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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mercredi 17 août 1988 - Vol. 30 N° 21

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur la révision de la Loi électorale, sur le Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale et sur le document intitulé 'Résultats des travaux du comité de travail sur la révision de la Loi électorale'


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Marcil): Bonjour. Je vais déclarer la séance ouverte, tout en rappelant le mandat de la commission, soit de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques afin d'examiner toute proposition de révision de la Loi électorale sur la base notamment du "Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale" déposé à l'Assemblée nationale le 15 mars 1988 et du document intitulé "Résultats des travaux du comité de travail sur la révision de la Loi électorale".

Les remplacements sont les mêmes qu'hier, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Je vais maintenant inviter en premier la Curatrice publique à se présenter, à prendre place. Bonjour, Mme Lucienne Robillard. Si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent.

La Curatrice publique Mme Lucienne Robillard

Mme Robillard (Lucienne): Oui. La personne que vous voyez à ma gauche est Me Gisèle Gratton, responsable du Service de représentation à la Direction de la protection des majeurs, à mon bureau.

Le Président (M. Marcil): Vous voulez dire à votre droite?

Mme Robillard: Que vous voyez à ma gauche. Et la personne que vous voyez à ma droite est Me Marie Boivin, conseillère juridique au Service de représentation.

Le Président (M. Marcil): Nous vous souhaitons la bienvenue. Vous avez 20 minutes pour votre exposé qui sera suivi de questions de part et d'autre. Cela va?

Mme Robillard: Oui, cela va. Le Président (M. Marcil): Allez-y!

Mme Robillard: M. le Président, mesdames, messieurs, je tiens, d'abord, à remercier la commission des institutions d'avoir sollicité mon opinion en regard de la révision de la Loi électorale et plus spécifiquement de l'exercice du droit de vote pour les handicapés mentaux.

C'est avec un grand plaisir que je me présente devant vous aujourd'hui. J'aimerais bien partager toutes les dimensions que soulève cette question, très importante dans notre société, de l'exercice du droit de vote.

Ma présentation se fera en deux temps. Premièrement, j'aimerais faire un rappel du système de curatelle publique actuellement en vigueur au Québec, en y ajoutant un portrait de la clientèle qui est actuellement sous la juridiction du Curateur public et, dans un deuxième temps, vous faire part de ma prise de position en regard de la question débattue aujourd'hui, à savoir si les personnes sous curatelle publique devraient ou non avoir le droit de vote.

Dans un premier temps, j'aimerais bien faire un rappel du système de curatelle publique avec lequel nous vivons depuis 1945, qui a subi différents changements au cours de toutes ces années et qui, à l'heure actuelle, se présente ainsi. Je suis curatrice d'office de toute personne malade mentale qui n'est pas déjà représentée par un curateur privé et dont l'incapacité d'administrer des biens a été établie à la suite d'un examen par un psychiatre.

Quand on regarde les critères d'application de la Loi sur la curatelle publique, on s'aperçoit que c'est d'abord une personne malade mentale qui n'est pas déjà représentée, qui n'a pas déjà un curateur privé et qui est incapable d'administrer ses biens. Qu'est-ce qui se passe pour cette personne? Quelle est la conséquence de sa mise sous curatelle? L'exercice de tous ses droits civils est transféré à un tiers, au Curateur public, et elle ne peut plus exercer elle-même l'ensemble de ses droits civils. Le Curateur public autant que le curateur privé devient alors le représentant de la personne et l'administrateur de ses biens.

Quand on saisit bien les critères actuels d'entrée sous curatelle publique, on s'aperçoit qu'il n'y a pas de gradation d'incapacité à l'intérieur du régime actuel. Il n'y a pas, non plus, de diversification du régime. Quand je parle de diversification, je fais appel à deux dimensions: la personne et les biens. On n'a pas un régime de curatelle strictement pour la personne ou strictement pour ses biens. Les deux sont conjoints dans le système. Donc, notre régime à l'heure actuelle n'est pas diversifié; il n'est pas gradué et il n'est pas diversifié.

En regard de la procédure d'ouverture de curatelle, cette procédure d'ouverture se fait, comme je le disais, par un certificat d'incapacité à la suite de l'examen par un psychiatre. Le psychiatre examine la personne, juge qu'elle est incapable d'administrer ses biens. Ce certificat est attesté par un directeur des services profes-

sionnels de l'établissement où la personne est traitée et la personne devient ipso facto sous curatelle publique. La même chose pour sortir de curatelle. Pour lever la curatelle publique, il faudra que le psychiatre réexamine la personne et signe cette fois un certificat de capacité.

Qu'est-ce qu'on apprend en regardant cette procédure d'ouverture et de levée de curatelle? On s'aperçoit que c'est un processus médico-administratif et qu'on n'a prévu aucun mécanisme de contestation ou d'appel de cette décision qui a été prise par deux médecins. En plus, le système actuel ne prévoit aucun mécanisme de révision. Donc, ce certificat d'incapacité ne sera jamais révisé de façon obligatoire et statutaire. C'est un système, ai-je besoin de vous le dire, qui a besoin d'une réforme et qui sera réformé, nous l'espérons, au cours de la prochaine année.

Entre-temps, quelles sont les personnes qui sont sous curatelle publique? Quelles sont les personnes qui ont été référées à ce système? J'aimerais vous faire part de quelques chiffres et de quelques statistiques pour que nous ayons une image plus complète de la clientèle à laquelle nous nous adressons aujourd'hui.

Au 31 décembre 1987, 16 042 personnes étaient sous la juridiction du Curateur public, alors qu'il y avait 4194 personnes avec un curateur privé. Donc, au Québec, nous avons, à l'heure où nous nous parlons, environ 20 000 personnes majeures sous un système de curatelle privée ou publique, ce qui représente, si on considère qu'on a 5 000 000 de personnes adultes au Québec, 0, 4 % de la population. La deuxième chose que nous remarquons dans notre clientèle, c'est que cette clientèle est composée non seulement de malades mentaux proprement dits, de personnes ayant des maladies psychiatriques, mais qu'elle est également composée de personnes qui ont un handicap intellectuel, donc, de déficients intellectuels. Elle est également composée de personnes qui souffrent de maladies organiques ou dégénératives. (10 h 15)

Alors, on a différentes catégories de clientèle, bien qu'on ne soit pas capable de la chiffrer de façon exacte. À l'heure actuelle, l'âge moyen de notre clientèle est de 53 ans. Où se trouve cette clientèle? Où sont, présentement, ces 16 000 personnes que je représente? 73 % de cette clientèle sont hébergés dans les établissements de santé et de services sociaux et 27 % vivent dans la communauté ou dans des ressources intermédiaires. Sauf que, quand je dis que 73 % sont hébergés dans le réseau de la santé et des services sociaux, ce ne sont pas tous des gens qui sont dans des établissements à vocation psychiatrique. Nous avons seulement le tiers des personnes que nous représentons dans des hôpitaux psychiatriques. Toutes les autres personnes sont dans les autres catégories d'établissements du réseau de la santé et des services sociaux. À l'heure actuelle, nos 73 % de personnes hébergées se retrouvent dans 628 établisse- ments différents, alors qu'au Québec nous avons environ dix hôpitaux psychiatriques.

Donc, à partir de cette description de notre système de curatelle, de cette clientèle avec ses caractéristiques et de l'endroit où elle se trouve présentement, j'aimerais maintenant vous faire part de la position que j'aimerais défendre devant vous concernant l'exercice du droit de vote de ces personnes sous curatelle publique. C'est mon deuxième point.

Il est clair que la position que nous avons prise se situe dans le corridor juridique qui est déjà tracé par les chartes québécoise et canadienne: la charte canadienne, dans son article 3 et la charte québécoise, dans son article 22.

Nous savons tous que le droit de vote est un droit démocratique de base dans notre société et que ce droit a été enchâssé, a été reconnu dans notre charte canadienne. C'est devenu un droit constitutionnel. La charte canadienne prévoit quand même une limitation de par son article 1, pour autant que la restriction au droit de vote est basée sur un critère de rationalité dans une société libre et démocratique. La question qui se pose à partir de ce moment, c'est: Est-il raisonnable, dans une société libre et démocratique telle que la nôtre, de restreindre le droit de vote aux personnes sous curatelle publique? La question est fort importante. Quand on dit "aux personnes sous curatelle publique", il ne s'agit pas des malades mentaux en général, dans notre société, mais de personnes qui bénéficient d'un système de protection légale très particulier, la curatelle publique.

C'est la même chose quand on regarde la charte québécoise dans son article 22, qui garantit aussi le droit de vote à toute personne qui est légalement habilitée ou qualifiée. Il faut le lire en conjonction avec l'article 10 qui est contre toute discrimination basée sur le handicap.

Quand on prend l'éclairage des deux chartes et qu'on regarde l'article 54 de la Loi électorale actuelle, surtout dans son quatrième paragraphe qui nous intéresse, on s'aperçoit que cet article n'a pas encore été porté devant les tribunaux. On s'aperçoit aussi que, peut-être, cet article ne passerait pas le test de l'article 1 de la charte canadienne, pas plus qu'il n'y a de dérogation prévue à la charte québécoise.

Selon nous, maintenir la restriction au droit de vote des personnes sous curatelle publique serait sous-entendre que les personnes sous curatelle sont toutes atteintes du même degré d'incapacité, ce qui n'est pas la réalité. Ce serait sous-entendre aussi que l'incapacité d'administrer des biens équivaut à une incapacité de voter ou de poser un jugement au moyen d'un vote. Nous pensons qu'il n'y a pas adéquation entre ces deux incapacités.

Par conséquent, compte tenu de l'état actuel du droit québécois, compte tenu de la primauté du droit de vote dans notre société qui a été reconnu par nos chartes, de la multiplicité

des situations qu'englobe la notion d'incapacité mentale, de l'inexistence, dans le régime actuel de curatelle publique, de degrés d'incapacité et vu qu'en maintenant le statu quo certaines personnes sous curatelle publique seraient pénalisées parce qu'elles sont en mesure d'exercer leur droit de vote, je favorise la levée de toute restriction au droit de vote pour les personnes sous curatelle publique. Cette levée, par ailleurs, devrait être assortie de mécanismes susceptibles d'assurer l'exercice adéquat de ce droit de vote pour contrer tout abus ou toute manipulation en la matière.

Cela dit, cette orientation que je vous propose aujourd'hui est en ligne directe avec nos régimes actuels de curatelle publique. Nous savons tous, par ailleurs, qu'un nouveau Code civil a été adopté et sanctionné en avril 1987, le chapitre 18 maintenant, le projet de loi 20 à l'époque. Si une loi électorale basée sur une nouvelle règle du Code civil était adoptée, cela pourrait s'avérer une autre voie intéressante. Pourquoi? Parce que dans les futurs régimes de protection au Québec, nous allons avoir la gradation des régimes, nous allons avoir la diversification des régimes. Il sera possible d'avoir une tutelle aux biens ou une tutelle à la personne. On va diversifier davantage. Les régimes seront plus adaptés au besoin de protection de la personne. En plus, il y aura un système de révision obligatoire de ces régimes de protection et tout se fera par processus judiciaire.

