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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Marcil): Nous allons déclarer
cette séance ouverte. J'aimerais rappeler le mandat de cette commission
qui est de procéder à des consultations particulières et
de tenir des auditions publiques, afin d'examiner toute proposition de
révision de la Loi électorale, sur la base, notamment, du
"Document de réflexion et de consultation sur la révision de la
Loi électorale", déposé à l'Assemblée
nationale, le 15 mars 1988, et du document intitulé "Résultats
des travaux du comité de travail sur la révision de la loi
électorale". Donc, si je ne m'abuse, M. le ministre, le document sera
déposé tantôt, après vos remarques
préliminaires. Est-ce cela?
M. Gratton: Oui.
Le Président (M. Marcil): Donc, je souhaite la bienvenue
à tous les députés. Je suis convaincu que cet exercice de
consultation sera très positif compte tenu du fait que la plupart
reviennent de vacances et qu'on a eu un été extraordinaire. Les
gens sont donc de bonne humeur et pleins d'énergie. Mme la
secrétaire, est-ce qu'il y aurait des remplacements à cette
commission?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Assad
(Papineau) est remplacé par Mme Blackburn (Roberval); M. Brouillette
(Champlain) par M. Maltais (Saguenay); M. Dauphin (Marquette) par Mme Pelchat
(Vachon); M. Filion (Taillon) par M. Gendron (Abitibi-Ouest) et M. Godin
(Mercier) par M. Dufour (Jonquière.)
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais donc
inviter M. le ministre à faire ses remarques préliminaires,
pendant quinze minutes, de même que le porte-parole de l'Opposition,
pendant quinze minutes et le député de Gouin, pendant dix
minutes. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Michel
Gratton
M. Gratton: Merci, M. le Président. Vous me permettrez,
d'abord, de souhaiter la bienvenue et de remercier chaleureusement tous les
parlementaires et tous les intervenants qui ont accepté de participer
à nos travaux.
Le nombre, la diversité et la qualité des mémoires
qui nous ont été transmis constituent le meilleur
témoignage de la vitalité de la démocratie
québécoise et laissent présager des travaux des plus
fructueux. Le maintien de la qualité de nos institutions
démocratiques repose sur la préoccupation constante que l'on doit
entretenir à les adapter à l'évolution de la
société. La réponse enthousiaste à participer
à cette commission parlementaire nous démontre que cette
préoccupation est partagée et bien vivante parmi la population
québécoise. En effet, pas moins de 28 intervenants seront
entendus au cours des prochains jours, ce qui constitue une première
dans le domaine électoral. C'est d'ailleurs cette préoccupation
qui m'animait, dès le début du processus de révision de la
Loi électorale, amorcé depuis maintenant plus d'un an. En effet,
dès le mois de mai 1987, je rendais publique la démarche que
j'entendais suivre dans ce dossier.
Dans un premier temps, je faisais connaître une liste de sujets
identifiés à partir de certains problèmes vécus
lors des élections de 1985 et des représentations qui avaient
été faites depuis. En transmettant cette liste aux membres de
l'Assemblée nationale, à tous les partis politiques et au
Directeur général des élections, je sollicitais leur
collaboration et les invitais à me faire connaître tout autre
sujet de préoccupation qui leur semblait devoir être pris en
considération.
Du même coup, je demandais au Secrétariat à la
réforme électorale de préparer un document de
réflexion et de consultation sur l'ensemble des sujets identifiés
initialement et sur les sujets suggérés par la suite par l'un ou
l'autre des intervenants. Le document commandé se voulait avant tout un
document de travail, présentant un état de la situation pour
chacune des questions soulevées et suggérant un éventail
de solutions possibles.
J'ai déposé à l'Assemblée nationale le 15
mars 1988 le Document de réflexion et de consultation sur la
révision de la Loi électorale, qui présente pas moins de
150 sujets pouvant éventuellement conduire à des modifications
à la Loi électorale. Ce document a en outre été
transmis à tous les intervenants qui s'intéressent de près
à l'administration électorale au Québec et aux groupes et
individus ayant été consultés ou ayant fait des
représentations sur le sujet.
À l'occasion du dépôt du document,
l'Assemblée nationale adoptait une motion créant un comité
de travail de parlementaires et lui confiant le mandat d'analyser le document
préparé par le Secrétariat à la réforme
électorale et de dégager, de façon préliminaire,
les points de consensus autour des nombreuses propositions contenues dans le
document. Le travail de ce comité se voulait avant tout un travail
préparatoire à la commission parlementaire chargée
d'examiner les sujets qui pourraient faire l'objet
de modifications à la Loi électorale.
Le comité de travail de parlementaires a procédé,
au cours du printemps, à l'étude minutieuse du document de
réflexion et de consultation du secrétariat. La réflexion
sérieuse et les échanges ouverts auxquels se sont
prêtés les sept parlementaires membres de ce comité
constituent un atout majeur pour la bonne marche des travaux de la commission
qui débute aujourd'hui. J'en profite pour remercier sincèrement
les membres du comité. Je suis convaincu que l'étape que nous
entreprenons aujourd'hui se déroulera dans le même esprit de
collaboration.
À plusieurs reprises au cours de leurs travaux, les membres du
comité ont exprimé le souhait d'entendre certains intervenants
particulièrement concernés par l'un ou l'autre sujet
abordé dans le document. Pour répondre à ce souhait, et
comme je m'étais d'ailleurs dit prêt à le faire dès
la création du comité de parlementaires, il a été
décidé de tenir des consultations particulières en
invitant certains à venir faire valoir leur point de vue.
Compte tenu de l'importance des questions en jeu et de l'impact des
décisions à prendre sur l'exercice d'un droit aussi fondamental
que le droit de vote, l'étape de consultation que nous entreprenons
aujourd'hui revêt à mes yeux un caractère capital.
En effet, l'attitude d'ouverture au plus large éventail
d'opinions, qui doit animer toute démocratie, s'impose de façon
impérieuse lorsqu'il s'agit d'évaluer et de modifier les
institutions ou les mécanismes qui en garantissent la
vitalité.
Et c'est pourquoi je serai plus qu'attentif aux témoignages et
représentations qui nous seront faits au cours des prochains jours.
Cette étape de consultation permettra, j'en suis convaincu,
d'éclairer encore davantage les parlementaires et le gouvernement dans
les décisions importantes qu'il leur incombera de prendre sur les
modifications à apporter à la Loi électorale.
Dès la fin de ces consultations particulières, la
commission parlementaire des institutions entreprendra en effet le
deuxième volet du mandat qui lui a été confié par
l'Assemblée nationale, soit d'examiner les sujets qui pourraient faire
l'objet de modifications à la Loi électorale. Cette seconde
étape devrait se tenir dès le début de septembre de
façon à ce qu'un projet de loi puisse être
déposé et adopté avant la fin de l'année 1988.
Ainsi, les prochaines élections générales pourront se
tenir sur la base d'une Loi électorale améliorée qui
tiendra compte des représentations diverses qui nous auront
été faites et des ententes, que je souhaite le plus nombreuses
possible, que les parlementaires auront dégagées.
Les objectifs que je me suis fixés dès le départ
dans cette démarche de révision de la Loi électorale et
que j'ai d'ailleurs énoncés dans la présentation du
document de réflexion et de consultation du secrétariat devraient
continuer de nous guider d'ici la fin de nos travaux.
Et, vous me permettrez, M. le Président, de prendre quelques
minutes pour rappeler succinctement ces cinq grands objectifs.
Nous devons d'abord voir à préserver et à
consolider les acquis qui procurent à notre système
électoral toute sa crédibilité, notamment en
matière de financement des partis politiques. Nous devons même
ouvrir de nouvelles avenues au renforcement des règles d'éthique
dans la vie politique. Il nous faut donc nous demander si les objectifs
d'équité et de transparence qui sous-tendent toute notre
législation en cette matière ne pourraient pas être
raffermis, notamment, en évaluant l'opportunité d'encadrer d'une
façon quelconque la publicité gouvernementale en période
électorale; en examinant la possibilité d'étendre les
règles de contrôle et de divulgation du financement des partis
politiques à leurs campagnes au leadership; en associant le soutien
financier de l'État aux partis politiques davantage à l'appui
populaire réel qu'ils reçoivent plutôt qu'au seul
critère de leur représentation à l'Assemblée
nationale; en facilitant l'application et le respect de la loi au chapitre du
maximum autorisé des contributions des électeurs aux partis
politiques; en améliorant les règles de présentation des
rapports financiers des partis politiques, de façon à permettre
une divulgation d'une plus grande transparence et à en faciliter la
consultation et la compréhension.
Le deuxième objectif qui doit nous animer consiste à
consacrer de la façon la plus élargie la primauté du droit
de vote sur la procédure et les règles qui en régissent
nécessairement l'exercice. Que ce soit au niveau des exigences requises
pour obtenir la qualité d'électeur ou au niveau des
formalités ou mécanismes d'exercice du droit de vote, la Loi
électorale pourrait probablement être assouplie de façon
à permettre au plus grand nombre d'exercer leur droit
démocratique fondamental. Nous proposons donc d'examiner, notamment,
l'opportunité d'accorder le droit de vote aux handicapés et
malades mentaux; l'assouplissement des règles d'inscription et de
résidence et l'instauration des mécanismes appropriés pour
permettre aux Québécois résidant temporairement hors du
Québec d'exercer leur droit de vote; la possibilité d'introduire
le vote par procuration pour faciliter l'exercice du vote des personnes
âgées, malades, handicapées ou à mobilité
réduite, et des absents, l'accroissement des possibilités
d'inscription sur la liste électorale par l'ajout d'une procédure
de révision spéciale quelques jours avant le scrutin; ou
l'adaptation, dans la mesure du possible, des mécanismes de votation aux
besoins particuliers de certaines catégories d'électeurs, par
exemple le bureau de vote mobile, le déplacement de l'urne, l'assistance
aux sourds-muets, et ainsi de suite.
Tout comme pour l'objectif précédent, c'est l'esprit et la
lettre des chartes canadienne et québécoise des droits et
libertés qui nous dictent
comme troisième objectif la recherche du meilleur
équilibre entre le respect des libertés fondamentales et la
protection de l'intégrité du système électoral. La
liberté d'association et la liberté d'expression, ainsi que son
corollaire qu'est le droit du public à l'information, ne devraient en
effet être limités que dans la mesure où les valeurs
fondamentales au maintien de l'intégrité du système moral,
social et politique peuvent être mises en péril.
Comme quatrième objectif, nous croyons que les efforts de
rationalisation administrative et de contrôle de l'utilisation des fonds
publics, qui traduisent une volonté gouvernementale bien
arrêtée, doivent recevoir leur application aussi dans le secteur
de l'administration du système électoral. Cet objectif doit
nécessairement s'inscrire dans le contexte particulier du secteur
électoral, en ce sens que les moyens mis en oeuvre pour y parvenir ne
doivent en aucun cas mettre en péril le sain déroulement du
processus électoral ni porter atteinte à l'indépendance et
à l'autonomie essentielles à l'administration du système
électoral.
La démarche de révision de la Loi électorale doit
enfin répondre à un dernier objectif, soit la simplification et
la mise à jour des dispositions de la loi pour en faciliter la
compréhension et l'utilisation autant que pour l'adapter à la
réalité sociale et politique de 1988. Cet objectif devrait se
traduire, d'une part, par une clarification du langage et, d'autre part, par
une harmonisation des différentes exigences de nature essentiellement
technique.
C'est donc, M. le Président, à la poursuite de ces
objectifs que nous sommes tous conviés à travailler. Pour le
gouvernement, l'étape de consultation que nous entreprenons aujourd'hui
sera un moment privilégié pour être à
l'écoute des aspirations et des attentes de chacun face à
l'amélioration de notre système électoral. (10 h 30)
Je réitère donc nos remerciements sincères aux
individus et organismes qui ont accepté notre invitation et je les
assure, au nom du gouvernement, de notre intention de tenir compte de leurs
représentations dans la préparation des amendements à la
Loi électorale que nous entendons soumettre à l'attention de
l'Assemblée nationale dès cet automne. M. le Président,
tel que vous l'annonciez, je souhaiterais que nous procédions
maintenant, sinon au dépôt, tout au moins à la distribution
du document contenant le résultat des travaux du comité de
parlementaires sur la révision de la Loi électorale, document qui
a d'ailleurs été expédié à tous ceux qui ont
été invités à venir faire valoir leur point de vue
ici à la commission, mais qui n'a pas été distribué
de façon exhaustive. J'invite toute personne qui voudrait s'en saisir
d'en faire demande auprès du secrétariat de la commission.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre
délégué à la Réforme électorale.
Nous allons donc recevoir ce document comme dépôt. Cela
va.
J'inviterais maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle
à faire ses remarques préliminaires.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, je voudrais d'abord saluer
l'ensemble des collègues parlementaires et indiquer que nous sommes
conviés ce matin à un exercice démocratique sur un sujet
très important. Je pense qu'il est essentiel de souligner l'importance
de la commission parlementaire qui, bien sûr, nous permettra
d'échanger des idées avec les intervenants sur diverses
modifications souhaitables, qui doivent être apportées à la
Loi électorale dans n'importe quel régime démocratique en
mouvance. Cela ne sera peut-être pas facile avec les sujets
d'actualité de ce matin: le retour de Guy Lafleur comme hockeyeur, la
rencontre Turner-Bourassa, le suspense entourant les élections
fédérales, la demande un peu farfelue des jeunes libéraux
d'expédier à tous les Québécois une copie de la
Charte de la langue française alors que les membres du Conseil des
ministres ne l'appliquent même pas. Cela devrait être d'abord
à eux de recevoir une copie de la Charte de la langue
française.
Au-delà de ces considérations, on va essayer d'être
le plus attentif possible sur les éclaireurs externes aux parlementaires
parce que je pense que les parlementaires ont déjà fait oeuvre
utile dans ce dossier en travaillant très sérieusement à
un comité qui aura permis à tout le moins de cerner les grands
sujets sur lesquels il y a lieu, soit de modifier et d'apporter des changements
majeurs, soit de s'adapter par rapport à l'évolution des moeurs
électorales. En ce sens, je pense qu'on doit se réjouir du
travail qui a été fait par le comité.
Le ministre de la réforme électorale a bien campé
les objectifs visés par cette réforme. Il a bien signalé
aussi que les travaux que nous entreprenons ce matin s'inscrivaient dans la
foulée du comité de travail parlementaire où bon nombre de
sujets proposés dans le document de réflexion du
Secrétariat à la réforme électorale ont fait
l'objet de consensus entre les deux formations politiques
représentées à l'Assemblée nationale. Je pense
qu'il est important de procéder sur cette base et j'y reviendrai.
On réitère cependant l'importance, comme je viens de le
dire, d'un consensus en matière de réforme de nos lois
électorales dans la mesure où la légitimité d'un
gouvernement en démocratie dépend du degré de confiance
des citoyens envers le processus électoral. Je pense que des principes
comme l'intégrité, l'équité, l'accessibilité
et la transparence doivent être les fondements clés de tout
système électoral dans une véritable
démocratie.
Afin de préserver le haut degré de con-
fiance des Québécois à l'égard de leur
système électoral, toute réforme à notre loi doit
respecter ces fondements. Les modifications doivent donc faire l'objet des plus
larges consensus possible. C'est un engagement que le ministre avait pris
dès sa nomination, qu'il a transgressé à quelques reprises
et j'aurai l'occasion d'y revenir au moment opportun. Mais il importe de
rappeler que lorsque le ministre délégué à la
Réforme électorale, dès son assermentation, avait pris
l'engagement solennel indiquant que toute réforme en matière
électorale devait passer par un minimum de consensus, je pense qu'il
était sur la bonne voie. C'est une voie de laquelle il a
dévié à deux reprises, malheureusement. Comme je l'ai
mentionné tantôt, on pense que c'est un accroc difficilement
acceptable et on aura l'occasion d'y revenir. Mais j'espère que le
ministre reviendra, cette fois-ci, aux dispositions qui étaient siennes
au moment de sa nomination, parce que je pense que, là, il était
sur la bonne voie.
Il est peut-être important de rappeler également la
contribution importante de l'Opposition aux travaux du comité. Le
ministre l'a signalé, je pense que nous avons fait notre travail
professionnellement et concrètement. Notre contribution a
été significative aux travaux du comité et cela
témoigne de notre engagement indéfectible à l'égard
des valeurs démocratiques et de toute mesure susceptible de contribuer
à la démocratisation de nos institutions politiques.
D'ailleurs, notre action gouvernementale en cette matière en
témoigne. Sans faire un long bilan de notre action démocratique
dans le passé comme formation politique, je me dois de rappeler certains
éléments qui permettraient de mieux cadrer et situer dans quel
esprit nous allons contribuer aux travaux de cette commission.
J'ai la chance d'être membre d'une formation politique, ainsi que
mes collègues, qui a un bilan qui s'inscrit comme contribution
importante à l'effort de démocratisation de nos institutions
politiques amorcées à la suite de la Révolution
tranquille. Juste à titre de rappel, nous avons été la
première formation à réaliser de véritables
campagnes de financement populaire dans tous les coins du Québec. Nous
avons été la première formation nord-américaine
à élire son chef sur la base du suffrage universel de ses
membres.
C'est nous qui avons adopté la loi 2 sur le financement des
partis politiques qui, en 1978, a mis fin, heureusement, à la pratique
des caisses électorales et réduit l'influence des groupes
d'intérêts sur les partis politiques. Je pense que c'était
la réforme dont M. René Lévesque était, à
juste titre, le plus fier.
Nous avons adopté une loi régissant la consultation de la
population par référendum en 1979, année où nous
avons élargi le droit de vote aux détenus, aux juges et au
personnel de scrutin. C'est nous qui avons créé la Commission de
la représentation, organisme indépendant, chargé de
vérifier périodiquement la configuration des districts
électoraux. Nous avons instauré la télédiffusion
des débats pour mettre les citoyens davantage dans la présence
des débats parlementaires, afin qu'ils voient l'action ou l'inaction de
leurs commettants.
Nous avons amorcé une réflexion majeure, une
réflexion importante sur le mode de scrutin, parce que nous sommes
toujours convaincus que cela fait également partie de l'évolution
des moeurs électorales. On ne peut pas prétendre être assis
sur la vérité avec un mode de scrutin uninominal à un tour
quand on connaît les diverses distorsions que ce système
électoral crée. Je veux bien reconnaître qu'il n'y a pas de
système électoral parfait, mais il m'apparaît toujours
utile de rappeler à des parlementaires qu'il faut demeurer
éveillés à toute ouverture quant aux améliorations
à être apportées au mode de scrutin que nous
connaissons.
Je pense que ces gestes que je viens d'illustrer témoignent de
l'engagement de notre parti envers la démocratisation de notre vie
politique. Donc c'est avec énormément d'intérêt et
d'ouverture, à titre de porte-parole de l'Opposition officielle, que mes
collègues et moi désirons souligner l'important apport que
constitueront les divers témoignages des intervenants que nous allons
entendre au cours des prochains jours. Ces témoignages, je
l'espère, permettront aux législateurs, au Conseil des ministres,
au ministre délégué à la Réforme
électorale, d'approfondir leur réflexion ainsi que toutes les
réflexions qui sont nécessaires sur les modifications
susceptibles de toujours réaliser l'objectif premier qui doit nous
animer: avoir un système démocratique des plus perfectibles, des
plus conscients de l'importance de maximiser le plus possible la garantie que
tous les électeurs qui désirent le faire aient la
possibilité d'exprimer leur choix démocratique lors d'une
campagne électorale.
Il faut, comme Opposition, s'asurer que les points de consensus qui se
dégageront à l'issue des travaux de cette commission trouvent une
traduction, la plus fidèle possible, dans le contenu du projet de loi
prévu pour l'automne. Et nous espérons que, cette fois, il
s'agira véritablement d'un projet de loi qui finira par aboutir,
contrairement à d'autres réformes qu'on a constamment
annoncées, sur lesquelles on a pris des engagements électoraux
fermes, mais qui sont constamment reportées. Quand ils arrivent à
terme, on procède à une chaise musicale ministérielle pour
justifier éventuellemment un autre report. On espère que, pour ce
qui est de la réforme électorale, cela ne sera pas le cas.
Sur la base de notre participation aux travaux de la commission
parlementaire, l'Opposition a pris position sur un certain nombre de sujets
soulevés par le document de réflexion du Secrétariat
à la réforme électorale, à l'intérieur
duquel un certain nombre de propositions du DGE s'insèrent. Je voudrais
seulement en illustrer
quelques-unes. Nous serons favorables, et je pense qu'on aura l'occasion
d'entendre des intervenants là-dessus, mais d'ores et
déjà, il est peut-être important de nous camper sur
certains grands sujets majeurs, parce que je sais que le comité a
réfléchi sur une multitude de sujets. Quand on travaille sur
environ une centaine de sujets importants, il faut toujours dégager
quand même des sujets plus majeurs. Il y en a peut-être dix ou
quinze. Je ne suis pas ici pour les cerner exactement et numériquement.
Mais on sait tous qu'on va souhaiter recevoir des éclaircissements,
j'espère, sur les grandes questions comme, à titre d'exemple,
toute la question d'accorder le droit de vote aux handicapés
mentaux.
Je pense que le moment est venu, pour cette commission, de
définir ensemble les moyens de concrétiser ce principe tout en
respectant l'intégrité du processus électoral. Parce qu'il
faut faire attention. Je pense que tout le monde est pour la vertu, la tarte
aux pommes et ce que vous voulez, et de dire qu'on est complètement
d'accord sur le principe de l'exercice du droit de vote pour les
handicapés mentaux, on n'a rien dit vraiment, en valeur
démocratique, si on ne s'est pas assurés que ce processus
s'exerçait véritablement dans des conditions de droit
démocratique, mais de garantie formelle d'intégrité du
processus électoral. Cela me paraît fondamental. Il faut faire un
exercice de réflexion très approfondie pour se donner les balises
qui n'altéreront pas la validité du vote des handicapés
mentaux et autres. Il faut s'interroger s'il faut lever toute interdiction sur
le droit de vote des handicapés mentaux en laissant à ceux qui,
parmi eux, désirent exercer ce droit, le soin de le faire de la
façon la plus autonome possible et en prévoyant la
possibilité du vote itinérant pour les
bénéficiaires âgés ou handicapés, ou encore,
prévoir des mécanismes qui permettent d'évaluer dans des
conditions objectives la capacité ou l'incapacité d'un
bénéficiaire notamment par l'utilisation de nouveaux
régimes de protection prévus dans le Code civil. Il faut mettre
en place des conditions qui garantissent le respect des individus et
l'intégrité du processus électoral notamment en encadrant
les activités des partis politiques en milieux institutionnels.
La question du vote par procuration est également une question
majeure. C'est une question importante et d'actualité. En ce qui me
concerne, cependant, j'indique d'ores et déjà qu'il va falloir
être convaincants. Je ne qualifierai pas le genre de conviction qu'on va
souhaiter, mais il va falloir être immensément convaincants parce
que, à prime abord, nous pensons qu'il s'agit là d'une technique
qui n'est tout à fait pas conforme à nos traditions
électorales québécoises et, s'il y a un endroit pour
marquer notre différence ou notre distinctivité, je pense que ce
sera sûrement là-dessus en ce qui nous concerne. Pour parler
franchement, nous allons complètement être opposés à
l'instauration d'un système de vote par procuration qui ne s'inscrit pas
du tout dans nos traditions et dans nos moeurs électorales et qui
représente une série de dangers sur lesquels, à tout le
moins, il y aura lieu d'être très attentifs par rapport à
ceux qui auraient des prétentions que tout est balisé, tout est
fermement acquis et toutes les garanties de l'intégrité du
processus nous sont données.
Pour ce qui est du procédé du bureau de vote
itinérant, il nous apparaît une alternative
préférable au vote par procuration pour faciliter l'exercice du
droit de vote de personnes à mobilité dite réduite. Il
restera à définir, bien sûr, le mode de fonctionnement
ainsi qu'à déterminer à qui il s'adresse. À titre
d'exemple, les établissements publics, les centres d'accueil
privés ou tout simplement sur demande d'un électeur qui se serait
levé le matin avec l'idée d'envisager de procéder
différemment pour l'expression de son vote électoral. (10 h
45)
Quant aux Québécois hors Québec, encore là,
nous pensons qu'on est capables, selon l'appréciation qu'on a pu faire
de ce qui se fait ailleurs, de se donner les mécanismes de gestion qu'il
faut pour offrir cette opportunité à nos citoyens du
Québec qui, sporadiquement, temporairement ou pour une période
définie dans le temps sont à l'extérieur du Québec,
mais ont toujours, je l'espère du moins, les yeux tournés vers
cet extraordinaire beau pays, et désirent en conséquence avoir
eux aussi la capacité de s'exprimer sur la formation politique qui est
en mesure d'assumer le mieux possible les destinées du
Québec.
Pour ce qui est du financement des partis politiques, il y aurait lieu,
je pense, de maintenir la nécessité de limiter au seul
électeur la possibilité de contribuer au financement des partis
politiques et des règles actuelles. On peut bien assouplir
l'accessibilité régissant le financement des activités des
partis politiques par l'État mais je pense qu'on est dans la bonne voie,
au Québec, quand on dit qu'il est important que seuls des
électeurs, des citoyens, puissent contribuer. C'est moins liant, moins
engageant. Cela a une valeur plus pure, plus noble. En ce sens, nous allons
vouloir nous exprimer là-dessus et à moins d'avoir des arguments
très pesants, il sera difficile de modifier notre point de vue.
Pour ce qui est d'une instance importante, qui est le conseil
consultatif, j'espère que les intervenants réitéreront
l'importance du conseil consultatif puisque c'est sûrement une instance
efficace, qui permet de résoudre certains problèmes qui, comme
c'est normal dans toute législation, découlent de l'application
d'une loi.
Même si le ministre délégué à la
Réforme électorale a fait le choix, et c'est son droit le plus
strict, de ne pas aborder la question du mode de scrutin dans les
échanges de propos et les discussions du comité de
préparation sur la Loi électorale, c'est sûrement une
opportunité
valable pour les groupes concernés qui voudraient éclairer
les membres de cette commission de nous indiquer des pistes et des voies. Cela
demeure toujours, comme je l'ai mentionné tantôt, une question
d'actualité, et il est toujours opportun de recevoir des
éclairages sur la possibilité d'apporter des modifications
substantielles au mode de scrutin qui est le nôtre, compte tenu des
distorsions et du fait qu'on vit dans un Québec très
étendu où, peut-être pas avec ce gouvernement, mais
sûrement avec la demande des citoyens, la réalité
régionale est très présente et fondamentalement
importante, et de bénéficier d'ajustements pour s'assurer que les
régions du Québec continuent d'avoir voix au chapitre et sont en
mesure d'avoir des représentants qui vont véhiculer davantage les
problématiques des diverses régions du Québec.
Voilà, M. le Président, membres de cette commission, M. le
ministre, collègues et autres, les quelques considérations
préliminaires que je voulais faire en vous indiquant que je
réitère l'appui de l'Opposition à toute mesure susceptible
d'accroître l'accessibilité à l'exercice du droit de vote,
sans pour autant compromettre l'intégrité de notre système
électoral. L'appui du Parti québécois à certaines
modifications majeures demeure conditionnel à la traduction des
consensus dégagés sur les modifications à apporter
à la suite des travaux de la commission en termes législatifs.
J'estime que de mettre l'ensemble des partis politiques inscrits chez le
Directeur général des élections, de même que tous
les groupes intéressés par cette présente
actualité, est une contribution parlementaire significative. Ce matin,
on doit s'engager avec fierté dans le mandat qui nous est confié.
C'est toujours pour des parlementaires un boulot intéressant et
fondamentalement axé sur cette volonté qu'on doit tous avoir de
maximiser notre régime électoral en l'inscrivant toujours et
davantage dans les principes démocratiques les plus forts.
J'espère que c'est dans ce sens que les intervenants nous indiqueront
les voies de solutions qui correspondent le mieux à l'évolution
de notre système électoral. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
porte-parole de l'Opposition officielle. Maintenant j'inviterais le
député de Gouin, député indépendant,
à faire ses remarques préliminaires.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: À mon tour, M. le Président, je veux
vous saluer, saluer l'ensemble des collègues membres de la commission et
aussi souhaiter la bienvenue à tous ceux et toutes celles qui
comparaîtront devant nous pour aborder l'ensemble des questions comprises
au document produit par le Secrétariat à la réforme
électorale de même que toute autre question relative aux sujets
d'intérêt que sont l'ensemble des lois électorales.
Dès le départ, M. le Président, je considère
que la commission aura une dimension fort utile puisqu'elle permettra à
des groupes spécialisés sur un certain nombre de questions de
venir nous éclairer, de venir plaider pour qu'un certain nombre de
principes qui auraient peut-être été, pas ou suffisamment
bien pris en compte par les membres de la commission, soient
réétudiés par l'ensemble de ceux-ci.
Cela dit, M. le Président, je dis immédiatement que,
autant je recevrai, comme je pense, l'ensemble des membres de la commission,
avec beaucoup d'intérêt, le plaidoyer sur le ou les deux ou trois
grands principes que chaque groupe tiendra particulièrement, je serai
aussi drôlement intéressé à connaître comment
ceux-ci situent ces principes qu'ils défendent quant aux autres grands
principes qu'on retrouve à la base même de nos lois
électorales.
Je prends un exemple un peu d'actualité, M. le Président,
parce qu'il se déroule à un autre Parlement, mais pas si loin que
cela du nôtre, soit toute cette question relative qui fait suite à
la décision du Directeur général des élections du
gouvernement canadien, au nom de la liberté d'expression, de permettre
à tout groupe d'intervenir dans une campagne électorale sous
quelque forme qu'il le voudra sans aucune limitation de ses dépenses.
C'est effectivement un grand principe noble que celui de la liberté
d'expression. Comment concilier ce principe maintenant avec un des principes
fondamentaux à la base de nos lois électorales qu'est
l'équité, faire en sorte que chaque citoyen ait un poids
égal dans le processus démocratique, dans le processus
politique?
Je pense qu'à plusieurs reprises au cours de nos travaux, nous
aurons l'occasion de confronter des principes qui, pris en soi, sont nobles,
sont grands, sont positifs, sont souhaitables, mais il faudra voir comment ces
principes peuvent s'intégrer, et peuvent respecter aussi d'autres
principes fondamentaux dans nos institutions démocratiques. Et je redis
que, non seulement je serais intéressé à entendre le
plaidoyer des différents groupes qui se présenteront devant nous
sur ces différents principes, mais que je serai aussi
intéressé à entendre comment ils mettent en relation ces
principes avec les principes qui sont à la base de nos institutions.
Parce qu'il ne faut pas oublier qu'en bout de piste c'est le rôle qui
nous reviendra, à nous, parlementaires, de prioriser les principes de
tout le monde parce que les principes ne pourront pas tous être mis sur
un pied d'égalité.
M. le Président, je dirai que cette commission sera
sûrement utile, en plus d'être intéressante, mais je veux
qu'on limite d'une certaine façon la portée qu'on veut donner
à cette commission. Et je m'explique.
Je considère qu'au bout du compte, dans le carré de sable
qui nous est défini et la portée des discussions finalement
très limitée, le
ministre nous dira: Oui, mais j'ai bien dit qu'au-delà de mon
document on pouvait aborder tout sujet, il n'y a pas de limite à cela.
Mais il faut savoir, M. le Président, que dans le document qu'il nous a
présenté, il a limité passablement la portée et
l'étendue de l'ensemble des questions qui seront abordées ici et
que l'attitude qu'il a retenue dans ce dossier a un poids important puisqu'on
sait que dans notre régime parlementaire l'initiative revient
essentiellement au gouvernement et, que de toute façon, toute
décision devra aboutir à partir d'un processus gouvernemental
beaucoup plus que parlementaire.
Par exemple, M. le Président, quand on dit qu'un des accents
importants - et je pense qu'il faut le reconnaître à la lecture du
document - qu'on retrouve dans le document du secrétariat c'est
d'accroître l'accessibilité au scrutin pour les électeurs,
de limiter les contraintes, les limitations, donc de faire en sorte qu'il y ait
plus de monde qui puisse voter et que tout le monde puisse voter plus
facilement, c'est noble, c'est positif en soi, je ne pense pas qu'il y ait
d'objections majeures à cela. Sauf que, lorsqu'on nous présente
cela comme étant un grand geste de haute démocratie, je dirais:
Attention, M. le Président, c'est un peu simpliste, sans double sens, et
c'est un peu superficiel. Je pense que, comme je l'ai dit tantôt, tout le
monde est d'accord pour tenter d'accroître l'accessibilité au
scrutin, la simplification du processus à chaque fois qu'on revise la
Loi électorale. D'une part, je dis attention, ce n'est pas vrai qu'on
peut y aller sans aucune limite. Ce serait en soi tomber dans un autre
extrême. Et il ne faut pas oublier que, compte tenu de notre passé
et de nos moeurs pas si lointaines, il faut une certaine rigidité dans
le processus électoral pour que celui-ci conserve toutes ses
caractéristiques pleinement démocratiques. Par ailleurs, est-ce
que toutes ces énergies, louables - je le répète -
positives, sur une plus grande accessibilité au scrutin, ne devraient
pas aussi être investies dans des aménagements, dans des
réformes qui porteront beaucoup plus sur la démocratisation
ultime de nos institutions que ce qu'on veut faire dans le document qui nous
est présenté? Par exemple, est-ce que la plus importante question
au-delà de l'accessibilité n'est pas de savoir comment le citoyen
pourrait être encore plus capable, pourrait être encore plus en
mesure d'influencer beaucoup plus les discussions, les débats et,
surtout, les décisions qui se prennent à l'Assemblée
nationale? Je pense que oui, mais cela prendra sûrement une
réforme beaucoup plus profonde, beaucoup plus large que celle qui nous
est proposée, notamment de notre institution parlementaire, et c'est
possible, c'est facile à réaliser.
Je suis convaincu que les citoyens souhaiteraient une telle
réforme, quand on regarde un peu comment notre Assemblée a
évolué au fil des années. Quand on sait qu'un
parlementaire, dans notre régime actuel, est finalement presque plus
redevable à sa formation politique et à son chef, compte tenu de
notre mode de scrutin, qu'à ses électeurs, je pense, M. le
Président, qu'il y a là une question importante à se poser
et matière à investir beaucoup plus, si on veut parler de
réforme vraiment démocratique de nos institutions. On observe,
finalement, la ligne de parti qui s'applique sur tout vote qui est pris
à l'Assemblée nationale. Par exemple, une fois que tout dossier
est déposé, à l'Assemblée nationale, à la
suite de l'initiative gouvernementale, qu'au fond les décisions sont
prises puisque le gouvernement détient une majorité et que sur
tous les votes, la ligne de parti s'applique, je pense que c'est faire peu
progresser les choses si on se limite à des questions
d'accessibilité au scrutin et si on met de côté des
réformes majeures - je le répète, faciles à
réaliser et drôlement souhaitées par les citoyens - de nos
institutions parlementaires pour faire en sorte que les parlementaires soient
beaucoup plus redevables aux électeurs qu'à leur formation
politique et à leur chef, notamment lorsqu'ils forment le gouvernement
quel qu'il soit. Je pense que nous devrions consacrer beaucoup plus
d'énergie de ce côté-là qu'on en a consacrée
jusqu'à maintenant, et pas en se donnant un calendrier de deux ou trois
élections pour faire cela. Voilà quelque chose qui pourrait se
faire rapidement et sur quoi des consensus rapides pourraient être
obtenus, d'autant plus qu'on reconnaîtra qu'il n'y a pas de
majorité en danger à l'Assemblée nationale sous le couvert
d'une réforme ou d'une autre. Donc, quand on a cette situation
privilégiée, c'est peut-être l'occasion d'aller un peu plus
à fond dans la réforme de nos institutions.
J'aborderai un autre exemple, M. le Président, qui a
été abordé à deux ou trois reprises depuis le
début de nos travaux, le mode de scrutin qui favorise justement cette
association du parlementaire beaucoup plus à son parti, beaucoup plus
redevable à son chef qu'à ses électeurs. Je pense que
notre mode de scrutin actuel réduit la capacité des
électeurs d'être entendus, d'influencer des décisions
ponctuelles aussi souvent que ce devrait être le cas, et élimine
inutilement des tendances qui existent dans notre société d'une
présence à l'Assemblée nationale. En ce sens-là, M.
le Président, je pense que nous devrions, là aussi, poser des
gestes. J'ai noté par hasard deux expressions, deux bouts de phrase que
le ministre nous a lus tantôt dans son intervention de départ et
qui recoupent ces questions. Quand il nous disait: Une plus large ouverture
à toutes les tendances d'opinion, il parlait de la commission
parlementaire. On n'est pas loin du même vocabulaire qu'on doit utiliser
quand on parle des défaillances de notre mode de scrutin actuel.
Lorsqu'il nous dit qu'à l'avenir le financement des partis politiques
devrait être plus près du nombre de votes réel obtenu par
les partis que du nombre de députés qu'ils ont fait élire,
on n'est pas loin, là aussi, de principes qui sont identiques à
ceux
qu'on devrait appliquer à des questions relatives au mode de
scrutin.
Donc, M. le Président, je pense que, là aussi, il y a
matière à aller de l'avant dans des réformes
démocratiques, si tel est véritablement le voeu du gouvernement
et des membres de la commission. J'ajoute un autre volet, M. le
Président, qui est d'aller plus loin avec la capacité, la
possibilité pour les citoyens d'être consultés, à
l'occasion, sur de grandes questions. Pourquoi ne pas aller avec des
modifications à la loi référendaire pour permettre des
référendums d'initiative populaire? Est-ce qu'il y a quelque
chose de plus démocratique que de permettre à des citoyens, selon
des balises bien précises, de dire: Nous, nous voulons nous prononcer
sur telle question et, en raison du nombre qui souhaite une telle consultation,
il y aura consultation des citoyens, entre deux élections, sur de
grandes questions. En résumé, M. le Président, je pense
qu'il s'agit là de réformes beaucoup plus démocratiques,
beaucoup plus profondes et beaucoup plus significatives quant aux
décisions qui seront prises par l'Assemblée nationale que celles
auxquelles on a été conviés par le document
déposé par le ministre. (11 heures)
Je vous dis donc immédiatement, M. le Président, que, pour
moi, il s'agirait là de questions qui devraient être
abordées ici, et je souhaite qu'au cours des prochaines semaines, le
ministre intégrera un certain nombre de ces questions dans les
discussions que nous devrons avoir.
J'ajoute deux ou trois éléments rapidement, M. le
Président, en conclusion. Une mise en garde aux membres de la commission
comme aux groupes qui comparaîtront devant nous. Je pense qu'il faut
poursuivre l'assouplissement des règles qu'on retrouve dans nos lois
électorales mais, en même temps, n'essayons pas de faire une loi
électorale sous le beau principe que "tout le monde il est beau, tout le
monde il est gentii"; ce n'est pas vrai. Partout, il y a de Thommerie", comme
on le dit souvent. On sait qu'en matière électorale l'enjeu est
tel que ce n'est pas vrai que tout le monde y va avec la même morale,
avec les mêmes pratiques et avec les mêmes moeurs. Pour conserver,
pour bien protéger la démocratie, le droit et le pouvoir des
électeurs, nos lois électorales doivent conserver un
caractère rigide sous plusieurs aspects pour éviter tout abus et
toute contrariété à une volonté démocratique
réellement souhaitée par les citoyens.
Un autre commentaire, M. le Président, pour faire appel
peut-être encore plus, compte tenu du statut que j'occupe à
l'Assemblée, aux membres de la commission pour qu'ils prennent aussi
conscience qu'il y a finalement beaucoup un régime de parti dans nos
lois électorales qui n'est pas toujours équitable. Pensons
à tout ce processus de remboursement des dépenses
électorales qui favorise nettement les partis déjà en
place par rapport à des partis honnêtes ou à des candidats
qui ne sont pas membres d'un parti. En ce sens-là, c'est une atteinte
à ce grand principe d'équité qu'on a toujours voulu mettre
de l'avant, et par les réformes qui ont été faites sous le
gouvernement de M. Lesage ou par celles faites sous le gouvernement de M.
Lévesque. Il faut aller plus loin quant à ce grand souci
d'équité afin de se retrouver beaucoup moins dans les
règles et administration de nos lois électorales et de
financement des partis politiques, afin que ce soit moins inéquitable et
qu'on mette encore davantage tout le monde sur un même pied que nos lois
ne le prévoient actuellement.
