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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mercredi 27 avril 1988 - Vol. 30 N° 11

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes


Journal des débats

 

(Neuf heures onze minutes)

Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous plaît!

Cette séance de la commission des institutions est ouverte. Je rappelle notre mandat qui est de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes pour l'année financière 1988-1989. Il s'agit, bien sûr, du programme 4, éléments 1 à 3 du Conseil exécutif. Je demanderais à notre secrétaire, Me Lucie Giguère, de bien vouloir annoncer les remplacements.

La Secrétaire: M. Assad (Papineau) est remplacé par Mme Hovington (Matane), Mme Bleau (Groulx) par M. Khelfa (Richelieu) et M. Godin (Mercier) par M. Brassard (Lac-Saint-Jean).

Le Président (M. Filion): Une enveloppe de six heures a été prévue pour l'exécution de notre mandat, soit de neuf heures à midi et de 19 heures à 22 heures. Sans plus tarder, à moins qu'il n'y ait des questions, je donne la parole à M. le ministre qui nous fera part de ses remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président. Vous me permettrez tout d'abord de présenter les deux personnes qui m'accompagnent à la table, en plus des fonctionnaires. À ma droite, Mme Dianne Wilhelmy, secrétaire générale associée au SAIC et à ma gauche Mme Suzanne Lévesque, directrice adjointe de mon cabinet.

M. le Président, c'est toujours avec une certaine émotion que je me retrouve dans cette salle du Conseil exécutif, je dois l'avouer au départ, salle où beaucoup de grands débats ont marqué l'histoire du Québec. C'est dans ce contexte que l'on discute aujourd'hui des crédits du ministère au coeur de l'évolution du Québec dans ses relations avec les autres partenaires fédéraux, le gouvernement fédéral et les autres provinces. J'ose croire, M. le Président, que cette atmosphère nous inspirera dans nos discussions.

M. le Président, je voudrais en remarques préliminaires, si vous me le permettez, dresser un rapide bilan des relations intergouvemementales du Québec au cours de la dernière année. Je voudrais aussi aborder la nouvelle orientation que nous entendons donner au SAIC. En effet, M. le Président, dans le discours inaugural du 8 mars dernier, le gouvernement a annoncé qu'il allait accentuer l'aspect économique du mandat du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes. Sans négliger, bien sûr, le volet constitutionnel des relations fédérales-provinciales, le SAIC entend mettre davantage l'accent sur le volet économique dans la perspective d'un renforcement du Québec comme partenaire économique majeur de la fédération canadienne.

Dans un contexte de libre-échange avec les États-Unis et d'une volonté des gouvernements de travailler à la réduction et, si possible, à l'élimination des barrières commerciales interprovinciales, les aspects économiques du fédéralisme canadien sont appelés à prendre plus d'importance que jamais. C'est pourquoi ce virage dans les orientations du SAIC s'impose et viendra compléter sa vocation en ce qui regarde les relations fédérales-provinciales et les relations interprovinciales.

L'année 1987-1988, M. le Président, en matière intergouvernementale a été marquée par la consolidation d'un certain nombre de dossiers majeurs sur lesquels le gouvernement s'est penché en priorité depuis le début de son mandat. La question constitutionnelle avec l'accord Meech-Langevin signé le 3 juin 1987, le Sommet de la francophonie tenu en septembre de la même année, l'accord du libre-échange avec les États-Unis signé le 1er janvier 1988, voilà autant de dossiers et de réalisations qui démontrent fort bien que notre nouvelle approche des relations, tant fédérales-provinciales qu'inter-provinciales, a réellement porté fruit.

En effet, M. le Président, c'est dans un climat de collaboration qu'évoluent les relations du Québec avec le gouvernement fédéral et les autres provinces. Bien sûr, cette collaboration ne signifie pas que toute divergence est exclue du paysage intergouvernemental. Mais nous sommes en voie de prouver que c'est en défendant nos intérêts de façon déterminée, dans un esprit de collaboration et non en cherchant strictement la confrontation que le Québec est en mesure de reprendre sa place en tant que partenaire majeur de cette fédération.

Nos nombreux acquis depuis le début de notre mandat prouvent de façon éloquente que notre approche apporte des dividendes importants pour le Québec dans le cadre de notre option fédéraliste. C'est dans ce contexte que le gouvernement a annoncé qu'il confiait au SAIC des responsabilités additionnelles lui permettant de renforcer cette dimension économique.

Le partage de la richesse nationale de la fédération, par le biais des décisions économiques prises par le gouvernement fédéral, constitue le fondement même du système fédéral. Cela s'accentue par le fait que le développement régional est maintenant enchâssé dans la constitution par l'article 36 de la loi constitutionnelle de 1982. Le SAIC se voit attribuer des respon-

sabilités spécifiques relatives à la défense et à la promotion des intérêts du Québec en tant que partenaire économique majeur de la fédération canadienne.

Pour renforcer cette dimension économique, le SAIC procédera à l'analyse de la politique économique du gouvernement canadien, en fonction de son influence sur la croissance des différentes régions. Pour ce faire, nous devons nous doter d'outils permettant d'identifier ies interrelations des décisions économiques du gouvernement fédéral et d'évaluer leur impact quant au Québec par rapport aux autres provinces, aussi bien en ce qui touche les arrangements fiscaux que le développement régional. Nous arriverons ainsi, à l'aide d'analyses menées par les principaux ministères économiques du gouvernement du Québec, à dresser un tableau de bord des principales interventions du gouvernement fédéral au Québec en les comparant à celles qu'il effectue dans les autres régions du pays.

Avec cette vue d'ensemble, nous arriverons à mieux situer la part que retire le Québec des politiques économiques du gouvernement fédéral et, de là, à améliorer nos stratégies, afin de s'assurer que les politiques fédérales à incidences économique et financière soient conformes aux intérêts du Québec.

Dans le même ordre d'idées, le SAIC jouera un rôle actif dans la coordination du dossier des barrières interprovinciales au commerce. Dans un contexte de libre-échange avec les États-Unis, il importe de trouver des solutions pour atténuer les barrières qui font encore obstacle au commerce avec les autres provinces. Nous faisons partie d'un marché commun canadien et la logique même d'une plus grande ouverture avec le marché américain commande que nous libéralisions d'abord nos échanges avec les provinces qui sont nos plus importants partenaires économiques.

Il s'agit donc là d'un virage important dans le mandat du SAIC qui permettra au Québec de mieux se positionner sur l'échiquier économique canadien et de lui assurer, du même coup, de recevoir sa juste part.

Enfin, M. le Président, l'objectif que nous visons, c'est de nous doter des outils nécessaires pour faire les études qui nous amènent à ce que le Québec reçoive la juste part qui lui revient au sein de la Fédération canadienne.

Abordons maintenant très brièvement un certain nombre de grands dossiers qui ont été consolidés au cours de l'année écoulée. Tout d'abord, il faut mentionner le dossier constitutionnel et plus spécifiquement l'accord historique qui a été conclu au lac Meech le 30 avril dernier et signé officiellement par tous les premiers ministres à Ottawa le 3 juin 1987. Par cette entente, le Québec réintègre la famille constitutionnelle canadienne à titre de partenaire majeur, après avoir reçu satisfaction sur les cinq conditions qu'il avait posées. Il s'agit d'un excellent accord non seulement pour le Québec qui revient ainsi avec honneur dans le giron constitutionnel, mais aussi pour l'ensemble du Canada qui en ressort grandi. il ne faut pas croire que la réforme constitutionnelle se termine avec l'accord du lac Meech. Bien au contraire, ce n'est que le début. À partir de cet accord qui établit aussi les fondements d'un véritable fédéralisme coopératif, nous pourrons entreprendre dès l'automne prochain une deuxième ronde de discussions pour réformer nos institutions et le partage des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les provinces.

L'accord du lac Meech est l'acte constitutionnel le plus important pour le Québec depuis l'Acte de 1867 où le Québec a accepté de faire partie de la constitution canadienne.

Après plus d'un an d'études, tant par des commissions parlementaires au fédéral et au provincial que par des colloques et conférences partout au pays, nous savons maintenant que cette entente ne contient aucune erreur de fond. Il n'est donc pas question, pour nous, d'en permettre la réouverture et d'en rediscuter le contenu. Les principales critiques formulées à rencontre de l'entente du lac Meech sont d'ailleurs sans fondement. En ce qui regarde les droits des femmes, même M. Trudeau avoue qu'il ne voit pas là de problème. Mais nous aurons l'occasion probablement de revenir sur ces différents aspects un peu plus tard lors de cette séance de travail.

Quant à la charte, non seulement l'entente du lac Meech n'en limite pas la portée mais encore est-elle un instrument de première importance pour l'interpréter. En ce sens, le principe de la dualité et celui de la société distincte contenus dans l'entente du lac Meech constituent le fondement des droits des minorités, lesquels servent d'assise à l'interprétation de la charte.

Un autre dossier majeur impliquant le gouvernement du Québec et celui d'Ottawa a connu un aboutissement positif au cours de cette année. Il s'agit du Sommet de la francophonie. La tenue de ce sommet, dans des conditions exceptionnelles de coopération entre Québec et Ottawa, a démontré hors de tout doute que l'ère des affrontements stériles Québec-Ottawa sur la question des relations internationales était chose du passé. Le rôle de premier plan qu'a joué le gouvernement du Québec dans la tenue de cet événement et la coordination impeccable entre les deux gouvernements hôtes prouvent qu'il est dorénavant possible pour le Québec de jouer pleinement son rôle sur la scène internationale en parfaite harmonie avec le gouvernement fédéral.

L'accord de libre-échange avec les États-Unis constitue un autre dossier majeur qui démontre fort bien le nouvel esprit qui anime les relations fédérales-provinciales. Le Québec, comme les autres provinces, a été étroitement associé à ce dossier. C'est grâce à ce processus

d'étroite collaboration dans le déroulement des négociations que le Québec a réussi à faire accepter ses points de vue. La période de mise en oeuvre qui s'annonce maintenant sera l'occasion d'intensifier nos mécanismes de collaboration et ainsi de s'assurer que l'application du traité s'effectuera dans les meilleurs intérêts du Québec.

M. le Président, je veux aussi souligner que pour l'actuel gouvernement, le volet interprovincial constitue un aspect majeur de ses relations intergouvernementales. Nous croyons à l'importance d'entretenir des relations soutenues avec nos partenaires canadiens, avec les autres provinces. C'est dans cet esprit qu'oeuvrent nos quatre bureaux au Ccnada. Le gouvernement du Québec a mis en yiace une nouvelle diplomatie plus ouverte sur l'ensemble des provinces canadiennes. Cette nouvelle orientation a permis une meilleure compréhension mutuelle entre le Québec et ses partenaires, une compréhension qui a été déterminante dans l'aboutissement de plusieurs dossiers dont, au premier chef, celui des négociations constitutionnelles. Nos relations avec les autres provinces ont été très actives cette année. De nombreuses rencontres avec les autres provinces se sont tenues, tant au niveau des premiers ministres que des ministres. De plus, nous avons ravivé notre accord-cadre de coopération avec l'Ontario en augmentant substantiellement le niveau des activités et certaines ententes sectorielles ont été conclues avec des provinces de l'Ouest et de l'Atlantique. Nous avons donc fait des efforts particuliers cette année pour renforcer nos relations bilatérales avec chacune des provinces.

Nous avons aussi resserré nos liens avec les francophones hors Québec et avec les associations qui les représentent. J'ai récemment fait part aux représentants des francophones hors Québec de notre intention de réorienter notre action à l'endroit des communautés francophones. Cette politique fait l'objet présentement de consultations avec les associations concernées et avec les autorités gouvernementales des autres provinces. Mais d'ores et déjà on peut préciser que notre action sera basée sur le respect des priorités des francophones et sur la concertation avec les provinces concernées et avec le gouvernement fédéral. Nous voulons que notre action soit le plus efficace possible et, c'est par la concertation que nous allons pouvoir atteindre cet objectif.

Nos efforts de coopération avec les francophones hors Québec seront intensifiés en particulier dans les domaines tels que l'éducation, la culture, les communications et la coopération économique et une attention toute particulière sera accordée aux jeunes par la mise en place de programmes d'échanges. Nous privilégions trois moyens pour renforcer cette coopération avec les francophones: des programmes d'aide destinés à soutenir directement les communautés francophones, des accords de coopération avec les provinces concernées, un lien direct avec les associations francophones. Le gouvernement a déjà annoncé que le budget destiné à soutenir la coopération avec les francophones sera substantiellement augmenté, passant de 1 000 000 $ à plus de 2 000 000 $ cette année et à 2 500 000 $ en 1989-1990.

Au-delà des grands dossiers élaborés plus haut, M. le Président, l'activité intergouvernementale du Québec s'est poursuivie sur un nombre considérable de dossiers dans la plupart des domaines de l'activité publique. Quelques données permettent d'illustrer la vigueur des activités au cours de la dernière année. Mentionnons qu'il s'est tenu sept conférences de premiers ministres et 43 conférences de ministres, sans compter de nombreuses réunions de sous-ministres et hauts fonctionnaires. À cela, il faut ajouter un nombre considérable de rencontres bilatérales de tout niveau. Il ne s'agit là que de l'aspect visible, institutionnel, des relations intergouvernementales.

Mais la négociation et la gestion des dossiers fédéraux-provinciaux est une affaire de tous les jours. C'est cette continuité de travail régulier et intense qui permet de faire évoluer les dossiers dans le sens des intérêts fondamentaux du Québec.

Dans cette perspective, il m'apparaît intéressant, M. le Président, de faire un rapide survol de certains dossiers qui ont connu des développements importants au cours des douze derniers mois.

Au chapitre économique, le dossier du développement économique régional connaît, ces derniers temps, une évolution importante. Depuis les derniers mois, le gouvernement fédéral est à définir son approche en matière de développement régional. C'est dans cette perspective qu'il a mis en place l'Agence de l'Atlantique et l'Office de diversification pour l'Ouest et qu'il a créé le nouveau ministère de l'Industrie, de la Science et de la Technologie. Le gouvernement du Québec n'est pas intéressé à la création d'une agence pour le territoire québécois. L'aide du gouvernement fédéral doit être orientée davantage en fonction d'une étroite collaboration et concertation avec le Québec en respectant nos priorités. Depuis le début de l'année, nous avons des discussions suivies avec le gouvernement fédéral afin d'en venir à une entente sur la question du développement régional. Dans cette négociation, le principe de base du Québec est de protéger sa marge de manoeuvre dans les secteurs qui relèvent de sa juridiction. Il faut assurer une meilleure harmonisation des actions des deux gouvernements dans les domaines de juridiction partagée.

Au chapitre des ressources naturelles, nous avons signé avec Ottawa deux ententes importantes. Premièrement, l'entente concernant la prospection minière touchant surtout le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie et, ensuite, l'entente sur le développement forestier de la Côte-Nord.

Ces ententes garantissent l'exercice exclusif des compétences du Québec sur ces deux aspects importants du secteur des ressources naturelles.

Plusieurs autres dossiers de nature économique et financière ont été très actifs au cours de la dernière année. Le gouvernement fédéral, après consultation avec les provinces, a mis en place la première phase de sa réforme fiscale. Le Québec fera connaître certaines mesures d'harmonisation lors de son prochain budget. Le Québec portera une attention spéciale à la deuxième phase de !a réforme fédérale touchant les taxes a la consommation. Nous désirons nous assurer que les modifications qui seront apportées maintiendront notre marge de manoeuvre dans ce champ de taxation.

Le gouvernement fédéral a aussi mis de l'avant certaines propositions concernant la réforme des institutions financières. Sur ce point, le Québec est ferme et il entend assumer pleinement ses responsabilités sur la réglementation dans le domaine des institutions financières qui relèvent de sa juridiction.

L'activité intergouvernementale a aussi été très intense dans le domaine social. Plusieurs dossiers ont évolué de façon intéressante pour le Québec. Ainsi, au niveau des programmes d'emploi, en plus de l'importante entente conclue au début de l'année dernière sur la formation professionnelle des adultes, le Québec vient de s'entendre avec le gouvernement fédéral sur la question de l'intégration des bénéficiaires de l'aide sociale au marché du travail. Avec cette entente, nous recevrons une contribution fédérale importante afin de permettre aux personnes qui reçoivent l'aide sociale de participer à des programmes de stages et de formation afin qu'elles puissent réintégrer le marché du travail.

Il y a aussi l'importante question des services de garde à l'en?ance. À Sa suite de l'annonce faite par le gouvernement fédéral d'une stratégie nationale visant à soutenir et à développer le réseau canadien de garderies, des négociations intenses se sont amorcées entre les provinces et le gouvernement fédéral afin d'en arriver à la mise en place d'un programme conjoint. Le Québec tient à s'assurer qu'il conservera toute son autonomie dans ce secteur qui relève de sa compétence exclusive. C'est sur cette base que nous pensons en venir à une entente prochainement.

L'immigration a également été un sujet de discussions intenses au cours de cette année. L'actualité des dernières semaines a remis en lumière la question des revendicateurs du statut de réfugié. Le Québec maintient ses pressions pour que le gouvernement fédéral exerce ses responsabilités dans ce champ de juridiction. Il demeure toutefois prêt à collaborer dans la mesure de ses compétences. (9 h 30)

On sait que les dossiers à caractère fédéral-provincial et interprovincial sont nombreux et variés et qu'ils ponctuent quotidiennement la démarche de notre processus politique. Il n'est pas facile d'en faire un bilan exhaustif dans le cadre d'un exercice comme celui-ci, M. le Président. Il sera cependant possible d'aborder d'autres points à l'occasion de questions précises ou de revenir sur certains points présentés plus haut.

En conclusion, M. le Président, nous pouvons dire dans l'ensemble que la dernière année nous confirme un bilan positif de nos relations fédérales-provinciales. Sur le plan constitutionnel comme sur les questions économiques et sociales, le Québec a su marquer des points très importants. Mais il ne faut pas s'imaginer que ces gains ont été réalisés sans efforts. C'est le propre de la dynamique fédérale-provinciale de fonctionner sur un rapport de force basé sur le principe de poids et contrepoids. C'est ce qui fait la force et l'intérêt du fédéralisme.

Notre responsabilité est de faire en sorte que le Québec reçoive sa juste part d'Ottawa. Si, dans l'ensemble, le bilan est positif, il faut dire que certains dossiers nous ont aussi fortement déçus. Ce fut le cas des frégates, par exemple, dont le contrat de construction a été octroyé au Nouveau-Brunswick. C'est une situation inacceptable qui doit être réparée par l'octroi d'autres contrats.

Mon collègue de l'Industrie et du Commerce mène ce dossier avec toute l'énergie nécessaire. Mon collègue du Commerce extérieur et du Développement technologique a aussi soulevé, lors de la défense des crédits de son ministère, que le Québec ne recevait pas sa juste part des dépenses fédérales en matière de recherche. Lors de ma dernière rencontre avec M. de Cotret, j'ai eu l'occasion d'aborder ce sujet étroitement relié à celui de l'agence spatiale.

M. le Président, il ne faut pas perdre de vue que la négociation de dossiers fédéraux-provinciaux implique un processus complexe qui doit tenir compte d'un grand nombre de variables et qui, comme toute négociation, vise à concilier les intérêts qui peuvent différer sur certains points. Il apparaît jusqu'à un certain point normal que plusieurs dossiers prennent du temps à connaître un règlement. Mais les dossiers qui sont en jeu ont des conséquences considérables et, pour faire en sorte que les principes et les positions du Québec soient respectés, il vaut la peine d'y mettre le temps nécessaire. Cependant, M. le Président, il est de notre devoir de faire en sorte que le Québec reçoive sa juste part de son appartenance à la Fédération canadienne. Notre bilan est positif mais notre action demande une vigilance de tous les instants et c'est ce que nous faisons pour faire valoir les droits du Québec.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant donner la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean, porte-parole de

^'Opposition officielle en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, M. le Président. Le domaine des relations fédérales-provinciales a connu, au cours de la dernière année, bien des péripéties, même des rebondissements et même des virages majeurs. Je commencerai, parce que je me suis rendu compte que, dans son bilan, le ministre a une mémoire étonnamment sélective... Mes remarques vont en quelque sorte compléter le sien parce qu'il y a quelques oublis dans son bilan.

Je vais commencer par un élément qu'a complètement oublié le ministre: il s'agit du voyage désastreux de M. Bourassa et de lui-même dans l'Ouest canadien où le premier ministre du Québec s'est vu qualifié, par les Fransaskois en particulier, de traître à la cause des francophones hors Québec pour son appui, pour le moins surprenant, au projet de loi Devine et où les Franco-albertains ont refusé carrément de rencontrer M. Bourassa. Le projet de loi Devine, comme on le sait, abolit les droits historiques des Fransaskois reconnus pourtant par un jugement de la Cour suprême. Et, de façon surprenante, également hier, je vous rappellerais que les libéraux ont refusé d'appuyer une motion présentée par l'Opposition afin, à tout le moins, de se solidariser, de sympathiser avec les francophones de la Saskatchewan.

Ce qu'il est important de signaler, dans ce voyage, c'est que l'on s'est rendu compte que le premier ministre du Québec a renoncé - et cela c'est grave - aux responsabilités morales du Québec à l'égard des francophones hors Québec. Il se plaçait ainsi à contre-courant de l'histoire et il allait également à rencontre d'une tradition très longue d'appui, de soutien de la part du Québec, de la part du premier ministre du Québec, du gouvernement du Québec aux communautés francophones hors Québec. En appuyant le projet de loi Devine qui abolit les droits historiques des Fransaskois, M. Bourassa allait à contre-courant de l'histoire.

Au-delà de la théorie de la non-ingérence, je pense qu'il est important de signaler que, quel que soit le gouvernement en place au Québec, il a toujours accordé un appui moral, sans équivoque, sans réserve, du Québec à la défense et à la promotion des droits des francophones hors Québec. Je parle d'appui moral, cela va donc au-delà de l'aide financière que leur apporte le Québec depuis 1963, aide financière qui va doubler, comme le signale le ministre, et j'en suis fort aise. Mais ce n'est pas tout de soutenir financièrement les communautés francophones hors Québec, il faut aussi que, sur le plan politique, sur le plan moral, les communautés francophones se sentent soutenues, appuyées sans la moindre éauivoque, sans la moindre réserve par le seul Etat majoritairement francophone en

Amérique: il en a toujours été ainsi.

Malheureusement - tout à l'heure, je parlais de virage dans le domaine des relations fédérales-provinciales, c'en est un - on a assisté, lors du voyage dans l'Ouest, à un virage et à un abandon d'une longue tradition d'appui aux communautés francophones et à leur lutte incessante pour conserver leurs droits. La théorie de la non-ingérence et de la non-indifférence invoquée par M. Bourassa et M. le ministre, qui était également la position de la France à l'égard du Québec, on peut peut-être la comprendre pour ce qui est de l'ingérence ou du respect des juridictions des provinces, mais il est absolument incompréhensible que la non-indifférence soit traduite, se soit exprimée non pas par un appui soutenu au combat des francophones, mais par un appui à la loi Devine. C'est tout à fait incompréhensible, surprenant, étonnant et inacceptable que la non-indifférence ait pris cette forme, se soit exprimée de cette façon.

En d'autres termes, M. Bourassa aurait peut-être pu invoquer la non-ingérence pour ne pas porter un jugement sur la loi Devine, mais sa non-indifférence aurait pu, à tout le moins, s'exprimer par un appui aux communautés francophones et à leur combat. Cet appui concret, sans équivoque, du Québec aux communautés francophones hors Québec et en particulier à celle de la Saskatchewan est d'autant plus requis que l'on vient de prendre connaissance tout récemment de statistiques pour le moins inquiétantes sur l'assimilation des francophones hors Québec. Ces statistiques nous démontrent la progression effarante de l'assimilation des francophones. Pour la première fois, les francophones représentent moins de 25 % de la population canadienne, soit 23,2 %. En Alberta, le nombre de francophones ayant le français comme langue d'usage à la maison est tombé de 25 000, en 1981, à 17 640, en 1986. Au Manitoba, le nombre de francophones a chuté de 28 800, en 1981, à 23 840, en 1986. En Saskatchewan, seulement 9000 des 23 000 Fransaskois ont indiqué qu'ils utilisaient le français à la maison.

Par conséquent, devant ces statistiques, on se rend compte qu'il est d'autant plus urgent que, non seulement le soutien financier soit accru, mais que de la part du Québec, la défense vigoureuse des droits fondamentaux des communautés francophones soit solidement affirmée, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Ce qui n'a pas été le cas, en tout cas, lors du voyage désastreux dans l'Ouest, du "flop" du voyage de M. Bourassa dans l'Ouest. Face à ces statistiques inquiétantes concernant les francophones hors Québec, il y a en plus le fait que le Québec, évidemment, est confronté au défi majeur de la survie de son identité comme société francophone dans un contexte de déclin démographique.

Je vous signale que le premier ministre, M. Bourassa lui-même, avait indiqué que le défi majeur du Québec, au cours des prochaines années, est d'ordre démographique. Le Québec,

dans ce contexte de déclin démographique, doit donc se doter d'une politique familiale cohérente, articulée, et cela doit dépasser l'énoncé de voeux pieux qu'on connaît présentement, il doit se doter également d'une politique solide d'intégration des immigrants à la culture francophone. Cette intégration ne doit pas être uniquement scolaire. Je le dis et je le répète, je l'ai également déjà dit récemment, il doit songer aussi à mettre en oeuvre des mesures facilitant l'établissement de francophones hors Québec qui désirent revenir s'établir au Québec. Ce sont là, pour la plupart, des Québécois de souche, des frères. Donc, cela ne pose à peu près pas de problème d'intégration, comme c'est le cas pour des immigrants venant de divers pays du monde.

Je signale aussi, en passant, que ce n'est absolument pas incompatible avec une politique d'aide et de soutien des communautés francophones. Il n'y a pas d'incompatibilité entre les deux. On peut poursuivre, appliquer une politique vigoureuse de soutien moral, politique et financier des communautés francophones hors Québec. Cette politique de soutien des communautés peut être associée à une série de mesures facilitant et permettant l'établissement au Québec de francophones hors Québec qui souhaitent revenir s'établir au Québec. Cette politique que j'ai déjà proposée pourrait comporter un certain nombre de mesures. Par exemple, l'accès au régime des prêts-bourses pour les jeunes francophones hors Québec qui veulent poursuivre leurs études au Québec. On pourrait permettre l'accès au Crédit agricole des francophones producteurs agricoles, ailleurs au Canada, qui souhaiteraient revenir au Québec et continuer d'y exercer leur métier. Cela pourrait également comporter des déductions fiscales reliées aux frais d'établissement. Un certain nombre de mesures pourraient être envisagées pour faciliter, pour permettre aux francophones hors Québec qui le désirent, qui le veulent - je ne parle pas évidemment de les forcer - de revenir s'établir au Québec. Encore une fois, les deux vont de pair. On peut fort bien concevoir une politique vigoureuse de soutien des communautés francophones, c'est-à-dire poursuivre l'aide aux francophones hors Québec qui veulent continuer de vivre en dehors du Québec une vie francophone, continuer de les soutenir et de les appuyer. Mais cette politique pourrait fort bien également s'accompagner d'une politique du retour au Québec.

Je ne pense pas que ces deux volets d'une politique concernant les francophones hors Québec soient inconcevables, et je dis, quel que soit le régime politique. C'est une politique qui est concevable à l'intérieur du régime fédéral comme elle est concevable dans d'autres formes de statut politique.

Deuxième sujet, l'accord du lac Meech dont a parlé abondamment le ministre. Il est arrivé, à ce sujet, plusieurs faits nouveaux qui ont relancé la controverse sur la portée véritable de cet accord et de son contenu, en particulier au chapitre des droits des minorités et du concept de société distincte. Ces événements, je les reprendrai l'un après l'autre. D'abord, il y a ce qui s'est passé en Saskatchewan, avec la loi Devine, qui, à toutes fins utiles, abolit des droits qui avaient pourtant été reconnus par la Cour suprême. Curieusement, cette loi Devine abolissant les droits des francophones de la Saskatchewan a été présentée par un des signataires de l'accord du lac Meech, M. Devine. Cela s'est fait dans une province dont le Parlement a déjà ratifié l'accord du lac Meech. (9 h 45)

C'est tout à fait étonnant et la question qui se pose évidemment en relation avec le compromis du lac Meech est: Quelle est la portée, dans ces conditions, dans ces circonstances, du concept de dualité linguistique qui est reconnu dans l'accord du lac Meech comme étant la caractéristique fondamentale du Canada? On peut se poser la question. Enfin, il y en a plusieurs qui se la posent. En regard de la protection des droits fondamentaux des communautés francophones hors Québec. Plusieurs se disent, plusieurs s'interrogent sur la portée véritable du concept de dualité linguistique dans ces circonstances.