Quand on regarde les nouveaux régimes, on pourrait supposer que la restriction à l'exercice du droit de vote pourrait être seulement pour les personnes inaptes totalement et de façon permanente, si cette inaptitude a été reconnue judiciairement et qui auraient, à l'époque, un système de curatelle. Alors, ce n'est que dans cette lignée que ce pourrait être acceptable de restreindre le droit de vote à certaines personnes, à certains citoyens de notre société québécoise.

Je vous remercie de votre attention et je demeure disponible, M. le Président, avec mes collègues pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, madame. Maintenant, je vais laisser la parole à M. le ministre délégué à la Réforme électorale.

M. Gratton: M. le Président, je voudrais, évidemment, remercier Mme Robillard non seulement d'avoir consenti à venir éclairer les membres de la commission sur sa position quant au sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire le droit de vote des handicapés mentaux, mais aussi d'avoir fait un exposé sur son rôle, sur sa clientèle, qui m'apparait très éclairant. Je suis ici, à l'Assemblée nationale, depuis presque seize ans et j'avoue que c'est la première occasion que j'ai de prendre connaissance de vive voix du rôle de la Curatrice publique, et cela n'est pas inutile à la bonne compréhension des sujets que nous sommes appelés à discuter.

Vous nous dites donc que le droit de vote devrait être accordé, puisqu'il ne l'est pas présentement dans l'état actuel des choses, à toute personne qui est sous curatelle publique. Vous nous dites également que, finalement, la façon éventuelle et permanente de régler cette question du respect des chartes québécoise et canadienne dans la Loi électorale serait probablement de se référer au Code civil, lorsqu'il sera en vigueur, à cette gradation, et peut-être d'interdire seulement ceux qui répondraient au critère de l'échelon supérieur d'incapacité. Le problème que nous avons, évidemment, c'est de savoir ce qu'on fait entre-temps. Vous nous dites: Bien, entre-temps, les gens sous curatelle publique devraient avoir le droit de vote. Le problème que cela pose, finalement, en termes pratiques, c'est que, si on devait abonder dans ce sens, on pourrait se retrouver éventuellement, une fois le nouveau Code civil en vigueur, à devoir faire marche arrière et à devoir interdire à nouveau de voter à certaines personnes qui auraient été, dans la période intérimaire, habilitées à voter.

Alors, la question que je me pose, c'est: Dans l'état du droit actuel, est-ce qu'on peut imaginer des dispositions qui pourraient permettre d'atteindre le même but que le Code civil, au moment où il sera en vigueur? Est-ce qu'on peut imaginer la possibilité, pour la Loi électorale, d'accorder le droit de vote à ceux qui sont, entre guillemets, "capables" de l'exercer en fonction des dispositions du futur Code civil? Est-ce qu'il y a une façon, selon vous, de pouvoir en arriver au même résultat en attendant que le nouveau Code civil entre en vigueur?

Mme Robillard: Je pense qu'entre-temps, M. Gratton, il n'y a aucune façon d'arriver aux résultats que le nouveau Code civil va nous apporter, et je m'explique. C'est que, si on regarde le processus suivi à l'heure actuelle, les critières d'application, les mécanismes en place qui sont tous basés sur des lois actuellement en vigueur, il n'y a vraiment rien qui nous permette d'avoir le détail du degré d'incapacité des personnes sous curatelle privée ou publique. Les régimes eux-mêmes, que ce soit la curatelle publique ou l'interdiction, sont, je dirais, très englobants et ils ne font pas de nuances. Et je ne vois pas, d'ici à la mise en vigueur du nouveau Code civil, comment, dans les faits, sur cette stricte question de l'exercice d'un droit de vote, on pourrait demander à qui que ce soit et aux professionnels concernés qui examinent les personnes de se positionner sur chacun des cas de mise sous curatelle, à savoir s'il est apte à voter ou non, surtout en considérant qu'il y a déjà 16 000 personnes sous curatelle publique et que le certificat d'incapacité de ces gens-là n'est même pas révisé de façon systématique et obligatoire.

Alors, vraiment, je ne vois pas comment ce serait réalisable et c'est pour cela que je me dis que, dans la phase intermédiaire, dans le fond, il ne faut pas garder le statu quo parce qu'on pénalise certaines personnes. On est mieux de lever la restriction complète, quitte à ce que - je ne sais pas quand on aura notre nouveau code en vigueur - à ce moment-là, on se repenche sur la restriction pour une catégorie très précise, alors qu'il aura été prouvé aussi que ces personnes-là ont une inaptitude totale et permanente.

Alors, entre-temps, je dis non. Levons toute restriction parce qu'on va pénaliser certaines personnes.

M. Gratton: Là, je sens que je vais glisser sur un terrain complètement hors de mon domaine. Je ne suis ni avocat ni juriste, bien sûr, mais est-ce qu'on peut imaginer la possibilité - et là, c'est une opinion personnelle que je vous demande - que les articles du nouveau Code civil qui ont trait à la catégorisation, à la gradation d'incapacité, puissent entrer en vigueur avant, pour les fins qui nous préoccupent et d'autres, évidemment, séparément du reste du Code civil? (10 h 30)

Mme Robillard: Je ne suis pas juriste moi-même, M. Gratton, mais je peux vous dire que j'ai entendu des gens du ministère de la Justice qui ont regardé cette possibilité-là et que, de façon théorique, cette possibilité de mettre on vigueur à l'avance certains articles du Code civil peut exister, mais qu'elle semble très complexe parce que non seulement il s'agit du chapitre des régimes de protection, mais il y a beaucoup de ramifications dans d'autres chapitres, que ce soit dans le chapitre des droits de la personne ou dans le chapitre de l'administration du bien d'autrui. Il y a plein de ramifications, de sorte qu'il semble que ce serait très complexe de mettre en vigueur à l'avance les régimes de protection. Mais je ne suis pas, moi non plus, spécialiste pour vous répondre dans le domaine.

M. Gratton: On pourra toujours poser la question au ministre de la Justice.

Mme Robillard: Oui.

Mme Boivin (Marie): Je pense que la réponse est complète.

M. Gratton: Pardon?

Mme Boivin: Je pense que la réponse de

Mme Robillard est tout à fait correcte et "juridique", entre guillemets, à cet égard. Je pense qu'on aime mieux, quand on parle de réforme, parler de mise en vigueur de la réforme dans son ensemble et non d'articles pièce par pièce.

Le Président (M. Marcil): Pourriez-vous vous identifier lorsque vous parlez? C'est pour les fins du Journal des débats.

Mme Boivin: D'accord. Je ne parlais pas devant le micro.

M. Gratton: Et surtout enlever le carafon.

Le Président (M. Marcil): Enlevez également le pot à eau qu'il y a devant vous.

Mme Boivin: Mon nom est Marie Boivin. Le Président (M. Marcil): Votre valise.

Mme Boivin: Excusez-moi. Mon Dieu, je suis délinquante.

M. Gratton: Et le carafon.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marcil): Merci.

Mme Boivin: Je disais tout simplement que la réponse de Mme Robillard est tout à fait correcte et tout à fait "juridique", entre guillemets, dans la mesure où on préfère, généralement, quand on parle de réforme, procéder à une mise en vigueur de la réforme dans son ensemble et non procéder par pièces détachées. Je pense que votre réponse était complète, Mme Robillard.

Le Président (M. Marcil): Merci, madame.

M. Gratton: D'accord. Mme Robillard, l'Office des personnes handicapées du Québec, qui ne viendra pas en commission, nous a quand même fait parvenir un mémoire. Il nous recommande, d'ici l'entrée en vigueur du Code civil, de restreindre la portée de l'article 54 aux seuls interdits. Dois-je comprendre de la réponse que vous m'avez donnée tantôt que vous ne souscrivez pas à cette recommandation, c'est-à-dire qu'on pourrait continuer de priver de leur droit de vote les personnes interdites?

Mme Robillard: Vous touchez à l'interdiction qui est un système complètement différent de la curatelle publique. Cette fois-là, c'est un processus judiciaire comme tel qui a été enclenché par un membre de la famille: il y a eu un conseil de famille et il y a eu la décision d'un juge de la Cour supérieure d'interdire une personne. Quand on regarde l'interdiction, cela m'apparaît une situation, je dirais, plus complexe qu'il faudrait regarder dans le détail. À l'heure actuelle, notre vieux Code civil énonce différentes raisons pour lesquelles une personne doit être interdite. Pour certaines de ces personnes, on précise les motifs. Par exemple, on va dire: On peut interdire un ivrogne, un narcomane ou un prodigue qui dissipe ses biens, qui administre mal ses biens, qui met

sa famille dans des difficultés. C'est une première catégorie.

L'autre catégorie, c'est plus la catégorie qu'on appelle d'aliénation mentale dans notre vieux Code civil: démence, imbécillité, fureur. La preuve se fait à la suite d'un interrogatoire du protonotaire auprès de la personne et avec le jugement d'un juge. Quand on regarde l'interdiction de la deuxième catégorie pour aliénation mentale et qu'on regarde les gens qui sont actuellement interdits, ils sont semblables par leurs caractéristiques aux gens qui sont sous curatelle publique. Quand on regarde ce système-là, on s'aperçoit que c'est un système qui n'est pas gradué, qui n'est pas diversifié, non plus, pour lequel il n'y a aucune révision obligatoire. La seule chose supplémentaire, c'est que c'est un processus judiciaire. Quand un juge prononce une interdiction, il prononce, de façon globale, l'interdiction de la personne et elle perd l'exercice de l'ensemble de ses droits civils. Il ne se prononcera jamais sur un droit en particulier, pour dire apte ou non à voter. On a sensiblement les mêmes problèmes. Me Gratton, qui est avec moi, peut compléter.

M. Gratton: Peut-être, Me Gratton, pour-riez-vous nous dire en même temps ce que vous penseriez de la possibilité d'exiger du tribunal, dans une requête en interdiction, de statuer sur la capacité de voter.

Mme Gratton (Gisèle): Évidemment, ce serait une primeur dans les pouvoirs qu'on pourrait donner à un juge d'arriver à sectionner certains droits concernant la personne. Je crois que ce que Mme Robillard a conclu est juste et on doit vivre avec l'état du droit. On réalise que, pour une même situation de fait, il y a actuellement deux lois qui s'appliquent et que plus on a de lois, plus la cohérence est difficile. Je soutiens que l'état actuel du droit, alors qu'on est lié, évidemment, par certains corridors juridiques - on peut ne pas être d'accord, c'est une autre chose - ne permettrait pas à un juge de se prononcer sur tel aspect d'un droit fondamental. Est-ce qu'il serait souhaitable de suggérer d'arriver à sectionner à ce point-là les droits de la personne? J'avoue qu'on n'a peut-être pas fait une réflexion systématique sur ce sujet, mais j'aurais certaines réserves. Je crois qu'on continuerait à cataloguer, à marginaliser. Je crois que la teneur de nos propos est de dire qu'il y a un système qu'on se permet de critiquer, qu'on veut améliorer et on essaie vraiment que les gens sous la responsabilité du Curateur public du Québec ne soient pas pénalisés. Je crois que faire une projection encore en voulant sectionner ne me paraîtrait pas heureux.

