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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 26 avril 1988 - Vol. 30 N° 10

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Ministre délégué aux Affaires autochtones


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministre délégué aux Affaires autochtones, soit le programme 2, élément 3, du ministère du Conseil exécutif pour l'exercice financier 1988-1989. Je vais demander à Mme la Secrétaire s'il y a des remplacements.

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Godin (Mercier) est remplacé par M. Claveau (Ungava) et M. Kehoe (Chapleau) par M. Lemire (Saint-Maurice).

Le Président (M. Marcil): C'est bien. Nous avons une période de deux heures prévue pour cette étude, c'est-à-dire de dix heures à midi. Le partage du temps est 50-50, selon les questions des gens. M. le ministre, je vous souhaite la bienvenue à cette commission pour l'étude de vos crédits de même qu'à vos collègues. Je vous invite immédiatement, ainsi que le porte-parole de l'Opposition, à faire vos remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Raymond Savoie

M. Savoie: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais également saluer mes collègues ainsi que le député d'Ungava. Je voudrais présenter les gens qui m'accompagnent, aux fins de l'enregistrement. Il y a d'abord le secrétaire général associé, M. Gilles Jolicoeur, qui est immédiatement à ma gauche. Derrière nous, se trouvent MM. Bernard Mathieu, Jacques Giguère, Jean Rochon, Philippe Nadeau, Jean-Marc Lessard, Mmes Andrée Bélanger et Lucie Dumas, et M. Jean-Daniel Thériault du SAA. De mon cabinet, à ma droite, il y a M. André Maltais, Mme Louise Hébert, qui est mon chef de cabinet, et Mme Evelyne Simard, attachée de presse.

Il m'est agréable de déposer aujourd'hui devant cette commission, en vue de leur approbation, les crédits affectés au Secrétariat aux Affaires autochtones pour l'année budgétaire 1988-1989.

Comme vous le savez, le Secrétariat aux Affaires autochtones est un organisme du ministère du Conseil exécutif dont le titulaire est le premier ministre lui-même. Il m'a confié par délégation le mandat de diriger le Secrétariat aux Affaires autochtones depuis deux ans maintenant. À titre de ministre responsable, je me suis assuré que la structure et le plan d'organisation du secrétariat étaient en mesure de répondre aux nombreux besoins exprimés par les communautés autochtones du Québec.

J'ai eu l'occasion, lors de la présentation des crédits l'an dernier, de vous faire part des transformations qui venaient d'être apportées au sein du secrétariat. Au cours de l'année qui vient de se terminer, nous nous sommes efforcés de mettre au point une approche nouvelle en impliquant davantage les coordonnateurs ministériels à l'élaboratrion des politiques, de concert avec les fonctionnaires du secrétariat.

La mise sur pied des cinq secteurs principaux d'activité, soit le développement communautaire, le développement socioculturel, le développement économique, les affaires juridiques et l'information, permet au secrétariat et aux ministères sectoriels de mieux coordonner leurs efforts en vue d'offrir aux autochtones un service de qualité. Je suis bien conscient cependant qu'il reste un long chemin à parcourir. C'est pourquoi, au cours de l'année budgétaire qui commence, je ne ménagerai aucun effort pour m'assurer que les autochtones puissent occuper la place qui leur revient au sein de la société québécoise.

C'est en vue d'atteindre cet objectif que j'ai poursuivi mes rencontres dans les communautés et que j'ai reçu, en plusieurs occasions, de nombreuses délégations à mon bureau afin d'examiner les questions particulières qu'ils ont bien voulu m'adresser.

De plus, à trois reprises, j'ai rencontré les chefs autochtones dans des réunions plus formelles de consultation portant sur des questions d'intérêt commun aux différentes nations, comme les questions constitutionnelles, le projet de loi sur les ententes, la taxation, etc.

L'effort de concertation auquel j'ai fait allusion précédemment ne s'est pas limité au Québec. Comme vous le savez, M. le Président, la responsabilité première à l'endroit des autochtones incombe, en vertu de la constitution de ce pays, au gouvernement du Canada. Si nous voulons que nos efforts, si modestes soient-ils, portent des fruits, il m'apparaît important qu'il existe entre les deux niveaux de gouvernement une étroite collaboration. C'est pourquoi j'ai demandé aux fonctionnaires du secrétariat de poursuivre et d'intensifier leurs relations avec les représentants du bureau régional du Québec du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. De mon côté, j'ai eu plusieurs contacts avec mon homologue fédéral. Ces relations ont porté des fruits, dont la signature d'une entente de concertation portant sur le développement économique des autochtones. Cette entente, M. le Président, a été signée le 30 septembre 1987, ici même à Québec. Depuis la signature de l'entente, quelque 50 fonctionnaires fédéraux et provinciaux travaillent à examiner les programmes en cours, les ententes existantes et les politiques des deux gouvernements de manière à les harmoniser et à les bonifier, s'il y a lieu, afin de répondre plus adéquatement aux besoins des autochtones.

Les différents groupes de travail qui ont été mis sur pied et dont les travaux sont dirigés par un comité de coordination présidé conjointement par le secrétaire général associé et responsable du Secrétariat aux affaires autochtones et par le directeur général du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour le Québec doivent remettre leur rapport au cours de l'automne, après avoir consulté les représentants désignés des différentes nations autochtones du Québec.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais informer les membres de cette commission de quelques autres réalisations du secrétariat au cours de l'année qui vient de s'écouler.

D'abord, dans le domaine du développement économique. En plus de la signature et de la mise en oeuvre conjointe de l'entente de concertation sur le développement économique des autochtones, il y a lieu de souligner la mise en place de comités interministériels chargés d'examiner les moyens d'améliorer la formation des autochtones et leur accès sur le marché du travail, particulièrement dans les secteurs de la construction, de l'hydroélectricité et des ressources minérales. Également, dans le domaine du développement économique, quelque 17 projets ont fait l'objet d'un examen interministériel et ont abouti à des engagements financiers, soit de la part du Secrétariat aux affaires autochtones, soit de la part des ministères ou organismes concernés, comme l'OPDQ, le MIC, le ministère du Tourisme, le MAPAQ et le MLCP. Ils touchent particulièrement le financement d'organismes voués au développement économique, la mise en place d'équipements touristiques, la mise en valeur de la pêche et le développement du transport aérien. Enfin, les reponsables du Secrétariat, de concert avec ceux de l'OPDQ, se sont assurés de la participation des Montagnais, des Naskapis et des Micmacs aux deux sommets socio-économiques qui doivent se tenir sur la Côte-Nord et en Gaspésie, en 1988. (10 h 15)

Dans le domaine du développement socioculturel, des comités interministériels ont aussi été mis sur pied pour l'étude de questions importantes telles l'hébergement des étudiants autochtones dans les grands centres, l'accès des autochtones à l'enseignement supérieur, le développement des langues vernaculaires, la lutte aux abus de drogue et d'alcool et la politique familiale.

La table sectorielle du développement socioculturel a examiné quelque 88 demandes ponctuelles, dont 80 ont fait l'objet d'une décision et 45 ont reçu un appui financier. Il s'agit principalement de soutien à des activités culturelles, comme la participation à des expositions et à des festivals, la production de films et de vidéos, le développement des langues, l'ethnologie, l'archéologie, l'histoire, etc.

Dans le domaine du développement communautaire, nos fonctionnaires ont poursuivi les négociations avec les Cris d'Oujé Bougoumou qui réclament des terres pour leur usage exclusif. Ils ont également négocié et réglé avec les Inuit l'accès aux gravières situées sur leur propriété. Ils ont de plus mis au point, avec les gens du ministère des Affaires municipales, un régime expérimental de taxation dans la municipalité de Kuujjuaq. Enfin, la table sectorielle de développement communautaire a examiné une vingtaine de projets d'ordre ponctuel dont quatorze se sont vu octroyer une aide financière. Ces projets concernent l'acquisition d'un édifice à des fins communautaires, la participation des policiers autochtones à une conférence internationale, l'aménagement et l'entretien d'infrastructures de loisir et la participation de jeunes autochtones à des activités sportives.

Nous avons poursuivi notre politique de soutien financier aux organismes autochtones telles l'Alliance autochtone du Québec, l'Association des Métis et Indiens hors réserves du Québec, l'Association des femmes autochtones du Québec et la Conférence circumpolaire inuit. De même, plusieurs conseils de bande ont reçu une aide financière pour leur permettre de réaliser certaines activités, soit dans le domaine culturel, soit dans le domaine communautaire comme, par exemple, la tenue par la nation Malécite de Viger d'une réunion de formation, le printemps dernier, à Rivière-du-Loup.

Le Secrétariat aux affaires autochtones, pendant l'année qui s'est écoulée, a également maintenu des services d'information à l'intention des autochtones, de l'administration gouvernementale et du public en général. Ainsi, cette année encore, la revue Rencontre destinée aux Amérindiens et aux Inuit du Québec, a paru quatre fois. Son tirage est de 37 000 exemplaires dont 24 000 en français et 13 000 en anglais. Des encarts contenant la version crie, montagnaise ou inuit des principaux articles publiés sont insérés dans les copies destinées aux communautés, selon la langue qui est pariée. Le centre de documentation a également été réorganisé et nous y avons ajouté les services d'une bibliothécaire à temps plein.

Dans un autre domaine, les négociations avec les Attikameks et les Montagnais, entreprises en 1980 et qui avaient connu très peu de progrès jusqu'en 1986, se sont intensifiées au cours des derniers mois. Malgré des discussions ardues, des progrès ont été accomplis. Dans le cadre de ce dossier, un groupe de travail composé de représentants d'Hydro-Québec et d'Attikameks, auquel s'est joint un observateur du secrétariat, a entrepris des négociations en vue de permettre la réalisation des travaux de la ligne de transport d'énergie Radisson-Nicolet-Des Cantons, discussions qui ont abouti à une entente de principe il y a quelques semaines.

Enfin, M. le Président, j'aimerais souligner une dernière réalisation du secrétariat. Au cours de l'automne dernier, mes fonctionnaires de concert avec ceux du Secrétariat à la condition

féminine et ceux de l'Association des femmes autochtones du Québec, ont préparé une campagne d'information et de formation concernant la violence conjugale. Cette campagne, qui a débuté il y a quelques temps déjà, devrait se poursuivre au cours de l'année qui commence et j'ose espérer qu'elle produira les fruits escomptés.

Voilà, M. le Président, l'essentiel des réalisations pour l'année 1987-1988, que je voulais porter à l'attention des membres de cette commission. Au cours de 1988-1989, je continuerai de mettre l'accent sur le développement économique et la formation des autochtones. À cette fin, je verrai à la mise en oeuvre de l'entente de concertation de développement économique à laquelle je me suis référé au début de mes remarques. Je continuerai aussi de rencontrer les représentants des différentes nations, de manière à mieux répondre à leurs besoins et à leurs aspirations, tout en tenant compte de notre capacité de répondre à leurs besoins.

Vous noterez, M. le Président, en examinant les crédits proposés pour cette nouvelle année budgétaire, qu'ils sont sensiblement égaux à ceux de l'an passé. Le Secrétariat aux affaires autochtones n'administre pas de programme. Il s'agit essentiellement d'un budget de fonctionnement auquel s'ajoute un montant de 840 000 $ de subventions pour assurer le fonctionnement d'organismes autochtones et permettre aux communautés de réaliser certaines activités, comme celles que j'ai décrites dans mon exposé.

M. le Président, je soumets donc les crédits de l'année budgétaire 1988-1989 à l'examen de cette commission en vue de leur approbation. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre. Maintenant, je vais reconnaître le porte-parole de l'Opposition, M. le député d'Ungava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vais commencer ma brève intervention en saluant M. le ministre délégué aux Affaires autochtones et en le remerciant de se prêter à cet exercice que nous faisons ensemble pour la troisième fois, et aussi en saluant et en remerciant de leur présence l'ensemble du personnel de son cabinet et les membres du personnel permanent du SAA - je ne suis toujours pas habitué au nouveau nom - le Secrétariat aux affaires autochtones.

M. le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté le discours ou enfin les notes préliminaires que vient de nous livrer le ministre. Je dois vous dire en toute sincérité que j'en suis un peu déçu dans la mesure où ce que le ministre vient de nous brosser, c'est un ensemble d'actes, un ensemble d'interventions sans trop de suivi, enfin toutes sortes d'éléments qui ressemblent beaucoup plus à des interventions ponctuelles qu'à une véritable politique globale qui se dégage, une véritable vision d'un gouvernement pour ce qu'il y a à faire en ce qui concerne des autochtones.

Dans mon intervention, M. le Président, je prendrai à témoin ce que le ministre nous disait lui-même l'année dernière, le mercredi 27 mai 1987, au moment de l'étude des crédits du SAA, et vous allez voir que, finalement, il y a une grosse différence, il y a une marge énorme entre ce qu'il nous annonçait l'année dernière et les petites interventions ponctuelles dont il vient de nous faire état ici aujourd'hui. D'abord, le ministre nous disait et je cite sa phrase: "En avril 1986, le gouvernement me confiait la responsabilité des affaires autochtones et me chargeait d'élaborer les politiques gouvernementales concernant les autochtones et d'en coordonner la mise en oeuvre." Dans ce contexte, on peut sous-entendre, M. le ministre, on peut comprendre que tout ce qui regarde le milieu autochtone relève de la responsabilité du ministre délégué aux Affaires autochtones.

