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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Marcil): Bonjour. Je vais déclarer
la séance ouverte, tout en rappelant le mandat de la commission, soit de
procéder à des consultations particulières et de tenir des
auditions publiques afin d'examiner toute proposition de révision de la
Loi électorale sur la base notamment du "Document de réflexion et
de consultation sur la révision de la Loi électorale"
déposé à l'Assemblée nationale le 15 mars 1988 et
du document intitulé "Résultats des travaux du comité de
travail sur la révision de la Loi électorale".
Les remplacements sont les mêmes qu'hier, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Je vais maintenant inviter en
premier la Curatrice publique à se présenter, à prendre
place. Bonjour, Mme Lucienne Robillard. Si vous voulez présenter les
personnes qui vous accompagnent.
La Curatrice publique Mme Lucienne Robillard
Mme Robillard (Lucienne): Oui. La personne que vous voyez
à ma gauche est Me Gisèle Gratton, responsable du Service de
représentation à la Direction de la protection des majeurs,
à mon bureau.
Le Président (M. Marcil): Vous voulez dire à votre
droite?
Mme Robillard: Que vous voyez à ma gauche. Et la personne
que vous voyez à ma droite est Me Marie Boivin, conseillère
juridique au Service de représentation.
Le Président (M. Marcil): Nous vous souhaitons la
bienvenue. Vous avez 20 minutes pour votre exposé qui sera suivi de
questions de part et d'autre. Cela va?
Mme Robillard: Oui, cela va. Le Président (M. Marcil):
Allez-y!
Mme Robillard: M. le Président, mesdames, messieurs, je
tiens, d'abord, à remercier la commission des institutions d'avoir
sollicité mon opinion en regard de la révision de la Loi
électorale et plus spécifiquement de l'exercice du droit de vote
pour les handicapés mentaux.
C'est avec un grand plaisir que je me présente devant vous
aujourd'hui. J'aimerais bien partager toutes les dimensions que soulève
cette question, très importante dans notre société, de
l'exercice du droit de vote.
Ma présentation se fera en deux temps. Premièrement,
j'aimerais faire un rappel du système de curatelle publique actuellement
en vigueur au Québec, en y ajoutant un portrait de la clientèle
qui est actuellement sous la juridiction du Curateur public et, dans un
deuxième temps, vous faire part de ma prise de position en regard de la
question débattue aujourd'hui, à savoir si les personnes sous
curatelle publique devraient ou non avoir le droit de vote.
Dans un premier temps, j'aimerais bien faire un rappel du système
de curatelle publique avec lequel nous vivons depuis 1945, qui a subi
différents changements au cours de toutes ces années et qui,
à l'heure actuelle, se présente ainsi. Je suis curatrice d'office
de toute personne malade mentale qui n'est pas déjà
représentée par un curateur privé et dont
l'incapacité d'administrer des biens a été établie
à la suite d'un examen par un psychiatre.
Quand on regarde les critères d'application de la Loi sur la
curatelle publique, on s'aperçoit que c'est d'abord une personne malade
mentale qui n'est pas déjà représentée, qui n'a pas
déjà un curateur privé et qui est incapable d'administrer
ses biens. Qu'est-ce qui se passe pour cette personne? Quelle est la
conséquence de sa mise sous curatelle? L'exercice de tous ses droits
civils est transféré à un tiers, au Curateur public, et
elle ne peut plus exercer elle-même l'ensemble de ses droits civils. Le
Curateur public autant que le curateur privé devient alors le
représentant de la personne et l'administrateur de ses biens.
Quand on saisit bien les critères actuels d'entrée sous
curatelle publique, on s'aperçoit qu'il n'y a pas de gradation
d'incapacité à l'intérieur du régime actuel. Il n'y
a pas, non plus, de diversification du régime. Quand je parle de
diversification, je fais appel à deux dimensions: la personne et les
biens. On n'a pas un régime de curatelle strictement pour la personne ou
strictement pour ses biens. Les deux sont conjoints dans le système.
Donc, notre régime à l'heure actuelle n'est pas
diversifié; il n'est pas gradué et il n'est pas
diversifié.
En regard de la procédure d'ouverture de curatelle, cette
procédure d'ouverture se fait, comme je le disais, par un certificat
d'incapacité à la suite de l'examen par un psychiatre. Le
psychiatre examine la personne, juge qu'elle est incapable d'administrer ses
biens. Ce certificat est attesté par un directeur des services
profes-
sionnels de l'établissement où la personne est
traitée et la personne devient ipso facto sous curatelle publique. La
même chose pour sortir de curatelle. Pour lever la curatelle publique, il
faudra que le psychiatre réexamine la personne et signe cette fois un
certificat de capacité.
Qu'est-ce qu'on apprend en regardant cette procédure d'ouverture
et de levée de curatelle? On s'aperçoit que c'est un processus
médico-administratif et qu'on n'a prévu aucun mécanisme de
contestation ou d'appel de cette décision qui a été prise
par deux médecins. En plus, le système actuel ne prévoit
aucun mécanisme de révision. Donc, ce certificat
d'incapacité ne sera jamais révisé de façon
obligatoire et statutaire. C'est un système, ai-je besoin de vous le
dire, qui a besoin d'une réforme et qui sera réformé, nous
l'espérons, au cours de la prochaine année.
Entre-temps, quelles sont les personnes qui sont sous curatelle
publique? Quelles sont les personnes qui ont été
référées à ce système? J'aimerais vous faire
part de quelques chiffres et de quelques statistiques pour que nous ayons une
image plus complète de la clientèle à laquelle nous nous
adressons aujourd'hui.
Au 31 décembre 1987, 16 042 personnes étaient sous la
juridiction du Curateur public, alors qu'il y avait 4194 personnes avec un
curateur privé. Donc, au Québec, nous avons, à l'heure
où nous nous parlons, environ 20 000 personnes majeures sous un
système de curatelle privée ou publique, ce qui
représente, si on considère qu'on a 5 000 000 de personnes
adultes au Québec, 0, 4 % de la population. La deuxième chose que
nous remarquons dans notre clientèle, c'est que cette clientèle
est composée non seulement de malades mentaux proprement dits, de
personnes ayant des maladies psychiatriques, mais qu'elle est également
composée de personnes qui ont un handicap intellectuel, donc, de
déficients intellectuels. Elle est également composée de
personnes qui souffrent de maladies organiques ou
dégénératives. (10 h 15)
Alors, on a différentes catégories de clientèle,
bien qu'on ne soit pas capable de la chiffrer de façon exacte. À
l'heure actuelle, l'âge moyen de notre clientèle est de 53 ans.
Où se trouve cette clientèle? Où sont,
présentement, ces 16 000 personnes que je représente? 73 % de
cette clientèle sont hébergés dans les
établissements de santé et de services sociaux et 27 % vivent
dans la communauté ou dans des ressources intermédiaires. Sauf
que, quand je dis que 73 % sont hébergés dans le réseau de
la santé et des services sociaux, ce ne sont pas tous des gens qui sont
dans des établissements à vocation psychiatrique. Nous avons
seulement le tiers des personnes que nous représentons dans des
hôpitaux psychiatriques. Toutes les autres personnes sont dans les autres
catégories d'établissements du réseau de la santé
et des services sociaux. À l'heure actuelle, nos 73 % de personnes
hébergées se retrouvent dans 628 établisse- ments
différents, alors qu'au Québec nous avons environ dix
hôpitaux psychiatriques.
Donc, à partir de cette description de notre système de
curatelle, de cette clientèle avec ses caractéristiques et de
l'endroit où elle se trouve présentement, j'aimerais maintenant
vous faire part de la position que j'aimerais défendre devant vous
concernant l'exercice du droit de vote de ces personnes sous curatelle
publique. C'est mon deuxième point.
Il est clair que la position que nous avons prise se situe dans le
corridor juridique qui est déjà tracé par les chartes
québécoise et canadienne: la charte canadienne, dans son article
3 et la charte québécoise, dans son article 22.
Nous savons tous que le droit de vote est un droit démocratique
de base dans notre société et que ce droit a été
enchâssé, a été reconnu dans notre charte
canadienne. C'est devenu un droit constitutionnel. La charte canadienne
prévoit quand même une limitation de par son article 1, pour
autant que la restriction au droit de vote est basée sur un
critère de rationalité dans une société libre et
démocratique. La question qui se pose à partir de ce moment,
c'est: Est-il raisonnable, dans une société libre et
démocratique telle que la nôtre, de restreindre le droit de vote
aux personnes sous curatelle publique? La question est fort importante. Quand
on dit "aux personnes sous curatelle publique", il ne s'agit pas des malades
mentaux en général, dans notre société, mais de
personnes qui bénéficient d'un système de protection
légale très particulier, la curatelle publique.
C'est la même chose quand on regarde la charte
québécoise dans son article 22, qui garantit aussi le droit de
vote à toute personne qui est légalement habilitée ou
qualifiée. Il faut le lire en conjonction avec l'article 10 qui est
contre toute discrimination basée sur le handicap.
Quand on prend l'éclairage des deux chartes et qu'on regarde
l'article 54 de la Loi électorale actuelle, surtout dans son
quatrième paragraphe qui nous intéresse, on s'aperçoit que
cet article n'a pas encore été porté devant les tribunaux.
On s'aperçoit aussi que, peut-être, cet article ne passerait pas
le test de l'article 1 de la charte canadienne, pas plus qu'il n'y a de
dérogation prévue à la charte
québécoise.
Selon nous, maintenir la restriction au droit de vote des personnes sous
curatelle publique serait sous-entendre que les personnes sous curatelle sont
toutes atteintes du même degré d'incapacité, ce qui n'est
pas la réalité. Ce serait sous-entendre aussi que
l'incapacité d'administrer des biens équivaut à une
incapacité de voter ou de poser un jugement au moyen d'un vote. Nous
pensons qu'il n'y a pas adéquation entre ces deux
incapacités.
Par conséquent, compte tenu de l'état actuel du droit
québécois, compte tenu de la primauté du droit de vote
dans notre société qui a été reconnu par nos
chartes, de la multiplicité
des situations qu'englobe la notion d'incapacité mentale, de
l'inexistence, dans le régime actuel de curatelle publique, de
degrés d'incapacité et vu qu'en maintenant le statu quo certaines
personnes sous curatelle publique seraient pénalisées parce
qu'elles sont en mesure d'exercer leur droit de vote, je favorise la
levée de toute restriction au droit de vote pour les personnes sous
curatelle publique. Cette levée, par ailleurs, devrait être
assortie de mécanismes susceptibles d'assurer l'exercice adéquat
de ce droit de vote pour contrer tout abus ou toute manipulation en la
matière.
Cela dit, cette orientation que je vous propose aujourd'hui est en ligne
directe avec nos régimes actuels de curatelle publique. Nous savons
tous, par ailleurs, qu'un nouveau Code civil a été adopté
et sanctionné en avril 1987, le chapitre 18 maintenant, le projet de loi
20 à l'époque. Si une loi électorale basée sur une
nouvelle règle du Code civil était adoptée, cela pourrait
s'avérer une autre voie intéressante. Pourquoi? Parce que dans
les futurs régimes de protection au Québec, nous allons avoir la
gradation des régimes, nous allons avoir la diversification des
régimes. Il sera possible d'avoir une tutelle aux biens ou une tutelle
à la personne. On va diversifier davantage. Les régimes seront
plus adaptés au besoin de protection de la personne. En plus, il y aura
un système de révision obligatoire de ces régimes de
protection et tout se fera par processus judiciaire.
Quand on regarde les nouveaux régimes, on pourrait supposer que
la restriction à l'exercice du droit de vote pourrait être
seulement pour les personnes inaptes totalement et de façon permanente,
si cette inaptitude a été reconnue judiciairement et qui
auraient, à l'époque, un système de curatelle. Alors, ce
n'est que dans cette lignée que ce pourrait être acceptable de
restreindre le droit de vote à certaines personnes, à certains
citoyens de notre société québécoise.
Je vous remercie de votre attention et je demeure disponible, M. le
Président, avec mes collègues pour répondre à vos
questions.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, madame.
Maintenant, je vais laisser la parole à M. le ministre
délégué à la Réforme électorale.
M. Gratton: M. le Président, je voudrais,
évidemment, remercier Mme Robillard non seulement d'avoir consenti
à venir éclairer les membres de la commission sur sa position
quant au sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire le droit de vote
des handicapés mentaux, mais aussi d'avoir fait un exposé sur son
rôle, sur sa clientèle, qui m'apparait très
éclairant. Je suis ici, à l'Assemblée nationale, depuis
presque seize ans et j'avoue que c'est la première occasion que j'ai de
prendre connaissance de vive voix du rôle de la Curatrice publique, et
cela n'est pas inutile à la bonne compréhension des sujets que
nous sommes appelés à discuter.
Vous nous dites donc que le droit de vote devrait être
accordé, puisqu'il ne l'est pas présentement dans l'état
actuel des choses, à toute personne qui est sous curatelle publique.
Vous nous dites également que, finalement, la façon
éventuelle et permanente de régler cette question du respect des
chartes québécoise et canadienne dans la Loi électorale
serait probablement de se référer au Code civil, lorsqu'il sera
en vigueur, à cette gradation, et peut-être d'interdire seulement
ceux qui répondraient au critère de l'échelon
supérieur d'incapacité. Le problème que nous avons,
évidemment, c'est de savoir ce qu'on fait entre-temps. Vous nous dites:
Bien, entre-temps, les gens sous curatelle publique devraient avoir le droit de
vote. Le problème que cela pose, finalement, en termes pratiques, c'est
que, si on devait abonder dans ce sens, on pourrait se retrouver
éventuellement, une fois le nouveau Code civil en vigueur, à
devoir faire marche arrière et à devoir interdire à
nouveau de voter à certaines personnes qui auraient été,
dans la période intérimaire, habilitées à
voter.
Alors, la question que je me pose, c'est: Dans l'état du droit
actuel, est-ce qu'on peut imaginer des dispositions qui pourraient permettre
d'atteindre le même but que le Code civil, au moment où il sera en
vigueur? Est-ce qu'on peut imaginer la possibilité, pour la Loi
électorale, d'accorder le droit de vote à ceux qui sont, entre
guillemets, "capables" de l'exercer en fonction des dispositions du futur Code
civil? Est-ce qu'il y a une façon, selon vous, de pouvoir en arriver au
même résultat en attendant que le nouveau Code civil entre en
vigueur?
Mme Robillard: Je pense qu'entre-temps, M. Gratton, il n'y a
aucune façon d'arriver aux résultats que le nouveau Code civil va
nous apporter, et je m'explique. C'est que, si on regarde le processus suivi
à l'heure actuelle, les critières d'application, les
mécanismes en place qui sont tous basés sur des lois actuellement
en vigueur, il n'y a vraiment rien qui nous permette d'avoir le détail
du degré d'incapacité des personnes sous curatelle privée
ou publique. Les régimes eux-mêmes, que ce soit la curatelle
publique ou l'interdiction, sont, je dirais, très englobants et ils ne
font pas de nuances. Et je ne vois pas, d'ici à la mise en vigueur du
nouveau Code civil, comment, dans les faits, sur cette stricte question de
l'exercice d'un droit de vote, on pourrait demander à qui que ce soit et
aux professionnels concernés qui examinent les personnes de se
positionner sur chacun des cas de mise sous curatelle, à savoir s'il est
apte à voter ou non, surtout en considérant qu'il y a
déjà 16 000 personnes sous curatelle publique et que le
certificat d'incapacité de ces gens-là n'est même pas
révisé de façon systématique et obligatoire.
Alors, vraiment, je ne vois pas comment ce serait réalisable et
c'est pour cela que je me dis que, dans la phase intermédiaire, dans le
fond, il ne faut pas garder le statu quo parce qu'on pénalise certaines
personnes. On est mieux de lever la restriction complète, quitte
à ce que - je ne sais pas quand on aura notre nouveau code en vigueur -
à ce moment-là, on se repenche sur la restriction pour une
catégorie très précise, alors qu'il aura été
prouvé aussi que ces personnes-là ont une inaptitude totale et
permanente.
Alors, entre-temps, je dis non. Levons toute restriction parce qu'on va
pénaliser certaines personnes.
M. Gratton: Là, je sens que je vais glisser sur un terrain
complètement hors de mon domaine. Je ne suis ni avocat ni juriste, bien
sûr, mais est-ce qu'on peut imaginer la possibilité - et
là, c'est une opinion personnelle que je vous demande - que les articles
du nouveau Code civil qui ont trait à la catégorisation, à
la gradation d'incapacité, puissent entrer en vigueur avant, pour les
fins qui nous préoccupent et d'autres, évidemment,
séparément du reste du Code civil? (10 h 30)
Mme Robillard: Je ne suis pas juriste moi-même, M. Gratton,
mais je peux vous dire que j'ai entendu des gens du ministère de la
Justice qui ont regardé cette possibilité-là et que, de
façon théorique, cette possibilité de mettre on vigueur
à l'avance certains articles du Code civil peut exister, mais qu'elle
semble très complexe parce que non seulement il s'agit du chapitre des
régimes de protection, mais il y a beaucoup de ramifications dans
d'autres chapitres, que ce soit dans le chapitre des droits de la personne ou
dans le chapitre de l'administration du bien d'autrui. Il y a plein de
ramifications, de sorte qu'il semble que ce serait très complexe de
mettre en vigueur à l'avance les régimes de protection. Mais je
ne suis pas, moi non plus, spécialiste pour vous répondre dans le
domaine.
M. Gratton: On pourra toujours poser la question au ministre de
la Justice.
Mme Robillard: Oui.
Mme Boivin (Marie): Je pense que la réponse est
complète.
M. Gratton: Pardon?
Mme Boivin: Je pense que la réponse de
Mme Robillard est tout à fait correcte et "juridique", entre
guillemets, à cet égard. Je pense qu'on aime mieux, quand on
parle de réforme, parler de mise en vigueur de la réforme dans
son ensemble et non d'articles pièce par pièce.
Le Président (M. Marcil): Pourriez-vous vous identifier
lorsque vous parlez? C'est pour les fins du Journal des
débats.
Mme Boivin: D'accord. Je ne parlais pas devant le micro.
M. Gratton: Et surtout enlever le carafon.
Le Président (M. Marcil): Enlevez également le pot
à eau qu'il y a devant vous.
Mme Boivin: Mon nom est Marie Boivin. Le Président (M.
Marcil): Votre valise.
Mme Boivin: Excusez-moi. Mon Dieu, je suis
délinquante.
M. Gratton: Et le carafon.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marcil): Merci.
Mme Boivin: Je disais tout simplement que la réponse de
Mme Robillard est tout à fait correcte et tout à fait
"juridique", entre guillemets, dans la mesure où on
préfère, généralement, quand on parle de
réforme, procéder à une mise en vigueur de la
réforme dans son ensemble et non procéder par pièces
détachées. Je pense que votre réponse était
complète, Mme Robillard.
Le Président (M. Marcil): Merci, madame.
M. Gratton: D'accord. Mme Robillard, l'Office des personnes
handicapées du Québec, qui ne viendra pas en commission, nous a
quand même fait parvenir un mémoire. Il nous recommande, d'ici
l'entrée en vigueur du Code civil, de restreindre la portée de
l'article 54 aux seuls interdits. Dois-je comprendre de la réponse que
vous m'avez donnée tantôt que vous ne souscrivez pas à
cette recommandation, c'est-à-dire qu'on pourrait continuer de priver de
leur droit de vote les personnes interdites?
Mme Robillard: Vous touchez à l'interdiction qui est un
système complètement différent de la curatelle publique.
Cette fois-là, c'est un processus judiciaire comme tel qui a
été enclenché par un membre de la famille: il y a eu un
conseil de famille et il y a eu la décision d'un juge de la Cour
supérieure d'interdire une personne. Quand on regarde l'interdiction,
cela m'apparaît une situation, je dirais, plus complexe qu'il faudrait
regarder dans le détail. À l'heure actuelle, notre vieux Code
civil énonce différentes raisons pour lesquelles une personne
doit être interdite. Pour certaines de ces personnes, on précise
les motifs. Par exemple, on va dire: On peut interdire un ivrogne, un narcomane
ou un prodigue qui dissipe ses biens, qui administre mal ses biens, qui met
sa famille dans des difficultés. C'est une première
catégorie.
L'autre catégorie, c'est plus la catégorie qu'on appelle
d'aliénation mentale dans notre vieux Code civil: démence,
imbécillité, fureur. La preuve se fait à la suite d'un
interrogatoire du protonotaire auprès de la personne et avec le jugement
d'un juge. Quand on regarde l'interdiction de la deuxième
catégorie pour aliénation mentale et qu'on regarde les gens qui
sont actuellement interdits, ils sont semblables par leurs
caractéristiques aux gens qui sont sous curatelle publique. Quand on
regarde ce système-là, on s'aperçoit que c'est un
système qui n'est pas gradué, qui n'est pas diversifié,
non plus, pour lequel il n'y a aucune révision obligatoire. La seule
chose supplémentaire, c'est que c'est un processus judiciaire. Quand un
juge prononce une interdiction, il prononce, de façon globale,
l'interdiction de la personne et elle perd l'exercice de l'ensemble de ses
droits civils. Il ne se prononcera jamais sur un droit en particulier, pour
dire apte ou non à voter. On a sensiblement les mêmes
problèmes. Me Gratton, qui est avec moi, peut compléter.
M. Gratton: Peut-être, Me Gratton, pour-riez-vous nous dire
en même temps ce que vous penseriez de la possibilité d'exiger du
tribunal, dans une requête en interdiction, de statuer sur la
capacité de voter.
Mme Gratton (Gisèle): Évidemment, ce serait une
primeur dans les pouvoirs qu'on pourrait donner à un juge d'arriver
à sectionner certains droits concernant la personne. Je crois que ce que
Mme Robillard a conclu est juste et on doit vivre avec l'état du droit.
On réalise que, pour une même situation de fait, il y a
actuellement deux lois qui s'appliquent et que plus on a de lois, plus la
cohérence est difficile. Je soutiens que l'état actuel du droit,
alors qu'on est lié, évidemment, par certains corridors
juridiques - on peut ne pas être d'accord, c'est une autre chose - ne
permettrait pas à un juge de se prononcer sur tel aspect d'un droit
fondamental. Est-ce qu'il serait souhaitable de suggérer d'arriver
à sectionner à ce point-là les droits de la personne?
J'avoue qu'on n'a peut-être pas fait une réflexion
systématique sur ce sujet, mais j'aurais certaines réserves. Je
crois qu'on continuerait à cataloguer, à marginaliser. Je crois
que la teneur de nos propos est de dire qu'il y a un système qu'on se
permet de critiquer, qu'on veut améliorer et on essaie vraiment que les
gens sous la responsabilité du Curateur public du Québec ne
soient pas pénalisés. Je crois que faire une projection encore en
voulant sectionner ne me paraîtrait pas heureux.
M. Gratton: Je conclus, finalement, de vos représentations
que la seule solution dans la période d'intérim est de lever
l'interdiction. Cela m'amène à vous poser la question quant aux
mécanismes dont vous parliez dans votre présentation pour assurer
le contrôle afin qu'il n'y ait pas de manipulation et d'abus. Est-ce que
vous avez songé en quoi cela pourrait consister? Avez-vous des exemples
concrets de mesures qui pourraient être prévues? Je suis, de
nature, plutôt ouvert et je fais confiance aux gens, mais on sait qu'il y
a eu des abus dans le passé et qu'il y en aura encore probablement. Il
s'agit d'une clientèle qui est peut être plus fragile, plus
susceptible d'être influencée. Quels pourraient être les
mécanismes dont vous avez parlé dans votre
présentation?
Mme Gratton: Gisèle Gratton. À la page 2, au
sixième paragraphe, le texte de la Curatrice publique fait allusion
à des "mécanismes susceptibles d'en assurer l'exercice
adéquat et de contrer toute possibilité d'abus ou de manipulation
en la matière": La Curatrice publique, en faisant ce rappel,
n'était pas spécialement novatrice dans le sens où nous
référions à l'état actuel du droit, même
à la Loi électorale qui, à l'article 224, deuxième
alinéa, rappelle certaines responsabilités, entre autres celle de
veiller à l'accessibilité.
Si on va à l'article 229, alinéa 3, on parle aussi d'une
autre obligation, celle de faciliter l'exercice du droit de vote. Il y a un ou
deux autres articles dans la Loi électorale qui sont dans le même
esprit. Donc, le législateur a quand même prévu, pour les
citoyens devant voter, un support ou de faciliter l'exercice de ce droit de
vote.
Volontairement le terme utilisé dans notre texte est
"mécanisme". On n'a donc pas parié de réglementation ou de
directive. En ce sens, on a quand même analysé la situation en
Ontario, qui est intéressante, bien que récente. Dans le
préambule de certaines mesures, on insiste beaucoup pour dire que les
mesures doivent être plus à titre indicatif. Ces mesures doivent
être assez souples pour s'adapter aux besoins des milieux et surtout - en
Ontario, on insiste beaucoup sur cela, on abonde aussi dans ce sens -
l'exercice du droit de vote doit, dans la mesure du possible, se rapprocher de
celui du citoyen régulier. En d'autres termes, il ne faudrait pas
être contradictoire et, si on soutient qu'une catégorie ou que
certaines personnes sous la juridiction du Curateur public sont capables
d'exercer leur droit de vote, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas faciliter
cet exercice. Il ne faudrait pas tomber dans une mesure excessive qui fait
qu'on restreint; donner d'une main et restreindre de l'autre serait pour le
moins contradictoire.
Je crois que, selon les propos de Mme Robillard, on fait une
hypothèse et après les statistiques qu'on vous a données,
c'est facile de projeter, de soutenir et de maintenir que certaines gens sont
pénalisés présentement. Et c'est à ces personnes
à l'intérieur du système actuel que l'on veut redonner le
droit de vote. C'est
sûr que certaines personnes sont sous la juridiction du Curateur
public. Il faudrait arriver à faire des mesures de support telles qu'on
en viendrait à les marginaliser pour qu'elles exercent leur droit de
vote, ce qui serait pour le moins contradictoire. Je crois que
l'expérience de l'Ontario sera sans doute profitable au Québec.
Quand on parle de mécanismes, c'est vraiment des "guide-lines" dans le
sens anglais, dans le sens de titres indicatifs, dans le sens de: Ne faisons
pas semblant qu'il y aura des difficultés d'application, mais n'allons
pas alourdir le système au point de démontrer que cet exercice de
droit est tellement lourd que cela remet en question même le
principe.
M. Gratton: M. le Président, vous me signalez que j'ai
déjà dépassé le temps qui m'était
alloué. Je pourrais vous dire à cet égard, quant à
l'expérience en Ontario, que nous avons, justement, invité le
Directeur général des élections ontarien à venir
rencontrer les gens à la commission, ce qu'il fera mercredi prochain, et
qu'une des principales raisons de cette invitation est, justement, de lui
demander de nous faire profiter de l'expérience vécue en Ontario
où ce mécanisme dont on parle existe.
Mme Robillard: Si vous le permettez, M. Gratton, j'aimerais
ajouter que cette question des mécanismes visant à faciliter
l'exercice du droit de vote m'apparaît primordiale et qu'elle doit
être discutée, d'abord, avec les gens concernés, donc avec
les représentants de nos bénéficiaires et aussi, je
dirais, avec la direction des établissements où se trouvent ces
bénéficiaires, pour voir comment eux qui vivent cela dans le
quotidien pourraient nous suggérer des mécanismes très
précis pour faciliter cet exercice du droit de vote.
M. Gratton: Merci infiniment.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, madame.
M. le député d'Abitibi-Ouest, porte-parole de l'Opposition
officielle.
