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(Neuf heures onze minutes)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Cette séance de la commission des institutions est ouverte. Je
rappelle notre mandat qui est de procéder à l'étude des
crédits budgétaires du ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes pour l'année
financière 1988-1989. Il s'agit, bien sûr, du programme 4,
éléments 1 à 3 du Conseil exécutif. Je demanderais
à notre secrétaire, Me Lucie Giguère, de bien vouloir
annoncer les remplacements.
La Secrétaire: M. Assad (Papineau) est remplacé par
Mme Hovington (Matane), Mme Bleau (Groulx) par M. Khelfa (Richelieu) et M.
Godin (Mercier) par M. Brassard (Lac-Saint-Jean).
Le Président (M. Filion): Une enveloppe de six heures a
été prévue pour l'exécution de notre mandat, soit
de neuf heures à midi et de 19 heures à 22 heures. Sans plus
tarder, à moins qu'il n'y ait des questions, je donne la parole à
M. le ministre qui nous fera part de ses remarques préliminaires.
Remarques préliminaires M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Vous me
permettrez tout d'abord de présenter les deux personnes qui
m'accompagnent à la table, en plus des fonctionnaires. À ma
droite, Mme Dianne Wilhelmy, secrétaire générale
associée au SAIC et à ma gauche Mme Suzanne Lévesque,
directrice adjointe de mon cabinet.
M. le Président, c'est toujours avec une certaine émotion
que je me retrouve dans cette salle du Conseil exécutif, je dois
l'avouer au départ, salle où beaucoup de grands débats ont
marqué l'histoire du Québec. C'est dans ce contexte que l'on
discute aujourd'hui des crédits du ministère au coeur de
l'évolution du Québec dans ses relations avec les autres
partenaires fédéraux, le gouvernement fédéral et
les autres provinces. J'ose croire, M. le Président, que cette
atmosphère nous inspirera dans nos discussions.
M. le Président, je voudrais en remarques préliminaires,
si vous me le permettez, dresser un rapide bilan des relations
intergouvemementales du Québec au cours de la dernière
année. Je voudrais aussi aborder la nouvelle orientation que nous
entendons donner au SAIC. En effet, M. le Président, dans le discours
inaugural du 8 mars dernier, le gouvernement a annoncé qu'il allait
accentuer l'aspect économique du mandat du Secrétariat aux
affaires intergouvernementales canadiennes. Sans négliger, bien
sûr, le volet constitutionnel des relations
fédérales-provinciales, le SAIC entend mettre davantage l'accent
sur le volet économique dans la perspective d'un renforcement du
Québec comme partenaire économique majeur de la
fédération canadienne.
Dans un contexte de libre-échange avec les États-Unis et
d'une volonté des gouvernements de travailler à la
réduction et, si possible, à l'élimination des
barrières commerciales interprovinciales, les aspects économiques
du fédéralisme canadien sont appelés à prendre plus
d'importance que jamais. C'est pourquoi ce virage dans les orientations du SAIC
s'impose et viendra compléter sa vocation en ce qui regarde les
relations fédérales-provinciales et les relations
interprovinciales.
L'année 1987-1988, M. le Président, en matière
intergouvernementale a été marquée par la consolidation
d'un certain nombre de dossiers majeurs sur lesquels le gouvernement s'est
penché en priorité depuis le début de son mandat. La
question constitutionnelle avec l'accord Meech-Langevin signé le 3 juin
1987, le Sommet de la francophonie tenu en septembre de la même
année, l'accord du libre-échange avec les États-Unis
signé le 1er janvier 1988, voilà autant de dossiers et de
réalisations qui démontrent fort bien que notre nouvelle approche
des relations, tant fédérales-provinciales qu'inter-provinciales,
a réellement porté fruit.
En effet, M. le Président, c'est dans un climat de collaboration
qu'évoluent les relations du Québec avec le gouvernement
fédéral et les autres provinces. Bien sûr, cette
collaboration ne signifie pas que toute divergence est exclue du paysage
intergouvernemental. Mais nous sommes en voie de prouver que c'est en
défendant nos intérêts de façon
déterminée, dans un esprit de collaboration et non en cherchant
strictement la confrontation que le Québec est en mesure de reprendre sa
place en tant que partenaire majeur de cette fédération.
Nos nombreux acquis depuis le début de notre mandat prouvent de
façon éloquente que notre approche apporte des dividendes
importants pour le Québec dans le cadre de notre option
fédéraliste. C'est dans ce contexte que le gouvernement a
annoncé qu'il confiait au SAIC des responsabilités additionnelles
lui permettant de renforcer cette dimension économique.
Le partage de la richesse nationale de la fédération, par
le biais des décisions économiques prises par le gouvernement
fédéral, constitue le fondement même du système
fédéral. Cela s'accentue par le fait que le développement
régional est maintenant enchâssé dans la constitution par
l'article 36 de la loi constitutionnelle de 1982. Le SAIC se voit attribuer des
respon-
sabilités spécifiques relatives à la défense
et à la promotion des intérêts du Québec en tant que
partenaire économique majeur de la fédération
canadienne.
Pour renforcer cette dimension économique, le SAIC
procédera à l'analyse de la politique économique du
gouvernement canadien, en fonction de son influence sur la croissance des
différentes régions. Pour ce faire, nous devons nous doter
d'outils permettant d'identifier ies interrelations des décisions
économiques du gouvernement fédéral et d'évaluer
leur impact quant au Québec par rapport aux autres provinces, aussi bien
en ce qui touche les arrangements fiscaux que le développement
régional. Nous arriverons ainsi, à l'aide d'analyses
menées par les principaux ministères économiques du
gouvernement du Québec, à dresser un tableau de bord des
principales interventions du gouvernement fédéral au
Québec en les comparant à celles qu'il effectue dans les autres
régions du pays.
Avec cette vue d'ensemble, nous arriverons à mieux situer la part
que retire le Québec des politiques économiques du gouvernement
fédéral et, de là, à améliorer nos
stratégies, afin de s'assurer que les politiques fédérales
à incidences économique et financière soient conformes aux
intérêts du Québec.
Dans le même ordre d'idées, le SAIC jouera un rôle
actif dans la coordination du dossier des barrières interprovinciales au
commerce. Dans un contexte de libre-échange avec les États-Unis,
il importe de trouver des solutions pour atténuer les barrières
qui font encore obstacle au commerce avec les autres provinces. Nous faisons
partie d'un marché commun canadien et la logique même d'une plus
grande ouverture avec le marché américain commande que nous
libéralisions d'abord nos échanges avec les provinces qui sont
nos plus importants partenaires économiques.
Il s'agit donc là d'un virage important dans le mandat du SAIC
qui permettra au Québec de mieux se positionner sur l'échiquier
économique canadien et de lui assurer, du même coup, de recevoir
sa juste part.
Enfin, M. le Président, l'objectif que nous visons, c'est de nous
doter des outils nécessaires pour faire les études qui nous
amènent à ce que le Québec reçoive la juste part
qui lui revient au sein de la Fédération canadienne.
Abordons maintenant très brièvement un certain nombre de
grands dossiers qui ont été consolidés au cours de
l'année écoulée. Tout d'abord, il faut mentionner le
dossier constitutionnel et plus spécifiquement l'accord historique qui a
été conclu au lac Meech le 30 avril dernier et signé
officiellement par tous les premiers ministres à Ottawa le 3 juin 1987.
Par cette entente, le Québec réintègre la famille
constitutionnelle canadienne à titre de partenaire majeur, après
avoir reçu satisfaction sur les cinq conditions qu'il avait
posées. Il s'agit d'un excellent accord non seulement pour le
Québec qui revient ainsi avec honneur dans le giron constitutionnel,
mais aussi pour l'ensemble du Canada qui en ressort grandi. il ne faut pas
croire que la réforme constitutionnelle se termine avec l'accord du lac
Meech. Bien au contraire, ce n'est que le début. À partir de cet
accord qui établit aussi les fondements d'un véritable
fédéralisme coopératif, nous pourrons entreprendre
dès l'automne prochain une deuxième ronde de discussions pour
réformer nos institutions et le partage des responsabilités entre
le gouvernement fédéral et les provinces.
L'accord du lac Meech est l'acte constitutionnel le plus important pour
le Québec depuis l'Acte de 1867 où le Québec a
accepté de faire partie de la constitution canadienne.
Après plus d'un an d'études, tant par des commissions
parlementaires au fédéral et au provincial que par des colloques
et conférences partout au pays, nous savons maintenant que cette entente
ne contient aucune erreur de fond. Il n'est donc pas question, pour nous, d'en
permettre la réouverture et d'en rediscuter le contenu. Les principales
critiques formulées à rencontre de l'entente du lac Meech sont
d'ailleurs sans fondement. En ce qui regarde les droits des femmes, même
M. Trudeau avoue qu'il ne voit pas là de problème. Mais nous
aurons l'occasion probablement de revenir sur ces différents aspects un
peu plus tard lors de cette séance de travail.
Quant à la charte, non seulement l'entente du lac Meech n'en
limite pas la portée mais encore est-elle un instrument de
première importance pour l'interpréter. En ce sens, le principe
de la dualité et celui de la société distincte contenus
dans l'entente du lac Meech constituent le fondement des droits des
minorités, lesquels servent d'assise à l'interprétation de
la charte.
Un autre dossier majeur impliquant le gouvernement du Québec et
celui d'Ottawa a connu un aboutissement positif au cours de cette année.
Il s'agit du Sommet de la francophonie. La tenue de ce sommet, dans des
conditions exceptionnelles de coopération entre Québec et Ottawa,
a démontré hors de tout doute que l'ère des affrontements
stériles Québec-Ottawa sur la question des relations
internationales était chose du passé. Le rôle de premier
plan qu'a joué le gouvernement du Québec dans la tenue de cet
événement et la coordination impeccable entre les deux
gouvernements hôtes prouvent qu'il est dorénavant possible pour le
Québec de jouer pleinement son rôle sur la scène
internationale en parfaite harmonie avec le gouvernement
fédéral.
L'accord de libre-échange avec les États-Unis constitue un
autre dossier majeur qui démontre fort bien le nouvel esprit qui anime
les relations fédérales-provinciales. Le Québec, comme les
autres provinces, a été étroitement associé
à ce dossier. C'est grâce à ce processus
d'étroite collaboration dans le déroulement des
négociations que le Québec a réussi à faire
accepter ses points de vue. La période de mise en oeuvre qui s'annonce
maintenant sera l'occasion d'intensifier nos mécanismes de collaboration
et ainsi de s'assurer que l'application du traité s'effectuera dans les
meilleurs intérêts du Québec.
M. le Président, je veux aussi souligner que pour l'actuel
gouvernement, le volet interprovincial constitue un aspect majeur de ses
relations intergouvernementales. Nous croyons à l'importance
d'entretenir des relations soutenues avec nos partenaires canadiens, avec les
autres provinces. C'est dans cet esprit qu'oeuvrent nos quatre bureaux au
Ccnada. Le gouvernement du Québec a mis en yiace une nouvelle diplomatie
plus ouverte sur l'ensemble des provinces canadiennes. Cette nouvelle
orientation a permis une meilleure compréhension mutuelle entre le
Québec et ses partenaires, une compréhension qui a
été déterminante dans l'aboutissement de plusieurs
dossiers dont, au premier chef, celui des négociations
constitutionnelles. Nos relations avec les autres provinces ont
été très actives cette année. De nombreuses
rencontres avec les autres provinces se sont tenues, tant au niveau des
premiers ministres que des ministres. De plus, nous avons ravivé notre
accord-cadre de coopération avec l'Ontario en augmentant
substantiellement le niveau des activités et certaines ententes
sectorielles ont été conclues avec des provinces de l'Ouest et de
l'Atlantique. Nous avons donc fait des efforts particuliers cette année
pour renforcer nos relations bilatérales avec chacune des provinces.
Nous avons aussi resserré nos liens avec les francophones hors
Québec et avec les associations qui les représentent. J'ai
récemment fait part aux représentants des francophones hors
Québec de notre intention de réorienter notre action à
l'endroit des communautés francophones. Cette politique fait l'objet
présentement de consultations avec les associations concernées et
avec les autorités gouvernementales des autres provinces. Mais d'ores et
déjà on peut préciser que notre action sera basée
sur le respect des priorités des francophones et sur la concertation
avec les provinces concernées et avec le gouvernement
fédéral. Nous voulons que notre action soit le plus efficace
possible et, c'est par la concertation que nous allons pouvoir atteindre cet
objectif.
Nos efforts de coopération avec les francophones hors
Québec seront intensifiés en particulier dans les domaines tels
que l'éducation, la culture, les communications et la coopération
économique et une attention toute particulière sera
accordée aux jeunes par la mise en place de programmes
d'échanges. Nous privilégions trois moyens pour renforcer cette
coopération avec les francophones: des programmes d'aide destinés
à soutenir directement les communautés francophones, des accords
de coopération avec les provinces concernées, un lien direct avec
les associations francophones. Le gouvernement a déjà
annoncé que le budget destiné à soutenir la
coopération avec les francophones sera substantiellement
augmenté, passant de 1 000 000 $ à plus de 2 000 000 $ cette
année et à 2 500 000 $ en 1989-1990.
Au-delà des grands dossiers élaborés plus haut, M.
le Président, l'activité intergouvernementale du Québec
s'est poursuivie sur un nombre considérable de dossiers dans la plupart
des domaines de l'activité publique. Quelques données permettent
d'illustrer la vigueur des activités au cours de la dernière
année. Mentionnons qu'il s'est tenu sept conférences de premiers
ministres et 43 conférences de ministres, sans compter de nombreuses
réunions de sous-ministres et hauts fonctionnaires. À cela, il
faut ajouter un nombre considérable de rencontres bilatérales de
tout niveau. Il ne s'agit là que de l'aspect visible, institutionnel,
des relations intergouvernementales.
Mais la négociation et la gestion des dossiers
fédéraux-provinciaux est une affaire de tous les jours. C'est
cette continuité de travail régulier et intense qui permet de
faire évoluer les dossiers dans le sens des intérêts
fondamentaux du Québec.
Dans cette perspective, il m'apparaît intéressant, M. le
Président, de faire un rapide survol de certains dossiers qui ont connu
des développements importants au cours des douze derniers mois.
Au chapitre économique, le dossier du développement
économique régional connaît, ces derniers temps, une
évolution importante. Depuis les derniers mois, le gouvernement
fédéral est à définir son approche en
matière de développement régional. C'est dans cette
perspective qu'il a mis en place l'Agence de l'Atlantique et l'Office de
diversification pour l'Ouest et qu'il a créé le nouveau
ministère de l'Industrie, de la Science et de la Technologie. Le
gouvernement du Québec n'est pas intéressé à la
création d'une agence pour le territoire québécois. L'aide
du gouvernement fédéral doit être orientée davantage
en fonction d'une étroite collaboration et concertation avec le
Québec en respectant nos priorités. Depuis le début de
l'année, nous avons des discussions suivies avec le gouvernement
fédéral afin d'en venir à une entente sur la question du
développement régional. Dans cette négociation, le
principe de base du Québec est de protéger sa marge de manoeuvre
dans les secteurs qui relèvent de sa juridiction. Il faut assurer une
meilleure harmonisation des actions des deux gouvernements dans les domaines de
juridiction partagée.
Au chapitre des ressources naturelles, nous avons signé avec
Ottawa deux ententes importantes. Premièrement, l'entente concernant la
prospection minière touchant surtout le
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie et, ensuite, l'entente sur le
développement forestier de la Côte-Nord.
Ces ententes garantissent l'exercice exclusif des compétences du
Québec sur ces deux aspects importants du secteur des ressources
naturelles.
Plusieurs autres dossiers de nature économique et
financière ont été très actifs au cours de la
dernière année. Le gouvernement fédéral,
après consultation avec les provinces, a mis en place la première
phase de sa réforme fiscale. Le Québec fera connaître
certaines mesures d'harmonisation lors de son prochain budget. Le Québec
portera une attention spéciale à la deuxième phase de !a
réforme fédérale touchant les taxes a la consommation.
Nous désirons nous assurer que les modifications qui seront
apportées maintiendront notre marge de manoeuvre dans ce champ de
taxation.
Le gouvernement fédéral a aussi mis de l'avant certaines
propositions concernant la réforme des institutions financières.
Sur ce point, le Québec est ferme et il entend assumer pleinement ses
responsabilités sur la réglementation dans le domaine des
institutions financières qui relèvent de sa juridiction.
L'activité intergouvernementale a aussi été
très intense dans le domaine social. Plusieurs dossiers ont
évolué de façon intéressante pour le Québec.
Ainsi, au niveau des programmes d'emploi, en plus de l'importante entente
conclue au début de l'année dernière sur la formation
professionnelle des adultes, le Québec vient de s'entendre avec le
gouvernement fédéral sur la question de l'intégration des
bénéficiaires de l'aide sociale au marché du travail. Avec
cette entente, nous recevrons une contribution fédérale
importante afin de permettre aux personnes qui reçoivent l'aide sociale
de participer à des programmes de stages et de formation afin qu'elles
puissent réintégrer le marché du travail.
Il y a aussi l'importante question des services de garde à
l'en?ance. À Sa suite de l'annonce faite par le gouvernement
fédéral d'une stratégie nationale visant à soutenir
et à développer le réseau canadien de garderies, des
négociations intenses se sont amorcées entre les provinces et le
gouvernement fédéral afin d'en arriver à la mise en place
d'un programme conjoint. Le Québec tient à s'assurer qu'il
conservera toute son autonomie dans ce secteur qui relève de sa
compétence exclusive. C'est sur cette base que nous pensons en venir
à une entente prochainement.
L'immigration a également été un sujet de
discussions intenses au cours de cette année. L'actualité des
dernières semaines a remis en lumière la question des
revendicateurs du statut de réfugié. Le Québec maintient
ses pressions pour que le gouvernement fédéral exerce ses
responsabilités dans ce champ de juridiction. Il demeure toutefois
prêt à collaborer dans la mesure de ses compétences. (9 h
30)
On sait que les dossiers à caractère
fédéral-provincial et interprovincial sont nombreux et
variés et qu'ils ponctuent quotidiennement la démarche de notre
processus politique. Il n'est pas facile d'en faire un bilan exhaustif dans le
cadre d'un exercice comme celui-ci, M. le Président. Il sera cependant
possible d'aborder d'autres points à l'occasion de questions
précises ou de revenir sur certains points présentés plus
haut.
En conclusion, M. le Président, nous pouvons dire dans l'ensemble
que la dernière année nous confirme un bilan positif de nos
relations fédérales-provinciales. Sur le plan constitutionnel
comme sur les questions économiques et sociales, le Québec a su
marquer des points très importants. Mais il ne faut pas s'imaginer que
ces gains ont été réalisés sans efforts. C'est le
propre de la dynamique fédérale-provinciale de fonctionner sur un
rapport de force basé sur le principe de poids et contrepoids. C'est ce
qui fait la force et l'intérêt du fédéralisme.
Notre responsabilité est de faire en sorte que le Québec
reçoive sa juste part d'Ottawa. Si, dans l'ensemble, le bilan est
positif, il faut dire que certains dossiers nous ont aussi fortement
déçus. Ce fut le cas des frégates, par exemple, dont le
contrat de construction a été octroyé au
Nouveau-Brunswick. C'est une situation inacceptable qui doit être
réparée par l'octroi d'autres contrats.
Mon collègue de l'Industrie et du Commerce mène ce dossier
avec toute l'énergie nécessaire. Mon collègue du Commerce
extérieur et du Développement technologique a aussi
soulevé, lors de la défense des crédits de son
ministère, que le Québec ne recevait pas sa juste part des
dépenses fédérales en matière de recherche. Lors de
ma dernière rencontre avec M. de Cotret, j'ai eu l'occasion d'aborder ce
sujet étroitement relié à celui de l'agence spatiale.
M. le Président, il ne faut pas perdre de vue que la
négociation de dossiers fédéraux-provinciaux implique un
processus complexe qui doit tenir compte d'un grand nombre de variables et qui,
comme toute négociation, vise à concilier les
intérêts qui peuvent différer sur certains points. Il
apparaît jusqu'à un certain point normal que plusieurs dossiers
prennent du temps à connaître un règlement. Mais les
dossiers qui sont en jeu ont des conséquences considérables et,
pour faire en sorte que les principes et les positions du Québec soient
respectés, il vaut la peine d'y mettre le temps nécessaire.
Cependant, M. le Président, il est de notre devoir de faire en sorte que
le Québec reçoive sa juste part de son appartenance à la
Fédération canadienne. Notre bilan est positif mais notre action
demande une vigilance de tous les instants et c'est ce que nous faisons pour
faire valoir les droits du Québec.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant donner la parole à M. le député de
Lac-Saint-Jean, porte-parole de
^'Opposition officielle en matière d'affaires
intergouvernementales canadiennes.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, M. le Président. Le domaine des
relations fédérales-provinciales a connu, au cours de la
dernière année, bien des péripéties, même des
rebondissements et même des virages majeurs. Je commencerai, parce que je
me suis rendu compte que, dans son bilan, le ministre a une mémoire
étonnamment sélective... Mes remarques vont en quelque sorte
compléter le sien parce qu'il y a quelques oublis dans son bilan.
Je vais commencer par un élément qu'a complètement
oublié le ministre: il s'agit du voyage désastreux de M. Bourassa
et de lui-même dans l'Ouest canadien où le premier ministre du
Québec s'est vu qualifié, par les Fransaskois en particulier, de
traître à la cause des francophones hors Québec pour son
appui, pour le moins surprenant, au projet de loi Devine et où les
Franco-albertains ont refusé carrément de rencontrer M. Bourassa.
Le projet de loi Devine, comme on le sait, abolit les droits historiques des
Fransaskois reconnus pourtant par un jugement de la Cour suprême. Et, de
façon surprenante, également hier, je vous rappellerais que les
libéraux ont refusé d'appuyer une motion présentée
par l'Opposition afin, à tout le moins, de se solidariser, de
sympathiser avec les francophones de la Saskatchewan.
Ce qu'il est important de signaler, dans ce voyage, c'est que l'on s'est
rendu compte que le premier ministre du Québec a renoncé - et
cela c'est grave - aux responsabilités morales du Québec à
l'égard des francophones hors Québec. Il se plaçait ainsi
à contre-courant de l'histoire et il allait également à
rencontre d'une tradition très longue d'appui, de soutien de la part du
Québec, de la part du premier ministre du Québec, du gouvernement
du Québec aux communautés francophones hors Québec. En
appuyant le projet de loi Devine qui abolit les droits historiques des
Fransaskois, M. Bourassa allait à contre-courant de l'histoire.
Au-delà de la théorie de la non-ingérence, je pense
qu'il est important de signaler que, quel que soit le gouvernement en place au
Québec, il a toujours accordé un appui moral, sans
équivoque, sans réserve, du Québec à la
défense et à la promotion des droits des francophones hors
Québec. Je parle d'appui moral, cela va donc au-delà de l'aide
financière que leur apporte le Québec depuis 1963, aide
financière qui va doubler, comme le signale le ministre, et j'en suis
fort aise. Mais ce n'est pas tout de soutenir financièrement les
communautés francophones hors Québec, il faut aussi que, sur le
plan politique, sur le plan moral, les communautés francophones se
sentent soutenues, appuyées sans la moindre éauivoque, sans la
moindre réserve par le seul Etat majoritairement francophone en
Amérique: il en a toujours été ainsi.
Malheureusement - tout à l'heure, je parlais de virage dans le
domaine des relations fédérales-provinciales, c'en est un - on a
assisté, lors du voyage dans l'Ouest, à un virage et à un
abandon d'une longue tradition d'appui aux communautés francophones et
à leur lutte incessante pour conserver leurs droits. La théorie
de la non-ingérence et de la non-indifférence invoquée par
M. Bourassa et M. le ministre, qui était également la position de
la France à l'égard du Québec, on peut peut-être la
comprendre pour ce qui est de l'ingérence ou du respect des juridictions
des provinces, mais il est absolument incompréhensible que la
non-indifférence soit traduite, se soit exprimée non pas par un
appui soutenu au combat des francophones, mais par un appui à la loi
Devine. C'est tout à fait incompréhensible, surprenant,
étonnant et inacceptable que la non-indifférence ait pris cette
forme, se soit exprimée de cette façon.
En d'autres termes, M. Bourassa aurait peut-être pu invoquer la
non-ingérence pour ne pas porter un jugement sur la loi Devine, mais sa
non-indifférence aurait pu, à tout le moins, s'exprimer par un
appui aux communautés francophones et à leur combat. Cet appui
concret, sans équivoque, du Québec aux communautés
francophones hors Québec et en particulier à celle de la
Saskatchewan est d'autant plus requis que l'on vient de prendre connaissance
tout récemment de statistiques pour le moins inquiétantes sur
l'assimilation des francophones hors Québec. Ces statistiques nous
démontrent la progression effarante de l'assimilation des francophones.
Pour la première fois, les francophones représentent moins de 25
% de la population canadienne, soit 23,2 %. En Alberta, le nombre de
francophones ayant le français comme langue d'usage à la maison
est tombé de 25 000, en 1981, à 17 640, en 1986. Au Manitoba, le
nombre de francophones a chuté de 28 800, en 1981, à 23 840, en
1986. En Saskatchewan, seulement 9000 des 23 000 Fransaskois ont indiqué
qu'ils utilisaient le français à la maison.
Par conséquent, devant ces statistiques, on se rend compte qu'il
est d'autant plus urgent que, non seulement le soutien financier soit accru,
mais que de la part du Québec, la défense vigoureuse des droits
fondamentaux des communautés francophones soit solidement
affirmée, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Ce qui n'a pas
été le cas, en tout cas, lors du voyage désastreux dans
l'Ouest, du "flop" du voyage de M. Bourassa dans l'Ouest. Face à ces
statistiques inquiétantes concernant les francophones hors
Québec, il y a en plus le fait que le Québec, évidemment,
est confronté au défi majeur de la survie de son identité
comme société francophone dans un contexte de déclin
démographique.
Je vous signale que le premier ministre, M. Bourassa lui-même,
avait indiqué que le défi majeur du Québec, au cours des
prochaines années, est d'ordre démographique. Le
Québec,
dans ce contexte de déclin démographique, doit donc se
doter d'une politique familiale cohérente, articulée, et cela
doit dépasser l'énoncé de voeux pieux qu'on connaît
présentement, il doit se doter également d'une politique solide
d'intégration des immigrants à la culture francophone. Cette
intégration ne doit pas être uniquement scolaire. Je le dis et je
le répète, je l'ai également déjà dit
récemment, il doit songer aussi à mettre en oeuvre des mesures
facilitant l'établissement de francophones hors Québec qui
désirent revenir s'établir au Québec. Ce sont là,
pour la plupart, des Québécois de souche, des frères.
Donc, cela ne pose à peu près pas de problème
d'intégration, comme c'est le cas pour des immigrants venant de divers
pays du monde.
Je signale aussi, en passant, que ce n'est absolument pas incompatible
avec une politique d'aide et de soutien des communautés francophones. Il
n'y a pas d'incompatibilité entre les deux. On peut poursuivre,
appliquer une politique vigoureuse de soutien moral, politique et financier des
communautés francophones hors Québec. Cette politique de soutien
des communautés peut être associée à une
série de mesures facilitant et permettant l'établissement au
Québec de francophones hors Québec qui souhaitent revenir
s'établir au Québec. Cette politique que j'ai déjà
proposée pourrait comporter un certain nombre de mesures. Par exemple,
l'accès au régime des prêts-bourses pour les jeunes
francophones hors Québec qui veulent poursuivre leurs études au
Québec. On pourrait permettre l'accès au Crédit agricole
des francophones producteurs agricoles, ailleurs au Canada, qui souhaiteraient
revenir au Québec et continuer d'y exercer leur métier. Cela
pourrait également comporter des déductions fiscales
reliées aux frais d'établissement. Un certain nombre de mesures
pourraient être envisagées pour faciliter, pour permettre aux
francophones hors Québec qui le désirent, qui le veulent - je ne
parle pas évidemment de les forcer - de revenir s'établir au
Québec. Encore une fois, les deux vont de pair. On peut fort bien
concevoir une politique vigoureuse de soutien des communautés
francophones, c'est-à-dire poursuivre l'aide aux francophones hors
Québec qui veulent continuer de vivre en dehors du Québec une vie
francophone, continuer de les soutenir et de les appuyer. Mais cette politique
pourrait fort bien également s'accompagner d'une politique du retour au
Québec.
Je ne pense pas que ces deux volets d'une politique concernant les
francophones hors Québec soient inconcevables, et je dis, quel que soit
le régime politique. C'est une politique qui est concevable à
l'intérieur du régime fédéral comme elle est
concevable dans d'autres formes de statut politique.
Deuxième sujet, l'accord du lac Meech dont a parlé
abondamment le ministre. Il est arrivé, à ce sujet, plusieurs
faits nouveaux qui ont relancé la controverse sur la portée
véritable de cet accord et de son contenu, en particulier au chapitre
des droits des minorités et du concept de société
distincte. Ces événements, je les reprendrai l'un après
l'autre. D'abord, il y a ce qui s'est passé en Saskatchewan, avec la loi
Devine, qui, à toutes fins utiles, abolit des droits qui avaient
pourtant été reconnus par la Cour suprême. Curieusement,
cette loi Devine abolissant les droits des francophones de la Saskatchewan a
été présentée par un des signataires de l'accord du
lac Meech, M. Devine. Cela s'est fait dans une province dont le Parlement a
déjà ratifié l'accord du lac Meech. (9 h 45)
C'est tout à fait étonnant et la question qui se pose
évidemment en relation avec le compromis du lac Meech est: Quelle est la
portée, dans ces conditions, dans ces circonstances, du concept de
dualité linguistique qui est reconnu dans l'accord du lac Meech comme
étant la caractéristique fondamentale du Canada? On peut se poser
la question. Enfin, il y en a plusieurs qui se la posent. En regard de la
protection des droits fondamentaux des communautés francophones hors
Québec. Plusieurs se disent, plusieurs s'interrogent sur la
portée véritable du concept de dualité linguistique dans
ces circonstances.
