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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 16 août 1988 - Vol. 30 N° 20

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur la révision de la Loi électorale, sur le Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale et sur le document intitulé 'Résultats des travaux du comité de travail sur la révision de la Loi électorale'


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Marcil): Nous allons déclarer cette séance ouverte. J'aimerais rappeler le mandat de cette commission qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques, afin d'examiner toute proposition de révision de la Loi électorale, sur la base, notamment, du "Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale", déposé à l'Assemblée nationale, le 15 mars 1988, et du document intitulé "Résultats des travaux du comité de travail sur la révision de la loi électorale". Donc, si je ne m'abuse, M. le ministre, le document sera déposé tantôt, après vos remarques préliminaires. Est-ce cela?

M. Gratton: Oui.

Le Président (M. Marcil): Donc, je souhaite la bienvenue à tous les députés. Je suis convaincu que cet exercice de consultation sera très positif compte tenu du fait que la plupart reviennent de vacances et qu'on a eu un été extraordinaire. Les gens sont donc de bonne humeur et pleins d'énergie. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y aurait des remplacements à cette commission?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Assad (Papineau) est remplacé par Mme Blackburn (Roberval); M. Brouillette (Champlain) par M. Maltais (Saguenay); M. Dauphin (Marquette) par Mme Pelchat (Vachon); M. Filion (Taillon) par M. Gendron (Abitibi-Ouest) et M. Godin (Mercier) par M. Dufour (Jonquière.)

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais donc inviter M. le ministre à faire ses remarques préliminaires, pendant quinze minutes, de même que le porte-parole de l'Opposition, pendant quinze minutes et le député de Gouin, pendant dix minutes. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Michel Gratton

M. Gratton: Merci, M. le Président. Vous me permettrez, d'abord, de souhaiter la bienvenue et de remercier chaleureusement tous les parlementaires et tous les intervenants qui ont accepté de participer à nos travaux.

Le nombre, la diversité et la qualité des mémoires qui nous ont été transmis constituent le meilleur témoignage de la vitalité de la démocratie québécoise et laissent présager des travaux des plus fructueux. Le maintien de la qualité de nos institutions démocratiques repose sur la préoccupation constante que l'on doit entretenir à les adapter à l'évolution de la société. La réponse enthousiaste à participer à cette commission parlementaire nous démontre que cette préoccupation est partagée et bien vivante parmi la population québécoise. En effet, pas moins de 28 intervenants seront entendus au cours des prochains jours, ce qui constitue une première dans le domaine électoral. C'est d'ailleurs cette préoccupation qui m'animait, dès le début du processus de révision de la Loi électorale, amorcé depuis maintenant plus d'un an. En effet, dès le mois de mai 1987, je rendais publique la démarche que j'entendais suivre dans ce dossier.

Dans un premier temps, je faisais connaître une liste de sujets identifiés à partir de certains problèmes vécus lors des élections de 1985 et des représentations qui avaient été faites depuis. En transmettant cette liste aux membres de l'Assemblée nationale, à tous les partis politiques et au Directeur général des élections, je sollicitais leur collaboration et les invitais à me faire connaître tout autre sujet de préoccupation qui leur semblait devoir être pris en considération.

Du même coup, je demandais au Secrétariat à la réforme électorale de préparer un document de réflexion et de consultation sur l'ensemble des sujets identifiés initialement et sur les sujets suggérés par la suite par l'un ou l'autre des intervenants. Le document commandé se voulait avant tout un document de travail, présentant un état de la situation pour chacune des questions soulevées et suggérant un éventail de solutions possibles.

J'ai déposé à l'Assemblée nationale le 15 mars 1988 le Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale, qui présente pas moins de 150 sujets pouvant éventuellement conduire à des modifications à la Loi électorale. Ce document a en outre été transmis à tous les intervenants qui s'intéressent de près à l'administration électorale au Québec et aux groupes et individus ayant été consultés ou ayant fait des représentations sur le sujet.

À l'occasion du dépôt du document, l'Assemblée nationale adoptait une motion créant un comité de travail de parlementaires et lui confiant le mandat d'analyser le document préparé par le Secrétariat à la réforme électorale et de dégager, de façon préliminaire, les points de consensus autour des nombreuses propositions contenues dans le document. Le travail de ce comité se voulait avant tout un travail préparatoire à la commission parlementaire chargée d'examiner les sujets qui pourraient faire l'objet

de modifications à la Loi électorale.

Le comité de travail de parlementaires a procédé, au cours du printemps, à l'étude minutieuse du document de réflexion et de consultation du secrétariat. La réflexion sérieuse et les échanges ouverts auxquels se sont prêtés les sept parlementaires membres de ce comité constituent un atout majeur pour la bonne marche des travaux de la commission qui débute aujourd'hui. J'en profite pour remercier sincèrement les membres du comité. Je suis convaincu que l'étape que nous entreprenons aujourd'hui se déroulera dans le même esprit de collaboration.

À plusieurs reprises au cours de leurs travaux, les membres du comité ont exprimé le souhait d'entendre certains intervenants particulièrement concernés par l'un ou l'autre sujet abordé dans le document. Pour répondre à ce souhait, et comme je m'étais d'ailleurs dit prêt à le faire dès la création du comité de parlementaires, il a été décidé de tenir des consultations particulières en invitant certains à venir faire valoir leur point de vue.

Compte tenu de l'importance des questions en jeu et de l'impact des décisions à prendre sur l'exercice d'un droit aussi fondamental que le droit de vote, l'étape de consultation que nous entreprenons aujourd'hui revêt à mes yeux un caractère capital.

En effet, l'attitude d'ouverture au plus large éventail d'opinions, qui doit animer toute démocratie, s'impose de façon impérieuse lorsqu'il s'agit d'évaluer et de modifier les institutions ou les mécanismes qui en garantissent la vitalité.

Et c'est pourquoi je serai plus qu'attentif aux témoignages et représentations qui nous seront faits au cours des prochains jours. Cette étape de consultation permettra, j'en suis convaincu, d'éclairer encore davantage les parlementaires et le gouvernement dans les décisions importantes qu'il leur incombera de prendre sur les modifications à apporter à la Loi électorale.

Dès la fin de ces consultations particulières, la commission parlementaire des institutions entreprendra en effet le deuxième volet du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, soit d'examiner les sujets qui pourraient faire l'objet de modifications à la Loi électorale. Cette seconde étape devrait se tenir dès le début de septembre de façon à ce qu'un projet de loi puisse être déposé et adopté avant la fin de l'année 1988. Ainsi, les prochaines élections générales pourront se tenir sur la base d'une Loi électorale améliorée qui tiendra compte des représentations diverses qui nous auront été faites et des ententes, que je souhaite le plus nombreuses possible, que les parlementaires auront dégagées.

Les objectifs que je me suis fixés dès le départ dans cette démarche de révision de la Loi électorale et que j'ai d'ailleurs énoncés dans la présentation du document de réflexion et de consultation du secrétariat devraient continuer de nous guider d'ici la fin de nos travaux.

Et, vous me permettrez, M. le Président, de prendre quelques minutes pour rappeler succinctement ces cinq grands objectifs.

Nous devons d'abord voir à préserver et à consolider les acquis qui procurent à notre système électoral toute sa crédibilité, notamment en matière de financement des partis politiques. Nous devons même ouvrir de nouvelles avenues au renforcement des règles d'éthique dans la vie politique. Il nous faut donc nous demander si les objectifs d'équité et de transparence qui sous-tendent toute notre législation en cette matière ne pourraient pas être raffermis, notamment, en évaluant l'opportunité d'encadrer d'une façon quelconque la publicité gouvernementale en période électorale; en examinant la possibilité d'étendre les règles de contrôle et de divulgation du financement des partis politiques à leurs campagnes au leadership; en associant le soutien financier de l'État aux partis politiques davantage à l'appui populaire réel qu'ils reçoivent plutôt qu'au seul critère de leur représentation à l'Assemblée nationale; en facilitant l'application et le respect de la loi au chapitre du maximum autorisé des contributions des électeurs aux partis politiques; en améliorant les règles de présentation des rapports financiers des partis politiques, de façon à permettre une divulgation d'une plus grande transparence et à en faciliter la consultation et la compréhension.

Le deuxième objectif qui doit nous animer consiste à consacrer de la façon la plus élargie la primauté du droit de vote sur la procédure et les règles qui en régissent nécessairement l'exercice. Que ce soit au niveau des exigences requises pour obtenir la qualité d'électeur ou au niveau des formalités ou mécanismes d'exercice du droit de vote, la Loi électorale pourrait probablement être assouplie de façon à permettre au plus grand nombre d'exercer leur droit démocratique fondamental. Nous proposons donc d'examiner, notamment, l'opportunité d'accorder le droit de vote aux handicapés et malades mentaux; l'assouplissement des règles d'inscription et de résidence et l'instauration des mécanismes appropriés pour permettre aux Québécois résidant temporairement hors du Québec d'exercer leur droit de vote; la possibilité d'introduire le vote par procuration pour faciliter l'exercice du vote des personnes âgées, malades, handicapées ou à mobilité réduite, et des absents, l'accroissement des possibilités d'inscription sur la liste électorale par l'ajout d'une procédure de révision spéciale quelques jours avant le scrutin; ou l'adaptation, dans la mesure du possible, des mécanismes de votation aux besoins particuliers de certaines catégories d'électeurs, par exemple le bureau de vote mobile, le déplacement de l'urne, l'assistance aux sourds-muets, et ainsi de suite.

Tout comme pour l'objectif précédent, c'est l'esprit et la lettre des chartes canadienne et québécoise des droits et libertés qui nous dictent

comme troisième objectif la recherche du meilleur équilibre entre le respect des libertés fondamentales et la protection de l'intégrité du système électoral. La liberté d'association et la liberté d'expression, ainsi que son corollaire qu'est le droit du public à l'information, ne devraient en effet être limités que dans la mesure où les valeurs fondamentales au maintien de l'intégrité du système moral, social et politique peuvent être mises en péril.

Comme quatrième objectif, nous croyons que les efforts de rationalisation administrative et de contrôle de l'utilisation des fonds publics, qui traduisent une volonté gouvernementale bien arrêtée, doivent recevoir leur application aussi dans le secteur de l'administration du système électoral. Cet objectif doit nécessairement s'inscrire dans le contexte particulier du secteur électoral, en ce sens que les moyens mis en oeuvre pour y parvenir ne doivent en aucun cas mettre en péril le sain déroulement du processus électoral ni porter atteinte à l'indépendance et à l'autonomie essentielles à l'administration du système électoral.

La démarche de révision de la Loi électorale doit enfin répondre à un dernier objectif, soit la simplification et la mise à jour des dispositions de la loi pour en faciliter la compréhension et l'utilisation autant que pour l'adapter à la réalité sociale et politique de 1988. Cet objectif devrait se traduire, d'une part, par une clarification du langage et, d'autre part, par une harmonisation des différentes exigences de nature essentiellement technique.

C'est donc, M. le Président, à la poursuite de ces objectifs que nous sommes tous conviés à travailler. Pour le gouvernement, l'étape de consultation que nous entreprenons aujourd'hui sera un moment privilégié pour être à l'écoute des aspirations et des attentes de chacun face à l'amélioration de notre système électoral. (10 h 30)

Je réitère donc nos remerciements sincères aux individus et organismes qui ont accepté notre invitation et je les assure, au nom du gouvernement, de notre intention de tenir compte de leurs représentations dans la préparation des amendements à la Loi électorale que nous entendons soumettre à l'attention de l'Assemblée nationale dès cet automne. M. le Président, tel que vous l'annonciez, je souhaiterais que nous procédions maintenant, sinon au dépôt, tout au moins à la distribution du document contenant le résultat des travaux du comité de parlementaires sur la révision de la Loi électorale, document qui a d'ailleurs été expédié à tous ceux qui ont été invités à venir faire valoir leur point de vue ici à la commission, mais qui n'a pas été distribué de façon exhaustive. J'invite toute personne qui voudrait s'en saisir d'en faire demande auprès du secrétariat de la commission.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre délégué à la Réforme électorale.

Nous allons donc recevoir ce document comme dépôt. Cela va.

J'inviterais maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle à faire ses remarques préliminaires.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, je voudrais d'abord saluer l'ensemble des collègues parlementaires et indiquer que nous sommes conviés ce matin à un exercice démocratique sur un sujet très important. Je pense qu'il est essentiel de souligner l'importance de la commission parlementaire qui, bien sûr, nous permettra d'échanger des idées avec les intervenants sur diverses modifications souhaitables, qui doivent être apportées à la Loi électorale dans n'importe quel régime démocratique en mouvance. Cela ne sera peut-être pas facile avec les sujets d'actualité de ce matin: le retour de Guy Lafleur comme hockeyeur, la rencontre Turner-Bourassa, le suspense entourant les élections fédérales, la demande un peu farfelue des jeunes libéraux d'expédier à tous les Québécois une copie de la Charte de la langue française alors que les membres du Conseil des ministres ne l'appliquent même pas. Cela devrait être d'abord à eux de recevoir une copie de la Charte de la langue française.

Au-delà de ces considérations, on va essayer d'être le plus attentif possible sur les éclaireurs externes aux parlementaires parce que je pense que les parlementaires ont déjà fait oeuvre utile dans ce dossier en travaillant très sérieusement à un comité qui aura permis à tout le moins de cerner les grands sujets sur lesquels il y a lieu, soit de modifier et d'apporter des changements majeurs, soit de s'adapter par rapport à l'évolution des moeurs électorales. En ce sens, je pense qu'on doit se réjouir du travail qui a été fait par le comité.

Le ministre de la réforme électorale a bien campé les objectifs visés par cette réforme. Il a bien signalé aussi que les travaux que nous entreprenons ce matin s'inscrivaient dans la foulée du comité de travail parlementaire où bon nombre de sujets proposés dans le document de réflexion du Secrétariat à la réforme électorale ont fait l'objet de consensus entre les deux formations politiques représentées à l'Assemblée nationale. Je pense qu'il est important de procéder sur cette base et j'y reviendrai.

On réitère cependant l'importance, comme je viens de le dire, d'un consensus en matière de réforme de nos lois électorales dans la mesure où la légitimité d'un gouvernement en démocratie dépend du degré de confiance des citoyens envers le processus électoral. Je pense que des principes comme l'intégrité, l'équité, l'accessibilité et la transparence doivent être les fondements clés de tout système électoral dans une véritable démocratie.

Afin de préserver le haut degré de con-

fiance des Québécois à l'égard de leur système électoral, toute réforme à notre loi doit respecter ces fondements. Les modifications doivent donc faire l'objet des plus larges consensus possible. C'est un engagement que le ministre avait pris dès sa nomination, qu'il a transgressé à quelques reprises et j'aurai l'occasion d'y revenir au moment opportun. Mais il importe de rappeler que lorsque le ministre délégué à la Réforme électorale, dès son assermentation, avait pris l'engagement solennel indiquant que toute réforme en matière électorale devait passer par un minimum de consensus, je pense qu'il était sur la bonne voie. C'est une voie de laquelle il a dévié à deux reprises, malheureusement. Comme je l'ai mentionné tantôt, on pense que c'est un accroc difficilement acceptable et on aura l'occasion d'y revenir. Mais j'espère que le ministre reviendra, cette fois-ci, aux dispositions qui étaient siennes au moment de sa nomination, parce que je pense que, là, il était sur la bonne voie.

Il est peut-être important de rappeler également la contribution importante de l'Opposition aux travaux du comité. Le ministre l'a signalé, je pense que nous avons fait notre travail professionnellement et concrètement. Notre contribution a été significative aux travaux du comité et cela témoigne de notre engagement indéfectible à l'égard des valeurs démocratiques et de toute mesure susceptible de contribuer à la démocratisation de nos institutions politiques.

D'ailleurs, notre action gouvernementale en cette matière en témoigne. Sans faire un long bilan de notre action démocratique dans le passé comme formation politique, je me dois de rappeler certains éléments qui permettraient de mieux cadrer et situer dans quel esprit nous allons contribuer aux travaux de cette commission.

J'ai la chance d'être membre d'une formation politique, ainsi que mes collègues, qui a un bilan qui s'inscrit comme contribution importante à l'effort de démocratisation de nos institutions politiques amorcées à la suite de la Révolution tranquille. Juste à titre de rappel, nous avons été la première formation à réaliser de véritables campagnes de financement populaire dans tous les coins du Québec. Nous avons été la première formation nord-américaine à élire son chef sur la base du suffrage universel de ses membres.

C'est nous qui avons adopté la loi 2 sur le financement des partis politiques qui, en 1978, a mis fin, heureusement, à la pratique des caisses électorales et réduit l'influence des groupes d'intérêts sur les partis politiques. Je pense que c'était la réforme dont M. René Lévesque était, à juste titre, le plus fier.

Nous avons adopté une loi régissant la consultation de la population par référendum en 1979, année où nous avons élargi le droit de vote aux détenus, aux juges et au personnel de scrutin. C'est nous qui avons créé la Commission de la représentation, organisme indépendant, chargé de vérifier périodiquement la configuration des districts électoraux. Nous avons instauré la télédiffusion des débats pour mettre les citoyens davantage dans la présence des débats parlementaires, afin qu'ils voient l'action ou l'inaction de leurs commettants.

Nous avons amorcé une réflexion majeure, une réflexion importante sur le mode de scrutin, parce que nous sommes toujours convaincus que cela fait également partie de l'évolution des moeurs électorales. On ne peut pas prétendre être assis sur la vérité avec un mode de scrutin uninominal à un tour quand on connaît les diverses distorsions que ce système électoral crée. Je veux bien reconnaître qu'il n'y a pas de système électoral parfait, mais il m'apparaît toujours utile de rappeler à des parlementaires qu'il faut demeurer éveillés à toute ouverture quant aux améliorations à être apportées au mode de scrutin que nous connaissons.

Je pense que ces gestes que je viens d'illustrer témoignent de l'engagement de notre parti envers la démocratisation de notre vie politique. Donc c'est avec énormément d'intérêt et d'ouverture, à titre de porte-parole de l'Opposition officielle, que mes collègues et moi désirons souligner l'important apport que constitueront les divers témoignages des intervenants que nous allons entendre au cours des prochains jours. Ces témoignages, je l'espère, permettront aux législateurs, au Conseil des ministres, au ministre délégué à la Réforme électorale, d'approfondir leur réflexion ainsi que toutes les réflexions qui sont nécessaires sur les modifications susceptibles de toujours réaliser l'objectif premier qui doit nous animer: avoir un système démocratique des plus perfectibles, des plus conscients de l'importance de maximiser le plus possible la garantie que tous les électeurs qui désirent le faire aient la possibilité d'exprimer leur choix démocratique lors d'une campagne électorale.

Il faut, comme Opposition, s'asurer que les points de consensus qui se dégageront à l'issue des travaux de cette commission trouvent une traduction, la plus fidèle possible, dans le contenu du projet de loi prévu pour l'automne. Et nous espérons que, cette fois, il s'agira véritablement d'un projet de loi qui finira par aboutir, contrairement à d'autres réformes qu'on a constamment annoncées, sur lesquelles on a pris des engagements électoraux fermes, mais qui sont constamment reportées. Quand ils arrivent à terme, on procède à une chaise musicale ministérielle pour justifier éventuellemment un autre report. On espère que, pour ce qui est de la réforme électorale, cela ne sera pas le cas.

Sur la base de notre participation aux travaux de la commission parlementaire, l'Opposition a pris position sur un certain nombre de sujets soulevés par le document de réflexion du Secrétariat à la réforme électorale, à l'intérieur duquel un certain nombre de propositions du DGE s'insèrent. Je voudrais seulement en illustrer

quelques-unes. Nous serons favorables, et je pense qu'on aura l'occasion d'entendre des intervenants là-dessus, mais d'ores et déjà, il est peut-être important de nous camper sur certains grands sujets majeurs, parce que je sais que le comité a réfléchi sur une multitude de sujets. Quand on travaille sur environ une centaine de sujets importants, il faut toujours dégager quand même des sujets plus majeurs. Il y en a peut-être dix ou quinze. Je ne suis pas ici pour les cerner exactement et numériquement. Mais on sait tous qu'on va souhaiter recevoir des éclaircissements, j'espère, sur les grandes questions comme, à titre d'exemple, toute la question d'accorder le droit de vote aux handicapés mentaux.

Je pense que le moment est venu, pour cette commission, de définir ensemble les moyens de concrétiser ce principe tout en respectant l'intégrité du processus électoral. Parce qu'il faut faire attention. Je pense que tout le monde est pour la vertu, la tarte aux pommes et ce que vous voulez, et de dire qu'on est complètement d'accord sur le principe de l'exercice du droit de vote pour les handicapés mentaux, on n'a rien dit vraiment, en valeur démocratique, si on ne s'est pas assurés que ce processus s'exerçait véritablement dans des conditions de droit démocratique, mais de garantie formelle d'intégrité du processus électoral. Cela me paraît fondamental. Il faut faire un exercice de réflexion très approfondie pour se donner les balises qui n'altéreront pas la validité du vote des handicapés mentaux et autres. Il faut s'interroger s'il faut lever toute interdiction sur le droit de vote des handicapés mentaux en laissant à ceux qui, parmi eux, désirent exercer ce droit, le soin de le faire de la façon la plus autonome possible et en prévoyant la possibilité du vote itinérant pour les bénéficiaires âgés ou handicapés, ou encore, prévoir des mécanismes qui permettent d'évaluer dans des conditions objectives la capacité ou l'incapacité d'un bénéficiaire notamment par l'utilisation de nouveaux régimes de protection prévus dans le Code civil. Il faut mettre en place des conditions qui garantissent le respect des individus et l'intégrité du processus électoral notamment en encadrant les activités des partis politiques en milieux institutionnels.

La question du vote par procuration est également une question majeure. C'est une question importante et d'actualité. En ce qui me concerne, cependant, j'indique d'ores et déjà qu'il va falloir être convaincants. Je ne qualifierai pas le genre de conviction qu'on va souhaiter, mais il va falloir être immensément convaincants parce que, à prime abord, nous pensons qu'il s'agit là d'une technique qui n'est tout à fait pas conforme à nos traditions électorales québécoises et, s'il y a un endroit pour marquer notre différence ou notre distinctivité, je pense que ce sera sûrement là-dessus en ce qui nous concerne. Pour parler franchement, nous allons complètement être opposés à l'instauration d'un système de vote par procuration qui ne s'inscrit pas du tout dans nos traditions et dans nos moeurs électorales et qui représente une série de dangers sur lesquels, à tout le moins, il y aura lieu d'être très attentifs par rapport à ceux qui auraient des prétentions que tout est balisé, tout est fermement acquis et toutes les garanties de l'intégrité du processus nous sont données.

Pour ce qui est du procédé du bureau de vote itinérant, il nous apparaît une alternative préférable au vote par procuration pour faciliter l'exercice du droit de vote de personnes à mobilité dite réduite. Il restera à définir, bien sûr, le mode de fonctionnement ainsi qu'à déterminer à qui il s'adresse. À titre d'exemple, les établissements publics, les centres d'accueil privés ou tout simplement sur demande d'un électeur qui se serait levé le matin avec l'idée d'envisager de procéder différemment pour l'expression de son vote électoral. (10 h 45)

Quant aux Québécois hors Québec, encore là, nous pensons qu'on est capables, selon l'appréciation qu'on a pu faire de ce qui se fait ailleurs, de se donner les mécanismes de gestion qu'il faut pour offrir cette opportunité à nos citoyens du Québec qui, sporadiquement, temporairement ou pour une période définie dans le temps sont à l'extérieur du Québec, mais ont toujours, je l'espère du moins, les yeux tournés vers cet extraordinaire beau pays, et désirent en conséquence avoir eux aussi la capacité de s'exprimer sur la formation politique qui est en mesure d'assumer le mieux possible les destinées du Québec.

Pour ce qui est du financement des partis politiques, il y aurait lieu, je pense, de maintenir la nécessité de limiter au seul électeur la possibilité de contribuer au financement des partis politiques et des règles actuelles. On peut bien assouplir l'accessibilité régissant le financement des activités des partis politiques par l'État mais je pense qu'on est dans la bonne voie, au Québec, quand on dit qu'il est important que seuls des électeurs, des citoyens, puissent contribuer. C'est moins liant, moins engageant. Cela a une valeur plus pure, plus noble. En ce sens, nous allons vouloir nous exprimer là-dessus et à moins d'avoir des arguments très pesants, il sera difficile de modifier notre point de vue.

Pour ce qui est d'une instance importante, qui est le conseil consultatif, j'espère que les intervenants réitéreront l'importance du conseil consultatif puisque c'est sûrement une instance efficace, qui permet de résoudre certains problèmes qui, comme c'est normal dans toute législation, découlent de l'application d'une loi.

Même si le ministre délégué à la Réforme électorale a fait le choix, et c'est son droit le plus strict, de ne pas aborder la question du mode de scrutin dans les échanges de propos et les discussions du comité de préparation sur la Loi électorale, c'est sûrement une opportunité

valable pour les groupes concernés qui voudraient éclairer les membres de cette commission de nous indiquer des pistes et des voies. Cela demeure toujours, comme je l'ai mentionné tantôt, une question d'actualité, et il est toujours opportun de recevoir des éclairages sur la possibilité d'apporter des modifications substantielles au mode de scrutin qui est le nôtre, compte tenu des distorsions et du fait qu'on vit dans un Québec très étendu où, peut-être pas avec ce gouvernement, mais sûrement avec la demande des citoyens, la réalité régionale est très présente et fondamentalement importante, et de bénéficier d'ajustements pour s'assurer que les régions du Québec continuent d'avoir voix au chapitre et sont en mesure d'avoir des représentants qui vont véhiculer davantage les problématiques des diverses régions du Québec.

Voilà, M. le Président, membres de cette commission, M. le ministre, collègues et autres, les quelques considérations préliminaires que je voulais faire en vous indiquant que je réitère l'appui de l'Opposition à toute mesure susceptible d'accroître l'accessibilité à l'exercice du droit de vote, sans pour autant compromettre l'intégrité de notre système électoral. L'appui du Parti québécois à certaines modifications majeures demeure conditionnel à la traduction des consensus dégagés sur les modifications à apporter à la suite des travaux de la commission en termes législatifs. J'estime que de mettre l'ensemble des partis politiques inscrits chez le Directeur général des élections, de même que tous les groupes intéressés par cette présente actualité, est une contribution parlementaire significative. Ce matin, on doit s'engager avec fierté dans le mandat qui nous est confié. C'est toujours pour des parlementaires un boulot intéressant et fondamentalement axé sur cette volonté qu'on doit tous avoir de maximiser notre régime électoral en l'inscrivant toujours et davantage dans les principes démocratiques les plus forts. J'espère que c'est dans ce sens que les intervenants nous indiqueront les voies de solutions qui correspondent le mieux à l'évolution de notre système électoral. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le porte-parole de l'Opposition officielle. Maintenant j'inviterais le député de Gouin, député indépendant, à faire ses remarques préliminaires.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: À mon tour, M. le Président, je veux vous saluer, saluer l'ensemble des collègues membres de la commission et aussi souhaiter la bienvenue à tous ceux et toutes celles qui comparaîtront devant nous pour aborder l'ensemble des questions comprises au document produit par le Secrétariat à la réforme électorale de même que toute autre question relative aux sujets d'intérêt que sont l'ensemble des lois électorales.

Dès le départ, M. le Président, je considère que la commission aura une dimension fort utile puisqu'elle permettra à des groupes spécialisés sur un certain nombre de questions de venir nous éclairer, de venir plaider pour qu'un certain nombre de principes qui auraient peut-être été, pas ou suffisamment bien pris en compte par les membres de la commission, soient réétudiés par l'ensemble de ceux-ci.

Cela dit, M. le Président, je dis immédiatement que, autant je recevrai, comme je pense, l'ensemble des membres de la commission, avec beaucoup d'intérêt, le plaidoyer sur le ou les deux ou trois grands principes que chaque groupe tiendra particulièrement, je serai aussi drôlement intéressé à connaître comment ceux-ci situent ces principes qu'ils défendent quant aux autres grands principes qu'on retrouve à la base même de nos lois électorales.

Je prends un exemple un peu d'actualité, M. le Président, parce qu'il se déroule à un autre Parlement, mais pas si loin que cela du nôtre, soit toute cette question relative qui fait suite à la décision du Directeur général des élections du gouvernement canadien, au nom de la liberté d'expression, de permettre à tout groupe d'intervenir dans une campagne électorale sous quelque forme qu'il le voudra sans aucune limitation de ses dépenses. C'est effectivement un grand principe noble que celui de la liberté d'expression. Comment concilier ce principe maintenant avec un des principes fondamentaux à la base de nos lois électorales qu'est l'équité, faire en sorte que chaque citoyen ait un poids égal dans le processus démocratique, dans le processus politique?

Je pense qu'à plusieurs reprises au cours de nos travaux, nous aurons l'occasion de confronter des principes qui, pris en soi, sont nobles, sont grands, sont positifs, sont souhaitables, mais il faudra voir comment ces principes peuvent s'intégrer, et peuvent respecter aussi d'autres principes fondamentaux dans nos institutions démocratiques. Et je redis que, non seulement je serais intéressé à entendre le plaidoyer des différents groupes qui se présenteront devant nous sur ces différents principes, mais que je serai aussi intéressé à entendre comment ils mettent en relation ces principes avec les principes qui sont à la base de nos institutions. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'en bout de piste c'est le rôle qui nous reviendra, à nous, parlementaires, de prioriser les principes de tout le monde parce que les principes ne pourront pas tous être mis sur un pied d'égalité.

M. le Président, je dirai que cette commission sera sûrement utile, en plus d'être intéressante, mais je veux qu'on limite d'une certaine façon la portée qu'on veut donner à cette commission. Et je m'explique.

Je considère qu'au bout du compte, dans le carré de sable qui nous est défini et la portée des discussions finalement très limitée, le

ministre nous dira: Oui, mais j'ai bien dit qu'au-delà de mon document on pouvait aborder tout sujet, il n'y a pas de limite à cela. Mais il faut savoir, M. le Président, que dans le document qu'il nous a présenté, il a limité passablement la portée et l'étendue de l'ensemble des questions qui seront abordées ici et que l'attitude qu'il a retenue dans ce dossier a un poids important puisqu'on sait que dans notre régime parlementaire l'initiative revient essentiellement au gouvernement et, que de toute façon, toute décision devra aboutir à partir d'un processus gouvernemental beaucoup plus que parlementaire.

Par exemple, M. le Président, quand on dit qu'un des accents importants - et je pense qu'il faut le reconnaître à la lecture du document - qu'on retrouve dans le document du secrétariat c'est d'accroître l'accessibilité au scrutin pour les électeurs, de limiter les contraintes, les limitations, donc de faire en sorte qu'il y ait plus de monde qui puisse voter et que tout le monde puisse voter plus facilement, c'est noble, c'est positif en soi, je ne pense pas qu'il y ait d'objections majeures à cela. Sauf que, lorsqu'on nous présente cela comme étant un grand geste de haute démocratie, je dirais: Attention, M. le Président, c'est un peu simpliste, sans double sens, et c'est un peu superficiel. Je pense que, comme je l'ai dit tantôt, tout le monde est d'accord pour tenter d'accroître l'accessibilité au scrutin, la simplification du processus à chaque fois qu'on revise la Loi électorale. D'une part, je dis attention, ce n'est pas vrai qu'on peut y aller sans aucune limite. Ce serait en soi tomber dans un autre extrême. Et il ne faut pas oublier que, compte tenu de notre passé et de nos moeurs pas si lointaines, il faut une certaine rigidité dans le processus électoral pour que celui-ci conserve toutes ses caractéristiques pleinement démocratiques. Par ailleurs, est-ce que toutes ces énergies, louables - je le répète - positives, sur une plus grande accessibilité au scrutin, ne devraient pas aussi être investies dans des aménagements, dans des réformes qui porteront beaucoup plus sur la démocratisation ultime de nos institutions que ce qu'on veut faire dans le document qui nous est présenté? Par exemple, est-ce que la plus importante question au-delà de l'accessibilité n'est pas de savoir comment le citoyen pourrait être encore plus capable, pourrait être encore plus en mesure d'influencer beaucoup plus les discussions, les débats et, surtout, les décisions qui se prennent à l'Assemblée nationale? Je pense que oui, mais cela prendra sûrement une réforme beaucoup plus profonde, beaucoup plus large que celle qui nous est proposée, notamment de notre institution parlementaire, et c'est possible, c'est facile à réaliser.

Je suis convaincu que les citoyens souhaiteraient une telle réforme, quand on regarde un peu comment notre Assemblée a évolué au fil des années. Quand on sait qu'un parlementaire, dans notre régime actuel, est finalement presque plus redevable à sa formation politique et à son chef, compte tenu de notre mode de scrutin, qu'à ses électeurs, je pense, M. le Président, qu'il y a là une question importante à se poser et matière à investir beaucoup plus, si on veut parler de réforme vraiment démocratique de nos institutions. On observe, finalement, la ligne de parti qui s'applique sur tout vote qui est pris à l'Assemblée nationale. Par exemple, une fois que tout dossier est déposé, à l'Assemblée nationale, à la suite de l'initiative gouvernementale, qu'au fond les décisions sont prises puisque le gouvernement détient une majorité et que sur tous les votes, la ligne de parti s'applique, je pense que c'est faire peu progresser les choses si on se limite à des questions d'accessibilité au scrutin et si on met de côté des réformes majeures - je le répète, faciles à réaliser et drôlement souhaitées par les citoyens - de nos institutions parlementaires pour faire en sorte que les parlementaires soient beaucoup plus redevables aux électeurs qu'à leur formation politique et à leur chef, notamment lorsqu'ils forment le gouvernement quel qu'il soit. Je pense que nous devrions consacrer beaucoup plus d'énergie de ce côté-là qu'on en a consacrée jusqu'à maintenant, et pas en se donnant un calendrier de deux ou trois élections pour faire cela. Voilà quelque chose qui pourrait se faire rapidement et sur quoi des consensus rapides pourraient être obtenus, d'autant plus qu'on reconnaîtra qu'il n'y a pas de majorité en danger à l'Assemblée nationale sous le couvert d'une réforme ou d'une autre. Donc, quand on a cette situation privilégiée, c'est peut-être l'occasion d'aller un peu plus à fond dans la réforme de nos institutions.

J'aborderai un autre exemple, M. le Président, qui a été abordé à deux ou trois reprises depuis le début de nos travaux, le mode de scrutin qui favorise justement cette association du parlementaire beaucoup plus à son parti, beaucoup plus redevable à son chef qu'à ses électeurs. Je pense que notre mode de scrutin actuel réduit la capacité des électeurs d'être entendus, d'influencer des décisions ponctuelles aussi souvent que ce devrait être le cas, et élimine inutilement des tendances qui existent dans notre société d'une présence à l'Assemblée nationale. En ce sens-là, M. le Président, je pense que nous devrions, là aussi, poser des gestes. J'ai noté par hasard deux expressions, deux bouts de phrase que le ministre nous a lus tantôt dans son intervention de départ et qui recoupent ces questions. Quand il nous disait: Une plus large ouverture à toutes les tendances d'opinion, il parlait de la commission parlementaire. On n'est pas loin du même vocabulaire qu'on doit utiliser quand on parle des défaillances de notre mode de scrutin actuel. Lorsqu'il nous dit qu'à l'avenir le financement des partis politiques devrait être plus près du nombre de votes réel obtenu par les partis que du nombre de députés qu'ils ont fait élire, on n'est pas loin, là aussi, de principes qui sont identiques à ceux

qu'on devrait appliquer à des questions relatives au mode de scrutin.

Donc, M. le Président, je pense que, là aussi, il y a matière à aller de l'avant dans des réformes démocratiques, si tel est véritablement le voeu du gouvernement et des membres de la commission. J'ajoute un autre volet, M. le Président, qui est d'aller plus loin avec la capacité, la possibilité pour les citoyens d'être consultés, à l'occasion, sur de grandes questions. Pourquoi ne pas aller avec des modifications à la loi référendaire pour permettre des référendums d'initiative populaire? Est-ce qu'il y a quelque chose de plus démocratique que de permettre à des citoyens, selon des balises bien précises, de dire: Nous, nous voulons nous prononcer sur telle question et, en raison du nombre qui souhaite une telle consultation, il y aura consultation des citoyens, entre deux élections, sur de grandes questions. En résumé, M. le Président, je pense qu'il s'agit là de réformes beaucoup plus démocratiques, beaucoup plus profondes et beaucoup plus significatives quant aux décisions qui seront prises par l'Assemblée nationale que celles auxquelles on a été conviés par le document déposé par le ministre. (11 heures)

Je vous dis donc immédiatement, M. le Président, que, pour moi, il s'agirait là de questions qui devraient être abordées ici, et je souhaite qu'au cours des prochaines semaines, le ministre intégrera un certain nombre de ces questions dans les discussions que nous devrons avoir.

J'ajoute deux ou trois éléments rapidement, M. le Président, en conclusion. Une mise en garde aux membres de la commission comme aux groupes qui comparaîtront devant nous. Je pense qu'il faut poursuivre l'assouplissement des règles qu'on retrouve dans nos lois électorales mais, en même temps, n'essayons pas de faire une loi électorale sous le beau principe que "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentii"; ce n'est pas vrai. Partout, il y a de Thommerie", comme on le dit souvent. On sait qu'en matière électorale l'enjeu est tel que ce n'est pas vrai que tout le monde y va avec la même morale, avec les mêmes pratiques et avec les mêmes moeurs. Pour conserver, pour bien protéger la démocratie, le droit et le pouvoir des électeurs, nos lois électorales doivent conserver un caractère rigide sous plusieurs aspects pour éviter tout abus et toute contrariété à une volonté démocratique réellement souhaitée par les citoyens.

Un autre commentaire, M. le Président, pour faire appel peut-être encore plus, compte tenu du statut que j'occupe à l'Assemblée, aux membres de la commission pour qu'ils prennent aussi conscience qu'il y a finalement beaucoup un régime de parti dans nos lois électorales qui n'est pas toujours équitable. Pensons à tout ce processus de remboursement des dépenses électorales qui favorise nettement les partis déjà en place par rapport à des partis honnêtes ou à des candidats qui ne sont pas membres d'un parti. En ce sens-là, c'est une atteinte à ce grand principe d'équité qu'on a toujours voulu mettre de l'avant, et par les réformes qui ont été faites sous le gouvernement de M. Lesage ou par celles faites sous le gouvernement de M. Lévesque. Il faut aller plus loin quant à ce grand souci d'équité afin de se retrouver beaucoup moins dans les règles et administration de nos lois électorales et de financement des partis politiques, afin que ce soit moins inéquitable et qu'on mette encore davantage tout le monde sur un même pied que nos lois ne le prévoient actuellement.