M. Gendron: Je voudrais remercier très sincèrement
Mme Robillard et ses collaboratrices. Je pense que cela a été dit
et je vais aller rapidement au fond des choses, mais vous avez exprimé
avec énormément de clarté, de précision et, on le
sent, avec une compétence certaine, des données, d'abord, sur ce
qu'est le régime de curatelle publique et, pour la première fois
également, une partie chiffrée pour mesurer un peu plus ce dont
on parle. D'autres intervenants sont venus et c'était difficile d'avoir
des précisions concernant les clientèles éventuellement
couvertes. Il est toujours important, quand on discourt sur un sujet, d'avoir
une bonne évaluation, entre guillemets, des clientèles qu'on
touche, en particulier pour toute la question des handicapés mentaux et
des gens qui sont placés sous curatelle publique.
Votre mémoire est court et clair. Vous touchez la question ou une
des questions majeures d'un régime démocratique lorsqu'on veut
s'assurer que, puisqu'on profite de l'occasion de toucher à une loi
maîtresse d'un État... Je pense que la Loi électorale d'un
État est quand même une loi importante, étant directement
liée aux droits démocratiques des citoyens. J'ai indiqué
à quelques reprises à d'autres intervenants que toute
réflexion doit toujours se faire en voulant maximiser
l'opportunité de l'exercice du droit de vote à tous les citoyens
du Québec. Je pense qu'on a tous, comme parlementaires, cette
volonté. Il est important, cependant, que cela se fasse dans un cadre
où on est certain que cela ne perd pas sa valeur, son sens d'expression;
sinon, on revient au même problème. (10 h 45)
Que vous remettiez en question l'équation établie entre
l'incapacité d'administrer ses biens, ce qui justifie la mise sous
curatelle publique, et celle de voter, je pense que c'était votre devoir
de le faire et c'était votre devoir de nous éclairer
là-dessus parce que, de toute évidence, il n'y a pas
adéquation. Mais il me semble, encore là, qu'après avoir
dit qu'il n'y a pas adéquation, parce qu'il y a toujours des cas
différents des autres, on n'a pas réglé fondamentalement
la sécurité de l'expression démocratique, la
sécurité ou l'intégrité du processus
électoral qu'il faut sauvegarder. J'étais content de voir dans
votre mémoire que vous ajoutiez, tout de suite après avoir dit:
II faut régler cette question, le fait qu'il n'y ait pas
d'adéquation - et, dans ma tête, c'est réglé - il
faut cependant, si on lève toute interdiction ou restriction en regard
du droit de vote, avoir des mécanismes afin d'en assurer l'exercice
adéquat - je trouve très pertinent de mentionner cela - et
d'éviter toute possibilité d'abus ou de manipulation.
Une première question rapide avant d'y aller avec d'autres
perceptions. Dans votre mémoire, vous avez quand même
laissé voir que, selon l'avis de la curatrice qui s'occupe de curatelle
publique, bien sûr, il y a une partie, bien que ce serait très
malaisé de la chiffrer, des personnes sous votre juridiction qui est en
mesure de comprendre clairement les enjeux politiques et électoraux. La
question que je vous pose: Puisque vous distinguez dans votre mémoire
qu'il y en a qui sont capables de le faire et d'autres qui ne sont pas capables
de le faire, pourquoi préférez-vous dans votre recommandation ne
plus tenir compte de cette distinction que vous faisiez dans votre
mémoire?
Mme Robillard: La réalité nous prouve que les
personnes sous curatelle publique ne sont pas toutes atteintes du même
degré d'incapacité. Je pense qu'on l'a dit clairement. Par
ailleurs, il n'y a aucun mécanisme possible à l'heure
actuelle
pour fixer ces critères d'incapacité. On ne voit pas
comment avec nos lois actuelles ce serait possible. À partir de ce
constat, si on maintient le statu quo, cela veut dire qu'une certaine
proportion - pour nous, c'est presque impossible à quantifier - est
sûrement pénalisée. Entre le fait de garder le statu quo et
celui de pénaliser une certaine proportion, on aime autant recommander
la levée complète de la restriction. On a confiance aussi qu'un
certain mécanisme - comment dit-on cela en français? - de
"self-regulation" va se produire. La personne qui est vraiment au dernier
degré d'incapacité ne se présentera pas à l'endroit
du vote, elle ne donnera pas son nom et son adresse, elle ne pourra pas faire
cela. La personne qui va se présenter à l'endroit du vote et qui
a certaines limites, il se pourrait très bien qu'une fois rendue pour
inscrire son vote elle mette trois x au lieu d'un et qu'elle annule
d'elle-même son bulletin de vote. Il y a comme un certain
mécanisme de...
M. Gendron: D'autorégulation naturelle.
Mme Robillard: Merci, d'autorégulation du système
qui est là, qui existe, qu'on ne peut pas nier. À ce
moment-là, où se trouve le risque? On sait qu'on a une
clientèle vulnérable. Qu'il y ait un soutien ou une assistance,
on est pour. Par ailleurs, il ne faut pas que cette assistance soit à un
degré tel qu'on soit avec la personne en train de mettre le x où
on veut qu'elle le mette.
M. Gendron: Cela me va pour cette question, d'autant plus que,
comme je l'avais mentionné tantôt, sans avoir votre expertise dans
le domaine, je pense que vous avez raison de clarifier tout de suite qu'il n'y
a pas d'adéquation entre quelqu'un qui est sous curatelle et sa
capacité de voter. Cela étant réglé et compte tenu
du phénomène d'autorégulation qu'on vient d'évoquer
et selon lequel, dépendamment des degrés, même si on donne
à des personnes le droit de voter, il va y avoir une certaine
élimination de la validité de l'exercice, il reste qu'en ce qui
concerne les principes, on aura permis à un droit démocratique de
s'exercer.
Cependant, ce qui m'a toujours plu dans votre phrase, je vous l'ai dit,
c'est, après des mécanismes pour assurer un exercice
adéquat: "et contrer toute possibilité d'abus ou de
manipulation". À ce sujet, deux questions. Premièrement, vous
avez dit qu'il serait important qu'on consulte les bénéficiaires
et les institutions. J'en suis. Cependant, ma question est la suivante - je
pose la question, donc je n'ai pas à porter un jugement: Est-ce que vous
êtes d'accord pour qu'il y ait, quand même, uniformité du
processus après qu'on aura fait ces consultations pour ne pas avoir des
régimes différents selon les institutions et les
bénéficiaires? C'est la première question.
Deuxièmement, quant au vote par procura- tion éventuelle,
parce que c'est sur la table, est-ce que vous croyez effectivement que ce
serait surtout sur ce plan qu'il y aurait énormément d'abus, de
manipulation? Quel est votre avis sur le vote par procuration, en particulier
pour les clientèles que vous touchez?
Mme Robillard: Première question: Est-ce que je pense
qu'il devrait y avoir uniformité dans les mécanismes? Oui, bien
sûr, bien qu'ils doivent demeurer souples. Comme je vous le disais
tantôt, les personnes sous curatelle ne sont pas seulement dans dix
hôpitaux psychiatriques de la province. Elles sont dans 628
établissements du réseau, donc dans des petits centres d'accueil
comme dans un gros hôpital. Alors, il faudrait tenir compte de cela.
Donc, oui, il y a une certaine uniformité, mais également une
certaine souplesse selon les milieux de vie où sont ces gens.
Deuxième question: Le vote par procuration concernant les
personnes sous curatelle publique. Pour moi, il est très clair que, si
on accordait le vote par procuration aux personnes sous curatelle publique, on
tomberait exactement dans la situation où il pourrait y avoir
énormément d'abus, d'influence et de manipulation. Pour nous, il
n'est absolument pas question de soutenir cela, d'autant plus que, selon les
règles de notre droit actuel, un mandat ne peut pas être
donné par une personne sous curatelle ou interdite.
M. Gendron: Juste une seconde. Le ministre m'a distrait, mais
c'est une bonne distraction par rapport à la conduite de nos travaux et
comme c'est une question importante...
Le Président (M. Marcil): II n'a plus de temps.
M. Gendron: Oui, je le sais, il ne lui reste plus de temps pour
en poser. Mais rapidement, ce que j'ai compris très clairement, c'est
que si jamais le législateur - ce n'est pas nous, en passant -
décidait de permettre le vote par procuration, la question qu'il vous
aurait posée s'il avait du temps, c'est: Est-ce à dire que vous
seriez en désaccord pour l'autoriser pour les personnes
handicapées? Autrement dit, on permet le vote par procuration, mais il
n'en est pas question pour les personnes handicapées. Est-ce que vous
êtes de cet avis-là?
Mme Robillard: À l'heure actuelle - c'est peut-être
cette partie-là de ma phrase que vous avez manquée - selon nos
lois, une personne interdite ou sous curatelle ne peut pas donner un mandat ou
une procuration. Alors, même si vous décidiez que ce serait un
vote par procuration, cela ne s'appliquerait pas aux personnes sous
curatelle.
Le Président (M. Marcil): Cela va, merci beaucoup.
Mme Boivin: Je pourrais ajouter qu'en décidant de la
possibilité pour les handicapés mentaux de voter par procuration,
ce serait les maintenir dans une sorte de marginalité.
M. Gendron: Cela me va, madame, pour des raisons de temps, parce
que, de toute façon, cela règle le problème d'une partie,
mais cela ne règle pas le problème des personnes
âgées en institution et tout cela. Alors, cela ne change pas mon
point de vue sur la question du vote par procuration. Le danger de jouer avec
cela, c'est beaucoup, peu, passionnément, à la folie. Il fait
juste varier. Mais même si on jouait un peu, cela demeurerait toujours un
problème et je suis content de votre réponse pour la
clientèle que vous touchez. C'est seulement une question de variation de
degré ou d'intensité d'abus de confiance éventuelle pour
la partie qui continue à être assujettie à cela dans les
centres d'accueil ou autres.
Une dernière question, toujours pour des raisons de temps. Vous
avez parlé très sommairement de l'Ontario. Je veux juste savoir
si vous considérez que l'expérience ontarienne en matière
de droit de vote des handicapés mentaux rencontre adéquatement
l'exercice de ce droit de vote, mais tout en respectant
l'intégrité du droit de vote.
Autrement dit, en Ontario, les handicapés mentaux ont le droit de
vote. Premièrement, est-ce que vous connaissez les mécanismes? Ce
qui nous intéresserait surtout serait de savoir si vous seriez
éventuellement en mesure de nous aider pour établir la base sur
laquelle devrait s'exercer le droit de vote des handicapés mentaux.
Autrement dit, est-ce que la formule ontarienne vous conviendrait?
Mme Robillard: Bien que nous ne l'ayons pas étudiée
dans le détail, dans ses grands principes, oui, elle nous conviendrait.
Elle semble respecter les droits fondamentaux de la personne. Je ne sais pas si
mes collègues auraient quelque chose à ajouter.
Mme Boivin: Non, pas vraiment. Mme Grattoir Rien à
ajouter.
M. Gendron: Je voudrais vous remercier parce que cela a
été une très bonne contribution pour la conduite de nos
travaux. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député. M. le député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. À mon tour,
je veux non seulement saluer, mais remercier très sincèrement la
Curatrice publique et ses collaboratrices pour l'éclairage important sur
les questions qui nous préoccupent à l'égard de
l'élargissement de l'accessibilité au droit de vote. Cela dit,
compte tenu du temps et du débat qui a déjà eu lieu, je
poserais un certain nombre de questions qui me donneront un peu l'air de
l'avocat du diable, mais vraiment c'est afin de progresser.
Dans un premier temps, j'aimerais que vous nous disiez, tout en
étant conscient que vous n'avez pas évalué personnellement
tous vos dossiers, et c'est normal, compte tenu, justement, de l'expertise qui
existe chez vous, des réflexions que vous avez sûrement
menées dans l'importante contribution que vous avez apportée
à la réforme du Code civil, eu égard aux mandats qui sont
les vôtres, au bout du processus d'application des nouvelles dispositions
du Code civil, avec quel type de clientèle ou de cas on va se retrouver.
Par exemple, sur 20 000 personnes qui sont sous curatelle actuellement, avec
combien de personnes maintenues par un jugement de tribunal comme étant
inaptes à gérer quoi que ce soit pourrait-on se retrouver?
Mme Robillard: M. Rochefort, si vous le permettez, afin de
préciser votre question. Sur les 20 000 qu'il y a actuellement vous
dites: Combien va-t-il en rester dans le futur régime?
M. Rochefort: Une fois le régime en application.
Mme Robillard: C'est de l'ordre de...
M. Rochefort: On parle vraiment d'un ordre de grandeur. On parle
de 10, on parle de 200, de 2000, de la moitié.
Mme Robillard: Donc, nous sommes vraiment dans l'ordre
hypothétique, je tiens à le préciser.
M. Rochefort: Je ne vous rappellerai jamais le chiffre que vous
m'avez donné.
Mme Robillard: Au plan hypothétique, si j'imagine que tous
les cas sous curatelle publique à l'heure actuelle sont
révisés - cela entre en vigueur, on révise les 15 000 cas;
c'est un peu utopique de penser cela, mais il y aura une période
transitoire - combien vont se retrouver dans les nouveaux régimes?
À mon point de vue, je dirais qu'aux alentours de 90 % vont se retrouver
dans les nouveaux régimes, mais dans trois types de régimes. Dans
le conseiller au majeur, qui sera...
M. Rochefort: Décrivez-nous en quelques mots quel genre
d'individu serait quelqu'un qui serait dans ce régime.
Mme Robillard: Cet individu aurait certaines limites, mais ne
pourrait pas exercer tous ses droits seul. De façon très
concrète, un déficient intellectuel en mesure de gérer son
chèque d'aide sociale sans aucun problème, mais qui, demain,
hériterait d'un demi-million et qui ne pourrait
plus le gérer. Il y aurait un conseiller au majeur pour
l'assister. Il ne perdrait pas l'exercice de ses droits, mais il serait
assisté dans certains gestes très précis. Une
catégorie des gens sous curatelle pourrait bénéficier de
ce régime.
M. Rochefort: Pour les fins de notre discussion, je vous dis tout
de suite que, pour moi, cela ne fait aucun problème. Cette personne
devrait donc, en même temps, avoir le droit de vote. Deuxième
catégorie?
Mme Robillard: Deuxième régime dans le nouveau Code
civil, c'est le régime de tutelle. On parle d'une inaptitude temporaire,
premièrement, soit qu'elle s'applique strictement à l'inaptitude
à gérer des biens, soit à l'inaptitude à s'occuper
de sa personne, à prendre soin d'elle-même. Vous pourriez avoir
une personne qui n'est pas capable de gérer tous ses biens, mais qui
serait très capable de décider pour elle, de consentir à
un acte médical, de décider où elle va vivre. Mais, en
même temps, elle ne serait pas capable de gérer tout son
patrimoine. On va lui donner une tutelle strictement dans la sphère de
sa vie où elle a besoin d'être représentée. Donc un
régime de représentation beaucoup plus adapté au besoin
qui est là et qui devrait être temporaire. La définition
même de la tutelle est d'être temporaire. Cela s'applique ou aux
biens ou à la personne. Le "ou" est fondamental.
M. Rochefort: D'accord. Quand vous parlez de temporaire, c'est
que l'état de cette personne, si, par exemple, c'est son état de
santé qui pose problème, médicalement, peut
s'améliorer. (11 heures)
Mme Robillard: Oui, cela pourrait à la suite d'un
accident...
Mme Rochefort: D'accord. Parfait.
Mme Robillard:... ou de quoi que ce soit. Il y a actuellement un
pourcentage de gens sous curatelle publique qui entrerait dans cette
catégorie. D'accord?
Troisième catégorie, c'est l'inaptitude la plus grave,
c'est l'inaptitude totale et permanente non seulement à administrer ses
biens, mais aussi à s'occuper de sa personne. Alors, inaptitude totale
et permanente dans la sphère de l'administration des biens, mais aussi
dans la sphère des décisions pour sa personne. Alors, là,
il est clair, pour moi, qu'on s'adresse à la catégorie qui
comprend, par exemple, si vous voulez des exemples très concrets, le
déficient intellectuel profond, la personne âgée atteinte
de la maladie d'Alzheimer, mais pas en première étape de la
maladie d'Alzheimer, à la quatrième étape de la
maladie...
M. Rochefort: À l'étape de
l'institutionnalisation.
Mme Robillard: À l'étape
d'irréversibilité et i d'atteinte très forte de ses
capacités. C'est ; irréversible.
M. Rochefort: Je vous dis tout de suite que, dans le cas de la
maladie d'Alzheimer...
Mme Robillard: C'est irréversible.
M. Rochefort:... je préfère que vous me parliez
d'aggravation...
Mme Robillard: D'aggravation, excusez-moi.
M. Rochefort:... plutôt que d'irréversibilité
parce que, dès le départ, c'est irréversible en soi.
Mme Robillard: Vous avez raison, c'est une aggravation, mais il y
a des étapes.
M. Rochefort: Oui.
Mme Robillard: Alors, une personne souffrant de la maladie
d'Alzheimer pourrait très bien bénéficier d'un
régime de tutelle pendant un certain temps et, à un moment
donné, de curatelle.
M. Rochefort: Mais, quand cette personne atteint le
troisième régime, le régime de curatelle...
Mme Robillard: Oui.
M. Rochefort:... est-ce qu'à vos yeux elle devrait avoir
le droit de vote?
Mme Robillard: Non, c'est ce que j'ai soutenu dans ma
proposition.
M. Rochefort: C'est cela, mais je voulais qu'on soit très
clair et pour ma compréhension et pour la compréhension de tout
le monde. Donc, par rapport à l'échange de propos qu'on vient
d'avoir, je vous dis que, pour nous permettre de mieux distinguer les cas -
appelons cela comme cela - c'est clair et je me sens très à
l'aise avec la distinction que vous faites d'un cas à l'autre.
La deuxième chose que je veux aborder avec vous et pour laquelle
je ne veux pas nécessairement une réponse, mais que je veux
soumettre à votre réflexion c'est que je suis en total
désaccord avec ce que vous avez dit ou ce que Me Gratton a dit quant
à l'autorégulation. Je vous dirai que, pris à votre bout
de la lorgnette, c'est juste d'affirmer de telles choses. Pris à ce
bout-ci, celui des gens qui font des élections et qui ont vu d'autres
hommes et d'autres femmes au Québec faire des élections, il n'y a
aucun système d'autorégulation en campagne électorale. Il
y a des systèmes de régulation - il y en a un très bien
organisé autour du Directeur général
des élections - mais il n'y en a aucun d'autoré-gulation.
On n'a qu'à voir comment jusqu'à ce jour il y a eu des abus
importants, qui soulèvent, d'ailleurs, des questions de comportement de
société à l'occasion - pas toujours, mais à
l'occasion - dans tout l'encadrement qu'on a donné à l'occasion -
quand je dis "on", je parle des formations politiques - à certaines
personnes âgées dans l'exercice de leur droit de vote. Je vous
dirai que je me pose des questions personnelles importantes à
l'égard du respect de la dignité de ces personnes. C'est dans ce
sens-là que je dis que, si les mécanismes auxquels vous pensez
partent du préalable qu'il y aura autorégulation, on fera
sûrement fausse route.
Par exemple - je répète que je ne me souviens plus si
c'est vous ou Me Gratton - on parlait tantôt de quelqu'un qui est dans
l'un des régimes plus lourds ou dans l'un des degrés
élevés de peu de possession de ses propres moyens; on disait que,
même si on lui donnait le droit de vote, normalement, il ne s'inscrirait
pas et il n'irait pas voter, etc. Il existe, de toute façon, dans nos
lois électorales, des mécanismes qui permettent de venir en aide
à tout électeur, donc à toute personne qui a le droit de
vote; même on peut aller jusqu'à voter avec elle. Notre
passé là-dessus, c'est qu'à partir du moment où des
gens ont un droit de vote reconnu dans la Loi électorale, les appareils
politiques consacrent toutes les énergies imaginables à aider ces
personnes à participer au scrutin, mais avec à l'occasion des
situations et je ne dis pas...
Je ne veux pas avoir un discours englobant. Parfois, c'est très
bien fait, c'est très respectueux de la dignité de la personne et
aussi de ses volontés réelles. Mais, vous savez, il y a un match
électoral et if faut que quelqu'un gagne. Tout le monde veut gagner,
tout le monde croit que cela devrait être lui, le gagnant, c'est normal,
c'est cela, la démocratie. Cela a eu pour effet qu'à l'occasion
il y a eu des abus importants. Je ne veux pas englober tout ce qui s'est fait,
tenir un discours englobant; je ne parle pas d'exceptions à la
marge.
Quand on voit des gens dans des centres d'accueil, dans des
hôpitaux de courte ou de longue durée ou psychiatriques, à
l'occasion participer au scrutin et quand on voit tout ce qui entoure
l'exercice du droit de vote de ces personnes en termes de soutien des appareils
de partis politiques - j'appelle ça du soutien pour les fins de notre
discussion - ce n'est pas, disons donc, ce qu'il y a de plus
élevé comme noblesse du fonctionnement de notre
société.
Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le
député.
M. Rochefort: Donc, je me dis, avec votre permission, M. le
Président, qu'il faudrait faire attention de ne pas ajouter à ce
type de situations qui ne sont pas des situations dont on doit être
très fiers. Dans la réflexion autour de mécanismes, je
pense qu'il faut faire fi de l'autorégulation et tenter de trouver quels
pourraient être les mécanismes de régulation et, donc, de
protection de la personne dont on parle, de sa dignité et de ses
volontés réelles.
Je termine en vous disant, en ce qui me concerne, que j'ai vraiment un
problème par rapport aux propositions que vous nous faites; c'est un
peu, je pense, relié à l'intervention qu'a faite aussi le
ministre à la suite de votre exposé. J'ai de la difficulté
à accorder automatiquement le droit de vote à tout le monde,
étant conscient, à partir de ce que vous nous avez décrit
très correctement, qu'il y aura dans cela des gens qui, une fois le
nouveau régime en application, n'auront pas le droit de vote. Donc, j'ai
de la difficulté à accorder le droit de vote à des gens
qui, de toute façon, ne devraient pas l'avoir et, en plus, à des
gens à qui on expliquera: On vous a fait voter une fois ou deux, mais on
vous annonce que c'est parce que c'était un régime transitoire;
la fin de la transition, pour vous, fait que vous revenez dans l'ancien
régime et que vous reperdez votre droit de vote. Je trouve ça un
peu compliqué. Si jamais, dans vos réflexions ultérieures,
vous avez des réponses additionnelles à ça, ce serait
sûrement utile pour nous. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député. Le temps étant malheureusement
écoulé et vu qu'il y a un deuxième groupe qui doit nous
quitter à midi, nous allons donc vous remercier au nom de cette
commission, Mme Robillard, de même que Me Gratton et Me Boivin, les deux
avocates. Nous vous remercions d'avoir bien voulu accepter notre
invitation.
Mme Robillard: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Cela va. Donc, j'appellerais
immédiatement le Comité de bénéficiaires de
l'hôpital Louis-il. -Lafontaine. Je demanderais aux gens dans la salle de
prendre place à l'avant. Nous souhaitons donc la bienvenue au
Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-il.
-Lafontaine représenté par Mme Denise Huard, présidente,
M. Lucien Landry, M. Daniel Saint-Onge et Mme Josée Frigon. Nous vous
laissons immédiatement la parole, compte tenu que vous nous avez
informés que vous deviez quitter vers midi ou 12 h 5. Allez-y tout de
suite.
Comité de bénéficiaires de
l'hôpital Louis-il. -Lafontaine
Mme Huard (Denise): M. le Président, chers membres de la
commission des institutions, c'est aujourd'hui un énorme plaisir pour
nous d'avoir l'occasion de vous rencontrer pour vous transmettre notre position
concernant l'épineux problème du droit de vote des malades
mentaux
en institution. Nous espérons que le fruit de nos recherches
servira à assurer le plus grand respect des droits des
bénéficiaires.
En tant que présidente du comité de
bénéficiaires, j'aimerais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent, soit M. Lucien Landry, secrétaire-trésorier, M.
Daniel Saint-Onge, étudiant en droit à l'Université de
Montréal; Mlle Josée Frigon, étudiante en biochimie
à l'Université McGill. Je tiens aussi à présenter
les autres membres du comité qui, pour diverses raisons, n'ont pu se
présenter aujourd'hui. Il s'agit de M. Denis Duval,
vice-président, M. Martin Hurtubise, conseiller et M. Roger
Trépa-nier, conseiller.
Dans la présentation du mémoire, M. Landry touchera aux
objectifs du comité. Ensuite, M. Saint-Onge expliquera le contenu de
notre document. Je laisse la parole à M. Lucien Landry, s'il vous
plaît.
M. Landry (Lucien): Alors merci, M. le Président.
Premièrement, nous tenons à souligner ici que nous nous sommes
présentés à trois reprises devant cette commission, soit
à l'occasion de la commission parlementaire sur la politique en
santé mentale; deuxièmement, nous nous sommes
présentés aussi à l'occasion de la commission
parlementaire sur l'étude du projet de loi, que nous appelons, de l'aide
sociale et, pour la troisième fois, nous nous présentons
aujourd'hui devant le comité d'étude de la réforme
électorale.
Je voudrais profiter de l'occasion qui nous est donnée pour vous
présenter brièvement, d'une façon très claire, les
responsabilités et les devoirs du comité de
bénéficiaires qui sont en établissement psychiatrique ou
dans certains autres hôpitaux à travers la province.
Comme vous le savez très bien, la Loi sur les services de
santé et les services sociaux détermine que chaque
établissement doit mettre sur pied un comité de
bénéficiaires. Certains comités s'appellent des
comités des résidents, d'autres des comités de malades et
ont, comme fonction première, de défendre les
intérêts et les droits des bénéficiaires dans
l'établissement, ou de tout autre bénéficiaire qui
reçoit des services de l'établissement parce qu'il arrive,
à certaines occasions, qu'il y a des établissements qui offrent
des services externes aux bénéficiaires. Or, dans notre cas,
à l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, nous pouvons compter
au-delà de 2050 bénéficiaires qui recoivent des services
internes et environ 7000 personnes qui reçoivent des services externes.
Globalement, on représente au-delà de 7000
bénéficiaires qui reçoivent des services de
l'établissement.
Il faut vous dire aussi qu'une des fonctions du comité est
d'assister le bénéficiaire dans sa démarche lorsqu'il a
des revendications quant aux conditions de vie, aux traitements et de
l'accompagner dans ses démarches lorsqu'il y a une plainte. Selon ce qui
est prévu au paragraphe 3, les bénéficiaires peuvent
s'adresser au comité et faire des représentations afin que leurs
conditions de vie, leurs démarches soient assurées.
Et, en troisième lieu, c'est de participer à
l'organisation de loisirs de l'établissement. Prioritairement, au
comité de bénéficiaires, nous avons à
l'intérieur de l'établissement un service des loisirs qui est
organisé par l'établissement. Notre service, à
l'intérieur du comité, est de donner la priorité au
dossier de la défense des droits et aussi d'assurer de meilleures
conditions de vie aux bénéficiaires. (11 h 15)
Quatrième point. Le comité a comme fonction de renseigner
les bénéficiaires sur l'administration, sur ce qui se passe dans
l'établissement. Ce sont des fonctions que le législateur a
prévues dans les articles 118. 1 à 118. 5 sur le rôle et le
fonctionnement du comité de bénéficiaires. Il faut vous
dire aussi que le comité de bénéficiaires doit adopter ses
propres règlements de régie interne afin de prévoir le
fonctionnement et aussi l'élection, les responsabilités de chacun
de ses membres au sein du comité. En troisième lieu, le
comité de bénéficiaires, c'est-à-dire
l'établissement, doit prévoir des normes de financement, ce qui
n'empêche pas le comité de bénéficiaires d'organiser
ses propres normes de financement.