Or, en cours d'année, on s'en souviendra, le ministre s'est même permis de me rabrouer sur les ondes de Radio-Canada, à un moment donné, où je lui disais justement qu'il ne faisait pas son travail parce qu'il avait à mettre en place des politiques gouvernementales, à préparer des politiques gouvernementales concernant le milieu autochtone. Le ministre avait répondu dans les mots exacts que je vais utiliser: "Moi, je suis là pour faire l'épicerie." Si faire des politiques gouvernementales, c'est faire l'épicerie, on est loin d'un gouvernement qui a une vision globale des choses. Je crois que ce que le ministre vient de nous faire comme exposé et que ce qu'on a vu, ce qu'on a constaté au cours de la dernière année, fait preuve d'une absence totale de politique globale, d'une vision générale de ce que doivent être les relations entre le gouvernement et les peuples autochtones et ce que doit faire le gouvernement, pour en arriver à des conclusions dans l'ensemble des grands dossiers qui préoccupent les nations autochtones.

Parlons, par exemple, des questions territoriales. L'année dernière, le ministre nous disait: "Le mandat prioritaire que je me suis fixé consiste à traiter de manière dynamique et juste les revendications territoriales et à mettre l'accent sur le développement économique des autochtones." Parions de la question territoriale, dis-je. Où en sommes-nous? En cours d'année, j'ai beau chercher, j'ai beau prendre tous les contacts qu'on voudra, il n'y a eu aucune conclusion de quelque sorte que ce soit, dans quelque revendication territoriale que ce soit. Que l'on parle des négociations avec le groupe Attikameks-Montagnais au sujet desquelles d'ailleurs le ministre se flattait aussi en nous disant, l'année dernière, et je cite: "Les négociation globales avec les Attikameks et les Montagnais, qui étaient au point mort depuis deux ans, ont

maintenant repris, et des réunions régulières laissent entrevoir un dénouement éventuel." Des réunions régulières, M. le Président, s'il y en a eu, on n'a pas vu beaucoup de résultats encore.

Cela va prendre encore combien d'années avant d'en arriver à quelque chose dans le domaine des négociations avec les Attikameks-Montagnais? Le ministre nous disait: Cela fait deux ans qu'il n'y en a pas eu, moi, je suis meilleur que les autres, je vais faire avancer cela. Cela fait deux ans qu'il est là. Il vient de nous le dire aussi que cela fait deux ans qu'il est là. C'est lui qui l'a dit, ce n'est pas moi. Et où en sommes-nous? Qu'est-ce qu'il y a de plus qu'avant de fait? S'il y a quelque chose de fait, le ministre en garde bien le secret pour lui.

Prenons l'exemple de la réserve de Oujé Bougoumou, tout près de Chapais ou de Chibou-gamau. C'est encore un dossier qui traîne. Un dossier sur lequel il y aurait moyen d'avancer assez rapidement, je pense, dans la mesure où on a réussi à faire des consensus dans le milieu, où tous les gens sont informés et où tout ce qu'il manque, c'est une décision gouvernementale pour permettre que ces autochtones puissent bénéficier des infrastructures municipales dont ils ont besoin et dont la grande majorité des intervenants non autochtones du territoire sont conscients et sont prêts à faire le mouvement pour que cela se réalise. Là où ça bloque, c'est au gouvernement. Que je sache, on n'est pas beaucoup plus avancé après deux ans de règne du ministre délégué aux Affaires autochtones.

Le ministre a parlé amplement de son entente fédérale-provinciale sur le développement économique des autochtones. J'ai, M. le Président, l'entente entre les mains: entente de concertation Canada-Québec sur le développement économique des autochtones. À mon humble avis, cette entente se résume à deux paragraphes. Le paragraphe 1.1.1, à la page 3, qui dit: "Harmoniser les politiques et programmes des deux gouvernements, relatifs au développement des autochtones, et réduire le dédoublement." Le but est louable en soi. Là-dessus, nous sommes tout à fait d'accord. Je pense que le reste de ce qui gravite autour de cela ne fait que préciser cette volonté souhaitable que l'on harmonise les programmes et que l'on réduise les dédoublements.

Mais là où cela se gâte, c'est en page 5, à l'article 3.1.5 de l'entente où il est bel et bien dit: "il est convenu que rien de la présente entente ne saurait modifier la relation qui existe entre le gouvernement du Canada et les Indiens et Inuit." Le ministre nous a dit lui-même tout à l'heure que, constitutionnellement, les affaires autochtones relèvent du gouvernement fédéral. Soit! Mais ce n'est pas une raison pour ne pas faire son bout de chemin et ne pas essayer de récupérer au maximum les pouvoirs d'intervention du Québec dans ce domaine comme dans tout autre domaine.

À la limite, l'application de cette enten- te - parce que tout ce qui suit après ce sont des grands principes généraux, comme on en voit dans tous les documents du même genre et comme tout le monde en fait tous les jours pour essayer de justifier certaines interventions et de se donner des cadres d'intervention qui seront plus ou moins acceptés ou plus ou moins pratiques avec le temps - on verra après ce que cela va donner. Il y a là un élément sur lequel il faut bien s'attarder, quand on parle des relations entre le gouvernement du Canada, les Indiens, les Inuit.

On se souviendra que lors de la commission parlementaire sur le lac Meech, les mémoires présentés par les autochtones dénonçaient, entre autres, le fait que les programmes autochtones pourraient éventuellement être assujettis à la clause sur le pouvoir de dépenser du fédéral, le droit de retrait des provinces en échange de compensations financières dans la mesure où on aurait des programmes semblables. Les autochtones s'étaient, à juste titre, probablement, opposés à cette clause. Ce qu'on retrouve ici dans l'entente-cadre que le ministre a signée dernièrement avec le fédéral, c'est l'application de ce principe. Mais le principe, je dirais que - excusez-moi, je voudrais être bien compris - c'est l'application de la revendication selon laquelle les programmes qui touchent les autochtones ne seront pas assujettis à la clause du pouvoir de dépenser du fédéral dans l'entente du lac Meech. (10 h 30)

Dans la mesure où on garantit que l'ensemble des programmes, l'ensemble des ententes qui lient le gouvernement canadien avec les communautés autochtones, ne pourront être affectés par l'entente de concertation Canada-Québec sur le développement économique des autochtones, il est bien clair que le gouvernement fédéral va pouvoir continuer à faire ce qu'il veut dans le milieu autochtone. La seule contrainte qui en résulte, c'est la contrainte du Québec qui, lui, ne pourra plus intervenir de sa propre volonté, mais qui devra faire passer ses interventions par une table de concertation, dont les modalités apparaissent un petit peu plus loin: comité Canada-Québec, où on nous explique certaines modalités de participation et d'inver-vention, enfin le canal qui devra être suivi. Mais on ne retrouve là aucune contrainte pour le fédéral, alors que c'est le Québec qui devra présenter ses dossiers à cette table et qui devra les faire approuver par le fédéral. Dans le fond, c'est le Québec qui devra s'harmoniser avec les politiques fédérales, et si cela ne fait pas l'affaire du fédéral, il pourra toujours se retirer, parce qu'il y a aussi une clause de retrait qui est prévue avec un avis de 90 jours.

Il est bien clair que nous ne trouvons rien de nouveau dans cette entente. Le ministre pourra toujours nous l'expliquer autrement tout à l'heure. Je suis certain qu'il va trouver quelque chose à redire là-dessus, mais retenons les

paragraphes 1. 1. 1 et 3. 1. 5, qui sont les deux paragraphes clés de cette entente.

M. le Président, il y a encore beaucoup de choses sur lesquelles on pourrait parler, par exemple, le sujet prioritaire que s'était donné le ministre l'année dernière. Il avait dit en même temps que 1987-1988 serait une année de consolidation. "Cette année en sera une de consolidation des actions entreprises au cours de l'année passée. " C'est ce que disait le ministre l'année dernière. Consolidation de quoi? Il nous énumérait un certain nombre de priorités qui étaient en marche. Parmi les sujets - je cite - actuellement traités, on peut mentionner une étude sur l'accès des autochtones à l'enseignement supérieur - où en est-on, M. le ministre? - rétablissement de maisons d'hébergement pour les étudiants, la création d'institutions financières autochtones, les voies d'accès aux communautés, les structures de loisirs, les problèmes reliés à l'abus de l'alcool et des drogues, et le développement des langues verna-culaires. S'il y a eu consolidation, au cours de l'exercice 1987-1988, de toutes ces priorités-là, tel que le ministre le disait, on aimerait bien savoir où elles sont. Moi, pour m'être promené quand même passablement dans certaines communautés, je n'ai pas vu beaucoup de changement avec ce qui s'était fait l'année d'avant. Je n'ai pas vu beaucoup de consolidation de toutes ces choses.

Le ministre délégué aux Affaires autochtones avait aussi - il nous disait l'année dernière que c'était de sa propre initiative - mis en place un comité qui devait étudier la possibilité de créer un ministère des Affaires du Nord. Il nous disait l'année dernière que le rapport était terminé et qu'il en était arrivé à certaines conclusions. Il n'y a jamais eu de remise officielle encore parce qu'on a fait revoir en quelque sorte certains des éléments. Il pourrait y avoir une remise publique bientôt. C'était le 27 mai 1987. Onze mois ont passé depuis ce moment-là. Quand on disait "bientôt", on ne l'a pas encore vu. Quel est le délai d'un "bientôt" dans la tête du ministre délégué aux Affaires autochtones? On aimerait bien qu'il le précise. On aimerait bien savoir où en est le ministère des Affaires du Nord et à quoi ont servi les montants d'argent investis là-dedans?

On se souviendra que le ministre avait donné une commande l'année dernière, un contrat à M. Jean-François Thibault, qui avait coûté 17 607 $, plus le travail d'un comité consultatif dont les dépenses, les frais de séjour, étaient payés par son ministère, en plus d'autres études parallèles qui ont été faites, le travail qui a été fait par certains fonctionnaires du SAA là-dessus, enfin le temps de travail utilisé. Finalement, c'est un dossier qui commence à coûter pas mal d'argent aux contribuables du Québec. On ne sait toujours pas à quoi va rimer tout cela? Qu'arrivera-t-il finalement? On n'a jamais eu vent non plus d'un rapport quelconque qui aurait été publiquement déposé, comme le disait le ministre l'année dernière. Je crois que le moment est venu de revenir là-dessus et que le ministre précise ses prétentions. Parce qu'il faut bien parler de ses prétentions. Il nous disait lui-même qu'il n'avait jamais eu le mandat ni du Conseil des ministres, ni du caucus de ses députés pour faire cela. C'était une initiative personnelle. Initiative personnelle un tant soit peu coûteuse, faut-il en convenir et qui, nous l'espérons, permettra au ministre de nous démontrer ici que son initiative personnelle a de l'allure et ne fait pas que coûter de l'argent sans rapporter.

Enfin, l'entente du lac Meech, on en a parlé un petit peu rapidement tout à l'heure. Encore là, on sait que les autochtones se sont réunis dernièrement, il y a une semaine à peine, avec le premier ministre. On n'a pas beaucoup entendu parler le ministre délégué aux Affaires autochtones sur ce dossier. Il nous dira probablement que cela ne relève pas de ses compétences, comme il nous a répondu l'année dernière sur un certain nombre de dossiers. Je lui rappellerai que le mandat qu'il a reçu et qu'il disait lui-même avoir reçu l'année dernière consistait à se charger d'élaborer des politiques gouvernementales concernant les autochtones. Si la participation des autochtones de quelque façon que ce soit à l'entente du lac Meech ou la reconnaissance d'une société distincte pour les autochtones n'est pas une politique gouvernementale, il faudra bien que le ministre nous explique comment cela n'en est pas une. Mais, dans la mesure où il a comme responsabilité - c'est ce qu'il nous a dit - d'élaborer des politiques gouvernementales concernant les autochtones, on aimerait bien savoir ce qu'il en pense puisque jusqu'à maintenant, il n'en a pas beaucoup parlé. Il a été pour le moins muet sur le sujet.

La liste est encore longue des éléments sur lesquels on pourrait parler et qui dénotent une absence totale, complète de vision gouvernementale en termes de relations à établir à long terme avec des autochtones. Je ne crois pas que les politiques gouvernementales se résument à un simple ramassis, à un simple suivi consistant à dire: Nous avons fait tant de dossiers, nous avons travaillé dans trois ou quatre secteurs différents, nous avons préparé deux conférences, nous avons participé à ceci... Ce n'est pas comme cela, M. le Président, c'est bien dommage, mais ce n'est pas comme cela qu'on détermine des visions à long terme.

On aimerait beaucoup plus entendre le ministre nous parler de véritables réalisations. Quelles sont les politiques gouvernementales sur la question des revendications territoriales des autochtones? Quelles sont les politiques gouvernementales qui vont être définitivement prises? Parce que actuellement, le ministre nous parie de comités de travail, d'études. Cela coûte très cher mais ne donne pas toujours de résultats.

Comment, par exemple, le ministre entend-il

vraiment intégrer les autochtones à la formation professionnelle? Comment entend-il traiter le sujet de la société distincte que réclament les autochtones? Comment entend-il traiter les revendications globales des inuits du nord du Québec qui demandent un transfert global de fonds au niveau de l'Administration régionale Kativik? Comment entend-il traiter la question du comté inuit, qui a été soulevée en commission parlementaire, quand on a discuté de la réforme de la carte électorale? Je n'ai pas beaucoup entendu parler le ministre là-dessus.

