-ce qu'il ignore son strict devoir de neutralité qu'ont suivi tous ses prédécesseurs à ce poste-là et est-ce qu'il ne considère pas qu'il devrait cesser, pour le moins, ou même rétracter ces déclarations ou les garder lorsqu'une politique sera mise de l'avant par son gouvernement, ce qui n'est toujours pas le cas?

M. Marx: Je n'ai jamais entendu une question aussi hors d'ordre que celle-ci, M. le Président, jamais à l'Assemblée nationale, parce que le député démontre qu'il ne connaît pas les règles du jeu. Qu'il fasse l'étude de son dossier sur le fond.

Dans notre système, nous avons un ministre de la Justice qui administre, qui recommande la nomination des juges, qui a la responsabilité des services judiciaires, qui a la responsabilité des poursuites, qui a toutes sortes de responsabilités, un ministre de la Justice qui est également responsable de la protection du consommateur et ainsi de suite. Il a de multiples responsabilités. C'est dans notre système, ici, au Canada. Dans d'autres juridictions, en Australie, cela peut être différent où il y a un Procureur général dans certains États qui ne s'occupent que des poursuites et il ne fait pas autre chose. Ici, c'est différent. J'ai déjà été attaqué par d'autres personnes en ce qui concerne des poursuites. Déjà, des gens m'ont accusé devant les tribunaux de ne pas avoir poursuivi certains médecins d'avoir pratiqué des avortements illégaux. C'est allé à la Cour supérieure où le juge a décidé que je n'avais pas raison d'arrêter certaines poursuites; cela a été cassé en Cour d'appel et la Cour suprême a refusé d'entendre l'appel. Donc, même si j'ai fait certaines déclarations en ce qui concerne l'avortement à la télévision, au "Point" et ailleurs, la Cour d'appel et la Cour suprême ont décidé que j'ai agi de façon neutre, sans tenir compte des opinions personnelles que je pourrais avoir.

Il en est de même dans d'autres dossiers. Prenons le dossier de la fermeture des magasins le dimanche. Si vous allez regarder les débats de l'Assemblée nationale des années 1981-1982, vous allez voir que je me suis déjà prononcé en faveur de l'ouverture le dimanche. Parce que j'ai dit cela en 1982, cela ne veut pas dire qu'en 1988 on ne poursuit pas les magasins ouverts le dimanche. C'est tout à fait différent.

Je peux vous donner d'autres exemples, M. le Président. J'ai déjà gagné une cause en Cour d'appel en tant qu'avocat, mais le Procureur général qui m'a précédé en a appelé à la Cour suprême du Canada de cette cause. La cause était plaidée par les substituts du Procureur général et la Cour suprême va décider un jour. Tout ce que cela veut dire, c'est que le Procureur général est bien sûr une personne, mais il est aussi une institution. C'est comme lorsqu'on parle de la reine; c'est une personne, mais c'est aussi une institution. Je pense qu'il faut voir aussi le Procureur général comme une institution.

En ce qui concerne l'affichage, je pense que j'ai le droit de répéter ce qu'est le programme du Parti libéral du Québec dont je suis membre, comme le premier ministre répète ce qu'est le programme du Parti libéral, comme il l'a fait en Chambre. Quand le premier ministre répète quel est le programme du Parti libéral, cela ne veut pas dire qu'il dit aux gens: Vous ne devez pas respecter la loi actuelle. C'est - comment dirais-je? - une façon de déformer complètement notre système. En tant que ministre, je peux avoir des opinions, mais en tant que Procureur général, je dois faire appliquer les lois, et c'est ce que je fais. C'est partout comme cela au Canada. Il y a des ministres dans d'autres juridictions qui sont pour l'avortement, mais qui ont poursuivi des médecins qui ont pratiqué des avortements. Ils ne poursuivront pas en fonction de leurs opinions personnelles, mais en fonction de l'intérêt supérieur de la justice. Quand j'ai un dossier devant moi, je ne pense pas à mes intérêts ou à mes opinions personnelles, je pense à l'intérêt supérieur de la justice.

Je peux même aller plus loin que cela. Je peux vous dire, M. le Président, que le Procureur général n'est même pas tenu d'intenter une poursuite. Il a toute la discrétion voulue, en vertu de notre système, de poursuivre ou de ne pas poursuivre. C'est pourquoi, dans certaines causes, en matière d'avortement, j'ai décidé d'arrêter des poursuites parce que j'ai pensé, comme mon prédécesseur, M. Marc-André Bédard, que c'était dans l'intérêt supérieur de la justice.

Voilà, je pense que le député veut mêler deux choses complètement différentes. Je pense que j'ai agi de la même façon que mes prédécesseurs qui ont aussi eu des opinions politiques, mais qui ont fait fi de ces opinions quand ce fut le temps d'appliquer des lois.

Par exemple, et ce sera mon dernier exemple, quand mon prédécesseur est arrivé au ministère de la Justice, en 1976-1977, il a décidé de mettre fin au litige concernant le saccage de la Baie James. On peut se demander si c'est

parce que, comme député, il a critiqué le fait que le gouvernement a intenté des poursuites...

M. Filion: Cela s'est réglé entre les parties, M. le ministre. (11 h 45)

M. Marx:... ou si c'est parce qu'il a décidé que c'était dans l'intérêt supérieur de la justice d'arrêter ces poursuites pénales. J'ai toujours pensé que c'était dans l'intérêt supérieur de la justice qu'il a agi de cette façon. Je vois que cela fait mal au député de Taillon, mais qu'est-ce que vous voulez? La vérité fait souvent mal au député de Taillon. Il y a des cas semblables, M. le Président. Je peux en citer à la tonne, si vous voulez, mais je pense qu'un ou deux sont suffisants.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. M. le député de Taillon.

M. Filion: Je ne sais pas pourquoi le ministre de la Justice ne fait pas preuve d'un peu plus de rigueur lorsqu'il s'exprime publiquement. Il vient de faire allusion aux poursuites en ce qui concerne le saccage de la Baie James. Il y avait deux choses. D'abord, il s'agissait d'une poursuite pénale devant les tribunaux qui est allée jusqu'au bout. Deuxièmement, il y avait une poursuite civile qui a intéressé certains organismes qui ont réglé. Cela n'a absolument rien à voir avec ce dont on discute ce matin.

Deuxièmement, le ministre se rappelle-t-il avoir passé toute l'année 1986, jusqu'au 22 décembre 1986, à dire qu'il ne ferait pas de poursuite devant les tribunaux pour l'affichage bilingue parce qu'il y avait...

M. Marx: Je n'ai jamais dit ça.

M. Filion: Qu'il ne vienne pas nier cela. Il a répété en Chambre, à trois ou quatre reprises...

M. Marx: Sortez les débats. Je n'ai jamais dit ça.

M. Filion: Certainement. À trois ou quatre reprises, il a répété qu'il faisait comme ses prédécesseurs, alors que ses prédécesseurs déposaient les plaintes et les gardaient en suspens, il disait que c'était la même chose de ne pas poursuivre. Ce n'est pas "la loi, c'est la loi"; on ne l'applique pas. C'était durant toute l'année 1986. Au mois de décembre 1986, il a décidé de déposer quelques dizaines de plaintes.

L'essentiel de mon propos est le suivant. En ce sens, je vais rappeler au ministre de la Justice certains auteurs qu'il connaît fort bien, ayant eu à fréquenter les bibliothèques universitaires beaucoup plus longtemps que moi. Edwards, qui a écrit une étude assez extraordinaire qui s'appelle Law Officers of the Crown et Shawcross également, qui est un auteur qui a étudié en particulier le rôle du Procureur général. En 1954, par exemple, Shawcross disait ceci: Le Procureur général ne doit pas exercer son choix en tant que membre d'un parti. Il doit plutôt envisager d'une façon quasi judiciaire et dans l'abstrait l'effet desdites poursuites sur l'application de la loi et l'administration du gouvernement. À l'article 3 de la Loi sur le ministère de la Justice, on dit que le ministère de la Justice doit veiller à ce que les affaires publiques soient administrées conformément à la loi. C'est le rôle du ministre de la Justice. Lorsqu'il fait les déclarations qu'il a faites depuis six mois, il met en péril l'exercice même de l'institution qu'il représente, qui est d'appliquer et de faire respecter la loi. Cela dit... M. le Président...

M. Marx: Non, mais c'est parce que mes prédécesseurs ont fait la même chose par rapport aux politiques de leur parti en ce qui concerne les gouvernements dont ils étaient membres. Je pense que, si on veut changer le système et avoir un Procureur général qui n'est pas élu, si cela existe, ou - comment appelle-t-on cela dans d'autres juridictions? - "a director of public prosecutions" qui ne fait pas partie d'un gouvernement, qui ne se fait pas élire et qui n'est pas député, c'est autre chose. Mais ici, nous avons des ministres, des Procureurs généraux qui sont élus et qui, à titre de députés, ont des opinions. Même en tant que Procureurs généraux, ils ont parfois des opinions. Mais cela n'a rien à voir avec l'application de la loi. C'est notre système. Je comprends que le député ait mentionné Edwards qui a écrit deux livres et quelques articles sur le Procureur général au Canada, mais il n'y a rien dans Edwards qui contredit ce que je viens de dire ou ce que je fais depuis deux ans et demi. Absolument rien.

M. Filion: Je vais passer à une autre question, M. le Président, parce que je constate non seulement que le ministre de la Justice ignore le devoir de neutralité qui devrait l'habiter à cause de l'institution qu'il représente mais, en même temps, je constate qu'il tient absolument à en être parfaitement inconscient. Et, surtout en matière d'affichage bilingue à Montréal et peut-être à cause des pressions partisanes qui ne devraient pas faire l'objet de réflexion de sa part lorsque vient le temps d'appliquer la loi. Surtout à une période où il existe au Québec une insécurité à la fois dans le milieu francophone et dans le milieu anglophone. On devrait faire respecter la règle de droit a fortiori encore plus lorsque nous traversons le genre de période que nous traversons au Québec. Et par son inconscience, par son ignorance, le Procureur général ne fait qu'alimenter l'incertitude qui existe actuellement au Québec, incertitude qui est pire que n'importe quoi.

M. Marx: Je suis...

M. Filion: Et les commentateurs, autant francophones qu'anglophones, sont unanimes à condamner le type de position qui consiste à ne pas prendre position et à attendre, envoyer toutes sortes de ballons d'essai, dire des choses, dire le contraire... Le Procureur général, dans cette mêlée, dans ce chaos qui existent actuellement au Québec, devrait rester droit, devrait appliquer la loi, devrait faire cas de son devoir de Procureur général, mais je me rends compte que...

M. Marx: Monsieur...

M. Filion: ...non seulement il ignore, mais qu'il tient absolument à en rester inconscient. Alors, à ce moment-là, j'aurais une question à poser sur le programme 1.

M. Marx: M. le Président, j'ai juste une question à poser aux gens qui nous entendent: Pensez-vous que, dans ce dossier, dans les discours un peu parfois farfelus du député de Taillon, pensez-vous que vraiment il a l'intérêt supérieur de la justice en vue ou si ce ne sont pas plutôt là des discours partisans, au-dessous de la mêlée et pas au-dessus. Je pense que les gens qui l'ont entendu parler de ce dossier, les gens qui l'ont vu se promener dans les rues, faisant des billets d'infraction cinquante-cinq fois pour le même commerce...

M. Filion: Ah!

M. Marx: ...je pense que tout le monde a compris que ses interventions n'ont rien à voir avec la justice, mais tiennent compte seulement du fait qu'il veut "scorer" des points sur un dossier dont il discute de façon très partisane, et je ne peux pas m'embarquer dans ce débat en tant que Procureur général.

Le Président (M. Marcil): Voici, M. le ministre. Juste avant de continuer...

M. Marx: Bien, c'est vrai.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, M. le député de Taillon, également, avant de poursuivre nos travaux, j'aimerais quand même... Je comprends qu'au début vous vous êtes peut-être entendus sur la nature du débat aujourd'hui, puis d'être très larges, sauf que la commission parlementaire, c'est une institution également, qui a un mandat bien précis qui est aujourd'hui l'étude des crédits budgétaires. Je comprends qu'on ne doit pas nécessairement intervenir continuellement sur la pertinence du débat, mais quand même j'aimerais bien que la commission joue un peu son rôle. Depuis 10 h 18, nous sommes en marche comme commission et jusqu'à maintenant il n'y a eu aucune question concernant des crédits...

M. Fillion: Oui.

Le Président (M. Marcil): Non, non, une seconde, M. le député de Taillon. Je pense qu'il y a des endroits également pour les débats et aujourd'hui j'aimerais, pour tout le respect que j'ai pour la commission parlementaire, pour cette commission parlementaire, j'aimerais bien au moins qu'on essaie ensemble de passer à travers l'étude des crédits budgétaires.

Tantôt j'ai appelé le programme 1 et ta discussion qui s'est tenue touchait davantage le programme 10. Il faudrait quasiment vous demander si le programme 10 est déjà accepté, adopté de part et d'autre. Je ne voudrais pas être trop direct if, sauf que je vous inviterais, M. le ministre de même que M. le député de Taillon, à orienter davantage vos discussions vers l'étude des crédits budgétaires. Et je vous remercie d'avance de votre collaboration.

M. le député de Taillon.

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président.

Effectivement, vous aviez compris que nous étions à l'intérieur du programme 10 et que le temps qu'on passe ce matin, eh bien, on le gagne cet après-midi. Bon, je ne reviendrai pas sur les propos du ministre de la Justice, qu'il dise n'importe quoi, qu'il dise des faussetés d'ailleurs.

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Marcil): M. le député de Taillon, j'aimerais que vous retireriez cette...

M. Filion: Oui... Il dit des choses qui sont tout à fait inexactes, qui sont tout à fait inexactes. Il n'y a pas de doute. Lorsqu'il qu'il dit qu'il y a 55 billets d'infraction pour la même infraction, etc., je ne sais pas où il va pêcher cela.

M. Marx: c'était soulevé par la ministre responsable des Affaires culturelles, M. le Président, c'était bien dit...

M. Filion: Bien oui, mais...

M. Marx: ...que le député ou ses cohortes...

M. Filion: Bah!

M. Marx: ...ont dénoncé le même commerce 55 ou 1000 fois. Je ne sais pas combien de fois.

M. Filion: La ministre des Affaires culturelles n'a jamais parlé...

Le Président (M. Marcil): M. le ministre. La parole est au député de Taillon.

M. Filion: ...de Taillon et de ses cohortes. Le ministre de la Justice malheureusement...

Quand on parte de la justice, on devrait avoir un minimum de respect pour la vérité.

M. Marx: Malheureusement, on ne peut pas l'engager comme inspecteur à temps partiel.

M. Filion: Qu'il cite la ministre des Affaires culturelles complètement. Sa collègue n'a jamais dit cela. Il parle du député de Taillon et de ses cohortes, imaginez-vous.

M. Marx: C'est cela.

M. Filion: Comme si le député de Taillon commandait les 25 000 personnes qui étaient dans la rue dimanche. Voyons donc, vous n'êtes pas sérieux. Un peu de respect pour la vérité quand même. On aura un peu plus de justice à ce moment-là.

M. Marx: Je parle des promenades du député de Taillon d'autrefois, pas de dimanche. Je n'ai pas d'information...

M. Filion: C'est incroyable, en tout cas.

M. Marx: C'est incroyable ce que vous faites et ce que vous dites.

Diminution de l'effectif du ministère

M. Filion: Au programme 1, les crédits en général, je voudrais demander au ministre de la Justice comment il conçoit qu'il y a une diminution de postes à l'intérieur de son ministère, alors que tout le monde est d'avis qu'il y a un manque de ressources humaines, que ce soit dans les palais de justice, dans les bureaux d'enregistrement, à l'intérieur de l'appareil judiciaire, à peu près à tous les niveaux, et là on assiste à des coupures de postes d'environ 30. Ce n'est pas énorme, sauf qu'il demeure que c'est une diminution, alors qu'on devrait assister à une augmentation. Il y a des bureaux d'enregistrement qui viennent d'ouvrir - je prends l'exemple du palais de justice dans mon comté - et qui sont déjà débordés. Les notaires se plaignent qu'il n'y a pas le personnel requis pour procéder aux enregistrements rapidement. Les juges se plaignent qu'il n'y a pas le soutien nécessaire sur le plan administratif, qu'il manque de personnel. Les greffes des cours manquent également de personnel, de sorte que les causes sont parfois remises ou reportées et, face à cette crise dans l'appareil judiciaire, le ministre constate avec moi qu'il y a une diminution de postes. Je veux bien qu'on rationalise, mais de là à ne pas augmenter les effectifs... Il y a une limite à demander aux gens de produire plus qu'ailleurs et en ce sens j'aimerais que le ministre de la Justice m'explique pourquoi il y a une diminution de postes alors qu'il devrait y avoir une augmentation.

M. Marx: M. |e Président, vous savez que le gouvernement a rationalisé ses dépenses et ses coupures depuis 1979. Ce n'est pas commencé hier, ce n'est pas commencé avant-hier, c'est commencé en 1979. Chaque année, on essaie de rationaliser les effectifs. C'est vrai que dans certains domaines nous avons peut-être besoin de plus d'effectifs. Par exemple à la couronne, j'ai déjà annoncé que nous avions 1 800 000 $ de plus pour engager des procureurs de la couronne et du personnel de soutien. En ce qui concerne les bureaux d'enregistrement, nous aurons 6 000 000 $ de plus pour faire face aux problèmes dans un, deux ou trois bureaux d'enregistrement. Vous devez comprendre, M. le Président, que quand on s'informatise, à cause des nouvelles technologies, il arrive que cela prend moins de personnes dans les bureaux, dans les palais de justice.

Par exemple en ce qui concerne les bureaux d'enregistrement, nous avons une étude en cours maintenant pour voir si on peut demander aux notaires de faire un résumé de leurs actes, parce que maintenant la saisie des actes exige que la personne qui met les informations dans l'ordinateur fasse lecture de l'acte et fasse une fiche des détails les plus importants. Ainsi, à l'avenir, ce sera le notaire qui attachera un bordereau à chaque acte. Se sera possible pour la personne qui fait la saisie, de le faire de façon beaucoup plus efficace. Donc, cela prendra moins de personnel au bureau d'enregistrement pour faire ce travail. Donc, il s'agit de rationaliser. Dans certains domaines où nous avons besoin de plus de personnes, nous avons plus de personnes. J'ai déjà indiqué au député de Taillon que, quand j'ai commencé comme ministre, il y avait 223 postes de procureurs de la couronne. Maintenant, nous avons 266 postes et près de 2 000 000 $ pour engager encore des procureurs de la couronne. Donc, on rationalise dans certaines directions, on réduit le nombre d'employés, mais dans d'autres on augmente. (12 heures)

M. Filion: Et puis, quand on fait le total au bout du compte, il en reste moins.

M. Marx: Pas nécessairement. M. Filion: Mais les chiffres sont là.

M. Marx: Oui, mais le député de Taillon ne comprend pas exactement comment cela fonctionne au gouvernement. Par exemple, les postes de substituts n'ont pas été ajoutés. On a l'argent pour engager, mais je n'ai pas ajouté le nombre de postes parce que je ne peux pas vous dire exactement combien de nouveaux procureurs nous allons engager. C'est sûr que nous allons engager de nouveaux procureurs de la couronne. Donc, dans quelques semaines ou quelques mois, les chiffres seront modifiés et ajustés, et il est possible que, dans les faits, on ait le même nombre de personnes au ministère de la Justice, le même effectif.

M. Filion: Dans le calcul du nombre total d'employés, pour les crédits 1988-1989 que nous étudions présentement, le chiffre qui est là représente les postes autorisés pour l'année. Alors, quand on parte...

M. Marx: Oui, mais cela va changer en cours de route, Mme la Présidente. Prenez, par exemple, nous avons 3 600 000 $ pour la perception automatique des pensions alimentaires. Mais ces 3 600 000 $ sont aussi pour engager des personnes pour faire le travail. Je ne peux pas vous dire à ce moment-ci combien de postes cela prendra, mais nous sommes en demande de postes pour faire ce travail. L'argent a été transféré et maintenant il faut transférer des postes.

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre, quand vous parlez des postes pour aller chercher les pensions alimentaires, ce ne sera pas nécessairement des avocats qui vont faire ce travail.

M. Marx: Non. Les percepteurs des amendes dans les palais de justice et les personnes qui y travaillent ne sont pas nécessairement des avocats.

M. Filion: En ce qui concerne les juges, le ministre a fait part tantôt du projet de loi sur la réunification des tribunaux. Le ministre a pris connaissance des préoccupations des juges à l'égard de trois points en particulier: la reconduction du mandat des juges en chef après sept ans, la proposition en vertu de laquelle le juge en chef adjoint devra transmettre des rapports d'activités sur le comportement des magistrats qu'il a sous sa juridiction et, également, la possibilité de donner à tout citoyen le droit de contester des erreurs de droit devant le Conseil de magistrature.

Il y a eu, je pense, et le ministre en a sûrement pris connaissance, dans les journaux, des réactions des magistrats et des confidences ont été sûrement faites au ministre. Le ministre a d'ailleurs indiqué en ce qui concerne la reconduction du mandat des juges en chef après sept ans qu'il retraiterait sur cette proposition. Alors, ma question en ce qui concerne les deux autres sujets d'inquiétude de la part des magistrats, à savoir les rapports d'activités sur le comportement des magistrats et le droit de contester des erreurs de droit devant le Conseil de magistrature, est la suivante: Est-ce que le ministre de la Justice est maintenant du même avis que les juges, à savoir que ces deux propositions pourraient mettre en cause l'autonomie et l'indépendance judiciaire?