M. Gratton: Je conclus, finalement, de vos représentations que la seule solution dans la période d'intérim est de lever l'interdiction. Cela m'amène à vous poser la question quant aux mécanismes dont vous parliez dans votre présentation pour assurer le contrôle afin qu'il n'y ait pas de manipulation et d'abus. Est-ce que vous avez songé en quoi cela pourrait consister? Avez-vous des exemples concrets de mesures qui pourraient être prévues? Je suis, de nature, plutôt ouvert et je fais confiance aux gens, mais on sait qu'il y a eu des abus dans le passé et qu'il y en aura encore probablement. Il s'agit d'une clientèle qui est peut être plus fragile, plus susceptible d'être influencée. Quels pourraient être les mécanismes dont vous avez parlé dans votre présentation?

Mme Gratton: Gisèle Gratton. À la page 2, au sixième paragraphe, le texte de la Curatrice publique fait allusion à des "mécanismes susceptibles d'en assurer l'exercice adéquat et de contrer toute possibilité d'abus ou de manipulation en la matière": La Curatrice publique, en faisant ce rappel, n'était pas spécialement novatrice dans le sens où nous référions à l'état actuel du droit, même à la Loi électorale qui, à l'article 224, deuxième alinéa, rappelle certaines responsabilités, entre autres celle de veiller à l'accessibilité.

Si on va à l'article 229, alinéa 3, on parle aussi d'une autre obligation, celle de faciliter l'exercice du droit de vote. Il y a un ou deux autres articles dans la Loi électorale qui sont dans le même esprit. Donc, le législateur a quand même prévu, pour les citoyens devant voter, un support ou de faciliter l'exercice de ce droit de vote.

Volontairement le terme utilisé dans notre texte est "mécanisme". On n'a donc pas parié de réglementation ou de directive. En ce sens, on a quand même analysé la situation en Ontario, qui est intéressante, bien que récente. Dans le préambule de certaines mesures, on insiste beaucoup pour dire que les mesures doivent être plus à titre indicatif. Ces mesures doivent être assez souples pour s'adapter aux besoins des milieux et surtout - en Ontario, on insiste beaucoup sur cela, on abonde aussi dans ce sens - l'exercice du droit de vote doit, dans la mesure du possible, se rapprocher de celui du citoyen régulier. En d'autres termes, il ne faudrait pas être contradictoire et, si on soutient qu'une catégorie ou que certaines personnes sous la juridiction du Curateur public sont capables d'exercer leur droit de vote, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas faciliter cet exercice. Il ne faudrait pas tomber dans une mesure excessive qui fait qu'on restreint; donner d'une main et restreindre de l'autre serait pour le moins contradictoire.

Je crois que, selon les propos de Mme Robillard, on fait une hypothèse et après les statistiques qu'on vous a données, c'est facile de projeter, de soutenir et de maintenir que certaines gens sont pénalisés présentement. Et c'est à ces personnes à l'intérieur du système actuel que l'on veut redonner le droit de vote. C'est

sûr que certaines personnes sont sous la juridiction du Curateur public. Il faudrait arriver à faire des mesures de support telles qu'on en viendrait à les marginaliser pour qu'elles exercent leur droit de vote, ce qui serait pour le moins contradictoire. Je crois que l'expérience de l'Ontario sera sans doute profitable au Québec. Quand on parle de mécanismes, c'est vraiment des "guide-lines" dans le sens anglais, dans le sens de titres indicatifs, dans le sens de: Ne faisons pas semblant qu'il y aura des difficultés d'application, mais n'allons pas alourdir le système au point de démontrer que cet exercice de droit est tellement lourd que cela remet en question même le principe.

M. Gratton: M. le Président, vous me signalez que j'ai déjà dépassé le temps qui m'était alloué. Je pourrais vous dire à cet égard, quant à l'expérience en Ontario, que nous avons, justement, invité le Directeur général des élections ontarien à venir rencontrer les gens à la commission, ce qu'il fera mercredi prochain, et qu'une des principales raisons de cette invitation est, justement, de lui demander de nous faire profiter de l'expérience vécue en Ontario où ce mécanisme dont on parle existe.

Mme Robillard: Si vous le permettez, M. Gratton, j'aimerais ajouter que cette question des mécanismes visant à faciliter l'exercice du droit de vote m'apparaît primordiale et qu'elle doit être discutée, d'abord, avec les gens concernés, donc avec les représentants de nos bénéficiaires et aussi, je dirais, avec la direction des établissements où se trouvent ces bénéficiaires, pour voir comment eux qui vivent cela dans le quotidien pourraient nous suggérer des mécanismes très précis pour faciliter cet exercice du droit de vote.

M. Gratton: Merci infiniment.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, madame.

M. le député d'Abitibi-Ouest, porte-parole de l'Opposition officielle.

M. Gendron: Je voudrais remercier très sincèrement Mme Robillard et ses collaboratrices. Je pense que cela a été dit et je vais aller rapidement au fond des choses, mais vous avez exprimé avec énormément de clarté, de précision et, on le sent, avec une compétence certaine, des données, d'abord, sur ce qu'est le régime de curatelle publique et, pour la première fois également, une partie chiffrée pour mesurer un peu plus ce dont on parle. D'autres intervenants sont venus et c'était difficile d'avoir des précisions concernant les clientèles éventuellement couvertes. Il est toujours important, quand on discourt sur un sujet, d'avoir une bonne évaluation, entre guillemets, des clientèles qu'on touche, en particulier pour toute la question des handicapés mentaux et des gens qui sont placés sous curatelle publique.

Votre mémoire est court et clair. Vous touchez la question ou une des questions majeures d'un régime démocratique lorsqu'on veut s'assurer que, puisqu'on profite de l'occasion de toucher à une loi maîtresse d'un État... Je pense que la Loi électorale d'un État est quand même une loi importante, étant directement liée aux droits démocratiques des citoyens. J'ai indiqué à quelques reprises à d'autres intervenants que toute réflexion doit toujours se faire en voulant maximiser l'opportunité de l'exercice du droit de vote à tous les citoyens du Québec. Je pense qu'on a tous, comme parlementaires, cette volonté. Il est important, cependant, que cela se fasse dans un cadre où on est certain que cela ne perd pas sa valeur, son sens d'expression; sinon, on revient au même problème. (10 h 45)

Que vous remettiez en question l'équation établie entre l'incapacité d'administrer ses biens, ce qui justifie la mise sous curatelle publique, et celle de voter, je pense que c'était votre devoir de le faire et c'était votre devoir de nous éclairer là-dessus parce que, de toute évidence, il n'y a pas adéquation. Mais il me semble, encore là, qu'après avoir dit qu'il n'y a pas adéquation, parce qu'il y a toujours des cas différents des autres, on n'a pas réglé fondamentalement la sécurité de l'expression démocratique, la sécurité ou l'intégrité du processus électoral qu'il faut sauvegarder. J'étais content de voir dans votre mémoire que vous ajoutiez, tout de suite après avoir dit: II faut régler cette question, le fait qu'il n'y ait pas d'adéquation - et, dans ma tête, c'est réglé - il faut cependant, si on lève toute interdiction ou restriction en regard du droit de vote, avoir des mécanismes afin d'en assurer l'exercice adéquat - je trouve très pertinent de mentionner cela - et d'éviter toute possibilité d'abus ou de manipulation.

Une première question rapide avant d'y aller avec d'autres perceptions. Dans votre mémoire, vous avez quand même laissé voir que, selon l'avis de la curatrice qui s'occupe de curatelle publique, bien sûr, il y a une partie, bien que ce serait très malaisé de la chiffrer, des personnes sous votre juridiction qui est en mesure de comprendre clairement les enjeux politiques et électoraux. La question que je vous pose: Puisque vous distinguez dans votre mémoire qu'il y en a qui sont capables de le faire et d'autres qui ne sont pas capables de le faire, pourquoi préférez-vous dans votre recommandation ne plus tenir compte de cette distinction que vous faisiez dans votre mémoire?

Mme Robillard: La réalité nous prouve que les personnes sous curatelle publique ne sont pas toutes atteintes du même degré d'incapacité. Je pense qu'on l'a dit clairement. Par ailleurs, il n'y a aucun mécanisme possible à l'heure actuelle

pour fixer ces critères d'incapacité. On ne voit pas comment avec nos lois actuelles ce serait possible. À partir de ce constat, si on maintient le statu quo, cela veut dire qu'une certaine proportion - pour nous, c'est presque impossible à quantifier - est sûrement pénalisée. Entre le fait de garder le statu quo et celui de pénaliser une certaine proportion, on aime autant recommander la levée complète de la restriction. On a confiance aussi qu'un certain mécanisme - comment dit-on cela en français? - de "self-regulation" va se produire. La personne qui est vraiment au dernier degré d'incapacité ne se présentera pas à l'endroit du vote, elle ne donnera pas son nom et son adresse, elle ne pourra pas faire cela. La personne qui va se présenter à l'endroit du vote et qui a certaines limites, il se pourrait très bien qu'une fois rendue pour inscrire son vote elle mette trois x au lieu d'un et qu'elle annule d'elle-même son bulletin de vote. Il y a comme un certain mécanisme de...

M. Gendron: D'autorégulation naturelle.

Mme Robillard: Merci, d'autorégulation du système qui est là, qui existe, qu'on ne peut pas nier. À ce moment-là, où se trouve le risque? On sait qu'on a une clientèle vulnérable. Qu'il y ait un soutien ou une assistance, on est pour. Par ailleurs, il ne faut pas que cette assistance soit à un degré tel qu'on soit avec la personne en train de mettre le x où on veut qu'elle le mette.

M. Gendron: Cela me va pour cette question, d'autant plus que, comme je l'avais mentionné tantôt, sans avoir votre expertise dans le domaine, je pense que vous avez raison de clarifier tout de suite qu'il n'y a pas d'adéquation entre quelqu'un qui est sous curatelle et sa capacité de voter. Cela étant réglé et compte tenu du phénomène d'autorégulation qu'on vient d'évoquer et selon lequel, dépendamment des degrés, même si on donne à des personnes le droit de voter, il va y avoir une certaine élimination de la validité de l'exercice, il reste qu'en ce qui concerne les principes, on aura permis à un droit démocratique de s'exercer.

Cependant, ce qui m'a toujours plu dans votre phrase, je vous l'ai dit, c'est, après des mécanismes pour assurer un exercice adéquat: "et contrer toute possibilité d'abus ou de manipulation". À ce sujet, deux questions. Premièrement, vous avez dit qu'il serait important qu'on consulte les bénéficiaires et les institutions. J'en suis. Cependant, ma question est la suivante - je pose la question, donc je n'ai pas à porter un jugement: Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'il y ait, quand même, uniformité du processus après qu'on aura fait ces consultations pour ne pas avoir des régimes différents selon les institutions et les bénéficiaires? C'est la première question.