Enfin, quelles sont les grandes visions de ce gouvernement par rapport au milieu autochtone? C'est ce qu'on veut savoir. C'est ce qui nous intéresse. Les détails, le suivi quotidien, l'épicerie - pour reprendre un terme que le ministre utilisait lui-même l'année dernière - c'est normal, il faut que cela se fasse. Mais il faut que cela se fasse dans un cadre déterminé, dans un cadre compréhensible par tout le monde. C'est ce cadre qui nous échappe, qu'on n'a pas. J'espère que le ministre sera capable aujourd'hui de nous donner, pour le moins, des éléments de base.

Pour finir brièvement sur les crédits de l'exercice financier 1988-1989, encore là, à l'étude des chiffres qui sont déposés, on voit qu'il s'agira exclusivement de continuer la gestion à la petite semaine, la politique à la petite semaine, qui a été entreprise. Le budget est relativement le même. Les différences pour les salaires sont strictement celles liées aux augmentations de salaires des conventions collectives. Il n'y a rien de nouveau. Il n'y a pas de fonds supplémentaires de prévu pour quelque intervention que ce soit. L'année dernière, on avait prévu un budget de 2 300 000 $. On a dépensé 2 300 000 $. Cette année, on a un budget de 2 400 000 $. On va probablement dépenser 2 400 000 $, dans une administration à la petite semaine, sans vision globale, sans objectif déterminé.

M. le Président, c'est sur cette base que nous allons questionner le ministre aujourd'hui, pour savoir ce qu'il a derrière la tête et vers où vont nous mener ses supposées politiques, en termes de développement des autochtones et d'intégration du monde autochtone à l'ensemble des activités sociales, économiques et culturelles du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député d'Ungava. Cela va, M. le ministre? Êtes-vous prêt pour la série de questions ou si voulez-vous revenir sur certains éléments?

M. Raymond Savoie (réplique)

M. Savoie: Une réplique. M. le Président, il faudrait comprendre que le député d'Ungava a plusieurs charges. Effectivement, on sait que l'Opposition ne consiste qu'en quelque 20 députés. Ils ont beaucoup de travaux à voir et de choses à faire. En conséquence, ils ne peuvent pas voir en profondeur et dans son étendue l'ensemble des interventions dans les dossiers autochtones. L'ensemble des interventions du député, je pense, sont de bonne foi. Ce qu'il cherche à faire, c'est d'essayer de comprendre et d'avoir une vue d'ensemble de ce qui se produit. Dans ce sens-là, je pense qu'il ne s'agirait pas de lui en vouloir. Il faudrait comprendre qu'il est très occupé, qu'il n'a pas le temps de se renseigner et de s'informer sur chacun des dossiers et qu'en conséquence, l'ensemble de ses vues, malgré le fait qu'elles soient erronées, sont de bonne foi.

Je vais donner quelques exemples, tout simplement parce que je n'ai pas le temps je ne pense pas que ce serait dans l'intérêt de cette commission d'intervenir sur une base ad hoc sur chacune des interventions et de démontrer qu'effectivement il s'est leurré. Mais je vais prendre seulement quelques dossiers que j'ai notés comme cela. On va prendre, par exemple, le dossier d'Oujé Bougoumou qui est évidemment une bande de Cris qui se trouvent en grande partie dans le comté du député d'Ungava. Comme vous vous en rappelez certainement, en 1983-1984, le premier ministre d'alors, M. René Lévesque, qui s'occupait du dossier des autochtones, avait octroyé aux Cris de cette communauté un petit terrain, un lopin de terre, d'un kilomètre carré en bordure de la route entre Chapais et Chibougamau qui devait servir de réserve pour cette communauté. À notre arrivée au pouvoir, avant même d'être nommé aux Affaires autochtones, une des premières rencontres qu'on a eues avec les Cris, c'était avec un groupe d'Oujé Bougoumou qui était venu me voir pour me sensibiliser au dossier, pour me demander d'intervenir pour dire justement de mettre de côté la résolution proposée par le Parti québécois pour leur présenter des terres convenables, comme pour les autres communautés Cris au Québec. C'est ce que nous avons fait. Nous nous sommes attachés à ce dossier-là et le député d'Ungava devrait savoir que c'est un dossier qui est maintenant réglé.

Pour ce qui est du Québec, on a déterminé des terres de catégorie I et des terres de catégorie il. Le dossier est maintenant rendu au gouvernement fédéral. Avec le Québec, c'est fini, à la satisfaction des Cris d'Oujé Bougoumou, et j'inviterais le député d'Ungava à contacter le chef Bossum pour qu'il soit enfin renseigné davantage sur l'état du dossier, puisqu'il est manifestement mal renseigné.

Pour ce qui est, par exemple, de l'entente de concertation, if faut savoir qu'en 1984-1985, le gouvernement d'alors, le gouvernement du Parti québécois, avait signé avec le gouvernement conservateur d'Ottawa tout un ensemble d'ententes de développement économique régional, qu'on appelle les EDER. Il n'y avait absolument rien dans ces EDER qui portait sur le statut des autochtones, sur le développement économique

I des autochtones, par exemple. On sait que la grande majorité des autochtones occupe des régions, mais il n'y avait absolument rien qui faisait en sorte que les autochtones pouvaient bénéficier de ces ententes-là. Nous sommes intervenus. On a signé une entente avec le gouvernement fédéral, une entente de concertation qui nous permet de délimiter et de travailler avec le gouvernement fédéral afin d'identifier un ensemble d'interventions qu'on pourrait faire au chapitre de ces ententes pour permettre justement qu'un montant soit versé aux nations autochtones. Cette entente de concertation est une première étape nécessaire et utile pour qu'on puisse transférer des sommes importantes aux communautés autochtones.

Le député d'Ungava a parlé, finalement, des revendications territoriales. Il a utilisé l'exemple du CAM. Les négociations procèdent très bien. J'ai discuté, la semaine passée, avec le négociateur pour le Conseil attikamek-montagnais, M. Cleary. Il me disait que cela progressait bien. Le secrétaire général du Secrétariat aux affaires autochtones, M. Gilles Jolicoeur, qui dirige ces négociations pour le gouvernement du Québec, m'avise qu'elles procèdent bien. Nous sommes déjà arrivés à délimiter l'ensemble des discussions qui doivent faire l'objet de l'entente. On procède sur chacun des éléments. (10 h 45)

Les Attikameks et les Montagnais sont satisfaits des négociations qui ont cours. Il est sûr que ce sont des négociations qui vont durer encore plusieurs années avant de se terminer. Elles se déroulent dans l'ordre, à la satisfaction des deux parties et aussi vite, avec autant de célérité, que possible. Là encore, en ce qui concerne les Attikameks et les Montagnais, il n'y a eu aucun ou très peu de progrès de 1980 à 1985, et, pendant plusieurs années, il ne s'est rien passé. Aujourd'hui, je pense qu'il y a un progrès réel. Il y a une entente de signée sur les objets des négociations, et les négociations progressent au rythme d'une rencontre par semaine, parfois deux. Et jamais, au grand jamais, je n'ai entendu dire, du côté du Conseil attikamek-montagnais, que, par exemple, cela n'avançait pas assez vite, que ce n'était pas à leur satisfaction ou que les interventions du Québec étaient mal préparées ou peu responsables. C'est tout à fait le contraire. Lors de la visite de l'ensemble des communautés monta-gnaises, l'année passée et même hier lorsque j'étais à Pointe-Bleue, tous les gens semblaient dire qu'ils étaient satisfaits de l'état des négociations. Ils voudraient évidemment que cela se règle le plus vite possible? On partage, mais jamais on ne critique ces négociations en disant, par exemple, qu'elles sont inutiles, qu'elles ne donneront pas de résultats, des choses semblables. Donc, pour l'ensemble, on est très satisfait.

Pour ce qui est de \a consolidation au SAA, on a établi de nouveaux mécanismes. Ces mécanismes donnent les résultats escomptés. Il y a un rodage qui se fait, et on est heureux de l'orientation donnée à l'ensemble des dossiers. Il est très difficile de coordonner les interventions auprès de dix nations autochtones et des Inuit de façon globale, de façon à dire qu'il y a une politique pour l'ensemble. Chacune vit un statut juridique identique. On tâche de coordonner le mieux possible les activités avec les ministres. Et, comme résultats, si on regarde l'ensemble de la situation depuis deux ans, malgré une situation politique extrêmement complexe, je crois que les nations autochtones sont satisfaites de l'intervention du gouvernement du Québec et du leadership qu'on donne dans ce dossier. Bien sûr, il y a des problèmes, bien sûr, il y a des endroits où cela demande beaucoup plus de temps que prévu et, bien sûr, il y a également des déceptions. On ne prétend pas être en mesure de régler à la satisfaction des autochtones chacun des dossiers qu'on entreprend, mais je crois que l'effort qu'on y consacre et la sincérité avec laquelle on intervient dans leurs dossiers méritent certainement leur confiance, ce qu'ils nous accordent en très grande partie. Et, malgré un taux de réussite très élevé, je crois que le député d'Ungava devrait reconnaître qu'il est impossible d'accorder à chacune des nations toutes et chacune des demandes qu'elles déposent auprès du gouvernement. Dans son ensemble, je calcule que la situation est satisfaisante et que, malgré des difficultés considérables, on réussit à satisfaire l'ensemble des demandes déposées chez nous par les communautés autochtones.

Le député d'Ungava a discuté de la question d'une politique d'ensemble. On est en voie de déposer un document qui va constituer en quelque sorte, pour la première fois dans l'histoire du Québec, un document qui fait le point, qui rassemble les positions gouvernementales en ce qui concerne le dossier autochtone. Ce document, le député va vite le constater, est relativement maigre. Mais il faut que le député constate aussi que ce n'est que depuis 1960 que le gouvernement du Québec intervient auprès des autochtones. Auparavant, on s'en occupait peu ou pas du tout. C'était un domaine réservé aux religieux. C'était un domaine réservé au gouvernement fédéral. Le gouvernement provincial ne s'en mêlait pas. Ce n'est qu'en 1960 qu'on a commencé à créer des services qui nous permettaient de venir en aide à différentes nations sur le territoire du Québec. Et, après 25 ou 30 ans d'interventions, on commence à avoir un portrait, on s'est impliqué, on s'est immiscé. Il y a des contacts et des communications qui se font sur une base régulière. Maintenant, je crois que les autochtones sont, dans l'ensemble, très favorables à l'intervention du Québec et voient d'un bon oeil les directions qu'on lui donne.

Bien sûr, on ne peut pas satisfaire tout le monde, mais on fait notre gros possible. Je pense que le résultat est là. Lorsqu'on va dans une communauté, lors des échanges avec les chefs et, par exemple, les membres du conseil, même des

citoyens de ces communautés, on nous fait part souvent des problèmes. Il y a souvent des discussions de fond. Dans son ensemble, ce qui s'en dégage d'une façon très claire, c'est qu'ils constatent que, oui, il y a un effort qui se fait de notre côté et qu'ils sont satisfaits de cet effort.

Secrétariat aux affaires autochtones

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre. Je vais appeler immédiatement le programme 2, élément 3, vu que c'est le seul élément que nous avons à examiner aujourd'hui. M. le député d'Ungava.

Généralités

M. Claveau: M. le Président, directement sur l'élément, comme je le disais tout à l'heure, ce sont les mêmes chiffres que l'année dernière. Il y a tout simplement des ajustements en pourcentage pour les salaires, les indexations. Bon! Il n'y a absolument rien de nouveau. Je veux dire que ce sont des chiffres de gestion courante, tout simplement, comme je le disais, de politique à la petite semaine. Par contre, il y a une chose qui me frappe, c'est que l'année dernière, on avait mentionné que, dans le même petit cahier noir que le ministre avait déposé, qui est très mince, comme vous en conviendrez, il n'y a pas grand-chose comme éléments politiques là-dedans. Alors que dans d'autres ministères - on en avait parié aussi l'année dernière d'ailleurs, le ministre s'en rapellera - par exemple le ministère de l'Énergie et des Ressources, on nous remet des documents très épais avec des visions, avec des analyses de situation de dossiers, etc., qui nous permettent de faire un travail honnête.

Le ministre nous accuse de manquer d'information. Qu'il en donne de l'information, comme cela on va savoir. S'il y a vraiment quelque chose, s'il a des informations à donner, qu'il en donne. Qu'il ne se réfugie pas dernière un mutisme permanent. Qu'il en donne. On pourra peut-être discuter sur la même base. C'est cela le problème aussi. Alors, regardez cela, il nous donne des petits chiffres, une petite galette, tout ce qu'il y a de plus mince, le strict minimum. Après il dit: Écoutez, vous manquez d'information. C'est cela qu'on veut, c'est de l'information, qu'il nous la donne s'il en a à donner.

M. Savoie: Je n'ai jamais, au grand jamais, refusé quelque information que ce soit à qui que ce soit en ce qui concerne le Secrétariat aux affaires autochtones, particulièrement vis-à-vis des commissions. Je mets le député d'Ungava au défi de trouver une fois, que ce soit à cette commission, en Chambre, ou tout simplement par téléphone, où il m'a demandé des renseignements que je lui ai refusés. Il nous a demandé des documents. On lui transmet tout, mais alors, tout, tout, tout. Il peut nous dire que les informations sont maigres. Je voudrais qu'il s'explique. Je voudrais qu'il nous donne un exemple précis de ce qu'il veut dire.