M. Marx: Mme la Présidente, on travaille encore à ce projet de loi, mais je pense que sur les deux points soulevés par le député, c'est effectivement le statu quo, c'est-à-dire la même situation qu'aujourd'hui. Je ne pense pas qu'on change quoi que ce soit en ce qui concerne tes deux points que le député a soulevés. De toute façon, le député aura l'occasion de commenter le projet de loi et les articles en question, le cas échéant, lors de l'étude de ce projet de loi. Je pense qu'il va de soi qu'on ne touche pas à l'indépendance des juges parce que ce serait inconstitutionnel de le faire. Donc, il va de soi qu'on ne le fait pas, mais il est vrai que nous avons eu un avant-projet, un brouillon que nous avons envoyé aux juges en chef pour avoir leurs commentaires et, effectivement, Le Devoir a eu une copie de ce document et a fait état d'un certain nombre de points. Je pense que...

M. Filion: Je prends note du fait que sur ces deux points, donc...

M. Marx: ...ce n'est pas un brouillon, c'est un document de travail.

M. Filion: ...il y aura un projet de loi. M. Marx: Non, pas un projet... M. Filion: Un projet de projet.

M. Marx: C'est cela. Ce n'était pas le produit final.

M. Filion: Je prends note du fait que le ministre a semblé sensible aux préoccupations des juges et qu'il considère que le statu quo devrait exister sur ces deux points.

M. Marx: Je pense que c'est le statu quo.

On va le voir exactement. Supposons que, dans une loi actuelle, on demande à quelqu'un de faire rapport au gouvernement et qu'on modifie cela pour qu'il fasse rapport au ministre, je ne vois pas qu'il y ait un changement de fond.

Sondage sur l'image de la justice

M. Filion: D'accord. Toujours dans le même ordre d'idées, dans le même programme, j'ai longuement fait état, dans mes déclarations de tantôt, du sondage qui a été fait sur l'image de la justice. Je ne voudrais pas reprendre tous les éléments, mais les trois quarts des citoyens estiment que la justice favorise les riches; 51 % estiment que les juges ont des préjugés raciaux; 57 % soutiennent ne pas comprendre la justice, tant elle est compliquée; 48 % croient qu'ils seraient mal traités par l'appareil judiciaire, etc. J'en conclus qu'il est impérieux - comme je l'ai dit tantôt - de redresser cette réalité, cette perception. Quand je dis réalité, il y a un certain fondement à cette image. Il y en a, par contre, qui relèvent de préjugés tenaces, notamment l'élément portant sur les préjugés raciaux. Avant que n'apparaissent diverses formes de

contestations qui, encore fois, remettraient en question l'institution démocratique même que constitue l'appareil judiciaire, je voudrais savoir du ministre de la Justice ce qu'il entend faire concrètement pour redresser la situation. Par exemple - cela mérite d'être fouillé - est-ce qu'on ne pourrait pas songer à faire en sorte que le Conseil de la magistrature, par exemple, joue un rôle un peu plus déterminant que maintenant? Évidemment pas avec les moyens dont il dispose en vertu des crédits, mais en élargissant son budget, est-ce qu'on ne pourrait pas envisager que le Conseil de la magistrature puisse étudier et cerner davantage le problème, qu'il puisse peut-être - peut-être encore, je dis bien, c'est une suggestion - dialoguer un peu plus avec les représentants des intervenants, avec les représentants des médias? En deux mots, est-ce que le ministre de la Justice, face à cette image de la justice que nous renvoie le miroir du sondage, a l'intention de poser des gestes précis visant à corriger la situation?

M. Marx: Premièrement, Mme la Présidente, je ne suis pas ici pour commenter les sondages. Si je me souviens, c'est une tradition que le ministre de la Justice ne commente pas les sondages. Mon prédécesseur, l'ancien chef du député de Taillon, n'a pas jamais commenté les sondages. Il y a deux minutes, le député de Taillon me demandait si j'allais respecter l'indépendance de la magistrature. Maintenant, il me demande de m'ingérer...

M. Filion: Non, non.

M. Marx: ...en ce qui concerne l'image des juges. Ce n'est pas le ministre de la Justice qui s'occupe de l'image des juges. Les juges sont tout à fait indépendants. Le Conseil de la magistrature est un organisme qui appartient, si je puis dire, aux juges. J'ai déjà vu dans les journaux que certains juges ont commenté le sondage. Ce n'est pas au ministre de s'ingérer dans ce qui concerne le Conseil de la magistrature. Le conseil a des fonds et les juges ont les moyens de prendre les mesures qui s'imposent, le cas échéant.

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre, justement au sujet de ce sondage, j'ai toujours dit que je représentais beaucoup plus que d'autres peut-être, à certains moments, le peuple. Je pense que, de tout temps, le peuple a toujours pensé, surtout s'il n'obtient pas ce qu'il désire des cours, qu'il y a une injustice quelque part. On ferait n'importe quoi pour changer cela, il n'y aurait jamais rien qui pourrait changer cela. D'ailleurs, dans mon bureau de comté, à quelques reprises, il m'est arrivé de rencontrer des gens qui venaient se plaindre d'un procès ou d'un autre justement parce qu'ils avaient perdu le procès. S'ils avaient gagné, ils auraient pensé que la justice était là et ils auraient une con- fiance indéfectible en la justice. Mais, je pense que cela a toujours existé et, à mesure que les années passent et qu'il y a plus de gens qui sont traduits devant la justice, de plus en plus, les gens vont perdre confiance en la justice parce qu'ils n'obtiendront pas ce qu'ils veulent. C'est mon opinion. Je ne veux pas dire que c'est l'opinion de tout le monde, mais c'est mon opinion personnelle. Je pense que beaucoup la partagent.

M. Marx: Mme la Présidente, je pense que vous avez raison. Mais j'aimerais aussi souligner que si on parle aux gens de la violence conjugale - la moitié de la population ou plus est constituée de femmes - si on leur parle de ce dossier, quelles seront leurs appréciations? Ils vont donner une appréciation positive. Si on demande aux gens leurs opinions en ce qui concerne les victimes d'actes criminels, je pense qu'avec le projet, surtout le projet de loi qu'on va déposer, ils vont avoir une appréciation positive. Si on demande aux gens leurs opinions en ce qui concerne le petit monde, ceux qui subissent des saisies et ainsi de suite, et toute la réforme que nous avons faite, je pense qu'ils vont avoir une appréciation positive. Les ACEF ont une appréciation positive. Si on parle aux femmes de l'indexation automatique des pensions alimentaires, je pense qu'elles vont avoir une appréciation positive et aussi en ce qui concerne la perception automatique des pensions alimentaires que nous avons l'intention d'introduire, etc. Si on prend dossier par dossier, il y a des appréciations positives. Si on prend la couronne, 75 % de la population est satisfaite.

M. Filion: L'aide juridique.

M. Marx: La couronne aussi. Ils ont confiance dans la couronne. Il y a eu des sondages sur les policiers. Il y a eu des problèmes à Montréal, si vous voulez, mais la grande majorité de la population est satisfaite des policiers.

Le député de Taillon a fait sa "job" comme je ne l'ai jamais faite lorsque j'étais critique, c'est-à-dire de façon toujours négative et sans jamais faire de suggestions positives. Cette année, je trouve qu'il manque de suggestions positives comme il en avait l'an dernier et l'année précédente aussi. Il faut comparer notre système à un système quelconque qui existe ailleurs.

Mme la Présidente, je vais vous dire: Achetez le New York Times le dimanche pendant 50 semaines dans l'année et vous allez voir. Il y a tellement de scandales aux États-Unis en ce qui concerne le patronage des juges, en ce qui concerne les policiers qui agissent comme voleurs le soir, il y a tellement de scandales aux États-Unis en ce qui concerne l'administration de la justice qu'on n'a pas au Québec. Je comprends qu'on peut faire la comparaison entre le Québec ou l'État de New York, ou le Québec et l'État du

Michigan, ou Montréal et Détroit ou New York, mais vous allez voir que, chez nous, les gens ont une certaine confiance en ce qui concerne l'administration de la justice, en ce qui concerne les forces de l'ordre. Cela ne tient pas à moi, Mme la Présidente. Ce n'est pas à cause de moi. Ce n'est pas à cause du gouvernement en place aujourd'hui, c'est à cause de nos institutions. Mes prédécesseurs dans ce poste, M. Bédard, M. Johnson, ont fait beaucoup pour faire en sorte que nos institutions soient respectées, que nos institutions marchent bien. (12 h 15)

Ce que j'ai trouvé malheureux dans le discours d'ouverture du député de Taillon aujourd'hui, c'est qu'il m'a donné l'impression qu'il a voulu dire que rien ne marche au Québec en ce qui concerne l'administration de la justice. C'est complètement faux. Bien sûr qu'il y a des réformes à faire. Il y a des choses à changer et à améliorer, mais on ne peut dire que l'administration de la justice ne marche pas au Québec à cause de tel et tel problème que nous avons eu. Je n'ai jamais dit quand M. Johnson a été hué par les juges que l'administration de la justice au Québec n'a pas fonctionné. Je n'ai jamais dit quand M. Bédard a décidé de ne pas poursuivre les gens qui ont fait le saccage de la Baie James que l'administration de la justice n'a pas fonctionné. Je n'ai jamais dit quand M. Bédard a décidé de ne pas poursuivre Morgen-taler pour avortements, de mettre fin à ces causes, que l'administration de la justice n'a pas marché. Je pense que c'est faire fausse route que de procéder comme le député de Taillon a décidé de procéder cette année. Je sais que ce n'est pas à cause de son recherchiste, parce qu'il a le même recherchiste, mais il y a quelque chose qui a changé dans ses papiers.

M. Filion: Bon! avez-vous fini de dire n'importe quoi?

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Taillon.

M. Filion: Est-ce que je dois comprendre, M. le ministre de la Justice, que face à l'image que vous renvoie le sondage, qui est une image détériorée par rapport à ce qui existait en 1962, et dans le temps de la commission Prévost, je le répète pour que vous soyez bien au fait,...

M. Marx: Où sont les statistiques? Vous faites des déclarations gratuites.

M. Filion: Alors, laissez-moi terminer, je vous ai laissé parler, laissez-moi terminer. Est-ce que vous considérez... et je dois comprendre de votre réponse que vous n'avez l'intention de poser aucun geste précis, et les suggestions, M. le ministre de la Justice, j'ai comme l'impression que je dois les répéter. Je vous ai suggéré de tenir des états généraux, je vous ai déjà suggéré de nommer un sous-ministre associé à la magistrature, je vous ai suggéré de revoir le budget du Conseil de la magistrature pour possiblement - c'est à discuter avec eux bien sûr - voir si le Conseil de la magistrature ne pourrait pas jouer un rôle positif, afin de redorer un petit peu le blason de la justice. Vous me dites: On va continuer à oeuvrer dossier par dossier et vous n'avez l'intention, je le comprends, de ne poser aucun geste précis, face à cette image tout à fait détériorée, noire et pessimiste que renvoie le sondage. Alors, c'est cela que je veux savoir: Quels gestes précis allez-vous poser?

M. Marx: Le député m'a entendu, mais il ne m'a pas écouté. J'ai dit que nous posons des gestes concrets, par exemple, en ce qui concerne la violence conjugale, où la réaction, est très positive, en ce qui concerne les victimes d'actes criminels, en ce qui concerne la couronne, le travail de la couronne, en ce qui concerne les interventions policières dans certains dossiers, et ainsi de suite. Et même en ce qui concerne l'unification des tribunaux qui est un dossier qui traîne depuis dix ans, nous avons une réaction très positive des milieux. Il y a par exemple, le "victim impact statement", la déclaration de la victime, qui a été reçue d'une façon très positive à Montréal, et ainsi de suite. Mais en ce qui concerne l'image de la magistrature, que le député a évoquée, il veut que je fasse de l'ingérence. C'est cela. Il m'a donné l'impression qu'il me demande de m'ingérer en ce qui concerne l'indépendance judiciaire, ce que je ne ferai pas, Mme la Présidente.

M. Filion: Oui, mais tenir des états généraux, ce ne serait pas de l'ingérence.

Sur le programme 2, vous êtes au courant de la déclaration du juge Mayrand, sur le palais de justice de Saint-Jean....

La Présidente (Mme Bleau): Excusez-moi, M. le député, le programme 1 est adopté. Est-ce qu'on passe au programme ...

M. Filion: Je pense qu'on l'étudié, je ne pense pas qu'on adopte un programme.

M. Marx: On est supposés les adopter, les uns après les autres.

La Président (Mme Bleau): On adopte l'étude.

M. Filion: Ah oui, excusez, oui, adopté, peu importe. Cela va. Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): C'est adopté. Alors, on passe au programme 2.

M. Filion: Bon, adopté.

La Présidente (Mme Bleau): Bien, alors...

M. Filion: En ce qui concerne le programme 2.

La Présidente (Mme Bleau): Nous passons au programme 2.

Soutien administratif à l'activité judiciaire

M. Filion: La question est bien simple. Je ne voudrais pas avoir un discours, je n'en fais pas.

M. Marx: Non.

Palais de justice de Saint-Jean

M. Filion: Le palais de justice de Saint-Jean.

M. Marx: Oui.

M. Filion: Concrètement, quand les justiciables de Saint-Jean pourront-ils se retrouver à l'intérieur d'un palais de justice qui aura un peu plus d'allure? Le Juge Mayrand disait le 9 avril 1988: Cela n'a plus aucun sens, cela frise le scandale. Je me demande parfois si on a le droit de prétendre appliquer la justice dans ces conditions. On manque de locaux, ceux que nous avons sont inadéquats et l'édifice dans son ensemble est contraire aux normes élémentaires de l'efficacité et de la sécurité. C'est un vieux problème. Je le sais, ce que je demande au ministre de la Justice, très simplement, c'est quand concrètement les justiciables de Saint-Jean, dans le comté, on le sait, du président de l'Assemblée nationale, qui ne peut pas invoquer ses problèmes en Chambre, pourront recevoir justice dans des locaux qui ne seront pas scandaleusement inefficaces?

M. Marx: Mme la Présidente, j'aimerais expliquer que, quand je suis entré en fonction, il n'y avait pas de plan directeur en ce qui concerne la construction des palais de justice au Québec. C'était fait au pif. Le pifomètre a voulu que les nouveaux palais de justice soient toujours construits dans les comtés des ministres, par exemple, à Chicoutimi. Le ministre de la Justice a décidé d'en construire un dans son comté. Par hasard, un deuxième à Longueuil dans le comté de l'ancien premier ministre, M. Lévesque, et ainsi de suite. Je ne travaille pas de cette façon, Mme la Présidente. Je peux vous assurer que vous n'allez jamais voir un palais de justice dans mon comté. Nous avons maintenant un plan directeur. Par exemple, le plan directeur veut qu'on construire un palais de justice à Joliette, dans le comté du chef de l'Opposition. On le fait. Il y en a d'autres que nous sommes en train de construire. En ce qui concerne celui de Saint-

Jean, je dois vous dire que j'ai visité Saint-Jean et le palais de justice à au moins trois reprises depuis deux ans et nous avons déjà annoncé que nous avons l'intention de rénover, de faire ce qui est nécessaire à Saint-Jean. Ce sera fait dans les meilleurs délais. Je ne peux pas vous donner de date exacte.

M. Filion: Est-ce qu'on parle de semaines, de mois, d'années? Un ordre grandeur?

M. Marx: On attend une étude de faisabilité dans quelques semaines, parce que, pour modifier, rénover ou construire un palais de justice, il faut consulter toutes les personnes intéressées, les juges, les services judiciaires, les procureurs, etc. Il faut faire ces études avant de procéder. Pour nous, le palais de justice de Saint-Jean est un de ceux qu'on va rénover ou moderniser de façon prioritaire.

La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que les consultations ont déjà été faites, M. le ministre?

M. Marx: Certaines consultations ont déjà été faites, mais on attend une étude de faisabilité. Après cela, on va avoir une étude pour donner suite aux changements qui s'avèrent nécessaires.

M. Filion: D'ici à la fin de l'année?

M. Marx: On va avoir ces études, oui. L'étude de faisabilité dans quelques...

M. Filion: Les études, mais la réalisation concrète?

M. Marx: Je pense que...

M. Filion: Est-ce que le ministre peut s'engager à ce que cela soit fait d'ici à la fin de l'année, oui ou non?

M. Marx: Je ne m'engage pas... M. Filion: À rien.

M. Marx:... à une date maintenant. Il y a eu un reportage dans La Presse, il y a une semaine ou deux et j'imagine que le député a pris connaissance du dossier dans La Presse.

M. Filion: Oui, c'est pour cela que je vous en parle.

M. Marx: Vous pouvez...

M. Filion: Moi aussi, je suis allé au palais de justice de Saint-Jean.

M. Marx: Je vous assure que c'est un dossier prioritaire au ministère en ce qui concerne les palais de justice.

M. Filion: On va voir la vitesse des dossiers prioritaires. Cela va être une bonne occasion d'évaluer ce qu'est un dossier prioritaire en termes de temps.

Toujours dans le programme 2...

M. Marx: Vous comprenez que cela prend des études parce que ce n'est pas le ministère de la Justice qui fait ces rénovations, ces constructions, c'est la Société immobilière du Québec.

Réforme des tribunaux administratifs

M. Filion: D'accord. Toujours dans le programme 2, en ce qui concerne la réforme des tribunaux administratifs, j'ai cité tantôt le ministre à sa conférence à l'Université Laval en 1986 qui disait: L'heure n'est plus aux études mais aux décisions. En même temps, les membres des tribunaux administratifs s'inquiètent de ce que le gouvernement du Québec leur octroie des mandats de plus en plus courts, tarde, dans certains cas, à les renouveler et offre des salaires différents pour une même tâche. Je voudrais citer le cas de trois membres du BREF, Bureau de révision de l'évaluation foncière, qui ont obtenu des mandats de six mois renouvelables. Quand on connaît les enjeux de l'évaluation industrielle, ce n'est quand même pas rassurant de voir que des membres sont nommés pour des mandats de six mois. De plus, on sait que les nominations sont toujours faites par le Conseil exécutif, d'où l'absence de caractère d'impartialité de ces nominations. On sait qu'on nomme les juges avec un concours, c'est-à-dire avec une forme de jury, mais en ce qui concerne les membres des tribunaux administratifs, une enquête menée l'an dernier par la conférence des membres de tribunaux administratifs avait démontré que 60 % des nominations dans les postes de direction des tribunaux administratifs étaient faites sans concours et sans aucune règle de recrutement et de choix. Ma question au ministre de la Justice est la suivante: Comment le ministre de la Justice concilie-t-il le fait que des membres sont nommés pour des mandats de six mois avec les discours qui cherchent à assurer l'indépendance, l'autonomie, l'impartialité, etc., des membres des tribunaux administratifs? Est-ce que le ministre surveille ces nominations? Je pense que c'est sous sa responsabilité. Qu'entend-il faire? Comment se fait-il qu'il ne réagit pas à ces nominations?

M. Marx: Premièrement, M. le Président, je pense que, lorsque j'ai mis sur pied le groupe de travail sur les tribunaux administratifs, c'était la première fois qu'on mettait sur pied un tel groupe de travail depuis des années et des années. Je n'en connais pas d'autres. Vous savez que le comité Ouellet a produit un rapport. J'ai déjà dit que j'ai consulté tous mes collègues sur les recommandations de ce rapport parce que les tribunaux administratifs ne relèvent pas seulement du ministre de la Justice. Vous comprenez que le Bureau de révision foncière - c'est cela, le vrai nom?

M. Filion: Le Bureau de révision de l'évaluation foncière.

M. Marx: Le Bureau de révision de l'évaluation foncière ne relève pas du ministère de la Justice, cela relève d'un autre ministère. La Régie du logement...

M. Filion: Du ministère des Affaires municipales.

M. Marx: La Régie du logement relève du ministère des Affaires municipales et ainsi de suite. J'ai un rôle de coordination.

Je dirais même, Mme la Présidente, qu'une telle réforme sera une réforme majeure, pas seulement pour le Québec, mais pour l'Amérique du Nord, parce qu'il n'y a pas une juridiction qui a vraiment fait une réforme en ce qui concerne leurs tribunaux administratifs. Nous avons l'intention de faire des propositions au Conseil des ministres en ce qui concerne la réforme des tribunaux administratifs. Ce sera une réforme majeure si elle est acceptée même si je pense que ce sera difficile de faire toute la réforme d'un seul coup. Mais en ce qui concerne les nominations au bureau que le député a mentionné, cela ne relève pas du ministre de la Justice même de faire des recommandations. Ce sont des nominations du gouvernement. Cela ne relève pas de moi, Mme la Présidente. Vous comprenez ce que cela veut dire. Je ne suis pas responsable de ce tribunal administratif quoique, à mon avis, il soit important de faire une réforme globale en ce qui concerne les nominations, en ce qui concerne les traitements et en ce qui concerne le statut en général de ces régisseurs qu'on trouve dans tous les tribunaux administratifs.