Dans le même sens finalement, je souhaite que nous révisions la Loi régissant le financement des partis politiques - d'ailleurs, on pourrait immédiatement modifier son appellation par "loi sur le financement des activités politiques" - et je dirai, M. le Président, qu'il faudra aussi penser aux ajustements que chacun s'est donnés au fil des années depuis que la loi existe, pour qu'on couvre peut-être des champs qu'il n'était pas utile de couvrir à l'époque. Je pense, par exemple, à tout ce phénomène qu'on voit apparaître progressivement de financement, non pas des partis politiques par des tiers qui ne sont pas des électeurs, mais des groupes et qui ne sont pas plafonnés à un montant, mais de financement d'activités de députés, par exemple. Quand je lis dans un journal que le député X organise une épluchette de blé d'Inde pour toute la population de sa circonscription électorale et que ce sera gratuit, est-ce que quelqu'un peut m'expliquer comment c'est financé? Est-ce financé à même ses deniers personnels, auquel cas il y a peut-être matière à interrogation, ou est-ce financé par des amis du député, des compagnies qui échappent, par ce biais, à la Loi régissant le financement des partis politiques? Je pense que, là aussi, M. le Président, notre Loi régissant le financement des partis politiques mérite d'être révisée peut-être beaucoup plus en profondeur qu'on ne l'a évoqué jusqu'à maintenant, compte tenu de l'évolution des pratiques et compte tenu, justement, de son existence après une douzaine d'années de pratique de ce côté-là.

Je conclus donc, M. le Président, en disant que, oui, il faut regarder positivement l'ensemble des propositions qui nous sont faites dans le document du secrétariat, mais que, si cela se limite à ça, cela n'a pas une grande portée démocratique et, surtout, pas celle qu'on a voulu lui donner jusqu'à maintenant. Il y a des éléments complémentaires essentiels quant à la réforme parlementaire, du mode de scrutin et de nos institutions qui doivent être faites et qui, là, tous ensemble, donneront un progrès considérable à notre démocratie et qui, quant au reste, sur ce qui existe actuellement dans nos lois électorales, protégeront les acquis tout en voulant les assouplir. Faisons en sorte, M. le Président, que

ce régime d'équité, notamment quant aux dollars qui circulent dans le monde de la politique, soit poursuivi et complété, notamment en assouplissant ce régime de parti qu'on connaît dans nos lois et en allant un peu plus loin dans la réforme du financement des activités politiques. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de Gouin. M. le ministre délégué à la Réforme électorale.

M. Gratton: Très brièvement, on me permettra de faire une mise au point que m'inspirent certains propos tenus par le député de Gouin qui dit souhaiter que nous élargissions la portée ou le mandat de la commission pour tenir compte et discuter d'autres sujets.

Je voudrais simplement dire qu'il n'est pas dans mon intention de prétendre que nos travaux portent sur une réforme des lois électorales et parlementaires mais bien, comme nous l'avons dit depuis le début, sur une révision de la Loi électorale. Je suis sûr que le député de Gouin ne faisait pas un reproche au Secrétariat à la réforme électorale de ne pas avoir inclus certains sujets comme celui du mode de scrutin ou combien d'autres sujets qu'il souhaiterait maintenant que nous discutions, de ne pas avoir inclus ces sujets dans le Document de réflexion et de consultation puisque nous avions offert la possibilité au Parti québécois, à l'Opposition officielle dont le porte-parole était précisément le député de Gouin, de faire connaître les sujets sur lesquels le Parti québécois souhaitait voir porter la discussion. C'est une décision du Parti québécois de ne pas soumettre de sujets, ce qui a fait en sorte que le document du secrétariat a bel et bien traité de tous les sujets qui lui ont été suggérés par quiconque. Si on ne retrouve pas les sujets qui intéressent le député de Gouin et dont il nous parle ce matin, c'est d'abord parce que ce dernier n'a pas daigné en saisir le secrétariat au moment où on l'a invité à le faire.

Ceci dit, M. le Président, je retiendrai des propos du député de Gouin qu'il n'est pas nécessaire de changer le titre de la loi en ce qui concerne le financement des partis politiques puisqu'il le sait lui-même mieux que quiconque, le tout est maintenant intégré à la Loi électorale. Donc, il n'existe plus de loi sur le financement des partis politiques, mais bien strictement une Loi électorale qui englobe toutes les dispositions qui entourent le financement des partis politiques.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre.

M. Rochefort: Un bref commentaire, si vous le permettez. Je ne veux pas étirer le plaisir, M. le Président, mais je veux quand même...

Le Président (M. Marcil): Très bref, M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Oui, oui, tout aussi bref que celui du ministre, M. le Président. Je dirai d'abord au ministre qu'il aurait dû bien saisir - peut-être ne l'ai-je pas dit suffisamment fort - que je faisais allusion, premièrement à son document. Évidemment, pour moi, le secrétariat n'a pas d'existence autour de la table, ce sont des parlementaires. Il y a le secrétariat qui prépare des documents pour le gouvernement, mais lorsque le ministre les pilote, ce sont les siens. Donc, cela n'a rien à voir avec le secrétariat. Je redis ici ce que j'ai dit au comité technique: Ils ont fait un excellent travail dans le cadre du mandat qui leur avait été confié. Mais je dirai toutefois au ministre que lui n'a pas choisi de donner une portée plus large à son document. C'est un constat que je souhaite faire publiquement.

Deuxièmement, je dirai au ministre que, contrairement à ce qu'il dit, il devrait plutôt compléter ce qu'il a dit en disant que les questions que je viens d'aborder, je les ai toutes abordées au comité technique. Je donnerai notamment comme exemple la question du mode de scrutin. Je pense ne pas trahir de secrets du comité technique quand je dirai que c'est vous qui avez dit: Moi, il n'en est pas question. Bon. Donc, ce n'est pas la première fois qu'on en parle. Je vous ai dit à ce moment-là: On en parlera là où il faut. Là où il faut, pour moi, c'est ici. C'est vrai de l'ensemble des questions. Le discours que je tiens aujourd'hui sur le financement des partis politiques n'est pas nouveau par rapport au discours que j'ai tenu au comité technique. Donc, il n'y a pas de lapin qui sort de mon chapeau ou quoi que ce soit. Je redis au ministre que son document à partir de sa propre initiative, j'aurais souhaité qu'il aille plus loin et que sur les éléments qu'il ne couvrait pas, je les ai abordés au comité technique, je les aborde à nouveau ici.

Je compléterai simplement en disant: Oui, c'est sûr qu'il n'y a pas de loi sur le financement des partis politiques mais un chapitre à la Loi électorale qui s'appelle ainsi. Or, chapitre ou loi, je pense qu'il y a déjà une indication que c'est plus aux partis politiques qu'on fait appel qu'aux activités politiques. Voilà une indication de l'orientation qu'on s'est donnée à l'époque et à laquelle j'ai participé. Mais cela a connu une évolution et je pense qu'il faut poursuivre révolution là-dessus comme sur les autres sujets pour lesquels vous nous invitez à suivre l'évolution.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de Gouin. Les remarques préliminaires étant terminées, j'inviterais d'abord le premier groupe à se présenter à l'avant, le Conseil de presse du Québec - excusez-moi, c'est plutôt la Commission des droits de la personne représentée par Me Jacques Lachapelle, président

et Me Daniel Carpentier, recherchiste juridique.

À titre d'information, je tiens à vous rappeler que la durée totale de chaque audition est de soixante minutes, vingt minutes pour la présentation du mémoire - donc, essayez d'être très rigides sur ce plan - quarante minutes pour la période de discussion entre les partis en présence, c'est-à-dire quinze minutes pour chacun des groupes parlementaires et dix minutes pour le député indépendant de Gouin. Me Jacques Lachapelle, je vous laisse la parole.

Commission des droits de la personne du Québec

M. Lachapelle (Jacques): C'est bien la Commission des droits de la personne qui, encore une fois, a le plaisir de venir devant la commission des institutions pour vous faire quelques commmentaires, conformément à la charte, sur ce document qu'on a qualifié d'essentiel, bien sûr, à la vie démocratique des citoyens et, évidemment, à l'émergence des droits et libertés de la personne dans notre société.

Tout d'abord, je dois vous dire que nous nous réjouissons de cette commission parlementaire qui se tient, je dirais, dans une période de trêve entre deux élections et où c'est beaucoup plus facile de discuter de ces questions qui, quelquefois, en période électorale, prennent une saveur plus partisane. Je me souviens de la dernière élection où nous avions tenu des propos concernant l'application de la Loi électorale et où cela devenait beaucoup plus difficile de se faire entendre, notamment sur cette question épineuse des dépenses électorales.

Nous avons également écouté avec grand intérêt les propos qui ont été tenus de part et d'autre, propos extrêmement nuancés qui, d'une part, ouvrent et tentent d'ouvrir le droit de vote le plus largement possible, tel qu'il est reconnu à l'article 22 de la charte et qui est un principe fondamental dans notre société, tout en n'oubliant pas, d'autre part, que si ce droit de vote n'est pas exercé d'une façon balisée, il risque, d'un autre côté, justement de venir à rencontre des principes de démocratie de notre société.

C'est donc avec toutes ces données que nous devrons travailler et c'est en n'oubliant pas ces deux dimensions du problème que la Commission des droits de la personne va faire quelques commentaires devant vous aujourd'hui. Nous sommes bien conscients de toutes les dimensions de ce problème. Bien sûr, la commission est souvent ici pour en rappeler les principes fondamentaux.

On a mentionné tantôt qu'on s'entend généralement sur les grands principes que c'est souvent dans la mise en application qu'on a des difficultés. Je dois vous dire, pour ma part, que je suis déjà venu devant cette Assemblée et que, souvent, on ne s'entendait pas sur des questions fondamentales. Je me souviens d'avoir déjà abordé la question du vote des personnes han- dicapées et je dois vous dire que, sur cette question, il y avait énormément de réticences, même sur la question de principe.

Alors, aujourd'hui, je me réjouis de voir qu'on met cette question de l'avant et qu'on l'aborde de façon ouverte - je dirais même généreuse - tout en n'oubliant pas non plus qu'il faut probablement baliser ce droit de vote.

La Commission des droits de la personne a donc formulé - je mentionnais tantôt certains éléments que nous vous avons présentés - des commentaires à plusieurs reprises et des recom mandations au gouvernement relativement au respect des droits et libertés dans le processus électoral.

Dans le cadre de cette consultation particulière, nous avons choisi de reprendre certains de ces commentaires. Trois sujets ont retenu notre attention et nous ont même été suggérés par le secrétariat à la réforme: le droit de vote des personnes ayant un handicap mental, les dépenses électorales et l'intervention des tiers en campagne électorale, l'exercice du droit de vote des personnes ne pouvant se présenter en personne à un bureau de scrutin.

D'abord, nous parlerons du droit de vote des personnes vivant avec un handicap mental. C'est à l'article 54 de la Loi électorale qui confère à une personne la qualité d'électeur. Il se lit comme suit: "Possède la qualité d'électeur toute personne qui: 1° a dix-huit ans accomplis; 2° est citoyen canadien; 3° est domiciliée au Québec depuis douze mois; 4° n'est pas interdite, n'est pas en cure fermée suivant la Loi sur la protection du malade mental ou n'est pas sous la juridiction du curateur public; et 5" n'est frappée d'aucune incapacité de voter prévue par la présente loi." (11 h 15)

Déjà, en 1984, dans un échange de correspondance avec le Directeur général des élections du Québec, la commission considérait que l'exclusion de certaines personnes, tel que prévu au paragraphe 4° de l'article 54, ne nous apparaissait pas conforme à la charte. La Charte des droits et libertés de la personne reconnaît, à son article 22, le droit suivant: 'Toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d'une élection et a droit d'y voter." Ce droit n'est pas absolu, bien sûr, puisque la loi peut énoncer des critères qui déterminent les personnes habilitées et qualifiées qui pourront exercer ce droit de vote." Toutefois, ces critères ne pourront être fondés sur l'un des motifs énumérés à l'article 10 de la charte: la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge (sauf, bien sûr, dans la mesure prévue par la loi), la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation de moyens pour pallier

ce handicap."

En effet, en vertu de l'article 52 de la charte, aucune disposition d'une loi ne peut déroger aux articles 1 à 38, sauf dans la mesure prévue par ces articles, à moins que cette loi n'énonce expressément que cette disposition s'applique malgré la charte.

La Commission des droits de la personne est d'avis que la charte contient le principe à l'effet que la privation des droits de certaines personnes ne peut être permise que dans la stricte mesure nécessaire que requiert l'application d'une loi.

Dans cet ordre d'idées, les catégories de personnes envisagées nous semblent trop englobantes puisqu'il n'est pas évident que toutes ces personnes, et notamment les personnes sous la juridiction du Curateur public, sont incapables d'exercer leur droit de vote de façon raisonnable.

Concernant l'exclusion des personnes interdites, on peut s'interroger sur la possibilité de priver de leur droit de vote les personnes interdites, par exemple pour prodigalité, ivrognerie ou pour usage de narcotiques. Ces personnes ne sont pas nécessairement inaptes à exercer ce droit.

En ce qui concerne la deuxième catégorie, soit les personnes en cure fermée suivant la Loi sur la protection du malade mental, il est possible de considérer que certaines de ces personnes sont effectivement capables d'exercer leur droit de vote. Il resterait peut-être à en établir les modalités.

Quant aux personnes sous la juridiction du Curateur public, la Commission des droits de la personne avait émis en 1978 le commentaire suivant dans ses recommandations d'amendements à la Loi électorale: "Quant à celles qui sont privées de l'administration de leurs biens, on peut s'interroger sur l'opportunité de les priver aussi du droit de vote. Y a-t-il forcément une adéquation entre le fait de ne pouvoir gérer ses biens et l'incapacité de poser un jugement éclairé sur les personnes qui devraient exercer le pouvoir politique?"

Les personnes qui sont sous la juridiction du Curateur public étant des personnes déclarées inaptes à administrer leurs biens, à la suite d'une simple déclaration d'un médecin, le commentaire précédent nous semble toujours pertinent.

Finalement, le directeur des élections nous indiquait qu'il y aurait probablement lieu de revoir le texte de cet article de façon à refléter les orientations retenues par le législateur dans le projet de loi 20 portant réforme au Code civil du Québec des droits de la personne, des successions et des biens, projet de loi qui est devenu une loi mais qui, comme on le sait, n'est pas en application.

La commission favorise cette approche qui aura pour effet de limiter, aux seuls cas où il aura été établi judiciairement qu'une personne est incapable, le retrait du droit de vote aux personnes handicapées mentalement.

Comme, bien sûr, je l'indiquais tantôt, le projet de loi n'est toujours pas en vigueur, la commission maintient sa position à savoir que la Loi électorale devrait accorder le droit de vote aux personnes qui n'ont pas été déclarées incapables de voter par un tribunal. Afin de mieux respecter le droit fondamental de tout citoyen de voter, et de respecter l'esprit et la lettre de l'article 22 de la charte, nous suggérons de modifier l'article 54 de la Loi électorale afin que seules les personnes dont l'incapacité a été constatée à la suite d'un processus judiciaire où les droits judiciaires énoncés aux articles 23 à 38 de la charte sont respectés, ne soient privées de leur droit de vote.

Ainsi, le quatrième alinéa de l'article 54 pourrait se lire comme suit: "N'a été déclarée incapable de voter par un tribunal".

Nous abordons maintenant ce deuxième thème de nos propos: les dépenses électorales et la liberté d'expression. Au chapitre du contrôle des dépenses électorales, la Loi électorale définit les dépenses électorales à l'article 405: "Sont considérés comme dépenses électorales tous les frais engagés pendant une période électorale pour: 1° favoriser ou défavoriser, directement ou indirectement, l'élection d'un candidat ou celle des candidats d'un parti; 2° diffuser ou combattre le programme ou la politique d'un candidat ou d'un parti; 3° approuver ou désapprouver des mesures préconisées ou combattues par un candidat ou un parti; ou 4° approuver ou désapprouver des actes accomplis ou proposés par un parti, un candidat ou leurs partisans."

L'article 405 de la loi, notamment le paragraphe premier qui interdit à toute personne autre que l'agent officiel d'un candidat ou d'un parti de faire ou d'autoriser des dépenses électorales, restreint indûment la liberté d'expression d'opinion. En effet, des personnes ou des groupements qui n'ont pas de prétention politique partisane et qui ne veulent pas utiliser la voie électorale se voient obligés de passer par un parti politique pour se faire entendre, sinon ils ont le choix entre se taire ou contrevenir à la loi.

Ce problème n'est pas hypothétique. Lors de la campagne électorale d'avril 1981, deux organismes syndicaux et un regroupement antinucléaire ont été poursuivis et condamnés pour avoir illégalement fait ou autorisé des dépenses électorales.

Dans une première affaire, la Centrale des enseignants du Québec, la CEQ, et l'Alliance des professeurs de Montréal avaient fait publier une annonce dans les journaux. Cette annonce intitulée "Lettre aux parents" dénonçait les effets des coupures dans les budgets du ministère de l'Éducation projetées par le gouvernement. Cette annonce a été' publiée durant la campagne

électorale; elle avait pour but de sensibiliser et de mobiliser les parents, et se terminait en disant: "il vous appartiendra ensuite de prendre position en toute liberté."

La CEQ a donc été poursuivie et condamnée en vertu de la Loi régissant le financement des partis politiques. Il est intéressant de souligner que, dans son jugement, le juge Bernier de la Cour des sessions de la paix considère que l'infraction prévue à l'article 105 en est une de responsabilité stricte qui ne requiert pas la preuve de la mens rea. C'est donc dire que nier l'intention de favoriser ou défavoriser un candidat ou un parti politique en contestant une décision gouvernementale ne constitue pas une défense à cette infraction. Donc, le seul fait de s'exprimer à propos de mesures préconisées ou combattues par un candidat ou un parti constitue une infraction. Ce n'est certes pas là une disposition nécessaire pour atteindre l'objectif de cette loi qui vise à assainir les moeurs électorales en contrôlant le financement des partis politiques.

La seconde affaire implique le Canadian Coalition for Nuclear Responsibility. Il s'agit d'un regroupement se disant apolitique qui a pour but d'effectuer des recherches et d'informer le public sur les questions d'énergie, et qui rejette particulièrement ce qu'il est convenu d'appeler l'option nucléaire. Face à la candidature d'un ingénieur nucléaire, ex-directeur d'une compagnie impliquée dans la construction de centrales nucléaires et qui avait publiquement pris position pour le nucléaire, la CCNR avait fait imprimer et distribuer un dépliant qui dénonçait les dangers de l'implantation de centrales nucléaires au Québec, tant du point de vue économique que celui de la santé. Ce dépliant disait qu'un vote pour ce candidat était un vote pour avoir plus de centrales nucléaires au Québec. Pour terminer, il exhortait les électeurs à interroger tous les candidats sur la question de l'énergie.

Une plainte a été déposée contre la CCNR et une amende de 100 $ a été imposée à la suite d'un plaidoyer de culpabilité.

Voici deux exemples concrets qui démontrent jusqu'où peut aller une loi qui, bonne en soi sous de multiples aspects, déborde du champ qu'elle vise et enfreint les libertés d'expression et d'opinion reconnues à l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne. On se souviendra également d'exemples durant la dernière campagne électorale, en 1985, où le SPGQ, le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, et l'Association des pharmaciens propriétaires avaient, de la même façon, présenté des annonces et de la publicité et qui avaient été condamnés.

Il est reconnu qu'une société démocratique doit respecter la liberté d'expression et que cette liberté est l'un des fondements de notre société. Elle est un élément essentiel de la vie politique puisqu'elle permet la diffusion d'opinions et de points de vue différents. Ce danger de contrôle est bien réel pour des personnes ou des groupes dont les idées ne cadrent pas avec les partis existants et qui ne désirent pas s'allier à un parti dans le seul but de pouvoir s'exprimer. Les électeurs ont le droit d'être informés sur tous les sujets d'intérêt public et non sur les seuls sujets traités par les partis ou par les candidats. Le droit de vote exercé de façon réelle dépend de l'information que reçoit l'électeur, et cette information ne sera complète que si la liberté d'expression n'est pas entravée.

D'une part, le fait de n'avoir aucune réglementation des dépenses électorales indépendantes laisserait les électeurs, bien sûr, à la merci d'un fort battage publicitaire orienté en fonction des intérêts des personnes ou des organisations qui ont les moyens de se le permettre. D'autre part, une réglementation si stricte qu'elle ne permet aucun débat public en dehors des partis politiques ou des candidats, viendrait bâillonner tous les autres intervenants qui n'ont pas choisi la plate forme électorale. La recherche d'une solution intermédiaire, qui permettrait la réalisation d'une égalité des chances entre les candidats et les partis politiques, sans ingérence d'un pouvoir financier occulte, ou ceux qui ont choisi de défendre certains points de vue sans favoriser un parti ou un candidat, peut s'avérer fort complexe.

Cependant, nous croyons que les moyens nécessaires doivent être mis en oeuvre pour modifier la loi actuelle afin que le droit fondamental à la liberté d'expression des opinions soit respecté.

En conclusion, nous pouvons affirmer que la Loi électorale, par le contrôle qu'elle exerce sur les dépenses électorales, va trop loin en empêchant la libre expression des opinions sur des sujets d'intérêt public en période électorale.

La commission, indépendamment des idées avancées par les organismes qui ont été condamnés en vertu de cette loi, se doit de défendre le droit à la liberté des opinions, droit consacré dans la charte. Nous estimons que l'effet de la loi déborde le champ visé par celle-ci. La volonté du législateur de remettre le contrôle des partis politiques entre les mains des seuls électeurs et de soustraire ce contrôle aux puissances économiques est certainement une volonté démocratique qui rejoint la notion de l'intérêt public. Par contre, la démocratie et l'intérêt public commandent le respect de la liberté d'expression.

Afin de respecter la liberté d'opinion et d'expression des personnes autres que les partis politiques ou les candidats en période électorale, il est proposé de modifier l'article 407 de la Loi électorale, par l'ajout du paragraphe suivant: "Ne sont pas considérés comme dépenses électorales les frais encourus par un groupe de personnes ou un organisme n'ayant pas un caractère politique partisan ou par une personne, pour faire connaître son opinion sur un sujet d'intérêt public ou pour obtenir un appui à une

telle opinion, et à condition que cet acte ne soit pas le résultat d'une entente, d'une collusion ou d'un lien, même indirect, avec un parti politique ou un candidat, ou l'un de leurs représentants, pour influencer le résultat d'une élection."

Nous aimerions aborder très succintement la question de l'exercice du droit de vote des personnes ne pouvant se présenter à un bureau de scrutin. La commission - nous l'avions signalé ici - a été saisie d'une demande d'une personne handicapée physiquement qui, en raison de son handicap l'empêchant de se déplacer hors de sa résidence, n'a pu exercer son droit de vote.

En effet, qu'il s'agisse du vote par anticipation ou du vote au jour de l'élection, la Loi électorale n'autorise l'exercice du droit de vote que si l'électeur peut se présenter en personne à un bureau de scrutin. Puisqu'il est envisagé de permettre le vote par procuration, ou le déplacement de l'urne, la commission suggère que l'une de ces procédures de vote soit prévue dans la Loi électorale, qu'elle puisse s'appliquer aux personnes atteintes de maladie ou d'incapacité physique. Nous croyons que c'est effectivement donner une plus grande ouverture à l'application de l'article 22 de la charte. Bien sûr, comme nous n'avons pas étudié les implications de l'une ou l'autre de ces suggestions, il nous est difficile de nous prononcer sur ces questions. Toutefois, nous estimons que c'est ià une question éminemment pratique. Probablement qu'il y a des personnes dans le milieu électoral, qui ont de l'expérience dans le domaine et qui sont probablement beaucoup plus habilitées que nous pour vous suggérer des solutions à cette intéressante question.

Voilà, M. le Président, les quelques propos que la Commission des droits de la personne voulait vous tenir sur ces trois questions.

Le Président (M. Marcil): Merci, Me Lachapelle. Je vais inviter M. le ministre délégué à la Réforme électorale.

M. Gratton: M. le Président, je voudrais remercier la Commission des droits de la personne de son témoignage qui, soit dit en passant, est très constant depuis bon nombre d'années sur ces sujets. C'est dans l'ordre des choses qu'il en soit ainsi. La commission a un mandat très clair. Elle l'exerce, à mon point de vue, de façon remarquable, notamment par sa présentation ce matin. (11 h 30)

Je voudrais brièvement aborder, si le temps me le permet, les trois sujets soulevés par la commission. Le premier: le droit de vote des malades mentaux. J'aimerais demander une précision à Me Lachapelle. Dois-je comprendre que lorsque vous proposez que la Loi électorale accorde le droit de vote aux personnes qui n'ont pas été déclarées incapables de voter par un tribunal que vous souhaiteriez que dans le cadre du processus judiciaire - et même dans le cas d'interdiction, vous l'avez souligné, on peut interdire une personne sans pour autant que ce soit pour des raisons qui la rendent incapable de voter - est-ce que vous suggérez que dans le cadre du processus judiciaire, le juge soit obligatoirement requis de déterminer la capacité de voter de l'individu en question?

M. Lachapelle: Écoutez, je crois qu'il faut faire une distinction entre ce qui est actuellement et, bien sûr, la loi 20 telle qu'elle a été adoptée. Je pense que la loi 20, telle qu'elle est adoptée, contient toutes les garanties pour que le vote des personnes atteintes de maladie mentale soit suffisamment large pour permettre au plus grand nombre de voter. Je pense que la loi 20 indique qu'une personne est sous curatelle lorsqu'elle est totalement, complètement incapable. Je pense que dans ce cas-là la loi a bien balisé et que ces personnes ne sont pas aptes à voter, si, encore une fois, on respecte bien l'esprit de cette nouvelle législation. Enfin, je pense bien que les tribunaux s'en chargeront et nous sommes satisfaits de voir qu'un tribunal se prononcera à ce moment-là.

C'est la situation actuelle qui nous inquiète, l'entre-temps. Évidemment, il y a beaucoup de temps que l'on met à l'application de cette loi. Je n'ai pas à juger de l'opportunité de la mettre en vigueur le plus tôt possible. Je comprends qu'il y a d'autres parties qui doivent s'ajouter avant de la mettre en vigueur. Et l'on se dit actuellement que la suggestion qui est là permettrait finalement à tout le monde de voter. Parce qu'on pense bien que les juges ne se sont pas prononcés actuellement sur la question du vote, il n'y a pas encore de jugement qui dise de façon spécifique que cette personne est incapable de voter. Alors, on ne se fait pas d'illusion. Le texte, tel qu'il est suggéré actuellement, nécessiterait, ou bien qu'on revienne sur les jugements passés ou bien qu'à l'avenir, en application de la Loi électorale, un juge puisse dire: Dans tel cas, cette personne-là est inapte à voter. Donc, la réponse à votre question est: Oui, actuellement, il faudrait qu'un juge se prononce sur cette question-là. Dans l'avenir, nous pensons que la loi 20, telle qu'elle est faite, répondrait à notre préoccupation.

M. Gratton: Et en attendant l'entrée en vigueur du nouveau Code civil, c'est-à-dire la loi 20, plutôt que de consacrer le statu quo pour éventuellement adapter la nouvelle loi électorale au nouveau Code civil, vous nous dites: La commission préférerait que vous permettiez l'exercice du droit de vote à toutes les personnes handicapées mentales, quitte à modifier la Loi électorale une fois le Code civil en vigueur plutôt que le contraire, dire qu'on va procéder tout de suite?

M. Lachapelle: Oui.

M. Gratton: D'accord. En ce qui concerne l'intervention des tiers en période électorale, vous n'y faites pas allusion ce matin, mais on sait que la commission avait déjà fait des représentations à rencontre des dispositions de la Loi sur le financement des partis politiques qui est maintenant incorporé comme chapitre à la Loi électorale comme le soulignait le député de Gouin, sur l'incapacité ou l'impossibilité pour une personne morale de contribuer à un parti politique.

Or, ce que vous nous suggérez, à juste titre je pense comme Commission des droits de la personne, ferait en sorte qu'une personne morale, que ce soit un organisme à but non lucratif ou pas, puisse effectivement intervenir à l'appui d'un parti ou d'un candidat pendant une campagne électorale sans pour autant avoir le droit de contribuer à un parti politique. Et la question que je me pose c'est: Est-ce qu'il n'y a pas une certaine incohérence? Si on doit aller jusqu'à permettre à des personnes morales d'intervenir durant une campagne électorale par le biais de publications quelconques, est-ce qu'il ne faudrait pas aussi nous poser la question: est-ce que cette même personne morale ne devrait pas également avoir droit de contribuer à un parti politique?

M. Lachapelle: Je crois, M. le ministre, qu'on ne va pas dans le sens que vous indiquez. La suggestion que l'on faisait: les frais encourus par un groupe de personnes ou des organismes n'ayant pas un caractère politique partisan - donc on n'appuie pas un parti politique - pour faire connaître son opinion sur un sujet d'intérêt public ou pour obtenir un appui à telle opinion et à condition que cet acte ne soit pas le résultat d'une entente. Donc, il n'appuie pas; il est tout à fait indépendant d'un parti politique et c'est tout à fait en dehors. Je pense par exemple au mouvement Pro-Vie qui voudrait faire connaître sa position concernant l'avorte-ment ou sur quelque autre sujet. Il y avait des exemples dont on a parlé tantôt. À ce moment-là, les personnes n'appuient pas un parti politique. Elles disent tout simplement: Voici, je vous décris une situation; évidemment, lisez les programmes des partis politiques et vous comprendrez peut-être; évidemment, il ne doit pas y avoir de collusion et même d'entente ou de lien avec un parti politique. Mais on ne croit pas qu'une personne appuyant un parti politique puisse se servir de cet amendement que l'on suggère.

M. Gratton: Justement, comment interprète-t-on, comment définirait-on un groupe n'ayant pas un caractère politique partisan alors qu'en campagne électorale, se prononcer pour une option ou un point de vue, c'est, par le fait même, je suppose, se prononcer pour ou contre celui qui a ce point de vue-là, qui défend ce point de vue-là lors d'une campagne électorale?

Comment en arriver à contrôler - et contrôler dans le sens d'assurer que ce ne sont pas les lobbies et les groupes de pression qui prennent le dessus sur le processus démocratique - ce qui est un groupe politique partisan et ce qui ne l'est pas?

M. Lachapelle: Évidemment, la suggestion que l'on fait dans le caractère partisan, c'est peut-être difficile parce que, comme vous le mentionnez, dès que l'on prend position, est-ce que l'on ne prend pas parti? Quand on prend parti, on n'appuie pas nécessairement un parti, mais enfin, je pense que ce sont des choses qui se tiennent. Lorsque l'on dit qu'on est contre telle option d'un parti, on imagine que cela a un caractère partisan. Ce qu'on veut dire par caractère partisan, c'est être affilié ou associé à un parti. C'est indiquer carrément que cela va à rencontre de tel parti qui préconise telle idée. Dans ce sens-là, il est probablement difficile de faire toutes ces distinctions et tous ces liens. Quand on va un peu plus loin et que l'on dit qu'il n'est pas le résultat d'une entente, d'une collusion, d'un lien indirect avec un parti politique, je pense qu'il y a là suffisamment de balises, mais comment aller vérifier ces balises? Il y a probablement une question de contrôle, contrôle qui devrait probablement être un contrôle administratif, qui serait peut-être un contrôle via le président des élections. Je ne sais pas si je peux avancer l'idée: Est-ce qu'on ne pourrait pas obtenir une autorisation de la même manière que toute dépense électorale est autorisée par l'agent d'élection? Est-ce que, de la même façon, il ne pourrait pas y avoir une autorisation donnée par un organisme quelconque pour la publication d'annonces ou de documents dénonçant une politique quelconque?

M. Gratton: Cela a d'ailleurs fait l'objet de discussions au comité de parlementaires. Parler soit du Directeur général des élections ou d'un comité administratif quelconque qui pourrait juger de l'aspect partisan ou pas d'une publication, cela implique ni plus ni moins un certain élément de censure. Je voyais ce matin dans les journaux anglophones - je ne l'ai pas retrouvé dans les journaux francophones - que la National Coalition pour je ne sais trop quoi publie une annonce, une publicité qui est une attaque directe à cinq points du programme du Nouveau parti démocratique à Ottawa, et nomme notamment M. Broadbent, chef du NPD, comme étant le coupable. Effectivement, qui sera en mesure d'apprécier le caractère partisan ou non partisan, de décider si cela contrevient à l'esprit sinon à la lettre de la loi, et d'en arriver à tirer une conclusion? Je vous pose la question sachant bien que vous n'avez pas de réponse magique parce que personne n'en a.

M. Lachapelle: Je dois vous dire que c'est avec beaucoup de réticences que je parle de

cette forme de contrôle qui peut, à la rigueur, devenir une forme de censure.

Je pense que c'est le risque de la liberté d'expression qu'il faut prendre à un moment donné. On l'a mentionné dans certains de vos documents, on croit que les dépenses et les moeurs électorales au Québec ont grandement évolué et que les gens sont maintenant très prudents, très éveillés et très vigilants sur ces questions-là. C'est le genre de risque qu'il faut prendre un jour dans la vie démocratique, quitte à revenir et à resserrer. Il y a là un risque, c'est évident, et il faudra opter quelque part, mais, à notre avis, avec l'éclairage de la Charte des droits et libertés de la personne, il n'est pas évident, avec ce jugement qu'on connaît en Alberta, je pense, que cet article pourrait passer le test des tribunaux. À notre avis, il faut élargir la liberté d'expression et permettre à ces personnes de s'exprimer.

Quand on donne ces exemples, je pense qu'on dit oui. Bon. Maintenant, jusqu'où doit-on prendre ce risque et jusqu'où doit-on baliser ensuite? Il m'apparaît que c'est probablement au législateur de se pencher sur ces questions-là tout en étant conscient de la crainte que vous souleviez tantôt de cette censure qui est aussi extrêmement dangereuse.

M. Gratton: Selon vous, est-ce qu'on pourrait, par exemple, penser à permettre l'expression de points de vue qui ne feraient aucune allusion directe à des partis politiques ou à des candidats tout en permettant des allusions à des thèmes ou à des sujets qui intéressent les groupes en question? Est-ce que ce pourrait être une façon d'interpréter la définition de "groupe politique partisan"?

M. Lachapelle: Je dois vous avouer que je ne sais pas comment on arriverait à le décrire - remarquez qu'on pourrait peut-être y arriver, cela dépendra ensuite des légistes - et comment on pourra l'interpréter ensuite dicté de la façon que vous mentionnez. Je n'oserais pas m'aventurer davantage sur la méthodologie que vous suggérez.

M. Gratton: M. le Président, si on me le permet, on m'a apporté l'annonce dont je parlais tantôt. On n'est pas en période électorale mais, compte tenu de la décision dont faisait part le Directeur général des élections au fédéral, M. Hamel, qu'il n'interdira pas la publication de telles choses durant la campagne électorale, voici ce que cela pourrait donner et ce que cela donne effectivement dans le Globe and Mail de ce matin. Le titre: "Ed Broadbent is a socialist who means what he says... That's why he is so frightening! "Prime Minister Ed Broadbent." A nightmare for Canada". C'est signé par "The National Citizens' Coalition for More Freedom Through Less Government", et on a du texte qui reprend cinq...

C'est nettement une prise de position que j'appelle partisane; en tout cas, elle n'est sûrement pas partisane pour le Nouveau parti démocratique, mais elle est partisane de la défaite du Nouveau parti démocratique. Je pense que c'est le genre, - et je termine là-dessus, M. le Président - d'inquiétude qui anime l'ensemble des parlementaires entre cet équilibre qu'on doit tenter 6e... C'est presque la quadrature du cercle qu'il faut tenter de réussir entre le respect du principe de la liberté d'expression et celui de l'intégrité du système électoral et d'intervention des personnes.

Je vous remercie. J'ai l'impression qu'on va continuer la discussion puisque, évidemment, l'Assemblée nationale ne saurait en arriver à proposer des modifications à la Loi électorale dans ce domaine sans y associer de quelque façon très étroite la Commission des droits de la personne. Je remercie Me Lachapelle et la commission.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. J'ajouterais que ce pourrait être une corporation canadienne qui est contre l'accord de libre-échange qui se mettrait à financer, par une campagne électorale, une série de communiqués et d'énoncés en accord du libre-échange, mais c'est seulement à titre d'exemple. Merci beaucoup. M. le représentant de l'Opposition officielle.

(11 h 45)

M. Gendron: Un premier mot, M. Lachapelle ainsi que M. Carpentier, pour vous remercier d'avoir accepté de donner le point de vue de la Commission des droits de la personne sur d'éventuelles modifications à la Loi électorale. J'estime également, comme le ministre vient de le mentionner, que là où l'intérêt sera peut-être plus prononcé, c'est dans la rétention des éléments sur lesquels le ministre délégué à la Réforme électorale, éventuellement, fera des propositions précises et concrètes. Il me semble qu'il est exact qu'on ne peut pas se priver de l'éclairage d'une instance comme la vôtre, qui s'appelle la Commission des droits de la personne, lorsqu'on entend procéder à des modifications sur un sujet aussi intimement relié à la protection des droits de la personne. Je pense que la protection du droit démocratique fait partie intégrante de vos responsabilités.

Globalement, dans votre mémoire, et ce n'est pas la première fois que vous vous exprimez sur ces questions, vous avez senti le besoin de vous exprimer à nouveau sur les trois ou quatre grandes questions fondamentales qui, en gros, selon votre choix, sont celles du droit de vote des handicapés mentaux... Il y a toute la question du principe du droit de vote, mais il y a également la question de l'accessibilité. Après qu'on a établi le principe, il faut départager les modes d'accessibilité. Il y a également cette question qui, on le sait, vous a toujours préoccupés, qui est l'expression des tiers. Encore là, il

s'agit d'un principe très démocratique dans une société comme la nôtre. Je pense que votre mémoire contribuera sûrement à alimenter davantage la réflexion, mais dans la perspective de l'étape subséquente à celle que nous conduisons aujourd'hui qui est d'avoir un premier éclairage sur les éléments que le comité a bien voulu retenir sachant que, postérieurement à cela, le ministre pourra faire des propositions concrètes. J'estime qu'il sera sûrement opportun d'avoir, là également, l'éclairage précis de la Commission des droits de la personne sur des points spécifiques.

Au sujet de votre mémoire, j'ai trois questions que je voudrais poser rapidement. La première est la suivante: il est clair que vous préférez la formule de l'incapacité judiciaire comme moyen de déterminer l'accès ou non à un droit de vote plutôt que ce qui est contenu dans le projet de loi fédéral C-79, qu'on appelle la levée totale de l'interdiction; alors, pourquoi cette préférence?

M. Lachapelle: Ce que la commission avait préconisé à l'époque, c'est que lorqu'on enlève un droit fondamental à une personne, ce droit devrait être enlevé par l'intermédiaire du processus judiciaire. Nous croyons que ce principe a été réalisé par l'adoption du projet de loi 20. Lorsqu'une personne est totalement, complètement incapable de fonctionner, de s'exprimer, d'agir, nous croyons qu'il est inutile de penser qu'on devrait lui donner le droit de voter. Déjà, un juge s'est prononcé sur cette question, il a déjà dit: Cette personne est totalement incapable. Il s'agit d'une incapacité totale permanente. Il y a également, dans ce processus du projet de loi 20, tout un mécanisme de révision. Nous ne sommes pas inquiets sur cette question, et nous ne voudrions pas pousser à outrance cette question en indiquant: Oui, if y a encore des personnes qui pourraient voter, sachant qu'elles en sont totalement et complètement incapables. C'est le point de vue que nous avons indiqué.