Ce sont, globalement, les responsabilités du comité de
bénéficiaires. À l'intérieur de ces
responsabilités, il est prévu aussi que le comité de
bénéficiaires fasse des représentations pour
défendre les intérêts et les droits. Dans le cadre du
dossier qui nous concerne, celui de la réforme électorale, le
droit de vote fait partie, d'une façon très claire pour nous, de
la démarche, de la défense des droits, c'est-à-dire
permettre aux personnes atteintes de maladie mentale d'exercer leur droit de
vote. Dans ce sens, quand nous avons reçu l'invitation du ministre
Gratton, c'est avec plaisir que nous nous sommes mis immédiatement
à la tâche. Au début de l'été, nous avons
pensé former un comité, afin de nous entourer de personnes. Il
faut vous dire que nous avons pris des initiatives. Nous n'avons pas
retardé indéfiniment notre démarche. On s'est mis à
la tâche pour former un comité ad hoc, pour s'adjoindre des
personnes-ressources. Il faut vous dire que nous avons fait appel à la
Faculté de droit de l'Université de Montréal, à la
Faculté de droit de l'Université du Québec et, aussi,
à des personnes-ressources qui nous aident afin de former un
comité ad hoc sur l'étude du projet de loi, ce que nous appelons
la réforme électorale. On a fait appel aussi à d'autres
personnes-ressources de l'hôpital, du côté médical.
Nous avons fait appel à la Direction des services professionnels,
à des médecins, à des psychiatres. Nous avons aussi fait
appel à des infirmières, à des parents et à des
bénéficiaires afin de consulter et de préparer notre
présentation à cette commission. Cela s'est fait d'une
façon très claire.
Je voudrais profiter de l'occasion qui nous est offerte ici pour que,
parallèlement à la présentation de notre mémoire
à vous, M. le Président, et aux membres de la commission, nous
puissions inviter Pierre Saint-Onge, étudiant en sciences de la
santé, à remettre une copie de notre mémoire que nous
avons adressé au Directeur général des élections.
J'inviterais Pierre à remettre, devant vous, ce mémoire au
Directeur général des élections afin qu'il puisse en
recevoir officiellement copie parce qu'on voulait, nous aussi, le
sensibiliser.
En troisième lieu, je vais donner la parole à M. Daniel
Saint-Onge qui, lui, comme étudiant en droit, nous a permis, avec sa
compétence et son travail, d'apporter un appui au comité. Il faut
vous dire qu'on a obtenu un projet Défi 88. Notre première
tâche avec le groupe d'étudiants a été de nous
pencher sur le dossier du droit de vote des malades mentaux.
Le Président (M. Marcil): M. Saint-Onge.
M. Saint-Onge (Daniel): Pouvoir choisir ceux qui nous gouvernent
représente le droit le plus fondamental dans une société
libre et démocratique. Toutefois, les citoyens canadiens n'ont pas
toujours bénéficié d'une protection juridique
adéquate en ce domaine. Avant l'adoption de la charte canadienne, deux
provinces seulement, dont le Québec, protégeaient le droit de
vote dans leurs législations respectives. L'accès au suffrage,
tant pour les élections provinciales que fédérales, s'est
muni d'une garantie constitutionnelle avec l'enchâssement de la charte
canadienne dans la constitution, en 1982. Les provinces ne pouvant se
soustraire à l'application de l'article 3 qui représente les
droits démocratiques, leur texte législatif se devait
d'être conforme à la pensée et à la lettre de la
charte canadienne. Son article 15. 1 garantit l'égalité de tous
devant la loi, mais aussi le droit à la même protection et aux
mêmes bénéfices de la loi, indépendamment de toute
discrimination dont celle fondée sur les déficiences
mentales.
La Charte des droits et libertés de la personne reconnaît
aussi l'exercice du droit de vote, et assure une protection efficace aux
citoyens à l'égard d'éventuels actes discriminatoires du
gouvernement québécois. De plus, le Canada s'est engagé
à trois reprises à certaines obligations légales dans les
instruments internationaux suivants: le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, la Déclaration universelle des droits de l'homme
ainsi que la Déclaration des droits des déficients mentaux.
Ceux-ci reconnaissent directement ou indirectement le droit de vote à
tout citoyen ainsi qu'un traitement égal devant la loi.
Spécifions que ces engagements internationaux lient aussi les
législatures provinciales.
À la lumière de la jurisprudence et de la doctrine
examinées dans notre mémoire, refuser le droit de vote aux
personnes qui se trouvent en institution psychiatrique revient à les
priver, en raison de leur handicap, d'un bénéfice de la loi.
Même s'il est parfois justifié de refuser ce droit à
certains individus, ce n'est certes pas une raison pour exclure en bloc tout un
groupe. De ce fait, on ne considère pas les bénéficiaires
au même titre que les autres citoyens canadiens. Il n'existe d'ailleurs
aucune base rationnelle à l'existence d'une règle de droit qui
limiterait l'accès au suffrage aux catégories d'individus
énoncées à l'article 54, paragraphe 4, de la Loi
électorale.
C'est pourquoi cet article passerait difficilement le test de
proportionnalité de l'article 1 de la charte canadienne entre les effets
des mesures et l'objectif reconnu comme suffisamment important si la
constitutionnalité de cette disposition était contestée
devant nos tribunaux.
Plusieurs problèmes et lacunes nous ont été
signalés par les différents intervenants consultés. La
confection hâtive et l'informatisation de la liste électorale, les
"oubliés sous curatelle", le manque d'information donnée au
personnel et aux bénéficiaires, les réticences des
recenseurs à se présenter à l'hôpital, le danger des
manipulations politiques, l'emplacement des bureaux de scrutin, la
dépendance des patients face au corps médical, la surcharge de
travail qu'occasionne le déroulement du scrutin pour le personnel
infirmier, l'analphabétisme d'un grand nombre de patients, et j'en
passe.
Si on reconnaît un droit à un individu, mais qu'on ne lui
donne pas les moyens nécessaires pour l'exercer, cela équivaut
à lui nier ce droit. La notion de capacité a aussi
été survolée dans notre document. Tracer une ligne entre
les personnes capables et incapables demeure une entreprise périlleuse
qui est vouée à engendrer des injustices.
Sous sa forme actuelle, l'article 54, paragraphe 4, crée une
catégorie inadéquate de patients inaptes à voter, et ce a
fortiori pour le critère de la curatelle publique. Ce n'est pas parce
qu'une personne est sous curatelle qu'elle n'a pas la logique nécessaire
à l'exercice du droit de vote. Elle peut être sous curatelle pour
de multiples autres raisons. C'est une protection et non un instrument pour lui
enlever des droits.
Même si la réforme de notre Code civil ainsi que celle de
la Loi sur la curatelle publique apportent des modifications importantes, nous
ne croyons pas que ces critères devraient être conservés
dans la Loi électorale. Pour respecter leur condition mentale
particulière et éviter des manipulations indues, une restriction
a minima s'impose quant à une certaine clientèle souffrant de
troubles chroniques.
Nous proposons d'utiliser les directives émises par le DGE de
l'Ontario lors des dernières élections provinciales. Grosso modo,
ce sont les suivantes: Les patients ne souffrant pas de handicap physique
devraient pouvoir se rendre au bureau de scrutin et donner leur nom, leur
adresse, exprimer leur désir de voter, suivre les
indications de l'employé du bureau de scrutin et retourner leur
bulletin de vote au préposé en place.
Si le bulletin est accepté par le patient, mais que celui-ci ne
fait rien de plus avec, on devrait interpréter son geste comme un
désistement. Le bénéficiaire pourrait être
accompagné d'un ami, d'un parent, d'un employé de l'hôpital
ou du bureau de scrutin pour l'aider dans le processus d'exercice s'il - et
seulement "si" - le demande et pour assister à l'exercice du vote. En
tout temps on doit respecter le libre choix du bénéficiaire de
pouvoir exercer ou non son droit de vote.
Le comité demeure fortement opposé à l'instauration
du vote par procuration dans la Loi électorale pour la clientèle
en institution. Le droit de vote essentiellement personnel ne devrait
être exercé que par son détenteur.
Nous croyons, en raison de nos expériences vécues avec les
bénéficiaires, que les risques d'abus dans le cas de procuration
consentie par les individus souffrant d'un handicap mental sont beaucoup plus
considérables que ceux consentis par la population dite normale.
Le comité croit qu'il existe d'autres alternatives valables
à l'exercice du droit qui peuvent donner des résultats
équivalents, sinon supérieurs à ceux obtenus avec le vote
par procuration.
Nous pensons surtout au système de vote par courrier et à
un système de bureau de scrutin mobile. On soulève que le vote
par courrier est plus difficile à contrôler, implique une
procédure complexe pour l'électeur et exige la mise en place d'un
système plus lourd.
Qu'en est-il du vote par procuration? En Ontario, l'électeur qui
désire se prévaloir du vote par procuration doit remplir un
formulaire de demande d'autorisation qui contient le rappel des qualités
requises pour être électeur, le rappel des pénalités
encourues en cas d'abus ou de fraude et, enfin, une déclaration
assermentée de l'électeur nommant un mandataire qui doit
être signée en présence d'un témoin.
Une fois cette demande complétée, l'électeur
mandataire doit, à son tour, présenter le formulaire
complété au directeur du scrutin pour recevoir un certificat de
vote. À cette fin, il doit aussi faire une déclaration
assermentée en présence du directeur du scrutin.
Ne serait-il pas plus simple pour le bénéficiaire de
remplir le bulletin de vote, de le sceller et de le remettre à un
mandataire nommé par l'hôpital chargé de recueillir tous
les bulletins de vote scellés par les bénéficiaires? Nous
ne voyons pas en quoi une telle alternative soulèverait des lourdeurs
administratives trop importantes. Toutefois, le service postal en tant
qu'intervenant extérieur pourrait engendrer une autre dimension du
problème. C'est pourquoi nous proposons l'alternative du mandataire
nommé par l'hôpital.
Bref, pour terminer, les recommandations du comité sont les
suivantes. 1) que l'article 54. 4 de la Loi électorale soit
entièrement abrogé pour reconnaître le droit de vote
à tous les bénéficiaires sans aucune restriction; 2) qu'on
instaure un système de vote par courrier au moyen d'un mandataire
nommé par l'hôpital, ainsi qu'un système de bureaux de
scrutin itinérants; 3) que le personnel de l'hôpital soit
informé et sensibilisé durant toute la période
électorale de façon à respecter les droits des
bénéficiaires; 4) qu'un comité multidisciplinaire
composé d'un psychiatre, d'un ou d'une infirmière, d'un
représentant du comité de bénéficiaires et d'un
représentant du bureau des élections soit mis sur pied pour voir
au respect et à l'application de la Loi électorale; 5) que les
hôpitaux psychiatriques soient désignés zone rurale pour
permettre aux bénéficiaires de s'inscrire jusqu'au jour du
scrutin inclusivement; 6) que l'on suive l'exemple ontarien et que le DGE soit
limité dans sa discrétion d'émettre des directives; 7) que
la confection de la liste électorale soit faite la journée de la
visite des recenseurs; 8) que le président des élections du
comté affecte les ressources humaines et financières
nécessaires pour faciliter l'exercice et la participation des
bénéficiaires à leur droit de vote; 9) que, lors de la
nomination des recenseurs, le comité de bénéficiaires ait
la possibilité d'exécuter cette tâche pour les patients
inscrits à l'hôpital, autant à l'externe qu'à
l'interne; 10) qu'il y ait des communications permanentes avec le bureau des
élections pour corriger les lacunes et voir à l'application de la
Loi électorale; 11) que des directives soient transmises aux
différents partis politiques sur la vulnérabilité et les
dangers de manipulation politique à l'endroit des
bénéficiaires; 12) que les bénéficiaires soient
informés et préparés adéquatement pour
connaître leurs droits et pouvoir voter de façon judicieuse; 13)
qu'une photo des différents candidats et les logos officiels des partis
soient apposés sur les bulletins de vote pour aider les
bénéficiaires analphabètes dans leur choix; 14) que le
comité de bénéficiaires ait un rôle de premier plan
dans toutes les étapes et le déroulement de la période
électorale pour assurer le respect intégral des droits de notre
clientèle défavorisée. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Oui,
monsieur.
M. Landry: M. le Président, si vous le permettez, je
voudrais aussi faire part devant cette commission que, en plus de
présenter notre mémoire devant cette commission,
parallèlement à ceci, dès la semaine prochaine, nous nous
proposons de faire cette même présentation de
notre mémoire devant le comité des privilèges et
élections de la Chambre des communes à Ottawa. Nous pensons aussi
rencontrer, par la suite, le ministre responsable du dossier des
élections au fédéral, M. Don Mazankowski, qui doit nous
recevoir prochainement avec le Directeur général des
élections, M. Hamel, le 26 août. On a travaillé afin
d'adapter notre mémoire à la loi fédérale pour
faire des représentations spécifiques au chapitre de la Loi
électorale fédérale.
En troisième lieu, M. le Président, je voudrais informer
les membres de cette commission que, dès vendredi prochain, nous
entamerons une procédure judiciaire afin d'obtenir un jugement
déclaratoire quant à la procédure judiciaire en vue
d'obtenir le droit de vote aux malades mentaux, si possible, avant les
élections fédérales. On sait très bien
actuellement, entre nous - cela se promène et ce n'est un secret pour
personne - que les élections fédérales auront lieu
très bientôt, et nous estimons et nous croyons en cette
possibilité d'entamer cette procédure pour mettre ce
mécanisme en branle. Ces mesures, pour nous, doivent être
concrètes, ce que nous ne pouvons pas assurer d'une façon
très claire étant donné que le projet de loi C-79 au
feuilleton de la Chambre ne sera pas adopté avant les prochaines
élections; c'est que nous avons envisagé prendre une
procédure judiciaire pour obtenir un jugement déclaratoire pour
le comité de bénéficiaires de l'établissement et
nous avons aussi l'appui des autres comités de
bénéficiaires, celui de Robert-Giffard et d'autres organismes qui
oeuvrent dans le même sens que nous pour la défense des droits.
(11 h 30)
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Nous allons
procéder immédiatement à la période de questions.
Compte tenu qu'il nous reste 30 minutes, je vais prendre la
responsabilité de diviser le temps en trois tiers. Je me fie à
votre autorégulation. Je vais reconnaître Mme la
députée de Groulx.
Mme Bleau: Je tiens d'abord à vous féliciter parce
que votre mémoire est très bien fait, et je pense que vos
recommandations sont claires. Je veux aussi vous souhaiter bonne chance dans
vos démarches avec le fédéral.
J'ai quand même quelques questions à vous poser. Quand vous
parlez des difficultés reliées à la confection des listes
électorales, est-ce que vous avez... Je suis certaine que vous avez
vécu ces difficultés par le passé. Quelles sont les
difficultés que vous avez éprouvées?
M. Landry: À titre d'information, M. le Président,
nous devons vous faire part qu'avec la procédure actuelle, quand il y a
déclenchement d'élections officielles, soit par le
fédéral ou par le provincial, les recenseurs se présentent
à l'établissement; ils sont reçus, d'une part, par la
direction générale et sont par la suite dirigés vers la
direction des services professionnels de l'établissement qui a la
responsabilité des dossiers médicaux et de la liste des
bénéficiaires. Là, on leur transmet la liste des
bénéficiaires qui ont le droit de vote. Alors, du même
coup, cette décision s'applique dans le cadre de la loi actuelle
où les bénéficiaires qui résident en
établissement, qui ne sont pas sous curatelle, ont le droit de vote.
À la dernière élection, en 1985, les recenseurs se sont
présentés à l'établissement et les
représentants du comité de bénéficiaires ont
accompagné les recenseurs et on a confectionné la liste
électorale d'une façon très claire. Cela a
représenté plusieurs problèmes parce que, d'une part, les
recenseurs n'étaient pas habitués dans des établissements
psychiatriques et, d'autre part, n'avaient pas l'information, n'étaient
pas préparés. Dans les unités de soins, à
l'accueil, au personnel, personne n'était informé. Cela s'est
fait d'une façon assez rapide et sans préparation. Les lacunes
sont l'information, la sensibilisation, l'approche et l'accueil qui ont
manqué dans cette démarche.
Mme Bleau: Si vous étiez mieux préparé, cela
pourrait se faire d'une façon...
M. Landry: Plus structurée, mieux organisée parce
que, déjà, pour votre information, actuellement dans
rétablissement, de concert avec la direction de l'établissement,
nous prévoyons mettre sur pied un comité qui va s'occuper du
dossier des élections fédérales, provinciales, municipales
ou scolaires. Il s'agira d'un comité ad hoc formé de
représentants de l'établissement, du comité de
bénéficiaires et des personnes des bureaux des
élections.
Mme Bleau: Quand vous parlez d'une implication directe du
comité de bénéficiaires, est-ce que vous prévoyez
aussi que ce comité pourrait faire lui-même le recensement?
M. Landry: C'est une possibilité qu'on a envisagée.
On a l'intention d'entreprendre des démarches auprès de la
Direction générale des élections, ce qui permettrait d'une
façon très claire... Nous, on connaît
l'établissement, on connaît le personnel, on connaît les
bénéficiaires et ce serait peut-être une solution à
envisager. Mais je sais que, lors de la nomination des recenseurs, c'est
décidé au niveau des différents partis politiques. Je ne
connais pas tellement la procédure, mais je sais qu'on a l'intention de
faire des représentations auprès de notre député,
en l'occurrence M. Claude Trudel, et auprès de notre
député fédéral, M. Gravel, si je ne me trompe pas.
Nous avons l'intention de faire des démarches auprès des
représentants des différents partis politiques et du bureau des
élections.
M. Saint-Onge (Daniel): Pour revenir plus
précisément à votre question concernant la liste
électorale, les deux lacunes qu'on a relevées, c'est que la liste
est confectionnée dès le lende-
main du déclenchement des élections. Il y a un haut taux
de roulement de patients dans les unités d'admission, ce qui fait que la
liste n'est jamais à jour. C'est pour ça qu'on voudrait qu'elle
soit faite la veille de la visite des recenseurs à l'hôpital.
Concernant le problème d'informatisation, l'archiviste... Tous
les patients sous curatelle publique, en cure fermée ou interdits sont
éliminés manu militari. C'est simplement que les recenseurs ne
rencontrent pas chaque bénéficiaire un à un, comme ils le
font pour les autres citoyens canadiens. C'est à ce niveau qu'on trouve
qu'il y a une lacune flagrante. On aimerait que les bénéficiaires
soient traités au même titre que les autres citoyens.
Mme Bleau: Dans le même état d'esprit, pour que vos
bénéficiaires puissent vraiment savoir pour qui voter, est-ce que
vous verriez d'un bon oeil que les différents candidats se
présentent à l'établissement et rencontrent les
bénéficiaires?
M. Saint-Onge (Daniel): Oui, on a justement posé la
question à la direction générale de l'hôpital et on
s'est montrés très favorables à la venue de partis
politiques, mais il faudrait que ce soit dans un cadre très régi.
Par contre, on ne permettrait pas aux différents candidats de se
promener à travers les unités et de donner la main à tous
les bénéficiaires comme ils le veulent. Mais on était
favorables à une réunion dans un auditorium où chaque
parti politique aurait un certain temps, dix ou quinze minutes, pour faire une
présentation de façon, quand même, à donner un
minimum d'information aux bénéficiaires.
M. Landry: Seulement pour ajouter un point là-dessus. On a
prévu inviter des gens sur place. Je pense qu'il faut vous informer
qu'on a vécu deux élections depuis trois ans, c'est-à-dire
deux élections du côté fédéral et provincial,
et à l'intérieur du comité des
bénéficiaires, parce que ce sont les bénéficiaires
qui élisent leur propre comité. Pour votre information, quand il
y a eu l'élection du comité des bénéficiaires, nous
avons fait une assemblée générale à l'auditorium.
Cela ne s'était jamais fait dans l'établissement et on avait
au-delà de 700 personnes qui étaient dans l'auditorium, qui
posaient des questions au comité et qui revendiquaient des demandes au
comité.
On a fait cet exercice d'élection comme tel, avec la composition
du comité. Alors, s'ils sont capables de le faire à
l'intérieur du comité, ils sont très bien capables de
poser des questions aux représentants du côté des partis
politiques. C'est sûr, comme M. Saint-Onge l'a très bien
spécifié, qu'on envisage déjà, à
l'intérieur du comité, de prévoir ces mécanismes
pour inviter des représentants des partis et les candidats du
comté comme tel.
Mme Bleau: Vous vous opposez au vote par procuration - et je
pense que vous avez raison - mais est-ce que c'est seulement pour votre
clientèle, la clientèle des hôpitaux psychiatriques ou si
c'est pour tous les électeurs en général?
M. Landry: Je veux seulement préciser que nous, nous
représentons les bénéficiaires de l'hôpital
Louis-il. -Lafontaine. Nous ne nous prononçons pas pour les
hôpitaux en général parce que, comme vous le savez
très bien, cet après-midi, il y aura les représentants du
comité des bénéficiaires de Giffard qui se sont aussi
penchés sur ce dossier-là. Mais, par contre, en ce qui nous
concerne, nous nous sommes penchés là-dessus et nous nous sommes
prononcés d'une façon très claire sur une certaine mesure
à adopter lors du vote de procuration.
Mais on ne veut pas parler au nom des autres représentants de
comités. Nous avons à peu près le même point de vue,
mais il y a certaines divergences.
Mme Bleau: Pour les analphabètes, vous parliez d'une photo
ou d'un logo, ce qui serait assez coûteux et assez difficile à
mettre en application. Il y a déjà des mécanismes qui
peuvent aider ces gens-là à voter, soit, par exemple, le
représentant du bureau de vote qui peut aller avec lui pour voter.
Est-ce que vous voyez un autre mécanisme que cela?
M. Landry: Nous, on a fait l'exercice lors du bulletin de vote
des membres du comité. Tous les candidats étaient
photographiés avec un petit carré. Le bénéficiaire
qui était analphabète ou qui n'était pas en mesure de lire
le bulletin, par la photo pouvait identifier d'une façon très
claire la personne pour laquelle il désirait manifestement voter, parce
que d'une...
Mme Bleau: Mais l'autre méthode qui consiste à se
faire accompagner par quelqu'un qui sait lire, vous n'êtes pas d'accord
avec cette méthode-là?
M. St-Onge (Daniel): Cela pourrait être une alternative
selon l'hypothèse que la photo et le logo seraient rejetés. Mais
je serais curieux de savoir en quoi, justement, apposer le logo des partis
politiques sur le bulletin de vote entraînerait des frais aussi
grandioses.
Mme Bleau: Je pense qu'on pourrait demander cela au
président des élections après la séance. Je vous
remercie beaucoup. Vous nous avez très bien démontré que
le droit de vote, c'est important. Si on veut continuer à respecter la
démocratie, il va falloir y penser sérieusement. Merci
infiniment.
Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme la
députée de Groulx. Je donne la parole à M. le
député d'Abitibi-Est.
M. Gendron: Le député d'Abitibi-Est doit être
en vacances quelque part. C'est le député d'Abitibi-Ouest.
Une voix: Le comté des ministres.
M. Gendron: Je voudrais sincèrement remercier le
Comité de bénéficiaires de l'hôpital
Louis-Hippolyte-Lafontaine. Pour ceux qui se sont donné la peine de
prendre connaissance de votre mémoire, vous avez un mémoire d'une
importante qualité. On sent que c'est un mémoire
étoffé, articulé, qui a de la profondeur.
Sincèrement, je dois vous remercier. C'est important d'avoir des
groupes comme les vôtres qui parlent de cette question majeure qu'on a
lieu de revoir, concernant toute la question du vote des handicapés ou
des gens ayant des difficultés quelconques, sans les qualifier. Il n'y a
rien de mieux qu'un comité de bénéficiaires qui ait pris
la peine de faire un mémoire pour insister sur toute la
nécessité d'adapter la mécanique électorale aux
réalités de vie des bénéficiaires, et des gens qui
les représentent en institution pour venir nous dire comme ce serait
important d'avoir une mécanique qui respecte leur vécu.
J'ai compris également que vous étiez formellement
opposés au vote par procuration. En ce qui me concerne, vous avez raison
de manifester clairement cette opposition. Vous avez fait ressortir les
difficultés de catégoriser de façon objective les
handicapés mentaux comparativement aux malades chroniques dans
l'intention d'établir leur capacité ou leur incapacité
à voter. Encore là, vous aviez raison de faire ressortir ces deux
éléments. C'est surtout là-dessus qu'on est toujours
devant rien. Ce n'est pas facile d'établir cette distinction.
On aura beau en discuter pendant des heures, on sent qu'il y a une
maturité de situation québécoise pour dire que oui, il
faut offrir sans nuance, sans distinction, un droit libre d'exercice du vote
aux handicapés. On est rendus là. On doit profiter cependant des
travaux de cette commission pour mettre en place un système. Si,
après avoir dit cela, on n'a pas un système qui non seulement
permet l'exercice, mais garantit l'intégrité du système
électoral, on ne sera pas plus avancé.
La première question que je veux vous poser est: Êtes-vous
familiers avec l'expérience ontarienne? Pensez-vous que des
modalités de gestion du droit de vote dans les institutions et pour tout
le personnel dit en difficultés ressemblant à la formule
ontarienne vous conviendraient?
M. Landry: M. le Président, je veux seulement
préciser que nous travaillons en étroite collaboration avec des
représentants du Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale du Québec inc. qui, en somme, ont des
échanges fréquents avec des personnes en
Ontario et qui s'occupent aussi de ce dossier. Nous avons lu certains
documents sur l'expérience des personnes en Ontario ou des
représentants des institutions en Ontario.
Il y a des choses qui doivent s'adapter. Il va de soi que nous, du
côté de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, en
collaboration avec la direction de l'établissement et le comité
des bénéficiaires, devons voir à mettre en application
certains mécanismes adaptés à la réalité
québécoise, à notre milieu de vie et à mettre en
branle certains mécanismes qui ressemblent à l'expérience
ontarienne.
M. Gendron: Deuxième question. C'est un peu dans le sens
de la question de la députée de Groulx. Vous faites état
clairement dans votre mémoire des difficultés liées
à la tenue du recensement au moment où une période
électorale est déclenchée. Vous avez surtout décrit
les difficultés, les lacunes, les problèmes, le manque
d'information, l'accueil, l'approche. La question précise que je voulais
vous poser: Que suggérez-vous concrètement pour remédier
à ces difficultés? (11 h 45)
M. Landry: Je pourrais vous informer à ce moment que nous
travaillons encore au dossier de l'aide sociale. Immédiatement
après nous être présentés devant la commission au
début du mois d'avril, nous avons pris contact et continué les
échanges avec les représentants de cette commission qui
s'occupent du dossier de l'aide sociale. Actuellement, nous sommes devant vous.
On s'attend bien, dans les prochains jours, d'actualiser notre démarche
auprès du ministre responsable de la réforme électorale et
aussi auprès du bureau du Directeur général des
élections pour qu'on puisse mettre en valeur et trouver des solutions
pratiques qui répondent plus à la réalité face aux
besoins que nous éprouvons. On ne peut pas les prévoir, mais il y
a des mécanismes qu'on va étudier et élaborer. S'il y
avait des modifications au projet de loi, on serait en mesure, en concertation
avec les différents intervenants de l'établissement et du
comité, de mettre en branle certaines solutions et de trouver des
solutions aux problèmes pour atteindre l'objectif primordial:
premièrement, respecter les droits et, deuxièmement, faire en
sorte que ces droits soient bien actualisés dans leur vécu
quotidien en établissement.