M. Claveau: C'est très simple, M. le Président. Remarquez que c'est quasiment le contraire, c'est moi qui réponds aux questions du ministre. C'est très simple à comprendre. Le ministre dépose des crédits. Bon! De l'argent qu'il va dépenser. C'est sûr qu'il n'en a pas beaucoup, il a 2 400 000 $. Il reste que cet argent va servir à quelque chose. Normalement, il devrait y avoir, accompagnant ces chiffres, les grandes visions, une analyse de la situation, un pourquoi de ces dépenses qui devraient être un préalable à l'accompagnement des chiffres. Le ministre, dépose des chiffres tout crus comme cela, quelques feuilles, sans aucune perspective. Après, il vient nous accuser et dire qu'on ne sait pas de quoi on parie quand on dit qu'il n'y en a pas de perspectives. S'il en a, qu'il nous les mette, qu'il nous les donne, qu'il les exprime et on pourra en discuter après. Actuellement...

M. Savoie: Je vous ai demandé, M. le député d'Ungava, de me donner un exemple. Donnez-moi un exemple parce qu'on ne vous comprend pas. Je vous ai dit: On n'administre pas de programmes. Cela fait deux ans que je vous le répète. Concernant les affaires autochtones, on n'administre pas de programmes. On a un budget de fonctionnement. Ce que vous avez devant vous, constitue l'explication de l'allocation des montants. Voulez-vous savoir, par exemple, je ne sais pas, concernant le traitement du personnel, comment cela se divise? Quels sont les salaires, par exemple, de tous et chacun des employés au SAA? Voulez-vous savoir... Donnez-moi un exemple.

Orientations

M. Claveau: M. le Président, quand on étudie les crédits, on étudie les chiffres, certes, on a ces colonnes de chiffres. Mais on étudie aussi les orientations, les principes qui vont sous-tendre l'affectation de ces chiffres. Le ministre nous dit: Nous autres, on n'administre pas de budget, on fait juste gérer le quotidien. Mais il disait l'année dernière, et je reviens sur cette phrase puisqu'il essaie d'en passer la responsabilité aux autres, alors que c'est lui qui le disait: "En avril 1986, le gouvernement me confiait la responsabilité des Affaires autochtones et me chargeait d'élaborer les politiques gouvernementales concernant les autochtones." C'est à la page R-2643 du Journal des débats, commission parlementaire des institutions du 27 mai 1987. "...me chargeait d'élaborer les politiques gouvernementales concernant les autochtones." Où sont-elles, ces politiques-là? C'est ce qu'on devrait discuter. C'est sur cette base que cet argent devrait être affecté, les 2 400 000 $.

Où sont les politiques? Donnez-nous-les. On va ' en discuter.

M. Savoie: Je lui demande un exemple...

M. Claveau: Vous en avez un exemple. Vos politiques, où sont-elles?

M. Savoie: Je lui ai demandé de m'en citer un exemple. Tu ne m'en cites pas un. Essaie donc ou tâche donc de comprendre...

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, s'il vous plaît, on s'adresse...

M. Savoie: Je m'excuse, M. le Président. Il faudrait que le député d'Ungava tâche de comprendre, qu'il cherche à comprendre ou se fasse expliquer par ses amis qu'on n'administre pas de programmes, que le Secrétariat aux affaires autochtones n'administre pas de programmes. C'est un secrétariat de coordination.

Chaque ministère garde sa politique, ses orientations en ce qui concerne les communautés, les nations autochtones. Nous, ce qu'on cherche à faire, c'est les coordonner, leur donner, par exemple, une certaine cohésion au chapitre de l'aide administrative, s'assurer que les demandes sont bien traitées, assister les autochtones à présenter ces demandes auprès des ministères. On n'administre pas de programmes.

M. Claveau: Est-ce que je dois comprendre que le ministre induisait la commission en erreur en disant qu'il était chargé d'élaborer les politiques gouvernementales concernant les autochtones?

M. Savoie: C'est exactement cela. Ma tâche est justement de définir et d'appliquer des politiques du gouvernement du Québec vis-à-vis... J'interviens auprès des ministres sectoriels. Je leur dis: Dans tel domaine, prenez telle orientation, dans tel autre domaine, on est d'accord avec l'orientation que vous avez prise, on va participer, on va vous assister à réaliser une entente, on va vous aider, on va participer à conclure telle forme de financement avec telle communauté, telle nation. On est un service de coordination.

M. Claveau: Qui est responsable de l'élaboration des grandes politiques globales? Vous nous dites qu'il y a un dossier sur les grandes orientations du gouvernement. - quelque peu squelet-tique, vous l'avez dit vous-même - qui va être déposé. J'espère qu'on va pouvoir le consulter. Qui est responsable de cela?

M. Savoie: C'est sûr que cela est sous mon autorité, en vertu du décret qui m'a nommé. Ce qu'il faut que le député d'Ungava comprenne, c'est qu'en vertu de 91.24 de la constitution, les autochtones sont sous la responsabilité du gouvernement fédéral. Malgré 91.24, et cela depuis 30 ans comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le gouvernement du Québec intervient davantage auprès des communautés autochtones.

En ce qui concerne les soins de santé, ils sont plus nombreux. Ils se développent. Ils ont plus de demandes vis-à-vis les fonds dont dispose le gouvernement. On tâche, par une politique de coordination, d'assister davantage les communautés à faire des demandes auprès des fonds qui existent dans chacun des ministères, pour pousser sur les demandes faites par les communautés, pour tâcher d'intervenir, pour donner une cohérence à l'ensemble de la politique gouvernementale vis-à-vis des autochtones comme pour chaque nation. Parce que les politiques, comme les orientations, varient énormément d'une nation autochtone à l'autre. Il y a des nations autochtones, par exemple les Abénaquis, qui ne sont pas 1000, au Québec. Ils sont 800. Vous avez, à côté de cela, les Inuit qui sont 7000 ou 8000 et qui vivent dans une région complètement au nord du Québec, presque totalement isolés de l'ensemble des préoccupations de la grande majorité des Québécois. Il y a aussi les Montagnais qui vivent sur la Côte-Nord. Chacun vit des problèmes et des situations qui sont très différents.

On cherche à répondre aux besoins de chacune des nations autochtones, coordonner les interventions gouvernementales dans ces milieux; participer au COMPADR, au COMPDE; intervenir auprès du COMPACS, par exemple, pour la situation de Saint-Régis, assurer qu'il y ait une vue d'ensemble de donnée aux interventions chez les inuit, assister telle communauté pour obtenir la cogestion, par exemple celle de la réserve Tourilli, qui puisse répondre à leurs besoins de chasse, de pêche, d'activités religieuses et culturelles. (11 heures)

C'est d'intervenir sur une base ad hoc, volontiers, en leur faveur, comme dans le cas à Oujé Bougoumou, où les Indiens n'étaient pas satisfaits de ce qui leur avait été offert. Ils ont demandé que la proposition soit mise de côté et qu'on aille chercher un territoire dans le bois près d'un lac où ils pourraient continuer à vaquer à leurs occupations traditionnelles. C'est ce qu'on a fait. On a annulé ce qui avait été fait par vous pour répondre à leurs besoins, à leurs demandes. On a coordonné cela auprès du MLCP, auprès d'autres ministères, auprès du ministère de l'Énergie et des Ressources, etc., afin qu'on puisse satisfaire leurs demandes et répondre à l'attente de leur population. C'est ce qu'on fait.

Vous me dites que vous voulez plus d'explications. Je vous demande de me donner un exemple clair de ce que vous voulez. Par exemple, je ne vois pas l'utilité que vous connaissiez tous et chacun des montants sur notre masse salariale, à ce que vous sachiez, par exemple, ce que gagne M. Laquerre.

Priorités

M. Claveau: Le ministre veut comprendre? Je vais me servir de ses propres mots pour lui faire comprendre. À la page R-2644-CI du Journal des débats de l'Assemblée nationale de l'année dernière, daté du 27 mai 1987, le ministre nous parle. Après nous avoir fait part de la mise en place des trois groupes de coordination dans les domaines socioculturel, économique et communautaire, il nous dit qu'il a des grandes priorités qui devraient, à mon avis ou à notre humble opinion, faire l'objet d'une politique ou d'une vision gouvernementale. On peut mentionner une étude sur l'accès des autochtones à l'enseignement supérieur. D'accord? C'est une grande priorité. L'établissement de maisons d'hébergement pour les étudiants, deuxième grande priorité; la création d'institutions financières autochtones, troisième grande priorité; les voies d'accès aux communautés, quatrième grande priorité; les structures de loisirs, cinquième grande priorité; les problèmes reliés à l'abus de l'alcool et des drogues, sixième grande priorité; et le développement des langues vernaculaires, septième priorité. Le ministre nous donne sept grandes priorités auxquelles il va travailler. Il nous dit ensuite, à la page suivante R-2645-CI: "Cette année en sera une de consolidation des actions entreprises au cours de l'an passé". C'étaient des actions entreprises au cours de l'an passé. Où en sont ces consolidations? Où sont les grands énoncés déposés par le ministre? On ne voit rien de cela nulle part. On ne sait pas combien cela a coûté. On ne sait pas combien d'argent il a accordé dans chacun de ces secteurs. On ne sait rien.

M. Savoie: Si je comprends bien, c'est qu'il a décidé de lâcher ma demande spécifique concernant un exemple sur une question de financement. Là, il est embarqué sur une question d'ensemble, c'est ça?

M. Claveau: Non, non. Quand on parle de crédits, ce n'est pas uniquement de savoir si cela a coûté 0,05 $ de plus ou de moins à telle place. On parle des grandes orientations, de ce à quoi on affecte l'argent, pour quelle raison on affecte ces montants d'argent. Comme le ministre veut avoir des exemples, dites-moi combien d'argent, d'efforts et de temps vous avez mis pour résoudre le problème de l'alcoolisme et des drogues chez les autochtones, par exemple? Combien cela a-t-il coûté jusqu'ici? Où en êtes-vous rendu dans vos études sur l'accès des autochtones à l'enseignement supérieur? Combien avez-vous mis d'argent sur l'accès routier aux communautés?

M. Savoie: Bon, là-dessus, posez-moi une question et je vais vous répondre.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, une seconde s'il vous plaît...

M. Claveau: On devrait retrouver ces orientations dès le départ et non pas avoir un squelette de chiffres tout simplement.

M. Savoie: C'est ce qu'il ne comprend pas, M. le Président. C'est qu'il voudrait avoir un chiffre à un endroit qui dirait qu'en ce qui concerne les problèmes d'alcool et de drogue, le gouvernement du Québec; a versé un montant de 6 000 000 $ aux communautés autochtones. C'est bien ce que vous voudriez, n'est-ce pas?

M. Claveau: Et à quoi cela a servi?

M. Savoie: C'est ce que vous voudriez. Sauf que ce que vous demandez doit être demandé au ministère de la Santé et des Services sociaux, par exemple...

M. Claveau: Non. Il y a un ministre responsable pour coordonner cela. Cela fait partie de son mandat. Il est chargé d'élaborer les politiques gouvernementales.

M. Savoie: Donc, cela ne relève pas de mes crédits. Cela relève des crédits du ministre responsable, en l'occurrence de Mme Thérèse Lavoie-Roux, qui est la ministre de la Santé et des Services sociaux. Elle va affecter une partie de son budget à ce dossier, par exemple. Il n'y a pas qu'elle qui va donner de l'argent. Il y a plusieurs ministères qui sont impliqués dans ce processus. J'essaie de faire comprendre au député d'Ungava que sa position est à l'envers.

M. Claveau: Ah bon! Eixpliquez-moi cela.

M. Savoie: Cela me fera plaisir, M. le député d'Ungava. Nous sommes un ministère de coordination. Savez-vous ce que cela veut dire?

Cela veut dire qu'on ne gère pas de masse monétaire.

M. Claveau: Sans portefeuille.

M. Savoie: On en a un, mais il est minime. On ne gère pas de programmes, on ne gère pas d'ensembles de montants qui visent à créer des programmes à même nos fonds, par exemple, pour ce dossier sur la question de drogue et d'alcool dans les communautés. Mais il en existe au fédéral. Il exite des programmes, des méthodes d'intervention à Québec, dans deux, trois ministères. On cherche à coordonner ces interventions, à dire au gouvernement fédéral: Faites attention, on est en voie de créer un programme en ce qui concerne tes autochtones dans tel domaine; on y prévoit la création de telles orientations et la dépense d'argent de telle façon.

Vous, si voulez y intervenir, parfait, mais on vous demande de vous coordonner avec nous.

On vous demande de tenir compte du programme qu'on dépose, de venir en appui de l'orientation qui est donnée et non pas de venir la contrarier. C'est cela la différence.

On ne dépose pas sur la table les montants dont vous parlez. Si vous voulez savoir qu'elle est l'intervention globale du gouvernement du Québec par ministère, auprès de chacune des nations, c'est une chose qu'on est capable de déterminer assez facilement.