Deuxièmement, quant au vote par procura- tion éventuelle, parce que c'est sur la table, est-ce que vous croyez effectivement que ce serait surtout sur ce plan qu'il y aurait énormément d'abus, de manipulation? Quel est votre avis sur le vote par procuration, en particulier pour les clientèles que vous touchez?

Mme Robillard: Première question: Est-ce que je pense qu'il devrait y avoir uniformité dans les mécanismes? Oui, bien sûr, bien qu'ils doivent demeurer souples. Comme je vous le disais tantôt, les personnes sous curatelle ne sont pas seulement dans dix hôpitaux psychiatriques de la province. Elles sont dans 628 établissements du réseau, donc dans des petits centres d'accueil comme dans un gros hôpital. Alors, il faudrait tenir compte de cela. Donc, oui, il y a une certaine uniformité, mais également une certaine souplesse selon les milieux de vie où sont ces gens.

Deuxième question: Le vote par procuration concernant les personnes sous curatelle publique. Pour moi, il est très clair que, si on accordait le vote par procuration aux personnes sous curatelle publique, on tomberait exactement dans la situation où il pourrait y avoir énormément d'abus, d'influence et de manipulation. Pour nous, il n'est absolument pas question de soutenir cela, d'autant plus que, selon les règles de notre droit actuel, un mandat ne peut pas être donné par une personne sous curatelle ou interdite.

M. Gendron: Juste une seconde. Le ministre m'a distrait, mais c'est une bonne distraction par rapport à la conduite de nos travaux et comme c'est une question importante...

Le Président (M. Marcil): II n'a plus de temps.

M. Gendron: Oui, je le sais, il ne lui reste plus de temps pour en poser. Mais rapidement, ce que j'ai compris très clairement, c'est que si jamais le législateur - ce n'est pas nous, en passant - décidait de permettre le vote par procuration, la question qu'il vous aurait posée s'il avait du temps, c'est: Est-ce à dire que vous seriez en désaccord pour l'autoriser pour les personnes handicapées? Autrement dit, on permet le vote par procuration, mais il n'en est pas question pour les personnes handicapées. Est-ce que vous êtes de cet avis-là?

Mme Robillard: À l'heure actuelle - c'est peut-être cette partie-là de ma phrase que vous avez manquée - selon nos lois, une personne interdite ou sous curatelle ne peut pas donner un mandat ou une procuration. Alors, même si vous décidiez que ce serait un vote par procuration, cela ne s'appliquerait pas aux personnes sous curatelle.

Le Président (M. Marcil): Cela va, merci beaucoup.

Mme Boivin: Je pourrais ajouter qu'en décidant de la possibilité pour les handicapés mentaux de voter par procuration, ce serait les maintenir dans une sorte de marginalité.

M. Gendron: Cela me va, madame, pour des raisons de temps, parce que, de toute façon, cela règle le problème d'une partie, mais cela ne règle pas le problème des personnes âgées en institution et tout cela. Alors, cela ne change pas mon point de vue sur la question du vote par procuration. Le danger de jouer avec cela, c'est beaucoup, peu, passionnément, à la folie. Il fait juste varier. Mais même si on jouait un peu, cela demeurerait toujours un problème et je suis content de votre réponse pour la clientèle que vous touchez. C'est seulement une question de variation de degré ou d'intensité d'abus de confiance éventuelle pour la partie qui continue à être assujettie à cela dans les centres d'accueil ou autres.

Une dernière question, toujours pour des raisons de temps. Vous avez parlé très sommairement de l'Ontario. Je veux juste savoir si vous considérez que l'expérience ontarienne en matière de droit de vote des handicapés mentaux rencontre adéquatement l'exercice de ce droit de vote, mais tout en respectant l'intégrité du droit de vote.

Autrement dit, en Ontario, les handicapés mentaux ont le droit de vote. Premièrement, est-ce que vous connaissez les mécanismes? Ce qui nous intéresserait surtout serait de savoir si vous seriez éventuellement en mesure de nous aider pour établir la base sur laquelle devrait s'exercer le droit de vote des handicapés mentaux. Autrement dit, est-ce que la formule ontarienne vous conviendrait?

Mme Robillard: Bien que nous ne l'ayons pas étudiée dans le détail, dans ses grands principes, oui, elle nous conviendrait. Elle semble respecter les droits fondamentaux de la personne. Je ne sais pas si mes collègues auraient quelque chose à ajouter.

Mme Boivin: Non, pas vraiment. Mme Grattoir Rien à ajouter.

M. Gendron: Je voudrais vous remercier parce que cela a été une très bonne contribution pour la conduite de nos travaux. Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, M. le Président. À mon tour, je veux non seulement saluer, mais remercier très sincèrement la Curatrice publique et ses collaboratrices pour l'éclairage important sur les questions qui nous préoccupent à l'égard de l'élargissement de l'accessibilité au droit de vote. Cela dit, compte tenu du temps et du débat qui a déjà eu lieu, je poserais un certain nombre de questions qui me donneront un peu l'air de l'avocat du diable, mais vraiment c'est afin de progresser.

Dans un premier temps, j'aimerais que vous nous disiez, tout en étant conscient que vous n'avez pas évalué personnellement tous vos dossiers, et c'est normal, compte tenu, justement, de l'expertise qui existe chez vous, des réflexions que vous avez sûrement menées dans l'importante contribution que vous avez apportée à la réforme du Code civil, eu égard aux mandats qui sont les vôtres, au bout du processus d'application des nouvelles dispositions du Code civil, avec quel type de clientèle ou de cas on va se retrouver. Par exemple, sur 20 000 personnes qui sont sous curatelle actuellement, avec combien de personnes maintenues par un jugement de tribunal comme étant inaptes à gérer quoi que ce soit pourrait-on se retrouver?

Mme Robillard: M. Rochefort, si vous le permettez, afin de préciser votre question. Sur les 20 000 qu'il y a actuellement vous dites: Combien va-t-il en rester dans le futur régime?

M. Rochefort: Une fois le régime en application.

Mme Robillard: C'est de l'ordre de...

M. Rochefort: On parle vraiment d'un ordre de grandeur. On parle de 10, on parle de 200, de 2000, de la moitié.

Mme Robillard: Donc, nous sommes vraiment dans l'ordre hypothétique, je tiens à le préciser.

M. Rochefort: Je ne vous rappellerai jamais le chiffre que vous m'avez donné.

Mme Robillard: Au plan hypothétique, si j'imagine que tous les cas sous curatelle publique à l'heure actuelle sont révisés - cela entre en vigueur, on révise les 15 000 cas; c'est un peu utopique de penser cela, mais il y aura une période transitoire - combien vont se retrouver dans les nouveaux régimes? À mon point de vue, je dirais qu'aux alentours de 90 % vont se retrouver dans les nouveaux régimes, mais dans trois types de régimes. Dans le conseiller au majeur, qui sera...

M. Rochefort: Décrivez-nous en quelques mots quel genre d'individu serait quelqu'un qui serait dans ce régime.

Mme Robillard: Cet individu aurait certaines limites, mais ne pourrait pas exercer tous ses droits seul. De façon très concrète, un déficient intellectuel en mesure de gérer son chèque d'aide sociale sans aucun problème, mais qui, demain, hériterait d'un demi-million et qui ne pourrait

plus le gérer. Il y aurait un conseiller au majeur pour l'assister. Il ne perdrait pas l'exercice de ses droits, mais il serait assisté dans certains gestes très précis. Une catégorie des gens sous curatelle pourrait bénéficier de ce régime.

M. Rochefort: Pour les fins de notre discussion, je vous dis tout de suite que, pour moi, cela ne fait aucun problème. Cette personne devrait donc, en même temps, avoir le droit de vote. Deuxième catégorie?

Mme Robillard: Deuxième régime dans le nouveau Code civil, c'est le régime de tutelle. On parle d'une inaptitude temporaire, premièrement, soit qu'elle s'applique strictement à l'inaptitude à gérer des biens, soit à l'inaptitude à s'occuper de sa personne, à prendre soin d'elle-même. Vous pourriez avoir une personne qui n'est pas capable de gérer tous ses biens, mais qui serait très capable de décider pour elle, de consentir à un acte médical, de décider où elle va vivre. Mais, en même temps, elle ne serait pas capable de gérer tout son patrimoine. On va lui donner une tutelle strictement dans la sphère de sa vie où elle a besoin d'être représentée. Donc un régime de représentation beaucoup plus adapté au besoin qui est là et qui devrait être temporaire. La définition même de la tutelle est d'être temporaire. Cela s'applique ou aux biens ou à la personne. Le "ou" est fondamental.

M. Rochefort: D'accord. Quand vous parlez de temporaire, c'est que l'état de cette personne, si, par exemple, c'est son état de santé qui pose problème, médicalement, peut s'améliorer. (11 heures)

Mme Robillard: Oui, cela pourrait à la suite d'un accident...

Mme Rochefort: D'accord. Parfait.

Mme Robillard:... ou de quoi que ce soit. Il y a actuellement un pourcentage de gens sous curatelle publique qui entrerait dans cette catégorie. D'accord?

Troisième catégorie, c'est l'inaptitude la plus grave, c'est l'inaptitude totale et permanente non seulement à administrer ses biens, mais aussi à s'occuper de sa personne. Alors, inaptitude totale et permanente dans la sphère de l'administration des biens, mais aussi dans la sphère des décisions pour sa personne. Alors, là, il est clair, pour moi, qu'on s'adresse à la catégorie qui comprend, par exemple, si vous voulez des exemples très concrets, le déficient intellectuel profond, la personne âgée atteinte de la maladie d'Alzheimer, mais pas en première étape de la maladie d'Alzheimer, à la quatrième étape de la maladie...

M. Rochefort: À l'étape de l'institutionnalisation.

Mme Robillard: À l'étape d'irréversibilité et i d'atteinte très forte de ses capacités. C'est ; irréversible.

M. Rochefort: Je vous dis tout de suite que, dans le cas de la maladie d'Alzheimer...

Mme Robillard: C'est irréversible.

M. Rochefort:... je préfère que vous me parliez d'aggravation...

Mme Robillard: D'aggravation, excusez-moi.

M. Rochefort:... plutôt que d'irréversibilité parce que, dès le départ, c'est irréversible en soi.

Mme Robillard: Vous avez raison, c'est une aggravation, mais il y a des étapes.

M. Rochefort: Oui.

Mme Robillard: Alors, une personne souffrant de la maladie d'Alzheimer pourrait très bien bénéficier d'un régime de tutelle pendant un certain temps et, à un moment donné, de curatelle.

M. Rochefort: Mais, quand cette personne atteint le troisième régime, le régime de curatelle...

Mme Robillard: Oui.