M. Filion: Je suis un peu déçu, Mme la Présidente, de constater le peu d'influence du ministre de la Justice. Il y a une étude en cours, il y a le rapport Ouellet qui a été remis. Le ministre nous dit même qu'il a terminé ses consultations et qu'il s'apprête à déposer des recommandations au Conseil des ministres. Et, en même temps, il se fait des nominations pour des mandats de six mois renouvelables, ce qui va tout à fait à rencontre des recommandations du rapport Ouellet. Le ministre nous dit: Cela ne relève pas de moi, je ne m'en occupe pas. Ma question était précisément: Est-ce que le ministre n'a pas ou ne devrait pas ou n'a pas l'intention d'utiliser son influence pour faire en sorte que ces organismes reçoivent des ressources humaines qui peuvent, de façon intelligente, raisonnable et indépendante, exercer leurs fonctions sans

attendre de tout révolutionner ou de tout réformer? Le ministre ne croit-il pas qu'il devrait dès maintenant s'appliquer à faire en sorte que certaines des recommandations qui seront contenues dans son mémoire, je n'en doute pas, au moins, soient appliquées en attendant? Autrement dit, on n'est pas obligé d'attendre que la catastrophe se poursuive.

M. Marx: Mme la Présidente, je trouve un peu injustes ces critiques et je vais vous dire pourquoi. Son chef, jusqu'au dernier remaniement à la chefferie du Parti québécois, avant de quitter, comme ministre de la Justice, a fait un paquet de nominations, des gens qui n'étaient pas...

M. Filion: Cela fait deux ans et demi que vous êtes là.

M. Marx: Certains n'étaient pas, je dirais, assez compétents pour occuper...

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre, comme il est 12 h 30, est-ce qu'il y a consentement pour qu'on termine juste cette partie, s'il vous plaît?

M. Marx: Oui, c'est cela. Ils ont même fait des nominations et des gens ont démissionné depuis parce qu'ils manquaient parfois de compétence. Tout ce que je veux dire, Mme la Présidente, c'est qu'il peut y avoir des raisons pour nommer quelqu'un pour six mois, pour un an ou pour deux ans. Je ne dis pas que je suis d'accord avec le système actuel. C'est pourquoi j'ai mis sur pied un groupe de travail sur les tribunaux administratifs, ce que mes prédécesseurs n'ont pas fait. Je l'ai fait parce que je ne suis pas d'accord avec le système actuel. Je pense qu'il faut faire cette réforme sur le statut, le traitement et l'indépendance des régisseurs. Mais si le député s'attend à ce que ces réformes soient faites dans six mois ou huit mois, c'est impossible. Je lui ai donné l'exemple...

M. Filion: Dans deux ans.

M. Marx:... de mon prédécesseur qui a parlé d'adopter une nouvelle Loi sur les coroners. Son ancien chef de cabinet est dans cette salle en ce moment et il sait que cela a pris dix ans au ministre pour faire cette réforme de la Loi sur les coroners. Et une fois que ce fut fait, c'était raté; il a fallu reprendre la loi et faire des amendements, parce que la première fois cela n'a pas marché. Si cela a pris dix ans pour réformer la Loi sur les coroners, donnez-moi un peu de temps pour proposer des réformes en ce qui concerne les tribunaux administratifs. J'ai eu le rapport il y a quelques mois et je vais faire des recommandations au Conseil des ministres. Je pense qu'on n'a pas fait autant dans ce dossier depuis des années.

M. Filion: Mme la Présidente, je pense que le ministre est en train de s'établir un nouvel objectif, c'est de battre le record de son prédécesseur, semble-t-il, si on se fie...

M. Marx: C'est déjà fait.

M. Filion:... à la célérité avec laquelle il étudie la réforme de la Loi de police. Là-dessus, je suis prêt à adopter le programme...

La Présidente (Mme Bleau): Le programme 2.

M. Filion:... 2, c'est cela. On commencera avec l'étude du programme 3 cet après-midi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, on va suspendre nos travaux jusqu'après la période de questions.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

(Reprise à 15 h 30)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons continuer les travaux. Nous sommes rendus au programme 3 et, comme je l'ai mentionné ce matin, il serait intéressant, non pas de continuer la période de questions ici, mais plutôt de s'appliquer à l'étude des crédits. M. le député de Taillon.

M. Filion: Comme on l'a souligné au début de nos travaux, ce matin, M. le Président, le ministre de la Justice et moi avons convenu de faire preuve de souplesse et de flexibilité - ce sont les mots qui ont été employés - dans l'étude des crédits du ministère de la Justice, et pour permettre de poser certaines questions, je m'appliquerai à interroger le ministre sur le programme 8.

Le Président (M. Marcil): J'appelle donc le programme 8 au lieu du programme 3.

M. Filion: Merci.

Le Président (M. Marcil): Services juridiques du gouvernement.

Services juridiques du gouvernement

M. Filion: Le programme 8 concerne les services juridiques du gouvernement et contient notamment les mandats confiés aux avocats de pratique privée par le ministère de la Justice. Je reviendrai là-dessus tantôt. Je veux simplement faire remarquer au ministre, pour qu'il puisse en prendre note et y revenir plus tard, qu'il y a eu une augmentation draconnienne des mandats

octroyés à la pratique privée. En 1985-1986, 84 mandats; en 1986-1987, 129 mandats et en 1987-1988, 119 mandats confiés à des avocats de pratique privée.

Ma question portera sur cette augmentation d'environ 113 % du nombre de mandats confiés à des avocats de pratique privée, mais ma première question portera sur le relevé des mandats qui ont été confiés aux avocats de pratique privée entre le 1er avril 1987 et le 11 mars 1988. Très simplement, ma question au ministre de la Justice est la suivante, et porte sur les contrats qui ont été accordés a Me Yarosky et à Me Hilton, en date du 18 octobre 1987, c'est-à-dire avant l'audition de la cause en Cour suprême, mais après que la requête pour permission d'en appeler ait été octroyée par la Cour suprême.

Ma question au ministre de la Justice est la suivante, et elle nécessitait un petit préambule: Est-ce qu'il est exact qu'il n'y eut de la Cour suprême aucune ordonnance enjoignant le Procureur général à payer les honoraires des avocats, comme nous l'a révélé notre petite enquête maison?

M. Marx: Tout ce que je peux dire dans ce dossier, c'est ce que j'ai déjà dit en Chambre, c'est-à-dire que le sous-ministre associé, M. Jean K. Samson, a agi dans ce dossier comme il a agi dans d'autres dossiers. Mes instructions au ministère sont de suivre la politique qui a toujours été suivie au ministère dans ces dossiers.

Honoraires d'avocats payés par le gouvernement pour des contestations de lois

M. Filion: Est-ce que le ministre de la Justice peut me donner un exemple où les honoraires ont été payés à une compagnie qui est intimée ou défenderesse, selon le niveau d'instance où nous nous trouvons, soit en première instance ou plus tard? Est-ce que le ministre de la Justice, qui me dit cet après-midi suivre une pratique absolument ignorée des spécialistes, peut me donner un exemple où des honoraires ont été payés aux avocats d'une compagnie ou d'une firme du type de Chaussures Browns, compte tenu que l'étude que j'ai faite moi-même...

M. Marx:...

M. Filion: Est-ce qu'on peut me permettre de terminer? L'étude que j'ai faite moi-même pour 1986, 1987, 1988, ne révèle aucun exemple du type de ce que cherche à invoquer le ministre de la Justice.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Marx: Premièrement, je pense que ce ne sont pas que des compagnies, je pense qu'il y a des individus, mais de toute façon ce sont des personnes en vertu de notre système de droit. Je peux vous dire que j'ai demandé au sous-ministre de suivre la politique établie au ministère avant même que je sois nommé ministre, et c'est ce qu'il a fait. En ce qui concerne des exemples, j'ai déjà dit en Chambre que je vais demander qu'on fasse le relevé d'autres exemples. C'est peut-être arrivé aussi pour le saccage de la Baie James. Je ne le sais pas, car M. Bédard a arrêté toutes les procédures. Mais c'est cela.

M. Filion: Est-ce que, M. le ministre, vous pouvez me confirmer le fait, parce que je n'ai retracé aucun exemple, qu'à la Cour d'appel - parce que cette même cause de Chaussures Browns c. Procureur général a été plaidée en Cour d'appel du Québec - est-ce que le Procureur général du Québec peut confirmer le résultat, encore une fois, de notre enquête maison - on n'a pas tous les outils - à l'effet que les honoraires des avocats en Cour d'appel, les avocats de la partie adverse, n'ont jamais, d'aucune façon, été payés par le Procureur général, mais que cette pratique est plutôt survenue alors que le ministre de la Justice actuel était en poste, c'est-à-dire le 28 octobre 1987 et que cette pratique ne connaît aucun précédent?

M. Marx: Je peux demander s'ils étaient payés en Cour d'appel, le cas échéant. Mais souvent dans certains dossiers - ce n'est pas le relevé dont j'ai déjà parlé - il y a des causes où le gouvernement paie l'avocat du Procureur général, l'avocat de l'aide juridique, l'avocat du fonds de recours privé, c'est-à-dire qu'il y a des causes où le gouvernement paie pour tous les avocats en cause même si ce sont des gens qui contestent le gouvernement. Par exemple, il y a quelqu'un qui a demandé au fonds de recours d'être appuyé dans une action contre le gouvernement, contre le ministère du Revenu, contre le Procureur général et si le fonds de recours décide d'octroyer une subvention, il va y avoir une cause avec quatre personnes. Donc, le Procureur général sera impliqué et tous les avocats de tout le monde seront payés par le gouvernement parce que nous avons jugé, dans notre système judiciaire, et ce n'est pas moi qui ai jugé cela, mes prédécesseurs ont jugé dans certaines causes qui sont d'intérêt public que les avocats sont payés par le gouvernement même si les avocats en question sont engagés par un individu pour contester le gouvernement.

M. Filion: Pourquoi dans la cause Singer, ou alors... Je vais recommencer un peu plus simplement. Le ministre de la Justice se souviendra que, dans la cause de Chaussures Browns, il s'agit d'affichage bilingue. Dans la cause de Singer, il s'agit d'affichage unilingue anglais. Pourquoi est-ce que le Procureur général paie les honoraires des avocats dans la cause de Singer?

M. Marx: Ce n'est pas dans le relevé, mais on peut s'informer. Mais si ce n'est pas dans le relevé, c'est possible que les avocats en question n'aient pas demandé au sous-ministre ou il n'y a pas eu de demande dans ce sens.

M. Filion: Comment le ministre de la Justice peut-il m'expliquer que dans le cas de Singer ou de McKenna, que dans le dossier de Singer, pardon, le Procureur général ne paie pas alors que dans la cause de Chaussures Browns qui a été jointe à la cause de McKenna, dans ce cas-ci, les honoraires des avocats sont payés par le Procureur général?

M. Marx: M. le Président, cela va de soi que le sous-ministre ou la Direction des affaires criminelles et pénales ou la Direction du contentieux plutôt va prendre des arrangements avec des avocats qui en ont fait la demande. Ce n'est pas un avertissement à tout le monde. Il y a des demandes. Il y a des arrangements qui sont pris. Il y a des...

M. Filion: Le ministre de la Justice sait que, dans certains cas, la cour peut ordonner le paiement d'honoraires d'avocats, encore une fois généralement dans le cas de personnes qui n'ont pas les moyens, par exemple de se retrouver au milieu d'un "test case" - je ne sais pas comment on dirait cela en français - une cause type, pardon, alors donc qui se retrouveraient au milieu d'une cause type.

Dans le cas qui nous occupe, à savoir Chaussures Browns, le ministre de la Justice me confirme qu'il n'y a jamais eu d'ordonnance de la cour. Est-ce que c'est exact ou s'il ne le sait pas? Ou si...

M. Marx: il se pourrait que l'ordonnance suive, c'est-à-dire qu'il est possible de prendre des arrangements en regard d'une ordonnance. C'est toujours possible.

M. Filion: Mais le jugement n'a pas encore été rendu par la Cour suprême.

M. Marx: C'est possible, par exemple, pour un avocat de faire une demande et un autre avocat va dire: Mais on ne va pas s'opposer à telle demande. Donc, on tient pour acquis que l'ordonnance va suivre. C'est toujours possible. J'ai déjà dit que je vais demander quels sont les autres exemples que nous avons au ministère.

M. Filion: Vous vous référez à Me Samson, l'un de vos fonctionnaires. Lorsque vous avez discuté de ce dossier avec vos fonctionnaires, est-ce qu'il a été spécialement question de payer les honoraires? Étant vous-même avocat, vous connaissez la différence, évidemment, entre des frais et des honoraires. Est-ce qu'il a été spécialement question de payer les honoraires des avocats qui représentaient le point de vue d'un contestataire de la loi 101?

M. Marx: Dans ces dossiers comme dans beaucoup d'autres, je laisse à mon sous-ministre, à mes sous-ministres associés, aux procureurs de la couronne le soin de prendre des arrangements avec les personnes qu'on poursuit. On a toutes sortes de demandes au ministère de gens qui veulent voir le ministre dans tel dossier ou veulent faire des ententes avec le ministre. Il va sans dire que je ne prends pas des arrangements avec des gens impliqués dans des dossiers. C'est toujours fait, sur le plan administratif, par le sous-ministre, le sous-ministre associé, le procureur dans le dossier, et ainsi de suite. Ce dossier, comme dans tout autre dossier, est décidé par le sous-ministre, les arrangements sont pris par lui. Quelqu'un peut téléphoner et me demander ou demander à quelqu'un de mon cabinet de me voir à propos d'un dossier, mais il va de soi que ces personnes sont toujours référées au sous-ministre, au sous-ministre associé, au procureur chef, à celui qui s'occupe du dossier.

M. Filion: Le Procureur général qui est devant moi est en train de me dire qu'il n'a pas suivi personnellement le déroulement et la conclusion des démarches qui ont fait en sorte que cette entente se signe et pourvoie au paiement d'honoraires de 100 $ l'heure à deux avocats. Est-ce que c'est cela?

M. Marx: M. le Président, je pense que j'ai été bien clair que, dans ce dossier comme dans tout autre dossier, enfin dans tous les dossiers, c'est toujours sur le plan administratif que les arrangements sont pris, sinon je serais impliqué dans 50 000 dossiers. Il y a des gens qui nous téléphonent, au cabinet, en ce qui concerne tel dossier et ils sont toujours référés à la personne responsable. Ce peut être le procureur chef. Ce peut être le substitut du Procureur général. Ce peut être l'avocat du contentieux qui s'occupe du dossier, et ainsi de suite.

M. Filion: Mais le ministre de la Justice reconnaîtra d'emblée avec moi que, d'abord, la loi 101 n'est quand même pas une loi ordinaire. On l'a appelée la Charte de la langue française. Deuxièmement, le ministre de la Justice conviendra également avec moi que tout ce qui entoure les contestations judiciaires de la loi 101 est extrêmement capital pour l'avenir de notre collectivité. Lui-même, le Procureur général, a écrit, a plaidé devant la Cour suprême, que l'avenir de la collectivité francophone au Québec était en jeu, dans la cause de Chaussures Browns comme dans la cause de Singer. Là il me dit: Vous savez, j'ai bien des causes à mon cabinet; je les envoie aux fonctionnaires. Vous comprendrez que c'est difficile pour moi, M. le ministre, d'accepter que vous me disiez: Vous savez, c'est mon ministère qui s'occupe de cela.

Je pense que le ministère a une autorité élue et c'est notre système démocratique qui veut que vous ayez la responsabilité de vérifier tout le déroulement des dossiers de premier ordre, de premier plan, pour l'avenir de la population qui vous a mandaté. Dans ce sens-là, je demanderais au ministre de se rafraîchir la mémoire: Est-ce qu'il n'a pas pris connaissance de ce dossier avant que les arrangements soient conclus? Est-ce qu'il n'a pas pris connaissance du fait qu'un tarif horaire avait même été fixé à un montant supérieur à celui des autres avocats. J'aimerais que le ministre nous dise de quelle façon ce dossier est venu à sa connaissance. (15 h 45)

M. Marx: Je trouve que vos questions sont de bonne politique, mais de mauvais droit. Vous me posez des questions sur le tarif horaire et ce n'est pas moi qui m'occupe de ça; il y a un règlement, et un directeur s'occupe de ces questions. Si vous voulez "scorer" des points politiques avec ces questions, faites-le si ça vous fait plaisir; je ne veux pas vous priver de vos plaisirs, mais ce n'est pas moi qui m'occupe de ça.

En ce qui concerne ce dossier, je pense que, sur le fond, vous avez convenu que nous avions plaidé comme il fallait dans cette cause comme dans toute autre cause. J'ai le mandat de défendre les lois adoptées par l'Assemblée nationale dans l'intérêt supérieur de la justice et je le fais, même si j'ai voté contre ces lois quand j'étais dans l'Opposition. Il faut comprendre que le Procureur général - je vous l'ai dit ce matin et je peux vous le répéter cet après-midi - est, bien sûr, une personne, mais il s'agit, là aussi, d'une institution.

Vous m'avez posé la question sur le cas Singer. On m'informe qu'il n'y avait pas de demande dans l'affaire Singer, tout comme dans l'affaire Chaussures Browns.

M. Filion: M. le ministre, on est tous les deux avocats. Vous êtes un ancien professeur d'université et, au surplus, vous êtes ministre de la Justice; on va essayer de se comprendre un peu.

M. Marx: C'est difficile aujourd'hui avec vos questions!

M. Filion: Bon, alors vous allez voir.

M. Marx: Elles ne sont pas souvent d'ordre juridique.

M. Filion: Oui? Hé bien, vous allez voir! M. Marx: J'attends.

M. Filion: Lorsqu'un avocat, à la demande de son client, conteste la validité d'une loi de l'Assemblée nationale du Québec, et je suis un peu votre raisonnement, est-ce que, à ce mo- ment-là, il suffirait que l'avocat, pour contester la validité d'une loi, fasse une demande au Procureur général, au ministère de la Justice ou aux bons fonctionnaires pour obtenir le paiement des honoraires attachés a sa cause? Encore une fois, la distinction entre un mémoire de frais et les honoraires, je pense, est bien connue de part et d'autre. Sinon, M. le ministre de la Justice, depuis 1986, la constitutionnalité de lois québécoises est contestée très souvent devant les tribunaux et, vous-même, vous recevez un tas d'avis à votre bureau. À ce moment-là, comment expliquez-vous qu'il existe des tas de contestations devant les tribunaux portant sur la validité et la constitutionnalité d'une loi québécoise et que, depuis 1986, selon ma modeste recherche et celle de l'équipe qui nous entoure, on n'ait retracé aucun paiement d'honoraires pour aucune autre cause?

M. Marx: Parce que votre recherche est très modeste.

M. Filion: Oui, c'est vrai que notre recherche est modeste, mais...

M. Marx: On m'informe que, dans d'autres provinces, il y aurait des précédents semblables, de ce genre. Par exemple, dans les demandes de tarifications, Bell Canada paie souvent les avocats qui sont représentés au CRTC. Mais vous pouvez me demander comment Bell Canada paie les avocats de ses adversaires devant un tribunal administratif, si c'est dans l'intérêt des contribuables, et ainsi de suite.

Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a ces précédents que je viens d'énumérer et qu'il y a des précédents où la décision a été prise sur le plan administratif; mes instructions sont toujours d'observer la politique suivie; le sous-ministre associé responsable de ce dossier est M. Jean K. Samson qui est l'ancien conseiller constitutionnel de René Lévesque et de Pierre Marc Johnson. Mes instructions sont de suivre les mêmes procédures qu'on a toujours suivies. Jusqu'à preuve du contraire, il me semble que le ministère a toujours suivi ces procédures. Je n'ai pas d'indication qu'un de mes fonctionnaires ou de mes sous-ministres n'a pas suivi la procédure établie depuis longtemps, depuis peut-être un siècle au ministère de la Justice. Je ne me demande pas quel est le tarif, quel est l'avocat, et ainsi de suite pour chaque dossier. Je veux que les politiques soient suivies. Si vous voulez me soulever un cas où la politique du ministère n'a pas été respectée par un fonctionnaire, c'est une autre paire de manches et je peux examiner la question.

M. Filion: Merci, M. le ministre de la Justice. Vous me parlez d'une pratique administrative. J'ai déposé en Chambre tantôt tous les relevés de mandats ou d'honoraires confiés à des avocats de pratique privée. Encore une fois,

aucun de ces mandats ne porte sur le paiement d'honoraires aux avocats de la partie adverse, premièrement.

Deuxièmement, le seul exemple que vous me donnez jusqu'à maintenant c'est...

M. Marx: Vous n'avez pas tous les relevés, parce que autrefois tous les relevés n'étaient pas même déposés.

M. Filion: Écoutez, c'est une question que j'ai posée pour préparer les présents crédits.

M. Marx: Non, mais pour certaines années les crédits n'étaient pas toujours déposés. On dépose ce qu'on a. On n'a pas de secret.

M. Filion: Combien d'argent a été effectivement versé à ces deux procureurs?

M. Marx: Est-ce qu'on a le montant global? Les chiffres que j'ai pour Me Hilton ici, c'est 18 215 $ et pour Me Yarosky, c'est 15 729 $.

M. Filion: À quelle date? M. Marx: À ce jour, fin de mars. M. Filion: Fin de mars. M. Marx: Au 11 mars.

M. Filion: Au 11 mars. Aviez-vous vu les comptes qui ont été adressés par ces avocats?

M. Marx: Non. M. le Président, j'ai dit que je ne vois pas les comptes des avocats, des notaires.

M. Filion: D'accord. Mais vous avez une équipe avec vous. Je sais que vous ne savez pas tout.

M. Marx: Je vous ai donné le montant. Je pense que c'est suffisant.

M. Filion: Pouvez-vous déposer les comptes qui ont été envoyés par ces procureurs?

M. Marx: Je n'ai pas de raison de le faire. Si je commence à déposer des comptes et des factures d'avocats, je vais en déposer beaucoup. Je vais déposer des comptes d'avocats engagés par le gouvernement précédent, je vais déposer toutes sortes de comptes. Je ne vois pas la nécessité de déposer les comptes de tout le monde depuis le début du ministère.