M. Gendron: J'ai cru entendre tantôt, je pense que c'est
votre collègue de gauche qui l'a mentionné, que vous souhaiteriez
un recensement pour toutes les personnes en institution, quel que soit leur
degré d'handicap ou l'espèce d'épithète qu'on leur
donne sur le plan légal, qu'elles soient des "interdits", des personnes
en cure fermée ou, d'après certains jugements de psychiatres, des
personnes qui n'auraient pas la capacité de voter. Dans la perspective
où les modifications prévues au Code civil maintiendraient ce
régime à trois
paliers de protection prévu et où, de toute façon,
il y aurait quand même le maintien de ce qu'on appelle des interdits au
sens de la loi, peu importent les motifs, et il y aurait également des
jugements de cours qui détermineraient que certains n'en ont pas la
capacité, si cela restait comme cela, quel serait l'avantage
d'être inscrit quand même sur la liste si d'avance on sait que
c'est uniquement fictif puisqu'elles n'auront pas la possibilité
d'exprimer leur droit démocratique de voter?
M. Saint-Onge (Daniel): La limite va se faire où? Comme je
l'ai mentionné, on a rencontré différents psychiatres et
il est très difficile de tracer une ligne entre une personne capable et
une personne incapable. Ce n'est pas facile. Même eux, ils ont certains
paramètres à suivre et ils ont beaucoup de difficulté
à donner une définition d'une personne incapable. Pour vous
donner un exemple concernant les prochaines réformes, on va faire la
distinction entre la curatelle sur les biens et la curatelle sur la personne.
Or, lorsqu'un patient ne voudra pas prendre sa médication, son
psychiatre le mettra sous curatelle pour sa personne parce qu'il ne voudra pas
prendre ses médicaments. Est-ce que cela voudra dire que son refus de
prendre ses médicaments équivaut à un manque de logique
pour exercer son droit de vote d'une façon convenable? Je ne crois
pas.
Il y avait une deuxième partie dans votre question, je ne me
souviens plus ce que c'était exactement.
M. Gendron: La deuxième, elle tombe parce que je vous
comprends par l'explication. Autrement dit, vous maintenez ce qu'on savait de
par votre mémoire, à savoir que c'est difficile. Vous dites: Dans
le fond, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait davantage de garanties indiquant
que le droit de vote est plus universel, indépendamment des jugements
qui pourraient être rendus par un juge. Même si on prévoit
de revoir le Code civil, ce qui ferait que, normalement, les trois
régimes de protection devraient clarifier et stabiliser cette question,
ce que je comprends, c'est que la nuance demeurera toujours subtile et, tout
compte fait, vous préférez le droit de vote universel. C'est pour
ce faire que lorsqu'il y a un recensement, qu'ils soient interdits ou
incapables, vous voulez les voir quand même sur la liste
électorale.
M. Saint-Onge (Daniel): Oui. Une remarque de Mme Robillard m'a
beaucoup plu lors de sa présentation. Elle a mentionné que les
patients chroniques, vraiment ceux qui ont des troubles très profonds,
ceux qui, il est évident, ne peuvent pas voter, ne se déplaceront
pas la journée du scrutin pour aller au bureau et pour dire: Oui, je
vais exercer mon droit de vote. Ils ne respecteront pas les formalités,
justement à l'exercice, comme on l'a proposé dans notre
mémoire.
M. Gendron: Est-il exact que vous avez très bien
établi dans votre mémoire que vous préfériez la
formule du vote itinérant qui serait préférable, selon
vous, au vote par procuration et qui risquerait de moins subir d'influences
indues?
M. Saint-Onge (Daniel): Assurément, oui. Il y a
énormément de patients, comme notre présidente, Mme Huard,
qui ont également un handicap physique, qui ont des difficultés
à se déplacer. On pense que ce serait une alternative valable de
permettre une boîte de scrutin ambulante qui pourrait se promener dans
les unités pour cueillir les bulletins de vote. Je ne sais pas au juste
à quel niveau vous avez accepté nos recommandations face aux
mandataires nommés par l'hôpital. On jugeait que c'était
une solution valable qui demanderait justement des...
M. Gendron: Une annotation très courte: Est-ce que, dans
le même sens, dans la perspective où effectivement la boîte
serait itinérante, il ne faudrait pas à tout le moins s'assurer
que c'est à la demande du bénéficiaire? On n'instaure pas
le principe...
M. Saint-Onge (Daniel): Oui, exactement.
M. Gendron:... sauf si les bénéficiaires en ont
fait la demande formellement. Est-ce bien cela que vous avez
mentionné?
M. Saint-Onge (Daniel): Oui, exactement.
M. Gendron: Encore une fois, je vous remercie infiniment. Pour
des raisons de temps, je dois conclure.
Le Président (M. Kehoe): M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Oui, merci, M. le Président. J'ai une seule
question parce que le mémoire que vous nous présentez est
très clair et très complet en soi. Il nous permettra
sûrement, je l'espère en tout cas, de progresser à
l'étape de la loi. J'ai une question à vous poser en ce qui a
trait à votre - je m'excuse ce n'est pas paginé - recommandation
ou je ne sais comment vous avez titré ça. À votre
recommandation 11, vous dites: "Que des directives soient transmises aux
différents partis politiques sur la vulnérabilité et les
dangers de manipulation politique à l'endroit des
bénéficiaires. " Vous avez pu constater, par mes questions
à Mme la Curatrice publique, ma sensibilité par rapport à
cette question. Vous allez un peu dans le même sens qu'elle et,
là, vous ajoutez que cela pourrait être sous forme de directives
aux formations politiques. Alors, j'ai deux questions à vous poser
là-dessus. D'une part, quel type de directives pensez-vous qu'on
pourrait détailler, peut-être avec votre collabora-
toute manipulation? Et, puisqu'il s'agirait là de directives aux
formations politiques, jusqu'où pourrait-on réussir à ce
que ce soit contraignant pour les formations politiques? Est-ce que vous avez
réfléchi un peu à ça?
M. Saint-Onge (Daniel): Nous avons voulu proposer l'idée,
mais nous ne nous sommes pas vraiment penchés sur les mécanismes
comme tels. Mais, simplement pour identifier le problème, j'aimerais
vous donner l'exemple d'un candidat d'un parti politique...
M. Rochefort: Oui, allez-y!
M. Saint-Onge (Daniel):... qui irait dans une unité. Vous
savez que les bénéficiaires sont des gens extrêmement
influençables. Il s'agirait simplement de leur faire un petit don, un
café, un beignet, des fleurs, pour acheter leur vote. Le patient se
souviendrait simplement du nom du candidat et il voterait pour lui. C'est
à ce niveau qu'on trouve que... C'est plus souvent dans les centres
d'accueil et dans les centres d'hébergement à l'externe que les
candidats auraient accès plus facilement, plutôt que dans les
grands centres hospitaliers comme celui de Louis-Hip-polyte-Lafontaine. Il
pourrait aussi y avoir des dangers, par rapport aux propriétaires de
centres d'hébergement: eux, si des fois ils avaient une appartenance
politique très forte, ils pourraient faire de la pression aux gens
hébergés dans leur centre pour qu'ils votent pour leur formation
politique.
M. Rochefort: Si je vous comprends bien, dans votre
dernière réponse, quand vous parlez des propriétaires,
vous considérez donc qu'il faut aller au-delà des formations
politiques quant à...
M. Saint-Onge (Daniel): Je voulais surtout vous montrer l'ampleur
du problème. Je voulais vous démontrer à quel point ce
sont des gens influençables et qu'on pourrait vraiment acheter leurs
votes d'une façon minime.
M. Rochefort: Moi, je vous invite là-dessus à
poursuivre votre réflexion parce que je considère que je suis
encore plus satisfait du fait que ce soit vous qui l'ayez dit plutôt que
nous. C'est évident qu'il y a des personnes qui sont plus susceptibles
d'être l'objet de manipulation, appelons les choses par leur nom, et je
pense que dans la mesure où on leur redonnerait un droit qui est le
leur, il faudrait s'assurer que ce droit se fasse dans le respect de leur
personne, de leur dignité et de leur volonté, en ce sens qu'on
serait à l'abri de toute tentative de manipulation ou d'encadrement,
pour prendre un mot que certains préféreraient peut-être,
de l'exercice du droit de vote de ces personnes qui, finalement, viendrait
discréditer tout le processus d'ouverture et de plus grande acces-
sibilité qui est actuellement envisagé. Donc, en ce sens, je vous
invite vraiment à poursuivre votre réflexion sur les protections
que vous pourriez vous accorder dans la mesure où le droit vous serait
accordé.
M. Saint-Onge (Daniel): Dans les mécanismes, on pourrait
même aller jusqu'à créer des infractions concernant la
sollicitation de vote, comme on voulait le faire pour le vote par
procuration.
M. Rochefort: Merci.
M. Landry: M. le Président, je voudrais seulement
souligner aussi que nous tenons à faire part à cette commission
que nous avons obtenu aussi la collaboration de l'Office des droits des
détenus qui s'est penché avec nous sur ce dossier-là.
Parce qu'on sait que l'Office des droits des détenus, de son
côté, a préparé toute une approche pour obtenir le
droit de vote des personnes en détention. Et nous avons obtenu des
copies de leurs recherches, de leur travail, ce qui nous a permis aussi d'avoir
certaines similitudes de démarche par rapport à l'approche de la
Charte des droits et libertés et aussi à la question du dossier
du droit de vote, tant fédéral que provincial. Je tenais à
le souligner. Et aussi, au nom du comité des
bénéficiaires, M. le Président, si vous me le permettez,
nous étions très heureux de l'invitation du ministre Gratton qui
nous permettait de nous exprimer et d'entendre les personnes concernées
par le dossier du droit de vote des bénéficiaires.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Simplement pour dire
merci aux représentants du Comité des bénéficiaires
de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, non seulement d'avoir
accepté notre invitation et d'être venus présenter un
mémoire de très haute qualité, mais aussi pour
l'engagement que M. Landry prenait tantôt de travailler en collaboration
avec le Directeur général des élections et le
Secrétariat à la réforme électorale pour en arriver
justement à identifier les moyens susceptibles de nous permettre de
faire en sorte que les handicapés mentaux puissent exercer leur droit de
vote si, évidemment, le législateur décide d'aller dans ce
sens-là, ce que je souhaite personnellement de tout coeur. Merci
infiniment.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Donc, au nom de
la commission, on vous remercie de vous être prêtés à
cet exercice et, comme vous pouvez le constater, nous avons respecté le
temps.
M. Landry: Merci.
Le Président (M. Marcil): J'inviterais
maintenant l'Association canadienne pour la santé mentale
(division Québec) à prendre place à la table. Afin de
permettre justement cet échange, nous allons suspendre pour deux
minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 58)
(Reprise à 11 h 59)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux.
Association canadienne pour la santé
mentale
Nous allons entendre l'Association canadienne pour la santé
mentale. Celle-ci est représentée par Mme Hélène
Guay. Bonjour, madame.
Mme Guay (Hélène): Bonjour.
Le Président (M. Marcil): Par Mme Christine Berryman.
Bonjour, madame.
Mme Berryman (Christine): Bonjour.
Le Président (M. Marcil): Et par M. Michel Trottier.
M. Trottier (Michel): Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Sans plus tarder, nous vous
laissons le temps nécessaire pour présenter votre
mémoire.
M. Trottier: Merci beaucoup, M. le Président. Comme tous
les groupes précédents, nous voulons vous remercier de nous avoir
donné l'occasion de venir vous présenter un peu ce que l'on pense
au sujet du droit de vote de ce que vous appelez le malade mental. Chez nous,
à l'Association canadienne pour la santé mentale, qui existe au
Québec depuis 1936, c'est un mot qui, sans être tabou, n'est pas
vraiment utilisé. Nous parlons de personnes et nous parlons de personnes
dans un état de santé mentale qui sont de façon
générale capables de fonctionner. Il peut arriver qu'il y ait eu
des accidents. Il peut arriver que, justement, il y ait eu besoin
d'hospitalisation, qu'il y ait eu de petits voyages dans la maladie, mais nous
considérons constamment que cette personne-là ne perd pas, parce
qu'elle est malade, le titre de personne et les droits qui y sont
associés. C'est un peu dans ce sens-là que nous ne parlons que de
façon un peu éloignée de maladie mentale, non pas parce
que nous n'y sommes pas habitués, non pas parce que nous ne la
frôlons pas de façon régulière, non pas parce que
nous n'y sommes pas vulnérables, mais parce que, dans un sens, nous
considérons, de la même façon qu'au niveau physique nous
parlons de maladie, que c'est toujours en fonction d'un état à
récupérer qui est l'état de santé. Donc, c'est
vraiment ce qu'est l'Association canadienne pour la santé mentale, un
organisme d'abord orienté vers la promotion de la santé et,
deuxièmement, pour défendre les droits des personnes en
souffrance mentale. Dans ce sens-là, notre mémoire va venir
préciser exactement notre pensée au sujet du droit de vote. Pour
ce faire, je demanderai à Mme Hélène Guay,
bénévole à la division du Québec, de vous donner un
résumé succinct et pertinent de notre mémoire. Mme
Guay.
Mme Guay: Merci, M. Trottier. M. le Président, M. le
ministre, membres de la commission, comme le soulignait M. Trottier, les
objectifs de l'Association canadienne pour la santé mentale, division du
Québec, passent par le respect du droit des personnes. Or, le respect du
droit des personnes, c'est respecter l'exercice de tous leurs droits civils et,
notamment, celui du droit de vote.
Comme le soulignait également M. Trottier, il s'agit de la
promotion de la santé. Ce deuxième objectif de l'association se
traduit également par une prise en charge individuelle, croyons-nous, et
par une prise en charge sociale, ce qui équivaut, ni plus ni moins,
à exercer soi-même ses droits dans une pleine conscience de leur
importance. Ainsi, ces deux objectifs, respect des droits de la personne et
promotion de la santé par une prise en charge autonome, rejoignent les
objectifs du législateur.
La représentante de la curatelle publique vous a bien fait part
de la réforme relative au Code civil. Il est clair que cette
réforme a pour principal objectif, en matière de protection des
personnes majeures, de rendre ces personnes plus autonomes, de réformer
les régimes et d'assujettir l'instauration d'un régime de
protection des majeurs à une procédure qui se veut très
respectueuse des droits. Ainsi, dans la procédure d'instauration d'un
régime de protection des majeurs, les arguments qui doivent primer ou
les critères qui doivent être appliqués sont que, d'abord,
la protection doit être dans l'intérêt de la personne, que
toute décision doit être prise suivant les trois critères
énumérés à la page 5 de notre mémoire,
à savoir l'intérêt de la personne, le respect de ses droits
et la sauvegarde de son autonomie. Toute décision ultérieure doit
également prendre ces critères en considération. Le juge
qui décide d'imposer un régime de protection doit entendre cette
personne-là. Il doit tenir compte de son autonomie dans l'application ou
dans l'instauration d'un régime de protection. De plus, lorsqu'une
personne en institution, nous dit le Code civil - donc, le projet de
réforme du Code civil et donc le législateur - a besoin d'aide
pour exercer ses droits civils, notamment le droit de vote, le directeur d'un
établissement doit faire rapport sur la nature et l'aptitude de cette
personne
majeure.
Ainsi, nous avons un législateur qui est prêt à
faire une réforme fondamentale dans le domaine de la protection des
majeurs dans le Code civil, donc dans une loi fondamentale au Québec.
D'un autre côté, nous sommes aujourd'hui en commission pour
étudier comment ce même législateur est prêt à
accorder l'exercice du droit de vote à une personne dont la santé
mentale est pour ce cas altérée. L'Association canadienne pour la
santé mentale conçoit mal que, d'un côté, on fasse
une réforme des régimes fondamentaux dans une optique de
respecter à la fois la volonté et l'exercice des droits alors
que, d'un autre côté, ce même législateur devrait,
selon nous, adopter la même attitude et accorder l'exercice du droit de
vote à toute personne majeure qui ne sera pas, à partir de la
réforme du Code civil, restreinte dans l'exercice de son droit. Donc, la
constatation d'incapacité, selon l'Association canadienne pour la
santé mentale, division du Québec, devrait chaque fois passer par
une procédure judiciaire qui prendrait, pour chaque cas, en
considération le respect des personnes, le respect des droits
démocratiques de celles-ci et la sauvegarde de leur autonomie.
Évidemment, pour exercer ce droit de vote, il est clair que le
malade en institution hospitalière devra avoir un droit égal.
À l'heure actuelle, la Loi sur les services de santé et les
services sociaux exclut le droit de vote pour les malades mentaux et il faudra
évidemment aligner le droit statutaire là-dessus. Alors
même qu'on accorde le droit de vote aux personnes dont la santé
mentale est altérée, alors même que ces gens-là sont
en institution, il faudra évidemment prévoir un mécanisme
d'information, comme l'a souligné le comité de
bénéficiaires qui nous a précédés. Pour
toutes ces raisons, nous croyons que le droit de vote doit être
accordé à toute personne majeure, à moins que celle-ci
soit restreinte par une décision qui a été prise en tenant
compte de son autonomie et du respect de ses droits.
Quant à la question du vote par procuration, elle ne fait
évidemment pas consensus, d'après les mémoires qui vous
ont été soumis et nous en sommes bien conscients. Demain, durant
la journée, vous aurez l'occasion d'entendre la
confédération des organismes provinciaux qui, notamment, n'est
pas contre l'exercice du vote par procuration. Pour ceux qui n'ont pas eu le
plaisir de lire notre mémoire, je soulignerai que le vote par
procuration est ni plus ni moins l'exercice, au départ, d'un droit
fondamental qui procède par mandat. Au lieu d'empêcher une
personne d'exercer son droit, on lui permet une modalité d'exercice.
Pour aussi fondamental qu'est le droit de vote - cette commission l'a entendu
et elle l'entendra encore - l'association croit qu'il doit pouvoir être
exercé. Elle croit que l'exercice du vote par la modalité de la
procuration est ni plus ni moins le respect de l'exercice d'un droit dans tout
ce qu'il implique d'autonomie et de choix personnel, donc la responsabilisation
de la personne. Si une personne considère la procuration trop dangereuse
pour l'exercice de son droit, avec tout le respect que j'ai pour les critiques
apportées à l'encontre de l'exercice du droit de vote par
procuration, nous croyons, à ce moment-là, que cette personne ne
choisira pas de voter par procuration. Cependant, en accordant le vote par
procuration, le législateur continue, dans cette même ligne de
pensée, à respecter la personne dans l'exercice de ses droits et
dans l'exercice d'un droit autonome, responsable et à partir d'un choix
personnel.
Nous tenons à souligner également que nous n'avons pas
retenu le vote par correspondance parce que d'autres expériences ont
démontré qu'il y avait des abus, des fraudes. Nous retenons donc
comme modalité valable d'exercice le vote par procuration comme il se
pratique et comme il est suggéré d'ailleurs dans la
réforme électorale fédérale.
En résumé, nous croyons que le législateur, qui se
penche maintenant sur la révision de la Loi électorale, devrait
agir conformément aux principes qui ont été à la
base du projet de loi portant réforme au Code civil et accorder le droit
de vote aux malades en institution ou dont la santé mentale est
altérée. Du même coup, les objectifs du législateur
qui rejoignent ceux de l'association se conformeront à un meilleur
respect de l'autonomie de la personne et de l'exercice de ses droits.
Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, madame. Je vais
reconnaître M. le député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Je tiens à
remercier les personnes qui représentent l'Association canadienne pour
la santé mentale d'avoir comparu devant nous ce matin et d'avoir
présenté leur mémoire, un mémoire clair,
précis et à point. Vous donnez exactement votre position sur les
deux sujets qui nous touchent de près, soit le droit de vote pour les
malades mentaux et le vote par procuration.
Au sujet du droit de vote pour les malades mentaux, c'est clair, il y a
plusieurs autres regroupements qui ont comparu devant nous ce matin et il y en
aura d'autres cet après-midi et dans les jours qui viennent, c'est plus
ou moins un acquis. Il y a une tendance claire, nette et précise qui va
dans le sens que le droit de vote devrait être accordé à
ces personnes. Sur la question du vote par procuration, il y a une certaine
divergence d'opinions. Le groupe qui vous a précédés, le
Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-il.
-Lafontaine que vous avez entendu - je pense que vous étiez dans la
salle - est contre cette procédure et il prévoit un vote par
courrier, des mandataires nommés par l'hôpital, ainsi de
suite.
C'est précisément sur les modalités ou sur
la protection des personnes malades qui vont voter par procuration.
À la page 8 de votre mémoire, vous mentionnez que, dans les cas
de procuration, le mandataire ne devra pas être une personne
employée dans l'établissement où la personne est
hospitalisée. Pourquoi dites-vous cela? Qui devrait être le
mandataire du bénéficiaire?
Mme Guay: Cette recommandation qui, du reste, aurait dû
être soumise dans la présentation découle, entre autres,
d'une disposition du projet de loi qui porte réforme au Code civil,
à savoir que, lorsque le curateur délègue sa direction
d'une personne sous sa protection, il la délègue à une
personne autre que la personne employée dans un établissement de
santé. Nous croyons qu'il est moins risqué ou du moins plus
respectueux, plus sécuritaire pour l'exercice du vote que la personne
choisisse elle-même la personne qui va exercer le vote par procuration.
Une personne qui travaille au sein de l'institution pourrait avoir une...
M. Kehoe: Une influence.
Mme Guay: Un biais. Voilà! Nous croyons que, si la
personne qui est malade ou qui ne peut se déplacer peut choisir
librement qui va exercer son vote par procuration, c'est sûrement la
meilleure personne qui peut être choisie.
M. Kehoe: Est-ce que vous voulez dire par là que cela
devrait être un parent ou quelqu'un près du
bénéficiaire?
M. Trottier: Exactement.
Mme Guay: Si le bénéficiaire la choisit...
M. Trottier: Justement, nous parlons, dans un retour vers la
santé, de réinsertion sociale. Nous voudrions que l'individu qui
est actuellement hospitalisé puisse établir des contacts
extérieurs qui vont vraiment lui permettre, d'une part, de
bénéficier de ses droits et, d'autre part, qui vont aussi
permettre d'éviter tous les dangers que vous souligniez tantôt,
soit qu'une même personne qui a déjà un contrôle, qui
a déjà une autorité à l'intérieur de
l'institution ne puisse pas pour ainsi dire utiliser une autre sorte de
contrôle et une autre sorte de pouvoir. Pour nous, il est très
important de percevoir que les choses seront bien faites si chacun conserve
exactement le pouvoir qui lui a été délégué
et rien de plus. Autrement dit, nous revenons à ce vieil adage
français: Si chacun fait bien son métier, les vaches seront bien
gardées. (12 h 15)
M. Kehoe: Justement, sur la question de la manipulation des
votants ou des malades, c'est une préoccupation de la commission de
savoir comment les protéger, comment s'assurer que la personne soit
libre et vote librement pour le candidat de son choix. Quelle est la meilleure
façon de procéder à ce moment-là? Est-ce que cela
devrait être un mandataire, un travailleur de l'hôpital, un parent?
Qui au juste? Quelle garantie le malade aura-t-il que le mandataire va
exécuter ses ordres, ceux qu'il lui aura donnés?
Mme Berryman: II n'y a pas vraiment de garantie. Par contre, ce
qu'on dit à l'association, c'est que la personne qui choisit
elle-même son exécuteur pour la procuration, c'est la meilleure
garantie que la procuration soit bien exécutée.
On parlait aussi de manipulation, etc. Si on considère vraiment
que ces personnes sont ultra-manipulables et vulnérables à tout,
pourquoi leur donnerait-on le droit de vote, au départ? Il faut quand
même respecter cette personne dans ses choix et moins insister sur la
vulnérabilité de la personne, mais surtout sur les points forts
qu'elle peut avoir développés, sur sa capacité de faire de
bons jugements quand même. On est tous influençables
jusqu'à un certain point. Il ne faudrait pas en mettre trop sur le des
des personnes qui ont eu des difficultés psychiatriques.
M. Trottier: II faudrait éviter, dans un sens, de se
donner, sous l'étiquette de santé mentale... Nous sommes tous
entre individus sains, ici, jusqu'à preuve du contraire.
M. Kehoe: Tout est relatif.
M. Trottier: Tout est relatif, je sais. Mais, entre individus
sains, il faudrait éviter de nous donner une espèce de
blanc-seing et de croire qu'elles sont très influençables et que
nous, nous ne le sommes pas. D'autre part, il faut bien comprendre que ce n'est
pas d'aujourd'hui qu'on parle de manipulations de toutes sortes. À
l'approche de certaines élections, quelque part dans un pays pas
tellement lointain, on voit très bien que, de fait, il y a de la
manipulation qui se fait même pour des individus en bonne santé.
À ce moment-là, j'aurais peur de voir le législateur
s'inquiéter de façon exagérée de la
manipulation.
M. Kehoe: Est-ce que vous prévoyez dans cela que les
candidats ou les représentants auront le droit d'aller visiter les
malades dans les hôpitaux, comme on le fait maintenant dans les centres
d'accueil ou dans les autres centres pour personnes âgées?
Auront-ils le droit d'aller les rencontrer, leur expliquer leurs programmes,
jaser avec eux comme on le fait actuellement?
Mme Berryman: Si on considère que ces gens sont des
citoyens à part entière, pourquoi ne pas faire avec eux comme on
fait avec tous les autres?
M. Kehoe: D'accord. Sur la question du droit de vote, dans
l'immédiat... Le groupe qui vous a précédé, le
Comité de bénéficiaires de
l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, a dit qu'il a l'intention de
prendre une action judiciaire en vue d'un jugement déclaratoire pour
forcer la cour à statuer sur le droit de vote des personnes malades
mentales. En ce qui concerne l'élection provinciale, qui est dans un an
- d'ici là, je ne pense pas que les amendements au Code civil seront
adoptés - je pose comme question: Pour l'immédiat, votre
association a-t-elle l'intention de faire quelque chose avant que l'affaire
soit clarifiée?
M. Trottier: Je n'ai pas reçu actuellement un mandat
spécial de la part du conseil d'administration sur cela. Cela sera
sûrement discuté. Si certains groupes intéressés par
les mêmes orientations que nous le font, il se pourrait que nous nous
joignions à eux. Pour le moment, nous n'avons pas vraiment mandat de le
faire.
M. Kehoe: S'il y avait une élection provinciale d'ici un
an et si la loi n'était pas changée, à ce
moment-là, il serait peut-être dans votre intérêt de
prendre un jugement déclaratoire.
M. Trottier: Cela pourrait le devenir, c'est exact.
M. Kehoe: Bon.
M. Trottier: Nous aviserons en temps et lieu.
M. Kehoe: Je pense que, dans le système actuel en Ontario,
il y a des bureaux de scrutin dans les établissements de soins
psychiatriques. Cela, semble-t-il, marche assez bien. Trouve-riez-vous opportun
de suivre cet exemple et d'exiger cela aussi? Comment prévoyez-vous
l'implantation de ces mesures?
M. Trottier: Encore ici, je pense qu'on parle justement de les
considérer comme des citoyens à part entière. Une
participation ne se fait pas au compte-gouttes. À ce moment-là,
il faut leur donner évidemment la chance, si vous voulez, d'exercer
pleinement leur droit de vote. Cela veut dire: information, visite des
candidats, capacité de connaître vraiment ce sur quoi ils auront
à se pencher et, deuxièmement, cela veut dire aussi la
possibilité, la facilité d'avoir les moyens d'exercer ce droit de
vote. Cela veut donc dire... Et c'est notre association, la division
ontarienne, qui a insisté énormément en Ontario pour que,
justement, le droit de vote soit élargi. Je pense que nous aurions
exactement la même attitude que notre consoeur de la division ontarienne,
de dire essentiellement: Allons-y pleinement et donnons-leur l'entière
possibilité d'exercer leur droit.
M. Kehoe: Dernière question. Si on abroge l'article 54.
4°, croyez-vous qu'on devrait restreindre la portée de ce paragraphe
aux seules personnes dont l'incapacité de voter a été
reconnue dans le contexte judiciaire du processus d'interdiction?
Jusqu'à quel point voulez-vous aller? Quelle est votre position
là-dessus?