Dans le même sens finalement, je souhaite que nous
révisions la Loi régissant le financement des partis politiques -
d'ailleurs, on pourrait immédiatement modifier son appellation par "loi
sur le financement des activités politiques" - et je dirai, M. le
Président, qu'il faudra aussi penser aux ajustements que chacun s'est
donnés au fil des années depuis que la loi existe, pour qu'on
couvre peut-être des champs qu'il n'était pas utile de couvrir
à l'époque. Je pense, par exemple, à tout ce
phénomène qu'on voit apparaître progressivement de
financement, non pas des partis politiques par des tiers qui ne sont pas des
électeurs, mais des groupes et qui ne sont pas plafonnés à
un montant, mais de financement d'activités de députés,
par exemple. Quand je lis dans un journal que le député X
organise une épluchette de blé d'Inde pour toute la population de
sa circonscription électorale et que ce sera gratuit, est-ce que
quelqu'un peut m'expliquer comment c'est financé? Est-ce financé
à même ses deniers personnels, auquel cas il y a peut-être
matière à interrogation, ou est-ce financé par des amis du
député, des compagnies qui échappent, par ce biais,
à la Loi régissant le financement des partis politiques? Je pense
que, là aussi, M. le Président, notre Loi régissant le
financement des partis politiques mérite d'être
révisée peut-être beaucoup plus en profondeur qu'on ne l'a
évoqué jusqu'à maintenant, compte tenu de
l'évolution des pratiques et compte tenu, justement, de son existence
après une douzaine d'années de pratique de ce
côté-là.
Je conclus donc, M. le Président, en disant que, oui, il faut
regarder positivement l'ensemble des propositions qui nous sont faites dans le
document du secrétariat, mais que, si cela se limite à ça,
cela n'a pas une grande portée démocratique et, surtout, pas
celle qu'on a voulu lui donner jusqu'à maintenant. Il y a des
éléments complémentaires essentiels quant à la
réforme parlementaire, du mode de scrutin et de nos institutions qui
doivent être faites et qui, là, tous ensemble, donneront un
progrès considérable à notre démocratie et qui,
quant au reste, sur ce qui existe actuellement dans nos lois
électorales, protégeront les acquis tout en voulant les
assouplir. Faisons en sorte, M. le Président, que
ce régime d'équité, notamment quant aux dollars qui
circulent dans le monde de la politique, soit poursuivi et
complété, notamment en assouplissant ce régime de parti
qu'on connaît dans nos lois et en allant un peu plus loin dans la
réforme du financement des activités politiques. Je vous
remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député de Gouin. M. le ministre délégué
à la Réforme électorale.
M. Gratton: Très brièvement, on me permettra de
faire une mise au point que m'inspirent certains propos tenus par le
député de Gouin qui dit souhaiter que nous élargissions la
portée ou le mandat de la commission pour tenir compte et discuter
d'autres sujets.
Je voudrais simplement dire qu'il n'est pas dans mon intention de
prétendre que nos travaux portent sur une réforme des lois
électorales et parlementaires mais bien, comme nous l'avons dit depuis
le début, sur une révision de la Loi électorale. Je suis
sûr que le député de Gouin ne faisait pas un reproche au
Secrétariat à la réforme électorale de ne pas avoir
inclus certains sujets comme celui du mode de scrutin ou combien d'autres
sujets qu'il souhaiterait maintenant que nous discutions, de ne pas avoir
inclus ces sujets dans le Document de réflexion et de consultation
puisque nous avions offert la possibilité au Parti
québécois, à l'Opposition officielle dont le porte-parole
était précisément le député de Gouin, de
faire connaître les sujets sur lesquels le Parti québécois
souhaitait voir porter la discussion. C'est une décision du Parti
québécois de ne pas soumettre de sujets, ce qui a fait en sorte
que le document du secrétariat a bel et bien traité de tous les
sujets qui lui ont été suggérés par quiconque. Si
on ne retrouve pas les sujets qui intéressent le député de
Gouin et dont il nous parle ce matin, c'est d'abord parce que ce dernier n'a
pas daigné en saisir le secrétariat au moment où on l'a
invité à le faire.
Ceci dit, M. le Président, je retiendrai des propos du
député de Gouin qu'il n'est pas nécessaire de changer le
titre de la loi en ce qui concerne le financement des partis politiques
puisqu'il le sait lui-même mieux que quiconque, le tout est maintenant
intégré à la Loi électorale. Donc, il n'existe plus
de loi sur le financement des partis politiques, mais bien strictement une Loi
électorale qui englobe toutes les dispositions qui entourent le
financement des partis politiques.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
ministre.
M. Rochefort: Un bref commentaire, si vous le permettez. Je ne
veux pas étirer le plaisir, M. le Président, mais je veux quand
même...
Le Président (M. Marcil): Très bref, M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Oui, oui, tout aussi bref que celui du ministre, M.
le Président. Je dirai d'abord au ministre qu'il aurait dû bien
saisir - peut-être ne l'ai-je pas dit suffisamment fort - que je faisais
allusion, premièrement à son document. Évidemment, pour
moi, le secrétariat n'a pas d'existence autour de la table, ce sont des
parlementaires. Il y a le secrétariat qui prépare des documents
pour le gouvernement, mais lorsque le ministre les pilote, ce sont les siens.
Donc, cela n'a rien à voir avec le secrétariat. Je redis ici ce
que j'ai dit au comité technique: Ils ont fait un excellent travail dans
le cadre du mandat qui leur avait été confié. Mais je
dirai toutefois au ministre que lui n'a pas choisi de donner une portée
plus large à son document. C'est un constat que je souhaite faire
publiquement.
Deuxièmement, je dirai au ministre que, contrairement à ce
qu'il dit, il devrait plutôt compléter ce qu'il a dit en disant
que les questions que je viens d'aborder, je les ai toutes abordées au
comité technique. Je donnerai notamment comme exemple la question du
mode de scrutin. Je pense ne pas trahir de secrets du comité technique
quand je dirai que c'est vous qui avez dit: Moi, il n'en est pas question. Bon.
Donc, ce n'est pas la première fois qu'on en parle. Je vous ai dit
à ce moment-là: On en parlera là où il faut.
Là où il faut, pour moi, c'est ici. C'est vrai de l'ensemble des
questions. Le discours que je tiens aujourd'hui sur le financement des partis
politiques n'est pas nouveau par rapport au discours que j'ai tenu au
comité technique. Donc, il n'y a pas de lapin qui sort de mon chapeau ou
quoi que ce soit. Je redis au ministre que son document à partir de sa
propre initiative, j'aurais souhaité qu'il aille plus loin et que sur
les éléments qu'il ne couvrait pas, je les ai abordés au
comité technique, je les aborde à nouveau ici.
Je compléterai simplement en disant: Oui, c'est sûr qu'il
n'y a pas de loi sur le financement des partis politiques mais un chapitre
à la Loi électorale qui s'appelle ainsi. Or, chapitre ou loi, je
pense qu'il y a déjà une indication que c'est plus aux partis
politiques qu'on fait appel qu'aux activités politiques. Voilà
une indication de l'orientation qu'on s'est donnée à
l'époque et à laquelle j'ai participé. Mais cela a connu
une évolution et je pense qu'il faut poursuivre révolution
là-dessus comme sur les autres sujets pour lesquels vous nous invitez
à suivre l'évolution.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député de Gouin. Les remarques préliminaires étant
terminées, j'inviterais d'abord le premier groupe à se
présenter à l'avant, le Conseil de presse du Québec -
excusez-moi, c'est plutôt la Commission des droits de la personne
représentée par Me Jacques Lachapelle, président
et Me Daniel Carpentier, recherchiste juridique.
À titre d'information, je tiens à vous rappeler que la
durée totale de chaque audition est de soixante minutes, vingt minutes
pour la présentation du mémoire - donc, essayez d'être
très rigides sur ce plan - quarante minutes pour la période de
discussion entre les partis en présence, c'est-à-dire quinze
minutes pour chacun des groupes parlementaires et dix minutes pour le
député indépendant de Gouin. Me Jacques Lachapelle, je
vous laisse la parole.
Commission des droits de la personne du
Québec
M. Lachapelle (Jacques): C'est bien la Commission des droits de
la personne qui, encore une fois, a le plaisir de venir devant la commission
des institutions pour vous faire quelques commmentaires, conformément
à la charte, sur ce document qu'on a qualifié d'essentiel, bien
sûr, à la vie démocratique des citoyens et,
évidemment, à l'émergence des droits et libertés de
la personne dans notre société.
Tout d'abord, je dois vous dire que nous nous réjouissons de
cette commission parlementaire qui se tient, je dirais, dans une période
de trêve entre deux élections et où c'est beaucoup plus
facile de discuter de ces questions qui, quelquefois, en période
électorale, prennent une saveur plus partisane. Je me souviens de la
dernière élection où nous avions tenu des propos
concernant l'application de la Loi électorale et où cela devenait
beaucoup plus difficile de se faire entendre, notamment sur cette question
épineuse des dépenses électorales.
Nous avons également écouté avec grand
intérêt les propos qui ont été tenus de part et
d'autre, propos extrêmement nuancés qui, d'une part, ouvrent et
tentent d'ouvrir le droit de vote le plus largement possible, tel qu'il est
reconnu à l'article 22 de la charte et qui est un principe fondamental
dans notre société, tout en n'oubliant pas, d'autre part, que si
ce droit de vote n'est pas exercé d'une façon balisée, il
risque, d'un autre côté, justement de venir à rencontre des
principes de démocratie de notre société.
C'est donc avec toutes ces données que nous devrons travailler et
c'est en n'oubliant pas ces deux dimensions du problème que la
Commission des droits de la personne va faire quelques commentaires devant vous
aujourd'hui. Nous sommes bien conscients de toutes les dimensions de ce
problème. Bien sûr, la commission est souvent ici pour en rappeler
les principes fondamentaux.
On a mentionné tantôt qu'on s'entend
généralement sur les grands principes que c'est souvent dans la
mise en application qu'on a des difficultés. Je dois vous dire, pour ma
part, que je suis déjà venu devant cette Assemblée et que,
souvent, on ne s'entendait pas sur des questions fondamentales. Je me souviens
d'avoir déjà abordé la question du vote des personnes han-
dicapées et je dois vous dire que, sur cette question, il y avait
énormément de réticences, même sur la question de
principe.
Alors, aujourd'hui, je me réjouis de voir qu'on met cette
question de l'avant et qu'on l'aborde de façon ouverte - je dirais
même généreuse - tout en n'oubliant pas non plus qu'il faut
probablement baliser ce droit de vote.
La Commission des droits de la personne a donc formulé - je
mentionnais tantôt certains éléments que nous vous avons
présentés - des commentaires à plusieurs reprises et des
recom mandations au gouvernement relativement au respect des droits et
libertés dans le processus électoral.
Dans le cadre de cette consultation particulière, nous avons
choisi de reprendre certains de ces commentaires. Trois sujets ont retenu notre
attention et nous ont même été suggérés par
le secrétariat à la réforme: le droit de vote des
personnes ayant un handicap mental, les dépenses électorales et
l'intervention des tiers en campagne électorale, l'exercice du droit de
vote des personnes ne pouvant se présenter en personne à un
bureau de scrutin.
D'abord, nous parlerons du droit de vote des personnes vivant avec un
handicap mental. C'est à l'article 54 de la Loi électorale qui
confère à une personne la qualité d'électeur. Il se
lit comme suit: "Possède la qualité d'électeur toute
personne qui: 1° a dix-huit ans accomplis; 2° est citoyen canadien;
3° est domiciliée au Québec depuis douze mois; 4° n'est
pas interdite, n'est pas en cure fermée suivant la Loi sur la protection
du malade mental ou n'est pas sous la juridiction du curateur public; et 5"
n'est frappée d'aucune incapacité de voter prévue par la
présente loi." (11 h 15)
Déjà, en 1984, dans un échange de correspondance
avec le Directeur général des élections du Québec,
la commission considérait que l'exclusion de certaines personnes, tel
que prévu au paragraphe 4° de l'article 54, ne nous apparaissait pas
conforme à la charte. La Charte des droits et libertés de la
personne reconnaît, à son article 22, le droit suivant: 'Toute
personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se
porter candidat lors d'une élection et a droit d'y voter." Ce droit
n'est pas absolu, bien sûr, puisque la loi peut énoncer des
critères qui déterminent les personnes habilitées et
qualifiées qui pourront exercer ce droit de vote." Toutefois, ces
critères ne pourront être fondés sur l'un des motifs
énumérés à l'article 10 de la charte: la race, la
couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil,
l'âge (sauf, bien sûr, dans la mesure prévue par la loi), la
religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou
nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation de moyens pour
pallier
ce handicap."
En effet, en vertu de l'article 52 de la charte, aucune disposition
d'une loi ne peut déroger aux articles 1 à 38, sauf dans la
mesure prévue par ces articles, à moins que cette loi
n'énonce expressément que cette disposition s'applique
malgré la charte.
La Commission des droits de la personne est d'avis que la charte
contient le principe à l'effet que la privation des droits de certaines
personnes ne peut être permise que dans la stricte mesure
nécessaire que requiert l'application d'une loi.
Dans cet ordre d'idées, les catégories de personnes
envisagées nous semblent trop englobantes puisqu'il n'est pas
évident que toutes ces personnes, et notamment les personnes sous la
juridiction du Curateur public, sont incapables d'exercer leur droit de vote de
façon raisonnable.
Concernant l'exclusion des personnes interdites, on peut s'interroger
sur la possibilité de priver de leur droit de vote les personnes
interdites, par exemple pour prodigalité, ivrognerie ou pour usage de
narcotiques. Ces personnes ne sont pas nécessairement inaptes à
exercer ce droit.
En ce qui concerne la deuxième catégorie, soit les
personnes en cure fermée suivant la Loi sur la protection du malade
mental, il est possible de considérer que certaines de ces personnes
sont effectivement capables d'exercer leur droit de vote. Il resterait
peut-être à en établir les modalités.
Quant aux personnes sous la juridiction du Curateur public, la
Commission des droits de la personne avait émis en 1978 le commentaire
suivant dans ses recommandations d'amendements à la Loi
électorale: "Quant à celles qui sont privées de
l'administration de leurs biens, on peut s'interroger sur l'opportunité
de les priver aussi du droit de vote. Y a-t-il forcément une
adéquation entre le fait de ne pouvoir gérer ses biens et
l'incapacité de poser un jugement éclairé sur les
personnes qui devraient exercer le pouvoir politique?"
Les personnes qui sont sous la juridiction du Curateur public
étant des personnes déclarées inaptes à administrer
leurs biens, à la suite d'une simple déclaration d'un
médecin, le commentaire précédent nous semble toujours
pertinent.
Finalement, le directeur des élections nous indiquait qu'il y
aurait probablement lieu de revoir le texte de cet article de façon
à refléter les orientations retenues par le législateur
dans le projet de loi 20 portant réforme au Code civil du Québec
des droits de la personne, des successions et des biens, projet de loi qui est
devenu une loi mais qui, comme on le sait, n'est pas en application.
La commission favorise cette approche qui aura pour effet de limiter,
aux seuls cas où il aura été établi judiciairement
qu'une personne est incapable, le retrait du droit de vote aux personnes
handicapées mentalement.
Comme, bien sûr, je l'indiquais tantôt, le projet de loi
n'est toujours pas en vigueur, la commission maintient sa position à
savoir que la Loi électorale devrait accorder le droit de vote aux
personnes qui n'ont pas été déclarées incapables de
voter par un tribunal. Afin de mieux respecter le droit fondamental de tout
citoyen de voter, et de respecter l'esprit et la lettre de l'article 22 de la
charte, nous suggérons de modifier l'article 54 de la Loi
électorale afin que seules les personnes dont l'incapacité a
été constatée à la suite d'un processus judiciaire
où les droits judiciaires énoncés aux articles 23 à
38 de la charte sont respectés, ne soient privées de leur droit
de vote.
Ainsi, le quatrième alinéa de l'article 54 pourrait se
lire comme suit: "N'a été déclarée incapable de
voter par un tribunal".
Nous abordons maintenant ce deuxième thème de nos propos:
les dépenses électorales et la liberté d'expression. Au
chapitre du contrôle des dépenses électorales, la Loi
électorale définit les dépenses électorales
à l'article 405: "Sont considérés comme dépenses
électorales tous les frais engagés pendant une période
électorale pour: 1° favoriser ou défavoriser, directement ou
indirectement, l'élection d'un candidat ou celle des candidats d'un
parti; 2° diffuser ou combattre le programme ou la politique d'un candidat
ou d'un parti; 3° approuver ou désapprouver des mesures
préconisées ou combattues par un candidat ou un parti; ou 4°
approuver ou désapprouver des actes accomplis ou proposés par un
parti, un candidat ou leurs partisans."
L'article 405 de la loi, notamment le paragraphe premier qui interdit
à toute personne autre que l'agent officiel d'un candidat ou d'un parti
de faire ou d'autoriser des dépenses électorales, restreint
indûment la liberté d'expression d'opinion. En effet, des
personnes ou des groupements qui n'ont pas de prétention politique
partisane et qui ne veulent pas utiliser la voie électorale se voient
obligés de passer par un parti politique pour se faire entendre, sinon
ils ont le choix entre se taire ou contrevenir à la loi.
Ce problème n'est pas hypothétique. Lors de la campagne
électorale d'avril 1981, deux organismes syndicaux et un regroupement
antinucléaire ont été poursuivis et condamnés pour
avoir illégalement fait ou autorisé des dépenses
électorales.
Dans une première affaire, la Centrale des enseignants du
Québec, la CEQ, et l'Alliance des professeurs de Montréal avaient
fait publier une annonce dans les journaux. Cette annonce intitulée
"Lettre aux parents" dénonçait les effets des coupures dans les
budgets du ministère de l'Éducation projetées par le
gouvernement. Cette annonce a été' publiée durant la
campagne
électorale; elle avait pour but de sensibiliser et de mobiliser
les parents, et se terminait en disant: "il vous appartiendra ensuite de
prendre position en toute liberté."
La CEQ a donc été poursuivie et condamnée en vertu
de la Loi régissant le financement des partis politiques. Il est
intéressant de souligner que, dans son jugement, le juge Bernier de la
Cour des sessions de la paix considère que l'infraction prévue
à l'article 105 en est une de responsabilité stricte qui ne
requiert pas la preuve de la mens rea. C'est donc dire que nier l'intention de
favoriser ou défavoriser un candidat ou un parti politique en contestant
une décision gouvernementale ne constitue pas une défense
à cette infraction. Donc, le seul fait de s'exprimer à propos de
mesures préconisées ou combattues par un candidat ou un parti
constitue une infraction. Ce n'est certes pas là une disposition
nécessaire pour atteindre l'objectif de cette loi qui vise à
assainir les moeurs électorales en contrôlant le financement des
partis politiques.
La seconde affaire implique le Canadian Coalition for Nuclear
Responsibility. Il s'agit d'un regroupement se disant apolitique qui a pour but
d'effectuer des recherches et d'informer le public sur les questions
d'énergie, et qui rejette particulièrement ce qu'il est convenu
d'appeler l'option nucléaire. Face à la candidature d'un
ingénieur nucléaire, ex-directeur d'une compagnie
impliquée dans la construction de centrales nucléaires et qui
avait publiquement pris position pour le nucléaire, la CCNR avait fait
imprimer et distribuer un dépliant qui dénonçait les
dangers de l'implantation de centrales nucléaires au Québec, tant
du point de vue économique que celui de la santé. Ce
dépliant disait qu'un vote pour ce candidat était un vote pour
avoir plus de centrales nucléaires au Québec. Pour terminer, il
exhortait les électeurs à interroger tous les candidats sur la
question de l'énergie.
Une plainte a été déposée contre la CCNR et
une amende de 100 $ a été imposée à la suite d'un
plaidoyer de culpabilité.
Voici deux exemples concrets qui démontrent jusqu'où peut
aller une loi qui, bonne en soi sous de multiples aspects, déborde du
champ qu'elle vise et enfreint les libertés d'expression et d'opinion
reconnues à l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la
personne. On se souviendra également d'exemples durant la
dernière campagne électorale, en 1985, où le SPGQ, le
Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, et l'Association
des pharmaciens propriétaires avaient, de la même façon,
présenté des annonces et de la publicité et qui avaient
été condamnés.
Il est reconnu qu'une société démocratique doit
respecter la liberté d'expression et que cette liberté est l'un
des fondements de notre société. Elle est un
élément essentiel de la vie politique puisqu'elle permet la
diffusion d'opinions et de points de vue différents. Ce danger de
contrôle est bien réel pour des personnes ou des groupes dont les
idées ne cadrent pas avec les partis existants et qui ne désirent
pas s'allier à un parti dans le seul but de pouvoir s'exprimer. Les
électeurs ont le droit d'être informés sur tous les sujets
d'intérêt public et non sur les seuls sujets traités par
les partis ou par les candidats. Le droit de vote exercé de façon
réelle dépend de l'information que reçoit
l'électeur, et cette information ne sera complète que si la
liberté d'expression n'est pas entravée.
D'une part, le fait de n'avoir aucune réglementation des
dépenses électorales indépendantes laisserait les
électeurs, bien sûr, à la merci d'un fort battage
publicitaire orienté en fonction des intérêts des personnes
ou des organisations qui ont les moyens de se le permettre. D'autre part, une
réglementation si stricte qu'elle ne permet aucun débat public en
dehors des partis politiques ou des candidats, viendrait bâillonner tous
les autres intervenants qui n'ont pas choisi la plate forme électorale.
La recherche d'une solution intermédiaire, qui permettrait la
réalisation d'une égalité des chances entre les candidats
et les partis politiques, sans ingérence d'un pouvoir financier occulte,
ou ceux qui ont choisi de défendre certains points de vue sans favoriser
un parti ou un candidat, peut s'avérer fort complexe.
Cependant, nous croyons que les moyens nécessaires doivent
être mis en oeuvre pour modifier la loi actuelle afin que le droit
fondamental à la liberté d'expression des opinions soit
respecté.
En conclusion, nous pouvons affirmer que la Loi électorale, par
le contrôle qu'elle exerce sur les dépenses électorales, va
trop loin en empêchant la libre expression des opinions sur des sujets
d'intérêt public en période électorale.
La commission, indépendamment des idées avancées
par les organismes qui ont été condamnés en vertu de cette
loi, se doit de défendre le droit à la liberté des
opinions, droit consacré dans la charte. Nous estimons que l'effet de la
loi déborde le champ visé par celle-ci. La volonté du
législateur de remettre le contrôle des partis politiques entre
les mains des seuls électeurs et de soustraire ce contrôle aux
puissances économiques est certainement une volonté
démocratique qui rejoint la notion de l'intérêt public. Par
contre, la démocratie et l'intérêt public commandent le
respect de la liberté d'expression.
Afin de respecter la liberté d'opinion et d'expression des
personnes autres que les partis politiques ou les candidats en période
électorale, il est proposé de modifier l'article 407 de la Loi
électorale, par l'ajout du paragraphe suivant: "Ne sont pas
considérés comme dépenses électorales les frais
encourus par un groupe de personnes ou un organisme n'ayant pas un
caractère politique partisan ou par une personne, pour faire
connaître son opinion sur un sujet d'intérêt public ou pour
obtenir un appui à une
telle opinion, et à condition que cet acte ne soit pas le
résultat d'une entente, d'une collusion ou d'un lien, même
indirect, avec un parti politique ou un candidat, ou l'un de leurs
représentants, pour influencer le résultat d'une
élection."
Nous aimerions aborder très succintement la question de
l'exercice du droit de vote des personnes ne pouvant se présenter
à un bureau de scrutin. La commission - nous l'avions signalé ici
- a été saisie d'une demande d'une personne handicapée
physiquement qui, en raison de son handicap l'empêchant de se
déplacer hors de sa résidence, n'a pu exercer son droit de
vote.
En effet, qu'il s'agisse du vote par anticipation ou du vote au jour de
l'élection, la Loi électorale n'autorise l'exercice du droit de
vote que si l'électeur peut se présenter en personne à un
bureau de scrutin. Puisqu'il est envisagé de permettre le vote par
procuration, ou le déplacement de l'urne, la commission suggère
que l'une de ces procédures de vote soit prévue dans la Loi
électorale, qu'elle puisse s'appliquer aux personnes atteintes de
maladie ou d'incapacité physique. Nous croyons que c'est effectivement
donner une plus grande ouverture à l'application de l'article 22 de la
charte. Bien sûr, comme nous n'avons pas étudié les
implications de l'une ou l'autre de ces suggestions, il nous est difficile de
nous prononcer sur ces questions. Toutefois, nous estimons que c'est ià
une question éminemment pratique. Probablement qu'il y a des personnes
dans le milieu électoral, qui ont de l'expérience dans le domaine
et qui sont probablement beaucoup plus habilitées que nous pour vous
suggérer des solutions à cette intéressante question.
Voilà, M. le Président, les quelques propos que la
Commission des droits de la personne voulait vous tenir sur ces trois
questions.
Le Président (M. Marcil): Merci, Me Lachapelle. Je vais
inviter M. le ministre délégué à la Réforme
électorale.
M. Gratton: M. le Président, je voudrais remercier la
Commission des droits de la personne de son témoignage qui, soit dit en
passant, est très constant depuis bon nombre d'années sur ces
sujets. C'est dans l'ordre des choses qu'il en soit ainsi. La commission a un
mandat très clair. Elle l'exerce, à mon point de vue, de
façon remarquable, notamment par sa présentation ce matin. (11 h
30)
Je voudrais brièvement aborder, si le temps me le permet, les
trois sujets soulevés par la commission. Le premier: le droit de vote
des malades mentaux. J'aimerais demander une précision à Me
Lachapelle. Dois-je comprendre que lorsque vous proposez que la Loi
électorale accorde le droit de vote aux personnes qui n'ont pas
été déclarées incapables de voter par un tribunal
que vous souhaiteriez que dans le cadre du processus judiciaire - et même
dans le cas d'interdiction, vous l'avez souligné, on peut interdire une
personne sans pour autant que ce soit pour des raisons qui la rendent incapable
de voter - est-ce que vous suggérez que dans le cadre du processus
judiciaire, le juge soit obligatoirement requis de déterminer la
capacité de voter de l'individu en question?
M. Lachapelle: Écoutez, je crois qu'il faut faire une
distinction entre ce qui est actuellement et, bien sûr, la loi 20 telle
qu'elle a été adoptée. Je pense que la loi 20, telle
qu'elle est adoptée, contient toutes les garanties pour que le vote des
personnes atteintes de maladie mentale soit suffisamment large pour permettre
au plus grand nombre de voter. Je pense que la loi 20 indique qu'une personne
est sous curatelle lorsqu'elle est totalement, complètement incapable.
Je pense que dans ce cas-là la loi a bien balisé et que ces
personnes ne sont pas aptes à voter, si, encore une fois, on respecte
bien l'esprit de cette nouvelle législation. Enfin, je pense bien que
les tribunaux s'en chargeront et nous sommes satisfaits de voir qu'un tribunal
se prononcera à ce moment-là.
C'est la situation actuelle qui nous inquiète, l'entre-temps.
Évidemment, il y a beaucoup de temps que l'on met à l'application
de cette loi. Je n'ai pas à juger de l'opportunité de la mettre
en vigueur le plus tôt possible. Je comprends qu'il y a d'autres parties
qui doivent s'ajouter avant de la mettre en vigueur. Et l'on se dit
actuellement que la suggestion qui est là permettrait finalement
à tout le monde de voter. Parce qu'on pense bien que les juges ne se
sont pas prononcés actuellement sur la question du vote, il n'y a pas
encore de jugement qui dise de façon spécifique que cette
personne est incapable de voter. Alors, on ne se fait pas d'illusion. Le texte,
tel qu'il est suggéré actuellement, nécessiterait, ou bien
qu'on revienne sur les jugements passés ou bien qu'à l'avenir, en
application de la Loi électorale, un juge puisse dire: Dans tel cas,
cette personne-là est inapte à voter. Donc, la réponse
à votre question est: Oui, actuellement, il faudrait qu'un juge se
prononce sur cette question-là. Dans l'avenir, nous pensons que la loi
20, telle qu'elle est faite, répondrait à notre
préoccupation.
M. Gratton: Et en attendant l'entrée en vigueur du nouveau
Code civil, c'est-à-dire la loi 20, plutôt que de consacrer le
statu quo pour éventuellement adapter la nouvelle loi électorale
au nouveau Code civil, vous nous dites: La commission préférerait
que vous permettiez l'exercice du droit de vote à toutes les personnes
handicapées mentales, quitte à modifier la Loi électorale
une fois le Code civil en vigueur plutôt que le contraire, dire qu'on va
procéder tout de suite?
M. Lachapelle: Oui.
M. Gratton: D'accord. En ce qui concerne l'intervention des tiers
en période électorale, vous n'y faites pas allusion ce matin,
mais on sait que la commission avait déjà fait des
représentations à rencontre des dispositions de la Loi sur le
financement des partis politiques qui est maintenant incorporé comme
chapitre à la Loi électorale comme le soulignait le
député de Gouin, sur l'incapacité ou
l'impossibilité pour une personne morale de contribuer à un parti
politique.
Or, ce que vous nous suggérez, à juste titre je pense
comme Commission des droits de la personne, ferait en sorte qu'une personne
morale, que ce soit un organisme à but non lucratif ou pas, puisse
effectivement intervenir à l'appui d'un parti ou d'un candidat pendant
une campagne électorale sans pour autant avoir le droit de contribuer
à un parti politique. Et la question que je me pose c'est: Est-ce qu'il
n'y a pas une certaine incohérence? Si on doit aller jusqu'à
permettre à des personnes morales d'intervenir durant une campagne
électorale par le biais de publications quelconques, est-ce qu'il ne
faudrait pas aussi nous poser la question: est-ce que cette même personne
morale ne devrait pas également avoir droit de contribuer à un
parti politique?
M. Lachapelle: Je crois, M. le ministre, qu'on ne va pas dans le
sens que vous indiquez. La suggestion que l'on faisait: les frais encourus par
un groupe de personnes ou des organismes n'ayant pas un caractère
politique partisan - donc on n'appuie pas un parti politique - pour faire
connaître son opinion sur un sujet d'intérêt public ou pour
obtenir un appui à telle opinion et à condition que cet acte ne
soit pas le résultat d'une entente. Donc, il n'appuie pas; il est tout
à fait indépendant d'un parti politique et c'est tout à
fait en dehors. Je pense par exemple au mouvement Pro-Vie qui voudrait faire
connaître sa position concernant l'avorte-ment ou sur quelque autre
sujet. Il y avait des exemples dont on a parlé tantôt. À ce
moment-là, les personnes n'appuient pas un parti politique. Elles disent
tout simplement: Voici, je vous décris une situation; évidemment,
lisez les programmes des partis politiques et vous comprendrez peut-être;
évidemment, il ne doit pas y avoir de collusion et même d'entente
ou de lien avec un parti politique. Mais on ne croit pas qu'une personne
appuyant un parti politique puisse se servir de cet amendement que l'on
suggère.
M. Gratton: Justement, comment interprète-t-on, comment
définirait-on un groupe n'ayant pas un caractère politique
partisan alors qu'en campagne électorale, se prononcer pour une option
ou un point de vue, c'est, par le fait même, je suppose, se prononcer
pour ou contre celui qui a ce point de vue-là, qui défend ce
point de vue-là lors d'une campagne électorale?
Comment en arriver à contrôler - et contrôler dans le
sens d'assurer que ce ne sont pas les lobbies et les groupes de pression qui
prennent le dessus sur le processus démocratique - ce qui est un groupe
politique partisan et ce qui ne l'est pas?
M. Lachapelle: Évidemment, la suggestion que l'on fait
dans le caractère partisan, c'est peut-être difficile parce que,
comme vous le mentionnez, dès que l'on prend position, est-ce que l'on
ne prend pas parti? Quand on prend parti, on n'appuie pas nécessairement
un parti, mais enfin, je pense que ce sont des choses qui se tiennent. Lorsque
l'on dit qu'on est contre telle option d'un parti, on imagine que cela a un
caractère partisan. Ce qu'on veut dire par caractère partisan,
c'est être affilié ou associé à un parti. C'est
indiquer carrément que cela va à rencontre de tel parti qui
préconise telle idée. Dans ce sens-là, il est probablement
difficile de faire toutes ces distinctions et tous ces liens. Quand on va un
peu plus loin et que l'on dit qu'il n'est pas le résultat d'une entente,
d'une collusion, d'un lien indirect avec un parti politique, je pense qu'il y a
là suffisamment de balises, mais comment aller vérifier ces
balises? Il y a probablement une question de contrôle, contrôle qui
devrait probablement être un contrôle administratif, qui serait
peut-être un contrôle via le président des élections.
Je ne sais pas si je peux avancer l'idée: Est-ce qu'on ne pourrait pas
obtenir une autorisation de la même manière que toute
dépense électorale est autorisée par l'agent
d'élection? Est-ce que, de la même façon, il ne pourrait
pas y avoir une autorisation donnée par un organisme quelconque pour la
publication d'annonces ou de documents dénonçant une politique
quelconque?
M. Gratton: Cela a d'ailleurs fait l'objet de discussions au
comité de parlementaires. Parler soit du Directeur général
des élections ou d'un comité administratif quelconque qui
pourrait juger de l'aspect partisan ou pas d'une publication, cela implique ni
plus ni moins un certain élément de censure. Je voyais ce matin
dans les journaux anglophones - je ne l'ai pas retrouvé dans les
journaux francophones - que la National Coalition pour je ne sais trop quoi
publie une annonce, une publicité qui est une attaque directe à
cinq points du programme du Nouveau parti démocratique à Ottawa,
et nomme notamment M. Broadbent, chef du NPD, comme étant le coupable.
Effectivement, qui sera en mesure d'apprécier le caractère
partisan ou non partisan, de décider si cela contrevient à
l'esprit sinon à la lettre de la loi, et d'en arriver à tirer une
conclusion? Je vous pose la question sachant bien que vous n'avez pas de
réponse magique parce que personne n'en a.
M. Lachapelle: Je dois vous dire que c'est avec beaucoup de
réticences que je parle de
cette forme de contrôle qui peut, à la rigueur, devenir une
forme de censure.
Je pense que c'est le risque de la liberté d'expression qu'il
faut prendre à un moment donné. On l'a mentionné dans
certains de vos documents, on croit que les dépenses et les moeurs
électorales au Québec ont grandement évolué et que
les gens sont maintenant très prudents, très
éveillés et très vigilants sur ces questions-là.
C'est le genre de risque qu'il faut prendre un jour dans la vie
démocratique, quitte à revenir et à resserrer. Il y a
là un risque, c'est évident, et il faudra opter quelque part,
mais, à notre avis, avec l'éclairage de la Charte des droits et
libertés de la personne, il n'est pas évident, avec ce jugement
qu'on connaît en Alberta, je pense, que cet article pourrait passer le
test des tribunaux. À notre avis, il faut élargir la
liberté d'expression et permettre à ces personnes de
s'exprimer.
Quand on donne ces exemples, je pense qu'on dit oui. Bon. Maintenant,
jusqu'où doit-on prendre ce risque et jusqu'où doit-on baliser
ensuite? Il m'apparaît que c'est probablement au législateur de se
pencher sur ces questions-là tout en étant conscient de la
crainte que vous souleviez tantôt de cette censure qui est aussi
extrêmement dangereuse.
M. Gratton: Selon vous, est-ce qu'on pourrait, par exemple,
penser à permettre l'expression de points de vue qui ne feraient aucune
allusion directe à des partis politiques ou à des candidats tout
en permettant des allusions à des thèmes ou à des sujets
qui intéressent les groupes en question? Est-ce que ce pourrait
être une façon d'interpréter la définition de
"groupe politique partisan"?
M. Lachapelle: Je dois vous avouer que je ne sais pas comment on
arriverait à le décrire - remarquez qu'on pourrait
peut-être y arriver, cela dépendra ensuite des légistes -
et comment on pourra l'interpréter ensuite dicté de la
façon que vous mentionnez. Je n'oserais pas m'aventurer davantage sur la
méthodologie que vous suggérez.
M. Gratton: M. le Président, si on me le permet, on m'a
apporté l'annonce dont je parlais tantôt. On n'est pas en
période électorale mais, compte tenu de la décision dont
faisait part le Directeur général des élections au
fédéral, M. Hamel, qu'il n'interdira pas la publication de telles
choses durant la campagne électorale, voici ce que cela pourrait donner
et ce que cela donne effectivement dans le Globe and Mail de ce matin.
Le titre: "Ed Broadbent is a socialist who means what he says... That's why he
is so frightening! "Prime Minister Ed Broadbent." A nightmare for Canada".
C'est signé par "The National Citizens' Coalition for More Freedom
Through Less Government", et on a du texte qui reprend cinq...
C'est nettement une prise de position que j'appelle partisane; en tout
cas, elle n'est sûrement pas partisane pour le Nouveau parti
démocratique, mais elle est partisane de la défaite du Nouveau
parti démocratique. Je pense que c'est le genre, - et je termine
là-dessus, M. le Président - d'inquiétude qui anime
l'ensemble des parlementaires entre cet équilibre qu'on doit tenter
6e... C'est presque la quadrature du cercle qu'il faut tenter de réussir
entre le respect du principe de la liberté d'expression et celui de
l'intégrité du système électoral et d'intervention
des personnes.
Je vous remercie. J'ai l'impression qu'on va continuer la discussion
puisque, évidemment, l'Assemblée nationale ne saurait en arriver
à proposer des modifications à la Loi électorale dans ce
domaine sans y associer de quelque façon très étroite la
Commission des droits de la personne. Je remercie Me Lachapelle et la
commission.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre.
J'ajouterais que ce pourrait être une corporation canadienne qui est
contre l'accord de libre-échange qui se mettrait à financer, par
une campagne électorale, une série de communiqués et
d'énoncés en accord du libre-échange, mais c'est seulement
à titre d'exemple. Merci beaucoup. M. le représentant de
l'Opposition officielle.
(11 h 45)
M. Gendron: Un premier mot, M. Lachapelle ainsi que M.
Carpentier, pour vous remercier d'avoir accepté de donner le point de
vue de la Commission des droits de la personne sur d'éventuelles
modifications à la Loi électorale. J'estime également,
comme le ministre vient de le mentionner, que là où
l'intérêt sera peut-être plus prononcé, c'est dans la
rétention des éléments sur lesquels le ministre
délégué à la Réforme électorale,
éventuellement, fera des propositions précises et
concrètes. Il me semble qu'il est exact qu'on ne peut pas se priver de
l'éclairage d'une instance comme la vôtre, qui s'appelle la
Commission des droits de la personne, lorsqu'on entend procéder à
des modifications sur un sujet aussi intimement relié à la
protection des droits de la personne. Je pense que la protection du droit
démocratique fait partie intégrante de vos
responsabilités.
Globalement, dans votre mémoire, et ce n'est pas la
première fois que vous vous exprimez sur ces questions, vous avez senti
le besoin de vous exprimer à nouveau sur les trois ou quatre grandes
questions fondamentales qui, en gros, selon votre choix, sont celles du droit
de vote des handicapés mentaux... Il y a toute la question du principe
du droit de vote, mais il y a également la question de
l'accessibilité. Après qu'on a établi le principe, il faut
départager les modes d'accessibilité. Il y a également
cette question qui, on le sait, vous a toujours préoccupés, qui
est l'expression des tiers. Encore là, il
s'agit d'un principe très démocratique dans une
société comme la nôtre. Je pense que votre mémoire
contribuera sûrement à alimenter davantage la réflexion,
mais dans la perspective de l'étape subséquente à celle
que nous conduisons aujourd'hui qui est d'avoir un premier éclairage sur
les éléments que le comité a bien voulu retenir sachant
que, postérieurement à cela, le ministre pourra faire des
propositions concrètes. J'estime qu'il sera sûrement opportun
d'avoir, là également, l'éclairage précis de la
Commission des droits de la personne sur des points spécifiques.
Au sujet de votre mémoire, j'ai trois questions que je voudrais
poser rapidement. La première est la suivante: il est clair que vous
préférez la formule de l'incapacité judiciaire comme moyen
de déterminer l'accès ou non à un droit de vote
plutôt que ce qui est contenu dans le projet de loi fédéral
C-79, qu'on appelle la levée totale de l'interdiction; alors, pourquoi
cette préférence?
M. Lachapelle: Ce que la commission avait préconisé
à l'époque, c'est que lorqu'on enlève un droit fondamental
à une personne, ce droit devrait être enlevé par
l'intermédiaire du processus judiciaire. Nous croyons que ce principe a
été réalisé par l'adoption du projet de loi 20.