Le Président (M. Marcil): Je vais reconnaître le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Sur le même sujet, soit relativement à des pratiques administratives ou des conventions. On a su dans le passé que dans certaines situations on avait à défrayer, en termes d'honoraires, des bureaux d'avocats de pratique privée. À titre d'exemple, je crois qu'on a payé des avocats de pratique privée pour nous aider à travailler à des travaux législatifs, notamment les avocats pour l'Opposition officielle. À ce moment-là, est-ce que les taux des honoraires étaient les mêmes? De quelle façon a-t-on procédé pour défrayer le coût des honoraires des avocats de l'Opposition, soit cette année ou les années antérieures?

M. Marx: Cette année, on a payé les mêmes tarifs horaires pour les avocats qu'on a engagés pour l'Opposition, que ce soit lors de l'étude du Code civil ou lors d'autres études. Si vous vérifiez, vous allez voir que nous avons payé plus pour les avocats de l'Opposition que ce que l'Opposition a payé pour mes avocats quand j'étais dans l'Opposition. Ce n'est pas une question d'argent, c'est-à-dire que, si quelqu'un engage un professeur d'université, cela va coûter moins que s'il engage un avocat qui va demander 100 $ l'heure. Il y a des tarifs qui varient. On engage l'avocat; après cela, on lui paie ce qui est prévu par le règlement relativement aux tarifs d'honoraires autorisés pour des services professionnels rendus au gouvernement par un avocat ou un notaire. Il y a un règlement. On suit le règlement. Si on veut avoir une dérogation, il faut aller au Conseil du trésor. Ce qu'on fait de temps à autre.

C'est indiqué ici: Le gouvernement. Je vois que certains avocats étaient payés 400 $ par jour. D'autres, 100 $ l'heure. Il y en a peut-être même un qui était payé 150 $ l'heure, et ainsi de suite. On suit le règlement. Si on a une dérogation, on demande la dérogation.

M. Dauphin: Si vous me le permettez, M. le Président. Évidemment, il s'agit d'une contestation d'une loi du Parlement. Il s'agit d'une pratique administrative. À votre connaissance, y a-t-il d'autres lois? Je ne parle pas nécessairement de la loi qui fait l'objet de la discussion aujourd'hui. M. le député de Taillon disait que dans ses vérifications, depuis 1985 ou 1986... Est-ce qu'il y a d'autres lois qui ont été contestées? Évidemment, il y en a sûrement qui ont été contestées devant les tribunaux et dont les honoraires des avocats ont été l'objet d'une entente administrative de la même sorte?

M. Marx: Je pense qu'il y a une autre cause ici. L'affaire Labrecque où on a payé aussi, à la suite d'une cause semblable à cette cause-ci.

M. Dauphin: Pour une loi québécoise qui était contestée devant les tribunaux?

M. Filion: La cause était-elle réglée à ce moment?

M. Marx: J'ai dit en Chambre que je vais

demander qu'on trouve des précédents dans ce domaine.

M. Filion: Oui. Si M. le député de Marquette me le permet. Il peut arriver dans le cadre d'un règlement de dossier - on l'a vu, je pense, à la ville de Sainte-Foy récemment - il peut arriver dans le cadre d'un règlement, pour éviter un litige, pour éviter une décision qui pénaliserait davantage le Procureur général et, donc, pour des fins économiques évidentes, il peut arriver que dans certains cas une entente intervienne entre des parties et que des honoraires soient payés pour éviter, encore une fois, qu'un jugement soit rendu encore plus défavorable. Je pense qu'il convient de le mentionner à juste titre dans le sillon des propos du député de Marquette.

Dans ce cas-ci, il s'agit, encore une fois, de la contestation d'une partie importante de la loi 101. Le litige existe toujours. La preuve, c'est que la Cour suprême en est saisie. Il n'y a pas eu de règlement qui est intervenu entre les parties. Le jugement n'est même pas encore intervenu. Je pense qu'il faudrait, dans l'étude de ce dossier, en tout cas, de notre côté, M. le ministre, faire preuve de rigueur et ne pas comparer des pommes avec des carottes. Exemple, on peut poursuivre le Procureur général. Le Procureur général se sent coïncé. Pas lui personnellement, mais à cause, je ne sais pas moi, d'un geste posé par un agent de police; il peut y avoir un règlement qui intervient et on paie des honoraires à des avocats. Ce sont des choses qui peuvent arriver. Des choses qui n'arrivent pas souvent, mais qui arrivent à l'occasion. (16 heures)

Dans ce cas-ci, la loi 101 n'est pas une loi à portée économique. Elle est une loi à portée sociale infiniment percutante. On le constate toutes les semaines. Deuxièmement, il n'y a pas de jugement de rendu. Troisièmement, le litige existe toujours. Mais, encore une fois, si le ministre veut m'apporter des exemples, moi je suis tout à fait prêt à les examiner en détail pour connaître le bien-fondé d'une pratique, M. le ministre, qui, je vous le dis franchement, me fait sourire, il ne peut pas exister de pratique administrative pour payer les honoraires des avocats qui contestent nos lois. Ce n'est pas possible. C'est le gros bon sens qui me le dicte. Je ne peux pas me tromper. Autrement, ce serait une invitation et une incitation à contester. Le seul exemple que vous me donnez de pratique administrative, c'est celui du Bell et aussi celui du CRTC; je vais vous avouer qu'on est loin d'une pratique administrative, que le Bell, dans sa magnanimité, de temps en temps, va payer les honoraires des gens qui s'opposent à une hausse de tarifs. C'est un secteur tout à fait différent. Encore une fois, je serai disposé - je ne veux pas passer tous les crédits là-dessus - d'ici à la fin de l'étude des crédits, à recevoir du ministre quelque explication censée et raisonnable que ce soit.

M. Marx: il peut y avoir une ordonnance de la cour, soit de la Cour supérieure, de la Cour d'appel ou de la Cour suprême, pour prévoir le paiement de tels frais et il peut y avoir aussi un arrangement qui est pris sur le plan administratif, entre les avocats au dossier, pour payer ces frais afin d'éviter une telle ordonnance de la cour. Je pense que le député de Taillon, qui a plaidé assez longtemps, doit savoir que des arrangements de cette nature sont pris.

M. Filion: Vérification faite, M. le ministre, je vous le répète, auprès de la Cour suprême, il n'existe aucune requête pendante visant à ce que des honoraires soient payés aux avocats de la partie adverse. Il n'existe aucune ordonnance, encore une fois selon les vérifications...

M. Marx: Non, mais je vous ai seulement expliqué... Cela peut être payé après une ordonnance ou cela peut être payé avant pour éviter une ordonnance.

M. Filion: Oui. À ce moment-là, est-ce que le ministre peut me fournir un précédent d'une compagnie qui a reçu une telle faveur de se faire payer les honoraires de ses avocats par le Procureur général? Qu'il me donne des exemples d'une compagnie et non pas d'une personne infortunée, d'une personne démunie qui n'a pas de ressources financières suffisantes. Je suis prêt à suivre le Procureur général dans n'importe lequel de ses raisonnements s'il y a un peu de cohérence.

M. Marx: J'ai déjà dit que je vais demander qu'on vérifie. Dans ce dossier comme dans tout autre dossier, c'étaient des arrangements administratifs pris par les personnes responsables au ministère. Voilà! Si le député n'a pas d'autres questions, peut-être peut-on continuer maintenant.

M. Dauphin: M. le Président...

Le Président (M. Marcil): Oui, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: ...puisque le ministre vient de dire clairement qu'il va faire une vérification et qu'il prend avis de la question, est-ce qu'on peut passer à d'autres programmes ou si le député de Taillon a d'autres questions sur le même sujet, qui ne feraient pas l'objet du même avis?

Le Président (M. Marcil): M. le député de Taillon, est-ce que le programme 8...

M. Filion: Non, j'ai une autre question à poser au ministre de la Justice. Est-ce qu'à sa connaissance il existe ou non une ordonnance de

la Cour suprême dans le dossier de Chaussures Browns?

M. Marx: Je pense, M. le Président, que des ordonnances sont des documents publics. Le député de Taillon a ses recherchistes qui font la recherche. C'est un document public.

M. Filion: Oui.

M. Marx: Je n'ai pas à faire la recherche dans les documents publics pour le député de Taillon.

M. Filion: Écoutez, on a un contrat, c'est la liste des contrats. On est à l'étude des crédits. Il y a 25 000 $. S'il existe une ordonnance...

M. Marx: Bien, si le député... Une ordonnance...

M. Filion:... est-ce que le ministre...

M. Marx:... c'est comme un jugement; c'est un document public. Si le député veut avoir des documents publics, qu'il s'informe au gardien de ces documents publics.

M. Filion: Oui, mais le ministre de la Justice n'aurait pas à prouver semblable entente s'il y avait eu une ordonnance.

M. Marx: J'ai dit qu'il peut arriver des cas où il y a une ordonnance; il peut arriver des cas aussi où on paie afin d'éviter une telle ordonnance. Une ordonnance, c'est un document public. La cause est devant les tribunaux. Il n'y a pas de problème avec cela; le député peut vérifier. Je me sens très à l'aise dans ce dossier parce que je sais que j'ai donné comme instructions à mon ministère de toujours suivre la procédure habituelle; la pratique administrative est toujours suivie. J'ai toujours dit aux gens de mon ministère de jouer "by the book". Je pense que, dans ce dossier, on a joué "by the book", comme dans tout autre dossier.

M. Filion: Lorsque le ministre a signé le document autorisant le paiement d'honoraires à ces avocats, est-ce que, oui ou non, il y avait une ordonnance de qui que ce soit, de quelque niveau de tribunal que ce soit visant à couvrir le paiement de ces honoraires? Je pense que ma question est précise, on est à l'étude des crédits, on vient d'en débattre en Chambre. Si le ministre a une information à nous donner, qu'il nous la donne.

M. Marx: Je n'ai signé aucun document en ce qui concerne les frais des avocats dans ce dossier et dans n'importe quel autre dossier. Je ne signe pas les documents, les paiements. On a un service qui s'occupe des paiements.

M. Filion: Mais le ministre a pris connaissance du dossier. Est-ce qu'il y a une ordonnance, oui ou non?

M. Marx: Je vous ai dit, M. le Président, que c'est un document public, que le député demande au gardien des documents publics, soit à Ottawa, soit ailleurs, le document qu'il veut avoir. Je ne suis pas ici pour faire la recherche du député de Taillon.

M. Filion: Cela va. Je pense qu'on peut revenir au programme 4.

M. Marx: Est-ce que le dossier est épuisé ou est-ce que le député de Taillon est épuisé?

Le Président (M. Marcil): Est-ce que le programme 8 est adopté?

Augmentation des mandats confiés aux avocats de pratique privée

M. Filion: Non, on va y revenir. Toujours dans le même programme, est-ce que le ministre peut expliquer l'augmentation draconienne de 113 % des mandats confiés aux avocats de pratique privée?

M. Marx: L'automne dernier, des moyens de pression ont été exercés par les avocats et les notaires de la fonction publique. C'est pourquoi on a donné plus de mandats cette année que l'an dernier.

M. Filion: Oui, mais l'augmentation est quand même draconienne: de 84 en 1985-1986 à 179 en 1987-1988. Cela mérite des explications.

M. Marx: J'ai donné des explications, mais si vous allez vérifier au gouvernement, vous verrez que nous donnons moins de mandats que le gouvernement précédent. Par exemple, en matière de construction, nous ne donnons pas de mandats aux avocats de la pratique privée, comme ce fut le cas de l'ancien gouvernement. Ce sont nos procureurs de la couronne qui s'occupent maintenant de ces dossiers.

Dans l'ensemble du gouvernement, je suppose qu'on a donné moins de mandats depuis deux ans et demi ou depuis deux ans que ce que l'ancien gouvernement a donné.

M. Filion: Les chiffres contredisent ce que vous dites, M. le ministre. À la Direction générale du contentieux...

M. Marx: C'est cela...

M. Filion:... de 84 à 179...

M. Marx: J'ai dit pour l'ensemble du gouvernement. En ce qui concerne, par exemple, les mandats autrefois donnés par l'Office de la

construction aux avocats de la pratique privée, maintenant, ce sont les procureurs de la couronne qui plaident ces causes. Dans l'ensemble du gouvernement, il me semble qu'on en donne moins. Si vous parlez de la Direction générale du contentieux, c'est vrai qu'on a donné plus de dossiers cette année par rapport à l'année précédente, mais c'est en raison des moyens de pression exercés l'automne dernier par les avocats et notaires de la fonction publique. Probablement que, dans l'ensemble, on a dépensé moins peut-être. C'est possible aussi qu'à cause des négociations constitutionnelles on ait donné plus de mandats aux avocats qui se sont occupés de ces dossiers.

M. Filion: Si je prends la ventilation des crédits du programme 8, Fonctionnement-Personnel - je peux me tromper, vous me corrigerez - j'ai l'impression que les honoraires à des avocats de pratique privée se retrouve à l'élément "Autres rémunérations." À ce moment-là, pour 1987-1988, une somme de 1 073 000 $ et pour 1988-1989, une somme de 1 900 000 $. D'abord, est-ce que ces chiffres sont exacts?

M. Marx: Quelle page?

M. Filion: C'est le programme 8, page 17-9 du livre des crédits.

M. Marx: Ce ne sont pas seulement les avocats.

M. Filion: C'est-à-dire...

M. Marx: Ce ne sont pas nécessairement des avocats. On n'a pas...

M. Filion: C'est l'élément 5, c'est-à-dire 4.

M. Marx: Tous les contrats que nous avons donnés ne sont pas nécessairement pour des avocats. Sur les mandats, à vrai dire, M. le Président, on n'a pas le contrôle. C'est-à-dire qu'il est possible qu'un procureur de la couronne soit poursuivi par quelqu'un. Donc en vertu - je ne dirais pas de la convention collective - du règlement concernant les procureurs de la couronne, il revient au gouvernement de payer les avocats engagés par le Procureur général et il a le choix des avocats. Donc, si les procureurs sont poursuivis plus cette année que l'année dernière, on aura plus de mandats. Je pense qu'en général on ne donne pas beaucoup de mandats à la pratique privée.

La tendance était, depuis une quinzaine d'années ou plus maintenant, de donner moins de mandats et cette année nous avons coupé un grand nombre de mandats en ce qui concerne le règlement de la construction parce qu'autrefois, jusqu'à l'an dernier, c'était plaidé par les avocats de la pratique privée. Peut-être que vous n'avez pas vu les crédits lors de l'étude des crédits du ministère de la Justice. C'étaient des dépenses gouvernementales. Mais maintenant ces mandats sont assumés par le ministère de la Justice, par les substituts du Procureur général et, effectivement, dans les crédits d'aujourd'hui, j'ai souligné qu'il va y avoir un transfert de 1 100 000 $ du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu afin de s'occuper de ces dossiers devant les tribunaux.

M. Filion: Mais parlons du ministère de la Justice, en ce qui concerne la Direction générale du contentieux, comment le ministre explique-t-il l'augmentation du nombre de mandats?

M. Marx: Je l'ai déjà expliqué trois fois.

M. Filion: Uniquement pour le contentieux. Je ne parle pas des autres ministères.

M. Marx: Je vais l'expliquer une cinquième fois. Le nombre de mandats autorisés a augmenté en 1987-1988 par rapport à l'année précédente en raison des moyens de pression exercés l'automne dernier par les avocats et notaires de la fonction publique. C'est le député de Taillon lui-même qui a crié à tout le monde partout qu'il y avait des avocats qui faisaient des pressions et que les causes ne procédaient pas. Donc, parce que c'était nécessaire, nous avons donné des mandats.

M. Filion: L'augmentation est donc strictement due à cela et ne devrait pas se retrouver dans un contexte normal comme celui de 1988-1989.

M. Marx: Normalement, cela va diminuer.

M. Filion: Bon! Cela va. Alors, donc en ce qui concerne...

Le Président (M. Marcil): Où en êtes-vous rendu pour l'engagement 8?

M. Filion: Cela va pour le programme 8. Je n'ai pas d'autres questions là-dessus.

Le Président (M. Marcil): Cela va pour le programme 8. Adopté. On revient au programme 3. C'est cela?

Protection des droits et libertés de la personne

M. Filion: Oui, c'est cela, le programme 3.

Le Président (M. Marcil): Protection des droits et libertés de la personne.

M. Filion: C'est cela. En ce qui concerne le programme 3...

Le Président (M. Marcil): Je peux peut-être

commencer par le député de Marquette. Si vous êtes prêt, M. le député de Marquette...

M. Filion: Oui. M. Dauphin: Oui.

Le Président (M. Marcil): Oui, sur le programme 3.

Commission des droits de la personne

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Vous n'êtes pas sans savoir, M. le ministre, que la commission des institutions dont les honorables membres sont ici aujourd'hui a exercé, en vertu du règlement, un mandat de surveillance et de contrôle d'un organisme gouvernemental, la Commission des droits de la personne. Nous avons, à l'occasion de ce mandat exigé effectivement par notre règlement, eu l'occasion d'entendre une vingtaine de groupes de défense des droits et libertés de la personne qui, à certains égards, ont eu, par moments, des jugements assez sévères envers la Commission des droits de la personne et notamment relativement aux délais que la commission a dans le cheminement des différents dossiers. Je sais pertinemment qu'il y a actuellement énormément de dossiers en suspens et on a eu l'occasion de questionner et de converser avec les commissaires de ladite commission. Est-ce que, selon vous, les délais occasionnés sont effectivement dus à un manque de ressources? On a souvent entendu les groupes nous parler d'une espèce de conflit chez les agents entre, premièrement, leur rôle de faire enquête et celui, deuxièmement, en vertu de la charte, de voir à une certaine forme de médiation. Sur tout le phénomène d'enquête, de médiation, de retard dans le fonctionnement de la commission, j'aimerais vous entendre ainsi que sur ce qu'on pourrait faire pour enrayer les délais qui sont quand même, selon les personnes intéressées, très longs. (16 h 15)

M. Marx: Je comprends la question. La Commission des droits de la personne compte 115 personnes qui travaillent à temps plein. C'est une des commissions qui a le plus de personnel dans tout le pays. Il y a des commissions des droits dans d'autres provinces et je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de provinces qui ont plus de 115 employés. Je pense que c'est aussi à la commission de décider quelles sont ses priorités. M. le Président, j'ai siégé pendant cinq ans en tant que commissaire à la Commission des droits de la personne et j'ai toujours dit que c'est à la commission de décider de ses priorités. Si on met les priorités dans les enquêtes, peut-être serait-il nécessaire de diminuer l'effectif dans une autre direction. On ne peut pas voler dans toutes les directions en même temps. Il me semble que c'est à la Commission des droits de la personne de décider quelles sont ses priorités et de mettre l'effectif nécessaire dans la direction concernée.

On parle également des délais. Forcément, pour les cas devant la commission ou devant les tribunaux judiciaires, un délai normal, c'est quelques mois ou un an. Ce n'est pas toujours la faute du tribunal ou de la commission si la cause n'est pas réglée. C'est parce que les avocats au dossier veulent avoir plus de temps: il y a des témoins à entendre qu'on n'a pas entendus, et ainsi de suite. C'est fort possible que la commission devra faire un effort pour améliorer les délais. Vous avez les chiffres concernant les directions: la Direction du contentieux compte 4 employés; la Direction des enquêtes, 22; la Direction des communications, 12; la Direction de l'éducation, 12; la Direction des services administratifs, 13; la Direction des programmes d'accès à l'égalité, 18. La commission est autonome dans la distribution de son effectif dans les directions.

Le Président (M. Marcil): Est-ce que cela va? Oui, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: J'ai une sous-question, si vous me le permettez, M. le Président. Concernant les bureaux régionaux de la Commission des droits de la personne, je sais qu'actuellement il existe des bureaux régionaux dans quatre régions du Québec, sauf Québec et Montréal. Tout cela avait débuté sous la forme d'expériences pilotes. Je crois que les huit bureaux régionaux poursuivent toujours leurs activités. On a souvent entendu les groupes ou des membres de la commission nous dire que, dans ces bureaux régionaux, il manquait de personnel. Est-ce qu'à votre connaissance il n'y aurait pas lieu d'augmenter le personnel dans ces bureaux?

M. Marx: Premièrement, nous avons demandé au Conseil du trésor de maintenir les bureaux régionaux existants et de nous donner l'autorisation d'avoir des bureaux régionaux permanents. Ceia a été évalué chaque année et il n'a jamais été déterminé que c'étaient des bureaux régionaux permanents.

M. Dauphin: Est-ce qu'il y en a huit, M. le ministre.

M. Marx: Non, je pense qu'il y en a quatre. M. Dauphin: il y en a quatre?

M. Marx: il y en a à Hull, Sherbrooke, Sept-îles et Rouyn.

M. Dauphin: Alors, il y en a quatre, à part Québec et Montréal.

M. Marx: Disons qu'à Sherbrooke - j'étais là l'autre jour - il y a une permanente et une secrétaire qui travaille à mi-temps à la commission et à mi-temps au Comité de la protection de

la jeunesse.