Mme Guay: Au risque de répéter ce que j'ai dit
antérieurement, il me semble, et aussi au nom de l'association, que la
restriction au droit de vote qui est accordée à toute personne
majeure, à tout citoyen québécois devrait être
subséquente, devrait suivre une procédure judiciaire. Donc, un
juge doit prendre en considération l'autonomie de la personne, le
respect de ses droits dans la décision qu'il va rendre au sujet de cette
personne.
M. Kehoe: Plus je vous écoute parler, donner explications
et réponses, plus je suis personnellement convaincu que le droit de vote
aux personnes malades mentales devrait être accordé le plus vite
possible. Je vous remercie encore pour votre présentation et j'en ai
terminé avec mes questions, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député de Chapleau. Je reconnais maintenant M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: Oui. C'est avec beaucoup d'intérêt qu'on
a pris connaissance des points de vue exprimés dans votre mémoire
et surtout dans les résumés que vous nous avez apportés,
tout en affirmant que le droit de vote pour les malades mentaux est un droit
inaliénable - je pense que c'est dans votre mémoire - et qui doit
appartenir à la personne. Vous acceptez tout de même qu'il y ait
certaines balises concernant le Code civil. Dans l'application du Code civil,
vous acceptez qu'il y ait certaines balises qui feront que le droit de vote
pourrait être restreint dans certaines circonstances. Êtes-vous
d'accord là-dessus?
M. Trottier: Nous sommes d'accord...
M. Dufour: Est-ce que je l'affirme bien ou est-ce incorrect?
M. Trottier: Bien, nous sommes d'accord qu'il y ait, comme le dit
le Code civil, des régimes de protection qui seront, si vous voulez,
établis à partir d'un processus judiciaire et que ces
régimes de protection puissent, pour ainsi dire, parallèlement,
diminuer l'exercice et la possibilité du droit de vote.
M. Dufour: En tenant pour acquis vos affirmations ou votre point
de vue concernant ce sujet, croyez-vous actuellement que les nouveaux
régimes de protection qui seront mis en place par le Code civil seront
suffisants pour protéger les personnes pour exercer leur droit de
vote?
Mme Guay: Sous réserve d'avoir étudié
très
en profondeur tous les détails de chacun des régimes - je
pense que la Curatrice publique vous a éclairés à ce sujet
- il nous semble que l'instauration d'un nouveau mécanisme de protection
des majeurs est très respectueuse des droits des personnes. Il y a aussi
le processus d'audition du majeur ou d'une représentation du majeur dans
toute décision et les critères qui sont mis de l'avant pour une
représentation du majeur. Je crois que ces trois régimes sont
respectueux des droits du majeur et devraient répondre à toute
décision qui doit être prise concernant l'exercice du droit de
vote d'un majeur dont l'aptitude serait mise en doute.
M. Dufour: Merci. Il y a aussi la question du vote par
procuration. Vous nous avez dit tout à l'heure que tout le monde n'est
pas d'accord sur cela. Je pense aussi que cela représente certains
éléments. Peut-être que cela m'a impressionné un
peu, votre démonstration concernant la manipulation des personnes. C'est
vrai qu'on peut être tous victimes de manipulation à un point ou
à un autre. Ce qu'on essaie, c'est de baliser et d'essayer que cela ne
s'étende pas trop loin ou que cela se fasse dans certaines normes pour
ne pas qu'il y ait aussi du harcèlement auprès des personnes. La
différence par rapport à quelqu'un qui est en institution, c'est
qu'il pourrait être harcelé beaucoup plus facilement qu'un autre
qui est à l'extérieur et qui peut vaquer à ses
occupations.
M. Trottier: C'est d'autre part la raison pour laquelle nous
avons dit qu'une personne non employée par l'établissement de
santé, hors de l'établissement de santé, devrait
être nommée pour exercer cette procuration pour éviter le
harcèlement.
M. Dufour: D'accord. Je regarde votre mémoire et vous
parlez du droit de vote comme un droit constitutionnel et comme un droit de la
personne, donc, qui appartient à un individu propre. Comment un droit
qui appartient à un individu propre peut-il être
transféré par le biais d'une procuration par laquelle on pourra
exercer ce droit de vote qui appartient à cet individu? Là, j'ai
de la difficulté à faire le lien, je ne vous le cache pas.
Lorsqu'on a écouté d'autres groupes qui ont
présenté leurs mémoires à cette commission, il a
été dit assez clairement: Le droit de vote, quitte à ce
que ce droit de vote soit mal exercé ou annulé, qu'on le laisse
à la personne comme telle. Vous, votre groupe, vous nous arrivez avec la
procuration. Est-ce que vous pouvez nous éclairer un peu plus, nous les
gens de la commission?
Mme Guay: C'est peut-être qu'il faut favoriser l'exercice
du droit avant son non-exercice. C'est peut-être qu'il faut aussi
accorder à la personne qui peut exercer son droit de vote des
modalités d'exercice de son droit. C'est sûr que ce droit, on l'a
dit que c'était un vote secret, on l'a dit que c'était
très personnel, mais, si une personne qui est apte à prendre une
décision quant à l'exercice de son droit de vote veut exercer ce
vote par procuration, en prend les risques, encourt les risques qu'on a
soulignés ici devant cette commission, nous considérons que c'est
son choix personnel et nous pensons que ce choix doit être
préservé avant tout. C'est un droit de la personne, mais en
même temps je vous rappellerai qu'il n'y a pas de droits de la personne
qui soient absolus. Si on considère que c'est un droit de la personne
que de renoncer à son intégrité personnelle et si on
considère que ce droit à l'inviolabilité n'est pas absolu,
de la même façon, pour le droit de vote qui est aussi un droit
très fondamental et qui se situe du reste un peu plus loin dans la
charte que le droit fondamental à l'intégrité, nous
considérons qu'une modalité d'exercice de ce droit est tout aussi
valable qu'une renconciation à l'exercice d'un droit fondamental.
M. Dufour: Est-ce que votre groupe préconise cette
façon d'exercer son droit de vote avec une position ferme? Dites-vous
que, s'il n'y avait pas cette modalité dans le projet de loi à
venir - on ne peut pas lire dans les intentions du ministre - si elle n'y
était pas contenue, vous y verriez une atteinte fondamentale à ce
droit que vous exprimez? (12 h 30)
M. Trottier: M. le député, j'ai appris depuis
longtemps que c'est très dangereux de répondre à des
questions hypothétiques. J'aurais donc tendance à me
réfugier derrière cela pour ne pas vous répondre. D'autre
part, sachant combien vous êtes orientés vers le désir de
connaître le plus possible et de sonder le mieux possible les reins et
les coeurs, je vous dirai que, non, nous n'aurions pas tendance à dire,
cette modalité n'étant pas suivie, que le législateur n'a
pas accompli pleinement son devoir. Par ailleurs, nous aurions quand même
tendance à dire que le législateur a manqué une excellente
chance de procéder de façon logique. À partir des
amendements au Code civil, nous aurions tendance à dire que le
législateur, si vous voulez, de la même façon qu'il donne
le droit de procuration à l'intérieur du droit civil pour des
droits personnels, pourrait aussi aller jusqu'au droit de vote. Le secret du
droit de vote, à mon point de vue, n'est pas aliéné par
une procuration parce qu'en même temps que je donne un droit par
procuration je donne aussi le secret. J'ai tendance aussi à croire que
les membres de tout parti politique qui font du pointage de façon
régulière savent combien le secret du vote est, pour ainsi dire,
aléatoire. À ce moment-là, j'aurais tendance à
croire que le secret du droit de vote n'est pas mis en danger par la
procuration. Alors, c'est pour répondre à votre question dans ce
sens-là.
Il est sûr et certain que nous le voyons comme une
modalité. Donc, la chose importante
est assurément la première partie de notre mémoire,
mais nous aurions, d'autre part, un intérêt à voir le
législateur aller de l'avant dans cette ligne logique et
considérer que le droit de vote qui est un droit personnel est aussi
dans un sens un droit transférable par procuration.
M. Dufour: J'apprécie votre façon de nous
répondre. Je pense que vous ne cherchez pas de faux-fuyants. Je trouve
que c'est correct, que ce que vous nous dites est important. Le premier droit,
d'abord, est d'avoir le droit de vote; deuxièmement, je pense comme
législateur que ce qui découle de cela, c'est de pouvoir
l'exercer.
Il y a des mémoires qui ont fait allusion à des bureaux de
scrutin itinérants, c'est-à-dire des bureaux qui pourraient
être déplacés pour aller dans des endroits pour pouvoir
même recueillir sur place le vote. Ceci exclurait probablement la
procuration à ce moment-là, à mes yeux. Si le bureau est
itinérant, la personne va pouvoir voter. Elle est confrontée
à devoir donner son nom, son adresse, etc., ses qualités
d'électeur. Avez-vous regardé ou examiné l'alternative
d'un bureau itinérant?
M. Trottier: Nous n'avons pas vraiment fouillé le
problème à ce sujet-là. Je crois que le bureau
itinérant pourrait permettre, comme vous le disiez, d'éviter une
partie des gens qui voudraient donner une procuration, mais il ne pourrait pas
éviter la totalité des possibilités de procuration. Il y a
des gens qui seront malades cette journée-là, il y a des gens qui
ne pourront pas être disponibles cette journée-là et cela,
de façon imprévisible. À ce moment-là, je pense
qu'il pourrait y avoir avantage quand même à percevoir la
possibilité d'une procuration.
M. Dufour: Je voudrais vous remercier très
honnêtement du travail que vous avez fait et de la façon dont vous
nous l'avez présenté. Comme on n'a pas beaucoup de temps, je vais
permettre à mon collègue, le député de
Saint-Jacques, avec la permission du président, de prendre le relais
pour une ou deux questions supplémentaires. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: Merci, M. le Président. Vous faites de toute
évidence allusion au mode de scrutin en France. Je trouve cela pertinent
dans le temps, parce que j'en arrive et j'en ai effectivement discuté
là-bas, sachant qu'il y avait une commission ici à laquelle
j'appartiens. Effectivement, en ce qui concerne le scrutin par correspondance,
on l'a aboli parce qu'il y avait manifestement des abus. Par contre, quant au
scrutin par procuration, il est actuellement très contesté.
Est-ce que vous êtes au courant?
Mme Guay: Nous en avons entendu parler.
M. Boulerice: II est très contesté. Il y a
d'ailleurs une certaine forme de vote par procuration qui existe même
à l'Assemblée nationale et cela a donné lieu à
certains abus. Je ne sais pas si vous en avez eu écho. Il s'agit tout
simplement d'un tournage de clé dans les pupitres des
députés. Cela a été une foire d'empoigne.
Curieusement, l'Assemblée nationale du Québec n'a pas vécu
cela jusqu'à présent et j'espère qu'elle ne le vivra
jamais. J'ai remarqué dans votre texte, quant au vote par procuration,
que vous-mêmes vous avez déjà commencé à
évaluer certains risques en disant, mon collègue le
député de Jonquière en a parlé: "une personne autre
qu'une personne employée par l'établissement de santé ou
qui y exerce une fonction devrait être nommée aux termes de la
procuration. " Est-ce que vous êtes au fait aussi de la modalité
du scrutin par procuration en France en vertu de laquelle une personne ne peut
pas être mandataire de plus de deux? C'est tout.
Mme Guay: C'est la même chose en Ontario, si je ne m'abuse,
et au fédéral, d'après la réforme électorale
également.
M. Boulerice: Ma troisième question. On a, au
départ, ce qu'on appelle chez nous des bureaux de scrutin
anticipé. Je ne sais pas quelles sont les statistiques. Je pense que M.
le Directeur général des élections pourrait nous indiquer
le pourcentage facilement. Je pense que c'est employé, très
employé. Vous me corrigerez, M. le directeur. C'est très
employé. Mon collègue fait mention de la possibilité d'une
espèce de bureau itinérant. Ne jugez-vous pas plus opportun
d'améliorer les choses existantes que d'aller plutôt vers quelque
chose de complètement inédit chez nous? Déjà, je
pense qu'on pourrait peut-être arriver aux résultats
escomptés sans les risques que vous soulevez. Ça, je vous
l'accorde, c'est bien entendu qu'il se peut qu'une personne ne puisse pas voter
à un certain moment. Je pense que cela arrive dans tous les scrutins de
tous les pays du monde. On ne peut pas avoir un vote permanent.
Mme Guay: Sur la question de l'anticipation, il me semble que le
vote par anticipation doit se pratiquer certaines journées avant,
à une certaine époque. Il y a des jours fixes. Le vote par
procuration, c'est tout autre. C'est une impossibilité de se
déplacer ce jour-là. Il peut être même
décidé la veille qu'on ne pourra pas voter pour une question de
traitement ou une question d'urgence en raison d'un état de
santé. Cela peut aussi couvrir l'aspect d'une absence prolongée,
par exemple, une absence due à un déplacement professionnel
à l'extérieur du pays pour plusieurs mois. À ce
moment-là, cela peut couvrir ces situations. Cela couvre des situations
bien différentes. Pour ce qui est de la question qu'on ne soit pas
familier avec...
M. Boulerice: Question de kilométrage.
Mme Guay: Excusez-moi de vous interrompre. Le fait qu'on ne soit
pas familier avec le vote par procuration ici au Québec, c'est
sûr. D'ailleurs, c'est bien démontré. En France, vous
l'avez dit, c'est contesté. Au Canada, les provinces sont
divisées sur cette modalité d'exercice du droit. Mais ce n'est
pas parce qu'elle n'existe pas qu'elle ne serait peut-être pas
pratiquée. Donc, d'une certaine façon, ce serait donner une
occasion aux gens. De toute façon, je rappelle à la commission
que ce qui est important pour l'Assocation canadienne pour la santé
mentale, c'est non pas tant que la procuration soit inscrite dans la
réforme de la Loi électorale, mais, d'abord et avant tout, qu'on
reconnaisse l'exercice du droit de vote à toutes les personnes.
M. Trottier: II faut quand même ajouter, quand nous parlons
de procuration, qu'il ne s'agit pas d'avoir un droit de vote par procuration
qui soit simplement la solution pour les personnes hospitalisées ou les
personnes malades. Il s'agit d'un droit de vote par procuration qui serait
possible pour tout le monde. À ce moment-là, quand nous parlons
d'une absence de stigmatisation, si vous me permettez ce terme
légèrement anglais, quand nous parlons d'absence de
caractère indélébile laissé par la maladie dite
mentale, nous voudrions éviter d'avoir des moyens d'exercice du droit de
vote qui seraient limités à une population donnée.
Il s'agit de bien considérer que nous sommes tous
vulnérables à une maladie mentale, que quand on est malade ce
n'est pas un état permanent mais un état orienté vers la
santé grâce à des traitements. C'est dans ce sens
très positif de cet état de maladie que nous pensons justement
à considérer ce groupe comme des gens qui nous ont
momentanément laissés, qui sont dans un voyage spécial et
qui nous reviendront. Il faut bien comprendre ce phénomène et
c'est très important parce que, dans un sens, c'est toute la perception
de ce qu'est vraiment la maladie dite mentale. Il faut éviter d'en faire
des groupes à part. C'est un peu la raison pour laquelle nous
étions en désaccord total avec l'article 54. 4°, c'est la
raison pour laquelle nous sommes assez véhéments à
demander et à suggérer que, dans un sens, il y ait d'abord un
droit de vote accordé à tous pour éviter justement qu'on
fasse une population divisée, discriminée, pour laquelle
déjà on a établi des étiquettes. C'est dans ce
sens-là que nous avons voulu témoigner ici.
Pour nous, la procuration est une modalité d'exercice, nouvelle
assurément, mais je crois que le Québec a la capacité
d'absorber les nouveautés. Je pense que ce serait heureux d'être
dans la ligne d'une possibilité où, justement, les
nouveautés peuvent permettre, dans un sens, un plus grand
intérêt de la population.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. M. le ministre.
M. Gratton: M. le Président, une question qui n'a
peut-être pas fait l'objet d'une réflexion de la part des
représentants de l'association. Je la pose et vous pourrez
peut-être quand même exprimer une opinion.
Dans l'hypothèse où les handicapés mentaux auraient
droit de vote, est-ce que vous avez une opinion sur la circonscription
où devraient être comptabilisés ces votes-là, soit
dans celle où se trouve l'institution, je parle évidemment pour
ceux qui sont en institution, soit dans la circonscription de résidence?
Est-ce que vous savez ce qu'on fait en Ontario? J'avoue mon ignorance, je ne
connais pas ce qui se fait là-bas.
M. Trottier: Nous savons ce qui se fait en Ontario. C'est une
comptabilisation dans le comté de l'hôpital. Je dois vous dire,
d'une part, que j'aurais tendance personnellement et l'association que je
représente également à penser qu'il y aurait un avantage
à une comptabilisation par provenance du départ. Dans un sens,
cela pourrait vouloir dire un meilleur équilibre et une meilleure
façon d'établir vraiment le sens de la responsabilité de
ce droit de vote. D'autre part, si on le fait ainsi, cela posera
évidemment des problèmes quant à l'information, quant aux
candidats, etc., mais je pense qu'il y aurait un énorme avantage,
justement pour éviter que certains comtés soient vraiment presque
délimités. C'est un peu le problème actuellement à
Montréal quand on parle de Pointe-aux-Trembles et c'est un peu celui
qu'on pourrait constater ici dans le comté de...
Une voix: Montmorency.
M. Trottier: Montmorency. Cela pourrait, à ce
moment-là, permettre d'éviter ce problème-là, je
pense, un peu de la même façon qu'on le fait au
fédéral pour les troupes, pour les gens dans
l'armée...
M. Gratton: Dans le cas du provincial, pour les détenus,
cela existe aussi.
M. Trottier:... et, dans le cas du provincial, pour les
détenus, exactement. Alors, je pense qu'il y aurait avantage à le
faire ainsi.
M. Gratton: M. le directeur, M. Trottier, Mme Berryman et Mme
Guay, merci infiniment d'avoir accepté de venir nous entretenir de votre
point de vue. Les recommandations et les commentaires que vous avez faits
feront évidemment l'objet de considérations très
sérieuses non seulement de la part du gouvernement, mais, j'en suis
sûr, de la part de tous les parlementaires qui s'intéressent
à la Loi électorale. Merci.
M. Trottier: Merci beaucoup, M. le ministre.
Le Président (M. Marcil): Merci.
Nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures, alors
que nous recevrons le Comité des bénéficiaires du centre
hospitalier Robert-Giffard.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 15 h 5)
Le Président (M. Marcil): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Comme premier groupe, ce sera le Comité des
bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard
représenté par M. André Perreault, président, M.
Charles Rice, conseiller, M. Paul Boilard, conseiller et résident, de
même que par M. Mario Lortie, secrétaire animateur, et Mlle...
?
M. Perreault (André): Marie-Michèle Bédard,
bénéficiaire.
Le Président (M. Marcil): Mlle Marie-Michèle
Bédard.
Nous vous souhaitons donc la bienvenue à cette commission
parlementaire. Vous avez environ 20 minutes d'allouées pour faire votre
exposé. Ce sera suivi par une période de questions, de part et
d'autre, des parlementaires composant cette commission. Allez-y!
Comité des bénéficiaires du
centre hospitalier Robert-Giffard
M. Perreault: II me fait plaisir de vous dire bonjour. Je veux
vraiment vous remercier, M. le président de la commission parlementaire,
M. le ministre Michel Gratton ainsi que tous les députés ici
présents de nous avoir invités à cette audition sur la
révision de la Loi électorale.
Je me présente, André Perreault,
bénéficiaire au centre hospitalier Robert-Giffard depuis quatre
ans. Je suis actif au comité des bénéficiaires depuis
trois ans. J'y occupe actuellement le poste de président. Je vous
présente, à ma droite, M. Charles Rice qui est au comité
depuis quatre ans. Il occupe le poste de conseiller en tant que
bénévole. À ma droite toujours, Mlle Marie-Michèle
Bédard, bénéficiaire au centre hospitalier Robert-Giffard
et qui est en même temps en cure fermée, ce qui veut dire que s'il
y avait une élection demain matin elle ne serait pas en mesure de voter.
J'ai également à ma droite M. Mario Lortie, permanent au
comité des bénéficiaires depuis avril 1987 à titre
de secrétaire animateur. À ma gauche, M. Paul Boilard,
bénéficiaire au centre hospitalier Robert-Giffard et conseiller
au comité des bénéficiaires.
Nos collègues de l'hôpital Louis-il. -Lafon- taine en ont
parlé un peu cet avant-midi, le comité est d'abord une instance
créée par la loi. Notre but est de défendre les
intérêts des bénéficiaires. Notre comité
représente environ 3500 bénéficiaires, soit admis, soit
inscrits, c'est-à-dire 1925 environ à l'interne et 1500 à
l'externe. Le comité est composé de trois
bénéficiaires à l'interne dont deux
bénévoles élus par les usagers de l'établissement.
Le comité existe de façon fonctionnelle depuis 1982 et son mandat
concerne surtout la défense des droits et des Intérêts des
bénéficiaires qui demeurent une priorité pour notre
comité.
La consultation d'aujourd'hui au sujet de la réforme
électorale est pour nous un moment très important dans toute
l'histoire de l'époque asilaire au plan de la psychiatrie. Nous n'avons
qu'à penser aux dernières élections de 1985 où,
pour une clientèle d'environ 2200 bénéficiaires à
l'interne, seulement 500 avaient eu le droit de voter. Combien de
bénéficiaires s'étaient présentés à
ce moment-là - j'y étais - et avaient été
obligés de retourner bredouilles à leur unité? Ils
s'étaient présentés "checkés", cravate, etc., parce
que c'étaient des gens habitués à voter. Ils ne
comprenaient pas pourquoi ils n'avaient pas le droit de vote alors qu'ils
avaient toujours voté antérieurement. On leur a expliqué
que c'était parce qu'ils étaient sous la curatelle. Pour eux, le
vote était quelque chose d'important, ils savaient ce qu'ils faisaient,
ils y allaient d'un choix éclairé et c'était un honneur
pour eux. Ils étaient vraiment déçus de n'avoir pu voter.
Je pense qu'ils perdaient un droit fondamental comme citoyen, le droit de vote
que tout le monde a dans la société.
Une autre chose que nous avons faite à l'intérieur du
mandat du comité a été, au mois de janvier cette
année, de présenter un mémoire à la commission
parlementaire sur le rapport Harnois. Nous sommes très actifs et nous
avons présenté une pièce de théâtre qui
touche les règlements internes, les conditions de vie. Nous avons aussi
présenté une pièce de théâtre qu'on est en
train de répéter en ce qui concerne la
désinstitutionnalisation qui est jouée à
l'extérieur. Notre principal intérêt est de revendiquer des
droits. Aujourd'hui, nous sommes ici pour revendiquer le droit de vote pour
tout le monde sans exception. Pour nous, l'article 54, paragraphe 4°, est
inacceptable et devrait être aboli.
J'aimerais laisser la parole à Charles Rice qui vous exposera les
principales raisons pour lesquelles nous sommes en faveur du droit de vote pour
tous les bénéficiaires du centre hospitalier et pour tous les
gens qui sont dits malades mentaux et interdits par la Loi
électorale.
M. Rice (Charles): Merci, M. le Président. M. le
Président de la commission parlementaire, le droit de vote est un droit
fondamental dans toute société libre et démocratique.
Voter est
l'expression la plus palpable de l'opinion qu'a le peuple sur
l'administration gouvernementale. Aussi, par le truchement d'une
élection, nos gouvernements sont-ils imputables aux citoyens et doivent
rendre compte de leur administration tous les cinq ans. Tout notre
système socio-politique, ses valeurs et l'esprit qui l'anime, repose sur
ce principe fondamental. L'histoire démontre toutefois que le fait de
reconnaître le principe du suffrage universel ne garantit pas
nécessairement à tout individu qu'il est titulaire de ce droit.
Plusieurs individus ou classes d'individus sont privés de leurs droits
au suffrage et les modalités par lesquelles s'exerce ce droit sont
étroitement conditionnées par les valeurs et les
préjugés qui sont véhiculés dans une
société à un moment donné. Rappelons-nous les
luttes menées par les femmes il y a à peine 50 ans pour qu'elles
puissent exercer leur droit de vote et soient reconnues comme citoyennes
à part entière. Nous n'avons qu'à penser à celles
menées par les Noirs aux États-Unis ou, plus récemment,
à la situation qui prévaut en Afrique du Sud, avec l'apartheid.
L'acquisition du droit de vote par une catégorie d'individus s'est
toujours traduite par la reconnaissance de ces individus sur le plan
social.
Au Québec, le majorité des personnes vivant en institution
psychiatrique sont privées de leur droit de vote. En effet, selon le
paragraphe 4° de l'article 54 de la Loi électorale, les personnes
interdites, en cure fermée suivant la Loi sur la protection du malade
mental, ou placées sous la juridiction du Curateur public ne sont pas
autorisées à voter. Selon nous, cette disposition de la Loi
électorale est discriminatoire, injuste et probablement
anticonstitutionnelle. En effet, l'article 3 de la Charte canadienne des droits
et libertés reconnaît à tout citoyen canadien le droit de
vote. Ce droit est tellement important et fondamental que le législateur
ne l'a pas assujetti à la clause nonobstant qui permet aux élus
de s'adapter aux conjonctures et d'adopter une loi allant à l'encontre
de la charte. Évidemment, tout droit, même reconnu par la charte,
n'est pas absolu. L'étendue et la portée des droits qui sont
énoncés par cette charte sont déterminées par les
tribunaux qui doivent évaluer une restriction en fonction du test
imposé à l'article 1, soit le test du justifiable et du
raisonnable.
Pour déroger à la charte, il faut démontrer et
être en mesure d'expliquer en quoi cette restriction s'inscrit dans les
limites qui sont raisonnables et dont la justification peut se démontrer
dans une société libre et démocratique. C'est
précisément sur cette question de fond que le débat doit
porter. On aimerait sensibiliser la commission parlementaire sur les raisons
pour lesquelles on devrait accorder le droit de vote aux malades mentaux.
Premièrement, la très grande majorité des personnes
qui sont privées de leur droit de vote sont sous la juridiction du
Curateur public. Une personne est mise sous la curatelle par un psychiatre
quand il la juge incapable d'adminis-trer ses biens. Il s'agit d'une
procédure médico-administrative dont l'objet vise à
protéger certaines personnes relativement à l'administration de
leurs biens plutôt qu'à déterminer leur capacité de
choisir et de voter pour un candidat de leur choix. Le même raisonnement
s'applique aux personnes en cure fermée. Ces personnes sont
protégées parce qu'elles sont susceptibles de mettre en danger
leur santé et leur sécurité ou celles d'autrui. Les motifs
pour lesquels ces personnes sont protégées n'ont aucun lien avec
la capacité de voter et de prendre une décision politique.
Par ailleurs, la loi actuellement en vigueur, la Loi sur la Curatelle
publique, n'établit aucun mécanisme de révision. Ainsi,
sans audition impartiale et sans jamais avoir eu le droit de se défendre
et d'en appeler, une personne mise sous la curatelle se trouve non seulement
privée du droit de gérer ses biens, mais perd également la
capacité d'exercer ses droits civils et démocratriques.
Même si le nouveau Code civil adopté en avril 1987 corrige
plusieurs lacunes de la loi actuelle, nous ne croyons pas qu'il faille attendre
son application pour procéder à des modifications de l'article 54
de la Loi électorale. Cette restriction inscrite dans la Loi
électorale depuis 1875 s'inspire d'une conception vieillotte et
moyenâgeuse de la santé mentale. Elle rappelle l'époque
asilaire où les psychiatrisés étaient complètement
exclus de la société. En maintenant cette restriction, on
perpétue le mythe entourant les malades mentaux et on ne fait que
renforcer les préjugés dont ils sont encore victimes.