Ce que je vous dis, par contre, c'est que, par programme, cela ne relève pas de nous. Cela relève de la ministre de la Santé et des Services sociaux, ou du ministre de l'Éducation, M. Claude Ryan, par exemple, qui pourrait, dans l'administration de ses budgets, en ce qui concerne les écoles primaires, dans chacune des régions du Québec, mettre un montant de côté pour les communautés autochtones qui ont besoin d'une école primaire ou secondaire. Il alloue à même son budget parce que c'est lui le ministre de l'Éducation du Québec. Il peut dire: Dans telle communauté, on construit une école primaire. Les fonds qui sont attribués et les programmes qui sont construits sont de sa compétence. Nous cherchons à travailler avec le ministre de l'Éducation. On se donne des orientations. On sait, par exemple, qu'un gros problème dans les communautés, c'est l'enseignement supérieur. J'ai discuté avec deux ou trois présidents de compagnies minières au Québec de la création d'une bourse pour encourager des étudiants autochtones à poursuivre leurs études. Noranda a déjà répondu d'une façon favorable, et il y en d'autres qui s'en viennent. On est en voie de mettre cela en branle. En ce qui concerne les maisons d'hébergement d'étudiants, le rapport sera terminé au mois de juin, il sera déposé et on va enclencher le mécanisme. Ce sont des choses qu'on essaie de corriger étant donné le laxisme de l'ancien gouvernement qui n'a rien fait pendant dix ans. Il y a une intervention, mais c'est une intervention de coordination. On n'administre pas de projets. Ce n'est pas à nous de déposer sur la table les montants qui sont dépensés par le ministère des Transports pour les communautés autochnones. C'est au ministre des Transports à administrer les montants pour toute la province de Québec, y compris les communautés autochtones. Ce que nous essayons de faire, c'est de coordonner cette intervention.

Le député d'Ungava cherche à avoir des précisions sur l'ensemble des interventions, lorsque je lui dis qu'on ne les administre pas. Cela n'est pas sous notre responsabilité. On ne peut commencer à chiffrer les montants qui sont dépensés par programme, des programmes qu'il peut éventer comme bon lui semble. Ce n'est pas notre rôle. C'est pour cela que je dis qu'il est à l'envers. Nous avons un rôle de coordination. Chaque ministère intervient, et on tâche d'assister l'intervention de ce ministère ou de l'encourager, de la susciter, mais de s'assurer que, pour ce qui est des autochtones, on répond le mieux possible à leurs besoins.

Le Président (M. Marcil): Je vais reconnaître Mme la députée de Groulx.

M. Claveau: Est-ce que j'ai fini mon temps?

Le Président (M. Marcil): Mme la secrétaire, est-ce que... Habituellement, vous avez droit à 20 minutes d'intervention.

M. Claveau: C'est 20 minutes, sans compter les réponses du ministre. On en a discuté l'année dernière. D'ailleurs, c'était entendu là-dedans. Je l'ai relu hier.

Le Président (M. Marcil): D'accord, je m'excuse.

M. Claveau: Les réponses du ministre ne sont pas comprises dans mes 20 minutes?

Le Président (M. Marcil): Je reconnais encore M. le député d'Ungava. Cela va.

M. Claveau: Écoutez, on va en finir avec cela. Il reste que je maintiens, M. le Président, que le ministre est responsable de la coordination et de l'élaboration des politiques gouvernementales et que, dans cette mesure, il devrait être capable de répondre à toutes ces questions et de nous donner des aperçus de base qui nous permettraient d'avoir une discussion qui soit d'un ordre différent de celui qu'on a aujourd'hui parce que, justement, il ne donne pas d'informations. Je prétends que, en tant que ministre responsable de l'élaboration des politiques du gouvernement, il devrait avoir les informations. C'est bien de valeur, mais ce n'est pas en diluant qu'if va sauver la face. Ce n'est pas vrai.

On va changer de sujet quand même, si vous permettez, M. le Président. On n'est pas pour s'éterniser là-dessus. J'aimerais d'abord poser une petite question très rapide.

Le Président (M. Marcil): Excusez-moi, M. le député. Si vous avez terminé sur ce sujet-là, c'est 20 minutes par intervention. Mme la députée, est-ce que c'est sur le même sujet?

Mme Bleau: Non.

Le Président (M. Marcil): Non? Donc, je vais...

M. Claveau: J'ai 20 minutes. Mme Bleau: Oui, mais...

Le Président (M. Marcil): Oui, oui. Je suis d'accord avec vous. Vous avez 20 minutes d'intervention. Si vous changez de sujet et qu'un autre député veut intervenir sur le même sujet, je vais lui laisser terminer sur le même sujet.

C'est dans ce sens-là. Est-ce que c'est sur le même sujet?

Mme Bleau: Oui.

Le Président (M. Marcil): Bon. Allez-y, Mme la députée de Groulx.

Attikameks et Montagnais

Mme Bleau: Dans l'intervention du député d'Ungava, il a parlé des négociations avec les Montagnais et les Attikameks. Je sais que ces négociations ont connu quelques soubresauts. Mais, comme il nous le laissait entendre, c'est comme s'il ne s'était rien passé. Est-ce que vous croyez qu'elles sont susceptibles d'aboutir? Est-ce qu'on va avoir des résultats concrets dans un avenir rapproché?

M. Savoie: Pour répondre à cette question, on pourrait peut-être demander à M. Jolicoeur qui, justement, dirige les négociations au nom du gouvernement du Québec auprès du CAM, le Conseil attikamek montagnais. Je suis certain qu'il sera en mesure de vous donner une réponse avec beaucoup de plaisir.

M. Jolicoeur (Gilles): Les négociations qui ont été enclenchées en 1980 n'ont connu à peu près pas de progrès jusqu'en 1986, pour toutes sortes de raisons, qui sont étrangères en fait au gouvernement. La partie autochtone n'était pas prête à enclencher vraiment les pourparlers. À partir de 1986, du côté attikamek-montagnais, on a structuré l'organisation, ce qui a permis d'enclencher les pourparlers qui ont pris une forme un peu plus substantielle. Alors, entre 1986 et aujourd'hui, il y a eu des rencontres qui se sont échelonnées sur une base bimensuelle, à raison de deux jours de négociations chaque fois. Nous avons abordé deux thèmes principaux, qui étaient d'abord de se donner un cadre de travail au cours de cette période. Cette entente-cadre, dont les discussions sont à peu près terminées, est susceptible de connaître un aboutissement au cours des prochaines semaines. Il reste encore un point qui nous sépare, mais l'ensemble des autres préoccupations a été réglé.

Nous avons abordé également un autre aspect de ces négociations qui concerne la mise en place de mesures provisoires au cours des. négociations, de manière à protéger les intérêts des Attikameks et des Montagnais à l'égard de développements majeurs qui pourraient se faire ou se produire au cours des négociations. Là aussi, les négociations sont quand même assez ardues parce qu'on a des approches qui sont évidemment différentes, alors que la politique prévoit, encore une fois, la mise en place de mesures provisoires qui pourraient protéger les intérêts des peuples autochtones pendant les négociations. La partie adverse, la partie autochtone voudrait profiter de ce dossier pour intro- duire des mesures de développement économique qui, pour nous, revêtent plutôt un caractère permanent. Ce que l'on cherche à faire, c'est de précipiter les discussions sur tous ces éléments préparatoires de manière à enclencher le plus rapidement possible les questions de fond. Alors, on a quand même espoir que la partie autochtone se rangera à notre point de vue et qu'au cours des prochaines semaines, on pourra entreprendre des discussions plus fondamentales sur le fondement même des négociations. Si on pouvait amorcer ces négociations sur une base plus fondamentale, le calendrier qu'on s'est donné prévoit la conclusion d'une entente de principe dans une période d'à peu près trois ans. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais il faut bien comprendre que les enjeux sont extrêmement considérables, tant pour la partie autochtone que pour la partie gouvernementale. Il faut également tenir compte du fait qu'il y a trois parties principales à la table des négociations, puisque le gouvernement fédéral est une des parties, et que, du côté des Attikameks et des Montagnais, il y a également deux parties autochtones, ce qui n'est pas de nature à faciliter les choses. (11 h 15)

Abénaquis

Mme Bleau: Dans le même ordre d'idées, on a parlé tout à l'heure des Abénaquis qui réclamaient un territoire de chasse et de pêche. Où en est-on rendu dans ces discussions? Est-ce que le dossier est un peu plus avancé qu'il ne l'était l'année passée?

M. Savoie: Oui, effectivement. Nous avons rencontré les Abénaquis, la semaine passée, je crois. Nous avons passé une journée avec eux. C'est un dossier important pour ce groupe d'autochtones qui demeure au sud de Trois-Rivières. Il s'agit de deux communautés, à Wôlinak et à Odanak. À Wôlinak, il y a à peu près 150 ou 160 autochtones et, à Odanak, évidemment, ils sont un peu plus nombreux, soit environ 450. Ils ont acquis une pourvoirie dans le Haut-Saint-Maurice qui porte le nom de pour-voirie Neville. Ils continuent cependant de réclamer un territoire parce qu'ils considèrent la pouvoirie comme une entreprise commerciale pour recevoir des clients et non comme un territoire de chasse et de pêche pour leur utilisation exclusive. Il y a des négociations entre le gouvernement du Québec par le biais du MLCP, avec notre assistance, justement dans le but de les aider à clarifier cette question, à déterminer les tenants et aboutissants de cette question qui peut, à partir de cette pourvoirie, répondre à leurs besoins d'un territoire pour leur usage exclusif.

Le Président (M. Marcil): M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Je vous remercie, Mme la I députée, d'avoir posé des questions que j'avais sur ma liste, entre autres, celle concernant les Abénaquis.

Dans un premier temps, je voulais demander que le ministre nous dépose la liste des dépenses de transferts qui ont été effectués en 1987-1988 qu'on ne retrouve pas dans le cahier de cette année. On sait que pour ce qui est des transferts, 780 000 $ ont été dépensés et on n'en a pas la liste.

M. Savoie: Oui. M. le Président, j'ai cela avec moi: l'ensemble des dépenses de transferts de 1987-1988, avec les montants, les sources, les destinataires et la date d'émission.

Éventuel ministère des Affaires du Nord

M. Claveau: Alors, vous les déposez? Cela va pour cela.

J'aimerais revenir à un dossier sur lequel le ministre a mis beaucoup d'importance d'ailleurs et qui a coûté beaucoup d'argent. J'en ai parlé au commencement de mon intervention, mais, chose curieuse, le ministre ne semble pas l'avoir retenu. Il s'agit du dossier du ministère des Affaires du Nord. Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer où il en est dans ce dossier dont il se faisait lui-même une priorité importante dès le début de son mandat comme ministre des Affaires autochtones.

M. Savoie: Comme vous le savez, je m'en faisais et je m'en fais encore une priorité personnelle. Je crois qu'à court ou à moyen terme, le gouvernement du Québec doit intervenir sur la création d'une structure administrative susceptible de répondre aux besoins de l'administration nordique. On a effectivement préparé un rapport à la suite d'un comité d'étude formé de différents intervenants venant des régions. Par la suite, on a participé financièrement à la tenue d'un congrès qui a surtout été chapeauté par la SDBJ et ses intervenants, à Amos, l'année passée. On compte faire un congrès semblable pour la Côte-Nord; on l'espérait pour ce printemps, mais, compte tenu du sommet socio-économique qui occupe grandement les gens de la Côte-Nord, on pourra peut-être le faire le printemps prochain ou cet automne, selon les revendications de la région. C'est un dossier auquel on continue de travailler. C'est un dossier auquel on croit énormément, et tout ce qu'on peut faire, c'est souhaiter que, lors de la prochaine campagne électorale, il fasse l'objet de certains engagements, soit la création d'un I ministère ou tout simplement d'une table sectorielle qui se réunirait sur une base régulière avec un secrétaire associé pour assurer la coordination des affaires de l'administration du Nord pour le Québec.

M. Claveau: Pourquoi le ministre doit-il attendre d'en faire un engagement électoral lors de la prochaine campagne pour annoncer quelque chose? Si je comprends bien, ce sont des montants publics des citoyens dans un cadre strictement administratif qui ont payé ces études jusqu'à maintenant. Pourquoi cela devrait-il faire l'effet d'un engagement électoral?

M. Savoie: D'une part, je pense que cela va demander des changements assez profonds dans l'administration de la chose de l'État Québécois. Cela va demander de nouvelles orientations quant à l'administration de ce grand territoire. Cela demande évidemment beaucoup plus de sensibilisation concernant le public, quoique nous ayons reçu, je pense, de toutes les MRC et de toutes les municipalités du Québec qui habitent ce territoire, des appuis par résolution. Je pense qu'il y a quand même une sensibilisation qui doit être faite. La tenue des colloques d'information nous semble la bonne voie. Vous avez vu ce qui s'est produit à Amos l'année passée au mois de novembre. Un des résultats de ce colloque était de dire: Oui, on est d'accord avec le ministère du Nord, mais on est d'accord aussi pour attendre de voir l'évolution, par exemple que l'on crée des mécanismes d'administration locale, comme renforcer la situation de la SDBJ. C'est dans ce contexte qu'on cherche toujours à s'adapter aux diktats du milieu. C'est ce qu'on fait.

M. Claveau: Le rapport dont le ministre vient de nous parler, est-il rendu public ou va-t-il l'être?

M. Savoie: il n'y a jamais eu de cérémonie, si vous voulez, où il y avait remise officielle. Cela ne s'est jamais produit. Par contre, c'était une réflexion qui s'est faite, qui a abouti finalement à deux ou trois recommandations qui présentaient différentes options. Il a été remis à certains journalistes qui en ont reçu copie. Il y a eu des commentaires de part et d'autre, particulièrement en Abitibi. Je n'ai pas eu de demande à ma connaissance concernant la Côte-Nord.

M. Claveau: Le ministre s'engage-t-il à déposer, devant la commission, tous les éléments de ce rapport?

M. Savoie: Ce que je pourrais faire, c'est de vous remettre copie du rapport. C'est une réflexion qui s'est faite avec une douzaine d'intervenants peut-être, qui était présidée par M. Louis-Edmond Hamel in et à laquelle on assistait et où on cherchait à établir avec eux ce que seraient les grandes orientations susceptibles de répondre aux attentes des populations nordiques.