M. Rochefort:... est-ce qu'à vos yeux elle devrait avoir le droit de vote?

Mme Robillard: Non, c'est ce que j'ai soutenu dans ma proposition.

M. Rochefort: C'est cela, mais je voulais qu'on soit très clair et pour ma compréhension et pour la compréhension de tout le monde. Donc, par rapport à l'échange de propos qu'on vient d'avoir, je vous dis que, pour nous permettre de mieux distinguer les cas - appelons cela comme cela - c'est clair et je me sens très à l'aise avec la distinction que vous faites d'un cas à l'autre.

La deuxième chose que je veux aborder avec vous et pour laquelle je ne veux pas nécessairement une réponse, mais que je veux soumettre à votre réflexion c'est que je suis en total désaccord avec ce que vous avez dit ou ce que Me Gratton a dit quant à l'autorégulation. Je vous dirai que, pris à votre bout de la lorgnette, c'est juste d'affirmer de telles choses. Pris à ce bout-ci, celui des gens qui font des élections et qui ont vu d'autres hommes et d'autres femmes au Québec faire des élections, il n'y a aucun système d'autorégulation en campagne électorale. Il y a des systèmes de régulation - il y en a un très bien organisé autour du Directeur général

des élections - mais il n'y en a aucun d'autoré-gulation. On n'a qu'à voir comment jusqu'à ce jour il y a eu des abus importants, qui soulèvent, d'ailleurs, des questions de comportement de société à l'occasion - pas toujours, mais à l'occasion - dans tout l'encadrement qu'on a donné à l'occasion - quand je dis "on", je parle des formations politiques - à certaines personnes âgées dans l'exercice de leur droit de vote. Je vous dirai que je me pose des questions personnelles importantes à l'égard du respect de la dignité de ces personnes. C'est dans ce sens-là que je dis que, si les mécanismes auxquels vous pensez partent du préalable qu'il y aura autorégulation, on fera sûrement fausse route.

Par exemple - je répète que je ne me souviens plus si c'est vous ou Me Gratton - on parlait tantôt de quelqu'un qui est dans l'un des régimes plus lourds ou dans l'un des degrés élevés de peu de possession de ses propres moyens; on disait que, même si on lui donnait le droit de vote, normalement, il ne s'inscrirait pas et il n'irait pas voter, etc. Il existe, de toute façon, dans nos lois électorales, des mécanismes qui permettent de venir en aide à tout électeur, donc à toute personne qui a le droit de vote; même on peut aller jusqu'à voter avec elle. Notre passé là-dessus, c'est qu'à partir du moment où des gens ont un droit de vote reconnu dans la Loi électorale, les appareils politiques consacrent toutes les énergies imaginables à aider ces personnes à participer au scrutin, mais avec à l'occasion des situations et je ne dis pas...

Je ne veux pas avoir un discours englobant. Parfois, c'est très bien fait, c'est très respectueux de la dignité de la personne et aussi de ses volontés réelles. Mais, vous savez, il y a un match électoral et if faut que quelqu'un gagne. Tout le monde veut gagner, tout le monde croit que cela devrait être lui, le gagnant, c'est normal, c'est cela, la démocratie. Cela a eu pour effet qu'à l'occasion il y a eu des abus importants. Je ne veux pas englober tout ce qui s'est fait, tenir un discours englobant; je ne parle pas d'exceptions à la marge.

Quand on voit des gens dans des centres d'accueil, dans des hôpitaux de courte ou de longue durée ou psychiatriques, à l'occasion participer au scrutin et quand on voit tout ce qui entoure l'exercice du droit de vote de ces personnes en termes de soutien des appareils de partis politiques - j'appelle ça du soutien pour les fins de notre discussion - ce n'est pas, disons donc, ce qu'il y a de plus élevé comme noblesse du fonctionnement de notre société.

Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le député.

M. Rochefort: Donc, je me dis, avec votre permission, M. le Président, qu'il faudrait faire attention de ne pas ajouter à ce type de situations qui ne sont pas des situations dont on doit être très fiers. Dans la réflexion autour de mécanismes, je pense qu'il faut faire fi de l'autorégulation et tenter de trouver quels pourraient être les mécanismes de régulation et, donc, de protection de la personne dont on parle, de sa dignité et de ses volontés réelles.

Je termine en vous disant, en ce qui me concerne, que j'ai vraiment un problème par rapport aux propositions que vous nous faites; c'est un peu, je pense, relié à l'intervention qu'a faite aussi le ministre à la suite de votre exposé. J'ai de la difficulté à accorder automatiquement le droit de vote à tout le monde, étant conscient, à partir de ce que vous nous avez décrit très correctement, qu'il y aura dans cela des gens qui, une fois le nouveau régime en application, n'auront pas le droit de vote. Donc, j'ai de la difficulté à accorder le droit de vote à des gens qui, de toute façon, ne devraient pas l'avoir et, en plus, à des gens à qui on expliquera: On vous a fait voter une fois ou deux, mais on vous annonce que c'est parce que c'était un régime transitoire; la fin de la transition, pour vous, fait que vous revenez dans l'ancien régime et que vous reperdez votre droit de vote. Je trouve ça un peu compliqué. Si jamais, dans vos réflexions ultérieures, vous avez des réponses additionnelles à ça, ce serait sûrement utile pour nous. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député. Le temps étant malheureusement écoulé et vu qu'il y a un deuxième groupe qui doit nous quitter à midi, nous allons donc vous remercier au nom de cette commission, Mme Robillard, de même que Me Gratton et Me Boivin, les deux avocates. Nous vous remercions d'avoir bien voulu accepter notre invitation.

Mme Robillard: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Cela va. Donc, j'appellerais immédiatement le Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-il. -Lafontaine. Je demanderais aux gens dans la salle de prendre place à l'avant. Nous souhaitons donc la bienvenue au Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-il. -Lafontaine représenté par Mme Denise Huard, présidente, M. Lucien Landry, M. Daniel Saint-Onge et Mme Josée Frigon. Nous vous laissons immédiatement la parole, compte tenu que vous nous avez informés que vous deviez quitter vers midi ou 12 h 5. Allez-y tout de suite.

Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-il. -Lafontaine

Mme Huard (Denise): M. le Président, chers membres de la commission des institutions, c'est aujourd'hui un énorme plaisir pour nous d'avoir l'occasion de vous rencontrer pour vous transmettre notre position concernant l'épineux problème du droit de vote des malades mentaux

en institution. Nous espérons que le fruit de nos recherches servira à assurer le plus grand respect des droits des bénéficiaires.

En tant que présidente du comité de bénéficiaires, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent, soit M. Lucien Landry, secrétaire-trésorier, M. Daniel Saint-Onge, étudiant en droit à l'Université de Montréal; Mlle Josée Frigon, étudiante en biochimie à l'Université McGill. Je tiens aussi à présenter les autres membres du comité qui, pour diverses raisons, n'ont pu se présenter aujourd'hui. Il s'agit de M. Denis Duval, vice-président, M. Martin Hurtubise, conseiller et M. Roger Trépa-nier, conseiller.

Dans la présentation du mémoire, M. Landry touchera aux objectifs du comité. Ensuite, M. Saint-Onge expliquera le contenu de notre document. Je laisse la parole à M. Lucien Landry, s'il vous plaît.

M. Landry (Lucien): Alors merci, M. le Président. Premièrement, nous tenons à souligner ici que nous nous sommes présentés à trois reprises devant cette commission, soit à l'occasion de la commission parlementaire sur la politique en santé mentale; deuxièmement, nous nous sommes présentés aussi à l'occasion de la commission parlementaire sur l'étude du projet de loi, que nous appelons, de l'aide sociale et, pour la troisième fois, nous nous présentons aujourd'hui devant le comité d'étude de la réforme électorale.

Je voudrais profiter de l'occasion qui nous est donnée pour vous présenter brièvement, d'une façon très claire, les responsabilités et les devoirs du comité de bénéficiaires qui sont en établissement psychiatrique ou dans certains autres hôpitaux à travers la province.

Comme vous le savez très bien, la Loi sur les services de santé et les services sociaux détermine que chaque établissement doit mettre sur pied un comité de bénéficiaires. Certains comités s'appellent des comités des résidents, d'autres des comités de malades et ont, comme fonction première, de défendre les intérêts et les droits des bénéficiaires dans l'établissement, ou de tout autre bénéficiaire qui reçoit des services de l'établissement parce qu'il arrive, à certaines occasions, qu'il y a des établissements qui offrent des services externes aux bénéficiaires. Or, dans notre cas, à l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, nous pouvons compter au-delà de 2050 bénéficiaires qui recoivent des services internes et environ 7000 personnes qui reçoivent des services externes. Globalement, on représente au-delà de 7000 bénéficiaires qui reçoivent des services de l'établissement.

Il faut vous dire aussi qu'une des fonctions du comité est d'assister le bénéficiaire dans sa démarche lorsqu'il a des revendications quant aux conditions de vie, aux traitements et de l'accompagner dans ses démarches lorsqu'il y a une plainte. Selon ce qui est prévu au paragraphe 3, les bénéficiaires peuvent s'adresser au comité et faire des représentations afin que leurs conditions de vie, leurs démarches soient assurées.

Et, en troisième lieu, c'est de participer à l'organisation de loisirs de l'établissement. Prioritairement, au comité de bénéficiaires, nous avons à l'intérieur de l'établissement un service des loisirs qui est organisé par l'établissement. Notre service, à l'intérieur du comité, est de donner la priorité au dossier de la défense des droits et aussi d'assurer de meilleures conditions de vie aux bénéficiaires. (11 h 15)

Quatrième point. Le comité a comme fonction de renseigner les bénéficiaires sur l'administration, sur ce qui se passe dans l'établissement. Ce sont des fonctions que le législateur a prévues dans les articles 118. 1 à 118. 5 sur le rôle et le fonctionnement du comité de bénéficiaires. Il faut vous dire aussi que le comité de bénéficiaires doit adopter ses propres règlements de régie interne afin de prévoir le fonctionnement et aussi l'élection, les responsabilités de chacun de ses membres au sein du comité. En troisième lieu, le comité de bénéficiaires, c'est-à-dire l'établissement, doit prévoir des normes de financement, ce qui n'empêche pas le comité de bénéficiaires d'organiser ses propres normes de financement.