Deuxième élément nouveau et j'en parlais hier en
Chambre en interrogeant le ministre responsable de l'application de la charte
du français. L'avis du Conseil de la langue française sur le
projet de loi C-72, projet de loi sur les langues officielles à Ottawa,
est très clair et en même temps très inquiétant
parce que, dans cet avis, le conseil estime avec justesse qu'Ottawa est en
train, par le biais de C-72, de se donner des outils nouveaux pour
élargir sa capacité d'intervention en matière linguistique
et devenir un acteur majeur sur le plan linguistique au Québec, au
Canada mais au Québec aussi et cela, au-delà de ses champs de
compétence - c'est cela qui est inquiétant - au-delà de
ses champs de juridiction, en faisant la promotion du bilinguisme. Au
Québec, forcément, la promotion du bilinguisme prend la forme de
la promotion de l'anglais, en plus, en s'ingérant dans des domaines de
compétence provinciale par le bais, en particulier, du pouvoir
fédéral de dépenser qui est reconnu, encore une fois, dans
l'accord du lac Meech.
L'avis du Conseil de la langue française est très clair.
Il y a là des objectifs inconciliables entre la loi C-72 et la Charte de
la langue française. Il parle même de collision des objectifs. Les
objectifs sont incompatibles. Les objectifs poursuivis par la Charte de la
langue française et ceux poursuivis par le projet de loi C-72 sont
incompatibles, selon l'avis même du conseil. La question, en regard du
lac Meech, le conseil la soulève également. Il se demande, dans
ces conditions, ce que devient le concept de société distincte.
La conclusion à laquelle on serait tentés d'arriver est de dire
que le concept de dualité linguistique prime le concept de
société distincte dans l'accord du iac Meech. Il y a
primauté de la dualité linguistique quand on regarde C-72 comme
il faut. Il y a primauté de la dualité linguistique sur le
concept de société distincte.
D'ailleurs, c'est une question qu'on avait soulevée à
plusieurs reprises en commission parlementaire sur la question
constitutionnelle. On avait soulevé plusieurs fois cette question en
disant: Lorsqu'il y aura conflit entre la caractéristique fondamentale
du Canada qui est la dualité linguistique et le concept de
société distincte au Québec, lorsqu'il y aura conflit,
qu'est-ce qui va primer? l'emporter? Le concept de dualité ou le concept
de société distincte? On avait posé la question et on
l'avait même posée de façon concrète ei regard du
dossier linguistique. Je m'en souviens très bien. Là, on y
arrive. On a un cas concret, très concret où le projet de loi
C-72 s'appuie sur le concept de dualité linguistique et de promotion du
bilinguisme. Dans ces conditions, souligne le Conseil de la langue
française, le concept de société distincte devient sans
portée, nul et non avenu.
Dans un tel contexte, M. le Président, il nous apparaît
opportun de clarifier les choses. Le gouvernement du Québec peut le
faire en se servant de l'article 1 de la Loi sur les renvois à la Cour
d'appel afin de demander à celle-ci de se prononcer, par un avis, sur la
portée véritable du concept de société distincte
mis de l'avant par l'accord du lac Meech. Le gouvernement doit demander
à la Cour d'appel si le concept de société distincte
permettrait au Québec, parce que je pense qu'il faut lui demander un
avis sur un cas concret, il ne s'agit pas de lui demander un avis
général, il faut lui demander un avis sur un cas concret. Il y en
a un cas concret, il s'agit de lui demander si le concept de
société distincte permettrait au Québec de maintenir
l'article 58 de la Loi 101 sur l'affichage unilin-gue français
même si cet article pourrait être déclaré
inconstitutionnel par la Cour suprême, eu égard aux dispositions
de la charte canadienne des droits.
Malgré cela, est-ce que l'article 58 peut continuer de
s'appliquer au Québec en s'appuyant sur le concept de
société distincte? Cela m'ap-paraîtrait être une
question drôlement intéressante qui permettra, en tout cas, aux
Québécois de savoir quelle est la portée du concept de
société distincte qui, soit dit en passant, rappelons-le, n'est
qu'une règle d'interprétation. Et cela permettrait de savoir qui
a raison. Certains intervenants disent que ce concept de société
distincte n'a pas de portée, pas de conséquences, que cela ne
veut rien dire. D'autres prétendent que cela va bouleverser les
relations fédérales-provinciales, changer des choses. Une bonne
façon de le savoir, c'est de demander à la Cour d'appel de se
prononcer sur l'article 58 à la lumière du concept de
société distincte.
Que le ministre ne vienne pas prétendre qu'une telle demande
à la Cour d'appel n'est pas possible ou tenter de ridiculiser cette
possibilité ou cette hypothèse comme le premier ministre a
essayé de le faire au début. M. David, du journal Le Soleil, a
pris la peine de consulter toute une série d'experts constitutionnels et
la majorité des experts constitutionnalistes consultés
reconnaissent que c'est là une chose possible et faisable. Nous mettons
au défi le gouvernement d'avoir le courage et la volonté de
mettre fin à l'équivoque sur la portée réelle du
concept de société distincte qu'on retrouve dans l'accord du lac
Meech, et de faire une demande en vertu de l'article 1 de la Loi sur les
renvois à la Cour d'appel, de faire une demande à la Cour d'appel
sur une question bien précise... Nous pensons que cette question
précise doit porter sur l'article 58 sur l'affichage commercial de la
Charte de la langue française.
Mais toujours au chapitre de l'accord du lac Meech, à la
lumière de l'appui pour le moins troublant du premier ministre Bourassa
au projet Devine, nous nous interrogeons beaucoup à savoir
jusqu'où le Québec est prêt à aller pour ne pas
compromettre le processus de ratification de l'accord du Lac Meech et pour
maintenir un climat de relations harmonieuses avec le gouvernement Mulroney
à la veille d'élections fédérales imminentes, alors
que M. Bourassa, visiblement, ne veut pas indisposer son bon ami Brian? Ces
deux objectifs conditionnent largement la stratégie du gouvernement en
matière de relations fédérales-provinciales, et là
je vais compléter rapidement le bilan, pour le moins incomplet,
tronqué, que vient de faire le ministre en matière de relations
fédérales-provinciales parce que cette stratégie implique
un prix à payer considérable pour les intérêts du
Québec. Le bilan du gouvernement en matière de relations
fédérales-provinciales est, quant à nous, un
véritable fiasco.
Je rappelle l'abandon presque pratique du projet de centre bancaire
international à Montréal. C'est devenu quelque chose, tout
simplement, de symbolique. Cela a été abandonné à
la suite des pressions efficaces des milieux financiers torontois.
Je rappelle le contrat des frégates accordé au
Nouveau-Brunswick. Curieusement, le ministre n'en a pas parlé. C'est
pourtant un contrat de 3 500 000 000 $.
M. Rémillard: J'en ai parlé.
M. Brassard: Oui, bon. Alors, on l'a perdu.
Les citoyens québécois apprenaient qu'on a perdu un
contrat majeur de construction de six frégates au profit du
Nouveau-Brunswick, 3 500 000 000 $. Cela doit paraître au bilan
désastreux du gouvernement en matière de relations
fédérales-provinciales. D'ailleurs, il semble bien que cette
décision représentait une partie du prix à payer pour
l'adhésion du nouveau gouvernement du Nouveau-Brunswick à
l'accord du lac Meech.
M. Rémillard: M. le Président, est-ce que, ce
matin, on a des nouvelle à m'annoncer concernant l'adhésion du
Nouveau-Brunswick à l'accord du lac Meech?
M. Brassard: Non.
M. Rémillard:... me parler, je serais très
heureux...
Le Président (M. Kehoe): M. le ministre, après
qu'il aura terminé son intervention, vous pourrez peut-être poser
des questions.
M. Rémillard: Cet aspect était tellement important,
j'avais l'impression que...
M. Brassard: Je n'ai pas de nouvelles, sauf que le gouvernement
du Nouveau-Brunswick est toujours réticent...
M. Rémillard: Ah bon!
M. Brassard: il fait toujours partie des résistants
à la ratification de l'accord du lac Meech. De façon un peu
bizarre, M. McKenna est devenu, en quelque sorte, le défenseur des
francophones hors Québec sur le plan constitutionnel. C'est un peu
curieux comme situation.
La zone des 200 milles pour les pêcheurs québécois,
c'est une question majeure aussi. C'est un échec du gouvernement actuel
en cette matière. Ottawa a refusé net l'accès à la
zone de pêche des 200 milles aux pêcheurs québécois
en réservant l'exclusivité de l'accès à cette zone
aux pêcheurs de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse. Cela va se traduire
par des pertes d'emplois. Déjà, cela se traduit par des pertes
d'emplois. Purdel a dû récemment mettre à pied 250 de ses
employés à son usine de transformation de poisson de
Rivière-au-Renard en raison des difficultés d'approvisionnement
en poissons de fond. Donc, c'est parce que le fédéral a
refusé l'accès à la zone des 200 milles aux pêcheurs
québécois.
La dépollution des eaux. On attend toujours les 200 000 000 $ du
fédéral pour participer au financement de la dépollution
du Saint-Laurent, alors que le gouvernement fédéral participe
largement à la dépollution des Grands-Lacs, donc soutient
largement l'Ontario à ce sujet.
Les immigrants investisseurs, le ministre en a parlé
tantôt. Les garanties sont de nouveau autorisées, mais le capital
requis pour un immigrant investisseur qui désire se prévaloir des
garanties bancaires est maintenant porté à 500 000 $, alors que
c'était 250 000 $ auparavant. Il y a donc un nombre difficile à
évaluer d'immigrants investisseurs qui ne pourront pas avoir recours
à ces garanties bancaires.
L'agence spatiale. En annonçant, la semaine dernière, sa
participation au projet de station orbitale américaine au coût de
1 115 000 000 $,
Ottawa a confié, comme on le sait, la maîtrise d'oeuvre du
projet à la firme Spar Aerospace de Toronto, comme c'était
prévisible et prévu et, la gestion du projet, au Conseil national
de recherche d'Ottawa qui procède actuellement, comme on le sait,
à l'embauche de 160 chercheurs qui seront basés à Ottawa
et qui vont oeuvrer à ce projet qui constitue le noyau de la future
agence spatiale. De plus, on nous annonçait également que la part
du Québec pour ces contrats reliés au projet de station orbitale
a été plafonnée à 35 %. Pourtant, le ministre du
Commerce extérieur, parlant sans doute au nom du gouvernement, affirmait
que ce plafond de 35 % était inadmissible, inacceptable, compte tenu de
la concentration au Québec des activités de recherche et de
développement dans le secteur aérospatial, tout près de 80
%. Il n'y a aucune réaction officielle du gouvernement à cette
décision. Hier, le ministre a répondu que les 35 % étaient
une limite, un seuil qui pouvait être franchi. J'ai l'impression qu'on
est en face de ce qu'on pourrait appeler un véritable
phénomène de pensée magique. Il a bien beau dire que cela
sera dépassé, si le gouvernement fédéral a
décidé que c'est 35 % pour le Québec, ce sera 35 %, c'est
lui qui accorde les contrats. C'est là, je pense, le prix à payer
pour l'actuelle stratégie du gouvernement du Québec en
matière de relations fédérales-provinciales.
C'est la même chose pour la recherche et le développement.
On sait l'état catastrophique de ce dossier: une baisse effarante, une
chute de plus d'une moitié, en 1985-1986. Jusqu'à maintenant, la
part du Québec est passée de 20, 6 % à 10 % du total
canadien des contrats fédéraux de recherche accordés au
Québec. C'est insatisfaisant et on attend toujours les résultats
de la fameuse stratégie intégrée mise de l'avant par le
ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes qui nous
annonçait, il y a maintenant plus d'un an, que cette stratégie
allait donner des fruits et des résultats étonnants; ce n'est pas
encore le cas. (10 heures)
En matière agricole, je signale simplement que le manque à
gagner est de 400 000 000 $ par année pour le Québec; le
Québec qui représente 15, 5 % de la production agricole
canadienne ne recueille que 7, 7 % des budgets consacrés par Ottawa
à l'agriculture. Le ministre de l'Agriculture, M. Pagé, a
d'ailleurs déchiré sur ce dossier au moins tout un tiroir complet
de chemises, mais sans résultat. On est perdants de façon
catastrophique sur le plan agricole.
Stratégie nationale sur les garderies. On attend toujours la
position du gouvernement du Québec sur ce sujet. Nous affirmons que
c'est là l'occasion rêvée pour tester les dispositions de
l'accord du lac Meech sur l'"opting out", le retrait des programmes.
Voilà un domaine de juridiction provinciale: les garderies. Voilà
que le gouvernement fédéral s'y ingère. Il élabore
un programme national, une stratégie nationale.
Nous pensons que le gouvernement québécois, qui a
déjà une politique en matière de garde, des institutions,
un office, un réseau de garderies qui est à compléter bien
sûr, mais beaucoup de choses ont été faites dans ce
domaine, devrait exercer son droit de retrait dans ce domaine-là et
exiger une compensation financière. On me dira: L'accord du lac Meech
n'est pas ratifié, ne s'applique pas. Je sais que ça ne
s'applique pas, mais c'est un bon moyen de le tester, n'est-ce pas?
Je vois que le ministre me signale que j'ai dépassé le
temps prévu. J'ai parlé plus longtemps que lui, pour une
fois.
Une voix: C'est rare.
M. Brassard: C'est très rare, en effet. Je conclus, M. le
Président, parce qu'on reparlera tantôt également, au cours
de ces heures de discussion, du secteur du développement régional
parce qu'il est important de savoir où on en est à ce
sujet-là.
La conclusion, c'est qu'à mon sens, c'est un fiasco dans le
domaine des relations fédérales-provinciales. Ce fiasco
s'explique, bien sûr, je l'ai toujours dit et signalé, par la
nature même du fédéralisme canadien dont la dynamique a
toujours été centralisatrice mais, d'abord et avant tout, par la
stratégie du gouvernement Bourassa à l'égard d'Ottawa.
Cette stratégie est désastreuse pour les intérêts du
Québec. Elle repose sur deux objectifs: maintien à tout prix des
relations cordiales et harmonieuses avec le gouvernement fédéral,
donc un climat de bonne entente à tout prix et, deuxième objectif
qui n'est pas négligeable non plus, assurer la ratification, à
tout prix également, de l'accord du lac Meech.
Ces objectifs priment tout pendant qu'Ottawa multiplie des
décisions néfastes à l'endroit du Québec et qu'il
s'apprête à s'ingérer dans des champs de compétence
du Québec: la langue, le développement régional et les
garderies. Ces empiétements sont tolérés au prix de la
réintégration du Québec dans le giron constitutionnel
canadien.
En raison des résultats désastreux de cette
stratégie, je me dois de dire au gouvernement qu'il est absolument
impérieux qu'il adopte une nouvelle stratégie plus combative et
plus énergique face à Ottawa. Si cette stratégie fait en
sorte que l'accord du lac Meech n'est pas ratifié, quant a moi, je pense
que ce ne serait pas une tragédie parce que je considère toujours
que c'est un mauvais accord qui ne répare en rien le coup de force
constitutionnel de 1982. Une stratégie vigoureuse permettrait de faire
des gains auprès du gouvernement fédéral. J'ai
déjà paraphrasé Mackenzie King au sujet de la
conscription, pas nécessairement la confrontation, mais la confrontation
si nécessaire, dans l'intérêt du Québec. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Filion): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean, porte-parole de l'Opposition officielle
en matière intergouvernementale canadienne.
Donc, sans plus tarder, j'appelle le programme 4 du Conseil
exécutif...
M. Rémillard: M. le Président, j'ai voulu, dans mes
présentations, être très court, comme vous me l'avez
demandé. Oui, je vais être très court pour pouvoir
répondre à un maximum de questions. Le député de
Lac-Saint-Jean a été très long. Il m'a fait beaucoup de
commentaires et j'aimerais pouvoir répondre à ses commentaires...
J'ai parlé de certaines choses dans mon discours et pendant que je
parlais, le député de Lac-Saint-Jean préparait son
discours. Je le regardais. Il a répété certaines choses
qui vont à rencontre de ce que j'ai dit. Alors j'aimerais bien, quand
même, pouvoir répondre à certains points.
Le Président (M. Filion): Je pourrais peut-être
suggérer qu'une...
M. Brassard: Chacun des sujets que j'ai abordés, M. le
Président, je compte y revenir, et le ministre aura l'occasion de...
Le Président (M. Filion): Oui, M. le député
de Beauharnois?
M. Marcil: Conformément aux règles de cette
commission, le ministre peut intervenir quand il le veut. Il a un droit de
réplique de vingt minutes à chaque occasion. Donc, c'est dans son
droit d'intervenir sur les remarques préliminaires du critique de
l'Opposition.
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Filion): D'accord, écoutez, nous
en sommes à cette période qui occupe l'Assemblée nationale
et qui consiste a examiner les crédits de chaque ministère. Il
est évidemment de tradition, pour cette commission comme pour toutes les
autres, de permettre au ministre responsable de la défense de ces
crédits-là, ainsi qu'au porte-parole de l'Opposition, de faire
certaines remarques préliminaires, comme d'ailleurs cette pratique
existe pour d'autres membres de la commmission, d'une part. D'autre part, il
existe une enveloppe de six heures, ai-je mentionné plus tôt.
Donc, il reste encore une période de cinq heures pour permettre aux
Intervenants de discuter avec le ministre.
Bien sûr, le ministre peut, s'il le désire, répondre
à ce stade-ci. À ce moment-là, le député de
Lac-Saint-Jean et porte-parole de l'Opposition officielle pourra
répondre à son tour, de sorte que nous n'aborderons pas les
éléments précis du programme que nous devons
étudier. Alors, à titre de suggestion, principalement au ministre
et au député de Lac-Saint-Jean, on pourrait appeler le programme
4 et, si vous y
consentez, M. le ministre, vos remarques s'inscriraient dans !e cadre de
l'ensemble du débat que nous aurons durant toute la journée. Mais
si vous...
M. Brassard: M. le Président...
Le Président (M. Filion): Oui, M. le député
de Lac-Saint-Jean?
M. Brassard: Les crédits, moi j'y arriverais juste
à la toute fin. Ce qui m'apparait important, c'est que, et les dossiers
soulevés par le ministre dans son allocution, et ceux que j'ai
abordés également dans la mienne, on puisse y revenir. Je les ai
abordés dans mes remarques préliminaires, et je sais bien que les
opinions que j'ai exprimées ne sont sans doute pas celles du ministre.
Le contraire me surprendrait, mais je souhaite que l'on y revienne. Je pense,
par exemple, à la zone de pêche de 200 milles, au projet de loi
fédéral C-72 sur les langues officielles, la question du
développement régional et des négociations pour en arriver
à une entente là-dessus, la question de l'agence spatiale, la
question des francophones hors Québec, la question constitutionnelle,
tout cela, et je souhaiterais qu'on y revienne, qu'on les reprenne un à
un, et qu'on discute là-dessus. Maintenant, c'est évident que le
ministre a le droit de prendre ses vingt minutes. Il peut les prendre, mais je
vais prendre les miennes aussi.
M. Marcil: M. le Président..
Le Président (M. Filion): Je vais reconnaître
d'abord M. le député de Beauharnois.
M. Marcil: C'est seulement une question de règlement, dans
le sens que l'article 287, juste pour clarifier la situation, dit que "Le
Président ou le ministre qui répond de ce crédit peut
intervenir quand il le veut, au moment où il juge opportun
d'intervenir", et il a vingt minutes chaque fois. Donc...
Le Président (M. Filion): Peut-être une suggestion,
à ce moment-là...
M. Marcil: Si on lui laissait la chance d'intervenir
immédiatement, on pourrait commencer le débat.
Une voix: D'accord
Le Président (M. Filion): À ce moment-là,
est-ce que vous me permettriez une suggestion? Il y a uniquement un programme
à étudier durant six heures, alors j'appelle le programme 4 et je
donne la parole à M. le ministre qui fera l'intervention de vingt
minutes qu'il désire faire. À ce moment-là, nous aurons
terminé nos remarques préliminaires et nous serons à
l'Intérieur de nos débats usuels.
M. Rémillard: Pour les remarques préliminaires, M.
le Président. Cela va?
Le Président (M. Filion): La parole est à M. le
ministre.
M. Gil Rémillard (réplique)
M. Rémillard: M. le Président, j'ai
écouté très attentivement ce que nous a raconté le
député de Lac-Saint-Jean et vraiment, M. le Président, je
ne vois pas comment le député peut tenir un tel discours. Comment
se fait-il, en ce qui regarde, par exemple, la question des francophones hors
Québec, que le député de Lac-Saint-Jean reproche au
premier ministre du Québec, reproche au gouvernement du Québec,
de défendre la compétence exclusive du Québec sur la
langue? Mais c'est cela que vous êtes en train de faire. Vous êtes
en train de nous reprocher de défendre notre compétence exclusive
sur la langue alors que vous avez, lors de tous les débats concernant
l'entente du lac Meech... Quelle salade vous nous avez servie! "C'est
épouvantable, vous mettez en cause les droits linguistiques du
Québec. C'est effrayant, vous vendez le Québec pour la
dualité." Et là, qu'est-ce que j'entends? Le discours que
j'entends, M. le Président, c'est le député de
Lac-Saint-Jean qui vient nous dire qu'il faut absolument que le Québec
s'implique directement pour que les francophones puissent avoir leurs droits
comme minorité. Mais c'est ce que nous faisons. Ce que nous faisons,
c'est que nous respectons un principe qui, pour nous, est fondamental: celui de
la compétence exclusive du Québec sur sa langue.
Vous avez combattu et vous avez ignoré pendant neuf ans les
francophones hors Québec. Pendant neuf ans, vous avez même agi
à l'en-contre de leurs droits par les positions que vous preniez en ce
qui regarde, entre autres, l'article 23 de la constitution. Tout le
débat que vous avez tenu, et c'est dans votre projet d'accord
constitutionnel, le petit livre bleu, vous vous êtes battus contre
l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cet article qui est un
fondement même du droit des minorités, entre autres pour les
francophones hors Québec. Vous avez combattu cet article sur les droits
à l'instruction dans la langue de la minorité au nom de quoi? Au
nom de la compétence exclusive du Québec sur la langue. Et
maintenant, ce que vous nous servez, c'est le grand discours opportuniste pour
venir nous dire: vous abandonnez les francophones hors Québec. Mais
c'est incohérent, votre discours. Au moins, suivez votre pensée.
Comment peut-on comprendre que, d'une part, vous voulez qu'on aille
s'ingérer dans le domaine de compétence exclusive de la
Saskatchewan et que, d'autre part, on puisse ensuite dire aux autres. Bien
écoutez, cela c'est la compétence du Québec. Vous n'avez
pas d'affaire dans cela? Il faut être cohérent quelque part.
Nous, ce qu'on dit, c'est que le Québec a une compétence
exclusive sur sa langue. Nous, on va protéger cette compétence
exclusive. Il y a déjà 133 qui est là pour le bilinguisme
institutionnel. Il y a l'article 23 et la clause Canada que nous acceptons mais
que vous, vous avez combattu. Vous avez refusé et c'est vous qui
êtes un artisan de tout ce problème que vivent les francophones
hors Québec. Pendant neuf ans, vous les avez abandonnés. Vous
étiez pris, entre autres, dans ce grand dilemme de la clause
Québec. Même votre père fondateur, M. Léves-que,
avait dit qu'il était, lui, pour la clause Canada. Finalement, il a
dû se ranger avec le choix de la majorité, la clause
Québec, qui va à rencontre de l'article 23, fondement des droits
des minorités. Nous, ce que nous disons aux minorités, c'est que
l'article 23 est là, dans la constitution. Il y a des
ambiguïtés, mais avec ce que nous avons dans l'entente du lac
Meech, nous pourrons enfin éclaircir des ambiguïtés qui sont
au coeur même de leurs droits, c'est-à-dire le critère de
"nombre suffisant" qu'on retrouve dans l'article 23. Combien faut-il de
francophones pour avoir ces droits? (10 h 15)
C'est une notion qu'on doit enlever de cet article 23. Par le principe
de la dualité et l'obligation pour chaque province de protéger sa
minorité, nous disposerons d'un outil premier qui va servir à
interpréter cette ambiguïté, tout probablement en faveur des
francophones hors Québec.
Ensuite, la question de la gestion des établissements scolaires.
C'est beau de dire que vous allez avoir des établissements scolaires
mais, ce qu'il faut donner aux francophones hors Québec, c'est la
capacité de gérer ces établissements. Or il y a une
ambiguïté majeure dans l'article 23. Ce que nous disons, c'est
qu'il faut, par une règle d'interprétation constitutionnelle
comme la règle de la dualité, s'assurer que les francophones hors
Québec puissent gérer leurs établissements scolaires.
M. le Président, pour nous, c'est très clair. Le
Québec a la compétence exclusive sur sa langue et nous ne ferons
rien, contrairement à ce que l'Opposition vient de nous dire, pour
mettre en cause cette exclusivité de la langue. M. le Président,
ce n'est pas nous, le 16 avril 1981, qui avons vendu le droit de veto du
Québec.
Maintenant on nous parle du lac Meech, une entente comme ceci, comme
cela. M. le Président, si l'Opposition avait été d'accord
avec l'entente du lac Meech, je me serais posé de sérieuses
questions. Si M. Trudeau avait été d'accord avec l'entente du lac
Meech, j'aurais trouvé cela difficile. Et là, on a regardé
cela de près. Si le Sénat, dans sa composition actuelle, avait
été d'accord avec l'entente du lac Meech, j'aurais dit: Ouf! il y
a quelque chose qui ne va pas. Mais, M. le Président, justement, ce
qu'on peut dire après bientôt un an, le 30 avril, c'est qu'aucune
erreur de fond n'a été relevée dans cette entente
historique pour le Québec.
M. Brassard: Et les francophones hors Québec.
M. Rémillard:... les francophones hors Québec,
c'est faux, M. le Président...
M. Brassard: Non, c'est vrai.
M. Rémillard: C'est faux. Les francophones hors
Québec veulent leurs droits et nous sommes là pour travailler
avec eux en ce sens. Les francophones hors Québec savent très
bien que, par la règle de la dualité, ils ont là un outil
premier qu'ils n'espéraient même pas parce qu'on pensait, à
ce moment-là, l'inscrire dans le préambule de la constitution et
non pas en faire un article précis de la constitution. Les francophones
hors Québec savent très bien qu'on n'a jamais voulu, cela n'a
jamais été notre intention, on ne l'a jamais
négocié, on n'a jamais voulu faire de l'entente du lac Meech un
code des droits des minorités. Ce qu'on a voulu faire, M. le
Président, c'est le solage de la maison. Et cela, les francophones hors
Québec sont venus nous le dire. Ils nous l'ont dit: oui. Enfin, le
principe de la dualité, cela faisait des années et des
années qu'on voulait le définir.
Le principe de la dualité, M. le Président, quand je dis
qu'il était difficile à définir, notre conversation de ce
matin le démontre fort bien. Qu'est-ce que le député de
Lac-Saint-Jean m'a dit? Le député de Lac-Saint-Jean, après
m'avoir fait ce beau discours sur les droits des francophones hors
Québec, en disant: il faut aller s'ingérer puis dire à la
Saskatchewan qu'elle n'a pas d'affaire à faire cela, puis dire à
I'Alberta qu'elle n'a pas d'affaire à faire cela. Qu'est-ce qu'on vient
nous dire? On vient nous dire, ensuite: Écoutez, il faudrait que vous
organisiez des programmes pour rapatrier au Québec tous les francophones
hors Québec. Parce que ce sont tous des anciens Québécois,
vous savez. Ils sont partis, ils sont allés partout au Canada;
maintenant, organisons des voyages et ramenons-les. Hors du Québec,
point de salut! Moi, je respecte cette opinion du député de
Lac-Saint-Jean. Je respecte son opinion, mais qu'il soit conséquent avec
elle. Ce n'est pas celle que je partage. Mais je pense que c'est sa
façon de voir les choses et il a droit de voir les choses comme cela.
Pour nous, on dit: Les francophones ont leur place partout dans ce pays et ils
doivent avoir les droits pour garantir le fait qu'ils sont chez eux partout
dans ce pays. Ce n'est pas facile de vivre comme francophone en Colombie
britannique. Il est plus facile de vivre au Québec, bien sûr. Mais
c'est à nous de faire en sorte qu'ils aient des droits.
Deux discours complètement séparés, deux discours
tout à fait contradictoires. M. le Président, ce que le premier
ministre a fait dans
l'Ouest, et je voudrais insister, c'est un voyage essentiellement
économique. En Californie, on a discuté de haute technologie et
de libre-échange. En ce qui regarde l'Ouest et les problèmes des
barrières interprovinciaies au point de vue commerce, sujet très
important, j'en ai parlé tantôt dans mon exposé. Nous avons
dit, tant à M. Devine qu'à M. Getty, qu'à M. Vander Zalm,
qu'il faut respecter les droits des francophones, et le message a
été passé très clairement par le premier ministre.
En ce qui me concerne, j'en ai fait part aux ministres que j'ai
rencontrés. Ce qu'il faut, M. le Président, c'est donner valeur
constitutionnelle à l'effort insuffisant de la Saskatchewan. La
même chose pour le Nouveau-Brunswick, pour l'Ontario et pour ces
provinces qui veulent maintenant faire des choses valables pour leurs
minorités. Tout ce que nous demandons, et nous leur disons, il ne s'agit
pas de légiférer par de simples lois, mais plutôt permettre
que les francophones aient des droits cons-titutionnalisés afin qu'on
puisse inclure ces mêmes lois dans la constitution.
M. le Président, l'entente du lac Meech, grâce aux
discussions soulevées par elle, permet de voir la grande valeur de ce
document. Cette entente est le fondement même de la réforme
constitutionnelle que nous recherchons. Mais I! ne faut pas utiliser l'entente
du lac Meech à toutes les sauces. Il ne faut pas essayer de trouver
là la solution à tous les problèmes constitutionnels que
nous avons, comme les pêcheries, l'agriculture ou je ne sais trop quoi.
Ce que nous avons, ce sont les fondements d'un fédéralisme
coopératif.