M. Dauphin: D'accord. Est-ce que le Comité de la protection de la jeunesse a plus de bureaux régionaux que la Commission des droits de la personne?

M. Marx: Je pense que oui. C'est instauré depuis longtemps. Vous comprenez que, si un bureau régional, supposons de Sherbrooke, de Hull ou d'ailleurs a besoin d'aide, on envoie quelqu'un de Montréal ou de Québec, le personnel nécessaire pour l'aider dans un ou plusieurs dossiers.

Le Président (M. Marcil): Dans la même ligne de pensée, M. le ministre?

M. Kehoe: Dans la même ligne de pensée, M. le ministre.

M. Marx: Je vais juste répondre pour les bureaux régionaux du Comité de la protection de la jeunesse qui a douze bureaux au Québec, y compris Montréal et Québec. Ils ont douze bureaux au Québec, un dans chaque région.

M. Dauphin: En pratique, M. le ministre, ce serait facilement faisable, sans nécessairement fusionner, de joindre à la limite des personnes à même ces bureaux régionaux de la CPJ, si la demande en était faite, évidemment, en termes de service pour la commission.

M. Marx: De donner le mandat à la Commission des droits...

M. Dauphin: Lorsqu'ils utilisent les mêmes locaux.

M. Marx: Ils partagent souvent des locaux. À Sherbrooke, par exemple, les bureaux sont à côté du nouveau palais de justice, je pense, et ils partagent le secrétariat et ainsi de suite. Il y a une certaine collaboration entre eux.

M. Dauphin: Alors, cette collaboration existe déjà.

M. Marx: Oui, mais pas en ce qui concerne le mandat précis en vertu de la loi, mais sur le plan administratif.

M. Dauphin: D'accord, merci.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Je me souviens, M. le ministre, quand il avait été question de fermer certains bureaux régionaux, particulièrement celui de Hull dans ma région, il y a eu un tollé. Je me souviens avoir, à ce moment-là, demandé quel était l'avenir de ces bureaux. La réponse était à peu près semblable à celle que vous nous donnez aujourd'hui, que la demande est faite au Conseil du trésor. Mais où en est rendu le dossier? Est-ce qu'une décision sera prise dans un avenir rapproché ou est-ce qu'on peut plus ou moins tenir pour acquis, à toutes fins utiles, que les quatre bureaux régionaux en question qui sont déjà établis et celui de Hull plus spécialement le sont en permanence? J'aimerais savoir si on peut anticiper la réponse du Conseil du trésor ou si vous avez une indication nous permettant de savoir où en est rendu le dossier.

M. Marx: J'espère que ces bureaux régionaux resteront. On a eu un rapport d'évaluation, mais nous n'avons pas encore reçu la décision du Conseil du trésor. Je ne peux pas m'engager avant d'avoir reçu la décision du Conseil du trésor.

M. Kehoe: Mais prévoyez-vous le faire dans un avenir rapproché? Si je me souviens bien, presque à la même date l'an passé, j'ai posé presque la même question, et c'est presque la même réponse cette année. Je ne sais pas si ce sera encore la même chose l'année prochaine. Entre-temps, j'ai reçu, à plusieurs reprises, des demandes des différents groupes justement pour savoir quel était l'avenir. Je suis sûr que celui de Hull va subir le même sort que les trois autres. Mais, entre-temps, l'inquiétude règne quant à son avenir. N'êtes-vous pas en mesure, cette année, d'en dire plus que l'année passée?

M. Marx: J'en ai déjà dit plus. Cette année, on a un rapport d'évaluation et, l'an dernier, on n'en avait pas.

M. Kehoe: Et l'année prochaine?

M. Marx: L'année prochaine, j'espère qu'on aura la décision.

M. Kehoe: Est-ce que ce sera avec les credits?

M. Marx: Je ne veux pas empêcher le député d'exercer des pressions au sein du gouvernement pour que le bureau reste à Hull et qu'il devienne permanent. Ce n'est pas permanent maintenant dans les dossiers du gouvernement, mais cela l'est dans le sens que c'est là depuis quelques années. C'est encore ouvert. Mais si le député vient m'aider dans ce dossier, cela me fera grand plaisir.

M. Kehoe: Dites-moi quoi faire, à qui et quand.

M. Marx: Après l'étude des crédits. M. Kehoe: Tout de suite.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Taillon.

M. Filion: Le député de Chapleau a cette chance. Je n'ai pas la chance. C'est juste la période des crédits.

M. Marx: Mais le député de Taillon est bien servi dans son comté. Il y a un nouveau palais, étant donné que c'est l'ancien comté de René Lévesque.

Le Président (M. Marcil): il ne manque que le roi.

M. Filion: Pardon?

Le Président (M. Marcil): il ne vous manque que le roi, vous avez un nouveau palais.

M. Filion: Oui. Je voudrais demander au ministre de la Justice s'il a pris connaissance du fait que la proportion...

Le Président (M. Marcil): Nous sommes toujours à l'engagement 3?

M. Filion: On est au programme 3.

Le Président (M. Marcil): Excusez-moi, le programme 3.

Présence des minorités ethniques dans la fonction publique québécoise

M. Filion: Je voudrais savoir du ministre s'il a été sensibilité au fait que la proportion des minorités ethniques dans la fonction publique va en décroissant: 4,14 % des effectifs globaux en 1987 contre 4,3 % en 1986, une baisse de 0,16 %. Évidemment, la présence des minorités ethniques au sein de la fonction publique est un sujet éminemment important. Le ministre de la Justice a lui-même eu l'occasion de se prononcer longuement là-dessus à plusieurs reprises. Je ne citerai pas ses déclarations.

On sait qu'en décembre 1986 l'Assemblée nationale adoptait une déclaration solennelle du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales. Quand on regarde les chiffres, il semble donc que peu de choses se font dans ce secteur. Quelle action le ministre de la Justice entend-il prendre pour accélérer le processus d'intégration des minorités ethniques dans la fonction publique québécoise?

M. Marx: Premièrement, M. le Président, je suis très conscient de ce problème. C'est pourquoi j'ai demandé à la Commission des droits de la personne de faire un rapport sur la situation dans la région montréalaise. Effectivement, j'ai eu un rapport. Je peux vous dire que je ne suis pas satisfait de la situation.

Nous avons fait un certain nombre de choses. Depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons adopté le règlement en ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité. Nous avons adopté le règlement en ce qui concerne la taille et le poids des policiers, ce qui a effectivement empêché un certain nombre de personnes de se porter candidats dans les différents corps de police. Nous avons adopté une politique en ce qui concerne l'obligation contractuelle qui va aussi avoir l'effet de forcer ou encourager les compagnies à engager des membres des communautés ethniques. En tant que ministre, j'ai pris d'autres mesures auprès de mes collègues. Où c'était possible d'agir tout de suite, le gouvernement l'a fait. Par exemple, en ce qui concerne les nominations, environ 15 % des nominations faites par le gouvernement concernent des personnes des communautés ethniques.

M. Filion: Bref, le ministre est sensibilisé. Est-ce qu'il y a des moyens concrets pour les prochains mois pour rétablir une présence des minorités ethniques? Bien sûr, ce n'est pas le ministre qui prend toutes les décisions dans ce secteur, mais compte tenu de l'intérêt qu'on manifeste pour les droits de la personne, l'intérêt qu'il a manifesté dans le passé pour une fonction publique plus représentative, est-ce qu'il y a des choses concrètes auxquelles on peut s'attendre dans les prochains mois?

M. Marx: J'ai déjà énuméré quatre choses concrètes. (16 h 30)

M. Filion: Est-ce que c'est pour les prochains mois?

M. Marx: Mais ce sont des choses qu'on a déjà faites; Les règlements en ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité, le règlement en ce qui concerne la taille et le poids des policiers. Vous savez que la Sûreté du Québec travaille avec la Commission des droits de la personne pour engager davantage de policiers membres de communautés ethniques.

M. Filion: En ce qui concerne l'ensemble de la fonction publique, les policiers, bon...

M. Marx: Mais il y a déjà des policiers...

M. Filion: ...sont environ 10 000 ou 12 000, une goutte d'eau dans l'océan.

M. Marx: C'est cela. Il y a déjà certaines politiques en place et j'espère qu'il va y en avoir d'autres. Cette question sur le plan technique relève davantage du ministre responsable du Conseil du trésor. Je pense qu'il y a encore beaucoup de choses à faire dans ce dossier.

Insertion du droit à la qualité de

l'environnement dans la Charte des

droits et libertés de la personne

M. Filion: Toujours dans le même programme, M. le Président, la Protection des droits et

libertés de la personne. On a beaucoup parlé, on parle encore beaucoup du droit à la qualité de l'environnement. On sait qu'il y a même eu une conférence constitutionnelle l'automne dernier qui a recommandé que le droit à la qualité de l'environnement soit intégré à la Charte des droits et libertés de la personne. Le ministre a-t-il l'intention de donner suite à cette proposition? Bon! je vous parle. Je suis obligé de répéter.

M. Marx: M. le Président, deux mots m'ont échappé.

M. Filion: Le ministre de la Justice a-t-il l'intention de donner suite à la recommandation de la dernière conférence constitutionnelle de l'automne qui mentionnait que le droit à la qualité de l'environnement devrait être intégré à la Charte des droits et libertés de la personne?

M. Marx: Qui m'a demandé de faire cela?

M. Filion: C'est moi qui vous demande si vous allez donner suite à cette recommandation d'inclure le droit à la qualité...

M. Marx: Qui a fait cette recommandation?

M. Filion: La conférence constitutionnelle de l'automne dernier.

M. Marx: La conférence constitutionnelle...

M. Filion: À la conférence de droit constitutionnel, l'automne dernier. D'ailleurs, Me Nicole Duplé, que vous connaissez bien, qui est la présidente de la cinquième conférence de droit constitutionnel a mis de l'avant le principe, ou en tout cas, le moyen à l'effet d'inclure, dans les chartes des droits et libertés, le droit à la qualité de l'environnement. Le ministre est-il sensible à cette demande? A-t-il l'Intention d'y donner suite à notre niveau, c'est-à-dire au niveau où il en a les moyens, c'est-à-dire la Charte des droits et libertés de la personne?

M. Marx: Étant donné que cette question intéresse aussi le ministre de l'Environnement, je vais lui parler de cette question.

M. Filion: il n'y a pas de travaux en cours visant à faire en sorte que le droit à un environnement sain soit intégré à la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Marx: Je pense que le ministre de l'Environnement fait un excellent travail en ce qui concerne la protection de l'environnement. S'il faut prendre d'autres mesures, on va prendre les mesures qui s'imposent.

M. Filion: Cela va en ce qui concerne le programme 3.

Le Président (M. Marcil): Cela va pour le programme 3. Adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Marcil): Adopté. J'appelle le programme 4. Cela va?

Aide aux justiciables

M. Filion: Au programme 4, il y avait une question là-dessus. Tantôt on a parlé de mandais confiés à la pratique privée. Le ministre a-t-il l'intention de relever le plancher des montants de revenus admissibles pour l'aide juridique?

M. Marx: En ce qui concerne l'aide juridique, je pense qu'étant donné... Voulez-vous suspendre, M. le député de Taillon?

M. Filion: Je m'excuse.

M. Marx: En ce qui concerne l'aide juridique, vous savez que la loi a été adoptée en 1972. On n'a jamais fait l'étude de l'ensemble de la loi. Je pense que c'est le temps de l'étudier dans son ensemble et je songe à constituer un groupe de travail pour revoir toute la Loi sur l'aide juridique, le fonctionnement de la commission, etc.

Barèmes d'admissibilité à l'aide juridique

M. Filion: Avant d'entreprendre cette grande aventure que serait peut-être un réexamen complet de la loi et de ses modalités, etc., le ministre n'est-il pas d'avis qu'il serait temps d'ajuster les barèmes d'admissibilité à l'aide juridique pour les rendre conformes un peu au niveau de la vie et à ce qu'on vit autour? Dans ma présentation principale, j'ai signalé au ministre que certaines personnes qui sont sur l'aide sociale - dans certains cas, je ne dis pas que c'est la majorité, c'est une archiminorité, bien sûr...

M. Marx: C'est impossible. Les gens qui sont sur l'aide sociale ont droit, automatiquement, à l'aide juridique.

M. Filion: Je dois vous signaler que les avocats de l'aide juridique ont eux-mêmes fait ces représentations à l'occasion de leur conflit. Donc...

M. Marx: Non, mais c'est dans la loi.

M. Filion: En dehors de cela, est-ce que le ministre n'est pas d'avis qu'il serait temps de réétudier les barèmes d'admissibilité à l'aide juridique?

M. Marx: M. le Président, je pense que l'aide juridique au Québec est le programme le plus généreux à comparer avec l'aide juridique du reste du Canada. Le coût de cette année, c'est environ 75 000 000 $. L'an dernier, c'était 65 000 000 $; cette année, c'est 75 000 000 $. Je pense qu'on fait un effort considérable...

M. Filion: Même à cela...

M. Marx: Oui, mais à l'aide juridique, ce ne sont que des salaires tout simplement. Qu'est-ce qu'il y a d'autres? Le loyer?

M. Filion: Non, non, mais je parlais des barèmes.

M. Marx: Non, non, je comprends, mais tout ce que je vais vous dire c'est que l'aide juridique a coûté, l'an dernier, 65 000 000 $; cette année, cela va coûter 75 000 000 $. Combien est-ce que le député de Taillon pense qu'il faut investir dans l'aide juridique? Est-ce que le député a une...

M. Filion: D'accord. J'attire l'attention du ministre de la Justice sur le fait que les barèmes n'ont pas été réexaminés depuis déjà un bon bout de temps. J'attire l'attention du ministre sur le fait qu'il est évidemment important dans une société comme la nôtre que les plus démunis aient un accès franc et total au mécanisme judiciaire lorsque leurs droits sont en cause. Or, 11 ne s'agit pas ici... je comprends qu'il fallait réajuster les conventions collectives des avocats de l'aide juridique. Je parle ici des barèmes. Lorsqu'on cite des cas, par exemple: un couple avec deux enfants peut recourir à l'aide juridique si le revenu de la famille ne dépasse pas 245 $. Donc, 245 $ par semaine, cela fait grosso modo 12 000 $ par année. Est-ce que le ministre se rend compte qu'un couple avec deux enfants, qui gagne 14 000 $ par année, n'est pas admissible à l'aide juridique?

Alors, on s'aperçoit, seulement en donnant les figures, qu'il y a beaucoup de couples qui sont dans cette situation et qui n'ont pas les moyens de se payer des avocats de pratique privée, s'ils gagnent 250 $ par semaine et ont deux enfants à la maison; je dois vous dire que, les avocats, on n'a pas les moyens de trop' les payer. Le ministre est au courant; l'inflation est là, l'indice de la vie a grimpé. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de modifier les barèmes, sans attendre une grande réforme de la Loi sur l'aide juridique?

M. Marx: M. le Président, l'aide juridique me concerne beaucoup parce que j'étais là au début de l'élaboration du système de l'aide juridique, ce qui fut fait par mon prédécesseur, M. Jérôme Choquette. Cela a été un de ses bons coups au début des années soixante-dix. J'ai même travaillé dans la première clinique d'aide juridique à Pointe-Saint-Charles. Donc, je connais bien le système. J'ajouterai qu'il n'y a pas si longtemps, mon prédécesseur, en 1983, 1984 ou 1985, a voulu instaurer un ticket modérateur pour les usagers de l'aide juridique. Je peux vous dire que l'Opposition a fait son travail à l'époque et qu'elle l'a empêché de le faire. C'est seulement pour vous démontrer que nous avons un intérêt tout à fait particulier pour le système de l'aide juridique au Québec.

Il y a d'autres systèmes au Canada. Par exemple, en Ontario, les avocats contribuent des millions de dollars au système de l'aide juridique, ce qui n'est pas le cas au Québec. Nous sommes très sensibles aux problèmes que le député de Taillon a soulevés. Nous avons l'intention de prendre les mesures qui s'imposent dans ce dossier. Je pense que ce sera le temps de le voir dans son ensemble, et c'est pourquoi nous songeons à mettre sur pied un groupe de travail pour revoir toute la Loi sur l'aide juridique.

M. Filion: En terminant là-dessus, M. le Président, ce n'est pas nécessaire, à mon sens, d'attendre encore un comité qui soumettra un rapport qui sera étudié par un autre comité. Un couple avec deux enfants qui gagne 250 $ par semaine n'est pas admissible à l'aide juridique; c'est nettement insuffisant comme barème d'admissibilité. Il faudrait revoir cela. Cela se fait rapidement. Bon Dieu! cela traite un facteur aussi essentiel que l'accessibilité à la justice. Le ministre nous dit: On va attendre. Je songe à faire un comité d'étude. Ensuite, on va songer à faire étudier le rapport par le Conseil du trésor, puis on va songer à... Le ministre devrait agir maintenant dans le secteur des barèmes d'aide juridique. Cela coûte des sous, bien sûr, mais s'il est de temps en temps capable de faire valoir le poids de l'institution qu'il représente au Conseil des ministres, il devrait être capable de faire les représentations qui s'imposent au Conseil du trésor pour arriver à redresser ce qui apparaît de plus en plus comme une injustice flagrante. C'est le rôle du ministre de la Justice.

Mme Bleau: M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Oui, Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Je ne suis pas toujours d'accord avec les propos de M. le député de Taillon, mais, pour une fois, moi aussi, j'ai certains problèmes avec ce sujet. Des gens qu'on trouve vraiment démunis à cause d'un petit salaire qu'ils peuvent gagner n'ont pas droit à l'aide juridique. Le salaire en cause est vraiment trop bas. On devrait accorder un peu plus de liberté. Je ne veux pas parler de ceux qui gagnent 500 $ ou 600 $ par semaine, je serais bien d'accord qu'on ne leur donne pas, mais quand des gens ne gagnent pas plus de 200 $ à 300 $ par semaine, ils n'ont pas les moyens de se payer un avocat.

M. Marx: Je suis tout à fait d'accord qu'il y a des choses à revoir. Ce que le député de Taillon et la députée de Groulx ont soulevé, j'en suis tout à fait conscient, mais le dossier a été laissé dans un état pitoyable - le député de Taillon a le bon mot - par mon prédécesseur. Il y a toutes sortes...

M. Filion: Pour le Journal des débats, Je n'ai rien dit.

M. Marx: Non, mais vous avez chuchoté. C'est hors de la portée.

M. Filion: Je voyais que vous cherchiez un adjectif absolument terrible pour décrire ce qui a été fait avant vous. Alors, pour gagner du temps...

M. Marx: Merci, M. le député.

M. Filion: ...je vous l'ai soufflé.

M. Marx: il y a des choses dans l'ensemble du système. Par exemple, on dépense des centaines de milliers de dollars pour des notaires qui vont faire des hypothèques pour des gens qui ont accès à l'aide juridique. Mais est-ce logique que celui qui a droit à l'aide juridique ait droit à une hypothèque sur sa maison et que ce soit l'aide juridique qui paie pour l'hypothèque? Ce sont des services de notaires. C'est quelque chose à revoir.

Par exemple, en d'autres matières où il y a des anomalies, il faut faire des corrections et je suis très conscient que c'est un dossier à revoir dans son ensemble. J'ai l'intention de le faire, mais vous comprenez, M. le Président, pendant dix ans, le gouvernement n'a rien fait. C'était toujours du "stâlage" et on a mis le dossier sur la glace pendant dix ans. Qu'est-ce que votre gouvernement a fait en ce qui concerne l'aide juridique? La seule chose...

M. Filion: Le "plancher" a été relevé sous le gouvernement précédent.

M. Marx: La brillante idée de mon prédécesseur a été de parler du ticket modérateur pour les usagers de l'aide juridique. Ce fut une brillante idée de mes deux prédécesseurs. J'ai enterré cette brillante idée et je veux faire avancer le dossier. Je vais faire faire une étude de l'ensemble du dossier et après on agira.

Le Président (M. Marcil): Le programme 4 est-il adopté?

M. Filion: Le programme 4, cela va. J'ai peut-être une question à poser sur le programme 5. Ensuite, on pourrait peut-être ajourner quelques minutes.

Le Président (M. Marcil): J'appelle donc le programme 5.

Administration

M. Filion: Au programme 5, sans que ce soit nécessaire pour moi de relancer tout le débat, en ce qui concerne la vente de renseignements aux bureaux de crédit - Est-ce que le ministre m'écoute? m'entend?

M. Marx: Attentivement.

Vente de données informatiques par les palais de justice

M. Filion: Parfait. En ce qui concerne la vente de renseignements par les greffes des palais de justice à des organismes de vérification de crédit, est-ce que le ministre s'est penché sur le caractère immoral - pour employer le mot du président de la Commission d'accès à l'information à l'époque - de cette pratique de vente de données informatiques dans les palais de justice?

M. Marx: Si je me souviens, le député de Taillon a déjà soulevé cette question.

M. Filion: Vous aviez dit que vous étiez pour regarder cela.

M. Marx: Je peux vous faire état de la situation. Je vais lire parce que ce sont des notes que j'ai devant moi. Cela va peut-être vous aider à comprendre le dossier au complet.

En 1975, le ministère de la Justice informatise les plumitifs des greffes des tribunaux et rend directement accessibles à la population les données inscrites par des visuels de consultation.