Ce sont, globalement, les responsabilités du comité de bénéficiaires. À l'intérieur de ces responsabilités, il est prévu aussi que le comité de bénéficiaires fasse des représentations pour défendre les intérêts et les droits. Dans le cadre du dossier qui nous concerne, celui de la réforme électorale, le droit de vote fait partie, d'une façon très claire pour nous, de la démarche, de la défense des droits, c'est-à-dire permettre aux personnes atteintes de maladie mentale d'exercer leur droit de vote. Dans ce sens, quand nous avons reçu l'invitation du ministre Gratton, c'est avec plaisir que nous nous sommes mis immédiatement à la tâche. Au début de l'été, nous avons pensé former un comité, afin de nous entourer de personnes. Il faut vous dire que nous avons pris des initiatives. Nous n'avons pas retardé indéfiniment notre démarche. On s'est mis à la tâche pour former un comité ad hoc, pour s'adjoindre des personnes-ressources. Il faut vous dire que nous avons fait appel à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, à la Faculté de droit de l'Université du Québec et, aussi, à des personnes-ressources qui nous aident afin de former un comité ad hoc sur l'étude du projet de loi, ce que nous appelons la réforme électorale. On a fait appel aussi à d'autres personnes-ressources de l'hôpital, du côté médical. Nous avons fait appel à la Direction des services professionnels, à des médecins, à des psychiatres. Nous avons aussi fait appel à des infirmières, à des parents et à des bénéficiaires afin de consulter et de préparer notre présentation à cette commission. Cela s'est fait d'une façon très claire.

Je voudrais profiter de l'occasion qui nous est offerte ici pour que, parallèlement à la présentation de notre mémoire à vous, M. le Président, et aux membres de la commission, nous puissions inviter Pierre Saint-Onge, étudiant en sciences de la santé, à remettre une copie de notre mémoire que nous avons adressé au Directeur général des élections. J'inviterais Pierre à remettre, devant vous, ce mémoire au Directeur général des élections afin qu'il puisse en recevoir officiellement copie parce qu'on voulait, nous aussi, le sensibiliser.

En troisième lieu, je vais donner la parole à M. Daniel Saint-Onge qui, lui, comme étudiant en droit, nous a permis, avec sa compétence et son travail, d'apporter un appui au comité. Il faut vous dire qu'on a obtenu un projet Défi 88. Notre première tâche avec le groupe d'étudiants a été de nous pencher sur le dossier du droit de vote des malades mentaux.

Le Président (M. Marcil): M. Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Daniel): Pouvoir choisir ceux qui nous gouvernent représente le droit le plus fondamental dans une société libre et démocratique. Toutefois, les citoyens canadiens n'ont pas toujours bénéficié d'une protection juridique adéquate en ce domaine. Avant l'adoption de la charte canadienne, deux provinces seulement, dont le Québec, protégeaient le droit de vote dans leurs législations respectives. L'accès au suffrage, tant pour les élections provinciales que fédérales, s'est muni d'une garantie constitutionnelle avec l'enchâssement de la charte canadienne dans la constitution, en 1982. Les provinces ne pouvant se soustraire à l'application de l'article 3 qui représente les droits démocratiques, leur texte législatif se devait d'être conforme à la pensée et à la lettre de la charte canadienne. Son article 15. 1 garantit l'égalité de tous devant la loi, mais aussi le droit à la même protection et aux mêmes bénéfices de la loi, indépendamment de toute discrimination dont celle fondée sur les déficiences mentales.

La Charte des droits et libertés de la personne reconnaît aussi l'exercice du droit de vote, et assure une protection efficace aux citoyens à l'égard d'éventuels actes discriminatoires du gouvernement québécois. De plus, le Canada s'est engagé à trois reprises à certaines obligations légales dans les instruments internationaux suivants: le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que la Déclaration des droits des déficients mentaux. Ceux-ci reconnaissent directement ou indirectement le droit de vote à tout citoyen ainsi qu'un traitement égal devant la loi. Spécifions que ces engagements internationaux lient aussi les législatures provinciales.

À la lumière de la jurisprudence et de la doctrine examinées dans notre mémoire, refuser le droit de vote aux personnes qui se trouvent en institution psychiatrique revient à les priver, en raison de leur handicap, d'un bénéfice de la loi. Même s'il est parfois justifié de refuser ce droit à certains individus, ce n'est certes pas une raison pour exclure en bloc tout un groupe. De ce fait, on ne considère pas les bénéficiaires au même titre que les autres citoyens canadiens. Il n'existe d'ailleurs aucune base rationnelle à l'existence d'une règle de droit qui limiterait l'accès au suffrage aux catégories d'individus énoncées à l'article 54, paragraphe 4, de la Loi électorale.

C'est pourquoi cet article passerait difficilement le test de proportionnalité de l'article 1 de la charte canadienne entre les effets des mesures et l'objectif reconnu comme suffisamment important si la constitutionnalité de cette disposition était contestée devant nos tribunaux.

Plusieurs problèmes et lacunes nous ont été signalés par les différents intervenants consultés. La confection hâtive et l'informatisation de la liste électorale, les "oubliés sous curatelle", le manque d'information donnée au personnel et aux bénéficiaires, les réticences des recenseurs à se présenter à l'hôpital, le danger des manipulations politiques, l'emplacement des bureaux de scrutin, la dépendance des patients face au corps médical, la surcharge de travail qu'occasionne le déroulement du scrutin pour le personnel infirmier, l'analphabétisme d'un grand nombre de patients, et j'en passe.

Si on reconnaît un droit à un individu, mais qu'on ne lui donne pas les moyens nécessaires pour l'exercer, cela équivaut à lui nier ce droit. La notion de capacité a aussi été survolée dans notre document. Tracer une ligne entre les personnes capables et incapables demeure une entreprise périlleuse qui est vouée à engendrer des injustices.

Sous sa forme actuelle, l'article 54, paragraphe 4, crée une catégorie inadéquate de patients inaptes à voter, et ce a fortiori pour le critère de la curatelle publique. Ce n'est pas parce qu'une personne est sous curatelle qu'elle n'a pas la logique nécessaire à l'exercice du droit de vote. Elle peut être sous curatelle pour de multiples autres raisons. C'est une protection et non un instrument pour lui enlever des droits.

Même si la réforme de notre Code civil ainsi que celle de la Loi sur la curatelle publique apportent des modifications importantes, nous ne croyons pas que ces critères devraient être conservés dans la Loi électorale. Pour respecter leur condition mentale particulière et éviter des manipulations indues, une restriction a minima s'impose quant à une certaine clientèle souffrant de troubles chroniques.

Nous proposons d'utiliser les directives émises par le DGE de l'Ontario lors des dernières élections provinciales. Grosso modo, ce sont les suivantes: Les patients ne souffrant pas de handicap physique devraient pouvoir se rendre au bureau de scrutin et donner leur nom, leur adresse, exprimer leur désir de voter, suivre les

indications de l'employé du bureau de scrutin et retourner leur bulletin de vote au préposé en place.

Si le bulletin est accepté par le patient, mais que celui-ci ne fait rien de plus avec, on devrait interpréter son geste comme un désistement. Le bénéficiaire pourrait être accompagné d'un ami, d'un parent, d'un employé de l'hôpital ou du bureau de scrutin pour l'aider dans le processus d'exercice s'il - et seulement "si" - le demande et pour assister à l'exercice du vote. En tout temps on doit respecter le libre choix du bénéficiaire de pouvoir exercer ou non son droit de vote.

Le comité demeure fortement opposé à l'instauration du vote par procuration dans la Loi électorale pour la clientèle en institution. Le droit de vote essentiellement personnel ne devrait être exercé que par son détenteur.

Nous croyons, en raison de nos expériences vécues avec les bénéficiaires, que les risques d'abus dans le cas de procuration consentie par les individus souffrant d'un handicap mental sont beaucoup plus considérables que ceux consentis par la population dite normale.

Le comité croit qu'il existe d'autres alternatives valables à l'exercice du droit qui peuvent donner des résultats équivalents, sinon supérieurs à ceux obtenus avec le vote par procuration.

Nous pensons surtout au système de vote par courrier et à un système de bureau de scrutin mobile. On soulève que le vote par courrier est plus difficile à contrôler, implique une procédure complexe pour l'électeur et exige la mise en place d'un système plus lourd.

Qu'en est-il du vote par procuration? En Ontario, l'électeur qui désire se prévaloir du vote par procuration doit remplir un formulaire de demande d'autorisation qui contient le rappel des qualités requises pour être électeur, le rappel des pénalités encourues en cas d'abus ou de fraude et, enfin, une déclaration assermentée de l'électeur nommant un mandataire qui doit être signée en présence d'un témoin.

Une fois cette demande complétée, l'électeur mandataire doit, à son tour, présenter le formulaire complété au directeur du scrutin pour recevoir un certificat de vote. À cette fin, il doit aussi faire une déclaration assermentée en présence du directeur du scrutin.

Ne serait-il pas plus simple pour le bénéficiaire de remplir le bulletin de vote, de le sceller et de le remettre à un mandataire nommé par l'hôpital chargé de recueillir tous les bulletins de vote scellés par les bénéficiaires? Nous ne voyons pas en quoi une telle alternative soulèverait des lourdeurs administratives trop importantes. Toutefois, le service postal en tant qu'intervenant extérieur pourrait engendrer une autre dimension du problème. C'est pourquoi nous proposons l'alternative du mandataire nommé par l'hôpital.

Bref, pour terminer, les recommandations du comité sont les suivantes. 1) que l'article 54. 4 de la Loi électorale soit entièrement abrogé pour reconnaître le droit de vote à tous les bénéficiaires sans aucune restriction; 2) qu'on instaure un système de vote par courrier au moyen d'un mandataire nommé par l'hôpital, ainsi qu'un système de bureaux de scrutin itinérants; 3) que le personnel de l'hôpital soit informé et sensibilisé durant toute la période électorale de façon à respecter les droits des bénéficiaires; 4) qu'un comité multidisciplinaire composé d'un psychiatre, d'un ou d'une infirmière, d'un représentant du comité de bénéficiaires et d'un représentant du bureau des élections soit mis sur pied pour voir au respect et à l'application de la Loi électorale; 5) que les hôpitaux psychiatriques soient désignés zone rurale pour permettre aux bénéficiaires de s'inscrire jusqu'au jour du scrutin inclusivement; 6) que l'on suive l'exemple ontarien et que le DGE soit limité dans sa discrétion d'émettre des directives; 7) que la confection de la liste électorale soit faite la journée de la visite des recenseurs; 8) que le président des élections du comté affecte les ressources humaines et financières nécessaires pour faciliter l'exercice et la participation des bénéficiaires à leur droit de vote; 9) que, lors de la nomination des recenseurs, le comité de bénéficiaires ait la possibilité d'exécuter cette tâche pour les patients inscrits à l'hôpital, autant à l'externe qu'à l'interne; 10) qu'il y ait des communications permanentes avec le bureau des élections pour corriger les lacunes et voir à l'application de la Loi électorale; 11) que des directives soient transmises aux différents partis politiques sur la vulnérabilité et les dangers de manipulation politique à l'endroit des bénéficiaires; 12) que les bénéficiaires soient informés et préparés adéquatement pour connaître leurs droits et pouvoir voter de façon judicieuse; 13) qu'une photo des différents candidats et les logos officiels des partis soient apposés sur les bulletins de vote pour aider les bénéficiaires analphabètes dans leur choix; 14) que le comité de bénéficiaires ait un rôle de premier plan dans toutes les étapes et le déroulement de la période électorale pour assurer le respect intégral des droits de notre clientèle défavorisée. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Oui, monsieur.