Par ailleurs, notre comité conçoit mal que, d'un
côté, l'État s'apprête à adopter une politique
en santé mentale centrée sur la personne et son
intégration à la communauté et que, de l'autre
coté, il maintienne une disposition législative qui les exclut
d'une activité aussi fondamentale que celle de voter. (15 h 15)
II s'agit là d'une contradiction importante qui relance tout le
débat sur la place qu'on accorde aux personnes atteintes de
difficultés mentales dans la société.
Enfin, soulignons que la levée de toute restriction basée
sur le handicap mental aura un impact minime sur le système
électoral. C'est pourquoi nous demandons l'octroi du droit de vote
à tous les handicapés mentaux par la suppression pure et simple
du paragraphe 4° de l'article 54 de la Loi électorale.
Pour conclure, je vais laisser la parole à Michèle qui va
vous expliquer pourquoi elle voudrait voter aux prochaines élections
parce qu'actuellement Michèle est en cure fermée. S'il y avait
des élections demain matin, elle ne pourrait pas voter. Merci.
Mme Bédard (Marie- Michèle): Pour moi,
c'est important de voter, de me prononcer et de dire qui je veux comme
représentant au Parlement autant sinon plus que n'importe qui d'autre.
Je suis les décisions du gouvernement qui se prennent ici, car on ne me
reconnaît même pas le droit actuellement de dire en votant si je
suis d'accord ou non avec les décisions que le gouvernement prend
supposément dans notre intérêt à tous.
M'enlever le droit de vote me fait me sentir à part des autres
dans la société. C'est humiliant pour nous autres de ne pas avoir
le droit de vote. Être en cure fermée ou sous la curatelle ne veut
pas dire qu'on n'est pas autonome. Lorsque nous sommes en cure fermée ou
sous la curatelle, nous sommes déjà tellement brimés dans
l'exercice de nos droits et libertés sans qu'on nous enlève le
droit de vote.
Depuis que j'ai 18 ans, j'ai toujours voté tant aux
élections provinciales que fédérales. Je ne vois pas
pourquoi on me priverait dorénavant de pouvoir voter en disant que le
médecin a décidé de me mettre en cure fermée.
Enfin, moi aussi, je tiens à continuer à me prononcer lors des
élections pour faire savoir si je suis satisfaite ou non du
gouvernement. Je tiens à voter pour le parti qui m'apparaît
répondre le mieux à mes intérêts, mais aussi
à ceux de l'ensemble de la société. Je vous remercie de
m'avoir si bien écoutée.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Maintenant, M.
Perreault.
M. Perreault: En conclusion, c'est assez complet dans l'ensemble.
Je ne sais pas si vous aviez des questions?
Le Président (M. Marcil): Oui, je vous remercie beaucoup.
Je vais reconnaître M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Chaque fois qu'une
présentation comme celle-là nous est faite, on est
impressionnés. Ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion
d'assister à des présentations par des comités de
bénéficiaires. Chaque fois, l'impression que j'en retiens est
extrêmement favorable. Vous faites un travail extraordinaire. Les
obstacles que vous avez à surmonter pour faire ce travail le rendent
d'autant plus apprécié et appréciable.
Vous avez circonscrit fort éloquemment la signification du droit
de vote dans notre société et circonscrit ce que veut dire la
capacité de se prononcer sur le choix des mandataires et des
représentants. Vous y avez vu un droit essentiel, fondamental, qui est
inhérent à la personne humaine elle-même dans notre
société démocratique, fort heureusement. Vous avez
rappelé des antécédents où des classes de citoyens
et de citoyennes avaient eu des luttes à livrer. Qu'on parle des femmes,
comme vous le rappeliez, des gens de couleurs, ou, si on remonte un peu plus
loin, on peut se rappeler que les gens qui exercaient le droit de vote devaient
faire la preuve de ce qu'on appelait à l'époque le cens de
l'éligibilité. On devait être propriétaire, on
devait posséder des biens en quantité suffisante
supposément pour pouvoir se prononcer et avoir le droit de voter. Tout
cela s'inscrit dans une longue lutte. Ce que vous êtes en train de
réaliser est très apprécié.
On peut s'accorder, on l'a dit à de multiples reprises, sur les
principes généraux. Je ne pense pas qu'il y ait de grands
débats ou de grandes différences entre nous ici. C'est quand
vient le moment de voir aux modalités, aux moyens de mettre en
application les principes sur lesquels on s'accorde. Vous demandez finalement
qu'on abroge cette interdiction de voter à l'égard des gens qui
sont sous la curatelle publique ou en cure fermée. Encore faut-il
s'assurer que la volonté des gens de choisir telle ou telle personne
plutôt que telle ou telle autre puisse s'exprimer librement, clairement
et en conformité avec leur désir. Avez-vous
réfléchi sur les modalités d'exercice du droit de vote?
Comment est-ce que cela doit se faire? Est-ce que cela doit se faire
nécessairement par la personne elle-même? Avez-vous pensé a
mandater une autre personne? Avez-vous songé aux difficultés
qu'il y avait de s'assurer que tout cela se passe dans l'ordre et qu'il n'y ait
pas d'interventions négatives ou contraires à vos
intérêts? Avez-vous réfléchi à cela? Comment
voyez-vous cela?
M. Rice: Pour ce qui est des modalités, on pourrait
s'inspirer de l'expérience ontarienne. On sait que l'Ontario a
révisé sa loi électorale. Il y a déjà eu une
élection. Ce qu'on en sait, c'est que cela n'a pas occasionné
autant de problèmes que cela. Vous avez parlé tantôt de
mandat. Il est sûr qu'il y a tout le dossier du vote par procuration sur
lequel on ne s'est pas prononcés dans notre mémoire. Je vous
avoue qu'on n'a pas eu consensus sur cette question. On voit qu'il peut y avoir
un risque en ce qui concerne les procurations, c'est-à-dire que, si vous
reconnaissez le vote par procuration, il va falloir établir les balises
dans lesquelles cela va se faire, surtout si vous reconnaissez le droit de vote
aux personnes sous la curatelle, aux personnes dites incapables, et qu'en
même temps vous autorisez le vote par procuration, on peut facilement
voir que des gens pourront abuser de ces personnes. Par principe, on est
d'accord pour rendre le vote accessible. On pariait de bureaux de scrutin
itinérants; je pense que c'est quand même une proposition
intéressante qui mériterait d'être regardée
sérieusement. Pour le vote par procuration, je pense qu'il faudra
établir des balises si on a l'intention de l'adopter.
En ce qui concerne le modalités concrètes, je pense que,
comme je le disais tantôt, l'Ontario a quand même enlevé la
restriction. Cela n'a pas l'air d'avoir occasionné tellement de
problèmes et je ne verrais pas pourquoi cela occasionnerait
plus de problèmes au Québec qu'il n'y en a eu en
Ontario.
M. Boilard (Paul): Oui, mais il y en a qui pensent que Paris est
aux États-Unis. La plupart des malades mentaux de Robert-Giffard ne
s'intéressent pas à la politique, ils n'écoutent pas les
nouvelles, ils ne savent pas que M. Mulroney est à Ottawa et que M.
Bourassa est à Québec. Comment voulez-vous faire voter ces
gens-là? Je ne suis pas d'accord.
Je peux vous dire pourquoi je suis sous la curatelle. J'ai essayé
de me sauver pour aller voir la reine en Angleterre. Je ne savais pas si
j'étais pour aller à Washington ou en Angleterre. Je voulais
aller voir soit le président des États-Unis ou la reine
d'Angleterre pour qu'ils mettent fin à mes souffrances. C'est pour cela
que je suis sous la curatelle. Ce n'est pas parce que je ne suis pas capable de
voter ou que je n'ai pas de discernement.
Je vais vous lire ce que j'ai écrit dans Le Soleil avant qu'ils
amendent la constitution: "Depuis que durent les conférences
fédérales-provinciales, jamais nos hommes politiques ne se sont
attaqués au noeud du problème, le partage des pouvoirs. Il faudra
de toute nécessité que le fédéral établisse
sa position sur la question suivante, à savoir: Est-ce que tout ce qui
est d'intérêt national est de compétence
fédérale? Le premier principe de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique est que le fédéral a le droit de
légiférer en tout ce qui n'est pas du ressort des provinces. Or,
qu'est-ce qui est du ressort des provinces? Il y a les ressources naturelles,
les institutions municipales, l'imposition de toute taxe directe, le droit
civil, l'administration de la justice, l'éducation et la
célébration du mariage. "
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Boilard.
M. Boilard: Si l'on fait exclusion de cette
énumération...
Le Président (M. Marcil): M. Boilard.
Une voix: Je pense que c'était hors de la question...
Le Président (M. Marcil): C'est cela. Si vous voulez
attendre juste une seconde. On va continuer avec la question et vous pourrez
revenir un peu plus tard. D'accord?
M. Boilard: D'accord.
Une voix: Je pense que ça ne répond pas à la
question qui avait été posée.
M. Doyon: Votre intervention, monsieur, nous permet de voir que
même à l'intérieur des groupes comme le vôtre,
l'unanimité est difficile. Cela permet aussi de toucher du doigt la dif-
ficulté dans laquelle nous nous sommes placés, comme
législateurs, de faire des choix qui finalement vont vous impliquer et
vont vous toucher. Il n'est pas question d'avoir la science infuse et de
prétendre connaître ce qui est pour votre bien. C'est pour cela
que ces consultations sont extrêmement importantes. Cela nous permet
d'avoir des sons de cloche et de nous prononcer en connaissance de cause au
moins en ayant entendu les principaux intéressés.
Nous avons à faire face à des problèmes dans
l'application du principe et je pense que ce principe découle du respect
de la personne humaine et du désir qui se manifeste dans notre
société de voir, à la longue et par étapes,
à la réinsertion sociale des handicapés mentaux. Je ne
pense pas qu'on puisse valablement parler longtemps de réinsertion
sociale quand on ne reconnaît pas un droit aussi
élémentaire que celui de voter. Il est sûr que le discours
que monsieur nous tient concernant la difficulté qu'il y a, pour un
certain nombre de personnes qui sont en cure fermée ou sous la curatelle
publique de s'informer valablement des enjeux et des personnalités des
gens qui seront appelés à les représenter, pose une
difficulté. Cette difficulté se retrouve a plusieurs autres
niveaux dans notre société. On n'a pas tous également
accès à l'information. Je pense que le problème est
posé et que, du moment qu'on songe à appliquer le principe, il
faut essayer de trouver les modalités.
Alors, vous avez parlé tout à l'heure des bureaux de
scrutin itinérants. C'est un moyen qui peut être utilisé.
Il y a aussi la procuration et il y a tous les problèmes qui se
rattachent au processus d'inscription sur la liste électorale. Est-ce
que vous avez regardé cet aspect des choses? Évidemment, une des
exigences pour pouvoir voter est d'être inscrit sur la liste
électorale. Est-ce que vous avez songé au processus qui devrait
s'appliquer pour permettre aux personnes handicapées mentales qui ne
sont pas sur la liste électorale dans le moment de s'y faire inscrire?
Est-ce que vous avez regardé cet aspect-là?
M. Rice: Par principe, on se dit que cela devrait se faire comme
pour n'importe quel autre citoyen. On sait que pendant la confection de la
liste électorale il y a des personnes qui se déplacent et qui
vont voir les gens. C'est sûr que chaque électeur n'est pas
systématiquement rencontré, mais il y a quand même une
personne qui va aux résidences et qui demande combien il y a de
personnes là; la liste électorale est confectionnée de
cette façon-là. On dit que cela devrait être la même
chose dans les hôpitaux et les centres d'accueil. Je veux dire que les
personnes pourraient venir se renseigner pour savoir combien il y a de
personnes. La façon dont c'est fait, c'est que ces gens-là se
présentent à l'hôpital, vont voir des représentants
de la direction générale ou des représentants de
l'hôpital. On leur fournit une liste de toutes les personnes qui
ne sont pas sous la curatelle ou en cure fermée, puis ces
personnes-là constituent les électeurs de l'hôpital. Si on
enlevait la restriction, à ce moment-là, toutes les personnes qui
sont hospitalisées seraient automatiquement sur la liste
électorale. Pendant les élections, c'est sûr qu'il y aura
une élimination naturelle qui se fera, c'est-à-dire qu'il y a des
personnes dans certains départements qui ne seront pas capables de
voter. Elles ne se déplaceront pas pour se présenter au bureau de
scrutin. On croit qu'il va y avoir une élimination naturelle qui va se
faire et on ne voit pas vraiment la nécessité de mettre une
exclusion. Si on met une exclusion, on tombe nécessairement dans le
problème de catégoriser des personnes. De toute façon, ces
questions-là ne se tranchent pas au couteau, à savoir si une
personne est apte ou inapte à voter. Une personne peut être apte
à voter une journée et ne pas l'être une autre
journée. On ne voit pas pourquoi on devrait s'embarquer dans ces
choses-là. On pourrait très bien enlever l'exclusion et il y
aurait une élimination naturelle qui se ferait.
M. Doyon: En ce qui concerne...
M. Perreault: Peut-être qu'il vaut mieux permettre à
une personne de faire une erreur que d'éliminer un grand nombre de
personnes qui seraient aptes à voter et qui auraient le goût de le
faire.
M. Boilard: Ce qui va arriver, c'est que, quand des organisateurs
politiques vont venir à l'hôpital, ils vont venir chercher les
malades mentaux et ils vont dire: Vous autres, vous allez tous voter pour tel
candidat. Ils vont tous aller voter pour ce candidat-là sans savoir ce
que ce gars-là peut valoir. Je vous garantis que c'est ce qui va se
passer.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. Boilard.
M. Doyon: D'accord. C'est un point de vue qui vaut la peine
d'être entendu, parce que l'élimination naturelle dont vous nous
faites part fait abstraction du fait que les partis politiques sont
organisés pour faciliter le vote. Du moment qu'une personne est sur la
liste électorale et qu'elle a le droit d'y être, les partis
politiques ont le droit, de leur côté, de mettre tout en oeuvre
pour inciter les personnes à exercer ce droit-là. De là
une difficulté. C'est qu'une élimination naturelle se ferait s'il
n'y avait pas d'intervention extérieure, c'est vrai, mais il faut
prendre pour acquis, dans le monde réel dans lequel on vit, que
l'intervention extérieure est presque inévitable. Du moment
qu'une personne a le droit de vote, il faut s'attendre qu'elle soit
invitée à voter, qu'on l'approche et qu'on lui offre les moyens
d'exercer son droit de vote. À partir de là, est-ce que vous
voyez une difficulté là-dedans? M. Ménard y fait allusion.
M. Ménard nous a dit son idée. On l'a entendu. Maintenant, de
votre côté, est-ce que vous voyez une difficulté
là-dessus? (15 h 30)
M. Rice: On se dit, en principe, que, s'il doit y avoir des
mesures pour justement contrer les abus possibles, ces mesures devraient viser
les abuseurs plutôt que les gens qui risquent d'être victimes
d'abus. Je pense que les solutions sont plus du côté d'assainir
les moeurs électorales, un peu comme cela s'est fait depuis dix ans au
Québec, que de priver toute une catégorie de personnes du droit
de vote. On ne comprend pas pourquoi on empêcherait toute une
catégorie de personnes de voter alors que le problème, c'est plus
chez les gens qui risquent d'abuser de ces gens-là. On pourrait mettre
en place des mesures. Par exemple, à la veille d'élections, les
gens pourraient aller se promener dans les centres d'accueil, parce qu'il n'y a
pas que les hôpitaux psychiatriques, il y a tous les centres d'accueil
pour personnes âgées et les centres hospitaliers de soins
prolongés. Je pense qu'on pourrait fixer des balises et donner des
pouvoirs au Directeur général des élections pour qu'il
surveille comment cela va se faire à ce moment-là. Je pense que
les solutions seraient plus dans le sens de regarder de ce
côté-là plutôt que de priver des personnes du droit
de vote.
M. Doyon: Évidemment, tout cela pose le problème
d'éviter de catégoriser des gens qui auraient besoin d'une
protection supplémentaire. C'est toute la difficulté. Si on met
tout le monde sur le même pied, on doit les respecter. En tout cas, le
problème est posé et on va réfléchir à tout
cela. La solution que vous avancez est envisageable, mais elle a comme
contrepartie qu'on devra désigner les gens qui ont besoin d'une
protection supplémentaire. Cela a son bon côté, mais cela a
son mauvais côté aussi.
M. Perreault: C'est un peu comme dans la société.
On dit bien qu'avant les élections on n'a pas le droit de vendre de la
boisson. Il y a des structures mises en place actuellement pour essayer
d'empêcher que des gens, à cause de la boisson, aillent voter pour
un parti ou un autre. Je pense qu'il y a des mécanismes qui peuvent
être mis en place pour empêcher les abuseurs de profiter de ces
gens-là. Je pense que c'est très possible.
M. Rice: C'est évident qu'il y a certaines populations
à risque, mais ces mesures auxquelles je faisais allusion tantôt
devraient s'appliquer à toute la population. Je ne vois pas pourquoi on
ferait des mesures exprès pour ces gens-là.
M. Perreault: Autrement, on éliminerait un tas de monde
aussi dans la société, je crois.
M. Doyon: Étant donné que vous êtes dans
le milieu, je serais intéressé de savoir de votre part si
votre expérience personnelle vous amène à croire et
à nous dire que les gens qui seraient autorisés à voter et
qui ne le sont pas actuellement ont soit des amis, soit des parents, soit des
proches à qui ils peuvent faire suffisamment confiance pour les
autoriser et les mandater à voter à leur place. Est-ce que votre
expérience personnelle dans le milieu dans lequel vous vivez est que
dans la grande majorité des cas les gens en cure fermée ou les
gens qui sont sous la curatelle publique ont à leur disposition
quelqu'un en qui ils peuvent avoir suffisamment confiance pour lui confier
l'exercice de ce droit s'ils sont incapables de l'exercer?
M. Boilard: Les gens n'ont presque jamais de visite! On dirait
que les gens sont abandonnés dans cet hôpital-là. Il n'y a
pas de consultation qui se fait avec les parents. Comme je vous le disais
tantôt, les gens ne s'intéressent pas à la politique.
J'écoute les nouvelles à Radio-Canada, à 22 heures.
Parfois, il y en a qui écoutent les nouvelles avec moi et ils disent:
Mulroney, est-ce que c'est au fédéral ou si c'est au provincial?
Ils vont me demander qui est le premier ministre de la province de
Québec. Ils ne connaissent pas les partis. Comment voulez-vous faire
voter du monde qui n'est même pas capable de discerner le bien du
mal?
M. Perreault: Je pense que ces gens-là qui ne sont pas au
courant plus que cela n'iront pas voter d'eux-mêmes. Je regarde
Michèle qui est actuellement en cure fermée. Je pense qu'elle est
en mesure de voter. Elle n'a pas besoin de demander à sa mère ou
à un ami d'aller voter. Elle va y aller d'elle-même. Je pense que
quelqu'un qui est sous la curatelle et dont la question de voter est vraiment
importante pour lui n'aura pas besoin de le demander à un autre, il va y
aller de lui-même. Comme on l'a dit tantôt, je pense qu'il faudra
voir à empêcher les abu-seurs d'abuser de ces gens-là. La
personne qui est vraiment intéressée à voter va y aller
d'elle-même.
M. Rice: L'idée d'autoriser des personnes proches à
voter pour une autre, j'ai de la misère avec cela. Je me dis qu'une
personne qui peut voter va voter elle-même. Je ne sais pas, mais je
m'imagine inconscient et là, je donnerais un mandat à quelqu'un
qui voterait. J'ai des problèmes avec cette proposition.
M. Doyon: D'ailleurs, pour donner une procuration, il faut avoir
la capacité de la donner d'une façon valide, valablement.
Le Président (M. Marcil): Si une personne donne une
procuration, elle est capable d'aller voter.
M. Doyon: C'est cela.
M. Perreault: C'est cela. Si la personne a la capacité de
donner une procuration, à ce moment-là, c'est parce qu'elle est
en mesure de faire un choix et qu'elle a le goût de le faire.
M. Doyon: C'est cela, bien sûr. C'est ce que je comprends
aussi.
M. Perreault: Tantôt, on a parlé de bulletins de
vote itinérants. Il y en a qui vont venir prendre les noms de ces
gens-là qui ne peuvent pas se déplacer, qui sont peut-être
alités et qui vont peut-être faire la demande pour voter selon
leur bulletin de vote itinérant parce qu'ils ne peuvent pas se
déplacer.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. M. Doyon:
Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Je vais maintenant donner la
parole au député d'Abitibi-Ouest et représentant de
l'Opposition.
M. Gendron: Moi aussi, au nom de l'Opposition et en mon nom
personnel, je voudrais vous remercier. Cela a été dit, mais je
pense qu'il y a lieu de le rappeler, on retrouve cette continuité
à laquelle on assiste depuis ce matin, avec la présence heureuse
de plusieurs groupes, organismes ou structures reliés à une
meilleure connaissance de ce qui se passe véritablement dans les
regroupements, les institutions de personnes souffrant de handicap mental ou
physique. Il me semble que le message a été on ne peut plus
clair. C'est pour cela qu'on ne peut pas être très long sur les
principes. Il n'y a à peu près personne jusqu'à
maintenant, comme groupe ou organisme, en tout cas, qui ne nous ait dit que la
société québécoise devrait s'ajuster à cette
réalité d'une vraie intégration des handicapés
à la société et cela doit commencer sûrement par
l'expression du droit de vote qui est un droit fondamental,
enchâssé, consacré, sérieux, parce qu'on veut
s'assurer qu'au Québec les citoyens aient l'occasion, aux quatre ans et
des fois plus avant, de s'exprimer sur ceux qui auront à diriger
l'État québécois.
Votre mémoire reflète les grands créneaux qui ont
été développés par d'autres, à savoir
qu'actuellement la Loi électorale vous prive du droit d'exercice, en
particulier ceux qui sont sous la curatelle, de même que ceux qui sont en
cure fermée, en institution pour les psychiatrisés. J'aurais
envie de questionner davantage sur ce que j'appellerais la
réalité, si on oublie tout le papier, parce que dans le fond on
vous demande toujours comment faire cela. Je pense que vous répondez
correctement en disant: comme cela se fait partout ailleurs au Québec.
À partir du moment où on instaure le principe du droit de vote
pour tous les citoyens, incluant les handicapés et ceux qui sont en
institution, en cure
fermée ou autres, ou sous la curatelle publique, on ne peut pas
parler pendant des heures, à savoir comment on va procéder, on va
procéder comme ailleurs. Ailleurs, il y a des balises, des
règles, une inscription, une liste électorale, quitte à ce
qu'il y ait des ajustements pour s'assurer que cela se fasse correctement sans
influence indue. Je pense que tout le monde devrait avoir cette sagesse.
Je voudrais plus savoir s'il y a quelqu'un parmi vous, ici, aujourd'hui,
qui a vécu la dernière élection de 1985 comme personne
soit à un poste de comité de bénéficiaires ou
à l'intérieur d'une institution concernant les gens en
difficulté.
M. Perreault: J'étais là en 1985.
M. Boilard: Oui, on a même accompagné des
personnes.
M. Rice: Moi, j'étais là en 1985.
M. Gendron: C'est votre cas, M. Perreault et également M.
Boilard? Je reviendrai à M. Boilard tantôt pour une question ou
deux, ce ne sera pas long. C'était donc votre cas, M. Perreault? Lors de
la dernière élection, en 1985, ces gens-là n'avaient pas
le droit de vote. Rapidement, combien y a-t-il de gens à
Robert-Giffard?
M. Perreault: Quelle était votre question?
M. Gendron: Combien de personnes sont touchées par ce que
nous discutons par rapport au droit de vote à Robert-Giffard?
M. Perreault: En 1985, il y avait environ 2200
bénéficiaires dont environ 500 avaient le droit de vote. Il y en
a environ 370 qui ont voté, mais beaucoup de gens se sont
présentés.
M. Gendron: Ça va. Je voudrais savoir combien n'ont pas pu
voter, qui n'avaient pas le droit de vote selon nos lois actuelles.
M. Perreault: Environ 70 % ou 75%. En 1985, on était
peut-être 75 %, parce qu'actuellement c'est 70 % des gens qui sont sous
la curatelle.
M. Gendron: Qui n'ont pas le droit de vote.
M. Rice: Cela correspondait à peu près à
1700 personnes juste à Robert-Giffard.
M. Gendron: Parfait, c'est ce que je veux savoir. Donc, 1500
personnes qui n'ont pas le droit de vote, il y a une élection, etc.
Comment cela se passe-t-il? Vous avez vécu cela. Deux jours après
l'élection, sur le plan psychologique, sur le plan des contacts que vous
avez, est-ce que ces citoyens ont vraiment l'impression d'avoir
été rejetés, mis à part, et est-ce que cela a
influencé des comportements de citoyens résidents de
Robert-Giffard?
M. Rice: Au comité, on a accompagné certaines
personnes aux bureaux de scrutin pour aller voter. J'ai été
témoin de personnes qui s'étaient présentées aux
bureaux de scrutin et cela m'avait épaté parce que ces
gens-là s'étaient habillés; ils s'étaient
déplacés de leur département en habit. Quand je suis
allé voter, je n'étais pas en habit. Ces personnes-là
s'étaient endimanchées pour aller voter et on leur a
refusé le droit de vote parce qu'elles étaient sous la
curatelle.
M. Gendron: On sait ça, mais est-ce qu'elles en ont
reparlé? Vous vivez dans ces institutions-là. Est-ce que, sur le
plan des principes ou sur le plan personnel, cela a brisé un peu
l'évolution de ces gens-là par rapport à un cheminement
d'intégration dans la société?
M. Perreault: Cela a eu un impact. M.Gendron: Cela
a un impact?
M. Perreault: Oui. Je pense que c'est un peu comme si l'individu
n'avait plus le droit de parole, comme s'il n'avait plus le droit de s'exprimer
ou de décider et qu'on décidait tout à sa place. Il
devient dépendant et à la merci d'un système. C'est un peu
comme s'il ne pouvait plus vivre. À ce moment-là, il
végète, comme on dit, il ne vit plus, il existe tout
simplement.
M. Gendron: Cela a un impact de diminution et de rejet de la
personne?
M. Perreault: Oui, et si on regarde toute la nouvelle politique
sur la santé mentale de réinsertion au plan social, la
désinstitutionnalisa-tion et si, au plan politique, on est incapable de
faire cette démarche-là, je pense qu'une démarche va se
faire dans un sens et que l'autre va aller à reculons. Je pense qu'il
est important, avec tout ce qui se passe actuellement en santé mentale
et avec tout le renouveau qui se fait à ce chapitre, que l'autre impact
se fasse aussi à la Loi électorale pour qu'il y ait une
progression et que les deux évoluent en même temps.
M. Gendron: Quelles sont les raisons pour lesquelles vous n'avez
pas voulu, dans votre mémoire, vous exprimer plus clairement sur la
question de l'éventualité d'un vote par procuration? Est-ce parce
que vous en aviez discuté et qu'il y avait consensus ou parce que vous
ne vouliez pas toucher à ce point-là?
M. Rice: On trouvait que cette question était - excusez
l'expression anglaise - "touchy". On en a discuté entre nous, surtout
quand on a rédigé le mémoire. Cette question, on ne le
sait pas. Il fallait vraiment que des balises soient
établies et, dans la proposition sur la table concernant le vote
par procuration, les balises ne sont pas vraiment là. Des suggestions
ont été lancées en l'air mais il n'y a rien de concret sur
la table. On voit qu'il risque d'y avoir un danger si on donne une procuration
"at large" c'est-à-dire si une personne peut cumuler plusieurs
procurations, quoique ce n'est pas vraiment ce qui est dans la recommandation
du comité de travail. On voit qu'il peut y avoir un risque d'abus avec
une telle proposition. C'est pour cela qu'on n'a pas voulu s'avancer
là-dedans.