Deuxième élément nouveau et j'en parlais hier en Chambre en interrogeant le ministre responsable de l'application de la charte du français. L'avis du Conseil de la langue française sur le projet de loi C-72, projet de loi sur les langues officielles à Ottawa, est très clair et en même temps très inquiétant parce que, dans cet avis, le conseil estime avec justesse qu'Ottawa est en train, par le biais de C-72, de se donner des outils nouveaux pour élargir sa capacité d'intervention en matière linguistique et devenir un acteur majeur sur le plan linguistique au Québec, au Canada mais au Québec aussi et cela, au-delà de ses champs de compétence - c'est cela qui est inquiétant - au-delà de ses champs de juridiction, en faisant la promotion du bilinguisme. Au Québec, forcément, la promotion du bilinguisme prend la forme de la promotion de l'anglais, en plus, en s'ingérant dans des domaines de compétence provinciale par le bais, en particulier, du pouvoir fédéral de dépenser qui est reconnu, encore une fois, dans l'accord du lac Meech.

L'avis du Conseil de la langue française est très clair. Il y a là des objectifs inconciliables entre la loi C-72 et la Charte de la langue française. Il parle même de collision des objectifs. Les objectifs sont incompatibles. Les objectifs poursuivis par la Charte de la langue française et ceux poursuivis par le projet de loi C-72 sont incompatibles, selon l'avis même du conseil. La question, en regard du lac Meech, le conseil la soulève également. Il se demande, dans ces conditions, ce que devient le concept de société distincte. La conclusion à laquelle on serait tentés d'arriver est de dire que le concept de dualité linguistique prime le concept de

société distincte dans l'accord du iac Meech. Il y a primauté de la dualité linguistique quand on regarde C-72 comme il faut. Il y a primauté de la dualité linguistique sur le concept de société distincte.

D'ailleurs, c'est une question qu'on avait soulevée à plusieurs reprises en commission parlementaire sur la question constitutionnelle. On avait soulevé plusieurs fois cette question en disant: Lorsqu'il y aura conflit entre la caractéristique fondamentale du Canada qui est la dualité linguistique et le concept de société distincte au Québec, lorsqu'il y aura conflit, qu'est-ce qui va primer? l'emporter? Le concept de dualité ou le concept de société distincte? On avait posé la question et on l'avait même posée de façon concrète ei regard du dossier linguistique. Je m'en souviens très bien. Là, on y arrive. On a un cas concret, très concret où le projet de loi C-72 s'appuie sur le concept de dualité linguistique et de promotion du bilinguisme. Dans ces conditions, souligne le Conseil de la langue française, le concept de société distincte devient sans portée, nul et non avenu.

Dans un tel contexte, M. le Président, il nous apparaît opportun de clarifier les choses. Le gouvernement du Québec peut le faire en se servant de l'article 1 de la Loi sur les renvois à la Cour d'appel afin de demander à celle-ci de se prononcer, par un avis, sur la portée véritable du concept de société distincte mis de l'avant par l'accord du lac Meech. Le gouvernement doit demander à la Cour d'appel si le concept de société distincte permettrait au Québec, parce que je pense qu'il faut lui demander un avis sur un cas concret, il ne s'agit pas de lui demander un avis général, il faut lui demander un avis sur un cas concret. Il y en a un cas concret, il s'agit de lui demander si le concept de société distincte permettrait au Québec de maintenir l'article 58 de la Loi 101 sur l'affichage unilin-gue français même si cet article pourrait être déclaré inconstitutionnel par la Cour suprême, eu égard aux dispositions de la charte canadienne des droits.

Malgré cela, est-ce que l'article 58 peut continuer de s'appliquer au Québec en s'appuyant sur le concept de société distincte? Cela m'ap-paraîtrait être une question drôlement intéressante qui permettra, en tout cas, aux Québécois de savoir quelle est la portée du concept de société distincte qui, soit dit en passant, rappelons-le, n'est qu'une règle d'interprétation. Et cela permettrait de savoir qui a raison. Certains intervenants disent que ce concept de société distincte n'a pas de portée, pas de conséquences, que cela ne veut rien dire. D'autres prétendent que cela va bouleverser les relations fédérales-provinciales, changer des choses. Une bonne façon de le savoir, c'est de demander à la Cour d'appel de se prononcer sur l'article 58 à la lumière du concept de société distincte.

Que le ministre ne vienne pas prétendre qu'une telle demande à la Cour d'appel n'est pas possible ou tenter de ridiculiser cette possibilité ou cette hypothèse comme le premier ministre a essayé de le faire au début. M. David, du journal Le Soleil, a pris la peine de consulter toute une série d'experts constitutionnels et la majorité des experts constitutionnalistes consultés reconnaissent que c'est là une chose possible et faisable. Nous mettons au défi le gouvernement d'avoir le courage et la volonté de mettre fin à l'équivoque sur la portée réelle du concept de société distincte qu'on retrouve dans l'accord du lac Meech, et de faire une demande en vertu de l'article 1 de la Loi sur les renvois à la Cour d'appel, de faire une demande à la Cour d'appel sur une question bien précise... Nous pensons que cette question précise doit porter sur l'article 58 sur l'affichage commercial de la Charte de la langue française.

Mais toujours au chapitre de l'accord du lac Meech, à la lumière de l'appui pour le moins troublant du premier ministre Bourassa au projet Devine, nous nous interrogeons beaucoup à savoir jusqu'où le Québec est prêt à aller pour ne pas compromettre le processus de ratification de l'accord du Lac Meech et pour maintenir un climat de relations harmonieuses avec le gouvernement Mulroney à la veille d'élections fédérales imminentes, alors que M. Bourassa, visiblement, ne veut pas indisposer son bon ami Brian? Ces deux objectifs conditionnent largement la stratégie du gouvernement en matière de relations fédérales-provinciales, et là je vais compléter rapidement le bilan, pour le moins incomplet, tronqué, que vient de faire le ministre en matière de relations fédérales-provinciales parce que cette stratégie implique un prix à payer considérable pour les intérêts du Québec. Le bilan du gouvernement en matière de relations fédérales-provinciales est, quant à nous, un véritable fiasco.

Je rappelle l'abandon presque pratique du projet de centre bancaire international à Montréal. C'est devenu quelque chose, tout simplement, de symbolique. Cela a été abandonné à la suite des pressions efficaces des milieux financiers torontois.

Je rappelle le contrat des frégates accordé au Nouveau-Brunswick. Curieusement, le ministre n'en a pas parlé. C'est pourtant un contrat de 3 500 000 000 $.

M. Rémillard: J'en ai parlé.

M. Brassard: Oui, bon. Alors, on l'a perdu.

Les citoyens québécois apprenaient qu'on a perdu un contrat majeur de construction de six frégates au profit du Nouveau-Brunswick, 3 500 000 000 $. Cela doit paraître au bilan désastreux du gouvernement en matière de relations fédérales-provinciales. D'ailleurs, il semble bien que cette décision représentait une partie du prix à payer pour l'adhésion du nouveau gouvernement du Nouveau-Brunswick à l'accord du lac Meech.

M. Rémillard: M. le Président, est-ce que, ce matin, on a des nouvelle à m'annoncer concernant l'adhésion du Nouveau-Brunswick à l'accord du lac Meech?

M. Brassard: Non.

M. Rémillard:... me parler, je serais très heureux...

Le Président (M. Kehoe): M. le ministre, après qu'il aura terminé son intervention, vous pourrez peut-être poser des questions.

M. Rémillard: Cet aspect était tellement important, j'avais l'impression que...

M. Brassard: Je n'ai pas de nouvelles, sauf que le gouvernement du Nouveau-Brunswick est toujours réticent...

M. Rémillard: Ah bon!

M. Brassard: il fait toujours partie des résistants à la ratification de l'accord du lac Meech. De façon un peu bizarre, M. McKenna est devenu, en quelque sorte, le défenseur des francophones hors Québec sur le plan constitutionnel. C'est un peu curieux comme situation.

La zone des 200 milles pour les pêcheurs québécois, c'est une question majeure aussi. C'est un échec du gouvernement actuel en cette matière. Ottawa a refusé net l'accès à la zone de pêche des 200 milles aux pêcheurs québécois en réservant l'exclusivité de l'accès à cette zone aux pêcheurs de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse. Cela va se traduire par des pertes d'emplois. Déjà, cela se traduit par des pertes d'emplois. Purdel a dû récemment mettre à pied 250 de ses employés à son usine de transformation de poisson de Rivière-au-Renard en raison des difficultés d'approvisionnement en poissons de fond. Donc, c'est parce que le fédéral a refusé l'accès à la zone des 200 milles aux pêcheurs québécois.

La dépollution des eaux. On attend toujours les 200 000 000 $ du fédéral pour participer au financement de la dépollution du Saint-Laurent, alors que le gouvernement fédéral participe largement à la dépollution des Grands-Lacs, donc soutient largement l'Ontario à ce sujet.

Les immigrants investisseurs, le ministre en a parlé tantôt. Les garanties sont de nouveau autorisées, mais le capital requis pour un immigrant investisseur qui désire se prévaloir des garanties bancaires est maintenant porté à 500 000 $, alors que c'était 250 000 $ auparavant. Il y a donc un nombre difficile à évaluer d'immigrants investisseurs qui ne pourront pas avoir recours à ces garanties bancaires.

L'agence spatiale. En annonçant, la semaine dernière, sa participation au projet de station orbitale américaine au coût de 1 115 000 000 $,

Ottawa a confié, comme on le sait, la maîtrise d'oeuvre du projet à la firme Spar Aerospace de Toronto, comme c'était prévisible et prévu et, la gestion du projet, au Conseil national de recherche d'Ottawa qui procède actuellement, comme on le sait, à l'embauche de 160 chercheurs qui seront basés à Ottawa et qui vont oeuvrer à ce projet qui constitue le noyau de la future agence spatiale. De plus, on nous annonçait également que la part du Québec pour ces contrats reliés au projet de station orbitale a été plafonnée à 35 %. Pourtant, le ministre du Commerce extérieur, parlant sans doute au nom du gouvernement, affirmait que ce plafond de 35 % était inadmissible, inacceptable, compte tenu de la concentration au Québec des activités de recherche et de développement dans le secteur aérospatial, tout près de 80 %. Il n'y a aucune réaction officielle du gouvernement à cette décision. Hier, le ministre a répondu que les 35 % étaient une limite, un seuil qui pouvait être franchi. J'ai l'impression qu'on est en face de ce qu'on pourrait appeler un véritable phénomène de pensée magique. Il a bien beau dire que cela sera dépassé, si le gouvernement fédéral a décidé que c'est 35 % pour le Québec, ce sera 35 %, c'est lui qui accorde les contrats. C'est là, je pense, le prix à payer pour l'actuelle stratégie du gouvernement du Québec en matière de relations fédérales-provinciales.

C'est la même chose pour la recherche et le développement. On sait l'état catastrophique de ce dossier: une baisse effarante, une chute de plus d'une moitié, en 1985-1986. Jusqu'à maintenant, la part du Québec est passée de 20, 6 % à 10 % du total canadien des contrats fédéraux de recherche accordés au Québec. C'est insatisfaisant et on attend toujours les résultats de la fameuse stratégie intégrée mise de l'avant par le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes qui nous annonçait, il y a maintenant plus d'un an, que cette stratégie allait donner des fruits et des résultats étonnants; ce n'est pas encore le cas. (10 heures)

En matière agricole, je signale simplement que le manque à gagner est de 400 000 000 $ par année pour le Québec; le Québec qui représente 15, 5 % de la production agricole canadienne ne recueille que 7, 7 % des budgets consacrés par Ottawa à l'agriculture. Le ministre de l'Agriculture, M. Pagé, a d'ailleurs déchiré sur ce dossier au moins tout un tiroir complet de chemises, mais sans résultat. On est perdants de façon catastrophique sur le plan agricole.

Stratégie nationale sur les garderies. On attend toujours la position du gouvernement du Québec sur ce sujet. Nous affirmons que c'est là l'occasion rêvée pour tester les dispositions de l'accord du lac Meech sur l'"opting out", le retrait des programmes. Voilà un domaine de juridiction provinciale: les garderies. Voilà que le gouvernement fédéral s'y ingère. Il élabore un programme national, une stratégie nationale.

Nous pensons que le gouvernement québécois, qui a déjà une politique en matière de garde, des institutions, un office, un réseau de garderies qui est à compléter bien sûr, mais beaucoup de choses ont été faites dans ce domaine, devrait exercer son droit de retrait dans ce domaine-là et exiger une compensation financière. On me dira: L'accord du lac Meech n'est pas ratifié, ne s'applique pas. Je sais que ça ne s'applique pas, mais c'est un bon moyen de le tester, n'est-ce pas?

Je vois que le ministre me signale que j'ai dépassé le temps prévu. J'ai parlé plus longtemps que lui, pour une fois.

Une voix: C'est rare.

M. Brassard: C'est très rare, en effet. Je conclus, M. le Président, parce qu'on reparlera tantôt également, au cours de ces heures de discussion, du secteur du développement régional parce qu'il est important de savoir où on en est à ce sujet-là.

La conclusion, c'est qu'à mon sens, c'est un fiasco dans le domaine des relations fédérales-provinciales. Ce fiasco s'explique, bien sûr, je l'ai toujours dit et signalé, par la nature même du fédéralisme canadien dont la dynamique a toujours été centralisatrice mais, d'abord et avant tout, par la stratégie du gouvernement Bourassa à l'égard d'Ottawa. Cette stratégie est désastreuse pour les intérêts du Québec. Elle repose sur deux objectifs: maintien à tout prix des relations cordiales et harmonieuses avec le gouvernement fédéral, donc un climat de bonne entente à tout prix et, deuxième objectif qui n'est pas négligeable non plus, assurer la ratification, à tout prix également, de l'accord du lac Meech.

Ces objectifs priment tout pendant qu'Ottawa multiplie des décisions néfastes à l'endroit du Québec et qu'il s'apprête à s'ingérer dans des champs de compétence du Québec: la langue, le développement régional et les garderies. Ces empiétements sont tolérés au prix de la réintégration du Québec dans le giron constitutionnel canadien.

En raison des résultats désastreux de cette stratégie, je me dois de dire au gouvernement qu'il est absolument impérieux qu'il adopte une nouvelle stratégie plus combative et plus énergique face à Ottawa. Si cette stratégie fait en sorte que l'accord du lac Meech n'est pas ratifié, quant a moi, je pense que ce ne serait pas une tragédie parce que je considère toujours que c'est un mauvais accord qui ne répare en rien le coup de force constitutionnel de 1982. Une stratégie vigoureuse permettrait de faire des gains auprès du gouvernement fédéral. J'ai déjà paraphrasé Mackenzie King au sujet de la conscription, pas nécessairement la confrontation, mais la confrontation si nécessaire, dans l'intérêt du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean, porte-parole de l'Opposition officielle en matière intergouvernementale canadienne.

Donc, sans plus tarder, j'appelle le programme 4 du Conseil exécutif...

M. Rémillard: M. le Président, j'ai voulu, dans mes présentations, être très court, comme vous me l'avez demandé. Oui, je vais être très court pour pouvoir répondre à un maximum de questions. Le député de Lac-Saint-Jean a été très long. Il m'a fait beaucoup de commentaires et j'aimerais pouvoir répondre à ses commentaires... J'ai parlé de certaines choses dans mon discours et pendant que je parlais, le député de Lac-Saint-Jean préparait son discours. Je le regardais. Il a répété certaines choses qui vont à rencontre de ce que j'ai dit. Alors j'aimerais bien, quand même, pouvoir répondre à certains points.

Le Président (M. Filion): Je pourrais peut-être suggérer qu'une...

M. Brassard: Chacun des sujets que j'ai abordés, M. le Président, je compte y revenir, et le ministre aura l'occasion de...

Le Président (M. Filion): Oui, M. le député de Beauharnois?

M. Marcil: Conformément aux règles de cette commission, le ministre peut intervenir quand il le veut. Il a un droit de réplique de vingt minutes à chaque occasion. Donc, c'est dans son droit d'intervenir sur les remarques préliminaires du critique de l'Opposition.

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Filion): D'accord, écoutez, nous en sommes à cette période qui occupe l'Assemblée nationale et qui consiste a examiner les crédits de chaque ministère. Il est évidemment de tradition, pour cette commission comme pour toutes les autres, de permettre au ministre responsable de la défense de ces crédits-là, ainsi qu'au porte-parole de l'Opposition, de faire certaines remarques préliminaires, comme d'ailleurs cette pratique existe pour d'autres membres de la commmission, d'une part. D'autre part, il existe une enveloppe de six heures, ai-je mentionné plus tôt. Donc, il reste encore une période de cinq heures pour permettre aux Intervenants de discuter avec le ministre.

Bien sûr, le ministre peut, s'il le désire, répondre à ce stade-ci. À ce moment-là, le député de Lac-Saint-Jean et porte-parole de l'Opposition officielle pourra répondre à son tour, de sorte que nous n'aborderons pas les éléments précis du programme que nous devons étudier. Alors, à titre de suggestion, principalement au ministre et au député de Lac-Saint-Jean, on pourrait appeler le programme 4 et, si vous y

consentez, M. le ministre, vos remarques s'inscriraient dans !e cadre de l'ensemble du débat que nous aurons durant toute la journée. Mais si vous...

M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. Filion): Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean?

M. Brassard: Les crédits, moi j'y arriverais juste à la toute fin. Ce qui m'apparait important, c'est que, et les dossiers soulevés par le ministre dans son allocution, et ceux que j'ai abordés également dans la mienne, on puisse y revenir. Je les ai abordés dans mes remarques préliminaires, et je sais bien que les opinions que j'ai exprimées ne sont sans doute pas celles du ministre. Le contraire me surprendrait, mais je souhaite que l'on y revienne. Je pense, par exemple, à la zone de pêche de 200 milles, au projet de loi fédéral C-72 sur les langues officielles, la question du développement régional et des négociations pour en arriver à une entente là-dessus, la question de l'agence spatiale, la question des francophones hors Québec, la question constitutionnelle, tout cela, et je souhaiterais qu'on y revienne, qu'on les reprenne un à un, et qu'on discute là-dessus. Maintenant, c'est évident que le ministre a le droit de prendre ses vingt minutes. Il peut les prendre, mais je vais prendre les miennes aussi.

M. Marcil: M. le Président..

Le Président (M. Filion): Je vais reconnaître d'abord M. le député de Beauharnois.

M. Marcil: C'est seulement une question de règlement, dans le sens que l'article 287, juste pour clarifier la situation, dit que "Le Président ou le ministre qui répond de ce crédit peut intervenir quand il le veut, au moment où il juge opportun d'intervenir", et il a vingt minutes chaque fois. Donc...

Le Président (M. Filion): Peut-être une suggestion, à ce moment-là...

M. Marcil: Si on lui laissait la chance d'intervenir immédiatement, on pourrait commencer le débat.

Une voix: D'accord

Le Président (M. Filion): À ce moment-là, est-ce que vous me permettriez une suggestion? Il y a uniquement un programme à étudier durant six heures, alors j'appelle le programme 4 et je donne la parole à M. le ministre qui fera l'intervention de vingt minutes qu'il désire faire. À ce moment-là, nous aurons terminé nos remarques préliminaires et nous serons à l'Intérieur de nos débats usuels.

M. Rémillard: Pour les remarques préliminaires, M. le Président. Cela va?

Le Président (M. Filion): La parole est à M. le ministre.

M. Gil Rémillard (réplique)

M. Rémillard: M. le Président, j'ai écouté très attentivement ce que nous a raconté le député de Lac-Saint-Jean et vraiment, M. le Président, je ne vois pas comment le député peut tenir un tel discours. Comment se fait-il, en ce qui regarde, par exemple, la question des francophones hors Québec, que le député de Lac-Saint-Jean reproche au premier ministre du Québec, reproche au gouvernement du Québec, de défendre la compétence exclusive du Québec sur la langue? Mais c'est cela que vous êtes en train de faire. Vous êtes en train de nous reprocher de défendre notre compétence exclusive sur la langue alors que vous avez, lors de tous les débats concernant l'entente du lac Meech... Quelle salade vous nous avez servie! "C'est épouvantable, vous mettez en cause les droits linguistiques du Québec. C'est effrayant, vous vendez le Québec pour la dualité." Et là, qu'est-ce que j'entends? Le discours que j'entends, M. le Président, c'est le député de Lac-Saint-Jean qui vient nous dire qu'il faut absolument que le Québec s'implique directement pour que les francophones puissent avoir leurs droits comme minorité. Mais c'est ce que nous faisons. Ce que nous faisons, c'est que nous respectons un principe qui, pour nous, est fondamental: celui de la compétence exclusive du Québec sur sa langue.

Vous avez combattu et vous avez ignoré pendant neuf ans les francophones hors Québec. Pendant neuf ans, vous avez même agi à l'en-contre de leurs droits par les positions que vous preniez en ce qui regarde, entre autres, l'article 23 de la constitution. Tout le débat que vous avez tenu, et c'est dans votre projet d'accord constitutionnel, le petit livre bleu, vous vous êtes battus contre l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cet article qui est un fondement même du droit des minorités, entre autres pour les francophones hors Québec. Vous avez combattu cet article sur les droits à l'instruction dans la langue de la minorité au nom de quoi? Au nom de la compétence exclusive du Québec sur la langue. Et maintenant, ce que vous nous servez, c'est le grand discours opportuniste pour venir nous dire: vous abandonnez les francophones hors Québec. Mais c'est incohérent, votre discours. Au moins, suivez votre pensée. Comment peut-on comprendre que, d'une part, vous voulez qu'on aille s'ingérer dans le domaine de compétence exclusive de la Saskatchewan et que, d'autre part, on puisse ensuite dire aux autres. Bien écoutez, cela c'est la compétence du Québec. Vous n'avez pas d'affaire dans cela? Il faut être cohérent quelque part.

Nous, ce qu'on dit, c'est que le Québec a une compétence exclusive sur sa langue. Nous, on va protéger cette compétence exclusive. Il y a déjà 133 qui est là pour le bilinguisme institutionnel. Il y a l'article 23 et la clause Canada que nous acceptons mais que vous, vous avez combattu. Vous avez refusé et c'est vous qui êtes un artisan de tout ce problème que vivent les francophones hors Québec. Pendant neuf ans, vous les avez abandonnés. Vous étiez pris, entre autres, dans ce grand dilemme de la clause Québec. Même votre père fondateur, M. Léves-que, avait dit qu'il était, lui, pour la clause Canada. Finalement, il a dû se ranger avec le choix de la majorité, la clause Québec, qui va à rencontre de l'article 23, fondement des droits des minorités. Nous, ce que nous disons aux minorités, c'est que l'article 23 est là, dans la constitution. Il y a des ambiguïtés, mais avec ce que nous avons dans l'entente du lac Meech, nous pourrons enfin éclaircir des ambiguïtés qui sont au coeur même de leurs droits, c'est-à-dire le critère de "nombre suffisant" qu'on retrouve dans l'article 23. Combien faut-il de francophones pour avoir ces droits? (10 h 15)

C'est une notion qu'on doit enlever de cet article 23. Par le principe de la dualité et l'obligation pour chaque province de protéger sa minorité, nous disposerons d'un outil premier qui va servir à interpréter cette ambiguïté, tout probablement en faveur des francophones hors Québec.

Ensuite, la question de la gestion des établissements scolaires. C'est beau de dire que vous allez avoir des établissements scolaires mais, ce qu'il faut donner aux francophones hors Québec, c'est la capacité de gérer ces établissements. Or il y a une ambiguïté majeure dans l'article 23. Ce que nous disons, c'est qu'il faut, par une règle d'interprétation constitutionnelle comme la règle de la dualité, s'assurer que les francophones hors Québec puissent gérer leurs établissements scolaires.

M. le Président, pour nous, c'est très clair. Le Québec a la compétence exclusive sur sa langue et nous ne ferons rien, contrairement à ce que l'Opposition vient de nous dire, pour mettre en cause cette exclusivité de la langue. M. le Président, ce n'est pas nous, le 16 avril 1981, qui avons vendu le droit de veto du Québec.

Maintenant on nous parle du lac Meech, une entente comme ceci, comme cela. M. le Président, si l'Opposition avait été d'accord avec l'entente du lac Meech, je me serais posé de sérieuses questions. Si M. Trudeau avait été d'accord avec l'entente du lac Meech, j'aurais trouvé cela difficile. Et là, on a regardé cela de près. Si le Sénat, dans sa composition actuelle, avait été d'accord avec l'entente du lac Meech, j'aurais dit: Ouf! il y a quelque chose qui ne va pas. Mais, M. le Président, justement, ce qu'on peut dire après bientôt un an, le 30 avril, c'est qu'aucune erreur de fond n'a été relevée dans cette entente historique pour le Québec.

M. Brassard: Et les francophones hors Québec.

M. Rémillard:... les francophones hors Québec, c'est faux, M. le Président...

M. Brassard: Non, c'est vrai.

M. Rémillard: C'est faux. Les francophones hors Québec veulent leurs droits et nous sommes là pour travailler avec eux en ce sens. Les francophones hors Québec savent très bien que, par la règle de la dualité, ils ont là un outil premier qu'ils n'espéraient même pas parce qu'on pensait, à ce moment-là, l'inscrire dans le préambule de la constitution et non pas en faire un article précis de la constitution. Les francophones hors Québec savent très bien qu'on n'a jamais voulu, cela n'a jamais été notre intention, on ne l'a jamais négocié, on n'a jamais voulu faire de l'entente du lac Meech un code des droits des minorités. Ce qu'on a voulu faire, M. le Président, c'est le solage de la maison. Et cela, les francophones hors Québec sont venus nous le dire. Ils nous l'ont dit: oui. Enfin, le principe de la dualité, cela faisait des années et des années qu'on voulait le définir.

Le principe de la dualité, M. le Président, quand je dis qu'il était difficile à définir, notre conversation de ce matin le démontre fort bien. Qu'est-ce que le député de Lac-Saint-Jean m'a dit? Le député de Lac-Saint-Jean, après m'avoir fait ce beau discours sur les droits des francophones hors Québec, en disant: il faut aller s'ingérer puis dire à la Saskatchewan qu'elle n'a pas d'affaire à faire cela, puis dire à I'Alberta qu'elle n'a pas d'affaire à faire cela. Qu'est-ce qu'on vient nous dire? On vient nous dire, ensuite: Écoutez, il faudrait que vous organisiez des programmes pour rapatrier au Québec tous les francophones hors Québec. Parce que ce sont tous des anciens Québécois, vous savez. Ils sont partis, ils sont allés partout au Canada; maintenant, organisons des voyages et ramenons-les. Hors du Québec, point de salut! Moi, je respecte cette opinion du député de Lac-Saint-Jean. Je respecte son opinion, mais qu'il soit conséquent avec elle. Ce n'est pas celle que je partage. Mais je pense que c'est sa façon de voir les choses et il a droit de voir les choses comme cela. Pour nous, on dit: Les francophones ont leur place partout dans ce pays et ils doivent avoir les droits pour garantir le fait qu'ils sont chez eux partout dans ce pays. Ce n'est pas facile de vivre comme francophone en Colombie britannique. Il est plus facile de vivre au Québec, bien sûr. Mais c'est à nous de faire en sorte qu'ils aient des droits.

Deux discours complètement séparés, deux discours tout à fait contradictoires. M. le Président, ce que le premier ministre a fait dans

l'Ouest, et je voudrais insister, c'est un voyage essentiellement économique. En Californie, on a discuté de haute technologie et de libre-échange. En ce qui regarde l'Ouest et les problèmes des barrières interprovinciaies au point de vue commerce, sujet très important, j'en ai parlé tantôt dans mon exposé. Nous avons dit, tant à M. Devine qu'à M. Getty, qu'à M. Vander Zalm, qu'il faut respecter les droits des francophones, et le message a été passé très clairement par le premier ministre. En ce qui me concerne, j'en ai fait part aux ministres que j'ai rencontrés. Ce qu'il faut, M. le Président, c'est donner valeur constitutionnelle à l'effort insuffisant de la Saskatchewan. La même chose pour le Nouveau-Brunswick, pour l'Ontario et pour ces provinces qui veulent maintenant faire des choses valables pour leurs minorités. Tout ce que nous demandons, et nous leur disons, il ne s'agit pas de légiférer par de simples lois, mais plutôt permettre que les francophones aient des droits cons-titutionnalisés afin qu'on puisse inclure ces mêmes lois dans la constitution.

M. le Président, l'entente du lac Meech, grâce aux discussions soulevées par elle, permet de voir la grande valeur de ce document. Cette entente est le fondement même de la réforme constitutionnelle que nous recherchons. Mais I! ne faut pas utiliser l'entente du lac Meech à toutes les sauces. Il ne faut pas essayer de trouver là la solution à tous les problèmes constitutionnels que nous avons, comme les pêcheries, l'agriculture ou je ne sais trop quoi. Ce que nous avons, ce sont les fondements d'un fédéralisme coopératif.