Mais ce que nous avons dans l'entente du lac Meech, M. le
Président, c'est la réponse aux cinq conditions que ie
Québec a posées. Il ne faut pas oublier que l'entente du lac
Meech a été faite premièrement pour permettre au
Québec de réintégrer la fédération
canadienne, grâce à l'entente politique qui accompagne ie document
du lac Meech. C'est le but premier de l'entente du lac Meech. Il y avait cinq
conditions que nous avions posées et, dans l'entente du lac Meech, nous
avons une réponse positive à ces cinq conditions. À partir
de cela, nous avons là les fondements pour construire la réforme
constitutionnelle dont nous avons besoin, réforme du partage des
compétences législatives à bien des niveaux. Et c'est
normal, après tout ce temps que nous avons passé avec un partage
qui n'a presque pas été touché. Il faut revoir la
distribution des responsabilités entre les deux ordres de gouvernement,
réformer nos institutions fédérales. Je pense que les
exemples ne manquent pas pour nous démontrer qu'il faut absolument
réformer, entre autres, le Sénat. Il faut faire en sorte qu'on
puisse avoir des institutions fédérales qui respectent les
principes de cette fédération: autonomie des États
membres, participation des États membres, capacité de
développer un intérêt de vivre en communauté et
partage d'une richesse nationale. Ce sont là des principes fondamen-
taux. Pour nous, l'entente du lac Meech, c'est le fondement d'un
fédéralisme coopératif. Cela ne veut pas dire qu'on ne
veut pas avoir un gouvernement central fort. Oui, nous voulons avoir un
gouvernement central fort, car ce n'est pas possible de gouverner ce pays si on
n'a pas un gouvernement central fort. Nous voulons avoir un gouvernement
central fort fondé sur la concertation, ki collaboration, la
coopération et non pas sur l'affrontement. Ce que nous avons dans
l'entente du lac Meech, M. le Président, ce sont les fondements d'un
véritable régime fédératif, coopératif,
respectant la spécificité du Québec, respectant la
dualité, le régionalisme et respectant tout ce qui rend cette
fédération originale et fait que nous pouvons en être
particulièrement fiers.
M. le Président, lorsqu'on nous parle de notre
responsabilité, je reviens sur ce point, concernant nos relations avec
les francophones, comme je l'ai mentionné dans un discours, ces
relations sont intéressantes à bien des niveaux de
coopération. La meilleure preuve que je puisse en donner, M. le
Président, c'est ce bureau des francophones qui a été
ouvert tout récemment, le 25 mars dernier. Mais, je le
répète, ces plans de coopération, nous allons les
établir en respectant leurs priorités. On n'ira pas imposer nos
priorités à nous. En respectant la juridiction de la province et
en respectant aussi une action du gouvernement fédéral pour qu'on
puisse agir ensemble d'une façon concertée. Ce que nous
recherchons, c'est la concertation, la possibilité de travailler
ensemble, d'avoir une action efficace qui va permettre aux francophones hors
Québec d'avoir des services dans leur langue. Nous pourrons offrir alors
notre expérience, notre savoir-faire, afin d'offrir ces services aux
francophones hors Québec. M. le Président, on nous dit: Vous
devriez soumettre à la Cour d'appel le concept de "société
distincte" ou le principe de la dualité. M. le Président, nous
avons soumis certains éléments d'interprétation
constitutionnelle tels société distincte, dualité et la
responsabilité nouvelle pour le Québec de protéger et de
promouvoir la spécificité québécoise. Tout cela a
été scruté par les meilleurs juristes, non seulement
québécois, mais canadiens et les résultats ont
été concluants. Nous avons là une pièce majeure. Je
ne peux pas prévoir ce que la Cour suprême décidera
éventuellement, mais ce n'est pas aux juges à venir gouverner.
Nous sommes élus pour gouverner.
M. le Président, jamais un gouvernement, dans toute l'histoire de
la Fédération canadienne, n'a reçu un mandat aussi clair
de la population afin d'entamer des négociations constitutionnelles.
Nous avons fait une campagne électorale avec un programme
électoral très clair, nos cinq conditions. Et ce que nous sommes
allés chercher, c'est plus que tout ce qui avait été
inscrit dans le programme électoral. Le mandat était là,
M. le Président. Est-ce qu'on a demandé à la Cour d'appel
de se prononcer sur la question
posée au référendum, question ambiguë, avec
deux ou trois mandats ou je ne sais trop quoi? Est-ce qu'on a demandé
à la Cour d'appel de se prononcer chaque fois que le gouvernement
péquiste est arrivé avec des dispositions confuses et
difficiles?
Un gouvernement est là pour agir et pour gouverner. Si on suivait
ces mêmes principes, défendus par M. Trudeau... Car les
péquistes étaient avec les centralisateurs et M. Trudeau, sous la
même barricade, sous le même drapeau: ils demandaient au juge de
nous dire quoi faire. Demandons au juge de venir gouverner. C'est ce que vous
nous dites! Demandez à la Cour d'appel. Demandons à la Cour
d'appel puis à la Cour suprême de nous di.e comment gouverner. Le
peuple n'a plus sa raison d'être. La souveraineté, ce n'est plus
le peuple qui l'a, c'est la cour!
M. le Président, on demande à la cour, on demande à
nos tribunaux de se prononcer lorsqu'il y a des dispositions
législatives, lorsqu'il y a projet législatif engageant le
gouvernement sur des points où il peut y avoir litige. Mais dans un cas
concernant la constitution d'un pays, ce sont les élus qui
représentent le peuple qui décident, car nous, libéraux,
nous nous référons avant tout au peuple, à la
souveraineté du peuple. C'est le peuple qui est souverain. M. le
Président, je comprends que pour le gouvernement péquiste, c'est
l'institution qui est souveraine. J'ai eu de grandes discussions avec l'ancien
chef du parti, M. Pierre Marc Johnson qui était, je devrais dire,
très constant dans sa pensée à ce sujet et j'ai beaucoup
de respect pour M. Johnson qui croit que l'institution est souveraine.
Mais non, ce n'est pas cela, c'est le peuple qui est souverain, qui
donne le mandat, qui élit ses représentants et ce sont ces
mêmes représentants qui font une action gouvernementale en
fonction du mandat qu'ils ont reçu. Et si leur action ne correspond pas
au mandat qu'ils ont reçu, bien, houp, terminé; la place à
d'autres! Car la population jugera, M. le Président, la population
jugera.
Notre action, nous allons la faire en fonction du mandat clair que nous
avons reçu et nous allons la faire en fonction des principes qui sont
les nôtres: respect des droits du Québec, entre autres, respect
des droits linguistiques du Québec, respect des droits en fonction de la
place majeure que doit occuper cette province dans la Fédération
canadienne. (10 h 30)
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le
ministre.
M. le député de Lac-Saint-Jean maintenant, je veux quand
même vous aviser de ceci: Les remarques préliminaires font partie
de la tradition parlementaire et, me référant aux
décisions qui ont été rendues, particulièrement
à une décision rendue par le président de la commission de
l'éducation, généralement la tradition veut que les
remarques préliminaires du ministre, les remarques préliminaires
du porte-parole, dans ce cas-là on a permis - toujours à
l'intérieur des remarques préliminaires, nous sommes à
l'intérieur de cette enveloppe-là - au ministre de
présenter une forme de réplique, si l'on veut, aux commentaires
du député de Lac-Saint-Jean. Si ce dernier veut intervenir, ce
sera la dernière intervention, à la suite de quoi je devrai
appeler le programme 4 pour que nous puissions exécuter notre
mandat.
M. Rémillard: M. le Président, j'ai une question.
Vous me dites: La dernière intervention.
Le Président (M. Filion): Sur les remarques
préliminaires, parce que nous sommes toujours à
l'intérieur du bloc "remarques préliminaires". Remarquez c'est un
peu formaliste, mais quand même il demeure que nous ne sommes pas
à l'intérieur de l'étude des crédits comme telle.
Je n'ai pas appelé le programme 4 que nous devons étudier.
Lorsque j'aurai appelé le programme 4 que nous devons étudier,
à ce moment-là nos règles s'appliquent et bien sûr
vous avez le droit d'intervenir à tout moment, mais nous sommes toujours
à l'intérieur, comme je l'ai signalé tantôt, de
remarques préliminaires et il faut, bien sûr, que ces remarques
préliminaires demeurent préliminaires à quelque chose
d'autre, l'autre chose étant le mandat pour lequel nous sommes
conviés ici aujourd'hui, c'est-à-dire l'étude des
crédits proprement dits du ministère des Affaires
intergouvernementales canadiennes qui est un programme du Conseil
exécutif.
Donc, je vais reconnaître pour...
M. Rémillard: M. le Président, si vous me
permettez, simplement je veux avoir de l'information.
Le Président (M. Filion): Oui, je vous en prie.
M. Rémillard: Je ne suis pas tellement familier avec les
règles de procédure des commissions parlementaires et je m'en
excuse. J'ai donc fait des remarques préliminaires les plus
brèves possible pour avoir le temps d'avoir des questions. Le
député de Lac-Saint-Jean a fait son intervention qui a
duré quinze minutes de plus que la mienne. Je viens de faire une
intervention pour évidemment répondre à certaines choses
qu'il a dites en plus et, là, vous allez lui permettre d'intervenir et
je n'aurai pas la possibilité d'intervenir après.
Alors, dans les remarques préliminaires, je me retrouve dans une
situation - je veux simplement que vous compreniez cela - comme ministre
où l'Opposition parlera en dernier et je n'aurai plus la
possibilité de répondre. Donnez-moi cinq ou dix minutes à
la fin de ses interventions, mais donnez-moi un peu de temps. Je ne sais pas
comment les règles peuvent faire cela,
mais il me semble que cela n'a pas d'allure.
Le Président (M. Filion): M. le député de
Beauharnois.
M. Marcil: M. le Président, M. le ministre a
entièrement raison dans le sens qu'il a présenté ses
remarques préliminaires; le député de l'Opposition a fait
la même chose. Donc, il a eu une réplique aux remarques
préliminaires. On serait à l'étape d'appeler le programme
et ensuite on pourra procéder à la période de questions. A
ce moment-là, M. le ministre pourra intervenir quand il le voudra, sinon
il est en plein de son droit de pouvoir intervenir immédiatement
après la réplique de M. le député de...
Le Président (M. Filion): D'accord. Je n'ai qu'une
décision rendue à la commission de l'éducation, en date du
mois de mars 1984, où cette question-là avait été
soulevée. Encore une fois, la procédure que j'indique est celle
qui a été suivie, à savoir qu'il y a eu des remarques
préliminaires qui ont été suivies, deux remarques
préliminaires de la part du porte-parole de l'Opposition, à la
suite de quoi le ministre a présenté de nouveau, dit-on, quelques
remarques générales et il a été suivi du
porte-parole de l'Opposition officielle, le député d'Argenteuil.
Bref, au-delà de cette décision, c'est le gros bon sens qui nous
indique que des remarques doivent demeurer préliminaires à autre
chose. Donc, il faut à un moment donné tirer la ligne, tout en
vous faisant remarquer qu'à n'importe quel moment, M. le ministre, et
cette distinction est un peu formaliste, mais maintenant ce sont quand
même nos règles, mais à n'importe quel moment durant le
cours de la journée vous pouvez Intervenir.
Ceci dit, si le député de Lac-Saint-Jean voulait
intervenir, je l'inviterais à le faire de façon très
brève.
M. Brassard: Je souhaiterais qu'on passe... Cependant, je
voudrais la parole immédiatement après. Je veux bien passer aux
questions, mais j'accompagnerai mes questions de quelques petits
commentaires.
Le Président (M. Filion): Eh bien, voilà. M.
Brassard: Passons au premier sujet.
Le Président (M. Filion): Ce que je suggérais
tantôt, et je vous en remercie, M. le député de
Lac-Saint-Jean. J'appelle donc ie programme 4 du ministère du Conseil
exécutif, Affaires intergouvernementales canadiennes. Je donne la parole
à M. le député de Lac-Saint-Jean.
Les francophones hors Québec M. Brassard: Premier sujet:
les francophones hors Québec. M. le Président, la thèse,
la théorie du gouvernement relativement aux francophones hors
Québec, c'est la thèse de la non-ingérence. Le
gouvernement affirme qu'il ne faut pas s'ingérer dans des domaines de
juridiction provinciale, que la question linguistique en est une de juridiction
provinciale et que, par conséquent, c'est pour cette raison qu'il a
adopté cette position face au projet de loi Devine, en Saskatchewan. Je
veux bien que ce soit de la non-ingérence, mais alors, pourquoi?
La question qui surgit immédiatement - j'en aurai d'autres tout
de suite après - c'est: Pourquoi, dans ce cas, s'être
prononcé sur le projet de loi Devine? Pourquoi le premier ministre
a-t-il indiqué qu'il s'agissait de légers progrès, mais
qu'il s'agissait de progrès? Pourquoi a-t-il porté un jugement
sur le projet de loi Devine? Pourquoi a-t-il fait une évaluation du
projet de loi Devine, ce qui va à l'encontre de la non-ingérence?
Si le premier ministre avait vraiment voulu s'appuyer sur la
non-ingérence, il aurait dû, à tout le moins, comme le
signalaient d'ailleurs certains francophones hors Québec, être
silencieux, ne pas porter de jugement sur le projet de loi Devine. Mais, en
affirmant qu'il s'agissait d'un projet de loi insuffisant sans doute, mais qui
comportait des progrès et des gains, cela a eu un effet
démoralisateur sur les francophones hors Québec. Il y a eu une
évidente démoralisation des francophones hors Québec parce
qu'ils se sont sentis abandonnés par le seul gouvernement francophone en
Amérique; une espèce de sentiment d'abandon a surgi dans leur
esprit. Si c'est vraiment cela, la non-ingérence, je me demande... La
non-ingérence aurait dû être accompagnée d'une
volonté très nette et très ferme de ne pas juger le projet
de loi Devine. Malheureusement, le premier ministre l'a fait. Et si la
non-ingérence, c'est la thèse qu'il faut soutenir et la position
qu'il faut adopter, je dis qu'à ce moment-là cela devrait
être adopté et suivi par tout le monde et par toutes les
provinces.
Or, présentement, vous le savez très bien, M. le ministre,
en Cour suprême, il y a des provinces qui sont parties prenantes à
la contestation de la loi 101, particulièrement en matière
d'affichage. L'Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba ont des
mémoires et leurs procureurs sont impliqués dans la cause
concernant la loi 101 en Cour suprême, vous le savez. Comment cela
s'appelle-t-il? N'est-ce pas de l'ingérence? Comment cela s'appelle-t il
si ce n'est pas de l'ingérence? Comment se fait-il que d'autres
provinces du Canada contestent la loi 101 et soutiennent ceux qui la contestent
en Cour suprême, alors que vous vous retirez derrière le principe
de la non-ingérence quand cela concerne la Saskatchewan? Je veux bien
que la non-ingérence soit la position du Québec, mais j'aimerais
bien aussi que ce soit la position de tout le monde, y compris de toutes les
autres provinces du Canada.
Vous pariez de compétence exclusive en matière
linguistique et vous dites que c'est un principe fondamental que défend
le gouvernement du Québec. On est pleinement d'accord avec cela. Nous
avons toujours défendu que le Québec devrait se faire
reconnaître une compétence exclusive en matière
linguistique. Mais il faut que ce principe soit soutenu en tout temps et en
toute circonstance. M. le ministre, si ce principe vaut pour le cas de la
Saskatchewan, si, selon vous, vous refusez de vous ingérer dans la
situation de la Saskatchewan parce que vous ne vouliez pas et parce que le
principe de non-ingérence est un principe fondamental pour vous et que
la langue est de compétence exclusive des provinces c'est bien;
très bien. Dans ce cas, soyez au moins conérent et
dépêchez-vous de dire ce que vous pensez de C-72 parce que c'est
de l'ingérence du gouvernement fédéral en matière
linguistique au Québec.
Le Conseil de la langue française n'est pas ambigu du tout
là-dessus. C'est une ingérence du gouvernement
fédéral en matière linguistique que C-72 parce que cela
outrepasse les juridictions fédérales et cela va permettre au
gouvernement fédéral de faire la promotion du bilinguisme, donc
de l'anglais au Québec dans des services provinciaux, dans les
entreprises et dans les municipalités. C'est cela la portée de
C-72 telle qu'analysée par le Conseil de la langue française.
Cela c'est de l'ingérence. Mais, dépêchez-vous de
résister à cette ingérence. Ce n'est pas ce que le
ministre responsable de la loi 101 semblait nous indiquer. Il était
soucieux, mais cela n'avait pas l'air très pressant de vous prononcer
contre cette ingérence fédérale. Alors, soyez, à
tout le moins, cohérent. Si l'ingérence ne vaut pas pour la
Saskatchewan, cela ne vaut pas pour le gouvernement fédéral non
plus. Je vous demande expressément ce matin - on est en commission de
crédits - d'être un peu plus précis que le ministre
responsable de l'application de la loi 101 qui est dans le vague, dans le flou
depuis un mois, depuis qu'il a été nommé ministre. Ce
n'est pourtant pas difficile. Il y a juste une loi à appliquer. Soyez un
peu plus précis que lui. Vous êtes responsable des relations
fédérales-provinciales. Quelle est votre position...
Qu'allez-vous faire avec la loi C-72 parce que c'est de la vraie
ingérence? Si la compétence exclusive en matière
linguistique est un principe fondamental pour vous et que c'est sur la base de
ce principe que vous n'avez pas voulu intervenir en Saskatchewan, que cela
vaille aussi pour l'ingérence fédérale par le biais du
projet de loi C-72. Je m'arrête là et je voudrais des
réponses là-dessus.
M. Rémillard: Très bien.
M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean me
demande d'être précis. Oui, je vais être précis, mais
j'aimerais bien qu'il soit tout aussi précis et sérieux. Lorqu'il
me parie de la non-ingérence dans les domaines linguistiques qui
relèvent de la compétence des provinces et qu'il me donne comme
cas certaines provinces qui peuvent intervenir dans une cause à la Cour
suprême dans un dossier qui regarde une province, M. le Président,
le député de...
M. Brassard: Ce n'est pas de l'ingérence cela?
M. Rémillard: ...Lac-Saint-Jean le sait très bien
que c'est comme cela que ça fonctionne dans toutes les causes. Il
existe, de par les règles de pratique de la Cour suprême, la
possibilité d'intervenir à la Cour suprême pour une
province, pour un gouvernement ou pour une autre partie lorsqu'un
élément de la contestation en droit peut intéresser ces
parties. Par exemple, dans le cas de la loi 101 qui soulève certaines
questions au regard de la charte, je me souviens avoir plaidé
moi-même en Cour suprême des causes où il y avait des
interventions de huit ou neuf provinces. Je me souviens, par exemple, d'un cas
de censure de film où la Nouvelle-Ecosse était en cause. Les dix
provinces étaient représentées en Cour suprême. Les
provinces plaident sur un point de droit qu'elles considèrent avoir une
influence sur un aspect constitutionnel général ou un aspect plus
spécifique. Voyons donc si on peut se référer à cet
élément pour parier d'ingérence! Il faut quand même
être sérieux, M. le Président. Je sais que le
député de Lac-Saint-Jean comprend assez bien le système
judiciaire canadien et qu'il sait que cela n'a pas d'allure.
M. le Président, l'ingérence! Mais l'ingérence est
dans la mesure où on respecte le principe. Je vois, de toute
façon que le nouveau discours du député de Lac-Saint-Jean,
est plus nuancé. Ce n'est plus tout à fait comme tout à
l'heure où il fallait intervenir pour les droits des francophones hors
Québec, qu'il fallait aller à rencontre du gouvernement etc.
Maintenant son discours devient plus nuancé. Il me demande d'être
précis. Je comprends qu'il veuille que je sois précis. Je
comprends aussi que c'est difficile pour lui de tenir une position pareille.
Comment, d'un côté, peut-il dire: il faut l'exclusivité de
la juridiction du Québec sur la langue, et d'un autre côté:
Allez et intervenez dans les affaires des autres provinces; dites à la
Saskatchewan qu'ils n'ont pas à faire de telles choses comme cela dans
un domaine de compétence exclusive. (10 h 45)
C'est beau, M. le Président. C'est ça, être
précis! Je ne peux suivre ce raisonnement, car je n'y vois aucune ligne
de continuité, ni même de concordance. Pour nous, il s'agit du
Québec qui joint d'une compétence exclusive sur la langue que
nous allons respecter. Nous demeurons extrêmement sensibles à la
situation des droits des francophones hors Québec. Et nous allons
travailler à ce que l'entente du lac Meech soit ratifiée afin que
le principe de la dualité puisse servir à interpréter
l'article 23. Il va permettre de donner des droits aux francophones quant
à
l'instruction dans la langue de la minorité. Nous entendons
travailler avec ces francophones pour établir des programmes de
coopération, mais on n'ira pas sur la place publique faire de grandes
interventions pour dire au gouvernement de la Saskatchewan qu'il ne doit pas
légiférer de telle manière. Cependant, M. le
Président, je voudrais bien que l'on comprenne une chose. Jamais dans
toute l'histoire du Québec, un gouvernement, et en particulier un
premier ministre n'a eu des relations aussi étroites, aussi suivies,
aussi intéressantes avec ses homologues des autres provinces et avec le
gouvernement fédéra!. Le premier ministre du Québec a
voyagé partout au Québec et dans presque toutes les
régions canadiennes et il a participé aux conférences
fédérales-provinciales en jouant un rôle majeur,
représentant un partenaire majeur de la Fédération. Il a
des relations amicales, suivies avec un très grand nombre de premiers
ministres. Comme ministre également, j'ai ces relations avec mes
homologues.
M. le Président, il faut se rendre compte d'une chose. Lorsqu'on
est arrivé au gouvernement, les relations du Québec avec les
autres provinces, n'étaient pas au mieux. C'était au minimum, au
strict minimum. Il a fallu construire des relations avec les autres provinces,
avoir des relations d'échange avec les autres provinces ainsi qu'avec le
gouvernement fédéral; établir un lien de confiance afin de
discuter sur des dossiers importants. M. le Président, je suis
particulièrement heureux de dire qu'après plus de deux ans et
demi de mandat, nous avons réussi à établir des relations
extrêmement intéressantes, positives avec l'ensemble des autres
gouvernements canadiens et avec le gouvernement fédéral. C'est ce
qui aide dans les relations fédérales-provinciales, lorsque le
premier ministre du Québec peut rencontrer un de ses homologues et lui
dire: il y a un problème, il faut essayer de trouver une solution
à ce problème. On réussit beaucoup mieux comme cela qu'on
peut le faire en faisant de grandes déclarations sur la place publique
et en allant à rencontre d'un principe qui est fondamental dans la
fédération canadienne et auquel nous tenons qui est celui de
l'exclusivité de la juridiction du Québec en matière
linguistique.
M. le député, vous avez sacrifié le droit de veto
du Québec et vous êtes en train de mettre sur la table la
compétence exclusive du Québec sur sa langue. C'est ce que vous
êtes en train de faire. Réalisez-vous ce que vous êtes en
train de faire? Ne vous en faites pas, on ne vous suivra pas là-dedans.
Pour nous, c'est d'être actif, de protéger les droits des
francophones hors Québec, de faire en sorte que par ces relations
développées avec les autres provinces et avec le gouvernement
fédéral, on puisse en arriver à construire, à
donner des services aux francophones.
On parle de la loi C-72. Là encore, je comprends que le
député de Lac-Saint-Jean n'y trouve rien de bon. Qu'il le dise
qu'il n'y a rien de bon dans cela, cela va en fonction de sa philosophie. Cela
ne respecte pas ses idées. Je pense que lorsqu'on est en politique, il
est intéressant de pouvoir défendre ses idées. Qu'on les
défende et qu'on le fasse jusqu'au bout. Qu'on trouve que le projet n'a
pas d'allure est possible, mais pour moi, cela s'accorde avec ma philosophie.
Dans ce projet C-72, tout n'est pas mauvais. Le principe est bon. Là, M.
le Président, je dois souligner les très bons aspects en ce qui
regarde les droits des minorités francophones justement parce que C-72 a
des aspects positifs. Il nous amène à nous poser certaines
questions.
Quant à cette intervention du gouvernement fédéral
pour promouvoir la langue anglaise ici au Québec dans des domaines qui
pourraient être en conflit avec une juridiction provinciale, il y a des
questions que nous nous posons. Ce que nous voulons, c'est avoir des
réponses à ces questions avant de nous prononcer sur C-72. C'est
ce que nous avons fait. Nous avons demandé des opinions au
ministère de la Justice. Je tiens à dire qu'il ne faut pas jeter
C-72 au panier, car certains principes sont bons et même
intéressants. Lorsque le député de Lac-Saint-Jean nous
dit: il faut que vous puissiez vous battre pour les droits des fancophones hors
Québec, c'est ce que nous faisons. Mais qu'il comprenne et lise
attentivement C-72 et il va se rendre compte que C-72 apporte justement des
points majeurs pour le respect des francophones hors Québec. Regardons,
par exemple, l'accès aux tribunaux et le fait d'avoir un juge qui
comprend sa langue pour être jugé. Mais il y a des questions que
l'on doit se poser sur le respect des juridictions provinciales et c'est
pourquoi nous avons demandé au ministère de la Justice de nous
livrer des opinions sur ces points-là. Quand nous allons avoir ces
opinions, nous prendrons la décision et nous ferons les interventions
qui s'imposeront.
M. le Président, il y a quand même, et je demande au
député de Lac-Saint-Jean...
M. Brassard: Est-ce qu'il va faire des 20 minutes à chaque
fois?
M. Rémillard: Pardon?
M. Brassard: J'ai accepté qu'on procède aux
échanges, M. le Président...
M. Rémillard: Oui, je termine.
M. Brassard: ...mais s'il fait des 20 minutes chaque fois, je
vais en faire aussi. Je suis capable d'en faire.
M. Rémillard: D'accord, je termine. M. le
Président, je termine sur cela.
M. Brassard: Cela va.
M. Rémillard: Je demande simplement que l'on soit un petit
peu constant dans les idées. Lorsqu'on avance des idées, qu'on en
voie les conséquences et qu'on soit en mesure de les soutenir.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je ne ferai pas 20 minutes, mais je vais revenir sur
C-72.
Le Président (M. Marcil): Vous pouvez faire 20 minutes, si
vous le voulez.
M. Brassard: Je peux faire 20 minutes, je le sais.
Le Président (M. Marcil): C'est dans votre droit.
Le projet de loi fédérai C-72
M. Brassard: Je reviens sur C-72 parce qu'on a des
réponses évasives et on fait de la diversion en plus. Le ministre
a fait de la diversion pendant la plupart du temps de son intervention en
évitant, évidemment, de se prononcer sur ce qui est jugé
comme étant capital par le Conseil de la langue française.
À moins qu'il ne me dise tantôt que l'avis du Conseil de la langue
française, ne vaut pas grand-chose et que ce sont les études qui
ont été commandées au ministère de la Justice qui
vont avoir une certaine valeur aux yeux du gouvernement. Cela m'apparaît
vraiment, en tout cas. comme une action de diversion, un effort pour retarder
de la part du gouvernement une prise de décision claire, une prise de
position claire sur une ingérence évidente. Le Conseil de la
langue française ne s'interroge pas, ne s'inquiète pas, il
affirme carrément, après une analyse du projet de loi
fédéral; il affirme péremptoirement, sans
ambiguïté, sans équivoque, qu'il y a là une
ingérence du gouvernement fédéral dans le domaine
linguistique au Québec...., Non seulement il y a une ingérence du
gouvernement fédéral en tant qu'acteur en matière
linguistique au Québec, parce qu'il empiète dans des domaines de
juridiction provinciale, de juridiction québécoise - c'est l'avis
et l'affirmation du Conseil de la langue française - mais en plus, son
intervention et les actions qui seront issues de C-72, s'il est adopté
tel quel par le gouvernement fédéral, dit le Conseil de la langue
française, seront incompatibles avec les objectifs de la Charte de la
langue française. Les objectifs de la Charte de la langue
française, je n'ai pas besoin de les rappeler, ce sont des objectifs de
francisation, faire du français la langue de travail de
l'administration. Ce sont des objectifs de francisation, de promotion du
français. Ce sont les objectifs de la Charte de la langue
française, alors que les objectifs de C-72, c'est la promotion du
bilinguisme. La promotion du bilinguisme au Québec, cela veut dire la
promotion de l'anglais. C'est ce que cela signifie. C'est pour cela que le
Conseil de la langue française dit: Attention, il y a là une
ingérence, non seulement une ingérence, mais une collision
d'objectifs. Il faut, de toute nécessité, que le gouvernement
québécois, puisque c'est de compétence exclusive comme
vous le claironnez, comme vous le proclamez...
Une voix:... claironne... Oui?
M. Brassard:... avec force. Alors soyez conséquent, soyez
cohérent et, vite, très rapidement, avant que le projet de loi
C-72 soit adopté, et ait franchi toutes les étapes du processus
législatif à Ottawa. Il faut agir avant auprès du
gouvernement fédéral pour lui dire: Un instant. Le Conseil de la
langue française estime important que le Québec veille, par des
moyens appropriés, à ce que l'action linguistique de
l'État fédéral au Québec, quelle que soit sa forme,
soit compatible avec l'objectif de la province de faire du français la
langue de l'État aussi bien que la langue normale et habituelle de
travail. "Moyen approprié", cela veut dire dès maintenant, avant
même que la loi soit adoptée. Il faut que vous entrepreniez des
démarches immédiates auprès du gouvernement
fédéral pour lui dire: Vous empiétez dans des domaines de
juridiction provinciale; vous vous ingérez dans un domaine qui est de
compétence exclusive, c'est vous-même qui le dites, qui est le
domaine linguistique, et nous vous demandons instamment de battre en retraite,
de corriger le projet de loi C-72 en conséquence, de façon que
vous vous limitiez aux champs de juridiction qui sont les vôtres.
Il est vrai que, sous d'autres aspects, le Conseil de la langue
française lui-même reconnaît certains progrès
à la Loi des langues officielles, telle qu'elle existe
présentement à Ottawa. Il y a certains progrès, mais dans
les domaines de juridiction fédérale. Il faut que cela se limite
là. Et il faut absolument que toutes les dispositions qui permettraient
au gouvernement fédéral d'intervenir dans des domaines de
juridiction provinciale en matière linguistique disparaissent de C-72.
C'est une action que vous devez entreprendre immédiatement, sans
tergiversation, sans tergiverser comme l'a fait hier le ministre responsable de
l'application de la loi 101. Soyez plus actif, plus vigilant et plus rapide que
lui, parce qu'il ne semble pas qu'on doive attendre de lui, compte tenu de sa
performance depuis un mois, beaucoup de rapidité et beaucoup d'actions
efficaces.