Lorsqu'une personne est totalement, complètement incapable de
fonctionner, de s'exprimer, d'agir, nous croyons qu'il est inutile de penser
qu'on devrait lui donner le droit de voter. Déjà, un juge s'est
prononcé sur cette question, il a déjà dit: Cette personne
est totalement incapable. Il s'agit d'une incapacité totale permanente.
Il y a également, dans ce processus du projet de loi 20, tout un
mécanisme de révision. Nous ne sommes pas inquiets sur cette
question, et nous ne voudrions pas pousser à outrance cette question en
indiquant: Oui, if y a encore des personnes qui pourraient voter, sachant
qu'elles en sont totalement et complètement incapables. C'est le point
de vue que nous avons indiqué.
D'autre part, comme je l'ai mentionné tantôt, on sait
qu'actuellement il y a des personnes qui sont sous la juridiction de la
curatelle publique et qui sont capables de voter. Il y a le mémoire
très éloquent du comité des bénéficiaires de
Louis-Hippolyte-Lafontaine, dont vous avez sûrement pris connaissance,
qui nous indique dans un petit sondage du comité que 30 % des personnes
qui sont là seraient en mesure de voter, parce que cela peut être
évalué par des personnes de gros bon sens qu'une personne peut
voter. C'est surtout sur cet aspect.
Le - noix que nous avons fait, c'est que nous sot. nés conscients
que les tribunaux s'étant prononcé., de façon claire et
précise sur les cas qui leur sont soumis, contrairement à ce qui
se passait avant, nous paraît suffisant.
M. Gendron: Mais rapider^nt sur cette même question: Quand
on choisit la formule de l'incapacité judiciaire comme moyen de
déterminer l'accès, est-ce que vous avez fait une
évaluation quantitative des personnes que cela pourrait toucher? Est-ce
que l'encadrement juridique est lourd? Est-ce que le contrôle est assez
facile?
M. Lachapelle: Je pense qu'il n'existe pas beaucoup de
données à ce sujet-là. Je sais qu'à la curatelle
publique, il y a quelques données. Je travaille à un
comité avec la curatelle publique et on s'est penchés sur ces
questions. Le processus est là tout de même.
M. Gendron: Oui.
M. Lachapelle: il sera en place. Alors, est-ce qu'il est lourd?
Oui, il est relativement lourd. C'est sûr que faire passer ces personnes
à travers un processus judiciaire, c'est probablement beaucoup plus
compliqué que demander au directeur général d'une
institution de signer un papier sur le coin de son bureau. C'est
assurément plus complexe, mais je pense que le projet de loi et les
principes retenus par l'Assemblée nationale à l'époque
sont fort sages. Quand on enlève à une personne ses droits
fondamentaux de tester, de se marier, de voter, il y a là la
nécessité de passer par le processus judiciaire. Oui, c'est
lourd. Le nombre de personnes que cela peut impliquer, je pense que madame la
Curatrice publique sera avec vous demain et elle pourra probablement vous
donner quelques chiffres sur cette question.
M. Gendron: Sur la question de l'accessibilité de
l'exercice du droit de vote des personnes handicapées, il ne semble pas
que vous ayez marqué votre préférence entre le vote par
procuration, qui est une formule, ou le vote itinérant, parce que vous
mentionnez que cela pourrait être l'un ou l'autre. La commission propose
que ce soit par le vote par procuration ou que le bureau de vote
itinérant soit utilisé pour faciliter l'exercice.
J'aurais aimé que vous me précisiez davantage les raisons
pour lesquelles, d'après vous, l'un ou l'autre doit être
placé dans la même position, puisque en ce qui me concerne, je
pense que le second, te vote itinérant bien banalisé,
présente davantage de garanties d'intégrité et de
transparence pour le système démocratique ou le système
électoral et donne lieu à moins de dangers éventuels.
Alors, je voudrais seulement savoir si vous avez un avis là-dessus.
Est-ce que vous pensez qu'effectivement on a lieu d'être
immensément parcimonieux sur l'éventualité d'user du vote
par procuration pour faciliter l'accessibilité de l'exercice du droit de
vote pour les personnes handicapées?
M. Lachapelle: Personnellement, ce système me semble
beaucoup plus sécuritaire en termes
électoraux et beaucoup plus approprié pour permettre aux
personnes de s'exprimer. Bien sûr, il faudra encore une fois encadrer ce
processus de manière à éviter les pressions indues. Je
pense qu'il y a des balises qui ont déjà été
indiquées par le Directeur général des élections de
l'Ontario il me semble sur cette question-là. À mon sens, c'est
probablement le moyen le plus pratique, le moins dangereux et le plus
sécuritaire comparativement au bureau itinérant.
M. Gendron: Une autre question, qui a été
soulevée par le ministre délégué à la
Réforme électorale, c'est l'intervention des tiers. J'ai
été très attentif à vos commentaires. J'ai
été également attentif aux réponses que vous avez
fournies et je vous avoue qu'il n'y a pas de blâme là-dedans. Je
suis dans la même situation. Cela ne m'apparaissait pas vraiment possible
d'envisager une plus grande liberté d'expression.
En ce qui concerne l'amendement que vous proposez, sur l'intervention
des tiers en période électorale, voici les questions sur
lesquelles j'aimerais vous entendre. Est-ce que vous ne craignez pas qu'une
telle modification risque d'encourager indûment des organismes à
intervenir publiquement, notamment pour critiquer l'action du gouvernement par
suite d'une décision de ce dernier, lésant leurs
intérêts ou les intérêts de cet organisme et que cela
influencerait le vote?
Là, j'y vais en vrac. De plus, comment prouver qu'indirectement
un organisme est intervenu pour critiquer un parti politique pour le compte
d'un autre? Ce n'est quand même pas facile. Est-ce que vous ne croyez pas
que ces organismes qui souhaiteraient être non assujettis à la loi
concernant les dépenses électorales bénéficient en
campagne électorale, comme en tout temps, de tribunes où ils
pourraient continuer d'avoir les mêmes avantages qu'ils avaient hors des
périodes électorales?
Un organisme quelconque qui veut s'exprimer en campagne
électorale, que ce soit Pro-Vie ou autre, peut bénéficier
d'une ligne ouverte, d'une émission d'affaires publiques et ainsi de
suite. Pourquoi lui ajouter un instrument d'expression en campagne et en plus
de lui dire: Non, cela ne fera pas partie des dépenses
électorales parce que cela relève du principe d'intervention d'un
tiers en termes de liberté d'expression? J'aimerais que vous soyez le
plus précis possible là-dessus.
M. Lachapelle: Oui. Sur la première partie de votre
intervention, quand vous dites: Ne craignez-vous pas que les organismes
puissent intervenir pour influencer le vote? Je ne crains pas. C'est cela
l'objectif des interventions, qu'ils puissent influencer le vote.
La deuxième partie de votre question, c'est: Comment prouver
maintenant que des personnes n'ont pas un lien, même indirect, avec des
partis politiques? Évidemment, c'est la question qui n'est pas facile.
Un lien, même indirect, il faudrait peut-être le définir, le
préciser. On a mentionné tantôt qu'il y avait quelques
pistes de solutions qui étaient une personne ou un organisme, par
exemple, qui n'interviendrait que sur un sujet donné à
l'intérieur d'un programme électoral ou sur un thème
donné qui concernerait tous les partis politiques. Cela pourrait
peut-être être une façon de baliser. Tantôt, on
mentionnait cet article qui semble largement, si vous voulez, aller à
rencontre des principes de la politique du Nouveau parti démocratique.
Cela me semble un peu différent que de dire: Nous ne sommes pas d'accord
avec la position préconisée par les tenants Pro-Vie, par exemple.
Cela me semble un peu différent que de dénoncer globalement un
parti politique.
Encore une fois, je n'ai pas de réponse à cette question
et je dis qu'il y a un risque à prendre, à savoir qu'il y ait des
collusions, des liens qui soient créés indirectement. D'autre
part, je me dis: Au Québec, nous ne sommes pas aux États-Unis
d'Amérique où il y a environ 300 000 000 d'électeurs. Au
Québec, on est plutôt restreint à quelques millions. Je
pense qu'il est beaucoup plus facile de contrôler ce genre d'intervention
ou d'entente indirectes entre des personnes et un parti.
M. Gendron: Et sur la dernière question, à savoir
que ces organismes, ces groupes disposent de moyens publics d'interventions,
quel est votre point de vue?
M. Lachapelle: Je dois vous dire que beaucoup de personnes
bénéficient d'une tribune publique, qui ne sont pas
contrôlées et qui ont autant d'effet sur le vote.
L'éditorialiste du matin dans un journal influence le vote.
M. Gendron: Oui.
M. Lachapelle: Chaque jour, il y a des influences radiophoniques.
Il y a ces personnes qui se prononcent quotidiennement sur les lignes ouvertes.
Enfin...
M. Gendron: Oui, mais...
M. Lachapelle: ...je pense qu'il y a un tas
d'éléments qui échappent finalement au contrôle des
dépenses électorales. C'est une partie, la dépense
électorale. Il y a énormément d'endroits où on
entend parler de politique et qui ne sont pas balisés parce que, tout
simplement, on n'est pas capables de... Ce qu'on a tenté de baliser, ce
sont les dépenses; cela nous semble le plus évident, le plus
facilement contrôlable en tout cas. Je pense, par exemple, aux
publications en période électorale. Je comprends que dans la
documentation, vous allez aborder la question des publications et de la
documentation. Il m'apparaît nécessaire qu'on ouvre cette question
assez
largement.
Je me souviens avoir vu, durant la période électorale, des
publications de documents. Je pourrais vous décrire de quels documents
il s'agissait, c'est incroyable. Il y a des gens qui ont quasiment
paniqué avant de publier un tel document parce qu'il y apparaissait la
photo d'une personne très en vue dans la campagne électorale. On
a même collé des pages pour pouvoir distribuer ce document. Mais
c'est incroyable! De devoir se cacher comme cela pour publier un document
très officiel. Je me dis qu'il va falloir ouvrir ces questions et
trouver des modalités. Je n'ai pas toutes les solutions, mais je pense
que le texte qui est là devrait être capable de faire des preuves.
Je pense que les politiciens sont également assez éveillés
à ces dimensions de la vie électorale, ils connaissent bien le
milieu électoral et ils seront éventuellement capables, je parle
des politiciens et des gens qui sont dans le milieu électoral, de faire
cette preuve-là.
M. Gendron: Je remercie la commission. Mais pour le moment,
justement au nom du dernier qualificatif que vous venez de nous attribuer, je
pense qu'on sera assez éveillés pour dire que ce texte-là
ne nous convient pas. En tout cas, en ce qui nous concerne. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député d'Abrtibi-Est, d'Abitibi-Ouest.
M. Rochefort: Voyons, M. le Président. (12 heures)
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, je veux moi aussi remercier
les gens de la Commission des droits de la personne de leur participation
à nos travaux. Je vous dirai qu'au minimum, ce qui n'est pas peu, votre
participation nous force à revoir l'ordonnancement de nos principes. En
soi, je pense, que c'est une contribution positive et on voit un peu la nature
de la discussion qu'on a depuis tantôt. Cela nous force à revoir
nos points de vue et essayer de voir si effectivement il n'y a pas des
assouplissements possibles ou des modalités qu'on n'avait pas vues et
qui pourraient être apportées. Cela dit, je vous dis très
très sincèrement et très franchement, ce n'est pas un
reproche, qu'au-delà de cela, la discussion que nous avons ce matin ne
me fait personnellement pas beaucoup progresser dans la recherche
d'éléments concrets pour nous permettre d'apporter des
assouplissements aux dispositions de la loi sur lesquelles vous intervenez plus
directement tout en nous permettant de protéger des grands principes
auxquels nous tenons beaucoup.
Dans l'une de vos remarques finales tantôt, à
l'échange de propos que vous avez eu avec le député
d'Abitibi-Ouest, vous avez dit: Je crois que les hommes et les femmes
politiques sont suffisamment éveillés pour en arriver a trouver
des solutions, etc.. Je vous dirai: oui. D'ailleurs, on est suffisamment
évolués pour s'être dotés très tôt,
comme Assemblée nationale, pour le peuple du Québec et en son
nom, d'une charte qui est l'objet de notre fierté à tous et pour
laquelle vous avez des responsabilités particulières. Cela
indique très clairement la volonté des hommes et des femmes qui
siègent à l'Assemblée nationale à l'égard
des questions de droits et de libertés fondamentales.
Cela dit, je répète qu'il faut essayer d'ordonnancer les
principes. J'avoue avoir beaucoup de difficultés dans la discussion
qu'on vient d'avoir. Vous savez, j'ai le goût de vous dire: Reprenons
donc tous les arguments que vous avez évoqués, par exemple, en ce
qui concerne l'intervention d'un tiers en campagne électorale, et
appliquons-les aux deux exemples auxquels vous avez fait allusion. Sur le
deuxième, j'imagine que c'est clair quand on dit: Monsieur provient de
l'industrie nucléaire et nous vous invitons à voter contre lui
pour nous sauvegarder d'un avancement du nucléaire au Québec.
J'imagine qu'il s'agit là carrément d'une intervention dans une
campagne électorale. J'irai plus loin que ce que vous dites pour vous
démontrer que le texte qui nous est proposé ne me satisfait pas.
Je suis prêt à parler que ce groupe ou cet individu qui a
acheté l'espace publicitaire n'a jamais parlé à quiconque
qui est de près ou de loin dans l'entourage du député ou
du candidat en question. Ce qui prouve que la balise que vous évoquez
n'est pas suffisante. Je suis convaincu qu'il n'y a pas eu collusion, qu'il n'y
a pas eu de relation même indirecte entre les deux, mais l'effet est de
faire en sorte que le citoyen ordinaire de cette circonscription
électorale ait donc moins de poids, moins de pouvoir qu'on ne sait trop
qui, financé on ne sait trop comment, aurait une liberté
semblable. C'est un principe avec lequel je suis incapable de vivre. Je ne peux
pas imaginer que l'argent va avoir plus de poids dans une campagne
électorale, dans le processus démocratique, que le droit
fondamental d'un citoyen qui est de mettre un X là où il le
voudra bien dans un cadre absolument démocratique.
Je reprends le premier exemple que vous avez évoqué. Vous
parliez des coupures faites par le gouvernement, et le gouvernement on sait qui
il est. Donc, c'est une attaque à une formation politique et toujours
là, sans aucune collusion, qu'est-ce qu'il y a de plus facile pour le
parti ou les partis qui sont dans l'Opposition, que de récupérer
le discours et dire: Mais nous, soyez certains qu'on ne ferait pas des coupures
comme cela dans ce domaine? Le tour est joué! Et encore là on
vient de donner un poids politique considérable quand on pense à
ce que sont devenus les moyens de communications de masse dans toute notre vie
et particulièrement en campagne électorale. On vient de donner
un
poids politique considérable à des groupes. La CEQ, on
sait qui elle est. Vous savez, les citoyens du groupe antinucléaire
c'est qui, ils sont combien, ils représentent qui et ils sont
financés comment? C'est une belle question! J'avoue que là quand
je confronte les principes, mes valeurs démocratiques de liberté
d'expression privilégient la liberté d'expression de chaque
citoyen librement dans un processus électoral disant que, au nom d'un
grand principe un peu général: Mais tout le monde peut intervenir
sur quoi que ce soit en tout temps. Alors, moi je pense que cela vient
s'opposer et entrer en concurrence directe avec le droit du citoyen.
Vous avez fait allusion tantôt aux États-Unis. Je vous
dirai que c'est un peu ce qui existe là-bas. N'importe qui intervient
n'importe comment mais ne venez pas me dire que c'est gratuit. On sait le poids
politique absolument phénoménal qu'ont les groupes de pression
aux États-Unis, les groupes organisés sur tout sujet. Ce n'est
pas vrai que c'est indépendant du monde politique aux États-Unis.
C'est partie intégrante du processus politique.
J'essaie de voir et j'avoue que je n'y arrive vraiment pas. Je vous
dirai que sur cette question particulièrement, la suggestion qui me
vient le plus à l'esprit... Tantôt vous faisiez allusion à
un comité de travail que vous avez avec la Curatrice publique. Je me
dis: Bon sang, au-delà du principe très clairement
évoqué dans votre document, très brillamment
défendu, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen qu'un petit comité
technique de chez-vous et de chez le Directeur général des
élections puisse voir au-delà des grands principes? Comment,
concrètement, pourrait-on tenter de trouver des moyens qui nous
permettraient de respecter la préoccupation qui est la vôtre et
qui relève d'un mandat que vous a confié l'Assemblée
nationale - donc, vous faites votre travail à 100 % - mais aussi par
rapport à des préoccupations, des principes qui sont aussi fort
importants aux yeux des membres de l'Assemblée nationale en ce qui a
trait à l'équité dans le fonctionnement des institutions
démocratiques? En ce sens, Je serais heureux que vous puissiez vous
asseoir. Au fond, et je comprends qu'à cause de vos différentes
responsabilités, de tous les dossiers que vous avez a acheminer et de
vos ressources, vous dites: On a pensé à peu près à
ceci, mais on n'a pas eu le temps d'aller voir combien il y avait de gens,
patati, patata. Je pense que ce serait intéressant que vous tentiez de
façon plus concrète de progresser plus techniquement, si vous me
permettez, à l'intérieur des principes qui sont les vôtres
et les nôtres, défendus dans ce cas par le Directeur
général des élections pour voir comment on pourrait aller
un peu plus loin dans la recherche d'une solution.
Pour la question du vote des handicapés mentaux, je vous dirai
que je suis parfaitement à l'aise avec ce qu'on retrouve à la loi
20. Je suis beaucoup moins à l'aise avec la formule de transition que
vous proposez. Elle me semble finalement plus large que ce qu'on retrouve dans
la loi 20. En ce sens elle est plus lourde aussi. Je souhaiterais que là
aussi on essaie de trouver des éléments pour mieux
préciser ou baliser la période transitoire entre les deux. Je
trouve cela trop large. Cela aurait pour effet de se retrouver tous ensemble
dans un processus où on ne respecterait sûrement pas la
dignité des gens en question parce que certains voudraient tenter de les
faire voter alors que dans les faits, si c'est la loi 20 qui s'appliquait, ils
n'auraient pas droit de vote. Il faut aussi penser au respect et à la
dignité de ces êtres humains, même s'ils ont des
problèmes de santé comme ceux qui amènent des
décisions comme celles évoquées.
Quant à la question du vote des handicapés limités
dans leurs déplacements, je vous poserai une question. Je pense que vous
avez entendu un peu l'orientation de certains membres de la commission sur le
vote par procuration. Je vous poserai une question concrète sur l'autre
élément. Je comprends que vous serez peut-être porté
à me dire: Je ne suis pas là pour analyser cela. J'accepterai
parfaitement ce que vous me direz. Mais tout d'un coup qu'on pourrait aller
plus loin. Est-ce que, par exemple, vous considérez que ce serait,
comment dire, en ce qui concerne la gestion des fonds publics, pour quelqu'un
qui serait chez lui, donc à domicile, que tout l'appareillage de
l'exercice du droit de vote se déplace à la maison pour lui
permettre d'exercer son droit de vote? Je fais donc appel, plutôt qu'au
processus de procuration, au processus de vote itinérant qui fait qu'on
ne s'en va pas dans les institutions, mais à domicile.
Voilà les questions que je voulais aborder avec vous.
Le Président (M. Marcil): il vous reste une minute
seulement pour répondre à toutes ces questions.
M. Lachapelle: La minute est pour qui?
M. Rochefort: Avec la même souplesse, M. le
Président, qu'on a eu pour les autres membres de la commission.
Le Président (M. Marcil): Donc, disons que c'est le
premier groupe.
M. Lachapelle: Je comprends que la minute est pour moi.
Le Président (M. Théorêt): Pardon?
M. Lachapelle: Sur la dernière question. Il faudrait
peut-être, comme vous l'avez mentionné tantôt, faire une
petite étude des coûts pour connaître combien de personnes
se sont prévalues... On peut se servir des exemples des autres provinces
qui ont tenté la même expérience et voir ce qu'il en
coûterait. Il reste qu'actuelle-
ment, les organisations électorales sont tout de même sur
le terrain. Elles sont là. Elles sont dans les municipalités.
Elles sont dans tous les coins de la province. Et je pense que ce n'est
peut-être pas une organisation si compliquée que cela. Enfin, je
ne voudrais pas m'aventurer davantage sans avoir d'autres données. C'est
là ma première réflexion sur cette question-là. Il
faut peut-être aller plus loin techniquement, comme vous dites, pour
savoir comment cela pourrait se réaliser.
Sur la question du vote des personnes handicapées, ce qui
m'ennuie dans toute cette question, en vous disant: La loi 20 est là,
c'est que le législateur s'est prononcé. Il a dit: C'est cela ma
volonté. Évidemment, je comprends que, pour toutes sortes de
raisons, on dise que ce n'est pas cela actuellement. Mais c'est ce que le
législateur a dit. Et si l'Assemblée nationale s'est
prononcée c'était pour dire quelque chose et pour mettre une loi
en vigueur un jour. Encore une fois, je comprends qu'il y a toutes sortes
d'embûches. Je suis à même de le constater assez
régulièrement justement en participant à ce comité
avec la Curatrice publique. Mais il reste encore une fois que
l'Assemblée s'est prononcée et il faut trouver un moyen
entre-temps pour ne pas priver ces personnes-là parce que c'est aux
prochaines élections qu'elles vont être privées de leur
droit de vote. Et si on dit que c'est un droit fondamental, il faut faire en
sorte qu'il puisse se réaliser. La suggestion, encore une fois, n'est
peut-être pas tout à fait à point. On s'imagine que tous,
savants légistes que vous êtes, vous en trouverez une.
Sur les propos que vous avez tenus concernant les dépenses des
tiers - c'est peut-être la fin de ma minute - je me demande quelle
différence il y a entre un groupe qui publie une petite annonce dans le
bas d'un journal local, je prends celle-là, et la même
intervention faite sur une ligne ouverte qui diffuse peut-être à
100 000 ou 200 000 auditeurs. L'impact est probablement le même. Le
langage parlé est aussi important, prend autant de place que le langage
écrit. Dans le langage écrit on aura peut-être un avantage,
par exemple, c'est qu'on identifiera clairement que c'est un message du groupe,
etc. Quelle est la différence entre l'éditorial que l'on publie
à 100 000 exemplaires et l'annonce dans le journal? Je pense bien,
finalement, qu'on s'ouvre les yeux trop grands sur la question des
dépenses électorales et qu'on se ferme peut-être beaucoup
les yeux sur un élément qu'on peut difficilement contrôler,
soit la présence et l'intervention dans les médias, la presse
parlée, les interventions du public dans ces occasions-là.
C'étaient les quelques commentaires qu'on voulait vous tenir sur ce
sujet.
Je voudrais d'abord tous vous remercier de vos questions et de votre
intérêt pour les questions que nous avons soulevées devant
cette assemblée. Je crois qu'ensemble nous avons plus cherché
à mettre en pratique ces principes que nous avons bien voulu vous
souligner que d'essayer de les rejeter du revers de la main et je vous remercie
beaucoup de votre ouverture d'esprit au nom des personnes que nous
défendons devant cette commission. Merci.
Le Président (M. Marcil): M. le président, Me
Lachapelle de même que Me Carpentier, au nom de cette commission nous
vous remercions de vous être prêtés à cet exercice.
Merci beaucoup.
Maintenant, j'inviterais les représentants du Conseil de presse
du Québec à avancer, à venir prendre place.
Me Micheline McNicoll, secrétaire générale, de
même que Me Céline Vaillancourt, secrétaire du Conseil de
presse, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission
parlementaire et sans plus tarder vous laissons la parole.
Conseil de presse du Québec
Mme McNicoll (Micheline): M. le Président, mesdames et
messieurs les parlementaires, le Conseil de presse est très heureux de
pouvoir participer au processus démocratique et, sans plus tarder, je
vous présente sa position.
Le respect des libertés d'opinion et d'expression reconnues
à tout citoyen, même et surtout en période
électorale, constitue le principe sur lequel se basent les
recommandations du conseil.
Tout en reconnaissant la nécessité de contrôler les
dépenses électorales, le conseil est d'avis que la Loi
électorale ne doit pas avoir pour effet de brimer ces libertés
fondamentales. Et si tant est qu'il faille choisir entre deux maux, le conseil
considère qu'un assouplissement du cadre législatif en
matière de dépenses électorales serait moins dommageable
à tous égards qu'un contrôle strict au point de brimer les
libertés d'opinion et d'expression. (12 h 15) il n'est cependant pas
évident que l'on doive ainsi choisir entre deux maux, la loi pouvant
être modifiée de façon à ce que son objet
réel, soit le contrôle des dépenses électorales,
puisse être atteint adéquatement tout en préservant des
libertés auxquelles, de toute façon, le législateur ne
désirait sûrement pas atteindre.
Car s'il est évident et reconnu que le contrôle des
dépenses électorales a une incidence certaine sur la
liberté d'expression, les contraintes ainsi créées doivent
se limiter aux messages de nature publicitaire, les seuls qui devraient
être considérés comme dépenses électorales.
En effet, lorsque les mesures de contrôle des dépenses
électorales ne sont pas strictement limitées à de tels
messages, elles ont pour effet direct de restreindre la liberté
d'informer, et c'est précisément ce qu'il importe d'effacer de la
loi. Les commentaires et suggestions du conseil vont donc en ce sens.
Concernant l'intervention des tiers en période électorale,
Me Lachapelle, de la Commission des droits de la personne, a très bien
exposé toute la problématique. J'irai donc droit au but. Le
conseil considère que la situation actuelle est inacceptable et qu'il
faut absolument faire une place à l'intervention des tiers. Si je puis
me permettre une comparaison, la situation actuelle ressemble à une
situation de monopole du discours, exactement celle que l'on veut éviter
dans les problèmes de concentration de la presse où les sources
d'information sont limitées. Je n'ai pas besoin d'en dire davantage. Si
un seul propriétaire possède toutes les stations radiopho-niques
ou de télévision, les sources d'information sont limitées.
La situation en période électorale apparaît un petit peu
comme celle-là, sans être tout à fait une analogie
parfaite, puisqu'à l'heure actuelle les seules personnes qui ont droit
de parole en période électorale, ce sont les partis politiques
constitués ou d'autres personnes qui briguent des suffrages. Ces
personnes, au moment où elles parlent pendant la période
électorale, ne sont pas les mandataires de la population. Ce sont des
personnes qui veulent devenir des mandataires. Et uniquement celles-là
auraient droit de parole dans une période aussi importante parce que,
après la période électorale, la participation des citoyens
et des citoyennes au processus est médiate, elle est
médiatisée par la présence, par le mandat qu'on a
donné aux députés... D'accord, en toute autre
période, c'est bon que les gens s'expriment sur les lignes ouvertes,
c'est bon qu'il y ait des discussions. Mais dans cette période
privilégiée où les gens décident, où les
gens veulent exprimer et veulent être certains que les gens qui vont les
représenter iront au fond des questions qui sont censées
être sur la place publique, qu'aucun tiers ne puisse intervenir pour la
raison qu'il pourrait directement ou indirectement favoriser ou non un parti,
je crois que cet argument ne tient pas et que, s'il protège quelque
chose à l'heure actuelle, ce n'est pas la démocratie, mais le
discours politique de deux ou trois partis qui ont l'apanage du discours. Il
faut que ce discours soit ouvert aux tiers, et c'est dans ce sens que le
Conseil de presse suggère l'amendement suivant à l'article 405:
"Sont considérés comme dépenses électorales tous
frais engagés pendant une période électorale par un
candidat, un parti politique ou un groupe constitué aux seules fins
d'influencer le résultat d'une élection." C'est là la
seule limite que le Conseil de presse veut voir dans une telle loi parce qu'on
ne peut pas s'exprimer. Qu'est-ce que c'est que la liberté d'expression
et d'opinion si ce n'est de dire: On est pour ou contre telle chose, que ce
soit dans le programme de l'un ou de l'autre parti? Cela aura évidemment
de l'influence et on ne le nie pas, mais est-ce pour autant partisan? La
partisanerie, c'est comme la manipulation, ce sont toujours les autres qui en
font.
Le droit du public à l'information là-dedans, où
est-il, s'il vous plaît? Si le discours est polarisé et
monopolisé par des partis politiques, je conçois que chacun ait
intérêt à se piquer et à se démolir, mais des
questions risquent d'être évacuées parce que cela ne fait
l'affaire de personne. Si des tiers ne peuvent introduire ces questions dans le
débat, alors elles sont évacuées dans une période
privilégiée pour la démocratie. Le Conseil de presse ne
conçoit pas que le droit des tiers d'intervenir soit brimé en ces
périodes.
Pour ce qui est des questions de collusion, il sera toujours possible de
les prouver, mais, comme le disait très bien, tout à l'heure, M.
le député de Gouin, il y a bien des cas où il n'y a pas de
collusion, et c'est effectif, maintenant, que certains propos exprimés
par des citoyens ou des groupes plaisent ou déplaisent aux partis
politiques, mais je pense que la Loi électorale n'est pas là pour
ça. Je pense que la Loi électorale est là pour
protéger le plus possible notre processus démocratique; mais de
quoi notre processus démocratique est-il construit, sinon de la
liberté d'expression qui ne serait pas seulement pour les partis
politiques, mais bien pour tous les tiers également?
Concernant la diffusion d'écrits en période
électorale, le conseil propose de s'en tenir à une notion
restrictive et, au lieu de "tous frais engagés", "lout écrit",
etc., de se limiter à la notion de "matériel ou temps d'antenne
publicitaire."
Concernant le temps d'antenne gratuit et le débat des chefs, cet
article devrait être modifié de façon à tenir compte
de deux réalités précises: la publication ou la diffusion
d'entrevues de même que l'organisation de débats électoraux
radiodiffusés et télédiffusés ne devraient jamais
être considérées comme dépenses électorales
lorsqu'ils sont soumis au traitement journalistique, cela veut dire sous le
contrôle des journalistes et des entreprises de presse ou des
médias qui les diffusent. Il s'agit là d'éléments
d'information et non de publicité ou de propagande et les médias
doivent, dans ce contexte, demeurer libres de leurs choix rédactionnels,
notamment quant au nombre d'invités et de la forme que prend le
débat ou l'entrevue. Deuxièmement, la publication ou la diffusion
d'opinions sur des questions d'intérêt public ou des actions et
décisions gouvernementales ne devraient pas être
considérées comme dépenses électorales lorsqu'elles
sont le fait de personnes, de groupes ou d'organismes qui ne sont pas
constitués aux seules fins d'influencer le résultat d'une
élection. Que ces personnes, groupes ou organismes soient visés
ou non par les actions et les décisions commentées, ou que les
opinions émises incitent ou non à favoriser ou à
défavoriser un parti ou un candidat, il n'y a pas lieu d'atteindre
à leur liberté d'expression dans la mesure où ces
personnes, groupes ou organismes ne sont pas constitués aux seules fins
d'influencer le résultat de l'élection. C'est donc leur statut
à cet égard qui doit constituer le seul test véritable
sous
peine de censurer le débat démocratique. Ce test aurait au
moins le mérite d'être objectif - ce n'est peut-être pas le
bon terme - d'être plus facile à déterminer.
Donc, les modifications suivantes devraient être apportées
à l'article 407 auquel nous ajouterions un alinéa 3: "Ne sont pas
considérées comme dépenses électorales: 1° la
publication, dans un journal ou autre périodique, d'articles,
d'éditoriaux, de nouvelles... - et nous ajoutons - d'entrevues d'un ou
plusieurs candidats ou représentants de candidats ou de partis
politiques - la suite demeure inchangée; 2° la diffusion par un
poste de radio ou de télévision d'une émission de
nouvelles, de commentaires - et nous ajoutons - d'un débat entre deux ou
plusieurs candidats ou représentants de candidats ou de partis
politiques, ou d'entrevues avec un ou plusieurs candidats ou
représentants... - la suite est inchangée; 3° - c'est une
addition - les frais encourus par une personne - pour être
cohérents avec ce que l'on vient de dire évidemment - un groupe
ou un organisme qui n'est pas constitué aux seules fins d'influencer le
résultat d'une élection, pour faire connaître son opinion
sur une question d'intérêt public ou sur des actions ou
décisions gouvernementales."
Évidemment, encore pour être cohérents, il faudrait
amender l'article 427 et y ajouter le paragraphe suivant: "Ne sont pas
visés par le présent article, les débats et les entrevues
dont il est fait mention à l'article 407."
Concernant la réglementation des sondages en période
électorale, à la première question qui nous était
posée dans le document: Doit-on réglementer les sondages en
période électorale, le conseil de presse répond par la
négative ainsi qu'il l'avait déjà fait à propos du
projet de loi fédéral C-79 concernant la réglementation
des sondages tout court.
L'adoption de mesures législatives concernant la façon
dont les médias doivent rapporter les résultats des sondages
d'opinion revient à fixer un contenu informationnel et de ce fait
constitue donc une atteinte à la liberté de la presse et au droit
du public à l'information. Le conseil soutient que les médias
pourraient cesser de rapporter les résultats de sondages d'opinions
s'ils étaient forcés de communiquer de trop nombreuses
informations méthodologiques. Compte tenu des contraintes de temps et
d'espace auxquelles les médias tant électroniques
qu'écrits doivent faire face, de telles obligations pourraient rendre la
diffusion de ces informations d'intérêt public quasi impossible
dans certains cas.
Le conseil soutient le principe à l'effet que le public
reçoive les informations d'ordre méthodologique en même
temps que les résultats des sondages. Celles-ci permettent de
vérifier la qualité des informations recueillies par sondage et
donnent la possibilité au public de former son propre jugement sur
l'information qu'il reçoit.
Cependant, le conseil estime que ceci relève de l'autodiscipline
des médias et des journalistes et ne doit, en aucune façon,
être régi par des mesures législatives, de telles mesures
accroissant les risques d'ingérence gouvernementale dans les contenus de
l'information et les décisions qui relèvent des salles de
rédaction.
Le Conseil de presse considère donc comme essentiel que les
médias écrits et électroniques soient libres de
déterminer la façon de communiquer les résutats des
sondages, afin d'éviter que soit limitée la liberté de la
presse d'informer adéquatement le public. Je vous ferais remarquer
qu'à l'heure actuelle, les médias donnent toujours les
informations méthodologiques minimales qui ont pour but de situer le
contexte et, dans une certaine mesure, la crédibilité du
sondage.
Mais si le gouvernement décidait tout de même d'agir dans
ce domaine, la seule contrainte acceptable en la matière serait
peut-être de prévoir que les médias conservent les
renseignements décrits au projet de loi et les rendent accessibles au
public, de façon que les personnes intéressées puissent
prendre connaissance de ces données.
Quant à la seconde question qui n'est certainement pas la
moindre: Doit-on interdire la diffusion des sondages à la veille du
scrutin ou dans la semaine précédant le scrutin, le Conseil de
presse répond également par la négative. Il répond
que la population québécoise est habituée à vivre
avec l'omniprésence des sondages d'opinion et il est d'avis qu'il faut
faire confiance à la maturité et à l'esprit critique de la
population, en un mot, au jugement de chaque personne.
D'autre part, ainsi que le souligne fort justement le "Document de
réflexion et de consultation sur la révision de la Loi
électorale" qui a été soumis à notre attention, il
est absolument impossible de garantir une interdiction étanche, a moins
de couper le Québec du reste du monde ou de demander à quelqu'un
d'autre de légiférer dans ce domaine - mais ce n'est surtout pas
notre propos. De plus, dans la mesure où tout le monde pourrait
continuer, même si on interdisait aux médias de les diffuser, si
n'importe qui peut continuer de réaliser, d'effectuer des sondages, cela
voudrait dire qu'il existe une information quelque part, une information que
des personnes privilégiées pourraient avoir, utiliser et que
cette information-là, le public, en général, ne peut pas
la recevoir.
Donc, ce serait empêcher la diffusion d'information qui existe
pour une raison qu'on a du mal à identifier. Mais ce qu'on comprend,
c'est qu'on veut protéger le public.
Est-ce qu'on considère que les sondages sont des
publicités pour un ou l'autre parti? Le document ne le dit pas. Est-ce
qu'on veut contrôler les événements médiatiques?
Cela non plus, on ne le dit pas. On ne dit pas ce qu'on cherche vraiment quand
on veut interdire la diffusion de sondages juste avant un scrutin.
Si on veut protéger la population, le
Conseil de presse pense que la meilleure façon de le faire, c'est
de laisser les idées circuler librement et de laisser la population
faire elle-même son propre jugement. C'est peut-être d'accorder une
valeur aux sondages qu'ils n'ont peut-être pas. Nous ne disons pas que
les sondages n'influencent pas. Tout élément de communication
influence, et même les éléments que l'on tait peuvent
également être des facteurs d'influence.
Le Conseil de presse du Québec tient à rappeler
également que les médias connaissent bien les conséquences
qui découleraient pour eux de la diffusion de sondages qui ne
répondraient pas aux normes méthodologiques habituelles; leur
crédibilité en serait entachée pour l'avenir.
En terminant, le Conseil de presse aimerait souligner que la crainte,
même fondée, de la diffusion de sondages manipulateurs - comme je
vous l'ai dit tout à l'heure, c'est un peu comme pour la partisanerie,
ce sont toujours nos ennemis qui se livrent à ce genre de choses - ne
doit pas faire perdre de vue que la libre circulation des idées est la
meilleure garantie contre la manipulation d'où qu'elle provienne. Dans
l'univers de la communication, l'information n'est jamais neutre, elle ne peut
que tendre vers une objectivité et une honnêteté toujours
plus grande. La meilleure façon d'y parvenir, c'est d'assurer la
multiplicité des sources d'information et la discussion autour de ces
informations.
Le processus démocratique ne saurait donc être mieux
protégé que par la libre circulation des idées. Toutefois,
si jamais le législateur devait se laisser convaincre du fait que les
sondages d'opinions ne sont pas désirables en certaines circonstances -
ce qui, selon le Conseil de presse, reste encore entièrement à
prouver - il faudrait alors viser la bonne cible et ne pas faire reposer sur
les seuls médias la responsabilité sociale de cette interdiction,
mais bien la répartir entre toutes les parties concernées. Nous
n'irons pas jusqu'à dire qu'il faille le faire, mais si on veut
empêcher la diffusion des sondages il faudrait d'abord penser à
leur production et ne pas mettre le robinet aux médias comme si
c'étaient eux les responsables. Si on a la possibilité de faire
des sondages, alors les médias doivent conserver un droit absolu de les
diffuser. (12 h 30)
Concernant peut-être certains arguments qui ont été
apportés pour dire que les sondages influencent, le mémoire qui
avait été préparé en 1977 par l'Association
canadienne des anthropologues, à la page 7, citait au moins quatre
effets différents des sondages: l'effet d'entraînement; l'effet
d'indifférence: si tout le monde va voter pour cela, d'accord, moi je
n'irai pas, de toute façon cela va passer; un effet très
intéressant qui dit que par sympathie, on voit que tout le monde vote
pour tel parti, bon, nous autres on va voter pour l'autre parce que
peut-être qu'il va être éliminé de la course; et un
autre effet qui est celui de changer de préférence, pour
être sûrs au moins que ceux qu'on ne veut pas ne seront pas
élus. Il y a là quatre effets contradictoires qui s'entrelacent
et malgré tout on dit qu'on craint la manipulation. Mais qu'on laisse
les influences jouer de par elles-mêmes. Ce sont des facteurs qui vont
jouer comme n'importe quel autre discours politique, comme n'importe quelle
action.
Concernant les infractions et peines, le Conseil de presse est toujours
d'avis qu'il ne doit pas s'agir de... L'infraction de l'article 502 ne doit pas
en être une de responsabilité stricte; il faut prouver l'intention
de nuire parce que c'est une accusation grave. Il y a peut-être bien des
apparences qui peuvent jouer, si on considère que la liberté
d'expression est une liberté dans l'absolu, sur des thèmes qu'on
ne peut pas raccrocher à des programmes politiques. Si, moi, je
m'insurge pour ou contre l'avortement et qu'il y a un parti qui est pour et
l'autre contre, j'aurai l'air de favoriser le parti qui a le même point
de vue que moi. Pourtant, j'ai le droit d'exprimer mon opinion sans être
partisan ou sans avoir de collusion. Donc, le Conseil de presse maintient sa
position là-dessus également.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup,
Me Micheline McNicoll. Je vais maintenant demander au ministre
délégué à la Réforme électorale
d'intervenir.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Je remercie le Conseil
de presse qui, comme la Commission des droits de la personne d'ailleurs, s'est
prêté à des consultations avec le Secrétariat
à la réforme électorale, préalablement à la
publication du Document de réflexion et de consultation sur la
révision de la Loi électorale.