Mais ce que nous avons dans l'entente du lac Meech, M. le Président, c'est la réponse aux cinq conditions que ie Québec a posées. Il ne faut pas oublier que l'entente du lac Meech a été faite premièrement pour permettre au Québec de réintégrer la fédération canadienne, grâce à l'entente politique qui accompagne ie document du lac Meech. C'est le but premier de l'entente du lac Meech. Il y avait cinq conditions que nous avions posées et, dans l'entente du lac Meech, nous avons une réponse positive à ces cinq conditions. À partir de cela, nous avons là les fondements pour construire la réforme constitutionnelle dont nous avons besoin, réforme du partage des compétences législatives à bien des niveaux. Et c'est normal, après tout ce temps que nous avons passé avec un partage qui n'a presque pas été touché. Il faut revoir la distribution des responsabilités entre les deux ordres de gouvernement, réformer nos institutions fédérales. Je pense que les exemples ne manquent pas pour nous démontrer qu'il faut absolument réformer, entre autres, le Sénat. Il faut faire en sorte qu'on puisse avoir des institutions fédérales qui respectent les principes de cette fédération: autonomie des États membres, participation des États membres, capacité de développer un intérêt de vivre en communauté et partage d'une richesse nationale. Ce sont là des principes fondamen- taux. Pour nous, l'entente du lac Meech, c'est le fondement d'un fédéralisme coopératif. Cela ne veut pas dire qu'on ne veut pas avoir un gouvernement central fort. Oui, nous voulons avoir un gouvernement central fort, car ce n'est pas possible de gouverner ce pays si on n'a pas un gouvernement central fort. Nous voulons avoir un gouvernement central fort fondé sur la concertation, ki collaboration, la coopération et non pas sur l'affrontement. Ce que nous avons dans l'entente du lac Meech, M. le Président, ce sont les fondements d'un véritable régime fédératif, coopératif, respectant la spécificité du Québec, respectant la dualité, le régionalisme et respectant tout ce qui rend cette fédération originale et fait que nous pouvons en être particulièrement fiers.

M. le Président, lorsqu'on nous parle de notre responsabilité, je reviens sur ce point, concernant nos relations avec les francophones, comme je l'ai mentionné dans un discours, ces relations sont intéressantes à bien des niveaux de coopération. La meilleure preuve que je puisse en donner, M. le Président, c'est ce bureau des francophones qui a été ouvert tout récemment, le 25 mars dernier. Mais, je le répète, ces plans de coopération, nous allons les établir en respectant leurs priorités. On n'ira pas imposer nos priorités à nous. En respectant la juridiction de la province et en respectant aussi une action du gouvernement fédéral pour qu'on puisse agir ensemble d'une façon concertée. Ce que nous recherchons, c'est la concertation, la possibilité de travailler ensemble, d'avoir une action efficace qui va permettre aux francophones hors Québec d'avoir des services dans leur langue. Nous pourrons offrir alors notre expérience, notre savoir-faire, afin d'offrir ces services aux francophones hors Québec. M. le Président, on nous dit: Vous devriez soumettre à la Cour d'appel le concept de "société distincte" ou le principe de la dualité. M. le Président, nous avons soumis certains éléments d'interprétation constitutionnelle tels société distincte, dualité et la responsabilité nouvelle pour le Québec de protéger et de promouvoir la spécificité québécoise. Tout cela a été scruté par les meilleurs juristes, non seulement québécois, mais canadiens et les résultats ont été concluants. Nous avons là une pièce majeure. Je ne peux pas prévoir ce que la Cour suprême décidera éventuellement, mais ce n'est pas aux juges à venir gouverner. Nous sommes élus pour gouverner.

M. le Président, jamais un gouvernement, dans toute l'histoire de la Fédération canadienne, n'a reçu un mandat aussi clair de la population afin d'entamer des négociations constitutionnelles. Nous avons fait une campagne électorale avec un programme électoral très clair, nos cinq conditions. Et ce que nous sommes allés chercher, c'est plus que tout ce qui avait été inscrit dans le programme électoral. Le mandat était là, M. le Président. Est-ce qu'on a demandé à la Cour d'appel de se prononcer sur la question

posée au référendum, question ambiguë, avec deux ou trois mandats ou je ne sais trop quoi? Est-ce qu'on a demandé à la Cour d'appel de se prononcer chaque fois que le gouvernement péquiste est arrivé avec des dispositions confuses et difficiles?

Un gouvernement est là pour agir et pour gouverner. Si on suivait ces mêmes principes, défendus par M. Trudeau... Car les péquistes étaient avec les centralisateurs et M. Trudeau, sous la même barricade, sous le même drapeau: ils demandaient au juge de nous dire quoi faire. Demandons au juge de venir gouverner. C'est ce que vous nous dites! Demandez à la Cour d'appel. Demandons à la Cour d'appel puis à la Cour suprême de nous di.e comment gouverner. Le peuple n'a plus sa raison d'être. La souveraineté, ce n'est plus le peuple qui l'a, c'est la cour!

M. le Président, on demande à la cour, on demande à nos tribunaux de se prononcer lorsqu'il y a des dispositions législatives, lorsqu'il y a projet législatif engageant le gouvernement sur des points où il peut y avoir litige. Mais dans un cas concernant la constitution d'un pays, ce sont les élus qui représentent le peuple qui décident, car nous, libéraux, nous nous référons avant tout au peuple, à la souveraineté du peuple. C'est le peuple qui est souverain. M. le Président, je comprends que pour le gouvernement péquiste, c'est l'institution qui est souveraine. J'ai eu de grandes discussions avec l'ancien chef du parti, M. Pierre Marc Johnson qui était, je devrais dire, très constant dans sa pensée à ce sujet et j'ai beaucoup de respect pour M. Johnson qui croit que l'institution est souveraine.

Mais non, ce n'est pas cela, c'est le peuple qui est souverain, qui donne le mandat, qui élit ses représentants et ce sont ces mêmes représentants qui font une action gouvernementale en fonction du mandat qu'ils ont reçu. Et si leur action ne correspond pas au mandat qu'ils ont reçu, bien, houp, terminé; la place à d'autres! Car la population jugera, M. le Président, la population jugera.

Notre action, nous allons la faire en fonction du mandat clair que nous avons reçu et nous allons la faire en fonction des principes qui sont les nôtres: respect des droits du Québec, entre autres, respect des droits linguistiques du Québec, respect des droits en fonction de la place majeure que doit occuper cette province dans la Fédération canadienne. (10 h 30)

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le ministre.

M. le député de Lac-Saint-Jean maintenant, je veux quand même vous aviser de ceci: Les remarques préliminaires font partie de la tradition parlementaire et, me référant aux décisions qui ont été rendues, particulièrement à une décision rendue par le président de la commission de l'éducation, généralement la tradition veut que les remarques préliminaires du ministre, les remarques préliminaires du porte-parole, dans ce cas-là on a permis - toujours à l'intérieur des remarques préliminaires, nous sommes à l'intérieur de cette enveloppe-là - au ministre de présenter une forme de réplique, si l'on veut, aux commentaires du député de Lac-Saint-Jean. Si ce dernier veut intervenir, ce sera la dernière intervention, à la suite de quoi je devrai appeler le programme 4 pour que nous puissions exécuter notre mandat.

M. Rémillard: M. le Président, j'ai une question. Vous me dites: La dernière intervention.

Le Président (M. Filion): Sur les remarques préliminaires, parce que nous sommes toujours à l'intérieur du bloc "remarques préliminaires". Remarquez c'est un peu formaliste, mais quand même il demeure que nous ne sommes pas à l'intérieur de l'étude des crédits comme telle. Je n'ai pas appelé le programme 4 que nous devons étudier. Lorsque j'aurai appelé le programme 4 que nous devons étudier, à ce moment-là nos règles s'appliquent et bien sûr vous avez le droit d'intervenir à tout moment, mais nous sommes toujours à l'intérieur, comme je l'ai signalé tantôt, de remarques préliminaires et il faut, bien sûr, que ces remarques préliminaires demeurent préliminaires à quelque chose d'autre, l'autre chose étant le mandat pour lequel nous sommes conviés ici aujourd'hui, c'est-à-dire l'étude des crédits proprement dits du ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes qui est un programme du Conseil exécutif.

Donc, je vais reconnaître pour...

M. Rémillard: M. le Président, si vous me permettez, simplement je veux avoir de l'information.

Le Président (M. Filion): Oui, je vous en prie.

M. Rémillard: Je ne suis pas tellement familier avec les règles de procédure des commissions parlementaires et je m'en excuse. J'ai donc fait des remarques préliminaires les plus brèves possible pour avoir le temps d'avoir des questions. Le député de Lac-Saint-Jean a fait son intervention qui a duré quinze minutes de plus que la mienne. Je viens de faire une intervention pour évidemment répondre à certaines choses qu'il a dites en plus et, là, vous allez lui permettre d'intervenir et je n'aurai pas la possibilité d'intervenir après.

Alors, dans les remarques préliminaires, je me retrouve dans une situation - je veux simplement que vous compreniez cela - comme ministre où l'Opposition parlera en dernier et je n'aurai plus la possibilité de répondre. Donnez-moi cinq ou dix minutes à la fin de ses interventions, mais donnez-moi un peu de temps. Je ne sais pas comment les règles peuvent faire cela,

mais il me semble que cela n'a pas d'allure.

Le Président (M. Filion): M. le député de Beauharnois.

M. Marcil: M. le Président, M. le ministre a entièrement raison dans le sens qu'il a présenté ses remarques préliminaires; le député de l'Opposition a fait la même chose. Donc, il a eu une réplique aux remarques préliminaires. On serait à l'étape d'appeler le programme et ensuite on pourra procéder à la période de questions. A ce moment-là, M. le ministre pourra intervenir quand il le voudra, sinon il est en plein de son droit de pouvoir intervenir immédiatement après la réplique de M. le député de...

Le Président (M. Filion): D'accord. Je n'ai qu'une décision rendue à la commission de l'éducation, en date du mois de mars 1984, où cette question-là avait été soulevée. Encore une fois, la procédure que j'indique est celle qui a été suivie, à savoir qu'il y a eu des remarques préliminaires qui ont été suivies, deux remarques préliminaires de la part du porte-parole de l'Opposition, à la suite de quoi le ministre a présenté de nouveau, dit-on, quelques remarques générales et il a été suivi du porte-parole de l'Opposition officielle, le député d'Argenteuil. Bref, au-delà de cette décision, c'est le gros bon sens qui nous indique que des remarques doivent demeurer préliminaires à autre chose. Donc, il faut à un moment donné tirer la ligne, tout en vous faisant remarquer qu'à n'importe quel moment, M. le ministre, et cette distinction est un peu formaliste, mais maintenant ce sont quand même nos règles, mais à n'importe quel moment durant le cours de la journée vous pouvez Intervenir.

Ceci dit, si le député de Lac-Saint-Jean voulait intervenir, je l'inviterais à le faire de façon très brève.

M. Brassard: Je souhaiterais qu'on passe... Cependant, je voudrais la parole immédiatement après. Je veux bien passer aux questions, mais j'accompagnerai mes questions de quelques petits commentaires.

Le Président (M. Filion): Eh bien, voilà. M. Brassard: Passons au premier sujet.

Le Président (M. Filion): Ce que je suggérais tantôt, et je vous en remercie, M. le député de Lac-Saint-Jean. J'appelle donc ie programme 4 du ministère du Conseil exécutif, Affaires intergouvernementales canadiennes. Je donne la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean.

Les francophones hors Québec M. Brassard: Premier sujet: les francophones hors Québec. M. le Président, la thèse, la théorie du gouvernement relativement aux francophones hors Québec, c'est la thèse de la non-ingérence. Le gouvernement affirme qu'il ne faut pas s'ingérer dans des domaines de juridiction provinciale, que la question linguistique en est une de juridiction provinciale et que, par conséquent, c'est pour cette raison qu'il a adopté cette position face au projet de loi Devine, en Saskatchewan. Je veux bien que ce soit de la non-ingérence, mais alors, pourquoi?

La question qui surgit immédiatement - j'en aurai d'autres tout de suite après - c'est: Pourquoi, dans ce cas, s'être prononcé sur le projet de loi Devine? Pourquoi le premier ministre a-t-il indiqué qu'il s'agissait de légers progrès, mais qu'il s'agissait de progrès? Pourquoi a-t-il porté un jugement sur le projet de loi Devine? Pourquoi a-t-il fait une évaluation du projet de loi Devine, ce qui va à l'encontre de la non-ingérence? Si le premier ministre avait vraiment voulu s'appuyer sur la non-ingérence, il aurait dû, à tout le moins, comme le signalaient d'ailleurs certains francophones hors Québec, être silencieux, ne pas porter de jugement sur le projet de loi Devine. Mais, en affirmant qu'il s'agissait d'un projet de loi insuffisant sans doute, mais qui comportait des progrès et des gains, cela a eu un effet démoralisateur sur les francophones hors Québec. Il y a eu une évidente démoralisation des francophones hors Québec parce qu'ils se sont sentis abandonnés par le seul gouvernement francophone en Amérique; une espèce de sentiment d'abandon a surgi dans leur esprit. Si c'est vraiment cela, la non-ingérence, je me demande... La non-ingérence aurait dû être accompagnée d'une volonté très nette et très ferme de ne pas juger le projet de loi Devine. Malheureusement, le premier ministre l'a fait. Et si la non-ingérence, c'est la thèse qu'il faut soutenir et la position qu'il faut adopter, je dis qu'à ce moment-là cela devrait être adopté et suivi par tout le monde et par toutes les provinces.

Or, présentement, vous le savez très bien, M. le ministre, en Cour suprême, il y a des provinces qui sont parties prenantes à la contestation de la loi 101, particulièrement en matière d'affichage. L'Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba ont des mémoires et leurs procureurs sont impliqués dans la cause concernant la loi 101 en Cour suprême, vous le savez. Comment cela s'appelle-t-il? N'est-ce pas de l'ingérence? Comment cela s'appelle-t il si ce n'est pas de l'ingérence? Comment se fait-il que d'autres provinces du Canada contestent la loi 101 et soutiennent ceux qui la contestent en Cour suprême, alors que vous vous retirez derrière le principe de la non-ingérence quand cela concerne la Saskatchewan? Je veux bien que la non-ingérence soit la position du Québec, mais j'aimerais bien aussi que ce soit la position de tout le monde, y compris de toutes les autres provinces du Canada.

Vous pariez de compétence exclusive en matière linguistique et vous dites que c'est un principe fondamental que défend le gouvernement du Québec. On est pleinement d'accord avec cela. Nous avons toujours défendu que le Québec devrait se faire reconnaître une compétence exclusive en matière linguistique. Mais il faut que ce principe soit soutenu en tout temps et en toute circonstance. M. le ministre, si ce principe vaut pour le cas de la Saskatchewan, si, selon vous, vous refusez de vous ingérer dans la situation de la Saskatchewan parce que vous ne vouliez pas et parce que le principe de non-ingérence est un principe fondamental pour vous et que la langue est de compétence exclusive des provinces c'est bien; très bien. Dans ce cas, soyez au moins conérent et dépêchez-vous de dire ce que vous pensez de C-72 parce que c'est de l'ingérence du gouvernement fédéral en matière linguistique au Québec.

Le Conseil de la langue française n'est pas ambigu du tout là-dessus. C'est une ingérence du gouvernement fédéral en matière linguistique que C-72 parce que cela outrepasse les juridictions fédérales et cela va permettre au gouvernement fédéral de faire la promotion du bilinguisme, donc de l'anglais au Québec dans des services provinciaux, dans les entreprises et dans les municipalités. C'est cela la portée de C-72 telle qu'analysée par le Conseil de la langue française. Cela c'est de l'ingérence. Mais, dépêchez-vous de résister à cette ingérence. Ce n'est pas ce que le ministre responsable de la loi 101 semblait nous indiquer. Il était soucieux, mais cela n'avait pas l'air très pressant de vous prononcer contre cette ingérence fédérale. Alors, soyez, à tout le moins, cohérent. Si l'ingérence ne vaut pas pour la Saskatchewan, cela ne vaut pas pour le gouvernement fédéral non plus. Je vous demande expressément ce matin - on est en commission de crédits - d'être un peu plus précis que le ministre responsable de l'application de la loi 101 qui est dans le vague, dans le flou depuis un mois, depuis qu'il a été nommé ministre. Ce n'est pourtant pas difficile. Il y a juste une loi à appliquer. Soyez un peu plus précis que lui. Vous êtes responsable des relations fédérales-provinciales. Quelle est votre position... Qu'allez-vous faire avec la loi C-72 parce que c'est de la vraie ingérence? Si la compétence exclusive en matière linguistique est un principe fondamental pour vous et que c'est sur la base de ce principe que vous n'avez pas voulu intervenir en Saskatchewan, que cela vaille aussi pour l'ingérence fédérale par le biais du projet de loi C-72. Je m'arrête là et je voudrais des réponses là-dessus.

M. Rémillard: Très bien.

M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean me demande d'être précis. Oui, je vais être précis, mais j'aimerais bien qu'il soit tout aussi précis et sérieux. Lorqu'il me parie de la non-ingérence dans les domaines linguistiques qui relèvent de la compétence des provinces et qu'il me donne comme cas certaines provinces qui peuvent intervenir dans une cause à la Cour suprême dans un dossier qui regarde une province, M. le Président, le député de...

M. Brassard: Ce n'est pas de l'ingérence cela?

M. Rémillard: ...Lac-Saint-Jean le sait très bien que c'est comme cela que ça fonctionne dans toutes les causes. Il existe, de par les règles de pratique de la Cour suprême, la possibilité d'intervenir à la Cour suprême pour une province, pour un gouvernement ou pour une autre partie lorsqu'un élément de la contestation en droit peut intéresser ces parties. Par exemple, dans le cas de la loi 101 qui soulève certaines questions au regard de la charte, je me souviens avoir plaidé moi-même en Cour suprême des causes où il y avait des interventions de huit ou neuf provinces. Je me souviens, par exemple, d'un cas de censure de film où la Nouvelle-Ecosse était en cause. Les dix provinces étaient représentées en Cour suprême. Les provinces plaident sur un point de droit qu'elles considèrent avoir une influence sur un aspect constitutionnel général ou un aspect plus spécifique. Voyons donc si on peut se référer à cet élément pour parier d'ingérence! Il faut quand même être sérieux, M. le Président. Je sais que le député de Lac-Saint-Jean comprend assez bien le système judiciaire canadien et qu'il sait que cela n'a pas d'allure.

M. le Président, l'ingérence! Mais l'ingérence est dans la mesure où on respecte le principe. Je vois, de toute façon que le nouveau discours du député de Lac-Saint-Jean, est plus nuancé. Ce n'est plus tout à fait comme tout à l'heure où il fallait intervenir pour les droits des francophones hors Québec, qu'il fallait aller à rencontre du gouvernement etc. Maintenant son discours devient plus nuancé. Il me demande d'être précis. Je comprends qu'il veuille que je sois précis. Je comprends aussi que c'est difficile pour lui de tenir une position pareille. Comment, d'un côté, peut-il dire: il faut l'exclusivité de la juridiction du Québec sur la langue, et d'un autre côté: Allez et intervenez dans les affaires des autres provinces; dites à la Saskatchewan qu'ils n'ont pas à faire de telles choses comme cela dans un domaine de compétence exclusive. (10 h 45)

C'est beau, M. le Président. C'est ça, être précis! Je ne peux suivre ce raisonnement, car je n'y vois aucune ligne de continuité, ni même de concordance. Pour nous, il s'agit du Québec qui joint d'une compétence exclusive sur la langue que nous allons respecter. Nous demeurons extrêmement sensibles à la situation des droits des francophones hors Québec. Et nous allons travailler à ce que l'entente du lac Meech soit ratifiée afin que le principe de la dualité puisse servir à interpréter l'article 23. Il va permettre de donner des droits aux francophones quant à

l'instruction dans la langue de la minorité. Nous entendons travailler avec ces francophones pour établir des programmes de coopération, mais on n'ira pas sur la place publique faire de grandes interventions pour dire au gouvernement de la Saskatchewan qu'il ne doit pas légiférer de telle manière. Cependant, M. le Président, je voudrais bien que l'on comprenne une chose. Jamais dans toute l'histoire du Québec, un gouvernement, et en particulier un premier ministre n'a eu des relations aussi étroites, aussi suivies, aussi intéressantes avec ses homologues des autres provinces et avec le gouvernement fédéra!. Le premier ministre du Québec a voyagé partout au Québec et dans presque toutes les régions canadiennes et il a participé aux conférences fédérales-provinciales en jouant un rôle majeur, représentant un partenaire majeur de la Fédération. Il a des relations amicales, suivies avec un très grand nombre de premiers ministres. Comme ministre également, j'ai ces relations avec mes homologues.

M. le Président, il faut se rendre compte d'une chose. Lorsqu'on est arrivé au gouvernement, les relations du Québec avec les autres provinces, n'étaient pas au mieux. C'était au minimum, au strict minimum. Il a fallu construire des relations avec les autres provinces, avoir des relations d'échange avec les autres provinces ainsi qu'avec le gouvernement fédéral; établir un lien de confiance afin de discuter sur des dossiers importants. M. le Président, je suis particulièrement heureux de dire qu'après plus de deux ans et demi de mandat, nous avons réussi à établir des relations extrêmement intéressantes, positives avec l'ensemble des autres gouvernements canadiens et avec le gouvernement fédéral. C'est ce qui aide dans les relations fédérales-provinciales, lorsque le premier ministre du Québec peut rencontrer un de ses homologues et lui dire: il y a un problème, il faut essayer de trouver une solution à ce problème. On réussit beaucoup mieux comme cela qu'on peut le faire en faisant de grandes déclarations sur la place publique et en allant à rencontre d'un principe qui est fondamental dans la fédération canadienne et auquel nous tenons qui est celui de l'exclusivité de la juridiction du Québec en matière linguistique.

M. le député, vous avez sacrifié le droit de veto du Québec et vous êtes en train de mettre sur la table la compétence exclusive du Québec sur sa langue. C'est ce que vous êtes en train de faire. Réalisez-vous ce que vous êtes en train de faire? Ne vous en faites pas, on ne vous suivra pas là-dedans. Pour nous, c'est d'être actif, de protéger les droits des francophones hors Québec, de faire en sorte que par ces relations développées avec les autres provinces et avec le gouvernement fédéral, on puisse en arriver à construire, à donner des services aux francophones.

On parle de la loi C-72. Là encore, je comprends que le député de Lac-Saint-Jean n'y trouve rien de bon. Qu'il le dise qu'il n'y a rien de bon dans cela, cela va en fonction de sa philosophie. Cela ne respecte pas ses idées. Je pense que lorsqu'on est en politique, il est intéressant de pouvoir défendre ses idées. Qu'on les défende et qu'on le fasse jusqu'au bout. Qu'on trouve que le projet n'a pas d'allure est possible, mais pour moi, cela s'accorde avec ma philosophie. Dans ce projet C-72, tout n'est pas mauvais. Le principe est bon. Là, M. le Président, je dois souligner les très bons aspects en ce qui regarde les droits des minorités francophones justement parce que C-72 a des aspects positifs. Il nous amène à nous poser certaines questions.

Quant à cette intervention du gouvernement fédéral pour promouvoir la langue anglaise ici au Québec dans des domaines qui pourraient être en conflit avec une juridiction provinciale, il y a des questions que nous nous posons. Ce que nous voulons, c'est avoir des réponses à ces questions avant de nous prononcer sur C-72. C'est ce que nous avons fait. Nous avons demandé des opinions au ministère de la Justice. Je tiens à dire qu'il ne faut pas jeter C-72 au panier, car certains principes sont bons et même intéressants. Lorsque le député de Lac-Saint-Jean nous dit: il faut que vous puissiez vous battre pour les droits des fancophones hors Québec, c'est ce que nous faisons. Mais qu'il comprenne et lise attentivement C-72 et il va se rendre compte que C-72 apporte justement des points majeurs pour le respect des francophones hors Québec. Regardons, par exemple, l'accès aux tribunaux et le fait d'avoir un juge qui comprend sa langue pour être jugé. Mais il y a des questions que l'on doit se poser sur le respect des juridictions provinciales et c'est pourquoi nous avons demandé au ministère de la Justice de nous livrer des opinions sur ces points-là. Quand nous allons avoir ces opinions, nous prendrons la décision et nous ferons les interventions qui s'imposeront.

M. le Président, il y a quand même, et je demande au député de Lac-Saint-Jean...

M. Brassard: Est-ce qu'il va faire des 20 minutes à chaque fois?

M. Rémillard: Pardon?

M. Brassard: J'ai accepté qu'on procède aux échanges, M. le Président...

M. Rémillard: Oui, je termine.

M. Brassard: ...mais s'il fait des 20 minutes chaque fois, je vais en faire aussi. Je suis capable d'en faire.

M. Rémillard: D'accord, je termine. M. le Président, je termine sur cela.

M. Brassard: Cela va.

M. Rémillard: Je demande simplement que l'on soit un petit peu constant dans les idées. Lorsqu'on avance des idées, qu'on en voie les conséquences et qu'on soit en mesure de les soutenir.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je ne ferai pas 20 minutes, mais je vais revenir sur C-72.

Le Président (M. Marcil): Vous pouvez faire 20 minutes, si vous le voulez.

M. Brassard: Je peux faire 20 minutes, je le sais.

Le Président (M. Marcil): C'est dans votre droit.

Le projet de loi fédérai C-72

M. Brassard: Je reviens sur C-72 parce qu'on a des réponses évasives et on fait de la diversion en plus. Le ministre a fait de la diversion pendant la plupart du temps de son intervention en évitant, évidemment, de se prononcer sur ce qui est jugé comme étant capital par le Conseil de la langue française. À moins qu'il ne me dise tantôt que l'avis du Conseil de la langue française, ne vaut pas grand-chose et que ce sont les études qui ont été commandées au ministère de la Justice qui vont avoir une certaine valeur aux yeux du gouvernement. Cela m'apparaît vraiment, en tout cas. comme une action de diversion, un effort pour retarder de la part du gouvernement une prise de décision claire, une prise de position claire sur une ingérence évidente. Le Conseil de la langue française ne s'interroge pas, ne s'inquiète pas, il affirme carrément, après une analyse du projet de loi fédéral; il affirme péremptoirement, sans ambiguïté, sans équivoque, qu'il y a là une ingérence du gouvernement fédéral dans le domaine linguistique au Québec...., Non seulement il y a une ingérence du gouvernement fédéral en tant qu'acteur en matière linguistique au Québec, parce qu'il empiète dans des domaines de juridiction provinciale, de juridiction québécoise - c'est l'avis et l'affirmation du Conseil de la langue française - mais en plus, son intervention et les actions qui seront issues de C-72, s'il est adopté tel quel par le gouvernement fédéral, dit le Conseil de la langue française, seront incompatibles avec les objectifs de la Charte de la langue française. Les objectifs de la Charte de la langue française, je n'ai pas besoin de les rappeler, ce sont des objectifs de francisation, faire du français la langue de travail de l'administration. Ce sont des objectifs de francisation, de promotion du français. Ce sont les objectifs de la Charte de la langue française, alors que les objectifs de C-72, c'est la promotion du bilinguisme. La promotion du bilinguisme au Québec, cela veut dire la promotion de l'anglais. C'est ce que cela signifie. C'est pour cela que le Conseil de la langue française dit: Attention, il y a là une ingérence, non seulement une ingérence, mais une collision d'objectifs. Il faut, de toute nécessité, que le gouvernement québécois, puisque c'est de compétence exclusive comme vous le claironnez, comme vous le proclamez...

Une voix:... claironne... Oui?

M. Brassard:... avec force. Alors soyez conséquent, soyez cohérent et, vite, très rapidement, avant que le projet de loi C-72 soit adopté, et ait franchi toutes les étapes du processus législatif à Ottawa. Il faut agir avant auprès du gouvernement fédéral pour lui dire: Un instant. Le Conseil de la langue française estime important que le Québec veille, par des moyens appropriés, à ce que l'action linguistique de l'État fédéral au Québec, quelle que soit sa forme, soit compatible avec l'objectif de la province de faire du français la langue de l'État aussi bien que la langue normale et habituelle de travail. "Moyen approprié", cela veut dire dès maintenant, avant même que la loi soit adoptée. Il faut que vous entrepreniez des démarches immédiates auprès du gouvernement fédéral pour lui dire: Vous empiétez dans des domaines de juridiction provinciale; vous vous ingérez dans un domaine qui est de compétence exclusive, c'est vous-même qui le dites, qui est le domaine linguistique, et nous vous demandons instamment de battre en retraite, de corriger le projet de loi C-72 en conséquence, de façon que vous vous limitiez aux champs de juridiction qui sont les vôtres.

Il est vrai que, sous d'autres aspects, le Conseil de la langue française lui-même reconnaît certains progrès à la Loi des langues officielles, telle qu'elle existe présentement à Ottawa. Il y a certains progrès, mais dans les domaines de juridiction fédérale. Il faut que cela se limite là. Et il faut absolument que toutes les dispositions qui permettraient au gouvernement fédéral d'intervenir dans des domaines de juridiction provinciale en matière linguistique disparaissent de C-72. C'est une action que vous devez entreprendre immédiatement, sans tergiversation, sans tergiverser comme l'a fait hier le ministre responsable de l'application de la loi 101. Soyez plus actif, plus vigilant et plus rapide que lui, parce qu'il ne semble pas qu'on doive attendre de lui, compte tenu de sa performance depuis un mois, beaucoup de rapidité et beaucoup d'actions efficaces.