M. Claveau: Si je comprends bien, M. le Président, on doit s'attendre que le ministre nous

fasse parvenir très rapidement le document du rapport de ce comité. Par la même occasion, je suppose, l'étude de M. Bergevin, qui a coûté 17 607 $ l'année dernière. Et je voudrais revenir aussi à M. Jean-François Thibault qui a eu un contrat de 3240,01 $, cette année, pour coordonner un groupe de travail visant la création d'une nouvelle structure administrative pour gestion des territoires nordiques. C'est dans le même cadre je suppose.

M. Savoie: Je pense qu'il y a confusion chez vous encore. Lorsque vous parlez des 17 000 $, je pense que vous pariez de M. Jean-François Thibault qui a été...

M. Claveau: Non. M. Jean-Baptiste Bergevin...

M. Savoie: Cela est une autre affaire.

M. Claveau: Un contrat. D'accord, c'est l'étude de formation d'un gouvernement inuit.

M. Savoie: C'est cela. Ce n'est pas cela du tout. Vous comprenez?

Le Président (M. Marcil): Pourriez-vous clarifier exactement votre demande, M. le député d'Ungava?

M. Claveau: Ma demande?

M. Savoie: L'étude Bergevin à laquelle vous faites référence, a été déposée, qui a été commandée par vous autres, je pense. Vous avez raison de la critiquer, mais... Non, sérieusement, je crois que le rapport Bergevin, c'est une chose. Je pense que vous mêlez les cartes. Il y a le rapport Bergevin qui porte spécifiquement sur les commaunautés inuit, et vous avez aussi les travaux qui ont été faits par M. Jean-François Thibault qui était là pour travailler à cette question de structure administrative concernant l'intervention nordique, qui a été souvent transférée à la question du ministère du Nord. Ce qu'il faut comprendre et je crois que le député d'Ungava est aussi sensible à cette question que d'autres... D'ailleurs, je crois que le député d'Ungava favorisait cette orientation, comme les autres députés provenant des régions nordiques. Indépendamment de la question de la partisanerie, je pense qu'on est tous d'accord pour dire que coordonner les activités et les interventions du gouvernement en milieu nordique est une chose souhaitable. C'est un dossier qui doit prendre son temps, qui doit être monté et qui doit continuer à être travaillé.

M. Claveau: M. le Président, je voudrais démêler le ministre qui nous dit qu'on est souvent mêlés. Ce sont deux choses différentes. Je veux m'excuser pour m'être trompé de nom, mais il y a effectivement un M. Jean-François

Thibault qui a eu un contrat pour une étude sur la création d'un ministère des Affaires du Nord, étude qui a coûté 17 606 $. C'est le chiffre que j'ai donné et c'est le contrat que M. Thibault a reçu effectivement. Mais c'était pour le ministère des Affaires du Nord. M. Bergevin, lui, a reçu un contrat de 18 000 $. C'était un autre contrat pour l'étude d'une forme de gouvernement inuit. Mais il y a les deux contrats.

M. Savoie: C'était une commande qui avait été passée, je pense, pour M. Bergevin, avant notre arrivée.

M. Claveau: Oui. Dans le cas du gouvernement inuit.

M. Savoie: C'est cela

M. Claveau: D'accord. Oui, parce que son mandat commençait le 1er octobre 1985.

M. Savoie: C'est cela.

M. Claveau: J'ai seulement mélangé les noms, mais une étude a été commandée à M. Jean-François Thibault. C'est une étude sur la création d'un ministère des Affaires du Nord. C'était l'année dernière.

M. Savoie: C'est cela.

M. Claveau: Vous nous disiez en commission parlementaire que ce rapport allait être rendu public bientôt.

M. Savoie: J'ai dit qe cela se pourrait. Je pensais prendre cette orientation-là, mais je n'y ai jamais donné suite. J'ai dit que c'était une possibilité que je prenne cette orientation, si ma mémoire est bonne. C'est une chose. Évidemment, pour coordonner le comité dirigé par M. Louis-Edmond Hamelin et auquel participaient une douzaine d'intervenants, par exemple des gens de l'Université McGill, des différentes régions, etc., pour organiser ces rencontres, faire le suivi, fournir les informations, avoir des pourparlers avec l'OPDQ, avoir également des discussions avec d'autres intervenants provenant du Nord, les services de M. Thibault ont été retenus dans ce dossier.

M. Claveau: Est-ce le contrat de septembre 1986 à mars 1987?

M. Savoie: C'est cela.

M. Claveau: D'accord. C'est le contrat de 3240 $. C'était pour la coordination des activités du comité.

M. Savoie: C'est cela.

M. Claveau: Mais, parallèlement à cela, il y

a eu un montant de 17 607 $ qui a été versé au même M. Thibault, pour une étude personnelle...

M. Savoie: C'est cela.

M. Claveau: Ou une étude qui était dans le cadre du programme du comité mais qui se faisait d'une façon un peu parallèle, si je comprends bien.

M. Savoie: C'est-à-dire que M. Thibault avait la responsabilité de l'acheminement de ce dossier. Cela représente les appels téléphoniques, les contacts, la préparation des rencontres, le suivi du dossier, la préparation du rapport, etc.

M. Claveau: C'est cela que vous allez déposer?

M. Savoie: Oui. Je pourrais vous en remettre une copie.

M. Claveau: Je ne veux pas avoir un conditionnel, M. le ministre. Vous pourriez ou vous pouvez?

M. Savoie: Oui, oui. M. Claveau: Oui.

Le Président (M. Marcil): Je prends note de cette demande.

M. Claveau: D'accord. On posera des questions à nouveau là-dessus l'an prochain, s'il y a lieu de le faire. Est-ce que je peux changer de sujet, M. le Président?

Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y. S'il n'y a pas d'autres questions sur le même sujet, cela va.

M. Claveau: A moins qu'il y ait d'autres questions sur le même sujet...

Le Président (M. Marcil): Cela va. Allez-y!

Droits constitutionnels des autochtones

M. Claveau: Au sujet du dossier constitutionnel, il y a eu une rencontre la semaine dernière avec le premier ministre concernant, entre autres, la question du statut de société distincte pour les autochtones. Sur tout ce gros dossier, pourriez-vous nous dire où en sont les choses?

M. Savoie: Ce à quoi vous faites référence, ce sont des rencontres qu'on cherche à organiser avec les chefs autochtones sur une base strictement politique, c'est-à-dire auxquelles les chefs autochtones sont présents. Un ministre du gouvernement les rencontre pour discuter avec eux de dossiers spécifiques. Il y a eu une rencontre au mois de novembre avec le ministre du Revenu, M. Séguin.

Ce printemps, les chefs autochtones ont demandé une rencontre avec le premier ministre pour discuter du dossier du lac Meech, entre autres. Il y avait deux autres points à l'ordre du jour, sur lesquels ils ont reçu une réponse favorable. Évidemment, ce qui a fait la manchette, c'était toute la question du dossier du lac Meech. Les chefs des associations et des nations autochtones ont discuté avec le premier ministre du dossier spécifique du lac Meech. (11 h 30)

M. Claveau: Est-ce que vous étiez présent à la rencontre avec le premier ministre?

M. Savoie: Oui, bien sûr.

M. Claveau: On n'a jamais souligné votre présence nulle part.

M. Savoie: Non. Je crois que l'ensemble des reportages a clairement indiqué que le premier ministre et moi-même étions présents. D'ailleurs, tous les reportages que j'ai lus l'ont indiqué.

M. Claveau: Mais qui va être le porte-parole de la réponse? Est-ce qu'il va y avoir un suivi, une réponse qui va venir plus tard, ou est-ce que tout est clos? Qui va être le porte-parole, vous ou le premier ministre?

M. Savoie: Non, je ne crois pas que tout soit clos dans ce dossier, en ce sens qu'ils voulaient connaître la position du premier ministre en ce qui les concerne. Ce que les autochtones demandaient, c'était une modification à l'entente du lac Meech pour tenir compte de certaines de leurs revendications et assurer la présence des autochtones lors de la deuxième ronde. M. Bourassa a clairement indiqué qu'il n'était pas question de modifier l'entente du lac Meech, d'une part, parce que cela empêcherait le processus constitutionnel de se réaliser quant au rapatriement du Québec au sein de la confédération, par rapport aux nouvelles modifications qui ont été apportées au texte de 1982 et, deuxièmement, parce que l'entente du lac Meech est favorable à la position autochtone. Si vous regardez les propositions de l'entente du lac Meech, il y a une disposition spécifique en ce qui concerne les autochtones qui dit très clairement que, d'une part, rien dans l'entente du lac Meech ne porte atteinte aux droits des autochtones, soit à 91.24, soit à 35, soit à d'autres dispositions semblables de la constitution et que, deuxièmement, le processus de modification étant 7-50, cette situation est favorable également aux revendications des autochtones.

Ensuite, le premier ministre leur a expliqué, et je pense que les chefs autochtones en ont pris note et que cela va certainement faire l'objet de nouvelles discussions entre eux et nous, ce qui concerne leur participation à la

deuxième ronde de discussions.

M. Claveau: Est-ce que les autochtones ne demandent pas plutôt que le statut de société distincte soit inclus dès le départ? Même si le premier ministre ou vous qui vous faites le porte-parole du premier ministre nous dites qu'il n'est pas question de rouvrir l'entente du lac Meech, est-ce que la revendication des autochtones n'est pas que, dès le départ, on reconnaisse le statut de société distincte? La clause dont vous faites mention sur la question des autochtones dans l'entente du lac Meech, je crois qu'ils ne l'interprètent pas de la même façon, en ce qui concerne, entre autres, le pouvoir de dépenser du fédéral. Ils ont des craintes là-dessus. Est-ce que vous êtes capable de nous donner les éléments que vous leur avez expliqués pour les rassurer quant à ces craintes?

M. Savoie: il est spécifiquement prévu dans l'entente du lac Meech que rien dans l'entente ne porte atteinte aux droits des autochtones. C'est écrit noir sur blanc. Absolument rien dans l'entente du lac Meech ne porte atteinte aux droits des autochtones. Je vous demanderai de te lire, de regarder le dernier article et vous allez le constater.

Pour ce qui est de votre question concernant la société distincte, je vous avoue que je ne l'ai pas très bien comprise. Là encore, quant à la société distincte, rien dans l'accord du 3 juin, soit l'accord du lac Meech, n'affecte les dispositions constitutionnelles actuelles concernant les autochtones. Je crois que ceux qui ont préparé l'accord du 3 juin ont voulu le spécifier davantage pour éliminer tout doute. Ils ont dit, au dernier article de l'entente, que rien dans le présent accord ne portait atteinte aux droits des autochtones tels que reconnus dans les articles 91.24, 25 ou 35 de l'accord constitutionnel.

M. Claveau: Parlons de la question du pouvoir de dépenser nonobstant la clause dont vous faites mention.

M. Savoie: Le pouvoir de dépenser.

M. Claveau: Supposons que le Québec se retire d'un programme fédéral, un programme global, mais un programme auquel les autochtones pourraient participer ou dans lequel ils pourraient être inclus. Si vous vous retirez globalement du programme, par le fait même les autochtones ne seront pas inclus à l'intérieur du programme. Est-ce qu'il va y avoir un programme qui s'appliquerait seulement aux autochtones et que, pour le reste, vous auriez une compensation financière pour faire autre chose?

M. Savoie: Pour ce qui du pouvoir du dépenser et de l'entente du lac Meech, il est vrai que les autochtones craignent que le droit de retrait accordé aux provinces ne contribue à affaiblir les liens qu'ils entretiennent avec le gouvernement fédéral en vertu de l'article 91.24. Savez-vous ce qu'est l'article 91.24? On dit qu'est de compétence fédérale toute la question portant sur les autochtones, les Indiens est de compétence fédérale. Ce nouveau pouvoir, le droit de retrait qui est stipulé dans l'entente du lac Meech, ne peut s'appliquer que lorsque les compétences provinciales exclusives font l'objet de son utilisation. La compétence fédérale exclusive sur les Indiens et les terres réservées aux Indiens en vertu de l'article 91.24 ne peut, par conséquent, en aucune manière, être affectée par cette nouvelle entente. En aucune façon, parce que le droit de retrait est un droit qui est propre aux provinces, c'est-à-dire qu'une province peut se retirer...

M. Claveau: Oui.

M. Savoie: ...mais cela n'affecte pas les obligations du gouvernement fédéral. Lui, le fédérai ne peut pas se retirer.

M. Claveau: D'accord. Prenons un exemple bien précis.

M. Savoie: D'accord.

M. Claveau: Supposons qu'il y ait une entente fédérale-provinciale ou que le gouvernement fédéral propose, pour l'ensemble canadien, une politique ou un programme de formation professionnelle. D'accord?

M. Savoie: D'accord. Cela va.

M. Claveau: Un programme de formation professionnelle qui serait aussi accessible ou dans lequel il y aurait des éléments spécifiques pour les autochtones. Le gouvernement du Québec décide, après étude, que tout cela ne convient pas au Québec et qu'on se retire du programme.

M. Savoie: C'est cela.

M. Claveau: Cela veut dire, par le fait même, que les autochtones en sont retirés aussi.

M. Savoie: On se retire du programme avec l'argent et avec la possibilité de créer un programme semblable chez nous.

M. Claveau: D'accord

M. Savoie: Mais cela n'affecte en rien le droit des autochtones et l'obligation du gouvernement fédéral en vertu de l'article 91.24.

M. Claveau: Cela veut dire que les autochtones du Québec pourraient bénéficier du programme même si le gouvernement s'en est retiré.