Mais de votre part vous qui êtes responsable des relations
fédérales-provinciales, je pense que l'action doit être
immédiate et c'est cela que je vous demande, en vertu même du
principe que vous proclamez, la compétence exclusive en matière
linguistique.
M. Rémillard: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Rémillard: ...il y a encore de la confusion chez
l'Opposition et je la vois de façon très claire. Mais vous
rendez-vous compte de ce que vous dites?
M. Brassard: Répondez donc aux questions.
M. Rémillard: Écoutez. Qu'est-ce que vous me dites?
Vous me dites que je dois dire au fédéral qu'il ne faut pas qu'il
s'ingère dans les domaines linguistiques.
M. Brassard: Bien oui, c'est cela.
M. Rémillard: Et puis, qu'est-ce que vous me dites depuis
tantôt? Vous me dites qu'on a abandonné les francophones hors
Québec parce qu'on aurait dû dire aux Fransaskois ...
M. Brassard: C'est aussi exact.
M. Rémillard: ...ce qu'ils devaient faire sur la place
publique pour faire une grande bataille. Vous avez deux discours. Rendez-vous
compte que vous avez deux discours complètement contradictoires!
M. Brassard: M. le Président, si moi je suis
incohérent, que lui au moins soit cohérent.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre, M. le
député, je pense qu'on doit respecter les gens dans leur droit de
parole.
M. Rémillard: il a deux discours complètement
différents!
Ce que je vous ai dit sur C-72 au début et dans toubtes mes
interventions, c'est qu'à savoir à l'égard des
francophones hors Québec, nous allons respecter la compétence
législative de la province sur la langue, mais que nous allons
intervenir dans le contexte des relations fédérales-provinciales
et interprovinciales. Dans le cas de C-72, il y a des points positifs pour les
francophones hors Québec. Nous sommes conscients, cependant que certains
points nous amènent à nous poser des questions sérieuses
sur le respect de cette juridiction exclusive du Québec. Et j'ai dit
qu'on ne sacrifierait pas la compétence exclusive du Québec comme
vous avez sacrifié le droit de veto du Québec. Soyez
assuré de cela.
On n'interviendra pas en allant sur la place publique. On va respecter
la juridiction exclusive du Québec. On va faire en sorte que ce "bill"
C-72 soit étudié par nos jurisconsultes et ensuite on va faire
valoir nos opinions à Ottawa. Cela fait déjà un bon bout
de temps qu'on travaille là-dessus et c'est dans cet esprit que nous
allons continuer. Nous sommes en discussion avec
Ottawa, nous leur avons posé des questions et nous attendons
maintenant les opinions du ministère de la Justice.
Ce que je veux dire au député de Lac-Saint-Jean, c'est que
pour nous il y a un principe sur lequel nous ne céderons pas, et je veux
que l'on soit très clair là-dessus, c'est celui de la
compétence exclusive du Québec sur la langue. Je suis très
clair là-dessus. Que le député de Lac-Saint-Jean ne vienne
pas me demander de faire des nuances dans mes propos; que le
député de Lac-Saint-Jean ne vienne pas me demander de faire des
exceptions à ce principe; et qu'il ne vienne pas me demander de mettre
cela en veilleuse. Non, M. le Président. Je veux vous dire aujourd'hui
que nous allons être extrêmement vigilants sur le respect de la
compétence exclusive du Québec en matière linguistique et
je tiens à vous en donner ma parole aujourd'hui. (11 heures)
M. Brassard: M. le Président, est-ce que je dois
comprendre dans ce cas-là, compte tenu du discours que me tient le
ministre, que vous n'êtes actuellement pas en mesure, comme gouvernement,
de prendre position sur le projet de loi C-72; que vous en êtes encore
à la phase interrogative? Est-ce cela que je dois comprendre? Si c'est
cela, disons-le franchement: vous êtes encore à la phase
interrogative, vous vous interrogez, vous vous inquiétez. L'avis du
Conseil de la langue française ne vous semble pas suffisant. C'est du
moins ce qui est ressorti hier de l'échange à l'Assemblée
nationale. Vous attendez d'autres études. L'avis du Conseil de la langue
française ne vous semble pas suffisant pour justifier une prise de
position maintenant sur le projet de loi C-72. Donc, je dois comprendre que
vous êtes encore en phase interrogative, que vous vous interrogez. Je
vous signale que c'est bien beau de proclamer et de claironner la
compétence exclusive en matière linguistique, c'est très
bien, bravo et félicitations pour votre beau programme, mais il faut
qu'une fois ce principe proclamé, il y ait des actions concrètes
qui aillent dans le même sens, qui respectent ce principe et dans le cas
de C-72, il ne faut pas attendre des années et des mois. Il est
déjà assez avancé sur le plan législatif au
gouvernement fédéral. Il sera à un moment donné
adopté et sanctionné et il sera appliqué. Par
conséquent, j'incite le gouvernement à raccourcir au plus sacrant
sa période interrogative puis à prendre dans les plus brefs
délais une position qui générera des actions auprès
du gouvernement fédéral pour que C-72 soit modifié pour
précisément respecter ce principe de la compétence
linguistique du Québec.
Donc vous êtes encore en phase interrogative, si je comprends
bien; vous attendez des études. Elles vont arriver quand? Le temps
presse, puisque le projet de loi C-72 est en phase d'adoption à
Ottawa.
M. Rémillard: M. le Président, lorsque le
député de Lac-Saint-Jean me dit: il faut considérer
que l'avis du Conseil de la langue française n'est pas suffisant, je lui
dis: Oui, c'est vrai, ce n'est pas suffisant, mais c'est un avis qui est
intéressant, que j'ai regardé attentivement. Mais ce n'est pas
suffisant pour que le gouvernement prenne une action en fonction des
intérêts du Québec d'une façon
générale. On doit avoir des opinions et il faut que le
jurisconsulte puisse se prononcer. Il faut avoir ses opinions. Cela ne veut pas
dire qu'on n'est pas actif. On est très actif et ne vous en faites pas,
en temps et lieu, les revendications du Québec vont se faire et nous
prendrons les moyens nécessaires pour faire respecter ces droits. Mais
je voudrais simplement rassurer le député de Lac-Saint-Jean, lui
dire que nous allons prendre...
M. Brassard: Avant l'adoption du projet de loi C-72?
M. Rémillard: Avant l'adoption. Nous allons faire valoir
les points de droit qui, selon nous, doivent être soulevés pour le
respect de cette compétence du Québec sur la langue,
compétence exclusive, et le député de Lac-Saint-Jean
devrait alors voir toute l'importance de ce paragraphe 4 que nous avons dans le
premier article de l'entente du lac Meech, ce paragraphe que nous avons fait
inscrire à l'édifice Langevin, après de dures
négociations. C'est le Québec qui l'a fait inscrire, à
savoir qu'il y avait un plancher en ce qui regardait les droits linguistiques.
Tout à l'heure, le député de Lac-Saint-Jean disait: Dans
l'entente du lac Meech, il y a la reconnaissance de la dualité et la
reconnaissance de la spécificité du Québec: laquelle va
l'emporter sur l'autre? Il faut faire attention. Il faut bien lire l'entente du
lac Meech. Et, quand vous lisez bien l'entente du lac Meech vous voyez, entre
autres, ce paragraphe 4 qui garantit le respect des droits linguistiques. Il
s'agit donc là d'un plancher. Tout ce qu'on peut avoir, c'est quelque
chose de plus. On ne peut pas avoir quelque chose de moins. C'est
rédigé comme tel, très clairement.
M. le Président, je voudrais quand même qu'on comprenne que
la dualité et la société distincte sont reconnues dans
cette entente du lac Meech, et qu'il y a, en fonction de ces deux principes, ce
paragraphe 4 et qu'on peut maintenant faire cette relation avec l'article C-72
et avec tous les sujets dont nous avons discuté ce matin. Je le
répète, il y a un principe qui nous apparaît fondamental,
et c'est le respect de la compétence exclusive du Québec sur la
langue; cela, pour nous, est intouchable. Qu'on accepte l'article 133 sur le
bilinguisme institutionnel, pas de problème. Qu'on accepte l'article 23
sur le droit à l'instruction dans la langue de la minorité, pas
de problème avec la clause Canada. Mais, qu'on respecte la
compétence du Québec sur la langue, c'est pour nous un principe
qu'on va faire respecter et, sur lequel je serai des plus fermes ce matin.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Charte canadienne des droits
M. Brassard: M. le Président, il y a un troisième
élément qui s'ajoute et qui est la charte canadienne. Ce n'est
pas l'article 23 qui pose problème, actuellement, en matière
d'affichage devant la Cour suprême, ce n'est pas l'article 133, mais
c'est la charte canadienne des droits. C'est une autre entrave majeure parce
que, depuis 1982, tous les jugements des tribunaux en matière
linguistique se sont appuyés sur la charte canadienne des droits. Par
conséquent, voilà une troisième entrave, une
troisième contrainte majeure à une compétence qui cesse
d'être exclusive.
M. Rémillard: Mais la charte québécoise
aussi.
M. Brassard: Sauf que, la charte québécoise, c'est
l'Assemblée nationale qui en est maître.
M. Rémillard: La charte canadienne aussi, par la clause
"nonobstant".
M. Brassard: Non, elle est intégrée à la
constitution.
M. Rémillard: Par la clause "nonobstant", c'est la
même chose.
M. Brassard: Pas pour tous les articles.
M. Rémillard: Pour les articles concernés par la
loi 101, oui. Il faut quand même se comprendre là-dessus. C'est un
point quand même très important.
M. Brassard: Est-ce que vous nous annoncez que vous allez
utiliser le "nonobstant"?
M. Rémillard: Absolument pas, je n'ai jamais dit cela. Je
veux simplement vous dire que tant la charte québécoise que la
charte canadienne sont en cause. Alors, vous ne pouvez pas seulement
blâmer la charte canadienne. À la charte québécoise,
en fait, ce sont des droits fondamentaux. C'est le fameux dilemme entre les
droits de la collectivité et des droits individuels.
M. Brassard: Oui, mais, M. le ministre, vous savez très
bien qu'il y a une différence majeure. La Charte des droits et
libertés de la personne du Québec est toujours modifiable par
l'Assemblée nationale. C'est l'Assemblée nationale qui a son
dernier mot à dire parce qu'elle peut la modifier. Alors qu'une charte
de droits... C'est toute la question de la charte des droits
intégrée ou non à une constitution. Une charte
enchâssée
dans la constitution, comme c'est le cas de la charte canadienne, est
évidemment beaucoup plus difficile à modifier, vous en
conviendrez. Et, quand cela fait obstacle...
M. Rémillard: Vous vous souviendrez de la loi 111 que vous
avez adoptée. Je comprends que c'est facile à changer, une charte
québécoise.
M. Brassard:... à l'exercice d'une
compétence...
M. Rémillard: Par la loi 111, vous l'avez
démontré.
M. Brassard:... supposément exclusive en matière
linguistique, cela devient drôlement plus important.
M. Rémillard: Oui, souvenons-nous de cela.
L'accord du lac Meech
M. Brassard: M. le Président, le ministre a parlé
du dossier du lac Meech et je l'aborderai également. Il a indiqué
tantôt que nous avions sacrifié le droit de veto. C'est le
cliché et le lieu commun véhiculés depuis longtemps par le
Parti libéral. Évidemment, c'est de bonne guerre, sauf que ce
n'est pas vrai. On sait fort bien que le droit de veto, on ne l'a jamais eu. On
a su qu'on ne l'avait jamais eu parce qu'on avait demandé un avis
à la Cour d'appel. À ce moment-là, il était
évidemment question de rapatriement et, par conséquent, de
l'exercice du droit de veto du Québec et des provinces. Sauf qu'il y
avait des gens qui disaient: Le droit de veto, le Québec n'en a pas et
par conséquent, le gouvernement fédéral peut rapatrier.
D'autres, au Québec bien sûr, disaient: Le Québec
détient un droit de veto, il peut l'exercer et s'il n'est pas d'accord,
il peut bloquer le rapatriement. C'est le débat qu'il y avait à
ce moment-là, vous le savez très bien. Le gouvernement
québécois, devant cette controverse, s'est dit: On va en avoir le
coeur net. On va vraiment savoir si on a un droit de veto ou non. On va poser
la question comme le prévoit la loi à la Cour d'appel. On va
demander si vraiment le Québec a un droit de veto. La réponse de
la Cour d'appel a été: Non, il n'y a pas de droit de veto, ni
pour !e Québec ni pour les provinces. Il n'y en a pas. Donc, c'est faux
de prétendre que nous avons sacrifié le droit de veto. On n'a pas
pu sacrifier quelque chose qu'on n'avait pas. On ne l'avait pas. Est-ce que
cela a été clair?
Ce qui m'amène à l'accord du lac Meech, c'est que c'est un
peu le même genre de controverse qu'on a avec l'accord du lac Meech, en
particulier concernant la régie d'interprétation sur la
société distincte. Vous prétendez que c'est là une
innovation extraordinaire sur le plan constitutionnel, que cela va permettre au
Québec d'assurer, de protéger, de promouvoir ses dif-
férences, ce qui le distingue comme société alors que
d'autres disent: Ce n'est qu'une règle d'interprétation et on
n'ira pas loin avec cela. C'est tellement vague, c'est tellement flou qu'on ne
pourra pas faire des progrès majeurs, ni des gains importants en
s'appuyant là-dessus. Il y a une controverse là-dessus. Si vous
êtes si certain, si vous êtes si sûr - vous semblez
être sûr, en tout cas à vous entendre, quand on
écoute vos propos là-dessus; on sent vraiment que se
dégage de vous une certitude - que le concept de société
distincte a une portée véritable, particulièrement en
matière linguistique, pour protéger la compétence
linguistique du Québec; si vous êtes si certain de l'exacte
portée du concept de société distincte, pourquoi
craignez-vous de demander un avis à la Cour d'appel? Pourquoi
hésitez-vous à demander un avis à la Cour d'appel? Vous en
êtes tellement certain que vous devez sans doute vous dire: La Cour
d'appel va confirmer ce que je pense, ce qu'on pense, la position du
gouvernement du Québec sur le concept de société
distincte. Vous en êtes si certain. Pourquoi ne pas demander un avis
à la Cour d'appel sur l'article 58? Encore une fois, il ne s'agit pas de
demander un avis à la Cour d'appel et de dire: Quelle est,
d'après vous, la portée de la société distincte
qu'on retrouve dans l'accord du lac Meech? Dites-nous cela. Non, non, non. Il
faut poser à la Cour suprême une question précise sur un
point de droit qui est contesté devant les tribunaux. C'est le cas de la
question de l'affichage qui est devant la Cour suprême. L'affichage
unilingue français a été déclaré
inconstitutionnel par les tribunaux inférieurs, la Cour
supérieure et la Cour d'appel. Cela a été
déclaré inconstitutionnel, non conforme à la charte des
droits. Il y en a qui prétendent que si le concept de
société distincte était intégré à la
constitution, on pourrait invoquer la société distincte et
obtenir de la Cour suprême un jugement qui dirait: Oui, cela va
peut-être à rencontre d'une disposition de la liberté
d'expression qu'on retrouve dans la charte des droits canadienne. Oui, cela va
peut-être à rencontre. On confirme que la Cour d'appel a raison
là-dessus, la Cour supérieure aussi. Cela va à rencontre
de ce principe. Mais puisque le Québec est une société
distincte et que cela est reconnu dans l'accord du lac Meech, que c'est une
règle d'interprétation sur laquelle on peut s'appuyer, nous
affirmons que le Québec a le droit d'appliquer l'article 58 tel qu'il
est stipulé dans la Charte de la langue française et qui oblige
à l'unilinguisme français dans l'affichage. / (11 h 15)
M. Rémillard: M. le Président...
M. Brassard: Pourquoi ne pas demander un avis à la Cour
d'appel sur cette question? On va savoir vraiment la portée du concept
de société distincte avant que la ratification de l'accord du lac
Meech soit complétée. Cela me semble important de le faire avant,
de s'assurer de la
portée de ce concept avant que le processus de ratification soit
complété parce que lorsqu'il va être
complété, vous savez très bien que quand c'est
intégré à une constitution, une constitution est tellement
compliquée, laborieuse... Vous en savez quelque chose parce que la
ratification de l'accord du lac Meech ne va pas vite. Maintenant, c'est
compromis non seulement par le Nouveau-Brunswick, mais par le Manitoba qui a un
gouvernement conservateur minoritaire et les deux autres formations politiques
ne sont pas très chaudes sur l'accord du lac Meech. Au Manitoba aussi,
l'accord du lac Meech risque d'être compromis.
Vous savez qu'amender une constitution est très laborieux, c'est
très long. Il n'est pas toujours certain qu'or y arrive. Mais quand
c'est fait, c'est drôlement difficile de revenir sur ce qui a
été adopté. C'est pas mal plus difficile que d'amender une
loi ordinaire. Par conséquent, c'est d'autant plus important d'en
connaître la portée exacte et précise. C'est pourquoi nous
réclamons que le gouvernement demande un avis formel sur ce concept, en
regard de l'article 58 de la Charte de la langue française pour qu'on
sache vraiment si cela veut dire quelque chose ou si cela ne veut rien
dire.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Rémillard: M. Johnson ne serait pas heureux de vous
entendre parler comme cela parce que d'abord, sauter sur la perche que vous
tend M. Trudeau cela devient un petit peu difficile. D'autre part vous
étiez avec M. Johnson lorsqu'il dénonçait le gouvernement
par les juges. Vous souvenez-vous de cela? "Il faut que le gouvernement
gouverne", disait-il. "Arrêtez de vous référer toujours aux
juges. La charte des droits fait qu'on va avoir un gouvernement par les juges.
C'est épouvantable."
M. Brassard: Ce n'est pas une décision qu'on demande,
c'est un avis.
M. Rémillard: "La souveraineté de
l'Assemblée législative." C'est le discours que vous avez tenu.
C'est exactement cela que vous m'avez dit. Là M. Trudeau vous a tendu
une perche, boum, il saute sur la perche des deux mains. Là, vous dites:
On l'a. Vite, on va aller en Cour d'appel et on va demander un avis sur un
projet constitutionnel. Qu'est-ce que c'est une constitution? Une constitution,
M. le Président, c'est beaucoup plus qu'un acte juridique. Une
constitution c'est un contrat social, c'est le contrat que nous passons
ensemble pour vivre ensemble, c'est ce contrat que nous fondons ensemble pour
établir...
M. Brassard: Faites un référendum.
M. Rémillard: Faisons un référendum au moins
avec des questions claires.
M. Brassard: C'est un contrat social, faites un
référendum là-dessus.
M. Rémillard: Peut-être auriez-vous pu demander
à la Cour d'appel de se prononcer sur la signification de votre
question.
M. le Président, il faut bien comprendre qu'on a un
système démocratique fondé sur la distinction de trois
grands pouvoirs. L'exécutif est là pour gouverner, le
législatif est là pour faire des lois et le judiciaire est
là pour juger de la conformité de ces lois avec une pièce
majeure qui est la constitution. C'est beaucoup plus qu'une pièce
juridique. C'est, à toutes fins utiles, un contrat social et c'est dans
ce contrat qu'on retrouve les valeurs fondamentales d'une
société. C'est exactement cela que nous faisons avec l'entente du
lac Meech où l'on inscrit dans notre contrat social et dans la
constitution canadienne, des principes fondamentaux comme la
société distincte et la dualité.
M. le Président, ce n'est pas à la Cour d'appel ou
à la Cour suprême canadienne à se prononcer sur une entente
constitutionnelle qui a été négociée par les
premiers ministres provinciaux et par le premier ministre du Canada. En 1982,
il y a un processus constitutionnel d'amendement qui a été
accepté. On se souvient qu'on avait pensé à ce
moment-là avoir un référendum. Je trouve cela curieux,
encore une fois, que le député de Lac-Saint-Jean me dise: On
devrait tenir un référendum. L'idée d'un
référendum était inscrite dans la proposition Trudeau de
1980-1981. Idée qu'ils ont combattue. Bien sûr, on s'est
déjà fait expliquer pourquoi. Parce que la souveraineté
appartient à l'Assemblée nationale. Ce qu'il faut comprendre, M.
le Président, c'est que la souveraineté appartient à
l'institution, mais par délégation, parce que la
souveraineté appartient fondamentalement au peuple. C'est vous, c'est
moi, c'est tout le monde qui formons la société qui sommes
souverains. C'est à nous, démocratiquement, d'élire nos
gens, de les mettre en place. Puis s'ils ne font pas notre affaire, on les
change. C'est cela la démocratie. M. le Président, il faut
respecter les règles de cette démocratie. Une des règles
fondamentales, c'est de faire en sorte qu'un gouvernement puisse gouverner, que
les juges jugent. Et dans ce cas-ci, en ce qui regarde l'entente du lac Meech,
je comprends que cela peut être tentant pour l'Opposition de sauter sur
cette perche que lui tend M. Trudeau. Mais je vous demande quand même de
réaliser qu'il y a là des contradictions importantes et que,
concernant l'entente du lac Meech, on devrait s'élever au-dessus de
toute ligne partisane et regarder strictement le texte afin de voir
l'importance de cette entente pour le Québec, pour l'ensemble canadien,
et mesurer la valeur de cette entente constitutionnelle ainsi que le processus
qui est en cours.
M. le Président, je tiens simplement à dire, en terminant,
que le processus qui est en cours démontre fort bien la valeur de
cette
entente. Si cela était passé dans toutes les provinces
comme du beurre dans la poêle chaude j'aurais dit, il n'y avait rien dans
cette entente. Mais toutes les commissions parlementaires qui ont
été tenues et qui se tiennent actuellement, nous ont
démontré qu'il n'y a aucune erreur fondamentale dans le texte. On
peut critiquer et dire que les droits des minorités ne sont pas dans
l'entente, mais cela n'a jamais été le but de l'entente du lac
Meech de mettre un code des droits des minorités, mais plutôt de
bâtir des fondements pour les droits des minorités. Oui, et c'est
ce qu'il y a dedans. On dit que les droits des femmes sont en cause. C'est
faux. Les droits des femmes ne sont pas en cause. Et même M. Trudeau ose
l'affirmer: "C'est vrai, on me l'a expliqué, j'ai compris. Les droits
des femmes ne sont pas en cause." Ensuite on va nous dire quoi? Que la charte
est en cause? Ce que nous disons, c'est que l'entente du lac Meech avec les
principes de la dualité et de la société distincte est un
instrument majeur pour interpréter la charte.
Je sais que le député de Lac-Saint-Jean ne peut pas
être contre cela après les propos qu'il vient de tenir sur la
charte canadienne ou la charte québécoise. Puis quand il me dit
qu'il sait très bien qu'il y a une grande différence entre la
charte québécoise et la charte canadienne, je dis, bien
sûr, car j'ai été le premier à l'affirmer puis
à me battre pour qu'il y ait une charte canadienne dans la constitution
canadienne comme une charte québécoise, mais plus complète
à bien des niveaux et pouvant être modifiée par une simple
loi. En fait, le député de Lac-Saint-Jean sait très bien
à quelle loi je veux me référer. De triste mémoire,
la loi 111, où on a obligé les travailleurs à retourner au
travail en abolissant un principe fondamental, le droit à l'innocence.
On est coupable avant d'être accusé. Cela allait contre tous nos
principes de droit les plus fondamentaux. On a mis cela de côté.
Pas de valeur constitutionnelle, ouf! Une loi et tout est terminé. Mais
c'est justement pour cela, M. le Président, qu'il faut avoir une charte
dans la constitution. Mais il est évident qu'il peut y avoir à
certains égards, à certaines fins, certains conflits entre les
droits individuels et les droits collectifs. Et il y a une clause, qui
s'appelle la clause "nonobstant", qui est là et qui doit être
utilisée à ce moment-là non pas pour abolir, mais limiter
des droits dans certaines circonstances, pour certaines fins, lorsque
l'intérêt de la collectivité le demande.
M. le Président, ce que je dis là encore, c'est que je
vois des contradictions flagrantes dans le discours de l'Opposition et j'essaie
de suivre. Il faudrait qu'on me l'explique, vraiment. J'essaie de trouver de la
continuité dans la pensée de l'Opposition. J'avais plus de
facilité avec M. Johnson, je l'avoue.
Le Président (M. Marcil): M. le député.
M. Brassard: M. le Président, ma question était
claire. La réponse est claire aussi. Vous refusez de clarifier les
choses et d'utiliser la procédure d'une demande d'avis à la Cour
d'appel. J'en prends acte. J'en prends note.
Vous parliez de gouvernement des juges ou gouvernement par les juges.
D'abord, je pense que le ministre, habilement, crée de la confusion
entre les décisions des tribunaux et les avis qu'on leur demande. Ce
qu'on réclame, c'est un avis de la Cour d'appel à partir d'une
question bien précise, ce qui n'est pas la même chose que les
décisions des juges, ce qui va être le cas en particulier sur
l'article 58 examiné actuellement par la Cour suprême.
Décision et avis, il ne faudrait pas confondre non plus, et tout
mélanger. C'est vous-même d'ailleurs qui, dès 1982,
à la suite de l'adoption et de la sanction de l'Acte constitutionnel et
du rapatriement de la constitution - on vous le rappelait souvent d'ailleurs en
commission parlementaire - avez indiqué qu'avec la charte des droits et
avec l'acte constitutionnel de 1982, désormais - vous écriviez
cela au lendemain de la sanction, royale - en matière linguistique, ce
sont les juges qui vont décider. C'est vous qui avez écrit cela.
On vous l'a cité souvent d'ailleurs. Vous vous la rappelez cette
affirmation que vous avez faite alors que vous étiez professeur de droit
constitutionnel? Matière linguistique, on va se retrouver avec un
gouvernement par les juges, gouvernement des juges. C'est
précisément ce qui s'est passé, d'ailleurs. Depuis 1982,
les décisions en matière linguistique et le
démantèlement progressif de la Charte de la langue
française se sont faits à partir de décisions des
tribunaux.
Mais si je retourne la question au ministre. Si le gouvernement par les
juges et des juges, c'est si condamnable, ce n'est pas souhaitable, et qu'il ne
faut pas en arriver a un tel état de chose, quoique déjà
actuellement c'est déjà le cas, à cause même de
l'enchâssement de la charte des droits dans la constitution... Les juges
invalident des lois, démantèlent des lois à partir des
l'interprétation de la charte des droits. On est déjà dans
une société où les juges décident, modifient des
lois, démantèlent des lois. C'est déjà le cas,
présentement comme vous l'aviez d'ailleurs prévu en 1982. Vous
l'aviez prévu, c'est cela qui est arrivé. Et si c'est si
condamnable que cela, le gouvernement des juges, pourquoi, dans le cas de
l'article 58 de la Charte de la langue française, attendez-vous, comme
gouvernement, la décision de la Cour suprême? Pourquoi vous en
remettez-vous à la décision de la Cour suprême? La position
de votre gouvernement est un peu différente de la vôtre. Si c'est
si condamnable que cela le gouvernement des juges, eh bien, ne vous souciez pas
de la décision de la Cour suprême en matière d'affichage,
et procédez. Passez à l'action, décidez, présentez
un projet de loi. Pourquoi cette position gouvernementale maintenue à
travers vents et marées depuis des mois et des
mois, qui consiste à répondre constamment et à
répéter constamment que, par rapport à l'affichage, par
rapport au dossier de l'affichage, le gouvernement attend la décision de
la Cour suprême, il attend la décision de messieurs les juges?
Si le gouvernement des juges est à condamner ou à rejeter
ou, que ce n'est pas le meilleur système qui doit prévaloir, bien
soyez cohérent là aussi sur cette question-là et prenez
immédiatement - parce que c'est un dossier chaud, c'est un dossier
controversé, c'est un dossier qui suscite bien des passions, le dossier
linguistique, en particulier sur l'affichage - une décision et
n'attendez pas. Pourquoi attendez-vous la décision des juges dans ce
dossier-là? Leur sentence? Allez de l'avant.
M. Rémillard: M. le Président.
M. Brassard: Ne vous en occupez pas.
M. Rémillard: M. le Président.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre. (11 h 30)
M. Rémillard: M. le Président, je veux simplement
respecter un principe qui, là encore, est fondamental dans notre
régime démocratique. C'est le respect du processus judiciaire.
C'est un droit fondamental de tout citoyen de ce pays, de pouvoir s'adresser
aux tribunaux pour contester une loi qui, selon lui, va à l'encontre de
la constitution du pays. C'est un droit qui est fondamental. Le gouvernement
n'a pas à s'ingérer dans ce processus; il peut prendre les moyens
pour défendre sa loi, oui, mais il n'a pas à s'ingérer. Il
existe des règles comme la règle du sub judice qui nous
empêche de commenter ces choses à l'extérieur pour laisser
pleine latitude aux juges. Cela fait partie de notre système
démocratique et il faut respecter ces principes.
Ce que nous disons, M. le Président, c'est qu'en ce qui regarde
l'affichage, c'est une cause maintenant pendante devant la Cour suprême.
La Cour suprême devrait rendre sa décision. Il nous fallait suivre
ce processus judiciaire à cause des interrelations de cette cause avec
d'autres causes sur d'autres points concernant les droits fondamentaux, la
liberté d'expression, etc. et il fallait donc en arriver à ce que
la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays, se prononce
pour clarifier le droit. À partir de cette décision, nous allons
pouvoir agir comme gouvernement à l'intérieur de la marge de
manoeuvre que nous avons. Cette marge de manoeuvre nous est garantie entre
autres, sur le fait du principe de l'exclusivité de la juridiction du
Québec sur la langue, principe auquel nous tenons tant.
Alors, M. le Président, tout à l'heure le
député de Lac-Saint-Jean nous disait: Oui, mais il y a des
provinces qui sont intervenues concernant la défense de la loi 101.
Attention! La province comme je l'ai mentionné tout à l'heure et
je le répète pour être bien compris qui est intervenue,
c'est l'Ontario et l'Ontario est intervenu strictement en ce qui regarde la
validité de la loi 62 de 1982. Alors, il ne faut quand même pas
charrier et il ne faut pas dire que les autres provinces sont intervenues dans
un débat linguistique qui regarde le Québec. C'est
complètement faux. Il faut être très clair sur cela. Mais
une province peut intervenir en Cour suprême pour faire valoir certains
points qui sont connexes et qui sont dans le débat devant la cour et
cela se fait couramment dans toutes les autres décisions.