Mais de votre part vous qui êtes responsable des relations fédérales-provinciales, je pense que l'action doit être immédiate et c'est cela que je vous demande, en vertu même du principe que vous proclamez, la compétence exclusive en matière linguistique.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Rémillard: ...il y a encore de la confusion chez l'Opposition et je la vois de façon très claire. Mais vous rendez-vous compte de ce que vous dites?

M. Brassard: Répondez donc aux questions.

M. Rémillard: Écoutez. Qu'est-ce que vous me dites? Vous me dites que je dois dire au fédéral qu'il ne faut pas qu'il s'ingère dans les domaines linguistiques.

M. Brassard: Bien oui, c'est cela.

M. Rémillard: Et puis, qu'est-ce que vous me dites depuis tantôt? Vous me dites qu'on a abandonné les francophones hors Québec parce qu'on aurait dû dire aux Fransaskois ...

M. Brassard: C'est aussi exact.

M. Rémillard: ...ce qu'ils devaient faire sur la place publique pour faire une grande bataille. Vous avez deux discours. Rendez-vous compte que vous avez deux discours complètement contradictoires!

M. Brassard: M. le Président, si moi je suis incohérent, que lui au moins soit cohérent.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, M. le député, je pense qu'on doit respecter les gens dans leur droit de parole.

M. Rémillard: il a deux discours complètement différents!

Ce que je vous ai dit sur C-72 au début et dans toubtes mes interventions, c'est qu'à savoir à l'égard des francophones hors Québec, nous allons respecter la compétence législative de la province sur la langue, mais que nous allons intervenir dans le contexte des relations fédérales-provinciales et interprovinciales. Dans le cas de C-72, il y a des points positifs pour les francophones hors Québec. Nous sommes conscients, cependant que certains points nous amènent à nous poser des questions sérieuses sur le respect de cette juridiction exclusive du Québec. Et j'ai dit qu'on ne sacrifierait pas la compétence exclusive du Québec comme vous avez sacrifié le droit de veto du Québec. Soyez assuré de cela.

On n'interviendra pas en allant sur la place publique. On va respecter la juridiction exclusive du Québec. On va faire en sorte que ce "bill" C-72 soit étudié par nos jurisconsultes et ensuite on va faire valoir nos opinions à Ottawa. Cela fait déjà un bon bout de temps qu'on travaille là-dessus et c'est dans cet esprit que nous allons continuer. Nous sommes en discussion avec

Ottawa, nous leur avons posé des questions et nous attendons maintenant les opinions du ministère de la Justice.

Ce que je veux dire au député de Lac-Saint-Jean, c'est que pour nous il y a un principe sur lequel nous ne céderons pas, et je veux que l'on soit très clair là-dessus, c'est celui de la compétence exclusive du Québec sur la langue. Je suis très clair là-dessus. Que le député de Lac-Saint-Jean ne vienne pas me demander de faire des nuances dans mes propos; que le député de Lac-Saint-Jean ne vienne pas me demander de faire des exceptions à ce principe; et qu'il ne vienne pas me demander de mettre cela en veilleuse. Non, M. le Président. Je veux vous dire aujourd'hui que nous allons être extrêmement vigilants sur le respect de la compétence exclusive du Québec en matière linguistique et je tiens à vous en donner ma parole aujourd'hui. (11 heures)

M. Brassard: M. le Président, est-ce que je dois comprendre dans ce cas-là, compte tenu du discours que me tient le ministre, que vous n'êtes actuellement pas en mesure, comme gouvernement, de prendre position sur le projet de loi C-72; que vous en êtes encore à la phase interrogative? Est-ce cela que je dois comprendre? Si c'est cela, disons-le franchement: vous êtes encore à la phase interrogative, vous vous interrogez, vous vous inquiétez. L'avis du Conseil de la langue française ne vous semble pas suffisant. C'est du moins ce qui est ressorti hier de l'échange à l'Assemblée nationale. Vous attendez d'autres études. L'avis du Conseil de la langue française ne vous semble pas suffisant pour justifier une prise de position maintenant sur le projet de loi C-72. Donc, je dois comprendre que vous êtes encore en phase interrogative, que vous vous interrogez. Je vous signale que c'est bien beau de proclamer et de claironner la compétence exclusive en matière linguistique, c'est très bien, bravo et félicitations pour votre beau programme, mais il faut qu'une fois ce principe proclamé, il y ait des actions concrètes qui aillent dans le même sens, qui respectent ce principe et dans le cas de C-72, il ne faut pas attendre des années et des mois. Il est déjà assez avancé sur le plan législatif au gouvernement fédéral. Il sera à un moment donné adopté et sanctionné et il sera appliqué. Par conséquent, j'incite le gouvernement à raccourcir au plus sacrant sa période interrogative puis à prendre dans les plus brefs délais une position qui générera des actions auprès du gouvernement fédéral pour que C-72 soit modifié pour précisément respecter ce principe de la compétence linguistique du Québec.

Donc vous êtes encore en phase interrogative, si je comprends bien; vous attendez des études. Elles vont arriver quand? Le temps presse, puisque le projet de loi C-72 est en phase d'adoption à Ottawa.

M. Rémillard: M. le Président, lorsque le

député de Lac-Saint-Jean me dit: il faut considérer que l'avis du Conseil de la langue française n'est pas suffisant, je lui dis: Oui, c'est vrai, ce n'est pas suffisant, mais c'est un avis qui est intéressant, que j'ai regardé attentivement. Mais ce n'est pas suffisant pour que le gouvernement prenne une action en fonction des intérêts du Québec d'une façon générale. On doit avoir des opinions et il faut que le jurisconsulte puisse se prononcer. Il faut avoir ses opinions. Cela ne veut pas dire qu'on n'est pas actif. On est très actif et ne vous en faites pas, en temps et lieu, les revendications du Québec vont se faire et nous prendrons les moyens nécessaires pour faire respecter ces droits. Mais je voudrais simplement rassurer le député de Lac-Saint-Jean, lui dire que nous allons prendre...

M. Brassard: Avant l'adoption du projet de loi C-72?

M. Rémillard: Avant l'adoption. Nous allons faire valoir les points de droit qui, selon nous, doivent être soulevés pour le respect de cette compétence du Québec sur la langue, compétence exclusive, et le député de Lac-Saint-Jean devrait alors voir toute l'importance de ce paragraphe 4 que nous avons dans le premier article de l'entente du lac Meech, ce paragraphe que nous avons fait inscrire à l'édifice Langevin, après de dures négociations. C'est le Québec qui l'a fait inscrire, à savoir qu'il y avait un plancher en ce qui regardait les droits linguistiques. Tout à l'heure, le député de Lac-Saint-Jean disait: Dans l'entente du lac Meech, il y a la reconnaissance de la dualité et la reconnaissance de la spécificité du Québec: laquelle va l'emporter sur l'autre? Il faut faire attention. Il faut bien lire l'entente du lac Meech. Et, quand vous lisez bien l'entente du lac Meech vous voyez, entre autres, ce paragraphe 4 qui garantit le respect des droits linguistiques. Il s'agit donc là d'un plancher. Tout ce qu'on peut avoir, c'est quelque chose de plus. On ne peut pas avoir quelque chose de moins. C'est rédigé comme tel, très clairement.

M. le Président, je voudrais quand même qu'on comprenne que la dualité et la société distincte sont reconnues dans cette entente du lac Meech, et qu'il y a, en fonction de ces deux principes, ce paragraphe 4 et qu'on peut maintenant faire cette relation avec l'article C-72 et avec tous les sujets dont nous avons discuté ce matin. Je le répète, il y a un principe qui nous apparaît fondamental, et c'est le respect de la compétence exclusive du Québec sur la langue; cela, pour nous, est intouchable. Qu'on accepte l'article 133 sur le bilinguisme institutionnel, pas de problème. Qu'on accepte l'article 23 sur le droit à l'instruction dans la langue de la minorité, pas de problème avec la clause Canada. Mais, qu'on respecte la compétence du Québec sur la langue, c'est pour nous un principe qu'on va faire respecter et, sur lequel je serai des plus fermes ce matin.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Lac-Saint-Jean.

Charte canadienne des droits

M. Brassard: M. le Président, il y a un troisième élément qui s'ajoute et qui est la charte canadienne. Ce n'est pas l'article 23 qui pose problème, actuellement, en matière d'affichage devant la Cour suprême, ce n'est pas l'article 133, mais c'est la charte canadienne des droits. C'est une autre entrave majeure parce que, depuis 1982, tous les jugements des tribunaux en matière linguistique se sont appuyés sur la charte canadienne des droits. Par conséquent, voilà une troisième entrave, une troisième contrainte majeure à une compétence qui cesse d'être exclusive.

M. Rémillard: Mais la charte québécoise aussi.

M. Brassard: Sauf que, la charte québécoise, c'est l'Assemblée nationale qui en est maître.

M. Rémillard: La charte canadienne aussi, par la clause "nonobstant".

M. Brassard: Non, elle est intégrée à la constitution.

M. Rémillard: Par la clause "nonobstant", c'est la même chose.

M. Brassard: Pas pour tous les articles.

M. Rémillard: Pour les articles concernés par la loi 101, oui. Il faut quand même se comprendre là-dessus. C'est un point quand même très important.

M. Brassard: Est-ce que vous nous annoncez que vous allez utiliser le "nonobstant"?

M. Rémillard: Absolument pas, je n'ai jamais dit cela. Je veux simplement vous dire que tant la charte québécoise que la charte canadienne sont en cause. Alors, vous ne pouvez pas seulement blâmer la charte canadienne. À la charte québécoise, en fait, ce sont des droits fondamentaux. C'est le fameux dilemme entre les droits de la collectivité et des droits individuels.

M. Brassard: Oui, mais, M. le ministre, vous savez très bien qu'il y a une différence majeure. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec est toujours modifiable par l'Assemblée nationale. C'est l'Assemblée nationale qui a son dernier mot à dire parce qu'elle peut la modifier. Alors qu'une charte de droits... C'est toute la question de la charte des droits intégrée ou non à une constitution. Une charte enchâssée

dans la constitution, comme c'est le cas de la charte canadienne, est évidemment beaucoup plus difficile à modifier, vous en conviendrez. Et, quand cela fait obstacle...

M. Rémillard: Vous vous souviendrez de la loi 111 que vous avez adoptée. Je comprends que c'est facile à changer, une charte québécoise.

M. Brassard:... à l'exercice d'une compétence...

M. Rémillard: Par la loi 111, vous l'avez démontré.

M. Brassard:... supposément exclusive en matière linguistique, cela devient drôlement plus important.

M. Rémillard: Oui, souvenons-nous de cela.

L'accord du lac Meech

M. Brassard: M. le Président, le ministre a parlé du dossier du lac Meech et je l'aborderai également. Il a indiqué tantôt que nous avions sacrifié le droit de veto. C'est le cliché et le lieu commun véhiculés depuis longtemps par le Parti libéral. Évidemment, c'est de bonne guerre, sauf que ce n'est pas vrai. On sait fort bien que le droit de veto, on ne l'a jamais eu. On a su qu'on ne l'avait jamais eu parce qu'on avait demandé un avis à la Cour d'appel. À ce moment-là, il était évidemment question de rapatriement et, par conséquent, de l'exercice du droit de veto du Québec et des provinces. Sauf qu'il y avait des gens qui disaient: Le droit de veto, le Québec n'en a pas et par conséquent, le gouvernement fédéral peut rapatrier. D'autres, au Québec bien sûr, disaient: Le Québec détient un droit de veto, il peut l'exercer et s'il n'est pas d'accord, il peut bloquer le rapatriement. C'est le débat qu'il y avait à ce moment-là, vous le savez très bien. Le gouvernement québécois, devant cette controverse, s'est dit: On va en avoir le coeur net. On va vraiment savoir si on a un droit de veto ou non. On va poser la question comme le prévoit la loi à la Cour d'appel. On va demander si vraiment le Québec a un droit de veto. La réponse de la Cour d'appel a été: Non, il n'y a pas de droit de veto, ni pour !e Québec ni pour les provinces. Il n'y en a pas. Donc, c'est faux de prétendre que nous avons sacrifié le droit de veto. On n'a pas pu sacrifier quelque chose qu'on n'avait pas. On ne l'avait pas. Est-ce que cela a été clair?

Ce qui m'amène à l'accord du lac Meech, c'est que c'est un peu le même genre de controverse qu'on a avec l'accord du lac Meech, en particulier concernant la régie d'interprétation sur la société distincte. Vous prétendez que c'est là une innovation extraordinaire sur le plan constitutionnel, que cela va permettre au Québec d'assurer, de protéger, de promouvoir ses dif- férences, ce qui le distingue comme société alors que d'autres disent: Ce n'est qu'une règle d'interprétation et on n'ira pas loin avec cela. C'est tellement vague, c'est tellement flou qu'on ne pourra pas faire des progrès majeurs, ni des gains importants en s'appuyant là-dessus. Il y a une controverse là-dessus. Si vous êtes si certain, si vous êtes si sûr - vous semblez être sûr, en tout cas à vous entendre, quand on écoute vos propos là-dessus; on sent vraiment que se dégage de vous une certitude - que le concept de société distincte a une portée véritable, particulièrement en matière linguistique, pour protéger la compétence linguistique du Québec; si vous êtes si certain de l'exacte portée du concept de société distincte, pourquoi craignez-vous de demander un avis à la Cour d'appel? Pourquoi hésitez-vous à demander un avis à la Cour d'appel? Vous en êtes tellement certain que vous devez sans doute vous dire: La Cour d'appel va confirmer ce que je pense, ce qu'on pense, la position du gouvernement du Québec sur le concept de société distincte. Vous en êtes si certain. Pourquoi ne pas demander un avis à la Cour d'appel sur l'article 58? Encore une fois, il ne s'agit pas de demander un avis à la Cour d'appel et de dire: Quelle est, d'après vous, la portée de la société distincte qu'on retrouve dans l'accord du lac Meech? Dites-nous cela. Non, non, non. Il faut poser à la Cour suprême une question précise sur un point de droit qui est contesté devant les tribunaux. C'est le cas de la question de l'affichage qui est devant la Cour suprême. L'affichage unilingue français a été déclaré inconstitutionnel par les tribunaux inférieurs, la Cour supérieure et la Cour d'appel. Cela a été déclaré inconstitutionnel, non conforme à la charte des droits. Il y en a qui prétendent que si le concept de société distincte était intégré à la constitution, on pourrait invoquer la société distincte et obtenir de la Cour suprême un jugement qui dirait: Oui, cela va peut-être à rencontre d'une disposition de la liberté d'expression qu'on retrouve dans la charte des droits canadienne. Oui, cela va peut-être à rencontre. On confirme que la Cour d'appel a raison là-dessus, la Cour supérieure aussi. Cela va à rencontre de ce principe. Mais puisque le Québec est une société distincte et que cela est reconnu dans l'accord du lac Meech, que c'est une règle d'interprétation sur laquelle on peut s'appuyer, nous affirmons que le Québec a le droit d'appliquer l'article 58 tel qu'il est stipulé dans la Charte de la langue française et qui oblige à l'unilinguisme français dans l'affichage. / (11 h 15)

M. Rémillard: M. le Président...

M. Brassard: Pourquoi ne pas demander un avis à la Cour d'appel sur cette question? On va savoir vraiment la portée du concept de société distincte avant que la ratification de l'accord du lac Meech soit complétée. Cela me semble important de le faire avant, de s'assurer de la

portée de ce concept avant que le processus de ratification soit complété parce que lorsqu'il va être complété, vous savez très bien que quand c'est intégré à une constitution, une constitution est tellement compliquée, laborieuse... Vous en savez quelque chose parce que la ratification de l'accord du lac Meech ne va pas vite. Maintenant, c'est compromis non seulement par le Nouveau-Brunswick, mais par le Manitoba qui a un gouvernement conservateur minoritaire et les deux autres formations politiques ne sont pas très chaudes sur l'accord du lac Meech. Au Manitoba aussi, l'accord du lac Meech risque d'être compromis.

Vous savez qu'amender une constitution est très laborieux, c'est très long. Il n'est pas toujours certain qu'or y arrive. Mais quand c'est fait, c'est drôlement difficile de revenir sur ce qui a été adopté. C'est pas mal plus difficile que d'amender une loi ordinaire. Par conséquent, c'est d'autant plus important d'en connaître la portée exacte et précise. C'est pourquoi nous réclamons que le gouvernement demande un avis formel sur ce concept, en regard de l'article 58 de la Charte de la langue française pour qu'on sache vraiment si cela veut dire quelque chose ou si cela ne veut rien dire.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Rémillard: M. Johnson ne serait pas heureux de vous entendre parler comme cela parce que d'abord, sauter sur la perche que vous tend M. Trudeau cela devient un petit peu difficile. D'autre part vous étiez avec M. Johnson lorsqu'il dénonçait le gouvernement par les juges. Vous souvenez-vous de cela? "Il faut que le gouvernement gouverne", disait-il. "Arrêtez de vous référer toujours aux juges. La charte des droits fait qu'on va avoir un gouvernement par les juges. C'est épouvantable."

M. Brassard: Ce n'est pas une décision qu'on demande, c'est un avis.

M. Rémillard: "La souveraineté de l'Assemblée législative." C'est le discours que vous avez tenu. C'est exactement cela que vous m'avez dit. Là M. Trudeau vous a tendu une perche, boum, il saute sur la perche des deux mains. Là, vous dites: On l'a. Vite, on va aller en Cour d'appel et on va demander un avis sur un projet constitutionnel. Qu'est-ce que c'est une constitution? Une constitution, M. le Président, c'est beaucoup plus qu'un acte juridique. Une constitution c'est un contrat social, c'est le contrat que nous passons ensemble pour vivre ensemble, c'est ce contrat que nous fondons ensemble pour établir...

M. Brassard: Faites un référendum.

M. Rémillard: Faisons un référendum au moins avec des questions claires.

M. Brassard: C'est un contrat social, faites un référendum là-dessus.

M. Rémillard: Peut-être auriez-vous pu demander à la Cour d'appel de se prononcer sur la signification de votre question.

M. le Président, il faut bien comprendre qu'on a un système démocratique fondé sur la distinction de trois grands pouvoirs. L'exécutif est là pour gouverner, le législatif est là pour faire des lois et le judiciaire est là pour juger de la conformité de ces lois avec une pièce majeure qui est la constitution. C'est beaucoup plus qu'une pièce juridique. C'est, à toutes fins utiles, un contrat social et c'est dans ce contrat qu'on retrouve les valeurs fondamentales d'une société. C'est exactement cela que nous faisons avec l'entente du lac Meech où l'on inscrit dans notre contrat social et dans la constitution canadienne, des principes fondamentaux comme la société distincte et la dualité.

M. le Président, ce n'est pas à la Cour d'appel ou à la Cour suprême canadienne à se prononcer sur une entente constitutionnelle qui a été négociée par les premiers ministres provinciaux et par le premier ministre du Canada. En 1982, il y a un processus constitutionnel d'amendement qui a été accepté. On se souvient qu'on avait pensé à ce moment-là avoir un référendum. Je trouve cela curieux, encore une fois, que le député de Lac-Saint-Jean me dise: On devrait tenir un référendum. L'idée d'un référendum était inscrite dans la proposition Trudeau de 1980-1981. Idée qu'ils ont combattue. Bien sûr, on s'est déjà fait expliquer pourquoi. Parce que la souveraineté appartient à l'Assemblée nationale. Ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est que la souveraineté appartient à l'institution, mais par délégation, parce que la souveraineté appartient fondamentalement au peuple. C'est vous, c'est moi, c'est tout le monde qui formons la société qui sommes souverains. C'est à nous, démocratiquement, d'élire nos gens, de les mettre en place. Puis s'ils ne font pas notre affaire, on les change. C'est cela la démocratie. M. le Président, il faut respecter les règles de cette démocratie. Une des règles fondamentales, c'est de faire en sorte qu'un gouvernement puisse gouverner, que les juges jugent. Et dans ce cas-ci, en ce qui regarde l'entente du lac Meech, je comprends que cela peut être tentant pour l'Opposition de sauter sur cette perche que lui tend M. Trudeau. Mais je vous demande quand même de réaliser qu'il y a là des contradictions importantes et que, concernant l'entente du lac Meech, on devrait s'élever au-dessus de toute ligne partisane et regarder strictement le texte afin de voir l'importance de cette entente pour le Québec, pour l'ensemble canadien, et mesurer la valeur de cette entente constitutionnelle ainsi que le processus qui est en cours.

M. le Président, je tiens simplement à dire, en terminant, que le processus qui est en cours démontre fort bien la valeur de cette

entente. Si cela était passé dans toutes les provinces comme du beurre dans la poêle chaude j'aurais dit, il n'y avait rien dans cette entente. Mais toutes les commissions parlementaires qui ont été tenues et qui se tiennent actuellement, nous ont démontré qu'il n'y a aucune erreur fondamentale dans le texte. On peut critiquer et dire que les droits des minorités ne sont pas dans l'entente, mais cela n'a jamais été le but de l'entente du lac Meech de mettre un code des droits des minorités, mais plutôt de bâtir des fondements pour les droits des minorités. Oui, et c'est ce qu'il y a dedans. On dit que les droits des femmes sont en cause. C'est faux. Les droits des femmes ne sont pas en cause. Et même M. Trudeau ose l'affirmer: "C'est vrai, on me l'a expliqué, j'ai compris. Les droits des femmes ne sont pas en cause." Ensuite on va nous dire quoi? Que la charte est en cause? Ce que nous disons, c'est que l'entente du lac Meech avec les principes de la dualité et de la société distincte est un instrument majeur pour interpréter la charte.

Je sais que le député de Lac-Saint-Jean ne peut pas être contre cela après les propos qu'il vient de tenir sur la charte canadienne ou la charte québécoise. Puis quand il me dit qu'il sait très bien qu'il y a une grande différence entre la charte québécoise et la charte canadienne, je dis, bien sûr, car j'ai été le premier à l'affirmer puis à me battre pour qu'il y ait une charte canadienne dans la constitution canadienne comme une charte québécoise, mais plus complète à bien des niveaux et pouvant être modifiée par une simple loi. En fait, le député de Lac-Saint-Jean sait très bien à quelle loi je veux me référer. De triste mémoire, la loi 111, où on a obligé les travailleurs à retourner au travail en abolissant un principe fondamental, le droit à l'innocence. On est coupable avant d'être accusé. Cela allait contre tous nos principes de droit les plus fondamentaux. On a mis cela de côté. Pas de valeur constitutionnelle, ouf! Une loi et tout est terminé. Mais c'est justement pour cela, M. le Président, qu'il faut avoir une charte dans la constitution. Mais il est évident qu'il peut y avoir à certains égards, à certaines fins, certains conflits entre les droits individuels et les droits collectifs. Et il y a une clause, qui s'appelle la clause "nonobstant", qui est là et qui doit être utilisée à ce moment-là non pas pour abolir, mais limiter des droits dans certaines circonstances, pour certaines fins, lorsque l'intérêt de la collectivité le demande.

M. le Président, ce que je dis là encore, c'est que je vois des contradictions flagrantes dans le discours de l'Opposition et j'essaie de suivre. Il faudrait qu'on me l'explique, vraiment. J'essaie de trouver de la continuité dans la pensée de l'Opposition. J'avais plus de facilité avec M. Johnson, je l'avoue.

Le Président (M. Marcil): M. le député.

M. Brassard: M. le Président, ma question était claire. La réponse est claire aussi. Vous refusez de clarifier les choses et d'utiliser la procédure d'une demande d'avis à la Cour d'appel. J'en prends acte. J'en prends note.

Vous parliez de gouvernement des juges ou gouvernement par les juges. D'abord, je pense que le ministre, habilement, crée de la confusion entre les décisions des tribunaux et les avis qu'on leur demande. Ce qu'on réclame, c'est un avis de la Cour d'appel à partir d'une question bien précise, ce qui n'est pas la même chose que les décisions des juges, ce qui va être le cas en particulier sur l'article 58 examiné actuellement par la Cour suprême. Décision et avis, il ne faudrait pas confondre non plus, et tout mélanger. C'est vous-même d'ailleurs qui, dès 1982, à la suite de l'adoption et de la sanction de l'Acte constitutionnel et du rapatriement de la constitution - on vous le rappelait souvent d'ailleurs en commission parlementaire - avez indiqué qu'avec la charte des droits et avec l'acte constitutionnel de 1982, désormais - vous écriviez cela au lendemain de la sanction, royale - en matière linguistique, ce sont les juges qui vont décider. C'est vous qui avez écrit cela. On vous l'a cité souvent d'ailleurs. Vous vous la rappelez cette affirmation que vous avez faite alors que vous étiez professeur de droit constitutionnel? Matière linguistique, on va se retrouver avec un gouvernement par les juges, gouvernement des juges. C'est précisément ce qui s'est passé, d'ailleurs. Depuis 1982, les décisions en matière linguistique et le démantèlement progressif de la Charte de la langue française se sont faits à partir de décisions des tribunaux.

Mais si je retourne la question au ministre. Si le gouvernement par les juges et des juges, c'est si condamnable, ce n'est pas souhaitable, et qu'il ne faut pas en arriver a un tel état de chose, quoique déjà actuellement c'est déjà le cas, à cause même de l'enchâssement de la charte des droits dans la constitution... Les juges invalident des lois, démantèlent des lois à partir des l'interprétation de la charte des droits. On est déjà dans une société où les juges décident, modifient des lois, démantèlent des lois. C'est déjà le cas, présentement comme vous l'aviez d'ailleurs prévu en 1982. Vous l'aviez prévu, c'est cela qui est arrivé. Et si c'est si condamnable que cela, le gouvernement des juges, pourquoi, dans le cas de l'article 58 de la Charte de la langue française, attendez-vous, comme gouvernement, la décision de la Cour suprême? Pourquoi vous en remettez-vous à la décision de la Cour suprême? La position de votre gouvernement est un peu différente de la vôtre. Si c'est si condamnable que cela le gouvernement des juges, eh bien, ne vous souciez pas de la décision de la Cour suprême en matière d'affichage, et procédez. Passez à l'action, décidez, présentez un projet de loi. Pourquoi cette position gouvernementale maintenue à travers vents et marées depuis des mois et des

mois, qui consiste à répondre constamment et à répéter constamment que, par rapport à l'affichage, par rapport au dossier de l'affichage, le gouvernement attend la décision de la Cour suprême, il attend la décision de messieurs les juges?

Si le gouvernement des juges est à condamner ou à rejeter ou, que ce n'est pas le meilleur système qui doit prévaloir, bien soyez cohérent là aussi sur cette question-là et prenez immédiatement - parce que c'est un dossier chaud, c'est un dossier controversé, c'est un dossier qui suscite bien des passions, le dossier linguistique, en particulier sur l'affichage - une décision et n'attendez pas. Pourquoi attendez-vous la décision des juges dans ce dossier-là? Leur sentence? Allez de l'avant.

M. Rémillard: M. le Président.

M. Brassard: Ne vous en occupez pas.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre. (11 h 30)

M. Rémillard: M. le Président, je veux simplement respecter un principe qui, là encore, est fondamental dans notre régime démocratique. C'est le respect du processus judiciaire. C'est un droit fondamental de tout citoyen de ce pays, de pouvoir s'adresser aux tribunaux pour contester une loi qui, selon lui, va à l'encontre de la constitution du pays. C'est un droit qui est fondamental. Le gouvernement n'a pas à s'ingérer dans ce processus; il peut prendre les moyens pour défendre sa loi, oui, mais il n'a pas à s'ingérer. Il existe des règles comme la règle du sub judice qui nous empêche de commenter ces choses à l'extérieur pour laisser pleine latitude aux juges. Cela fait partie de notre système démocratique et il faut respecter ces principes.

Ce que nous disons, M. le Président, c'est qu'en ce qui regarde l'affichage, c'est une cause maintenant pendante devant la Cour suprême. La Cour suprême devrait rendre sa décision. Il nous fallait suivre ce processus judiciaire à cause des interrelations de cette cause avec d'autres causes sur d'autres points concernant les droits fondamentaux, la liberté d'expression, etc. et il fallait donc en arriver à ce que la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays, se prononce pour clarifier le droit. À partir de cette décision, nous allons pouvoir agir comme gouvernement à l'intérieur de la marge de manoeuvre que nous avons. Cette marge de manoeuvre nous est garantie entre autres, sur le fait du principe de l'exclusivité de la juridiction du Québec sur la langue, principe auquel nous tenons tant.

Alors, M. le Président, tout à l'heure le député de Lac-Saint-Jean nous disait: Oui, mais il y a des provinces qui sont intervenues concernant la défense de la loi 101. Attention! La province comme je l'ai mentionné tout à l'heure et je le répète pour être bien compris qui est intervenue, c'est l'Ontario et l'Ontario est intervenu strictement en ce qui regarde la validité de la loi 62 de 1982. Alors, il ne faut quand même pas charrier et il ne faut pas dire que les autres provinces sont intervenues dans un débat linguistique qui regarde le Québec. C'est complètement faux. Il faut être très clair sur cela. Mais une province peut intervenir en Cour suprême pour faire valoir certains points qui sont connexes et qui sont dans le débat devant la cour et cela se fait couramment dans toutes les autres décisions.