M. Savoie: En vertu de la clause de retrait.

| M. Claveau: À ce moment-là, ils font affaire directement avec le gouvernement fédéral et ne font plus affaire avec le Québec.

M. Savoie: C'est-à-dire que si...

M. Claveau: Le Québec devrait-il quand même prévoir des budgets...

M. Savoie: Si on exerce...

M. Claveau: ...pour sa participation?

M. Savoie: ...notre clause de retrait, il faut créer un programme semblable ou similaire...

M. Claveau: Oui.

M. Savoie: ...sous notre administration. Alors, si des montants étaient mis de côté par le gouvernement fédéral pour, par exemple, la formation d'une main-d'oeuvre spécialisée autochtone, le gouvernement du Québec pourrait dire: Écoutez, cela tombe sous une compétence provinciale exclusive. C'est nous qui allons administrer ce programme. Nous allons créer un programme pour les autochtones...

M. Claveau: D'accord.

M. Savoie: ...qui est semblable au vôtre ou similaire. Vous allez nous verser l'argent et nous allons le distribuer aux autochtones.

M. Claveau: L'interlocuteur change à ce moment-là, et c'est ce que les autochtones ne veulent pas.

M. Savoie: Ce que nous disons à ce sujet, c'est qu'il faut qu'il s'agisse d'un domaine de compétence provinciale exclusive. Si le gouvernement...

M. Claveau: Éducation, transports...

M. Savoie: ...fédéral veut intervenir dans un domaine exclusivement provincial, nous disons: Non, nous ne renonçons pas à cette autorité, à ce privilège que nous avons en vertu de la constitution, nous voulons l'administrer nous-mêmes. Si vous pariez de la formation de la main-d'oeuvre, il ne s'agit pas d'un domaine d'exclusivité fédérale.

M. Claveau: Provinciale.

M. Savoie: Ce que j'ai dit, c'est que votre exemple est mal choisi. On va continuer la discussion et je vais vous donner un bel exemple.

M. Claveau: Un exemple chromé. M. Savoie: Un exemple clair...

M. Claveau: Ah boni

M. Savoie: ...qui va vous aider à comprendre...

M. Claveau: En santé, en transport, en éducation, cela est déjà...

M. Savoie: Non, parce que, là, sur les terres des autochtones, c'est le gouvernement fédéral qui en a la responsabilité. Mais on pense, par exemple - on va prendre un domaine que vous devez connaître un peu - au domaine minier où les provinces ont un pouvoir exclusif. Le gouvernement fédéral dit: On intervient et on veut créer, je ne sais pas, quelque chose pour l'exploration sur le terrain, et, en plus de cela, pour faire cette exploration, on va faire un programme pour les autochtones pour qu'ils soient employés comme chercheurs sur le terrain. Étant donné que c'est du domaine minier et qu'il y a là compétence provinciale exclusive, j'imagine qu'on pourrait dire au gouvernement fédéral: Vous avez un beau programme, mais, étant donné que c'est du domaine provincial exclusif, on va le faire nous-mêmes, on ne participe pas à votre programme, mais vous allez nous verser l'argent et nous allons faire ce programme nous-mêmes. Et on va, là-dedans aussi, comme le gouvernement fédéral le fera, j'imagine, dans d'autres provinces qui voudraient y participer, créer un programme spécifique pour les autochtones.

Toute la question du pouvoir de dépenser, finalement le droit de retrait, repose sur une reconnaissance constitutionnelle de la compétence provinciale dans un ensemble de dossiers. Je comprends que les autochtones craignent peut-être d'être lésés, mais je pense que les explications qu'on leur a fournies sont assez évidentes. Je crois que ce qui va se produire, c'est qu'on va avoir ensemble une réunion de "briefing" au cours de laquelle on va se rencontrer autour d'une table, on va discuter de nouveau de ce dossier. Je pense que plusieurs de leurs questions vont recevoir réponse d'une façon acceptable. Je pense qu'ils vont comprendre que, lorsqu'on parle du droit de retrait, c'est tout simplement une question de respecter les compétences provinciales vis-à-vis d'Ottawa, ce qui est très important.

M. Claveau: On va voir les réactions qu'ils vont avoir là-dessus dans les prochaines semaines.

Maintenant, en ce qui concerne la question de la société distincte, est-ce que vous attendez un prochain échéancier électoral là-dessus ou bien si...

M. Savoie: Je vous ai répondu au sujet de la société distincte. On dit, dans l'entente du lac Meech, que rien dans la présente entente ne porte atteinte aux droits des autochtones. Rien.

M. Claveau: Oui, mais les autochtones veulent avoir un statut constitutionnel de société distincte.

M. Savoie: Ah! Ce que les autochtones demandent, c'est une reconnaissance. Ils demandent beaucoup de choses. Entre autres, pour ce qui est de la constitution, ce qu'ils demandent, c'est la reconnaissance de société distincte, ce à quoi on ne s'oppose pas. On ne s'oppose pas à ce principe. Ce qu'on dit, c'est que cela doit faire l'objet d'une deuxième ronde dans les questions constitutionnelles, que l'entente du lac Meech est maintenant scellée.

M. Claveau: Mais vous, en tant que ministre responsable des Affaires autochtones...

M. Savoie: Oui.

M. Claveau:... est-ce que vous entendez défendre le point de vue des autochtones là-dessus ou si vous entendez défendre une ligne de gouvernement?

M. Savoie: Ce que j'entends faire, c'est de permettre aux autochtones le plus d'accès possible aux instances décisionnelles du gouvernement du Québec afin de connaître leur point de vue et afin qu'ils puissent discuter avec les autorités pour connaître le point de vue du gouvernement du Québec. C'est mon rôle et j'entends le jouer.

M. Claveau: Mais est-ce que le gouvernement du Québec a un point de vue là-dessus au moment où on se parle? Vous ne l'avez jamais dit. Est-ce qu'il est pour ou contre?

M. Savoie: Oui, je crois que le gouvernement du...

M. Claveau: Vous avez dit que vous n'étiez pas contre, mais est-ce que cela veut dire que vous êtes pour?

M. Savoie: Le gouvernement du Québec a fait connaître sa décision par le biais du premier ministre lors de la rencontre avec les autochtones. Dans la préparation de cette rencontre, il y a eu des documents d'établis. Il y a eu des pourparlers entre, par exemple, le SAIC, le bureau du premier ministre et les chefs autochtones. Il y a eu des entretiens préparatoires et, là-dedans, on a fait connaître notre position selon laquelle, il n'est pas question de rouvrir l'entente du lac Meech. C'est cela la position du gouvernement. Il n'y a pas de réouverture de l'entente.

M. Claveau: Non, mais il serait peut-être bon que les autres citoyens du Québec sachent ce que le gouvernement pense quant au statut des autochtones en tant que société distincte.

Est-ce que le gouvernement du Québec est actuellement pour que les autochtones aient un statut de société distincte ou est-ce qu'il est contre?

M. Savoie: Le gouvernement du Québec a annoncé à plusieurs reprises, par exemple, lors de la présentation du dossier constitutionnel autochtone, lors de ce qu'on appelle les FMC, les "First Ministers' Conferences", et des réunions préparatoires que le gouvernement du Québec était en faveur de l'autonomie gouvernementale des autochtones, à trois conditions. Ces trois conditions ont été clairement énumérées: d'abord, que ce soit des ententes négociées; deuxièmement, qu'on sache qui paie et comment - c'est-à-dire qu'actuellement c'est une responsabilité fédérale et il faudrait que les fonds suivent - et troisièmement, que cela se fasse à l'intérieur du contexte constitutionnel. On a toujours répété cette position-là. Nous sommes favorables à l'autonomie gouvernementale canadienne. Donc...

M. Claveau: Non, mais... M. Savoie: Non, non, mais...

M. Claveau: Là, vous me répondez sur l'autonomie gouvernementale. Je vous ai interrogé sur la société distincte.

M. Savoie: Oui, mais comprenez-vous que la société distincte est liée à la question de l'autonomie gouvernementale. C'est le même dossier. Le fait que les nations autochtones forment des sociétés distinctes implique nécessairement leur droit à une certaine autonomie gouvernementale sur leur territoire. C'est cela que cela veut dire.

M. Claveau: Je crois, M. le ministre, que c'est discutable, dans la mesure où on pourrait - je ne fais que donner un exemple imparfait en soi - penser qu'il y a une espèce d'autonomie administrative régionale au Québec, sans pour autant faire une société distincte dans chaque région.

M. Savoie: Chez nous, il n'y a jamais eu d'objection à la reconnaissance de la société distincte pour les nations autochtones. Cela va de soi. Je ne sais pas si vous vous souvenez du projet de loi 50 qu'on a déposé. Dans les "attendu que", on disait spécifiquement que les nations du Québec constituaient des sociétés distinctes. (11 h 45)

Finalement, toute la question de la société distincte ne présente pas de difficultés chez nous. Je pense qu'en ce qui concerne le reste du Canada, cela présente des difficultés, mais pas au Québec.

M. Claveau: Est-ce que vous avez assuré les

représentants des nations autochtones que, lors d'une éventuelle deuxième ronde - si jamais on en finit avec la première - de négociations constitutionnelles, vous, comme gouvernement du Québec, vous allez défendre le principe de la société distincte pour les autochtones canadiens?

M. Savoie: M. Bourassa a toujours indiqué aux nations autochtones que la position du Québec, lors d'une deuxième ronde, serait et est la participation des communautés autochtones à cette deuxième ronde constitutionnelle. Pour ce qui est de toute la notion de société distincte, c'est la position du Québec, et ce, depuis moult années. Alors, il n'y a pas de difficultés à ce point de vue, et je crois que les autochtones, lors de la rencontre, l'ont constaté. Je pense que M. Bourassa a été très clair quant aux interventions qu'il a faites en ce qui concerne la deuxième ronde sur la question de la société distincte comme sur la question du pouvoir de dépenser et, également, quant au fait qu'actuellement, avec l'entente du lac Meech, les autochtones seraient en mesure d'apporter des modifications sur la base du 7-50 - cela veut dire qu'avec sept provinces constituant 50 % de la population on peut modifier la constitution - et que ce serait là une porte d'entrée pour les autochtones qui veulent faire avancer leur cause sur le plan constitutionnel.

Évidemment, pour les autochtones, il y a un débat à ce point de vue, parce qu'ils prétendent que c'est vrai, cet élément-là, mais que, par contre, pour qu'on ait accès à la table pour la deuxième ronde, cela demande l'unanimité. C'est là-dessus qu'ils sont hésitants, parce qu'ils prétendent qu'ils n'auront jamais l'unanimité. Par contre, nous, du gouvernement du Québec, ce qu'on dit, c'est que, oui, effectivement, il y aura une deuxième ronde.

D'ailleurs, j'ai oui dire de la part de certains intervenants autochtones que le gouvernement fédéral commence déjà à avoir des rencontres avec certaines communautés dans le but d'explorer cette possibilité d'une deuxième ronde. Alors, il semble y avoir déjà une volonté, si les renseignements que j'ai sont véridiques.

Je pense que, si on regarde l'ensemble du dossier du lac Meech, les rencontres qu'il y a eu avec les chefs autochtones, ce qui se produit, c'est que, lors d'un "briefing" on sera en mesure de jeter plus de lumière encore. Ce que je peux faire, c'est espérer que les autochtones vont être sympathiques a la position prise par M. Bourassa et les explications qu'il a données lors de la rencontre la semaine passée.

M. Claveau: Continuez à espérer, M. le ministre. Y a-t-il encore des questions là-dessus? Je changerais de sujet. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Marcil): Sur le même sujet?

Femmes battues chez les autochtones

Mme Bleau: Non, ce n'est pas sur le lac Meech, mais c'est un sujet qui a été passé un peu sous silence tout à l'heure. C'est la subvention qui a été accordée pour les femmes battues chez les autochtones. Est-ce que vous me permettez...

Je pense qu'il y a encore beaucoup de sauvages chez les Blancs, M. le ministre, puisque le problème des femmes battues va toujours en s'amplifiant. Mais ce problème est également crucial chez les autochtones, et, l'année dernière, le SAA a accordé 15 000 $ à l'Association des femmes autochtones. La campagne de sensibilisation sur la violence, est-ce que c'est déjà parti? En quoi consiste-t-elle? Quel programme a été mis de l'avant?

M. Savoie: Comme vous le savez, les données sont sorties en ce qui concerne la condition féminine sur les réserves, et celle-ci est particulièrement difficile. Il s'agit souvent d'une couche de la société québécoise qui est défavorisée, tant au niveau économique que social et où la violence est beaucoup plus proche, étant donné la pauvreté économique et le contexte d'isolement qui en résulte.

Les statistiques qu'on a eues démontraient que par exemple, trois femmes sur quatre faisaient l'objet de violonce. Alors, on a établi un programme d'intervention qui est loin d'être terminé et qu'on compte poursuivre cet été, avec des mesures beaucoup plus précises. L'année passée, on a produit une affiche basée sur le thème "La violence nous déchire-Réagissons. " Une série de messages radiodiffusés de 30 secondes chacun est actuellement en préparation et leur diffusion commencera à la fin du printemps. À l'automne, une brochure de renseignements sera produite et diffusée dans toutes les communautés. Toutefois, nous comptons faire porter nos interventions d'une façon beaucoup plus précise et importante. Une campagne d'information, c'est important, mais nous comptons intervenir avec un organisateur ou une organisatrice auprès des communautés pour créer des structures qui pourraient justement répondre à la question des femmes battues dans les communautés.