M. le Président, je reviens simplement sur un principe qu'il faut
bien comprendre. Il y a trois grands pouvoirs à la base de notre
société démocratique et là encore, lorsque le
député de Lac-Saint-Jean me dit: Pourquoi suivez-vous tout ce
processus judiciaire, intervenez! ce serait nier, là encore, le droit
fondamental d'un citoyen, individuel ou corporatif, à contester une loi,
un règlement, une mesure qui puisse aller à rencontre des droits
fondamentaux. C'est son droit le plus sacré d'aller jusqu'en Cour
suprême et nous avons à attendre la décision de la cour.
Tout cela en fonction d'un principe qui nous est cher parce qu'il est au
fondement même du respect de la démocratie.
Le Président (M. Marcil): M. le député
de
Lac-Saint-Jean.
Programme national de garderies
M. Brassard: M. le Président, je souhaiterais aborder un
autre sujet, celui du programme national de garderies. Le gouvernement
fédéral, en décembre dernier, annonçait une
stratégie en matière de garderies. Il prévoyait des fonds
assez considérables, 5 400 000 000 $. Le programme comporte des volets
qui relèvent de sa juridiction, entre autres les mesures fiscales. Je
conviens que tout ce qui concerne la fiscalité en regard de la garde des
enfants c'est de sa juridiction, mais cela comportait aussi un volet, un
nouveau programme à frais partagés où Ottawa injectera 3
000 000 000 $ pour la création de nouvelles places en garderies, pour le
fonctionnement des garderies. Le fédéral assumerait 75 % des
coûts d'immobilisation reliés, entre autres, à la
construction et à la rénovation des garderies sans but lucratif,
laissant 25 % aux provinces. Sur cela, la ministre responsable, Mme
Gagnon-Tremblay a manifesté, je pense, un intérêt certain
pour cette stratégie fédérale en matière de
garderies.
Dans votre cas, je vous signale qu'à une question que je vous
posais à l'Assemblée nationale sur ce sujet, vous avez
répondu: "Dans le contexte actuel - et je vous cite - nous disons: "Les
garderies sont de notre juridiction. C'est ce que nous disons. Nous disons:
Vous avez un pouvoir de dépenser, très bien, mais si ce
programme national ne correspond pas à ce que nous, nous voulons
faire, nous allons demander à ce moment-là de se retirer avec
compensation." Donc, vous avez à ce moment-là
évoqué la possibilité que le gouvernement
québécois, compte tenu que les garderies sont de juridiction
québécoise, se retire d'un programme fédéral en
matière de garde et exige forcément, en retour, une compensation
financière raisonnable, juste et équitable.
Il est bien évident que le Québec, même s'il reste
encore bien des progrès à accomplir en matière de garde, a
mis en place un réseau de garderies, des modes de financement, un
organisme de contrôle et de développement, qui est l'Office des
services de garde. Donc, nous avons affirmé, le Québec a
affirmé concrètement, que ce soit sous le gouvernement actuel ou
sous les anciens gouvernements, par des budgets, des actions, des politiques,
qu'en matière de garde, il s'agissait là d'une juridiction
québécoise. C'est ce que vous avez reconnu. D'ailleurs,
là-dessus, on est pleinement d'accord.
Maintenant, cela fait quand même quelques mois de cela et la
question que je pose et que je vous pose, c'est: Avez-vous
complété l'analyse et l'évaluation de la stratégie
proposée par le gouvernement fédéral, son nouveau
programme à frais partagés? En avez-vous complété
l'évaluation? En êtes-vous arrivés à la conclusion
qu'il vaudrait mieux que le Québec demeure seul dans ce domaine et que,
par conséquent, il y aurait lieu, comme vous l'avez vous-mêmes
évoqué, d'exercer un droit de retrait et d'exiger une
compensation financière de la part du gouvernement fédéral
en cette matière?
M. Rémillard: M. le Président, là encore, je
suis particulièrement heureux que le député de
Lac-Saint-Jean soulève un autre point de l'entente du lac Meech,
c'est-à-dire ce cadre que nous voulons donner au pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral et, qu'il le
soulève, donc, en relation directe avec un point si important dans
l'évolution de notre société québécoise: les
garderies. Je l'ai dit en Chambre et le député de Lac-Saint-Jean
m'a cité correctement: Les garderies, cela relève de notre
juridiction. Et nous pouvons quand même être fiers du réseau
de garderies que nous avons, bien qu'il y ait des améliorations à
apporter. L'intention est louable de vouloir discuter au niveau canadien de ces
programmes concernant les garderies. Cependant, ce que nous disons, c'est qu'on
ne veut pas se faire imposer de politique qui viendrait d'ailleurs dans un
champ que nous considérons de notre juridiction.
Nous sommes prêts à collaborer. Nous sommes prêts
à travailler, au niveau fédéral, avec les autres provinces
et avec le gouvernement fédéral. Si le gouvernement
fédéral a des sous à mettre dans ce projet, c'est
intéressant qu'on puisse en avoir notre part, parce que, comme je l'ai
mentionné dans mon intervention au tout début, nous voulons
recevoir notre juste part de la fédération canadienne. Et je sais
que le député de Lac Saint-Jean est particulièrement
vigilant à ce niveau: Allez chercher votre part, battez-vous.
Tantôt il m'a souligné plusieurs points. On a eu l'occasion d'y
revenir. Il faut se battre pour aller chercher notre part. Dans ce
domaine-là, oui il y a possibilité pour le gouvernement
fédéral, on parle de sommes pouvant aller jusqu'à 5 400
000 000 $ sur une période de sept ans. C'est de l'argent, c'est
intéressant, mais en aucune façon, on ne mettra en cause la
compétence du Québec en matière de garderies. C'est donc
dire que nous sommes à discuter avec le gouvernement
fédéral, mais que ce dernier n'a pas encore vraiment fait valoir
ses programmes dans tous leurs éléments. Alors nous ne savons pas
encore exactement où veut vraiment aller le gouvernement
fédéral. Ce que nous savons, c'est qu'il envisage un plan
national où les provinces et le gouvernement fédéral
pourraient travailler ensemble et avoir des services de garderies
améliorés partout au Canada. C'est une idée qu'on ne met
pas de côté. Au contraire, on dit: C'est intéressant. On
croit en cette fédération et on croit que l'on doit
améliorer les conditions de vie de tous les citoyens. Alors on peut
s'associer, mais on se dit: il s'agit là d'un domaine de
compétence provinciale et nous avons nos propres normes et nos propres
conditions pour établir ce service de garderies. Dans la mesure
où ce que vous proposez pourrait correspondre à ce que nous
voulons faire, nous sommes prêts à collaborer.
À ce stade-ci, M. le Président, nous n'avons pas
reçu le plan précis du gouvernement fédéral nous
indiquant comment il veut procéder dans ce dossier. Je voudrais
simplement en terminant insister là encore sur ('importance de l'entente
du lac Meech, parce que, dans un domaine si important, le député
de Lac-Saint-Jean conviendra avec moi que si l'entente du lac Meech faisait
partie de notre constitution, je pourrais dire: Si cela ne correspond pas
à nos priorités, nous allons pouvoir aller chercher la part
d'argent qui nous revient et nous retirer. Même présentement, il y
a des précédents des années soixante qui nous permettent
de nous retirer avec des sommes d'argent. Dans le cas des prêts et
bourses, par exemple. Mais ce n'est pas assez; il n'y a aucune garantie
constitutionnelle. Je pense bien que le député de Lac-Saint-Jean
va me suivre là-dessus pour montrer à quel point c'est important
que l'on puisse faire sanctionner cette entente du lac Meech et
récupérer la juste part qui revient au Québec comme
partenaire majeur de cette fédération.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Donc si je comprends bien, M. le Président,
le gouvernement fédéral, depuis décembre dernier, moment
où il rendait publique
sa stratégie pour les garderies, n'a pas encore
précisé les objectifs, les critères et les balises de son
programme concernant, premièrement les immobilisations,
c'est-à-dire la construction ou la rénovation de garderies sans
but lucratif et à but lucratif. La discussion semble aussi se
poursuivre. Deuxièmement, sur le partage des coûts ou sur ^
l'immobilisation et soutien au fonctionnement des garderies, il n'y a pas eu
d'évolution jusqu'à maintenant. C'est en début
décembre que cela a été rendu public. On est presque en
mai. Il n'y a pas eu d'évolution de la part du gouvernement
fédéral ni de précisions qui ont été
apportées sur ses intentions en matière de garderies. C'est un
peu curieux. Est-ce que le gouvernement fédéral aurait
soudainement laissé tombe. ses intentions d'intervenir dans ce
secteur-là? Comment expliquer que cela n'a pas évolué
depuis plusieurs mois? C'est ma première question. (11 h 45)
La deuxième, c'est: Pour décider de faire la bataille du
retrait et de la compensation, sur quoi allez-vous vous appuyer dans le
programme fédéral? Est-ce que c'est sur les objectifs? Si les
objectifs poursuivis par le programme fédéral ne vous conviennent
pas ou ne sont pas compatibles avec les objectifs poursuivis par le
Québec en matière de garderie vous allez demander le retrait et
la compensation. Est-ce sur les critères qu'on va s'appuyer pour
subventionner les immobilisations ou pour subventionner le fonctionnement des
garderies? Sur quoi allez-vous vous appuyer? Qu'est-ce qui va vous guider dans
l'élaboration de votre position comme gouvernement pour en arriver
à dire: On accepte le programme fédéral, ou on refuse de
s'impliquer et de s'associer à ce programme, et on fait la bataille du
droit de retrait et de la compensation financière?
Sur cette question précise du droit de retrait, c'est vrai que
l'accord du lac Meech n'est pas entériné, mais vous avez raison
d'évoquer des exemples et des précédents. Il y a des
précédents dans l'histoire du Québec qui font qu'à
plusieurs occasions le gouvernement du Québec a fait une bataille
politique. Évidemment, c'est une bataille politique. Il ne s'appuyait
pas sur des dispositions constitutionnelles, il faisait une bataille politique,
donc, il établissait un rapport de forces avec le gouvernement
fédéral qui lui était favorable pour obtenir de l'argent
en retour d'un retrait ou d'une non-participation à un programme
fédéral. Sur quoi allez-vous vous appuyer pour en arriver
à une prise de décision? On participe, on ne participe pas.
Voilà, c'est surtout cela, la question. Évidemment, à
partir de ce moment-là, même si ce n'est pas intégré
à la constitution, il y a forcément des précédents
qui peuvent permettre de faire une bataille à caractère politique
pour se retirer et obtenir une compensation.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, je suis content de
voir que le député de Lac-Saint-Jean fait, en quelque sorte, une
plaidoirie en faveur de l'entente du lac Meech.
M. Brassard: Mais non, mais non!
M. Rémillard: Je voudrais simplement lui dire ceci: Sur le
pouvoir de dépenser, vous dites que vous êtes d'accord, mais,
faites attention, M. Trudeau n'est pas d'accord. Vous êtes allé en
contradiction avec M. Trudeau. Jusqu'à présent, vous vous suiviez
et cela allait, mais ne vous mettez pas en contradiction. C'est mon devoir de
vous avertir que M. Trudeau n'est pas plus d'accord sur le pouvoir de
dépenser qu'il ne l'est sur la société distincte. Alors,
si vous venez me dire que vous êtes d'accord sur le pouvoir de
dépenser, cela peut vous mettre dans une situation difficile. À
un moment donné, on prend la perche et...
Sur l'évolution du dossier, je peux vous dire qu'il y a des
pourparlers au niveau des sous-ministres et même au niveau des ministres.
Ma collègue, responsable du dossier, a eu quelques rencontres. Il y a
une évolution de ce dossier sur certains points, bien sûr. Vous me
demandez ce qui nous guide dans nos interventions. Ce qui nous guide, c'est le
respect de la compétence du Québec en matière de services
de garde et le respect des objectifs du Québec dans ce domaine. À
partir de là, je vous l'ai dit tout à l'heure et je le
répète, nous sommes prêts à collaborer. Et, si, avec
des sommes d'argent qui nous viennent bien sûr du gouvernement
fédéral, nous pouvons améliorer le système de
garderies en fonction de nos objectifs, c'est ce que nous allons faire. Par
contre, si ces objectifs, qu'on veut inclure dans le projet, ne correspondent
pas à nos objectifs et ne protègent pas la marge de manoeuvre qui
nous revient de par notre compétence sur ces garderies, il va falloir
dire: Nous ne marchons pas là-dedans et nous voulons avoir notre part de
l'argent parce que nous allons continuer à administrer notre propre
système de garderies.
Sur quoi allons-nous nous baser pour réclamer cet "opting out"
qui a toujours été gagné à la suite de discussions
fortes avec le gouvernement fédéral par des gouvernements
libéraux provinciaux? Parce que c'est un rapport de forces, comme vous
l'avez très bien dit? Lorsque le rapport de forces n'existe plus,
bien...
M. Brassard: Comme c'est le cas présentement.
M. Rémillard: Comme c'était le cas, oui. Comme
c'était le cas avec votre droit de veto que vous avez sacrifié le
16 avril 1981. Le rapport de forces, je ne m'aventurerais pas trop
là-dessus à votre place. Mais, il reste quand
même qu'il va falloir, à un moment donné, que vous
vous rendiez compte qu'on doit encadrer ce pouvoir de dépenser.
Lorsqu'on a discuté de l'entente du lac Meech, vous même et M.
Johnson faisiez de grandes sorties: Vous êtes en train de
reconnaître ce qui n'a jamais été reconnu. Mais, vous
êtes le premier maintenant...
M. Brassard: Très juste, exact.
M. Rémillard: Là encore, vous êtes en train
de me dire: Mais malheureusement...
M. Brassard: Vous le reconnaissez.
M. Rémillard: ...sur quoi allez-vous vous baser? Parce que
vous n'avez pas de points constitutionnels? Est-ce que le rapport de forces va
être suffisant? Mon Dieu! C'est ce qu'on a fait avec l'entente du lac
Meech de mettre dans la constitution "l'opting out". Et là, quel
discours me tenez-vous? Vous me dites: Bien oui, est-ce que vous allez pouvoir
vous passer... Sur quoi allez-vous vous baser? Pensez-vous que le rapport de
forces va être assez fort pour aller chercher votre "opting out" et aller
chercher l'argent qui nous revient au Québec? C'est ce qu'on vous dit
depuis le début. Le rapport de forces, c'est une chose. Ce qui est
écrit dans la constitution, c'est autre chose. Il faut avoir absolument
ces droits à "l'opting out" inscrits dans la constitution en fonction du
pouvoir de dépenser. Là encore, vous voyez très bien
l'obligation que nous avons d'avoir ce cadre d'action qui nous permet cet
"opting out", d'avoir notre part qui nous revient de la richesse nationale
federative. Par conséquent, vous voyez, là encore, l'importance
de l'entente du lac Meech. Or, à votre question, ma réponse est
simple. Si l'entente du lac Meech n'a pas été votée, ce
sera un rapport de forces pour aller chercher ce qui nous revient. Mais
malheureusement, on n'aura pas d'assises constitutionnelles pour dire: Cela
nous revient et on doit l'avoir. On ne l'aura pas. Vous voyez donc l'importance
que l'entente du lac Meech soit sanctionnée le plus tôt
possible.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, ce que l'accord du lac Meech
reconnaît aussi, c'est que le gouvernement fédéral pourra
désormais, si elle est ratifiée, par son pouvoir de
dépenser, s'ingérer dans des domaines de juridiction exclusive
des provinces. C'est cela qui a rencontré une opposition de notre part.
C'est cette reconnaissance... Cela n'avait jamais été
reconnu...
M. Rémillard: C'est marqué en toutes lettres que
cela est Impossible. C'est écrit. Lisez l'entente: "Le présent
article n'élargit pas les compétences législatives du
Parlement du Canada ou des Législatures des provinces." C'est
écrit en toutes lettres.
M. Brassard: Par son pouvoir de dépenser, le gouvernement
fédéral va pouvoir entreprendre des programmes qui vont
empiéter dans des domaines de juridiction provinciale comme c'est le cas
de C-72 dans le domaine linguistique. C'est évidemment cela qu'on
considère comme dangereux. Quant au droit de retrait avec compensation
financière, ce n'est pas dit que c'est uniquement sur des dispositions
constitutionnelles que cela pourra s'exercer. Il faut, d'abord, et avant tout
qu'il y ait une volonté politique. S'il n'y a pas de volonté
politique, cela ne sert pas à grand chose d'avoir des dispositions
constitutionnelles. Quand je vous posais la question: Sur quoi allez-vous vous
appuyer, je ne faisais pas référence à des dispositions
constitutionnelles, je faisais référence à un examen des
objectifs fédéraux. Si cela ne vous convient pas, c'est
là-dessus que vous allez... C'est cela...
D'ailleurs, vous avez répondu: On va examiner les objectifs. Si
c'est compatible avec nos objectifs, on pourra y aller. Si cela n'est pas
compatible avec nos objectifs en matière de garderies, on va envisager
le retrait avec compensation financière. Mais vous ne trouvez pas que le
temps passe assez vite? Comment se fait-il que ce dossier n'ait pas
évolué depuis cinq mois? Comment se fait-il qu'il n'ait pas connu
de progrès en matière de discussion? Quels sont les
échéanciers? Est-ce qu'il y a des échéanciers
connus dans ce domaine? Est-ce que le fédéral a des
échéances? Est-ce que vous avez des échéances pour
en arriver à une conclusion? Vous savez qu'il y a des élections
fédérales qui sont imminentes. Alors, évidemment... Pour
le moment, l'impression qu'on a, c'est que ce dossier traîne, qu'il a
été plus ou moins tablette et qu'il ne connaît pas une
évolution réelle. Pour quelle raison? Je l'ignore. Est-ce que le
gouvernement fédéral a renoncé à intervenir dans ce
domaine? Est-ce que c'est votre évaluation? Pourquoi cela tarde-t-il?
Est-ce que vous avez, quant à vous, des échéances plus ou
moins précises, des délais à respecter pour en arriver
à une conclusion dans ce domaine, pour ne pas laisser traîner les
choses indûment?
Le Président (M. Marcil): M. le ministre. Les cinq
dernières minutes, ensuite nous allons suspendre pour
l'après-midi.
M. Rémillard: Ce que nous savons, M. le Président,
c'est que le gouvernement fédéral aimerait, à la fin juin,
rendre public son programme en tant que tel. Mais nous n'avons
évidemment pas à dire au gouvernement fédéral
comment agir dans son processus politique de mise en oeuvre de son programme.
C'est lui qui détermine, si vous voulez, le rythme. Ce que nous disons,
c'est qu'il n'est pas question, pour
I aucune considération, que le gouvernement fédéral
vienne nous imposer des normes. Nous sommes prêts à regarder les
objectifs du programme fédéral. Dans la mesure où ces
objectifs correspondent aux nôtres, nous sommes prêts à
travailler sur le plan national fédéral à établir
ce service de garde, en améliorant notre propre service de garde tout en
partageant une assiette financière intéressante. Cependant, il
n'est absolument pas question pour nous d'accepter qu'on nous impose des
normes.
Dans ce contexte, nous suivons ce dossier. Au fur et à mesure que
les informations nous arrivent, nous pouvons dire si nous sommes d'accord ou si
nous avons des réticences sur tel ou tel point. Jusqu'à
présent ce dossier fonctionne dans un contexte qui ne nous pose pas de
difficultés majeures jusqu'à présent. Reste à voir
la suite des événements. Reste à voir le programme
général qui sera établi par le gouvernement
fédéral. Tout cela nous ramène encore au pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral. Le député
de Lac-Saint-Jean doit se souvenir de cette bataille extrêmement
importante et énergique qu'avait menée le gouvernement
péquiste à l'époque contre le projet de loi C-3, en ce qui
regarde la question des soins de santé. On sait que le ministre
québécois était même allé à Ottawa
pour plaider contre cette loi. Cela n'a pas de bon sens, il faut encadrer cela.
On ne peut pas laisser le gouvernement fédéral envahir des champs
de compétence. C'est ce que fait l'entente du lac Meech. Lorsqu'on dit
que cela va permettre au fédéral d'intervenir dans les champs de
compétence de juridiction exclusive provinciale, c'est faux. Il est
écrit en toutes lettres que "le présent article n'élargit
pas les compétences législatives du Parlement du Canada ou des
Législatures des provinces."
Évidemment, M. Trudeau, tout comme l'Opposition, est contre cet
article du lac Meech. Bon, très bien. Mais, M. le Président, tout
simplement en terminant, je comprends qu'on partage encore la même
barricade. Ce que je voudrais qu'on comprenne aussi, à la lumière
de l'exemple très bien illustré par le député de
Lac-Saint-Jean, c'est à quel point il est important qu'on ait une
garantie constitutionnelle pour nous garantir notre "opting out", et ce, le
plus tôt possible.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre,
M. le député. Nous allons reprendre nos travaux à 19
heures, à la salle Papineau, naturellement sous réserve de l'avis
du leader en Chambre cet après-midi. Merci. Nous allons suspendre.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprise à 19 h 8)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Bonsoir, nous allons reprendre nos travaux. J'aimerais rappeler quand
même le mandat de la commission qui est de procéder à
l'étude des crédits budgétaires du ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
Nous avions appelé le programme 4, les éléments 1 à
3. Donc, je vais reconnaître immédiatement M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Agence spatiale canadienne
M. Brassard: J'aborderais le dossier de l'agence spatiale. On
sait que le ministre de Cotret a confirmé récemment la
participation du Canada au projet américain de station orbitale. Cela va
entraîner des dépenses de plus d'un milliard de dollars et
cependant, on apprenait du même coup que Spar Aerospace de Toronto serait
maître d'oeuvre de ce projet, que la part des contrats accordés
à l'Ontario et au Québec serait plafonnée à 35 %,
que le Conseil national de recherches d'Ottawa serait responsable de la gestion
du projet et accorderait les contrats. Pour ce qui est de l'agence spatiale, le
ministre de Cotret a été plus évasif. Il a dit qu'il se
pencherait sur la question au cours des prochaines semaines et qu'il faudrait
peut-être attendre que soit créé le ministère de
l'Industrie, des Sciences et de la Technologie plus tard cette année.
Déjà donc, il nous indique qu'il va retarder de plusieurs
semaines, sinon des mois, la décision quant à la localisation de
l'agence spatiale.
Il n'est pas inutile de rappeler, M. le Président, que
près de 80 % des 42 0C0 000 $ déjà accordés
à ce projet l'ont été à l'Ontario et que le Conseil
national de recherches procède actuellement à l'embauche de 160
chercheurs, des ingénieurs surtout, qui seront en poste à Ottawa
afin de participer au projet de station orbitale. J'ai déjà
posé la question au ministre du Commerce extérieur et du
Développement technologique relativement au plafonnement à 35 %.
Étant donné le fait que 80 % des activités de recherches
et de développement en matière spatiale se font au Québec,
particulièrement à Montréal, est-ce que vous vous
résignez à cette décision du gouvernement
fédéral de plafonner à 35 % la part des contrats
reliés au projet de station orbitale, ou est-ce que vous entendez agir,
entreprendre des démarches, des actions pour que ce plafond de 35 % qui
est inacceptable pour le Québec... le ministre du Commerce
extérieur et du Développement technologique l'a
déjà indiqué, parce que cela ne correspond pas au niveau
d'activités en matière spatiale au Québec. Est-ce que le
gouvernement québécois s'est résigné à ce
plafond de 35 % ou est-ce que vous entendez faire des démarches et des
interventions pour que la part du Québec soit supérieure?
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Je vais reconnaître M.
le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, ]e voudrais tout
d'abord remercier le député de Lac-Saint-Jean pour cette question
portant sur un dossier qui est très important dans nos discussions avec
le gouvernement fédéral. Important dans le sens qu'il est
étroitement relié à la recherche scientifique et au monde
de la haute technologie.
En ce qui regarde nos relations avec Ottawa et la part des
retombés que nous voulons obtenir pour le Québec comme partenaire
économique majeur de la fédération mon collègue du
Commerce extérieur et du Développement technologique a eu
l'occasion de répondre à plusieurs reprises au
député de Lac-Saint-Jean concernant ce programme spatial. Vous me
permettrez, M. le Président, de faire une distinction, distinction qu'a
faite mon collègue du Commerce extérieur et du
Développement technologique, entre la construction de la station
orbitale et l'agence spatiale. Le premier volet correspond à un
programme de participation du gouvernement fédéral avec le
gouvernement américain pour la construction d'une station orbitale et,
selon ce qui a déjà été établi, depuis
déjà deux ans, la part du Québec des retombées
économiques de ce programme est fixée à 35 %, celle de
l'Ontario à 35 %, celle des Prairies, 10 %, celle des Maritimes, 10 % et
celle de la Colombie britannique, 10 %. Le gouvernement fédéral a
procédé à cette répartition pour tenter
d'équilibrer le développement technologique et économique
des régions en fonction d'un objectif de développement
régional.
Cependant, ce programme concernant la construction de la station
orbitale, c'est une chose. L'autre chose, c'est le programme d'une agence
spatiale. Avoir une agence spatiale capable de coordonner, d'entreprendre, de
planifier et de développer les recherches et les politiques
scientifiques dans le domaine spatial, c'est cela qui, pour nous, est
déterminant; faire en sorte que cette agence soit située à
Montréal, et on n'a ménagé aucun effort pour y arriver.
(19 h 15)
Je me réfère toujours au travail extrêmement
énergique qu'a fait mon collègue du Commerce extérieur et
du Développement technologique autant que les intervenants
québécois au niveau municipal, par la ville de Montréal et
même l'Opposition, pour que cette agence spatiale soit située
à Montréal. Donc, M. le Président, je reprends simplement
ce qu'a dit mon collègue du Commerce extérieur et du
Développement technologique et je dis qu'il faut faire une distinction
entre la construction de la station orbitale à la suite de cette entente
qui a eu lieu avec le gouvernement fédéral et les
États-Unis et l'agence spatiale, d'autre part, avec un programme de
développement général en matière spatiale.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. M. le
député.
M. Brassard: Je connaissais la distinction qu'il fallait faire
entre une agence spatiale et le projet spécifique d'une station
orbitale, projet canado-américain. Mais la question précise que
je posais, c'est que le gouvernement fédéral a annoncé de
façon précise que, pour ce qui est des contrats reliés au
projet de station orbitale, la part du Québec serait plafonnée
à 35 %, celle de l'Ontario également, 10 % à la Colombie
britannique, 10 % à l'Ouest et 10 % aux Maritimes. Le ministre du
Commerce extérieur, à plusieurs reprises, a indiqué que
quant à lui, compte tenu du niveau d'activité dans le domaine
aérospatial, particulièrement à Montréal, niveau
élevé - tout près de 80 % de la recherche et du
développement dans le domaine spatial se fait à Montréal -
compte tenu de cette situation, le ministre du Commerce extérieur a
déjà indiqué maintes et maintes fois que 35 % ne seraient
pas une juste part pour le Québec, que cela ne lui apparaissait pas
suffisant. Je lui avais posé la question d'ailleurs en Chambre, une
fois. Je lui avais demandé: Est-ce que vous acceptez cette
volonté fédérale de répartition des contrats
reliés à la station orbitale de 35-35, 35 % Ontario, 35 %
Québec? Il m'avait donné une réponse très
brève en disant: Non. Sa réponse était tout simplement
cela. C'était clair. C'était précis. Non, il n'acceptait
pas cette répartition.
Par conséquent, comme vous êtes ministre des relations
fédérales-provinciales, ma question était simple aussi.
Est-ce que, compte tenu que le gouvernement - parce que je présume que
M. MacDonald parlait aussi au nom du gouvernement - n'accepte pas cette
répartition des contrats telle que décidée par le
gouvernement fédéral - ce n'est pas une intention, c'est une
décision - comme vous n'acceptez pas ce mode de répartition -
à moins que vous n'ayez changé d'avis entre-temps - est-ce que
vous allez entreprendre des démarches, faire des interventions
auprès du gouvernement fédéral pour que cette
décision de n'accorder que 35 % des contrats reliés à la
station orbitale - ce qui apparaissait tout à fait injuste et
inéquitable au ministre du Commerce extérieur - est-ce que vous
allez faire des démarches? Ou, est-ce que vous vous résignez?
Est-ce que le gouvernement se résigne à cette répartition
injuste, compte tenu de l'activité économique du Québec
dans ce domaine? C'est cela la question.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Rémillard: M. le Président, je confirme tout
simplement ce qu'a dit mon collègue du Commerce extérieur et du
Développement technologique. Il est important de comprendre que les
trois secteurs d'activité, l'aéronautique, l'aérospatiale,
l'orbital et la recherche scientifique
sont trois éléments qui sont très liés entre
eux si on ajoute bien sûr l'agence spatiale. Et ce sont des sujets que
nous regardons ensemble en fonction de l'évolution que nous voulons
donner au développement technologique dans la région de
Montréal, dans le Québec, d'une façon
générale en fonction d'une spécialité qui est de
plus en plus celle de Montréal, soit le domaine de
l'aéronautique. Avec l'agence spatiale, nous aurions donc un
complément très important en ajoutant l'orbital. Cela nous
permettrait aussi d'intervenir à différents niveaux pour
augmenter la part du Québec en ce qui regarde la recherche scientifique,
parce que mon collègue du Commerce extérieur et du
Développement technologique a dit aussi du député de
Lac-Saint-Jean qu'on ne reçoit pas notre juste part des contrats de
recherche scientifique. Nous disons la même chose que mon collègue
a dite: Non, ce n'est pas suffisant. Actuellement, le ministre du Commerce
extérieur et du Développement technologique est en discussion
avec Ottawa sur différents plans. Il y a différents intervenants
qui sont aussi très actifs, qui poussent le dossier, qui sont
très conscients de l'importance du dossier non seulement pour la
région montréalaise, mais pour l'ensemble du Québec, parce
qu'il pourrait y avoir des retombées à différents niveaux
régionaux. Pour nous, il est important de faire en sorte qu'on puisse
avoir un maximum de retombées. Cela exige, en premier lieu, que l'agence
spatiale soit située à Montréal.
M. Brassard: Donc, si j'interprète vos propos, vous
comptez faire des démarches auprès du gouvernement
fédéral pour que le plafond de 35 % soit modifié et que le
Québec soit en mesure d'obtenir plus que ce plafond de 35 % en termes de
contrats reliés à la station orbitale.