M. le Président, je reviens simplement sur un principe qu'il faut bien comprendre. Il y a trois grands pouvoirs à la base de notre société démocratique et là encore, lorsque le député de Lac-Saint-Jean me dit: Pourquoi suivez-vous tout ce processus judiciaire, intervenez! ce serait nier, là encore, le droit fondamental d'un citoyen, individuel ou corporatif, à contester une loi, un règlement, une mesure qui puisse aller à rencontre des droits fondamentaux. C'est son droit le plus sacré d'aller jusqu'en Cour suprême et nous avons à attendre la décision de la cour. Tout cela en fonction d'un principe qui nous est cher parce qu'il est au fondement même du respect de la démocratie.

Le Président (M. Marcil): M. le député de

Lac-Saint-Jean.

Programme national de garderies

M. Brassard: M. le Président, je souhaiterais aborder un autre sujet, celui du programme national de garderies. Le gouvernement fédéral, en décembre dernier, annonçait une stratégie en matière de garderies. Il prévoyait des fonds assez considérables, 5 400 000 000 $. Le programme comporte des volets qui relèvent de sa juridiction, entre autres les mesures fiscales. Je conviens que tout ce qui concerne la fiscalité en regard de la garde des enfants c'est de sa juridiction, mais cela comportait aussi un volet, un nouveau programme à frais partagés où Ottawa injectera 3 000 000 000 $ pour la création de nouvelles places en garderies, pour le fonctionnement des garderies. Le fédéral assumerait 75 % des coûts d'immobilisation reliés, entre autres, à la construction et à la rénovation des garderies sans but lucratif, laissant 25 % aux provinces. Sur cela, la ministre responsable, Mme Gagnon-Tremblay a manifesté, je pense, un intérêt certain pour cette stratégie fédérale en matière de garderies.

Dans votre cas, je vous signale qu'à une question que je vous posais à l'Assemblée nationale sur ce sujet, vous avez répondu: "Dans le contexte actuel - et je vous cite - nous disons: "Les garderies sont de notre juridiction. C'est ce que nous disons. Nous disons: Vous avez un pouvoir de dépenser, très bien, mais si ce

programme national ne correspond pas à ce que nous, nous voulons faire, nous allons demander à ce moment-là de se retirer avec compensation." Donc, vous avez à ce moment-là évoqué la possibilité que le gouvernement québécois, compte tenu que les garderies sont de juridiction québécoise, se retire d'un programme fédéral en matière de garde et exige forcément, en retour, une compensation financière raisonnable, juste et équitable.

Il est bien évident que le Québec, même s'il reste encore bien des progrès à accomplir en matière de garde, a mis en place un réseau de garderies, des modes de financement, un organisme de contrôle et de développement, qui est l'Office des services de garde. Donc, nous avons affirmé, le Québec a affirmé concrètement, que ce soit sous le gouvernement actuel ou sous les anciens gouvernements, par des budgets, des actions, des politiques, qu'en matière de garde, il s'agissait là d'une juridiction québécoise. C'est ce que vous avez reconnu. D'ailleurs, là-dessus, on est pleinement d'accord.

Maintenant, cela fait quand même quelques mois de cela et la question que je pose et que je vous pose, c'est: Avez-vous complété l'analyse et l'évaluation de la stratégie proposée par le gouvernement fédéral, son nouveau programme à frais partagés? En avez-vous complété l'évaluation? En êtes-vous arrivés à la conclusion qu'il vaudrait mieux que le Québec demeure seul dans ce domaine et que, par conséquent, il y aurait lieu, comme vous l'avez vous-mêmes évoqué, d'exercer un droit de retrait et d'exiger une compensation financière de la part du gouvernement fédéral en cette matière?

M. Rémillard: M. le Président, là encore, je suis particulièrement heureux que le député de Lac-Saint-Jean soulève un autre point de l'entente du lac Meech, c'est-à-dire ce cadre que nous voulons donner au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral et, qu'il le soulève, donc, en relation directe avec un point si important dans l'évolution de notre société québécoise: les garderies. Je l'ai dit en Chambre et le député de Lac-Saint-Jean m'a cité correctement: Les garderies, cela relève de notre juridiction. Et nous pouvons quand même être fiers du réseau de garderies que nous avons, bien qu'il y ait des améliorations à apporter. L'intention est louable de vouloir discuter au niveau canadien de ces programmes concernant les garderies. Cependant, ce que nous disons, c'est qu'on ne veut pas se faire imposer de politique qui viendrait d'ailleurs dans un champ que nous considérons de notre juridiction.

Nous sommes prêts à collaborer. Nous sommes prêts à travailler, au niveau fédéral, avec les autres provinces et avec le gouvernement fédéral. Si le gouvernement fédéral a des sous à mettre dans ce projet, c'est intéressant qu'on puisse en avoir notre part, parce que, comme je l'ai mentionné dans mon intervention au tout début, nous voulons recevoir notre juste part de la fédération canadienne. Et je sais que le député de Lac Saint-Jean est particulièrement vigilant à ce niveau: Allez chercher votre part, battez-vous. Tantôt il m'a souligné plusieurs points. On a eu l'occasion d'y revenir. Il faut se battre pour aller chercher notre part. Dans ce domaine-là, oui il y a possibilité pour le gouvernement fédéral, on parle de sommes pouvant aller jusqu'à 5 400 000 000 $ sur une période de sept ans. C'est de l'argent, c'est intéressant, mais en aucune façon, on ne mettra en cause la compétence du Québec en matière de garderies. C'est donc dire que nous sommes à discuter avec le gouvernement fédéral, mais que ce dernier n'a pas encore vraiment fait valoir ses programmes dans tous leurs éléments. Alors nous ne savons pas encore exactement où veut vraiment aller le gouvernement fédéral. Ce que nous savons, c'est qu'il envisage un plan national où les provinces et le gouvernement fédéral pourraient travailler ensemble et avoir des services de garderies améliorés partout au Canada. C'est une idée qu'on ne met pas de côté. Au contraire, on dit: C'est intéressant. On croit en cette fédération et on croit que l'on doit améliorer les conditions de vie de tous les citoyens. Alors on peut s'associer, mais on se dit: il s'agit là d'un domaine de compétence provinciale et nous avons nos propres normes et nos propres conditions pour établir ce service de garderies. Dans la mesure où ce que vous proposez pourrait correspondre à ce que nous voulons faire, nous sommes prêts à collaborer.

À ce stade-ci, M. le Président, nous n'avons pas reçu le plan précis du gouvernement fédéral nous indiquant comment il veut procéder dans ce dossier. Je voudrais simplement en terminant insister là encore sur ('importance de l'entente du lac Meech, parce que, dans un domaine si important, le député de Lac-Saint-Jean conviendra avec moi que si l'entente du lac Meech faisait partie de notre constitution, je pourrais dire: Si cela ne correspond pas à nos priorités, nous allons pouvoir aller chercher la part d'argent qui nous revient et nous retirer. Même présentement, il y a des précédents des années soixante qui nous permettent de nous retirer avec des sommes d'argent. Dans le cas des prêts et bourses, par exemple. Mais ce n'est pas assez; il n'y a aucune garantie constitutionnelle. Je pense bien que le député de Lac-Saint-Jean va me suivre là-dessus pour montrer à quel point c'est important que l'on puisse faire sanctionner cette entente du lac Meech et récupérer la juste part qui revient au Québec comme partenaire majeur de cette fédération.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Donc si je comprends bien, M. le Président, le gouvernement fédéral, depuis décembre dernier, moment où il rendait publique

sa stratégie pour les garderies, n'a pas encore précisé les objectifs, les critères et les balises de son programme concernant, premièrement les immobilisations, c'est-à-dire la construction ou la rénovation de garderies sans but lucratif et à but lucratif. La discussion semble aussi se poursuivre. Deuxièmement, sur le partage des coûts ou sur ^ l'immobilisation et soutien au fonctionnement des garderies, il n'y a pas eu d'évolution jusqu'à maintenant. C'est en début décembre que cela a été rendu public. On est presque en mai. Il n'y a pas eu d'évolution de la part du gouvernement fédéral ni de précisions qui ont été apportées sur ses intentions en matière de garderies. C'est un peu curieux. Est-ce que le gouvernement fédéral aurait soudainement laissé tombe. ses intentions d'intervenir dans ce secteur-là? Comment expliquer que cela n'a pas évolué depuis plusieurs mois? C'est ma première question. (11 h 45)

La deuxième, c'est: Pour décider de faire la bataille du retrait et de la compensation, sur quoi allez-vous vous appuyer dans le programme fédéral? Est-ce que c'est sur les objectifs? Si les objectifs poursuivis par le programme fédéral ne vous conviennent pas ou ne sont pas compatibles avec les objectifs poursuivis par le Québec en matière de garderie vous allez demander le retrait et la compensation. Est-ce sur les critères qu'on va s'appuyer pour subventionner les immobilisations ou pour subventionner le fonctionnement des garderies? Sur quoi allez-vous vous appuyer? Qu'est-ce qui va vous guider dans l'élaboration de votre position comme gouvernement pour en arriver à dire: On accepte le programme fédéral, ou on refuse de s'impliquer et de s'associer à ce programme, et on fait la bataille du droit de retrait et de la compensation financière?

Sur cette question précise du droit de retrait, c'est vrai que l'accord du lac Meech n'est pas entériné, mais vous avez raison d'évoquer des exemples et des précédents. Il y a des précédents dans l'histoire du Québec qui font qu'à plusieurs occasions le gouvernement du Québec a fait une bataille politique. Évidemment, c'est une bataille politique. Il ne s'appuyait pas sur des dispositions constitutionnelles, il faisait une bataille politique, donc, il établissait un rapport de forces avec le gouvernement fédéral qui lui était favorable pour obtenir de l'argent en retour d'un retrait ou d'une non-participation à un programme fédéral. Sur quoi allez-vous vous appuyer pour en arriver à une prise de décision? On participe, on ne participe pas. Voilà, c'est surtout cela, la question. Évidemment, à partir de ce moment-là, même si ce n'est pas intégré à la constitution, il y a forcément des précédents qui peuvent permettre de faire une bataille à caractère politique pour se retirer et obtenir une compensation.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je suis content de voir que le député de Lac-Saint-Jean fait, en quelque sorte, une plaidoirie en faveur de l'entente du lac Meech.

M. Brassard: Mais non, mais non!

M. Rémillard: Je voudrais simplement lui dire ceci: Sur le pouvoir de dépenser, vous dites que vous êtes d'accord, mais, faites attention, M. Trudeau n'est pas d'accord. Vous êtes allé en contradiction avec M. Trudeau. Jusqu'à présent, vous vous suiviez et cela allait, mais ne vous mettez pas en contradiction. C'est mon devoir de vous avertir que M. Trudeau n'est pas plus d'accord sur le pouvoir de dépenser qu'il ne l'est sur la société distincte. Alors, si vous venez me dire que vous êtes d'accord sur le pouvoir de dépenser, cela peut vous mettre dans une situation difficile. À un moment donné, on prend la perche et...

Sur l'évolution du dossier, je peux vous dire qu'il y a des pourparlers au niveau des sous-ministres et même au niveau des ministres. Ma collègue, responsable du dossier, a eu quelques rencontres. Il y a une évolution de ce dossier sur certains points, bien sûr. Vous me demandez ce qui nous guide dans nos interventions. Ce qui nous guide, c'est le respect de la compétence du Québec en matière de services de garde et le respect des objectifs du Québec dans ce domaine. À partir de là, je vous l'ai dit tout à l'heure et je le répète, nous sommes prêts à collaborer. Et, si, avec des sommes d'argent qui nous viennent bien sûr du gouvernement fédéral, nous pouvons améliorer le système de garderies en fonction de nos objectifs, c'est ce que nous allons faire. Par contre, si ces objectifs, qu'on veut inclure dans le projet, ne correspondent pas à nos objectifs et ne protègent pas la marge de manoeuvre qui nous revient de par notre compétence sur ces garderies, il va falloir dire: Nous ne marchons pas là-dedans et nous voulons avoir notre part de l'argent parce que nous allons continuer à administrer notre propre système de garderies.

Sur quoi allons-nous nous baser pour réclamer cet "opting out" qui a toujours été gagné à la suite de discussions fortes avec le gouvernement fédéral par des gouvernements libéraux provinciaux? Parce que c'est un rapport de forces, comme vous l'avez très bien dit? Lorsque le rapport de forces n'existe plus, bien...

M. Brassard: Comme c'est le cas présentement.

M. Rémillard: Comme c'était le cas, oui. Comme c'était le cas avec votre droit de veto que vous avez sacrifié le 16 avril 1981. Le rapport de forces, je ne m'aventurerais pas trop là-dessus à votre place. Mais, il reste quand

même qu'il va falloir, à un moment donné, que vous vous rendiez compte qu'on doit encadrer ce pouvoir de dépenser. Lorsqu'on a discuté de l'entente du lac Meech, vous même et M. Johnson faisiez de grandes sorties: Vous êtes en train de reconnaître ce qui n'a jamais été reconnu. Mais, vous êtes le premier maintenant...

M. Brassard: Très juste, exact.

M. Rémillard: Là encore, vous êtes en train de me dire: Mais malheureusement...

M. Brassard: Vous le reconnaissez.

M. Rémillard: ...sur quoi allez-vous vous baser? Parce que vous n'avez pas de points constitutionnels? Est-ce que le rapport de forces va être suffisant? Mon Dieu! C'est ce qu'on a fait avec l'entente du lac Meech de mettre dans la constitution "l'opting out". Et là, quel discours me tenez-vous? Vous me dites: Bien oui, est-ce que vous allez pouvoir vous passer... Sur quoi allez-vous vous baser? Pensez-vous que le rapport de forces va être assez fort pour aller chercher votre "opting out" et aller chercher l'argent qui nous revient au Québec? C'est ce qu'on vous dit depuis le début. Le rapport de forces, c'est une chose. Ce qui est écrit dans la constitution, c'est autre chose. Il faut avoir absolument ces droits à "l'opting out" inscrits dans la constitution en fonction du pouvoir de dépenser. Là encore, vous voyez très bien l'obligation que nous avons d'avoir ce cadre d'action qui nous permet cet "opting out", d'avoir notre part qui nous revient de la richesse nationale federative. Par conséquent, vous voyez, là encore, l'importance de l'entente du lac Meech. Or, à votre question, ma réponse est simple. Si l'entente du lac Meech n'a pas été votée, ce sera un rapport de forces pour aller chercher ce qui nous revient. Mais malheureusement, on n'aura pas d'assises constitutionnelles pour dire: Cela nous revient et on doit l'avoir. On ne l'aura pas. Vous voyez donc l'importance que l'entente du lac Meech soit sanctionnée le plus tôt possible.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, ce que l'accord du lac Meech reconnaît aussi, c'est que le gouvernement fédéral pourra désormais, si elle est ratifiée, par son pouvoir de dépenser, s'ingérer dans des domaines de juridiction exclusive des provinces. C'est cela qui a rencontré une opposition de notre part. C'est cette reconnaissance... Cela n'avait jamais été reconnu...

M. Rémillard: C'est marqué en toutes lettres que cela est Impossible. C'est écrit. Lisez l'entente: "Le présent article n'élargit pas les compétences législatives du Parlement du Canada ou des Législatures des provinces." C'est écrit en toutes lettres.

M. Brassard: Par son pouvoir de dépenser, le gouvernement fédéral va pouvoir entreprendre des programmes qui vont empiéter dans des domaines de juridiction provinciale comme c'est le cas de C-72 dans le domaine linguistique. C'est évidemment cela qu'on considère comme dangereux. Quant au droit de retrait avec compensation financière, ce n'est pas dit que c'est uniquement sur des dispositions constitutionnelles que cela pourra s'exercer. Il faut, d'abord, et avant tout qu'il y ait une volonté politique. S'il n'y a pas de volonté politique, cela ne sert pas à grand chose d'avoir des dispositions constitutionnelles. Quand je vous posais la question: Sur quoi allez-vous vous appuyer, je ne faisais pas référence à des dispositions constitutionnelles, je faisais référence à un examen des objectifs fédéraux. Si cela ne vous convient pas, c'est là-dessus que vous allez... C'est cela...

D'ailleurs, vous avez répondu: On va examiner les objectifs. Si c'est compatible avec nos objectifs, on pourra y aller. Si cela n'est pas compatible avec nos objectifs en matière de garderies, on va envisager le retrait avec compensation financière. Mais vous ne trouvez pas que le temps passe assez vite? Comment se fait-il que ce dossier n'ait pas évolué depuis cinq mois? Comment se fait-il qu'il n'ait pas connu de progrès en matière de discussion? Quels sont les échéanciers? Est-ce qu'il y a des échéanciers connus dans ce domaine? Est-ce que le fédéral a des échéances? Est-ce que vous avez des échéances pour en arriver à une conclusion? Vous savez qu'il y a des élections fédérales qui sont imminentes. Alors, évidemment... Pour le moment, l'impression qu'on a, c'est que ce dossier traîne, qu'il a été plus ou moins tablette et qu'il ne connaît pas une évolution réelle. Pour quelle raison? Je l'ignore. Est-ce que le gouvernement fédéral a renoncé à intervenir dans ce domaine? Est-ce que c'est votre évaluation? Pourquoi cela tarde-t-il? Est-ce que vous avez, quant à vous, des échéances plus ou moins précises, des délais à respecter pour en arriver à une conclusion dans ce domaine, pour ne pas laisser traîner les choses indûment?

Le Président (M. Marcil): M. le ministre. Les cinq dernières minutes, ensuite nous allons suspendre pour l'après-midi.

M. Rémillard: Ce que nous savons, M. le Président, c'est que le gouvernement fédéral aimerait, à la fin juin, rendre public son programme en tant que tel. Mais nous n'avons évidemment pas à dire au gouvernement fédéral comment agir dans son processus politique de mise en oeuvre de son programme. C'est lui qui détermine, si vous voulez, le rythme. Ce que nous disons, c'est qu'il n'est pas question, pour

I aucune considération, que le gouvernement fédéral vienne nous imposer des normes. Nous sommes prêts à regarder les objectifs du programme fédéral. Dans la mesure où ces objectifs correspondent aux nôtres, nous sommes prêts à travailler sur le plan national fédéral à établir ce service de garde, en améliorant notre propre service de garde tout en partageant une assiette financière intéressante. Cependant, il n'est absolument pas question pour nous d'accepter qu'on nous impose des normes.

Dans ce contexte, nous suivons ce dossier. Au fur et à mesure que les informations nous arrivent, nous pouvons dire si nous sommes d'accord ou si nous avons des réticences sur tel ou tel point. Jusqu'à présent ce dossier fonctionne dans un contexte qui ne nous pose pas de difficultés majeures jusqu'à présent. Reste à voir la suite des événements. Reste à voir le programme général qui sera établi par le gouvernement fédéral. Tout cela nous ramène encore au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Le député de Lac-Saint-Jean doit se souvenir de cette bataille extrêmement importante et énergique qu'avait menée le gouvernement péquiste à l'époque contre le projet de loi C-3, en ce qui regarde la question des soins de santé. On sait que le ministre québécois était même allé à Ottawa pour plaider contre cette loi. Cela n'a pas de bon sens, il faut encadrer cela. On ne peut pas laisser le gouvernement fédéral envahir des champs de compétence. C'est ce que fait l'entente du lac Meech. Lorsqu'on dit que cela va permettre au fédéral d'intervenir dans les champs de compétence de juridiction exclusive provinciale, c'est faux. Il est écrit en toutes lettres que "le présent article n'élargit pas les compétences législatives du Parlement du Canada ou des Législatures des provinces."

Évidemment, M. Trudeau, tout comme l'Opposition, est contre cet article du lac Meech. Bon, très bien. Mais, M. le Président, tout simplement en terminant, je comprends qu'on partage encore la même barricade. Ce que je voudrais qu'on comprenne aussi, à la lumière de l'exemple très bien illustré par le député de Lac-Saint-Jean, c'est à quel point il est important qu'on ait une garantie constitutionnelle pour nous garantir notre "opting out", et ce, le plus tôt possible.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre, M. le député. Nous allons reprendre nos travaux à 19 heures, à la salle Papineau, naturellement sous réserve de l'avis du leader en Chambre cet après-midi. Merci. Nous allons suspendre.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 19 h 8)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Bonsoir, nous allons reprendre nos travaux. J'aimerais rappeler quand même le mandat de la commission qui est de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Nous avions appelé le programme 4, les éléments 1 à 3. Donc, je vais reconnaître immédiatement M. le député de Lac-Saint-Jean.

Agence spatiale canadienne

M. Brassard: J'aborderais le dossier de l'agence spatiale. On sait que le ministre de Cotret a confirmé récemment la participation du Canada au projet américain de station orbitale. Cela va entraîner des dépenses de plus d'un milliard de dollars et cependant, on apprenait du même coup que Spar Aerospace de Toronto serait maître d'oeuvre de ce projet, que la part des contrats accordés à l'Ontario et au Québec serait plafonnée à 35 %, que le Conseil national de recherches d'Ottawa serait responsable de la gestion du projet et accorderait les contrats. Pour ce qui est de l'agence spatiale, le ministre de Cotret a été plus évasif. Il a dit qu'il se pencherait sur la question au cours des prochaines semaines et qu'il faudrait peut-être attendre que soit créé le ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie plus tard cette année. Déjà donc, il nous indique qu'il va retarder de plusieurs semaines, sinon des mois, la décision quant à la localisation de l'agence spatiale.

Il n'est pas inutile de rappeler, M. le Président, que près de 80 % des 42 0C0 000 $ déjà accordés à ce projet l'ont été à l'Ontario et que le Conseil national de recherches procède actuellement à l'embauche de 160 chercheurs, des ingénieurs surtout, qui seront en poste à Ottawa afin de participer au projet de station orbitale. J'ai déjà posé la question au ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique relativement au plafonnement à 35 %. Étant donné le fait que 80 % des activités de recherches et de développement en matière spatiale se font au Québec, particulièrement à Montréal, est-ce que vous vous résignez à cette décision du gouvernement fédéral de plafonner à 35 % la part des contrats reliés au projet de station orbitale, ou est-ce que vous entendez agir, entreprendre des démarches, des actions pour que ce plafond de 35 % qui est inacceptable pour le Québec... le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique l'a déjà indiqué, parce que cela ne correspond pas au niveau d'activités en matière spatiale au Québec. Est-ce que le gouvernement québécois s'est résigné à ce plafond de 35 % ou est-ce que vous entendez faire des démarches et des interventions pour que la part du Québec soit supérieure?

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Je vais reconnaître M.

le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, ]e voudrais tout d'abord remercier le député de Lac-Saint-Jean pour cette question portant sur un dossier qui est très important dans nos discussions avec le gouvernement fédéral. Important dans le sens qu'il est étroitement relié à la recherche scientifique et au monde de la haute technologie.

En ce qui regarde nos relations avec Ottawa et la part des retombés que nous voulons obtenir pour le Québec comme partenaire économique majeur de la fédération mon collègue du Commerce extérieur et du Développement technologique a eu l'occasion de répondre à plusieurs reprises au député de Lac-Saint-Jean concernant ce programme spatial. Vous me permettrez, M. le Président, de faire une distinction, distinction qu'a faite mon collègue du Commerce extérieur et du Développement technologique, entre la construction de la station orbitale et l'agence spatiale. Le premier volet correspond à un programme de participation du gouvernement fédéral avec le gouvernement américain pour la construction d'une station orbitale et, selon ce qui a déjà été établi, depuis déjà deux ans, la part du Québec des retombées économiques de ce programme est fixée à 35 %, celle de l'Ontario à 35 %, celle des Prairies, 10 %, celle des Maritimes, 10 % et celle de la Colombie britannique, 10 %. Le gouvernement fédéral a procédé à cette répartition pour tenter d'équilibrer le développement technologique et économique des régions en fonction d'un objectif de développement régional.

Cependant, ce programme concernant la construction de la station orbitale, c'est une chose. L'autre chose, c'est le programme d'une agence spatiale. Avoir une agence spatiale capable de coordonner, d'entreprendre, de planifier et de développer les recherches et les politiques scientifiques dans le domaine spatial, c'est cela qui, pour nous, est déterminant; faire en sorte que cette agence soit située à Montréal, et on n'a ménagé aucun effort pour y arriver. (19 h 15)

Je me réfère toujours au travail extrêmement énergique qu'a fait mon collègue du Commerce extérieur et du Développement technologique autant que les intervenants québécois au niveau municipal, par la ville de Montréal et même l'Opposition, pour que cette agence spatiale soit située à Montréal. Donc, M. le Président, je reprends simplement ce qu'a dit mon collègue du Commerce extérieur et du Développement technologique et je dis qu'il faut faire une distinction entre la construction de la station orbitale à la suite de cette entente qui a eu lieu avec le gouvernement fédéral et les États-Unis et l'agence spatiale, d'autre part, avec un programme de développement général en matière spatiale.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Brassard: Je connaissais la distinction qu'il fallait faire entre une agence spatiale et le projet spécifique d'une station orbitale, projet canado-américain. Mais la question précise que je posais, c'est que le gouvernement fédéral a annoncé de façon précise que, pour ce qui est des contrats reliés au projet de station orbitale, la part du Québec serait plafonnée à 35 %, celle de l'Ontario également, 10 % à la Colombie britannique, 10 % à l'Ouest et 10 % aux Maritimes. Le ministre du Commerce extérieur, à plusieurs reprises, a indiqué que quant à lui, compte tenu du niveau d'activité dans le domaine aérospatial, particulièrement à Montréal, niveau élevé - tout près de 80 % de la recherche et du développement dans le domaine spatial se fait à Montréal - compte tenu de cette situation, le ministre du Commerce extérieur a déjà indiqué maintes et maintes fois que 35 % ne seraient pas une juste part pour le Québec, que cela ne lui apparaissait pas suffisant. Je lui avais posé la question d'ailleurs en Chambre, une fois. Je lui avais demandé: Est-ce que vous acceptez cette volonté fédérale de répartition des contrats reliés à la station orbitale de 35-35, 35 % Ontario, 35 % Québec? Il m'avait donné une réponse très brève en disant: Non. Sa réponse était tout simplement cela. C'était clair. C'était précis. Non, il n'acceptait pas cette répartition.

Par conséquent, comme vous êtes ministre des relations fédérales-provinciales, ma question était simple aussi. Est-ce que, compte tenu que le gouvernement - parce que je présume que M. MacDonald parlait aussi au nom du gouvernement - n'accepte pas cette répartition des contrats telle que décidée par le gouvernement fédéral - ce n'est pas une intention, c'est une décision - comme vous n'acceptez pas ce mode de répartition - à moins que vous n'ayez changé d'avis entre-temps - est-ce que vous allez entreprendre des démarches, faire des interventions auprès du gouvernement fédéral pour que cette décision de n'accorder que 35 % des contrats reliés à la station orbitale - ce qui apparaissait tout à fait injuste et inéquitable au ministre du Commerce extérieur - est-ce que vous allez faire des démarches? Ou, est-ce que vous vous résignez? Est-ce que le gouvernement se résigne à cette répartition injuste, compte tenu de l'activité économique du Québec dans ce domaine? C'est cela la question.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Rémillard: M. le Président, je confirme tout simplement ce qu'a dit mon collègue du Commerce extérieur et du Développement technologique. Il est important de comprendre que les trois secteurs d'activité, l'aéronautique, l'aérospatiale, l'orbital et la recherche scientifique

sont trois éléments qui sont très liés entre eux si on ajoute bien sûr l'agence spatiale. Et ce sont des sujets que nous regardons ensemble en fonction de l'évolution que nous voulons donner au développement technologique dans la région de Montréal, dans le Québec, d'une façon générale en fonction d'une spécialité qui est de plus en plus celle de Montréal, soit le domaine de l'aéronautique. Avec l'agence spatiale, nous aurions donc un complément très important en ajoutant l'orbital. Cela nous permettrait aussi d'intervenir à différents niveaux pour augmenter la part du Québec en ce qui regarde la recherche scientifique, parce que mon collègue du Commerce extérieur et du Développement technologique a dit aussi du député de Lac-Saint-Jean qu'on ne reçoit pas notre juste part des contrats de recherche scientifique. Nous disons la même chose que mon collègue a dite: Non, ce n'est pas suffisant. Actuellement, le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique est en discussion avec Ottawa sur différents plans. Il y a différents intervenants qui sont aussi très actifs, qui poussent le dossier, qui sont très conscients de l'importance du dossier non seulement pour la région montréalaise, mais pour l'ensemble du Québec, parce qu'il pourrait y avoir des retombées à différents niveaux régionaux. Pour nous, il est important de faire en sorte qu'on puisse avoir un maximum de retombées. Cela exige, en premier lieu, que l'agence spatiale soit située à Montréal.