En 1978, le ministère, afin de faire face à l'engorgement des visuels de consultation et pour éviter des déboursés additionnels pour l'achat de nouveaux équipements, signe avec les firmes ACROFAX, la deuxième compagnie est SOQUEDIT et Échos de la cour, des contrats pour la fourniture, sous forme de listes et rubans magnétiques, des données apparaissant aux plumitifs des greffes des tribunaux. Le caractère public des données transmises a permis cette avenue de solution.

En 1982, le ministère se dote d'une politique d'accès des données informatisées dont les deux principaux éléments sont d'assurer le droit à l'information du public sur les données à caractère public et de protéger, par ailleurs, le droit à la vie privée.

En 1986 - j'imagine que c'est après que le député de Taillon m'ait posé la question - le ministère adoptait une nouvelle politique d'accès aux données par les organismes privés, publics et parapublics. Cette politique prévoit diverses mesures pour encadrer les demandes d'accès aux données sous la responsabilité des ministères. La

mise en application de cette politique se fait graduellement et une des mesures prévues est à l'effet de confier à la Société québécoise d'information juridique le traitement des demandes d'accès des requérants privés.

Voilà, il y a une pratique qui remonte à 1975, à partir vraiment du moment où le député de Taillon a porté cela à notre attention. Il y avait aussi un article dans les journaux. À partir de cette information, nous avons demandé que le dossier soit revu et nous sommes en train de prendre d'autres mesures dans ce dossier. Tout cela ne se fait pas en un jour.

M. Filion: Oui. Je voudrais attirer l'attention du ministre sur le fait que, premièrement, la loi sur l'accès à l'information n'existait pas au moment où la pratique a été instaurée...

M. Marx: C'est une information publique.

M. Filion: ...et, deuxièmement, j'ai déjà eu l'occasion de dire au ministre de la Justice que, même si la pratique remonte à des gouvernements précédents, il demeure qu'à mon sens cela n'a pas de bon sens. Je reviens, M. le ministre, d'une mission en France où on a eu l'occasion, premièrement, d'examiner la loi française et, deuxièmement, de vérifier la loi française. Les Français sont rendus beaucoup plus loin que nous en ce qui concerne la protection des renseignements de nature judiciaire.

M. Marx: C'est dans ce seul dossier qu'ils sont plus avancés que nous.

M. Filion: Ils le sont aussi dans d'autres dossiers. C'est bon de regarder un peu ce qui se fait là-bas.

M. Marx: Ils viennent ici nous copier.

M. Filion: Même qu'on protège, d'une façon presque étanche, les renseignements de nature judiciaire. Ici, non seulement on ne les protège pas, mais au contraire on facilite la transmission. Le problème, je le soulève - c'est la première fois que je le fais devant le ministre de la Justice - je me base sur la question qui a été soulevée au congrès de l'Association Henri-Capitant, le 22 mai 1987, qui est rapportée dans le journal Le Soleil. C'est de savoir si l'État ne pourrait pas engager sa responsabilité civile devant les tribunaux lorsqu'il diffuse des informations qui pourraient être erronées - des erreurs, tout le monde en fait, y compris les machines - lorsqu'il diffuse des informations erronées sur les citoyens. Il me semble que cela fait déjà non pas un an, mais six mois que j'ai soulevé la question. Encore une fois, le président de la Commission d'accès à l'information à l'époque et également son collègue, le ministre des Communications, se sont montrés tous les deux extrêmement surpris et déçus de l'existence de cette pratique. Cela fait six mois que cela dure. J'apprécierais que le ministre me tienne au courant au lieu que je sois obligé de revenir dans un an.

M. Marx: Je pense que le député a raison en partie. J'y reviens, il ne faut pas oublier que c'est de l'information publique, c'est-à-dire que quelqu'un a le droit d'aller au palais de justice, rester devant un écran et pitonner toute la journée pour avoir de l'information. C'est de l'information publique.

M. Filion: L'information est colligée... M. Marx: Bien, l'information publique.

M. Filion: ...et distribuée à des fins autres que celles pour lesquelles le système existe. En deux mots, il y a un principe dans la loi sur l'accès à l'information. Si vous constituez un fichier, les renseignements qui y sont contenus doivent être utilisés dans la finalité de la constitution du dossier et non pas servir à d'autres finalités.

M. Marx: On ne peut pas empêcher les gens d'écrire des articles, par exemple sur le fait qu'un tel fait l'objet d'une poursuite devant la cour.

M. Filion: Oui, mais cela contrevient à l'esprit de la loi sur l'accès à l'information. Deuxièmement, comme ces informations peuvent contenir des erreurs, le ministère de la Justice se rend, en partie, à un système qui peut brimer... Je vais vous donner un exemple, M. le ministre, qu'on a eu l'occasion de débattre à la Commission d'accès à l'information. Je pense que Mme la députée de Groulx était là. C'est le cas d'un individu, d'un père de famille, qui a été poursuivi parce qu'il était tuteur à son fils mineur. Effectivement, cela arrive souvent. Comme tuteur, il est poursuivi, mais, évidemment, le "es qualités" n'apparaît pas pour une raison ou pour une autre. L'individu en question s'est présenté pour obtenir du crédit et on lui a répondu non. Lui, il est allé au fond des choses: Pourquoi me refusez-vous le crédit? J'ai une bonne fiche de remboursement de mes prêts; je n'ai aucune poursuite judiciaire. On lui a dit: Non, il y a une poursuite judiciaire contre vous pour 163 000 $, ou peu importe le montant. Mais le père en question était poursuivi, non pas à titre personnel, mais en sa qualité de tuteur à son fils mineur.

La même chose peut se produire pour un tuteur, un curateur. En deux mots, il y a des erreurs. Ce n'est pas parce que c'est informatisé que c'est parfait. Bref, cela véhicule des informations incomplètes, inexactes et parfois erronées et cela cause préjudice à des gens. S'il y en a qui veulent savoir ce qui se passe dans les dossiers des tribunaux, qu'ils aillent s'asseoir

devant les écrans, qu'ils pitonnent, qu'ils aillent apprendre ce qu'ils veulent savoir. Mais ce n'est pas au ministère de la Justice à vendre ces informations, systématiquement en blocs à des compagnies de crédit. Je ne refais plus mon point; je pense que le ministre m'a saisi.

M. Marx: Je me souviens, il y a quelques années, à la même question, je pense que c'est avant 1985, un fonctionnaire a répondu: Si on ne leur donne pas cette information, ils vont bloquer les écrans au palais de justice. Les gens ont le droit de pitonner, d'avoir cette information. Donc, ils vont aller au palais de justice et ils vont pitonner toute la journée, mais cela va priver d'autres personnes de l'accès à ces écrans.

M. Filion: Des problèmes d'organisation qui peuvent se régler.

M. Marx: J'espère qu'on va trouver une solution d'ici aux prochains crédits.

M. Filion: Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Pour le programme 5. Adopté.

M. Filion: Cela va également pour le programme 8 qui est le suivant. Les programmes 6 et 7 sont des programmes qui concernent...

Le Président (M. Marcil): 6? Non. C'est un programme à étudier aujourd'hui. 7, oui, mais pas 6.

M. Filion: Le programme 7, c'est la Protection du consommateur.

Le Président (M. Marcil): C'est fait.

M. Filion: Vous attirez mon attention, ne bougez pas.

Le Président (M. Marcil): Le programme 8 est fait. Donc, nous sommes au programme 6.

M. Filion: Qui est le programme...

Le Président (M. Marcil): Enregistrement officiel.

M. Filion: Je n'ai pas de question là-dessus. Le Président (M. Marcil): Pas de questions? M. Filion: Non.

Le Président (M. Marcil): Donc, adopté. M. Filion: C'est cela.

Affaires législatives

Le Président (M. Marcil): Le programme 7 a déjà été fart. Le programme 8 également. Nous sommes rendus au programme 9, Affaires législatives.

M. Filion: Affaires législatives. On peut peut-être suspendre trois minutes.

Le Président (M. Marcil): Cela va. On va suspendre nos travaux trois minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 55)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous reprenons nos travaux et je vais appeler le programme 9, Affaires législatives. M. le député de Taillon.

M. Filion: Ce ne sera pas long.

Le Président (M. Marcil): Est-ce qu'il y a des députés qui veulent intervenir sur le programme 9?

Cela va? M. le ministre, programme 9. Adopté?

M. Filion: Vous êtes au programme 9, M. le Président?

Le Président (M. Marcil): Oui. Déréglementation

M. Filion: Je voudrais aborder, avec la permission du ministre et des membres de cette commission, la question de la déréglementation. En ce qui concerne la question de la déréglementation, promesse libérale véhiculée haut et fort...

M. Marx: De quel mandat s'agit-il?

M. Filion: Au mois de mars 1987, M. Reed Scowen, alors député de Notre-Dame-de-Grâce, avait dénoncé en public la piètre performance du gouvernement libéral en cette matière. Loin de diminuer, la réglementation continuait de s'accroître. Je cite le député de Notre-Dame-de-Grâce, je ne sais pas si le ministre va me dire que c'est partisan: "The Government, so far, has taken no steps to implement those recommendations. I am very disappointed. " L'objectif était de réduire le nombre de règlements de 25 %.

À l'étude des crédits l'an dernier, pour 1987-1988, le ministre de la Justice qui est encore devant moi disait avoir formulé des recommandations au Conseil des ministres pour réduire le nombre de règlements. Est-ce que le ministre de la Justice peut me dire, maintenant

que M. Scowen est en Angleterre, comment il se fait que strictement rien ne soit fait sur le plan de la déréglementation? Est-ce à dire que ce n'est plus une priorité pour le ministre? Si ce n'est plus une priorité pour le ministre, je pense que ce serait plus honnête de le dire au monde, parce que les milieux d'affaires, en particulier, ont attendu beaucoup de ce discours néo-conservateur sur la déréglementation et, au moment où l'on se parle, il n'y a toujours rien de fait. Je pourrais citer, M. le Président, des grands passages du document du Procureur général, mais je me suis refusé depuis le début, depuis...

M. Marx: À quel titre ai-je écrit cela?

M. Filion:... deux ans et demi, je me suis refusé de citer le ministre de la Justice dans son livre L'avenir de la justice au Québec parce que je ne finirais pas de le mettre en contradiction avec ses déclarations antérieures. J'avais choisi de tourner la page. Mais maintenant qu'il est en poste, je me rends compte que le ministre a également de la difficulté à tourner la page parce qu'il fait continuellement allusion au passé, soit pour citer ses deux gourous, MM. Bédard et Johnson, qui prennent parfois l'allure de modèles à imiter ou dont ils dénoncent leur inaction. Cela dépend de la façon dont il se sent cette journée-là et dans quelle situation il est placé.

Bref, pour terminer cette petite parenthèse...

M. Marx: J'ai subi les deux.

M. Filion:... comment le ministre de la Justice explique-t-il qu'en termes de déréglementation - on est en avril 1988, cela fait deux ans et demi qu'il occupe ce poste; en plus, il est ministre responsable de la Déréglementation, un chapeau de plus...

M. Marx: Le lieutenant-gouverneur a beaucoup confiance en mes capacités.

M. Filion: Je ne blâmerai d'ailleurs personne d'oublier que le ministre de la Justice est le ministre responsable de la Déréglementation. Il a tellement de chapeaux, qu'on oublie celui-là.

Bref, comment se fait-il qu'il n'y ait rien de fait en termes de déréglementation, que le nombre de règlements n'ait pas été diminué et qu'il est à peu près au même niveau qu'il l'était en décembre 1985?

M. Marx: M. le Président, en ce qui concerne le déréglementation, nous avons commencé dès notre arrivée au pouvoir avec un projet de loi, la loi 15, pour encadrer l'adoption des règlements. Je pense que...

M. Filion: C'était la loi 8 et non 15. M. Marx: Peut-être 8, oui.

M. Filion: il me semble que la Loi sur les règlements...

M. Marx: C'est 12, 15? C'est 12. M. Filion: C'est 12. Bon.

M. Marx: Ce n'étaient pas les "Dirty Dozen", c'était 12. Nous avons adopté la loi 12 pour faire en sorte que l'adoption des règlements et les règlements soient encadrés par une loi. C'est important d'avoir une certaine centralisation.

Deuxièmement, nous avons procédé à l'élagage des règlements inusités, inutiles, déjà abrogés, etc. Nous avons essayé de faire le ménage dans la réglementation. Nous sommes aussi en train de vérifier la conformité de toute notre réglementation avec les chartes. Nous avons l'intention de proposer un règlement à un moment donné pour faire en sorte que nos règlements soient eh conformité dans tous leurs aspects avec nos chartes.

Nous avons procédé aussi avec une certaine déréglementation sectorielle, qui dépend d'autres ministres comme, par exemple, en matière de transport. Je vois aussi que notre ministre délégué aux PME a procédé avec une certaine, entre guillemets, déréglementation en ce qui concerne la paperasse, mais il s'occupe de ce dossier.

Je peux conclure, M. le Président, en disant que nous avons fait un certain nombre de démarches. Si vous voulez dire qu'on n'est pas allés aussi loin que Mme Thatcher en Angleterre, je vous dis oui, merci. Mais je pense que nous avons fait un certain progrès. Le progrès qu'on fait n'est jamais assez pour le député de Taillon, même si ses gourous à lui, ses anciens chefs n'ont rien fait dans ce dossier. Je conviens que probablement nous n'avons pas fait assez de progrès. Mais qu'est-ce qui a empêché le gouvernement précédent, pendant dix ans, pas un, pas deux, pas trois, pas quatre, pas cinq, pas six, pas sept, pas huit, pas neuf, mais dix ans, d'adopter une loi sur les règlements? Ils n'ont rien fait.

Donc, nous avons procédé avec un certain nombre de réformes. Bien sûr, il y a encore des choses à faire dans ce dossier, mais je peux vous assurer que nous sommes au travail.

M. Filion: M. le Président, le plus drôle dans ce que dit le ministre, d'abord ce n'est pas une période de dix ans mais neuf ans.

M. Marx: C'était comme dix ans.

M. Filion: Deuxièmement, la grande différence, c'est que le Parti libéral a promis, a clamé sur tous les toits et probablement que les candidats qui se sont présentés à la dernière élection dont certains ont été élus députés, ont clamé qu'il y aurait une vaste entreprise de

déréglementation. Force est de constater, deux ans et demi plus tard, que le ministre est encore à l'étape de nous dire qu'il va peut-être faire quelque chose là-dessus.

Pour l'information du ministre de la Justice d'ailleurs, le ministre délégué aux PME a tout simplement dit qu'il entendait proposer des mesures concrètes. Mais, jusqu'à maintenant, if n'y a toujours rien de fait. Cela fait deux ans et demi et je suis forcé de constater que cet engagement électoral, comme beaucoup d'autres d'ailleurs du Parti libéral, n'a pas été suivi.

Dans le même programme...

M. Marx: Non, cela a été suivi, mais pas à votre satisfaction.

M. Filion: Bien non. Le nombre de règlements est le même. La loi 12, malgré que...

M. Marx: M. le Président, je ne comprends pas du tout. On a dit qu'on veut légiférer moins mais mieux. Quand on légifère moins, ils nous disent qu'on ne légifère pas assez. Quand on adopte moins de règlements, ils disent qu'il faut en adopter plus. Quand on dépose moins de projets de loi, Ils disent qu'on n'a rien à faire ici parce que l'Opposition pense que l'Assemblée nationale est une machine à adopter des lois. Quoi qu'on fasse, le député de Taillon va nous critiquer, je pense.

M. Filion: La population du Québec...

M. Marx: Le problème avec le député de Taillon, ces jours-ci, comme il l'a fait au début - au début il était comme cela - c'est qu'il ne dit jamais qu'on a fait un bon coup dans un dossier ou dans un autre. Moi, j'ai toujours dit...

M. Filion: Attendez, j'ai un dossier, un programme un peu plus loin.

M. Marx: ...au ministre dont j'étais le critique qu'il faisait de bons coups et c'est pourquoi il m'arrive de temps en temps de parler de mes prédécesseurs et de souligner les bons coups qu'ils ont faits.

M. Filion: Le ministre oublie. Il a fait des bons coups comme beaucoup. Il en a fait quand on a étudié le projet de loi 92. J'ai eu l'occasion de féliciter...

M. Marx: Dans le comté de...

M. Filion: ...non seulement le ministre, mais son équipe, etc.

M. Marx: Je commence à comprendre. Continuez.

M. Filion: J'ai eu l'occasion de dire au ministre que c'était une bien bonne chose aussi d'avoir une ligne téléphonique pour les femmes violentées, sauf que des centres de femmes il y en a 80. Je pense que le ministre confond un peu parce que c'est lui qui a été élu...

M. Marx: J'aime qu'on me rappelle ces bons coups du député de Taillon.

M. Filion: ...à la dernière élection. C'est lui qui est ministre de la Justice. C'est eux qui ont promis la déréglementation.

M. Marx: On le fait.

M. Filion: Cela fait deux ans et demi et il n'y a rien de fait. Le nombre de règlements est au même niveau. C'est simple, il me semble. Ce n'est pas le député de Taillon qui a promis cela. Quand j'ai fait le tour, je n'ai pas parlé de déréglementation, et cela ne faisait pas partie de la campagne électorale du Parti québécois, sauf qu'on a dit que ce serait une bien bonne chose. Mais eux en ont fait un point fort d'ailleurs dans leur campagne électorale. Il faut être conséquent, sinon on crée des expectatives. Quand on crée des expectatives qui ne sont pas remplies, on crée de la frustration, et c'est le cas des gens d'affaires actuellement au Québec.

M. Marx: M. le Président, il a dit: Les gens d'affaires sont frustrés. Ils nous appuient à 90 %. Les gens qui nous appuient à 90 % sont loin d'être frustrés. Combien le Parti québécois a-t-il recueilli lors de sa campagne de financement? C'est 500 000 $.600 000 $?

M. Filion: Nous, ce ne sont pas les conseils municipaux qui donnent l'argent.

M. Marx: C'est 600 000 $? Nous avons recueilli plus de 7 000 000 $, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Si vous voulez revenir à l'engagement 9, on va laisser de côté les campagnes de financement.

M. Filion: Je pense que le ministre aimerait que je parie des dîners à 1000 $.

M. Marx: Bien oui.

M. Filion: J'ai fait des petites activités dans mon comté. Cela coûtait 7,50 $ mes brunchs.

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Marcil): C'est bien cela. Je voudrais qu'on revienne à l'engagement... M. le ministre. Je ne veux pas...

M. Filion: On recueille moins, mais on n'a pas besoin de 7 000 000 $. De toute façon, on ne peut pas dépenser 7 000 000 $ dans une élection.

Le Président (M. Marcil): On revient à l'engagement 9. Le programme 9.

M. Filion: Au programme 9, je voudrais exposer quelque chose au ministre.

M. Marx: Les gens sont tellement heureux dans mon comté qu'ils nous envoient des chèques sans qu'on fasse quoi que ce soit.

M. Filion: Je voudrais exposer quelque chose au ministre sur l'engagement 9, bien tranquillement. Il se fait tard, n'est-ce pas? Mais j'aimerais avoir l'attention du ministre.

M. Marx: Oui.

Compagnies de remorquage

M. Filion: il y a une situation à Montréal où plusieurs entreprises propriétaires font appel à des firmes privées pour faire remorquer les voitures qui se trouvent sur leur terrain de stationnement.

M. Marx: Oui, oui, j'écoute.

M. Filion: D'accord. Il y a un jugement qui a été rendu, qui a été porté en appel, certes, mais il y a un jugement qui a été rendu, et l'état de la jurisprudence, à ma connaissance, est le suivant: On ne peut pas forcer un individu dont la voiture a été remorquée à payer à l'entreprise le remorquage parce qu'il n'y a pas de lien entre les deux. Il n'y a pas de lien de droit entre le propriétaire de la voiture remorquée et l'entreprise de remorquage. Je ne sais pas si certains d'entre vous avez vécu l'expérience, mais le fait de payer pour obtenir sa voiture, c'est, selon l'état de la jurisprudence, illégal. Je suis sûr qu'il ne m'a pas entendu.

M. Marx: Oui, oui. Je connais le dossier, M. le Président, je vous assure. Je l'ai étudié toute la nuit. (17 h 15)

M. Filion: Bon! Il y a une compagnie de remorquage, qui a été condamnée à 25 000 $ d'amende pour vol et méfait. Or, ce qui arrive, c'est que les citoyens ignorent, d'abord, qu'ils ne sont pas obligés de payer à l'entreprise de remorquage. Si un individu stationne, par mégarde ou simplement par insouciance sa voiture, dans une espèce de parc d'automobiles et qu'il veut ravoir son automobile, donc, selon l'état de la jurisprudence - là vous me corrigerez - il n'est pas obligé de payer. Il paie quand même parce qu'il ne sait pas. Écoutez, c'est une industrie. Cela coûte des bidous de sortir sa voiture du terrain de stationnement. Le ministre ou le ministère se sont-ils penchés sur cette problématique? Le ministre ou le ministère ne croient-ils pas qu'il serait opportun de déposer une loi pour couvrir ces cas qui se trouvent dans des zones grises? Dans le droit civil, c'est compliqué, il y a le mandat de dépôt, etc., c'est-à-dire le contrat de dépôt. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de clarifier la situation une fois pour toutes, empêcher des incidents où des voies de fait ont été commis, dans certains cas? La frustration est assez élevée, l'émotion est à son comble quand la personne ne retrouve pas sa voiture, de sorte qu'il y a eu des voies de fait, dans certains cas, qui ont été appliquées. On est civilisés un petit peu au Québec. Alors, premièrement, est-ce que le ministre ou le ministère s'est penché sur cette problématique? Deuxièmement, est-ce qu'il a l'intention de déposer une loi ou, en tout cas, de prendre une mesure claire pour aviser, d'abord, les citoyens de leurs droits et, deuxièmement, de clarifier peut-être, s'il en reste, les zones grises de ce dossier?