Mme Bleau: Comme ces territoires sont autonomes, est-ce que leurs propres policiers interviennent si une femme fait une plainte?

M. Savoie: Oui. Il y a, évidemment, les "peacekeepers" qui peuvent intervenir dans ces dossiers. On peut aussi faire appel à la Sûreté du Québec, par exemple, pour certaines communautés desservies par la Sûreté du Québec.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée de Groulx. M. le député d'Ungava.

Montagnais de la Basse-Côte-Nord

M. Claveau: M. le Président, j'aimerais aborder un autre dossier qui me semble fondamental quant aux droits des autochtones québécois, c'est toute la question des problèmes des Montagnais de la Basse-Côte-Nord par rapport aux limites de Terre-Neuve. Au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé de ce dossier. Des Montagnais sont emprisonnés et pratiquement déportés manu militari, pour reprendre l'expression de M. Cleary en conférence de presse. Qu'est-ce que le gouvernement du Québec fait dans ce dossier en tant que défenseur des droits des Québécois?

M. Savoie: Évidemment, on appuie et on cherche à aider ces Montagnais. Mais lorsqu'un Montagnais change de province, c'est-à-dire quand il vaque à ses occupations de chasse et de pêche sur un territoire autre que le territoire du Québec, une fois qu'il a traversé la frontière, nous ne pouvons pas intervenir autrement que par une lettre d'intercession auprès de l'autre gouvernement ou par une assistance à la famille ou à la communauté dont fait partie le Montagnais québécois. Chaque province a l'administration de son territoire, chaque province édicté ses lois et établit ses politiques en ce qui concerne l'administration de la chasse et de la pêche. Et lorsqu'un Montagnais québécois chasse au Labrador, dès qu'il traverse la frontière, nos recours sont à toutes fins utiles inexistants. Tout ce qu'il nous reste à faire, c'est aider la communauté dont fait partie le Montagnais ou la Montagnaise en question, afin qu'ils puissent être servis convenablement par des avocats au Labrador, et, si jamais la situation se présente, faire des interventions politiques.

M. Claveau: Mais, M. le ministre, dans ce beau et grand Canada, comme on aime à le vanter à l'occasion, il devrait y avoir un minimum de respect des droits de la personne dans ce domaine. Par exemple, j'ai l'impression que le Québec et même l'ancien gouvernement, malgré tous ses défauts, n'ont jamais poursuivi les Inuit vivant dans les Territoires du Nord-Ouest sur l'île de Killiniq, parce qu'ils venaient chasser et pêcher aux limites ou sur les terres intérieures québécoises. Pourquoi, à ce moment-là, devrait-on accepter que nos Montagnais qui vivent au Québec soient poursuivis comme des criminels par Terre-Neuve, alors qu'ils sont sur leurs limites de trappe, de chasse et de pêche traditionnelles? Si on est capable de nous faire la preuve du fédéralisme rentable, qu'on commence donc par le faire à partir des éléments de base du simple respect de l'individu. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement du Québec ne s'en mêle pas d'une façon un peu plus vigoureuse. Entre autres, on parle actuellement de la mise en place d'une table de négociations entre Terre-Neuve et le fédéral pour essayer de régler le problème. Tout le monde va nous passer pardessus la tête. Mais qu'est-ce que le Québec va faire comme gouvernement? Est-ce que vous allez insister pour siéger à cette table? Quelle position allez-vous prendre en supposant que les négociations échouent? J'aimerais que...

M. Savoie: Je pense que j'ai très bien expliqué la situation. Il s'agit d'un domaine exclusif aux provinces. Et lorsqu'un Montagnais va chasser au Labrador, par exemple, il fait affaire à une autre compétence juridique, dans une autre province.

M. le député d'Ungava, de quelle façon devrait-on réagir si, par exemple, un groupe d'autochtones du nord-est des États-Unis venait faire de la chasse à la hauteur de la Chaudière?

M. Claveau: Ah! Là, on parle de frontières et de pays. Que l'on sache, entre Terre-Neuve et le Québec, c'est encore le même pays.

M. Savoie: Bien non, laissez-moi continuer. On a là, par exemple, des droits autochtones existants indépendamment: des frontières que les autochtones disent blanches, imaginaires. Eux ont des droits sur un territoire et non pas sous une juridiction provinciale. De la même façon lorsque des Inuit du Labrador viennent faire la chasse au Québec, bien sûr, je crois que nous, au Québec, nous avons une position beaucoup plus compréhensive actuellement que ce qui s'est produit dans le cas des Montagnais au Labrador.

Lorsqu'un Québécois qu'il soit montagnais, inuit ou mohawk traverse la frontière de l'Ontario ou celle de Terre-Neuve et va chasser sur ce territoire, il est susceptible de se voir confronté à d'autres lois, à d'autres réglementations, sur lesquelles il doit se faire entendre. Évidemment, on n'est pas là pour encourager le gouvernement du Labrador à intervenir à ce niveau-là; on est là pour protéger les autochtones qui habitent le territoire du Québec. C'est dans ce sens-là qu'on surveille la situation, et, lorsqu'il est requis de le faire, on peut intervenir.

M. Claveau: Qu'est-ce qui a été fait concrètement jusqu'à maintenant à part surveiller? Quelles sont les démarches concrètes qui ont été faites pour défendre les droits individuels des Montagnais de la Basse-Côte dans leurs limites de trappe traditionnelles?

M. Savoie: Dans leurs limites de trappe traditionnelles, on parle essentiellement du Québec. Il y en a quelques-uns qui ont traversé la frontière et qui se sont livrés à des activités de chasse et de pêche au Labrador. Il ont été interpellés par la GRC et détenus. Par la suite, ils ont été relâchés. De demandes d'intervention de notre côté, à ma connaissance, il n'y en a pas eu. Les gens de Saint-Augustin que j'ai visités l'année passée ont soulevé la question, mais ils

n'ont pas demandé de faire une intervention. Alors, on suit la situation et, lorsqu'il y a une demande d'intervenir, à ce moment-là, on peut l'examiner selon chacun des dossiers. Il y a évidemment... Oui?

M. Claveau: Autrement dit, nos pêcheurs et chasseurs montagnais de la Côte-Nord ne peuvent pas aller chercher quelques poissons ou quelques caribous de l'autre côté sans risquer de se faire mettre en prison. Par contre, ils sont obligés de supporter les vols à basse altitude de Goose Bay qui leur passent au-dessus de la tête à la journée longue et qui effraient leur cheptel. Ils n'ont pas un mot à dire là-dessus.

M. Savoie: il n'y a aucune relation entre les deux questions.

M. Claveau: D'un côté, Ils sont obligés de supporter les inconvénients d'une base militaire située au Labrador, qui ne rapporte comme seule retombée au Québec que celle du pétrole dans les lacs, mais ils ne peuvent pas profiter de l'avantage de pouvoir aller pêcher ou chasser de l'autre côté de la frontière du Labrador.

Vous allez me dire qu'il n'y a pas de relation entre les deux dossiers, mais il reste que quand tu vis sur le terrain, je comprends qu'il y ait juste les inconvénients. Il ne peut pas y avoir d'avantages.

M. Savoie: Le territoire, c'est une chose et puis les vols à basse altitude en sont une autre. Il y en a une qui est de compétence fédérale et l'autre de compétence provinciale.

Par exemple, si vous voulez parler des vols à basse altitude, il y a actuellement des études d'impact environnemental qui seront connues sous peu. Les Montagnais contestent ce dossier-là à l'endroit où ils doivent le contester, c'est-à-dire d'abord à Ottawa et ensuite auprès des mécanismes de droit international. Il y a un suivi qui se fait de ces revendications de par leurs interventions. De notre côté, on suit le dossier de près en ce qui concerne l'impact que cela peut avoir sur leurs activités traditionnelles et au point de vue de l'impact environnemental. L'étude d'impact doit être déposée sous peu.

M. Claveau: Ce que l'on comprend actuellement, c'est que les Montagnais de la Basse-Côte ont un certain nombre de problèmes. Entre autres, ceux-ci sont reliés à la question des vols de Goose Bay. Les Terre-Neuviens devraient avoir assez de territoire chez eux pour ces vois sans venir survoler le Québec, si c'est comme cela.

M. Savoie: il s'agit d'un domaine de compétence fédérale.

M. Claveau: La même chose que les autochtones, c'est de compétence fédérale, vous l'avez dit à plusieurs reprises. Alors, dans quelle mesure le gouvernement de Terre-Neuve peut-il se permettre d'incarcérer des autochtones québécois qui vont chasser de l'autre côté, si c'est aussi de compétence fédérale? Et vous nous avez dit que le dossier des autochtones était un dossier exclusivement de compétence fédérale. (12 heures)

M. Savoie: Non, c'est-à-dire qu'en vertu de l'article 91. 24 les terres des autochtones tombent sous le contrôle du gouvernement fédéral. Par exemple, les réserves sont des territoires qui appartiennent au gouvernement fédéral. Les relations, la responsabilité première en ce qui concerne les autochtones, l'administration et la loi habilitante pour ce qui est de l'administration de ces réserves relèvent du gouvernement fédéral. Du côté du gouvernement du Québec, on a des responsabilités vis-à-vis des communautés autochtones, qu'on assume d'ailleurs.

Pour ce qui est des vols à basse altitude, il s'agit d'abord d'une question de défense nationale, donc qui relève du gouvernement fédéral. Et le gouvernement fédéral a, conjointement avec d'autres pays, établi une zone d'essai pour des vols pour les forces de l'OTAN. Notre intervention à ce sujet est de nous assurer que les autochtones peuvent efficacement revendiquer, d'abord, auprès d'Ottawa et, ensuite, d'autres instances, par exemple, de les assister au niveau des études d'impact, de les assister dans leurs démarches. Nous avons donné notre appui par des lettres, des communications et des pourparlers. A ce sujet-là, je pense que nous faisons notre bout de chemin. Je pense qu'Ottawa a un problème avec une communauté autochone, une nation montagnaise dans ce cas-ci, et cela doit se régler à ce niveau-là. Les Montagnais sont en mesure d'assumer leur défense et la revendication de leurs droits, et nous sommes là, nous, pour les assister.

M. Claveau: Ce que vous faites.

Le Président (M. Marcil): Avant de continuer, j'aimerais avoir le consentement pour dépasser midi, puisque nous avons cinq minutes à reprendre sur le temps de ce matin. Cela va?

M. Savoie: À titre d'information, j'ai écrit deux fois au ministre de la Défense nationale au sujet des vols.

M. Doyon:...

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Pas de problème, il y a consentement.

Le Président (M. Marcil): Cela va, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Le ministre nous dit qu'il a écrit au ministre de la Défense nationale sur la question des vois, mais...

M. Savoie: Je lui ai demandé...

M. Claveau: ...que lui avez-vous dit?

M. Savoie: ...de tenir compte de la revendication des Montagnais, de limiter ces vols au-dessus du territoire montagnais parce que effectivement cela avait un effet sur leurs activités de chasse et de pêche.

M. Claveau: Vous ne lui avez pas demandé de se contenter de voler au-dessus de Terre-Neuve plutôt que de venir nous déranger. On ramasse seulement le pétrole qui tombe dans le lac, mais, en dehors de cela, il ne reste pas grand-chose.

M. Savoie: Je pense que toute la question du pétrole dans le lac est assez farfelue pour le moment. Ce n'est pas prouvé et c'est loin de l'être: un avion qui vole ne dépose pas énormément de pétrole sur les lacs. Je pense que c'est un peu exagéré, mais il est vrai que cela a probablement un impact sur l'environnement. Le bruit qui chasse et énerve les animaux dérange les Montagnais. C'est facilement compréhensible, et je pense qu'effectivement il y a là une responsabilité que le gouvernement fédéral doit assumer pour mieux coordonner les vols de l'OTAN.

M. Claveau: Ils pourraient se contenter de se promener là où il n'y a pas de chasseurs. Du côté de Terre-Neuve, il semble qu'on ne peut pas chasser là.

M. Savoie: C'est-à-dire que, pour ce qui est du Labrador, il y a évidemment des Inuit qui vaquent à leurs occupations traditionnelles, qui ont des droits sur ce territoire et qui, eux aussi, j'imagine, peuvent les exercer.

M. Claveau: On se reparlera de ce dossier, M. le ministre. Est-ce que c'est la conclusion?

Le Président (M. Marcil): Oui, s'il vous plaît!

M. Claveau: C'est à moi?

Le Président (M. Marcil): Bien, je ne sais pas lequel. Si vous voulez commencer, il reste à peine deux ou trois minutes.

M. Claveau: Je vais rapidement remercier le ministre de s'être prêté à l'exercice, de nous avoir donné les informations qui, quoique parcellaires, vont sûrement nous servir pour améliorer nos connaissances, comme il le disait au début. Je tiens aussi à remercier toute son équipe, les fonctionnaires du SAA et de son cabinet qui sont ici et qui ont assisté avec beaucoup d'attention à la discussion que l'on vient d'avoir. Je tiens aussi à remercier les quelques membres du personnel du SAA avec qui j'ai eu à prendre contact en cours d'année et qui m'ont reçu d'une façon très très acceptable et avec une bonne collaboration. Je n'en dirais pas autant du ministre, mais je le dis pour son personnel.

Adoption des crédits

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, cela va? D'accord. Juste avant de terminer, je vais appeler l'élément 3 du programme 2. Adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Marcil): Donc, j'ajourne les travaux sine die. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 12 h 6)

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