M. Brassard: Donc, si j'interprète vos propos, vous comptez faire des démarches auprès du gouvernement fédéral pour que le plafond de 35 % soit modifié et que le Québec soit en mesure d'obtenir plus que ce plafond de 35 % en termes de contrats reliés à la station orbitale.

M. Rémillard: Tout d'abord, actuellement, il y a des discussions. Il y a des démarches qui sont faites par le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique pour que l'agence spatiale soit à Montréal. Nous avons fait des démarches et nous continuons à en faire en ce qui regarde la recherche scientifique. Vous savez que nous avons maintenant une personne très compétente qui va à Ottawa et qui nous aide à prendre contact avec le monde scientifique, en particulier avec les fonctionnaires et les groupes gouvernementaux et para-gouvernementaux qui accordent ces subventions de recherche, pour faire en sorte que nous puissions avoir notre juste part de ces contrats de recherche. C'est M. Beaulnes. Tout cela est interrelié, M. le Président. Je dis au député de Lac-Saint-Jean que nous faisons tout ce qui nous est possible de faire dans un dossier qui est très bien mené par le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique. Nous faisons tout ce qui nous est possible de faire pour que t'agence spatiale soit à Montréal, que la recherche scientifique soit axée dans les domaines de spécialité qui nous reviennent de plus en plus, tant dans le domaine de l'aéronautique que de l'orbital et du spatial, en fonction d'un ensemble de développement technologique qui doit revenir au Québec.

M. Brassard: Je poserai des questions sur l'agence spatiale tout à l'heure. J'en ai sur l'agence spatiale. Je ne pose pas de questions sur l'agence spatiale pour l'instant.

M. Rémillard: Mais, c'est cela que vous m'avez dit tout à l'heure. Vous avez commencé la séance en disant...

M. Brassard: J'ai fait une introduction qui parlait de ta station orbitale et de l'agence spatiale, mais dans mes questions, je reviendrai tantôt sur l'agence spatiale. Ma question concerne le montant de 1 185 000 000 $ relié au projet américain de station orbitale. Le Québec recevra, selon le gouvernement fédérai - c'est une décision - 35 % de ce contrat. Je demande, de façon précise: Est-ce que le gouvernement du Québec accepte cette décision de ne recevoir que 35 % des contrats? Je ne parie pas de l'agence spatiale. Je parle des contrats reliés à la station orbitale. Est-ce que vous acceptez ces 35 % ou si vous allez amorcer, entreprendre une bataille pour obtenir davantage?

M. Rémillard: M. le Président, d'abord je suis heureux de voir que...

M. Brassard: Que le ministre ne me dise pas que je confonds la station orbitale et l'agence spatiale. Je pose une question sur le projet de station orbitale de 1 185 000 000 $ dont le Québec doit recevoir, selon M. de Cotret, 35 % des contrats. Est-ce que vous acceptez ces 35 % ou est-ce que vous comptez vous battre pour les faire modifier à la hausse? C'est la question.

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean m'a coupé la parole au moment où j'allais dire que j'étais très heureux de voir qu'il avait compris la distinction. Au moment même, il me coupe la parole. Mais, je le dis quand même, je suis heureux qu'il fasse cette distinction entre l'orbital, l'aérospatiale, l'aéronautique et les programmes qui sont donc en application.

Ce que je dis au député de Lac-Saint-Jean, c'est la même chose qu'a dite notre responsable du dossier du développement technologique.

M. Brassard: Lui, c'est non.

M. Rémillard: C'est ce que je vous ai dit tout à l'heure. Que voulez-vous que je vous dise?

M. Brassard: C'est non? Bon!

M. Rémillard: On va faire en sorte d'avoir

un maximum.

M. Brassard: Pius que 35 %.

M. Rémillard: Mais il y a... Ce que je vous dis...

M. Brassard: Plus que 35 %...

M. Rémillard: M. le député de Lac-Saint-Jean, ce que je vous dis, c'est qu'il faut prendre en considération un ensemble, et cet ensemble, c'est en plus du programme concernant la station orbitale, le dossier de t'agence spatiale et les contrats de recherche scientifique. C'est donc en fonction de ces trois aspects qu'on doit construire notre action auprès d'Ottawa pour avoir une juste part en fonction de !a vocation que nous voulons donner, en particulier à la région de Montréal, sur le développement technologique dans ces domaines de pointe.

M. Brassard: J'en conviens, il y a les autres secteurs dont on parlera tantôt, mais il faut aussi que, dans le cas de la station orbitale, le Québec reçoive plus que 35 %. S'il ne reçoit que 35 % ou moins, je considère que, compte tenu de l'activité économique du Québec en cette matière, le Québec sera perdant. Je reconnais la volonté du ministre lui-même et de son collègue du Commerce extérieur de faire changer cette répartition qui n'est pas équitable à l'endroit du Québec. Je fais juste vous signaler que si le gouvernement fédéral, dans une décision concernant l'industrie automobile, prévoyait une répartition qui ne tiendrait pas compte de l'activité économique et de l'activité industrielle dans le domaine de l'industrie automobile en Ontario, je vous assure que l'Ontario organiserait la résistance pour que l'on tienne compte dans la répartition - si c'était, par exemple, une décision concernant l'industrie automobile - de l'Importance de l'industrie automobile ontarienne.

Dans le cas de l'aérospatiale, le Québec est avantagé en ce sens qu'une très large proportion de la recherche et du développement se fait chez nous et, par conséquent, la décision fédérale de plafonner à 35 % n'en tient pas compte, ne reflète pas l'importance de l'activité économique en cette matière et il faut absolument que le gouvernement québécois fasse modifier cette décision et changer ce pourcentage ou ce plafond pour qu'il soit nettement supérieur et qu'il tienne davantage compte de l'importance de l'activité économique en matière aérospatiale au Québec.

M. Rémillard: M. le Président, c'est exactement pour cela que nous voulons, que nous tenons à ce qu'une décision soit prise concernant l'agence spatiale et que cette décision fasse en sorte que Montréal se voit confirmée dans son rôle, dans sa vocation de développement technologique, de centre de recherche de haute technologie dans le domaine spatial et dans le domaine de l'aéronautique. Quand on aura confirmé par l'agence spatiale cette vocation de la région montréalaise, par le fait même, nous pourrons intervenir à différents niveaux en ce qui regarde la recherche scientifique, l'orbital et toutes ces activités qui sont reliées de près ou de loin au domaine spatial. (19 h 30)

M. Brassard: Concernant l'agence spatiale, je vous signale, et j'espère que le gouvernement en est conscient, que le temps presse. Pourquoi? Parce que M. de Cotret, dans sa conférence de presse annonçant la participation fédérale au programme de station orbitale américaine, a déclaré que le gouvernement allait décider de la localisation de l'agence spatiale, mais il se pourrait fort bien que l'on doive attendre que soit créé le ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie plus tard cette année, en parlant de 1988.

Or, vous savez très bien qu'il y a des élections fédérales qui sont imminentes. Il se pourrait fort bien qu'à l'automne, on se retrouve en campagne électorale au fédéral. Si le gouvernement fédéral réussit à reporter de semaine en semaine et de mois en mois une décision concernant la localisation de l'agence spatiale jusqu'après les élections, c'est évident que le pouvoir de pression, que le rapport de forces vont évidemment être modifiés et non pas en faveur du Québec. Un nouveau gouvernement à Ottawa va sans aucun doute être beaucoup moins sensible aux revendications québécoises pour ce qui est de la localisation de l'agence spatiale. Actuellement, une élection fédérale étant imminente, en tout cas dans les mois qui viennent, le mandat du gouvernement actuel achevant, tirant à sa fin, c'est évident que le rapport de forces est plus favorable au Québec, à cause de la proximité d'une élection fédérale.

J'espère que le gouvernement québécois est conscient de cette situation et de l'importance du temps dans la décision concernant l'agence spatiale. J'ai l'impression - et j'espère me tromper - que le gouvernement fédéral, actuellement, reporte délibérément de semaine en semaine et de mois en mois une décision concernant la localisation de l'agence spatiale pour essayer de se rendre à l'élection sans avoir à prendre de décision, donc sans avoir à mécontenter la région ou la province qui n'aura pas l'agence spatiale. J'ai le net sentiment que c'est là, actuellement, la stratégie du gouvernement fédéral et qu'il faut que les pressions du gouvernement québécois s'accentuent, deviennent plus pressantes, plus fortes pour empêcher justement qu'une décision concernant l'agence spatiale ne soit reportée jusqu'après les élections.

J'espère que le gouvernement québécois et que les ministres concernés par ce dossier sont conscients de cette problématique et de l'importance du temps dans le dossier, et que leur action, leur stratégie et leur intervention en

tiennent compte.

M. Rémillard: M. le Président, je ne peux qu'être d'accord avec ce que vient de dire le député de Lac-Saint-Jean. Il faut que cette décision se prenne le plus tôt possible. Je crois que tous les intervenants dans ce dossier, y compris l'Opposition, sont là pour agir et pour dire au gouvernement fédéral: Cette agence spatiale, vous devez décider le plus tôt possible, demain, qu'elle sera à Montréal. Je dirais que c'est devenu un symbole. C'est plus qu'un simple dossier, c'est rendu un symbole. Je crois bien que le gouvernement fédéral a reçu le message. Je compte sur nos amis de l'Opposition qui ont de très bonnes relations, même encore maintenant, récemment, ils ont de meilleures relations que nous avec le gouvernement fédéral. Ils peuvent aussi faire leurs recommandations.

Le discours que vient de tenir le député de Lac-Saint-Jean est fort éloquent. Pour ma part, je considère que nous devons faire front commun ensemble, que le dossier de l'agence spatiale est un dossier hors de l'ordinaire. C'est devenu un dossier symbole et si nous n'avons pas ce dossier, cela pourra signifier des conséquences importantes.

M. Brassard: J'ajouterais qu'il faut d'une part que cette agence spatiale, évidemment, soit localisée à Montréal, mais il ne faut pas, d'autre part, que ce soit une coquille vide, qu'elle soit vidée de sa substance et que toutes les véritables activités de recherche continuent à se faire ailleurs qu'au Québec, soit en Ontario et particulièrement, également, dans la région d'Ottawa. Il ne faut pas non plus qu'on se retrouve devant une coquille vide, une simple boîte administrative. C'est quand même un danger réel, également.

M. Rémillard: Là encore, je dois dire que le député de Lac-Saint-Jean a parfaitement raison. C'est un danger et on n'acceptera pas qu'on nous livre justement une coquille vide. Cette agence spatiale doit être une agence capable d'assurer a la région de Montréal et à l'ensemble du Québec sa vocation de développement technologique dans le domaine de pointe qu'est le spatial.

Recherche et développement

M. Brassard: Je vais maintenant aborder un domaine connexe, M. le Président, qui est celui de la recherche. Selon les données rendues publiques par le ministre MacDonald lui-même lors de l'étude de ses crédits, le manque à gagner du Québec pour les cinq premières années en matière de dépenses fédérales en recherche et développement s'élèvent à 1 000 000 000 $. Selon M. MacDonald - je cite les données préliminaires que je possède pour les années 1986-1987 - il faut croire que la situation ne s'est aucunement améliorée. Peu importe l'angle sous lequel on analyse la part du Québec dans les contributions fédérales en matière de recherche et de développement, nous sommes constamment et très largement défavorisés.

C'était confirmé pas plus tard qu'hier par le Conseil de la science et de la technologie qui remettait un avis sur la performance du Québec dans le cadre de la politique fédérale d'imparti-tion, et qui signalait que l'effondrement de la performance du Québec depuis trois ans a réduit cette part à environ 10 % du total canadien, quand on parle de recherche et de développement. On signalait également - et c'est drôlement inquiétant - qu'une très forte proportion des contrats en cette matière, environ 70 %, sont attribués sans mise en concurrence des fournisseurs potentiels, c'est-à-dire par sollicitation d'un seul fournisseur, sans appel d'offres. 70 % des contrats en recherche et développement en provenance du fédéral sont accordés sans soumissions, sans appel d'offres, sans mise en concurrence des fournisseurs potentiels dit le Conseil. Cela, évidemment, c'est un élément plus qu'inquiétant.

À la suite de certaines questions en Chambre, l'an dernier, le ministre responsable des Relations fédérales-provinciales nous avait indiqué que, prenant conscience de ce phénomène, de cette situation injuste pour le Québec, le gouvernement québécois avait mis en place une stratégie dite intégrée, pour faire en sorte que la part du Québec, en provenance du fédéral s'améliore et augmente. Or, les derniers chiffres le proclament, depuis un an, on ne peut pas vraiment constater de changement, de l'avis du ministre du Commerce extérieur lui-même et du Conseil de la science et de la technologie. Le ministre peut-il m'indiquer où il en est dans la mise en place de sa stratégie visant à modifier cette situation, en utilisant, entre autres, comme il l'avait déjà mentionné, le Bureau du Québec à Ottawa? Quelles actions ont été entreprises pour changer les choses? Quels sont les jalons qui ont été posés pour que cette stratégie puisse être appliquée et donner des résultats? Si cette stratégie est déjà en place, comment se fait-il qu'elle ne commence pas à donner des fruits, à donner des résultats? Comment se fait-il que cela ne se remarque pas encore dans la répartition des contrats de recherche venant du fédéral? Est-ce que le fait que, comme nous le révélait le Conseil de la science et de la technologie, 70 % des contrats sont accordés sans soumissions ou, en quelque sorte, directement par l'appareil fédéral, vous incite à modifier votre stratégie? Le fait que 70 % des contrats sont accordés sans soumissions veut dire que les grands gagnants sont ceux qui ont des antennes et qui sont bien implantés dans le réseau de la haute fonction publique fédérale parmi les technocrates qui viennent pour la plupart, comme on le sait, de l'Ontario.

En d'autres termes, très rapidement, où en

sommes-nous? Où en est le ministre avec la mise en place de la stratégie qu'il nous annonçait il y a plus d'un an? Est-ce qu'elle est entièrement en vigueur? Est-ce qu'il reste des choses à faire? Est-ce qu'il compte que cela va bientôt porter des fruits?

Le Président (M. Marcil): M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Rémillard: M. le Président, c'est une question qui a été posée sous une autre forme, en Chambre, à mon collègue responsable du Commerce extérieur et du Développement technologique, et qui lui a aussi été posée lorsqu'il a défendu les crédits de son ministère. Je ne peux que répéter ce qu'il a dit, soit que nous n'avons pas la juste part qui nous revient et que l'on doit faire en sorte que cette situation soit changée.

Quant au rapport du Conseil de la science et de la technologie, d'abord, je voudrais féliciter le Conseil pour ce rapport qui est très bien fait et particulièrement éloquent. Je crois que le groupe de M. L'Abbé a fait un travail remarquable et situe fort bien le problème lorsqu'il nous dit, entre autres - je cite à la page 35: "Les diverses explications et Interprétations que nous venons de présenter ont été invoquées pour rendre compte de la faiblesse structurale de !a performance du Québec qui a commencé à se manifester à partir de 1976-1977." C'est donc à partir de 1976-1977 qu'a commencé à se détériorer la situation. Je ne sais pas par quel hasard c'est arrivé et ce qui s'est passé, mais on situe 1976-1977 comme la date de départ de cette faiblesse du Québec. C'est à la page 35 du rapport, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Oui, je vous citerai autre chose tantôt. (19 h 45)

M. Rémillard: Bien sûr que la situation, pendant plusieurs années, s'est détériorée et on s'en rend compte maintenant. Nous, on l'a vu dès qu'on est arrivé au gouvernement, en 1985-1986, à quel point on a du rattrapage à faire à ce sujet, à quel point on est dans une situation difficile, mais cela faisait déjà presque dix ans que la situation se détériorait et qu'on ne faisait rien. Alors, il s'agit maintenant de reprendre le terrain perdu. Là encore, il faut faire front commun. Il faut qu'on puisse travailler ensemble et dire que la part du Québec, qui lui revient dans le domaine de la recherche scientifique, doit lui être accordée.

Le conseil, si ma mémoire est bonne, soulève un point très important qui a guidé notre décision. On n'a pas attendu d'avoir cet avis du Conseil de la science et de la technologie pour prendre nos décisions. Le conseil souligne à juste titre qu'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas notre juste part des contrats scien- tifiques, c'est le manque de relations avec les décideurs du gouvernement fédéral. Il souligne le manque de transparence de la décision prise par le gouvernement fédéral, mais on souligne le problème à savoir qu'il n'y a pas de relations entre les intervenants gouvernementaux, soit avec les sous-ministres, les directeurs de programmes et même avec les agences fédérales à différents niveaux. C'est pour cela que nous avons maintenant l'aide d'un scientifique, un professeur de l'Université du Québec, qui a accepté de travailler avec nous et de venir travailler avec nous à Ottawa pour aider - c'est M. Beaulnes - nos firmes, nos scientifiques, nos universitaires à développer ces contacts avec les décideurs du fédéral. Je vous dis que cette décision, nous l'avons prise bien avant que le conseil rende public son avis. Hier, il a rendu public son avis, très bien fait d'ailleurs, comme je le soulignais tout à l'heure, M. le Président.

C'est donc dire que lorsque le député de Lac-Saint-Jean nous demande: Quelle est votre politique? Je lui dis qu'il y a un premier élément de politique que mon collègue du Commerce extérieur et du Développement technologique a mis en place avec le Dr Beaulnes qui est là pour établir ce lien entre les décideurs du fédéral et le monde scientifique québécois; c'est une lacune qui est soulignée par le rapport du conseil. À tous les niveaux, nous faisons, comme gouvernement, notre travail; je sais que l'Opposition nous appuie sur ce plan à 100 % ainsi que les différents intervenants, tant au niveau municipal que dans tout le monde scientifique et même universitaire, tous sont en train de former une seule et même coalition pour revendiquer la juste part du Québec dans le domaine de la recherche scientifique.

M. Brassard: M. le Président, un petit retour sur les chiffres, d'abord, pour rappeler au ministre que oui, je suis d'accord avec lui pour dire qu'à notre époque aussi, au moment où nous étions au gouvernement, nous n'obtenions pas notre juste part, en tenant compte de l'importance de l'économie québécoise, sauf que je lui signale seulement que la moyenne de la proportion de contrats que le Québec obtenait au moment où nous étions au gouvernement est à peu près de 20 %. Elle a chuté - c'est d'ailleurs une des remarques importantes du rapport du Conseil de la science et de la technologie - depuis trois ans à 10 %. Par conséquent, je suis bien prêt à admettre qu'au moment où nous étions au pouvoir, nous n'avons pas, nous non plus, obtenu notre juste part en matière de contrats de recherche et de développement en provenance du Québec, mais, depuis que vous êtes au pouvoir, je dois constater - et le conseil le note - que cette proportion a chuté de la moitié. Elle est passée de 20 % à 10 %.

Cela dit, il y a deux recommandations qui m'apparaissent essentielles dans le rapport du Conseil de la science et de la technologie. C'est

d'abord celle concernant cette trop grande proportion de contrats accordés sans appel d'offres, sans soumissions, 70 % des contrats accordés sans appel d'offres. Et le conseil recommande que le gouvernement fédéral accorde davantage de contrats en utilisant la procédure de soumissions publiques. La question est: Est-ce que vous comptez faire des interventions auprès du gouvernement fédéral pour que, justement, il y ait des correctifs qui soient apportés à ce sujet-là?

Une deuxième recommandation également qui concerne directement le gouvernement québécois est la recommandation 6. Le conseil recommande que les fournisseurs et le gouvernement du Québec mettent sur pied un service qui aurait pour mission d'inciter les fournisseurs à participer davantage à la politique fédérale d'impartition et de les informer des besoins des ministères adjudicateurs, de les appuyer dans leurs démarches et d'agir comme liaison auprès des ministres fédéraux. Vous aviez déjà mentionné à ce sujet-là que le bureau du Québec à Ottawa pourrait jouer un rôle similaire. Vous venez de faire état de l'embauche d'une personne qui va consacrer ses efforts dans ce sens-là. Mais est-ce que vous comptez, est-ce que le gouvernement du Québec envisage sérieusement d'appliquer la recommandation 6 du conseil qui pourrait avoir des effets bénéfiques parce qu'à ce moment-là les entreprises québécoises seraient davantage sensibilisées et pourraient participer davantage aux appels d'offres si la recommandation 3 était également appliquée, c'est-à-dire une augmentation substantielle des contrats accordés par la voie de l'appel d'offres? Est-ce que cette recommandation vous semble intéressante et est-ce que le gouvernement du Québec s'engagerait dans la voie de la mise sur pied d'un service spécialisé, en quelque sorte, comme le signale et le définit la recommandation 6 du rapport du conseil?

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, il y a déjà des moyens qui ont été pris, je ies ai énumérés tout à l'heure. D'autres moyens seront pris incessamment et ils seront dévoilés dans le plan d'action sur le développement technologique que le gouvernement du Québec rendra public prochainement, il y a trois ministres qui sont impliqués, le ministre responsable du Développement technologique, le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, le ministre de l'Industrie et du Commerce. Et c'est dans cette nouvelle politique du développement technologique que nous allons pouvoir voir d'autres moyens d'action qui sont suggérés pour redresser la situation.

Quant à cette recommandation 6 du conseil, ce dernier recommande que "les fournisseurs et le gouvernement du Québec mettent sur pied un service qui aurait pour mission d'inciter les fournisseurs à participer davantage à la politique fédérale d'impartition, de les informer des besoins des ministères adjudicateurs, de les appuyer dans leurs démarches et d'agir comme liaison auprès des ministères fédéraux" - il s'agit d'une possibilité qui devra être étudiée et nous verrons si c'est cette recommandation-là que nous devons retenir ou d'autres moyens. Mais je veux que l'Opposition soit assurée que nous avons bien l'intention de prendre tous les moyens les plus efficaces pour redresser cette situation inacceptable.

M. Brassard: M. le Président, toujours dans un domaine connexe, en janvier dernier, le premier ministre fédéral nous annonçait la mise en place d'un fonds spécial de plus de 1 000 000 000 $, 1 300 000 000 $, destiné à la recherche scientifique dans les milieux universitaires. Le projet fédéral prévoit la mise en place de centres d'excellence qui distribuent des subventions aux institutions de recherche et des bourses aux étudiants. Ces centres d'excellence, Ottawa veut les implanter au sein des universités canadiennes. Ce fonds serait contrôlé directement par le gouvernement fédéral. Cela doit être considéré comme une ingérence directe dans un domaine de compétence exclusive du Québec, qui est l'éducation, l'enseignement supérieur. Est-ce que le gouvernement québécois a réagi face à cette demande? Est-ce qu'il a fait connaître à Ottawa une prise de position précise? Est-ce que la compétence du Québec en matière d'éducation et d'enseignement supérieur a été respectée ou sera respectée dans la mise en place de ces centres d'excellence par l'entremise d'un fonds de recherche et de développement de 1 300 000 000 $, centres d'excellence qui vont être implantés dans les universités?

On verra même des bourses qui seront accordées à partir de cela. Est-ce que le gouvernement québécois, par l'intermédiaire du ministre responsable des relations fédérales-provinciales, a fait savoir à Ottawa qu'il s'agissait là d'un empiétement qui a été fait sans consultation, sans obtenir l'assentiment ou le consentement du Québec? Est-ce qu'il a fait savoir à Ottawa que ce n'est pas de cette façon qu'on doit fonctionner et que la compétence du Québec en matière d'éducation est tout à fait exclusive, que c'est une des plus exclusives qu'on puisse connaître dans la constitution? Est-ce que le gouvernement québécois a invité le fédéral à agir d'une autre façon, à agir dans le respect des compétences du Québec et s'il avait de l'argent à investir dans la recherche scientifique en milieu universitaire, qu'il devait le faire en respectant les compétences du Québec et non pas de la façon dont il a agi à ce moment-là, depuis janvier dernier?

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean a raison de dire que c'est un programme qui a été annoncé d'une façon unilatérale par Ottawa. Le ministre de l'Éduca-

tion, de l'Enseignement supérieur et de la Science a protesté vivement auprès d'Ottawa. Il a même saisi le Conseil des ministres de l'Éducation de cette décision unilatérale d'Ottawa. Pour nous, M. le Président, au même titre que la langue est une compétence exclusive québécoise, nous sommes particulièrement attachés à la compétence exclusive du Québec en matière d'éducation, et il n'est pas question qu'on vienne toucher directement cette compétence. Ce que le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science a dit, c'est la possibilité peut-être de collaborer, mais en ce qui regarde les bourses, qu'elles soient administrées au niveau québécois par la CREPUQ et qu'on puisse y participer par une gestion québécoise respectant notre juridiction en matière d'éducation. Je veux donc encore confirmer que, dans ce dossier, le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur est très actif et qu'il le mène avec toute la vigueur et toute la vigilance qu'on lui connaît, afin de faire respecter la juridiction québécoise en matière d'éducation. (20 heures)

M. Brassard: M. le Président, je suis fort heureux d'apprendre que le gouvernement du Québec, par l'entremise du ministre de l'Éducation, a rappelé avec vigueur au gouvernement fédéral les compétences du Québec en matière d'éducation et lui a également rappelé qu'il se devait de respecter ses compétences. J'en suis fort heureux et j'en suis fort aise. Cependant, cette intention du gouvernement fédéral a été annoncée en janvier dernier. À la suite des protestations vigoureuses, me dites-vous, du gouvernement québécois, où en est le dossier? Est-ce que le gouvernement fédéral, se rendant compte qu'il est dans les plates-bandes du Québec en matière d'éducation, a retraité, a battu en retraite et, plutôt que de procéder unilatéralement, comme vous l'avez indiqué tantôt, est-ce qu'il a plutôt privilégié la discussion, les pourparlers ou la négociation pour en arriver possiblement à une entente, mais dans le respect des compétences? 1 000 000 000 $, évidemment, c'est beaucoup d'argent. Les universités québécoises seraient sans doute heureuses d'avoir des fonds supplémentaires en matière de recherche. Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment des compétences et des juridictions du Québec. Alors, quelle a été la réaction du gouvernement fédéral à la suite de la protestation du Québec? Est-ce que le gouvernement fédéral a modifié son comportement et a battu en retraite sur ce dossier-là? Où en sommes-nous présentement?

M. Rémillard: M. le Président, j'ai mentionné tout à l'heure que le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur avait saisi ses collègues du Conseil des ministres de l'Éducation, au niveau canadien, de ce problème et les résultats ont été particulièrement concluants. Plusieurs provinces ont vivement protesté auprès d'Ottawa, si bien qu'Ottawa a finalement décidé de revoir tout son programme.

M. Brassard: Ottawa a donc décidé de revoir son programme, mais est-ce qu'il maintient son intention d'injecter des fonds supplémentaires dans le domaine de la recherche en milieu universitaire?

M. Rémillard: Aux dernières nouvelles, il est toujours question du même montant. Reste à voir le plan qu'on mettra en place pour l'administrer, pour le gérer et pour le distribuer.

M. Brassard: Dans le respect, évidemment, des compétences.

M. Rémillard: En collaboration avec les provinces, dans le respect des responsabilités des provinces.

M. Brassard: Le gouvernement fédéral a donc compris qu'il lui fallait négocier et respecter une compétence exclusive du Québec en matière d'éducation.

M. Rémillard: Voilà! Il a compris comme il le comprend dans bien d'autres domaines...

M. Brassard: Pas toujours.

M. Rémillard: il le comprendrait mieux cependant, M. le Président, si nous avions dans la constitution l'entente du lac Meech avec les dispositions concernant le pouvoir de dépenser du fédérai. De plus en plus, selon les questions que me pose le député de Lac Saint-Jean, je suis convaincu qu'après mes crédits il va être lui-même convaincu de sa nécessité et qu'il va courir informer son nouveau chef qu'il faut que toutes les provinces et le gouvernement fédéral votent au plus vite l'entente du lac Meech pour respecter les droits du Québec. Je vois par sa réaction qu'il comprend de plus en plus qu'il est urgent que l'on puisse encadrer l'application de ce fameux pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral.

M. Brassard: C'est regrettable, M. le Président, mais on ne sera évidemment pas en mesure de modifier notre opinion parce que le gouvernement du Québec a été trop pressé. Il a présenté à l'Assemblée nationale le projet d'accord du lac Meech pour ratification dès le mois de juin 1987. Vous êtes allés trop vite en affaires. Vous nous avez empêchés d'évoluer. C'est ce qui fait que malheureusement ce n'est pas possible. Vous auriez dû être moins pressés.

M. Rémillard: Si M. Trudeau change d'idée, est-ce que vous allez changer d'idée aussi?

M. Brassard: Nous ne sommes pas à la remorque de M. Trudeau. Mais il n'y a pas que

nous qui sommes en train de changer d'idée. Ce qui se passe actuellement ailleurs au Canada me laisse croire que l'accord du lac Meech est en mauvaise posture et plus ou moins dans un état moribond présentement.

M. Rémillard: Bien au contraire, M. le Président. L'entente du lac Meech suit son cours. Cela va très bien.

M. Brassard: On verra cela au Manitoba. Zone de pêche

M. le Président, j'aborderais un autre dossier dans le domaine des relations fédérales-provinciales qui est celui de l'accès à la zone de pêche de 200 milles. Dans ce cas, comme vous le savez, il ne s'agit pas du droit de dépenser mais du droit de pêcher.