Je voudrais dire tout de suite, quant au sujet de l'interdiction et de
la réglementation des sondages que, pour notre part, du
côté ministériel, nous souscrivons d'emblée à
l'argumentation qui est présentée par le Conseil de presse, soit
de ne pas interdire ou réglementer la publication de sondages en
période électorale, essentiellement pour les raisons qui sont
invoquées par le Conseil de presse. Donc, inutile d'abonder dans ce
sens-là.
Je voudrais aborder tout de suite - parce que cela sera peut-être
moins long - la question du débat des chefs et de la publication
d'entrevues. Mme McNicoll aura peut-être noté qu'au comité
des parlementaires nous avons fait consensus sur le fait qu'un débat
entre les chefs d'un parti politique ne devrait pas être
considéré comme de la publicité, mais plutôt comme
de l'information et donc que la Loi électorale devrait être
modifiée en conséquence.
Là où cela a été moins clair au cours de nos
discussions, c'est sur l'opportunité de permettre la publication, que ce
soit dans les médias écrits ou dans les médias
électroniques, de toute entrevue. J'aimerais connaître le
point
de vue, bien qu'on nous le présente ce matin, du Conseil de
presse sur les possibilités que pourrait engendrer une telle disposition
si on devait permettre la publication d'entrevues sans aucune limite. On sait,
par exemple, que cela ne risque pas d'avoir des conséquences très
graves en ce qui a trait aux quotidiens ou aux chaînes de
télévision qui assurent de par leurs responsabilités et
leur conscience professionnelle une certaine équité, un certain
équilibre entre les divers intervenants. Mais, on ne peut pas toujours
en dire autant des médias d'information plus locaux, par exemple des
hebdos, qui sont la propriété d'un individu qui, lui, peut - et
c'est son droit le plus strict - être partisan d'un parti politique ou
d'un candidat quelconque et qui pourrait, en exagérant peut-être,
favoriser l'élection d'un candidat ou d'un parti politique en limitant
la publication à des entrevues d'un candidat ou des candidats d'un
certain parti politique. J'aimerais connaître la réaction du
Conseil de presse face à cette possibilité, au danger que
pourrait représenter l'équilibre des chances et
l'équité entre les candidats et les partis.
Mme McNicoll: Ce qui nous semble être sous-jacent dans ce
genre d'arguments, M. le ministre, c'est qu'on semble assimiler, on semble
beaucoup craindre qu'une visibilité - excusez l'anglicisme, là,
mais c'est un terme qui est tellement utilisé que je me permets de
l'utiliser moi-même - donc qu'une plus grande visibilité, qu'une
plus grande attention soit portée à des personnages politiques ou
à des groupes et craindre, finalement, qu'on en parle en bien ou qu'on
en parle en mal, mais de toute façon, qu'on en parle, c'est
déjà accorder une importance à ces personnes ou à
ces groupes dans le processus démocratique. Ce qui est craint, donc,
c'est que le principe d'égalité des chances - c'est bien cela, M.
le ministre, si je comprends - soit rompu.
C'est un élément important de notre processus
démocratique, l'égalité des chances. Maintenant,
jusqu'où doit-on le réglementer, jusqu'où doit-on aller
pour l'assurer. Je pense qu'il y a déjà pas mal de dispositions
dans la loi qui tentent de l'assurer assez adéquatement. En ce qui
concerne la question directe - je n'ai pas l'intention de l'évincer -
à savoir si des médias pourraient décider d'être
partisans et de lui accorder une plus grande place, bon! on vit dans un
système où nos journaux, où nos mass media appartiennent
à des entreprises privées. Ils ont, par contre,
intérêt, eux aussi, à s'assurer une image dans le public et
ils exercent une autoréglementation - on ne parlera pas d'autocensure,
c'est un mot que l'on déteste, vous comprenez bien, dans le milieu de
l'information - sur eux-mêmes. Ils ont des politiques de publicité
et d'accès à leurs pages, mais la liberté de la presse,
elle est là, c'est une chose qu'il ne faut pas oublier et c'est encore
ce qui nous garantit la meilleure information.
Maintenant, je ne peux pas vous dire que tous les médias vont
exercer une politique en ce sens, sauf qu'au Conseil de presse, nous avons
élaboré un petit document qui s'appelle: Les droits et
responsabilités de la presse. À l'intérieur, lorsque nous
avons à nous pencher sur des questions qui pourraient regarder
l'information et la publicité ou l'accès à des journaux,
nous considérons que "la discrétion des médias en
matière de publicité n'est pas absolue et le choix des
réclames publicitaires - ou, mettons entre guillemets, publicitaires
puisque je pense que ce que l'on craint, c'est une trop grande publicité
indirecte - doit être fait selon des critères objectifs,
indépendamment des préjugés ou des convictions de
l'éditeur, il est important aussi que ces critères soient
largement connus. Les préoccupations commerciales entourant le choix de
la publicité ne doivent, en aucun cas influencer la politique
rédactionnelle".
Je reprendrais simplement une phrase: "il est important que ces
critères soient largement connus." Je pense que dans un processus
où l'intervention des tiers serait acceptée, où l'on
pourrait publier des entrevues, en fait, si on adopte certaines mesures que le
conseil préconise, le conseil serait cohérent avec lui-même
mais, de son côté, préconiserait des standards
d'éthique et de déontologie dans cette perspective, afin que les
médias adoptent des politiques face à ce genre de choses et les
publient. D'ailleurs, c'est déjà dans nos règles
d'éthique; les médias, en général, ont ce genre de
politique et, je pense que cela assurerait leur crédibilité et
leur participation dans le processus démocratique. Je pense que le
Conseil de presse préconiserait ce genre de mesures. Mais il faut croire
en la liberté de la presse qui est au service du droit du public
à l'information. Nous avons confiance en la capacité des
médias de s'autoré-glementer et de ne pas devenir les artisans ou
les victimes de manipulations ou de trop grandes concentrations.
M. Gratton: J'aurais le goût de retenir du début de
votre réponse le fait qu'effectivement il y a des candidats qui n'ont
pas avantage à se montrer.
Peut-être pouvez-vous nous éclairer? Au Conseil de presse,
vous êtes souvent saisis de plaintes de diverses personnes et, notamment,
de gens qui oeuvrent dans le domaine politique. J'ai un cas à l'esprit,
mais je me pose la question: Est-ce que vous avez des données qui nous
permettraient de constater l'ampleur des plaintes d'ordre politique
émanant d'organisations politiques, de politiciens ou de candidats qui
se seraient plaints du traitement reçu ou d'un traitement
inéquitable de la part des médias d'information?
Mme McNicoll: Sauf pendant la période
référendaire que nous avons connue, où il y
avait eu au moins une vingtaine de plaintes dans ce domaine, en
général, on peut dire que la vitesse de croisière n'est
pas de plus de deux ou trois par année. La dernière dont je me
souviens était celle d'un député qui se sentait
délaissé par la presse parce qu'à chaque fois qu'il
convoquait une conférence de presse ou participait à un
événement,...
M. Gratton: C'est l'exemple que j'avais.
Mme McNicoll: Ah bon! il était carrément
ignoré. En général, on ne peut pas dire qu'il y ait...
M. Gratton: Donc, ce n'est pas généralement
répandu.
Mme McNicoll: Oh non! C'est très minime.
M. Gratton: Mais est-ce que de la part des médias...
Mme McNicoll: Excusez-moi. Nous recevons en général
40 à 50 plaintes formelles, sans parler des intentions de plaintes ou
des cas qui ne sont pas recevables. Là-dessus, il y en a deux ou trois
sur une quarantaine.
M. Gratton: D'accord. Oublions le débat des chefs, pour
moi, c'est réglé, pour le moment.
Mme McNicoll: Oui, oui.
M. Gratton: On y reviendra ensemble plus tard. Mais en ce qui
concerne la non-interdiction ou la non-réglementation de la publication
d'entrevues, est-ce que les mesures actuelles posent des problèmes, dans
la mesure où on exige qu'un média d'information donne une chance
égale à tous les candidats dans une élection
donnée? Est-ce que cela crée un problème quelconque sur le
plan de la liberté de l'information et d'expression?
Mme McNicoll: Si, parce que vous ne pouvez pas ou vous n'estimez
pas, en votre âme et conscience de journaliste ou de propriétaire
d'entreprise de presse, que vous devez accorder du crédit ou de
l'importance à tel ou tel personnage qui se trouve momentanément
dans le débat démocratique, je pense que c'est une contrainte,
une entrave.
D'abord, matériellement, vous n'avez pas nécessairement la
possibilité dans vos pages, sur vos ondes ou sur le temps d'antenne
disponible pour ce genre de choses, d'accorder de l'espace ou du temps à
toutes ces personnes en même temps. Peut-être que vous ne jugez
pas, non plus, qu'if y a des questions qui sont très importantes. Vous
pouvez décider que vous privilégiez telle ou telle question. Or,
les personnes qui peuvent en parler le mieux sont telle ou telle personne.
C'est fondamental aussi.
Je ne sais pas. Le principe, c'est comme si on ne peut pas donner
à manger à dix personnes, parce qu'on ne peut pas en nourrir
1000. Si on ne peut pas accorder une entrevue ou une attention spéciale
à une question ou à un personnage, je pense que c'est brimer la
liberté de la presse. Il y a des contraintes matérielles et
physiques extrêmement réelles et sévères. Ce n'est
pas nécessairement ce qui est jugé comme équitable. Est-ce
que c'est nécessairement ce qui est souhaitable, c'est-à-dire de
mettre tout le monde sur le même pied? (12 h 45) il y a suffisamment de
médias. On a une société suffisamment libre pour faire
confiance à la libre circulation des idées. Si on décide
que la question du libre-échange est plus importante que la question du
tapis de l'Assemblée nationale, soit... Peut-être que d'autres
personnes estimeront que le coût du tapis de l'Assemblée nationale
est très important et que cela dénote l'esprit d'un parti. Elles
lui accorderont cette importance-là. Mais je pense qu'il faut laisser
entre les mains du public et, notamment à l'autoréglementation et
à la discipline des médias, le soin de faire ce choix. Je pense
qu'à l'heure actuelle, il y a des contraintes et des entraves qui
peuvent même décourager certains médias à un moment
donné, étant donné, comme je vous le dis toujours, les
contraintes d'espace et de temps pour faire de telles choses, parce que si on
n'invite pas tout le monde, on n'invite personne.
M. Gratton: On me signale qu'il me reste deux minutes, donc, j'en
profiterai simplement pour dire que je comprends très bien dans quel
sens vous faites vos représentations. Ce qui me chicote un peu c'est
que, d'une part, on dise qu'on devrait donner toute la latitude voulue, toute
la liberté voulue de pouvoir s'exprimer en campagne électorale
à ceux qui, finalement, en ont les moyens, soit ceux qui peuvent se
payer une publicité. Et, par contre, si on devait retenir votre
proposition de ne pas réglementer la publication d'entrevues, on dit
presque en même temps qu'une personne qui est candidate ou qui est membre
d'un parti n'aurait pas la chance égale de faire valoir son point de vue
parce qu'elle n'aurait pas les moyens financiers dans une certaine mesure.
C'est d'ailleurs la raison d'être de la disposition de la loi actuelle
qui fait qu'on doive accorder un traitement égal à tous les
candidats dans une élection donnée, et qui est justement
là pour cela, pour permettre l'égalité des chances, quels
que soient les moyens ou les ressources financières disponibles.
Vous parlez des contraintes quant à l'information des
médias. Je présume qu'il n'y a pas de ce genre de contraintes en
ce qui a trait à la publicité payée, puisque je
conçois difficilement qu'un média d'information qui accepte la
publicité payée puisse refuser de publier une publicité
payée par un groupe ou un individu quelconque.
Tout cela m'amène à ne pas avoir de réponse moi non
plus, sauf que je termine en vous disant - et en vous permettant de
réagir si vous le désirez - merci de vous être
prêtée à cette discussion. Et, comme je le disais à
la Commission des droits de la personne, j'ai bien l'impression qu'on va
continuer à se parler.
Mme McNicoll: J'aimerais répondre. Pardon? Le
Président (M. Marcil): Brièvement.
Mme McNicoll: Brièvement. Oui, d'accord. En ce qui
concerne l'égalité des chances, vous semblez assumer que si les
médias peuvent, à leur gré, faire des débats - pour
cela il n'y a pas de problème - accorder des entrevues, faire ce qu'ils
veulent, que cela nuit aux gens qui n'ont pas les moyens. Ce n'est pas du tout
la même question, M. le ministre. Parce que lorsque les médias
décident que c'est gratuit, s'ils décident que c'est une
émission d'affaires publiques, que c'est une tribune
téléphonique ou autre chose, c'est tout le monde qui pourra
s'exprimer et ce n'est pas du tout une question d'argent à ce
moment-là.
Deuxième des choses, considérant la publicité, un
journal est libre de refuser de la publicité payée et cela peut
arriver. Cela peut être surprenant, mais je pense qu'un journal qui a une
politique, par exemple, qui serait connue et qui décide de
lui-même qu'il y a tant de pourcentage qui va être accordé
à chaque parti, il faut leur faire confiance. Ils ne sont pas
bêtes au point de vouloir s'identifier totalement à l'une ou
l'autre faction et risquer de perdre certains de leurs lecteurs ou lectrices.
Parce que c'est cela aussi de vivre dans une société où il
y a la libre concurrence. Le capitalisme n'est pas encore un
péché, et toutes ces règles jouant ensemble, je pense
qu'on peut faire confiance au processus.
M. Gratton: Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci, beaucoup, madame.
Maintenant je vais inviter le député d'Abitibi-Ouest, le
représentant de l'Opposition officielle.
M. Gendron: Bien, rapidement, compte tenu de l'heure. Deux
remarques. Une première, qui ne se veut pas du tout péjorative
pour vous Mme McNicoll. Il est clair par le choix des thèmes
traités et le contenu de votre mémoire, même s'il
n'était pas identifié, qu'il vient du Conseil de presse du
Québec et on le devinerait. C'est bon. C'est dans le bon sens. Alors je
vous dis que probablement les gens de la presse doivent se sentir en confiance
entre vos mains et j'en suis fort aise.
Quant à l'autre remarque du ministre - là c'est un peu
pour s'amuser - à savoir qu'il est exact qu'il y aurait certains
candidats qui auraient avantage à ne pas trop se faire connaître,
j'entérine son point de vue parce que j'ai assisté à des
débarquements massifs de libéraux en 1981 dans mon comté
et ils ont contribué à me faire réélire. C'est
probablement vrai, je les en remercie beaucoup.
M. Gratton: On n'ira plus.
M. Gendron: Plus sérieusement, Mme la présidente du
Conseil de presse, je vous ai entendue au tout début avec beaucoup
d'éloquence, de détermination sur votre premier laïus, en
disant combien c'était important de permettre l'intervention des tiers
en période électorale. Ce qui m'a étonné - à
moins que je n'aie été distrait pour cette
période-là, mais cela me surprendrait, des fois je le suis, mais
pour cette période-là je vous ai écoutée
attentivement - c'est que c'est sans aucune nuance que vous avez
distingué ce que je pense être notre préoccupation à
titre de parlementaires, à savoir l'opinion des partis politiques d'une
part, l'opinion de n'importe quel tiers, organisme, individu, etc., sur un
sujet donné, versus acheter de la publicité pour - permettez-moi
l'expression que je mets entre guillemets - "blaster" ou "planter"
systématiquement un parti politique. C'est ce dont on parle aussi et je
trouve que la vertu que vous avez déployée dans la
première partie en disant qu'il faut laisser complète et
entière liberté, que cela n'a pas de bon sens que seuls les
partis politiques aient le droit d'expression durant une campagne
électorale... On n'a jamais dit ça. On le sait, on ne veut pas
que seuls les partis politiques aient le droit d'expression en campagne
électorale, mais ce ne sont pas les faits.
Tel que vous le proposez, surtout avec l'appellation qui serait
facilement contestable en disant: à la condition que ce soit un groupe
constitué aux seules fins d'influencer le résultat d'une
élection. Voir si tous les groupes vont prétendre avoir
été constitués aux seules fins d'infléchir le
résultat électoral! Mais on n'est pas des dindes! On a un peu de
vécu. Pourquoi pensez-vous qu'ils voudraient avoir gratuitement, lors de
la période électorale, un mode d'expression qu'ils n'utilisent
à peu près pas en dehors des campagnes électorales?
Pourquoi pensez-vous que tous les groupes de toute nature sollicitent beaucoup
plus les médias électroniques en période
électorale? C'est parce qu'ils ont un point de vue à faire passer
dans la perspective d'infléchir la valeur du vote. C'est aussi clair
qu'il fait sombre aujourd'hui.
Dans ce sens-là, on dit que c'est ce qu'on veut baliser. Je ne
suis pas du tout de votre avis quand vous affirmez qu'il ne faut pas
restreindre la liberté d'expression. Non, je ne veux pas la restreindre,
sauf que tous les mécanismes usuels en temps normal vont continuer
d'exister. Si on veut utiliser les mécanismes plus spécifiques de
diffusion de messages ou de points de vue lors
de la campagne, on passera par le canal des dépenses
électorales. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce moi qui
suis dans les patates? Est-ce que je rêve? Si c'était si global
que cela, comment se fait-il que lors de la campagne électorale il
faille faciliter l'expression de tous les groupes parce qu'autrement ce serait
antidémocratique, cela n'aurait pas de bon sens, que cela va
s'autorégulariser parce que les médias ont leurs propres
contraintes? Je pourrais vous donner des exemples. Je ne veux pas être
blessant mais, en particulier pour les entrevues lors de la campagne
électorale, on pourrait vous citer une pile de documents de cette
magnifique autorégulation qui a toujours été dans le
même sens.
Mme Blackburn: D'abord, il ne s'agit pas de faciliter l'exercice
de la liberté d'expression, il s'agit de la restaurer pour les tiers,
puisqu'elle est inexistante actuellement, étant donné qu'on ne
leur permet pas, autrement que dans une assemblée contradictoire, mais
ce qui est réel dans notre société c'est que si vous
voulez exprimer valablement votre opinion vous devez, pour ceci, avoir dans une
certaine mesure le droit également de dépenser pour
l'exprimer.
Il y a peut-être deux ou trois décennies, la liberté
d'expression avait un certain sens et maintenant la couverture
médiatique est devenue une chose essentielle. Donc, nous pensons qu'il
s'agit d'abord de la restaurer.
Deuxièmement, et là-dessus je pense que nous sommes en
contradiction absolument frontale, autant je trouve inacceptable que les tiers
ne puissent intervenir, autant vous semblez trouver inacceptable et absolument
presque sacrilège que des tiers se permettent, si j'ai bien compris
votre expression, de "blaster" un parti politique.
M. Gendron: Non, non, non. Rapidement, M. le Président, je
suis complètement d'accord, mais je veux que leurs dépenses
soient prévues. Non, non, là-dessus on s'accorde. On n'est pas si
opposés que cela. La distinction c'est que je ne veux pas qu'ils
viennent utiliser un canal par lequel je dois passer, qui est la
réglementation des dépenses électorales...
Mme Blackburn: Oui, d'accord.
M. Gendron: ...et que les tiers, eux, non, c'est la libre
opinion.
Mme Blackburn: Mais il y a une différence essentielle. Le
parti politique, lui, veut être élu et veut le pouvoir, veut
devenir le mandataire officiel et veut que les gens lui accordent du
crédit pour quatre ans. Les tiers ne demandent pas cela. La partie n'est
pas du tout la même. Ils veulent simplement que certaines questions du
débat soient mises sur la place publique, alors que parfois elles
peuvent être évacuées sans collision entre les parties,
bien sûr, mais être évacuées simplement parce que
cela ne fait l'affaire de personne.
Donc, ce que je dis, c'est qu'on est d'accord là-dessus aussi
pour dire qu'ils vont influencer le vote, comme les sondages, comme n'importe
quoi, comme votre conversation avec un chauffeur de taxi ou autre. Mais l'enjeu
n'est pas du tout le même pour le tiers que pour le parti politique.
C'est pour cela qu'ils ne doivent pas être traités de la
même façon.
M. Gendron: Une autre question intérimaire, M. le
Président. Croyez-vous que durant une période électorale
la colonne l'Opinion du lecteur dans Le Devoir ou La Presse
disparaît?
Mme McNicoll: Non, mais cela est infiniment peu.
M. Gendron: Je le sais, mais je vais continuer. Croyez-vous que
les Pascau et les André Arthur, cela n'existera pas durant une campagne
électorale?
Mme McNicoll: Bien sûr.
M. Gendron: Bien, juste avant de commencer, vous avez dit que les
tiers n'avaient pas d'opinion, excusez-moi, n'avaient pas la capacité
d'exprimer leur opinion en campagne électorale, que c'était
limité. Mais je prétends que les moyens sont tous là.
Contrairement à ce que vous avez dit, je suis complètement
d'accord pour permettre que tout tiers embarque de plein jeu dans la campagne
électorale, à la condition qu'il soit assujetti aux mêmes
règles que les partis politiques.
Mme McNicoll: Mais son enjeu n'est pas le même. On ne peut
pas le traiter de la même façon.
M. Gendron: Ne croyez-vous pas que s'ils ne parlent pas... Vous
avez dit: Vous, vous vous présentez pour vous faire élire. C'est
là l'objectif des partis politiques. Mais lorsqu'un tiers intervient en
campagne, n'est-ce pas avec le même objectif, mais à l'inverse,
pour ne pas faire élire une tendance plutôt qu'une autre? Quelle
est la différence?
Mme McNicoll: Je vois une énorme différence. Peu
importe qu'il fasse élire ou non, lui n'est pas l'élu, n'est pas
la personne qui veut se faire élire. Il veut simplement participer au
débat, éclairer, apporter des idées, favoriser la libre
circulation des idées et on ne peut pas s'exprimer sans être pour
ou contre quelque chose évidemment. C'est une tautologie. Mais est-ce
qu'on doit le faire passer par le canal des dépenses électorales?
Sûrement pas, parce que ce n'est pas un parti. L'enjeu n'est pas le
même.
M. Gendron: D'accord. Votre position est très claire.
Permettez-moi de différer de la vôtre. Je respecte votre point de
vue.
Mme McNicoll: Bien sûr.
M. Gendron: Rapidement, une autre question relativement à
la page 5 de votre mémoire. Vous dites: "L'adoption de mesures
législatives concernant la façon dont les médias doivent
rapporter les résultats des sondages d'opinions revient à fixer
un contenu informationnel - je partage votre point de vue - et de ce fait,
constitue une atteinte à la liberté de la presse - cela peut
aller ou non - et au droit du public à l'information."
Je vous pose la question suivante. Vous croyez que c'est une atteinte au
droit du public à l'information. Je parle des éléments de
méthodologie suivant lesquels s'est fait le sondage. La question que je
vous pose: Êtes-vous au courant que si on posait la question au public -
êtes-vous d'accord et souhaitez-vous qu'il n'y ait aucun sondage qui soit
publié sans que nous ayons les informations de la méthodologie du
sondage? - êtes-vous au courant que la réponse du public c'est
oui, on est complètement d'accord et on l'exige? Si c'est là la
réponse du public, en quoi cela peut-il constituer une atteinte au droit
du public à l'information?
Mme McNicoll: Bien sûr que tout est dans la façon de
poser la question. Si on pose la question tel que vous le faites - exactement
comme on le fait dans les sondages, n'est-ce pas? - si on pose une telle
question, je pense que les gens diraient: Bien sûr, on veut que les
détails méthodologiques soient donnés. Et il y en aurait
peut-être bien d'autres qui diraient: On se fout des détails,
donnez-nous donc l'essentiel, c'est là votre rôle. Je ne peux
évidemment pas répondre à cette question. On n'a pas fait
un tel sondage.
Ce que je peux vous dire c'est que si on prend les deux principes du
Conseil de presse qui sont de promouvoir la liberté de la presse et le
droit du public à l'information, on considère qu'il n'y a pas de
droit du public à l'information valable, de qualité, s'il n'y a
pas au départ la liberté de la presse. La liberté de la
presse souffre à partir du moment où on lui impose des contenus,
des contraintes. Elle en a déjà beaucoup. Le risque c'est que si
on impose trop de détails méthodologiques, certains médias
délaissent cette information. C'est un risque mais, à l'heure
actuelle, même la plupart des médias donnent des informations
méthodologiques minimales. On peut toujours avoir d'autres
renseignements auprès des médias de sorte que, là encore,
on a peut-être l'air très idéaliste, mais on pense que les
médias s'autorégularisent eux-mêmes dans ce domaine et
qu'il n'est pas nécessaire pour le législateur, pour le moment en
tout cas, de s'en occuper.
(13 heures)
M. Gendron: Vous donnez des avis, vous, madame?
Mme McNicoll: Pardon?
M. Gendron: Vous donnez des avis comme Conseil de presse?
Mme McNicoll: Nous émettons des communiqués et, de
temps à autre, des avis. Nous rendons des décisions, nous sommes
un tribunal d'honneur.
M. Gendron: D'accord. Alors, comme vous donnez des avis, je vais
vous en demander un petit dernier.
Mme McNicoll: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Est-ce qu'à votre avis, le fait que le premier
ministre du Québec bénéficie d'une émission de cinq
ou dix minutes, qu'on appelle communément l'homélie dominicale du
premier ministre Bourassa sur les ondes, et qu'il soit le seul à
bénéficier de cela, est-ce que vous croyez que ce genre
d'information relève de la publicité ou de la politique
promotionnelle ou du domaine de l'information publique?
Mme McNicoll: Cela dépend de la politique du média
en question. À ma connaissance, il y en a plusieurs qui ont du temps
d'antenne gratuit à différents moments et, à partir du
moment où c'est le gouvernement qui parie et non un parti politique, ce
n'est plus la même chose.
M. Gendron: Alors, je vous remercie de votre avis. Je lui ai
demandé un avis.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: On ne le partage pas.
Mme McNicoll: Je voudrais aussi rectifier quelque chose. Vous
m'avez appelée la présidente du Conseil de presse, j'en suis la
secrétaire générale, le président est ailleurs.
M. Gendron: Oui, c'est vrai. Excusez-moi. Une dernière
question pour ma part. Est-ce que cela va, M. le Président?
Le Président (M. Marcil): Cela va.
M. Gendron: Pour ce qui est de l'interdiction des sondages, je
pense que M. le ministre vous a laissé voir la position du comité
et je partage ce point de vue. Je pense que vous avez raison de dire que cela
fait partie de nos moeurs, ainsi de suite, mais je voulais au moins vous dire
que je crois, pour l'avoir vérifié à plusieurs reprises...
Vous avez semblé être très sensible à la
liberté de presse, mais quant au
droit du public à l'information, êtes-vous au courant que,
si on posait la question, si on faisait un sondage parmi les citoyens du
Québec en leur demandant s'ils sont pour ou contre le maintien des
sondages lors des campagnes électorales, selon mes vérifications,
il y aurait un très fort pourcentage de citoyens qui diraient: On
aimerait mieux qu'il n'y en ait pas?
Mme McNicoll: Ah vraiment?
M. Gendron: Vraiment! Je suis sûr de ce que j'avance, parce
que dans les cas où je l'ai vérifié...
Mme McNicoll: Avec une méthodologie bien scientifique, M.
le député? Ha, ha, ha!
M. Gendron: Je n'ai pas publié ma métholo-dogie,
parce que je ne l'ai pas fait sur une base scientifique.
Mme McNicoll: Oui, oui.
M. Gendron: C'est juste pour vous dire que, quelquefois, quand
même, il faut faire attention de véhiculer partout que ce qui vous
préoccupe énormément, c'est le droit du public à
l'information. De temps à autre, je pense que nous avons la
responsabilité de côtoyer et de consulter le public, ce que je
fais régulièrement. Dans mon cas, même si je suis d'avis
qu'il est impossible de réglementer cette question, il faut laisser
l'opinion et la liberté de presse pour communiquer les informations en
campagne électorale. Je pense que la lecture que le public en fait en
général - peut-être pas l'intelligentsia - c'est qu'il
aimerait bien mieux avoir la paix qu'être influencé le jour
même du vote par un sondage marteau qui conditionne effectivement
l'opinion publique. Pourtant, on dit qu'il faut s'en accommoder. Je voulais au
moins vous faire ce commentaire. Merci quand même de votre
mémoire. Je pense qu'effectivement le Conseil de presse du Québec
se doit d'avoir un avis sur des questions comme celles-là, parce que ce
sont des questions très fragiles dans l'opinion publique et je pense que
la presse est très concernée par l'opinion publique.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député d'Abitibi-Ouest. M. le député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, d'abord un commentaire pour
remercier les représentantes du Conseil de presse de leur participation.
Je vous dirai que je considère que vous avez très bien
défendu les mandats qui sont les vôtres. Toutefois, cela ne nous
simplifiera pas la responsabilité qui est la nôtre. Cela dit,
c'est ainsi fait. J'ai une seule question précise à vous poser:
Dans la modification que vous souhaitez apporter à l'article 407.3 de la
Loi électorale, vous nous dites que ne devraient pas être
considérés comme des dépenses électorales les frais
encourus par une personne, un groupe ou un organisme. La suite, vous la
connaissez aussi bien sinon mieux que moi. D'accord?
Mme McNicoll: Oui.
M. Rochefort: Dans la mesure où vous nous dites qu'un
groupe ou un organisme pourrait encourir des frais dans le cadre d'une campagne
électorale, croyez-vous qu'il est cohérent de maintenir les
dispositions actuelles relatives au financement des partis politiques qui
interdisent à un groupe ou à un organisme de participer au
financement d'un parti politique dans la mesure où vous dites: On leur
donnera le pouvoir de s'exprimer sans aucune contrainte de quelque nature que
ce soit quant au contenu, à la fréquence, à la
quantité et aux sommes encourues?
Mme McNicoll: Là-dessus, comme je vous l'ai dit, le
Conseil de presse s'est contenté d'une position de principe.
M. Rochefort: Mais là, je vous adresse la question un peu
à vous.
Mme McNicoll: Oui, oui, je vous répondrai la même
chose que j'ai répondue tout à l'heure à M. le
député...
Une voix: ...d'Abitibi-Ouest.
Mme McNicoll: ...du Parti québécois, c'est que les
enjeux ne sont pas les mêmes. Je pense qu'on a tort de considérer
les... Oui!
M. Rochefort: Non, mais excusez, vous ne répondez pas
à ma question.
Mme McNicoll: De considérer les tiers comme... Oui, oui,
je réponds à votre question, attendez une minute! C'est que le
parti politique et la compagnie, le groupe ou les personnes qui donnent dans
une caisse électorale, ce qu'ils veulent, c'est de faire élire ce
parti. Et c'est cela qu'on a voulu limiter, la caisse occulte. Les tiers et les
groupes qui interviennent, qui ne sont pas des partis politiques et qui ne sont
ni pour ni contre un parti, mais pour des questions d'intérêt
public ou pour un accès aux décisions gouvernementales, leur but
n'est pas le même. Je ne vous dis pas que cela ne pourra pas arriver,
c'est certain. Mais le mal que l'on craint n'est-il pas moins grand que celui
que l'on crée présentement en empêchant l'intervention des
tiers? Je sais bien qu'il y a toujours deux côtés à une
médaille. C'est cela ma réponse à votre question, M. le
député...
M. Rochefort: Ah!
Mme McNicoll: ...c'est qu'effectivement, c'est une chose que l'on
peut craindre. Mais on pense qu'actuellement le statu quo est pire que le mal
que l'on peut craindre. À un moment donné, on pourra penser
à des modalités d'exercice de ce droit. Ce que dit le Conseil de
presse pour aujourd'hui, c'est: Restaurons ce droit, que la liberté
d'expression comprenne aussi le droit de dépenser. Pour les
modalités, on pourra voir plus tard. Mais pour le moment,
concentrons-nous sur le principe. Si on s'écarte dès maintenant
dans les modalités, je comprends que c'est la tâche du
législateur et que nous sommes ici pour l'aider, mais je pense que c'est
d'abord le principe qu'il faut restaurer.
M. Rochefort: Je veux seulement vous faire un commentaire avant
de mettre fin à notre conversation. Je pense que vous idéalisez
les gens qui ne font pas de politique par rapport aux gens qui en font, et
l'inverse. Je vous dirai que le groupe qui aurait la volonté de
souscrire à la caisse électorale de Pierre, Jean ou Jacques,
c'est parce qu'il veut influencer le processus politique dans le sens de ses
intérêts. Ce qui serait légitime, si nos lois le
permettaient.
Le groupe qui veut acheter de la publicité dans un média
d'information, dans le cadre d'une campagne électorale, veut faire
exactement la même chose, il veut influencer les citoyens pour favoriser
l'élection ou la non-élection de quelqu'un d'autre. Donc, vous
semblez faire une distinction, mais d'un extrême à l'autre, et
absolue entre les deux. Je vous dis que c'est exactement de même nature.
Quelqu'un veut influencer par la participation à la caisse
électorale d'une formation politique ou quelqu'un veut influencer par
l'intervention directe, par de la publicité dans les médias
d'information. C'est de même nature. Et c'est dans ce sens que je vous
dis: De deux choses, l'une: ou vous nous dites: On ouvre aux groupes et on
ouvrira aussi aux groupes dans les partis politiques. Sinon, il n'y a pas de
raison pour qu'à des gens qui n'ont aucun droit comme électeurs -
n'oublions pas ce dont on parle, on parle d'élections - à des
gens qui n'ont aucun droit comme électeurs, l'on reconnaisse un droit
particulier en dehors de toutes balises; je pense qu'il faut alors aller
au-delà des principes. Pour autant qu'on veuille remettre en question
certains principes, ce qui est légitime, il faudrait regarder quelles
sont les modalités qui permettraient de le faire avant d'y aller. Vous
savez, on ne peut pas prendre de risques et légiférer sur des
choses sans se poser la question: Comment cela s'opérationnalisera-t-il
une fois qu'on sera rendu devant? Si vous aviez une loi qui faisait que vous
énoncez un certain nombre de principes, ou bien vous demanderiez aux
législateurs de vous dire comment en assumer un certain nombre ou bien
vous vous doteriez d'une réglementation, avant même d'appliquer le
premier des principes qui est celui dont vous avez le mandat. C'est la
même chose ici. S'il n'y a pas de modalités satisfaisantes, il n'y
a pas de principes nouveaux créés. Je pense qu'il faut comprendre
la situation dans laquelle nous sommes...
Mme McNicoll: Mais...
M. Rochefort: ...et dans laquelle vous nous mettez - et je vous
le dis gentiment - et cela s'applique à la Commmission des droits et
libertés de la personne et à presque tout le monde qui va vous
suivre. Par une défense aussi absolue de vos principes, plus vous vous
limitez - et c'est correct d'une certaine façon dans vos mandats -
à défendre vos mandats, vos responsabilités, vos
préoccupations, sans tenter de voir au niveau des modalités
comment on pourrait concilier les vôtres et celles, non pas que les
partis politiques mais que le Québec s'est données, par
l'intermédiaire de l'Assemblée nationale, j'avoue qu'on ne
progresse pas tellement, en tout cas ce n'est pas le sentiment que j'ai.
Mme McNicoll: Je vous ferai remarquer que je ne contredis pas ce
que vous dites, sauf que je pense qu'il y a des gens et des groupes qui peuvent
vouloir intervenir et qui, même autrement, ne contribueraient pas
à des caisses électorales. Je pense qu'il faut laisser un
créneau important aussi à ces gens-là. D'un autre
côté, je vous ferai remarquer que ce dont le Conseil de presse
parle, c'est pour faire connaître son opinion sur une question
d'intérêt public ou sur des actions ou décisions
gouvernementales. Je pense que, là aussi, il y a certaines balises
d'éthique qui vont prendre forme.
M. Rochefort: Écoutez! On n'a pas le même point de
vue et je respecte votre point de vue.
Mme McNicoll: Oui, on est bien d'accord avec vous.
Le Président (M. Marcil): Me McNicoll et Me Vaillancourt,
au nom de cette commission nous vous remercions de vous être
prêtées à cet exercice.
Mme McNicoll: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Nous allons suspendre nos
travaux jusqu'à 15 heures précises.
(Suspension de la séance à 13 h 11)
(Reprise à 15 h 11)
Le Président (M. Marcil): Bien, nous allons reprendre nos
travaux. Maintenant, j'inviterais le Nouveau parti démocratique du
Québec, représenté par M. Roland Morin, qui en est le
chef, à s'approcher.
M. Morin, juste pour vous rappeler ainsi qu'à tous les
intervenants de cet après-midi également que les interventions
sont de 60 minutes. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire, suivies d'un temps partagé des deux côtés
de cette Chambre pour l'intervention des députés
ministériels, des députés de l'Opposition, de même
que des députés indépendants. Donc, M. Morin, nous vous
souhaitons la bienvenue et je vous demanderais de débuter
immédiatement.
Nouveau parti démocratique du
Québec
M. Morin (Roland): Merci beaucoup. Je suis accompagné par
M. René Denis, qui est le représentant officiel du
NPD-Québec. Je vais vous lire tout simplement le mémoire et
ensuite je serais heureux de répondre à vos questions, si vous en
avez.
La Loi électorale du Québec remplit assez admirablement
les objectifs de transparence du financement des partis, d'encadrement de
ceux-ci dans un régime d'accréditation sérieux mais pas
trop contraignant, d'indépendance de l'appareil chargé
d'appliquer la loi vis-à-vis du pouvoir. C'était là
l'intention du législateur à l'origine, et cette intention s'est
traduite par un texte adéquat.
Il ne s'agit pas cependant d'une loi parfaite, qui a peut-être les
défauts de ses qualités. L'indépendance du Directeur
général des élections donne à ses décisions
en l'absence d'un mécanisme de contestation d'accès facile, le
caractère d'ukases un peu autocratiques ne laissant aucune place
à la dissidence ou au redressement. Ainsi, des intervenants qui, entre
les campagnes électorales, ont plein accès à la
scène publique et peuvent louanger ou dénoncer à loisir
les gouvernements, l'Opposition et tous les autres partis, se trouvent
bâillonnés en temps de campagne. Il y a même lieu de se
demander si un éditorialiste sérieux prenant parti pour tel ou
tel candidat ou formation politique en période électorale ne
risquerait pas lui aussi les foudres du DGE, sous prétexte qu'il s'agit
d'une intervention visant à promouvoir l'élection d'un tel et
à s'opposer à l'élection d'un autre.
Le financement populaire, principe bien intentionné s'il en est,
a eu surtout pour résultat d'empêcher les mouvements populaires
(syndicats, comités de citoyens, regroupements d'aînés,
associations féminines, etc.) de participer de façon active
à la vie politique du Québec en contribuant collectivement
à l'animation des formations politiques capables de représenter
vraiment leurs aspirations. On répliquera peut-être que du
même coup, la loi interdit les contributions des grandes
sociétés et de leurs représentants. Qu'il nous soit permis
de signaler que ce qui se passe dans les salles de conseil des grandes
corporations risque moins d'être connu, encore moins de frapper
l'attention publique. S'il est vrai que le Québec est une
société pluraliste, s'il est vrai que notre charte des droits
protège les libertés individuelles et surtout la liberté
d'expression, il y a lieu de se demander sérieusement si, en temps de
campagne de financement des partis politiques ou en temps de campagne
électorale, il existe une véritable égalité des
forces entre le Conseil du patronat du Québec et le mouvement syndical,
par exemple. Il est entendu que les puissances d'argent vont toujours trouver,
grâce à l'ampleur de leurs ressources, le moyen de pistonner les
hommes et les partis politiques qui font leur affaire et d'essayer de faire
sombrer ceux qu'ils considèrent comme l'ennemi. Mieux vaudrait
peut-être desserrer un peu les règles, quitte, ce que nous ne
préconisons nullement par ailleurs, à permettre dans certaines
limites des contributions et des interventions du monde des affaires pour
accorder une franchise, sans laquelle notre pseudo-pluralisme politique est
illusoire, aux intervenants du mil/eu qui représentent la masse de la
population du Québec. Autrement dit, mieux vaut accorder voix au CPQ et
à l'Association canadienne des manufacturiers si c'est la condition de
l'octroi d'un droit de cité politique à tous les mouvements
populaires à qui on devrait permettre de participer activement à
la vie, à l'évolution politique du Québec. (15 h 15)
Le NPD du Québec n'a pas entrepris de faire un examen critique de
tous les articles de la Loi électorale du Québec, nous n'en avons
pas les moyens, nous n'en voyons pas la nécessité, car nous
reconnaissons encore une fois que, dans l'ensemble, la loi qui nous semble
parfois byzantine et tracassière à certains jours demeure quand
même, objectivement, un document dont nous sommes capables de nous
accommoder et qui ne brime pas plus qu'il ne faut notre développement.