D'autre part, comme je l'ai mentionné tantôt, on sait qu'actuellement il y a des personnes qui sont sous la juridiction de la curatelle publique et qui sont capables de voter. Il y a le mémoire très éloquent du comité des bénéficiaires de Louis-Hippolyte-Lafontaine, dont vous avez sûrement pris connaissance, qui nous indique dans un petit sondage du comité que 30 % des personnes qui sont là seraient en mesure de voter, parce que cela peut être évalué par des personnes de gros bon sens qu'une personne peut voter. C'est surtout sur cet aspect.

Le - noix que nous avons fait, c'est que nous sot. nés conscients que les tribunaux s'étant prononcé., de façon claire et précise sur les cas qui leur sont soumis, contrairement à ce qui se passait avant, nous paraît suffisant.

M. Gendron: Mais rapider^nt sur cette même question: Quand on choisit la formule de l'incapacité judiciaire comme moyen de déterminer l'accès, est-ce que vous avez fait une évaluation quantitative des personnes que cela pourrait toucher? Est-ce que l'encadrement juridique est lourd? Est-ce que le contrôle est assez facile?

M. Lachapelle: Je pense qu'il n'existe pas beaucoup de données à ce sujet-là. Je sais qu'à la curatelle publique, il y a quelques données. Je travaille à un comité avec la curatelle publique et on s'est penchés sur ces questions. Le processus est là tout de même.

M. Gendron: Oui.

M. Lachapelle: il sera en place. Alors, est-ce qu'il est lourd? Oui, il est relativement lourd. C'est sûr que faire passer ces personnes à travers un processus judiciaire, c'est probablement beaucoup plus compliqué que demander au directeur général d'une institution de signer un papier sur le coin de son bureau. C'est assurément plus complexe, mais je pense que le projet de loi et les principes retenus par l'Assemblée nationale à l'époque sont fort sages. Quand on enlève à une personne ses droits fondamentaux de tester, de se marier, de voter, il y a là la nécessité de passer par le processus judiciaire. Oui, c'est lourd. Le nombre de personnes que cela peut impliquer, je pense que madame la Curatrice publique sera avec vous demain et elle pourra probablement vous donner quelques chiffres sur cette question.

M. Gendron: Sur la question de l'accessibilité de l'exercice du droit de vote des personnes handicapées, il ne semble pas que vous ayez marqué votre préférence entre le vote par procuration, qui est une formule, ou le vote itinérant, parce que vous mentionnez que cela pourrait être l'un ou l'autre. La commission propose que ce soit par le vote par procuration ou que le bureau de vote itinérant soit utilisé pour faciliter l'exercice.

J'aurais aimé que vous me précisiez davantage les raisons pour lesquelles, d'après vous, l'un ou l'autre doit être placé dans la même position, puisque en ce qui me concerne, je pense que le second, te vote itinérant bien banalisé, présente davantage de garanties d'intégrité et de transparence pour le système démocratique ou le système électoral et donne lieu à moins de dangers éventuels. Alors, je voudrais seulement savoir si vous avez un avis là-dessus. Est-ce que vous pensez qu'effectivement on a lieu d'être immensément parcimonieux sur l'éventualité d'user du vote par procuration pour faciliter l'accessibilité de l'exercice du droit de vote pour les personnes handicapées?

M. Lachapelle: Personnellement, ce système me semble beaucoup plus sécuritaire en termes

électoraux et beaucoup plus approprié pour permettre aux personnes de s'exprimer. Bien sûr, il faudra encore une fois encadrer ce processus de manière à éviter les pressions indues. Je pense qu'il y a des balises qui ont déjà été indiquées par le Directeur général des élections de l'Ontario il me semble sur cette question-là. À mon sens, c'est probablement le moyen le plus pratique, le moins dangereux et le plus sécuritaire comparativement au bureau itinérant.

M. Gendron: Une autre question, qui a été soulevée par le ministre délégué à la Réforme électorale, c'est l'intervention des tiers. J'ai été très attentif à vos commentaires. J'ai été également attentif aux réponses que vous avez fournies et je vous avoue qu'il n'y a pas de blâme là-dedans. Je suis dans la même situation. Cela ne m'apparaissait pas vraiment possible d'envisager une plus grande liberté d'expression.

En ce qui concerne l'amendement que vous proposez, sur l'intervention des tiers en période électorale, voici les questions sur lesquelles j'aimerais vous entendre. Est-ce que vous ne craignez pas qu'une telle modification risque d'encourager indûment des organismes à intervenir publiquement, notamment pour critiquer l'action du gouvernement par suite d'une décision de ce dernier, lésant leurs intérêts ou les intérêts de cet organisme et que cela influencerait le vote?

Là, j'y vais en vrac. De plus, comment prouver qu'indirectement un organisme est intervenu pour critiquer un parti politique pour le compte d'un autre? Ce n'est quand même pas facile. Est-ce que vous ne croyez pas que ces organismes qui souhaiteraient être non assujettis à la loi concernant les dépenses électorales bénéficient en campagne électorale, comme en tout temps, de tribunes où ils pourraient continuer d'avoir les mêmes avantages qu'ils avaient hors des périodes électorales?

Un organisme quelconque qui veut s'exprimer en campagne électorale, que ce soit Pro-Vie ou autre, peut bénéficier d'une ligne ouverte, d'une émission d'affaires publiques et ainsi de suite. Pourquoi lui ajouter un instrument d'expression en campagne et en plus de lui dire: Non, cela ne fera pas partie des dépenses électorales parce que cela relève du principe d'intervention d'un tiers en termes de liberté d'expression? J'aimerais que vous soyez le plus précis possible là-dessus.

M. Lachapelle: Oui. Sur la première partie de votre intervention, quand vous dites: Ne craignez-vous pas que les organismes puissent intervenir pour influencer le vote? Je ne crains pas. C'est cela l'objectif des interventions, qu'ils puissent influencer le vote.

La deuxième partie de votre question, c'est: Comment prouver maintenant que des personnes n'ont pas un lien, même indirect, avec des partis politiques? Évidemment, c'est la question qui n'est pas facile. Un lien, même indirect, il faudrait peut-être le définir, le préciser. On a mentionné tantôt qu'il y avait quelques pistes de solutions qui étaient une personne ou un organisme, par exemple, qui n'interviendrait que sur un sujet donné à l'intérieur d'un programme électoral ou sur un thème donné qui concernerait tous les partis politiques. Cela pourrait peut-être être une façon de baliser. Tantôt, on mentionnait cet article qui semble largement, si vous voulez, aller à rencontre des principes de la politique du Nouveau parti démocratique. Cela me semble un peu différent que de dire: Nous ne sommes pas d'accord avec la position préconisée par les tenants Pro-Vie, par exemple. Cela me semble un peu différent que de dénoncer globalement un parti politique.

Encore une fois, je n'ai pas de réponse à cette question et je dis qu'il y a un risque à prendre, à savoir qu'il y ait des collusions, des liens qui soient créés indirectement. D'autre part, je me dis: Au Québec, nous ne sommes pas aux États-Unis d'Amérique où il y a environ 300 000 000 d'électeurs. Au Québec, on est plutôt restreint à quelques millions. Je pense qu'il est beaucoup plus facile de contrôler ce genre d'intervention ou d'entente indirectes entre des personnes et un parti.

M. Gendron: Et sur la dernière question, à savoir que ces organismes, ces groupes disposent de moyens publics d'interventions, quel est votre point de vue?

M. Lachapelle: Je dois vous dire que beaucoup de personnes bénéficient d'une tribune publique, qui ne sont pas contrôlées et qui ont autant d'effet sur le vote. L'éditorialiste du matin dans un journal influence le vote.

M. Gendron: Oui.

M. Lachapelle: Chaque jour, il y a des influences radiophoniques. Il y a ces personnes qui se prononcent quotidiennement sur les lignes ouvertes. Enfin...

M. Gendron: Oui, mais...

M. Lachapelle: ...je pense qu'il y a un tas d'éléments qui échappent finalement au contrôle des dépenses électorales. C'est une partie, la dépense électorale. Il y a énormément d'endroits où on entend parler de politique et qui ne sont pas balisés parce que, tout simplement, on n'est pas capables de... Ce qu'on a tenté de baliser, ce sont les dépenses; cela nous semble le plus évident, le plus facilement contrôlable en tout cas. Je pense, par exemple, aux publications en période électorale. Je comprends que dans la documentation, vous allez aborder la question des publications et de la documentation. Il m'apparaît nécessaire qu'on ouvre cette question assez

largement.

Je me souviens avoir vu, durant la période électorale, des publications de documents. Je pourrais vous décrire de quels documents il s'agissait, c'est incroyable. Il y a des gens qui ont quasiment paniqué avant de publier un tel document parce qu'il y apparaissait la photo d'une personne très en vue dans la campagne électorale. On a même collé des pages pour pouvoir distribuer ce document. Mais c'est incroyable! De devoir se cacher comme cela pour publier un document très officiel. Je me dis qu'il va falloir ouvrir ces questions et trouver des modalités. Je n'ai pas toutes les solutions, mais je pense que le texte qui est là devrait être capable de faire des preuves. Je pense que les politiciens sont également assez éveillés à ces dimensions de la vie électorale, ils connaissent bien le milieu électoral et ils seront éventuellement capables, je parle des politiciens et des gens qui sont dans le milieu électoral, de faire cette preuve-là.

M. Gendron: Je remercie la commission. Mais pour le moment, justement au nom du dernier qualificatif que vous venez de nous attribuer, je pense qu'on sera assez éveillés pour dire que ce texte-là ne nous convient pas. En tout cas, en ce qui nous concerne. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député d'Abrtibi-Est, d'Abitibi-Ouest.

M. Rochefort: Voyons, M. le Président. (12 heures)

Le Président (M. Marcil): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, je veux moi aussi remercier les gens de la Commission des droits de la personne de leur participation à nos travaux. Je vous dirai qu'au minimum, ce qui n'est pas peu, votre participation nous force à revoir l'ordonnancement de nos principes. En soi, je pense, que c'est une contribution positive et on voit un peu la nature de la discussion qu'on a depuis tantôt. Cela nous force à revoir nos points de vue et essayer de voir si effectivement il n'y a pas des assouplissements possibles ou des modalités qu'on n'avait pas vues et qui pourraient être apportées. Cela dit, je vous dis très très sincèrement et très franchement, ce n'est pas un reproche, qu'au-delà de cela, la discussion que nous avons ce matin ne me fait personnellement pas beaucoup progresser dans la recherche d'éléments concrets pour nous permettre d'apporter des assouplissements aux dispositions de la loi sur lesquelles vous intervenez plus directement tout en nous permettant de protéger des grands principes auxquels nous tenons beaucoup.

Dans l'une de vos remarques finales tantôt, à l'échange de propos que vous avez eu avec le député d'Abitibi-Ouest, vous avez dit: Je crois que les hommes et les femmes politiques sont suffisamment éveillés pour en arriver a trouver des solutions, etc.. Je vous dirai: oui. D'ailleurs, on est suffisamment évolués pour s'être dotés très tôt, comme Assemblée nationale, pour le peuple du Québec et en son nom, d'une charte qui est l'objet de notre fierté à tous et pour laquelle vous avez des responsabilités particulières. Cela indique très clairement la volonté des hommes et des femmes qui siègent à l'Assemblée nationale à l'égard des questions de droits et de libertés fondamentales.

Cela dit, je répète qu'il faut essayer d'ordonnancer les principes. J'avoue avoir beaucoup de difficultés dans la discussion qu'on vient d'avoir. Vous savez, j'ai le goût de vous dire: Reprenons donc tous les arguments que vous avez évoqués, par exemple, en ce qui concerne l'intervention d'un tiers en campagne électorale, et appliquons-les aux deux exemples auxquels vous avez fait allusion. Sur le deuxième, j'imagine que c'est clair quand on dit: Monsieur provient de l'industrie nucléaire et nous vous invitons à voter contre lui pour nous sauvegarder d'un avancement du nucléaire au Québec. J'imagine qu'il s'agit là carrément d'une intervention dans une campagne électorale. J'irai plus loin que ce que vous dites pour vous démontrer que le texte qui nous est proposé ne me satisfait pas. Je suis prêt à parler que ce groupe ou cet individu qui a acheté l'espace publicitaire n'a jamais parlé à quiconque qui est de près ou de loin dans l'entourage du député ou du candidat en question. Ce qui prouve que la balise que vous évoquez n'est pas suffisante. Je suis convaincu qu'il n'y a pas eu collusion, qu'il n'y a pas eu de relation même indirecte entre les deux, mais l'effet est de faire en sorte que le citoyen ordinaire de cette circonscription électorale ait donc moins de poids, moins de pouvoir qu'on ne sait trop qui, financé on ne sait trop comment, aurait une liberté semblable. C'est un principe avec lequel je suis incapable de vivre. Je ne peux pas imaginer que l'argent va avoir plus de poids dans une campagne électorale, dans le processus démocratique, que le droit fondamental d'un citoyen qui est de mettre un X là où il le voudra bien dans un cadre absolument démocratique.

Je reprends le premier exemple que vous avez évoqué. Vous parliez des coupures faites par le gouvernement, et le gouvernement on sait qui il est. Donc, c'est une attaque à une formation politique et toujours là, sans aucune collusion, qu'est-ce qu'il y a de plus facile pour le parti ou les partis qui sont dans l'Opposition, que de récupérer le discours et dire: Mais nous, soyez certains qu'on ne ferait pas des coupures comme cela dans ce domaine? Le tour est joué! Et encore là on vient de donner un poids politique considérable quand on pense à ce que sont devenus les moyens de communications de masse dans toute notre vie et particulièrement en campagne électorale. On vient de donner un

poids politique considérable à des groupes. La CEQ, on sait qui elle est. Vous savez, les citoyens du groupe antinucléaire c'est qui, ils sont combien, ils représentent qui et ils sont financés comment? C'est une belle question! J'avoue que là quand je confronte les principes, mes valeurs démocratiques de liberté d'expression privilégient la liberté d'expression de chaque citoyen librement dans un processus électoral disant que, au nom d'un grand principe un peu général: Mais tout le monde peut intervenir sur quoi que ce soit en tout temps. Alors, moi je pense que cela vient s'opposer et entrer en concurrence directe avec le droit du citoyen.

Vous avez fait allusion tantôt aux États-Unis. Je vous dirai que c'est un peu ce qui existe là-bas. N'importe qui intervient n'importe comment mais ne venez pas me dire que c'est gratuit. On sait le poids politique absolument phénoménal qu'ont les groupes de pression aux États-Unis, les groupes organisés sur tout sujet. Ce n'est pas vrai que c'est indépendant du monde politique aux États-Unis. C'est partie intégrante du processus politique.

J'essaie de voir et j'avoue que je n'y arrive vraiment pas. Je vous dirai que sur cette question particulièrement, la suggestion qui me vient le plus à l'esprit... Tantôt vous faisiez allusion à un comité de travail que vous avez avec la Curatrice publique. Je me dis: Bon sang, au-delà du principe très clairement évoqué dans votre document, très brillamment défendu, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen qu'un petit comité technique de chez-vous et de chez le Directeur général des élections puisse voir au-delà des grands principes? Comment, concrètement, pourrait-on tenter de trouver des moyens qui nous permettraient de respecter la préoccupation qui est la vôtre et qui relève d'un mandat que vous a confié l'Assemblée nationale - donc, vous faites votre travail à 100 % - mais aussi par rapport à des préoccupations, des principes qui sont aussi fort importants aux yeux des membres de l'Assemblée nationale en ce qui a trait à l'équité dans le fonctionnement des institutions démocratiques? En ce sens, Je serais heureux que vous puissiez vous asseoir. Au fond, et je comprends qu'à cause de vos différentes responsabilités, de tous les dossiers que vous avez a acheminer et de vos ressources, vous dites: On a pensé à peu près à ceci, mais on n'a pas eu le temps d'aller voir combien il y avait de gens, patati, patata. Je pense que ce serait intéressant que vous tentiez de façon plus concrète de progresser plus techniquement, si vous me permettez, à l'intérieur des principes qui sont les vôtres et les nôtres, défendus dans ce cas par le Directeur général des élections pour voir comment on pourrait aller un peu plus loin dans la recherche d'une solution.

Pour la question du vote des handicapés mentaux, je vous dirai que je suis parfaitement à l'aise avec ce qu'on retrouve à la loi 20. Je suis beaucoup moins à l'aise avec la formule de transition que vous proposez. Elle me semble finalement plus large que ce qu'on retrouve dans la loi 20. En ce sens elle est plus lourde aussi. Je souhaiterais que là aussi on essaie de trouver des éléments pour mieux préciser ou baliser la période transitoire entre les deux. Je trouve cela trop large. Cela aurait pour effet de se retrouver tous ensemble dans un processus où on ne respecterait sûrement pas la dignité des gens en question parce que certains voudraient tenter de les faire voter alors que dans les faits, si c'est la loi 20 qui s'appliquait, ils n'auraient pas droit de vote. Il faut aussi penser au respect et à la dignité de ces êtres humains, même s'ils ont des problèmes de santé comme ceux qui amènent des décisions comme celles évoquées.

Quant à la question du vote des handicapés limités dans leurs déplacements, je vous poserai une question. Je pense que vous avez entendu un peu l'orientation de certains membres de la commission sur le vote par procuration. Je vous poserai une question concrète sur l'autre élément. Je comprends que vous serez peut-être porté à me dire: Je ne suis pas là pour analyser cela. J'accepterai parfaitement ce que vous me direz. Mais tout d'un coup qu'on pourrait aller plus loin. Est-ce que, par exemple, vous considérez que ce serait, comment dire, en ce qui concerne la gestion des fonds publics, pour quelqu'un qui serait chez lui, donc à domicile, que tout l'appareillage de l'exercice du droit de vote se déplace à la maison pour lui permettre d'exercer son droit de vote? Je fais donc appel, plutôt qu'au processus de procuration, au processus de vote itinérant qui fait qu'on ne s'en va pas dans les institutions, mais à domicile.

Voilà les questions que je voulais aborder avec vous.

Le Président (M. Marcil): il vous reste une minute seulement pour répondre à toutes ces questions.

M. Lachapelle: La minute est pour qui?

M. Rochefort: Avec la même souplesse, M. le Président, qu'on a eu pour les autres membres de la commission.

Le Président (M. Marcil): Donc, disons que c'est le premier groupe.

M. Lachapelle: Je comprends que la minute est pour moi.

Le Président (M. Théorêt): Pardon?

M. Lachapelle: Sur la dernière question. Il faudrait peut-être, comme vous l'avez mentionné tantôt, faire une petite étude des coûts pour connaître combien de personnes se sont prévalues... On peut se servir des exemples des autres provinces qui ont tenté la même expérience et voir ce qu'il en coûterait. Il reste qu'actuelle-

ment, les organisations électorales sont tout de même sur le terrain. Elles sont là. Elles sont dans les municipalités. Elles sont dans tous les coins de la province. Et je pense que ce n'est peut-être pas une organisation si compliquée que cela. Enfin, je ne voudrais pas m'aventurer davantage sans avoir d'autres données. C'est là ma première réflexion sur cette question-là. Il faut peut-être aller plus loin techniquement, comme vous dites, pour savoir comment cela pourrait se réaliser.

Sur la question du vote des personnes handicapées, ce qui m'ennuie dans toute cette question, en vous disant: La loi 20 est là, c'est que le législateur s'est prononcé. Il a dit: C'est cela ma volonté. Évidemment, je comprends que, pour toutes sortes de raisons, on dise que ce n'est pas cela actuellement. Mais c'est ce que le législateur a dit. Et si l'Assemblée nationale s'est prononcée c'était pour dire quelque chose et pour mettre une loi en vigueur un jour. Encore une fois, je comprends qu'il y a toutes sortes d'embûches. Je suis à même de le constater assez régulièrement justement en participant à ce comité avec la Curatrice publique. Mais il reste encore une fois que l'Assemblée s'est prononcée et il faut trouver un moyen entre-temps pour ne pas priver ces personnes-là parce que c'est aux prochaines élections qu'elles vont être privées de leur droit de vote. Et si on dit que c'est un droit fondamental, il faut faire en sorte qu'il puisse se réaliser. La suggestion, encore une fois, n'est peut-être pas tout à fait à point. On s'imagine que tous, savants légistes que vous êtes, vous en trouverez une.

Sur les propos que vous avez tenus concernant les dépenses des tiers - c'est peut-être la fin de ma minute - je me demande quelle différence il y a entre un groupe qui publie une petite annonce dans le bas d'un journal local, je prends celle-là, et la même intervention faite sur une ligne ouverte qui diffuse peut-être à 100 000 ou 200 000 auditeurs. L'impact est probablement le même. Le langage parlé est aussi important, prend autant de place que le langage écrit. Dans le langage écrit on aura peut-être un avantage, par exemple, c'est qu'on identifiera clairement que c'est un message du groupe, etc. Quelle est la différence entre l'éditorial que l'on publie à 100 000 exemplaires et l'annonce dans le journal? Je pense bien, finalement, qu'on s'ouvre les yeux trop grands sur la question des dépenses électorales et qu'on se ferme peut-être beaucoup les yeux sur un élément qu'on peut difficilement contrôler, soit la présence et l'intervention dans les médias, la presse parlée, les interventions du public dans ces occasions-là. C'étaient les quelques commentaires qu'on voulait vous tenir sur ce sujet.

Je voudrais d'abord tous vous remercier de vos questions et de votre intérêt pour les questions que nous avons soulevées devant cette assemblée. Je crois qu'ensemble nous avons plus cherché à mettre en pratique ces principes que nous avons bien voulu vous souligner que d'essayer de les rejeter du revers de la main et je vous remercie beaucoup de votre ouverture d'esprit au nom des personnes que nous défendons devant cette commission. Merci.

Le Président (M. Marcil): M. le président, Me Lachapelle de même que Me Carpentier, au nom de cette commission nous vous remercions de vous être prêtés à cet exercice. Merci beaucoup.

Maintenant, j'inviterais les représentants du Conseil de presse du Québec à avancer, à venir prendre place.

Me Micheline McNicoll, secrétaire générale, de même que Me Céline Vaillancourt, secrétaire du Conseil de presse, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire et sans plus tarder vous laissons la parole.

Conseil de presse du Québec

Mme McNicoll (Micheline): M. le Président, mesdames et messieurs les parlementaires, le Conseil de presse est très heureux de pouvoir participer au processus démocratique et, sans plus tarder, je vous présente sa position.

Le respect des libertés d'opinion et d'expression reconnues à tout citoyen, même et surtout en période électorale, constitue le principe sur lequel se basent les recommandations du conseil.

Tout en reconnaissant la nécessité de contrôler les dépenses électorales, le conseil est d'avis que la Loi électorale ne doit pas avoir pour effet de brimer ces libertés fondamentales. Et si tant est qu'il faille choisir entre deux maux, le conseil considère qu'un assouplissement du cadre législatif en matière de dépenses électorales serait moins dommageable à tous égards qu'un contrôle strict au point de brimer les libertés d'opinion et d'expression. (12 h 15) il n'est cependant pas évident que l'on doive ainsi choisir entre deux maux, la loi pouvant être modifiée de façon à ce que son objet réel, soit le contrôle des dépenses électorales, puisse être atteint adéquatement tout en préservant des libertés auxquelles, de toute façon, le législateur ne désirait sûrement pas atteindre.

Car s'il est évident et reconnu que le contrôle des dépenses électorales a une incidence certaine sur la liberté d'expression, les contraintes ainsi créées doivent se limiter aux messages de nature publicitaire, les seuls qui devraient être considérés comme dépenses électorales. En effet, lorsque les mesures de contrôle des dépenses électorales ne sont pas strictement limitées à de tels messages, elles ont pour effet direct de restreindre la liberté d'informer, et c'est précisément ce qu'il importe d'effacer de la loi. Les commentaires et suggestions du conseil vont donc en ce sens.

Concernant l'intervention des tiers en période électorale, Me Lachapelle, de la Commission des droits de la personne, a très bien exposé toute la problématique. J'irai donc droit au but. Le conseil considère que la situation actuelle est inacceptable et qu'il faut absolument faire une place à l'intervention des tiers. Si je puis me permettre une comparaison, la situation actuelle ressemble à une situation de monopole du discours, exactement celle que l'on veut éviter dans les problèmes de concentration de la presse où les sources d'information sont limitées. Je n'ai pas besoin d'en dire davantage. Si un seul propriétaire possède toutes les stations radiopho-niques ou de télévision, les sources d'information sont limitées. La situation en période électorale apparaît un petit peu comme celle-là, sans être tout à fait une analogie parfaite, puisqu'à l'heure actuelle les seules personnes qui ont droit de parole en période électorale, ce sont les partis politiques constitués ou d'autres personnes qui briguent des suffrages. Ces personnes, au moment où elles parlent pendant la période électorale, ne sont pas les mandataires de la population. Ce sont des personnes qui veulent devenir des mandataires. Et uniquement celles-là auraient droit de parole dans une période aussi importante parce que, après la période électorale, la participation des citoyens et des citoyennes au processus est médiate, elle est médiatisée par la présence, par le mandat qu'on a donné aux députés... D'accord, en toute autre période, c'est bon que les gens s'expriment sur les lignes ouvertes, c'est bon qu'il y ait des discussions. Mais dans cette période privilégiée où les gens décident, où les gens veulent exprimer et veulent être certains que les gens qui vont les représenter iront au fond des questions qui sont censées être sur la place publique, qu'aucun tiers ne puisse intervenir pour la raison qu'il pourrait directement ou indirectement favoriser ou non un parti, je crois que cet argument ne tient pas et que, s'il protège quelque chose à l'heure actuelle, ce n'est pas la démocratie, mais le discours politique de deux ou trois partis qui ont l'apanage du discours. Il faut que ce discours soit ouvert aux tiers, et c'est dans ce sens que le Conseil de presse suggère l'amendement suivant à l'article 405: "Sont considérés comme dépenses électorales tous frais engagés pendant une période électorale par un candidat, un parti politique ou un groupe constitué aux seules fins d'influencer le résultat d'une élection." C'est là la seule limite que le Conseil de presse veut voir dans une telle loi parce qu'on ne peut pas s'exprimer. Qu'est-ce que c'est que la liberté d'expression et d'opinion si ce n'est de dire: On est pour ou contre telle chose, que ce soit dans le programme de l'un ou de l'autre parti? Cela aura évidemment de l'influence et on ne le nie pas, mais est-ce pour autant partisan? La partisanerie, c'est comme la manipulation, ce sont toujours les autres qui en font.

Le droit du public à l'information là-dedans, où est-il, s'il vous plaît? Si le discours est polarisé et monopolisé par des partis politiques, je conçois que chacun ait intérêt à se piquer et à se démolir, mais des questions risquent d'être évacuées parce que cela ne fait l'affaire de personne. Si des tiers ne peuvent introduire ces questions dans le débat, alors elles sont évacuées dans une période privilégiée pour la démocratie. Le Conseil de presse ne conçoit pas que le droit des tiers d'intervenir soit brimé en ces périodes.

Pour ce qui est des questions de collusion, il sera toujours possible de les prouver, mais, comme le disait très bien, tout à l'heure, M. le député de Gouin, il y a bien des cas où il n'y a pas de collusion, et c'est effectif, maintenant, que certains propos exprimés par des citoyens ou des groupes plaisent ou déplaisent aux partis politiques, mais je pense que la Loi électorale n'est pas là pour ça. Je pense que la Loi électorale est là pour protéger le plus possible notre processus démocratique; mais de quoi notre processus démocratique est-il construit, sinon de la liberté d'expression qui ne serait pas seulement pour les partis politiques, mais bien pour tous les tiers également?

Concernant la diffusion d'écrits en période électorale, le conseil propose de s'en tenir à une notion restrictive et, au lieu de "tous frais engagés", "lout écrit", etc., de se limiter à la notion de "matériel ou temps d'antenne publicitaire."

Concernant le temps d'antenne gratuit et le débat des chefs, cet article devrait être modifié de façon à tenir compte de deux réalités précises: la publication ou la diffusion d'entrevues de même que l'organisation de débats électoraux radiodiffusés et télédiffusés ne devraient jamais être considérées comme dépenses électorales lorsqu'ils sont soumis au traitement journalistique, cela veut dire sous le contrôle des journalistes et des entreprises de presse ou des médias qui les diffusent. Il s'agit là d'éléments d'information et non de publicité ou de propagande et les médias doivent, dans ce contexte, demeurer libres de leurs choix rédactionnels, notamment quant au nombre d'invités et de la forme que prend le débat ou l'entrevue. Deuxièmement, la publication ou la diffusion d'opinions sur des questions d'intérêt public ou des actions et décisions gouvernementales ne devraient pas être considérées comme dépenses électorales lorsqu'elles sont le fait de personnes, de groupes ou d'organismes qui ne sont pas constitués aux seules fins d'influencer le résultat d'une élection. Que ces personnes, groupes ou organismes soient visés ou non par les actions et les décisions commentées, ou que les opinions émises incitent ou non à favoriser ou à défavoriser un parti ou un candidat, il n'y a pas lieu d'atteindre à leur liberté d'expression dans la mesure où ces personnes, groupes ou organismes ne sont pas constitués aux seules fins d'influencer le résultat de l'élection. C'est donc leur statut à cet égard qui doit constituer le seul test véritable sous

peine de censurer le débat démocratique. Ce test aurait au moins le mérite d'être objectif - ce n'est peut-être pas le bon terme - d'être plus facile à déterminer.

Donc, les modifications suivantes devraient être apportées à l'article 407 auquel nous ajouterions un alinéa 3: "Ne sont pas considérées comme dépenses électorales: 1° la publication, dans un journal ou autre périodique, d'articles, d'éditoriaux, de nouvelles... - et nous ajoutons - d'entrevues d'un ou plusieurs candidats ou représentants de candidats ou de partis politiques - la suite demeure inchangée; 2° la diffusion par un poste de radio ou de télévision d'une émission de nouvelles, de commentaires - et nous ajoutons - d'un débat entre deux ou plusieurs candidats ou représentants de candidats ou de partis politiques, ou d'entrevues avec un ou plusieurs candidats ou représentants... - la suite est inchangée; 3° - c'est une addition - les frais encourus par une personne - pour être cohérents avec ce que l'on vient de dire évidemment - un groupe ou un organisme qui n'est pas constitué aux seules fins d'influencer le résultat d'une élection, pour faire connaître son opinion sur une question d'intérêt public ou sur des actions ou décisions gouvernementales."

Évidemment, encore pour être cohérents, il faudrait amender l'article 427 et y ajouter le paragraphe suivant: "Ne sont pas visés par le présent article, les débats et les entrevues dont il est fait mention à l'article 407."

Concernant la réglementation des sondages en période électorale, à la première question qui nous était posée dans le document: Doit-on réglementer les sondages en période électorale, le conseil de presse répond par la négative ainsi qu'il l'avait déjà fait à propos du projet de loi fédéral C-79 concernant la réglementation des sondages tout court.

L'adoption de mesures législatives concernant la façon dont les médias doivent rapporter les résultats des sondages d'opinion revient à fixer un contenu informationnel et de ce fait constitue donc une atteinte à la liberté de la presse et au droit du public à l'information. Le conseil soutient que les médias pourraient cesser de rapporter les résultats de sondages d'opinions s'ils étaient forcés de communiquer de trop nombreuses informations méthodologiques. Compte tenu des contraintes de temps et d'espace auxquelles les médias tant électroniques qu'écrits doivent faire face, de telles obligations pourraient rendre la diffusion de ces informations d'intérêt public quasi impossible dans certains cas.

Le conseil soutient le principe à l'effet que le public reçoive les informations d'ordre méthodologique en même temps que les résultats des sondages. Celles-ci permettent de vérifier la qualité des informations recueillies par sondage et donnent la possibilité au public de former son propre jugement sur l'information qu'il reçoit.

Cependant, le conseil estime que ceci relève de l'autodiscipline des médias et des journalistes et ne doit, en aucune façon, être régi par des mesures législatives, de telles mesures accroissant les risques d'ingérence gouvernementale dans les contenus de l'information et les décisions qui relèvent des salles de rédaction.

Le Conseil de presse considère donc comme essentiel que les médias écrits et électroniques soient libres de déterminer la façon de communiquer les résutats des sondages, afin d'éviter que soit limitée la liberté de la presse d'informer adéquatement le public. Je vous ferais remarquer qu'à l'heure actuelle, les médias donnent toujours les informations méthodologiques minimales qui ont pour but de situer le contexte et, dans une certaine mesure, la crédibilité du sondage.

Mais si le gouvernement décidait tout de même d'agir dans ce domaine, la seule contrainte acceptable en la matière serait peut-être de prévoir que les médias conservent les renseignements décrits au projet de loi et les rendent accessibles au public, de façon que les personnes intéressées puissent prendre connaissance de ces données.

Quant à la seconde question qui n'est certainement pas la moindre: Doit-on interdire la diffusion des sondages à la veille du scrutin ou dans la semaine précédant le scrutin, le Conseil de presse répond également par la négative. Il répond que la population québécoise est habituée à vivre avec l'omniprésence des sondages d'opinion et il est d'avis qu'il faut faire confiance à la maturité et à l'esprit critique de la population, en un mot, au jugement de chaque personne.

D'autre part, ainsi que le souligne fort justement le "Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale" qui a été soumis à notre attention, il est absolument impossible de garantir une interdiction étanche, a moins de couper le Québec du reste du monde ou de demander à quelqu'un d'autre de légiférer dans ce domaine - mais ce n'est surtout pas notre propos. De plus, dans la mesure où tout le monde pourrait continuer, même si on interdisait aux médias de les diffuser, si n'importe qui peut continuer de réaliser, d'effectuer des sondages, cela voudrait dire qu'il existe une information quelque part, une information que des personnes privilégiées pourraient avoir, utiliser et que cette information-là, le public, en général, ne peut pas la recevoir.

Donc, ce serait empêcher la diffusion d'information qui existe pour une raison qu'on a du mal à identifier. Mais ce qu'on comprend, c'est qu'on veut protéger le public.

Est-ce qu'on considère que les sondages sont des publicités pour un ou l'autre parti? Le document ne le dit pas. Est-ce qu'on veut contrôler les événements médiatiques? Cela non plus, on ne le dit pas. On ne dit pas ce qu'on cherche vraiment quand on veut interdire la diffusion de sondages juste avant un scrutin.

Si on veut protéger la population, le

Conseil de presse pense que la meilleure façon de le faire, c'est de laisser les idées circuler librement et de laisser la population faire elle-même son propre jugement. C'est peut-être d'accorder une valeur aux sondages qu'ils n'ont peut-être pas. Nous ne disons pas que les sondages n'influencent pas. Tout élément de communication influence, et même les éléments que l'on tait peuvent également être des facteurs d'influence.

Le Conseil de presse du Québec tient à rappeler également que les médias connaissent bien les conséquences qui découleraient pour eux de la diffusion de sondages qui ne répondraient pas aux normes méthodologiques habituelles; leur crédibilité en serait entachée pour l'avenir.

En terminant, le Conseil de presse aimerait souligner que la crainte, même fondée, de la diffusion de sondages manipulateurs - comme je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est un peu comme pour la partisanerie, ce sont toujours nos ennemis qui se livrent à ce genre de choses - ne doit pas faire perdre de vue que la libre circulation des idées est la meilleure garantie contre la manipulation d'où qu'elle provienne. Dans l'univers de la communication, l'information n'est jamais neutre, elle ne peut que tendre vers une objectivité et une honnêteté toujours plus grande. La meilleure façon d'y parvenir, c'est d'assurer la multiplicité des sources d'information et la discussion autour de ces informations.

Le processus démocratique ne saurait donc être mieux protégé que par la libre circulation des idées. Toutefois, si jamais le législateur devait se laisser convaincre du fait que les sondages d'opinions ne sont pas désirables en certaines circonstances - ce qui, selon le Conseil de presse, reste encore entièrement à prouver - il faudrait alors viser la bonne cible et ne pas faire reposer sur les seuls médias la responsabilité sociale de cette interdiction, mais bien la répartir entre toutes les parties concernées. Nous n'irons pas jusqu'à dire qu'il faille le faire, mais si on veut empêcher la diffusion des sondages il faudrait d'abord penser à leur production et ne pas mettre le robinet aux médias comme si c'étaient eux les responsables. Si on a la possibilité de faire des sondages, alors les médias doivent conserver un droit absolu de les diffuser. (12 h 30)

Concernant peut-être certains arguments qui ont été apportés pour dire que les sondages influencent, le mémoire qui avait été préparé en 1977 par l'Association canadienne des anthropologues, à la page 7, citait au moins quatre effets différents des sondages: l'effet d'entraînement; l'effet d'indifférence: si tout le monde va voter pour cela, d'accord, moi je n'irai pas, de toute façon cela va passer; un effet très intéressant qui dit que par sympathie, on voit que tout le monde vote pour tel parti, bon, nous autres on va voter pour l'autre parce que peut-être qu'il va être éliminé de la course; et un autre effet qui est celui de changer de préférence, pour être sûrs au moins que ceux qu'on ne veut pas ne seront pas élus. Il y a là quatre effets contradictoires qui s'entrelacent et malgré tout on dit qu'on craint la manipulation. Mais qu'on laisse les influences jouer de par elles-mêmes. Ce sont des facteurs qui vont jouer comme n'importe quel autre discours politique, comme n'importe quelle action.

Concernant les infractions et peines, le Conseil de presse est toujours d'avis qu'il ne doit pas s'agir de... L'infraction de l'article 502 ne doit pas en être une de responsabilité stricte; il faut prouver l'intention de nuire parce que c'est une accusation grave. Il y a peut-être bien des apparences qui peuvent jouer, si on considère que la liberté d'expression est une liberté dans l'absolu, sur des thèmes qu'on ne peut pas raccrocher à des programmes politiques. Si, moi, je m'insurge pour ou contre l'avortement et qu'il y a un parti qui est pour et l'autre contre, j'aurai l'air de favoriser le parti qui a le même point de vue que moi. Pourtant, j'ai le droit d'exprimer mon opinion sans être partisan ou sans avoir de collusion. Donc, le Conseil de presse maintient sa position là-dessus également.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup,

Me Micheline McNicoll. Je vais maintenant demander au ministre délégué à la Réforme électorale d'intervenir.

M. Gratton: Oui, M. le Président. Je remercie le Conseil de presse qui, comme la Commission des droits de la personne d'ailleurs, s'est prêté à des consultations avec le Secrétariat à la réforme électorale, préalablement à la publication du Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale.