M. Rémillard: Tout d'abord, actuellement, il y a des
discussions. Il y a des démarches qui sont faites par le ministre du
Commerce extérieur et du Développement technologique pour que
l'agence spatiale soit à Montréal. Nous avons fait des
démarches et nous continuons à en faire en ce qui regarde la
recherche scientifique. Vous savez que nous avons maintenant une personne
très compétente qui va à Ottawa et qui nous aide à
prendre contact avec le monde scientifique, en particulier avec les
fonctionnaires et les groupes gouvernementaux et para-gouvernementaux qui
accordent ces subventions de recherche, pour faire en sorte que nous puissions
avoir notre juste part de ces contrats de recherche. C'est M. Beaulnes. Tout
cela est interrelié, M. le Président. Je dis au
député de Lac-Saint-Jean que nous faisons tout ce qui nous est
possible de faire dans un dossier qui est très bien mené par le
ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique.
Nous faisons tout ce qui nous est possible de faire pour que t'agence spatiale
soit à Montréal, que la recherche scientifique soit axée
dans les domaines de spécialité qui nous reviennent de plus en
plus, tant dans le domaine de l'aéronautique que de l'orbital et du
spatial, en fonction d'un ensemble de développement technologique qui
doit revenir au Québec.
M. Brassard: Je poserai des questions sur l'agence spatiale tout
à l'heure. J'en ai sur l'agence spatiale. Je ne pose pas de questions
sur l'agence spatiale pour l'instant.
M. Rémillard: Mais, c'est cela que vous m'avez dit tout
à l'heure. Vous avez commencé la séance en disant...
M. Brassard: J'ai fait une introduction qui parlait de ta station
orbitale et de l'agence spatiale, mais dans mes questions, je reviendrai
tantôt sur l'agence spatiale. Ma question concerne le montant de 1 185
000 000 $ relié au projet américain de station orbitale. Le
Québec recevra, selon le gouvernement fédérai - c'est une
décision - 35 % de ce contrat. Je demande, de façon
précise: Est-ce que le gouvernement du Québec accepte cette
décision de ne recevoir que 35 % des contrats? Je ne parie pas de
l'agence spatiale. Je parle des contrats reliés à la station
orbitale. Est-ce que vous acceptez ces 35 % ou si vous allez amorcer,
entreprendre une bataille pour obtenir davantage?
M. Rémillard: M. le Président, d'abord je suis
heureux de voir que...
M. Brassard: Que le ministre ne me dise pas que je confonds la
station orbitale et l'agence spatiale. Je pose une question sur le projet de
station orbitale de 1 185 000 000 $ dont le Québec doit recevoir, selon
M. de Cotret, 35 % des contrats. Est-ce que vous acceptez ces 35 % ou est-ce
que vous comptez vous battre pour les faire modifier à la hausse? C'est
la question.
M. Rémillard: M. le Président, le
député de Lac-Saint-Jean m'a coupé la parole au moment
où j'allais dire que j'étais très heureux de voir qu'il
avait compris la distinction. Au moment même, il me coupe la parole.
Mais, je le dis quand même, je suis heureux qu'il fasse cette distinction
entre l'orbital, l'aérospatiale, l'aéronautique et les programmes
qui sont donc en application.
Ce que je dis au député de Lac-Saint-Jean, c'est la
même chose qu'a dite notre responsable du dossier du développement
technologique.
M. Brassard: Lui, c'est non.
M. Rémillard: C'est ce que je vous ai dit tout à
l'heure. Que voulez-vous que je vous dise?
M. Brassard: C'est non? Bon!
M. Rémillard: On va faire en sorte d'avoir
un maximum.
M. Brassard: Pius que 35 %.
M. Rémillard: Mais il y a... Ce que je vous dis...
M. Brassard: Plus que 35 %...
M. Rémillard: M. le député de
Lac-Saint-Jean, ce que je vous dis, c'est qu'il faut prendre en
considération un ensemble, et cet ensemble, c'est en plus du programme
concernant la station orbitale, le dossier de t'agence spatiale et les contrats
de recherche scientifique. C'est donc en fonction de ces trois aspects qu'on
doit construire notre action auprès d'Ottawa pour avoir une juste part
en fonction de !a vocation que nous voulons donner, en particulier à la
région de Montréal, sur le développement technologique
dans ces domaines de pointe.
M. Brassard: J'en conviens, il y a les autres secteurs dont on
parlera tantôt, mais il faut aussi que, dans le cas de la station
orbitale, le Québec reçoive plus que 35 %. S'il ne reçoit
que 35 % ou moins, je considère que, compte tenu de l'activité
économique du Québec en cette matière, le Québec
sera perdant. Je reconnais la volonté du ministre lui-même et de
son collègue du Commerce extérieur de faire changer cette
répartition qui n'est pas équitable à l'endroit du
Québec. Je fais juste vous signaler que si le gouvernement
fédéral, dans une décision concernant l'industrie
automobile, prévoyait une répartition qui ne tiendrait pas compte
de l'activité économique et de l'activité industrielle
dans le domaine de l'industrie automobile en Ontario, je vous assure que
l'Ontario organiserait la résistance pour que l'on tienne compte dans la
répartition - si c'était, par exemple, une décision
concernant l'industrie automobile - de l'Importance de l'industrie automobile
ontarienne.
Dans le cas de l'aérospatiale, le Québec est
avantagé en ce sens qu'une très large proportion de la recherche
et du développement se fait chez nous et, par conséquent, la
décision fédérale de plafonner à 35 % n'en tient
pas compte, ne reflète pas l'importance de l'activité
économique en cette matière et il faut absolument que le
gouvernement québécois fasse modifier cette décision et
changer ce pourcentage ou ce plafond pour qu'il soit nettement supérieur
et qu'il tienne davantage compte de l'importance de l'activité
économique en matière aérospatiale au Québec.
M. Rémillard: M. le Président, c'est exactement
pour cela que nous voulons, que nous tenons à ce qu'une décision
soit prise concernant l'agence spatiale et que cette décision fasse en
sorte que Montréal se voit confirmée dans son rôle, dans sa
vocation de développement technologique, de centre de recherche de haute
technologie dans le domaine spatial et dans le domaine de
l'aéronautique. Quand on aura confirmé par l'agence spatiale
cette vocation de la région montréalaise, par le fait même,
nous pourrons intervenir à différents niveaux en ce qui regarde
la recherche scientifique, l'orbital et toutes ces activités qui sont
reliées de près ou de loin au domaine spatial. (19 h 30)
M. Brassard: Concernant l'agence spatiale, je vous signale, et
j'espère que le gouvernement en est conscient, que le temps presse.
Pourquoi? Parce que M. de Cotret, dans sa conférence de presse
annonçant la participation fédérale au programme de
station orbitale américaine, a déclaré que le gouvernement
allait décider de la localisation de l'agence spatiale, mais il se
pourrait fort bien que l'on doive attendre que soit créé le
ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie plus tard
cette année, en parlant de 1988.
Or, vous savez très bien qu'il y a des élections
fédérales qui sont imminentes. Il se pourrait fort bien
qu'à l'automne, on se retrouve en campagne électorale au
fédéral. Si le gouvernement fédéral réussit
à reporter de semaine en semaine et de mois en mois une décision
concernant la localisation de l'agence spatiale jusqu'après les
élections, c'est évident que le pouvoir de pression, que le
rapport de forces vont évidemment être modifiés et non pas
en faveur du Québec. Un nouveau gouvernement à Ottawa va sans
aucun doute être beaucoup moins sensible aux revendications
québécoises pour ce qui est de la localisation de l'agence
spatiale. Actuellement, une élection fédérale étant
imminente, en tout cas dans les mois qui viennent, le mandat du gouvernement
actuel achevant, tirant à sa fin, c'est évident que le rapport de
forces est plus favorable au Québec, à cause de la
proximité d'une élection fédérale.
J'espère que le gouvernement québécois est
conscient de cette situation et de l'importance du temps dans la
décision concernant l'agence spatiale. J'ai l'impression - et
j'espère me tromper - que le gouvernement fédéral,
actuellement, reporte délibérément de semaine en semaine
et de mois en mois une décision concernant la localisation de l'agence
spatiale pour essayer de se rendre à l'élection sans avoir
à prendre de décision, donc sans avoir à
mécontenter la région ou la province qui n'aura pas l'agence
spatiale. J'ai le net sentiment que c'est là, actuellement, la
stratégie du gouvernement fédéral et qu'il faut que les
pressions du gouvernement québécois s'accentuent, deviennent plus
pressantes, plus fortes pour empêcher justement qu'une décision
concernant l'agence spatiale ne soit reportée jusqu'après les
élections.
J'espère que le gouvernement québécois et que les
ministres concernés par ce dossier sont conscients de cette
problématique et de l'importance du temps dans le dossier, et que leur
action, leur stratégie et leur intervention en
tiennent compte.
M. Rémillard: M. le Président, je ne peux
qu'être d'accord avec ce que vient de dire le député de
Lac-Saint-Jean. Il faut que cette décision se prenne le plus tôt
possible. Je crois que tous les intervenants dans ce dossier, y compris
l'Opposition, sont là pour agir et pour dire au gouvernement
fédéral: Cette agence spatiale, vous devez décider le plus
tôt possible, demain, qu'elle sera à Montréal. Je dirais
que c'est devenu un symbole. C'est plus qu'un simple dossier, c'est rendu un
symbole. Je crois bien que le gouvernement fédéral a reçu
le message. Je compte sur nos amis de l'Opposition qui ont de très
bonnes relations, même encore maintenant, récemment, ils ont de
meilleures relations que nous avec le gouvernement fédéral. Ils
peuvent aussi faire leurs recommandations.
Le discours que vient de tenir le député de Lac-Saint-Jean
est fort éloquent. Pour ma part, je considère que nous devons
faire front commun ensemble, que le dossier de l'agence spatiale est un dossier
hors de l'ordinaire. C'est devenu un dossier symbole et si nous n'avons pas ce
dossier, cela pourra signifier des conséquences importantes.
M. Brassard: J'ajouterais qu'il faut d'une part que cette agence
spatiale, évidemment, soit localisée à Montréal,
mais il ne faut pas, d'autre part, que ce soit une coquille vide, qu'elle soit
vidée de sa substance et que toutes les véritables
activités de recherche continuent à se faire ailleurs qu'au
Québec, soit en Ontario et particulièrement, également,
dans la région d'Ottawa. Il ne faut pas non plus qu'on se retrouve
devant une coquille vide, une simple boîte administrative. C'est quand
même un danger réel, également.
M. Rémillard: Là encore, je dois dire que le
député de Lac-Saint-Jean a parfaitement raison. C'est un danger
et on n'acceptera pas qu'on nous livre justement une coquille vide. Cette
agence spatiale doit être une agence capable d'assurer a la région
de Montréal et à l'ensemble du Québec sa vocation de
développement technologique dans le domaine de pointe qu'est le
spatial.
Recherche et développement
M. Brassard: Je vais maintenant aborder un domaine connexe, M. le
Président, qui est celui de la recherche. Selon les données
rendues publiques par le ministre MacDonald lui-même lors de
l'étude de ses crédits, le manque à gagner du
Québec pour les cinq premières années en matière de
dépenses fédérales en recherche et développement
s'élèvent à 1 000 000 000 $. Selon M. MacDonald - je cite
les données préliminaires que je possède pour les
années 1986-1987 - il faut croire que la situation ne s'est aucunement
améliorée. Peu importe l'angle sous lequel on analyse la part du
Québec dans les contributions fédérales en matière
de recherche et de développement, nous sommes constamment et très
largement défavorisés.
C'était confirmé pas plus tard qu'hier par le Conseil de
la science et de la technologie qui remettait un avis sur la performance du
Québec dans le cadre de la politique fédérale
d'imparti-tion, et qui signalait que l'effondrement de la performance du
Québec depuis trois ans a réduit cette part à environ 10 %
du total canadien, quand on parle de recherche et de développement. On
signalait également - et c'est drôlement inquiétant -
qu'une très forte proportion des contrats en cette matière,
environ 70 %, sont attribués sans mise en concurrence des fournisseurs
potentiels, c'est-à-dire par sollicitation d'un seul fournisseur, sans
appel d'offres. 70 % des contrats en recherche et développement en
provenance du fédéral sont accordés sans soumissions, sans
appel d'offres, sans mise en concurrence des fournisseurs potentiels dit le
Conseil. Cela, évidemment, c'est un élément plus
qu'inquiétant.
À la suite de certaines questions en Chambre, l'an dernier, le
ministre responsable des Relations fédérales-provinciales nous
avait indiqué que, prenant conscience de ce phénomène, de
cette situation injuste pour le Québec, le gouvernement
québécois avait mis en place une stratégie dite
intégrée, pour faire en sorte que la part du Québec, en
provenance du fédéral s'améliore et augmente. Or, les
derniers chiffres le proclament, depuis un an, on ne peut pas vraiment
constater de changement, de l'avis du ministre du Commerce extérieur
lui-même et du Conseil de la science et de la technologie. Le ministre
peut-il m'indiquer où il en est dans la mise en place de sa
stratégie visant à modifier cette situation, en utilisant, entre
autres, comme il l'avait déjà mentionné, le Bureau du
Québec à Ottawa? Quelles actions ont été
entreprises pour changer les choses? Quels sont les jalons qui ont
été posés pour que cette stratégie puisse
être appliquée et donner des résultats? Si cette
stratégie est déjà en place, comment se fait-il qu'elle ne
commence pas à donner des fruits, à donner des résultats?
Comment se fait-il que cela ne se remarque pas encore dans la
répartition des contrats de recherche venant du fédéral?
Est-ce que le fait que, comme nous le révélait le Conseil de la
science et de la technologie, 70 % des contrats sont accordés sans
soumissions ou, en quelque sorte, directement par l'appareil
fédéral, vous incite à modifier votre stratégie? Le
fait que 70 % des contrats sont accordés sans soumissions veut dire que
les grands gagnants sont ceux qui ont des antennes et qui sont bien
implantés dans le réseau de la haute fonction publique
fédérale parmi les technocrates qui viennent pour la plupart,
comme on le sait, de l'Ontario.
En d'autres termes, très rapidement, où en
sommes-nous? Où en est le ministre avec la mise en place de la
stratégie qu'il nous annonçait il y a plus d'un an? Est-ce
qu'elle est entièrement en vigueur? Est-ce qu'il reste des choses
à faire? Est-ce qu'il compte que cela va bientôt porter des
fruits?
Le Président (M. Marcil): M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Rémillard: M. le Président, c'est une question
qui a été posée sous une autre forme, en Chambre, à
mon collègue responsable du Commerce extérieur et du
Développement technologique, et qui lui a aussi été
posée lorsqu'il a défendu les crédits de son
ministère. Je ne peux que répéter ce qu'il a dit, soit que
nous n'avons pas la juste part qui nous revient et que l'on doit faire en sorte
que cette situation soit changée.
Quant au rapport du Conseil de la science et de la technologie, d'abord,
je voudrais féliciter le Conseil pour ce rapport qui est très
bien fait et particulièrement éloquent. Je crois que le groupe de
M. L'Abbé a fait un travail remarquable et situe fort bien le
problème lorsqu'il nous dit, entre autres - je cite à la page 35:
"Les diverses explications et Interprétations que nous venons de
présenter ont été invoquées pour rendre compte de
la faiblesse structurale de !a performance du Québec qui a
commencé à se manifester à partir de 1976-1977." C'est
donc à partir de 1976-1977 qu'a commencé à se
détériorer la situation. Je ne sais pas par quel hasard c'est
arrivé et ce qui s'est passé, mais on situe 1976-1977 comme la
date de départ de cette faiblesse du Québec. C'est à la
page 35 du rapport, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Oui, je vous citerai autre chose tantôt. (19 h
45)
M. Rémillard: Bien sûr que la situation, pendant
plusieurs années, s'est détériorée et on s'en rend
compte maintenant. Nous, on l'a vu dès qu'on est arrivé au
gouvernement, en 1985-1986, à quel point on a du rattrapage à
faire à ce sujet, à quel point on est dans une situation
difficile, mais cela faisait déjà presque dix ans que la
situation se détériorait et qu'on ne faisait rien. Alors, il
s'agit maintenant de reprendre le terrain perdu. Là encore, il faut
faire front commun. Il faut qu'on puisse travailler ensemble et dire que la
part du Québec, qui lui revient dans le domaine de la recherche
scientifique, doit lui être accordée.
Le conseil, si ma mémoire est bonne, soulève un point
très important qui a guidé notre décision. On n'a pas
attendu d'avoir cet avis du Conseil de la science et de la technologie pour
prendre nos décisions. Le conseil souligne à juste titre qu'une
des raisons pour lesquelles nous n'avons pas notre juste part des contrats
scien- tifiques, c'est le manque de relations avec les décideurs du
gouvernement fédéral. Il souligne le manque de transparence de la
décision prise par le gouvernement fédéral, mais on
souligne le problème à savoir qu'il n'y a pas de relations entre
les intervenants gouvernementaux, soit avec les sous-ministres, les directeurs
de programmes et même avec les agences fédérales à
différents niveaux. C'est pour cela que nous avons maintenant l'aide
d'un scientifique, un professeur de l'Université du Québec, qui a
accepté de travailler avec nous et de venir travailler avec nous
à Ottawa pour aider - c'est M. Beaulnes - nos firmes, nos scientifiques,
nos universitaires à développer ces contacts avec les
décideurs du fédéral. Je vous dis que cette
décision, nous l'avons prise bien avant que le conseil rende public son
avis. Hier, il a rendu public son avis, très bien fait d'ailleurs, comme
je le soulignais tout à l'heure, M. le Président.
C'est donc dire que lorsque le député de Lac-Saint-Jean
nous demande: Quelle est votre politique? Je lui dis qu'il y a un premier
élément de politique que mon collègue du Commerce
extérieur et du Développement technologique a mis en place avec
le Dr Beaulnes qui est là pour établir ce lien entre les
décideurs du fédéral et le monde scientifique
québécois; c'est une lacune qui est soulignée par le
rapport du conseil. À tous les niveaux, nous faisons, comme
gouvernement, notre travail; je sais que l'Opposition nous appuie sur ce plan
à 100 % ainsi que les différents intervenants, tant au niveau
municipal que dans tout le monde scientifique et même universitaire, tous
sont en train de former une seule et même coalition pour revendiquer la
juste part du Québec dans le domaine de la recherche scientifique.
M. Brassard: M. le Président, un petit retour sur les
chiffres, d'abord, pour rappeler au ministre que oui, je suis d'accord avec lui
pour dire qu'à notre époque aussi, au moment où nous
étions au gouvernement, nous n'obtenions pas notre juste part, en tenant
compte de l'importance de l'économie québécoise, sauf que
je lui signale seulement que la moyenne de la proportion de contrats que le
Québec obtenait au moment où nous étions au gouvernement
est à peu près de 20 %. Elle a chuté - c'est d'ailleurs
une des remarques importantes du rapport du Conseil de la science et de la
technologie - depuis trois ans à 10 %. Par conséquent, je suis
bien prêt à admettre qu'au moment où nous étions au
pouvoir, nous n'avons pas, nous non plus, obtenu notre juste part en
matière de contrats de recherche et de développement en
provenance du Québec, mais, depuis que vous êtes au pouvoir, je
dois constater - et le conseil le note - que cette proportion a chuté de
la moitié. Elle est passée de 20 % à 10 %.
Cela dit, il y a deux recommandations qui m'apparaissent essentielles
dans le rapport du Conseil de la science et de la technologie. C'est
d'abord celle concernant cette trop grande proportion de contrats
accordés sans appel d'offres, sans soumissions, 70 % des contrats
accordés sans appel d'offres. Et le conseil recommande que le
gouvernement fédéral accorde davantage de contrats en utilisant
la procédure de soumissions publiques. La question est: Est-ce que vous
comptez faire des interventions auprès du gouvernement
fédéral pour que, justement, il y ait des correctifs qui soient
apportés à ce sujet-là?
Une deuxième recommandation également qui concerne
directement le gouvernement québécois est la recommandation 6. Le
conseil recommande que les fournisseurs et le gouvernement du Québec
mettent sur pied un service qui aurait pour mission d'inciter les fournisseurs
à participer davantage à la politique fédérale
d'impartition et de les informer des besoins des ministères
adjudicateurs, de les appuyer dans leurs démarches et d'agir comme
liaison auprès des ministres fédéraux. Vous aviez
déjà mentionné à ce sujet-là que le bureau
du Québec à Ottawa pourrait jouer un rôle similaire. Vous
venez de faire état de l'embauche d'une personne qui va consacrer ses
efforts dans ce sens-là. Mais est-ce que vous comptez, est-ce que le
gouvernement du Québec envisage sérieusement d'appliquer la
recommandation 6 du conseil qui pourrait avoir des effets
bénéfiques parce qu'à ce moment-là les entreprises
québécoises seraient davantage sensibilisées et pourraient
participer davantage aux appels d'offres si la recommandation 3 était
également appliquée, c'est-à-dire une augmentation
substantielle des contrats accordés par la voie de l'appel d'offres?
Est-ce que cette recommandation vous semble intéressante et est-ce que
le gouvernement du Québec s'engagerait dans la voie de la mise sur pied
d'un service spécialisé, en quelque sorte, comme le signale et le
définit la recommandation 6 du rapport du conseil?
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, il y a
déjà des moyens qui ont été pris, je ies ai
énumérés tout à l'heure. D'autres moyens seront
pris incessamment et ils seront dévoilés dans le plan d'action
sur le développement technologique que le gouvernement du Québec
rendra public prochainement, il y a trois ministres qui sont impliqués,
le ministre responsable du Développement technologique, le ministre de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, le ministre de
l'Industrie et du Commerce. Et c'est dans cette nouvelle politique du
développement technologique que nous allons pouvoir voir d'autres moyens
d'action qui sont suggérés pour redresser la situation.
Quant à cette recommandation 6 du conseil, ce dernier recommande
que "les fournisseurs et le gouvernement du Québec mettent sur pied un
service qui aurait pour mission d'inciter les fournisseurs à participer
davantage à la politique fédérale d'impartition, de les
informer des besoins des ministères adjudicateurs, de les appuyer dans
leurs démarches et d'agir comme liaison auprès des
ministères fédéraux" - il s'agit d'une possibilité
qui devra être étudiée et nous verrons si c'est cette
recommandation-là que nous devons retenir ou d'autres moyens. Mais je
veux que l'Opposition soit assurée que nous avons bien l'intention de
prendre tous les moyens les plus efficaces pour redresser cette situation
inacceptable.
M. Brassard: M. le Président, toujours dans un domaine
connexe, en janvier dernier, le premier ministre fédéral nous
annonçait la mise en place d'un fonds spécial de plus de 1 000
000 000 $, 1 300 000 000 $, destiné à la recherche scientifique
dans les milieux universitaires. Le projet fédéral prévoit
la mise en place de centres d'excellence qui distribuent des subventions aux
institutions de recherche et des bourses aux étudiants. Ces centres
d'excellence, Ottawa veut les implanter au sein des universités
canadiennes. Ce fonds serait contrôlé directement par le
gouvernement fédéral. Cela doit être
considéré comme une ingérence directe dans un domaine de
compétence exclusive du Québec, qui est l'éducation,
l'enseignement supérieur. Est-ce que le gouvernement
québécois a réagi face à cette demande? Est-ce
qu'il a fait connaître à Ottawa une prise de position
précise? Est-ce que la compétence du Québec en
matière d'éducation et d'enseignement supérieur a
été respectée ou sera respectée dans la mise en
place de ces centres d'excellence par l'entremise d'un fonds de recherche et de
développement de 1 300 000 000 $, centres d'excellence qui vont
être implantés dans les universités?
On verra même des bourses qui seront accordées à
partir de cela. Est-ce que le gouvernement québécois, par
l'intermédiaire du ministre responsable des relations
fédérales-provinciales, a fait savoir à Ottawa qu'il
s'agissait là d'un empiétement qui a été fait sans
consultation, sans obtenir l'assentiment ou le consentement du Québec?
Est-ce qu'il a fait savoir à Ottawa que ce n'est pas de cette
façon qu'on doit fonctionner et que la compétence du
Québec en matière d'éducation est tout à fait
exclusive, que c'est une des plus exclusives qu'on puisse connaître dans
la constitution? Est-ce que le gouvernement québécois a
invité le fédéral à agir d'une autre façon,
à agir dans le respect des compétences du Québec et s'il
avait de l'argent à investir dans la recherche scientifique en milieu
universitaire, qu'il devait le faire en respectant les compétences du
Québec et non pas de la façon dont il a agi à ce
moment-là, depuis janvier dernier?
M. Rémillard: M. le Président, le
député de Lac-Saint-Jean a raison de dire que c'est un programme
qui a été annoncé d'une façon unilatérale
par Ottawa. Le ministre de l'Éduca-
tion, de l'Enseignement supérieur et de la Science a
protesté vivement auprès d'Ottawa. Il a même saisi le
Conseil des ministres de l'Éducation de cette décision
unilatérale d'Ottawa. Pour nous, M. le Président, au même
titre que la langue est une compétence exclusive
québécoise, nous sommes particulièrement attachés
à la compétence exclusive du Québec en matière
d'éducation, et il n'est pas question qu'on vienne toucher directement
cette compétence. Ce que le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science a dit, c'est la
possibilité peut-être de collaborer, mais en ce qui regarde les
bourses, qu'elles soient administrées au niveau québécois
par la CREPUQ et qu'on puisse y participer par une gestion
québécoise respectant notre juridiction en matière
d'éducation. Je veux donc encore confirmer que, dans ce dossier, le
ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur est
très actif et qu'il le mène avec toute la vigueur et toute la
vigilance qu'on lui connaît, afin de faire respecter la juridiction
québécoise en matière d'éducation. (20 heures)
M. Brassard: M. le Président, je suis fort heureux
d'apprendre que le gouvernement du Québec, par l'entremise du ministre
de l'Éducation, a rappelé avec vigueur au gouvernement
fédéral les compétences du Québec en matière
d'éducation et lui a également rappelé qu'il se devait de
respecter ses compétences. J'en suis fort heureux et j'en suis fort
aise. Cependant, cette intention du gouvernement fédéral a
été annoncée en janvier dernier. À la suite des
protestations vigoureuses, me dites-vous, du gouvernement
québécois, où en est le dossier? Est-ce que le
gouvernement fédéral, se rendant compte qu'il est dans les
plates-bandes du Québec en matière d'éducation, a
retraité, a battu en retraite et, plutôt que de procéder
unilatéralement, comme vous l'avez indiqué tantôt, est-ce
qu'il a plutôt privilégié la discussion, les pourparlers ou
la négociation pour en arriver possiblement à une entente, mais
dans le respect des compétences? 1 000 000 000 $, évidemment,
c'est beaucoup d'argent. Les universités québécoises
seraient sans doute heureuses d'avoir des fonds supplémentaires en
matière de recherche. Cependant, cela ne doit pas se faire au
détriment des compétences et des juridictions du Québec.
Alors, quelle a été la réaction du gouvernement
fédéral à la suite de la protestation du Québec?
Est-ce que le gouvernement fédéral a modifié son
comportement et a battu en retraite sur ce dossier-là? Où en
sommes-nous présentement?
M. Rémillard: M. le Président, j'ai
mentionné tout à l'heure que le ministre de l'Éducation et
de l'Enseignement supérieur avait saisi ses collègues du Conseil
des ministres de l'Éducation, au niveau canadien, de ce problème
et les résultats ont été particulièrement
concluants. Plusieurs provinces ont vivement protesté auprès
d'Ottawa, si bien qu'Ottawa a finalement décidé de revoir tout
son programme.
M. Brassard: Ottawa a donc décidé de revoir son
programme, mais est-ce qu'il maintient son intention d'injecter des fonds
supplémentaires dans le domaine de la recherche en milieu
universitaire?
M. Rémillard: Aux dernières nouvelles, il est
toujours question du même montant. Reste à voir le plan qu'on
mettra en place pour l'administrer, pour le gérer et pour le
distribuer.
M. Brassard: Dans le respect, évidemment, des
compétences.
M. Rémillard: En collaboration avec les provinces, dans le
respect des responsabilités des provinces.
M. Brassard: Le gouvernement fédéral a donc compris
qu'il lui fallait négocier et respecter une compétence exclusive
du Québec en matière d'éducation.
M. Rémillard: Voilà! Il a compris comme il le
comprend dans bien d'autres domaines...
M. Brassard: Pas toujours.
M. Rémillard: il le comprendrait mieux cependant, M. le
Président, si nous avions dans la constitution l'entente du lac Meech
avec les dispositions concernant le pouvoir de dépenser du
fédérai. De plus en plus, selon les questions que me pose le
député de Lac Saint-Jean, je suis convaincu qu'après mes
crédits il va être lui-même convaincu de sa
nécessité et qu'il va courir informer son nouveau chef qu'il faut
que toutes les provinces et le gouvernement fédéral votent au
plus vite l'entente du lac Meech pour respecter les droits du Québec. Je
vois par sa réaction qu'il comprend de plus en plus qu'il est urgent que
l'on puisse encadrer l'application de ce fameux pouvoir de dépenser du
gouvernement fédéral.
M. Brassard: C'est regrettable, M. le Président, mais on
ne sera évidemment pas en mesure de modifier notre opinion parce que le
gouvernement du Québec a été trop pressé. Il a
présenté à l'Assemblée nationale le projet d'accord
du lac Meech pour ratification dès le mois de juin 1987. Vous êtes
allés trop vite en affaires. Vous nous avez empêchés
d'évoluer. C'est ce qui fait que malheureusement ce n'est pas possible.
Vous auriez dû être moins pressés.
M. Rémillard: Si M. Trudeau change d'idée, est-ce
que vous allez changer d'idée aussi?
M. Brassard: Nous ne sommes pas à la remorque de M.
Trudeau. Mais il n'y a pas que
nous qui sommes en train de changer d'idée. Ce qui se passe
actuellement ailleurs au Canada me laisse croire que l'accord du lac Meech est
en mauvaise posture et plus ou moins dans un état moribond
présentement.
M. Rémillard: Bien au contraire, M. le Président.
L'entente du lac Meech suit son cours. Cela va très bien.