Il est certain que les modifications que nous proposons ne sont pas toutes
exclusivement altruistes mais nous pensons qu'elles conféreraient une
souplesse qui manque présentement du moins sur le plan de l'application
de la loi et permettraient à ce qu'on est convenu d'appeler les tiers
partis d'avoir de meilleures chances de succès et
d'épanouissement.
Certaines de nos recommandations pourront répéter celles
d'autres intervenants. Nous ne nous en excusons pas. Dans ce débat, ce
qui compte c'est de doter le Québec d'un mode électoral qui lui
permettra de vraiment devenir une société pluraliste,
démocratique, tolérante et permissive où le bipartisme ne
serait de rigueur que s'il reflète vraiment la volonté nettement
exprimée de l'électorat.
Dans nos recommandations nous suivons l'ordre du Document de
réflexion et de consultation qui nous a été transmis par
le ministre.
La première recommandation: Financement par l'État des
partis politiques. Nous avons à cet égard quatre recommandations
qu'on pourrait intituler "égalité des chances" ou "chances au
coureur".
1- Que le financement soit accessible à tous les partis ayant
participé à l'élection générale
précédente dans plus de 50 % des circonscriptions. 2- Qu'un
financement minimum de 75 000 $ par année soit versé à
tous les partis qui répondent à l'exigence ci-dessus. 3- Qu'un
montant annuel maximum de 750 000 $ soit réparti en parts égales
aux partis représentés à l'Assemblée nationale -
l'allocation minimum de 75 000 $ étant comprise dans ce montant - mais
aucun parti n'aurait droit à un financement supérieur à
250 000 $. 4- Que le statu quo demeure en vigueur pour les
députés indépendants.
Un deuxième jeu de recommandations: Maximum autorisé des
contributions. 1- Que le maximum soit porté à 3000 $ par
année par parti autorisé. 2- Que soit permise une contribution
annuelle maximum de 1000 $ par parti autorisé de la part d'organismes
sans but lucratif (syndicats, regroupements de citoyens, clubs sociaux,
fondations, etc. ). 3- Que des crédits d'impôt plus
généreux soient accordés sur le total des contributions de
chaque contribuable, par exemple 75 % des premiers 200 $, 50 % des 1000 $
additionnels, 25 % des 1000 $ additionnels (sous réserve d'un total
maximum de 1000 $). 4- Que soit accordée à un électeur la
possibilité de léguer par testament une somme égale
à celle prévue à la première recommandation.
Un troisième jeu de recommandations: Intervention des tiers en
période électorale. Nous référons ici les membres
de la commission à certains passages du document de réflexion
particulièrement aux pages 115 (1er, 2e et 6e paragraphes), 116 (avis de
la Commission des droits de la personne, 2e et 3e paragraphes, entre
guillemets), ainsi que le deuxième paragraphe de l'avant-propos du
présent mémoire. 1- Modifier la définition de
dépenses électorales pour exclure les frais engagés par
des personnes ou groupes sans caractère politique partisan pour faire
connaître leur opinion ou obtenir un appui. 2- Modifier la
définition de dépenses électorales pour ne retenir
à ce titre que les dépenses engagées par un candidat, un
parti ou un groupe constitué aux seules fins d'influencer une
élection.
Un quatrième jeu de recommandations: Diffusion d'écrits en
période électorale. 1- Que soit exclue spécifiquement de
la définition de dépense électorale la diffusion de
certains écrits, en fonction du moment où leur édition a
été achevée et où leur diffusion a
débuté. 2- Que soient exclus de la définition des
dépenses électorales les écrits dont le contenu n'ont
aucune saveur partisane et dont la diffusion se fait selon les règles
courantes du marché.
Mode de scrutin: Le Nouveau parti démocratique du Québec,
dès son congrès de fondation, s'est officiellement
prononcé en faveur d'un mode de scrutin proportionnel pour le
Québec. Il est regrettable que l'idée de la proportionnelle,
objet de réflexions, de débats et d'études depuis tant
d'années, n'ait pas fait plus de chemin. Le chef du gouvernement
précédent n'avait pas caché son approbation d'une telle
réforme, mais des principes il n'est jamais passé à
l'action.
La coalition pour la proportionnelle avait fait des démarches,
rassemblé des Québécois éminents tous en faveur du
principe du scrutin proportionnel mais ses efforts n'ont mené à
rien en dépit de la sympathie exprimée par M. Lévesque au
moment où il se préparait à quitter la vie politique.
Il est entendu, et nous le reconnaissons, que l'adoption d'un mode de
scrutin proportionnel demande du courage de la part du gouvernement en place.
Il faut pour cela placer les intérêts de la démocratie
au-dessus des intérêts partisans et de la détermination de
s'accrocher au pouvoir. Dans plusieurs pays européens, la
proportionnelle existe depuis un certain temps et la démocratie ne s'en
porte que mieux. On pourrait prévoir, dans un avenir prochain, une
présence minime des tiers partis et encore là à la
condition que les seuils d'accès à l'application des
modalités d'attribution proportionnelle des sièges soit assez bas
pour rendre cette présence possible. Il ne s'agirait pas d'une
révolution, mais de permettre un débat politique élargi
au-delà du bipartisme actuel.
La démocratie serait bien servie si la commission recommandait
que l'Assemblée nationale adopte le principe du scrutin proportionnel.
Les détails de l'application pratique du principe pourraient
certainement être arrêtés à la satisfaction de la
majorité des intervenants politiques au Québec, en peu de
temps.
Nous espérons que les idées exprimées aujourd'hui
auront contribué à l'avancement du débat et nous
remercions la commission parlementaire de nous avoir invités.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Morin.
Maintenant, je vais reconnaître M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Merci, M. Morin, pour
votre présentation. J'ai certaines observations et certaines questions
à formuler à votre égard. Dans l'ensemble, vous dites
surtout que vous êtes satisfaits de la loi telle qu'elle existe. Il y a
certaines améliorations, certains changements que vous suggérez
dans votre mémoire. Mais, entre autres, dans la première page des
avant-propos de votre mémoire, vous indiquez que l'indépendance
du Directeur général des élections donne à ses
décisions une absence de mécanisme de contestation. Justement,
j'aimerais vous entendre sur ce point pour savoir quelle formule de
mécanisme ou quelle sorte
d'appel vous préconisez. Est-ce que c'est un appel devant les
tribunaux, un appel devant l'Assemblée nationale, un appel devant le
Protecteur du citoyen? Qu'est-ce que vous voudriez mettre en place exactement
pour que, lorsque le Directeur général des élections rend
une décision quelconque, vous puissiez aller en appel de ces
décisions?
M. Morin: Actuellement la situation, si je comprends bien, c'est
que quand on veut en appeler de la décision du Directeur
général des élections, il faut faire appel aux tribunaux.
Les tribunaux ne fonctionnent pas avec une rapidité extrême dans
ce pays et il peut bien arriver que vous ayez gain de cause, mais après
que l'élection est terminée. Je pense qu'on devrait avoir un
mécanisme beaucoup plus rapide qui ressemblerait peut-être
à ce qu'on connaît dans le monde ouvrier, une espèce
d'arbitrage accéléré ou une commission nommée
d'avance de personnes indépendantes, peut-être un panel de juges,
de deux ou trois juges, qui pourrait, sur appel d'une décision du
Directeur général des élections, trancher
immédiatement. Actuellement, vous avez la situation où,
récemment, le Directeur général des élections
fédérales, à la suite d'un jugement en Alberta, a
modifié une directive qu'il avait déjà donnée, mais
l'élection qui a eu lieu en Alberta et qui a motivé cette
contestation de la décision du Directeur général des
élections est passée depuis bien longtemps. Cela l'amène
à changer son ordonnance maintenant, mais s'il y a eu mal, le mal est
déjà fait.
M. Kehoe: Dans les autres juridictions, soit
fédérales ou provinciales à travers le Canada, est-ce
qu'il y a un mécanisme en place? Êtes-vous au courant s'il y a un
mécanisme quelconque en place qui fonctionne actuellement?
M. Morin: Je ne pense pas, mais ce ne serait pas une raison de ne
pas en avoir un au Québec.
M. Kehoe: Je suis d'accord avec vous mais, actuellement, pour
savoir comment en implanter un qui soit à la hauteur de la situation et
qui rende un verdict immédiatement, comme vous parlez de
l'élection qui est passée et tout, il faudrait que la
décision soit rendue dans les jours qui suivent une plainte
formulée ou une décision prise par le Directeur
général des élections. Il est bien difficile de
préconiser quelle sorte de mécanisme on peut mettre en place.
M. Morin: Bien, je pense qu'il s'agirait, comme je vous l'ai dit
tantôt, de créer un tribunal ou une commission de révision
- appelez cela comme vous le voudrez - formé d'un petit nombre de
personnes, trois ou quatre personnes au maximum, qui pourraient se pencher
rapidement sur un problème et trancher, mettons, dans les 48 heures. Je
pense que ce serait possible. Si c'est impossible, bien là, seulement
l'usage nous dira si c'est impossible ou non. Mais à l'heure actuelle
quand le Directeur général des élections rend une
décision, et je ne mets pas du tout en doute, aucunement, la justesse de
sa décision, mais si elle ne fait pas mon affaire, par exemple, ou si
elle ne fait pas votre affaire, vous n'avez aucun recours. Vous n'avez aucun
recours pratique et rapide.
M. Kehoe: D'accord. Sur les cinq recommandations, les
différentes recommandations faites par votre parti, une des plus
importantes est sans doute le financement par l'État des partis
politiques. Évidemment, dans les recommandations que vous faites, il y a
un changement radical avec la situation qui existe actuellement. La
première question que je vous pose: Un financement direct et
inconditionnel de l'État ne risquerait-il pas d'enlever toute initiative
à des partis politiques pour aller chercher un appui populaire
étendu? Comment voyez-vous la situation, à ce moment-là,
si l'État paie tous les frais ou 50 % des frais des
élections?
M. Morin: Je pense que lorsqu'il s'agit d'un parti qui n'est pas
représenté à l'Assemblée nationale, comme c'est
notre cas, ce n'est pas 75 000 $ qui nous permettent de bâtir du jour au
lendemain une machine conquérante. C'est un minimum vital. C'est tout ce
que cela donne. C'est entendu que ce n'est pas à l'exclusion de
campagnes de financement et de levées de fonds parmi les sympathisants
ou les militants du parti. Mais cela peut justement servir de base à un
parti dont le "membership" est relativement restreint, mais qui a un message
politique important à transmettre, d'avoir des moyens minimes,
très minimes de le transmettre.
M. Kehoe: Et la formule que vous proposez ne prend pas du tout en
considération le pourcentage de votes obtenus lors d'une dernière
élection. Autrement dit, cela favorise la naissance de nouveaux partis
politiques dans la province.
M. Morin: Je pense qu'on n'a pas besoin de stimulants pour
favoriser la naissance de nouveaux partis politiques au Québec. Je ne
sais pas, le Directeur général des élections est ici
actuellement, il peut nous dire... Je ne sais pas quel est le dernier
décompte, mais aux dernières nouvelles il y avait quelque chose
comme 16 ou 17 partis politiques au Québec. Alors, même sans
financement, il semble y avoir au Québec un appétit de former des
partis politiques actuellement.
M. Kehoe: Mais la question du pourcentage des votes reçus
lors de la dernière élection n'entre pas en considération
dans la formule que vous préconisez ici?
M. Morin: Non. Mais si jamais il y avait un pourcentage
quelconque adopte dans la loi, on s'en accommoderait; pour notre part on
essaiera de l'atteindre. Mais je pense qu'un parti, à quelques
exceptions près, qui vient à bout de présenter, dans les
122 circonscriptions du Québec - qui vont passer à 125, je pense,
avec la nouvelle révision - 75 députés ou 75 candidats,
est un parti qui a tout de même un certain nombre de racines, même
s'il n'en a pas autant que les deux partis qui sont actuellement
représentés à l'Assemblée nationale. Et si ce
parti-là a un message à transmettre, les 75 000 $ par
année peuvent peut-être l'aider à franchir une étape
subséquente de son développement. Le parti qui est totalement
farfelu, même s'il présente des candidats dans tous les
comtés, va disparaître. S'il n'a pas de message, il va
disparaître.
M. Kehoe: D'accord. Quant à la deuxième de vos
recommandations concernant le minimum autorisé de contributions, je me
pose une question. Est-ce que l'ouverture de contributions à certaines
personnes morales, même si c'est limité aux organismes sans but
lucratif, ne nous éloigne pas de l'objectif initial que le financement
se fait seulement par des électeurs? N'est-ce pas un pas en
arrière plutôt qu'un pas en avant de donner la permission à
des organismes à but non lucratif de contribuer au financement lors de
campagnes électorales?
M. Morin: Je ne pense pas. Je pense qu'il y a beaucoup
d'organismes sans but lucratif qui représentent des couches de l'opinion
publique, qui représentent des tranches de population, qui
représentent des intérêts dans la population du
Québec et que ces regroupements-la se trouvent actuellement incapables
de participer directement ou indirectement à l'activité politique
au Québec, surtout en temps de campagne électorale. Mais ce n'est
pas l'objet... La contribution que je vois ici est tout de même minime.
C'est le tiers du maximum autorisé pour un particulier. Je ne pense pas
qu'une contribution de 1000 $ de l'association de chasse et pêche de je
ne sais pas trop quel village pourra vraiment influencer le résultat du
vote ou acheter la conscience du candidat. Et je pense que l'objet de la loi
c'était d'assurer que les candidats soient financés par le
peuple, par la population votante du Québec. Je pense que ces
groupements devraient pouvoir, de façon organique, influencer le
débat politique au Québec par le truchement d'une contribution
à un parti politique. Rien ne les oblige. Le fait que cela soit permis
n'est pas une obligation. (15 h 30)
M. Kehoe: Une autre de vos recommandations concernant les
contributions testamentaires est très intéressante et c'est
quelque chose de nouveau dans la loi. C'est la première fois que cela
existe dans la province de Québec. Par quelle formule, quel
mécanisme, quelle manière prétendez-vous mettre en place
une telle forme de contribution? Est-ce que ce sera sujet aux mêmes
dispositions et aux mêmes règles qui existent actuellement?
Comment mettrez-vous une telle formule en vigueur?
M. Morin: C'est une fois, évidemment on ne meurt qu'une
fois. Au moment du décès, par testament, le montant prévu
pour un particulier, c'est-à-dire un maximum de 3000 $ par parti
politique.
M. Kehoe: Est-ce que cela peut être 3000 $ par année
pour une période de quatre ou cinq ans ou est-ce un montant minimal de
3000 $ par année pour une fois?
M. Morin: Une fois.
M. Kehoe: Seulement une fois.
M. Morin: Oui. Remarquez que dans d'autres juridictions il n'y a
pas cette restriction-là. Elle n'existe pas dans d'autres juridictions
où il est possible de léguer de l'argent à des partis
politiques.
M. Kehoe: Dans le régime fédéral il peut
contribuer par...
M. Morin: Non. En Alberta entre autres. M. Kehoe: Et au
fédéral?
M. Morin: Au fédéral je ne le sais pas. Je me
désintéresse de la politique fédérale.
M. Kehoe: Non, mais... D'accord.
En ce qui concerne les interventions des tiers durant les
périodes électorales, comment éviter que les campagnes
électorales ne soient prises en charge, à toutes fins utiles, par
des grands "lobbies" laissant ainsi l'électeur sans protection et
mettant en péril les objectifs d'une égalité des chances
et l'indépendance des partis politiques? Si tout le monde peut
intervenir dans une campagne électorale, quelle protection a
l'électeur dans le processus?
M. Morin: Écoutez, encore là on revient aux
groupements sans but lucratif, aux représentants des différentes
classes sociales au Québec. Entre les campagnes électorales ils
sont libres de faire toutes les interventions qu'ils veulent, absolument
toutes. J'ai confiance qu'en période électorale même si ces
personnes, qu'on considérait comme des tiers non autorisés
à faire de la politique, se mêlaient de pistonner un candidat ou
d'essayer d'en détruire un autre ou un parti, je pense que les
électeurs québécois ont atteint le niveau de
maturité qui leur permettrait de faire le tri dans tout cela et d'en
arriver à une décision juste. De toute façon, je ne pense
pas que si on permet à tous ces intervenants de
s'exprimer il y aura un effet de contrepoids qui s'exercera. En
définitive, ce qui arrivera probablement, c'est qu'il y aura plus
d'idées mises sur la table pendant une campagne électorale et je
ne pense pas que ce soit mauvais.
M. Kehoe: Merci, M. Morin.
Le Président (M. Marcil): M. le député
d'Abitibi-Ouest et représentant de l'Opposition.
M. Gendron: Je voudrais remercier M. Morin au nom de ma formation
politique d'avoir accepté de venir livrer quelques réflexions
concernant les modifications proposées, en particulier sur l'aspect
quand même tout à fait concret et pragmatique des recommandations.
On peut être pour ou contre, c'est un autre niveau mais au moins vous
avez le mérite d'avoir apporté quelque chose de très
concret sur les sujets qui vous intéressent bien sûr. Au nom de ma
formation politique je vous en remercie.
Je pense que vous avez bien campé au départ que la Loi
électorale n'est pas parfaite, bien sûr, parce que c'est une loi
humaine mais, tout compte fait, c'est quand même un encadrement qui
répond passablement aux objectifs d'une société qui se
veut la plus démocratique possible. Que vous ayez intitulé votre
mémoire Vers une plus grande démocratie politique
témoigne déjà que vous constatez que la loi en soi
répond à plusieurs de ces objectifs-là, mais c'est notre
responsabilité à nous tous et à vous, comme citoyens,
d'apporter les améliorations requises.
J'ai un premier commentaire et ensuite une question. Vous avez, comme
d'autres, indiqué que pour ce qui est de l'intervention des tiers en
période électorale... Et je pense que cette question va revenir
dans presque tous les mémoires parce qu'elle préoccupe presque
tous les intervenants. On dirait qu'il y a une espèce d'engouement
naturel lors d'une période électorale à plus d'expression
et, en soi, je trouve cela sain et normal en démocratie. Ce qui
m'étonne un peu, c'est de ne pas vouloir jouer les règles qu'on
impute aux partis politiques parce qu'à ce moment-là, si on veut
avoir une capacité d'expression plus grande - en tout cas, en ce qui me
concerne - il me semble que cela doit être ouvert à tout groupe,
organisme ou société, mais dans les règles qu'on
établit à ceux qui, en règle générale,
représentent la grande partie politique, la grande "game" politique lors
d'une campagne électorale et cela inclut, bien sûr, les tiers
partis, d'autres partis qui ont des modes d'expression aussi utiles.
Ma question est la suivante. Vous avez indiqué dans votre
mémoire que, quant à vous, il s'agirait simplement de modifier la
définition de dépense électorale pour exclure les frais
engagés par des personnes ou groupes sans caractère politique
partisan, ceux-ci, cependant - vous ajoutez - pour faire connaître leur
opinion ou afin qu'ils obtiennent un appui dans un sens ou l'autre. Alors,
c'est là que j'ai des problèmes. Qui aurait la
responsabilité de définir le caractère non partisan pour
que, effectivement, ces intervenants soient exclus du canal prescrit par les
dépenses électorales, surtout avec le jugement que vous avez
porté au préalable sur la dimension autocratique du DGE et
j'aimerais vous entendre là-dessus à partir du moment où
on constate que c'est vrai, et là je ne parle pas seulement d'être
autocratique, je dis que le législateur a choisi, à un moment
donné, dans cette période plus intense, un petit peu plus fragile
quant aux consensus compte tenu des débats, que cela prend un
décideur.
M. Morin: C'est entendu. Vous avez parfaitement raison de dire
que cela prend un décideur. Ce n'est pas du tout ce que je mets en
doute. Cela étant dit, il faut qu'il y ait quelqu'un, une sorte
d'arbitre qui, à un moment donné, décide que c'est
ça.
Évidemment, ce n'est pas une partie de hockey ou une partie de
baseball. Quand l'arbitre prend une décision au baseball ou au hockey,
c'est final. Mais, dans une chose aussi importante que la politique, il faut
reconnaître que, même si la personne qui agit à titre
d'arbitre a toutes les qualités voulues pour être un bon arbitre,
il peut lui arriver de faire erreur. Dans ce cas-là, par exemple, je me
pose des questions en matière de droit de la personne. Est-ce qu'on
préférerait que quelqu'un, à un moment donné, au
cours d'une campagne électorale, s'attaque au Directeur
général en invoquant la Charte des droits et libertés de
la personne et que ça traîne devant les tribunaux, que ça
monte toute l'échelle jusqu'à la Cour suprême du Canada et
que la décision soit changée et que la loi soit modifiée
indirectement par la Cour suprême? Ne serait-il pas mieux d'ouvrir un peu
l'éventail, ici, chez nous au Québec, plutôt que de laisser
une cour quasi étrangère trancher là-dessus?
Je pense qu'il serait peut-être préférable justement
qu'il y ait une certaine souplesse. Qu'on essaie de réduire ça
jusqu'à un certain point, je n'ai pas d'objection; je n'ai pas
d'objection à ce que, à un moment donné, les intervenants
se branchent et, s'ils se branchent politiquement et embarquent
carrément derrière un parti politique, qu'ils soient
considérés comme partie prenante de ce parti politique-là,
d'accord. Mais quand des critiques sont formulées de façon
absolument... il y a des groupements qui ne veulent absolument pas s'identifier
à aucune formation politique, mais qui peuvent quand même à
l'occasion vouloir blâmer un politicien ou un autre, s'en prendre
à un gouvernement ou à l'Opposition, s'en prendre même
à des partis qui ne sont par représentés à
l'Assemblée nationale, et là on les empêche de le faire,
alors que, dans tout le reste de l'année ou dans tout l'intervalle entre
les campagnes électorales, ils peuvent le faire impunément en
vertu de la liberté de presse et de la liberté de parole. Si on
brime leur
liberté de parole en temps de campagne électorale, on
risque, je pense, de se retrouver à un moment donné devant les
tribunaux avec ça.
M. Gendron: Oui, mais pourriez-vous être un peu plus
précis? Qu'est-ce que vous entendez par brimer la liberté
d'expression en campagne électorale, lorsqu'on décide tout
simplement qu'il y a une règle et que ces gens-là s'exprimeront
autant qu'ils voudront, mais qu'ils suivront les mêmes règles
qu'on impute, comme je l'ai dit tantôt, à ceux qui jouent - c'est
une expression juste pour se comprendre - la grande campagne électorale,
donc incluant les groupes, les parties. Alors si on dit ça, une
expression d'opinion à ce moment-là doit être
interprétée selon des règles de financement qu'ont les
partis politiques. D'après vous, qu'y a-t-il d'odieux à exiger
cela de tous les groupes puisque tous ceux à qui on en parle nous disent
la même chose. Premièrement, ils ont de la difficulté
à identifier qui devrait porter le jugement quant à la
sélectivité de ceux qui ne sont pas partisans versus ceux qui le
sont. J'ai un blanc de mémoire par rapport à l'expression que
certains ont utilisée, du genre: pour autant qu'on ait l'assurance
qu'ils ne sont pas liés avec un autre groupe. Comment voulez-vous mettre
cela en preuve? Pour autant qu'on sache qu'il n'y a pas de visée
politique, à partir du moment où un groupe veut s'exprimer d'une
façon particulière, M. Morin, dans une campagne
électorale, croyez-vous que d'ores et déjà on peut
conclure qu'il a des visées politiques?
M. Morin: Une raison pour laquelle je pense qu'il faudrait qu'ils
soient exclus des dépenses électorales c'est que, dans certains
cas, cela pourrait peut-être faire basculer certains partis politiques
dans l'illégalité alors qu'en fait ce peuvent être des
appuis non sollicités. Si c'est un appui sollicité, là il
y a collusion, c'est autre chose. Mais si c'est un appui non sollicité,
par exemple, un parti politique, et que le coût de l'appui est
calculé de façon tangible à X milliers de dollars et que
cela force le parti, autrement dit, à dépasser la limite permise
des dépenses électorales alors qu'en fait il n'y a pas eu de
sollicitation, il n'y a pas eu de collusion.
S'il y a eu sollicitation, s'il y a eu collusion, vous avez probablement
raison de dire qu'il faudrait imposer des limites. Mais si c'est une expression
tout à fait spontanée d'un groupement non politique, et je cite
l'exemple dans l'avant-propos de l'éditorialiste, il peut à un
moment donné, et je sais qu'à l'occasion il ne se gêne pas
pour dire: J'appuie tel candidat, tel autre candidat et tel autre candidat.
Comment cela est-il considéré? Est-ce considéré
comme une contribution à une campagne politique?
M. Gendron: J'ai également une autre question concernant
le financement. Je trouve que sur le financement il y a des points de vue que
j'espère que le ministre va regarder. Il y a des affaires, il me semble,
qui devraient être creusées davantage, en particulier lorsqu'on
souhaite qu'il y ait un financement minimal pour tous les partis qui auraient
répondu à un minimum d'exigences de
représentativité. Je pense que c'est un préalable que vous
posez dans le premièrement, avant de parler des 75 000 $, en disant:
Préalablement, si un parti est présent dans plus de 50 % des
circonscriptions, on commence à vouloir avoir une
représentativité nationale indépendamment des
résultats en fin de compte. Je ne suis pas réfractaire et je ne
suis pas insensible au fait que l'État assume une partie d'un
financement de base en sachant très bien que ce n'est sûrement pas
avec un montant de 75 000 $ qu'on va faire votre campagne et que l'État
ferait votre campagne.
Là où je suis le plus surpris cependant, et cela ne veut
pas dire que je ne sais pas pourquoi, mais je pense qu'on est mieux de poser la
question sur le fond avant de la poser sur la raison pour laquelle vous
suggérez, surtout un parti social démocrate, d'ouvrir la Loi sur
le financement des partis politiques voulant que des groupes de pression, quels
qu'ils soient... Et ce n'est pas péjoratif quand j'emploie cette
expression, que ce soient des bons groupes de pression, peu importe, il n'en
demeure pas moins qu'il me semble que la société on a fait une
distinction entre des intervenants, quels qu'ils soient encore là, et
des électeurs au sens de personnes physiques. Je trouve que c'est
chambarder complètement l'esprit du financement des partis politiques,
peu importe la somme, 10 $ ou 15 $, je m'en fous. À partir du moment
où on dit à des groupes de pression, des organismes:
Dorénavant, vous aurez le droit de financer directement un parti
politique, il me semble, M. Morin, que c'est plus liant pour quelque
gouvernement que ce soit. Encore il y a quelques minutes, je consultais une
liste d'organismes de mon comté qui reçoivent, d'une part,
directement des crédits de l'État, d'autre part, des
crédits dits dans les enveloppes hors normes ministérielles ou de
députés. Je me suis arrêté là. C'était
juste pour faire une illustration pour dire que ce n'est pas du tout de
même nature. Une souscription d'un électeur serait de 5 000 $,
ça ne me dérange pas du tout. Je ne me sens pas lié comme
législateur après. Il me semble que je serais au gouvernement et
l'électeur qui m'a donné 4000 $ ou 5000 $ - cela, c'est à
titre d'exemple, je sais que le plafond est de 3000 $ - je ne me sens pas
lié... Mais un organisme qui commence à subventionner les partis
politiques et qui m'envoie une lettre pour dire: M. Gendron, seriez-vous
d'accord pour nous aider dans votre hors normes, ça n'a pas la
même signification si je sais qu'il a contribué à ma
formation politique comme organisme et non plus comme individu. Au-delà
de la raison très connue pour laquelle vous demandez cela, même si
vous disiez tantôt que le fédéral ne vous intéresse
pas tellement, on connaît votre problème et je n'en parlerai pas
plus longuement.
(15 h 45)
Au-delà de cela, qu'est-ce qui vous amène à faire
ce virage? Il me semble que ce n'est pas vous autres qui avez écrit
cela. Pourtant, je le lis dans votre mémoire. Alors, là, j'ai un
problème. Je me dis: Où ont-ils pris cela de penser qu'on peut,
dans une loi sur le financement des partis politiques incluse dans la Loi
électorale, dire que dorénavant on acceptera du financement de la
part de groupes, d'organismes directement aux partis politiques? Quelles sont
les raisons qui vous motivent à prétendre qu'il faudrait faire ce
virage-là?
M. Morin: D'abord, je pense qu'il y a une source de financement
possible. Vous remarquerez que le montant maximum recommandé est tout de
même minime. Je ne pense pas que l'organisme dans votre comté qui
va contribuer soit à l'ensemble du parti, soit à vous-même
au cours d'une campagne, d'une somme de 1000 $ va vous attacher avec une grosse
ficelle. Cela m'étonnerait. Je pense que la plupart des
députés ici présents valent plus que 1000 $. Ce n'est tout
de même pas de quoi acheter la conscience de qui que ce soit.
M. Gendron: Juste une seconde, M. Morin. Êtes-vous au
courant qu'il y a des organismes comme ceux dont vous parlez... Là, je
trouve qu'on tombe sur un terrain glissant, c'était plus au niveau des
principes. Êtes-vous au courant seulement sur le plan des faits que des
organismes dont vous dites que la ficelle ne serait pas grosse sont demandeurs
chez nous et qu'ils sont récepteurs pour 300 $, 400 $, 500 $
quelquefois? Il faudrait au moins que vous sachiez cela. Il y a plus de 10 000
organismes au Québec qui reçoivent des subventions
inférieures à 500 $. S'ils contribuent pour 1000 $, je vois le
genre de lettre qu'ils me feraient, je vois le genre de lettre que je
recevrais. En tout cas! Je voulais juste faire cette nuance, mais il
reste...
M. Morin: J'imagine que celui qui reçoit une subvention de
seulement 500 $, vous ne contribuerez pas pour 1000 $. Ha, ha, ha!
M. Gendron: Ce n'est pas du donnant donnant.
M. Morin: Non, c'est simplement une ouverture sur des groupes
qui peuvent à l'occasion... Je ne dis pas qu'il va y en avoir des
tas...
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Je veux saluer les
gens du NPD-Québec. La première question que je voudrais vous
adresser est relative aux propositions que vous faites quant au financement par
l'État des partis politiques.
La première proposition que vous faites, c'est que le financement
soit accessible dans le cas où une formation politique a
présenté des candidats dans au moins la moitié des
circonscriptions à l'élection qui précède. Dans une
réponse que vous avez faite, je pense, au député de
Chapleau, vous avez dit qu'évidemment, si jamais il y avait aussi un
plafond, un pourcentage de votes obtenus qui était ajouté
à cet élément, vous vous organiseriez pour tenter de
l'atteindre. Pouvez-vous me dire à vos yeux quel serait le pourcentage
de voix recueillies par une formation politique qui lui permettrait d'avoir
accès à un financement par l'État dans la mesure où
les parlementaires décideraient que cela prend aussi un pourcentage de
votes obtenus?
M. Morin: Je pense qu'il devrait y avoir les deux conditions.
D'abord, il est à peu près impensable qu'un parti qui
présenterait par exemple 20 candidats puisse atteindre quelque chose de
plus de 1 %. Je pense qu'il serait possible et que ce serait acceptable qu'on
considère deux conditions. D'abord un certain nombre de candidats en
pourcentage, 50 %, 60 % ou même 75 %; le chiffre avancé ici est
seulement un indicateur. Il faudrait au moins que ce soit plus de la
moitié. Si on attachait un pourcentage à cela, mais pas
nécessairement un pourcentage dans le genre de celui qui est
attaché au remboursement des dépenses électorales
où le seuil est placé à 20 % - c'est très haut - il
faudrait que ce soit quelque chose d'un peu plus faible que cela - je ne sais
pas, 4 %, 5 % ou 6 %, quelque chose comme cela. Je tiens à dire que sur
la foi du résultat de 1985, on n'aurait pas eu le droit s'il y avait eu
un pourcentage à 5 %, mais on aurait eu le droit parce qu'on a
présenté plus de 50 % des candidats.
M. Rochefort: Alors, vous dites...
M. Morin: il y a un autre parti qui a présenté 110
candidats, mais il est disparu dans la brume après.
M. Rochefort: C'est cela. Donc, vous ne nous dites pas l'un et
l'autre, vous dites l'un ou l'autre.
M. Morin: Cela pourrait être l'un et l'autre, à
condition que ce soit plus pondéré, plus dans le sens du nombre
de candidats que du pourcentage.
M. Rochefort: Je suis heureux de l'allusion que vous avez faite
parce que je voulais justement revenir là-dessus, on sait très
bien de qui l'on parle. Il y a quelqu'un qui a formé un parti politique
sur le coin d'une table ou presque, qui a présenté des candidats,
sauf erreur, dans toutes les circonscriptions électorales.
M. Morin: Cent dix.
M. Rochefort: On sait très bien que ce n'était pas
suffisant pour justifier quoi que ce soit par la suite. C'est en ce
sens-là que, à mes yeux, il faut absolument qu'une règle
comme celle d'un pourcentage de voix obtenues soit respectée pour
justifier une telle contribution de l'État, sinon on risque de se
retrouver dans une situation où on permettrait artificiellement à
des - je ne sais pas comment les qualifier -choses comme celles-là de se
perpétuer simplement par l'apport financier d'une contribution de
l'État sans aucune assise électorale, sans aucun enracinement
dans la population. Je vous remercie, c'est la seule question que j'avais.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député de Gouin. En conclusion, M. le ministre.
M. Gratton: M. le Président, je voudrais évidemment
remercier M. Morin et le parti qu'il représente, dont il est le chef
d'ailleurs, de leur présentation et de leur contribution à nos
travaux. J'ai noté que dans plusieurs cas les recommandations que vous
faites recoupent certains consensus qui ont été
dégagés, par exemple, en comité de parlementaires,
notamment en ce qui a trait au financement par l'État des partis
politiques. Nous avions, je pense, et nous avons un consensus sur le fait que
l'État devrait accorder une aide financière à des partis
politiques autres que ceux qui sont représentés à
l'Assemblée nationale. Pour donner une indication, on avait parlé
d'une possibilité d'accorder une aide financière qui serait d'un
minimum de 50 000 $ - là, le quantum peut être discuté et
on en discutera sûrement - à tout parti qui recueillerait 3 % ou 5
% des suffrages à une élection générale,
plutôt que de le coller au nombre de candidats.
Votre recommandation de limiter les contributions aux partis politiques
à une somme de 3000 $ par parti plutôt que 3000 $ pour l'ensemble
des partis, je pense, fait l'objet d'un consensus également. Elle
devrait, normalement, se retrouver parmi les amendements qu'on va proposer
à la Loi électorale de même que la recommandation quant
à la diffusion de certains écrits en campagne électorale
en fonction de la date de leur publication ou de leur édition ou de leur
diffusion; sur cela aussi, je pense que nous avons un consensus qui pourra se
traduire par un amendement à la Loi électorale.
Un des points où nous sommes, évidemment, en
désaccord, c'est sur la question du scrutin proportionnel. Autant on en
a parlé, au sein du Parti libéral du Québec, cela a fait
l'objet de nombreuses discussions... Lorsque vous dites, à la page 5 de
votre mémoire, que les détails de l'application pratique du
principe du scrutin proportionnel pourraient certainement être
arrêtés à la satisfaction de la majorité des inter-
venants politiques au Québec en peu de temps, je ne suis pas sûr
que ce soit le cas. Il faudrait en prendre à témoin les membres
de l'ancien gouvernement qui avaient cela comme engagement électoral et
qui, pendant deux mandats, n'ont pas réussi à faire le consensus
au sein de leur propre formation politique. Je ne le dis pas pour
dénigrer de quelque façon, mais cela illustre bien la
difficulté qui existe justement à faire le consensus sur les
modalités d'un scrutin proportionnel.
Nous, au Parti libéral - je veux que ce soit très clair -
nous avons fait un consensus pour ne pas retenir la formule du scrutin
proportionnel pour les raisons que le premier ministre a déjà
évoquées et qu'on évoquera sûrement au cours des
travaux de la commission parlementaire. Je souscris à votre droit le
plus strict de venir nous faire ces représentations et c'est bon que
vous le fassiez parce que, justement, cela nous obligera, nous qui ne
partageons pas ce point de vue-là, d'expliquer pourquoi au moment
opportun.
Alors, en terminant, M. Morin, merci infiniment de votre contribution.
Soyez assuré que nous continuerons de tâcher de vous associer
à la démarche que nous avons entreprise depuis un an et qui, je
l'espère, aboutira dans les mois qui suivent.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre.
Merci beaucoup, M. Morin. Au nom de cette commission, je vous remercie de vous
être prêtée à cet exercice.
J'invite maintenant l'Union Nationale, représentée par M.
Michel LeBrun, chef intérimaire, à s'approcher et à
prendre place. M. LeBrun.
M. Boudreau (Laurent): Laurent Boudreau. Le Président
(M. Marcil): Monsieur?
M. Boudreau: Laurent Boudreau, président de
l'exécutif de l'Union Nationale.
Le Président (M. Marcil): Président de
l'exécutif et M. LeBrun?
M. Boudreau: C'est exact.
Le Président (M. Marcil): Donc, vous connaissez les
règles de procédure. Je vous invite immédiatement à
présenter votre mémoire.
Union Nationale
M. LeBrun (Michel): Messieurs et mesdames, c'est avec grand
plaisir qu'on participe aujourd'hui de nouveau à une assemblée
d'une commission parlementaire. Je pense que la question de la Loi
électorale et de la réforme de la Loi électorale, c'est
quelque chose de central dans tout système démocratique. C'est
central parce
que c'est quelque chose qui nous permet d'accéder au pouvoir.
C'est ce qui détermine la lutte vers le pouvoir. Or, l'Union Nationale
aimerait que la Loi électorale soit plus simple, plus équitable
et plus démocratique et, ce disant, on aimerait aussi que tout ce qui
est arbitrairement fixé soit un peu écarté.
Pour être honnête avec vous, je pense que comme cette loi
s'applique à tous les citoyens, elle devrait être suffisamment
simple pour que tous les citoyens comprennent bien comment elle fonctionne.
C'est dans ce sens-là que les recommandations ont été
faites. D'abord, on aimerait que cette loi soit claire, limpide et simple.
Dans un deuxième temps, on aimerait aussi mentionner que, pour le
moment encore, on fait partie d'un régime fédéral.
J'écoutais par exemple le Conseil de presse parler ce matin;
j'écoutais aussi la Ligue des droits et libertés et on a toujours
fait référence à la Charte des droits et libertés
du Québec, mais on ne peut parler de la charte canadienne. Pourtant,
avec les causes de jurisprudence que vous avez eues justement ce matin, celle
de l'Alberta, par exemple, qui réfère aux articles de la Charte,
il y a énormément de choses qui vont changer dans la Loi
électorale et qui doivent changer. J'aimerais seulement attirer votre
attention sur le fait qu'il est important que la loi et le droit
électoral du Québec soient en conformité avec le droit
fédéral. Je vais y revenir tout à l'heure. Si vous le
permettez, nous allons regarder ensemble les quelques éléments du
mémoire qui vous a été présenté.
D'abord, en ce qui concerne l'accessibilité au processus
électoral, c'est un point un peu mineur; cependant, nous pensons que
c'est un élément central du droit électoral. Pour cette
raison, nous pensons qu'effectivement tout citoyen canadien a le droit de vote
et est eligible aux élections législatives
fédérales ou provinciales. Cela ne découle pas seulement
de la charte du Québec, mais aussi de la charte canadienne et c'est
important de regarder tout citoyen canadien. Selon nous, il serait donc
important de favoriser le vote et, pour ce faire, il est important de faire en
sorte que le processus de votation soit accessible aux citoyens qui ont de la
difficulté à mettre en branle actuellement le processus de
votation. Je pense par exemple aux personnes handicapées, à ceux
qui voient peut-être un peu moins bien, à toutes les personnes qui
ont de la difficulté à se déplacer. Ce matin, le
député de Gouin disait: il serait peut-être possible de
faire en sorte d'aller au domicile même des personnes. Je pense que c'est
là une avenue fort intéressante; on devrait faire en sorte de
favoriser le vote itinérant pour les personnes incapables de se
déplacer.
Nous favorisons aussi tous les éléments informatifs par
rapport à l'élection. Par exemple, pour le sigle pour les
personnes analphabètes: mettre le sigle sur les bulletins de vote, c'est
un minimum, cela ne coûte pas très cher, ce n'est pas très
difficile à faire et ce serait une innova- tion qui serait très
acceptable. (16 heures)
Le deuxième point de votre mémoire a été
l'intégrité et la fiabilité du processus électoral.