Je voudrais dire tout de suite, quant au sujet de l'interdiction et de la réglementation des sondages que, pour notre part, du côté ministériel, nous souscrivons d'emblée à l'argumentation qui est présentée par le Conseil de presse, soit de ne pas interdire ou réglementer la publication de sondages en période électorale, essentiellement pour les raisons qui sont invoquées par le Conseil de presse. Donc, inutile d'abonder dans ce sens-là.

Je voudrais aborder tout de suite - parce que cela sera peut-être moins long - la question du débat des chefs et de la publication d'entrevues. Mme McNicoll aura peut-être noté qu'au comité des parlementaires nous avons fait consensus sur le fait qu'un débat entre les chefs d'un parti politique ne devrait pas être considéré comme de la publicité, mais plutôt comme de l'information et donc que la Loi électorale devrait être modifiée en conséquence.

Là où cela a été moins clair au cours de nos discussions, c'est sur l'opportunité de permettre la publication, que ce soit dans les médias écrits ou dans les médias électroniques, de toute entrevue. J'aimerais connaître le point

de vue, bien qu'on nous le présente ce matin, du Conseil de presse sur les possibilités que pourrait engendrer une telle disposition si on devait permettre la publication d'entrevues sans aucune limite. On sait, par exemple, que cela ne risque pas d'avoir des conséquences très graves en ce qui a trait aux quotidiens ou aux chaînes de télévision qui assurent de par leurs responsabilités et leur conscience professionnelle une certaine équité, un certain équilibre entre les divers intervenants. Mais, on ne peut pas toujours en dire autant des médias d'information plus locaux, par exemple des hebdos, qui sont la propriété d'un individu qui, lui, peut - et c'est son droit le plus strict - être partisan d'un parti politique ou d'un candidat quelconque et qui pourrait, en exagérant peut-être, favoriser l'élection d'un candidat ou d'un parti politique en limitant la publication à des entrevues d'un candidat ou des candidats d'un certain parti politique. J'aimerais connaître la réaction du Conseil de presse face à cette possibilité, au danger que pourrait représenter l'équilibre des chances et l'équité entre les candidats et les partis.

Mme McNicoll: Ce qui nous semble être sous-jacent dans ce genre d'arguments, M. le ministre, c'est qu'on semble assimiler, on semble beaucoup craindre qu'une visibilité - excusez l'anglicisme, là, mais c'est un terme qui est tellement utilisé que je me permets de l'utiliser moi-même - donc qu'une plus grande visibilité, qu'une plus grande attention soit portée à des personnages politiques ou à des groupes et craindre, finalement, qu'on en parle en bien ou qu'on en parle en mal, mais de toute façon, qu'on en parle, c'est déjà accorder une importance à ces personnes ou à ces groupes dans le processus démocratique. Ce qui est craint, donc, c'est que le principe d'égalité des chances - c'est bien cela, M. le ministre, si je comprends - soit rompu.

C'est un élément important de notre processus démocratique, l'égalité des chances. Maintenant, jusqu'où doit-on le réglementer, jusqu'où doit-on aller pour l'assurer. Je pense qu'il y a déjà pas mal de dispositions dans la loi qui tentent de l'assurer assez adéquatement. En ce qui concerne la question directe - je n'ai pas l'intention de l'évincer - à savoir si des médias pourraient décider d'être partisans et de lui accorder une plus grande place, bon! on vit dans un système où nos journaux, où nos mass media appartiennent à des entreprises privées. Ils ont, par contre, intérêt, eux aussi, à s'assurer une image dans le public et ils exercent une autoréglementation - on ne parlera pas d'autocensure, c'est un mot que l'on déteste, vous comprenez bien, dans le milieu de l'information - sur eux-mêmes. Ils ont des politiques de publicité et d'accès à leurs pages, mais la liberté de la presse, elle est là, c'est une chose qu'il ne faut pas oublier et c'est encore ce qui nous garantit la meilleure information.

Maintenant, je ne peux pas vous dire que tous les médias vont exercer une politique en ce sens, sauf qu'au Conseil de presse, nous avons élaboré un petit document qui s'appelle: Les droits et responsabilités de la presse. À l'intérieur, lorsque nous avons à nous pencher sur des questions qui pourraient regarder l'information et la publicité ou l'accès à des journaux, nous considérons que "la discrétion des médias en matière de publicité n'est pas absolue et le choix des réclames publicitaires - ou, mettons entre guillemets, publicitaires puisque je pense que ce que l'on craint, c'est une trop grande publicité indirecte - doit être fait selon des critères objectifs, indépendamment des préjugés ou des convictions de l'éditeur, il est important aussi que ces critères soient largement connus. Les préoccupations commerciales entourant le choix de la publicité ne doivent, en aucun cas influencer la politique rédactionnelle".

Je reprendrais simplement une phrase: "il est important que ces critères soient largement connus." Je pense que dans un processus où l'intervention des tiers serait acceptée, où l'on pourrait publier des entrevues, en fait, si on adopte certaines mesures que le conseil préconise, le conseil serait cohérent avec lui-même mais, de son côté, préconiserait des standards d'éthique et de déontologie dans cette perspective, afin que les médias adoptent des politiques face à ce genre de choses et les publient. D'ailleurs, c'est déjà dans nos règles d'éthique; les médias, en général, ont ce genre de politique et, je pense que cela assurerait leur crédibilité et leur participation dans le processus démocratique. Je pense que le Conseil de presse préconiserait ce genre de mesures. Mais il faut croire en la liberté de la presse qui est au service du droit du public à l'information. Nous avons confiance en la capacité des médias de s'autoré-glementer et de ne pas devenir les artisans ou les victimes de manipulations ou de trop grandes concentrations.

M. Gratton: J'aurais le goût de retenir du début de votre réponse le fait qu'effectivement il y a des candidats qui n'ont pas avantage à se montrer.

Peut-être pouvez-vous nous éclairer? Au Conseil de presse, vous êtes souvent saisis de plaintes de diverses personnes et, notamment, de gens qui oeuvrent dans le domaine politique. J'ai un cas à l'esprit, mais je me pose la question: Est-ce que vous avez des données qui nous permettraient de constater l'ampleur des plaintes d'ordre politique émanant d'organisations politiques, de politiciens ou de candidats qui se seraient plaints du traitement reçu ou d'un traitement inéquitable de la part des médias d'information?

Mme McNicoll: Sauf pendant la période référendaire que nous avons connue, où il y

avait eu au moins une vingtaine de plaintes dans ce domaine, en général, on peut dire que la vitesse de croisière n'est pas de plus de deux ou trois par année. La dernière dont je me souviens était celle d'un député qui se sentait délaissé par la presse parce qu'à chaque fois qu'il convoquait une conférence de presse ou participait à un événement,...

M. Gratton: C'est l'exemple que j'avais.

Mme McNicoll: Ah bon! il était carrément ignoré. En général, on ne peut pas dire qu'il y ait...

M. Gratton: Donc, ce n'est pas généralement répandu.

Mme McNicoll: Oh non! C'est très minime.

M. Gratton: Mais est-ce que de la part des médias...

Mme McNicoll: Excusez-moi. Nous recevons en général 40 à 50 plaintes formelles, sans parler des intentions de plaintes ou des cas qui ne sont pas recevables. Là-dessus, il y en a deux ou trois sur une quarantaine.

M. Gratton: D'accord. Oublions le débat des chefs, pour moi, c'est réglé, pour le moment.

Mme McNicoll: Oui, oui.

M. Gratton: On y reviendra ensemble plus tard. Mais en ce qui concerne la non-interdiction ou la non-réglementation de la publication d'entrevues, est-ce que les mesures actuelles posent des problèmes, dans la mesure où on exige qu'un média d'information donne une chance égale à tous les candidats dans une élection donnée? Est-ce que cela crée un problème quelconque sur le plan de la liberté de l'information et d'expression?

Mme McNicoll: Si, parce que vous ne pouvez pas ou vous n'estimez pas, en votre âme et conscience de journaliste ou de propriétaire d'entreprise de presse, que vous devez accorder du crédit ou de l'importance à tel ou tel personnage qui se trouve momentanément dans le débat démocratique, je pense que c'est une contrainte, une entrave.

D'abord, matériellement, vous n'avez pas nécessairement la possibilité dans vos pages, sur vos ondes ou sur le temps d'antenne disponible pour ce genre de choses, d'accorder de l'espace ou du temps à toutes ces personnes en même temps. Peut-être que vous ne jugez pas, non plus, qu'if y a des questions qui sont très importantes. Vous pouvez décider que vous privilégiez telle ou telle question. Or, les personnes qui peuvent en parler le mieux sont telle ou telle personne. C'est fondamental aussi.

Je ne sais pas. Le principe, c'est comme si on ne peut pas donner à manger à dix personnes, parce qu'on ne peut pas en nourrir 1000. Si on ne peut pas accorder une entrevue ou une attention spéciale à une question ou à un personnage, je pense que c'est brimer la liberté de la presse. Il y a des contraintes matérielles et physiques extrêmement réelles et sévères. Ce n'est pas nécessairement ce qui est jugé comme équitable. Est-ce que c'est nécessairement ce qui est souhaitable, c'est-à-dire de mettre tout le monde sur le même pied? (12 h 45) il y a suffisamment de médias. On a une société suffisamment libre pour faire confiance à la libre circulation des idées. Si on décide que la question du libre-échange est plus importante que la question du tapis de l'Assemblée nationale, soit... Peut-être que d'autres personnes estimeront que le coût du tapis de l'Assemblée nationale est très important et que cela dénote l'esprit d'un parti. Elles lui accorderont cette importance-là. Mais je pense qu'il faut laisser entre les mains du public et, notamment à l'autoréglementation et à la discipline des médias, le soin de faire ce choix. Je pense qu'à l'heure actuelle, il y a des contraintes et des entraves qui peuvent même décourager certains médias à un moment donné, étant donné, comme je vous le dis toujours, les contraintes d'espace et de temps pour faire de telles choses, parce que si on n'invite pas tout le monde, on n'invite personne.

M. Gratton: On me signale qu'il me reste deux minutes, donc, j'en profiterai simplement pour dire que je comprends très bien dans quel sens vous faites vos représentations. Ce qui me chicote un peu c'est que, d'une part, on dise qu'on devrait donner toute la latitude voulue, toute la liberté voulue de pouvoir s'exprimer en campagne électorale à ceux qui, finalement, en ont les moyens, soit ceux qui peuvent se payer une publicité. Et, par contre, si on devait retenir votre proposition de ne pas réglementer la publication d'entrevues, on dit presque en même temps qu'une personne qui est candidate ou qui est membre d'un parti n'aurait pas la chance égale de faire valoir son point de vue parce qu'elle n'aurait pas les moyens financiers dans une certaine mesure. C'est d'ailleurs la raison d'être de la disposition de la loi actuelle qui fait qu'on doive accorder un traitement égal à tous les candidats dans une élection donnée, et qui est justement là pour cela, pour permettre l'égalité des chances, quels que soient les moyens ou les ressources financières disponibles.

Vous parlez des contraintes quant à l'information des médias. Je présume qu'il n'y a pas de ce genre de contraintes en ce qui a trait à la publicité payée, puisque je conçois difficilement qu'un média d'information qui accepte la publicité payée puisse refuser de publier une publicité payée par un groupe ou un individu quelconque.

Tout cela m'amène à ne pas avoir de réponse moi non plus, sauf que je termine en vous disant - et en vous permettant de réagir si vous le désirez - merci de vous être prêtée à cette discussion. Et, comme je le disais à la Commission des droits de la personne, j'ai bien l'impression qu'on va continuer à se parler.

Mme McNicoll: J'aimerais répondre. Pardon? Le Président (M. Marcil): Brièvement.

Mme McNicoll: Brièvement. Oui, d'accord. En ce qui concerne l'égalité des chances, vous semblez assumer que si les médias peuvent, à leur gré, faire des débats - pour cela il n'y a pas de problème - accorder des entrevues, faire ce qu'ils veulent, que cela nuit aux gens qui n'ont pas les moyens. Ce n'est pas du tout la même question, M. le ministre. Parce que lorsque les médias décident que c'est gratuit, s'ils décident que c'est une émission d'affaires publiques, que c'est une tribune téléphonique ou autre chose, c'est tout le monde qui pourra s'exprimer et ce n'est pas du tout une question d'argent à ce moment-là.

Deuxième des choses, considérant la publicité, un journal est libre de refuser de la publicité payée et cela peut arriver. Cela peut être surprenant, mais je pense qu'un journal qui a une politique, par exemple, qui serait connue et qui décide de lui-même qu'il y a tant de pourcentage qui va être accordé à chaque parti, il faut leur faire confiance. Ils ne sont pas bêtes au point de vouloir s'identifier totalement à l'une ou l'autre faction et risquer de perdre certains de leurs lecteurs ou lectrices. Parce que c'est cela aussi de vivre dans une société où il y a la libre concurrence. Le capitalisme n'est pas encore un péché, et toutes ces règles jouant ensemble, je pense qu'on peut faire confiance au processus.

M. Gratton: Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci, beaucoup, madame. Maintenant je vais inviter le député d'Abitibi-Ouest, le représentant de l'Opposition officielle.

M. Gendron: Bien, rapidement, compte tenu de l'heure. Deux remarques. Une première, qui ne se veut pas du tout péjorative pour vous Mme McNicoll. Il est clair par le choix des thèmes traités et le contenu de votre mémoire, même s'il n'était pas identifié, qu'il vient du Conseil de presse du Québec et on le devinerait. C'est bon. C'est dans le bon sens. Alors je vous dis que probablement les gens de la presse doivent se sentir en confiance entre vos mains et j'en suis fort aise.

Quant à l'autre remarque du ministre - là c'est un peu pour s'amuser - à savoir qu'il est exact qu'il y aurait certains candidats qui auraient avantage à ne pas trop se faire connaître, j'entérine son point de vue parce que j'ai assisté à des débarquements massifs de libéraux en 1981 dans mon comté et ils ont contribué à me faire réélire. C'est probablement vrai, je les en remercie beaucoup.

M. Gratton: On n'ira plus.

M. Gendron: Plus sérieusement, Mme la présidente du Conseil de presse, je vous ai entendue au tout début avec beaucoup d'éloquence, de détermination sur votre premier laïus, en disant combien c'était important de permettre l'intervention des tiers en période électorale. Ce qui m'a étonné - à moins que je n'aie été distrait pour cette période-là, mais cela me surprendrait, des fois je le suis, mais pour cette période-là je vous ai écoutée attentivement - c'est que c'est sans aucune nuance que vous avez distingué ce que je pense être notre préoccupation à titre de parlementaires, à savoir l'opinion des partis politiques d'une part, l'opinion de n'importe quel tiers, organisme, individu, etc., sur un sujet donné, versus acheter de la publicité pour - permettez-moi l'expression que je mets entre guillemets - "blaster" ou "planter" systématiquement un parti politique. C'est ce dont on parle aussi et je trouve que la vertu que vous avez déployée dans la première partie en disant qu'il faut laisser complète et entière liberté, que cela n'a pas de bon sens que seuls les partis politiques aient le droit d'expression durant une campagne électorale... On n'a jamais dit ça. On le sait, on ne veut pas que seuls les partis politiques aient le droit d'expression en campagne électorale, mais ce ne sont pas les faits.

Tel que vous le proposez, surtout avec l'appellation qui serait facilement contestable en disant: à la condition que ce soit un groupe constitué aux seules fins d'influencer le résultat d'une élection. Voir si tous les groupes vont prétendre avoir été constitués aux seules fins d'infléchir le résultat électoral! Mais on n'est pas des dindes! On a un peu de vécu. Pourquoi pensez-vous qu'ils voudraient avoir gratuitement, lors de la période électorale, un mode d'expression qu'ils n'utilisent à peu près pas en dehors des campagnes électorales? Pourquoi pensez-vous que tous les groupes de toute nature sollicitent beaucoup plus les médias électroniques en période électorale? C'est parce qu'ils ont un point de vue à faire passer dans la perspective d'infléchir la valeur du vote. C'est aussi clair qu'il fait sombre aujourd'hui.

Dans ce sens-là, on dit que c'est ce qu'on veut baliser. Je ne suis pas du tout de votre avis quand vous affirmez qu'il ne faut pas restreindre la liberté d'expression. Non, je ne veux pas la restreindre, sauf que tous les mécanismes usuels en temps normal vont continuer d'exister. Si on veut utiliser les mécanismes plus spécifiques de diffusion de messages ou de points de vue lors

de la campagne, on passera par le canal des dépenses électorales. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce moi qui suis dans les patates? Est-ce que je rêve? Si c'était si global que cela, comment se fait-il que lors de la campagne électorale il faille faciliter l'expression de tous les groupes parce qu'autrement ce serait antidémocratique, cela n'aurait pas de bon sens, que cela va s'autorégulariser parce que les médias ont leurs propres contraintes? Je pourrais vous donner des exemples. Je ne veux pas être blessant mais, en particulier pour les entrevues lors de la campagne électorale, on pourrait vous citer une pile de documents de cette magnifique autorégulation qui a toujours été dans le même sens.

Mme Blackburn: D'abord, il ne s'agit pas de faciliter l'exercice de la liberté d'expression, il s'agit de la restaurer pour les tiers, puisqu'elle est inexistante actuellement, étant donné qu'on ne leur permet pas, autrement que dans une assemblée contradictoire, mais ce qui est réel dans notre société c'est que si vous voulez exprimer valablement votre opinion vous devez, pour ceci, avoir dans une certaine mesure le droit également de dépenser pour l'exprimer.

Il y a peut-être deux ou trois décennies, la liberté d'expression avait un certain sens et maintenant la couverture médiatique est devenue une chose essentielle. Donc, nous pensons qu'il s'agit d'abord de la restaurer.

Deuxièmement, et là-dessus je pense que nous sommes en contradiction absolument frontale, autant je trouve inacceptable que les tiers ne puissent intervenir, autant vous semblez trouver inacceptable et absolument presque sacrilège que des tiers se permettent, si j'ai bien compris votre expression, de "blaster" un parti politique.

M. Gendron: Non, non, non. Rapidement, M. le Président, je suis complètement d'accord, mais je veux que leurs dépenses soient prévues. Non, non, là-dessus on s'accorde. On n'est pas si opposés que cela. La distinction c'est que je ne veux pas qu'ils viennent utiliser un canal par lequel je dois passer, qui est la réglementation des dépenses électorales...

Mme Blackburn: Oui, d'accord.

M. Gendron: ...et que les tiers, eux, non, c'est la libre opinion.

Mme Blackburn: Mais il y a une différence essentielle. Le parti politique, lui, veut être élu et veut le pouvoir, veut devenir le mandataire officiel et veut que les gens lui accordent du crédit pour quatre ans. Les tiers ne demandent pas cela. La partie n'est pas du tout la même. Ils veulent simplement que certaines questions du débat soient mises sur la place publique, alors que parfois elles peuvent être évacuées sans collision entre les parties, bien sûr, mais être évacuées simplement parce que cela ne fait l'affaire de personne.

Donc, ce que je dis, c'est qu'on est d'accord là-dessus aussi pour dire qu'ils vont influencer le vote, comme les sondages, comme n'importe quoi, comme votre conversation avec un chauffeur de taxi ou autre. Mais l'enjeu n'est pas du tout le même pour le tiers que pour le parti politique. C'est pour cela qu'ils ne doivent pas être traités de la même façon.

M. Gendron: Une autre question intérimaire, M. le Président. Croyez-vous que durant une période électorale la colonne l'Opinion du lecteur dans Le Devoir ou La Presse disparaît?

Mme McNicoll: Non, mais cela est infiniment peu.

M. Gendron: Je le sais, mais je vais continuer. Croyez-vous que les Pascau et les André Arthur, cela n'existera pas durant une campagne électorale?

Mme McNicoll: Bien sûr.

M. Gendron: Bien, juste avant de commencer, vous avez dit que les tiers n'avaient pas d'opinion, excusez-moi, n'avaient pas la capacité d'exprimer leur opinion en campagne électorale, que c'était limité. Mais je prétends que les moyens sont tous là. Contrairement à ce que vous avez dit, je suis complètement d'accord pour permettre que tout tiers embarque de plein jeu dans la campagne électorale, à la condition qu'il soit assujetti aux mêmes règles que les partis politiques.

Mme McNicoll: Mais son enjeu n'est pas le même. On ne peut pas le traiter de la même façon.

M. Gendron: Ne croyez-vous pas que s'ils ne parlent pas... Vous avez dit: Vous, vous vous présentez pour vous faire élire. C'est là l'objectif des partis politiques. Mais lorsqu'un tiers intervient en campagne, n'est-ce pas avec le même objectif, mais à l'inverse, pour ne pas faire élire une tendance plutôt qu'une autre? Quelle est la différence?

Mme McNicoll: Je vois une énorme différence. Peu importe qu'il fasse élire ou non, lui n'est pas l'élu, n'est pas la personne qui veut se faire élire. Il veut simplement participer au débat, éclairer, apporter des idées, favoriser la libre circulation des idées et on ne peut pas s'exprimer sans être pour ou contre quelque chose évidemment. C'est une tautologie. Mais est-ce qu'on doit le faire passer par le canal des dépenses électorales? Sûrement pas, parce que ce n'est pas un parti. L'enjeu n'est pas le même.

M. Gendron: D'accord. Votre position est très claire. Permettez-moi de différer de la vôtre. Je respecte votre point de vue.

Mme McNicoll: Bien sûr.

M. Gendron: Rapidement, une autre question relativement à la page 5 de votre mémoire. Vous dites: "L'adoption de mesures législatives concernant la façon dont les médias doivent rapporter les résultats des sondages d'opinions revient à fixer un contenu informationnel - je partage votre point de vue - et de ce fait, constitue une atteinte à la liberté de la presse - cela peut aller ou non - et au droit du public à l'information."

Je vous pose la question suivante. Vous croyez que c'est une atteinte au droit du public à l'information. Je parle des éléments de méthodologie suivant lesquels s'est fait le sondage. La question que je vous pose: Êtes-vous au courant que si on posait la question au public - êtes-vous d'accord et souhaitez-vous qu'il n'y ait aucun sondage qui soit publié sans que nous ayons les informations de la méthodologie du sondage? - êtes-vous au courant que la réponse du public c'est oui, on est complètement d'accord et on l'exige? Si c'est là la réponse du public, en quoi cela peut-il constituer une atteinte au droit du public à l'information?

Mme McNicoll: Bien sûr que tout est dans la façon de poser la question. Si on pose la question tel que vous le faites - exactement comme on le fait dans les sondages, n'est-ce pas? - si on pose une telle question, je pense que les gens diraient: Bien sûr, on veut que les détails méthodologiques soient donnés. Et il y en aurait peut-être bien d'autres qui diraient: On se fout des détails, donnez-nous donc l'essentiel, c'est là votre rôle. Je ne peux évidemment pas répondre à cette question. On n'a pas fait un tel sondage.

Ce que je peux vous dire c'est que si on prend les deux principes du Conseil de presse qui sont de promouvoir la liberté de la presse et le droit du public à l'information, on considère qu'il n'y a pas de droit du public à l'information valable, de qualité, s'il n'y a pas au départ la liberté de la presse. La liberté de la presse souffre à partir du moment où on lui impose des contenus, des contraintes. Elle en a déjà beaucoup. Le risque c'est que si on impose trop de détails méthodologiques, certains médias délaissent cette information. C'est un risque mais, à l'heure actuelle, même la plupart des médias donnent des informations méthodologiques minimales. On peut toujours avoir d'autres renseignements auprès des médias de sorte que, là encore, on a peut-être l'air très idéaliste, mais on pense que les médias s'autorégularisent eux-mêmes dans ce domaine et qu'il n'est pas nécessaire pour le législateur, pour le moment en tout cas, de s'en occuper.

(13 heures)

M. Gendron: Vous donnez des avis, vous, madame?

Mme McNicoll: Pardon?

M. Gendron: Vous donnez des avis comme Conseil de presse?

Mme McNicoll: Nous émettons des communiqués et, de temps à autre, des avis. Nous rendons des décisions, nous sommes un tribunal d'honneur.

M. Gendron: D'accord. Alors, comme vous donnez des avis, je vais vous en demander un petit dernier.

Mme McNicoll: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Est-ce qu'à votre avis, le fait que le premier ministre du Québec bénéficie d'une émission de cinq ou dix minutes, qu'on appelle communément l'homélie dominicale du premier ministre Bourassa sur les ondes, et qu'il soit le seul à bénéficier de cela, est-ce que vous croyez que ce genre d'information relève de la publicité ou de la politique promotionnelle ou du domaine de l'information publique?

Mme McNicoll: Cela dépend de la politique du média en question. À ma connaissance, il y en a plusieurs qui ont du temps d'antenne gratuit à différents moments et, à partir du moment où c'est le gouvernement qui parie et non un parti politique, ce n'est plus la même chose.

M. Gendron: Alors, je vous remercie de votre avis. Je lui ai demandé un avis.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: On ne le partage pas.

Mme McNicoll: Je voudrais aussi rectifier quelque chose. Vous m'avez appelée la présidente du Conseil de presse, j'en suis la secrétaire générale, le président est ailleurs.

M. Gendron: Oui, c'est vrai. Excusez-moi. Une dernière question pour ma part. Est-ce que cela va, M. le Président?

Le Président (M. Marcil): Cela va.

M. Gendron: Pour ce qui est de l'interdiction des sondages, je pense que M. le ministre vous a laissé voir la position du comité et je partage ce point de vue. Je pense que vous avez raison de dire que cela fait partie de nos moeurs, ainsi de suite, mais je voulais au moins vous dire que je crois, pour l'avoir vérifié à plusieurs reprises... Vous avez semblé être très sensible à la liberté de presse, mais quant au

droit du public à l'information, êtes-vous au courant que, si on posait la question, si on faisait un sondage parmi les citoyens du Québec en leur demandant s'ils sont pour ou contre le maintien des sondages lors des campagnes électorales, selon mes vérifications, il y aurait un très fort pourcentage de citoyens qui diraient: On aimerait mieux qu'il n'y en ait pas?

Mme McNicoll: Ah vraiment?

M. Gendron: Vraiment! Je suis sûr de ce que j'avance, parce que dans les cas où je l'ai vérifié...

Mme McNicoll: Avec une méthodologie bien scientifique, M. le député? Ha, ha, ha!

M. Gendron: Je n'ai pas publié ma métholo-dogie, parce que je ne l'ai pas fait sur une base scientifique.

Mme McNicoll: Oui, oui.

M. Gendron: C'est juste pour vous dire que, quelquefois, quand même, il faut faire attention de véhiculer partout que ce qui vous préoccupe énormément, c'est le droit du public à l'information. De temps à autre, je pense que nous avons la responsabilité de côtoyer et de consulter le public, ce que je fais régulièrement. Dans mon cas, même si je suis d'avis qu'il est impossible de réglementer cette question, il faut laisser l'opinion et la liberté de presse pour communiquer les informations en campagne électorale. Je pense que la lecture que le public en fait en général - peut-être pas l'intelligentsia - c'est qu'il aimerait bien mieux avoir la paix qu'être influencé le jour même du vote par un sondage marteau qui conditionne effectivement l'opinion publique. Pourtant, on dit qu'il faut s'en accommoder. Je voulais au moins vous faire ce commentaire. Merci quand même de votre mémoire. Je pense qu'effectivement le Conseil de presse du Québec se doit d'avoir un avis sur des questions comme celles-là, parce que ce sont des questions très fragiles dans l'opinion publique et je pense que la presse est très concernée par l'opinion publique.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le député de Gouin.

M. Rochefort: M. le Président, d'abord un commentaire pour remercier les représentantes du Conseil de presse de leur participation. Je vous dirai que je considère que vous avez très bien défendu les mandats qui sont les vôtres. Toutefois, cela ne nous simplifiera pas la responsabilité qui est la nôtre. Cela dit, c'est ainsi fait. J'ai une seule question précise à vous poser: Dans la modification que vous souhaitez apporter à l'article 407.3 de la Loi électorale, vous nous dites que ne devraient pas être considérés comme des dépenses électorales les frais encourus par une personne, un groupe ou un organisme. La suite, vous la connaissez aussi bien sinon mieux que moi. D'accord?

Mme McNicoll: Oui.

M. Rochefort: Dans la mesure où vous nous dites qu'un groupe ou un organisme pourrait encourir des frais dans le cadre d'une campagne électorale, croyez-vous qu'il est cohérent de maintenir les dispositions actuelles relatives au financement des partis politiques qui interdisent à un groupe ou à un organisme de participer au financement d'un parti politique dans la mesure où vous dites: On leur donnera le pouvoir de s'exprimer sans aucune contrainte de quelque nature que ce soit quant au contenu, à la fréquence, à la quantité et aux sommes encourues?

Mme McNicoll: Là-dessus, comme je vous l'ai dit, le Conseil de presse s'est contenté d'une position de principe.

M. Rochefort: Mais là, je vous adresse la question un peu à vous.

Mme McNicoll: Oui, oui, je vous répondrai la même chose que j'ai répondue tout à l'heure à M. le député...

Une voix: ...d'Abitibi-Ouest.

Mme McNicoll: ...du Parti québécois, c'est que les enjeux ne sont pas les mêmes. Je pense qu'on a tort de considérer les... Oui!

M. Rochefort: Non, mais excusez, vous ne répondez pas à ma question.

Mme McNicoll: De considérer les tiers comme... Oui, oui, je réponds à votre question, attendez une minute! C'est que le parti politique et la compagnie, le groupe ou les personnes qui donnent dans une caisse électorale, ce qu'ils veulent, c'est de faire élire ce parti. Et c'est cela qu'on a voulu limiter, la caisse occulte. Les tiers et les groupes qui interviennent, qui ne sont pas des partis politiques et qui ne sont ni pour ni contre un parti, mais pour des questions d'intérêt public ou pour un accès aux décisions gouvernementales, leur but n'est pas le même. Je ne vous dis pas que cela ne pourra pas arriver, c'est certain. Mais le mal que l'on craint n'est-il pas moins grand que celui que l'on crée présentement en empêchant l'intervention des tiers? Je sais bien qu'il y a toujours deux côtés à une médaille. C'est cela ma réponse à votre question, M. le député...

M. Rochefort: Ah!

Mme McNicoll: ...c'est qu'effectivement, c'est une chose que l'on peut craindre. Mais on pense qu'actuellement le statu quo est pire que le mal que l'on peut craindre. À un moment donné, on pourra penser à des modalités d'exercice de ce droit. Ce que dit le Conseil de presse pour aujourd'hui, c'est: Restaurons ce droit, que la liberté d'expression comprenne aussi le droit de dépenser. Pour les modalités, on pourra voir plus tard. Mais pour le moment, concentrons-nous sur le principe. Si on s'écarte dès maintenant dans les modalités, je comprends que c'est la tâche du législateur et que nous sommes ici pour l'aider, mais je pense que c'est d'abord le principe qu'il faut restaurer.

M. Rochefort: Je veux seulement vous faire un commentaire avant de mettre fin à notre conversation. Je pense que vous idéalisez les gens qui ne font pas de politique par rapport aux gens qui en font, et l'inverse. Je vous dirai que le groupe qui aurait la volonté de souscrire à la caisse électorale de Pierre, Jean ou Jacques, c'est parce qu'il veut influencer le processus politique dans le sens de ses intérêts. Ce qui serait légitime, si nos lois le permettaient.

Le groupe qui veut acheter de la publicité dans un média d'information, dans le cadre d'une campagne électorale, veut faire exactement la même chose, il veut influencer les citoyens pour favoriser l'élection ou la non-élection de quelqu'un d'autre. Donc, vous semblez faire une distinction, mais d'un extrême à l'autre, et absolue entre les deux. Je vous dis que c'est exactement de même nature. Quelqu'un veut influencer par la participation à la caisse électorale d'une formation politique ou quelqu'un veut influencer par l'intervention directe, par de la publicité dans les médias d'information. C'est de même nature. Et c'est dans ce sens que je vous dis: De deux choses, l'une: ou vous nous dites: On ouvre aux groupes et on ouvrira aussi aux groupes dans les partis politiques. Sinon, il n'y a pas de raison pour qu'à des gens qui n'ont aucun droit comme électeurs - n'oublions pas ce dont on parle, on parle d'élections - à des gens qui n'ont aucun droit comme électeurs, l'on reconnaisse un droit particulier en dehors de toutes balises; je pense qu'il faut alors aller au-delà des principes. Pour autant qu'on veuille remettre en question certains principes, ce qui est légitime, il faudrait regarder quelles sont les modalités qui permettraient de le faire avant d'y aller. Vous savez, on ne peut pas prendre de risques et légiférer sur des choses sans se poser la question: Comment cela s'opérationnalisera-t-il une fois qu'on sera rendu devant? Si vous aviez une loi qui faisait que vous énoncez un certain nombre de principes, ou bien vous demanderiez aux législateurs de vous dire comment en assumer un certain nombre ou bien vous vous doteriez d'une réglementation, avant même d'appliquer le premier des principes qui est celui dont vous avez le mandat. C'est la même chose ici. S'il n'y a pas de modalités satisfaisantes, il n'y a pas de principes nouveaux créés. Je pense qu'il faut comprendre la situation dans laquelle nous sommes...

Mme McNicoll: Mais...

M. Rochefort: ...et dans laquelle vous nous mettez - et je vous le dis gentiment - et cela s'applique à la Commmission des droits et libertés de la personne et à presque tout le monde qui va vous suivre. Par une défense aussi absolue de vos principes, plus vous vous limitez - et c'est correct d'une certaine façon dans vos mandats - à défendre vos mandats, vos responsabilités, vos préoccupations, sans tenter de voir au niveau des modalités comment on pourrait concilier les vôtres et celles, non pas que les partis politiques mais que le Québec s'est données, par l'intermédiaire de l'Assemblée nationale, j'avoue qu'on ne progresse pas tellement, en tout cas ce n'est pas le sentiment que j'ai.

Mme McNicoll: Je vous ferai remarquer que je ne contredis pas ce que vous dites, sauf que je pense qu'il y a des gens et des groupes qui peuvent vouloir intervenir et qui, même autrement, ne contribueraient pas à des caisses électorales. Je pense qu'il faut laisser un créneau important aussi à ces gens-là. D'un autre côté, je vous ferai remarquer que ce dont le Conseil de presse parle, c'est pour faire connaître son opinion sur une question d'intérêt public ou sur des actions ou décisions gouvernementales. Je pense que, là aussi, il y a certaines balises d'éthique qui vont prendre forme.

M. Rochefort: Écoutez! On n'a pas le même point de vue et je respecte votre point de vue.

Mme McNicoll: Oui, on est bien d'accord avec vous.

Le Président (M. Marcil): Me McNicoll et Me Vaillancourt, au nom de cette commission nous vous remercions de vous être prêtées à cet exercice.

Mme McNicoll: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures précises.

(Suspension de la séance à 13 h 11)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Marcil): Bien, nous allons reprendre nos travaux. Maintenant, j'inviterais le Nouveau parti démocratique du Québec, représenté par M. Roland Morin, qui en est le chef, à s'approcher.

M. Morin, juste pour vous rappeler ainsi qu'à tous les intervenants de cet après-midi également que les interventions sont de 60 minutes. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, suivies d'un temps partagé des deux côtés de cette Chambre pour l'intervention des députés ministériels, des députés de l'Opposition, de même que des députés indépendants. Donc, M. Morin, nous vous souhaitons la bienvenue et je vous demanderais de débuter immédiatement.

Nouveau parti démocratique du Québec

M. Morin (Roland): Merci beaucoup. Je suis accompagné par M. René Denis, qui est le représentant officiel du NPD-Québec. Je vais vous lire tout simplement le mémoire et ensuite je serais heureux de répondre à vos questions, si vous en avez.

La Loi électorale du Québec remplit assez admirablement les objectifs de transparence du financement des partis, d'encadrement de ceux-ci dans un régime d'accréditation sérieux mais pas trop contraignant, d'indépendance de l'appareil chargé d'appliquer la loi vis-à-vis du pouvoir. C'était là l'intention du législateur à l'origine, et cette intention s'est traduite par un texte adéquat.

Il ne s'agit pas cependant d'une loi parfaite, qui a peut-être les défauts de ses qualités. L'indépendance du Directeur général des élections donne à ses décisions en l'absence d'un mécanisme de contestation d'accès facile, le caractère d'ukases un peu autocratiques ne laissant aucune place à la dissidence ou au redressement. Ainsi, des intervenants qui, entre les campagnes électorales, ont plein accès à la scène publique et peuvent louanger ou dénoncer à loisir les gouvernements, l'Opposition et tous les autres partis, se trouvent bâillonnés en temps de campagne. Il y a même lieu de se demander si un éditorialiste sérieux prenant parti pour tel ou tel candidat ou formation politique en période électorale ne risquerait pas lui aussi les foudres du DGE, sous prétexte qu'il s'agit d'une intervention visant à promouvoir l'élection d'un tel et à s'opposer à l'élection d'un autre.

Le financement populaire, principe bien intentionné s'il en est, a eu surtout pour résultat d'empêcher les mouvements populaires (syndicats, comités de citoyens, regroupements d'aînés, associations féminines, etc.) de participer de façon active à la vie politique du Québec en contribuant collectivement à l'animation des formations politiques capables de représenter vraiment leurs aspirations. On répliquera peut-être que du même coup, la loi interdit les contributions des grandes sociétés et de leurs représentants. Qu'il nous soit permis de signaler que ce qui se passe dans les salles de conseil des grandes corporations risque moins d'être connu, encore moins de frapper l'attention publique. S'il est vrai que le Québec est une société pluraliste, s'il est vrai que notre charte des droits protège les libertés individuelles et surtout la liberté d'expression, il y a lieu de se demander sérieusement si, en temps de campagne de financement des partis politiques ou en temps de campagne électorale, il existe une véritable égalité des forces entre le Conseil du patronat du Québec et le mouvement syndical, par exemple. Il est entendu que les puissances d'argent vont toujours trouver, grâce à l'ampleur de leurs ressources, le moyen de pistonner les hommes et les partis politiques qui font leur affaire et d'essayer de faire sombrer ceux qu'ils considèrent comme l'ennemi. Mieux vaudrait peut-être desserrer un peu les règles, quitte, ce que nous ne préconisons nullement par ailleurs, à permettre dans certaines limites des contributions et des interventions du monde des affaires pour accorder une franchise, sans laquelle notre pseudo-pluralisme politique est illusoire, aux intervenants du mil/eu qui représentent la masse de la population du Québec. Autrement dit, mieux vaut accorder voix au CPQ et à l'Association canadienne des manufacturiers si c'est la condition de l'octroi d'un droit de cité politique à tous les mouvements populaires à qui on devrait permettre de participer activement à la vie, à l'évolution politique du Québec. (15 h 15)

Le NPD du Québec n'a pas entrepris de faire un examen critique de tous les articles de la Loi électorale du Québec, nous n'en avons pas les moyens, nous n'en voyons pas la nécessité, car nous reconnaissons encore une fois que, dans l'ensemble, la loi qui nous semble parfois byzantine et tracassière à certains jours demeure quand même, objectivement, un document dont nous sommes capables de nous accommoder et qui ne brime pas plus qu'il ne faut notre développement. Il est certain que les modifications que nous proposons ne sont pas toutes exclusivement altruistes mais nous pensons qu'elles conféreraient une souplesse qui manque présentement du moins sur le plan de l'application de la loi et permettraient à ce qu'on est convenu d'appeler les tiers partis d'avoir de meilleures chances de succès et d'épanouissement.