M. Landry: M. le Président, si vous le permettez, je voudrais aussi faire part devant cette commission que, en plus de présenter notre mémoire devant cette commission, parallèlement à ceci, dès la semaine prochaine, nous nous proposons de faire cette même présentation de

notre mémoire devant le comité des privilèges et élections de la Chambre des communes à Ottawa. Nous pensons aussi rencontrer, par la suite, le ministre responsable du dossier des élections au fédéral, M. Don Mazankowski, qui doit nous recevoir prochainement avec le Directeur général des élections, M. Hamel, le 26 août. On a travaillé afin d'adapter notre mémoire à la loi fédérale pour faire des représentations spécifiques au chapitre de la Loi électorale fédérale.

En troisième lieu, M. le Président, je voudrais informer les membres de cette commission que, dès vendredi prochain, nous entamerons une procédure judiciaire afin d'obtenir un jugement déclaratoire quant à la procédure judiciaire en vue d'obtenir le droit de vote aux malades mentaux, si possible, avant les élections fédérales. On sait très bien actuellement, entre nous - cela se promène et ce n'est un secret pour personne - que les élections fédérales auront lieu très bientôt, et nous estimons et nous croyons en cette possibilité d'entamer cette procédure pour mettre ce mécanisme en branle. Ces mesures, pour nous, doivent être concrètes, ce que nous ne pouvons pas assurer d'une façon très claire étant donné que le projet de loi C-79 au feuilleton de la Chambre ne sera pas adopté avant les prochaines élections; c'est que nous avons envisagé prendre une procédure judiciaire pour obtenir un jugement déclaratoire pour le comité de bénéficiaires de l'établissement et nous avons aussi l'appui des autres comités de bénéficiaires, celui de Robert-Giffard et d'autres organismes qui oeuvrent dans le même sens que nous pour la défense des droits. (11 h 30)

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Nous allons procéder immédiatement à la période de questions. Compte tenu qu'il nous reste 30 minutes, je vais prendre la responsabilité de diviser le temps en trois tiers. Je me fie à votre autorégulation. Je vais reconnaître Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Je tiens d'abord à vous féliciter parce que votre mémoire est très bien fait, et je pense que vos recommandations sont claires. Je veux aussi vous souhaiter bonne chance dans vos démarches avec le fédéral.

J'ai quand même quelques questions à vous poser. Quand vous parlez des difficultés reliées à la confection des listes électorales, est-ce que vous avez... Je suis certaine que vous avez vécu ces difficultés par le passé. Quelles sont les difficultés que vous avez éprouvées?

M. Landry: À titre d'information, M. le Président, nous devons vous faire part qu'avec la procédure actuelle, quand il y a déclenchement d'élections officielles, soit par le fédéral ou par le provincial, les recenseurs se présentent à l'établissement; ils sont reçus, d'une part, par la direction générale et sont par la suite dirigés vers la direction des services professionnels de l'établissement qui a la responsabilité des dossiers médicaux et de la liste des bénéficiaires. Là, on leur transmet la liste des bénéficiaires qui ont le droit de vote. Alors, du même coup, cette décision s'applique dans le cadre de la loi actuelle où les bénéficiaires qui résident en établissement, qui ne sont pas sous curatelle, ont le droit de vote. À la dernière élection, en 1985, les recenseurs se sont présentés à l'établissement et les représentants du comité de bénéficiaires ont accompagné les recenseurs et on a confectionné la liste électorale d'une façon très claire. Cela a représenté plusieurs problèmes parce que, d'une part, les recenseurs n'étaient pas habitués dans des établissements psychiatriques et, d'autre part, n'avaient pas l'information, n'étaient pas préparés. Dans les unités de soins, à l'accueil, au personnel, personne n'était informé. Cela s'est fait d'une façon assez rapide et sans préparation. Les lacunes sont l'information, la sensibilisation, l'approche et l'accueil qui ont manqué dans cette démarche.

Mme Bleau: Si vous étiez mieux préparé, cela pourrait se faire d'une façon...

M. Landry: Plus structurée, mieux organisée parce que, déjà, pour votre information, actuellement dans rétablissement, de concert avec la direction de l'établissement, nous prévoyons mettre sur pied un comité qui va s'occuper du dossier des élections fédérales, provinciales, municipales ou scolaires. Il s'agira d'un comité ad hoc formé de représentants de l'établissement, du comité de bénéficiaires et des personnes des bureaux des élections.

Mme Bleau: Quand vous parlez d'une implication directe du comité de bénéficiaires, est-ce que vous prévoyez aussi que ce comité pourrait faire lui-même le recensement?

M. Landry: C'est une possibilité qu'on a envisagée. On a l'intention d'entreprendre des démarches auprès de la Direction générale des élections, ce qui permettrait d'une façon très claire... Nous, on connaît l'établissement, on connaît le personnel, on connaît les bénéficiaires et ce serait peut-être une solution à envisager. Mais je sais que, lors de la nomination des recenseurs, c'est décidé au niveau des différents partis politiques. Je ne connais pas tellement la procédure, mais je sais qu'on a l'intention de faire des représentations auprès de notre député, en l'occurrence M. Claude Trudel, et auprès de notre député fédéral, M. Gravel, si je ne me trompe pas. Nous avons l'intention de faire des démarches auprès des représentants des différents partis politiques et du bureau des élections.

M. Saint-Onge (Daniel): Pour revenir plus précisément à votre question concernant la liste électorale, les deux lacunes qu'on a relevées, c'est que la liste est confectionnée dès le lende-

main du déclenchement des élections. Il y a un haut taux de roulement de patients dans les unités d'admission, ce qui fait que la liste n'est jamais à jour. C'est pour ça qu'on voudrait qu'elle soit faite la veille de la visite des recenseurs à l'hôpital.

Concernant le problème d'informatisation, l'archiviste... Tous les patients sous curatelle publique, en cure fermée ou interdits sont éliminés manu militari. C'est simplement que les recenseurs ne rencontrent pas chaque bénéficiaire un à un, comme ils le font pour les autres citoyens canadiens. C'est à ce niveau qu'on trouve qu'il y a une lacune flagrante. On aimerait que les bénéficiaires soient traités au même titre que les autres citoyens.

Mme Bleau: Dans le même état d'esprit, pour que vos bénéficiaires puissent vraiment savoir pour qui voter, est-ce que vous verriez d'un bon oeil que les différents candidats se présentent à l'établissement et rencontrent les bénéficiaires?

M. Saint-Onge (Daniel): Oui, on a justement posé la question à la direction générale de l'hôpital et on s'est montrés très favorables à la venue de partis politiques, mais il faudrait que ce soit dans un cadre très régi. Par contre, on ne permettrait pas aux différents candidats de se promener à travers les unités et de donner la main à tous les bénéficiaires comme ils le veulent. Mais on était favorables à une réunion dans un auditorium où chaque parti politique aurait un certain temps, dix ou quinze minutes, pour faire une présentation de façon, quand même, à donner un minimum d'information aux bénéficiaires.

M. Landry: Seulement pour ajouter un point là-dessus. On a prévu inviter des gens sur place. Je pense qu'il faut vous informer qu'on a vécu deux élections depuis trois ans, c'est-à-dire deux élections du côté fédéral et provincial, et à l'intérieur du comité des bénéficiaires, parce que ce sont les bénéficiaires qui élisent leur propre comité. Pour votre information, quand il y a eu l'élection du comité des bénéficiaires, nous avons fait une assemblée générale à l'auditorium. Cela ne s'était jamais fait dans l'établissement et on avait au-delà de 700 personnes qui étaient dans l'auditorium, qui posaient des questions au comité et qui revendiquaient des demandes au comité.

On a fait cet exercice d'élection comme tel, avec la composition du comité. Alors, s'ils sont capables de le faire à l'intérieur du comité, ils sont très bien capables de poser des questions aux représentants du côté des partis politiques. C'est sûr, comme M. Saint-Onge l'a très bien spécifié, qu'on envisage déjà, à l'intérieur du comité, de prévoir ces mécanismes pour inviter des représentants des partis et les candidats du comté comme tel.

Mme Bleau: Vous vous opposez au vote par procuration - et je pense que vous avez raison - mais est-ce que c'est seulement pour votre clientèle, la clientèle des hôpitaux psychiatriques ou si c'est pour tous les électeurs en général?

M. Landry: Je veux seulement préciser que nous, nous représentons les bénéficiaires de l'hôpital Louis-il. -Lafontaine. Nous ne nous prononçons pas pour les hôpitaux en général parce que, comme vous le savez très bien, cet après-midi, il y aura les représentants du comité des bénéficiaires de Giffard qui se sont aussi penchés sur ce dossier-là. Mais, par contre, en ce qui nous concerne, nous nous sommes penchés là-dessus et nous nous sommes prononcés d'une façon très claire sur une certaine mesure à adopter lors du vote de procuration.

Mais on ne veut pas parler au nom des autres représentants de comités. Nous avons à peu près le même point de vue, mais il y a certaines divergences.

Mme Bleau: Pour les analphabètes, vous parliez d'une photo ou d'un logo, ce qui serait assez coûteux et assez difficile à mettre en application. Il y a déjà des mécanismes qui peuvent aider ces gens-là à voter, soit, par exemple, le représentant du bureau de vote qui peut aller avec lui pour voter. Est-ce que vous voyez un autre mécanisme que cela?

M. Landry: Nous, on a fait l'exercice lors du bulletin de vote des membres du comité. Tous les candidats étaient photographiés avec un petit carré. Le bénéficiaire qui était analphabète ou qui n'était pas en mesure de lire le bulletin, par la photo pouvait identifier d'une façon très claire la personne pour laquelle il désirait manifestement voter, parce que d'une...

Mme Bleau: Mais l'autre méthode qui consiste à se faire accompagner par quelqu'un qui sait lire, vous n'êtes pas d'accord avec cette méthode-là?

M. St-Onge (Daniel): Cela pourrait être une alternative selon l'hypothèse que la photo et le logo seraient rejetés. Mais je serais curieux de savoir en quoi, justement, apposer le logo des partis politiques sur le bulletin de vote entraînerait des frais aussi grandioses.

Mme Bleau: Je pense qu'on pourrait demander cela au président des élections après la séance. Je vous remercie beaucoup. Vous nous avez très bien démontré que le droit de vote, c'est important. Si on veut continuer à respecter la démocratie, il va falloir y penser sérieusement. Merci infiniment.

Le Président (M. Kehoe): Merci, Mme la députée de Groulx. Je donne la parole à M. le député d'Abitibi-Est.

M. Gendron: Le député d'Abitibi-Est doit être en vacances quelque part. C'est le député d'Abitibi-Ouest.

Une voix: Le comté des ministres.

M. Gendron: Je voudrais sincèrement remercier le Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. Pour ceux qui se sont donné la peine de prendre connaissance de votre mémoire, vous avez un mémoire d'une importante qualité. On sent que c'est un mémoire étoffé, articulé, qui a de la profondeur.