M. Marx: En ce qui concerne le remorquage, M. le Président, la ville de Montréal a adopté un règlement...

M. Filion: Oui, cinq kilomètres.

M. Marx:... portant notamment sur la distance maximale et pour l'affichage adéquat et la délivrance des permis.

En ce qui concerne l'Office de la protection du consommateur - j'ai déjà dit cela à l'Assemblée nationale et comme on me pose la même question, je donne la même réponse - a porté plainte contre certaines compagnies en vertu de l'article 33 de la Loi sur le recouvrement de certaines créances. Je pense que l'intimidation a été plaidée. Cette question est devant les tribunaux et on attend la décision avant de prendre les mesures qui s'imposent. Étant donné qu'on a plaidé devant les tribunaux pour voir si la loi actuelle répond aux besoins dans ce dossier, avant de légiférer, je pense qu'il est mieux d'avoir la décision des tribunaux...

M. Filion: En tout cas...

M. Marx:... et non pas légiférer chaque fois qu'on intente une action. Avant de légiférer, il faut peut-être voir si la loi actuelle est adéquate. Je comprends que le député de Taillon désire qu'on dépose un autre projet de loi parce qu'il veut qu'on en dépose davantage. Je pense qu'il est normal qu'on attende la décision des tribunaux avant de légiférer et chaque fois que quelqu'un soulève un problème, on ne doit pas aller devant l'Assemblée nationale au lieu d'aller devant les tribunaux. Comme vous le savez, nous ne déposons pas de projets de loi omnibus, fourre-tout, comme le précédent gouvernement; ils avaient deux projets de loi par année: un projet de loi omnibus justice et un autre projet de loi omnibus gouvernemental. Comme on ne le fait pas, il n'est pas question de procéder sans avoir les décisions des tribunaux.

M. Filion: Le problème que soulève ce genre d'attitude, c'est qu'il va peut-être falloir attendre un jugement final de la Cour suprême. Or, entre-temps, il y a plusieurs incidents qui se produisent, quotidiennement. Même on rapporte - on n'a qu'à lire les journaux - dans La Presse du 17 mars...

M. Marx: Non, mais...

M. Filion: ...laissez-moi terminer, on rapporte qu'il y a un gros doberman qui est à la porte du parc de stationnement des voitures remorquées. Il y a eu des voies de fait, je l'ai signalé. Il y a un individu qui s'est mis devant la voiture de remorquage pour l'empêcher d'avancer et, finalement, le camion a passé sur le pied du citoyen, etc. En deux mots, est-ce qu'il est nécessaire d'attendre qu'à un moment donné il survienne un décès? Encore une fois, je le soulève, c'est un problème où l'émotivité est un peu plus élevée qu'ailleurs. En matière de remorquage, les gens au Québec, on le sait, tiennent beaucoup à leurs voitures. Alors, est-ce que le ministre ne croit pas qu'il ne faudrait pas attendre durant trois, quatre, cinq ou six ans après un jugement final d'une Cour supérieure? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de regarder cela et d'agir immédiatement, en clarifiant certaines zones grises du droit qui pourraient porter à confusion et faire croire qu'il y a apparence de droit dans certains cas, etc.?

M. Marx: M. le Président, si on doit légiférer chaque fois que quelqu'un veut clarifier le droit devant les tribunaux, on n'aura pas assez de jours durant une année pour le faire.

M. Filion: Bien non, je ne parle pas de chaque fois, je parle de ce cas-là.

M. Marx: il parle de ce cas-là.

M. Filion: Je ne vous demande pas 28 lois...

M. Marx: Bien, pourquoi ce cas?

M. Filion: ...par année.

M. Marx: Tout ce que le député a dit est exact, sauf sur un point. Le point qu'il a soulevé est: Est-ce que vous allez attendre la décision de la Cour suprême du Canada? Vous savez que nous sommes intervenus dans beaucoup de lois après une décision de la Cour provinciale, de la Cour supérieure, de la Cour d'appel. Ce n'est pas nécessaire d'attendre la Cour suprême du Canada dans chaque dossier. De tout évidence, il est bien possible que la Cour suprême refuserait d'entendre une cause qui porte sur une telle question, mais je pense qu'on suit de très près le dossier. On va prendre les mesures qui s'imposent quand ce sera nécessaire de les prendre.

L'Office de la protection du consommateur suit le dossier de très près aussi.

Vous savez, M. le Président, j'ai pris quatre engagements en ce qui concerne la protection du consommateur. J'ai déjà rempli trois de ces engagements et il m'en reste un autre que j'aimerais remplir aussitôt que possible.

Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le ministre. Est-ce que cela va pour le programme 9?

Révision des lois à la suite de l'accord du libre-échange

M. Filion: J'ai un autre sujet à aborder là-dessus, toujours dans le programme 9. On sait qu'il y a eu un accord important qui a été signé, l'accord du libre-échange. L'avènement du libre-échange devra entraîner une révision en profondeur de nos lois qui pouvaient avoir une incidence sur le commerce.

Le fédéral a déjà commencé à se livrer à cet exercice et le Québec a annoncé son intention de se livrer à un exercice semblable, je pense, lors de la commission parlementaire que nous avons eue avec le ministre du Commerce extérieur et le premier ministre.

Je voudrais savoir premièrement si c'est le ministère de la Justice qui est responsable de cet exercice.

M. Marx: De l'exercice de?

M. Filion: Deuxièmement, quel est l'échéancier de travail de cette grande opération de concordance?

M. Marx: On ne fait pas cela. On a une loi qui fait cela.

M. Filion: Troisièmement, si les conclusions seront rendues publiques et quand nous pourrons les espérer.

M. Marx: C'est-à-dire qu'il y a un dossier au ministère, en concertation avec les autres ministères en ce qui concerne le dossier du libre-échange. Et il y a beaucoup d'études qui se font, toujours, au ministère de la Justice sur toute question, mais nous sommes loin d'une loi.

M. Filion: Quel est l'échéancier? Est-ce que le ministère est le maître-d'oeuvre de cette opération?

M. Marx: Bien, on fait des études au ministère de la Justice comme on en fait ailleurs au gouvernement sur cette question. C'est sûr qu'on veut se mettre à jour. Si c'est nécessaire de légiférer, on sera prêts.

M. Filion: Qui a la responsabilité de l'opération de concordance des lois?

M. Marx: Bien, quand il s'agit de quelque chose qui touche le jurisconsulte, c'est toujours le ministère de la Justice. Quand il s'agit de l'ensemble des lois, normalement, dans ce dossier comme dans tout autre dossier, c'est le ministère de la Justice, quoique souvent on joue un rôle de coordination avec d'autres ministères. Si cela touche le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministère des Transports et d'autres ministères, c'est nous qui ferons la coordination, comme on a fait dans la loi 92, par exemple. La loi 92 que nous avons déposée pour mettre en conformité toutes les lois avec les chartes, c'est nous qui avons piloté ce projet, mais on a fait cela en collaboration avec tous les ministères.

M. Filion: Quelle est l'échéancier de travail du ministère?

M. Marx: C'est-à-dire qu'on va être prêts quand ce sera nécessaire d'être prêts. Je pense que c'est assez précis. Comme pour les scouts.

M. Filion: Est-ce qu'il y aura des consultations qui seront faites à l'extérieur du gouvernement.

M. Marx: Cela veut dire des consultations publiques? Avec qui?

M. Filion: Non, mais est-ce qu'il y a des consultations qui sont faites avec des organismes?

M. Marx: Bien, nous faisons des consultations avec les ministères. Nous travaillons en collaboration avec les ministères du gouvernement. Je pense que le député de Taillon a vu un article dans Le Soleil sur cette question et j'imagine que c'est cela qui...

M. Filion: Le libre-échange est un petit peu important pour le Québec.

M. Marx: Tout est important. Parfait.

M. Filion: Je pense qu'on n'a pas besoin de lire d'articles dans les journaux...

M. Marx: Cela aide.

M. Filion: Le ministre manifestement était plus ou moins au courant. En tout cas. Il y a là une opération fondamentale.

M. Marx: Plus ou moins, cela veut dire quoi?

M. Filion: Cela veut dire modifier des lois qui gouvernaient...

M. Marx: Oui, on n'a pas...

M. Filion: - Laissez-moi terminer - les lois qui gouvernaient un peu nos habitudes commerciales.

M. Marx: Oui, mais je vais...

M. Filion: Cela veut dire des changements dans les habitudes commerciales, dans les lois dans ce secteur. C'est comme un petit peu important.

M. Marx: Mais on...

M. Filion: M. le ministre...

M. Marx: Non, mais M. le Président...

M. Filion: ...me dit: L'échéancier va être prêt quand il le faut, etc.

M. Marx: Mais on sera prêts quand il sera nécessaire de l'être. Cela veut dire qu'on n'a pas de projet de loi en ce moment, on n'a pas de projet, de mémoire, pour modifier nos lois. Je ne peux pas être plus précis que cela sur une question imprécise.

Les journalistes et la justice

M. Filion: Cela va là-dessus. Toujours dans ce programme, j'espère que le ministre aura fait ses devoirs cette fois-ci. Je voudrais parler au ministre du rapport Ducharme...

M. Marx; Je connais bien cela, M. le Président.

M. Filion: - Laissez-moi terminer - sur les journalistes et la justice. Le fond du problème est le suivant: Le journaliste doit-il se taire pour protéger ses sources ou doit-il aider la justice à voir plus clair dans une affaire? Aux crédits 1987-1988, le ministre nous avait dit - cela fait déjà un an - qu'il était en consultation et en discussion là-dessus. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec est revenue à la charge auprès du ministre durant cette dernière année pour lui demander de faire diligence et de procéder rapidement avec des amendements à la Loi sur la presse. Le ministre nous a toujours répondu que son projet est en consultation.

Je pense que cela vaut la peine de rappeler les grandes lignes des recommandations du rapport Ducharme. Le rapport Ducharme suggérait que, dans les matières provinciales, on reconnaisse aux journalistes une immunité relative par l'insertion dans la loi québécoise de la disposition suivante: "Le journaliste qui participe à la recherche d'informations pour le compte d'une entreprise de presse ne peut être contraint de témoigner sur les faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de cette fonction, ni de divulguer la source de son information. De même la personne qui a en sa possession, pour le compte

d'une entreprise de presse du matériel journalistique concernant de tels faits, ne peut être contrainte de la produire. Toutefois - et cela c'est important, toujours dans la recommandation du rapport Ducharme - cette immunité cesse lorsqu'une partie démontre que la preuve de ces faits revêt une importance déterminante pour la solution du litige et qu'elle ne peut raisonnablement être obtenue autrement que par le témoignage du journaliste sur la production du matériel journalistique." Il y a d'autres volets aux recommandations du comité Ducharme. Ma question est précise, on sait qu'elle est toujours d'actualité, on n'a qu'à penser, par exemple, à l'affaire Lester, le journaliste de Radio-Canada. Quelles mesures...

M. Marx: Quels sont les faits dans l'affaire Lester?

M. Filion: Des faits... Peu importe les faits. M. Marx: C'est ce qui est important.

M. Filion: Je vous dis que c'est encore d'actualité.

M. Marx: Voulez-vous me répéter...

M. Filion: Tous les trois mois, M. le ministre.

M. Marx: Est-ce que le député peut demander à son recherchiste des faits?

M. Filion: Oui. Si le ministre veut utiliser les gens qui l'entourent, on va lui faire le "briefing" de l'affaire Lester.

M. Marx: Non, je pense que l'affaire Lester va démontrer que tout ce que le député de Taillon demande sera inefficace. C'est le problème.

M. Filion: Vous êtes en train de me dire que vous avez rejeté les recommandations du rapport Ducharme?

M. Marx: Non, je n'ai rien rejeté. Je vais vous expliquer le problème.

M. Filion: Expliquez-moi surtout ce que vous entendez faire. (17 h 30)

M. Marx: C'est cela. M. le Président, le problème avec les médias qu'on relève dans les journaux, c'est qu'il y a des saisies faites en vertu du Code criminel, des films pris par des équipes de postes de télévision. D'accord? Le projet de loi qu'on pourrait déposer à l'Assemblée nationale ne couvrira pas une telle éventualité parce que nous avons compétence seulement en matière pénale provinciale et par matière civile. En ce qui concerne la question soulevée par le député de Taillon, c'est surtout en matière criminelle qu'il y a des problèmes. Ce serait plutôt au gouvernement fédéral de régler ce problème parce que nous ne pouvons pas régler ce problème. Je comprends qu'il y avait des éditoriaux sur cette question dans l'affaire Lester ou dans d'autres affaires. Des éditorialistes ont écrit que c'est à l'Assemblée nationale d'intervenir et de régler ce problème. Mais, malheureusement, l'Assemblée nationale n'a pas la compétence voulue parce qu'il s'agit d'un domaine de droit criminel. C'est au fédéral de légiférer dans ce dossier.

M. Filion: M. le ministre.

M. Marx: Cela veut dire qu'on peut faire des pas, des immunités en matière de droit pénal provincial, en matière de droit civil, mais cela ne va pas régler le problème qui est soulevé trois fois par année, cinq fois par année dans les journaux en ce qui concerne l'immunité des journalistes face aux saisies en vertu du Code criminel. C'est cela, le problème.

M. Filion: Alors, le ministre ne m'a pas écouté tantôt.

M. Marx: Bien oui.

M. Filion: J'ai spécifiquement dit que le rapport Ducharme, bien sûr, et ses recommandations traitait des matières provinciales, donc sur la juridiction du ministre de la Justice. Donc, lorsque le ministre dit qu'on ne peut rien faire, ce n'est pas vrai. On peut agir en matière pénale, premièrement. Deuxièmement, le ministre de la Justice est convoqué à des conférences fédérales-provinciales, il est en contact avec son homologue fédéral et il lui est loisible et facile de faire des représentations auprès de son homologue fédéral pour que des modifications soient apportées au Code criminel. On le sait, le ministre de la Justice a été impliqué, a été consulté sur le projet de loi fédéral concernant l'avortement. Il a participé à une conférence fédérale-provinciale et il a donné à ce moment-là son point de vue qui est comme le secret de Fatima. Donc, premièrement, il peut agir en matière pénale et, deuxièmement, il peut agir également en faisant des recommandations à son homologue fédéral qui est responsable, on le sait, du Code criminel. Alors, ma question, donc, au ministre de la Justice dans ces deux secteurs-là: Qu'est-ce que le ministre entend faire pour donner suite... L'an dernier, il y a un an, il me disait: On est en consultation. Cette année, il semble me dire: On ne veut rien faire. Alors, moi, je lui pose à nouveau la question: Qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire concrètement pour donner suite au rapport Ducharme?

M. Marx: On est encore en consultation

avec des personnes intéressées et tout ce que je peux dire au député, c'est que le dossier est loin d'être classé. En ce qui concerne mon homologue fédéral, malheureusement il ne m'écoute pas en ce qui concerne tous les dossiers. Le député de Taillon a fait l'erreur de dire qu'il m'a consulté sur un projet de loi sur l'avortement. Le député de Taillon peut faire une manchette avec cela, mais, que je sache, le fédéral n'a pas de projet de loi sur l'avortement, du moins, moi, je n'ai pas vu le projet de loi.

M. Filion: Un projet de loi éventuel.

M. Marx: J'ai déjà dit en Chambre, M. le Président, que j'ai été à la conférence et, lors de la discussion sur ce sujet, quoiqu'on ait discuté sur beaucoup d'autres sujets, j'ai dit que j'ai décrit la situation juridique au Québec. Le député a dit à l'époque que j'aurais pu faire cela par courrier. Il a raison. Mais j'ai assisté à une conférence qui a touché beaucoup de sujets et cela aurait été impossible pour moi de couvrir tous les sujets par une lettre; donc, j'ai assisté à la conférence. Cette question a été soulevée et j'ai décrit la situation juridique au Québec. J'imagine que le député de Taillon est tout à fait à l'aise et appuie le ministère de la Justice dans ses démarches dans ce dossier.

M. Filion: Revenons au rapport Ducharme.

M. Marx: Je n'ai jamais entendu une critique du député de Taillon en ce qui concerne nos agissements dans le dossier qu'il a soulevé.

M. Filion: Là, c'est le rapport Ducharme. Moi, j'aimerais que vous alliez de l'avant.

M. Marx: Est-ce que j'ai le droit de poser des questions au député de Taillon, M. le Président?

M. Filion: Oui. J'ai le droit de lui répondre ou de ne pas lui répondre. C'est cela, la différence.

M. Marx: Bon, parce que je pense que...

M. Filion: Si vous m'en posez trop, cela ne marchera plus, parce que c'est vous qui êtes au pouvoir.

M. Marx: Parce que ce serait... De temps en temps, j'ai...

M. Filion: La démocratie s'est exercée. Je vis bien avec cela. J'aurais aimé un résultat différent, mais c'est vous qui êtes là.

M. Marx: Cela va venir. C'est juste une question de temps. La fin du siècle arrive.

M. Filion: Je sais que vous avez été bien patient. Mais, en ce qui concerne le rapport Ducharme, le dossier est loin d'être clos. Est-ce qu'on peut s'attendre à une action législative en matière pénale ou une action administrative avec votre homologue fédéral, une lettre, quelque chose pour...

M. Marx: Honnêtement, M. le Président, en ce qui concerne le gouvernement fédéral, c'est fort possible qu'une telle question soit discutée lors d'une conférence fédérale-provinciale, mais il arrive que mes homologues ne soient pas prêts à discuter une question ou ne soient pas prêts à agir sur une question. Donc, nous avons l'impression qu'il faut traiter. Cela arrive souvent.

M. Filion: Est-ce que le ministre est conscient de l'effet d'entraînement, l'effet didactique que pourrait avoir une loi provinciale en matière pénale sur d'éventuelles modifications au Code criminel? En deux mots, si Québec prenait de l'avance pour s'occuper de ses oignons en matière pénale, pour couvrir et appliquer des recommandations du rapport Ducharme en matière pénale provinciale, est-ce qu'il est conscient de l'effet que cela pourrait avoir sur d'autres provinces et possiblement sur le Code criminel?

M. Marx: il y a une différence entre le meurtre...

M. Filion: Oui, oui.

M. Marx: ...et un billet de stationnement.

M. Filion: Oui, mais le rapport Ducharme tient compte des nuances qu'il faut apporter...

M. Marx: Non, non, je comprends.

M. Filion: Je l'ai cité tantôt. Je peux le citer à nouveau au ministre.

M. Marx: Non, non. Je connais bien le dossier. Il y a des lois en Autriche, dans certains États des États-Unis, en Allemagne, je pense. Il y a un certain nombre de pays qui ont une législation plus ou moins bien faite. Mais je peux dire au député que le dossier est loin d'être classé. On va donner suite à ce dossier dans la mesure du possible. On ne peut pas me demander de faire presque l'impossible.

M. Filion: Vous avez dit cela, il y a un an. Il y a deux ans, en fait, vous m'aviez dit cela également.

M. Marx: Mais je pense que nous sommes encore en consultation avec certaines personnes qui sont intéressées...

M. Filion: Cela dure longtemps. M. Marx: ...par ce dossier.

M. Filion: Des consultations qui perdurent. En tout cas, quant à nous, nous le faisons formellement. Le ministre n'a pas saisi notre appel l'an dernier et l'autre année avant. Il faudrait sortir ce rapport des tablettes et agir. Ce n'est pas une matière extrêmement complexe. Il faut juste y faire son nid. Le ministre nous dit: On est en consultation. Ce n'est pas possible que des consultations durent depuis deux ans et demi, quand même.

M. Marx: Deux ans et demi, non. On n'a pas commencé...

M. Filion: Cela fait deux ans et demi que vous êtes là et je vous en ai parlé la première fois, il y a deux ans, en tout cas.

M. Marx: À moi ou à quelqu'un d'autre?

M. Filion: On en avait parlé ensemble. Pardon?

M. Marx: À moi ou à quelqu'un d'autre?

M. Filion: Non, non, c'est vous. Vous avez toujours été titulaire du ministère de la Justice, M. le ministre.

M. Marx: Bon.

M. Filion: Le chapeau de Solliciteur général est venu après, mais celui du ministère de la Justice est là depuis le début.

M. Marx: Quand il fait froid en hiver, cela prend deux chapeaux.

M. Filion: Ce n'est pas ce que vous disiez quand vous étiez dans l'Opposition. Vous décriiez le nombre de chapeaux sur la tête de vos homologues.

M. Marx: Mais, M. le Président, il faut que j'explique pour la nième fois la situation.

M. Filion: Non, mais cela va.

Le Président (M. Marcil): Non, non, s'il vous plaît, M. le ministre!

M. Filion: Parce que cela me force.

M. Marx: À force de répéter cela, le député de Taillon fait un peu de progrès.

Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, M. le ministre! On n'est pas trop sur le sujet.