Certaines de nos recommandations pourront répéter celles d'autres intervenants. Nous ne nous en excusons pas. Dans ce débat, ce qui compte c'est de doter le Québec d'un mode électoral qui lui permettra de vraiment devenir une société pluraliste, démocratique, tolérante et permissive où le bipartisme ne serait de rigueur que s'il reflète vraiment la volonté nettement exprimée de l'électorat.

Dans nos recommandations nous suivons l'ordre du Document de réflexion et de consultation qui nous a été transmis par le ministre.

La première recommandation: Financement par l'État des partis politiques. Nous avons à cet égard quatre recommandations qu'on pourrait intituler "égalité des chances" ou "chances au coureur".

1- Que le financement soit accessible à tous les partis ayant participé à l'élection générale précédente dans plus de 50 % des circonscriptions. 2- Qu'un financement minimum de 75 000 $ par année soit versé à tous les partis qui répondent à l'exigence ci-dessus. 3- Qu'un montant annuel maximum de 750 000 $ soit réparti en parts égales aux partis représentés à l'Assemblée nationale - l'allocation minimum de 75 000 $ étant comprise dans ce montant - mais aucun parti n'aurait droit à un financement supérieur à 250 000 $. 4- Que le statu quo demeure en vigueur pour les députés indépendants.

Un deuxième jeu de recommandations: Maximum autorisé des contributions. 1- Que le maximum soit porté à 3000 $ par année par parti autorisé. 2- Que soit permise une contribution annuelle maximum de 1000 $ par parti autorisé de la part d'organismes sans but lucratif (syndicats, regroupements de citoyens, clubs sociaux, fondations, etc. ). 3- Que des crédits d'impôt plus généreux soient accordés sur le total des contributions de chaque contribuable, par exemple 75 % des premiers 200 $, 50 % des 1000 $ additionnels, 25 % des 1000 $ additionnels (sous réserve d'un total maximum de 1000 $). 4- Que soit accordée à un électeur la possibilité de léguer par testament une somme égale à celle prévue à la première recommandation.

Un troisième jeu de recommandations: Intervention des tiers en période électorale. Nous référons ici les membres de la commission à certains passages du document de réflexion particulièrement aux pages 115 (1er, 2e et 6e paragraphes), 116 (avis de la Commission des droits de la personne, 2e et 3e paragraphes, entre guillemets), ainsi que le deuxième paragraphe de l'avant-propos du présent mémoire. 1- Modifier la définition de dépenses électorales pour exclure les frais engagés par des personnes ou groupes sans caractère politique partisan pour faire connaître leur opinion ou obtenir un appui. 2- Modifier la définition de dépenses électorales pour ne retenir à ce titre que les dépenses engagées par un candidat, un parti ou un groupe constitué aux seules fins d'influencer une élection.

Un quatrième jeu de recommandations: Diffusion d'écrits en période électorale. 1- Que soit exclue spécifiquement de la définition de dépense électorale la diffusion de certains écrits, en fonction du moment où leur édition a été achevée et où leur diffusion a débuté. 2- Que soient exclus de la définition des dépenses électorales les écrits dont le contenu n'ont aucune saveur partisane et dont la diffusion se fait selon les règles courantes du marché.

Mode de scrutin: Le Nouveau parti démocratique du Québec, dès son congrès de fondation, s'est officiellement prononcé en faveur d'un mode de scrutin proportionnel pour le Québec. Il est regrettable que l'idée de la proportionnelle, objet de réflexions, de débats et d'études depuis tant d'années, n'ait pas fait plus de chemin. Le chef du gouvernement précédent n'avait pas caché son approbation d'une telle réforme, mais des principes il n'est jamais passé à l'action.

La coalition pour la proportionnelle avait fait des démarches, rassemblé des Québécois éminents tous en faveur du principe du scrutin proportionnel mais ses efforts n'ont mené à rien en dépit de la sympathie exprimée par M. Lévesque au moment où il se préparait à quitter la vie politique.

Il est entendu, et nous le reconnaissons, que l'adoption d'un mode de scrutin proportionnel demande du courage de la part du gouvernement en place. Il faut pour cela placer les intérêts de la démocratie au-dessus des intérêts partisans et de la détermination de s'accrocher au pouvoir. Dans plusieurs pays européens, la proportionnelle existe depuis un certain temps et la démocratie ne s'en porte que mieux. On pourrait prévoir, dans un avenir prochain, une présence minime des tiers partis et encore là à la condition que les seuils d'accès à l'application des modalités d'attribution proportionnelle des sièges soit assez bas pour rendre cette présence possible. Il ne s'agirait pas d'une révolution, mais de permettre un débat politique élargi au-delà du bipartisme actuel.

La démocratie serait bien servie si la commission recommandait que l'Assemblée nationale adopte le principe du scrutin proportionnel. Les détails de l'application pratique du principe pourraient certainement être arrêtés à la satisfaction de la majorité des intervenants politiques au Québec, en peu de temps.

Nous espérons que les idées exprimées aujourd'hui auront contribué à l'avancement du débat et nous remercions la commission parlementaire de nous avoir invités.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Morin. Maintenant, je vais reconnaître M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Merci, M. Morin, pour votre présentation. J'ai certaines observations et certaines questions à formuler à votre égard. Dans l'ensemble, vous dites surtout que vous êtes satisfaits de la loi telle qu'elle existe. Il y a certaines améliorations, certains changements que vous suggérez dans votre mémoire. Mais, entre autres, dans la première page des avant-propos de votre mémoire, vous indiquez que l'indépendance du Directeur général des élections donne à ses décisions une absence de mécanisme de contestation. Justement, j'aimerais vous entendre sur ce point pour savoir quelle formule de mécanisme ou quelle sorte

d'appel vous préconisez. Est-ce que c'est un appel devant les tribunaux, un appel devant l'Assemblée nationale, un appel devant le Protecteur du citoyen? Qu'est-ce que vous voudriez mettre en place exactement pour que, lorsque le Directeur général des élections rend une décision quelconque, vous puissiez aller en appel de ces décisions?

M. Morin: Actuellement la situation, si je comprends bien, c'est que quand on veut en appeler de la décision du Directeur général des élections, il faut faire appel aux tribunaux. Les tribunaux ne fonctionnent pas avec une rapidité extrême dans ce pays et il peut bien arriver que vous ayez gain de cause, mais après que l'élection est terminée. Je pense qu'on devrait avoir un mécanisme beaucoup plus rapide qui ressemblerait peut-être à ce qu'on connaît dans le monde ouvrier, une espèce d'arbitrage accéléré ou une commission nommée d'avance de personnes indépendantes, peut-être un panel de juges, de deux ou trois juges, qui pourrait, sur appel d'une décision du Directeur général des élections, trancher immédiatement. Actuellement, vous avez la situation où, récemment, le Directeur général des élections fédérales, à la suite d'un jugement en Alberta, a modifié une directive qu'il avait déjà donnée, mais l'élection qui a eu lieu en Alberta et qui a motivé cette contestation de la décision du Directeur général des élections est passée depuis bien longtemps. Cela l'amène à changer son ordonnance maintenant, mais s'il y a eu mal, le mal est déjà fait.

M. Kehoe: Dans les autres juridictions, soit fédérales ou provinciales à travers le Canada, est-ce qu'il y a un mécanisme en place? Êtes-vous au courant s'il y a un mécanisme quelconque en place qui fonctionne actuellement?

M. Morin: Je ne pense pas, mais ce ne serait pas une raison de ne pas en avoir un au Québec.

M. Kehoe: Je suis d'accord avec vous mais, actuellement, pour savoir comment en implanter un qui soit à la hauteur de la situation et qui rende un verdict immédiatement, comme vous parlez de l'élection qui est passée et tout, il faudrait que la décision soit rendue dans les jours qui suivent une plainte formulée ou une décision prise par le Directeur général des élections. Il est bien difficile de préconiser quelle sorte de mécanisme on peut mettre en place.

M. Morin: Bien, je pense qu'il s'agirait, comme je vous l'ai dit tantôt, de créer un tribunal ou une commission de révision - appelez cela comme vous le voudrez - formé d'un petit nombre de personnes, trois ou quatre personnes au maximum, qui pourraient se pencher rapidement sur un problème et trancher, mettons, dans les 48 heures. Je pense que ce serait possible. Si c'est impossible, bien là, seulement l'usage nous dira si c'est impossible ou non. Mais à l'heure actuelle quand le Directeur général des élections rend une décision, et je ne mets pas du tout en doute, aucunement, la justesse de sa décision, mais si elle ne fait pas mon affaire, par exemple, ou si elle ne fait pas votre affaire, vous n'avez aucun recours. Vous n'avez aucun recours pratique et rapide.

M. Kehoe: D'accord. Sur les cinq recommandations, les différentes recommandations faites par votre parti, une des plus importantes est sans doute le financement par l'État des partis politiques. Évidemment, dans les recommandations que vous faites, il y a un changement radical avec la situation qui existe actuellement. La première question que je vous pose: Un financement direct et inconditionnel de l'État ne risquerait-il pas d'enlever toute initiative à des partis politiques pour aller chercher un appui populaire étendu? Comment voyez-vous la situation, à ce moment-là, si l'État paie tous les frais ou 50 % des frais des élections?

M. Morin: Je pense que lorsqu'il s'agit d'un parti qui n'est pas représenté à l'Assemblée nationale, comme c'est notre cas, ce n'est pas 75 000 $ qui nous permettent de bâtir du jour au lendemain une machine conquérante. C'est un minimum vital. C'est tout ce que cela donne. C'est entendu que ce n'est pas à l'exclusion de campagnes de financement et de levées de fonds parmi les sympathisants ou les militants du parti. Mais cela peut justement servir de base à un parti dont le "membership" est relativement restreint, mais qui a un message politique important à transmettre, d'avoir des moyens minimes, très minimes de le transmettre.

M. Kehoe: Et la formule que vous proposez ne prend pas du tout en considération le pourcentage de votes obtenus lors d'une dernière élection. Autrement dit, cela favorise la naissance de nouveaux partis politiques dans la province.

M. Morin: Je pense qu'on n'a pas besoin de stimulants pour favoriser la naissance de nouveaux partis politiques au Québec. Je ne sais pas, le Directeur général des élections est ici actuellement, il peut nous dire... Je ne sais pas quel est le dernier décompte, mais aux dernières nouvelles il y avait quelque chose comme 16 ou 17 partis politiques au Québec. Alors, même sans financement, il semble y avoir au Québec un appétit de former des partis politiques actuellement.

M. Kehoe: Mais la question du pourcentage des votes reçus lors de la dernière élection n'entre pas en considération dans la formule que vous préconisez ici?

M. Morin: Non. Mais si jamais il y avait un pourcentage quelconque adopte dans la loi, on s'en accommoderait; pour notre part on essaiera de l'atteindre. Mais je pense qu'un parti, à quelques exceptions près, qui vient à bout de présenter, dans les 122 circonscriptions du Québec - qui vont passer à 125, je pense, avec la nouvelle révision - 75 députés ou 75 candidats, est un parti qui a tout de même un certain nombre de racines, même s'il n'en a pas autant que les deux partis qui sont actuellement représentés à l'Assemblée nationale. Et si ce parti-là a un message à transmettre, les 75 000 $ par année peuvent peut-être l'aider à franchir une étape subséquente de son développement. Le parti qui est totalement farfelu, même s'il présente des candidats dans tous les comtés, va disparaître. S'il n'a pas de message, il va disparaître.

M. Kehoe: D'accord. Quant à la deuxième de vos recommandations concernant le minimum autorisé de contributions, je me pose une question. Est-ce que l'ouverture de contributions à certaines personnes morales, même si c'est limité aux organismes sans but lucratif, ne nous éloigne pas de l'objectif initial que le financement se fait seulement par des électeurs? N'est-ce pas un pas en arrière plutôt qu'un pas en avant de donner la permission à des organismes à but non lucratif de contribuer au financement lors de campagnes électorales?

M. Morin: Je ne pense pas. Je pense qu'il y a beaucoup d'organismes sans but lucratif qui représentent des couches de l'opinion publique, qui représentent des tranches de population, qui représentent des intérêts dans la population du Québec et que ces regroupements-la se trouvent actuellement incapables de participer directement ou indirectement à l'activité politique au Québec, surtout en temps de campagne électorale. Mais ce n'est pas l'objet... La contribution que je vois ici est tout de même minime. C'est le tiers du maximum autorisé pour un particulier. Je ne pense pas qu'une contribution de 1000 $ de l'association de chasse et pêche de je ne sais pas trop quel village pourra vraiment influencer le résultat du vote ou acheter la conscience du candidat. Et je pense que l'objet de la loi c'était d'assurer que les candidats soient financés par le peuple, par la population votante du Québec. Je pense que ces groupements devraient pouvoir, de façon organique, influencer le débat politique au Québec par le truchement d'une contribution à un parti politique. Rien ne les oblige. Le fait que cela soit permis n'est pas une obligation. (15 h 30)

M. Kehoe: Une autre de vos recommandations concernant les contributions testamentaires est très intéressante et c'est quelque chose de nouveau dans la loi. C'est la première fois que cela existe dans la province de Québec. Par quelle formule, quel mécanisme, quelle manière prétendez-vous mettre en place une telle forme de contribution? Est-ce que ce sera sujet aux mêmes dispositions et aux mêmes règles qui existent actuellement? Comment mettrez-vous une telle formule en vigueur?

M. Morin: C'est une fois, évidemment on ne meurt qu'une fois. Au moment du décès, par testament, le montant prévu pour un particulier, c'est-à-dire un maximum de 3000 $ par parti politique.

M. Kehoe: Est-ce que cela peut être 3000 $ par année pour une période de quatre ou cinq ans ou est-ce un montant minimal de 3000 $ par année pour une fois?

M. Morin: Une fois.

M. Kehoe: Seulement une fois.

M. Morin: Oui. Remarquez que dans d'autres juridictions il n'y a pas cette restriction-là. Elle n'existe pas dans d'autres juridictions où il est possible de léguer de l'argent à des partis politiques.

M. Kehoe: Dans le régime fédéral il peut contribuer par...

M. Morin: Non. En Alberta entre autres. M. Kehoe: Et au fédéral?

M. Morin: Au fédéral je ne le sais pas. Je me désintéresse de la politique fédérale.

M. Kehoe: Non, mais... D'accord.

En ce qui concerne les interventions des tiers durant les périodes électorales, comment éviter que les campagnes électorales ne soient prises en charge, à toutes fins utiles, par des grands "lobbies" laissant ainsi l'électeur sans protection et mettant en péril les objectifs d'une égalité des chances et l'indépendance des partis politiques? Si tout le monde peut intervenir dans une campagne électorale, quelle protection a l'électeur dans le processus?

M. Morin: Écoutez, encore là on revient aux groupements sans but lucratif, aux représentants des différentes classes sociales au Québec. Entre les campagnes électorales ils sont libres de faire toutes les interventions qu'ils veulent, absolument toutes. J'ai confiance qu'en période électorale même si ces personnes, qu'on considérait comme des tiers non autorisés à faire de la politique, se mêlaient de pistonner un candidat ou d'essayer d'en détruire un autre ou un parti, je pense que les électeurs québécois ont atteint le niveau de maturité qui leur permettrait de faire le tri dans tout cela et d'en arriver à une décision juste. De toute façon, je ne pense pas que si on permet à tous ces intervenants de

s'exprimer il y aura un effet de contrepoids qui s'exercera. En définitive, ce qui arrivera probablement, c'est qu'il y aura plus d'idées mises sur la table pendant une campagne électorale et je ne pense pas que ce soit mauvais.

M. Kehoe: Merci, M. Morin.

Le Président (M. Marcil): M. le député d'Abitibi-Ouest et représentant de l'Opposition.

M. Gendron: Je voudrais remercier M. Morin au nom de ma formation politique d'avoir accepté de venir livrer quelques réflexions concernant les modifications proposées, en particulier sur l'aspect quand même tout à fait concret et pragmatique des recommandations. On peut être pour ou contre, c'est un autre niveau mais au moins vous avez le mérite d'avoir apporté quelque chose de très concret sur les sujets qui vous intéressent bien sûr. Au nom de ma formation politique je vous en remercie.

Je pense que vous avez bien campé au départ que la Loi électorale n'est pas parfaite, bien sûr, parce que c'est une loi humaine mais, tout compte fait, c'est quand même un encadrement qui répond passablement aux objectifs d'une société qui se veut la plus démocratique possible. Que vous ayez intitulé votre mémoire Vers une plus grande démocratie politique témoigne déjà que vous constatez que la loi en soi répond à plusieurs de ces objectifs-là, mais c'est notre responsabilité à nous tous et à vous, comme citoyens, d'apporter les améliorations requises.

J'ai un premier commentaire et ensuite une question. Vous avez, comme d'autres, indiqué que pour ce qui est de l'intervention des tiers en période électorale... Et je pense que cette question va revenir dans presque tous les mémoires parce qu'elle préoccupe presque tous les intervenants. On dirait qu'il y a une espèce d'engouement naturel lors d'une période électorale à plus d'expression et, en soi, je trouve cela sain et normal en démocratie. Ce qui m'étonne un peu, c'est de ne pas vouloir jouer les règles qu'on impute aux partis politiques parce qu'à ce moment-là, si on veut avoir une capacité d'expression plus grande - en tout cas, en ce qui me concerne - il me semble que cela doit être ouvert à tout groupe, organisme ou société, mais dans les règles qu'on établit à ceux qui, en règle générale, représentent la grande partie politique, la grande "game" politique lors d'une campagne électorale et cela inclut, bien sûr, les tiers partis, d'autres partis qui ont des modes d'expression aussi utiles.

Ma question est la suivante. Vous avez indiqué dans votre mémoire que, quant à vous, il s'agirait simplement de modifier la définition de dépense électorale pour exclure les frais engagés par des personnes ou groupes sans caractère politique partisan, ceux-ci, cependant - vous ajoutez - pour faire connaître leur opinion ou afin qu'ils obtiennent un appui dans un sens ou l'autre. Alors, c'est là que j'ai des problèmes. Qui aurait la responsabilité de définir le caractère non partisan pour que, effectivement, ces intervenants soient exclus du canal prescrit par les dépenses électorales, surtout avec le jugement que vous avez porté au préalable sur la dimension autocratique du DGE et j'aimerais vous entendre là-dessus à partir du moment où on constate que c'est vrai, et là je ne parle pas seulement d'être autocratique, je dis que le législateur a choisi, à un moment donné, dans cette période plus intense, un petit peu plus fragile quant aux consensus compte tenu des débats, que cela prend un décideur.

M. Morin: C'est entendu. Vous avez parfaitement raison de dire que cela prend un décideur. Ce n'est pas du tout ce que je mets en doute. Cela étant dit, il faut qu'il y ait quelqu'un, une sorte d'arbitre qui, à un moment donné, décide que c'est ça.

Évidemment, ce n'est pas une partie de hockey ou une partie de baseball. Quand l'arbitre prend une décision au baseball ou au hockey, c'est final. Mais, dans une chose aussi importante que la politique, il faut reconnaître que, même si la personne qui agit à titre d'arbitre a toutes les qualités voulues pour être un bon arbitre, il peut lui arriver de faire erreur. Dans ce cas-là, par exemple, je me pose des questions en matière de droit de la personne. Est-ce qu'on préférerait que quelqu'un, à un moment donné, au cours d'une campagne électorale, s'attaque au Directeur général en invoquant la Charte des droits et libertés de la personne et que ça traîne devant les tribunaux, que ça monte toute l'échelle jusqu'à la Cour suprême du Canada et que la décision soit changée et que la loi soit modifiée indirectement par la Cour suprême? Ne serait-il pas mieux d'ouvrir un peu l'éventail, ici, chez nous au Québec, plutôt que de laisser une cour quasi étrangère trancher là-dessus?

Je pense qu'il serait peut-être préférable justement qu'il y ait une certaine souplesse. Qu'on essaie de réduire ça jusqu'à un certain point, je n'ai pas d'objection; je n'ai pas d'objection à ce que, à un moment donné, les intervenants se branchent et, s'ils se branchent politiquement et embarquent carrément derrière un parti politique, qu'ils soient considérés comme partie prenante de ce parti politique-là, d'accord. Mais quand des critiques sont formulées de façon absolument... il y a des groupements qui ne veulent absolument pas s'identifier à aucune formation politique, mais qui peuvent quand même à l'occasion vouloir blâmer un politicien ou un autre, s'en prendre à un gouvernement ou à l'Opposition, s'en prendre même à des partis qui ne sont par représentés à l'Assemblée nationale, et là on les empêche de le faire, alors que, dans tout le reste de l'année ou dans tout l'intervalle entre les campagnes électorales, ils peuvent le faire impunément en vertu de la liberté de presse et de la liberté de parole. Si on brime leur

liberté de parole en temps de campagne électorale, on risque, je pense, de se retrouver à un moment donné devant les tribunaux avec ça.

M. Gendron: Oui, mais pourriez-vous être un peu plus précis? Qu'est-ce que vous entendez par brimer la liberté d'expression en campagne électorale, lorsqu'on décide tout simplement qu'il y a une règle et que ces gens-là s'exprimeront autant qu'ils voudront, mais qu'ils suivront les mêmes règles qu'on impute, comme je l'ai dit tantôt, à ceux qui jouent - c'est une expression juste pour se comprendre - la grande campagne électorale, donc incluant les groupes, les parties. Alors si on dit ça, une expression d'opinion à ce moment-là doit être interprétée selon des règles de financement qu'ont les partis politiques. D'après vous, qu'y a-t-il d'odieux à exiger cela de tous les groupes puisque tous ceux à qui on en parle nous disent la même chose. Premièrement, ils ont de la difficulté à identifier qui devrait porter le jugement quant à la sélectivité de ceux qui ne sont pas partisans versus ceux qui le sont. J'ai un blanc de mémoire par rapport à l'expression que certains ont utilisée, du genre: pour autant qu'on ait l'assurance qu'ils ne sont pas liés avec un autre groupe. Comment voulez-vous mettre cela en preuve? Pour autant qu'on sache qu'il n'y a pas de visée politique, à partir du moment où un groupe veut s'exprimer d'une façon particulière, M. Morin, dans une campagne électorale, croyez-vous que d'ores et déjà on peut conclure qu'il a des visées politiques?

M. Morin: Une raison pour laquelle je pense qu'il faudrait qu'ils soient exclus des dépenses électorales c'est que, dans certains cas, cela pourrait peut-être faire basculer certains partis politiques dans l'illégalité alors qu'en fait ce peuvent être des appuis non sollicités. Si c'est un appui sollicité, là il y a collusion, c'est autre chose. Mais si c'est un appui non sollicité, par exemple, un parti politique, et que le coût de l'appui est calculé de façon tangible à X milliers de dollars et que cela force le parti, autrement dit, à dépasser la limite permise des dépenses électorales alors qu'en fait il n'y a pas eu de sollicitation, il n'y a pas eu de collusion.

S'il y a eu sollicitation, s'il y a eu collusion, vous avez probablement raison de dire qu'il faudrait imposer des limites. Mais si c'est une expression tout à fait spontanée d'un groupement non politique, et je cite l'exemple dans l'avant-propos de l'éditorialiste, il peut à un moment donné, et je sais qu'à l'occasion il ne se gêne pas pour dire: J'appuie tel candidat, tel autre candidat et tel autre candidat. Comment cela est-il considéré? Est-ce considéré comme une contribution à une campagne politique?

M. Gendron: J'ai également une autre question concernant le financement. Je trouve que sur le financement il y a des points de vue que j'espère que le ministre va regarder. Il y a des affaires, il me semble, qui devraient être creusées davantage, en particulier lorsqu'on souhaite qu'il y ait un financement minimal pour tous les partis qui auraient répondu à un minimum d'exigences de représentativité. Je pense que c'est un préalable que vous posez dans le premièrement, avant de parler des 75 000 $, en disant: Préalablement, si un parti est présent dans plus de 50 % des circonscriptions, on commence à vouloir avoir une représentativité nationale indépendamment des résultats en fin de compte. Je ne suis pas réfractaire et je ne suis pas insensible au fait que l'État assume une partie d'un financement de base en sachant très bien que ce n'est sûrement pas avec un montant de 75 000 $ qu'on va faire votre campagne et que l'État ferait votre campagne.

Là où je suis le plus surpris cependant, et cela ne veut pas dire que je ne sais pas pourquoi, mais je pense qu'on est mieux de poser la question sur le fond avant de la poser sur la raison pour laquelle vous suggérez, surtout un parti social démocrate, d'ouvrir la Loi sur le financement des partis politiques voulant que des groupes de pression, quels qu'ils soient... Et ce n'est pas péjoratif quand j'emploie cette expression, que ce soient des bons groupes de pression, peu importe, il n'en demeure pas moins qu'il me semble que la société on a fait une distinction entre des intervenants, quels qu'ils soient encore là, et des électeurs au sens de personnes physiques. Je trouve que c'est chambarder complètement l'esprit du financement des partis politiques, peu importe la somme, 10 $ ou 15 $, je m'en fous. À partir du moment où on dit à des groupes de pression, des organismes: Dorénavant, vous aurez le droit de financer directement un parti politique, il me semble, M. Morin, que c'est plus liant pour quelque gouvernement que ce soit. Encore il y a quelques minutes, je consultais une liste d'organismes de mon comté qui reçoivent, d'une part, directement des crédits de l'État, d'autre part, des crédits dits dans les enveloppes hors normes ministérielles ou de députés. Je me suis arrêté là. C'était juste pour faire une illustration pour dire que ce n'est pas du tout de même nature. Une souscription d'un électeur serait de 5 000 $, ça ne me dérange pas du tout. Je ne me sens pas lié comme législateur après. Il me semble que je serais au gouvernement et l'électeur qui m'a donné 4000 $ ou 5000 $ - cela, c'est à titre d'exemple, je sais que le plafond est de 3000 $ - je ne me sens pas lié... Mais un organisme qui commence à subventionner les partis politiques et qui m'envoie une lettre pour dire: M. Gendron, seriez-vous d'accord pour nous aider dans votre hors normes, ça n'a pas la même signification si je sais qu'il a contribué à ma formation politique comme organisme et non plus comme individu. Au-delà de la raison très connue pour laquelle vous demandez cela, même si vous disiez tantôt que le fédéral ne vous intéresse pas tellement, on connaît votre problème et je n'en parlerai pas plus longuement.

(15 h 45)

Au-delà de cela, qu'est-ce qui vous amène à faire ce virage? Il me semble que ce n'est pas vous autres qui avez écrit cela. Pourtant, je le lis dans votre mémoire. Alors, là, j'ai un problème. Je me dis: Où ont-ils pris cela de penser qu'on peut, dans une loi sur le financement des partis politiques incluse dans la Loi électorale, dire que dorénavant on acceptera du financement de la part de groupes, d'organismes directement aux partis politiques? Quelles sont les raisons qui vous motivent à prétendre qu'il faudrait faire ce virage-là?

M. Morin: D'abord, je pense qu'il y a une source de financement possible. Vous remarquerez que le montant maximum recommandé est tout de même minime. Je ne pense pas que l'organisme dans votre comté qui va contribuer soit à l'ensemble du parti, soit à vous-même au cours d'une campagne, d'une somme de 1000 $ va vous attacher avec une grosse ficelle. Cela m'étonnerait. Je pense que la plupart des députés ici présents valent plus que 1000 $. Ce n'est tout de même pas de quoi acheter la conscience de qui que ce soit.

M. Gendron: Juste une seconde, M. Morin. Êtes-vous au courant qu'il y a des organismes comme ceux dont vous parlez... Là, je trouve qu'on tombe sur un terrain glissant, c'était plus au niveau des principes. Êtes-vous au courant seulement sur le plan des faits que des organismes dont vous dites que la ficelle ne serait pas grosse sont demandeurs chez nous et qu'ils sont récepteurs pour 300 $, 400 $, 500 $ quelquefois? Il faudrait au moins que vous sachiez cela. Il y a plus de 10 000 organismes au Québec qui reçoivent des subventions inférieures à 500 $. S'ils contribuent pour 1000 $, je vois le genre de lettre qu'ils me feraient, je vois le genre de lettre que je recevrais. En tout cas! Je voulais juste faire cette nuance, mais il reste...

M. Morin: J'imagine que celui qui reçoit une subvention de seulement 500 $, vous ne contribuerez pas pour 1000 $. Ha, ha, ha!

M. Gendron: Ce n'est pas du donnant donnant.

M. Morin: Non, c'est simplement une ouverture sur des groupes qui peuvent à l'occasion... Je ne dis pas qu'il va y en avoir des tas...

Le Président (M. Marcil): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Je veux saluer les gens du NPD-Québec. La première question que je voudrais vous adresser est relative aux propositions que vous faites quant au financement par l'État des partis politiques.

La première proposition que vous faites, c'est que le financement soit accessible dans le cas où une formation politique a présenté des candidats dans au moins la moitié des circonscriptions à l'élection qui précède. Dans une réponse que vous avez faite, je pense, au député de Chapleau, vous avez dit qu'évidemment, si jamais il y avait aussi un plafond, un pourcentage de votes obtenus qui était ajouté à cet élément, vous vous organiseriez pour tenter de l'atteindre. Pouvez-vous me dire à vos yeux quel serait le pourcentage de voix recueillies par une formation politique qui lui permettrait d'avoir accès à un financement par l'État dans la mesure où les parlementaires décideraient que cela prend aussi un pourcentage de votes obtenus?

M. Morin: Je pense qu'il devrait y avoir les deux conditions. D'abord, il est à peu près impensable qu'un parti qui présenterait par exemple 20 candidats puisse atteindre quelque chose de plus de 1 %. Je pense qu'il serait possible et que ce serait acceptable qu'on considère deux conditions. D'abord un certain nombre de candidats en pourcentage, 50 %, 60 % ou même 75 %; le chiffre avancé ici est seulement un indicateur. Il faudrait au moins que ce soit plus de la moitié. Si on attachait un pourcentage à cela, mais pas nécessairement un pourcentage dans le genre de celui qui est attaché au remboursement des dépenses électorales où le seuil est placé à 20 % - c'est très haut - il faudrait que ce soit quelque chose d'un peu plus faible que cela - je ne sais pas, 4 %, 5 % ou 6 %, quelque chose comme cela. Je tiens à dire que sur la foi du résultat de 1985, on n'aurait pas eu le droit s'il y avait eu un pourcentage à 5 %, mais on aurait eu le droit parce qu'on a présenté plus de 50 % des candidats.

M. Rochefort: Alors, vous dites...

M. Morin: il y a un autre parti qui a présenté 110 candidats, mais il est disparu dans la brume après.

M. Rochefort: C'est cela. Donc, vous ne nous dites pas l'un et l'autre, vous dites l'un ou l'autre.

M. Morin: Cela pourrait être l'un et l'autre, à condition que ce soit plus pondéré, plus dans le sens du nombre de candidats que du pourcentage.

M. Rochefort: Je suis heureux de l'allusion que vous avez faite parce que je voulais justement revenir là-dessus, on sait très bien de qui l'on parle. Il y a quelqu'un qui a formé un parti politique sur le coin d'une table ou presque, qui a présenté des candidats, sauf erreur, dans toutes les circonscriptions électorales.

M. Morin: Cent dix.

M. Rochefort: On sait très bien que ce n'était pas suffisant pour justifier quoi que ce soit par la suite. C'est en ce sens-là que, à mes yeux, il faut absolument qu'une règle comme celle d'un pourcentage de voix obtenues soit respectée pour justifier une telle contribution de l'État, sinon on risque de se retrouver dans une situation où on permettrait artificiellement à des - je ne sais pas comment les qualifier -choses comme celles-là de se perpétuer simplement par l'apport financier d'une contribution de l'État sans aucune assise électorale, sans aucun enracinement dans la population. Je vous remercie, c'est la seule question que j'avais.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de Gouin. En conclusion, M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, je voudrais évidemment remercier M. Morin et le parti qu'il représente, dont il est le chef d'ailleurs, de leur présentation et de leur contribution à nos travaux. J'ai noté que dans plusieurs cas les recommandations que vous faites recoupent certains consensus qui ont été dégagés, par exemple, en comité de parlementaires, notamment en ce qui a trait au financement par l'État des partis politiques. Nous avions, je pense, et nous avons un consensus sur le fait que l'État devrait accorder une aide financière à des partis politiques autres que ceux qui sont représentés à l'Assemblée nationale. Pour donner une indication, on avait parlé d'une possibilité d'accorder une aide financière qui serait d'un minimum de 50 000 $ - là, le quantum peut être discuté et on en discutera sûrement - à tout parti qui recueillerait 3 % ou 5 % des suffrages à une élection générale, plutôt que de le coller au nombre de candidats.

Votre recommandation de limiter les contributions aux partis politiques à une somme de 3000 $ par parti plutôt que 3000 $ pour l'ensemble des partis, je pense, fait l'objet d'un consensus également. Elle devrait, normalement, se retrouver parmi les amendements qu'on va proposer à la Loi électorale de même que la recommandation quant à la diffusion de certains écrits en campagne électorale en fonction de la date de leur publication ou de leur édition ou de leur diffusion; sur cela aussi, je pense que nous avons un consensus qui pourra se traduire par un amendement à la Loi électorale.

Un des points où nous sommes, évidemment, en désaccord, c'est sur la question du scrutin proportionnel. Autant on en a parlé, au sein du Parti libéral du Québec, cela a fait l'objet de nombreuses discussions... Lorsque vous dites, à la page 5 de votre mémoire, que les détails de l'application pratique du principe du scrutin proportionnel pourraient certainement être arrêtés à la satisfaction de la majorité des inter- venants politiques au Québec en peu de temps, je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Il faudrait en prendre à témoin les membres de l'ancien gouvernement qui avaient cela comme engagement électoral et qui, pendant deux mandats, n'ont pas réussi à faire le consensus au sein de leur propre formation politique. Je ne le dis pas pour dénigrer de quelque façon, mais cela illustre bien la difficulté qui existe justement à faire le consensus sur les modalités d'un scrutin proportionnel.

Nous, au Parti libéral - je veux que ce soit très clair - nous avons fait un consensus pour ne pas retenir la formule du scrutin proportionnel pour les raisons que le premier ministre a déjà évoquées et qu'on évoquera sûrement au cours des travaux de la commission parlementaire. Je souscris à votre droit le plus strict de venir nous faire ces représentations et c'est bon que vous le fassiez parce que, justement, cela nous obligera, nous qui ne partageons pas ce point de vue-là, d'expliquer pourquoi au moment opportun.

Alors, en terminant, M. Morin, merci infiniment de votre contribution. Soyez assuré que nous continuerons de tâcher de vous associer à la démarche que nous avons entreprise depuis un an et qui, je l'espère, aboutira dans les mois qui suivent.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre. Merci beaucoup, M. Morin. Au nom de cette commission, je vous remercie de vous être prêtée à cet exercice.

J'invite maintenant l'Union Nationale, représentée par M. Michel LeBrun, chef intérimaire, à s'approcher et à prendre place. M. LeBrun.

M. Boudreau (Laurent): Laurent Boudreau. Le Président (M. Marcil): Monsieur?

M. Boudreau: Laurent Boudreau, président de l'exécutif de l'Union Nationale.

Le Président (M. Marcil): Président de l'exécutif et M. LeBrun?

M. Boudreau: C'est exact.

Le Président (M. Marcil): Donc, vous connaissez les règles de procédure. Je vous invite immédiatement à présenter votre mémoire.

Union Nationale

M. LeBrun (Michel): Messieurs et mesdames, c'est avec grand plaisir qu'on participe aujourd'hui de nouveau à une assemblée d'une commission parlementaire. Je pense que la question de la Loi électorale et de la réforme de la Loi électorale, c'est quelque chose de central dans tout système démocratique. C'est central parce

que c'est quelque chose qui nous permet d'accéder au pouvoir. C'est ce qui détermine la lutte vers le pouvoir. Or, l'Union Nationale aimerait que la Loi électorale soit plus simple, plus équitable et plus démocratique et, ce disant, on aimerait aussi que tout ce qui est arbitrairement fixé soit un peu écarté.

Pour être honnête avec vous, je pense que comme cette loi s'applique à tous les citoyens, elle devrait être suffisamment simple pour que tous les citoyens comprennent bien comment elle fonctionne. C'est dans ce sens-là que les recommandations ont été faites. D'abord, on aimerait que cette loi soit claire, limpide et simple.

Dans un deuxième temps, on aimerait aussi mentionner que, pour le moment encore, on fait partie d'un régime fédéral. J'écoutais par exemple le Conseil de presse parler ce matin; j'écoutais aussi la Ligue des droits et libertés et on a toujours fait référence à la Charte des droits et libertés du Québec, mais on ne peut parler de la charte canadienne. Pourtant, avec les causes de jurisprudence que vous avez eues justement ce matin, celle de l'Alberta, par exemple, qui réfère aux articles de la Charte, il y a énormément de choses qui vont changer dans la Loi électorale et qui doivent changer. J'aimerais seulement attirer votre attention sur le fait qu'il est important que la loi et le droit électoral du Québec soient en conformité avec le droit fédéral. Je vais y revenir tout à l'heure. Si vous le permettez, nous allons regarder ensemble les quelques éléments du mémoire qui vous a été présenté.

D'abord, en ce qui concerne l'accessibilité au processus électoral, c'est un point un peu mineur; cependant, nous pensons que c'est un élément central du droit électoral. Pour cette raison, nous pensons qu'effectivement tout citoyen canadien a le droit de vote et est eligible aux élections législatives fédérales ou provinciales. Cela ne découle pas seulement de la charte du Québec, mais aussi de la charte canadienne et c'est important de regarder tout citoyen canadien. Selon nous, il serait donc important de favoriser le vote et, pour ce faire, il est important de faire en sorte que le processus de votation soit accessible aux citoyens qui ont de la difficulté à mettre en branle actuellement le processus de votation. Je pense par exemple aux personnes handicapées, à ceux qui voient peut-être un peu moins bien, à toutes les personnes qui ont de la difficulté à se déplacer. Ce matin, le député de Gouin disait: il serait peut-être possible de faire en sorte d'aller au domicile même des personnes. Je pense que c'est là une avenue fort intéressante; on devrait faire en sorte de favoriser le vote itinérant pour les personnes incapables de se déplacer.