M. Brassard: On verra cela au Manitoba. Zone de
pêche
M. le Président, j'aborderais un autre dossier dans le domaine
des relations fédérales-provinciales qui est celui de
l'accès à la zone de pêche de 200 milles. Dans ce cas,
comme vous le savez, il ne s'agit pas du droit de dépenser mais du droit
de pêcher.
En décembre 1987, Ottawa refusait l'accès à la zone
canadienne des pêches de 200 milles aux pêcheurs
québécois réservant l'exclusivité de cette zone aux
pêcheurs de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse. Comme vous le savez il
s'est créé un consortium, le consortium Novanor, qui comprend des
entreprises de pêche du Québec mais aussi du Nouveau-Brunswick,
qui compte cinq entreprises de pêche et qui a tenté d'obtenir sans
succès des quotas de pêche dans cette zone dite des 200
milles.
Un tel accès est jugé évidemment nécessaire
pour le développement du secteur québécois des
pêches et de ses usines de transformation, compte tenu des
possibilités très réduites qu'offre l'accès
limité du golfe Saint-Laurent aux pêcheurs du Québec. Le
résultat, c'est évidemment que les usines de transformation ne
fonctionnent pas à pleine capacité. Elles fonctionnent à
40 %, 50 % au maximum de leur capacité. Cela se traduit forcément
par des mises à pied. Je le signalais dans mes remarques
préliminaires ce matin. Le groupe Purdel a mis à pied 250 de ses
employés à son usine de Rivière-au-Renard en
février dernier. Ces mises à pied n'auraient sans doute pas eu
lieu si les pêcheurs avaient obtenu des quotas de pêche dans la
zone dite des 200 milles. Ils auraient pu ainsi approvisionner leurs usines et
augmenter ainsi la durée de l'activité de l'usine.
En mars, très en retard, le ministre Picotte a
échoué aussi auprès de son homologue
fédéral, M. Siddon, dans sa tentative de permettre l'accès
de la zone de 200 milles aux pêcheurs québécois.
C'était à l'occasion d'une réunion des ministres
fédéral et provinciaux des Pêches.
Dans le domaine des relations fédérales-provinciales,
est-ce que d'abord le ministre considère que ce dossier, même si
cela ne concerne que des régions bien délimitées du
Québec, est important et que la décision fédérale
est injuste et prive le Québec de perspectives de développement
dans le secteur des pêches? Première question.
M. Rémillard: M. le Président, c'est un dossier qui
est mené par le ministre délégué aux
Pêcheries et c'est un dossier de grande préoccupation pour nous.
En juin 1987, le gouvernement du Québec a pris l'initiative d'inviter
les usines qui sont engagées dans la transformation du poisson de fond,
tant du Québec que du nord-est du Nouveau-Brunswick, à se
regrouper en vue de créer un consortium de pêche dans la zone
économique canadienne de 200 milles. Le résultat est
particulièrement intéressant. Douze usines, dont sept du
Québec et cinq du Nouveau-Brunswick, forment la Société de
pêches Novanor Itée. Ce sont des usines qui ne possèdent
pas de flotte à l'exception, peut-être, de Madelipêche, mais
ce sont des usines qui sont alimentées par des bateaux côtiers
indépendants qui pèchent dans les stocks du golfe. Ces stocks
sont exploités en compétition par cinq provinces et n'offrent
aucune possibilité de croissance.
Le 28 octobre 1987, le consortium de pêche a demandé au
ministre des Pêches et Océans du Canada, M. Siddon, de lui
attribuer, dans le cadre du plan de pêche 1988, un contingent de 34 500
tonnes dans la zone de 200 milles. Cette demande aurait pu être
acceptée sans que les entreprises de pêche situées à
Terre-Neuve et en Nouvelie-Écosse soient contraintes de réduire
leurs débarquements puisque, selon les experts, il serait possible
d'accroître les captures de 37 000 tonnes dans cette même zone.
Mais, le plan de pêche 1988 n'accorde absolument rien à Novanor.
Des 37 000 tonnes rendues disponibles, seulement 10 000 tonnes ont
été accordées, toutes à des entreprises de
Terre-Neuve.
Le consortium n'a toutefois pas démissionné, M. le
Président, et il compte bien réitérer sa demande pour le
plan de pêche de 1989. Mon collègue, le ministre responsable des
Pêches, est particulièrement actif parce que nous voulons appuyer
le consortium dans ces démarches qui s'annoncent difficiles. Je dois
dire qu'il y a peut-être quelques éléments qui nous
amènent à voir une certaine lueur d'espoir quant à ce
dossier et à son règlement. Premièrement, il y aura
révision du programme d'allocations aux entreprises de la part du
gouvernement fédéral. Le Québec a demandé qu'on
étudie, lors d'un colloque qui s'est tenu et qui vient de se terminer
à Montréal, la possibilité de permettre à de
nouvelles entreprises de bénéficier de contingents
d'entreprises.
Deuxièmement, les règles d'attribution des contingents
devraient être changées pour le plan de pêche de 1989 de
sorte qu'on puisse satisfaire aux demandes de Novanor. Ces règles sont
modifiées chaque cinq ans et le ministre des Pêches du Canada, M.
Siddon, a toujours prétendu qu'il est lié par les règles
établies par l'administration précédente. Voilà, M.
le Président, l'état du dossier qui est mené par le
ministre des Pêches et qui est un dossier sur lequel nous portons quand
même la plus grande attention, un dossier qui n'est pas facile et qui
fait en sorte que des entreprises du Nouveau-Brunswick et du
Québec sont associées pour revendiquer leurs droits. Mais nous
croyons toujours, malgré toutes les difficultés, qu'il reste des
possibilités de règlement.
M. Brassard: Cela non seulement n'apparaît pas facile, mais
il faut reconnaître que le ministre des Pêcheries a
échoué lamentablement dans ses tentatives pour que Novanor
obtienne satisfaction. Il y a eu une conférence
fédérale-provinciale en mars et la réponse du ministre
fédéral des Pêcheries a été
catégorique, sans équivoque, c'est non à la demande
québécoise. Alors, le ministre des Pêches du Québec
s'est fait drôlement rabrouer lors de cette conférence
fédérale-provinciale en mars. (20 h 15) il y a un pian de
pêche chaque année; il va être révisé. Est-ce
que vous confirmez que la révision des quotas va tenir compte de la
demande des entreprises québécoises? C'est peut-être un
dossier qui n'est pas facile, mais c'est un dossier où l'on sait qu'il
n'y a pas que le Québec qui est dans la course. C'est ce qui se passe
présentement entre la France, c'est-à-dire les pêcheurs de
Saint-Pierre et Miquelon, et le Canada. Cela porte sur la zone de 200 milles.
Ce que veulent les pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon, c'est d'avoir
accès à la zone de 200 milles. Les pêcheurs
québécois veulent aussi avoir accès à la zone de
200 milles. Les pêcheurs français et les pêcheurs
québécois convoitent la même chose, soit avoir accès
à la zone de 200 milles. Qui va l'emporter?
Actuellement, on constate que les Français utilisent des moyens
parfois très voyants, très originaux pour que le gouvernement
fédéra! subisse une pression constante. Il y a des
négociations amorcées avec la France, mais cela risque de se
faire au détriment des pêcheurs québécois. Le volume
de prises dans la zone de 200 milles n'est pas illimité. L'une des
raisons pour lesquelles M. Siddon a refusé au Québec, ce qu'il a
dit, c'est qu'il n'y avait pas suffisamment de ressources disponibles.
C'était sa réponse et sa défense. Mais si, à la
suite de négociations avec la France, le gouvernement
fédéral accorde aux pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon
des quotas dans la zone de 200 milles, cela réduit d'autant les chances
des Québécois d'obtenir également des quotas dans cette
zone. Je regarde cela et j'ai nettement l'impression que ies Français
sont pius vigoureux, plus dynamiques, plus combatifs, pius agressifs que ies
Québécois, que le ministre des Pêches. Le ministre des
Pêches est non seulement prudent, mais il est très peu loquace,
très silencieux sur ce dossier. J'ai peur que, finalement, en bout de
piste, dans le plan de pêche de 1989, on retrouve les Français et
qu'on ne retrouve pas, encore une fois, les Québécois.
M. Rémillard: Pour 1988...
M. Brassard: il n'y a rien à faire.
M. Rémillard:... c'est bien sûr que c'est
terminé. Mais pour 1989, nous sommes avec Novanor et nous croyons qu'il
y a des possibilités, comme je l'ai mentionné tout à
l'heure, que les règles d'attribution des contingents soient
changées dans le futur plan de pêche. C'est intéressant de
voir le député de Lac-Saint-Jean établir des relations
avec cette dispute au niveau international entre la France et le Canada
concernant les 200 milles. Là encore, ce qui est intéressant,
c'est de voir qu'il y a maintenant un ministre dans le gouvernement canadien
qui a une belle expérience de ces conflits de pêche, un ministre
que connaît très bien le député de Lac-Saint-Jean.
Là encore, je lui demande sa grande collaboration pour le sensibiliser
à ce problème. Je suis convaincu qu'avec toute
l'expérience que ce nouveau ministre a de ces conflits, il sera
particulièrement attentif à ces aspects des pêcheries et
son expertise acquise sur le plan international, pourra peut-être nous
aider à résoudre ce problème.
Je pense qu'à bien des égards, les remarques du
député de Lac-Saint-Jean sont justes. C'est intéressant de
voir son cheminement. Ce que je lui dis, c'est: Travaillons ensemble et
utilisez vos contacts; vous en avez de très bons, en particulier dans ce
dossier, qui ont une bonne expertise et qui peuvent aider à
résoudre ce problème. Travaillons ensemble pour faire
débloquer ce dossier. Quant à nous, sous la gouverne du ministre
des pêches, nous faisons tout ce qui nous est possible pour que, dans le
plan de pêche de 1989, les contingents soient changés et qu'on
respecte les droits des pêcheurs québécois.
Un autre aspect intéressant peut-être à souligner,
M. le Président, c'est de voir que, dans ce dossier, il y a cette
association très étroite en fonction d'intérêts
communs entre des pêcheurs et des travailleurs du Nouveau-Brunswick et
ceux du Québec. Nous avons une très bonne relation avec le
Nouveau-Brunswick qui est notre voisin. Nous partageons beaucoup
d'intérêts en commun, ce qui nous permet, dans des dossiers comme
ceux-là, de travailler ensemble pour essayer d'aller chercher des
résultats concluants. Il y a une certaine lueur d'espoir, mais c'est un
dossier qui n'est pas facile, je le rappelle.
M. Brassard: M. le Président, j'ai l'impression que le
ministre veut se décharger de ses responsabilités. Cela fait deux
ou trois fois qu'il m'incite à faire des démarches! Je lui
signale et je lui rappelle que ce n'est pas nous qui sommes au pouvoir, c'est
lui et ses collègues. C'est eux qui ont la responsabilité
d'assumer le pouvoir. Je lui signale que s'il est vrai qu'on retrouve certains
de nos amis au fédéral, dans certaines Institutions, je lui
signale aussi que, dans l'appareil fédéral, après je ne
sais combien d'années de pouvoir libéral, c'est truffé
de
libéraux. Alors, vous avez sûrement plus d'amis dans
l'appareil fédéral que je peux en avoir, moi, personnellement.
Tout le monde sait qu'après plus de 20 ans de pouvoir libéral,
l'appareil technocratique fédéral est largement
contrôlé par les libéraux. C'est connu de tout le monde
parce qu'ils ont été au pouvoir tellement longtemps. Ce n'est pas
en un seul mandat que les conservateurs vont pouvoir faire le ménage,
même s'ils le souhaiteraient, mais je ne connais pas leurs intentions.
Alors, utilisez aussi vos amitiés, vous en avez plus que je peux en
avoir dans l'appareil fédéral...
M. Rémillard: Nous en partageons certaines...
M. Brassard:... et surtout assumez vos responsabilités du
pouvoir. En tout cas, on va suivre de très près ce dossier parce
que, pour nous, c'est important. Vous avouez, pour 1988, l'échec et
l'impossibilité de modifier le plan de pêche; 1989 est
déterminant. C'est important pour les pêcheurs et pour les
entreprises de transformation de la pêche. Je conserve des
inquiétudes parce que je trouve que le ministre québécois
des pêches n'est pas très vigoureux. Je pense qu'il
préfère la pêche au saumon plutôt que la pêche
hauturière. Voilà pour la zone de pêche de 200 milles, M.
le Président.
Développement régional
L'autre dossier, c'est le développement régional. En
décembre dernier, et plus récemment encore chez nous, dans ma
région, et de façon unilatérale, le gouvernement
fédéral, sans trop se soucier de la juridiction
québécoise en matière de développement
régional, annonçait un plan de développement pour les
régions dites périphériques du Québec et son
intention d'injecter des fonds assez considérables, en même temps
que de mettre en place des bureaux dans chacune des régions, ce qui,
évidemment, était considéré à juste titre
par le ministre comme un empiétement. Cela venait aussi passablement
court-circuiter les sommets économiques régionaux que nous avons
initiés en notre temps et que vous avez continué de tenir.
J'ai, pour ma part, dénoncé cet empiétement dans ma
région comme ici à Québec, parce que je considère
que la juridiction en matière de développement régional
est d'abord et avant tout québécoise. C'est le Québec qui
a mis en place des institutions de concertation en matière de
développement régional. C'est le Québec qui finance ces
institutions. C'est le Québec qui a encouragé et soutenu des
expériences de concertation par le biais des sommets où les
régions ont identifié leurs priorités de
développement, leurs axes de développement. Tout cela s'est fait
sous l'égide du gouvernement du Québec. À la suite,
évidemment, de dénonciations de son action, le gouvernement
fédéral a enfin accepté d'entreprendre des
négociations avec le gouvernement québécois. Depuis
plusieurs semaines, des négociations ont été entreprises
dans le cadre de l'entente de développement économique
régionale qui avait été conclue en 1984, signée en
1984 et qui prévoyait des fonds de 1 500 000 000 $ pour les cinq
premières années. Comme c'est une entente de dix ans, il fallait
donc discuter pour prévoir des fonds pour les cinq dernières
années.
J'ajouterais, M. le Président, que tout en étant
très soucieux, pour ma part, du respect des juridictions
québécoises - je pense que je l'ai montré à
plusieurs reprises par des déclarations publiques - je suis
également aussi très conscient que les régions manquent de
ressources, ont besoin d'argent et qu'elles sont évidemment fortement
tentées par les offres fédérales d'injection de fonds. Il
faut les comprendre quand, dans des sommets de développement
économique régionaux, plusieurs projets intéressants sont
refusés par manque de ressources, par manque de fonds de la part du
gouvernement du Québec. C'est arrivé un peu partout. C'est
évident que la tentation des régions devant une offre semblable
venant du fédéral, c'est de ne pas trop se soucier des questions
de juridiction. Elles sont tentées d'accepter cette offre parce qu'il y
a un manque de ressources pour financer bien des projets et des projets
intéressants. Enfin! Les négociations sont donc reprises. Je
pense qu'il serait intéressant, étant donné qu'il n'y a
pas eu encore de conclusion - on nous dit que c'est imminent, mais ce n'est pas
encore fait - que le ministre fasse le point sur les négociations
concernant le développement régional. Où en sommes-nous
rendus? Sommes-nous près d'une, entente? Dans quelle direction...
Quelles sont les orientations qui vont être retenues dans le cadre de
cette entente? Est-ce que le Québec - cela m'apparaît important -
va conserver sa maîtrise d'oeuvre pour les projets conjoints ou à
l'égard des projets de compétence conjointe? J'aurais sans doute
d'autres questions par la suite, mais est-ce que le ministre pourrait faire le
point sur la négociation actuellement, entre le fédéral et
le Québec, concernant l'entente sur le développement
régional? (20 h 30)
M. Rémillard: M. le Président. Le
député de Lac-Saint-Jean aborde un sujet très important.
Il y a au Québec, des régions périphériques, des
régions-ressources, qui ont besoin d'un plan de développement au
même titre que certaines régions centrales. Nous devons travailler
à établir un véritable développement
régional et c'est ce que mon collègue responsable du
développement fait présentement. Il est essentiel que, pour
mettre en place une véritable politique du développement
régional, nous puissions avoir les moyens nécessaires pour
établir nos politiques. Le gouvernement fédéral a
annoncé, il y a quelques mois, une action unilatérale dans le
développement régional. J'ai eu l'occasion, à ce
moment-là, de protester publiquement très vivement contre
cette façon de faire du gouvernement fédéral. Le
député de Lac-Saint-Jean soulevait un point qui m'apparaît
très important. Il disait: Oui, mais les populations, ce qu'elles
veulent ce sont des solutions à leurs problèmes, des solutions
à leurs problèmes économiques et elles ne veulent pas que
des querelles de juridiction les privent de ces montants destinés au
développement économique. Ce qu'il faut comprendre, c'est que ce
n'est pas une bataille de drapeaux que nous menons, ce n'est pas une bataille
de Juridiction. Nous menons une bataille pour avoir une action plus
concertée, donc plus efficace pour la population. Les exemples ne
manquent pas, M. le Président, où le manque de concertation entre
le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, a
malheureusement donné des résultats nettement insuffisants. Des
sommes importantes d'argent ont été dépensées sans
résultats vraiment tangibles à long terme pour le
développement économique des régions. C'est bien dommage.
C'est justement cette situation que nous voulons corriger.
M. le Président, nous sommes à discuter très
vivement, fortement et intensément, avec le gouvernement
fédéral, une entente concernant le développement
économique régional il y a peu de temps encore, je dois avouer
que c'était l'impasse. Mais, depuis quelques Jours il y a un
déblocage certain. J'ai rencontré, à quelques reprises, en
compagnie de mon collègue responsable du développement
régional, le ministre de Cotret. Je dois dire que nous avons eu des
rencontres très fructueuses et très intéressantes.
À la suite de nos rencontres au niveau ministériel, nos
fonctionnaires se sont rencontrés aussi à plusieurs reprises. Au
moment où nous nous parlons, on discute encore très activement.
Je dois revoir le ministre de Cotret dans les prochaines heures.
Quant à nous, nous avons très clairement exprimé au
gouvernement fédéral notre désir de collaborer de
travailler en concertation avec eux, en respectant cependant les juridictions
exclusives du Québec. Nous voulons que ie développement
régional se fasse de la façon la plus efficace possible. Nous
vouions limiter les instances administratives qui créent de la lourdeur
dans les décisions et qui nous empêchent très souvent de
répondre à des besoins comme on devrait le faire.
Nous devons rapidement apporter des solutions à des
problèmes très concrets. On doit se retourner complètement
de côté et dire: Nous avons un problème, voici la solution
que nous apportons. Les instances administratives doivent être les plus
légères possible.
D'autre part, mon collègue, responsable du développement
régional, Insiste, avec raison M. le Président, pour que les
programmes de développement, qui seront faits viennent de la base, que
ce soit les gens des régions, les populations concernées qui
proposent ces programmes et qui nous disent comment elles voient le
développement de leur région. Ce n'est pas aux autorités
gouvernementales ou administratives à imposer à des populations
des développements régionaux. Et c'est pour cela, M. le
Président, que nous avons des sommets économiques qui nous
permettent de sonder la population, de faire le point sur les problèmes
de développement économique des régions, de voir les
solutions qu'on peut apporter. C'est pour nous un principe très
important que nous voulons voir respecter dans nos négociations. Nous
voulons des programmes qui correspondent à la vraie vie telle qu'elle se
passe en région, avec des mécanismes souples qui vont nous
permettre de répondre aux problèmes le plus rapidement possible.
M. le Président, nous croyons qu'il y a de bonnes chances que l'on
puisse s'entendre. Il y a encore des points de négociation majeurs, des
points qui posent des problèmes, mais, nous croyons que nous poursuivons
les mêmes objectifs: un développement régional qui permette
à l'ensemble des Québécois de profiter de la situation
économique du Québec et donc de partager notre richesse au niveau
du gouvernement, au niveau de notre province. Les discussions vont se
poursuivre vers une politique concertée et j'insiste pour dire qu'il ne
s'agit pas d'une bataille de juridiction d'une bataille constitutionnelle. Il
s'agit de discussions franches pour qu'on puisse en arriver à
établir l'action la plus efficace possible.
M. Brassard: M. le Président. Est-ce que le chiffre de 600
000 000 $ qu'on a retrouvé dans La Presse, il y a quelque temps,
est conforme à la réalité. Est-ce que l'entente qui est en
voie de négociation impliquerait des montants de l'ordre de 600 000
000$?
M. Rémillard: Si vous incluez les
régions-ressources périphériques et les régions
centrales, c'est un chiffre qui est réaliste. C'est un chiffre
qui...
M. Brassard: On parlait de...
M. Rémillard:... peut être réaliste, mais je
ne dis pas que cela sera ce chiffre précis. Cela sera certainement une
entente majeure, si nous en arrivons à une entente avec le gouvernement
fédéral. Je dis bien si, parce que cela n'est pas fait, M. le
Président, absolument pas. Et, si nous y arrivons, ce sera certainement
une entente majeure avec des retombées économiques très
importantes pour l'ensemble du Québec.
M. Brassard: 600 000 000 $ étant un montant jugé
réaliste, est-il exact également qu'il y ait une plus grande
proportion de ce montant qui sera consacré aux régions
périphériques, soit de l'ordre de 400 000 000 $ et le reste, soit
200 000 000 $ aux régions dites centrales?
Est-ce que les régions périphériques vont
être plus favorisées que les régions centrales?
M. Rémillard: Ce sont des chiffres qui peuvent servir aux
discussions, M. le Président, mais la décision n'est pas encore
prise. Mais, ce sont des chiffres qui peuvent être envisagés sans
être définitivement retenus pour l'instant.
M. Brassard: Est-ce que le principe inclus dans l'entente-cadre
de 1984 qui reconnaissait explicitement la maîtrise d'oeuvre du
Québec, est-ce que le principe de la maîtrise d'oeuvre, au moment
où l'on se parle, au stade atteint par les négociations, est-ce
que ce principe-là est d'ores et déjà acquis, reconnu?
M. Rémillard: Nous insistons, M. le Président, pour
que cette entente de développement régional soit un
treizième volet de l'EDER.
M. Brassard: Donc, les principes de l'entente-cadre
s'appliqueraient.
M. Rémillard: Dans la mesure où l'on acceptera que
ce sont un volet de l'EDER, un volet particulier - et je sais que le
député de Lac-Saint-Jean en conviendra avec moi - parce que le
développement régional ne va pouvoir s'appliquer tout en
impliquant les niveaux sectoriels. Alors, c'est donc dire que les autres
ententes auxiliaires de l'EDER vont être directement impliquées,
ce qui rend notre discussion souvent très complexe parce qu'elle touche
aussi beaucoup d'éléments sectoriels. Mais, ce que je veux dire,
c'est que, si nous demandons que cette entente sur le développement
économique régional soit un treizième volet de l'EDER,
c'est pour que les principes généraux que nous retrouvons dans
l'EDER puissent s'appliquer.
M. Brassard: Si c'est considéré comme un
treizième volet, donc une sorte d'entente auxiliaire sur le
développement régional par rapport aux douze autres ententes
auxiliaires qui, elles, sont sectorielles, si c'est donc
considéré comme une espèce d'entente auxiliaire sur le
développement régional, sous le chapeau de l'entente-cadre,
est-ce que, à ce moment-là, cela veut dire qu'est
également assuré le principe du financement conjoint des
projets?
M. Rémillard: M. le Président, je sais que le
député de Lac-Saint-Jean se réfère probablement
à certaines petites difficultés qu'ils ont eues en
négociant en 1984. C'est qu'il a fallu, à un certain moment,
modifier la règle du 60-40, pour qu'elle soit rétablie à
50-50. Bon, dans une négociation avec ces enjeux, je comprends le
gouvernement péquiste de l'époque d'avoir fait quelques
concessions. Je pense qu'il faut savoir quelquefois faire des concessions sur
certains points, lorsqu'on prend conscience des enjeux du problème.
Cependant, il est pour nous très important qu'il y ait une
décision conjointe pour cette concertation et cette collaboration entre
les deux ordres de gouvernement.
Alors, encore-là, ce que je peux dire au député de
Lac-Saint-Jean, c'est que nous recherchons, dans cette entente, les mêmes
principes généraux que ceux que nous retrouvons, dans les
ententes auxiliaires qui sont dans l'EDER. (20 h 45)
M. Brassard: C'est parce qu'a été
évoquée, M. le Président, dans plusieurs articles de
journaux, l'hypothèse que le fédéral finance les projets
qui se retrouvent dans ses juridictions et que le Québec finance les
projets qui se retrouvent dans ses juridictions. On donnait des exemples: Si
c'est un projet forestier, c'est québécois, c'est le
Québec qui finance au complet. Si c'est un projet d'aérogare ou
d'aéroport, c'est fédéral et c'est le
fédéral qui financerait entièrement le projet. Donc, on ne
retiendrait plus le principe du financement conjoint qui se retrouve dans
toutes les autres ententes auxiliaires. Est-ce que c'est une
possibilité?
M. Rémillard: Justement, le député de
Lac-Saint-Jean soulève une difficulté réelle lorsque je
parle de concertation des deux ordres de gouvernement et ce, même dans
des compétences exclusives, soit au niveau fédéral ou
provincial. On parlait tantôt de pêcheries. Les pêcheries
sont de compétence exclusive fédérale. Nous, comme
gouvernement, nous ne voulons pas nous immiscer dans une compétence
exclusive fédérale pas plus que, nous le savons, le gouvernement
fédéral ne veut venir s'immiscer dans une compétence
provinciale.
M. Brassard: Bien non.
M. Rémillard: M. le député de Lac-Saint-Jean
en conviendra comme moi. Cependant, respectant mutuellement nos champs de
juridiction, pour que notre action soit la plus efficace possible, il doit y
avoir une concertation et une collaboration. Dans ce sens, nous favorisons un
comité conjoint de gestion pour harmoniser les politiques et faire en
sorte que ces dernières soient les plus efficaces possible en fonction
d'un plan d'ensemble qu'on peut tracer. Alors, c'est dans ce contexte, M. le
Président, que, dans ses domaines de juridiction fédérale,
nous disons au gouvernement fédéral: Établissons quand
même une gestion conjointe. Travaillons ensemble, sans cela, on ne pourra
pas avoir cette concertation que nous recherchons. Mais, le
député de Lac-Saint-Jean soulève une des
difficultés que nous avons dans les discussions.
M. Brassard: Actuellement, la façon de fonctionner, c'est
que, pour chaque entente auxiliaire, il y a un comité paritaire. Les
projets sont achemines à ce comité qui les analyse, les
évalue, les accepte et les ministres concernés donnent à
leur tour leur assentiment. Une fois le projet accepté par le
comité paritaire, le financement est conjoint, 50-50,
fédéral-provincial, mais la maîtrise d'oeuvre est
québécoise. C'est le
Québec qui met en oeuvre le projet, évidemment en tenant
compte - c'est là, comme vous le dites que la concertation a son
importance - des exercices approfondis, sérieux de concertation qui se
sont faits dans toutes les régions, par le biais des sommets de
développement. Chaque région a défini ses
priorités, a identifié ses projets dans le cadre de ses axes de
développement. Il faut évidemment faire attention de ne pas
perturber ou ignorer ce travail fort sérieux de concertation qui s'est
fait. Si je comprends bien, il se pourrait que le mode de gestion
diffère quelque peu du mode de gestion prévu actuellement dans
chacune des ententes auxiliaires.
M. Rémillard: il se peut, M. le Président, qu'il y
aft certains accommodements, tout comme on l'a fait en 1964. Ce n'est pas
toujours du financement conjoint que nous obtenons avec l'entente de 1984. Il y
a eu aussi des financements unilatéraux. Il faut compter à un
moment donné une période de transition. Il faut tenir compte des
exceptions qu'on peut accepter à certains égards et pour
certaines fins. Mais, ce que je veux dire au député de
Lac-Saint-Jean, c'est que nous insistons, et c'est là un point
extrêmement important pour nous, pour que cette entente de
développement régional soit un volet de CEDER, un
treizième volet de l'EDER.
Dans la mesure où le gouvernement fédéral accepte
que ce soit un volet de l'EDER, il doit en accepter les conséquences.
Comme je vous dis, ce n'est pas fait, cela ne sera pas facile, mais pour nous
c'est extrêmement important.
M. Brassard: Ce n'est pas fait, mais les chances d'aboutir sont
meilleures que les risques d'échouer?
M. Rémillard: Vous savez, dans ces genres de
négociations, c'est difficile de se prononcer. Je peux vous dire
très sincèrement ce soir, qu'on m'a fait rapport encore
récemment de révolution des discussions. Comme je vous ai dit,
dans les prochaines heures je rencontre M. de Cotret avec mon collègue,
ie ministre responsable du Développement régional. Je dois vous
dire que je suis optimiste. Je crois qu'on a de bonnes chances d'en arriver
à une entente, mais il y a encore des points majeurs à discuter
et plusieurs de ces points ne sont pas faciles. Je dois dire que le
député de Lac-Saint-Jean m'a posé d'excellentes questions,
parce qu'il a soulevé beaucoup des difficultés que nous avons
justement. Il a été, je pense, assez Impliqué dans ces
genres de dossiers pour connaître les embûches qu'on y
retrouve.
M. Brassard: Sur le montant, disons approximativement et
possiblement 600 000 000 $.
M. Rémillard: Peut-être plus, peut-être moins,
mais enfin.
M. Brassard: Disons que dans une première phase, les
premiers cinq ans, il avait été prévu 1 500 000 000 $ sur
cinq ans. Ces 1 500 000 000 $ sont répartis à travers douze
ententes auxiliaires; dix qui ont été signées au moment
où nous étions là et deux que vous avez signées,
peu de temps après votre arrivée au pouvoir. Donc, 1 500 000 000
$ sur cinq ans à travers une douzaine d'ententes auxiliaires. Est-ce que
le treizième volet dont vous parlez, qui porterait sur le
développement régional et qui pourrait impliquer des montants de
l'ordre de 600 000 000 $, est-ce que ce sont les seules ressources
prévues dans le cadre de CEDER pour les dernières années
qui restent à courir, puisque l'EDER porte sur dix ans? Ou est-ce que
vous avez également des négociations et des discussions avec
votre homologue fédéral - parce qu'il y a plusieurs ententes
auxiliaires qui n'ont plus de ressources, elles sont pratiquement
épuisées - pour que soit ajouté, pour les cinq prochaines
années des sommes additionnelles, des ressources nouvelles dans le cadre
des ententes auxiliaires déjà existantes? Je pense, par exemple,
à l'entente auxiliaire sur les transports. Est-ce qu'il est envisageable
qu'on ajoute des ressources pour les cinq prochaines années dans
l'entente auxiliaire sur les transports ou sur le développement
touristique - je pense qu'il n'y reste plus grand-chose non plus - sans changer
ie texte de l'entente? Il s'agit simplement d'ajouter des ressources. Est-ce
qu'en plus de ces 600 000 000 $, en plus ou en moins - je comprends que vous ne
souhaitiez pas être précis là-dessus. C'est normal, les
négociations ne sont pas terminées - il est possible que des
ressources nouvelles s'ajoutent dans le cadre des ententes auxiliaires
existantes?