En décembre 1987, Ottawa refusait l'accès à la zone canadienne des pêches de 200 milles aux pêcheurs québécois réservant l'exclusivité de cette zone aux pêcheurs de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse. Comme vous le savez il s'est créé un consortium, le consortium Novanor, qui comprend des entreprises de pêche du Québec mais aussi du Nouveau-Brunswick, qui compte cinq entreprises de pêche et qui a tenté d'obtenir sans succès des quotas de pêche dans cette zone dite des 200 milles.

Un tel accès est jugé évidemment nécessaire pour le développement du secteur québécois des pêches et de ses usines de transformation, compte tenu des possibilités très réduites qu'offre l'accès limité du golfe Saint-Laurent aux pêcheurs du Québec. Le résultat, c'est évidemment que les usines de transformation ne fonctionnent pas à pleine capacité. Elles fonctionnent à 40 %, 50 % au maximum de leur capacité. Cela se traduit forcément par des mises à pied. Je le signalais dans mes remarques préliminaires ce matin. Le groupe Purdel a mis à pied 250 de ses employés à son usine de Rivière-au-Renard en février dernier. Ces mises à pied n'auraient sans doute pas eu lieu si les pêcheurs avaient obtenu des quotas de pêche dans la zone dite des 200 milles. Ils auraient pu ainsi approvisionner leurs usines et augmenter ainsi la durée de l'activité de l'usine.

En mars, très en retard, le ministre Picotte a échoué aussi auprès de son homologue fédéral, M. Siddon, dans sa tentative de permettre l'accès de la zone de 200 milles aux pêcheurs québécois. C'était à l'occasion d'une réunion des ministres fédéral et provinciaux des Pêches.

Dans le domaine des relations fédérales-provinciales, est-ce que d'abord le ministre considère que ce dossier, même si cela ne concerne que des régions bien délimitées du Québec, est important et que la décision fédérale est injuste et prive le Québec de perspectives de développement dans le secteur des pêches? Première question.

M. Rémillard: M. le Président, c'est un dossier qui est mené par le ministre délégué aux Pêcheries et c'est un dossier de grande préoccupation pour nous. En juin 1987, le gouvernement du Québec a pris l'initiative d'inviter les usines qui sont engagées dans la transformation du poisson de fond, tant du Québec que du nord-est du Nouveau-Brunswick, à se regrouper en vue de créer un consortium de pêche dans la zone économique canadienne de 200 milles. Le résultat est particulièrement intéressant. Douze usines, dont sept du Québec et cinq du Nouveau-Brunswick, forment la Société de pêches Novanor Itée. Ce sont des usines qui ne possèdent pas de flotte à l'exception, peut-être, de Madelipêche, mais ce sont des usines qui sont alimentées par des bateaux côtiers indépendants qui pèchent dans les stocks du golfe. Ces stocks sont exploités en compétition par cinq provinces et n'offrent aucune possibilité de croissance.

Le 28 octobre 1987, le consortium de pêche a demandé au ministre des Pêches et Océans du Canada, M. Siddon, de lui attribuer, dans le cadre du plan de pêche 1988, un contingent de 34 500 tonnes dans la zone de 200 milles. Cette demande aurait pu être acceptée sans que les entreprises de pêche situées à Terre-Neuve et en Nouvelie-Écosse soient contraintes de réduire leurs débarquements puisque, selon les experts, il serait possible d'accroître les captures de 37 000 tonnes dans cette même zone. Mais, le plan de pêche 1988 n'accorde absolument rien à Novanor. Des 37 000 tonnes rendues disponibles, seulement 10 000 tonnes ont été accordées, toutes à des entreprises de Terre-Neuve.

Le consortium n'a toutefois pas démissionné, M. le Président, et il compte bien réitérer sa demande pour le plan de pêche de 1989. Mon collègue, le ministre responsable des Pêches, est particulièrement actif parce que nous voulons appuyer le consortium dans ces démarches qui s'annoncent difficiles. Je dois dire qu'il y a peut-être quelques éléments qui nous amènent à voir une certaine lueur d'espoir quant à ce dossier et à son règlement. Premièrement, il y aura révision du programme d'allocations aux entreprises de la part du gouvernement fédéral. Le Québec a demandé qu'on étudie, lors d'un colloque qui s'est tenu et qui vient de se terminer à Montréal, la possibilité de permettre à de nouvelles entreprises de bénéficier de contingents d'entreprises.

Deuxièmement, les règles d'attribution des contingents devraient être changées pour le plan de pêche de 1989 de sorte qu'on puisse satisfaire aux demandes de Novanor. Ces règles sont modifiées chaque cinq ans et le ministre des Pêches du Canada, M. Siddon, a toujours prétendu qu'il est lié par les règles établies par l'administration précédente. Voilà, M. le Président, l'état du dossier qui est mené par le ministre des Pêches et qui est un dossier sur lequel nous portons quand même la plus grande attention, un dossier qui n'est pas facile et qui

fait en sorte que des entreprises du Nouveau-Brunswick et du Québec sont associées pour revendiquer leurs droits. Mais nous croyons toujours, malgré toutes les difficultés, qu'il reste des possibilités de règlement.

M. Brassard: Cela non seulement n'apparaît pas facile, mais il faut reconnaître que le ministre des Pêcheries a échoué lamentablement dans ses tentatives pour que Novanor obtienne satisfaction. Il y a eu une conférence fédérale-provinciale en mars et la réponse du ministre fédéral des Pêcheries a été catégorique, sans équivoque, c'est non à la demande québécoise. Alors, le ministre des Pêches du Québec s'est fait drôlement rabrouer lors de cette conférence fédérale-provinciale en mars. (20 h 15) il y a un pian de pêche chaque année; il va être révisé. Est-ce que vous confirmez que la révision des quotas va tenir compte de la demande des entreprises québécoises? C'est peut-être un dossier qui n'est pas facile, mais c'est un dossier où l'on sait qu'il n'y a pas que le Québec qui est dans la course. C'est ce qui se passe présentement entre la France, c'est-à-dire les pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon, et le Canada. Cela porte sur la zone de 200 milles. Ce que veulent les pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon, c'est d'avoir accès à la zone de 200 milles. Les pêcheurs québécois veulent aussi avoir accès à la zone de 200 milles. Les pêcheurs français et les pêcheurs québécois convoitent la même chose, soit avoir accès à la zone de 200 milles. Qui va l'emporter?

Actuellement, on constate que les Français utilisent des moyens parfois très voyants, très originaux pour que le gouvernement fédéra! subisse une pression constante. Il y a des négociations amorcées avec la France, mais cela risque de se faire au détriment des pêcheurs québécois. Le volume de prises dans la zone de 200 milles n'est pas illimité. L'une des raisons pour lesquelles M. Siddon a refusé au Québec, ce qu'il a dit, c'est qu'il n'y avait pas suffisamment de ressources disponibles. C'était sa réponse et sa défense. Mais si, à la suite de négociations avec la France, le gouvernement fédéral accorde aux pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon des quotas dans la zone de 200 milles, cela réduit d'autant les chances des Québécois d'obtenir également des quotas dans cette zone. Je regarde cela et j'ai nettement l'impression que ies Français sont pius vigoureux, plus dynamiques, plus combatifs, pius agressifs que ies Québécois, que le ministre des Pêches. Le ministre des Pêches est non seulement prudent, mais il est très peu loquace, très silencieux sur ce dossier. J'ai peur que, finalement, en bout de piste, dans le plan de pêche de 1989, on retrouve les Français et qu'on ne retrouve pas, encore une fois, les Québécois.

M. Rémillard: Pour 1988...

M. Brassard: il n'y a rien à faire.

M. Rémillard:... c'est bien sûr que c'est terminé. Mais pour 1989, nous sommes avec Novanor et nous croyons qu'il y a des possibilités, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, que les règles d'attribution des contingents soient changées dans le futur plan de pêche. C'est intéressant de voir le député de Lac-Saint-Jean établir des relations avec cette dispute au niveau international entre la France et le Canada concernant les 200 milles. Là encore, ce qui est intéressant, c'est de voir qu'il y a maintenant un ministre dans le gouvernement canadien qui a une belle expérience de ces conflits de pêche, un ministre que connaît très bien le député de Lac-Saint-Jean. Là encore, je lui demande sa grande collaboration pour le sensibiliser à ce problème. Je suis convaincu qu'avec toute l'expérience que ce nouveau ministre a de ces conflits, il sera particulièrement attentif à ces aspects des pêcheries et son expertise acquise sur le plan international, pourra peut-être nous aider à résoudre ce problème.

Je pense qu'à bien des égards, les remarques du député de Lac-Saint-Jean sont justes. C'est intéressant de voir son cheminement. Ce que je lui dis, c'est: Travaillons ensemble et utilisez vos contacts; vous en avez de très bons, en particulier dans ce dossier, qui ont une bonne expertise et qui peuvent aider à résoudre ce problème. Travaillons ensemble pour faire débloquer ce dossier. Quant à nous, sous la gouverne du ministre des pêches, nous faisons tout ce qui nous est possible pour que, dans le plan de pêche de 1989, les contingents soient changés et qu'on respecte les droits des pêcheurs québécois.

Un autre aspect intéressant peut-être à souligner, M. le Président, c'est de voir que, dans ce dossier, il y a cette association très étroite en fonction d'intérêts communs entre des pêcheurs et des travailleurs du Nouveau-Brunswick et ceux du Québec. Nous avons une très bonne relation avec le Nouveau-Brunswick qui est notre voisin. Nous partageons beaucoup d'intérêts en commun, ce qui nous permet, dans des dossiers comme ceux-là, de travailler ensemble pour essayer d'aller chercher des résultats concluants. Il y a une certaine lueur d'espoir, mais c'est un dossier qui n'est pas facile, je le rappelle.

M. Brassard: M. le Président, j'ai l'impression que le ministre veut se décharger de ses responsabilités. Cela fait deux ou trois fois qu'il m'incite à faire des démarches! Je lui signale et je lui rappelle que ce n'est pas nous qui sommes au pouvoir, c'est lui et ses collègues. C'est eux qui ont la responsabilité d'assumer le pouvoir. Je lui signale que s'il est vrai qu'on retrouve certains de nos amis au fédéral, dans certaines Institutions, je lui signale aussi que, dans l'appareil fédéral, après je ne sais combien d'années de pouvoir libéral, c'est truffé de

libéraux. Alors, vous avez sûrement plus d'amis dans l'appareil fédéral que je peux en avoir, moi, personnellement. Tout le monde sait qu'après plus de 20 ans de pouvoir libéral, l'appareil technocratique fédéral est largement contrôlé par les libéraux. C'est connu de tout le monde parce qu'ils ont été au pouvoir tellement longtemps. Ce n'est pas en un seul mandat que les conservateurs vont pouvoir faire le ménage, même s'ils le souhaiteraient, mais je ne connais pas leurs intentions. Alors, utilisez aussi vos amitiés, vous en avez plus que je peux en avoir dans l'appareil fédéral...

M. Rémillard: Nous en partageons certaines...

M. Brassard:... et surtout assumez vos responsabilités du pouvoir. En tout cas, on va suivre de très près ce dossier parce que, pour nous, c'est important. Vous avouez, pour 1988, l'échec et l'impossibilité de modifier le plan de pêche; 1989 est déterminant. C'est important pour les pêcheurs et pour les entreprises de transformation de la pêche. Je conserve des inquiétudes parce que je trouve que le ministre québécois des pêches n'est pas très vigoureux. Je pense qu'il préfère la pêche au saumon plutôt que la pêche hauturière. Voilà pour la zone de pêche de 200 milles, M. le Président.

Développement régional

L'autre dossier, c'est le développement régional. En décembre dernier, et plus récemment encore chez nous, dans ma région, et de façon unilatérale, le gouvernement fédéral, sans trop se soucier de la juridiction québécoise en matière de développement régional, annonçait un plan de développement pour les régions dites périphériques du Québec et son intention d'injecter des fonds assez considérables, en même temps que de mettre en place des bureaux dans chacune des régions, ce qui, évidemment, était considéré à juste titre par le ministre comme un empiétement. Cela venait aussi passablement court-circuiter les sommets économiques régionaux que nous avons initiés en notre temps et que vous avez continué de tenir.

J'ai, pour ma part, dénoncé cet empiétement dans ma région comme ici à Québec, parce que je considère que la juridiction en matière de développement régional est d'abord et avant tout québécoise. C'est le Québec qui a mis en place des institutions de concertation en matière de développement régional. C'est le Québec qui finance ces institutions. C'est le Québec qui a encouragé et soutenu des expériences de concertation par le biais des sommets où les régions ont identifié leurs priorités de développement, leurs axes de développement. Tout cela s'est fait sous l'égide du gouvernement du Québec. À la suite, évidemment, de dénonciations de son action, le gouvernement fédéral a enfin accepté d'entreprendre des négociations avec le gouvernement québécois. Depuis plusieurs semaines, des négociations ont été entreprises dans le cadre de l'entente de développement économique régionale qui avait été conclue en 1984, signée en 1984 et qui prévoyait des fonds de 1 500 000 000 $ pour les cinq premières années. Comme c'est une entente de dix ans, il fallait donc discuter pour prévoir des fonds pour les cinq dernières années.

J'ajouterais, M. le Président, que tout en étant très soucieux, pour ma part, du respect des juridictions québécoises - je pense que je l'ai montré à plusieurs reprises par des déclarations publiques - je suis également aussi très conscient que les régions manquent de ressources, ont besoin d'argent et qu'elles sont évidemment fortement tentées par les offres fédérales d'injection de fonds. Il faut les comprendre quand, dans des sommets de développement économique régionaux, plusieurs projets intéressants sont refusés par manque de ressources, par manque de fonds de la part du gouvernement du Québec. C'est arrivé un peu partout. C'est évident que la tentation des régions devant une offre semblable venant du fédéral, c'est de ne pas trop se soucier des questions de juridiction. Elles sont tentées d'accepter cette offre parce qu'il y a un manque de ressources pour financer bien des projets et des projets intéressants. Enfin! Les négociations sont donc reprises. Je pense qu'il serait intéressant, étant donné qu'il n'y a pas eu encore de conclusion - on nous dit que c'est imminent, mais ce n'est pas encore fait - que le ministre fasse le point sur les négociations concernant le développement régional. Où en sommes-nous rendus? Sommes-nous près d'une, entente? Dans quelle direction... Quelles sont les orientations qui vont être retenues dans le cadre de cette entente? Est-ce que le Québec - cela m'apparaît important - va conserver sa maîtrise d'oeuvre pour les projets conjoints ou à l'égard des projets de compétence conjointe? J'aurais sans doute d'autres questions par la suite, mais est-ce que le ministre pourrait faire le point sur la négociation actuellement, entre le fédéral et le Québec, concernant l'entente sur le développement régional? (20 h 30)

M. Rémillard: M. le Président. Le député de Lac-Saint-Jean aborde un sujet très important. Il y a au Québec, des régions périphériques, des régions-ressources, qui ont besoin d'un plan de développement au même titre que certaines régions centrales. Nous devons travailler à établir un véritable développement régional et c'est ce que mon collègue responsable du développement fait présentement. Il est essentiel que, pour mettre en place une véritable politique du développement régional, nous puissions avoir les moyens nécessaires pour établir nos politiques. Le gouvernement fédéral a annoncé, il y a quelques mois, une action unilatérale dans le développement régional. J'ai eu l'occasion, à ce

moment-là, de protester publiquement très vivement contre cette façon de faire du gouvernement fédéral. Le député de Lac-Saint-Jean soulevait un point qui m'apparaît très important. Il disait: Oui, mais les populations, ce qu'elles veulent ce sont des solutions à leurs problèmes, des solutions à leurs problèmes économiques et elles ne veulent pas que des querelles de juridiction les privent de ces montants destinés au développement économique. Ce qu'il faut comprendre, c'est que ce n'est pas une bataille de drapeaux que nous menons, ce n'est pas une bataille de Juridiction. Nous menons une bataille pour avoir une action plus concertée, donc plus efficace pour la population. Les exemples ne manquent pas, M. le Président, où le manque de concertation entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, a malheureusement donné des résultats nettement insuffisants. Des sommes importantes d'argent ont été dépensées sans résultats vraiment tangibles à long terme pour le développement économique des régions. C'est bien dommage. C'est justement cette situation que nous voulons corriger.

M. le Président, nous sommes à discuter très vivement, fortement et intensément, avec le gouvernement fédéral, une entente concernant le développement économique régional il y a peu de temps encore, je dois avouer que c'était l'impasse. Mais, depuis quelques Jours il y a un déblocage certain. J'ai rencontré, à quelques reprises, en compagnie de mon collègue responsable du développement régional, le ministre de Cotret. Je dois dire que nous avons eu des rencontres très fructueuses et très intéressantes. À la suite de nos rencontres au niveau ministériel, nos fonctionnaires se sont rencontrés aussi à plusieurs reprises. Au moment où nous nous parlons, on discute encore très activement. Je dois revoir le ministre de Cotret dans les prochaines heures.

Quant à nous, nous avons très clairement exprimé au gouvernement fédéral notre désir de collaborer de travailler en concertation avec eux, en respectant cependant les juridictions exclusives du Québec. Nous voulons que ie développement régional se fasse de la façon la plus efficace possible. Nous vouions limiter les instances administratives qui créent de la lourdeur dans les décisions et qui nous empêchent très souvent de répondre à des besoins comme on devrait le faire.

Nous devons rapidement apporter des solutions à des problèmes très concrets. On doit se retourner complètement de côté et dire: Nous avons un problème, voici la solution que nous apportons. Les instances administratives doivent être les plus légères possible.

D'autre part, mon collègue, responsable du développement régional, Insiste, avec raison M. le Président, pour que les programmes de développement, qui seront faits viennent de la base, que ce soit les gens des régions, les populations concernées qui proposent ces programmes et qui nous disent comment elles voient le développement de leur région. Ce n'est pas aux autorités gouvernementales ou administratives à imposer à des populations des développements régionaux. Et c'est pour cela, M. le Président, que nous avons des sommets économiques qui nous permettent de sonder la population, de faire le point sur les problèmes de développement économique des régions, de voir les solutions qu'on peut apporter. C'est pour nous un principe très important que nous voulons voir respecter dans nos négociations. Nous voulons des programmes qui correspondent à la vraie vie telle qu'elle se passe en région, avec des mécanismes souples qui vont nous permettre de répondre aux problèmes le plus rapidement possible. M. le Président, nous croyons qu'il y a de bonnes chances que l'on puisse s'entendre. Il y a encore des points de négociation majeurs, des points qui posent des problèmes, mais, nous croyons que nous poursuivons les mêmes objectifs: un développement régional qui permette à l'ensemble des Québécois de profiter de la situation économique du Québec et donc de partager notre richesse au niveau du gouvernement, au niveau de notre province. Les discussions vont se poursuivre vers une politique concertée et j'insiste pour dire qu'il ne s'agit pas d'une bataille de juridiction d'une bataille constitutionnelle. Il s'agit de discussions franches pour qu'on puisse en arriver à établir l'action la plus efficace possible.

M. Brassard: M. le Président. Est-ce que le chiffre de 600 000 000 $ qu'on a retrouvé dans La Presse, il y a quelque temps, est conforme à la réalité. Est-ce que l'entente qui est en voie de négociation impliquerait des montants de l'ordre de 600 000 000$?

M. Rémillard: Si vous incluez les régions-ressources périphériques et les régions centrales, c'est un chiffre qui est réaliste. C'est un chiffre qui...

M. Brassard: On parlait de...

M. Rémillard:... peut être réaliste, mais je ne dis pas que cela sera ce chiffre précis. Cela sera certainement une entente majeure, si nous en arrivons à une entente avec le gouvernement fédéral. Je dis bien si, parce que cela n'est pas fait, M. le Président, absolument pas. Et, si nous y arrivons, ce sera certainement une entente majeure avec des retombées économiques très importantes pour l'ensemble du Québec.

M. Brassard: 600 000 000 $ étant un montant jugé réaliste, est-il exact également qu'il y ait une plus grande proportion de ce montant qui sera consacré aux régions périphériques, soit de l'ordre de 400 000 000 $ et le reste, soit 200 000 000 $ aux régions dites centrales?

Est-ce que les régions périphériques vont être plus favorisées que les régions centrales?

M. Rémillard: Ce sont des chiffres qui peuvent servir aux discussions, M. le Président, mais la décision n'est pas encore prise. Mais, ce sont des chiffres qui peuvent être envisagés sans être définitivement retenus pour l'instant.

M. Brassard: Est-ce que le principe inclus dans l'entente-cadre de 1984 qui reconnaissait explicitement la maîtrise d'oeuvre du Québec, est-ce que le principe de la maîtrise d'oeuvre, au moment où l'on se parle, au stade atteint par les négociations, est-ce que ce principe-là est d'ores et déjà acquis, reconnu?

M. Rémillard: Nous insistons, M. le Président, pour que cette entente de développement régional soit un treizième volet de l'EDER.

M. Brassard: Donc, les principes de l'entente-cadre s'appliqueraient.

M. Rémillard: Dans la mesure où l'on acceptera que ce sont un volet de l'EDER, un volet particulier - et je sais que le député de Lac-Saint-Jean en conviendra avec moi - parce que le développement régional ne va pouvoir s'appliquer tout en impliquant les niveaux sectoriels. Alors, c'est donc dire que les autres ententes auxiliaires de l'EDER vont être directement impliquées, ce qui rend notre discussion souvent très complexe parce qu'elle touche aussi beaucoup d'éléments sectoriels. Mais, ce que je veux dire, c'est que, si nous demandons que cette entente sur le développement économique régional soit un treizième volet de l'EDER, c'est pour que les principes généraux que nous retrouvons dans l'EDER puissent s'appliquer.

M. Brassard: Si c'est considéré comme un treizième volet, donc une sorte d'entente auxiliaire sur le développement régional par rapport aux douze autres ententes auxiliaires qui, elles, sont sectorielles, si c'est donc considéré comme une espèce d'entente auxiliaire sur le développement régional, sous le chapeau de l'entente-cadre, est-ce que, à ce moment-là, cela veut dire qu'est également assuré le principe du financement conjoint des projets?

M. Rémillard: M. le Président, je sais que le député de Lac-Saint-Jean se réfère probablement à certaines petites difficultés qu'ils ont eues en négociant en 1984. C'est qu'il a fallu, à un certain moment, modifier la règle du 60-40, pour qu'elle soit rétablie à 50-50. Bon, dans une négociation avec ces enjeux, je comprends le gouvernement péquiste de l'époque d'avoir fait quelques concessions. Je pense qu'il faut savoir quelquefois faire des concessions sur certains points, lorsqu'on prend conscience des enjeux du problème. Cependant, il est pour nous très important qu'il y ait une décision conjointe pour cette concertation et cette collaboration entre les deux ordres de gouvernement.

Alors, encore-là, ce que je peux dire au député de Lac-Saint-Jean, c'est que nous recherchons, dans cette entente, les mêmes principes généraux que ceux que nous retrouvons, dans les ententes auxiliaires qui sont dans l'EDER. (20 h 45)

M. Brassard: C'est parce qu'a été évoquée, M. le Président, dans plusieurs articles de journaux, l'hypothèse que le fédéral finance les projets qui se retrouvent dans ses juridictions et que le Québec finance les projets qui se retrouvent dans ses juridictions. On donnait des exemples: Si c'est un projet forestier, c'est québécois, c'est le Québec qui finance au complet. Si c'est un projet d'aérogare ou d'aéroport, c'est fédéral et c'est le fédéral qui financerait entièrement le projet. Donc, on ne retiendrait plus le principe du financement conjoint qui se retrouve dans toutes les autres ententes auxiliaires. Est-ce que c'est une possibilité?

M. Rémillard: Justement, le député de Lac-Saint-Jean soulève une difficulté réelle lorsque je parle de concertation des deux ordres de gouvernement et ce, même dans des compétences exclusives, soit au niveau fédéral ou provincial. On parlait tantôt de pêcheries. Les pêcheries sont de compétence exclusive fédérale. Nous, comme gouvernement, nous ne voulons pas nous immiscer dans une compétence exclusive fédérale pas plus que, nous le savons, le gouvernement fédéral ne veut venir s'immiscer dans une compétence provinciale.

M. Brassard: Bien non.

M. Rémillard: M. le député de Lac-Saint-Jean en conviendra comme moi. Cependant, respectant mutuellement nos champs de juridiction, pour que notre action soit la plus efficace possible, il doit y avoir une concertation et une collaboration. Dans ce sens, nous favorisons un comité conjoint de gestion pour harmoniser les politiques et faire en sorte que ces dernières soient les plus efficaces possible en fonction d'un plan d'ensemble qu'on peut tracer. Alors, c'est dans ce contexte, M. le Président, que, dans ses domaines de juridiction fédérale, nous disons au gouvernement fédéral: Établissons quand même une gestion conjointe. Travaillons ensemble, sans cela, on ne pourra pas avoir cette concertation que nous recherchons. Mais, le député de Lac-Saint-Jean soulève une des difficultés que nous avons dans les discussions.

M. Brassard: Actuellement, la façon de fonctionner, c'est que, pour chaque entente auxiliaire, il y a un comité paritaire. Les projets sont achemines à ce comité qui les analyse, les évalue, les accepte et les ministres concernés donnent à leur tour leur assentiment. Une fois le projet accepté par le comité paritaire, le financement est conjoint, 50-50, fédéral-provincial, mais la maîtrise d'oeuvre est québécoise. C'est le

Québec qui met en oeuvre le projet, évidemment en tenant compte - c'est là, comme vous le dites que la concertation a son importance - des exercices approfondis, sérieux de concertation qui se sont faits dans toutes les régions, par le biais des sommets de développement. Chaque région a défini ses priorités, a identifié ses projets dans le cadre de ses axes de développement. Il faut évidemment faire attention de ne pas perturber ou ignorer ce travail fort sérieux de concertation qui s'est fait. Si je comprends bien, il se pourrait que le mode de gestion diffère quelque peu du mode de gestion prévu actuellement dans chacune des ententes auxiliaires.

M. Rémillard: il se peut, M. le Président, qu'il y aft certains accommodements, tout comme on l'a fait en 1964. Ce n'est pas toujours du financement conjoint que nous obtenons avec l'entente de 1984. Il y a eu aussi des financements unilatéraux. Il faut compter à un moment donné une période de transition. Il faut tenir compte des exceptions qu'on peut accepter à certains égards et pour certaines fins. Mais, ce que je veux dire au député de Lac-Saint-Jean, c'est que nous insistons, et c'est là un point extrêmement important pour nous, pour que cette entente de développement régional soit un volet de CEDER, un treizième volet de l'EDER.

Dans la mesure où le gouvernement fédéral accepte que ce soit un volet de l'EDER, il doit en accepter les conséquences. Comme je vous dis, ce n'est pas fait, cela ne sera pas facile, mais pour nous c'est extrêmement important.

M. Brassard: Ce n'est pas fait, mais les chances d'aboutir sont meilleures que les risques d'échouer?

M. Rémillard: Vous savez, dans ces genres de négociations, c'est difficile de se prononcer. Je peux vous dire très sincèrement ce soir, qu'on m'a fait rapport encore récemment de révolution des discussions. Comme je vous ai dit, dans les prochaines heures je rencontre M. de Cotret avec mon collègue, ie ministre responsable du Développement régional. Je dois vous dire que je suis optimiste. Je crois qu'on a de bonnes chances d'en arriver à une entente, mais il y a encore des points majeurs à discuter et plusieurs de ces points ne sont pas faciles. Je dois dire que le député de Lac-Saint-Jean m'a posé d'excellentes questions, parce qu'il a soulevé beaucoup des difficultés que nous avons justement. Il a été, je pense, assez Impliqué dans ces genres de dossiers pour connaître les embûches qu'on y retrouve.

M. Brassard: Sur le montant, disons approximativement et possiblement 600 000 000 $.

M. Rémillard: Peut-être plus, peut-être moins, mais enfin.

M. Brassard: Disons que dans une première phase, les premiers cinq ans, il avait été prévu 1 500 000 000 $ sur cinq ans. Ces 1 500 000 000 $ sont répartis à travers douze ententes auxiliaires; dix qui ont été signées au moment où nous étions là et deux que vous avez signées, peu de temps après votre arrivée au pouvoir. Donc, 1 500 000 000 $ sur cinq ans à travers une douzaine d'ententes auxiliaires. Est-ce que le treizième volet dont vous parlez, qui porterait sur le développement régional et qui pourrait impliquer des montants de l'ordre de 600 000 000 $, est-ce que ce sont les seules ressources prévues dans le cadre de CEDER pour les dernières années qui restent à courir, puisque l'EDER porte sur dix ans? Ou est-ce que vous avez également des négociations et des discussions avec votre homologue fédéral - parce qu'il y a plusieurs ententes auxiliaires qui n'ont plus de ressources, elles sont pratiquement épuisées - pour que soit ajouté, pour les cinq prochaines années des sommes additionnelles, des ressources nouvelles dans le cadre des ententes auxiliaires déjà existantes? Je pense, par exemple, à l'entente auxiliaire sur les transports. Est-ce qu'il est envisageable qu'on ajoute des ressources pour les cinq prochaines années dans l'entente auxiliaire sur les transports ou sur le développement touristique - je pense qu'il n'y reste plus grand-chose non plus - sans changer ie texte de l'entente? Il s'agit simplement d'ajouter des ressources. Est-ce qu'en plus de ces 600 000 000 $, en plus ou en moins - je comprends que vous ne souhaitiez pas être précis là-dessus. C'est normal, les négociations ne sont pas terminées - il est possible que des ressources nouvelles s'ajoutent dans le cadre des ententes auxiliaires existantes?