Nous favorisons aussi tous les éléments informatifs par rapport à l'élection. Par exemple, pour le sigle pour les personnes analphabètes: mettre le sigle sur les bulletins de vote, c'est un minimum, cela ne coûte pas très cher, ce n'est pas très difficile à faire et ce serait une innova- tion qui serait très acceptable. (16 heures)

Le deuxième point de votre mémoire a été l'intégrité et la fiabilité du processus électoral. Récemment, j'étais candidat dans la circonscription d'Anjou. En faisant du porte à porte, beaucoup de citoyens ont mentionné que les recenseurs avaient fait un travail un peu déficient. Je pense que ce travail de recensement devrait être fait de manière plus serrée. Si c'est important d'élargir le droit de vote à de nouvelles catégories de personnes, je pense qu'en même temps c'est important de raffermir les balises qui nous permettent de contrôler que ce sont les bonnes personnes qui vont voter. Dans ce sens-là, nous favorisons l'élaboration d'une liste électorale permanente et intégrée qui devrait pouvoir, à un moment donné, servir aux niveaux municipal, provincial et scolaire.

Je pense que les développements informatiques qu'on réussit nous permettent d'entrevoir une liste électorale de ce type. Cela nous permettrait des développements démocratiques fort importants, comme en ce qui concerne la consultation populaire sur des éléments donnés.

Le troisième point porte sur les conditions de candidature que vous retrouvez à la page 5. Les membres du comité semblaient préconiser, quant au droit à l'éligibilité, de mettre plus de candidatures sur le bulletin de candidatures. Nous pensons que le droit à l'éligibilité est un droit qui ne devrait pas dépendre des autres. C'est un droit un peu intrinsèque. Face à cela, je pense que ce ne serait pas une bonne formule d'augmenter le nombre des signatures sur les bulletins de candidature. On devrait même penser à les réduire, mais à faire que, cette fois-ci, les candidats ou les mandataires des candidats puissent certifier qu'ils connaissent bien les personnes qui signent le bulletin de candidature. Vous savez comme moi qu'il est bien possible que certains mandataires ou candidats à l'élection ne connaissent pas les 60 candidats, c'est-à-dire les 60 signatures qui doivent être mises sur le bulletin de candidature.

Les points suivants sont plus importants. Le point sur le financement des partis politiques, on en a parlé beaucoup. Notre position, elle est simple: il faudrait que ce financement soit fait de manière réellement proportionnelle au soutien populaire. Si vous le permettez, je vais vous lire le début du texte. Je pense que cela va vous donner tous les éléments.

Le financement des partis politiques par l'État. Actuellement, les articles 358 à 364 permettent aux partis représentés à l'Assemblée nationale de séparer au prorata des votes valides une enveloppe de près de 1 200 000 $. C'est la subvention que vous avez pour siéger ici, soit près de 0,25 $ par électeur inscrit sur les listes électorales. Comme il n'y a que deux partis représentés actuellement, cela implique que les électeurs ayant voté pour d'autres formations politiques ou ceux qui se sont abstenus subven-

tionnent, à même leurs impôts, des partis dont ils ne voulaient pas. Nous pensons que cela devrait être la base, c'est-à-dire que la base devrait être la volonté des gens qui votent; cela devrait être au prorata, mais directement au prorata du soutien populaire.

Le même raisonnement s'applique toutes les fois qu'on conditionne ce financement public à un seuil de votes arbitrairement fixé. Tout à l'heure, vous parliez d'un seuil de 3 % à 5 %. Il est beaucoup plus simple et plus démocratique d'établir un financement directement proportionnel aux votes obtenus. Ainsi, un électeur qui déciderait de voter pour un tiers parti quelconque déciderait en même temps d'allouer à ce tiers parti la somme qui lui correspond en termes de votes valides obtenus, soit la somme d'à peu près 0,25 $.

Nous pensons qu'en ce qui concerne le remboursement des dépenses électorales, le même principe devrait être appliqué, c'est-à-dire au prorata des votes valides obtenus jusqu'au maximum des dépenses encourues. Finalement, c'est à peu près l'idée générale et le principe général concernant le financement des partis politiques. Je pense que dans notre système politique, avoir 3 % ou 5 % des votes dépendant du contexte lorsque le contexte est polarisé, comme c'est le cas actuellement, c'est parfois un peu difficile. Tandis que lorsqu'on a un financement qui est au prorata des votes obtenus, cela permet à tous les tiers partis d'exprimer ce qu'ils ont à exprimer. Je pense que c'est important que des partis politiques, même petits, expriment de nouvelles idées.

L'avant-dernier point se situe en regard de l'intervention des tiers dans la campagne électorale. Beaucoup en ont parlé. Au Québec, les dépenses électorales sont contrôlées. Le contrôle des dépenses électorales n'est pas en soi un objectif. Le but visé par le contrôle des dépenses électorales est de permettre une équité de base entre les candidats. Ça, c'est important. Cela devrait être une équité de base. Cela ne veut pas dire égalité cependant. Cette équité de base doit se refléter aussi à travers la couverture média. Il faut comprendre que, dans un monde de diffusion de masse, le gros des dépenses électorales sert justement à avoir cette couverture média. En période électorale, laisser les médias donner la couverture à ceux qu'ils choisissent à partir de leurs critères à eux, qui ne sont pas nécessairement neutres et apolitiques, c'est permettre au monde des médias de faire et de défaire les gouvernements et les partis. Donner l'opportunité au monde des médias de couvrir à leur seule discrétion seulement ceux qu'ils décident de couvrir, c'est ouvrir la porte à la dictature d'une classe de personnes, et c'est amoindrir dans la même mesure le sens du processus démocratique que constitue une élection. Or, cette équité de base, je pense qu'elle devrait être faite un peu comme au fédéral, c'est-à-dire octroyer un nombre minimal de minutes, une couverture minimale à tous les partis qui se présentent, selon leur grosseur évidemment. Pour vous donner un exemple, au niveau fédéral, le Parti marxiste léniniste a 2,5 minutes d'antenne pour tous les réseaux. Ce n'est déjà pas si mal mais je pense que, si on parle d'équité, on ne devrait pas confondre avec égalité. Il est important, lors d'une période électorale, que toutes les opinions puissent être véhiculées.

Nous recommandons, premièrement, l'obligation de publier, par les médias, un résumé de programme de tous les partis reconnus. C'est à la page 11, si vous voulez suivre. La deuxième recommandation, c'est l'obligation pour les médias de fournir une couverture équivalente, y compris au niveau des nouvelles, pour tous les partis à caractère national. On entend par "caractère national" tout parti qui, si tous ses candidats étaient élus, formerait un gouvernement majoritaire. Un tel parti devrait donc présenter des candidats dans 50 % plus une des circonscriptions. L'obligation d'inviter au "débat des chefs" tous les chefs de parti à caractère national. Il faut comprendre un peu l'optique du Conseil de presse de ce matin. La presse fonctionne par la nouvelle. Alors, elle fonctionne par la popularité, par les cotes d'écoute. La démocratie fonctionne par l'information et par la diversité des sources d'information. C'est différent et c'est à vous d'établir cette différence-là, je crois.

Nous préconisons le droit à une information en temps d'élection, une information exhaustive. J'aimerais appuyer ce que je viens de dire sur cette question d'information exhaustive seulement en vous soulignant le fait que tout ce qui regarde la radiodiffusion et la télédiffusion est de compétence fédérale. Il y a certains jugements qui le mentionnent de manière très claire. L'article 427, qui parle de télévision et ainsi de suite, est peut-être un peu de l'ingérence au niveau d'une compétence fédérale. Lorsqu'on parle de compétence fédérale, on est obligés finalement de regarder les règlements du CRTC. Je vais vous en lire un concernant la télévision et la radio. Il s'intitule "Émissions politiques". C'est l'article 8 du règlement sur la télédiffusion. Il dit: "Au cours d'une période électorale provinciale ou fédérale, le titulaire doit répartir équitablement entre les différents partis politiques accrédités et les candidats rivaux représentes à l'élection ou au référendum le temps consacré à la radiodiffusion d'émissions, d'annonces ou d'avis qui exposent la politique d'un parti." Or, s'il y a des articles de la Loi électorale qui reprennent le même scheme, j'ai l'impression que, si vous voulez que ce soit constitutionnel, il faudrait que ce soit inscrit dans les mêmes balises que ce qui est déterminé par le CRTC, sinon on s'en va vers des problèmes et aussi vers des contestations. Quant à ces contestations-là, ce n'est pas de l'abstrait; j'étais candidat dans Anjou et il y aura des plaintes au CRTC quant a certains postes d'émis-

sion et on va voir ce que cela va donner.

Alors, tout cela pour vous dire que je pense que les deux thèmes majeurs importants pour nous, ce sont évidemmment le financement... Or, on ne demande rien d'autre que ce soit en relation avec le nombre de votes obtenus et, étant donné qu'on vit dans un monde de médias, on aimerait avoir une couverture équitable. Une couverture équitable, ne veut pas dire une couverture égale. Je comprends que l'ampleur de M. Parizeau est peut-être différente de celle d'un autre chef de parti et que la couverture doit être différente, mais si on veut être sérieux l'information doit être véhiculée sur chacun des partis politiques.

Le dernier point concerne le mandat du Directeur général des élections. Évidemment, cela touche beaucoup les partis politiques. Je pense qu'on s'inscrit dans la même veine que M. Morin, tout à l'heure. Je pense que c'est important que l'article 517, probablement, qui est une clause restrictive et qui dit qu'on ne peut pas faire affaire avec les tribunaux pour quelque chose qui regarde le Directeur général des élections, que cette clause-là devrait être abolie et qu'il devrait y avoir un droit d'appel établi, par commission, par un arbitre nommé, par un ensemble de personnes. C'est un peu comme vous voulez mais je pense que c'est important qu'il y ait un droit d'appel parce que, sans contrôle, c'est toujours difficile et que la tendance générale des gens et des organismes qui sont vivants est de contrôler leur domaine. Or, ils le contrôlent mais vous, vous avez la responsabilité de mettre des balises pour qu'on puisse superviser ce qu'ils font. Quant à cela, on a un certain nombre de recommandations qui concernent le Directeur général des élections. La première, c'est que, si le DGE doit, dans une certaine mesure, superviser l'activité de financement et de dépenses des partis politiques, cet objectif doit être atteint sans qu'il ne soit nécessaire de s'insérer dans la gestion interne des partis. Récemment, il y a eu une enquête sur l'Union Nationale au sujet des créances, et on pense que les créances font partie de la gestion interne des partis politiques.

Le deuxième point. Nous sommes d'accord avec la proposition numéro 53, à savoir l'opportunité d'approfondir toute la question du statut juridique des partis politiques. Nous sommes grandement intéressés à cela et je pense que c'est important qu'on le fasse, pour que les partis politiques aient l'occasion de tester, de se présenter devant les tribunaux, de pouvoir expliquer leur point et de demander des jugements déclaratoires sur différents articles de loi.

Le troisième point. Nous proposons que l'article 384, qui concerne la nomination du vérificateur, soit modifié de telle façon que ce soit le DGE qui nomme le vérificateur en question et assume les coûts. Voyez-vous, actuellement c'est le chef du parti qui nomme le représentant officiel et c'est le représentant officiel qui nomme le vérificateur qui doit, lui, faire enquête sur les activités du chef et du représentant officiel. Or, on pense qu'il y a peut-être là une anomalie et que, si on veut corriger cette anomalie, il serait important d'avoir un vérificateur qui soit impartial et qui soit nommé par le Directeur général des élections.

La quatrième recommandation. Le bureau du DGE n'est pas un tribunal et ne devrait pas jouer ce rôle. Toutes les fois que les décisions du Directeur général des élections affectent les droits et privilèges d'un parti, le litige devrait pouvoir être soumis à un tribunal, tel que prévu à l'article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. A cet effet, un parti politique devrait être considéré comme une personne morale. Vous allez bien comprendre que, lorsque le directeur général est en face d'une organisation politique comme le Parti libéral ou le Parti québécois, il y a des forces en présence qui l'obligent à être peut-être plus prudent que lorsqu'il est confronté à un tiers parti. Face à cela, je pense que c'est important qu'il y ait une commission qui ait un droit d'appel pour bien revérifier les décisions qui ont été prises par le Directeur général des élections. Dans l'ensemble, je pense que cela fait le tour de ce qu'on préconise. (16 h 15)

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. LeBrun. Je vais maintenant reconnaître le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Le mémoire que vient de nous présenter l'Union Nationale est intéressant. L'Union Nationale a, de façon évidente, fait un effort fort louable pour réfléchir sur la situation, regarder les choses d'un point de vue qui est le leur, faire évidemment un choix en ce qui concerne les suggestions et les commentaires qui sont les leurs. Il est évident que, dans un domaine comme la Loi électorale, on ne peut pas avoir le même son de cloche de tout le monde. Déjà, depuis le début de la commission, on s'aperçoit que nous avons des points de vue qui sont différents. Et c'est ce qui va faire l'intérêt de cette commission parlementaire parce que nous allons pouvoir entendre des intervenants qui vont nous faire valoir leur point de vue et que nous allons pouvoir les comparer après cela et nous en inspirer pour pouvoir en arriver à un certain nombre de solutions.

Je voudrais profiter de l'occasion, M. le Président, pour peut-être demander un certain nombre d'éclaircissements à M. LeBrun. Je prends cela un peu au hasard. Je commencerai par ce que vous entendez par résident ou présumé résident. Vous indiquez dans votre mémoire que vous posez comme condition expresse, pour que le vote soit accordé à des Québécois qui sont hors du Québec, que ce soit réservé aux résidents ou présumés résidents. J'aimerais que vous me précisiez cette notion de résident ou présumé résident. Qu'est-ce que vous entendez par cela?

M. LeBrun: Voyez-vous, c'est qu'actuellement le droit de vote, lorsqu'on fait le recensement, est uniquement pour les personnes qui sont sur place. À partir du moment où on veut introduire le droit de vote pour les personnes qui sont à l'extérieur... Je pense que la question de domicile est une notion psychologique. Un exemple: je pourrais décider d'aller à Toronto deux années et laisser mon appartement ici. Alors je n'ai presque plus rien mais j'ai l'intention de revenir au Québec. Je peux dire que mon domicile est toujours au Québec et, ce faisant, je pourrais toujours avoir le droit de vote au Québec. Alors la notion de domicile est une notion beaucoup plus vaste en droit que la notion de résidence. La notion de résidence, il faut quelque chose de physique là. Il faut être présent. Je pense que si on veut élargir le droit de vote aux personnes qui sont québécoises mais qui travaillent à l'extérieur, il va falloir s'assurer qu'elles ont gardé leur lieu de résidence au Québec.

M. Doyon: En ce qui concerne le processus électoral lui-même, vous faites valoir qu'il est nécessaire d'éviter, autant que faire se peut en tout cas, toute situation qui puisse donner l'impression qu'il y a un conflit d'intérêts réel ou potentiel. À cet effet, vous proposez que le personnel de scrutin: scrutateurs, secrétaires, etc., primo, soient assermentés le plus tôt possible dans le processus électoral. J'aimerais que vous m'expliquiez en quoi, par exemple, le fait de ne pas assermenter tôt les gens dont l'essentiel des fonctions se fait la journée du scrutin, a un impact sur la fiabilité ou la crédibilité du processus lui-même? Et, est-ce que vous avez des exemples qui vous porteraient à tirer ces conclusions-là?

M. LeBrun: Écoutez, c'est plus une question de principe. Nous pensons que c'est important que les gens n'aient pas deux chapeaux pour éviter de confondre. Dans un premier temps, c'est possible que le personnel électoral ait des informations privilégiées et, dans ce contexte-là, nous pensons que s'ils en ont par hasard, ce serait peut-être important qu'ils ne donnent pas cette information privilégiée aux partis. Si on veut que les gens travaillent correctement et s'impreignent d'un sens de l'impartialité, j'ai l'impression que le plus tôt, dès que les opérations commencent, on peut leur faire prêter serment... À partir de ce moment-là, ils deviennent engagés dans le processus électoral et je ne vois pas pourquoi ils devraient travailler pour un parti reconnu. Remarquez que, de toute manière, dans les faits, que ce soit pour le Parti libéral ou pour le Parti québécois, je pense que rarement les gens vont travailler. Lorsque vous nommez votre scrutateur, le secrétaire ou le greffier, je n'ai pas l'impression qu'il font beaucoup de travail partisan. Or, pour assurer l'intégrité de manière un petit _ peu plus parfaite, je pense qu'à partir du moment où le processus électoral est enclenché, où les opérations électorales sont enclenchées, c'est une bonne politique de les retrancher de vos effectifs.

M. Doyon: Vous indiquez que les personnes dont on parle sont susceptibles d'avoir de l'information privilégiée. J'aimerais que vous soyez plus clair là-dedans. À ma connaissance, les scrutateurs, les greffiers sont simplement mis au courant de l'état de la loi, des directives du directeur général du scrutin et ces choses-là sont disponibles à tous les partis. À ma connaissance, il n'y a pas d'information privilégiée proprement dite mise à la disposition de ces personnes et qui ne le serait pas pour d'autres.

M. LeBrun: Je pense que vous avez raison. La question de l'information privilégiée peut peut-être arriver, mais je pense que le point fondamental, c'est de dire que quelqu'un qui s'inscrit dans le processus électoral doit être impartial et on doit assurer son impartialité.

M. Doyon: il reste aussi que dans la pratique, et je pense que l'Union Nationale est en mesure d'en avoir une certaine quantité, il reste la difficulté de trouver ces gens-là. D'après mon expérience de deux élections, on doit faire appel à des gens qui sont intéressés à remplir ces rôles-là. On ne peut pas les conscrire, on doit avoir des volontaires pour cela et on doit puiser dans un bassin de personnes qui nous sont connues nécessairement. Au simple point de vue pratique, cela compliquerait considérablement les choses si on devait se priver des services de personnes qu'on connaît. Je pense que dans un monde idéal vous avez peut-être raison, mais dans le monde qui est le nôtre, où les campagnes électorales se déroulent pendant un temps relativement limité, à partir d'un bassin de personnes plus ou moins limité, il faut tenir compte de cela.

Je pense que le Directeur général des élections ici est content et trouve très utile de faire appel aux partis politiques pour qu'on lui soumette des listes de noms. Je pense qu'il serait drôlement mal pris s'il devait, à partir de l'annuaire téléphonique ou des listes électorales, trouver des gens. Il arrive que, grâce aux échanges que nous avons constamment par notre mandataire, on fournisse au directeur du scrutin une liste de personnes qui nous sont connues, qu'on pense, selon notre opinion, être capables de remplir les fonctions. Un premier tri se fait et cela permet au directeur du scrutin de disposer d'un bassin de personnes qu'il n'est pas obligé de prendre mais qu'il a à sa disposition. Si on enlève cela, on nous met et on met le Directeur général des élections et le directeur du scrutin dans une situation difficile, ne serait-ce qu'au point de vue pratique.

M. LeBrun: De fait, on n'enlève rien parce qu'on proposait finalement le statu quo.

M. Doyon: D'accord. Je voulais vous souligner en passant qu'il est bon de penser comment cela va se faire en pratique et comment cela se passe, en pratique aussi, parce que, entre autres choses, des élections, ça se fait sur le terrain.

M. LeBrun: Vous avez tout à fait raison.

M. Doyon: D'après ce que j'ai compris, vous ne préconisez pas le vote par procuration.

M. LeBrun: Absolument pas. Nous préférons de beaucoup une urne déplaçable et dont les partis politiques pourraient en contrôler le déplacement.

M. Doyon: C'est la solution que vous préconisez.

M. LeBrun: Nous la préconisons, effectivement.

M. Doyon: Quand la boîte de scrutin se déplace, elle se déplace avec le personnel qui y est attaché.

M. LeBrun: J'ai l'impression que oui. Avec tous les représentants des partis, s'ils le veulent bien.

M. Doyon: Très bien! Pour passer au financement des partis politiques, votre recommandation est que ce soit proportionnel au nombre de votes obtenus lors de l'élection. C'est une façon de voir les choses. Si on enlève le seuil d'admisssibilité que vous considérez comme non désirable, est-ce que ce n'est pas là une façon d'empêcher ou d'enlever ce moyen d'aller chercher ce seuil d'admissibilité grâce auquel on pourra être admissible au remboursement ou au paiement par l'État. Comment conciliez-vous tout cela?

M. LeBrun: Ce qu'on dit, c'est qu'à compter du moment où vous mettez un seuil, il y a des personnes qui votent pour des partis qui n'atteignent pas ce seuil. Ces personnes sont forcément obligées de contribuer à l'ensemble des autres partis. On pense que ce n'est pas juste. Indépendamment du soutien populaire, chaque parti devrait avoir une possibilité d'être financé, il ne devrait pas y avoir de seuil, mais cela devrait être en relation directe avec le nombre de votes obtenus. Je ne pense pas que cela produise un foisonnement de partis politiques. Cela donnerait sa juste part à chacun.

M. Doyon: Vous dites que vous ne pensez pas que cela produise un foisonnement. Si on couple cela avec votre recommandation qui est à l'effet qu'une personne puisse se présenter à une élection avec le moins d'exigences possibles, est-ce que ces deux choses mises ensemble n'auront pas pour effet pratique d'avoir des partis politiques en grand nombre, dont l'existence serait assurée par une subvention de l'État, par le fait même qu'on a un certain nombre de candidats qui sont de plus en plus faciles à recruter parce qu'on leur dit: Cela vous prend simplement dix ou quinze signatures au lieu de 60 ou de 100? En même temps, on dit à ces gens: Vous allez pouvoir vous unir et former un parti politique et l'État va vous subventionner de façon que vous ayez les 50 000 $, les 75 000 $ ou les 100 000 $ nécessaires pour vous permettre de vivre à chaque année.

M. LeBrun: Ce que nous recommandions n'était pas un quantum comme 50 000 $, 60 000 $ ou 70 000 $. C'était seulement en relation avec le nombre de votes obtenus. Si un parti obtient 200 votes dans l'ensemble de la province, il aura peut-être comme financement 400 $. S'il obtient 2000 votes, il pourra avoir 4000 $, et ainsi de suite. C'est vraiment une proportionnelle au niveau du financement, mais une proportionnelle directe au niveau du financement des partis politiques.

Cette manière de procéder ne désavantage pas les tiers partis et surtout, n'est pas un inconvénient pour les partis représentés à l'Assemblée nationale. Nous ne voulions pas de ces 50 000 $ ou 75 000 $ qui étaient un quantum minimal. Chaque électeur, par son vote, doit contribuer au maintien de son parti.

M. Doyon: En ce qui concerne l'intervention de la presse en campagne électorale, vous avez un certain nombre de suggestions. J'en trouve une en particulier qui est d'accorder une couverture égale à tous les candidats, avec les provisos que vous y avez mis, il y a quelques minutes. On y retrouve aussi cette obligation faite aux médias de publier les programmes politiques de tous les partis. Est-ce que vous ne voyez pas dans cette obligation qu'on impose aux médias - on s'adresse surtout aux médias écrits, d'après ce que je comprends - une certaine atteinte à la liberté de presse, c'est-à-dire que quelqu'un est en mesure de dicter aux médias ce qui doit paraître ou pas dans les organes de presse?

M. LeBrun: Pour nous, la liberté de presse ne doit pas vouloir dire la liberté de ne pas informer. Cela devrait, au contraire, être la liberté d'informer. Ce qu'on demande aux médias, c'est d'informer minimalement. Il n'y a rien qui brime la liberté de presse dans le sens qu'on exige qu'ils informent. Ce qu'ils ne font pas toujours bien et pas toujours. C'est dans ce sens qu'on pense qu'il est important qu'il y ait une couverture minimale des médias.

On leur impose quelque chose, mais le droit électoral est un droit d'État. C'est du droit public. Évidemment, on impose à des firmes

privées quelque chose de fondamentalement public. Mais il n'en demeure pas moins que le processus électoral est un processus d'État qui doit être administré par l'État. (16 h 30)

M. Doyon: Une dernière question avec votre permission, M. le Président. Vous avez en terminant tout à l'heure parlé de la gestion interne des partis, et vous avez exprimé l'opinion que le directeur général du scrutin ou qui que ce soit n'avait pas à se mêler de ça. Une question pratique. Vous êtes un parti autorisé. Enfin, j'ai eu des représentations et je voudrais simplement avoir votre opinion là-dessus. Des gens me disent, par exemple: Moi, j'ai signé un bail avec tel parti politique. En l'occurrence, c'était le vôtre. Je ne connais pas les détails, mais on me faisait valoir que les montants qu'on me disait leur être dus n'étaient pas payés, et on mettait un peu la faute sur le système humain, mais peut-être aussi sur le Directeur général des élections, même s'il n'avait rien à voir là-dedans en disant: C'est un parti autorisé et, à partir de là, on a cru que c'était un parti qui devait faire face, selon cette personne-là, à ses obligations. Est-ce que ce n'est pas un peu contradictoire en ce sens que l'autorisation que vous obtenez vous permet de faire valoir - vous faites valoir ce point de vue - cette autorisation, et qu'en même temps, la gestion interne échapperait complètement au contrôle de qui que ce soit, même s'il y avait des fonds qui, selon votre argumentation, proviendraient de l'État?

M. LeBrun: Face à ça, il faut peut-être distinguer la gestion interne, le financement et les dépenses d'un parti. Vous parlez des dépenses qui ont été engagées avec quelqu'un qui a loué ou quelque chose comme ça. Dans ce sens, je pense que le Directeur général des élections a la responsabilité de contrôler ces dépenses et d'encadrer, parce qu'il y a un régime juridique un peu spécial en période électorale et peut-être un autre lorsque la période n'est pas électorale, mais je pense qu'à ce niveau, il a la responsabilité d'encadrer.

Je vous dirai que le parti de l'Union Nationale a la responsabilité de payer. Effectivement, nous avons actuellement un certain nombre de créanciers, c'est un fait, mais cela n'empêche pas que, durant la dernière année, il n'y a pas eu de nouveaux créanciers. Lors de la campagne électorale d'Anjou, tout a été payé rubis sur l'ongle et cela va continuer, parce qu'on croit qu'il est important qu'à chaque fois qu'on a un droit, il doit y être associée une responsabilité et on a bien l'intention d'assumer cette responsabilité-là. Maintenant, cela n'a pas toujours été fait dans le passé. J'en suis le premier chagriné, si vous voulez, mais c'est un fait. N'empêche que la gestion Interne du parti est différente des dépenses qui sont un peu plus externes. On ne dit pas que le directeur général ne devrait pas vérifier ça, bien au contraire. On devrait le faire de manière très stricte, en plus.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais maintenant reconnaître le député de Jonquière.

M. Dufour: Je voudrais aussi souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Union Nationale. Qu'il y en ait quatre ici cet après-midi, c'est impressionnant pour une formation politique qu'on voit peu ou pas. Quant à moi, je trouve important de voir aussi le mémoire que vous avez produit. Il y a définitivement eu un travail de base pour présenter un certain nombre de points, et je ne sais pas si les quinze minutes qui nous sont imparties vont nous permettre d'aller dans le détail de tous les points que vous soulevez. Je trouve que vous soulevez un certain nombre de points intéressants et je pense que c'est tout à votre honneur. À cet égard, je voudrais juste aller aux points directement pour qu'on ait plus de temps pour discuter et que ce ne soit pas un monologue par rapport à ce qu'on pourrait avoir à dire.

Bien sûr, vous avez touché à plusieurs points intéressants; je ne sais pas si on pourra les aborder tous, mais il faut aller directement aux questions qu'on peut se poser. Vous vous opposez à des votes par procuration.

M. LeBrun: C'est exact.

M. Dufour: Pouvez-vous nous expliquer un peu plus longuement pourquoi vous vous opposez à ces votes-là?

M. LeBrun: On trouve cela un peu dangereux. Les personnes qui peuvent se prévaloir du vote par procuration sont peut-être les plus vulnérables à des pressions. On en a vu des pressions; il ne faut pas aller bien loin. On parlait tout à l'heure de politique concrète. La politique se fait sur le terrain. Je suis convaincu que vous savez que des pressions plus ou moins directes se font assez fréquemment. Or, on aimerait empêcher ces pressions parfois légales; on peut parler seulement du voiturage, par exemple. C'est une pression délicate, un peu fine, qui est légale et qui, pourtant, peut orienter un peu le vote.

Nous pensons que ce mécanisme de procuration, même s'il est institué au fédéral, est un peu dangereux. Surtout sur une grande échelle, il pourrait être dangereux. Dans ce contexte, nous préconisons de beaucoup le déplacement d'une urne qu'il serait possible de contrôler pour tous les partis. Je ne pense pas que ce serait très dispendieux. Je pense que c'est tout à fait possible de faire une urne qui chemine ainsi.

M. Dufour: Par rapport à votre position, on n'est pas loin de partager les mêmes attentes. Cela m'amène à parler immédiatement du vote itinérant. Par exemple, la boîte itinérante qui va

aller faire voter les gens. Comment allez-vous départager cela? Le vote par procuration est un vote qu'on donne pour que quelqu'un aille voter à sa place, c'est un mécanisme qui permet à un système d'aller vers les gens pour les faire voter. N'y a-t-il pas un rapprochement qu'on peut faire entre les pressions vis-à-vis de la personne qui ne peut pas se déplacer et qui voit venir un appareil, je ne sais pas, une boîte avec deux ou trois personnes qui vont lui poser des questions et vont la faire voter? Voyez-vous une forme de pression par rapport à cela aussi?

M. LeBrun: Pas vraiment. J'ai l'impression que si cette urne itinérante était installée, les gens devraient évidemment s'enregistrer eux-mêmes. À un moment donné, il faudrait qu'ils disent à quelqu'un qu'ils existent et qu'ils veulent que cette urne aille chez eux. À partir du moment où cela part de l'individu qui demande à ce que cette urne vienne chez lui, je ne pense pas qu'il y ait de pressions. En tout cas, il y aurait beaucoup moins de pressions que le voiturage qu'on peut connaître parfois. On prend pratiquement les gens chez eux et on les amène presque au bureau de vote. J'ai l'impression que ce serait beaucoup plus civilisé. Il n'est pas question de forcer les gens à voter, mais d'offrir un service que les gens sont libres d'accepter ou de refuser. C'est tout.

M. Dufour: Vous verriez des gens qui s'enregistreraient pour demander au représentant électoral de passer chez eux pour qu'ils puissent enregistrer leur vote.

M. LeBrun: Absolument. Je vais vous donner un exemple pratique. Lorsque je faisais du porte à porte dans le comté d'Anjou, j'ai rencontré deux personnes qui avaient eu des accidents. Elles auraient aimé voter. Effectivement, dans l'état où elles étaient, il ne leur était pas très possible de se déplacer. Je suis convaincu que ces personnes se seraient facilement enregistrées et auraient voté. Elles auraient voté du bon côté.

M. Dufour: Donc, cela veut dire que ce système pourrait s'appliquer sur une période assez longue, pas nécessairement pendant la journée même du vote, où tout le monde vote; cela pourrait être à un autre moment.

M. LeBrun: Je ne suis pas certain de cela. Je pense que l'urne pourrait probablement se déplacer aux journées normales, c'est-à-dire que premièrement, il y a le vote par anticipation. Il y a deux jours de vote par anticipation. Il y a aussi la journée du scrutin. Ce qui nous fait trois jours. J'ai l'impression que c'est amplement suffisant.

M. Dufour: Vous parlez aussi de la possibilité de la réduction de l'abolition de signatures de 60 à 30. Je comprends, par exemple, que pour un candidat, connaître les 60 personnes qui vont signer son bulletin et faire le serment qu'il les connaît, cela peut représenter un certain problème. Pourquoi demandez-vous, dans un premier temps, de réduire à 30 et, ensuite, de réduire graduellement à peu près jusqu'à zéro? Vous n'avez pas peur que...

M. LeBrun: Écoutez, je vous renverrais la question: Pourquoi voulez-vous l'augmenter? Pour freiner l'éclosion de partis politiques? J'ai l'impression que le Québec a besoin d'idées. Le Québec a besoin d'idées nouvelles. S'il y a des nouveaux partis qui amènent de nouvelles idées, tant mieux! La démocratie n'en sera que mieux servie. Comme je vous le dis, je pense que ce n'est pas un mal d'avoir des partis. Ce qui serait un mal, c'est de mettre tellement de contraintes sur les partis que l'activité politique se déplacerait hors des partis politiques. C'est déjà commencé.

Je pense, au contraire, que ce serait une bonne formule de redonner une certaine importance aux partis politiques, surtout qu'avec l'intervention des tiers vous risquez de banaliser les tiers partis.

M. Dufour: En fait, je pense que vous exprimez un point de vue qui est dans l'esprit de votre mémoire, que vous ne nous forcez pas nécessairement à partager, parce que vous parlez d'uniformité des votes au Québec... Dans votre mémoire, vous parlez de système scolaire municipal et aussi en province, vous partez d'une liste unique de personnes et, dans tous les endroits, il y a un certain nombre de signatures qui est exigé. Si vous parlez d'abolition, si vous parlez de liste unique ou de système général uniforme, cela veut dire que vous aboliriez l'ensemble des signataires d'un bulletin de présentation. C'est un peu cela que vous nous dites.

M. LeBrun: Non, pas vraiment. Excusez-moi, mais j'ai l'impression que vous touchez à deux problèmes. Premièrement, il y a la liste électorale permanente qui pourrait servir au niveau municipal, provincial et scolaire; cela, c'est une chose, c'est pour voter. L'autre chose, ce sont les signatures sur les bulletins de candidature. Il y a peut-être un lien entre les deux, mais il est assez éloigné quand même.

M. Dufour: Le lien peut être ténu, très mince, mais si on parle de liste électorale unique, c'est aussi pour faire en sorte que les gens puissent voter avec une certaine uniformité, avec des droits qui se ressemblent.

M. LeBrun: Si vous croyez que ce droit de vote est important - et moi je pense que c'est important - il ne faudrait pas qu'on soit tributaires des erreurs du recensement et il s'en produit beaucoup, tant au niveau municipal qu'au niveau scolaire et qu'au niveau provincial aussi.

il s'en produit dans les deux sens: il y a des gens qui n'ont pas le droit de vote qui votent et il y a des gens qui ont le droit de vote qui ne votent pas.

M. Dufour: . Il y a peut-être la question du financement que vous touchez. Vous nous dites que les partis politiques pourraient avoir droit, proportionnellement, à une enveloppe que vous fixez arbitrairement qui peut être de 1 $ ou 2 $ - le montant que vous fixez n'est pas nécessairement important. Mais quand vous parlez de proportionnalité par rapport au nombre de votes, j'avais l'impression que votre idée, vous l'avez exprimée tout à l'heure, était de favoriser les tiers partis ou d'autres partis. Mais si on se fie à votre mémoire, il y a juste un critère sur lequel vous vous basez, soit le nombre de votes obtenus. N'avez-vous pas peur qu'on favorise les partis qui sont déjà les plus représentés, les plus représentatifs, ceux qui ont le plus de votes par rapport aux autres, s'il y a juste un critère?

M. LeBrun: Actuellement, la première enveloppe est distribuée entièrement entre les deux partis qui sont représentés à l'Assemblée nationale. Or, tout ce qui ira en dessous de cela sera une amélioration pour les tiers partis. Nous ne pensons pas qu'un tiers parti ait besoin de 50 000 $ ou de 75 000 $ pour bien fonctionner. Il faut qu'il ait un peu d'argent, mais pas une enveloppe qui soit fixe comme celle-là. Si vous voulez donner l'enveloppe fixe, on ne la refusera pas.

M. Dufour: Moi, je ne peux rien donner.

Le Président (M. Marcil): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Au nom de l'Opposition officielle, je voudrais remercier le porte-parole de l'Union nationale. Il y a quand même des points que vous avez soulevés - et cela a été mentionné par d'autres - qui sont différents de ceux que nous ont fait des représentations jusqu'à maintenant. Je tenais uniquement à faire le commentaire suivant: je pense qu'on va devoir examiner plus sérieusement, peut-être moins les modalités, mais au niveau du principe, cela ne me déplaît pas que l'État québécois essaie de poser, tout autant pour le financement de soutien aux partis politiques par l'État que pour le remboursement par l'État québécois des sommes engagées en campagne électorale par les partis politiques... que cela ne soit jamais entaché de la contradiction qui existe, dans la formule actuelle, à savoir qu'il y a des contribuables québécois, à partir du moment où c'est pris à même les fonds publics qui, sans être d'accord, ont l'obligation que leurs fonds servent indirectement à défendre des partis politiques prônant des orientations politiques qui vont complètement à rencontre de leurs convictions. Je trouve cela original d'essayer d'inven- torier une formule qui garantisse que le citoyen qui en arrache sur le plan politique... (16 h 45)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: ...et qui va voter pour le Parti j'en arrache, c'est important que ces fonds servent à la promotion du Parti j'en arrache ou du Parti indépendantiste ou du Parti de l'Union Nationale. Sérieusement. Et dans ce que vous proposez là, je suis moins sur les modalités cependant, parce que je suis plutôt d'avis que sur une période un peu plus longue que strictement le phénomène de bipartisme que nous vivons actuellement, je ne suis pas sûr qu'un seul critère ait cette rigueur ou cette sécurité d'offrir un minimum de fonds aux partis politiques. Si on ne veut pas avoir uniquement à faire des discours et donner la garantie que plusieurs formations politiques, dites un peu moins majeures sur le plan uniquement des effectifs, ont droit d'expression avec des fonds publics, il faudrait trouver quand même des critères pondé-ratifs, parce que s'il y en a juste un...

Je sais bien, je vous comprends, M. LeBrun, vous dites: Écoutez, actuellement il y en a deux. Vous partagez le gâteau. Ce que je suggère, c'est sûrement quelque chose de mieux à l'avenir pour moi - c'est vous qui parlez - là je comprends cela, mais ce n'est pas une situation durable et il faut viser à ce que, dans une législation, on ait quand même des mesures qui, dans le temps, ne sont pas à retoucher aux quatre ou cinq ans.

Je voulais vous dire merci d'avoir pensé sensibiliser les membres de cette commission et surtout le ministre délégué à la Réforme électorale, parce qu'il y a de quoi, du moins en ce qui me concerne, dans cette proposition, garantir, respecter les convictions politiques des citoyens par le financement public et, à ce moment-là, il y aurait toujours une partie de leur argent qui aurait au moins la garantie de servir aux fins politiques pour lesquelles eux ont des convictions. Cela m'apparaft important. C'est un point que je voulais souligner et je vous en sais gré.

Quant aux questions qu'on avait à poser, étant donné que notre période de temps est terminée, je vous remercie de votre participation à cette commission.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député d'Abitibi-Ouest. En conclusion, M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, je constate moi aussi que le Parti de l'Union Nationale apporte une contribution positive à nos travaux. Vous avez touché plusieurs sujets dont certains n'étaient même pas évoqués dans le document de réflexion. Je vous en sais gré.

Il n'y a pas de doute que ce dont vient de parler le député d'Abitibi-Ouest nous intéresse au

plus haut point. Il y a évidemment un certain financement ou une aide financière de l'État à tous les partis politiques, par le biais du crédit d'impôt, mais cela est nécessairement proportionnel au financement populaire que chaque parti organise et réussit a obtenir. Il s'agit de se poser la question, à savoir si une autre forme de financement par l'État serait également souhaitable. Nous avions déjà arrêté, entre nous, qu'effectivement il devrait y avoir une répartition du montant mis à la disposition des partis politiques par l'État à partir, non seulement de la représentation à l'Assemblée nationale... On sait que l'Union Nationale, dans un passé pas tellement lointain, avait plusieurs députés à l'Assemblée nationale. Il y en a même eu, je serais porté à dire, trop, en tant que libéral, au moment où l'Union Nationale était au pouvoir.