M. Rémillard: M. le Président, le
député de Lac-Saint-Jean soulève encore un très bon
point. De fait, parmi les onze ententes auxiliaires qui existent
présentement, plusieurs ont épuisé leur enveloppe. On se
retrouve dans une situation où les deux ordres de gouvernement ont
identifié les projets qu'ils aimeraient réaliser. En plus de
l'entente de développement régional, nous tentons aussi d'en
arriver à une entente sur le renflouement de certaines ententes
auxiliaires, par exemple, en ce qui regarde les infrastructures, le transport,
le développement industriel, le domaine touristique, comme vous l'avez
souligné tout à l'heure, et même les équipements
culturels où il y a des projets d'identifiés et où les
deux ordres de gouvernement s'entendent pour faire ces projets. Mais il n'y a
plus d'argent disponible. Nous faisons donc des négociations à
ces deux ordres de gouvernement pour un treizième volet qui serait
essentiellement en fonction du développement économique
régional axé sur les régions périphériques,
les régions ressources, pour le développement des régions
qui ont besoin d'aide économique, avec un développement
concerté entre les deux ordres de gouvernement,
et j'insiste sur un aspect qui est très important pour mon
collègue, le ministre responsable du Développement
régional en disant: avec dés programmes qui viennent de la base,
pour vraiment répondre à ces mêmes besoins
économiques.
Nous voulons donc ajouter un montant substantiel pour des ententes
auxiliaires. Tout cela fait un ensemble important. Le morceau est
considérable. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, je
suis optimiste. Les discussions, les négociations vont bien et se
déroulent d'une façon très intense. Nous sommes en
discussions constantes par téléphone et par des rencontres. Je
rencontre dans les prochaines heures le ministre de Cotret. Las chances sont
bonnes pour qu'on puisse en arriver à une entente, mais il faut aussi
croire que les points que nous avons à discuter sont majeurs,
extrêmement importants. Par conséquent, on ne peut pas dire qu'une
entente est imminente, mais nous sommes quand même optimistes.
M. Brassard: Relativement à ma dernière question
sur l'ajout de ressources dans les ententes auxiliaires déjà
existantes, je comprends que le gouvernement québécois serait
intéressé à ajouter des fonds dans un certain nombre de
ces ententes auxiliaires. Est-ce que vous avez testé la volonté
fédérale à ce sujet? Est-ce que le fédéral a
aussi montré de l'intérêt pour injecter des ressources
additionnelles dans certaines ententes auxiliaires?
M. Rémillard: Oui, le gouvernement fédéral a
montré un certain intérêt, pour ne pas dire un
intérêt certain, dans la mesure où les deux ordres de
gouvernement, dans certains secteurs, ont identifié des programmes et
des projets qu'ils aimeraient réaliser, comme je vous l'ai
mentionné tout à l'heure. Donc, dans certains cas, il y a entente
sur des programmes qu'on voudrait réaliser, mais les enveloppes sont
vides. Alors, nous disons au gouvernement fédéral: Profitons de
cette discussion que nous avons pour ce treizième volet et nous
insistons pour que ce soit un treizième volet de l'EDER parce qu'on veut
que les principes généraux de l'EDER s'appliquent à ce
volet. Profitons-en pour renflouer des enveloppes d'ententes auxiliaires
où on a identifié des projets qu'on veut réaliser. Comme
je le mentionnais tout a l'heure et comme le mentionnait le
député de Lac-Saint-Jean, cela va dans le domaine touristique
comme cela va dans le développement industriel ou l'infrastructure, le
transport.
M. Brassard: M. le Président, une dernière question
ou plutôt une demande. Dans le cahier explicatif, aux renseignements
concernant les crédits, on a la liste des ententes, le coût total
et les engagements prévus. Serait-il possible, dans les semaines qui
viennent, d'obtenir, pour chacune des ententes auxiliaires, la liste des
projets retenus et financés dans le cadre de ces ententes, la nature du
projet, le montant de la subvention de même que la participation du
milieu, évidemment...
M. Rémillard: Oui, M. le Président, cela me
fera...
M. Brassard: ...et le moment où ces projets ont
été acceptés et amorcés.
M. Rémillard: Cela me fera plaisir.
M. Brassard: Évidemment, ce n'est pas d'une urgence
capitale, mais dans les semaines qui viennent...
M. Rémillard: Non, cela me fera plaisir de fournir ces
renseignements au député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Et aux membres de la commission.
M. Rémillard: Très bien.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre, vous envoyez
cela au secrétariat de la commission.
M. Brassard: Au secrétariat de la commission.
Le Président (M. Marcil): Nous allons distribuer cela aux
membres.
M. Brassard: C'est cela. Étant donné qu'il y a
encore des points majeurs en négociation, je vais terminer sur ce
dossier en souhaitant bonne chance au ministre et à son collègue,
en espérant pour les régions, parce qu'elles ont vraiment besoin
de ressources additionnelles, que dans les plus brefs délais on va en
arriver à une entente acceptable et évidemment respectueuse des
responsabilités du gouvernement du Québec.
M. Rémillard: M. le Président, avant d'aborder un
autre sujet, est-ce je pourrais demander une escale technique?
M. Brassard: Certainement! Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Nous suspendons donc nos travaux
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 2)
(Reprise à 21 h 13)
Le Président (M. Marcil): Vous avez fait le plein? Nous
allons revenir au dossier du sous-
marin, comme le disait tantôt notre député de
Saint-Jean.
Une voix: Nucléaire ou hydroélectrique?
Le Président (M. Marcil): On préférerait
hydroélectrique sauf que, cela nous prendrait long de fil. M. le
député.
Contrat de construction de sous-marins
M. Brassard: M. le Président, l'escale étant
terminée, j'inviterais le ministre à faire une courte
plongée sous-marine. Nous avons malheureusement perdu, comme on le sait,
le plantureux contrat des frégates dont la construction se fera
désormais au Nouveau-Brunswick. Je vois que cela rappelle sans doute de
mauvais souvenirs au député de Richelieu.
Sérieusement, il reste encore cependant, dans le domaine de !a
défense, de plantureux contrats qui seront accordés par le
gouvernement fédéral. Et l'un des plus considérables est
celui consistant à construire un certain nombre de sous-marins
nucléaires. Les coûts, les dépenses envisagées sont
de l'ordre de 8 000 000 000 $, dont 5 000 000 000 $ uniquement pour la
construction et 3 000 000 000 $ pour l'aménagement d'équipements,
d'infrastructures requis pour construire ces sous-marins.
Je n'a! pas besoin de vous dire, M. le ministre, que ce contrat est
absolument capital pour les chantiers maritimes du Québec. Il faut
absolument que nous obtenions ce contrat de construction des sous-marins. Cela
ne peut pas nous échapper. Si, par malheur, cela nous échappait,
ce serait la mort de nos chantiers maritimes, donc, la perte de plusieurs
centaines d'emplois.
Ma question est évidemment très simple. J'ai appris par le
ministre de l'Industrie et du Commerce qu'un consortium était en
formation au Québec, avec comme leader, Marine Industrie et la firme
d'ingénierie SNC. Mais d'autres firmes vont aussi s'associer à ce
consortium en vue d'obtenir le contrat de construction, il y a certaines
inquiétudes, cependant, parce qu'on a appris - je ne sais pas si c'est
exact, si c'est fondé - que Saint John Shipbuilding investissait
déjà dans les travaux d'infrastructure en prévision de la
construction des sous-marins, ce qui, évidemment, lui donnerait un
avantage et lui donnerait une avance dans la course pour obtenir le contrat de
construction des sous-marins. Je ne pense pas avoir besoin de faire un long
plaidoyer pour dire que c'est absolument essentiel pour les chantiers maritimes
du Québec et j'aimerais évidemment savoir quelle est la
stratégie que compte appliquer le gouvernement du Québec et
particulièrement le ministre responsable des relations avec le
gouvernement fédéral pour, dans ce cas-ci, obtenir un
succès évident et décrocher ce contrat dans
l'intérêt de nos chantiers maritimes et des travailleurs qui y
travaillent?
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, j'ai eu l'occasion
de dire ce matin dans mes remarques préliminaires que nous avions
été profondément déçus par l'octroi de ce
contrat de construction des frégates exclusivement au Nouveau-Brunswick.
Présentement mon collègue de l'Industrie et du Commerce travaille
en étroite collaboration, avec le président de Marine Industrie,
M. Tessier, qui fait un excellent travail et qui dirige un consortium de
plusieurs firmes réputées. Donc peu importe la technologie qui
sera retenue par le gouvernement fédéral, le gouvernement du
Québec sera en bonne position pour obtenir ce contrat. Comme vous le
savez, le gouvernement fédéral doit prendre une décision
et choisir entre le sous-marin anglais ou le sous-marin français, mais
pour nous, ce qui est important c'est d'être prêts. Il est certain
que le Nouveau-Brunswick, là encore, est en compétition avec
nous, mais nous considérons que cette fois-ci, ce contrat nous revient
et je peux vous dire, M. le Président, que mon collègue, le
ministre de l'Industrie et du Commerce, ne ménage aucun effort pour que
nos droits soient reconnus pour ce contrat qui sera des plus
intéressants et qui nous amènerait aussi à
développer une expertise dans bien d'autres domaines connexes qui pourra
servir dans d'autres secteurs.
Lorsqu'on parle, par exemple, de recherches scientifiques, on doit
savoir que cela pourrait être un domaine de recherches scientifiques
particulièrement intéressant. Je vois ici le député
qui est particulièrement intéressé par ce dossier et qui
s'occupe activement de ce dossier. Je dois dire, M. le Président, que
pour le moment, avec ce consortium international qui est imposant et qui permet
aux firmes les plus compétentes de se rassembler et d'offrir une
expertise tout à fait unique. Nous nous positionnons très bien et
aucun effort ne sera ménagé pour obtenir ce contrat.
M. Brassard: Est-ce qu'on peut compter sur le gouvernement du
Québec pour s'assurer que les règles du jeu ne sont pas
faussées et que le fait comme on l'apprenait récemment, que Saint
John Shipbuilding investisse dans des infrastructures qui lui seront utiles
pour la construction de sous-marins, n'est pas un indice que déjà
les jeux sont faits et que, par conséquent, le consortium
québécois serait évincé au départ avant
même qu'il fasse connaître ses offres de service?
M. Rémillard: M. le Président, je dois dire que,
selon nos informations, les jeux ne sont absolument pas faits. Nous savons que
le Nouveau-Brunswick sera en compétition, que les chantiers de Saint
John seront en compétition avec nous. Je répète ce que je
disais tout à
l'heure: avec le consortium que nous avons, je crois que nous avons
là un outil de première main et de très grande importance
pour démontrer que nous avons l'expertise nécessaire pour obtenir
ce contrat. Le député de Richelieu, est actif dans ce dossier
avec le ministre responsable de l'Industrie et du Commerce et nous ne
ménageons aucun effort, M. le Président, pour que ce dossier
revienne au Québec.
Immigrants investisseurs
M. Brassard: C'est à suivre, bien sûr. Concernant
les immigrants investisseurs à la suite des négociations, on sait
qu'une entente est intervenue - qui n'a pas encore été
déposée d'ailleurs, on avait demandé son
dépôt, cela a été oublié sans doute - et qui
modifie substantiellement les éléments du programme. C'est ainsi
qu'on fixe maintenant à 500 000 $ et non plus à 250 000 $, comme
c'était le cas, le capital minimum requis pour pouvoir se
prévaloir des fameuses garanties bancaires. C'est évident
qu'Ottawa, par cette décision, réduit ainsi le bassin de
candidats potentiels d'immigrants investisseurs susceptibles de venir
s'établir au Québec. Est-ce que le ministre ne reconnaît
pas que l'entente intervenue réduit, d'une façon notable, les
avantages des garanties bancaires offerts par le Québec, en passant de
250 000 $ à 500 000 $ le minimum de capital requis pour un immigrant
investisseur qui désire recourir à ces garanties? C'est quand
même un changement important qui s'est produit. Vous n'avez donc pas pu,
si je comprends bien, maintenir intégralement le programme
québécois des garanties bancaires. Vous avez été en
quelque sorte obligés de faire des concessions quand même
substantielles. C'est clair qu'avec un minimum de 500 000 $, il y a plusieurs
immigrants investisseurs qui ne seront pas touchés. Cela va avoir des
effets. C'est une concession que vous avez été obligé de
faire dans les négociations?
M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, il
faut bien comprendre qu'en matière d'immigration - j'ai dit agriculture,
c'est un lapsus, M. le Président, parce que dans la constitution
canadienne de 1867, sous le thème agriculture et immigration, on
décrit une compétence concurrente pour le gouvernement
fédéral et provincial, c'est-à-dire que les deux ordres de
gouvernement peuvent légiférer en matière d'immigration,
mais il est bien précisé dans la constitution qu'il y a une
prépondérance du gouvernement fédéral, donc deux
champs de juridiction qui sont concurrents, et lorsqu'on parle de concurrence,
immanquablement on doit penser à la possibilité de conflit entre
les deux ordres de gouvernement, et s'il y a conflit, c'est automatique, par
les termes de la constitution, c'est la législation
fédérale, c'est la réglementation fédérale
qui l'emporte. C'est le contexte constitutionnel dans lequel nous devons
évoluer. Il y a eu une entente Cullen-Couture qui a été
négociée conclue, en 1977-1978, une entente qui a permis au
Québec d'exercer certains pouvoirs administratifs importants, en ce qui
regarde la sélection de ses immigrants. C'est donc dans ce contexte, M.
le Président, au départ, qu'il faut situer ce dossier, concernant
les immigrants investisseurs.
Dans un permier temps, on se référait à des
investisseurs qui pouvaient détenir des garanties bancaires si leur
avoir net était de 500 000 $, et leur investissement de 250 000 $. Mais,
le 17 décembre 1987, le gouvernement fédéral,
conformément à sa juridiction, adoptait un règlement qui
prohibait toute possibilité pour un immigrant investisseur de
détenir une garantie bancaire. Cela signifiait, M. le Président,
à toutes fins utiles, que c'était tout le programme
québécois qui devenait inefficace, qui tombait, en quelque sorte.
On a donc réagi immédiatement. On a réagi et on a
demandé au gouvernement fédéral de geler ce
règlement, de ne pas l'appliquer. Nous avons entamé
immédiatement des négociations avec le gouvernement
fédéral, négociations qui ont été
menées par ma collègue responsable du ministère de
l'Immigration. Les résultats sont intéressants pour le
Québec, M. le Président. Les résultats c'est un
règlement qui nous permet de faire toujours ces garanties bancaires
à des investisseurs qui ont 500 000 $, et non pas 250 000 $
d'investissement.
Les investisseurs qui sont intéressés à venir au
Québec - et nous en avons plusieurs, nous avons un grand succès
avec ce programme - ont généralement cette somme. Donc, selon les
estimations que nous pouvons avoir, cette différence entre 250 000 $ et
500 000 $ ne nous touchera pas particulièrement. D'autre part, avec ces
500 000 $, nous avons une catégorie aussi d'investisseurs
particulièrement intéressants. Et c'est certainement là un
gain important pour le Québec d'avoir enfin un programme qui lui permet
d'aller chercher ses investisseurs. Je dois souligner que ce programme des
immigrants investisseurs, dû à l'ingéniosité de nos
firmes du secteur privé québécois, nous a permis de faire
des gains extrêmement Importants. Ce sont des millions de dollars qui
nous arrivent, comme cela, M. le Président, par ce programme des
immigrants investisseurs. Et l'entente que nous avons avec le gouvernement
fédéral va nous permettre de conserver ce programme. Pour nous,
c'est cela qui est important. Donc, pour nous, c'est un gain cette entente avec
le gouvernement fédéral; cela signifie un gain pour le
Québec.
M. Brassard: Ce que je comprends, le ministre affirme que le fait
de hausser à 500 000 $ le minimum de capital requis pour se
prévaloir des garanties bancaires n'aura pas d'effet en terme de nombre
d'immigrants investisseurs.
M. Rémillard: Mme la ministre responsable de
l'Immigration, par des consultations qu'elle a
menées auprès des milieux financiers
québécois, a reçu comme réponse de ces milieux
financiers québécois impliqués dans ces programmes que,
selon eux, ils ne voient aucun problème pour s'adapter à ces
nouvelles modalités et que cela ne touchera pas l'efficacité du
programme,
M. Brassard: Et que cela ne réduira pas le nombre
d'immigrants investisseurs. (21 h 30)
M. Rémillard: Et que cela ne réduira pas, comme
tel, le nombre d'immigrants investisseurs et que les gens qui étaient
déjà touchés par ce programme avaient les avoirs
nécessaires pour remplir les nouvelles conditions. C'est la
réponse qu'ont faite les milieux financiers québécois
à la ministre responsable de l'Immigration.
Dépollution du Saint-Laurent
M. Brassard: Le dernier sujet, avant de vous poser quelques
questions sur les crédits, concerne évidemment la contribution
fédérale, à la dépollution du Saint-Laurent. Le
gouvernement fédéral a mis en oeuvre un programme d'aide à
la dépollution des Grands Lacs, réservant forcément ces
fonds exclusivement à l'Ontario. Depuis deux ans et quelques mois, le
ministre de l'Environnement, M. Lincoln, demande au gouvernement
fédéral d'Ottawa, jusqu'à maintenant vainement, d'injecter
au moins 100 000 000 $ au Québec comme contribution pour un programme de
dépollution du fleuve Saint-Laurent. En même temps, je vous
signale que l'Ontario peut compter sur une aide fédérale de
l'ordre de 150 000 000 $. Jusqu'à maintenant, il y a eu, en mars, un
espoir à l'occasion d'un gala bénéfice de la Fondation
québécoise en environnement, où les deux ministres de
l'Environnement étaient présents, M. Lincoln et M. McMillan, le
ministre fédéral, le 25 mars, plus précisément. Le
ministre McMillan avait laissé entendre qu'une décision
fédérale était imminente et serait même favorable,
et qu'on répondrait enfin positivement à la demande de 100 000
000 $ du gouvernement québécois en cette matière.
C'était le 25 mars et on est rendu à la fin d'avril; cela fait
maintenant plus d'un mois de cela et rien ne semble avoir bougé dans ce
dossier. Est-ce que cet espoir était un faux espoir? Est-ce que le
dossier est de nouveau en panne? Est-ce qu'on peut compter que, très
bientôt, le Québec va pouvoir obtenir une contribution
fédérale substantielle pour l'aider à dépolluer le
fleuve Saint-Laurent. C'est évidemment une question
d'équité puisque l'Ontario, depuis plusieurs années,
bénéficie déjà de subventions
généreuses du gouvernement fédéral pour
dépolluer les Grands Lacs de son côté. Où en est-on
dans ce dossier?
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, je crois qu'il y a
de l'espoir, dans ce dossier, qu'on en arrive à une entente. Vous savez,
M. le Président, que depuis quelques années, le Québec
réclame du gouvernement fédéral qu'il contribue à
la dépollution du fleuve Saint-Laurent. Ce n'est donc pas un sujet
nouveau. Le gouvernement du Québec demande que la participation du
gouvernement fédéral soit de l'ordre de 100 000 000 $, M. le
Président. Nous nous appuyons sur ce qu'a obtenu l'Ontario pour la
dépollution des Grands Lacs. Le ministre de l'Environnement du
Québec a récemment précisé qu'il souhaiterait que
ces 100 000 000 $ soient répartis en quatre volets. Le premier, c'est la
caractérisation et le confinement des zones à forte concentration
de sédiments contaminés. Cette opération comporterait une
caractérisation sommaire des sédiments tout le long du
Saint-Laurent, suivie d'une analyse plus exhaustive des zones à plus
forte concentration. Il y aurait enfin des expériences pilotes sur les
méthodes de confinement. Ce premier volet serait de 20 000 000 $.
Un deuxième volet serait pour la mise en place d'un programme de
"monitoring" sur la qualité des eaux du Saint-Laurent, avec
l'implantation d'un réseau de mesures tout le long du fleuve et le
financement d'un programme intensif de recherches. C'est un deuxième
volet de 30 000 000 $.
Un troisième volet serait en fonction d'un programme de soutien
au développement du secteur industriel des technologies propres
comprenant l'aide à la mise au point et à
l'expérimentation de technologies propres à l'aide aux
entreprises oeuvrant dans le secteur des équipements de
dépollution, un volet de 30 000 000 $.
Finalement, M. le Président, un quatrième volet relatif
à l'aide et à l'acquisition par des organismes sans but lucratif
de sites d'intérêt écologique majeur dont une douzaine
dites dans l'archipel de Montréal. Finalement, la contribution à
la mise en oeuvre d'un plan de conservation. Ce quatrième volet
comprendrait également la restructuration des rives des rapides de
Lachine et la construction d'un centre d'interprétation du
Saint-Laurent, le tout pour 20 000 000 $.
Cette proposition a été endossée entièrement
par le SAIC, elle a été transmise au ministre
fédéral de l'Environnement le 24 mars dernier et nous pouvons
dire que le gouvernement fédéral l'a accueillie avec beaucoup
d'intérêt. Je disais au tout début qu'il y avait une lueur
d'espoir, oui, parce que les négociations sur ce sujet se font sur la
base de la proposition québécoise. On m'informe que les
négociations vont bien. Nous les suivons très attentivement et il
y a possibilité d'en arriver à une entente pour qu'il y ait cet
apport considérable du gouvernement fédéral pour
dépolluer le Saint-Laurent.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Études spécialisées et avis
juridiques
M. Brassard: Merci, M. le Président. On attend avec
hâte la conclusion d'un accord. Il me resterait un certain nombre de
questions sur les crédits proprement dits. On pourrait adopter
après cela...
Vous avez commandé, et on retrouve cela dans la liste des
contrats de moins de 25 000 $ octroyés à des professionnels
depuis avril 1987, vous avez commandé un certain nombre d'études
à des spécialistes. Entre autres, première page Clarkson,
Tétreault, un avis sur l'accord canado-américain sur le
libre-échange pour 24 000 $; Me René Dussault, un avis sur le
dossier constitutionnel 4900 $; Brown, Lafleur, étude concernant
l'entente du lac Meech; Louis Goyette, travaux d'analyse et synthèse de
jugements de la Cour suprême et d'autres tribunaux pouvant avoir un
impact sur l'application des lois constitutionnelles et des chartes; Yves
Ouellet, avis juridique relativement à l'accord du lac Meech, 2600 $;
John White, avis juridique relativement à certains aspects de l'accord
du lac Meech.
Ma question est très simple, M. le Président. De
même que l'avis du Conseil de la langue française sur le projet de
loi fédéral C-72 a été rendu public, est-il
possible d'obtenir ces divers avis, en particulier sur le dossier
constitutionnel, sur l'entente du lac Meech, qui pourraient évidemment
nous éclairer sur la portée de cet accord, sur son contenu?
Est-ce que ces études vont devenir disponibles ou si vous vous les
réservez à vous-même?
M. Rémillard: M. le Président, je suis d'abord
heureux que le député de Lac-Saint-Jean se réfère
à ces études. Il voit que nous n'avons rien négligé
dans nos discussions avec le gouvernement fédéral pour que cette
entente du lac Meech ait le souci de respecter le plus possible les droits du
Québec.
Nous avons consulté certains des plus éminents juristes
québécois et canadiens. Ce sont des études qui - comme
celles qui avaient été commandées par le gouvernement
péquiste à l'époque, 1980, 1981, 1982 - se
réfèrent essentiellement à des sujets de contentieux et de
relations fédérales-provinciales. Ce sont des sujets très
importants pour le gouvernement et ces études doivent être
conservées sans être rendues publiques. Nous n'avons absolument
pas l'intention de rendre ces avis publics.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que ces avis ont été
confirmés dans la mesure où, depuis maintenant près d'un
an, depuis que l'entente du lac Meech a été conclue - cela fera
un an le 30 avril - toutes les commissions parlementaires, tous les groupes
d'étude qui l'ont étudiée, scrutée à la
loupe en sont arrivés à la même conclusion: il n'y a aucune
erreur de fond dans cette entente du lac Meech. On peut critiquer certains
aspects politiques de ce document mais l'entente du lac Meech ne con- tient
aucune erreur de fond. M. le Président, on s'en réjouit. On voit
là toute l'attention qu'on a accordée à bien peser tous
les mots employés dans cette entente.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je ne veux pas mettre en doute, évidemment,
la parole du ministre. Ce n'est pas permis par nos règlements. Mais je
trouverais cela plus intéressant si ses propos étaient
confirmés par des avis dont on pourrait prendre connaissance.
Je comprends bien que ces avis, qui ont quand même
été financés par des fonds publics, le ministre se refuse
à les divulguer, à les rendre publics. Cela serait sans doute
utile, peut-être pas à tout le monde mais certainement à
ceux et celles, dans notre société, qui s'intéressent
à cette question constitutionnelle et qui discutent depuis plusieurs
mois de la portée de l'accord du lac Meech. Ce serait, à mon
avis, intéressant que ces études puissent être
accessibles.
Je comprends que le ministre ne souhaite pas revenir sur sa
décision de ne pas rendre publiques ces études, de ne pas les
divulguer, de ne pas les rendre accessibles. Je ne pense pas que cela ferait
des succès de librairie, je suis convaincu de cela. Ce ne serait pas des
best-sellers, sûrement, mais les rendre accessibles à ceux et
celles qui s'intéressent à cette question.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, ce que me demande le
député de Lac-Saint-Jean, il le sait très bien
lui-même. Aucun gouvernement ne rend publics des avis qu'il a sur des
contentieux aussi importants. Le gouvernement péquiste ne l'a pas fait
et nous, nous ne le ferons pas, dans l'intérêt du Québec.
Je pense que je n'ai pas besoin de parler plus à ce sujet-là et
le député de Lac-Saint-Jean le sait très bien.
M. Brassard: J'aurai au moins fait l'effort. J'aurai au moins
essayé.
Coopération et francophonie
M. le Président, il me reste une question à poser. On
constate - et j'en suis fort heureux, d'ailleurs, je vous le dis tout de suite
- une augmentation substantielle des crédits concernant les transferts
en matière de coopération et de francophonie. Est-ce qu'il serait
possible, surtout pour ce qui est des transferts qui sont de l'ordre de 3 614
000 $ pour cette année comparativement à 2 329 000 $ l'an
passé, est-ce qu'il serait possible d'avoir une ventilation de ces
crédits au chapitre de là coopération et de la
francophonie, particulièrement au titre des transferts? Et remarquez,
encore une fois, que cela peut
attendre quelques jours.
Une voix: Excusez-moi.
M. Brassard: Je veux dire que ce n'est pas urgent que je les aie
en main avant de me coucher ce soir.
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez en prendre note,
M. le ministre.
M. Brassard: Tout simplement il m'apparaî-trait Important
en matière de coopération, d'aide à la francophonie,
étant donné qu'il y a quand même une augmentation, à
travers les divers programmes, comment les crédits sont-ils
ventilés?
M. Rémillard: Alors M. le Président...
M. Brassard: Par exemple, les subventions versées aux
associations de francophones hors Québec, à la
Fédération des francophones hors Québec...
M. Rémillard: Alors M. le Président...
M. Brassard:... connaître un peu l'état
détaillé de l'utilisation des crédits.
M. Rémillard: Oui, M. le Président, j'ai
annoncé, le 25 mars dernier, que le gouvernement augmentait
considérablement son budget pour la coopération pour les
francophones hors Québec. J'ai dit que pour la présente
année nous augmentions de 1 000 000 $, c'est-à-dire que cela
donne donc 2 000 000 $ et nous ajoutons, pour 1989-1990, un 500 000 $ de plus,
pour un total de 2 500 000 $ en 1989-1990. Nous subventionnons, avec cet
argent, des programmes qui respectent d'abord les priorités
établies par les minorités elles-mêmes. Ce n'est pas nous
qui déterminons ces programmes, mais nous travaillons avec les groupes,
les associations concernées et ils nous font part de leur
priorité; ce sont eux qui doivent déterminer donc ces
priorités.
D'autre part, j'Insiste aussi sur un autre aspect que j'ai
mentionné ce matin, à savoir que nous respectons la juridiction
des provinces si nous travaillons en concertation avec les provinces
impliquées. Nous avons donc un budget de coopération, cette
année, qui est intéressant et il y a une ventilation qui est
faite en fonction des différentes régions canadiennes. Par
exemple, dans l'Est canadien comprenant Terre-Neuve,
l'île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le
Nouveau-Brunswlck, nous avons des projets de coopération pour 180 252 $,
alors que pour l'Ontario, c'est 369 908 $. Pour l'Ouest canadien, Manitoba,
Saskatchewan, Alberta, Colombie britannique, c'est 180 943 $. Et, au niveau
national, dans différentes organisations dont la
Fédération des francophones hors Québec, le Centre des
arts de Charlottetown, c'est un total de 176 231 $. Mais, M. le
Président, je pourrais envoyer une ventilation beaucoup plus
détaillée.
M. Brassard: Pour cette année et pour l'an passé de
sorte qu'on puisse...
Le Président (M. Marcil): Faire la comparaison.
M. Brassard:... comparer et voir où se situent les
augmentations.
M. Rémillard: Alors on fera parvenir à l'Opposition
cette ventilation.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. C'est
terminé, M. le député de Lac-Saint-Jean?
M. Brassard: Oui.
Adoption des crédits
Le Président (M. Marcil): Je vous remercie beaucoup M. le
député de même que mes collègues et vous, M. le
ministre et votre équipe, de vous être prêtés
à cet exercice.
Donc le programme 4, affaires intergouvernementales canadiennes est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Marcil): Adopté. Donc je vais
ajourner les travaux sine die. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 50)