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean soulève encore un très bon point. De fait, parmi les onze ententes auxiliaires qui existent présentement, plusieurs ont épuisé leur enveloppe. On se retrouve dans une situation où les deux ordres de gouvernement ont identifié les projets qu'ils aimeraient réaliser. En plus de l'entente de développement régional, nous tentons aussi d'en arriver à une entente sur le renflouement de certaines ententes auxiliaires, par exemple, en ce qui regarde les infrastructures, le transport, le développement industriel, le domaine touristique, comme vous l'avez souligné tout à l'heure, et même les équipements culturels où il y a des projets d'identifiés et où les deux ordres de gouvernement s'entendent pour faire ces projets. Mais il n'y a plus d'argent disponible. Nous faisons donc des négociations à ces deux ordres de gouvernement pour un treizième volet qui serait essentiellement en fonction du développement économique régional axé sur les régions périphériques, les régions ressources, pour le développement des régions qui ont besoin d'aide économique, avec un développement concerté entre les deux ordres de gouvernement,

et j'insiste sur un aspect qui est très important pour mon collègue, le ministre responsable du Développement régional en disant: avec dés programmes qui viennent de la base, pour vraiment répondre à ces mêmes besoins économiques.

Nous voulons donc ajouter un montant substantiel pour des ententes auxiliaires. Tout cela fait un ensemble important. Le morceau est considérable. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, je suis optimiste. Les discussions, les négociations vont bien et se déroulent d'une façon très intense. Nous sommes en discussions constantes par téléphone et par des rencontres. Je rencontre dans les prochaines heures le ministre de Cotret. Las chances sont bonnes pour qu'on puisse en arriver à une entente, mais il faut aussi croire que les points que nous avons à discuter sont majeurs, extrêmement importants. Par conséquent, on ne peut pas dire qu'une entente est imminente, mais nous sommes quand même optimistes.

M. Brassard: Relativement à ma dernière question sur l'ajout de ressources dans les ententes auxiliaires déjà existantes, je comprends que le gouvernement québécois serait intéressé à ajouter des fonds dans un certain nombre de ces ententes auxiliaires. Est-ce que vous avez testé la volonté fédérale à ce sujet? Est-ce que le fédéral a aussi montré de l'intérêt pour injecter des ressources additionnelles dans certaines ententes auxiliaires?

M. Rémillard: Oui, le gouvernement fédéral a montré un certain intérêt, pour ne pas dire un intérêt certain, dans la mesure où les deux ordres de gouvernement, dans certains secteurs, ont identifié des programmes et des projets qu'ils aimeraient réaliser, comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure. Donc, dans certains cas, il y a entente sur des programmes qu'on voudrait réaliser, mais les enveloppes sont vides. Alors, nous disons au gouvernement fédéral: Profitons de cette discussion que nous avons pour ce treizième volet et nous insistons pour que ce soit un treizième volet de l'EDER parce qu'on veut que les principes généraux de l'EDER s'appliquent à ce volet. Profitons-en pour renflouer des enveloppes d'ententes auxiliaires où on a identifié des projets qu'on veut réaliser. Comme je le mentionnais tout a l'heure et comme le mentionnait le député de Lac-Saint-Jean, cela va dans le domaine touristique comme cela va dans le développement industriel ou l'infrastructure, le transport.

M. Brassard: M. le Président, une dernière question ou plutôt une demande. Dans le cahier explicatif, aux renseignements concernant les crédits, on a la liste des ententes, le coût total et les engagements prévus. Serait-il possible, dans les semaines qui viennent, d'obtenir, pour chacune des ententes auxiliaires, la liste des projets retenus et financés dans le cadre de ces ententes, la nature du projet, le montant de la subvention de même que la participation du milieu, évidemment...

M. Rémillard: Oui, M. le Président, cela me fera...

M. Brassard: ...et le moment où ces projets ont été acceptés et amorcés.

M. Rémillard: Cela me fera plaisir.

M. Brassard: Évidemment, ce n'est pas d'une urgence capitale, mais dans les semaines qui viennent...

M. Rémillard: Non, cela me fera plaisir de fournir ces renseignements au député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Et aux membres de la commission.

M. Rémillard: Très bien.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, vous envoyez cela au secrétariat de la commission.

M. Brassard: Au secrétariat de la commission.

Le Président (M. Marcil): Nous allons distribuer cela aux membres.

M. Brassard: C'est cela. Étant donné qu'il y a encore des points majeurs en négociation, je vais terminer sur ce dossier en souhaitant bonne chance au ministre et à son collègue, en espérant pour les régions, parce qu'elles ont vraiment besoin de ressources additionnelles, que dans les plus brefs délais on va en arriver à une entente acceptable et évidemment respectueuse des responsabilités du gouvernement du Québec.

M. Rémillard: M. le Président, avant d'aborder un autre sujet, est-ce je pourrais demander une escale technique?

M. Brassard: Certainement! Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marcil): Nous suspendons donc nos travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 2)

(Reprise à 21 h 13)

Le Président (M. Marcil): Vous avez fait le plein? Nous allons revenir au dossier du sous-

marin, comme le disait tantôt notre député de Saint-Jean.

Une voix: Nucléaire ou hydroélectrique?

Le Président (M. Marcil): On préférerait hydroélectrique sauf que, cela nous prendrait long de fil. M. le député.

Contrat de construction de sous-marins

M. Brassard: M. le Président, l'escale étant terminée, j'inviterais le ministre à faire une courte plongée sous-marine. Nous avons malheureusement perdu, comme on le sait, le plantureux contrat des frégates dont la construction se fera désormais au Nouveau-Brunswick. Je vois que cela rappelle sans doute de mauvais souvenirs au député de Richelieu.

Sérieusement, il reste encore cependant, dans le domaine de !a défense, de plantureux contrats qui seront accordés par le gouvernement fédéral. Et l'un des plus considérables est celui consistant à construire un certain nombre de sous-marins nucléaires. Les coûts, les dépenses envisagées sont de l'ordre de 8 000 000 000 $, dont 5 000 000 000 $ uniquement pour la construction et 3 000 000 000 $ pour l'aménagement d'équipements, d'infrastructures requis pour construire ces sous-marins.

Je n'a! pas besoin de vous dire, M. le ministre, que ce contrat est absolument capital pour les chantiers maritimes du Québec. Il faut absolument que nous obtenions ce contrat de construction des sous-marins. Cela ne peut pas nous échapper. Si, par malheur, cela nous échappait, ce serait la mort de nos chantiers maritimes, donc, la perte de plusieurs centaines d'emplois.

Ma question est évidemment très simple. J'ai appris par le ministre de l'Industrie et du Commerce qu'un consortium était en formation au Québec, avec comme leader, Marine Industrie et la firme d'ingénierie SNC. Mais d'autres firmes vont aussi s'associer à ce consortium en vue d'obtenir le contrat de construction, il y a certaines inquiétudes, cependant, parce qu'on a appris - je ne sais pas si c'est exact, si c'est fondé - que Saint John Shipbuilding investissait déjà dans les travaux d'infrastructure en prévision de la construction des sous-marins, ce qui, évidemment, lui donnerait un avantage et lui donnerait une avance dans la course pour obtenir le contrat de construction des sous-marins. Je ne pense pas avoir besoin de faire un long plaidoyer pour dire que c'est absolument essentiel pour les chantiers maritimes du Québec et j'aimerais évidemment savoir quelle est la stratégie que compte appliquer le gouvernement du Québec et particulièrement le ministre responsable des relations avec le gouvernement fédéral pour, dans ce cas-ci, obtenir un succès évident et décrocher ce contrat dans l'intérêt de nos chantiers maritimes et des travailleurs qui y travaillent?

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, j'ai eu l'occasion de dire ce matin dans mes remarques préliminaires que nous avions été profondément déçus par l'octroi de ce contrat de construction des frégates exclusivement au Nouveau-Brunswick. Présentement mon collègue de l'Industrie et du Commerce travaille en étroite collaboration, avec le président de Marine Industrie, M. Tessier, qui fait un excellent travail et qui dirige un consortium de plusieurs firmes réputées. Donc peu importe la technologie qui sera retenue par le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec sera en bonne position pour obtenir ce contrat. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral doit prendre une décision et choisir entre le sous-marin anglais ou le sous-marin français, mais pour nous, ce qui est important c'est d'être prêts. Il est certain que le Nouveau-Brunswick, là encore, est en compétition avec nous, mais nous considérons que cette fois-ci, ce contrat nous revient et je peux vous dire, M. le Président, que mon collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce, ne ménage aucun effort pour que nos droits soient reconnus pour ce contrat qui sera des plus intéressants et qui nous amènerait aussi à développer une expertise dans bien d'autres domaines connexes qui pourra servir dans d'autres secteurs.

Lorsqu'on parle, par exemple, de recherches scientifiques, on doit savoir que cela pourrait être un domaine de recherches scientifiques particulièrement intéressant. Je vois ici le député qui est particulièrement intéressé par ce dossier et qui s'occupe activement de ce dossier. Je dois dire, M. le Président, que pour le moment, avec ce consortium international qui est imposant et qui permet aux firmes les plus compétentes de se rassembler et d'offrir une expertise tout à fait unique. Nous nous positionnons très bien et aucun effort ne sera ménagé pour obtenir ce contrat.

M. Brassard: Est-ce qu'on peut compter sur le gouvernement du Québec pour s'assurer que les règles du jeu ne sont pas faussées et que le fait comme on l'apprenait récemment, que Saint John Shipbuilding investisse dans des infrastructures qui lui seront utiles pour la construction de sous-marins, n'est pas un indice que déjà les jeux sont faits et que, par conséquent, le consortium québécois serait évincé au départ avant même qu'il fasse connaître ses offres de service?

M. Rémillard: M. le Président, je dois dire que, selon nos informations, les jeux ne sont absolument pas faits. Nous savons que le Nouveau-Brunswick sera en compétition, que les chantiers de Saint John seront en compétition avec nous. Je répète ce que je disais tout à

l'heure: avec le consortium que nous avons, je crois que nous avons là un outil de première main et de très grande importance pour démontrer que nous avons l'expertise nécessaire pour obtenir ce contrat. Le député de Richelieu, est actif dans ce dossier avec le ministre responsable de l'Industrie et du Commerce et nous ne ménageons aucun effort, M. le Président, pour que ce dossier revienne au Québec.

Immigrants investisseurs

M. Brassard: C'est à suivre, bien sûr. Concernant les immigrants investisseurs à la suite des négociations, on sait qu'une entente est intervenue - qui n'a pas encore été déposée d'ailleurs, on avait demandé son dépôt, cela a été oublié sans doute - et qui modifie substantiellement les éléments du programme. C'est ainsi qu'on fixe maintenant à 500 000 $ et non plus à 250 000 $, comme c'était le cas, le capital minimum requis pour pouvoir se prévaloir des fameuses garanties bancaires. C'est évident qu'Ottawa, par cette décision, réduit ainsi le bassin de candidats potentiels d'immigrants investisseurs susceptibles de venir s'établir au Québec. Est-ce que le ministre ne reconnaît pas que l'entente intervenue réduit, d'une façon notable, les avantages des garanties bancaires offerts par le Québec, en passant de 250 000 $ à 500 000 $ le minimum de capital requis pour un immigrant investisseur qui désire recourir à ces garanties? C'est quand même un changement important qui s'est produit. Vous n'avez donc pas pu, si je comprends bien, maintenir intégralement le programme québécois des garanties bancaires. Vous avez été en quelque sorte obligés de faire des concessions quand même substantielles. C'est clair qu'avec un minimum de 500 000 $, il y a plusieurs immigrants investisseurs qui ne seront pas touchés. Cela va avoir des effets. C'est une concession que vous avez été obligé de faire dans les négociations?

M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, il faut bien comprendre qu'en matière d'immigration - j'ai dit agriculture, c'est un lapsus, M. le Président, parce que dans la constitution canadienne de 1867, sous le thème agriculture et immigration, on décrit une compétence concurrente pour le gouvernement fédéral et provincial, c'est-à-dire que les deux ordres de gouvernement peuvent légiférer en matière d'immigration, mais il est bien précisé dans la constitution qu'il y a une prépondérance du gouvernement fédéral, donc deux champs de juridiction qui sont concurrents, et lorsqu'on parle de concurrence, immanquablement on doit penser à la possibilité de conflit entre les deux ordres de gouvernement, et s'il y a conflit, c'est automatique, par les termes de la constitution, c'est la législation fédérale, c'est la réglementation fédérale qui l'emporte. C'est le contexte constitutionnel dans lequel nous devons évoluer. Il y a eu une entente Cullen-Couture qui a été négociée conclue, en 1977-1978, une entente qui a permis au Québec d'exercer certains pouvoirs administratifs importants, en ce qui regarde la sélection de ses immigrants. C'est donc dans ce contexte, M. le Président, au départ, qu'il faut situer ce dossier, concernant les immigrants investisseurs.

Dans un permier temps, on se référait à des investisseurs qui pouvaient détenir des garanties bancaires si leur avoir net était de 500 000 $, et leur investissement de 250 000 $. Mais, le 17 décembre 1987, le gouvernement fédéral, conformément à sa juridiction, adoptait un règlement qui prohibait toute possibilité pour un immigrant investisseur de détenir une garantie bancaire. Cela signifiait, M. le Président, à toutes fins utiles, que c'était tout le programme québécois qui devenait inefficace, qui tombait, en quelque sorte. On a donc réagi immédiatement. On a réagi et on a demandé au gouvernement fédéral de geler ce règlement, de ne pas l'appliquer. Nous avons entamé immédiatement des négociations avec le gouvernement fédéral, négociations qui ont été menées par ma collègue responsable du ministère de l'Immigration. Les résultats sont intéressants pour le Québec, M. le Président. Les résultats c'est un règlement qui nous permet de faire toujours ces garanties bancaires à des investisseurs qui ont 500 000 $, et non pas 250 000 $ d'investissement.

Les investisseurs qui sont intéressés à venir au Québec - et nous en avons plusieurs, nous avons un grand succès avec ce programme - ont généralement cette somme. Donc, selon les estimations que nous pouvons avoir, cette différence entre 250 000 $ et 500 000 $ ne nous touchera pas particulièrement. D'autre part, avec ces 500 000 $, nous avons une catégorie aussi d'investisseurs particulièrement intéressants. Et c'est certainement là un gain important pour le Québec d'avoir enfin un programme qui lui permet d'aller chercher ses investisseurs. Je dois souligner que ce programme des immigrants investisseurs, dû à l'ingéniosité de nos firmes du secteur privé québécois, nous a permis de faire des gains extrêmement Importants. Ce sont des millions de dollars qui nous arrivent, comme cela, M. le Président, par ce programme des immigrants investisseurs. Et l'entente que nous avons avec le gouvernement fédéral va nous permettre de conserver ce programme. Pour nous, c'est cela qui est important. Donc, pour nous, c'est un gain cette entente avec le gouvernement fédéral; cela signifie un gain pour le Québec.

M. Brassard: Ce que je comprends, le ministre affirme que le fait de hausser à 500 000 $ le minimum de capital requis pour se prévaloir des garanties bancaires n'aura pas d'effet en terme de nombre d'immigrants investisseurs.

M. Rémillard: Mme la ministre responsable de l'Immigration, par des consultations qu'elle a

menées auprès des milieux financiers québécois, a reçu comme réponse de ces milieux financiers québécois impliqués dans ces programmes que, selon eux, ils ne voient aucun problème pour s'adapter à ces nouvelles modalités et que cela ne touchera pas l'efficacité du programme,

M. Brassard: Et que cela ne réduira pas le nombre d'immigrants investisseurs. (21 h 30)

M. Rémillard: Et que cela ne réduira pas, comme tel, le nombre d'immigrants investisseurs et que les gens qui étaient déjà touchés par ce programme avaient les avoirs nécessaires pour remplir les nouvelles conditions. C'est la réponse qu'ont faite les milieux financiers québécois à la ministre responsable de l'Immigration.

Dépollution du Saint-Laurent

M. Brassard: Le dernier sujet, avant de vous poser quelques questions sur les crédits, concerne évidemment la contribution fédérale, à la dépollution du Saint-Laurent. Le gouvernement fédéral a mis en oeuvre un programme d'aide à la dépollution des Grands Lacs, réservant forcément ces fonds exclusivement à l'Ontario. Depuis deux ans et quelques mois, le ministre de l'Environnement, M. Lincoln, demande au gouvernement fédéral d'Ottawa, jusqu'à maintenant vainement, d'injecter au moins 100 000 000 $ au Québec comme contribution pour un programme de dépollution du fleuve Saint-Laurent. En même temps, je vous signale que l'Ontario peut compter sur une aide fédérale de l'ordre de 150 000 000 $. Jusqu'à maintenant, il y a eu, en mars, un espoir à l'occasion d'un gala bénéfice de la Fondation québécoise en environnement, où les deux ministres de l'Environnement étaient présents, M. Lincoln et M. McMillan, le ministre fédéral, le 25 mars, plus précisément. Le ministre McMillan avait laissé entendre qu'une décision fédérale était imminente et serait même favorable, et qu'on répondrait enfin positivement à la demande de 100 000 000 $ du gouvernement québécois en cette matière. C'était le 25 mars et on est rendu à la fin d'avril; cela fait maintenant plus d'un mois de cela et rien ne semble avoir bougé dans ce dossier. Est-ce que cet espoir était un faux espoir? Est-ce que le dossier est de nouveau en panne? Est-ce qu'on peut compter que, très bientôt, le Québec va pouvoir obtenir une contribution fédérale substantielle pour l'aider à dépolluer le fleuve Saint-Laurent. C'est évidemment une question d'équité puisque l'Ontario, depuis plusieurs années, bénéficie déjà de subventions généreuses du gouvernement fédéral pour dépolluer les Grands Lacs de son côté. Où en est-on dans ce dossier?

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je crois qu'il y a de l'espoir, dans ce dossier, qu'on en arrive à une entente. Vous savez, M. le Président, que depuis quelques années, le Québec réclame du gouvernement fédéral qu'il contribue à la dépollution du fleuve Saint-Laurent. Ce n'est donc pas un sujet nouveau. Le gouvernement du Québec demande que la participation du gouvernement fédéral soit de l'ordre de 100 000 000 $, M. le Président. Nous nous appuyons sur ce qu'a obtenu l'Ontario pour la dépollution des Grands Lacs. Le ministre de l'Environnement du Québec a récemment précisé qu'il souhaiterait que ces 100 000 000 $ soient répartis en quatre volets. Le premier, c'est la caractérisation et le confinement des zones à forte concentration de sédiments contaminés. Cette opération comporterait une caractérisation sommaire des sédiments tout le long du Saint-Laurent, suivie d'une analyse plus exhaustive des zones à plus forte concentration. Il y aurait enfin des expériences pilotes sur les méthodes de confinement. Ce premier volet serait de 20 000 000 $.

Un deuxième volet serait pour la mise en place d'un programme de "monitoring" sur la qualité des eaux du Saint-Laurent, avec l'implantation d'un réseau de mesures tout le long du fleuve et le financement d'un programme intensif de recherches. C'est un deuxième volet de 30 000 000 $.

Un troisième volet serait en fonction d'un programme de soutien au développement du secteur industriel des technologies propres comprenant l'aide à la mise au point et à l'expérimentation de technologies propres à l'aide aux entreprises oeuvrant dans le secteur des équipements de dépollution, un volet de 30 000 000 $.

Finalement, M. le Président, un quatrième volet relatif à l'aide et à l'acquisition par des organismes sans but lucratif de sites d'intérêt écologique majeur dont une douzaine dites dans l'archipel de Montréal. Finalement, la contribution à la mise en oeuvre d'un plan de conservation. Ce quatrième volet comprendrait également la restructuration des rives des rapides de Lachine et la construction d'un centre d'interprétation du Saint-Laurent, le tout pour 20 000 000 $.

Cette proposition a été endossée entièrement par le SAIC, elle a été transmise au ministre fédéral de l'Environnement le 24 mars dernier et nous pouvons dire que le gouvernement fédéral l'a accueillie avec beaucoup d'intérêt. Je disais au tout début qu'il y avait une lueur d'espoir, oui, parce que les négociations sur ce sujet se font sur la base de la proposition québécoise. On m'informe que les négociations vont bien. Nous les suivons très attentivement et il y a possibilité d'en arriver à une entente pour qu'il y ait cet apport considérable du gouvernement fédéral pour dépolluer le Saint-Laurent.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Lac-Saint-Jean.

Études spécialisées et avis juridiques

M. Brassard: Merci, M. le Président. On attend avec hâte la conclusion d'un accord. Il me resterait un certain nombre de questions sur les crédits proprement dits. On pourrait adopter après cela...

Vous avez commandé, et on retrouve cela dans la liste des contrats de moins de 25 000 $ octroyés à des professionnels depuis avril 1987, vous avez commandé un certain nombre d'études à des spécialistes. Entre autres, première page Clarkson, Tétreault, un avis sur l'accord canado-américain sur le libre-échange pour 24 000 $; Me René Dussault, un avis sur le dossier constitutionnel 4900 $; Brown, Lafleur, étude concernant l'entente du lac Meech; Louis Goyette, travaux d'analyse et synthèse de jugements de la Cour suprême et d'autres tribunaux pouvant avoir un impact sur l'application des lois constitutionnelles et des chartes; Yves Ouellet, avis juridique relativement à l'accord du lac Meech, 2600 $; John White, avis juridique relativement à certains aspects de l'accord du lac Meech.

Ma question est très simple, M. le Président. De même que l'avis du Conseil de la langue française sur le projet de loi fédéral C-72 a été rendu public, est-il possible d'obtenir ces divers avis, en particulier sur le dossier constitutionnel, sur l'entente du lac Meech, qui pourraient évidemment nous éclairer sur la portée de cet accord, sur son contenu? Est-ce que ces études vont devenir disponibles ou si vous vous les réservez à vous-même?

M. Rémillard: M. le Président, je suis d'abord heureux que le député de Lac-Saint-Jean se réfère à ces études. Il voit que nous n'avons rien négligé dans nos discussions avec le gouvernement fédéral pour que cette entente du lac Meech ait le souci de respecter le plus possible les droits du Québec.

Nous avons consulté certains des plus éminents juristes québécois et canadiens. Ce sont des études qui - comme celles qui avaient été commandées par le gouvernement péquiste à l'époque, 1980, 1981, 1982 - se réfèrent essentiellement à des sujets de contentieux et de relations fédérales-provinciales. Ce sont des sujets très importants pour le gouvernement et ces études doivent être conservées sans être rendues publiques. Nous n'avons absolument pas l'intention de rendre ces avis publics.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que ces avis ont été confirmés dans la mesure où, depuis maintenant près d'un an, depuis que l'entente du lac Meech a été conclue - cela fera un an le 30 avril - toutes les commissions parlementaires, tous les groupes d'étude qui l'ont étudiée, scrutée à la loupe en sont arrivés à la même conclusion: il n'y a aucune erreur de fond dans cette entente du lac Meech. On peut critiquer certains aspects politiques de ce document mais l'entente du lac Meech ne con- tient aucune erreur de fond. M. le Président, on s'en réjouit. On voit là toute l'attention qu'on a accordée à bien peser tous les mots employés dans cette entente.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je ne veux pas mettre en doute, évidemment, la parole du ministre. Ce n'est pas permis par nos règlements. Mais je trouverais cela plus intéressant si ses propos étaient confirmés par des avis dont on pourrait prendre connaissance.

Je comprends bien que ces avis, qui ont quand même été financés par des fonds publics, le ministre se refuse à les divulguer, à les rendre publics. Cela serait sans doute utile, peut-être pas à tout le monde mais certainement à ceux et celles, dans notre société, qui s'intéressent à cette question constitutionnelle et qui discutent depuis plusieurs mois de la portée de l'accord du lac Meech. Ce serait, à mon avis, intéressant que ces études puissent être accessibles.

Je comprends que le ministre ne souhaite pas revenir sur sa décision de ne pas rendre publiques ces études, de ne pas les divulguer, de ne pas les rendre accessibles. Je ne pense pas que cela ferait des succès de librairie, je suis convaincu de cela. Ce ne serait pas des best-sellers, sûrement, mais les rendre accessibles à ceux et celles qui s'intéressent à cette question.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, ce que me demande le député de Lac-Saint-Jean, il le sait très bien lui-même. Aucun gouvernement ne rend publics des avis qu'il a sur des contentieux aussi importants. Le gouvernement péquiste ne l'a pas fait et nous, nous ne le ferons pas, dans l'intérêt du Québec. Je pense que je n'ai pas besoin de parler plus à ce sujet-là et le député de Lac-Saint-Jean le sait très bien.

M. Brassard: J'aurai au moins fait l'effort. J'aurai au moins essayé.

Coopération et francophonie

M. le Président, il me reste une question à poser. On constate - et j'en suis fort heureux, d'ailleurs, je vous le dis tout de suite - une augmentation substantielle des crédits concernant les transferts en matière de coopération et de francophonie. Est-ce qu'il serait possible, surtout pour ce qui est des transferts qui sont de l'ordre de 3 614 000 $ pour cette année comparativement à 2 329 000 $ l'an passé, est-ce qu'il serait possible d'avoir une ventilation de ces crédits au chapitre de là coopération et de la francophonie, particulièrement au titre des transferts? Et remarquez, encore une fois, que cela peut

attendre quelques jours.

Une voix: Excusez-moi.

M. Brassard: Je veux dire que ce n'est pas urgent que je les aie en main avant de me coucher ce soir.

Le Président (M. Marcil): Si vous voulez en prendre note, M. le ministre.

M. Brassard: Tout simplement il m'apparaî-trait Important en matière de coopération, d'aide à la francophonie, étant donné qu'il y a quand même une augmentation, à travers les divers programmes, comment les crédits sont-ils ventilés?

M. Rémillard: Alors M. le Président...

M. Brassard: Par exemple, les subventions versées aux associations de francophones hors Québec, à la Fédération des francophones hors Québec...

M. Rémillard: Alors M. le Président...

M. Brassard:... connaître un peu l'état détaillé de l'utilisation des crédits.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, j'ai annoncé, le 25 mars dernier, que le gouvernement augmentait considérablement son budget pour la coopération pour les francophones hors Québec. J'ai dit que pour la présente année nous augmentions de 1 000 000 $, c'est-à-dire que cela donne donc 2 000 000 $ et nous ajoutons, pour 1989-1990, un 500 000 $ de plus, pour un total de 2 500 000 $ en 1989-1990. Nous subventionnons, avec cet argent, des programmes qui respectent d'abord les priorités établies par les minorités elles-mêmes. Ce n'est pas nous qui déterminons ces programmes, mais nous travaillons avec les groupes, les associations concernées et ils nous font part de leur priorité; ce sont eux qui doivent déterminer donc ces priorités.

D'autre part, j'Insiste aussi sur un autre aspect que j'ai mentionné ce matin, à savoir que nous respectons la juridiction des provinces si nous travaillons en concertation avec les provinces impliquées. Nous avons donc un budget de coopération, cette année, qui est intéressant et il y a une ventilation qui est faite en fonction des différentes régions canadiennes. Par exemple, dans l'Est canadien comprenant Terre-Neuve, l'île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswlck, nous avons des projets de coopération pour 180 252 $, alors que pour l'Ontario, c'est 369 908 $. Pour l'Ouest canadien, Manitoba, Saskatchewan, Alberta, Colombie britannique, c'est 180 943 $. Et, au niveau national, dans différentes organisations dont la Fédération des francophones hors Québec, le Centre des arts de Charlottetown, c'est un total de 176 231 $. Mais, M. le Président, je pourrais envoyer une ventilation beaucoup plus détaillée.

M. Brassard: Pour cette année et pour l'an passé de sorte qu'on puisse...

Le Président (M. Marcil): Faire la comparaison.

M. Brassard:... comparer et voir où se situent les augmentations.

M. Rémillard: Alors on fera parvenir à l'Opposition cette ventilation.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. C'est terminé, M. le député de Lac-Saint-Jean?

M. Brassard: Oui.

Adoption des crédits

Le Président (M. Marcil): Je vous remercie beaucoup M. le député de même que mes collègues et vous, M. le ministre et votre équipe, de vous être prêtés à cet exercice.

Donc le programme 4, affaires intergouvernementales canadiennes est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Marcil): Adopté. Donc je vais ajourner les travaux sine die. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 21 h 50)

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