Ce n'est pas de l'histoire ancienne, c'est quand même au cours des dernières décennies. Donc, on est d'accord sur le fait qu'on ne doit pas assujettir le financement par l'État strictement au facteur représentation à l'Assemblée nationale et on pourra ensemble chercher d'autres façons de mieux équilibrer, de rendre plus équitable le financement des partis politiques par l'État.

Je veux vous dire aussi que certaines des autres recommandations que vous faites sont celles d'un parti qui justement n'est pas représenté à l'Assemblée nationale et qu'on se doit de prendre en considération. Sans pour cela nous engager à retenir chacune des recommandations que vous faites, chose certaine, on peut s'engager à leur accorder toute l'attention et tout l'intérêt que nous devons avoir, compte tenu de la non-représentation de votre parti et notamment du parti qui vous suivra tantôt, le Parti indépendantiste. C'est votre tâche de nous sensibiliser à ces sujets et on doit vous savoir gré de l'avoir fait de façon exemplaire aujourd'hui et je vous en remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. LeBrun et vos collaborateurs. On vous remercie beaucoup de vous être prêtés à cet exercice. Maintenant, nous allons suspendre pour cinq minutes pour permettre à certaines personnes de répondre a des besoins particuliers.

(Suspension de la séance à 16 h 50)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons reprendre nos travaux en invitant le Parti indépendantiste à se présenter. M. Gilles Rhéaume, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. Vous avez 20 minutes. Vous êtes accompagné de...

M. Rhéaume (Gilles): M. Jean Saint-Amour, représentant officiel et directeur général du parti.

Le Président (M. Marcil): Bienvenue, M.

Saint-Amour. Sans plus tarder, vous avez 20 minutes pour faire votre exposé qui sera suivi des questions.

Parti indépendantiste

M. Rhéaume: M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, nous avons intitulé notre mémoire, "Favoriser les tiers partis: une exigence démocratique". L'essentiel de ce que l'on a à dire, c'est qu'il faut absolument trouver les moyens de faire en sorte que les partis non représentés à l'Assemblée nationale puissent avoir le soutien de l'État pour remplir leur rôle de façon convenable.

Notre court mémoire visera trois objectifs: commenter certaines propositions du comité sur la révision de la Loi électorale; faire connaître quelques recommandations d'ordre général, en soulignant les difficultés qu'éprouvent les jeunes formations politiques dans le régime actuel et en suggérant des avenues qui pourraient améliorer la présente situation; enfin, nous insisterons sur la nécessité de dépoussiérer le système électoral.

Par cette présentation, nous souhaitons sensibiliser les parlementaires et l'opinion publique à l'urgence de modifier en profondeur les règles du jeu, afin de permettre aux différents courants d'idées, qui existent au sein de notre peuple, de mieux participer à l'activité politique nationale.

La Loi électorale est, nous semble-t-il, le lieu législatif privilégié où peuvent se réaliser les ajustements nécessaires au redressement d'un état de fait qui exclut, à toutes fins utiles, les jeunes partis ou les tiers partis de la vie politique. C'est pourquoi nous saisissons l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui pour faire valoir nos griefs et nos attentes. Nous sommes conscients de la somme de travail qui a déjà été consacrée à la réflexion sur ce sujet par les membres du comité et aussi par la Direction générale des élections. Notre critique se veut positive et constructive, mais ce sera à vous d'en juger.

Commentaires. Nous n'interviendrons pas sur toutes les conclusions du comité. Nous nous restreindrons à quelques-unes d'entre elles, à celles vis-à-vis desquelles nous avons soit des réserves ou soit encore des oppositions de principe.

Le sujet no 8, le délai de résidence. On sait qu'on suggère que le délai de résidence soit réduit d'un an à six mois. Nous estimons que la présente disposition qui prévoit qu'une année consécutive de résidence soit nécessaire à l'obtention de la qualité d'électeur est raisonnable et qu'elle devrait, en conséquence, demeurer en vigueur. Nous appuyons notre opinion sur le fait indéniable, à notre avis, qu'il faille au moins une année de vie chez nous pour corn-

prendre les enjeux d'une élection. De plus, si le raisonnement du six mois était valable, nous sommes persuadés que les jeunes de seize ans en connaissent autant sur notre réalité que celles et ceux qui sont ici depuis six mois.

Le sujet no 20 concerne la déclaration de candidature. Nous nous opposons vivement au retour du dépôt pour le candidat. À sa face même, il y aurait là une discrimination inacceptable. Ce n'est pas la possession de cette somme qui rendrait une candidature sérieuse. Plusieurs de celles et de ceux qui pourraient satisfaire à cette exigence n'en sont pas pour autant plus sérieux, alors que, de toute évidence, des jeunes, par exemple, ou encore des sans-travail ou des gens aux revenus modestes sont dans l'incapacité totale de verser, même temporairement, une telle somme. Vraiment, cette proposition, à notre avis, ne devrait pas être retenue. Nous croyons même qu'elle limiterait la liberté de certains individus, voire qu'elle irait à rencontre de la Charte des droits de la personne du Québec. Nous vous prions donc de revenir sur cette conclusion qui, si elle était adoptée, nous ramènerait en arrière, à une époque plutôt sombre de notre histoire politique. Nous vous suggérons de relire les arguments de l'ancien parlementaire Robert Burns; ils redeviennent derechef d'actualité sur ce sujet.

Le futur candidat doit continuer de pouvoir recueillir lui-même, si telle est sa volonté, les signatures appuyant sa candidature. C'est une autre des propositions qui apparaît au sujet no 20 du cahier vert qu'on nous a fait parvenir. C'est souvent, pour la personne candidate d'un tiers parti, une façon tout à fait démocratique de commencer sa campagne. Pourquoi brimer ainsi un droit qui nous apparaît aussi fondamental?

Le sujet no 30 concerne la responsabilité du représentant officiel. Nous sommes d'accord pour une confirmation écrite de l'acceptation du représentant officiel, pour autant qu'elle puisse se faire sur un formulaire envoyé, préadressé et affranchi par le Directeur général des élections, afin de faciliter le plus possible cette acceptation et de faire en sorte que même les partis les moins munis puissent, avec le soutien de l'État, remplir cette obligation qui nous apparaît tout à fait justifiable.

Le sujet no 32 touche l'autorisation d'un parti politique. Nous sommes d'accord pour augmenter le nombre de candidatures à 20, mais aussi à au moins une candidature par région administrative du Québec. Nous croyons que simplement le nombre de circonscriptions électorales dans lesquelles un parti doit présenter des candidats n'est pas une condition suffisante. Elle est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. Nous pensons qu'un parti - pour reprendre l'expression du chef de l'Union Nationale - à caractère national devrait pouvoir présenter une candidature au moins dans chacune des régions. Il me semble que cela démontrerait, non pas plus de sérieux, mais, en tout cas, plus d'envergure, entre guillemets.

Toutefois, nous considérons que la signature de 5000 personnes est injustifiable, car cette exigence viendrait beaucoup trop restreindre le droit d'association garanti, lui aussi, par la Charte des droits de la personne. Vous savez, il faut que les partis existent depuis longtemps, à mon avis, je vous le dis bien franchement, pour avoir oublié ce que cela veut dire 5000 signatures. C'est quelque chose 5000 signatures, vous savez. Nous, nous existons déjà, cela ne nous concerne pas directement. Mais déjà 600 signatures demandent du travail, alors exiger, pour qu'un nouveau parti soit reconnu, autorisé, qu'il recrute 5000 signatures, c'est, à toutes fins utiles, empêcher la naissance de formations politiques; c'est notre opinion.

Sujet 37: Financement par l'État des partis. Ce sujet est pour nous d'une importance capitale, vous en conviendrez aisément. Nous souhaitons l'instauration d'une grille où interviendraient différents critères, comme, entre autres, le nombre de candidatures aux élections, le pourcentage du suffrage reçu, la participation aux élections partielles, les contributions en vertu de la Loi sur le financement des partis politiques, le nombre de personnes ayant souscrit, le nombre d'instances autorisées, les activités des différentes instances, la tenue de congrès ou d'assemblées générales, les demandes d'audition aux commissions parlementaires. Une telle évaluation permettrait aux nouvelles et aux sérieuses formations politiques de bénéficier d'un soutien tout à fait légitimé par des efforts véritables et un certain appui populaire, qui sont les objectifs visés d'ailleurs par le document qui nous a été remis. Ne se fier qu'aux résultats électoraux ne contribuerait qu'à sauvegarder un statu quo indéniablement coupé de la réalité. Nous reviendrons, dans nos recommandations générales, d'ailleurs, sur d'autres formes de financement ou de soutien indirect pour aider les tiers partis dans leur action politique.

Responsabilité de l'agent officiel, le sujet 47. Comme pour le représentant officiel, le Directeur général des élections devrait fournir un formulaire d'acceptation de la fonction.

Sujet 50: Temps d'antenne gratuit et débats. Les tiers partis qui obtiendraient un résultat leur permettant de recevoir un soutien financier de l'État, dans le cadre de notre proposition ci-haut mentionnée, devraient aussi voir leur chef participer au débat des chefs et profiter également de temps d'antenne gratuit. Je retiens également la suggestion faite par le chef de l'Union Nationale: équité mais non égalité, bien sûr.

Proposition 15: Le bureau du directeur de scrutin. Nous insistons pour que tous les bureaux de dépôt, comme tous les lieux de votation, soient accessibles aux handicapés. Aucune discrimination, à ce titre, n'est acceptable dans une société comme la nôtre. On se souvient que le document disait "dans la mesure du possible".

il faut que la mesure du possible devienne nécessité.

Proposition 38: Vote des analphabètes. Nous considérerions comme une innovation fort intéressante l'apparition du sigle des partis sur le bulletin de vote. À notre époque, les sigles font partie de la culture et cela viendrait aussi rafraîchir un processus électoral qui ne peut se passer d'un peu plus de modernité, c'est le moins que l'on puisse dire. Nous souhaitons aussi que la couleur vienne enjoliver le bulletin de vote. De plus, nous suggérons que les bulletins de vote soient perceptibles aux aveugles, en y introduisant le braille. J'avais marqué que la Suisse, entre autres, pratique ce genre de système, même sur la monnaie. Le Parti indépendantiste s'engage, le jour où le Québec sera indépendant, à ce que la monnaie soit aussi inscrite en braille.

L'autre aspect: Les recommandations. Le système actuel favorise deux partis politiques, tout le monde en conviendra. Cette polarisation est l'effet direct d'une situation qui fait que seules ces deux formations reçoivent une aide substantielle de l'État. Cette situation fausse le portrait réel du Québec. La qualité de notre vie démocratique exige une révision de cette situation. En période électorale, seuls les deux partis ont les ressources nécessaires pour rejoindre la population. Le Québec ne se partage pas uniquement entre libéraux et péquistes. Nous comprenons qu'il soit difficile pour vous de modifier des règles qui vous favorisent. Cependant, nous faisons appel à votre sens de la justice sociale. En conséquence, nous vous recommandons fortement les innovations suivantes: faire de la langue officielle la langue de la vie électorale et celle des partis politiques. Les formulaires des rapports financiers, par exemple, sont toujours bilingues et l'unilinguisme que nous avons obtenu lors des élections partielles du 20 juin dernier ne peut être que temporaire si la loi n'est pas claire. Il faut régulariser cette situation et nous insistons pour que ladite commission tienne compte également de cette recommandation.

Deuxième recommandation. Nous suggérons qu'en plus de la carte de rappel... On se souviendra - pour avoir moi-même milité à l'intérieur d'autres partis politiques - que la carte de rappel n'existait pas il y a quelques années et qu'elle est venue et a eu comme conséquence que l'électorat peut maintenant être au courant de l'ensemble des candidatures. Ce qui est pour plusieurs la seule publicité. Donc, en plus de la carte de rappel, l'État devrait distribuer, dans chaque circonscription et à toutes les portes, une semaine avant le vote, un dépliant contenant les noms, les photos ainsi qu'un bref message des candidats. Il me semble que c'est une façon qui aiderait tout le monde.

Les tiers partis devraient avoir accès à la salle des conférences de presse de l'Assemblée nationale, avoir aussi un lieu réservé au Parlement, un minimum de secrétariat commun. Le chef de chaque parti reconnu devrait recevoir le Journal des débats, les projets de loi, les déclarations ministérielles, les rapports des sociétés d'État, les documents accessibles aux parlementaires, etc.

L'État devrait, trois fois par année, commander des sondages d'opinion sur la perception des partis, y compris les tiers partis. Les résultats de ces sondages devraient être rendus publics.

Notre dernière recommandation s'intéresse à une catégorie de personnes présentement abandonnées par le régime et nous souhaitons voir cela corrigé. Nous ne faisons qu'émettre une position de principe. Nous laisserons à d'autres l'explication des modalités et les façons de résoudre les difficultés qu'apporterait cette modification. Actuellement les personnes considérées, institutionnellement parlant, comme handicapées mentales, devraient toutes pouvoir exercer leur droit inaliénable de voter, si elles le désirent. L'écorchure à la démocratie qui découle de l'actuelle interdiction est, à notre avis, une honte. Qui peut juger de l'incapacité intellectuelle d'un autre?

Je voudrais ajouter une sixième recommandation qui n'apparaît pas sur le document qui vous a été distribué et qui devrait devenir cinq, plutôt que six, puisqu'elle va dans les demandes de l'État face aux tiers partis. Nous suggérons qu'à la fin de l'année, vers le mois de décembre, le Directeur général des élections puisse faire publier dans tous les quotidiens du Québec une page complète de tous les partis politiques autorisés avec les articles de la loi concernant la Loi sur le financement des partis politiques et inviter les gens qui le désirent à souscrire au parti et à faire en sorte... Comme je le disais, tout le monde aurait une publicité et cela aiderait également les tiers partis qui ne peuvent pas autrement mener les campagnes que les grands partis peuvent mener.

Mode de scrutin. Nous partageons les inquiétudes de celles et de ceux qui estiment désuet le système électoral en vigueur. Il faut qu'à l'Assemblée nationale, tous les courants d'idées - nous l'avons déjà dit et nous le répétons - puissent être présents. Déjà une somme considérable de travail a été faite en ce sens, tant en réflexion, en recherche qu'en consultation. Un débat de société doit maintenant s'achever et aboutir à des résultats concrets. Nous vous suggérons de tenir des séances spéciales sur le sujet dans les plus brefs délais. Pourquoi ne pas profiter de la prochaine élection pour consulter le peuple, ne serait-ce qu'à titre éducatif, par un référendum sur la question?

Le bipartisme est source de tensions sociales qu'il serait possible d'atténuer par l'introduction d'une forme de proportionnelle. La réforme presse! Le temps des thèses, en ce domaine, doit se terminer bientôt. Il faut passer à l'action. Un échéancier s'impose.

Conclusion. Nous espérons avoir réussi à toucher les cordes sensibles des membres de la

commission en ce qui concerne les besoins des tiers partis. Nous croyons qu'il est du devoir des parlementaires de favoriser l'évolution des autres partis, même si cela leur est difficile, nous le comprenons. Si Jean Lesage et René Lévesque, par exemple, n'avaient pas eu les élans nécessaires, quelquefois, pour aller au-dessus de leurs intérêts personnels ou de leurs intérêts de parti, le Québec ne serait pas aujourd'hui là où il est rendu.

Il en va de la qualité démocratique de nos institutions. Certaines de nos propositions demandent peu de dépenses de la part de l'État et, pourtant, combien elles seraient appréciées par les tiers partis.

Nous misons sur votre conscience politique pour recevoir et accueillir positivement nos revendications que nous croyons légitimes.

En terminant, nous tenons à remercier la commission de nous avoir invités et nous voulons l'assurer de notre pleine collaboration si d'autres travaux suivaient ceux-ci. Merci, M. le Président. (17 h 15)

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Rhéaume.

J'inviterais maintenant le député de Saguenay à intervenir.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue à cette commission, entre parenthèses, qui est très importante pour l'ensemble du système démocratique au Québec, M. Rhéaume ainsi qu'à votre collaborateur.

Pour avoir travaillé comme parlementaire sur le rapport, vous soulignez dans votre mémoire les interrogations qui nous chicotent aussi et auxquelles on n'a pas de réponse ou de solution facile. Je pense que l'éclairage qu'on aura au cours de cette commission par les représentants des différents partis politiques sera susceptible d'éclairer les parlementaires qui auront finalement à prendre les décisions importantes pour l'avenir du Québec. À cet égard, nous sommes heureux de recevoir vos commentaires. Bien que je les trouve un peu brefs je les trouve fort intéressants.

Au départ, il est un point que la majorité des partis politiques et des intervenants ont souligné aujourd'hui, celui des malades mentaux qui, ont le sait, sont présentement exclus. Vous avez dit que d'autres se chargeront d'intervenir. Mais j'aimerais quand même que vous nous disiez de quelle façon on pourrait baliser par exemple la qualité et la certitude du vote exprimé par ces personnes. On sait que ce n'est pas facile, même les gens de la Commission des droits de la personne... Pour nous, cela demeure un point fort litigieux et malgré que vous n'en ayez pas parlé très longuement, vous nous recommandez fortement de le faire. J'aimerais que vous nous donniez votre opinion à savoir comment baliser cela pour s'assurer que l'équité et la légalité du vote demeurent.

M. Rhéaume: Je me souviens très bien, parce que j'étais d'une autre façon associé à des travaux d'une autre commission parlementaire il y a quelques années où il était question du droit de vote des détenus et des juges à la fin des années soixante-dix, on s'en souviendra, et je reviendrais sur les mêmes principes. C'est-à-dire que je pense que tout le monde doit avoir le droit de vote. À l'intérieur même des prisons, je me souviens tout à fait du débat, il y a des prisonniers qui sont catalogués comme ayant des difficultés psychologiques plus ou moins profondes. Donc, je pense qu'on doit prendre le même principe et faire en sorte que toutes les personnes qui ont qualité d'électeur apparaissent sur les listes électorales de l'endroit où elles ont domicile et qu'elles puissent voter. En ce qui concerne celles qui sont en institution, peut être sur le même système que dans les prisons où elles peuvent voter selon leur propre circonscription électorale, je pense que personne ne devrait être exclu. Bien sûr la délicatesse du sujet repose sur le fait qu'il pourrait y avoir d'une façon ou d'une autre, pression ou manipulation. Mais vous savez, j'ai milité activement en politique depuis plusieurs années et la manipulation n'est pas réservée aux personnes ayant plus ou moins de difficultés psychologiques. J'ai vu dans des centres d'accueil par le passé des formes de manipulation qui pouvaient rejoindre celles qui pourraient arriver dans des institutions psychiatriques.

Donc je pense qu'il faut aller de l'avant de façon générale. Il y aura des écueils, des difficultés. Nous parlons de quelques milliers de personnes. Il serait même épouvantable de dire que cela ne changerait pas grand-chose au résultat final. Cependant, sans le dire je pense qu'il faut en être conscient. Je pense qu'il faut ouvrir les balises et faire en sorte que tous ces gens-là puissent voter s'ils le désirent. De quelle façon? Selon leur circonscription de résidence avant d'être en institution ou selon la circonscription où se trouve la résidence ou l'hôpital en question.

M. Maltais: D'accord. Je vous remercie.

Il y a un autre petit point dont vous n'avez pas parlé non plus, mais qui nous chicote un peu. Mon collègue d'Abitibi-Ouest l'a souligné et on en a parlé longuement lors des travaux du comité et je voudrais juste avoir votre opinion là-dessus. On sait bien sûr que beaucoup de Québécois sont à l'étranger temporairement pour différentes raisons, soit en résidence temporaire, en fonction officielle, pour une question de travail ou simplement un voyage d'agrément. Quelle est votre opinion là-dessus? Comment peut-on s'assurer que ces personnes aient la possibilité d'exercer leur droit fondamental?

M. Rhéaume: C'est une question que je trouve même, à mon avis, plus délicate que la précédente. Spontanément, je serais porté à vous

dire: Devraient avoir le droit de vote les personnes qui paient des impôts ou des taxes au Québec. Il me semble que ce critère devrait entrer en ligne de compte. Cependant, on pourrait répondre qu'on peut être Québécois, demeurer en Floride depuis 30 ans et ne plus payer de taxes au Québec, mais demeurer quand même Québécois de coeur ou avoir un appartement d'une pièce et demie dans un immeuble du centre ville pour avoir le droit de recevoir sa pension. Je donne cet exemple, mais je pourrais en donner d'autres. On peut être député au gouvernement fédéral et ne pas payer d'impôts au Québec. Cela s'est produit et cela a été révélé durant les récentes années.

Je vous avoue que pour moi c'est une question très délicate. En principe, je suis favorable au vote de l'ensemble, mais on ne peut pas parler des citoyens. On peut parler des résidents du Québec, puisque nous ne sommes rien d'autre que des résidents pour l'instant. Donc puisqu'il n'y a pas de citoyenneté québécoise, je vois difficilement comment on peut parler du droit des citoyens du Québec à voter. Pour l'instant, il n'y a quant à moi que des résidents du Québec. Nous n'avons pas encore de citoyenneté.

M. Maltais: D'accord. Changement de sujet, concernant l'instauration du financement des tiers partis par l'État, vous incluez, à la page 5 de votre mémoire, l'instauration d'une grille. En fait, vous mettez un paquet de conditions qui ont, bien sûr, toutes leur valeur. Peut-être que ce que d'autres groupes ont dit avant vous aujourd'hui, c'est: n'est-ce pas là une forme d'ingérence de l'État à l'intérieur des partis politiques si on tient compte, par exemple, de tous les critères, des activités des différentes instances, de la participation aux assemblées, aux commissions parlementaires, aux élections partielles, en fait tout le résumé de ce que vous avez dit? Est-ce que vous n'avez pas une certainte crainte d'un genre d'ingérence que l'État pourrait faire à l'intérieur de la vie normale d'un parti politique qui appartient d'abord et avant tout à ses membres et à ses militants? Si on y met beaucoup de critères, quelle sera, par exemple, la façon de contrôler de l'État? Si elle met des moyens trop restrictifs, en fait c'est de l'ingérence à l'intérieur du parti.

M. Rhéaume: Je comprends très bien vos craintes. Elles sont tout à fait légitimes. Je ne les partage pas cependant. Je pense que l'État doit suivre de très près la vie des partis politiques. Il a trop longtemps négligé de le faire et cela a amené des abus qui ont conduit à des situations tout à fait épouvantables. Remarquez que vous seriez les premiers à dire qu'il n'y a aucune solution parfaite et vous auriez tout à fait raison. Quand je propose cette grille, j'ai bien sûr en tête de défendre les intérêts de la formation politique que je représente, tout en essayant de faire en sorte que ce soient les critères le plus objectifs possible. Mais je ne crains pas. Je pense au contraire que nous devons actuellement produire des rapports financiers, mais l'activité d'un parti politique n'est pas que financière. Je pense qu'un parti politique qui, par exemple, n'aurait pas tenu de congrès ou d'assemblée générale depuis dix ans, ne pourrait servir qu'à permettre à quelques personnes de recevoir de l'assurance-chômage, par exemple. Je ne veux rien indiquer au Directeur général des élections, je dis tout simplement que cela pourrait arriver. Je pense que l'État doit s'intéresser à la vie interne des partis politiques et voir à ce que les partis se réunissent, aient des instances, aient des congrès et participent aux différentes élections. Un parti politique qui ne participerait à aucune élection partielle, par exemple, quant à moi, devrait perdre des points parce que le jour du vote, on ne se le cachera pas... Il y a deux partis qui sont privilégiés dans le régime dans lequel on est. Ces deux partis sont privilégiés en grande partie à cause du soutien de l'État qui est important, la visibilité parlementaire. Les gens sont élus par la population, bien sûr, mais essayez de vous faire élire dans un autre parti que celui de l'Opposition officielle ou du gouvernement et ce ne sera pas facile, cela prendra du temps. Il y a des partis qui pourraient en témoigner.

Je rejoindrais le chef de l'Union Nationale une autre fois lorsqu'il dit qu'une partie devrait revenir pour chaque vote reçu. Je trouve cela extrêmement équitable. C'est tout à fait dans le sens du libéralisme économique d'ailleurs. Je pense que c'est tout à fait défendable. En plus de l'argent, et je me permets d'insister là-dessus, je sais que le mémoire peut sembler très terre-à-terre. Je suis fortement préoccupé par les questions d'organisation. C'est très important. Les tiers partis, cela ne coûterait presque rien à l'État. Fournissez-nous la documentation gouvernementale, fournissez-nous un certain soutien lorsque nous venons à l'Assemblée nationale pour que nous puissions faire une conférence de presse ici à l'intérieur comme c'était le cas il y a quelques années. Cela a été changé avant le régime actuel, je tiens à le dire. Les gens pouvaient venir et on pouvait convoquer la presse, rencontrer, donner nos impressions. Nous devrions recevoir le budget, nous devrions recevoir les états financiers, les projets de loi, les rapports des sociétés d'État. Cela ne coûterait pas une fortune, mais ce serait très important pour faire nos recherches, préparer nos mémoires et nos interventions publiques.

Quant à la partie strictement financière, je pense qu'il est du devoir de l'État, comme il le fait pour tout autre genre d'entreprises, que ce soit sur le plan économique, sur le plan commercial, sur le plan industriel, de le faire également pour les jeunes et les tiers partis. Je suggère

une grille parce que je trouve que le seul critère du résultat électoral, pour moi c'est une farce, parce qu'on le sait à l'avance. Cela prend des années et des années. Cela fait en sorte que pour gagner une élection cela prend de l'argent. Que les deux partis ici se voient retirer les 650 000 $ ou les 500 000 $ ou que quelqu'un se présente comme indépendant dans un comté, vous savez ce que cela veut dire. Nous le savons tous.

Donc, il faut trouver une façon. La grille suggérée n'est pas parfaite. C'est une suggestion, mais nous la considérons plus large que le seul critère électoral. À notre avis, il devrait y avoir des critères de pondération.

M. Maltais: Je pense qu'on se rejoint sur bien des principes, particulièrement en ce qui concerne l'information, l'augmentation. Je pense que c'est le devoir de l'État dans l'ensemble d'informer les partis politiques, qu'on les appelle tiers.

Par contre, parmi ce qu'on appelle les tiers partis, il y a des "tiers tiers", c'est-à-dire des partis dont le siège social et la permanence changent assez souvent de place et vous le savez fort bien, M. Rhéaume. À ce moment, si jamais on incluait un telle chose dans la loi, à mon avis les partis auraient des responsabilités de fournir au DGE tous les renseignements pour dire où on devrait envoyer la documentation, qui est le chef et comment cela fonctionne. Je pense aussi que les partis politiques auront des devoirs et ont des devoirs envers les citoyens et envers l'État. À l'heure actuelle, comme moi vous savez fort bien qu'on a une liste de partis politiques officiellement reconnus. Vous-même en ignorez certains partis, tout comme moi. Ce n'est pas facile, mais on doit bien sûr tenir compte dans l'ensemble de la valeur des gens.

Mon collègue aura tout à l'heure l'occasion de continuer concernant votre mémoire. Je vous remercie infiniment de vos réponses. C'était très intéressant. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci M. le député de Saguenay. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. Dans un premier temps, je voudrais remercier rapidement le Parti indépendantiste, M. Rhéaume ainsi que votre collaborateur, pour avoir accepté de présenter votre point de vue.

Ce qui m'a frappé au départ, et je voudrais que vous compreniez que pour ce qui est des membres du comité c'est dans cet esprit qu'on a travaillé. Il en tient aux parlementaires, au ministre délégué à la Réforme électorale, au gouvernement et aux citoyens du Québec d'être très exigeants là-dessus. Vous avez raison de titrer votre mémoire: "Favoriser les tiers partis: une exigence démocratique." C'est dans cet esprit qu'on a travaillé à la réforme électorale. Ce n'est pas parce qu'on vit une situation particulière momentanée du bipartisme que la démocratie ne doit pas s'exercer davantage pour avoir des instruments réels, concrets, qui permettent effectivement l'expression de tiers au sens large du terme sans les cantonner dans un parti politique proprement dit. La plupart des réflexions qu'on a entendues étaient dans ce sens. Cependant, c'est comme autre chose, on n'est pas des extraterrestres et il faut vivre concrètement avec des réalités. Je l'illustrerai tantôt par un propos concret. Aussi bien y aller tout de suite puisque quinze minutes, c'est vite passé. (17 h 30)

Je donne un exemple pour illustrer ce que je veux dire. Ce qui m'a plu de votre mémoire, c'est que vos recommandations sont succinctes, mais concrètes et précises. Vous avez des points de vue sur des sujets précis. J'en viens à ce sujet à la page 4 de votre mémoire quand vous parlez de votre désaccord concernant le nombre de signatures de citoyens du Québec avant l'autorisation d'un parti politique. Je ne m'obstinerai pas cet après-midi pour 5000 ou 4000. Cependant, quand je divise 125 ciconsriptions électorales par 5000 personnes, cela veut dire 40 citoyens par circonscription. Si je dis quelque chose là-dessus, c'est que je mets cela en parallèle avec d'autres exigences.

Quand vous dites à la page 7 qu'il serait intéressant que les tiers partis aient accès à la salle de conférences de presse de l'Assemblée nationale, aient un lieu réservé au parlement, un minimum de services de secrétariat communs, que le chef de parti reconnu reçoive le Journal des débats, ainsi de suite, on arrête là, je prétends qu'il y a quelque chose de logique là-dedans. Si une structure d'État reconnaît des partis, il est légitime de fournir des instruments d'information pour que ces partis politiques puissent avoir un minimum d'inflexion du rôle de l'État ou de l'Exécutif. Mais justement parce que c'est comme cela, il ne faut pas caricaturer l'accessibilité des partis politiques. Je ne ferai pas d'illustration, je pourrais en faire, mais cela ne serait pas tellement drôle, à mon avis, de faire l'hypothèse qu'ici, à l'Assemblée nationale, d'une façon courante, on vit avec, je ne sais pas, il y en a 18, et qu'à tout bout de champ, dans une salle ou l'autre du parlement, il y a possiblement autant de libéraux, de gens du Parti québécois, du Parti indépendantiste, du Crédit social uni, désuni, fusionné ou non avec un autre parti que je ne connais pas. Cela ne me fait rien tout cela, mais à la condition que, si l'État doit fournir des outils et des instruments, les fonds publics et les citoyens sachent que ce même État qui donne des facilités a des exigences de reconnaissance, des exigences pour s'assurer que ce n'est pas comme cela qu'on devient un parti politique au Québec parce que là, je ne comprends plus la notion de la démocratie. Je ne veux pas la définir tout seul, c'est une trop lourde responsabilité. Il ne m'appartient pas seul de définir ce qu'on entend par une expression

démocratique. Ce que je veux mettre en lumière et c'est ma première question, dans votre mémoire, vous avez fait à quelques reprises ce que j'appellerais des corrélations entre... Par exemple, le sujet 4, quand on a dit 3000, 4000, 5000 signatures du Québec pour être reconnu représentant de parti politique, c'est parce qu'on mettait en parallèle à d'autres endroits dans la réforme des interventions où l'État serait obligé de donner plus d'instruments d'expression aux partis politiques pour que, s'ils ne sont pas en mesure d'infléchir les lois par leur présence à l'Assemblée nationale, qu'ils le soient au moins par leur caractère de "sériosité", si vous me permettez l'expression, même si cela n'existe pas. C'est quoi, votre point de vue par rapport à ce que je mets en parallèle?

M. Rhéaume: Je suis pris avec le même dilemme que vous sauf que je propose une solution différente pour le régler. Il me paraît plus défendable politiquement d'exiger pour qu'un parti soit reconnu, qu'il présente des candidats, qu'il tienne des assemblées régulières, qu'il ait des instances autorisées que d'exiger 5000 signatures. Je ne vous cacherai pas que si cela avait été le cas en 1968 lorsque j'ai pris ma carte du Mouvement souveraineté-association, pour avoir eu 5000 signatures... Je me souviens, nous étions au sous-sol, sur la rue Saint-Denis avec le député de Laurier de l'époque. Cela a commencé là. Vous savez, 5000 signatures, c'est quelque chose. Je ne parle pas pour nous, nous sommes accrédités.

Je voulais simplement signaler qu'il serait extrêmement difficile pour une nouvelle formation politique de recueillir 5000 signatures parce qu'un parti, lorsque cela se fonde, à quelques exceptions près... Nous avons ici un parti qui date d'avant la Confédération, donc les comparaisons ne tiennent pas... Mais habituellement, depuis le début du siècle, l'histoire des partis politiques démontre que c'est une trentaine, une quarantaine ou une centaine de personnes qui se réunissent, qui ont des affinités et qui décident d'aller sur le plan politique. Donc, 5000 personnes pour un jeune parti, même recueillir 600 signatures...

Je connais un autre groupe indépendantiste qui a eu, à un moment donné, l'intention publique de devenir une formation politique; et recueillir 600 signatures, c'est l'exigence actuelle. Pour en avoir rencontré quelques-uns et avoir discuté très amicalement, même si nous avions des divergences, je sais que ce n'est pas une petite affaire. Je considérerais plus politique d'exiger, je dirais, des actes de parti politique pour reconnaître une formation politique. Vous savez, de deux choses l'une: ou bien la signature se fait de façon sérieuse, ou bien on prend des rues, puis on va dans les centres commerciaux et on fart signer. Les gens signent beaucoup de choses. Mais pour le faire d'une façon sérieuse, je pense que ça demanderait beaucoup d'énergie.

Je comprends qu'il faut un seuil et qu'il faut faire en sorte que les groupes soient sérieux. Je préfère des exigences plus "politiciennes" que "pétitionnaires", si vous voulez.

M. Gendron: D'accord. À la page 7 de votre mémoire, quand vous avez fait la recommandation que l'État devrait commander trois fois par année des sondages d'opinions sur la perception des partis, y compris les tiers partis, je vous avoue que j'ai de la difficulté à comprendre en quoi il s'agirait d'une responsabilité d'État d'essayer de connaître l'opinion publique sur la perception des partis. Supposons que je sois membre d'un gouvernement et que j'essaie de comprendre le bien-fondé de faire, trois fois par année, un sondage des 18 partis politiques enregistrés chez le DGE; que cela me serve dans ma responsabilité de membre d'un gouvernement, je ne le vois pas. J'aimerais que vous m'éclairiez davantage là-dessus. Qu'est-ce qui vous motivait à faire cette suggestion?

M. Rhéaume: D'abord, à ma connaissance, cela s'est toujours fait; ils n'ont pas été rendus publics, mais cela s'est toujours fait, je suis prêt à en témoigner. D'autre part, je pense que l'État - quand je dis l'État, je parle du Directeur général des élections - devrait, à partir de la grille que je suggère, qui pourrait être, je le répète, une tout autre formule, mais parmi les grands partis et les tiers partis - on parle même du quart monde, alors on pourrait parler des quarts partis - parmi les tiers partis les plus importants, du moins ayant une activité politique régulière, le Directeur général des élections devrait avoir les ressources nécessaires pour commander des sondages, pour voir comment les partis sont perçus par la population. Il y en a qui sont commandes par des partis, par des individus; quelques-uns sont payés par des partis, d'autres sont payés par l'État. C'est une façon moderne de mesurer l'opinion. Je le sais, cela se fait régulièrement.

Ce que nous disons, c'est que ce serait une façon de nous aider, nous, les tiers partis, parce que le seul fait d'être inscrit dans un sondage est une démarche extrêmement longue. Cela a pris plus de 30 ans au NPD. Le seul fait d'être dans une question lors d'un sondage... Nous avons eu l'occasion, une fois, d'être dans une question, une seule fois. De cette façon, je pense que cela ferait en sorte de faire connaître au moins le pouls de la population; ce ne serait pas toujours agréable, les résultats, mais il me semble que cela fait partie de la démocratie, puisque les sondages sont maintenant scientifiquement acceptables par tout le monde. D'ailleurs, entre le début de l'élection et le résultat, il n'y a pas 1 % de différence dans 96 % des cas, donc ce doit être assez valable. Nous disons: Faisons-en bénéficier tout le monde; trois fois par année, que l'État rende public le résultat des sondages. Je pense que tout le monde pourrait en

tirer son profit.

Nous n'avons pas les moyens, nous, de nous commander un sondage de 10 000 $, 20 000 $ ou 25 000 $. Cependant, nous ne sommes pas les seuls et ce serait utile à tous les partis, d'ailleurs, de voir quelle est la perception qu'ont les gens, tout cela dans une vision qui tend - et c'est l'essence du document devant nous - à favoriser l'évolution des tiers partis. Bien sûr, vous avez des moyens de faire des sondages que nous n'avons pas et c'est moins utile pour les gros partis que pour les plus petits.

M. Gendron: À la page 5 de votre mémoire vous avez indiqué, M. Rhéaume, que vous reviendriez, dans vos recommandations générales, sur d'autres formes de financement indirect pour aider les tiers partis dans leur action politique et à moins que je n'aie pas suivi, je ne retrouve pas ailleurs quelque recommandation que ce soit concernant le financement des partis politiques.

M. Rhéaume: C'était le Journal des débats, les documents, un secrétariat minimal. C'était un financement indirect. On a évalué cela rapidement à 15 000 $ ou 20 000 $ que cela pourrait représenter comme frais. C'est un financement indirect. C'est dans ce sens-là que j'avais exprimé...

M. Gendron: Si c'est cela, vous êtes modeste comme exigence, parce que je comprenais que de l'information gouvernementale, bien sûr si c'est intéressant que vous l'ayez, cela ne donne pas beaucoup d'argent pour financer vos activités; et comme on a parlé avec tous les autres groupes sur les diverses façons d'aider le financement des partis politiques, est-ce que vous avez une opinion à nous soumettre sur un financement direct? Quel est votre point de vue par rapport à cela?

M. Rhéaume: Oui, c'est la grille dont je vous ai parlé tout à l'heure, c'est-à-dire que nous suggérons que les partis politiques qui répondent à la grille proposée se voient partager non pas également, mais équitablement, la somme que l'État décide d'allouer aux formations politiques. Oui, nous voulons...

M. Gendron: C'est l'ensemble des critères qu'il y avait à la page 5?

M. Rhéaume: Oui. Nous avons dit, entre autres, la représentation à l'Assemblée nationale, les résultats électoraux...

M. Gendron: Le nombre d'électeurs.

M. Rhéaume: ...le nombre de candidatures, le nombre de votes reçus, le nombre de souscripteurs. Cela a peut-être l'air insignifiant, mais c'est important: l'appui populaire était un des objectifs du comité auquel vous avez participé; d'ailleurs, c'était de mesurer l'appui populaire. Les contributions à un parti politique, c'est une forme d'appui populaire.