Récemment, j'étais candidat dans la circonscription d'Anjou. En
faisant du porte à porte, beaucoup de citoyens ont mentionné que
les recenseurs avaient fait un travail un peu déficient. Je pense que ce
travail de recensement devrait être fait de manière plus
serrée. Si c'est important d'élargir le droit de vote à de
nouvelles catégories de personnes, je pense qu'en même temps c'est
important de raffermir les balises qui nous permettent de contrôler que
ce sont les bonnes personnes qui vont voter. Dans ce sens-là, nous
favorisons l'élaboration d'une liste électorale permanente et
intégrée qui devrait pouvoir, à un moment donné,
servir aux niveaux municipal, provincial et scolaire.
Je pense que les développements informatiques qu'on
réussit nous permettent d'entrevoir une liste électorale de ce
type. Cela nous permettrait des développements démocratiques fort
importants, comme en ce qui concerne la consultation populaire sur des
éléments donnés.
Le troisième point porte sur les conditions de candidature que
vous retrouvez à la page 5. Les membres du comité semblaient
préconiser, quant au droit à l'éligibilité, de
mettre plus de candidatures sur le bulletin de candidatures. Nous pensons que
le droit à l'éligibilité est un droit qui ne devrait pas
dépendre des autres. C'est un droit un peu intrinsèque. Face
à cela, je pense que ce ne serait pas une bonne formule d'augmenter le
nombre des signatures sur les bulletins de candidature. On devrait même
penser à les réduire, mais à faire que, cette fois-ci, les
candidats ou les mandataires des candidats puissent certifier qu'ils
connaissent bien les personnes qui signent le bulletin de candidature. Vous
savez comme moi qu'il est bien possible que certains mandataires ou candidats
à l'élection ne connaissent pas les 60 candidats,
c'est-à-dire les 60 signatures qui doivent être mises sur le
bulletin de candidature.
Les points suivants sont plus importants. Le point sur le financement
des partis politiques, on en a parlé beaucoup. Notre position, elle est
simple: il faudrait que ce financement soit fait de manière
réellement proportionnelle au soutien populaire. Si vous le permettez,
je vais vous lire le début du texte. Je pense que cela va vous donner
tous les éléments.
Le financement des partis politiques par l'État. Actuellement,
les articles 358 à 364 permettent aux partis représentés
à l'Assemblée nationale de séparer au prorata des votes
valides une enveloppe de près de 1 200 000 $. C'est la subvention que
vous avez pour siéger ici, soit près de 0,25 $ par
électeur inscrit sur les listes électorales. Comme il n'y a que
deux partis représentés actuellement, cela implique que les
électeurs ayant voté pour d'autres formations politiques ou ceux
qui se sont abstenus subven-
tionnent, à même leurs impôts, des partis dont ils ne
voulaient pas. Nous pensons que cela devrait être la base,
c'est-à-dire que la base devrait être la volonté des gens
qui votent; cela devrait être au prorata, mais directement au prorata du
soutien populaire.
Le même raisonnement s'applique toutes les fois qu'on conditionne
ce financement public à un seuil de votes arbitrairement fixé.
Tout à l'heure, vous parliez d'un seuil de 3 % à 5 %. Il est
beaucoup plus simple et plus démocratique d'établir un
financement directement proportionnel aux votes obtenus. Ainsi, un
électeur qui déciderait de voter pour un tiers parti quelconque
déciderait en même temps d'allouer à ce tiers parti la
somme qui lui correspond en termes de votes valides obtenus, soit la somme
d'à peu près 0,25 $.
Nous pensons qu'en ce qui concerne le remboursement des dépenses
électorales, le même principe devrait être appliqué,
c'est-à-dire au prorata des votes valides obtenus jusqu'au maximum des
dépenses encourues. Finalement, c'est à peu près
l'idée générale et le principe général
concernant le financement des partis politiques. Je pense que dans notre
système politique, avoir 3 % ou 5 % des votes dépendant du
contexte lorsque le contexte est polarisé, comme c'est le cas
actuellement, c'est parfois un peu difficile. Tandis que lorsqu'on a un
financement qui est au prorata des votes obtenus, cela permet à tous les
tiers partis d'exprimer ce qu'ils ont à exprimer. Je pense que c'est
important que des partis politiques, même petits, expriment de nouvelles
idées.
L'avant-dernier point se situe en regard de l'intervention des tiers
dans la campagne électorale. Beaucoup en ont parlé. Au
Québec, les dépenses électorales sont
contrôlées. Le contrôle des dépenses
électorales n'est pas en soi un objectif. Le but visé par le
contrôle des dépenses électorales est de permettre une
équité de base entre les candidats. Ça, c'est important.
Cela devrait être une équité de base. Cela ne veut pas dire
égalité cependant. Cette équité de base doit se
refléter aussi à travers la couverture média. Il faut
comprendre que, dans un monde de diffusion de masse, le gros des
dépenses électorales sert justement à avoir cette
couverture média. En période électorale, laisser les
médias donner la couverture à ceux qu'ils choisissent à
partir de leurs critères à eux, qui ne sont pas
nécessairement neutres et apolitiques, c'est permettre au monde des
médias de faire et de défaire les gouvernements et les partis.
Donner l'opportunité au monde des médias de couvrir à leur
seule discrétion seulement ceux qu'ils décident de couvrir, c'est
ouvrir la porte à la dictature d'une classe de personnes, et c'est
amoindrir dans la même mesure le sens du processus démocratique
que constitue une élection. Or, cette équité de base, je
pense qu'elle devrait être faite un peu comme au fédéral,
c'est-à-dire octroyer un nombre minimal de minutes, une couverture
minimale à tous les partis qui se présentent, selon leur grosseur
évidemment. Pour vous donner un exemple, au niveau
fédéral, le Parti marxiste léniniste a 2,5 minutes
d'antenne pour tous les réseaux. Ce n'est déjà pas si mal
mais je pense que, si on parle d'équité, on ne devrait pas
confondre avec égalité. Il est important, lors d'une
période électorale, que toutes les opinions puissent être
véhiculées.
Nous recommandons, premièrement, l'obligation de publier, par les
médias, un résumé de programme de tous les partis
reconnus. C'est à la page 11, si vous voulez suivre. La deuxième
recommandation, c'est l'obligation pour les médias de fournir une
couverture équivalente, y compris au niveau des nouvelles, pour tous les
partis à caractère national. On entend par "caractère
national" tout parti qui, si tous ses candidats étaient élus,
formerait un gouvernement majoritaire. Un tel parti devrait donc
présenter des candidats dans 50 % plus une des circonscriptions.
L'obligation d'inviter au "débat des chefs" tous les chefs de parti
à caractère national. Il faut comprendre un peu l'optique du
Conseil de presse de ce matin. La presse fonctionne par la nouvelle. Alors,
elle fonctionne par la popularité, par les cotes d'écoute. La
démocratie fonctionne par l'information et par la diversité des
sources d'information. C'est différent et c'est à vous
d'établir cette différence-là, je crois.
Nous préconisons le droit à une information en temps
d'élection, une information exhaustive. J'aimerais appuyer ce que je
viens de dire sur cette question d'information exhaustive seulement en vous
soulignant le fait que tout ce qui regarde la radiodiffusion et la
télédiffusion est de compétence fédérale. Il
y a certains jugements qui le mentionnent de manière très claire.
L'article 427, qui parle de télévision et ainsi de suite, est
peut-être un peu de l'ingérence au niveau d'une compétence
fédérale. Lorsqu'on parle de compétence
fédérale, on est obligés finalement de regarder les
règlements du CRTC. Je vais vous en lire un concernant la
télévision et la radio. Il s'intitule "Émissions
politiques". C'est l'article 8 du règlement sur la
télédiffusion. Il dit: "Au cours d'une période
électorale provinciale ou fédérale, le titulaire doit
répartir équitablement entre les différents partis
politiques accrédités et les candidats rivaux représentes
à l'élection ou au référendum le temps
consacré à la radiodiffusion d'émissions, d'annonces ou
d'avis qui exposent la politique d'un parti." Or, s'il y a des articles de la
Loi électorale qui reprennent le même scheme, j'ai l'impression
que, si vous voulez que ce soit constitutionnel, il faudrait que ce soit
inscrit dans les mêmes balises que ce qui est déterminé par
le CRTC, sinon on s'en va vers des problèmes et aussi vers des
contestations. Quant à ces contestations-là, ce n'est pas de
l'abstrait; j'étais candidat dans Anjou et il y aura des plaintes au
CRTC quant a certains postes d'émis-
sion et on va voir ce que cela va donner.
Alors, tout cela pour vous dire que je pense que les deux thèmes
majeurs importants pour nous, ce sont évidemmment le financement... Or,
on ne demande rien d'autre que ce soit en relation avec le nombre de votes
obtenus et, étant donné qu'on vit dans un monde de médias,
on aimerait avoir une couverture équitable. Une couverture
équitable, ne veut pas dire une couverture égale. Je comprends
que l'ampleur de M. Parizeau est peut-être différente de celle
d'un autre chef de parti et que la couverture doit être
différente, mais si on veut être sérieux l'information doit
être véhiculée sur chacun des partis politiques.
Le dernier point concerne le mandat du Directeur général
des élections. Évidemment, cela touche beaucoup les partis
politiques. Je pense qu'on s'inscrit dans la même veine que M. Morin,
tout à l'heure. Je pense que c'est important que l'article 517,
probablement, qui est une clause restrictive et qui dit qu'on ne peut pas faire
affaire avec les tribunaux pour quelque chose qui regarde le Directeur
général des élections, que cette clause-là devrait
être abolie et qu'il devrait y avoir un droit d'appel établi, par
commission, par un arbitre nommé, par un ensemble de personnes. C'est un
peu comme vous voulez mais je pense que c'est important qu'il y ait un droit
d'appel parce que, sans contrôle, c'est toujours difficile et que la
tendance générale des gens et des organismes qui sont vivants est
de contrôler leur domaine. Or, ils le contrôlent mais vous, vous
avez la responsabilité de mettre des balises pour qu'on puisse
superviser ce qu'ils font. Quant à cela, on a un certain nombre de
recommandations qui concernent le Directeur général des
élections. La première, c'est que, si le DGE doit, dans une
certaine mesure, superviser l'activité de financement et de
dépenses des partis politiques, cet objectif doit être atteint
sans qu'il ne soit nécessaire de s'insérer dans la gestion
interne des partis. Récemment, il y a eu une enquête sur l'Union
Nationale au sujet des créances, et on pense que les créances
font partie de la gestion interne des partis politiques.
Le deuxième point. Nous sommes d'accord avec la proposition
numéro 53, à savoir l'opportunité d'approfondir toute la
question du statut juridique des partis politiques. Nous sommes grandement
intéressés à cela et je pense que c'est important qu'on le
fasse, pour que les partis politiques aient l'occasion de tester, de se
présenter devant les tribunaux, de pouvoir expliquer leur point et de
demander des jugements déclaratoires sur différents articles de
loi.
Le troisième point. Nous proposons que l'article 384, qui
concerne la nomination du vérificateur, soit modifié de telle
façon que ce soit le DGE qui nomme le vérificateur en question et
assume les coûts. Voyez-vous, actuellement c'est le chef du parti qui
nomme le représentant officiel et c'est le représentant officiel
qui nomme le vérificateur qui doit, lui, faire enquête sur les
activités du chef et du représentant officiel. Or, on pense qu'il
y a peut-être là une anomalie et que, si on veut corriger cette
anomalie, il serait important d'avoir un vérificateur qui soit impartial
et qui soit nommé par le Directeur général des
élections.
La quatrième recommandation. Le bureau du DGE n'est pas un
tribunal et ne devrait pas jouer ce rôle. Toutes les fois que les
décisions du Directeur général des élections
affectent les droits et privilèges d'un parti, le litige devrait pouvoir
être soumis à un tribunal, tel que prévu à l'article
23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la
personne. A cet effet, un parti politique devrait être
considéré comme une personne morale. Vous allez bien comprendre
que, lorsque le directeur général est en face d'une organisation
politique comme le Parti libéral ou le Parti québécois, il
y a des forces en présence qui l'obligent à être
peut-être plus prudent que lorsqu'il est confronté à un
tiers parti. Face à cela, je pense que c'est important qu'il y ait une
commission qui ait un droit d'appel pour bien revérifier les
décisions qui ont été prises par le Directeur
général des élections. Dans l'ensemble, je pense que cela
fait le tour de ce qu'on préconise. (16 h 15)
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. LeBrun. Je
vais maintenant reconnaître le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Le mémoire que
vient de nous présenter l'Union Nationale est intéressant.
L'Union Nationale a, de façon évidente, fait un effort fort
louable pour réfléchir sur la situation, regarder les choses d'un
point de vue qui est le leur, faire évidemment un choix en ce qui
concerne les suggestions et les commentaires qui sont les leurs. Il est
évident que, dans un domaine comme la Loi électorale, on ne peut
pas avoir le même son de cloche de tout le monde. Déjà,
depuis le début de la commission, on s'aperçoit que nous avons
des points de vue qui sont différents. Et c'est ce qui va faire
l'intérêt de cette commission parlementaire parce que nous allons
pouvoir entendre des intervenants qui vont nous faire valoir leur point de vue
et que nous allons pouvoir les comparer après cela et nous en inspirer
pour pouvoir en arriver à un certain nombre de solutions.
Je voudrais profiter de l'occasion, M. le Président, pour
peut-être demander un certain nombre d'éclaircissements à
M. LeBrun. Je prends cela un peu au hasard. Je commencerai par ce que vous
entendez par résident ou présumé résident. Vous
indiquez dans votre mémoire que vous posez comme condition expresse,
pour que le vote soit accordé à des Québécois qui
sont hors du Québec, que ce soit réservé aux
résidents ou présumés résidents. J'aimerais que
vous me précisiez cette notion de résident ou
présumé résident. Qu'est-ce que vous entendez par
cela?
M. LeBrun: Voyez-vous, c'est qu'actuellement le droit de vote,
lorsqu'on fait le recensement, est uniquement pour les personnes qui sont sur
place. À partir du moment où on veut introduire le droit de vote
pour les personnes qui sont à l'extérieur... Je pense que la
question de domicile est une notion psychologique. Un exemple: je pourrais
décider d'aller à Toronto deux années et laisser mon
appartement ici. Alors je n'ai presque plus rien mais j'ai l'intention de
revenir au Québec. Je peux dire que mon domicile est toujours au
Québec et, ce faisant, je pourrais toujours avoir le droit de vote au
Québec. Alors la notion de domicile est une notion beaucoup plus vaste
en droit que la notion de résidence. La notion de résidence, il
faut quelque chose de physique là. Il faut être présent. Je
pense que si on veut élargir le droit de vote aux personnes qui sont
québécoises mais qui travaillent à l'extérieur, il
va falloir s'assurer qu'elles ont gardé leur lieu de résidence au
Québec.
M. Doyon: En ce qui concerne le processus électoral
lui-même, vous faites valoir qu'il est nécessaire d'éviter,
autant que faire se peut en tout cas, toute situation qui puisse donner
l'impression qu'il y a un conflit d'intérêts réel ou
potentiel. À cet effet, vous proposez que le personnel de scrutin:
scrutateurs, secrétaires, etc., primo, soient assermentés le plus
tôt possible dans le processus électoral. J'aimerais que vous
m'expliquiez en quoi, par exemple, le fait de ne pas assermenter tôt les
gens dont l'essentiel des fonctions se fait la journée du scrutin, a un
impact sur la fiabilité ou la crédibilité du processus
lui-même? Et, est-ce que vous avez des exemples qui vous porteraient
à tirer ces conclusions-là?
M. LeBrun: Écoutez, c'est plus une question de principe.
Nous pensons que c'est important que les gens n'aient pas deux chapeaux pour
éviter de confondre. Dans un premier temps, c'est possible que le
personnel électoral ait des informations privilégiées et,
dans ce contexte-là, nous pensons que s'ils en ont par hasard, ce serait
peut-être important qu'ils ne donnent pas cette information
privilégiée aux partis. Si on veut que les gens travaillent
correctement et s'impreignent d'un sens de l'impartialité, j'ai
l'impression que le plus tôt, dès que les opérations
commencent, on peut leur faire prêter serment... À partir de ce
moment-là, ils deviennent engagés dans le processus
électoral et je ne vois pas pourquoi ils devraient travailler pour un
parti reconnu. Remarquez que, de toute manière, dans les faits, que ce
soit pour le Parti libéral ou pour le Parti québécois, je
pense que rarement les gens vont travailler. Lorsque vous nommez votre
scrutateur, le secrétaire ou le greffier, je n'ai pas l'impression qu'il
font beaucoup de travail partisan. Or, pour assurer l'intégrité
de manière un petit _ peu plus parfaite, je pense qu'à partir du
moment où le processus électoral est enclenché, où
les opérations électorales sont enclenchées, c'est une
bonne politique de les retrancher de vos effectifs.
M. Doyon: Vous indiquez que les personnes dont on parle sont
susceptibles d'avoir de l'information privilégiée. J'aimerais que
vous soyez plus clair là-dedans. À ma connaissance, les
scrutateurs, les greffiers sont simplement mis au courant de l'état de
la loi, des directives du directeur général du scrutin et ces
choses-là sont disponibles à tous les partis. À ma
connaissance, il n'y a pas d'information privilégiée proprement
dite mise à la disposition de ces personnes et qui ne le serait pas pour
d'autres.
M. LeBrun: Je pense que vous avez raison. La question de
l'information privilégiée peut peut-être arriver, mais je
pense que le point fondamental, c'est de dire que quelqu'un qui s'inscrit dans
le processus électoral doit être impartial et on doit assurer son
impartialité.
M. Doyon: il reste aussi que dans la pratique, et je pense que
l'Union Nationale est en mesure d'en avoir une certaine quantité, il
reste la difficulté de trouver ces gens-là. D'après mon
expérience de deux élections, on doit faire appel à des
gens qui sont intéressés à remplir ces
rôles-là. On ne peut pas les conscrire, on doit avoir des
volontaires pour cela et on doit puiser dans un bassin de personnes qui nous
sont connues nécessairement. Au simple point de vue pratique, cela
compliquerait considérablement les choses si on devait se priver des
services de personnes qu'on connaît. Je pense que dans un monde
idéal vous avez peut-être raison, mais dans le monde qui est le
nôtre, où les campagnes électorales se déroulent
pendant un temps relativement limité, à partir d'un bassin de
personnes plus ou moins limité, il faut tenir compte de cela.
Je pense que le Directeur général des élections ici
est content et trouve très utile de faire appel aux partis politiques
pour qu'on lui soumette des listes de noms. Je pense qu'il serait
drôlement mal pris s'il devait, à partir de l'annuaire
téléphonique ou des listes électorales, trouver des gens.
Il arrive que, grâce aux échanges que nous avons constamment par
notre mandataire, on fournisse au directeur du scrutin une liste de personnes
qui nous sont connues, qu'on pense, selon notre opinion, être capables de
remplir les fonctions. Un premier tri se fait et cela permet au directeur du
scrutin de disposer d'un bassin de personnes qu'il n'est pas obligé de
prendre mais qu'il a à sa disposition. Si on enlève cela, on nous
met et on met le Directeur général des élections et le
directeur du scrutin dans une situation difficile, ne serait-ce qu'au point de
vue pratique.
M. LeBrun: De fait, on n'enlève rien parce qu'on proposait
finalement le statu quo.
M. Doyon: D'accord. Je voulais vous souligner en passant qu'il
est bon de penser comment cela va se faire en pratique et comment cela se
passe, en pratique aussi, parce que, entre autres choses, des élections,
ça se fait sur le terrain.
M. LeBrun: Vous avez tout à fait raison.
M. Doyon: D'après ce que j'ai compris, vous ne
préconisez pas le vote par procuration.
M. LeBrun: Absolument pas. Nous préférons de
beaucoup une urne déplaçable et dont les partis politiques
pourraient en contrôler le déplacement.
M. Doyon: C'est la solution que vous préconisez.
M. LeBrun: Nous la préconisons, effectivement.
M. Doyon: Quand la boîte de scrutin se déplace, elle
se déplace avec le personnel qui y est attaché.
M. LeBrun: J'ai l'impression que oui. Avec tous les
représentants des partis, s'ils le veulent bien.
M. Doyon: Très bien! Pour passer au financement des partis
politiques, votre recommandation est que ce soit proportionnel au nombre de
votes obtenus lors de l'élection. C'est une façon de voir les
choses. Si on enlève le seuil d'admisssibilité que vous
considérez comme non désirable, est-ce que ce n'est pas là
une façon d'empêcher ou d'enlever ce moyen d'aller chercher ce
seuil d'admissibilité grâce auquel on pourra être admissible
au remboursement ou au paiement par l'État. Comment conciliez-vous tout
cela?
M. LeBrun: Ce qu'on dit, c'est qu'à compter du moment
où vous mettez un seuil, il y a des personnes qui votent pour des partis
qui n'atteignent pas ce seuil. Ces personnes sont forcément
obligées de contribuer à l'ensemble des autres partis. On pense
que ce n'est pas juste. Indépendamment du soutien populaire, chaque
parti devrait avoir une possibilité d'être financé, il ne
devrait pas y avoir de seuil, mais cela devrait être en relation directe
avec le nombre de votes obtenus. Je ne pense pas que cela produise un
foisonnement de partis politiques. Cela donnerait sa juste part à
chacun.
M. Doyon: Vous dites que vous ne pensez pas que cela produise un
foisonnement. Si on couple cela avec votre recommandation qui est à
l'effet qu'une personne puisse se présenter à une élection
avec le moins d'exigences possibles, est-ce que ces deux choses mises ensemble
n'auront pas pour effet pratique d'avoir des partis politiques en grand nombre,
dont l'existence serait assurée par une subvention de l'État, par
le fait même qu'on a un certain nombre de candidats qui sont de plus en
plus faciles à recruter parce qu'on leur dit: Cela vous prend simplement
dix ou quinze signatures au lieu de 60 ou de 100? En même temps, on dit
à ces gens: Vous allez pouvoir vous unir et former un parti politique et
l'État va vous subventionner de façon que vous ayez les 50 000 $,
les 75 000 $ ou les 100 000 $ nécessaires pour vous permettre de vivre
à chaque année.
M. LeBrun: Ce que nous recommandions n'était pas un
quantum comme 50 000 $, 60 000 $ ou 70 000 $. C'était seulement en
relation avec le nombre de votes obtenus. Si un parti obtient 200 votes dans
l'ensemble de la province, il aura peut-être comme financement 400 $.
S'il obtient 2000 votes, il pourra avoir 4000 $, et ainsi de suite. C'est
vraiment une proportionnelle au niveau du financement, mais une proportionnelle
directe au niveau du financement des partis politiques.
Cette manière de procéder ne désavantage pas les
tiers partis et surtout, n'est pas un inconvénient pour les partis
représentés à l'Assemblée nationale. Nous ne
voulions pas de ces 50 000 $ ou 75 000 $ qui étaient un quantum minimal.
Chaque électeur, par son vote, doit contribuer au maintien de son
parti.
M. Doyon: En ce qui concerne l'intervention de la presse en
campagne électorale, vous avez un certain nombre de suggestions. J'en
trouve une en particulier qui est d'accorder une couverture égale
à tous les candidats, avec les provisos que vous y avez mis, il y a
quelques minutes. On y retrouve aussi cette obligation faite aux médias
de publier les programmes politiques de tous les partis. Est-ce que vous ne
voyez pas dans cette obligation qu'on impose aux médias - on s'adresse
surtout aux médias écrits, d'après ce que je comprends -
une certaine atteinte à la liberté de presse, c'est-à-dire
que quelqu'un est en mesure de dicter aux médias ce qui doit
paraître ou pas dans les organes de presse?
M. LeBrun: Pour nous, la liberté de presse ne doit pas
vouloir dire la liberté de ne pas informer. Cela devrait, au contraire,
être la liberté d'informer. Ce qu'on demande aux médias,
c'est d'informer minimalement. Il n'y a rien qui brime la liberté de
presse dans le sens qu'on exige qu'ils informent. Ce qu'ils ne font pas
toujours bien et pas toujours. C'est dans ce sens qu'on pense qu'il est
important qu'il y ait une couverture minimale des médias.
On leur impose quelque chose, mais le droit électoral est un
droit d'État. C'est du droit public. Évidemment, on impose
à des firmes
privées quelque chose de fondamentalement public. Mais il n'en
demeure pas moins que le processus électoral est un processus
d'État qui doit être administré par l'État. (16 h
30)
M. Doyon: Une dernière question avec votre permission, M.
le Président. Vous avez en terminant tout à l'heure parlé
de la gestion interne des partis, et vous avez exprimé l'opinion que le
directeur général du scrutin ou qui que ce soit n'avait pas
à se mêler de ça. Une question pratique. Vous êtes un
parti autorisé. Enfin, j'ai eu des représentations et je voudrais
simplement avoir votre opinion là-dessus. Des gens me disent, par
exemple: Moi, j'ai signé un bail avec tel parti politique. En
l'occurrence, c'était le vôtre. Je ne connais pas les
détails, mais on me faisait valoir que les montants qu'on me disait leur
être dus n'étaient pas payés, et on mettait un peu la faute
sur le système humain, mais peut-être aussi sur le Directeur
général des élections, même s'il n'avait rien
à voir là-dedans en disant: C'est un parti autorisé et,
à partir de là, on a cru que c'était un parti qui devait
faire face, selon cette personne-là, à ses obligations. Est-ce
que ce n'est pas un peu contradictoire en ce sens que l'autorisation que vous
obtenez vous permet de faire valoir - vous faites valoir ce point de vue -
cette autorisation, et qu'en même temps, la gestion interne
échapperait complètement au contrôle de qui que ce soit,
même s'il y avait des fonds qui, selon votre argumentation,
proviendraient de l'État?
M. LeBrun: Face à ça, il faut peut-être
distinguer la gestion interne, le financement et les dépenses d'un
parti. Vous parlez des dépenses qui ont été
engagées avec quelqu'un qui a loué ou quelque chose comme
ça. Dans ce sens, je pense que le Directeur général des
élections a la responsabilité de contrôler ces
dépenses et d'encadrer, parce qu'il y a un régime juridique un
peu spécial en période électorale et peut-être un
autre lorsque la période n'est pas électorale, mais je pense
qu'à ce niveau, il a la responsabilité d'encadrer.
Je vous dirai que le parti de l'Union Nationale a la
responsabilité de payer. Effectivement, nous avons actuellement un
certain nombre de créanciers, c'est un fait, mais cela n'empêche
pas que, durant la dernière année, il n'y a pas eu de nouveaux
créanciers. Lors de la campagne électorale d'Anjou, tout a
été payé rubis sur l'ongle et cela va continuer, parce
qu'on croit qu'il est important qu'à chaque fois qu'on a un droit, il
doit y être associée une responsabilité et on a bien
l'intention d'assumer cette responsabilité-là. Maintenant, cela
n'a pas toujours été fait dans le passé. J'en suis le
premier chagriné, si vous voulez, mais c'est un fait. N'empêche
que la gestion Interne du parti est différente des dépenses qui
sont un peu plus externes. On ne dit pas que le directeur général
ne devrait pas vérifier ça, bien au contraire. On devrait le
faire de manière très stricte, en plus.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais
maintenant reconnaître le député de Jonquière.
M. Dufour: Je voudrais aussi souhaiter la bienvenue aux
représentants de l'Union Nationale. Qu'il y en ait quatre ici cet
après-midi, c'est impressionnant pour une formation politique qu'on voit
peu ou pas. Quant à moi, je trouve important de voir aussi le
mémoire que vous avez produit. Il y a définitivement eu un
travail de base pour présenter un certain nombre de points, et je ne
sais pas si les quinze minutes qui nous sont imparties vont nous permettre
d'aller dans le détail de tous les points que vous soulevez. Je trouve
que vous soulevez un certain nombre de points intéressants et je pense
que c'est tout à votre honneur. À cet égard, je voudrais
juste aller aux points directement pour qu'on ait plus de temps pour discuter
et que ce ne soit pas un monologue par rapport à ce qu'on pourrait avoir
à dire.
Bien sûr, vous avez touché à plusieurs points
intéressants; je ne sais pas si on pourra les aborder tous, mais il faut
aller directement aux questions qu'on peut se poser. Vous vous opposez à
des votes par procuration.
M. LeBrun: C'est exact.
M. Dufour: Pouvez-vous nous expliquer un peu plus longuement
pourquoi vous vous opposez à ces votes-là?
M. LeBrun: On trouve cela un peu dangereux. Les personnes qui
peuvent se prévaloir du vote par procuration sont peut-être les
plus vulnérables à des pressions. On en a vu des pressions; il ne
faut pas aller bien loin. On parlait tout à l'heure de politique
concrète. La politique se fait sur le terrain. Je suis convaincu que
vous savez que des pressions plus ou moins directes se font assez
fréquemment. Or, on aimerait empêcher ces pressions parfois
légales; on peut parler seulement du voiturage, par exemple. C'est une
pression délicate, un peu fine, qui est légale et qui, pourtant,
peut orienter un peu le vote.
Nous pensons que ce mécanisme de procuration, même s'il est
institué au fédéral, est un peu dangereux. Surtout sur une
grande échelle, il pourrait être dangereux. Dans ce contexte, nous
préconisons de beaucoup le déplacement d'une urne qu'il serait
possible de contrôler pour tous les partis. Je ne pense pas que ce serait
très dispendieux. Je pense que c'est tout à fait possible de
faire une urne qui chemine ainsi.
M. Dufour: Par rapport à votre position, on n'est pas loin
de partager les mêmes attentes. Cela m'amène à parler
immédiatement du vote itinérant. Par exemple, la boîte
itinérante qui va
aller faire voter les gens. Comment allez-vous départager cela?
Le vote par procuration est un vote qu'on donne pour que quelqu'un aille voter
à sa place, c'est un mécanisme qui permet à un
système d'aller vers les gens pour les faire voter. N'y a-t-il pas un
rapprochement qu'on peut faire entre les pressions vis-à-vis de la
personne qui ne peut pas se déplacer et qui voit venir un appareil, je
ne sais pas, une boîte avec deux ou trois personnes qui vont lui poser
des questions et vont la faire voter? Voyez-vous une forme de pression par
rapport à cela aussi?
M. LeBrun: Pas vraiment. J'ai l'impression que si cette urne
itinérante était installée, les gens devraient
évidemment s'enregistrer eux-mêmes. À un moment
donné, il faudrait qu'ils disent à quelqu'un qu'ils existent et
qu'ils veulent que cette urne aille chez eux. À partir du moment
où cela part de l'individu qui demande à ce que cette urne vienne
chez lui, je ne pense pas qu'il y ait de pressions. En tout cas, il y aurait
beaucoup moins de pressions que le voiturage qu'on peut connaître
parfois. On prend pratiquement les gens chez eux et on les amène presque
au bureau de vote. J'ai l'impression que ce serait beaucoup plus
civilisé. Il n'est pas question de forcer les gens à voter, mais
d'offrir un service que les gens sont libres d'accepter ou de refuser. C'est
tout.
M. Dufour: Vous verriez des gens qui s'enregistreraient pour
demander au représentant électoral de passer chez eux pour qu'ils
puissent enregistrer leur vote.
M. LeBrun: Absolument. Je vais vous donner un exemple pratique.
Lorsque je faisais du porte à porte dans le comté d'Anjou, j'ai
rencontré deux personnes qui avaient eu des accidents. Elles auraient
aimé voter. Effectivement, dans l'état où elles
étaient, il ne leur était pas très possible de se
déplacer. Je suis convaincu que ces personnes se seraient facilement
enregistrées et auraient voté. Elles auraient voté du bon
côté.
M. Dufour: Donc, cela veut dire que ce système pourrait
s'appliquer sur une période assez longue, pas nécessairement
pendant la journée même du vote, où tout le monde vote;
cela pourrait être à un autre moment.
M. LeBrun: Je ne suis pas certain de cela. Je pense que l'urne
pourrait probablement se déplacer aux journées normales,
c'est-à-dire que premièrement, il y a le vote par anticipation.
Il y a deux jours de vote par anticipation. Il y a aussi la journée du
scrutin. Ce qui nous fait trois jours. J'ai l'impression que c'est amplement
suffisant.
M. Dufour: Vous parlez aussi de la possibilité de la
réduction de l'abolition de signatures de 60 à 30. Je comprends,
par exemple, que pour un candidat, connaître les 60 personnes qui vont
signer son bulletin et faire le serment qu'il les connaît, cela peut
représenter un certain problème. Pourquoi demandez-vous, dans un
premier temps, de réduire à 30 et, ensuite, de réduire
graduellement à peu près jusqu'à zéro? Vous n'avez
pas peur que...
M. LeBrun: Écoutez, je vous renverrais la question:
Pourquoi voulez-vous l'augmenter? Pour freiner l'éclosion de partis
politiques? J'ai l'impression que le Québec a besoin d'idées. Le
Québec a besoin d'idées nouvelles. S'il y a des nouveaux partis
qui amènent de nouvelles idées, tant mieux! La démocratie
n'en sera que mieux servie. Comme je vous le dis, je pense que ce n'est pas un
mal d'avoir des partis. Ce qui serait un mal, c'est de mettre tellement de
contraintes sur les partis que l'activité politique se
déplacerait hors des partis politiques. C'est déjà
commencé.
Je pense, au contraire, que ce serait une bonne formule de redonner une
certaine importance aux partis politiques, surtout qu'avec l'intervention des
tiers vous risquez de banaliser les tiers partis.
M. Dufour: En fait, je pense que vous exprimez un point de vue
qui est dans l'esprit de votre mémoire, que vous ne nous forcez pas
nécessairement à partager, parce que vous parlez
d'uniformité des votes au Québec... Dans votre mémoire,
vous parlez de système scolaire municipal et aussi en province, vous
partez d'une liste unique de personnes et, dans tous les endroits, il y a un
certain nombre de signatures qui est exigé. Si vous parlez d'abolition,
si vous parlez de liste unique ou de système général
uniforme, cela veut dire que vous aboliriez l'ensemble des signataires d'un
bulletin de présentation. C'est un peu cela que vous nous dites.
M. LeBrun: Non, pas vraiment. Excusez-moi, mais j'ai l'impression
que vous touchez à deux problèmes. Premièrement, il y a la
liste électorale permanente qui pourrait servir au niveau municipal,
provincial et scolaire; cela, c'est une chose, c'est pour voter. L'autre chose,
ce sont les signatures sur les bulletins de candidature. Il y a peut-être
un lien entre les deux, mais il est assez éloigné quand
même.
M. Dufour: Le lien peut être ténu, très
mince, mais si on parle de liste électorale unique, c'est aussi pour
faire en sorte que les gens puissent voter avec une certaine uniformité,
avec des droits qui se ressemblent.
M. LeBrun: Si vous croyez que ce droit de vote est important - et
moi je pense que c'est important - il ne faudrait pas qu'on soit tributaires
des erreurs du recensement et il s'en produit beaucoup, tant au niveau
municipal qu'au niveau scolaire et qu'au niveau provincial aussi.
il s'en produit dans les deux sens: il y a des gens qui n'ont pas le
droit de vote qui votent et il y a des gens qui ont le droit de vote qui ne
votent pas.
M. Dufour: . Il y a peut-être la question du financement
que vous touchez. Vous nous dites que les partis politiques pourraient avoir
droit, proportionnellement, à une enveloppe que vous fixez
arbitrairement qui peut être de 1 $ ou 2 $ - le montant que vous fixez
n'est pas nécessairement important. Mais quand vous parlez de
proportionnalité par rapport au nombre de votes, j'avais l'impression
que votre idée, vous l'avez exprimée tout à l'heure,
était de favoriser les tiers partis ou d'autres partis. Mais si on se
fie à votre mémoire, il y a juste un critère sur lequel
vous vous basez, soit le nombre de votes obtenus. N'avez-vous pas peur qu'on
favorise les partis qui sont déjà les plus
représentés, les plus représentatifs, ceux qui ont le plus
de votes par rapport aux autres, s'il y a juste un critère?
M. LeBrun: Actuellement, la première enveloppe est
distribuée entièrement entre les deux partis qui sont
représentés à l'Assemblée nationale. Or, tout ce
qui ira en dessous de cela sera une amélioration pour les tiers partis.
Nous ne pensons pas qu'un tiers parti ait besoin de 50 000 $ ou de 75 000 $
pour bien fonctionner. Il faut qu'il ait un peu d'argent, mais pas une
enveloppe qui soit fixe comme celle-là. Si vous voulez donner
l'enveloppe fixe, on ne la refusera pas.
M. Dufour: Moi, je ne peux rien donner.
Le Président (M. Marcil): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Au nom de l'Opposition officielle, je voudrais
remercier le porte-parole de l'Union nationale. Il y a quand même des
points que vous avez soulevés - et cela a été
mentionné par d'autres - qui sont différents de ceux que nous ont
fait des représentations jusqu'à maintenant. Je tenais uniquement
à faire le commentaire suivant: je pense qu'on va devoir examiner plus
sérieusement, peut-être moins les modalités, mais au niveau
du principe, cela ne me déplaît pas que l'État
québécois essaie de poser, tout autant pour le financement de
soutien aux partis politiques par l'État que pour le remboursement par
l'État québécois des sommes engagées en campagne
électorale par les partis politiques... que cela ne soit jamais
entaché de la contradiction qui existe, dans la formule actuelle,
à savoir qu'il y a des contribuables québécois, à
partir du moment où c'est pris à même les fonds publics
qui, sans être d'accord, ont l'obligation que leurs fonds servent
indirectement à défendre des partis politiques prônant des
orientations politiques qui vont complètement à rencontre de
leurs convictions. Je trouve cela original d'essayer d'inven- torier une
formule qui garantisse que le citoyen qui en arrache sur le plan politique...
(16 h 45)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: ...et qui va voter pour le Parti j'en arrache, c'est
important que ces fonds servent à la promotion du Parti j'en arrache ou
du Parti indépendantiste ou du Parti de l'Union Nationale.
Sérieusement. Et dans ce que vous proposez là, je suis moins sur
les modalités cependant, parce que je suis plutôt d'avis que sur
une période un peu plus longue que strictement le
phénomène de bipartisme que nous vivons actuellement, je ne suis
pas sûr qu'un seul critère ait cette rigueur ou cette
sécurité d'offrir un minimum de fonds aux partis politiques. Si
on ne veut pas avoir uniquement à faire des discours et donner la
garantie que plusieurs formations politiques, dites un peu moins majeures sur
le plan uniquement des effectifs, ont droit d'expression avec des fonds
publics, il faudrait trouver quand même des critères
pondé-ratifs, parce que s'il y en a juste un...
Je sais bien, je vous comprends, M. LeBrun, vous dites: Écoutez,
actuellement il y en a deux. Vous partagez le gâteau. Ce que je
suggère, c'est sûrement quelque chose de mieux à l'avenir
pour moi - c'est vous qui parlez - là je comprends cela, mais ce n'est
pas une situation durable et il faut viser à ce que, dans une
législation, on ait quand même des mesures qui, dans le temps, ne
sont pas à retoucher aux quatre ou cinq ans.
Je voulais vous dire merci d'avoir pensé sensibiliser les membres
de cette commission et surtout le ministre délégué
à la Réforme électorale, parce qu'il y a de quoi, du moins
en ce qui me concerne, dans cette proposition, garantir, respecter les
convictions politiques des citoyens par le financement public et, à ce
moment-là, il y aurait toujours une partie de leur argent qui aurait au
moins la garantie de servir aux fins politiques pour lesquelles eux ont des
convictions. Cela m'apparaft important. C'est un point que je voulais souligner
et je vous en sais gré.
Quant aux questions qu'on avait à poser, étant
donné que notre période de temps est terminée, je vous
remercie de votre participation à cette commission.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député d'Abitibi-Ouest. En conclusion, M. le ministre.
M. Gratton: M. le Président, je constate moi aussi que le
Parti de l'Union Nationale apporte une contribution positive à nos
travaux. Vous avez touché plusieurs sujets dont certains
n'étaient même pas évoqués dans le document de
réflexion. Je vous en sais gré.
Il n'y a pas de doute que ce dont vient de parler le
député d'Abitibi-Ouest nous intéresse au
plus haut point. Il y a évidemment un certain financement ou une
aide financière de l'État à tous les partis politiques,
par le biais du crédit d'impôt, mais cela est
nécessairement proportionnel au financement populaire que chaque parti
organise et réussit a obtenir. Il s'agit de se poser la question,
à savoir si une autre forme de financement par l'État serait
également souhaitable. Nous avions déjà
arrêté, entre nous, qu'effectivement il devrait y avoir une
répartition du montant mis à la disposition des partis politiques
par l'État à partir, non seulement de la représentation
à l'Assemblée nationale... On sait que l'Union Nationale, dans un
passé pas tellement lointain, avait plusieurs députés
à l'Assemblée nationale. Il y en a même eu, je serais
porté à dire, trop, en tant que libéral, au moment
où l'Union Nationale était au pouvoir.