M. Marx: Voilà, M. le Président, j'ai compris. C'était une blague, la question que le député a soulevée.

Le testament biologique

M. Filion: Avant de passer au programme suivant, juste une question rapide pour savoir si le ministère a étudié la question du testament biologique. On sait qu'il y a des gens qui... D'abord, on connaît l'affaire Quinlan aux États-Unis où une personne a été maintenue en vie artificiellement pendant une dizaine d'années, sauf erreur, en tout cas, assez longtemps. Ici, au Québec, il y a un mouvement qui s'est créé. Le mouvement s'appelle: Mourir dans la dignité. Il y a 40 000 formulaires qui ont été distribués. Alors, le fond du problème, ce sont des gens qui veulent mourir dans la dignité - le mot le dit - mais qui veulent ne pas être maintenus en vie artificiellement, qui veulent que leurs derniers jours soient des plus sereins possibles et qui s'opposent donc à ce qu'ils appellent l'acharnement thérapeutique pour le maintien en vie. De là, il y a des espèces de formulaires qui ont été distribués. Cela a commencé aux États-Unis, etc. J'avoue que cela pose des problèmes d'ordre moral important que je ne nie pas. Ce n'est pas comme la question du remorquage sur laquelle le ministre pourrait agir rapidement. Je voudrais simplement savoir du ministre de la Justice si son ministère s'est penché sur cette question du testament biologique et si on peut espérer une prise de position quelconque du ministre de la Justice.

M. Marx: Je pense que le moment propice pour soulever une telle question était lors de l'étude de la loi 20, qui touche les personnes, les successions et ainsi de suite, parce que la loi 20 a été adoptée. Mais, lors de l'étude article par article du Code civil - espérons que ce sera l'an prochain - il sera possible de soulever cette question une autre fois. Mais nous avons adopté la loi 20, qui touche les personnes et les successions. J'étais en commission parlementaire à l'époque. Je ne me souviens pas avoir entendu des gens soulever cette question à l'époque. C'était il y a quelques années déjà. Mais nous sommes disposés à étudier cette question, comme celle qui a été étudiée et dont on a fait état dans les journaux, les nouvelles technologies...

M. Filion: De reproduction.

M. Marx: ...de reproduction. C'est un autre dossier très nouveau, si vous voulez.

M. Filion: Est-ce qu'il y a un comité qui étudie cela au sein du ministère de la Justice?

M. Marx: Sur le...

M. Filion: Sur la reproduction, oui.

M. Marx: Cela, oui.

M. Filion: Mais sur le testament biologique?

M. Marx: Sur le testament biologique, c'est sûr que nous avons des études, parce que nous avons des études sur presque tous les sujets. Mais je peux m'informer pour savoir où on en est dans la réflexion sur ce dossier.

M. Filion: Bon! le ministre pourra m'en faire part autrement que par des voies formelles, l'idée étant, bien sûr,...

M. Marx: Ce n'est pas dans mes priorités, mais je vais m'informer.

M. Filion:... que le Code civil ne fait pas partie des dix commandements. J'ai toujours pensé que la loi 20 n'était pas une table de Moïse. Il y a des événements qui surviennent. La société évolue.

M. Marx: Ce ne sont pas des lois marxistes.

M. Filion: Les lois doivent évoluer. Le testament biologique en est une forme. Cela existe déjà dans plusieurs États américains. Bon! J'attire l'attention du ministre là-dessus.

M. Marx: La question est simplement celle-ci, sans avoir réfléchi trop. Aux états-Unis, les États ont la compétence en matière civile et criminelle, ici, on a seulement la compétence en matière civile. Cela peut avoir des implications dans le droit criminel, non?

M. Filion: Non. Le testament biologique n'aurait pas d'implication au niveau criminel. Je pense que c'est, à mon sens en tout cas, une matière surtout civile.

M. Marx: Vous pensez que c'est strictement au civil?

M. Filion: À mon point de vue, oui. Je ne parle pas de l'euthanasie...

M. Marx: Non, non, je ne parle pas...

M. Filion:... comme telle...

M. Marx:... de "déploguer" quelqu'un.

M. Filion:... qui est une problématique qui peut soulever des matières pénales ou criminelles.

Mais je parte uniquement du testament biologique.

M. Marx: On va étudier cela. On va voir où nous en sommes dans ce dossier. On va vous faire état de cela.

M. Filion: D'accord. Alors, cela va.

Le Président (M. Marcil): Cela va? Le programme 9 est adopté?

M. Filion: Adopté.

Le Président (M. Marcil): J'appelle le programme 10.

Affaires criminelles et pénales

M. Filion: En ce qui concerne le programme 10, j'ai traité ce matin de la question de la loi 101. Je n'y reviendrai pas.

M. Marx: Pourquoi pas?

M. Filion: Avez-vous des informations additionnelles?

M. Marx: Non, mais je veux avoir des questions.

M. Filion: Êtes-vous capable d'expliquer pourquoi il y aurait seulement 39 % des dossiers qui ont fait l'objet de poursuites devant les tribunaux?

M. Marx: Bien, je vous ai déjà dit ce matin que, pour les autres dossiers, il y en a un certain nombre qui sont à l'étude. Donc, il ne faut pas exclure qu'il y ait d'autres poursuites.

Le Président (M. Marcil): Essayez d'éviter, M. le ministre, de reprendre les débats de ce matin, s'il vous plaît.

M. Filion: Je voudrais aborder avec le ministre la question de la violence faite aux vieillards.

M. Marx: Oui.

M. Filion: C'est une problématique, encore une fois, qui... Quand je disais dans ma présentation de ce matin que l'image de la justice était détériorée au Québec et qu'une des façons de l'améliorer était justement d'introduire des mesures qui soient administratives ou législatives visant non pas toujours à réparer les pots cassés et attendre que les pots soient totalement cassés pour intervenir, mais aussi des mesures d'ordre préventif. Exemple: la violence conjugale. Les statistiques sont effarantes et on est intervenu un peu après coup. Dans le cas de la violence faite aux vieillards... (17 h 45)

M. Marx:... après coup.

La violence faite aux vieillards

M. Filion: Dans le cas de la violence faite aux vieillards, il s'agit un petit peu de la même problématique que la violence conjugale. Les victimes sont démunies, il va sans dire. Souvent elles sont presque prisonnières d'un milieu de vie qui ne leur permet pas beaucoup d'accès à

l'extérieur. C'est un type de violence qui, comme la violence conjugale, peut être physique ou morale, mais on abuse systématiquement de la faiblesse de la victime. Alors, je voudrais savoir - il y a de longues analyses qui ont été faites dans les journaux, notamment dans Le Quotidien du 26 mars, dans Le Droit du 14 janvier, dans La Presse aussi - si le ministère s'est penché sur cette problématique de la violence faite aux vieillards et quelles sont les mesures que le ministère entend mettre de l'avant pour empêcher que le problème devienne aussi énorme peut-être que celui de la violence conjugale.

En ce qui concerne la violence conjugale; le ministre le sait, une femme sur dix ou sur huit est victime de violence conjugale, quarante-huit pour cent des meurtres sont des drarrçes familiaux, conjugaux et passionnels; de ce nombre soixante-dix-huit sont des femmes tuées, etc. Bref, le problème est énorme.

M. Marx: C'est des ...

M. Filion: Cela vient du ministère.

M. Marx: Ah! du ministère, d'accord.

M. Filion: C'est une bonne source. Bref, ce que je voudrais savoir du ministre, en ce qui concerne la violence faite aux vieillards, je reviendrai sur la violence conjugale tantôt, c'est si le ministre a l'intention de faire en sorte qu'on se penche sur cette réalité, sur ce phénomène, avant qu'on attende les manchettes dans les journaux ou qu'on attende que carrément le problème devienne très aigu.

M. Marx: Je ne peux pas attendre notre vieillissement. Je pense qu'il y a trois points. Premièrement, il y a bien sûr, le Code criminel et nos lois. Il y a non seulement les lois d'ordre pénal ou criminel, mais il y a aussi la Loi sur la curatelle publique, qui est importante en ce qui concerne les personnes du troisième âge. Les lois s'appliquent et nous sommes en train de les revoir et de faire des réformes dans celles qui sont sous notre juridiction.

Deuxièmement, j'ai déjà mentionné ce matin que nous avons l'intention d'établir des centres locaux d'aide aux victimes d'actes criminels, c'est-à-dire qu'il va y avoir des centres au Québec qui vont aider les vieillards victimes d'actes criminels. Par exemple, si un vieillard subit un vol par effraction, on va l'aider à changer la serrure, on va lui donner une certaine information, faire le rapport aux assurances, expliquer que cela ne va pas nécessairement se reproduire, lui donner un certain réconfort, et ainsi de suite. Donc, je ne peux pas annoncer ici ce qu'on va avoir dans le projet de loi, mais je suis convaincu que le député de Taillon est prêt à attendre encore une couple de semaines pour voir ce projet de loi.

Troisièmement, la ministre de la Santé et des Services sociaux va nous sortir un rapport sur toute la question bientôt et on va prendre nos responsabilité face aux recommandations qu'on va faire dans ce rapport.

Bon, M. le Président, étant donné que le député de Taillon n'est pas ici, moi je propose qu'on...

Le Président (M. Marcil): Mme la député de Groulx...

Une voix: il revient.

Le Président (M. Marcil): Juste avant, Mme la députée de Groulx, s'il vous plaît?

Mme Bleau: Moi, M. le ministre...

M. Marx: ...qu'on mette fin à cette séance.

Mme Bleau: M. le ministre, vous avez parlé de votre...

M. Marx: ...sauf si on donne la permission aux recherchistes des députés de parier, je n'ai pas d'objection.

Le dédommagement des victimes d'actes criminels

Mme Bleau: ...on a parlé de la nouvelle loi pour les victimes d'actes criminels que vous devriez faire adopter cet automne, je pense. Cette loi, je pense qu'elle est attendue. Moi, en tout cas, j'ai une couple de cas dans le comté où des gens ont été victimes d'actes criminels et ont bien de la difficulté à faire reconnaître leurs droits. En tout cas, moi, j'ai un cas que je vais soumettre à votre bureau pas plus tard que demain. Si on avait ce projet de loi le plus vite possible pour qu'on n'ait pas besoin de faire de semblables démarches, je pense que... Au moment où vous aurez fait adopter votre projet de loi, il ira de soi que les tribunaux seront justifiés de faire des choses.

M. Marx: Je pense que, ce qui concerne les droits des victimes, nous allons annoncer beaucoup de mesures à la suite de dépôts de projets de loi. Nous avons l'intention d'établir des centres locaux d'aide aux victimes d'actes criminels dans tout le Québec. Il va de soi qu'on ne peut pas établir tous ces centres en même temps. Peut-être faut-il privilégier le comté de Groulx ou Saint-Jérôme, je n'ai pas d'objection à cela. Nous avons cette intention et nous allons aussi annoncer l'établissement d'un certain nombre de ces centres aussitôt que possible.

Vous savez que nous avons insisté auprès du ministre fédéral de la Justice pour modifier le Code criminel afin de prévoir, par exemple, des dispositions plus efficaces sur le dédommagement des victimes. Il y a des dispositions dans le Code

criminel, mais, à cause de l'arrêt Zelensky, Z-e-l-e-n-s-k-y...

M. Filion: Z-e-l-i-n... je crois. M. Marx: Non, mais Z-e-l... Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bleau: i-n...

M. Marx: Z-e-l-e-n-s-k-y - je fais cela pour le Journal des débats, sinon on aura un appel. À cause de cet arrêt de la Cour suprême du Canada, souvent, les ordonnances de dédommagement sont impossibles. C'est pourquoi nous avons insisté auprès du ministre fédéral de la Justice pour apporter des modifications au Code criminel, ce qu'il est en train de faire. J'espère que le projet de loi sera adopté avant l'été. Il y aura aussi d'autres dispositions en ce qui concerne, par exemple, la déclaration de victimes. Il sera possible, pour chaque victime, au Canada, de faire une déclaration. Il y aura d'autres modifications pour lesquelles nous avons été consultés. Nous avons insisté beaucoup en ce qui concerne ces modifications au Code criminel afin de protéger, d'avantager les victimes et de raffermir leurs droits. Je pense qu'il faut féliciter le ministre fédéral de la Justice, M. Raymond Hnatyshyn pour l'excellent travail qu'il a fait en pilotant ce dossier sur les victimes d'actes criminels.

La violence conjugale

M. Filion: il ne reste que quelques minutes. Je voudrais parler de la violence conjugale. On connaît les chiffres. On sait ce qui a été fait. Le -ministre nous a parlé ce matin du montant de 1 800 000 $, il nous a parlé de la ligne, etc. Je formule quelques suggestions au ministre. Premièrement, est-ce qu'on a songé à former une escouade policière, pourquoi pas essentiellement féminine, qui serait spécialement affectée aux interventions en matière de violence conjugale? Deuxièmement...

M. Marx: Des escouades féminines, c'est la première fois que j'entends cela.

M. Filion: Oui, c'est une escouade policière spéciale.

M. Marx: Ah! pas nécessairement des femmes policiers, mais des...

M. Filion: Oui, mais peut-être à majorité féminine aussi.

M. Marx: Des femmes policiers seulement? Ce sera de la discrimination.

M. Filion: Non, mais essentiellement fémini- nes, pourquoi pas? Une femme se confie à une femme beaucoup plus facilement. Non? Pas vous.

Mme Bleau: Moi, j'aime mieux me confier à un homme.

M. Filion: Oui? Mme Bleau: Ah oui!

M. Filion: Bon, en tout cas, les 80 centres de femmes semblent croire que les femmes se confient plus facilement à des femmes. Je lance la suggestion comme cela. Le ministre a fait une campagne publicitaire; c'est vrai qu'elle a été décriée par certains organismes qui ont jugé que cette campagne faisait abstraction de la violence psychologique, etc. On a même reproché à cette campagne publicitaire, malgré ses images-chocs et peut-être à cause de ses images-chocs, d'éviter de mentionner qu'il s'agit d'un crime également. Mais peu importe l'appréciation des campagnes publicitaires, je ne suis pas un spécialiste là-dedans, il demeure qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire.

M. Marx: Sur cette...

M. Filion: Juste pour terminer...

M. Marx: Sur cette campagne, on a confié le dossier à des professionnels.

M. Filion: D'accord. Cela va. On peut être pour ou contre.

M. Marx: Quand j'ai vu le...

M. Filion: Je suggère peut-être des escouades policières spéciales et peut-être, encore une fois, essentiellement féminines. Je suggère également une intervention beaucoup plus personnalisée, notamment pour ce qui est des procureurs de la couronne. On me dit que dans certains secteurs cela avance beaucoup. Surtout ce que je signale au ministre, c'est que, dans le secteur de la violence conjugale, on a déjà des institutions en première ligne, qui sont les 80 centres de femmes au Québec. Ces maisons d'accueil pour femmes violentées ont d'énormes problèmes financiers. Encore une fois, on aura beau faire les campagnes publicitaires qu'on voudra, on aura beau mettre les procureurs de la couronne qu'on voudra, il restera toujours qu'à la base...

M. Marx: On a juste doublé lors du budget...

M. Filion:... ces centres d'aide et de lutte contre les aggressions sont 80 au Québec. Ils envoient des communiqués régulièrement, viennent nous voir dans les bureaux de comté et ont besoin de ressources suffisantes. Il y en a

qui sont sur le point de fermer, alors et surtout...

M. Marx: Est-ce que vous êtes...

M. Filion: Laissez-moi terminer. Je vous laisse parler M. le ministre, laissez-moi terminer.

M. Marx: Ce sont des déclarations gratuites.

M. Filion: il reste quelques minutes. Je. vais vous écouter, même après six heures. Je suggère donc au ministre de la Jusice, APC, c'est-à-dire le plus rapidement possible, de vérrfier auprès de sa collègue, de faire les pressions auprès de sa collègue pour que les montants nécessaires soient débloqués pour des centres de femmes.

M. Marx: Est-ce que le député de Taillon admet ou est-ce qu'il est au courant - il ne l'admet pas, mais il est au moins au courant - que nous avons doublé les budgets pour les maisons d'hébergement?

M. Filion: Oui, mais quand on crée, quand on sensibilise...

M. Marx: Est-ce qu'on a doublé les budgets?

M. Filion: Laissez-moi vous répondre. Quand on sensibilise...

M. Marx: Ce n'est pas cela, la réponse. Est-ce qu'on a doublé, oui ou non?

M. Filion: Quand on sensibilise les gens à la violence conjugale, il est normal qu'il y ait plus de femmes au Québec qui se réveillent et qui n'admettent pas la violence conjugale. Ce qu'on dit, c'est qu'aujourd'hui il y a une demande dans les centres pour femmes hébergées qui est de beaucoup plus énorme que ce qui existait il y a cinq ans, parce qu'il y a de plus en plus de femmes qui sont conscientisées...

M. Marx: Pour chaque question, pour chaque intervention du député de Taillon, je me pose la question si c'est sérieux. Si je dis: On a doublé le budget pour les maisons d'hébergement, il ne répond pas. Je pense que doubler un budget de 6 000 000 $ à 12 000 000 $, c'est faire un effort considérable. Si on parle des procureurs de la couronne, on a augmenté les postes de 40 de 123 à 266...

M. Filion:...

M. Marx: Non, les postes en général... On va ajouter encore des postes cette année. Il y a une limite à tout. Si le député veut me dire: On n'a pas fait assez. Je suis tout à fait d'accord que cela ne sera jamais assez, mais il faut - comment dirais-je - qu'il admette qu'on a fait un effort considérable. Il ne faut pas juste charrier en disant qu'il faut mettre plus d'argent, il faut faire cela, etc. Il y a des dossiers où nous avons fait un effort et où nous avons fait des progrès. En ce qui concerne le financement des maisons d'hébergement, nous avons doublé notre budget de 6 000 000 $ à 12 000 000 $. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on a dormi sur la "switch".

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion: Sur la violence conjugale, encore une fois je l'ai dit au ministre, ce que je soulève... il aimerait que je le félicite encore une fois. Il n'a pas compris mes félicitations tantôt. C'est un premier pas, mais on ne peut pas du même souffle faire une campagne de publicité qui coûte 600 000 $, donc soulever une sensibilisation accrue chez les victimes, chez les intervenants des différents milieux et en même temps considérer que les ressources de première ligne que sont les maisons de femmes peuvent faire face à une demande qui est accrue. En deux mots, ce sont deux choses différentes et je souligne au ministre l'importance de communiquer avec sa collègue pour être cohérent et faire en sorte que la campagne de publicité soit suivie de mécanismes concrets pour accueillir les femmes victimes de violence conjugale.

M. Marx: Oui, mais ce que le député ne comprend pas ou ne veut pas comprendre - je termine sur ce point, M. le Président - c'est qu'on a doublé le budget en fonction de la campagne de publicité qui est arrivée tout de suite après. On savait qu'on aurait une campagne de publicité de 600 000 $. Donc, étant donné qu'on savait qu'on aurait une certaine demande, on a doublé le budget pour les maisons d'hébergement et cette année je viens d'annoncer qu'on aura 2 800 000 $ de plus pour la violence conjugale.

M. Filion: 1 800 000 $.

M. Marx: 1 800 000 $, Solliciteur général.

M. Filion: Ah! les deux ministères.

M. Marx: Les deux ministères, parce que vous savez qu'il y a un titulaire pour les deux ministères. Donc, j'ai regroupé les deux ensemble. M. le Président, dois-je expliquer comment il se fait que j'ai deux ministères?

Le Président (M. Marcil): À une autre commission parlementaire.

M. Marx: Cela démontre la confiance que le lieutenant-gouverneur en conseil a en mes capacités.

Le Président (M. Marcil): Je comprends que vous soyez plein d'initiatives aujourd'hui, mais on va dormir sur la "switch", comme vous le dites.

M. Filion: Je vous dirai, M. le ministre, qu'il y a deux maisons d'hébergement sur la rive sud à Longueuil. Je les ai vues toutes les deux. Elles ont toutes les deux de sérieux problèmes financiers. Le regroupement de maisons de femmes dit la même chose. Il y en a plusieurs qui sont sur le point de la fermeture. Vous me disiez qu'on a doublé; vous savez que ces chiffres ont été contestés. Bon, ce n'est pas tout à fait doublé, etc.. Ce que je vous dis, c'est qu'il faut être cohérent et faire suivre ces politiques par des moyens concrets et financiers...

Le Président (M. Marcil): Pour votre information, M. le député de Taillon, je peux vous dire qu'à Valleyfield il y a une maison d'hébergement et elle a été très bien servie cette année. Il y a une augmentation du budget d'opération de façon très substantielle. Il y a eu également un investissement dans le but d'agrandir la maison. Également à l'occasion de l'année des sans-abri aussi, il y a eu une injection de montants substantiels. Donc, depuis un an, on peut dire qu'on a quasiment doublé en totalité le montant d'argent.

Sur ce, nous nous attendions toujours, M. le ministre, à des félicitations de la part du député de Taillon. Il avait annoncé des félicitations sur un des programmes, mais ce n'est pas arrivé.

M. Filion: Je l'ai fait sur la violence conjugale.

Le Président (M. Marcil): C'est bien. Le programme 10 est-il adopté?

M. Filion: Adopté.

Le Président (M. Marcil): Le programme 11 également?

M. Filion: Adopté.

Adoption des crédits

Le Président (M. Marcil): Est-ce que les crédits budgétaires du ministère de la Justice pour l'année financière 1988-1989 sont adoptés?

M. Filion: Ce n'est pas assez, mais on va les adopter quand même.

Le Président (M. Marcil): Très bien. Donc, j'ajourne les travaux à demain, 10 heures, au salon rouge où nous étudierons les crédits du ministère des Relations internationales.

(Fin de la séance à 18 h 5)

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