J'en profite pour vous dire spontanément, comme cela, que nous sommes opposés au fait qu'une même personne puisse donner 3000 $ à l'un et à l'autre parti. Je trouverais cela épouvantable. C'est tout ce que j'ai à dire: épouvantable.

M. Gendron: Mais pourriez-vous, puisque vous le touchez, dire deux phrases de plus? On n'a pas trop bien saisi. Est-ce que vous voulez dire que vous seriez opposé à ce que...

M. Rhéaume: Écoutez, ce serait... pardon.

M. Gendron: Je pose ma question. Actuellement, le plafond est à 3000 $ pour un électeur. D'accord?

M. Rhéaume: Oui.

M. Gendron: L'électeur ne peut pas donner plus de 3000 $ au total des partis politiques existants. C'est la loi actuelle. Vous dites que vous seriez opposé au fait que le plafond soit maintenu, mais autorisé à chacune des formations politiques pour lesquelles il voudrait souscrire. Est-ce cela que vous dites?

M. Rhéaume: Oui, c'est-à-dire que je m'oppose au fait, parce que je n'avais pas du tout pensé à cela lors de la rédaction du mémoire, c'est lors de la comparution précédente que cela m'est venu à l'esprit, qu'on pourrait contribuer par des sommes allant jusqu'à 3000 $ à plusieurs partis politiques. Quand j'ai entendu tout à l'heure que 3000 $, cela n'influence personne, j'aimerais bien voir l'être, que je considérerais un peu au-dessus de la nature humaine, qui dans un comté n'est pas influencé par 3000 $. J'ai fait moi-même une quinzaine de campagnes de financement, au moins pour un parti politique, et 3000 $ venant de quelqu'un, vous savez, ce n'était pas le chef de la rue qui allait le chercher.

M. Gendron: Un dernier commentaire, compte tenu de l'heure. Je suis heureux, M. Rhéaume, que vous ayez fait la suggestion, même si elle n'est pas inscrite, que le DGE publie une fois par année l'existence des partis politiques pour les citoyens qui voudraient contribuer. C'est, je pense, un appel qui ne serait pas dispendieux une fois par année. Par rapport à des principes démocratiques de financement populaire, je trouve que c'est une très bonne suggestion et je suis très heureux que vous l'ayez faite. Je vais continuer à essayer de l'acheminer pour m'assurer qu'elle soit retenue par le ministre. Je vous remercie. (17 h 45)

M. Rhéaume: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député d'Abitibi-Ouest.

Je vais maintenant reconnaître M. le député indépendant de Gouin.

M. Rochefort: Oui, M. le Président. Je voudrais revenir sur un sujet qu'a abordé le député d'Abitibi-Ouest avec nos invités. Je pense qu'il faut aller un peu plus loin dans la précision des réflexions, sinon des recommandations, parce qu'il s'agit, à mes yeux, d'un sujet très important. C'est toute cette question du resserrement - appelons les choses par leur nom -auquel on en est arrivés au comité technique, quant à l'autorisation des formations politiques, et en même temps, cette volonté nette qui m'anime et qui anime, je pense, un bon nombre de membres de la commission et un bon nombre de groupes extérieurs quant à cette ouverture absolument essentielle à l'éclatement du bipartisme dans notre société.

J'avoue que je reste beaucoup sur mon appétit à la lecture du mémoire que vous nous présentez et un peu à la suite du dialogue que vous avez eu avec le député d'Abitibi-Ouest. Il faut peut-être revoir la philosophie qui nous a animés de resserrer les critères quant à l'autorisation des formations politiques, mais il faut comprendre que déjà, si on a pensé qu'il fallait faire cela, c'est parce qu'on considérait qu'il y avait effectivement eu une trop grande facilité à la reconnaissance de formations politiques, avec les abus qu'on connaît tous que cela a produits et qui, non seulement ont des effets directs sur le processus démocratique, mais ont des coûts très importants pour la société.

Dans le mémoire que vous nous présentez, vous nous demandez d'aller très loin - pas trop, très loin - dans la contribution, la participation, le soutien de l'État à la création et à la vie des formations politiques. Je vous répète que je ne suis pas du tout antipathique à cela. Au contraire, je suis assez porté à dire oui et qu'il faut y aller, si c'est ce qu'il faut pour faire éclater le bipartisme et permettre que toutes les tendances dans notre société soient représentées dans le processus électoral et à l'Assemblée nationale.

En contrepartie, comme je vous le dis, déjà avant les demandes que vous nous faisiez, nous avons senti la nécessité de resserrer. Vous comprendrez qu'avec les demandes que vous faites, et je le répète, que je trouve fort légitimes d'ajouter au soutien de l'État, je ne vois pas comment on peut concilier cela sans resserrer en même temps les conditions pour se constituer en formation politique, compte tenu des abus qu'on a connus. Vous savez, on a déjà vu un parti qui a été littéralement créé sur le coin d'une table, mais que le Directeur général des élections n'avait pas le choix de considérer parce qu'il respectait les prescriptions de la loi, qui a présenté des candidats dans au-delà de 100 circonscriptions électorales, qui a participé à la campagne électorale avec un bon nombre de droits; évidemment on sait très bien que c'était un feu de paille, cette affaire-là, et on ne sait pas trop ce que c'était, par ailleurs. Mais il faut donc trouver un moyen de baliser.

Imaginez-vous si, en plus, on avait eu à fournir à ce groupe - puis il en existe encore, des groupes plus ou moins sérieux dans le lot - si on avait à lui fournir tous les services que vous proposez, tout le soutien financier que vous suggérez. Je pense qu'en ce qui concerne la saine gestion des fonds publics elle-même, ce ne serait pas responsable.

Vous nous dites: Plutôt que d'y aller par des signatures et des processus de cette nature, on pourrait peut-être regarder le vécu réel du parti politique. Je vous dis - puis moi, j'ai une réticence fondamentale - que je considère que là, on commencerait à s'ingérer dans le fonctionnement interne des formations politiques. Moi, je n'ai pas à juger, comme parlementaire, et je ne pense pas que le Directeur général des élections, malgré les modifications qu'on apporterait à la loi, soit la personne qui puisse porter le jugement, à savoir si chez vous, c'est rationnel, correct et respectueux des critères de la loi, qu'il y ait eu deux assemblées générales alors qu'au Parti libéral il n'y a eu qu'un congrès par deux ans, mais deux colloques des jeunes.

Qui va décider ce que sont les activités sérieuses d'une formation politique? Est-ce qu'on va tous avoir un modèle minimal d'activités à respecter pour recevoir un soutien de l'État? Je ne le pense pas. Je vous le dis, je reste vraiment sur mon appétit. Je dis: il faut creuser cela, il faut trouver autre chose qui permette d'atteindre l'objectif d'ouverture par le moyen d'un meilleur soutien de l'État, mais qui permette aussi de mettre un peu plus de sérieux dans certains cas et, donc, de resserrer; mais pas par le biais, quant à moi, de ce que j'apparenterais trop à une forme d'ingérence de l'État dans la vie interne des formations politiques.

M. Rhéaume: Moi, je répète que je ne suis pas contre. Je n'emploierai pas le terme ingérence, mais je dirais non-indifférence. Mais, je ne suis pas contre le fait que l'État suive de très près la vie des partis politiques. Je comprends tout à fait votre appréhension et je la partage sur l'essentiel. Mais, je me dis: 5000 signatures, cela peut ne pas être plus sérieux.

M. Rochefort: Oublions les 5000 signatures. Y a-t-il moyen de trouver des moyens additionnels qui ne sont pas les 5000 signatures? Votre programme à 10 pages, 12 pages ou 24 pages a-t-il été voté en congrès, en assemblée générale, par la poste, par des délégués ou je ne sais pas quoi? Y a-t-il quelque chose entre les deux? Je ne vous demande pas nécessairement d'apporter la réponse aujourd'hui, mais d'ici à la rédaction finale du projet de loi, il va falloir en arriver à des mécanismes très précis, si on veut progrès-

ser, atteindre en partie l'objectif d'ouverture, mais en même temps d'une plus grande rigueur quant aux critères à observer pour constituer une formation politique.

M. Rhéaume: Remarquez que c'est la question qu'on s'est posée avant de proposer cela et on s'est dit: Qu'est-ce qui fait qu'un parti politique est un parti politique? Faisons en sorte que la réponse à cette question soit la base des critères.

M. Rochefort: J'avoue que, si on faisait une réunion de tous ceux qu'on considère comme sérieux dans la liste des partis autorisés, je suis profondément convaincu qu'on aurait droit à une panoplie drôlement diversifiée et très large d'activités politiques qui existent dans ces formations, à un point tel que je ne voudrais pas être celui qui a à décider si ce sont, en soi, des activités normales, acceptables de formation politique au sens des critères qu'on se donnerait.

M. Rhéaume: En tout cas, la question, bien sûr, mérite d'être approfondie. Cependant, il nous semble que ces critères-là nous apparaissent plus politiques que l'accumulation de signatures. Je vous avoue que si jamais on avait de l'argent, je ne dirais pas à dépenser, mais un peu à consacrer... Qu'on vérifie donc depuis les vingt dernières années toutes les signatures de tous les candidats de tous les partis, de toutes les circonscriptions, qui ont déposé leur candidature. Ce que je veux dire, c'est que la signature, ça peut être moins sérieux que l'autre critère.

M. Rochefort: Oui, mais je vous dirai que si on se sert de la qualité des règles, y compris des signatures, cela va aussi s'appliquer aux députés sortants qui vont se reporter candidats...

M. Rhéaume: Ah, oui! Ah, oui!

M. Rochefort: ...ce qui règle peut-être les questions auxquelles vous faites allusion. Par ailleurs, cela ne dure pas longtemps, parce qu'une fois qu'on est rendus à une campagne électorale, il y a l'appui populaire obtenu. Et de la part des formations politiques qui font élire des députés, au moins il y a quelque chose de tangible.

M. Rhéaume: Effectivement.

M. Rochefort: La période transitoire est pour ceux qui ne font pas élire de députés, au fond, pour qu'ils aillent chercher des éléments qui permettent quand même... D'autant plus, je le répète, qu'on irait dans le sens du soutien auquel vous tenez, avec raison je pense, et que ce soit quand même à l'intérieur d'un cadre où on peut justifier raisonnablement un tel soutien.

M. Rhéaume: Le dernier argument que je déposerais est que le critère que je ne dis pas que vous privilégiez, mais qui est là dans le document, est un critère qui permet le sérieux une fois alors que celui que nous proposons permet que le sérieux puisse s'évaluer plus longtemps. 5000 signatures une fois, puis reconnues à vie, à condition qu'il y ait un rapport annuel...

M. Rochefort: Je ne sais pas quel est le point de vue des autres membres de la commission, mais des autorisations données à vie, moi, je ne crois pas à ça. D'ailleurs, je vous dirai que si on modifie les règles - et là, je ne veux faire tomber personne en bas de sa chaise, ce n'est pas moi le ministre, alors je peux en parler - c'est clair pour moi que si on modifie les règles d'autorisation des partis politiques, ce n'est pas vrai que cela ne va s'appliquer qu'aux futures formations politiques. On va mettre tout le monde sur le même pied. Dans ce cas, je pense qu'il faut s'assurer que ces règles-là, en soi, ne viendront pas mettre fin à l'existence de formations politiques qui doivent exister. Il va falloir trouver un mécanisme, mais...

M. Rhéaume: Est-ce qu'une loi ne peut pas être...

M. Rochefort: ...ce n'est pas vrai que ceux qui ont passé avant telle date sont sauvés des eaux puis que quelqu'un qui a une autorisation l'a pour la vie, dans mon esprit. Au contraire.

M. Rhéaume: Tout en sachant que la loi ne peut pas être rétroactive.

M. Rochefort: Non, mais... Vous savez qu'on a déjà eu droit à cela.

M. Rhéaume: Oui, dans un cas.

M. Rochefort: il n'y a pas longtemps d'ailleurs.

M. Rhéaume: Je me souviens bien.

M. Rochefort: Mais, espérons que cela ne reviendra pas. Non, non, ce n'est pas à cela que je pense.

Le Président (M. Marcil): Est-ce que ça va, M. le député de Gouin?

M. Rochefort: Oui.

Le Président (M. Marcil): C'est parce que tantôt on avait de la difficulté à vous entendre. Le fait que...

M. Rochefort: Ah oui?

Le Président (M. Marcil): Comme vous aviez

un discours très intéressant, on en a manqué sûrement...

M. Rochefort: M. le Président, la prochaine fois, interrompez-moi pour...

Le Président (M. Marcil): Sûrement. M. Rochefort: ...n'en rater aucun mot.

Le Président (M. Marcil): Sûrement. En conclusion, M. le ministre.

M. Gratton: Très brièvement, un commentaire et une question. Un commentaire qui rejoindra les propos des députés de Gouin et d'Abitibi-Ouest en ce qui a trait aux services que vous nous suggérez de donner aux partis politiques. Par exemple, lorsque vous nous suggérez dans votre troisième recommandation, en page 7, que le chef des partis reconnus reçoive le Journal des débats, les projets de loi, les déclarations ministérielles, il me semble que c'est un minimum. Je vais d'ailleurs écrire au Président de l'Assemblée nationale - cela relève de lui - pour lui suggérer qu'il étudie cette possibilité parce que, en fait, cela n'impliquera pas des coûts exorbitants. Je suis sûr que dans la majorité des cas, cela pourrait être utile au processus démocratique. Je vous dis en même temps que je sais d'avance que dans au moins un cas des 17 partis autorisés présentement, le tout nous reviendra systématiquement parce que les deux adresses et les numéros de téléphone qu'on a, le Directeur général des élections pourra en témoigner, n'existent tout simplement pas. Donc, il va falloir s'interroger sur les critères pour en arriver à ce que les partis politiques autorisés soient vraiment des partis politiques et, ensuite, pouvoir considérer la question d'une aide financière de l'État qui serait basée sur d'autres critères que ceux qu'on a déjà obtenus dans nos travaux, notamment à partir de certains critères que vous suggérez.

Mais il faudra nécessairement en arriver à éliminer l'autorisation de partis politiques qui n'en sont pas, sans quoi ce sont les partis politiques sérieux qui en souffriront. C'est mon commentaire. On va sûrement s'y pencher. Je pense que vous m'avez convaincu, M. Rhéaume, que le critère le plus important n'est pas nécessairement les signatures qu'on obtient. On en a discuté très longuement et je pense qu'on devra continuer à chercher d'autres critères que celui-là pour assurer le sérieux des partis politiques que le Directeur général des élections doit autoriser.

Ma question porte sur la langue.

M. Rhéaume: Je l'espérais.

M. Gratton: Je ne voudrais surtout pas vous priver de l'occasion de nous dire ce que vous pensez. Vous nous avez indiqué, et cela a été clair au moment de l'élection partielle dans Anjou, que vous souhaitiez que les documents électoraux... Reprenons votre recommandation. Je vais d'abord la retrouver: "Faire de la langue officielle la langue de la vie électorale et celle des partis politiques." Ma question a trait à la différenciation qu'il faut faire des documents, la nature des documents. Est-ce que vous considérez que les documents unilingues français et ceux qui pourraient être bilingues doivent être différents selon la clientèle à qui ils s'adressent? Par exemple, vous nous avez parlé des rapports des partis. On pourrait convenir, et c'est un sujet qui n'a pas encore été abordé par le comité, je tiens à le souligner, mais qui devra nécessairement l'être par la commission parlementaire. Donc, on pourrait convenir que les documents d'administration interne avec le Directeur général des élections, par exemple, pourraient être unilingues français. Mais pensons au carton de rappel adressé dans chaque foyer du Québec au moment d'une élection; considérez-vous, et c'est le point de vue de votre partie que je sollicite, que cela ne devrait pas être bilingue de façon, justement, à permettre à tous les électeurs québécois d'être informés de la même façon sur les enjeux, sur la nécessité et les droits et obligations des électeurs?

M. Rhéaume: Ma réponse ne vous surprendra pas, M. le ministre. Le chapitre I de la Charte de la langue française indique que le français est la langue officielle du Québec. Les jeunes libéraux, que je tiens à saluer de façon toute particulière aujourd'hui, ont démontré en fin de semaine un intérêt très particulier pour la question linguistique, et je les en félicite au-delà de toute partisanerie. (18 heures)

Je trouve que c'est extrêmement rafraîchissant et intéressant d'entendre le point de vue qui a été avancé. Je peux vous dire que jamais, à mon avis, depuis que la Charte de la langue française a été adoptée en 1977, un parti politique n'est allé aussi loin dans une instance face au gouvernement en ce qui concerne la refrancisation des petites entreprises. Je suis prêt à ce qu'on infirme ce que je dis, mais je suis presque sûr que c'est la première fois. Donc, je salue l'attachement à la langue française des jeunes libéraux.

Après avoir donné ce coup de chapeau, M. le ministre, je vous indique qu'en ce qui me concerne, la carte de rappel devrait être en français. Je sais cependant, pour l'avoir fait étudier par des juristes dont c'est la préoccupation majeure, que pour l'instant, semble-t-il, et je laisse cela à d'autres, je sais que les francophones peuvent exiger d'avoir une carte de rappel en français seulement.

Ce que je vous dis c'est que si vous faites une carte de rappel bilingue, soyez sûrs que des partis politiques... en tout cas nous, nous ferons en sorte que, là où on a des membres, ils

exigent une carte de rappel en français seulement. L'état actuel du droit face à la Charte de la langue française et les jugements des tribunaux, tous contrôlés par Ottawa - soit dit en passant, je vous remercie de me donner l'occasion de le rappeler en voyant le drapeau d'ailleurs qui est réapparu ces dernières années -mais tous, en vertu de la loi actuelle il est possible que le directeur général ait la possibilité d'émettre des cartes de rappel bilingues mais, à mon avis, les cartes de rappel doivent être en français. Rhéaume, avec ou sans accent, c'est facile à comprendre. Parti indépendantiste ou Parti libéral, en français ou en anglais, je pense qu'il faudrait être bien bête pour ne pas comprendre.

M. Gratton: Je voudrais bien que ce soit clair. Je comprends de vos propos que vous ne vous opposez pas à ce que les informations pertinentes à partir de formulaires qui s'adressent à l'ensemble des électeurs puissent être publiées et en français et en anglais, mais ce à quoi vous vous opposez c'est que des électeurs francophones ne puissent pas obtenir les informations unilingues françaises, s'ils le désirent.

M. Rhéaume: Non. Si c'est ce que j'ai dit, j'ai divagué. Si c'est ce que j'ai dit, ce n'est pas ce que je voulais dire. Ce que je demande, M. le ministre, c'est que la langue officielle soit la langue de la vie électorale et celle des partis politiques dans tous ses aspects. Carte de rappel, bulletin de vote, distribution, manuel du greffier, tous les petits dépliants, déclarations de candidature, à notre avis tout doit être dans la langue officielle, sinon c'est une forme de bilinguisme et nous sommes opposés à toute forme de bilinguisme.

M. Gratton: Donc, pour que ce soit clair, et je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, loin de là.

M. Rhéaume: Non, non, non.

M. Gratton: Vous opposez-vous à ce que le Directeur général des élections fournisse aux électeurs qui ne sont pas francophones les mêmes informations en anglais que celui-ci fournit aux électeurs francophones en français?

M. Rhéaume: Nous nous y opposons. M. Gratton: Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. Rhéaume. J'inviterais immédiatement le Parti j'en arrache à se présenter.

M. Patrice Fortin, je crois. Vous connaissez les règles du jeu. Vous présentez votre mémoire. Ensuite, il y aura une période de questions. Allez-y.

Parti j'en arrache

M. Fortin (Patrice): Je tiens à remercier Mme Giguère pour l'invitation. Je ne sais pas si c'est elle que je dois remercier. C'est la première fois que je viens. J'accepte avec plaisir votre invitation à la commission parlementaire des institutions afin de vous dire ceci.

Voici en bref mon mémoire. Je me demande si cela vaut vraiment la peine d'écrire un roman car je me demande si mes écrits seront pris en considération. C'est pourquoi je résume.

En passant, c'est la première commission à laquelle je participe. C'est mon premier mémoire. Je ne suis pas très habitué.

Quand j'ai constaté les résultats des réunions du comité de travail sur la révision de la Loi électorale - j'ai pris le sujet 20, Déclaration de candidature - j'ai trouvé que les membres du comité sur la révision des lois électorales ont promis: 1) d'exiger un dépôt de 250 $ avec la déclaration de candidature et d'assujettir le remboursement de ce dépôt au respect des exigences de la loi, notamment au chapitre des rapports financiers; 2) de ne plus autoriser le futur candidat à recueillir lui-même les signatures d'appui à sa candidature; 3) d'exiger que les mandataires d'un candidat ayant recueilli les signatures déclarent sous serment devant le directeur du scrutin qu'ils connaissent les signataires et que ceux-ci sont électeurs et qu'ils ont signé devant eux; 4) d'exiger que le directeur du scrutin ne reçoive une déclaration de candidature que si elle est complète et conforme à sa face même aux exigences de la loi. Je le mets dans le paquet parce que je ne suis pas d'accord avec les trois autres. Cela n'est pas facile de présenter un rapport au bureau de scrutin si déjà sur les trois premiers, je ne suis pas d'accord.

Après cela, je prends le sujet 32, page 8, paragraphe 4 ou tiret 4, troisième proposition. Toujours dans le même ordre d'idées, j'aimerais ajouter: d'augmenter de 10 à 20 le nombre de circonscriptions électorales dans lesquelles le parti qui demande une autorisation doit s'engager à présenter les candidats lors de toute élection générale subséquente pour obtenir et conserver son autorisation...

Le sujet 2. Est-ce que je peux continuer? D'augmenter à 5000 le nombre de signatures d'appui d'électeurs à l'échelle du Québec qui doit accompagner la demande d'autorisation sans par ailleurs spécifier que ces signatures doivent provenir d'un nombre quelconque de circonscriptions. Et à la page 5, paragraphe 2, sujet 32 toujours: Le dépôt obligatoire; l'augmentation du nombre de candidats et de signatures d'appui nécessaire pour obtenir une autorisation n'est peut-être pas suffisante pour assurer que seuls les partis politiques sérieux soient reconnus, protégeant ainsi la crédibilité de notre système électoral. Les membres du comité semblent partager ce jugement et ont en conséquence

adopté le principe de l'introduction d'une nouvelle exigence d'autorisation, soit l'obligation pour un parti de fournir un dépôt d'une somme d'argent a déterminer et remboursable à certaines conditions. Disons que, dès le départ, une telle hypothèse est pour le moins novatrice, puisque aucun autre exemple du genre ne nous est fourni par les autres juridictions canadiennes.

J'ai pris connaissance de tout cela. Je viens de lancer un parti et j'ai trouvé que cela n'était pas facile de lancer un parti. Quand je prends toutes ces conditions et que je les mets ensemble: le sujet 20, paragraphes 1, 2, 3, 4, Déclaration de candidature; sujet 32, paragraphe 2, où ce n'est peut-être pas une proposition, on parle de dépôt, cela va peut-être être discuté à un moment donné; sujet 32, page 8, paragraphe 3; augmenter de 10 à 20 le nombre de circonscriptions électorales; à la page 9, paragraphe 4: "augmenter à 5000, le nombre de signatures. Je dis que cela peut sembler novateur, mais si on réunit toutes ces conditions ou ces propositions pour lancer un parti politique, on est en mesure de se demander si en démocratie - selon mon expérience récente à Anjou, il faut se poser la question - les petits et les gros contribuables qui en arrachent seront encore capables de former un parti politique avec un bon chef qui saura aller chercher ces signatures et se faire connaître et apprécier de la population afin de poser sa candidature.

Pour terminer, selon ma récente expérience à Anjou, j'adopte un peu des mots gouvernementaux, je me suis rendu compte d'un certain laxisme législatif. C'est pourquoi j'aimerais apporter de nouvelles propositions afin d'amener l'électorat à avoir la stabilité politique. Dans le moment, on essaie de passer des messages, et c'est un peu difficile. Comme proposition, je ne sais pas si je peux passer directement aux propositions. La première proposition du Parti j'en arrache pour amener cette stabilité politique serait que les résultats d'une élection, soit partielle, soit générale, soient divulgués uniformément et sans aucune discrimination. Ce que je veux dire, c'est que les journaux et la télé seraient obligés de donner tous les résultats de chacun des partis politiques provinciaux afin de dire quels sont ceux qui vont chercher ce 1 % et de savoir ce qu'ils ont apporté de nouveau - il manque un mot - comme opinion et de voir avec quoi ils peuvent en arracher. Si on ne dit pas les résultats, on ne saura jamais que le parti est là, on ne saura jamais avec quoi il en arrache.

La deuxième priorité, c'est que le Parti j'en arrache proposait un seuil minimal d'imposition. Excusez-moi, j'aurais une question à vous poser: Est-ce que je peux lâcher cela ou si j'y vais tout de suite avec les propositions - j'ai un petit commentaire à faire - et on discutera après?

Le Président (M. Marcil): Vous avez 20 minutes d'exposé, donc faites-le de la façon dont vous voulez, après les gens vont intervenir.

M. Fortin (Patrice): Je vais rester sur cette question, soit celle de donner les résultats d'un parti. Voyez-vous, le jeune qui regarde tout cela se demande si on prépare vraiment la relève; à un moment donné, cela va prendre de la relève au Québec et cela va être un peu peut-être nous autres, peut-être de vos frères ou de vos cousins ou de vos petits-neveux. J'ai même dans le parti - il avait signé, c'était le fils du ministre Gobeil - qui disait m'encourager; peut-être que c'est un futur député. Si on n'écrit pas les résultats, on ne saura jamais que notre parti est là et peut-être que la relève ne pourra jamais se préparer. Je pense qu'il faudrait les écrire. Je pense qu'on doit préparer la relève un peu.

La deuxième proposition que j'aurais - un seuil minimal d'imposition - que les partis auraient à payer une fois l'an, lors des rapports financiers des partis politiques provinciaux. Ce seuil minimum pourrait être entre 10 % et 20 %, et on pourrait créer un fonds spécial pour régler certains litiges avec les employés de l'État et les fonctionnaires lors d'arrêts de travail où l'on pourrait demander une augmentation salariale. Cela pourrait nous empêcher de nous casser la tête et de régler ces problèmes plus rapidement. J'ai pris cela car on se souvient de la grève des transports en commun qui avait duré deux semaines. Je pense que c'est un peu exagéré pour les personnes qui se servent du transport en commun pour aller travailler. Il y en a qui me disaient: Ecoute, c'est mon transport. Ce qui m'a fâché hier, c'est que j'ai entendu une rumeur selon laquelle c'était un col bleu qui avait brisé des "chars" à Montréal. Ce n'est peut-être pas vrai, c'est peut-être vrai, on ne le sait pas. C'était peut-être un employé qui était mécontent.

Ce que je veux dire aussi, c'est que je me souviens des ingénieurs d'Hydro-Québec qui avaient fait du saccage. À ce moment-là, je les avais appelés et j'avais dit: Écoutez, quand vous brisez quelque chose, c'est nous tous qui payons pour toute la province. C'est peut-être mieux d'aller manifester. J'ai dit: Vous êtes dans le même bureau que M. Bourassa, mettez-vous dans la porte dehors; mais quand vous brisez tout, c'est tout le monde qui paie. En plus, il y a aussi les fonctionnaires, les employés de l'État. À un moment donné, ils vont peut-être arriver et demander les 20 % que M. Parizeau n'avait pas donnés ou qu'il avait coupés, je ne sais pas trop. J'entends parler de cela, je n'ai jamais su ce que c'était vraiment. Cela peut arriver, à un moment donné, qu'il y ait des employés de l'État qui déclarent quelque chose. Donc, peut-être faire un deuxième fonds, cela existe peut-être, mais en faire un deuxième, surtout pour les transports en commun.

J'ai regardé tout le livre. Vraiment, je trouvais que mettre toutes les choses ensemble

pour lancer un parti - les 5000, les 250 $ de dépôt, ne plus autoriser le candidat à recueillir lui-même les signatures - je trouvais que c'était pas mal, parce que je viens d'avoir une expérience et ce n'est pas facile pour un simple citoyen; cela a pris quasiment six mois à recueillir 600 noms pour pouvoir venir ici dire quelque chose. Je veux dire ce qu'il en est de la vente d'alcool. Je dis que je trouve l'électeur un peu vire-capot, pour ne pas être vulgaire comme M. Bourassa - excusez, au lieu de dire "capoter", on pourrait dire vire-capot. Je reproche à l'électeur de ne pas s'impliquer cette journée-là à regarder toute chose sérieuse que peut constituer tout règlement et juridiction législative gouvernementale - cela est un grand mot. C'est pourquoi le Parti j'en arrache s'oppose à toute vente d'alcool lors d'une élection afin de garder un certain caractère sérieux à l'électorat. Là, je dis: Merci beaucoup, le Parti j'en arrache, chef et père fondateur, parce que j'ai entendu M. Bourassa appeler M. Lévesque le père fondateur, maintenant qu'il est parti, mais moi je suis encore vivant et je peux être le père fondateur, si on peut dire.

C'est un peu cela. Je trouve que ce n'est pas facile de lancer un parti. Quand on met tout cela ensemble, le monde qui va penser que c'est facile, bien ce n'est pas drôle. Disons que je ne suis pas encore député, j'ai seulement quelques recommandations. On peut prendre cela en riant, mais qu'est-ce que vous voulez, je pense que ce n'est pas drôle, en réalité, les grèves dans les transports en commun, quand on dit aux jeunes: Vous devriez aller travailler, mais qu'il y a deux semaines de grève. Ce n'est pas drôle. Tu arrives le matin et tu ne peux pas te rendre à "ta job". Je pense que c'est une chose quand même sérieuse, créer peut-être un fonds spécial; la balance, rendre obligatoires les résultats d'un parti afin qu'on puisse savoir qu'on existe ou si, un jour, on a un membre qui est élu, savoir s'il est rentré, j'imagine. Je vous laisse...

Le Président (M. Marcil): il vous reste encore cinq minutes. Si vous avez d'autres messages à passer, ne vous gênez pas.

M. Fortin (Patrice): Je pense que c'est pas mal tout. Je veux dire que c'étaient des choses pas mal sérieuses. J'aurais d'autres choses à vous dire.

Le Président (M. Marcil): À ce moment-là, je vais demander à M. le ministre délégué à la Réforme électorale de vous poser des questions. (18 h 15)

M. Fortin (Patrice): Comme j'avais dit à M. le ministre, je ne voulais pas qu'il me demande avec quoi on en arrache, parce qu'on pourrait parler de la langue, du libre-échange, des vols militaires au Labrador. C'est un peu pour cela que le parti s'est créé. Il y avait des choses qui n'allaient pas dans la province.

Le Président (M. Marcil): Sauf que maintenant on parle de la réforme.

M. Fortin (Patrice): Oui, c'est cela. Déjà, en partant, comme la première proposition de mettre les résultats obligatoires dans les journaux, c'est pour cela que je vous dis que...

Le Président (M. Marcil): Cela va jusqu'à maintenant. M. le ministre.

M. Gratton: Oui. M. Fortin, lorsque vous remerciez tantôt Mme Giguère de vous avoir invité, il serait bon que vous sachiez que si Mme Giguère, qui est la secrétaire de la commission, vous a invité, c'est que le comité de parlementaires qui était constitué de membres du Parti libéral et du Parti québécois, de même que du député de Gouin, avaient décidé d'inviter tous les partis politiques reconnus par le Directeur général des élections. Donc, c'est à ce titre-là que vous avez été invité et je vous dis bravo que vous ayez accepté l'invitation de la commission pour venir donner votre point de vue, parce qu'il y en a d'autres qui n'ont même pas accusé réception à l'invitation, donc qui ne seront pas ici.

M. Fortin (Patrice): Bien...

M. Gratton: Attendez, je n'ai pas fini mon commentaire. Je vous laisserai intervenir après. Vous dites que vous vous demandez si cela vaut la peine d'être venu nous dire ce que vous pensez de la révision de la Loi électorale. C'est à vous d'en juger. Nous sommes là pour vous écouter et nous prenons bonne note des commentaires et des objections que vous faites.

Je voudrais cependant attirer votre attention sur une chose: à la deuxième page de votre mémoire, vous soulignez que le comité de parlementaires a retenu l'idée d'imposer un dépôt pour l'autorisation d'un parti politique. Or, je voudrais que vous ayez la chance de relire le document qui fait état du procès-verbal des réunions du comité, car ce n'est pas le cas. Au contraire, le comité - et il y avait consensus de nous tous là-dessus - a décidé de ne pas exiger un dépôt d'une somme d'argent comme condition d'autorisation d'un parti politique. Vous avez raison si vous pensez à l'autorisation ou à la mise en candidature d'un candidat, mais dans le cas de l'autorisation des partis politiques, on a au contraire décidé de ne pas exiger de dépôt, en se disant que ce ne serait pas le genre d'exigence qui pourrait assurer l'atteinte des objectifs qu'on s'est fixés. Vous étiez présent tantôt quand on a discuté avec M. Rhéaume et avec les gens de l'Union Nationale de cet équilibre que l'on veut essayer d'assurer entre le sérieux des partis politiques que le directeur général autorise à partir de la Loi électorale et les services que l'on veut pouvoir offrir aux partis politiques.

Cela dit, je vous remercie d'être venu nous faire part de vos commentaires. Je comprends que les points que vous avez touchés dans votre mémoire sont des sujets avec lesquels vous exprimez votre désaccord avec les conclusions et c'est votre droit le plus strict d'être venu nous le dire. Quant à moi, je n'ai pas de question spécifique à poser à M. Fortin. Son point de vue est clair et je le remercie d'être venu participer à nos travaux.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: il a un commentaire.

Le Président (M. Marcil): Oui, vous avez des commentaires?

M. Fortin (Patrice): Je ne sais pas si j'avais encore cinq minutes. Je viens de trouver un petit sujet que j'avais le goût de placer dans la proposition que je faisais. Est-ce que j'ai le temps? Lorsque je parlais de mettre un impôt sur les partis politiques, c'est qu'un jour il faudra probablement en arriver à cela. Je ne sais pas si cela pourrait être perçu sur les contributions ou sur les 0,25 $ qu'ils ont pour chaque électeur qui siège à l'Assemblée nationale, sans être perçu sur les contributions, mais il faudra créer un fonds spécial pour arrêter que de temps en temps la population se sente prise en otage, comme pour les transports en commun ou les ingénieurs d'Hydro-Québec qui saccagent ou les cols bleus. Je ne sais pas si vous comprenez un peu ce que je veux dire.

Le Président (M. Marcil): Oui. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Très simplement, je veux remercier M. Fortin d'être venu nous présenter son point de vue. De toute évidence, à la lecture du mémoire, il est clair que vous allez nous faire partager presque l'appellation de votre parti, que vous en arrachez. Cependant et comme le ministre délégué à la Réforme électorale l'a mentionné, on a invité des groupes et des partis politiques reconnus; c'était aussi pour faire l'illustration que cela doit être pris au sérieux un parti politique au Québec.

En fait, ce que je retiens de votre mémoire, c'est que vous dites que ce n'est pas facile de former un parti politique au Québec. Je souhaite qu'il en soit ainsi en ce qui me concerne, parce qu'il faut quand même être très sérieux avec les valeurs démocratiques et l'exercice du droit de vote pour un citoyen. Il faut que cela ait une résonance significative d'un système. Dans ce sens, il est clair que la responsabilité des membres d'un gouvernement et des parlementaires, c'est de s'assurer de baliser les règles afin que les partis politiques, que l'État décide d'aider par toutes sortes de moyens, puissent offrir aux citoyens du Québec des orientations, des positions qui leur permettent de faire des choix.

Je donne simplement un exemple, et c'est ma conclusion. Quand je lis votre recommandation no 2, à savoir que vous voudriez - j'admettrai que ce n'est pas facile à comprendre - proposer un seuil minimal d'imposition, vous ne pouvez pas, si vous m'écoutez comme il faut, proposer cela et quelques minutes après, dire: Qu'est-ce que l'État peut faire pour me financer comme parti politique? Je ne sais pas si vous me suivez. Cela n'a pas de bon sens. Tous les partis politiques sont venus demander de l'aide de l'État pour s'assurer qu'ils puissent avoir des outils démocratiques à offrir aux citoyens. Vous dites: On devrait envisager également de percevoir un impôt de je ne sais pas quoi sur je ne sais pas quoi, mais cela n'a pas d'importance. Tout ce qu'il y a comme image, c'est de percevoir de l'argent pour un parti politique qui en demande. Alors, même si l'objectif est de pallier à des difficultés par rapport à des situations de conflits ouvriers, cela n'a rien à voir. Je pense qu'on ne peut pas mêler ces données-là.

Quoi qu'il en soit, uniquement en conclusion, M. Fortin, je peux vous dire qu'on était conscients, comme comité, lorsqu'on a demandé à tous les partis politiques de venir nous exprimer leur point de vue. C'est ce que vous avez fait, alors que d'autres ont fait le choix de ne pas le faire. Dans ce sens, on doit vous remercier de cette participation. C'est certain qu'à la lumière des discussions qu'on doit poursuivre, on verra s'il y a des points de vue de votre formation politique en difficulté qui peuvent être repris.

M. Fortin (Patrice): Est-ce que je peux faire un commentaire là-dessus?

M. Gendron: Oui.

M. Fortin (Patrice): Vous disiez tout à l'heure qu'il y a des partis qui en demandent. Moi, je ne suis pas le genre de gars qui va aller quêter. Dans le moment, je ne fais pas le million, et même, ce n'est pas facile. Comment je dirais bien cela? Nous autres, nous percevons que les partis qui sont là, il y en a qui en ont, par exemple. Il y a 101 députés libéraux; il me semble qu'il y a une ristourne qui revient, à la fin de l'année, au parti parce qu'ils ont 0,25 $ par tête, par électeur, si je comprends bien. Sans toucher aux contributions, peut-être payer un petit montant, parce que, pour la population, ce n'est vraiment pas drôle quand on voit, par exemple, du saccage, quand on voit ce qui se passe. On se dit: Ce sont encore nos taxes qui vont augmenter. Il va falloir qu'à un moment donné, ça cesse toutes ces affaires-là. Le transport en commun - deux semaines - cela n'a pas d'allure cette affaire-là. Je sais bien que le parti était fraîchement au pouvoir. Cela doit

exister, j'imagine, des fonds spéciaux pour que le monde ne se sente pas poigné de même pendant deux semaines, sans transport. Il y a des gens qui m'ont demandé: Est-ce que je vais perdre "ma job"? Est-ce que je vais perdre mon logement? Il me semble que c'est important. Il faut continuer au moins à travailler.

Le Président (M. Marcil): Cela va. M. Fortin, on vous remercie beaucoup de vous être prêté à cet exercice.

En conclusion, je veux simplement vous rappeler que, demain, les travaux reprendront à 10 heures et nous allons entendre la Curatrice publique, le Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, l'Association canadienne pour la santé mentale, le Comité de bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec inc.

Nous ajournons donc nos travaux à demain, 10 heures. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 25)

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