On est cependant d'accord avec le principe de rendre plus accessible la
question du droit de vote. On pense aussi aux personnes âgées et
aux personnes handicapées, par exemple. C'est sûr que cette
proposition faciliterait chez elles l'exercice du droit de vote, mais on voit
aussi qu'il risque d'y avoir des dangers d'abus.
M. Lortie (Mario): J'aimerais dire qu'on est aussi en train de se
demander si on va traiter les gens en institution psychiatrique comme les gens
dans la société. Est-ce qu'on va les traiter de la même
façon ou de façon différente? On dirait qu'avec toutes ces
questions, c'est comme si on voulait faire une distinction quelque part.
Le vote par procuration, si on s'en préoccupe pour cette
clientèle-là, on devrait s'en préoccuper aussi pour
n'importe quelle autre personne dans la société. C'est un peu ce
que vous disiez tantôt. C'est sûr qu'il reste un paquet de
structures à mettre en place et, quand on dit que le principe du droit
de vote est fondamental, c'est la chose première qui nous
intéresse. De la façon que le droit de vote va s'exercer, je me
dis que c'est sûr qu'il faudra penser à des modalités, mais
pas de façon extraordinaire ou différente de ce qui se passe dans
la société. Ce qui nous touchait ici, c'est que l'article 54,
paragraphe 4°, dit que ces personnes n'ont pas le droit de vote et c'est ce
qu'on veut contester.
Les modalités à mettre en place pour rendre ce droit de
vote le plus juste possible et qu'il respecte la volonté des personnes
devraient se faire dans le même ordre que pour n'importe quelle autre
personne dans la société. Je pense qu'on pourrait se pencher sur
des aspects techniques assez longtemps, mais je me demande pourquoi on insiste
tant pour prévoir des mécanismes qui sont, en fin de compte,
à prévoir dans la société.
M. Gendron: M. le Président, je pense qu'au contraire,
à moins qu'on ne s'entende pas sur les perceptions, c'est justement ce
que je dis: À partir du moment où vous réglez la question
du droit et même si, en ce qui me concerne, c'est aussi un sujet
délicat... La preuve, c'est que, si c'était simple comme bonjour,
je ne vois pas pourquoi on en parlerait ici. Je dis que c'est un sujet
délicat, mais qui dans l'évolution de la société,
nous a, je pense, amenés à conclure qu'on ne pouvait pas
être nuancés là-dessus. (15 h 45)
II faut que les handicapés, les gens qui sont sous la curatelle
et en cure fermée, aient le droit de vote. Jai demandé à
plusieurs reprises à ces groupes ce qu'ils pensaient du vote par
procuration et ils m'ont tous dit qu'ils n'en voulaient pas. La plupart d'entre
eux m'ont dit cela, sauf vous autres qui dites: Nous, c'était "touchy".
Je prends votre propre expression. Donc, on n'y a pas touché, mais tous
les autres nous ont dit: On ne veut rien savoir du vote par procuration. Vous
voyez où je m'en vais. Moi, je ne veux rien savoir du vote par
procuration tout court, tout le temps, pour tout le monde. Je trouve que cela
n'a pas de bon sens, que ce n'est pas conforme à nos moeurs
électorales, à nos traditions. Il y a des dangers terribles.
Comme je ne veux pas instaurer deux régimes, mais un régime de
votation pour tout le monde, c'est pour cela que je vérifie avec vous
autres. Si toutes les associations de handicapés me disent qu'elles sont
contre le vote par procuration, il me semble que j'aurais un argument pour
indiquer au législateur qu'il faut être contre pour tous ceux qui
auront le droit de vote au Québec.
M. Lortie: C'est cela.
M. Gendron: Je sais que c'est cela. Il y a des gens qui viennent
ici justement pour donner leur point de vue. Alors, pour connaître leur
point de vue sur certains sujets, il faut les questionner. C'est dans ce sens
que j'ai posé la question là-dessus.
M. Lortie: D'accord. Mais une autre inquiétude aussi,
c'est qu'avec la réforme du Code civil on va établir trois
catégories de personnes incapables: sous la curatelle privée,
sous la curatelle publique et... En tout cas, je ne les sais pas par coeur.
Là-dessus, on se demande s'il va y avoir une nouvelle catégorie
de personnes qui seront encore privées du droit de vote. Cette question
nous inquiète fondamentalement. Le droit de vote pour tous, pas de
catégories de gens qui seront...
Le Président (M. Marcil):... des cas majeurs, des gens qui
sont dans une situation... Ce matin, madame...
M. Lortie: Bon, quand est-ce qu'un cas devient majeur? À
un moment donné, il va falloir trancher. Comme M. Rice l'a dit
tantôt, cela ne se tranche pas au couteau. Quand va-t-on trancher le cas
majeur? C'est sûr qu'il en existe et on en est conscients, mais qui va
dire qui est le cas majeur exclu du vote? Quand s'arrête-ton? C'est cette
question qui nous inquiète fondamentalement, à savoir s'il va y
avoir encore des catégories de personnes qui vont être
privées du droit de vote. Il y a quelques années, on jugeait
qu'une personne sous la curatelle n'était
pas apte. On comprenait le bon sens comme cela puisqu'on a adopté
la loi en fonction de cela. Si on fait encore des catégories, est-ce que
cela va être encore à changer dans dix ans parce qu'on va
comprendre le bon sens de façon différente? Je me dis que
l'évolution ne s'arrête pas. C'est dans ce sens qu'on se dit que
les gens ne devraient pas être restreints à voter du fait qu'ils
ont un handicap parce que, à un moment donné, il sera difficile
de déterminer des catégories de personnes. On en a fait avant et
on s'aperçoit aujourd'hui qu'on s'est trompés. Bien,
arrêtons d'en faire et on va arrêter de se tromper!
M. Gendron: Ça va, M. le Président, pour moi.
Le Président (M. Marcil): J'aurais encore une question
à vous poser sur le vote par procuration. J'imagine qu'au départ,
lorsqu'une personne donne le mandat à quelqu'un d'aller voter pour elle,
c'est parce qu'elle est capable d'aller voter, à moins qu'elle ne soit
alitée ou qu'elle soit à l'extérieur du pays pour une
période donnée. Mais, la personne qui n'est pas en mesure de
donner un mandat, qui va la décider d'aller voter? Qui va la
décider d'aller voter ou qui va décider pour qui elle va
voter?
M. Lortie: L'élimination naturelle.
Le Président (M. Marcil): Ah! l'élimination
naturelle.
M. Lortie: Bien, quelle est l'autre solution?
Le Président (M. Marcil): Non, non. Je vous posais la
question...
M. Lortie: Bien, si la personne ne va pas voter, elle ne se
servira jamais de son vote.
M. Perreault: Elle ne sera pas brimée dans son droit.
C'est cela qu'on veut dire.
M. Lortie: Là, on se trouve à instaurer des
mécanismes pour que personne ne se serve de son droit. On essaie de
prévoir les abuseurs.
Le Président (M. Marcil): Non, non, d'accord. Je voulais
seulement connaître votre opinion.
M. Lortie: D'accord.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Gratton: Très brièvement, M. le
Président, parce que je vois que le temps passe. Ce matin, j'ai
posé la question à l'Association canadienne pour la santé
mentale. Je ne sais si vous avez réfléchi à cette question
de savoir où les votes des personnes qui pourraient être
habilitées à voter, si on amendait la Loi électorale comme
vous le souhaitez, devraient être comptabilisés. Dans la
circonscription où est située l'institution - je parle de ceux
qui sont en institution, bien sûr - ou plutôt, comme c'est le cas
pour les détenus, dans la circonscription de leur résidence?
M. Boilard: Voulez-vous dire que les détenus s'en vont
voter dans leur comté?
M. Perreault: Non, non, tu n'as pas compris la question. On veut
comptabiliser...
Le Président (M. Marcil): On veut seulement dire que,
selon la Loi électorale, quand le détenu vote en institution, son
vote est comptabilisé dans sa circonscription électorale,
c'est-à-dire dans son lieu de résidence normalement. D'accord? M.
Perreault.
M. Perreault: Si on regarde les dernières élections
de 1985, il y avait une boîte de scrutin à Robert-Giffard et tous
les gens, même les gens de Beauport, parce que Robert-Giffard fait partie
de Beauport, venaient voter à Robert-Giffard, des citoyens normaux de la
société. Les gens de Robert-Giffard faisaient partie de la ville
de Beauport. Prochainement, il va y avoir des élections municipales et
le maire a demandé justement que Robert-Giffard sorte la liste des
bénéficiaires qui seraient en mesure d'aller voter.
M. Rice: Pour répondre à votre question, cela va
être assez difficile de le faire pour Robert-Giffard parce que la grande
majorité des gens qui sont là y sont depuis 20, 30, 35 ou 40 ans.
Il y a une partie de la clientèle - je n'aime pas le mot
clientèle - une partie de l'hôpital qui est du court terme. Cela
comprend à peu près 150 lits, peut-être moins. Il y a un
roulement, il y a des gens qui entrent et qui sortent. C'est sûr que, par
rapport à ces gens-là, je précise bien que c'est 150 lits
sur 2200, il y a beaucoup de personnes qui vivent à l'extérieur
et qui pourraient être inscrites dans d'autres circonscriptions
électorales, mais la grande majorité des gens qui sont là
résident à Beauport, à l'hôpital Robert-Giffard.
Cela ne changera pas grand-chose.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que cela va?
Une voix: Merci.
Le Président (M. Marcil): M. Boilard, vous aviez une
dernière opinion à émettre?
M. Boilard: Je voudrais savoir combien il y avait
d'analphabètes en 1950 au Québec et combien il y en a en
1988.
M. Gendron: Un peu moins.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Boilard: Combien?
Le Président (M. Marcil): Cela va? On n'a pas de chiffres
à donner?
M. Perreault, de même que tous vos collaborateurs, on vous
remercie énormément de vous être prêtés
à cet exercice. Soyez assurés que vos commentaires seront
analysés de façon particulière lorsque le comité
d'étude continuera sa réflexion. Au nom de cette commission, on
vous remercie de vous être présentés à cette
séance. Merci beaucoup.
Je vais suspendre les travaux deux minutes et, ensuite, on va reprendre
avec le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du
Québec inc.
(Suspension de la séance à 15 h 53)
(Reprise à 15 h 54)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons reprendre nos travaux. Nous souhaitons la bienvenue aux
représentants du Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale du Québec. Il s'agit de Mme Michèle
Blanchard, présidente - bienvenue, madame - Mme Claudine Laurin,
vice-présidente - bienvenue - M. Réjean Girard, secrétaire
trésorier, de même que M. Paul Morin, permanent. Vous connaissez
les règles du jeu. Vous avez 20 minutes qui vous sont allouées
pour expliquer votre mémoire, ce qui sera suivi d'une période de
questions.
Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale du Québec
Mme Blanchard (Michèle): Bonjour et merci de nous avoir
invités à soumettre notre opinion sur le droit de vote et la
révision de la Loi électorale. Je voudrais juste vous
présenter Mme Laurin, qui est vice-présidente du regroupement des
ressources alternatives; mon secrétaire trésorier, Réjean
Girard, et M. Paul Morin, qui est permanent au regroupement des ressources
alternatives. Si vous permettez, j'aimerais seulement vous préciser que
nous aimerions vous lire une partie d'un texte conjoint, qui a
été écrit avec les comités de
bénéficiaires, et quelques extraits de notre mémoire. Je
crois qu'on vous a soumis les deux textes. On voudrait commencer par celui qui
s'intitule: Le droit de vote, un principe pour tous et toutes. On aimerait en
lire chacun une partie pour ensuite vous inviter à nous poser des
questions.
Alors, le Regroupement des ressources alternatives en santé
mentale du Québec est une fédération provinciale de 45
groupes membres et deux de ceux-ci sont directement concernés, soit le
comité des résidents du centre hospitalier Robert-Giffard, de
Beauport, et le comité des bénéficiaires du centre
Louis-il. -Lafontaine, de Montréal. Il demande que soit mis fin à
la discrimination, en regard de l'exercice du droit de vote, faite aux
personnes mises sous la juridiction de la Curatrice publique ou placées
en cure fermée en vertu de la Loi sur la protection du malade
mental.
En effet, la situation actuelle est proprement aberrante. Le paragraphe
4° de l'article 54 de la Loi électorale abroge la qualité
d'électeur pour les personnes mentionnées ci-haut. Il faut savoir
que le processus de mise en curatelle et de mise en cure fermée
relève d'une procédure médico-administrative. Cela
signifie, par exemple, qu'une personne peut être mise sous la curatelle
à la suite d'un examen psychiatrique sans même le savoir. Au
Québec, au 31 décembre 1987, 16 042 personnes se trouvaient sous
la juridiction de la curatelle publique. De plus, l'examen qui entraîne
la mise sous la curatelle concerne la capacité d'une personne à
administrer ses biens. On se demande en quoi cela préjuge de la
capacité de cette personne à exercer un choix politique. Le
même raisonnement s'applique pour les personnes placées en cure
fermée à cause de leur dangerosité.
En 1985, lors de la révision de la Loi électorale, la
Commission des droits de la personne avait fait des recommandations à la
Direction générale des élections vis-à-vis des
propositions de modification à l'article 54. Auparavant, toute personne
incapable n'avait pas le droit de vote, ce qui était pour le moins vague
et imprécis. La direction générale a alors proposé
des critères d'exclusion, c'est-à-dire qu'une personne
possède la qualité d'électeur si elle n'est pas interdite,
n'est pas en cure fermée ou n'est pas sous la juridiction du Curateur
public. En réponse, la Commission des droits de la personne dans ses
commentaires sur la Loi électorale avait statué que les
modifications proposées étaient encore trop englobantes, à
tel point que celles-ci ne se conformaient pas à la Charte des droits et
libertés de la personne. En vertu de l'article 10, un critère
d'exclusion ne peut être fondé sur un handicap. Malheureusement,
le législateur passa outre à ces commentaires. Le Directeur
général des élections, M. Pierre-F. Côté,
avisa alors la commission qu'il y aurait probablement lieu de revoir le texte
de cet article de façon à refléter les orientations
retenues par le législateur dans le projet de loi 20 portant
réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des
successions et des biens. En conséquence, aux élections de 1985,
500 personnes avaient eu le droit de vote sur les 2200
bénéficiaires à l'interne du centre hospitalier
Robert-Giffard. Quant aux personnes admissibles au centre hospitalier Louis-il.
-Lafontaine, la proportion était moindre puisqu'elle était de 350
sur 2200. L'immense majorité de ces person-
nes qui ont perdu leur admissibilité comme électeurs sont
sous la curatelle publique. Alors qu'au Québec le législateur
refusait d'abolir cette ségrégation exercée à
l'endroit des personnes désignées comme malades mentaux,
l'Ontario s'engageait résolument dans cette voie en éliminant de
sa loi électorale en 1985 toute mention de handicap mental pour
l'exercice du droit de vote. (16 heures)
Lors des élections provinciales de 1987, 61, 5 % des personnes en
institution psychiatrique inscrites sur la liste électorale ont
voté, soit sensiblement le même pourcentage que l'ensemble de la
population.
Maintenant, nous en sommes à une nouvelle révision de la
Loi électorale au Québec. Il s'agit, cette fois-ci, on
l'espère, de ne pas manquer le bateau et ne pas prolonger indûment
cette situation injuste et discriminatoire faite aux personnes
psychiatrisées. En ce sens, les arguments favorables à la
levée de toute restriction, tels qu'exposés par le document de
réflexion et de consultation sur la révision de la Loi
électorale, nous apparaissent déterminants, c'est-à-dire
la primauté du droit de vote dans une société libre et
démocratique, diversité des situations englobées dans la
notion d'incapacité mentale, difficulté d'établir des
catégories d'incapables selon leur aptitude ou non à voter,
faiblesse de l'impact réel sur le système électoral de
l'obtention du droit de vote aux malades mentaux, entre guillemets, par rapport
à l'importance morale de la reconnaissance d'un droit fondamental qui ne
souffre d'aucune discrimination. En n'établissant pas de
ségrégation à l'endroit de ces personnes, nous
évitons d'entrer dans le problème insoluble de catégoriser
les troubles dont souffrent ces personnes.
Le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du
Québec de même que les comités de
bénéficiaires de Louis-il. -Lafontaine et de Robert-Giffard
favorisent donc l'octroi du droit de vote aux personnes vivant en institution
psychiatrique. Cela implique la suppression pure et simple du paragraphe 4°
de l'article 54. Des directives émises par la Direction
générale des élections pourront être
nécessaires afin d'assurer les conditions nécessaires à
l'exercice de ce droit. Si tel est le cas, les groupes concernés, tels
les comités de bénéficiaires, devront donc être
associés à l'élaboration de ces directives. L'objectif est
de faire en sorte que l'exercice du droit de vote soit favorisé le plus
possible tout en respectant la qualité du processus électoral. La
seule restriction se situe au chapitre de la compréhension de l'exercice
de l'acte de voter. Je vais laisser la parole à M. Girard.
M. Girard (Réjean): Le document de la Direction
générale des élections mentionnait une autre solution en
regard de l'exercice du droit de vote pour les personnes
désignées malades mentales, soit le statu quo temporaire
jusqu'à ce que la nouvelle loi sur la curatelle publique soit
adoptée ou jusqu'à ce que les dispositions pertinentes du Code
civil soient en vigueur. Nous refusons catégoriquement cette solution
qui nous ramène au débat de 1985, entre la Commission des droits
de la personne et la Direction générale des élections, sur
la concordance de la Loi électorale avec le nouveau Code civil. Son
entrée en vigueur est prévue pour 1989, mais de façon
réaliste il faut plutôt penser à 1990, 1991 ou
peut-être même 1992.
Quant à la nouvelle loi sur la curatelle publique, nous ne savons
plus, comme dit le poète, s'il faut en rire ou en pleurer. Un projet de
loi serait présenté à l'hiver 1989. Mais encore
faudrait-il que le problème de concordance avec le Code civil soit
résolu. Vous comprendrez que, pour nous, le statu quo ait plutôt
l'allure de calandes grecques. Nous osons croire que la commission
parlementaire sera réceptive à notre argumentation d'autant plus
que les positions de la curatelle publique, de l'Office des personnes
handicapées du Québec et de la Commission des droits de la
personne sont similaires aux nôtres.
À la toute veille de la présentation, par la ministre de
la Santé et des Services sociaux, Mme Lavoie-Roux, du contenu de la
politique de santé mentale du gouvernement du Québec, qui devrait
mettre la personne au centre du système, tel que formulé dans le
projet de politique sur la santé mentale pour le Québec, il
serait pour le moins contradictoire que cette situation d'exclusion, de
ségrégation faite aux personnes psychiatrisées se
prolonge, situation qui s'est éternisée au niveau
fédéral. La loi électorale fédérale, en
vertu de l'alinéa 14, stipule qu'une personne est inhabile à
voter si elle est restreinte dans ses libertés de mouvement ou
privée de la gestion de ses biens pour cause de maladie mentale. En
1986, le livre blanc sur la réforme de la Loi électorale avait
recommandé la modification de cet alinéa. Le projet de loi C-79
déposé à la Chambre des communes le 30 juin 1987 propose
d'accorder, sans restriction, le droit de vote aux personnes
désignées malades mentales. Puisque ce projet de loi va mourir au
feuilleton devant l'imminence d'élections fédérales et
convaincu de la justesse de sa position, le comité des
bénéficiaires de Louis-il. -Lafontaine a décidé
d'intenter des procédures judiciaires dès cette semaine, pour
faire invalider la loi fédérale des élections. Il s'agit
de la rendre inopérante pour cause d'anticonstitutionnalité, car
contraire à la Charte canadienne des droits de la personne qui interdit,
en vertu de l'article 2, toute discrimination fondée sur le handicap. Me
Jean-Pierre Ménard agira comme procureur au nom du comité. Le
comité des résidents de Robert-Giffard appuie cette
démarche juridique de même que le Regroupement des ressources
alternatives en santé mentale du Québec. Nous espérons
tous qu'au Québec le gouvernement saura se montrer plus diligent afin
d'élargir aux personnes en institution psychiatrique l'exercice de ce
droit
fondamental, le droit de vote.
Mme Laurin (Claudine): On voudrait ajouter quelques autres choses
que vous avez dans le mémoire, comme le vote par procuration. Tel
qu'énoncé par le document de réflexion et de consultation
sur la révision de la Loi électorale, au Canada, seules les
provinces de la Colombie britannique, de Terre-Neuve et de Québec ne
prévoient aucun mécanisme particulier pour favoriser l'exercice
du vote des absents ou des personnes à mobilité réduite.
Cette rigidité d'exercice du droit de vote pénalise nombre
d'électeurs puisqu'elle ne tient pas compte des besoins particuliers de
certaines catégories d'électeurs; il suffit de penser aux
personnes âgées et aux personnes handicapées. Le
regroupement estime que le vote par procuration pour les personnes atteintes de
maladie ou d'incapacité physique - seulement physique - devrait
être intégré à la Loi électorale afin
d'améliorer la qualité de la vie démocratique au
Québec. Toutefois, ce vote serait régi par des mécanismes
dont l'un devrait être le suivant: un mandataire ne peut agir qu'au nom
d'un seul électeur.
Concernant la localisation des bureaux de vote, selon l'article 219 de
la Loi électorale, le bureau de vote doit être situé dans
un endroit public, ce qui a un effet discriminatoire pour les personnes
âgées qui ne sont pas dans un centre d'accueil au sens de la Loi
sur les services de santé et les services sociaux. De même,
l'accessibilité aux bureaux de scrutin pour les personnes
handicapées n'est pas facilitée par cet article. Aux
dernières élections fédérales, en 1984, huit
personnes paraplégiques de Winnipeg ont dû être
transportées dans leur chaise roulante pour avoir accès aux
bureaux de scrutin. Une plainte est pendante devant la Commission canadienne
des droits de la personne. Nous sommes évidemment pour
l'accessibilité des personnes handicapées aux bureaux de scrutin,
mais nous croyons aussi qu'il faut prévoir la possibilité pour le
personnel électoral de déplacer l'urne pour faciliter le vote
d'un électeur âgé ou handicapé. Cette solution nous
paraît la plus adaptée aux besoins particuliers des personnes
âgées et des personnes handicapées.
Pour le mode de scrutin, le Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale du Québec n'a pas de position précise
vis-à-vis de l'introduction d'un mode proportionnel au Québec.
Nous tenons toutefois à exprimer notre déception que ce sujet
d'une très grande importance pour la qualité de notre vie dite
démocratique n'ait pas été développé dans le
cadre de cette révision de la Loi électorale.
Concernant le financement par l'État des partis politiques, le
document de réflexion et de consultation sur la révision de la
Loi électorale a très bien formulé le paradoxe de la
situation actuelle: "Si le financement direct de l'État traduit avant
tout une reconnaissance concrète de l'importance des partis politiques
dans la vie démocratique, on peut se demander ce qui justifie que cette
reconnaissance ne soit accordée qu'aux seuls partis politiques
représentés à l'Assemblée nationale. " Le
regroupement trouve justifié de changer cette situation et d'avoir comme
objectif de faire bénéficier les tiers partis du financement que
l'État accorde aux partis politiques. Nous vous proposons que le
critère d'admissibilité au financement de l'État soit
celui-ci: les partis politiques doivent re- cueillir de façon
provinciale un minimum de 3 % des votes. Une allocation de base est
accordée à tout parti politique qui satisfait à ce
critère.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que c'est tout?
Mme Laurin: Oui.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Mme la
députée de la circonscription électorale de Vachon.
Mme Pelchat: Mme Blanchard, bienvenue et merci de votre
exposé. Ce matin, nous avons entendu le comité des
bénéficiaires de l'hôpital Louis-il. -Lafontaine se
prononcer sur différents sujets, plus particulièrement sur le
vote par procuration. Si je ne m'abuse, les gens de Louis-il. -Lafontaine se
sont prononcés catégoriquement contre le vote par procuration.
Par la suite, nous avons entendu l'Association canadienne pour la santé
mentale qui s'est prononcée pour le vote par procuration pour tous les
citoyens et les citoyennes du Québec. Dans votre mémoire, vous
vous prononcez sur le vote par procuration. Cependant, et c'est là ma
première question, est-ce que vous vous prononcez pour le vote par
procuration uniquement dans le cas de personnes handicapées
physiquement? Est-ce bien ce que j'ai compris ou si... Mme Laurin ou...
Mme Laurin: Oui. Pour nous, le vote par procuration s'adresserait
uniquement aux personnes atteintes de maladie ou d'incapacité physique,
et non à celles qui souffrent de problèmes émotifs.
Mme Pelchat: À ce moment-là, est-ce que vous
excluez la possibilité du vote par procuration pour toute la population
ou est-ce que vous réserveriez le vote par procuration seulement aux
personnes handicapées physiquement? Ne pensez-vous pas que les citoyens
qui ne sont pas infligés d'une incapacité physique pourraient
utiliser cette possibilité-là?
Mme Laurin: Ce sur quoi on s'est penchés, c'est surtout en
ce qui concerne les personnes handicapées, parce qu'on représente
quand même ce domaine de la santé. À ce niveau-là,
si on a spécifié "de maladie ou d'incapacité physique",
c'est qu'on n'est pas d'accord avec le vote par procuration pour les personnes
souffrant de
problèmes émotifs.
Mme Pelchat: Ne pensez-vous pas que ce serait une mesure
discriminatoire que d'accorder le vote par procuration seulement à une
catégorie de citoyens, nommément les personnes affligées
d'un handicap physique?
M. Morin (Paul): Comme Mme Laurin vient de le dire, on ne s'est
pas prononcés sur l'ensemble. Cela n'implique pas qu'on soit contre.
Mme Pelchat: Mais je vous demande si vous ne pensez pas que ce
serait discriminatoire.
M. Morin: Si c'était uniquement pour les personnes
handicapées, cela pourrait effectivement être quelque chose de
ségrégatif. Nous n'avons pas d'objection en soi à ce que
ce soit étendu aux personnes qui ne sont pas présentes parce
qu'elles sont hors du pays. On ne s'est pas prononcés là-dessus,
mais dans ce sens-là il n'y a pas de problème.
Mme Pelchat: Même si on parle de personnes
handicapées, je pense qu'une des revendications des groupements de
personnes handicapées physiques ou mentales, c'est de cesser de faire
cette catégorisation de handicapés justement. Si on permet aux
handicapés physiques d'exercer le droit de vote par procuration et qu'on
ne le permet pas aux gens qui sont affligés d'une maladie mentale - et
encore là il y a toutes sortes de degrés - c'est ce qui est en
soi discriminatoire, je pense.
Mme Laurin: Le vote par procuration est une chose qui aurait pu
exister au moins pour exercer le droit de... Idéalement, ce que l'on
voudrait, ce serait plutôt le déplacement des urnes. On le dit, il
faudrait pouvoir permettre au personnel électoral de déplacer
l'urne pour faciliter le droit de vote de l'électeur. Pour nous, ce
serait l'idéal.
Mme Pelchat: Quand vous parlez de déplacer l'urne, est-ce
à l'intérieur de l'établissement ou s'agit-il d'un vote
vraiment itinérant?
Mme Laurin: Cela peut être à l'intérieur d'un
établissement, comme cela peut être... La modalité ne va
pas jusqu'à dire si elle va se promener. Elle pourrait aussi se promener
là où on sait qu'il y a un bassin de population qui ne se
déplace pas. S'ils ne sont pas capables de se déplacer,
normalement, ils sont regroupés par petits établissements comme
les pavillons ou les familles d'accueil qui ont une clientèle
très lourde qui ne peut pas se déplacer.
Mme Pelchat: Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Ce sera mon collègue de Laviolette qui
questionnera. Je veux simplement vous remercier au nom de l'Opposition
officielle. Vous avez touché des points sur lesquels il y a lieu d'avoir
le plus d'avis possible, que ce soit la localisation des bureaux de vote, le
financement par l'État, le mode de scrutin; vous déplorez que
cela n'ait pas été touché et cela a été dit
par d'autres.