Ce n'est pas de l'histoire ancienne, c'est quand même au cours des
dernières décennies. Donc, on est d'accord sur le fait qu'on ne
doit pas assujettir le financement par l'État strictement au facteur
représentation à l'Assemblée nationale et on pourra
ensemble chercher d'autres façons de mieux équilibrer, de rendre
plus équitable le financement des partis politiques par
l'État.
Je veux vous dire aussi que certaines des autres recommandations que
vous faites sont celles d'un parti qui justement n'est pas
représenté à l'Assemblée nationale et qu'on se doit
de prendre en considération. Sans pour cela nous engager à
retenir chacune des recommandations que vous faites, chose certaine, on peut
s'engager à leur accorder toute l'attention et tout
l'intérêt que nous devons avoir, compte tenu de la
non-représentation de votre parti et notamment du parti qui vous suivra
tantôt, le Parti indépendantiste. C'est votre tâche de nous
sensibiliser à ces sujets et on doit vous savoir gré de l'avoir
fait de façon exemplaire aujourd'hui et je vous en remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. LeBrun et vos
collaborateurs. On vous remercie beaucoup de vous être
prêtés à cet exercice. Maintenant, nous allons suspendre
pour cinq minutes pour permettre à certaines personnes de
répondre a des besoins particuliers.
(Suspension de la séance à 16 h 50)
(Reprise à 17 heures)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons reprendre nos travaux en invitant le Parti
indépendantiste à se présenter. M. Gilles Rhéaume,
nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. Vous
avez 20 minutes. Vous êtes accompagné de...
M. Rhéaume (Gilles): M. Jean Saint-Amour,
représentant officiel et directeur général du parti.
Le Président
(M.
Marcil): Bienvenue, M.
Saint-Amour. Sans plus tarder, vous avez 20 minutes pour faire votre
exposé qui sera suivi des questions.
Parti indépendantiste
M. Rhéaume: M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs de la commission, nous avons intitulé notre
mémoire, "Favoriser les tiers partis: une exigence démocratique".
L'essentiel de ce que l'on a à dire, c'est qu'il faut absolument trouver
les moyens de faire en sorte que les partis non représentés
à l'Assemblée nationale puissent avoir le soutien de
l'État pour remplir leur rôle de façon convenable.
Notre court mémoire visera trois objectifs: commenter certaines
propositions du comité sur la révision de la Loi
électorale; faire connaître quelques recommandations d'ordre
général, en soulignant les difficultés qu'éprouvent
les jeunes formations politiques dans le régime actuel et en
suggérant des avenues qui pourraient améliorer la présente
situation; enfin, nous insisterons sur la nécessité de
dépoussiérer le système électoral.
Par cette présentation, nous souhaitons sensibiliser les
parlementaires et l'opinion publique à l'urgence de modifier en
profondeur les règles du jeu, afin de permettre aux différents
courants d'idées, qui existent au sein de notre peuple, de mieux
participer à l'activité politique nationale.
La Loi électorale est, nous semble-t-il, le lieu
législatif privilégié où peuvent se réaliser
les ajustements nécessaires au redressement d'un état de fait qui
exclut, à toutes fins utiles, les jeunes partis ou les tiers partis de
la vie politique. C'est pourquoi nous saisissons l'occasion qui nous est
offerte aujourd'hui pour faire valoir nos griefs et nos attentes. Nous sommes
conscients de la somme de travail qui a déjà été
consacrée à la réflexion sur ce sujet par les membres du
comité et aussi par la Direction générale des
élections. Notre critique se veut positive et constructive, mais ce sera
à vous d'en juger.
Commentaires. Nous n'interviendrons pas sur toutes les conclusions du
comité. Nous nous restreindrons à quelques-unes d'entre elles,
à celles vis-à-vis desquelles nous avons soit des réserves
ou soit encore des oppositions de principe.
Le sujet no 8, le délai de résidence. On sait qu'on
suggère que le délai de résidence soit réduit d'un
an à six mois. Nous estimons que la présente disposition qui
prévoit qu'une année consécutive de résidence soit
nécessaire à l'obtention de la qualité d'électeur
est raisonnable et qu'elle devrait, en conséquence, demeurer en vigueur.
Nous appuyons notre opinion sur le fait indéniable, à notre avis,
qu'il faille au moins une année de vie chez nous pour corn-
prendre les enjeux d'une élection. De plus, si le raisonnement du
six mois était valable, nous sommes persuadés que les jeunes de
seize ans en connaissent autant sur notre réalité que celles et
ceux qui sont ici depuis six mois.
Le sujet no 20 concerne la déclaration de candidature. Nous nous
opposons vivement au retour du dépôt pour le candidat. À sa
face même, il y aurait là une discrimination inacceptable. Ce
n'est pas la possession de cette somme qui rendrait une candidature
sérieuse. Plusieurs de celles et de ceux qui pourraient satisfaire
à cette exigence n'en sont pas pour autant plus sérieux, alors
que, de toute évidence, des jeunes, par exemple, ou encore des
sans-travail ou des gens aux revenus modestes sont dans l'incapacité
totale de verser, même temporairement, une telle somme. Vraiment, cette
proposition, à notre avis, ne devrait pas être retenue. Nous
croyons même qu'elle limiterait la liberté de certains individus,
voire qu'elle irait à rencontre de la Charte des droits de la personne
du Québec. Nous vous prions donc de revenir sur cette conclusion qui, si
elle était adoptée, nous ramènerait en arrière,
à une époque plutôt sombre de notre histoire politique.
Nous vous suggérons de relire les arguments de l'ancien parlementaire
Robert Burns; ils redeviennent derechef d'actualité sur ce sujet.
Le futur candidat doit continuer de pouvoir recueillir lui-même,
si telle est sa volonté, les signatures appuyant sa candidature. C'est
une autre des propositions qui apparaît au sujet no 20 du cahier vert
qu'on nous a fait parvenir. C'est souvent, pour la personne candidate d'un
tiers parti, une façon tout à fait démocratique de
commencer sa campagne. Pourquoi brimer ainsi un droit qui nous apparaît
aussi fondamental?
Le sujet no 30 concerne la responsabilité du représentant
officiel. Nous sommes d'accord pour une confirmation écrite de
l'acceptation du représentant officiel, pour autant qu'elle puisse se
faire sur un formulaire envoyé, préadressé et affranchi
par le Directeur général des élections, afin de faciliter
le plus possible cette acceptation et de faire en sorte que même les
partis les moins munis puissent, avec le soutien de l'État, remplir
cette obligation qui nous apparaît tout à fait justifiable.
Le sujet no 32 touche l'autorisation d'un parti politique. Nous sommes
d'accord pour augmenter le nombre de candidatures à 20, mais aussi
à au moins une candidature par région administrative du
Québec. Nous croyons que simplement le nombre de circonscriptions
électorales dans lesquelles un parti doit présenter des candidats
n'est pas une condition suffisante. Elle est nécessaire, mais elle n'est
pas suffisante. Nous pensons qu'un parti - pour reprendre l'expression du chef
de l'Union Nationale - à caractère national devrait pouvoir
présenter une candidature au moins dans chacune des régions. Il
me semble que cela démontrerait, non pas plus de sérieux, mais,
en tout cas, plus d'envergure, entre guillemets.
Toutefois, nous considérons que la signature de 5000 personnes
est injustifiable, car cette exigence viendrait beaucoup trop restreindre le
droit d'association garanti, lui aussi, par la Charte des droits de la
personne. Vous savez, il faut que les partis existent depuis longtemps,
à mon avis, je vous le dis bien franchement, pour avoir oublié ce
que cela veut dire 5000 signatures. C'est quelque chose 5000 signatures, vous
savez. Nous, nous existons déjà, cela ne nous concerne pas
directement. Mais déjà 600 signatures demandent du travail, alors
exiger, pour qu'un nouveau parti soit reconnu, autorisé, qu'il recrute
5000 signatures, c'est, à toutes fins utiles, empêcher la
naissance de formations politiques; c'est notre opinion.
Sujet 37: Financement par l'État des partis. Ce sujet est pour
nous d'une importance capitale, vous en conviendrez aisément. Nous
souhaitons l'instauration d'une grille où interviendraient
différents critères, comme, entre autres, le nombre de
candidatures aux élections, le pourcentage du suffrage reçu, la
participation aux élections partielles, les contributions en vertu de la
Loi sur le financement des partis politiques, le nombre de personnes ayant
souscrit, le nombre d'instances autorisées, les activités des
différentes instances, la tenue de congrès ou d'assemblées
générales, les demandes d'audition aux commissions
parlementaires. Une telle évaluation permettrait aux nouvelles et aux
sérieuses formations politiques de bénéficier d'un soutien
tout à fait légitimé par des efforts véritables et
un certain appui populaire, qui sont les objectifs visés d'ailleurs par
le document qui nous a été remis. Ne se fier qu'aux
résultats électoraux ne contribuerait qu'à sauvegarder un
statu quo indéniablement coupé de la réalité. Nous
reviendrons, dans nos recommandations générales, d'ailleurs, sur
d'autres formes de financement ou de soutien indirect pour aider les tiers
partis dans leur action politique.
Responsabilité de l'agent officiel, le sujet 47. Comme pour le
représentant officiel, le Directeur général des
élections devrait fournir un formulaire d'acceptation de la
fonction.
Sujet 50: Temps d'antenne gratuit et débats. Les tiers partis qui
obtiendraient un résultat leur permettant de recevoir un soutien
financier de l'État, dans le cadre de notre proposition ci-haut
mentionnée, devraient aussi voir leur chef participer au débat
des chefs et profiter également de temps d'antenne gratuit. Je retiens
également la suggestion faite par le chef de l'Union Nationale:
équité mais non égalité, bien sûr.
Proposition 15: Le bureau du directeur de scrutin. Nous insistons pour
que tous les bureaux de dépôt, comme tous les lieux de votation,
soient accessibles aux handicapés. Aucune discrimination, à ce
titre, n'est acceptable dans une société comme la nôtre. On
se souvient que le document disait "dans la mesure du possible".
il faut que la mesure du possible devienne nécessité.
Proposition 38: Vote des analphabètes. Nous considérerions
comme une innovation fort intéressante l'apparition du sigle des partis
sur le bulletin de vote. À notre époque, les sigles font partie
de la culture et cela viendrait aussi rafraîchir un processus
électoral qui ne peut se passer d'un peu plus de modernité, c'est
le moins que l'on puisse dire. Nous souhaitons aussi que la couleur vienne
enjoliver le bulletin de vote. De plus, nous suggérons que les bulletins
de vote soient perceptibles aux aveugles, en y introduisant le braille. J'avais
marqué que la Suisse, entre autres, pratique ce genre de système,
même sur la monnaie. Le Parti indépendantiste s'engage, le jour
où le Québec sera indépendant, à ce que la monnaie
soit aussi inscrite en braille.
L'autre aspect: Les recommandations. Le système actuel favorise
deux partis politiques, tout le monde en conviendra. Cette polarisation est
l'effet direct d'une situation qui fait que seules ces deux formations
reçoivent une aide substantielle de l'État. Cette situation
fausse le portrait réel du Québec. La qualité de notre vie
démocratique exige une révision de cette situation. En
période électorale, seuls les deux partis ont les ressources
nécessaires pour rejoindre la population. Le Québec ne se partage
pas uniquement entre libéraux et péquistes. Nous comprenons qu'il
soit difficile pour vous de modifier des règles qui vous favorisent.
Cependant, nous faisons appel à votre sens de la justice sociale. En
conséquence, nous vous recommandons fortement les innovations suivantes:
faire de la langue officielle la langue de la vie électorale et celle
des partis politiques. Les formulaires des rapports financiers, par exemple,
sont toujours bilingues et l'unilinguisme que nous avons obtenu lors des
élections partielles du 20 juin dernier ne peut être que
temporaire si la loi n'est pas claire. Il faut régulariser cette
situation et nous insistons pour que ladite commission tienne compte
également de cette recommandation.
Deuxième recommandation. Nous suggérons qu'en plus de la
carte de rappel... On se souviendra - pour avoir moi-même milité
à l'intérieur d'autres partis politiques - que la carte de rappel
n'existait pas il y a quelques années et qu'elle est venue et a eu comme
conséquence que l'électorat peut maintenant être au courant
de l'ensemble des candidatures. Ce qui est pour plusieurs la seule
publicité. Donc, en plus de la carte de rappel, l'État devrait
distribuer, dans chaque circonscription et à toutes les portes, une
semaine avant le vote, un dépliant contenant les noms, les photos ainsi
qu'un bref message des candidats. Il me semble que c'est une façon qui
aiderait tout le monde.
Les tiers partis devraient avoir accès à la salle des
conférences de presse de l'Assemblée nationale, avoir aussi un
lieu réservé au Parlement, un minimum de secrétariat
commun. Le chef de chaque parti reconnu devrait recevoir le Journal des
débats, les projets de loi, les déclarations
ministérielles, les rapports des sociétés d'État,
les documents accessibles aux parlementaires, etc.
L'État devrait, trois fois par année, commander des
sondages d'opinion sur la perception des partis, y compris les tiers partis.
Les résultats de ces sondages devraient être rendus publics.
Notre dernière recommandation s'intéresse à une
catégorie de personnes présentement abandonnées par le
régime et nous souhaitons voir cela corrigé. Nous ne faisons
qu'émettre une position de principe. Nous laisserons à d'autres
l'explication des modalités et les façons de résoudre les
difficultés qu'apporterait cette modification. Actuellement les
personnes considérées, institutionnellement parlant, comme
handicapées mentales, devraient toutes pouvoir exercer leur droit
inaliénable de voter, si elles le désirent. L'écorchure
à la démocratie qui découle de l'actuelle interdiction
est, à notre avis, une honte. Qui peut juger de l'incapacité
intellectuelle d'un autre?
Je voudrais ajouter une sixième recommandation qui
n'apparaît pas sur le document qui vous a été
distribué et qui devrait devenir cinq, plutôt que six, puisqu'elle
va dans les demandes de l'État face aux tiers partis. Nous
suggérons qu'à la fin de l'année, vers le mois de
décembre, le Directeur général des élections puisse
faire publier dans tous les quotidiens du Québec une page
complète de tous les partis politiques autorisés avec les
articles de la loi concernant la Loi sur le financement des partis politiques
et inviter les gens qui le désirent à souscrire au parti et
à faire en sorte... Comme je le disais, tout le monde aurait une
publicité et cela aiderait également les tiers partis qui ne
peuvent pas autrement mener les campagnes que les grands partis peuvent
mener.
Mode de scrutin. Nous partageons les inquiétudes de celles et de
ceux qui estiment désuet le système électoral en vigueur.
Il faut qu'à l'Assemblée nationale, tous les courants
d'idées - nous l'avons déjà dit et nous le
répétons - puissent être présents.
Déjà une somme considérable de travail a été
faite en ce sens, tant en réflexion, en recherche qu'en consultation. Un
débat de société doit maintenant s'achever et aboutir
à des résultats concrets. Nous vous suggérons de tenir des
séances spéciales sur le sujet dans les plus brefs délais.
Pourquoi ne pas profiter de la prochaine élection pour consulter le
peuple, ne serait-ce qu'à titre éducatif, par un
référendum sur la question?
Le bipartisme est source de tensions sociales qu'il serait possible
d'atténuer par l'introduction d'une forme de proportionnelle. La
réforme presse! Le temps des thèses, en ce domaine, doit se
terminer bientôt. Il faut passer à l'action. Un
échéancier s'impose.
Conclusion. Nous espérons avoir réussi à toucher
les cordes sensibles des membres de la
commission en ce qui concerne les besoins des tiers partis. Nous croyons
qu'il est du devoir des parlementaires de favoriser l'évolution des
autres partis, même si cela leur est difficile, nous le comprenons. Si
Jean Lesage et René Lévesque, par exemple, n'avaient pas eu les
élans nécessaires, quelquefois, pour aller au-dessus de leurs
intérêts personnels ou de leurs intérêts de parti, le
Québec ne serait pas aujourd'hui là où il est rendu.
Il en va de la qualité démocratique de nos institutions.
Certaines de nos propositions demandent peu de dépenses de la part de
l'État et, pourtant, combien elles seraient appréciées par
les tiers partis.
Nous misons sur votre conscience politique pour recevoir et accueillir
positivement nos revendications que nous croyons légitimes.
En terminant, nous tenons à remercier la commission de nous avoir
invités et nous voulons l'assurer de notre pleine collaboration si
d'autres travaux suivaient ceux-ci. Merci, M. le Président. (17 h
15)
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M.
Rhéaume.
J'inviterais maintenant le député de Saguenay à
intervenir.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
souhaiter la bienvenue à cette commission, entre parenthèses, qui
est très importante pour l'ensemble du système
démocratique au Québec, M. Rhéaume ainsi qu'à votre
collaborateur.
Pour avoir travaillé comme parlementaire sur le rapport, vous
soulignez dans votre mémoire les interrogations qui nous chicotent aussi
et auxquelles on n'a pas de réponse ou de solution facile. Je pense que
l'éclairage qu'on aura au cours de cette commission par les
représentants des différents partis politiques sera susceptible
d'éclairer les parlementaires qui auront finalement à prendre les
décisions importantes pour l'avenir du Québec. À cet
égard, nous sommes heureux de recevoir vos commentaires. Bien que je les
trouve un peu brefs je les trouve fort intéressants.
Au départ, il est un point que la majorité des partis
politiques et des intervenants ont souligné aujourd'hui, celui des
malades mentaux qui, ont le sait, sont présentement exclus. Vous avez
dit que d'autres se chargeront d'intervenir. Mais j'aimerais quand même
que vous nous disiez de quelle façon on pourrait baliser par exemple la
qualité et la certitude du vote exprimé par ces personnes. On
sait que ce n'est pas facile, même les gens de la Commission des droits
de la personne... Pour nous, cela demeure un point fort litigieux et
malgré que vous n'en ayez pas parlé très longuement, vous
nous recommandez fortement de le faire. J'aimerais que vous nous donniez votre
opinion à savoir comment baliser cela pour s'assurer que
l'équité et la légalité du vote demeurent.
M. Rhéaume: Je me souviens très bien, parce que
j'étais d'une autre façon associé à des travaux
d'une autre commission parlementaire il y a quelques années où il
était question du droit de vote des détenus et des juges à
la fin des années soixante-dix, on s'en souviendra, et je reviendrais
sur les mêmes principes. C'est-à-dire que je pense que tout le
monde doit avoir le droit de vote. À l'intérieur même des
prisons, je me souviens tout à fait du débat, il y a des
prisonniers qui sont catalogués comme ayant des difficultés
psychologiques plus ou moins profondes. Donc, je pense qu'on doit prendre le
même principe et faire en sorte que toutes les personnes qui ont
qualité d'électeur apparaissent sur les listes électorales
de l'endroit où elles ont domicile et qu'elles puissent voter. En ce qui
concerne celles qui sont en institution, peut être sur le même
système que dans les prisons où elles peuvent voter selon leur
propre circonscription électorale, je pense que personne ne devrait
être exclu. Bien sûr la délicatesse du sujet repose sur le
fait qu'il pourrait y avoir d'une façon ou d'une autre, pression ou
manipulation. Mais vous savez, j'ai milité activement en politique
depuis plusieurs années et la manipulation n'est pas
réservée aux personnes ayant plus ou moins de difficultés
psychologiques. J'ai vu dans des centres d'accueil par le passé des
formes de manipulation qui pouvaient rejoindre celles qui pourraient arriver
dans des institutions psychiatriques.
Donc je pense qu'il faut aller de l'avant de façon
générale. Il y aura des écueils, des difficultés.
Nous parlons de quelques milliers de personnes. Il serait même
épouvantable de dire que cela ne changerait pas grand-chose au
résultat final. Cependant, sans le dire je pense qu'il faut en
être conscient. Je pense qu'il faut ouvrir les balises et faire en sorte
que tous ces gens-là puissent voter s'ils le désirent. De quelle
façon? Selon leur circonscription de résidence avant d'être
en institution ou selon la circonscription où se trouve la
résidence ou l'hôpital en question.
M. Maltais: D'accord. Je vous remercie.
Il y a un autre petit point dont vous n'avez pas parlé non plus,
mais qui nous chicote un peu. Mon collègue d'Abitibi-Ouest l'a
souligné et on en a parlé longuement lors des travaux du
comité et je voudrais juste avoir votre opinion là-dessus. On
sait bien sûr que beaucoup de Québécois sont à
l'étranger temporairement pour différentes raisons, soit en
résidence temporaire, en fonction officielle, pour une question de
travail ou simplement un voyage d'agrément. Quelle est votre opinion
là-dessus? Comment peut-on s'assurer que ces personnes aient la
possibilité d'exercer leur droit fondamental?
M. Rhéaume: C'est une question que je trouve même,
à mon avis, plus délicate que la précédente.
Spontanément, je serais porté à vous
dire: Devraient avoir le droit de vote les personnes qui paient des
impôts ou des taxes au Québec. Il me semble que ce critère
devrait entrer en ligne de compte. Cependant, on pourrait répondre qu'on
peut être Québécois, demeurer en Floride depuis 30 ans et
ne plus payer de taxes au Québec, mais demeurer quand même
Québécois de coeur ou avoir un appartement d'une pièce et
demie dans un immeuble du centre ville pour avoir le droit de recevoir sa
pension. Je donne cet exemple, mais je pourrais en donner d'autres. On peut
être député au gouvernement fédéral et ne pas
payer d'impôts au Québec. Cela s'est produit et cela a
été révélé durant les récentes
années.
Je vous avoue que pour moi c'est une question très
délicate. En principe, je suis favorable au vote de l'ensemble, mais on
ne peut pas parler des citoyens. On peut parler des résidents du
Québec, puisque nous ne sommes rien d'autre que des résidents
pour l'instant. Donc puisqu'il n'y a pas de citoyenneté
québécoise, je vois difficilement comment on peut parler du droit
des citoyens du Québec à voter. Pour l'instant, il n'y a quant
à moi que des résidents du Québec. Nous n'avons pas encore
de citoyenneté.
M. Maltais: D'accord. Changement de sujet, concernant
l'instauration du financement des tiers partis par l'État, vous incluez,
à la page 5 de votre mémoire, l'instauration d'une grille. En
fait, vous mettez un paquet de conditions qui ont, bien sûr, toutes leur
valeur. Peut-être que ce que d'autres groupes ont dit avant vous
aujourd'hui, c'est: n'est-ce pas là une forme d'ingérence de
l'État à l'intérieur des partis politiques si on tient
compte, par exemple, de tous les critères, des activités des
différentes instances, de la participation aux assemblées, aux
commissions parlementaires, aux élections partielles, en fait tout le
résumé de ce que vous avez dit? Est-ce que vous n'avez pas une
certainte crainte d'un genre d'ingérence que l'État pourrait
faire à l'intérieur de la vie normale d'un parti politique qui
appartient d'abord et avant tout à ses membres et à ses
militants? Si on y met beaucoup de critères, quelle sera, par exemple,
la façon de contrôler de l'État? Si elle met des moyens
trop restrictifs, en fait c'est de l'ingérence à
l'intérieur du parti.
M. Rhéaume: Je comprends très bien vos craintes.
Elles sont tout à fait légitimes. Je ne les partage pas
cependant. Je pense que l'État doit suivre de très près la
vie des partis politiques. Il a trop longtemps négligé de le
faire et cela a amené des abus qui ont conduit à des situations
tout à fait épouvantables. Remarquez que vous seriez les premiers
à dire qu'il n'y a aucune solution parfaite et vous auriez tout à
fait raison. Quand je propose cette grille, j'ai bien sûr en tête
de défendre les intérêts de la formation politique que je
représente, tout en essayant de faire en sorte que ce soient les
critères le plus objectifs possible. Mais je ne crains pas. Je pense au
contraire que nous devons actuellement produire des rapports financiers, mais
l'activité d'un parti politique n'est pas que financière. Je
pense qu'un parti politique qui, par exemple, n'aurait pas tenu de
congrès ou d'assemblée générale depuis dix ans, ne
pourrait servir qu'à permettre à quelques personnes de recevoir
de l'assurance-chômage, par exemple. Je ne veux rien indiquer au
Directeur général des élections, je dis tout simplement
que cela pourrait arriver. Je pense que l'État doit s'intéresser
à la vie interne des partis politiques et voir à ce que les
partis se réunissent, aient des instances, aient des congrès et
participent aux différentes élections. Un parti politique qui ne
participerait à aucune élection partielle, par exemple, quant
à moi, devrait perdre des points parce que le jour du vote, on ne se le
cachera pas... Il y a deux partis qui sont privilégiés dans le
régime dans lequel on est. Ces deux partis sont
privilégiés en grande partie à cause du soutien de
l'État qui est important, la visibilité parlementaire. Les gens
sont élus par la population, bien sûr, mais essayez de vous faire
élire dans un autre parti que celui de l'Opposition officielle ou du
gouvernement et ce ne sera pas facile, cela prendra du temps. Il y a des partis
qui pourraient en témoigner.
Je rejoindrais le chef de l'Union Nationale une autre fois lorsqu'il dit
qu'une partie devrait revenir pour chaque vote reçu. Je trouve cela
extrêmement équitable. C'est tout à fait dans le sens du
libéralisme économique d'ailleurs. Je pense que c'est tout
à fait défendable. En plus de l'argent, et je me permets
d'insister là-dessus, je sais que le mémoire peut sembler
très terre-à-terre. Je suis fortement préoccupé par
les questions d'organisation. C'est très important. Les tiers partis,
cela ne coûterait presque rien à l'État. Fournissez-nous la
documentation gouvernementale, fournissez-nous un certain soutien lorsque nous
venons à l'Assemblée nationale pour que nous puissions faire une
conférence de presse ici à l'intérieur comme
c'était le cas il y a quelques années. Cela a été
changé avant le régime actuel, je tiens à le dire. Les
gens pouvaient venir et on pouvait convoquer la presse, rencontrer, donner nos
impressions. Nous devrions recevoir le budget, nous devrions recevoir les
états financiers, les projets de loi, les rapports des
sociétés d'État. Cela ne coûterait pas une fortune,
mais ce serait très important pour faire nos recherches, préparer
nos mémoires et nos interventions publiques.
Quant à la partie strictement financière, je pense qu'il
est du devoir de l'État, comme il le fait pour tout autre genre
d'entreprises, que ce soit sur le plan économique, sur le plan
commercial, sur le plan industriel, de le faire également pour les
jeunes et les tiers partis. Je suggère
une grille parce que je trouve que le seul critère du
résultat électoral, pour moi c'est une farce, parce qu'on le sait
à l'avance. Cela prend des années et des années. Cela fait
en sorte que pour gagner une élection cela prend de l'argent. Que les
deux partis ici se voient retirer les 650 000 $ ou les 500 000 $ ou que
quelqu'un se présente comme indépendant dans un comté,
vous savez ce que cela veut dire. Nous le savons tous.
Donc, il faut trouver une façon. La grille suggérée
n'est pas parfaite. C'est une suggestion, mais nous la considérons plus
large que le seul critère électoral. À notre avis, il
devrait y avoir des critères de pondération.
M. Maltais: Je pense qu'on se rejoint sur bien des principes,
particulièrement en ce qui concerne l'information, l'augmentation. Je
pense que c'est le devoir de l'État dans l'ensemble d'informer les
partis politiques, qu'on les appelle tiers.
Par contre, parmi ce qu'on appelle les tiers partis, il y a des "tiers
tiers", c'est-à-dire des partis dont le siège social et la
permanence changent assez souvent de place et vous le savez fort bien, M.
Rhéaume. À ce moment, si jamais on incluait un telle chose dans
la loi, à mon avis les partis auraient des responsabilités de
fournir au DGE tous les renseignements pour dire où on devrait envoyer
la documentation, qui est le chef et comment cela fonctionne. Je pense aussi
que les partis politiques auront des devoirs et ont des devoirs envers les
citoyens et envers l'État. À l'heure actuelle, comme moi vous
savez fort bien qu'on a une liste de partis politiques officiellement reconnus.
Vous-même en ignorez certains partis, tout comme moi. Ce n'est pas
facile, mais on doit bien sûr tenir compte dans l'ensemble de la valeur
des gens.
Mon collègue aura tout à l'heure l'occasion de continuer
concernant votre mémoire. Je vous remercie infiniment de vos
réponses. C'était très intéressant. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci M. le député
de Saguenay. M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Dans un premier temps, je voudrais remercier
rapidement le Parti indépendantiste, M. Rhéaume ainsi que votre
collaborateur, pour avoir accepté de présenter votre point de
vue.
Ce qui m'a frappé au départ, et je voudrais que vous
compreniez que pour ce qui est des membres du comité c'est dans cet
esprit qu'on a travaillé. Il en tient aux parlementaires, au ministre
délégué à la Réforme électorale, au
gouvernement et aux citoyens du Québec d'être très
exigeants là-dessus. Vous avez raison de titrer votre mémoire:
"Favoriser les tiers partis: une exigence démocratique." C'est dans cet
esprit qu'on a travaillé à la réforme électorale.
Ce n'est pas parce qu'on vit une situation particulière
momentanée du bipartisme que la démocratie ne doit pas s'exercer
davantage pour avoir des instruments réels, concrets, qui permettent
effectivement l'expression de tiers au sens large du terme sans les cantonner
dans un parti politique proprement dit. La plupart des réflexions qu'on
a entendues étaient dans ce sens. Cependant, c'est comme autre chose, on
n'est pas des extraterrestres et il faut vivre concrètement avec des
réalités. Je l'illustrerai tantôt par un propos concret.
Aussi bien y aller tout de suite puisque quinze minutes, c'est vite
passé. (17 h 30)
Je donne un exemple pour illustrer ce que je veux dire. Ce qui m'a plu
de votre mémoire, c'est que vos recommandations sont succinctes, mais
concrètes et précises. Vous avez des points de vue sur des sujets
précis. J'en viens à ce sujet à la page 4 de votre
mémoire quand vous parlez de votre désaccord concernant le nombre
de signatures de citoyens du Québec avant l'autorisation d'un parti
politique. Je ne m'obstinerai pas cet après-midi pour 5000 ou 4000.
Cependant, quand je divise 125 ciconsriptions électorales par 5000
personnes, cela veut dire 40 citoyens par circonscription. Si je dis quelque
chose là-dessus, c'est que je mets cela en parallèle avec
d'autres exigences.
Quand vous dites à la page 7 qu'il serait intéressant que
les tiers partis aient accès à la salle de conférences de
presse de l'Assemblée nationale, aient un lieu réservé au
parlement, un minimum de services de secrétariat communs, que le chef de
parti reconnu reçoive le Journal des débats, ainsi de
suite, on arrête là, je prétends qu'il y a quelque chose de
logique là-dedans. Si une structure d'État reconnaît des
partis, il est légitime de fournir des instruments d'information pour
que ces partis politiques puissent avoir un minimum d'inflexion du rôle
de l'État ou de l'Exécutif. Mais justement parce que c'est comme
cela, il ne faut pas caricaturer l'accessibilité des partis politiques.
Je ne ferai pas d'illustration, je pourrais en faire, mais cela ne serait pas
tellement drôle, à mon avis, de faire l'hypothèse qu'ici,
à l'Assemblée nationale, d'une façon courante, on vit
avec, je ne sais pas, il y en a 18, et qu'à tout bout de champ, dans une
salle ou l'autre du parlement, il y a possiblement autant de libéraux,
de gens du Parti québécois, du Parti indépendantiste, du
Crédit social uni, désuni, fusionné ou non avec un autre
parti que je ne connais pas. Cela ne me fait rien tout cela, mais à la
condition que, si l'État doit fournir des outils et des instruments, les
fonds publics et les citoyens sachent que ce même État qui donne
des facilités a des exigences de reconnaissance, des exigences pour
s'assurer que ce n'est pas comme cela qu'on devient un parti politique au
Québec parce que là, je ne comprends plus la notion de la
démocratie. Je ne veux pas la définir tout seul, c'est une trop
lourde responsabilité. Il ne m'appartient pas seul de définir ce
qu'on entend par une expression
démocratique. Ce que je veux mettre en lumière et c'est ma
première question, dans votre mémoire, vous avez fait à
quelques reprises ce que j'appellerais des corrélations entre... Par
exemple, le sujet 4, quand on a dit 3000, 4000, 5000 signatures du
Québec pour être reconnu représentant de parti politique,
c'est parce qu'on mettait en parallèle à d'autres endroits dans
la réforme des interventions où l'État serait
obligé de donner plus d'instruments d'expression aux partis politiques
pour que, s'ils ne sont pas en mesure d'infléchir les lois par leur
présence à l'Assemblée nationale, qu'ils le soient au
moins par leur caractère de "sériosité", si vous me
permettez l'expression, même si cela n'existe pas. C'est quoi, votre
point de vue par rapport à ce que je mets en parallèle?
M. Rhéaume: Je suis pris avec le même dilemme que
vous sauf que je propose une solution différente pour le régler.
Il me paraît plus défendable politiquement d'exiger pour qu'un
parti soit reconnu, qu'il présente des candidats, qu'il tienne des
assemblées régulières, qu'il ait des instances
autorisées que d'exiger 5000 signatures. Je ne vous cacherai pas que si
cela avait été le cas en 1968 lorsque j'ai pris ma carte du
Mouvement souveraineté-association, pour avoir eu 5000 signatures... Je
me souviens, nous étions au sous-sol, sur la rue Saint-Denis avec le
député de Laurier de l'époque. Cela a commencé
là. Vous savez, 5000 signatures, c'est quelque chose. Je ne parle pas
pour nous, nous sommes accrédités.
Je voulais simplement signaler qu'il serait extrêmement difficile
pour une nouvelle formation politique de recueillir 5000 signatures parce qu'un
parti, lorsque cela se fonde, à quelques exceptions près... Nous
avons ici un parti qui date d'avant la Confédération, donc les
comparaisons ne tiennent pas... Mais habituellement, depuis le début du
siècle, l'histoire des partis politiques démontre que c'est une
trentaine, une quarantaine ou une centaine de personnes qui se
réunissent, qui ont des affinités et qui décident d'aller
sur le plan politique. Donc, 5000 personnes pour un jeune parti, même
recueillir 600 signatures...
Je connais un autre groupe indépendantiste qui a eu, à un
moment donné, l'intention publique de devenir une formation politique;
et recueillir 600 signatures, c'est l'exigence actuelle. Pour en avoir
rencontré quelques-uns et avoir discuté très amicalement,
même si nous avions des divergences, je sais que ce n'est pas une petite
affaire. Je considérerais plus politique d'exiger, je dirais, des actes
de parti politique pour reconnaître une formation politique. Vous savez,
de deux choses l'une: ou bien la signature se fait de façon
sérieuse, ou bien on prend des rues, puis on va dans les centres
commerciaux et on fart signer. Les gens signent beaucoup de choses. Mais pour
le faire d'une façon sérieuse, je pense que ça demanderait
beaucoup d'énergie.
Je comprends qu'il faut un seuil et qu'il faut faire en sorte que les
groupes soient sérieux. Je préfère des exigences plus
"politiciennes" que "pétitionnaires", si vous voulez.
M. Gendron: D'accord. À la page 7 de votre mémoire,
quand vous avez fait la recommandation que l'État devrait commander
trois fois par année des sondages d'opinions sur la perception des
partis, y compris les tiers partis, je vous avoue que j'ai de la
difficulté à comprendre en quoi il s'agirait d'une
responsabilité d'État d'essayer de connaître l'opinion
publique sur la perception des partis. Supposons que je sois membre d'un
gouvernement et que j'essaie de comprendre le bien-fondé de faire, trois
fois par année, un sondage des 18 partis politiques enregistrés
chez le DGE; que cela me serve dans ma responsabilité de membre d'un
gouvernement, je ne le vois pas. J'aimerais que vous m'éclairiez
davantage là-dessus. Qu'est-ce qui vous motivait à faire cette
suggestion?
M. Rhéaume: D'abord, à ma connaissance, cela s'est
toujours fait; ils n'ont pas été rendus publics, mais cela s'est
toujours fait, je suis prêt à en témoigner. D'autre part,
je pense que l'État - quand je dis l'État, je parle du Directeur
général des élections - devrait, à partir de la
grille que je suggère, qui pourrait être, je le
répète, une tout autre formule, mais parmi les grands partis et
les tiers partis - on parle même du quart monde, alors on pourrait parler
des quarts partis - parmi les tiers partis les plus importants, du moins ayant
une activité politique régulière, le Directeur
général des élections devrait avoir les ressources
nécessaires pour commander des sondages, pour voir comment les partis
sont perçus par la population. Il y en a qui sont commandes par des
partis, par des individus; quelques-uns sont payés par des partis,
d'autres sont payés par l'État. C'est une façon moderne de
mesurer l'opinion. Je le sais, cela se fait régulièrement.
Ce que nous disons, c'est que ce serait une façon de nous aider,
nous, les tiers partis, parce que le seul fait d'être inscrit dans un
sondage est une démarche extrêmement longue. Cela a pris plus de
30 ans au NPD. Le seul fait d'être dans une question lors d'un sondage...
Nous avons eu l'occasion, une fois, d'être dans une question, une seule
fois. De cette façon, je pense que cela ferait en sorte de faire
connaître au moins le pouls de la population; ce ne serait pas toujours
agréable, les résultats, mais il me semble que cela fait partie
de la démocratie, puisque les sondages sont maintenant scientifiquement
acceptables par tout le monde. D'ailleurs, entre le début de
l'élection et le résultat, il n'y a pas 1 % de différence
dans 96 % des cas, donc ce doit être assez valable. Nous disons:
Faisons-en bénéficier tout le monde; trois fois par année,
que l'État rende public le résultat des sondages. Je pense que
tout le monde pourrait en
tirer son profit.
Nous n'avons pas les moyens, nous, de nous commander un sondage de 10
000 $, 20 000 $ ou 25 000 $. Cependant, nous ne sommes pas les seuls et ce
serait utile à tous les partis, d'ailleurs, de voir quelle est la
perception qu'ont les gens, tout cela dans une vision qui tend - et c'est
l'essence du document devant nous - à favoriser l'évolution des
tiers partis. Bien sûr, vous avez des moyens de faire des sondages que
nous n'avons pas et c'est moins utile pour les gros partis que pour les plus
petits.
M. Gendron: À la page 5 de votre mémoire vous avez
indiqué, M. Rhéaume, que vous reviendriez, dans vos
recommandations générales, sur d'autres formes de financement
indirect pour aider les tiers partis dans leur action politique et à
moins que je n'aie pas suivi, je ne retrouve pas ailleurs quelque
recommandation que ce soit concernant le financement des partis politiques.
M. Rhéaume: C'était le Journal des
débats, les documents, un secrétariat minimal. C'était
un financement indirect. On a évalué cela rapidement à 15
000 $ ou 20 000 $ que cela pourrait représenter comme frais. C'est un
financement indirect. C'est dans ce sens-là que j'avais
exprimé...
M. Gendron: Si c'est cela, vous êtes modeste comme
exigence, parce que je comprenais que de l'information gouvernementale, bien
sûr si c'est intéressant que vous l'ayez, cela ne donne pas
beaucoup d'argent pour financer vos activités; et comme on a
parlé avec tous les autres groupes sur les diverses façons
d'aider le financement des partis politiques, est-ce que vous avez une opinion
à nous soumettre sur un financement direct? Quel est votre point de vue
par rapport à cela?
M. Rhéaume: Oui, c'est la grille dont je vous ai
parlé tout à l'heure, c'est-à-dire que nous
suggérons que les partis politiques qui répondent à la
grille proposée se voient partager non pas également, mais
équitablement, la somme que l'État décide d'allouer aux
formations politiques. Oui, nous voulons...
M. Gendron: C'est l'ensemble des critères qu'il y avait
à la page 5?
M. Rhéaume: Oui. Nous avons dit, entre autres, la
représentation à l'Assemblée nationale, les
résultats électoraux...
M. Gendron: Le nombre d'électeurs.
M. Rhéaume: ...le nombre de candidatures, le nombre de
votes reçus, le nombre de souscripteurs. Cela a peut-être l'air
insignifiant, mais c'est important: l'appui populaire était un des
objectifs du comité auquel vous avez participé; d'ailleurs,
c'était de mesurer l'appui populaire. Les contributions à un
parti politique, c'est une forme d'appui populaire.