Pour ce qui est du vote par procuration, mon collègue aura
l'occasion de questionner, mais je pense que c'est important que vous donniez
un avis là-dessus. Ce qui m'a frappé le plus, c'est votre
présentation antérieure à ces points du texte
déposés aujourd'hui où, dans le fond, vous avez une
opinion claire, franche, ouverte et précise mais à la fois
très simple: on veut le droit de vote sans distinction. C'est ce qu'il
faut retenir, au-delà des ajustements par rapport à d'autres
lois. Tout comme l'Ontario a fait le pas, la société
québécoise a ce degré d'ouverture et de maturité
normales. On ne peut pas avoir des discours sur l'intégration et avoir
des comportements qui traduisent qu'on a encore uniquement la
préoccupation du discours. En ce sens, je veux vous remercier. Par
contre, pour ce qui est des échanges avec vous, c'est mon
collègue de Laviolette qui le fera, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): M. le député. (16
h 15)
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Quand on regarde toute
la question du vote par procuration, ce qui m'a chicoté tout à
l'heure, c'est que vous êtes le Regroupement des ressources alternatives
en santé mentale. Vous regroupez donc des gens de différents
milieux, dont ceux de Louis-il. -Lafontaine qui sont venus parler ce matin, qui
sont venus tout à l'heure et qui disaient qu'ils n'avaient pas pris
position, mais ils ont quand même donné leur opinion sur toute la
question du vote par procuration des résidents de Robert-Giffard. Le
groupe de ce matin, l'Association canadienne pour la santé mentale, est
venu nous parler un peu de l'ensemble et on sent qu'il y a divergence
d'opinions et difficulté de trouver un consensus sur la question du vote
par procuration. On vous dit que nous, de notre côté, on n'en veut
pas, aussi bien pour les personnes qui éprouvent des difficultés,
à quelque niveau que ce soit, que pour les gens qui vivent dans la
société et qui votent actuellement. Donc, on croit que ce n'est
pas la solution, mais on sait très bien qu'il faut trouver une solution
pour répondre à ce droit de voter. C'est dans ce sens-là
que j'aimerais connaître davantage votre opinion. Vous dites que vous
voulez voter et que vous voulez que les gens en difficulté aient la
capacité d'aller voter, le droit de voter, mais vous dites que, si cela
ne marchait pas par procuration, ce pourrait être l'urne qui se
promène, donc un vote itinérant. J'aimerais bien saisir parce que
vous représentez des gens qui
nous ont dit carrément non. D'autres nous ont dit: D'une
façon ou d'une autre, on pense que...
J'aimerais connaître davantage votre opinion sur cela.
M. Girard: Comme le disait Mme Laurin tout à l'heure, ce
qu'on privilégie au fond, c'est que l'urne se promène. On n'est
pas totalement fermés à l'autre formule. On prend l'exemple du
Directeur général des élections de l'Ontario qui nous
disait dans son rapport qu'il semblerait qu'il n'y ait pas eu de
problème lors de la première expérience en Ontario. Ici,
au Québec, on a historiquement toute une problématique de bouts
de chemin et de frigidaires, etc. On se rappelle notre histoire, quand
même, et on a comme un peu peur de ça aussi.
Je pense que c'est un réflexe normal. J'aimerais mieux voir
promener l'urne avec deux, trois ou quatre partis politiques qui la suivent.
Par procuration, c'est évident qu'il y a peut-être des
circonstances ou des situations où cela peut être
intéressant, mais, après avoir discuté à maintes
reprises, on a laissé la porte ouverte à la procuration et on
s'inspire de l'expérience de la première année de
l'Ontario. Au fond, on dit que ce qu'on privilégie le plus, et je pense
qu'on serait mécaniquement capables de l'établir, c'est de faire
promener l'urne. Comme le disait Mme Laurin, je pense qu'on retrouve ces
gens-là regroupés dans des foyers ou ailleurs. Est-ce que cela
coûterait une fortune, au fond? Mais il y a tout le côté de
la propreté au Québec aussi dans ce sens-là à cause
de notre histoire, évidemment.
Mme Laurin: Je voudrais ajouter quelque chose. Il faut vraiment
comprendre qu'on a présenté le vote par procuration. On n'est pas
en désaccord avec ce que les autres groupes du regroupement ont dit: on
est d'accord pour ne pas donner le droit de vote par procuration à la
clientèle souffrant de problèmes émotifs. Le droit de vote
par procuration, nous demandons qu'il soit donné aux gens qui souffrent
d'incapacité physique. Mais pour la clientèle qu'on
représente spécifiquement, si on parle de santé mentale,
si on parie des centres hospitaliers comme Robert-Giffard et
Louis-Hippolyte-Lafontaine, pour nous, il est bien clair que dans ce cas il
n'est pas question de vote par procuration. J'aimerais que ce soit bien compris
et qu'on voie bien la distinction.
M. Jolivet: C'est parce que j'ai suivi les discussions et, si
j'ai bien compris - j'aimerais qu'on me le rappelle parce que je veux
être sûr d'avoir bien compris - des groupes qui sont inscrits sur
votre texte, soit Louis-Hippolyte ou Robert-Giffard semblaient être
contre le système de procuration parce qu'on veut que ce soit l'individu
lui-même qui exerce son droit. S'il est capable de l'exercer, bien, qu'il
l'exerce ce droit. C'est ce que j'ai de la difficulté à saisir.
Vous dites: On aimerait peut-être mieux avoir l'urne qui se
promène, mais, d'un autre côté, la procuration, si ce
n'était pas cela, on aurait au moins cela.
Mme Laurin: Je m'excuse, M. Jolivet, je pense qu'il faut
comprendre qu'on est d'accord avec le centre Robert-Giffard, à savoir
que, pour nous, la clientèle qui souffre de problèmes
émotifs, il n'est pas question de vote par procuration ou d'urnes qui se
promènent. Qu'ils exercent leur droit de vote, que ce soit pour tout le
monde. Quand on parle de vote par procuration ou d'urnes qui se
promènent, c'est pour des handicapés physiques qui ne peuvent pas
se déplacer. Ce n'est pas pour des gens souffrant de problèmes
émotifs.
M. Jolivet: C'est là que vous faites votre
distinction.
Mme Laurin: Oui.
M. Jolivet: À ce moment-là, je crois donc
comprendre que ce qu'on a connu dans des centres d'accueil, M. Girard en
faisait mention. Autrefois, on mettait des urnes dans des institutions de
soeurs et dans des institutions de frères, et on s'assurait que le vote
soit bleu ou rouge, selon les circonstances. Ce n'est pas ce qu'on cherche.
Donc, dans un centre d'accueil - je me souviens des discussions qu'on a
eues - si c'est un centre d'accueil public, il est donc public, il est
admissible. Mais là, dans ce centre, on fait voter d'autres personnes
que celles du centre pour éviter de mettre une pression sur les gens en
disant: Si tu ne votes pas pour nous, tu n'auras pas d'amélioration au
centre d'accueil. On comprend très bien cela. Il faut donc en arriver
à ce que, dans les centres privés - vous y faites mention -
où les gens ne peuvent pas se déplacer ou, malgré toute
l'ouverture d'esprit qui s'est développée en cours de route, qui
ont des handicaps physiques et que des parents gardent encore à la
maison... On ne sait même pas s'il y a un enfant à la maison et on
s'aperçoit, à l'âge de 22 ou 23 ans, qu'il y en a un, parce
qu'on ne l'a jamais montré. Mais une chose est certaine. Si vous dites:
On va le lui permettre, il est capable de voter, il n'a aucun problème
de décision, mais s'il n'est pas capable de se déplacer, les
parents ne voudront pas l'amener aux lieux publics. Vous connaissez toutes les
raisons émotives qu'on a au Québec à ce point de
vue-là. C'est dans ce sens-là que vous dites que, pour eux, ce
serait un vote par procuration. Mais, s'ils ont la capacité de voter,
pourquoi est-ce que ce serait un vote par procuration? Cela m'inquiète
d'une certaine façon parce que, là, on met une pression
additionnelle sur l'individu, sur la personne qui est en difficulté au
point de vue physique. On peut, au moyen de la procuration, faire un peu de
chantage dans certaines circonstances. Cela m'inquiète. J'aime-
rais bien mieux que ce soit l'urne qui se promène.
M. Morin: Ce n'est pas un "crois et meurs". Sur la question de la
procuration, ce n'est pas un "crois et meurs" du tout. C'est dans notre
mémoire, sauf qu'on en a rediscuté au conseil d'administration.
Pour nous, effectivement, le déplacement de l'urne pour les personnes
handicapées physiques serait l'idéal en ce sens que, avec toutes
les garanties de confidentialité, ce serait mieux que la question de la
procuration. Pour nous, c'est clair. Des personnes handicapées physiques
qui ne peuvent pas se déplacer, il n'y en a quand même pas des
milliers. On peut penser aux personnes grabataires qui ont encore tous leurs
esprits mais pour qui cela poserait vraiment un problème que de se
rendre aux bureaux de scrutin. Mais cela touche quand même une partie
infime de personnes handicapées parce que, en principe, si je ne me
trompe pas, les bureaux de scrutin sont censés être accessibles
aux personnes handicapées. C'est vrai qu'avec le vieilissement du
Québec - la population vieillit beaucoup en centre d'accueil - cela peut
en toucher plus à l'avenir. Mais, idéalement, nous, on irait plus
du côté de l'urne qui n'est pas itinérante...
Une voix: C'est cela, itinérante, mobile. M. Morin:
Mobile, pardon.
M. Jolivet: Donc, comment verriez-vous, en ce qui concerne les
personnes dans chacun de leur foyer chez elles, dans les foyers privés,
dans les hôpitaux... parce qu'il peut y en avoir dans les hôpitaux
aussi. Il y a des journées où les gens ne peuvent pas se
déplacer. On ne les amènera pas en civière pour les faire
voter et tout cela, à moins qu'il n'y ait un "poll" dans l'hôpital
qui permette de les déplacer durant la journée; mais, à
l'extérieur, il pleut, il neige; ils ne peuvent pas venir. Vous verriez
cela s'ajuster de quelle façon dans l'exercice du droit de vote? Par une
urne qui voyagerait avec tous les gens autour, qui sont le greffier, le
scrutateur, les représentants des candidats?
M. Girard: On ne s'est pas penchés sur la tuyauterie.
Là, on parle vraiment de tuyauterie. On parle de 0, 4 %. En tout cas,
c'est de ça qu'on parle aujourd'hui. On dit: Nous, on veut le droit de
vote pour ces gens-là. Quant au vote par procuration, s'il y en avait,
j'imagine que, nous, quand on parle de certaines catégories
d'électeurs, il suffit de penser aux personnes âgées.
Toutefois, ce vote serait régi par des mécanismes dont l'un
devrait être le suivant: Un mandataire ne peut agir qu'au nom d'un seul
électeur. Le président d'élection pourrait établir
que c'est un membre de la famille. Je veux dire que, dans la mécanique,
on ne s'est pas penchés là-dessus.
Ce qui me fait rire un peu depuis ce matin - vous me permettrez de vous
dire cela, parce que j'ai quand même fait 160 kilomètres pour
venir ici - ce que je trouvais drôle ce matin et ce que je trouve encore
drôle, c'est que cette demande qu'on fait pour ce petit nombre de votes,
je n'en reviens pas comme on est extrêmement puriste au Québec. On
se tortille dans des virgules, même au niveau du vote par procuration.
J'imagine que vous allez limiter cela quelque part. Quand vous serez en
Chambre, vous allez sûrement limiter cela ou ne pas le faire du tout.
Mais il me semble qu'il serait facile de l'accorder. C'est le but essentiel de
notre visite aujourd'hui de vous dire pourquoi ne pas libéraliser cela.
Qu'est-ce qui se passe, au fond? C'est notre petit côté pur. Il me
semble... On se tortille avec les virgules. On dit: Bon, qu'est-ce qui va
arriver dans ce cas-là? Il me semble que d'accorder fondamentalement le
droit de vote... Et, pour le reste de la mécanique, j'imagine qu'au
bureau de M. Côté il y a des gens bien experts qui y ont
déjà pensé d'ailleurs et qui le voient là, le
besoin. Mais c'est cela qui me fait rire un peu, ces virgules, ces questions de
mécanique et de tuyauterie. Cela m'intrigue quand même. Cela me
faisait penser un peu à ceci. Je me suis dit: Pour moi, je m'en vais
dans un théâtre d'été, mais ça ne se tient
pas le jour, habituellement, c'est le soir.
M. Jolivet: Mais il y en a quelques-uns le jour M. Girard, si
vous parlez de toute la libéralisation, je pense que j'ai même
été avec certains collègues à l'époque, au
moment où on a fait la réforme du vote, avec la
possibilité accordée à d'autres personnes de plus en
plus... On l'a fait, on va l'appuyer en termes de libéralisation, mais
il s'agit cependant de savoir à quelles modalités. C'est dans ce
sens que les discussions ont lieu. Donc, le fait de vous poser des questions,
à mon avis, ce n'est pas du théâtre; c'est simplement pour
bien comprendre votre position afin de prendre la meilleure décision
possible. Vous le savez, vous me connaissez, on se fait toujours l'avocat du
diable pour avoir le meilleur résultat possible. Si on ne le fait pas,
on risque de faire peut-être des erreurs plus profondes. C'est dans ce
sens que les questions sont posées. En tout cas, comme membre de la
formation politique que je représente, on vous remercie beaucoup de
votre présentation.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député de Laviolette. M. le ministre.
M. Gratton: Oui, M. le Président, je sais que ma
collègue de Vachon a encore des questions à adresser à nos
invités. Mais, comme je devrai quitter malheureusement, et je m'en
excuse d'avance, peut-être possiblement avant la fin de nos travaux, je
voudrais, quant à moi, faire au moins un court commentaire sur les
représentations qui nous sont faites par le Regroupement des
ressources alternatives en santé mentale du Québec inc. En ce qui
a trait au mode de scrutin, vous déplorez qu'on n'en discute pas dans
cette révision de la Loi électorale. Je voudrais vous dire
très clairement que, si on n'en discute pas, évidemment, on en
discutera sûrement à l'étape ultérieure. Je pense
que le député de Gouin hier et peut-être le porte-parole de
l'Opposition officielle ont indiqué qu'on voudrait en discuter. Mais,
dans le processus de la révision de la Loi électorale, on avait
invité les partis politiques d'abord à nous faire parvenir les
sujets qu'ils jugeaient opportuns de voir discutés et analysés
par le Secrétariat à la réforme électorale. Or,
personne ne nous a suggéré de l'aborder et, quant au parti
ministériel, le Parti libérai dont je suis, nous avons
déjà fait connaître très clairement notre position
à tout changement au mode de scrutin de façon isolée au
Québec, sans prendre en considération ce qui se passe ailleurs
dans les autres Législatures provinciales de même qu'au
fédéral. Donc, je n'ai pas d'excuse, ce n'est pas une excuse que
je donne. Je vous dis que, du côté du Parti libéral, il
n'est pas question de même considérer la possibilité
d'aborder des amendements sur le mode de scrutin. Donc, c'est pour cela que
nous n'avons pas suggéré qu'on en discute et, comme personne ne
l'a suggéré au moment où on a entamé la
démarche, c'est ce qui fait qu'on n'en discute pas ici, ce qui n'exclut
pas qu'on pourra en discuter à l'étape ultérieure, au
cours du mois de septembre. Lors de ces discussions, c'est évident que
nous, de notre côté, nous ferons valoir les arguments qui nous
amènent à ne pas retenir des amendements à la Loi
électorale en ce qui a trait au mode de scrutin.
Quant au financement des partis politiques par l'État, vous avez
peut-être pris connaissance du procès-verbal du comité
parlementaire qui a fait le travail préliminaire à cette
commission. Si oui, vous aurez sûrement remarqué que nous avons
abondé dans le sens que vous proposez, c'est-à-dire que le
financement de l'État ne soit plus exclusivement accordé aux
partis qui sont représentés à l'Assemblée
nationale, mais bien qu'il y ait reconnaissance des partis politiques et, donc,
une aide financière aux partis politiques qui recueillent un certain
appui au moment des élections; vous parlez de 3 %. On s'est
demandé: Est-ce que ce devrait être 3 % ou 5 %? Hier, devant des
organismes qui sont venus faire leurs représentations, on a
également fait valoir que, si cela était, il faudrait
évidemment s'assurer que les partis politiques, dans les critères
qu'ils doivent remplir pour être reconnus et autorisés... Il
faudrait qu'on se questionne également sur le sérieux des
critères qui doivent présider à l'autorisation de partis
politiques. C'est dire que si Mme la députée de Vachon ne vous
pose pas de question là-dessus, c'est que c'est déjà
acquis; on reconnaît le bien-fondé de votre recommandation
là- dessus.
(16 h 30)
Quant à moi, en ce qui a trait aux autres sujets qui ont
été abordés et qui seront abordés tantôt avec
vous, chose certaine, je pense que la journée d'aujourd'hui nous aura
convaincus qu'il faudra accorder le droit de vote aux personnes
handicapées mentales, et ce, sans attendre nécessairement
l'entrée en vigueur du nouveau Code civil. Je suis tout à fait
d'accord avec vous quand vous nous dites qu'il y a un tas de virgules et de
trémas au sujet desquels on se soucie; je rejoins le
député de Laviolette quand il dit qu'effectivement il faut se
poser la question pour en arriver à trouver une formule qui ne
prêtera pas ouverture à des abus, à de la manipulation.
Mais tenons pour acquis - je ne peux pas parler au nom de la commission parce
qu'évidemment cela ne m'appartient pas - que je crois sentir qu'il y a
un consensus qui se dégage au sein de la commission parlementaire
à la lumière des représentations qui nous sont faites.
Donc, nos efforts porteront maintenant bien moins sur "est-ce qu'on
reconnaît le principe?", "oui, on le reconnaît"; ils porteront
plutôt sur "comment on fait en sorte que ce droit qu'on accordera aux
personnes handicapées mentales pourra s'exercer de la meilleure
façon possible?", en protégeant les personnes impliquées
et, aussi, l'intégrité du processus électoral. Vous y
aurez contribué par la présentation que vous nous avez faite
aujourd'hui, et je vous en remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Vachon.
Mme Pelchat: Sans tomber dans la tuyauterie sur laquelle vous ne
vous êtes pas penché, M. Girard, vous dites dans le mémoire
que des directives pourront être nécessaires afin d'assurer les
conditions nécessaires à l'exercice de ce droit de vote.
Si vous faites mention qu'on aurait besoin de directives, j'imagine que
vous en avez certaines derrière la tête, lesquelles j'aimerais
peut-être connaître aujourd'hui. C'est à la page 3 de votre
mémoire, Mme Blanchard.
M. Morin: Quand on parle de directives, on fait
référence, encore une fois, à l'expérience de
l'Ontario où le Directeur général des élections
avait soumis des directives. On s'est penchés un peu sur cette question.
Nous, nous allions dans le sens que: Oui, ces directives sont effectivement
intéressantes. Si on prend un point précis, par exemple, toute la
question de l'énumération, en Ontario, ce qu'ils avaient choisi
comme directive, c'était d'avoir un lieu central dans l'hôpital
où les gens devaient se déplacer pour être inscrits sur la
liste électorale. Nous ne sommes pas vraiment certains que c'est la
bonne solution. On irait plutôt dans le sens que les
énumérateurs et les énumératrices devraient aller
dans l'hôpital et voir auprès de chaque personne, autant que
possible, vraiment dans la mesure du possible, si celle-ci veut
être inscrite sur la liste électorale. C'est un point
précis: la question de rénumération. Il y a aussi toute la
question de l'élection le jour même. Tous ces points sont à
élucider, sont à construire. On n'a pas la prétention
d'avoir trouvé la vérité sur ces points, on s'est
penchés sur le regroupement. Ce qu'on dit, c'est qu'on devrait
travailler avec la Direction générale des élections,
c'est-à-dire les gens dans les institutions, autant avec les
comités de bénéficiaires qu'avec les gens concernés
par ça. On devrait travailler ensemble pour établir des
paramètres pour fixer les modalités, tant concernant
l'énumération que la procédure électorale
elle-même, le jour des élections.
Mme Pelchat: Est-ce que vous avez la même opinion quant
à ce qu'on appelle la cabale politique, la cabale partisane par les
partis? Est-ce que cela devrait se faire à l'intérieur de
l'institution, soit dans un endroit bien cerné, ou encore est-ce que les
candidats ou les représentants des partis pourront... Est-ce que vous
avez une opinion là-dessus? M. Girard ou Mme Blanchard.
Mme Blanchard: Moi, je dirais: Pourquoi pas? Je pense que
l'esprit général de notre présentation, c'est
d'espérer qu'on puisse permettre aux gens qui habitent dans ces
institutions de vivre l'élection de la même façon que tout
citoyen. Je pense que c'est l'esprit dans lequel on voulait vous le
présenter. Donc, pour moi, je répondrais que oui. Ce serait
peut-être surprenant le nombre, le surplus de votes intéressant
qui serait à venir. C'est cela qu'on aimerait vous dire, je ne veux pas
qu'on se sente insulté sur le détail qu'on trouve difficile
aujourd'hui de vous amener. Je pense que ce qu'on voulait, c'est être
certains qu'on parte aujourd'hui en sentant qu'on vous a convaincus que nous
aimerions que le Québec soit plus à lavant-garde par rapport
à la possibilité d'être traité comme tout citoyen.
Je pense que c'est le droit fondamental de la personne de sentir qu'elle fait
partie de toute cette cabale, non pas seulement de marquer un X et c'est fini.
Je suis contente que vous l'abordiez parce que je trouve que - c'est une chose
qu'on disait ce matin - il y a un manque d'initiative quelque part. Ces
gens-là peuvent participer de la même façon si on
établit avec l'hôpital, les comités de
bénéficiaires et les groupes communautaires du quartier qui, eux
aussi, s'impliquent, je l'espère... Il faudrait inviter les gens,
justement, à en faire partie à long terme. Donc, ils seront mieux
informés, mieux sensibilisés, et peut-être y aura-t-il un
peu moins de craintes de la part de bien des gens sur la fraude et tout ce qui
peut arriver comme erreur. Je suis contente que vous l'abordiez parce que je
considère cela très important.
Mme Pelchat: Je vous remercie. Le Président (M.
Marcil): Cela va? Mme Pelchat: Oui. M. Jolivet: Oui.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Sans entrer dans la tuyauterie moi non plus, je veux
seulement... J'ai vécu de 1973 à 1976 et de 1981 à 1985,
vous dites que vous seriez intéressés... Mais il ne faut pas
oublier une chose, c'est que, lorsque je veux entrer dans un centre d'accueil,
même public, il faut que j'aie la permission de la personne pour y
entrer. Je veux dire que ce n'est pas acquis d'avance, ce n'est pas dans la loi
de dire qu'on a le droit d'aller dans les centres d'accueil, qu'on a le droit
d'aller dans des centres hospitaliers. Je vous le dis, je suis un candidat, je
l'ai été, donc, je sais de quoi je parle.
Une voix: Vous l'êtes encore.
M. Jolivet: Oui, je le suis encore pour la prochaine, d'ailleurs,
mais ce n'est pas le temps de faire de cabale. Ha, ha, ha!
Mme Pelchat: D'accord, on en prend bonne note.
M. Jolivet: Je ne commence pas ma cabale aujourd'hui, mais cela
est déterminé; chez nous, on le sait. Je veux simplement vous
dire que ce n'est pas acquis. Je suis député et, parce que je
suis député, j'ai le droit d'entrer dans toutes les écoles
du Québec si je le désire. Mais cela ne veut pas dire que je vais
y aller de même, sans avoir au moins vérifié avec le
directeur ou la directrice avant d'y entrer. Des fois, certains ne veulent pas.
Alors, il faut quelquefois se battre pour y entrer. C'est la même chose
dans les usines et un peu partout. Donc, la cabale dont on fait mention ne
devient pas automatiquement... Il faudrait à ce moment-là
qu'à l'intérieur des institutions les gens le demandent, et c'est
de même ordinairement qu'on le fait. La pression se fait sur la direction
qui ne peut pas empêcher quelqu'un d'entrer. Mais je dois vous dire que,
dans des centres d'accueil, à certains moments, des personnes
représentant certains partis politiques n'étaient pas les
bienvenues parce que la direction n'était pas du même avis
qu'elles. Cela empêchait justement des gens à l'intérieur
de faire leur opinion, quelqu'un décidait pour eux autres. D'accord?
Mme Laurin: Mais sur cela, M. le député de
Laviolette, si je peux dire quelque chose: c'est à votre organisation
électorale d'y voir. Ce ne serait quand même pas à nous
à se pencher sur
les mémoires et de vous dire comment entrer dans un centre
d'accueil. Je pense que chacun des partis peut sûrement se pencher
là-dessus.
M. Jolivet: Je vous parle de la tuyauterie... Ce que je voulais
vous faire sentir, c'est que, justement, il faut faire les pressions
nécessaires pour y entrer. Quand la direction n'est pas de l'avis d'un
candidat, elle peut mettre tous les bâtons dans les roues pour y
entrer.
Mme Laurin: C'est le jeu des élections.
M. Jolivet: Non, non, c'est ça... Je pense qu'on ne se
comprend pas. Je comprends tout ça, je suis habitué à
ça; ça ne me dérange pas.
Mme Laurin: Oui.
M. Jolivet: Ce n'est pas ce que je veux dire! Vous dites que les
gens à l'intérieur doivent avoir le droit de décider
eux-mêmes.
Mme Laurin: Oui.
M. Jolivet: Bon. Moi, je vous dis qu'il y a une barrière
quelque part. Il va donc falloir que les gens à l'intérieur
demandent à la direction de ne pas mettre de barrières, c'est
cela que je veux dire.
Mme Laurin: Si on donne le droit de vote, si on libéralise
le droit de vote de plus en plus, je pense que ce sera plus facile pour les
gens de l'intérieur de s'y intéresser, justement. Mais, quand il
y a seulement 500 bénéficiaires, comme on l'a dit tantôt
dans notre mémoire, sur 2200 qui ont le droit de vote, il est
évident que l'intérieur ne vous demandera pas d'entrer et ce sera
plus difficile.
M. Jolivet: Oui, je vais vous donner seulement un exemple. Dans
un centre d'accueil de 150 personnes, si la direction, le conseil
d'administration de la bâtisse décide de ne pas faire entrer un
candidat, elle va agir autrement; elle n'en fera entrer aucun pour ne pas
être accusée de partisanerie. Mais ce faisant, elle empêche
des gens de recevoir des personnes qui peuvent faire valoir leur point de vue.
C'est ce que je voulais vous dire. Cela, je l'ai vécu. Et je vous dis
que ce n'est pas automatique, ce n'est pas dans la loi, malgré les
pressions, malgré toute l'organisation, il arrive des choses comme
celle-là. Donc, je vous dis simplement qu'en libéralisant cela ne
veut pas dire nécessairement en changeant les mentalités des
personnes et de la direction.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Laviolette de même que Mme Blanchard, Mme Laurin, M. Girard et M. Morin,
au nom de cette commission, nous vous remercions de vous être
prêtés à cet exercice et d'avoir accepté notre
invitation. Soyez assurés que vos commentaires, vos propositions seront
analysés de façon particulière. Merci beaucoup.
Juste avant de terminer, en passant, M. Girard, un bon voyage de retour.
Ha, ha, ha!
M. Girard: Merci.
Le Président (M. Marcil): Avant de terminer, je vous
rappelle que, demain, les travaux commenceront à 10 heures. Nous allons
entendre l'Association des centres d'accueil du Québec, à 11
heures, la Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec; à 12 heures, le Parti des
travailleurs du Québec et à 13 heures, le Parti vert du
Québec. Nous ajournons à demain, 10 heures. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 16 h 40)