J'en profite pour vous dire spontanément, comme cela, que nous
sommes opposés au fait qu'une même personne puisse donner 3000 $
à l'un et à l'autre parti. Je trouverais cela
épouvantable. C'est tout ce que j'ai à dire:
épouvantable.
M. Gendron: Mais pourriez-vous, puisque vous le touchez, dire
deux phrases de plus? On n'a pas trop bien saisi. Est-ce que vous voulez dire
que vous seriez opposé à ce que...
M. Rhéaume: Écoutez, ce serait... pardon.
M. Gendron: Je pose ma question. Actuellement, le plafond est
à 3000 $ pour un électeur. D'accord?
M. Rhéaume: Oui.
M. Gendron: L'électeur ne peut pas donner plus de 3000 $
au total des partis politiques existants. C'est la loi actuelle. Vous dites que
vous seriez opposé au fait que le plafond soit maintenu, mais
autorisé à chacune des formations politiques pour lesquelles il
voudrait souscrire. Est-ce cela que vous dites?
M. Rhéaume: Oui, c'est-à-dire que je m'oppose au
fait, parce que je n'avais pas du tout pensé à cela lors de la
rédaction du mémoire, c'est lors de la comparution
précédente que cela m'est venu à l'esprit, qu'on pourrait
contribuer par des sommes allant jusqu'à 3000 $ à plusieurs
partis politiques. Quand j'ai entendu tout à l'heure que 3000 $, cela
n'influence personne, j'aimerais bien voir l'être, que je
considérerais un peu au-dessus de la nature humaine, qui dans un
comté n'est pas influencé par 3000 $. J'ai fait moi-même
une quinzaine de campagnes de financement, au moins pour un parti politique, et
3000 $ venant de quelqu'un, vous savez, ce n'était pas le chef de la rue
qui allait le chercher.
M. Gendron: Un dernier commentaire, compte tenu de l'heure. Je
suis heureux, M. Rhéaume, que vous ayez fait la suggestion, même
si elle n'est pas inscrite, que le DGE publie une fois par année
l'existence des partis politiques pour les citoyens qui voudraient contribuer.
C'est, je pense, un appel qui ne serait pas dispendieux une fois par
année. Par rapport à des principes démocratiques de
financement populaire, je trouve que c'est une très bonne suggestion et
je suis très heureux que vous l'ayez faite. Je vais continuer à
essayer de l'acheminer pour m'assurer qu'elle soit retenue par le ministre. Je
vous remercie. (17 h 45)
M. Rhéaume: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
Je vais maintenant reconnaître M. le député
indépendant de Gouin.
M. Rochefort: Oui, M. le Président. Je voudrais revenir
sur un sujet qu'a abordé le député d'Abitibi-Ouest avec
nos invités. Je pense qu'il faut aller un peu plus loin dans la
précision des réflexions, sinon des recommandations, parce qu'il
s'agit, à mes yeux, d'un sujet très important. C'est toute cette
question du resserrement - appelons les choses par leur nom -auquel on en est
arrivés au comité technique, quant à l'autorisation des
formations politiques, et en même temps, cette volonté nette qui
m'anime et qui anime, je pense, un bon nombre de membres de la commission et un
bon nombre de groupes extérieurs quant à cette ouverture
absolument essentielle à l'éclatement du bipartisme dans notre
société.
J'avoue que je reste beaucoup sur mon appétit à la lecture
du mémoire que vous nous présentez et un peu à la suite du
dialogue que vous avez eu avec le député d'Abitibi-Ouest. Il faut
peut-être revoir la philosophie qui nous a animés de resserrer les
critères quant à l'autorisation des formations politiques, mais
il faut comprendre que déjà, si on a pensé qu'il fallait
faire cela, c'est parce qu'on considérait qu'il y avait effectivement eu
une trop grande facilité à la reconnaissance de formations
politiques, avec les abus qu'on connaît tous que cela a produits et qui,
non seulement ont des effets directs sur le processus démocratique, mais
ont des coûts très importants pour la société.
Dans le mémoire que vous nous présentez, vous nous
demandez d'aller très loin - pas trop, très loin - dans la
contribution, la participation, le soutien de l'État à la
création et à la vie des formations politiques. Je vous
répète que je ne suis pas du tout antipathique à cela. Au
contraire, je suis assez porté à dire oui et qu'il faut y aller,
si c'est ce qu'il faut pour faire éclater le bipartisme et permettre que
toutes les tendances dans notre société soient
représentées dans le processus électoral et à
l'Assemblée nationale.
En contrepartie, comme je vous le dis, déjà avant les
demandes que vous nous faisiez, nous avons senti la nécessité de
resserrer. Vous comprendrez qu'avec les demandes que vous faites, et je le
répète, que je trouve fort légitimes d'ajouter au soutien
de l'État, je ne vois pas comment on peut concilier cela sans resserrer
en même temps les conditions pour se constituer en formation politique,
compte tenu des abus qu'on a connus. Vous savez, on a déjà vu un
parti qui a été littéralement créé sur le
coin d'une table, mais que le Directeur général des
élections n'avait pas le choix de considérer parce qu'il
respectait les prescriptions de la loi, qui a présenté des
candidats dans au-delà de 100 circonscriptions électorales, qui a
participé à la campagne électorale avec un bon nombre de
droits; évidemment on sait très bien que c'était un feu de
paille, cette affaire-là, et on ne sait pas trop ce que c'était,
par ailleurs. Mais il faut donc trouver un moyen de baliser.
Imaginez-vous si, en plus, on avait eu à fournir à ce
groupe - puis il en existe encore, des groupes plus ou moins sérieux
dans le lot - si on avait à lui fournir tous les services que vous
proposez, tout le soutien financier que vous suggérez. Je pense qu'en ce
qui concerne la saine gestion des fonds publics elle-même, ce ne serait
pas responsable.
Vous nous dites: Plutôt que d'y aller par des signatures et des
processus de cette nature, on pourrait peut-être regarder le vécu
réel du parti politique. Je vous dis - puis moi, j'ai une
réticence fondamentale - que je considère que là, on
commencerait à s'ingérer dans le fonctionnement interne des
formations politiques. Moi, je n'ai pas à juger, comme parlementaire, et
je ne pense pas que le Directeur général des élections,
malgré les modifications qu'on apporterait à la loi, soit la
personne qui puisse porter le jugement, à savoir si chez vous, c'est
rationnel, correct et respectueux des critères de la loi, qu'il y ait eu
deux assemblées générales alors qu'au Parti libéral
il n'y a eu qu'un congrès par deux ans, mais deux colloques des
jeunes.
Qui va décider ce que sont les activités sérieuses
d'une formation politique? Est-ce qu'on va tous avoir un modèle minimal
d'activités à respecter pour recevoir un soutien de
l'État? Je ne le pense pas. Je vous le dis, je reste vraiment sur mon
appétit. Je dis: il faut creuser cela, il faut trouver autre chose qui
permette d'atteindre l'objectif d'ouverture par le moyen d'un meilleur soutien
de l'État, mais qui permette aussi de mettre un peu plus de
sérieux dans certains cas et, donc, de resserrer; mais pas par le biais,
quant à moi, de ce que j'apparenterais trop à une forme
d'ingérence de l'État dans la vie interne des formations
politiques.
M. Rhéaume: Moi, je répète que je ne suis
pas contre. Je n'emploierai pas le terme ingérence, mais je dirais
non-indifférence. Mais, je ne suis pas contre le fait que l'État
suive de très près la vie des partis politiques. Je comprends
tout à fait votre appréhension et je la partage sur l'essentiel.
Mais, je me dis: 5000 signatures, cela peut ne pas être plus
sérieux.
M. Rochefort: Oublions les 5000 signatures. Y a-t-il moyen de
trouver des moyens additionnels qui ne sont pas les 5000 signatures? Votre
programme à 10 pages, 12 pages ou 24 pages a-t-il été
voté en congrès, en assemblée générale, par
la poste, par des délégués ou je ne sais pas quoi? Y
a-t-il quelque chose entre les deux? Je ne vous demande pas
nécessairement d'apporter la réponse aujourd'hui, mais d'ici
à la rédaction finale du projet de loi, il va falloir en arriver
à des mécanismes très précis, si on veut
progrès-
ser, atteindre en partie l'objectif d'ouverture, mais en même
temps d'une plus grande rigueur quant aux critères à observer
pour constituer une formation politique.
M. Rhéaume: Remarquez que c'est la question qu'on s'est
posée avant de proposer cela et on s'est dit: Qu'est-ce qui fait qu'un
parti politique est un parti politique? Faisons en sorte que la réponse
à cette question soit la base des critères.
M. Rochefort: J'avoue que, si on faisait une réunion de
tous ceux qu'on considère comme sérieux dans la liste des partis
autorisés, je suis profondément convaincu qu'on aurait droit
à une panoplie drôlement diversifiée et très large
d'activités politiques qui existent dans ces formations, à un
point tel que je ne voudrais pas être celui qui a à décider
si ce sont, en soi, des activités normales, acceptables de formation
politique au sens des critères qu'on se donnerait.
M. Rhéaume: En tout cas, la question, bien sûr,
mérite d'être approfondie. Cependant, il nous semble que ces
critères-là nous apparaissent plus politiques que l'accumulation
de signatures. Je vous avoue que si jamais on avait de l'argent, je ne dirais
pas à dépenser, mais un peu à consacrer... Qu'on
vérifie donc depuis les vingt dernières années toutes les
signatures de tous les candidats de tous les partis, de toutes les
circonscriptions, qui ont déposé leur candidature. Ce que je veux
dire, c'est que la signature, ça peut être moins sérieux
que l'autre critère.
M. Rochefort: Oui, mais je vous dirai que si on se sert de la
qualité des règles, y compris des signatures, cela va aussi
s'appliquer aux députés sortants qui vont se reporter
candidats...
M. Rhéaume: Ah, oui! Ah, oui!
M. Rochefort: ...ce qui règle peut-être les
questions auxquelles vous faites allusion. Par ailleurs, cela ne dure pas
longtemps, parce qu'une fois qu'on est rendus à une campagne
électorale, il y a l'appui populaire obtenu. Et de la part des
formations politiques qui font élire des députés, au moins
il y a quelque chose de tangible.
M. Rhéaume: Effectivement.
M. Rochefort: La période transitoire est pour ceux qui ne
font pas élire de députés, au fond, pour qu'ils aillent
chercher des éléments qui permettent quand même... D'autant
plus, je le répète, qu'on irait dans le sens du soutien auquel
vous tenez, avec raison je pense, et que ce soit quand même à
l'intérieur d'un cadre où on peut justifier raisonnablement un
tel soutien.
M. Rhéaume: Le dernier argument que je déposerais
est que le critère que je ne dis pas que vous privilégiez, mais
qui est là dans le document, est un critère qui permet le
sérieux une fois alors que celui que nous proposons permet que le
sérieux puisse s'évaluer plus longtemps. 5000 signatures une
fois, puis reconnues à vie, à condition qu'il y ait un rapport
annuel...
M. Rochefort: Je ne sais pas quel est le point de vue des autres
membres de la commission, mais des autorisations données à vie,
moi, je ne crois pas à ça. D'ailleurs, je vous dirai que si on
modifie les règles - et là, je ne veux faire tomber personne en
bas de sa chaise, ce n'est pas moi le ministre, alors je peux en parler - c'est
clair pour moi que si on modifie les règles d'autorisation des partis
politiques, ce n'est pas vrai que cela ne va s'appliquer qu'aux futures
formations politiques. On va mettre tout le monde sur le même pied. Dans
ce cas, je pense qu'il faut s'assurer que ces règles-là, en soi,
ne viendront pas mettre fin à l'existence de formations politiques qui
doivent exister. Il va falloir trouver un mécanisme, mais...
M. Rhéaume: Est-ce qu'une loi ne peut pas
être...
M. Rochefort: ...ce n'est pas vrai que ceux qui ont passé
avant telle date sont sauvés des eaux puis que quelqu'un qui a une
autorisation l'a pour la vie, dans mon esprit. Au contraire.
M. Rhéaume: Tout en sachant que la loi ne peut pas
être rétroactive.
M. Rochefort: Non, mais... Vous savez qu'on a déjà
eu droit à cela.
M. Rhéaume: Oui, dans un cas.
M. Rochefort: il n'y a pas longtemps d'ailleurs.
M. Rhéaume: Je me souviens bien.
M. Rochefort: Mais, espérons que cela ne reviendra pas.
Non, non, ce n'est pas à cela que je pense.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que ça va, M. le
député de Gouin?
M. Rochefort: Oui.
Le Président (M. Marcil): C'est parce que tantôt on
avait de la difficulté à vous entendre. Le fait que...
M. Rochefort: Ah oui?
Le Président (M. Marcil): Comme vous aviez
un discours très intéressant, on en a manqué
sûrement...
M. Rochefort: M. le Président, la prochaine fois,
interrompez-moi pour...
Le Président (M. Marcil): Sûrement. M. Rochefort:
...n'en rater aucun mot.
Le Président (M. Marcil): Sûrement. En conclusion,
M. le ministre.
M. Gratton: Très brièvement, un commentaire et une
question. Un commentaire qui rejoindra les propos des députés de
Gouin et d'Abitibi-Ouest en ce qui a trait aux services que vous nous
suggérez de donner aux partis politiques. Par exemple, lorsque vous nous
suggérez dans votre troisième recommandation, en page 7, que le
chef des partis reconnus reçoive le Journal des débats,
les projets de loi, les déclarations ministérielles, il me
semble que c'est un minimum. Je vais d'ailleurs écrire au
Président de l'Assemblée nationale - cela relève de lui -
pour lui suggérer qu'il étudie cette possibilité parce
que, en fait, cela n'impliquera pas des coûts exorbitants. Je suis
sûr que dans la majorité des cas, cela pourrait être utile
au processus démocratique. Je vous dis en même temps que je sais
d'avance que dans au moins un cas des 17 partis autorisés
présentement, le tout nous reviendra systématiquement parce que
les deux adresses et les numéros de téléphone qu'on a, le
Directeur général des élections pourra en
témoigner, n'existent tout simplement pas. Donc, il va falloir
s'interroger sur les critères pour en arriver à ce que les partis
politiques autorisés soient vraiment des partis politiques et, ensuite,
pouvoir considérer la question d'une aide financière de
l'État qui serait basée sur d'autres critères que ceux
qu'on a déjà obtenus dans nos travaux, notamment à partir
de certains critères que vous suggérez.
Mais il faudra nécessairement en arriver à éliminer
l'autorisation de partis politiques qui n'en sont pas, sans quoi ce sont les
partis politiques sérieux qui en souffriront. C'est mon commentaire. On
va sûrement s'y pencher. Je pense que vous m'avez convaincu, M.
Rhéaume, que le critère le plus important n'est pas
nécessairement les signatures qu'on obtient. On en a discuté
très longuement et je pense qu'on devra continuer à chercher
d'autres critères que celui-là pour assurer le sérieux des
partis politiques que le Directeur général des élections
doit autoriser.
Ma question porte sur la langue.
M. Rhéaume: Je l'espérais.
M. Gratton: Je ne voudrais surtout pas vous priver de l'occasion
de nous dire ce que vous pensez. Vous nous avez indiqué, et cela a
été clair au moment de l'élection partielle dans Anjou,
que vous souhaitiez que les documents électoraux... Reprenons votre
recommandation. Je vais d'abord la retrouver: "Faire de la langue officielle la
langue de la vie électorale et celle des partis politiques." Ma question
a trait à la différenciation qu'il faut faire des documents, la
nature des documents. Est-ce que vous considérez que les documents
unilingues français et ceux qui pourraient être bilingues doivent
être différents selon la clientèle à qui ils
s'adressent? Par exemple, vous nous avez parlé des rapports des partis.
On pourrait convenir, et c'est un sujet qui n'a pas encore été
abordé par le comité, je tiens à le souligner, mais qui
devra nécessairement l'être par la commission parlementaire. Donc,
on pourrait convenir que les documents d'administration interne avec le
Directeur général des élections, par exemple, pourraient
être unilingues français. Mais pensons au carton de rappel
adressé dans chaque foyer du Québec au moment d'une
élection; considérez-vous, et c'est le point de vue de votre
partie que je sollicite, que cela ne devrait pas être bilingue de
façon, justement, à permettre à tous les électeurs
québécois d'être informés de la même
façon sur les enjeux, sur la nécessité et les droits et
obligations des électeurs?
M. Rhéaume: Ma réponse ne vous surprendra pas, M.
le ministre. Le chapitre I de la Charte de la langue française indique
que le français est la langue officielle du Québec. Les jeunes
libéraux, que je tiens à saluer de façon toute
particulière aujourd'hui, ont démontré en fin de semaine
un intérêt très particulier pour la question linguistique,
et je les en félicite au-delà de toute partisanerie. (18
heures)
Je trouve que c'est extrêmement rafraîchissant et
intéressant d'entendre le point de vue qui a été
avancé. Je peux vous dire que jamais, à mon avis, depuis que la
Charte de la langue française a été adoptée en
1977, un parti politique n'est allé aussi loin dans une instance face au
gouvernement en ce qui concerne la refrancisation des petites entreprises. Je
suis prêt à ce qu'on infirme ce que je dis, mais je suis presque
sûr que c'est la première fois. Donc, je salue l'attachement
à la langue française des jeunes libéraux.
Après avoir donné ce coup de chapeau, M. le ministre, je
vous indique qu'en ce qui me concerne, la carte de rappel devrait être en
français. Je sais cependant, pour l'avoir fait étudier par des
juristes dont c'est la préoccupation majeure, que pour l'instant,
semble-t-il, et je laisse cela à d'autres, je sais que les francophones
peuvent exiger d'avoir une carte de rappel en français seulement.
Ce que je vous dis c'est que si vous faites une carte de rappel
bilingue, soyez sûrs que des partis politiques... en tout cas nous, nous
ferons en sorte que, là où on a des membres, ils
exigent une carte de rappel en français seulement. L'état
actuel du droit face à la Charte de la langue française et les
jugements des tribunaux, tous contrôlés par Ottawa - soit dit en
passant, je vous remercie de me donner l'occasion de le rappeler en voyant le
drapeau d'ailleurs qui est réapparu ces dernières années
-mais tous, en vertu de la loi actuelle il est possible que le directeur
général ait la possibilité d'émettre des cartes de
rappel bilingues mais, à mon avis, les cartes de rappel doivent
être en français. Rhéaume, avec ou sans accent, c'est
facile à comprendre. Parti indépendantiste ou Parti
libéral, en français ou en anglais, je pense qu'il faudrait
être bien bête pour ne pas comprendre.
M. Gratton: Je voudrais bien que ce soit clair. Je comprends de
vos propos que vous ne vous opposez pas à ce que les informations
pertinentes à partir de formulaires qui s'adressent à l'ensemble
des électeurs puissent être publiées et en français
et en anglais, mais ce à quoi vous vous opposez c'est que des
électeurs francophones ne puissent pas obtenir les informations
unilingues françaises, s'ils le désirent.
M. Rhéaume: Non. Si c'est ce que j'ai dit, j'ai
divagué. Si c'est ce que j'ai dit, ce n'est pas ce que je voulais dire.
Ce que je demande, M. le ministre, c'est que la langue officielle soit la
langue de la vie électorale et celle des partis politiques dans tous ses
aspects. Carte de rappel, bulletin de vote, distribution, manuel du greffier,
tous les petits dépliants, déclarations de candidature, à
notre avis tout doit être dans la langue officielle, sinon c'est une
forme de bilinguisme et nous sommes opposés à toute forme de
bilinguisme.
M. Gratton: Donc, pour que ce soit clair, et je ne veux pas vous
faire dire ce que vous n'avez pas dit, loin de là.
M. Rhéaume: Non, non, non.
M. Gratton: Vous opposez-vous à ce que le Directeur
général des élections fournisse aux électeurs qui
ne sont pas francophones les mêmes informations en anglais que celui-ci
fournit aux électeurs francophones en français?
M. Rhéaume: Nous nous y opposons. M. Gratton:
Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. Rhéaume.
J'inviterais immédiatement le Parti j'en arrache à se
présenter.
M. Patrice Fortin, je crois. Vous connaissez les règles du jeu.
Vous présentez votre mémoire. Ensuite, il y aura une
période de questions. Allez-y.
Parti j'en arrache
M. Fortin (Patrice): Je tiens à remercier Mme
Giguère pour l'invitation. Je ne sais pas si c'est elle que je dois
remercier. C'est la première fois que je viens. J'accepte avec plaisir
votre invitation à la commission parlementaire des institutions afin de
vous dire ceci.
Voici en bref mon mémoire. Je me demande si cela vaut vraiment la
peine d'écrire un roman car je me demande si mes écrits seront
pris en considération. C'est pourquoi je résume.
En passant, c'est la première commission à laquelle je
participe. C'est mon premier mémoire. Je ne suis pas très
habitué.
Quand j'ai constaté les résultats des réunions du
comité de travail sur la révision de la Loi électorale -
j'ai pris le sujet 20, Déclaration de candidature - j'ai trouvé
que les membres du comité sur la révision des lois
électorales ont promis: 1) d'exiger un dépôt de 250 $ avec
la déclaration de candidature et d'assujettir le remboursement de ce
dépôt au respect des exigences de la loi, notamment au chapitre
des rapports financiers; 2) de ne plus autoriser le futur candidat à
recueillir lui-même les signatures d'appui à sa candidature; 3)
d'exiger que les mandataires d'un candidat ayant recueilli les signatures
déclarent sous serment devant le directeur du scrutin qu'ils connaissent
les signataires et que ceux-ci sont électeurs et qu'ils ont signé
devant eux; 4) d'exiger que le directeur du scrutin ne reçoive une
déclaration de candidature que si elle est complète et conforme
à sa face même aux exigences de la loi. Je le mets dans le paquet
parce que je ne suis pas d'accord avec les trois autres. Cela n'est pas facile
de présenter un rapport au bureau de scrutin si déjà sur
les trois premiers, je ne suis pas d'accord.
Après cela, je prends le sujet 32, page 8, paragraphe 4 ou tiret
4, troisième proposition. Toujours dans le même ordre
d'idées, j'aimerais ajouter: d'augmenter de 10 à 20 le nombre de
circonscriptions électorales dans lesquelles le parti qui demande une
autorisation doit s'engager à présenter les candidats lors de
toute élection générale subséquente pour obtenir et
conserver son autorisation...
Le sujet 2. Est-ce que je peux continuer? D'augmenter à 5000 le
nombre de signatures d'appui d'électeurs à l'échelle du
Québec qui doit accompagner la demande d'autorisation sans par ailleurs
spécifier que ces signatures doivent provenir d'un nombre quelconque de
circonscriptions. Et à la page 5, paragraphe 2, sujet 32 toujours: Le
dépôt obligatoire; l'augmentation du nombre de candidats et de
signatures d'appui nécessaire pour obtenir une autorisation n'est
peut-être pas suffisante pour assurer que seuls les partis politiques
sérieux soient reconnus, protégeant ainsi la
crédibilité de notre système électoral. Les membres
du comité semblent partager ce jugement et ont en conséquence
adopté le principe de l'introduction d'une nouvelle exigence
d'autorisation, soit l'obligation pour un parti de fournir un
dépôt d'une somme d'argent a déterminer et remboursable
à certaines conditions. Disons que, dès le départ, une
telle hypothèse est pour le moins novatrice, puisque aucun autre exemple
du genre ne nous est fourni par les autres juridictions canadiennes.
J'ai pris connaissance de tout cela. Je viens de lancer un parti et j'ai
trouvé que cela n'était pas facile de lancer un parti. Quand je
prends toutes ces conditions et que je les mets ensemble: le sujet 20,
paragraphes 1, 2, 3, 4, Déclaration de candidature; sujet 32, paragraphe
2, où ce n'est peut-être pas une proposition, on parle de
dépôt, cela va peut-être être discuté à
un moment donné; sujet 32, page 8, paragraphe 3; augmenter de 10
à 20 le nombre de circonscriptions électorales; à la page
9, paragraphe 4: "augmenter à 5000, le nombre de signatures. Je dis que
cela peut sembler novateur, mais si on réunit toutes ces conditions ou
ces propositions pour lancer un parti politique, on est en mesure de se
demander si en démocratie - selon mon expérience récente
à Anjou, il faut se poser la question - les petits et les gros
contribuables qui en arrachent seront encore capables de former un parti
politique avec un bon chef qui saura aller chercher ces signatures et se faire
connaître et apprécier de la population afin de poser sa
candidature.
Pour terminer, selon ma récente expérience à Anjou,
j'adopte un peu des mots gouvernementaux, je me suis rendu compte d'un certain
laxisme législatif. C'est pourquoi j'aimerais apporter de nouvelles
propositions afin d'amener l'électorat à avoir la
stabilité politique. Dans le moment, on essaie de passer des messages,
et c'est un peu difficile. Comme proposition, je ne sais pas si je peux passer
directement aux propositions. La première proposition du Parti j'en
arrache pour amener cette stabilité politique serait que les
résultats d'une élection, soit partielle, soit
générale, soient divulgués uniformément et sans
aucune discrimination. Ce que je veux dire, c'est que les journaux et la
télé seraient obligés de donner tous les résultats
de chacun des partis politiques provinciaux afin de dire quels sont ceux qui
vont chercher ce 1 % et de savoir ce qu'ils ont apporté de nouveau - il
manque un mot - comme opinion et de voir avec quoi ils peuvent en arracher. Si
on ne dit pas les résultats, on ne saura jamais que le parti est
là, on ne saura jamais avec quoi il en arrache.
La deuxième priorité, c'est que le Parti j'en arrache
proposait un seuil minimal d'imposition. Excusez-moi, j'aurais une question
à vous poser: Est-ce que je peux lâcher cela ou si j'y vais tout
de suite avec les propositions - j'ai un petit commentaire à faire - et
on discutera après?
Le Président (M. Marcil): Vous avez 20 minutes
d'exposé, donc faites-le de la façon dont vous voulez,
après les gens vont intervenir.
M. Fortin (Patrice): Je vais rester sur cette question, soit
celle de donner les résultats d'un parti. Voyez-vous, le jeune qui
regarde tout cela se demande si on prépare vraiment la relève;
à un moment donné, cela va prendre de la relève au
Québec et cela va être un peu peut-être nous autres,
peut-être de vos frères ou de vos cousins ou de vos petits-neveux.
J'ai même dans le parti - il avait signé, c'était le fils
du ministre Gobeil - qui disait m'encourager; peut-être que c'est un
futur député. Si on n'écrit pas les résultats, on
ne saura jamais que notre parti est là et peut-être que la
relève ne pourra jamais se préparer. Je pense qu'il faudrait les
écrire. Je pense qu'on doit préparer la relève un peu.
La deuxième proposition que j'aurais - un seuil minimal
d'imposition - que les partis auraient à payer une fois l'an, lors des
rapports financiers des partis politiques provinciaux. Ce seuil minimum
pourrait être entre 10 % et 20 %, et on pourrait créer un fonds
spécial pour régler certains litiges avec les employés de
l'État et les fonctionnaires lors d'arrêts de travail où
l'on pourrait demander une augmentation salariale. Cela pourrait nous
empêcher de nous casser la tête et de régler ces
problèmes plus rapidement. J'ai pris cela car on se souvient de la
grève des transports en commun qui avait duré deux semaines. Je
pense que c'est un peu exagéré pour les personnes qui se servent
du transport en commun pour aller travailler. Il y en a qui me disaient:
Ecoute, c'est mon transport. Ce qui m'a fâché hier, c'est que j'ai
entendu une rumeur selon laquelle c'était un col bleu qui avait
brisé des "chars" à Montréal. Ce n'est peut-être pas
vrai, c'est peut-être vrai, on ne le sait pas. C'était
peut-être un employé qui était mécontent.
Ce que je veux dire aussi, c'est que je me souviens des
ingénieurs d'Hydro-Québec qui avaient fait du saccage. À
ce moment-là, je les avais appelés et j'avais dit:
Écoutez, quand vous brisez quelque chose, c'est nous tous qui payons
pour toute la province. C'est peut-être mieux d'aller manifester. J'ai
dit: Vous êtes dans le même bureau que M. Bourassa, mettez-vous
dans la porte dehors; mais quand vous brisez tout, c'est tout le monde qui
paie. En plus, il y a aussi les fonctionnaires, les employés de
l'État. À un moment donné, ils vont peut-être
arriver et demander les 20 % que M. Parizeau n'avait pas donnés ou qu'il
avait coupés, je ne sais pas trop. J'entends parler de cela, je n'ai
jamais su ce que c'était vraiment. Cela peut arriver, à un moment
donné, qu'il y ait des employés de l'État qui
déclarent quelque chose. Donc, peut-être faire un deuxième
fonds, cela existe peut-être, mais en faire un deuxième, surtout
pour les transports en commun.
J'ai regardé tout le livre. Vraiment, je trouvais que mettre
toutes les choses ensemble
pour lancer un parti - les 5000, les 250 $ de dépôt, ne
plus autoriser le candidat à recueillir lui-même les signatures -
je trouvais que c'était pas mal, parce que je viens d'avoir une
expérience et ce n'est pas facile pour un simple citoyen; cela a pris
quasiment six mois à recueillir 600 noms pour pouvoir venir ici dire
quelque chose. Je veux dire ce qu'il en est de la vente d'alcool. Je dis que je
trouve l'électeur un peu vire-capot, pour ne pas être vulgaire
comme M. Bourassa - excusez, au lieu de dire "capoter", on pourrait dire
vire-capot. Je reproche à l'électeur de ne pas s'impliquer cette
journée-là à regarder toute chose sérieuse que peut
constituer tout règlement et juridiction législative
gouvernementale - cela est un grand mot. C'est pourquoi le Parti j'en arrache
s'oppose à toute vente d'alcool lors d'une élection afin de
garder un certain caractère sérieux à l'électorat.
Là, je dis: Merci beaucoup, le Parti j'en arrache, chef et père
fondateur, parce que j'ai entendu M. Bourassa appeler M. Lévesque le
père fondateur, maintenant qu'il est parti, mais moi je suis encore
vivant et je peux être le père fondateur, si on peut dire.
C'est un peu cela. Je trouve que ce n'est pas facile de lancer un parti.
Quand on met tout cela ensemble, le monde qui va penser que c'est facile, bien
ce n'est pas drôle. Disons que je ne suis pas encore
député, j'ai seulement quelques recommandations. On peut prendre
cela en riant, mais qu'est-ce que vous voulez, je pense que ce n'est pas
drôle, en réalité, les grèves dans les transports en
commun, quand on dit aux jeunes: Vous devriez aller travailler, mais qu'il y a
deux semaines de grève. Ce n'est pas drôle. Tu arrives le matin et
tu ne peux pas te rendre à "ta job". Je pense que c'est une chose quand
même sérieuse, créer peut-être un fonds
spécial; la balance, rendre obligatoires les résultats d'un parti
afin qu'on puisse savoir qu'on existe ou si, un jour, on a un membre qui est
élu, savoir s'il est rentré, j'imagine. Je vous laisse...
Le Président (M. Marcil): il vous reste encore cinq
minutes. Si vous avez d'autres messages à passer, ne vous gênez
pas.
M. Fortin (Patrice): Je pense que c'est pas mal tout. Je veux
dire que c'étaient des choses pas mal sérieuses. J'aurais
d'autres choses à vous dire.
Le Président (M. Marcil): À ce moment-là, je
vais demander à M. le ministre délégué à la
Réforme électorale de vous poser des questions. (18 h 15)
M. Fortin (Patrice): Comme j'avais dit à M. le ministre,
je ne voulais pas qu'il me demande avec quoi on en arrache, parce qu'on
pourrait parler de la langue, du libre-échange, des vols militaires au
Labrador. C'est un peu pour cela que le parti s'est créé. Il y
avait des choses qui n'allaient pas dans la province.
Le Président (M. Marcil): Sauf que maintenant on parle de
la réforme.
M. Fortin (Patrice): Oui, c'est cela. Déjà, en
partant, comme la première proposition de mettre les résultats
obligatoires dans les journaux, c'est pour cela que je vous dis que...
Le Président (M. Marcil): Cela va jusqu'à
maintenant. M. le ministre.
M. Gratton: Oui. M. Fortin, lorsque vous remerciez tantôt
Mme Giguère de vous avoir invité, il serait bon que vous sachiez
que si Mme Giguère, qui est la secrétaire de la commission, vous
a invité, c'est que le comité de parlementaires qui était
constitué de membres du Parti libéral et du Parti
québécois, de même que du député de Gouin,
avaient décidé d'inviter tous les partis politiques reconnus par
le Directeur général des élections. Donc, c'est à
ce titre-là que vous avez été invité et je vous dis
bravo que vous ayez accepté l'invitation de la commission pour venir
donner votre point de vue, parce qu'il y en a d'autres qui n'ont même pas
accusé réception à l'invitation, donc qui ne seront pas
ici.
M. Fortin (Patrice): Bien...
M. Gratton: Attendez, je n'ai pas fini mon commentaire. Je vous
laisserai intervenir après. Vous dites que vous vous demandez si cela
vaut la peine d'être venu nous dire ce que vous pensez de la
révision de la Loi électorale. C'est à vous d'en juger.
Nous sommes là pour vous écouter et nous prenons bonne note des
commentaires et des objections que vous faites.
Je voudrais cependant attirer votre attention sur une chose: à la
deuxième page de votre mémoire, vous soulignez que le
comité de parlementaires a retenu l'idée d'imposer un
dépôt pour l'autorisation d'un parti politique. Or, je voudrais
que vous ayez la chance de relire le document qui fait état du
procès-verbal des réunions du comité, car ce n'est pas le
cas. Au contraire, le comité - et il y avait consensus de nous tous
là-dessus - a décidé de ne pas exiger un
dépôt d'une somme d'argent comme condition d'autorisation d'un
parti politique. Vous avez raison si vous pensez à l'autorisation ou
à la mise en candidature d'un candidat, mais dans le cas de
l'autorisation des partis politiques, on a au contraire décidé de
ne pas exiger de dépôt, en se disant que ce ne serait pas le genre
d'exigence qui pourrait assurer l'atteinte des objectifs qu'on s'est
fixés. Vous étiez présent tantôt quand on a
discuté avec M. Rhéaume et avec les gens de l'Union Nationale de
cet équilibre que l'on veut essayer d'assurer entre le sérieux
des partis politiques que le directeur général autorise à
partir de la Loi électorale et les services que l'on veut pouvoir offrir
aux partis politiques.
Cela dit, je vous remercie d'être venu nous faire part de vos
commentaires. Je comprends que les points que vous avez touchés dans
votre mémoire sont des sujets avec lesquels vous exprimez votre
désaccord avec les conclusions et c'est votre droit le plus strict
d'être venu nous le dire. Quant à moi, je n'ai pas de question
spécifique à poser à M. Fortin. Son point de vue est clair
et je le remercie d'être venu participer à nos travaux.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: il a un commentaire.
Le Président (M. Marcil): Oui, vous avez des
commentaires?
M. Fortin (Patrice): Je ne sais pas si j'avais encore cinq
minutes. Je viens de trouver un petit sujet que j'avais le goût de placer
dans la proposition que je faisais. Est-ce que j'ai le temps? Lorsque je
parlais de mettre un impôt sur les partis politiques, c'est qu'un jour il
faudra probablement en arriver à cela. Je ne sais pas si cela pourrait
être perçu sur les contributions ou sur les 0,25 $ qu'ils ont pour
chaque électeur qui siège à l'Assemblée nationale,
sans être perçu sur les contributions, mais il faudra créer
un fonds spécial pour arrêter que de temps en temps la population
se sente prise en otage, comme pour les transports en commun ou les
ingénieurs d'Hydro-Québec qui saccagent ou les cols bleus. Je ne
sais pas si vous comprenez un peu ce que je veux dire.
Le Président (M. Marcil): Oui. M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Très simplement, je veux remercier M. Fortin
d'être venu nous présenter son point de vue. De toute
évidence, à la lecture du mémoire, il est clair que vous
allez nous faire partager presque l'appellation de votre parti, que vous en
arrachez. Cependant et comme le ministre délégué à
la Réforme électorale l'a mentionné, on a invité
des groupes et des partis politiques reconnus; c'était aussi pour faire
l'illustration que cela doit être pris au sérieux un parti
politique au Québec.
En fait, ce que je retiens de votre mémoire, c'est que vous dites
que ce n'est pas facile de former un parti politique au Québec. Je
souhaite qu'il en soit ainsi en ce qui me concerne, parce qu'il faut quand
même être très sérieux avec les valeurs
démocratiques et l'exercice du droit de vote pour un citoyen. Il faut
que cela ait une résonance significative d'un système. Dans ce
sens, il est clair que la responsabilité des membres d'un gouvernement
et des parlementaires, c'est de s'assurer de baliser les règles afin que
les partis politiques, que l'État décide d'aider par toutes
sortes de moyens, puissent offrir aux citoyens du Québec des
orientations, des positions qui leur permettent de faire des choix.
Je donne simplement un exemple, et c'est ma conclusion. Quand je lis
votre recommandation no 2, à savoir que vous voudriez - j'admettrai que
ce n'est pas facile à comprendre - proposer un seuil minimal
d'imposition, vous ne pouvez pas, si vous m'écoutez comme il faut,
proposer cela et quelques minutes après, dire: Qu'est-ce que
l'État peut faire pour me financer comme parti politique? Je ne sais pas
si vous me suivez. Cela n'a pas de bon sens. Tous les partis politiques sont
venus demander de l'aide de l'État pour s'assurer qu'ils puissent avoir
des outils démocratiques à offrir aux citoyens. Vous dites: On
devrait envisager également de percevoir un impôt de je ne sais
pas quoi sur je ne sais pas quoi, mais cela n'a pas d'importance. Tout ce qu'il
y a comme image, c'est de percevoir de l'argent pour un parti politique qui en
demande. Alors, même si l'objectif est de pallier à des
difficultés par rapport à des situations de conflits ouvriers,
cela n'a rien à voir. Je pense qu'on ne peut pas mêler ces
données-là.
Quoi qu'il en soit, uniquement en conclusion, M. Fortin, je peux vous
dire qu'on était conscients, comme comité, lorsqu'on a
demandé à tous les partis politiques de venir nous exprimer leur
point de vue. C'est ce que vous avez fait, alors que d'autres ont fait le choix
de ne pas le faire. Dans ce sens, on doit vous remercier de cette
participation. C'est certain qu'à la lumière des discussions
qu'on doit poursuivre, on verra s'il y a des points de vue de votre formation
politique en difficulté qui peuvent être repris.
M. Fortin (Patrice): Est-ce que je peux faire un commentaire
là-dessus?
M. Gendron: Oui.
M. Fortin (Patrice): Vous disiez tout à l'heure qu'il y a
des partis qui en demandent. Moi, je ne suis pas le genre de gars qui va aller
quêter. Dans le moment, je ne fais pas le million, et même, ce
n'est pas facile. Comment je dirais bien cela? Nous autres, nous percevons que
les partis qui sont là, il y en a qui en ont, par exemple. Il y a 101
députés libéraux; il me semble qu'il y a une ristourne qui
revient, à la fin de l'année, au parti parce qu'ils ont 0,25 $
par tête, par électeur, si je comprends bien. Sans toucher aux
contributions, peut-être payer un petit montant, parce que, pour la
population, ce n'est vraiment pas drôle quand on voit, par exemple, du
saccage, quand on voit ce qui se passe. On se dit: Ce sont encore nos taxes qui
vont augmenter. Il va falloir qu'à un moment donné, ça
cesse toutes ces affaires-là. Le transport en commun - deux semaines -
cela n'a pas d'allure cette affaire-là. Je sais bien que le parti
était fraîchement au pouvoir. Cela doit
exister, j'imagine, des fonds spéciaux pour que le monde ne se
sente pas poigné de même pendant deux semaines, sans transport. Il
y a des gens qui m'ont demandé: Est-ce que je vais perdre "ma job"?
Est-ce que je vais perdre mon logement? Il me semble que c'est important. Il
faut continuer au moins à travailler.
Le Président (M. Marcil): Cela va. M. Fortin, on vous
remercie beaucoup de vous être prêté à cet
exercice.
En conclusion, je veux simplement vous rappeler que, demain, les travaux
reprendront à 10 heures et nous allons entendre la Curatrice publique,
le Comité de bénéficiaires de l'hôpital
Louis-Hippolyte-Lafontaine, l'Association canadienne pour la santé
mentale, le Comité de bénéficiaires du centre hospitalier
Robert-Giffard, le Regroupement des ressources alternatives en santé
mentale du Québec inc.
Nous ajournons donc nos travaux à demain, 10 heures. Merci
beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 25)