Sincèrement, je dois vous remercier. C'est important d'avoir des groupes comme les vôtres qui parlent de cette question majeure qu'on a lieu de revoir, concernant toute la question du vote des handicapés ou des gens ayant des difficultés quelconques, sans les qualifier. Il n'y a rien de mieux qu'un comité de bénéficiaires qui ait pris la peine de faire un mémoire pour insister sur toute la nécessité d'adapter la mécanique électorale aux réalités de vie des bénéficiaires, et des gens qui les représentent en institution pour venir nous dire comme ce serait important d'avoir une mécanique qui respecte leur vécu.

J'ai compris également que vous étiez formellement opposés au vote par procuration. En ce qui me concerne, vous avez raison de manifester clairement cette opposition. Vous avez fait ressortir les difficultés de catégoriser de façon objective les handicapés mentaux comparativement aux malades chroniques dans l'intention d'établir leur capacité ou leur incapacité à voter. Encore là, vous aviez raison de faire ressortir ces deux éléments. C'est surtout là-dessus qu'on est toujours devant rien. Ce n'est pas facile d'établir cette distinction.

On aura beau en discuter pendant des heures, on sent qu'il y a une maturité de situation québécoise pour dire que oui, il faut offrir sans nuance, sans distinction, un droit libre d'exercice du vote aux handicapés. On est rendus là. On doit profiter cependant des travaux de cette commission pour mettre en place un système. Si, après avoir dit cela, on n'a pas un système qui non seulement permet l'exercice, mais garantit l'intégrité du système électoral, on ne sera pas plus avancé.

La première question que je veux vous poser est: Êtes-vous familiers avec l'expérience ontarienne? Pensez-vous que des modalités de gestion du droit de vote dans les institutions et pour tout le personnel dit en difficultés ressemblant à la formule ontarienne vous conviendraient?

M. Landry: M. le Président, je veux seulement préciser que nous travaillons en étroite collaboration avec des représentants du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec inc. qui, en somme, ont des échanges fréquents avec des personnes en

Ontario et qui s'occupent aussi de ce dossier. Nous avons lu certains documents sur l'expérience des personnes en Ontario ou des représentants des institutions en Ontario.

Il y a des choses qui doivent s'adapter. Il va de soi que nous, du côté de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, en collaboration avec la direction de l'établissement et le comité des bénéficiaires, devons voir à mettre en application certains mécanismes adaptés à la réalité québécoise, à notre milieu de vie et à mettre en branle certains mécanismes qui ressemblent à l'expérience ontarienne.

M. Gendron: Deuxième question. C'est un peu dans le sens de la question de la députée de Groulx. Vous faites état clairement dans votre mémoire des difficultés liées à la tenue du recensement au moment où une période électorale est déclenchée. Vous avez surtout décrit les difficultés, les lacunes, les problèmes, le manque d'information, l'accueil, l'approche. La question précise que je voulais vous poser: Que suggérez-vous concrètement pour remédier à ces difficultés? (11 h 45)

M. Landry: Je pourrais vous informer à ce moment que nous travaillons encore au dossier de l'aide sociale. Immédiatement après nous être présentés devant la commission au début du mois d'avril, nous avons pris contact et continué les échanges avec les représentants de cette commission qui s'occupent du dossier de l'aide sociale. Actuellement, nous sommes devant vous. On s'attend bien, dans les prochains jours, d'actualiser notre démarche auprès du ministre responsable de la réforme électorale et aussi auprès du bureau du Directeur général des élections pour qu'on puisse mettre en valeur et trouver des solutions pratiques qui répondent plus à la réalité face aux besoins que nous éprouvons. On ne peut pas les prévoir, mais il y a des mécanismes qu'on va étudier et élaborer. S'il y avait des modifications au projet de loi, on serait en mesure, en concertation avec les différents intervenants de l'établissement et du comité, de mettre en branle certaines solutions et de trouver des solutions aux problèmes pour atteindre l'objectif primordial: premièrement, respecter les droits et, deuxièmement, faire en sorte que ces droits soient bien actualisés dans leur vécu quotidien en établissement.

M. Gendron: J'ai cru entendre tantôt, je pense que c'est votre collègue de gauche qui l'a mentionné, que vous souhaiteriez un recensement pour toutes les personnes en institution, quel que soit leur degré d'handicap ou l'espèce d'épithète qu'on leur donne sur le plan légal, qu'elles soient des "interdits", des personnes en cure fermée ou, d'après certains jugements de psychiatres, des personnes qui n'auraient pas la capacité de voter. Dans la perspective où les modifications prévues au Code civil maintiendraient ce régime à trois

paliers de protection prévu et où, de toute façon, il y aurait quand même le maintien de ce qu'on appelle des interdits au sens de la loi, peu importent les motifs, et il y aurait également des jugements de cours qui détermineraient que certains n'en ont pas la capacité, si cela restait comme cela, quel serait l'avantage d'être inscrit quand même sur la liste si d'avance on sait que c'est uniquement fictif puisqu'elles n'auront pas la possibilité d'exprimer leur droit démocratique de voter?

M. Saint-Onge (Daniel): La limite va se faire où? Comme je l'ai mentionné, on a rencontré différents psychiatres et il est très difficile de tracer une ligne entre une personne capable et une personne incapable. Ce n'est pas facile. Même eux, ils ont certains paramètres à suivre et ils ont beaucoup de difficulté à donner une définition d'une personne incapable. Pour vous donner un exemple concernant les prochaines réformes, on va faire la distinction entre la curatelle sur les biens et la curatelle sur la personne. Or, lorsqu'un patient ne voudra pas prendre sa médication, son psychiatre le mettra sous curatelle pour sa personne parce qu'il ne voudra pas prendre ses médicaments. Est-ce que cela voudra dire que son refus de prendre ses médicaments équivaut à un manque de logique pour exercer son droit de vote d'une façon convenable? Je ne crois pas.

Il y avait une deuxième partie dans votre question, je ne me souviens plus ce que c'était exactement.

M. Gendron: La deuxième, elle tombe parce que je vous comprends par l'explication. Autrement dit, vous maintenez ce qu'on savait de par votre mémoire, à savoir que c'est difficile. Vous dites: Dans le fond, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait davantage de garanties indiquant que le droit de vote est plus universel, indépendamment des jugements qui pourraient être rendus par un juge. Même si on prévoit de revoir le Code civil, ce qui ferait que, normalement, les trois régimes de protection devraient clarifier et stabiliser cette question, ce que je comprends, c'est que la nuance demeurera toujours subtile et, tout compte fait, vous préférez le droit de vote universel. C'est pour ce faire que lorsqu'il y a un recensement, qu'ils soient interdits ou incapables, vous voulez les voir quand même sur la liste électorale.

M. Saint-Onge (Daniel): Oui. Une remarque de Mme Robillard m'a beaucoup plu lors de sa présentation. Elle a mentionné que les patients chroniques, vraiment ceux qui ont des troubles très profonds, ceux qui, il est évident, ne peuvent pas voter, ne se déplaceront pas la journée du scrutin pour aller au bureau et pour dire: Oui, je vais exercer mon droit de vote. Ils ne respecteront pas les formalités, justement à l'exercice, comme on l'a proposé dans notre mémoire.

M. Gendron: Est-il exact que vous avez très bien établi dans votre mémoire que vous préfériez la formule du vote itinérant qui serait préférable, selon vous, au vote par procuration et qui risquerait de moins subir d'influences indues?

M. Saint-Onge (Daniel): Assurément, oui. Il y a énormément de patients, comme notre présidente, Mme Huard, qui ont également un handicap physique, qui ont des difficultés à se déplacer. On pense que ce serait une alternative valable de permettre une boîte de scrutin ambulante qui pourrait se promener dans les unités pour cueillir les bulletins de vote. Je ne sais pas au juste à quel niveau vous avez accepté nos recommandations face aux mandataires nommés par l'hôpital. On jugeait que c'était une solution valable qui demanderait justement des...

M. Gendron: Une annotation très courte: Est-ce que, dans le même sens, dans la perspective où effectivement la boîte serait itinérante, il ne faudrait pas à tout le moins s'assurer que c'est à la demande du bénéficiaire? On n'instaure pas le principe...

M. Saint-Onge (Daniel): Oui, exactement.

M. Gendron:... sauf si les bénéficiaires en ont fait la demande formellement. Est-ce bien cela que vous avez mentionné?

M. Saint-Onge (Daniel): Oui, exactement.

M. Gendron: Encore une fois, je vous remercie infiniment. Pour des raisons de temps, je dois conclure.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Oui, merci, M. le Président. J'ai une seule question parce que le mémoire que vous nous présentez est très clair et très complet en soi. Il nous permettra sûrement, je l'espère en tout cas, de progresser à l'étape de la loi. J'ai une question à vous poser en ce qui a trait à votre - je m'excuse ce n'est pas paginé - recommandation ou je ne sais comment vous avez titré ça. À votre recommandation 11, vous dites: "Que des directives soient transmises aux différents partis politiques sur la vulnérabilité et les dangers de manipulation politique à l'endroit des bénéficiaires. " Vous avez pu constater, par mes questions à Mme la Curatrice publique, ma sensibilité par rapport à cette question. Vous allez un peu dans le même sens qu'elle et, là, vous ajoutez que cela pourrait être sous forme de directives aux formations politiques. Alors, j'ai deux questions à vous poser là-dessus. D'une part, quel type de directives pensez-vous qu'on pourrait détailler, peut-être avec votre collabora-

toute manipulation? Et, puisqu'il s'agirait là de directives aux formations politiques, jusqu'où pourrait-on réussir à ce que ce soit contraignant pour les formations politiques? Est-ce que vous avez réfléchi un peu à ça?

M. Saint-Onge (Daniel): Nous avons voulu proposer l'idée, mais nous ne nous sommes pas vraiment penchés sur les mécanismes comme tels. Mais, simplement pour identifier le problème, j'aimerais vous donner l'exemple d'un candidat d'un parti politique...

M. Rochefort: Oui, allez-y!

M. Saint-Onge (Daniel):... qui irait dans une unité. Vous savez que les bénéficiaires sont des gens extrêmement influençables. Il s'agirait simplement de leur faire un petit don, un café, un beignet, des fleurs, pour acheter leur vote. Le patient se souviendrait simplement du nom du candidat et il voterait pour lui. C'est à ce niveau qu'on trouve que... C'est plus souvent dans les centres d'accueil et dans les centres d'hébergement à l'externe que les candidats auraient accès plus facilement, plutôt que dans les grands centres hospitaliers comme celui de Louis-Hip-polyte-Lafontaine. Il pourrait aussi y avoir des dangers, par rapport aux propriétaires de centres d'hébergement: eux, si des fois ils avaient une appartenance politique très forte, ils pourraient faire de la pression aux gens hébergés dans leur centre pour qu'ils votent pour leur formation politique.

M. Rochefort: Si je vous comprends bien, dans votre dernière réponse, quand vous parlez des propriétaires, vous considérez donc qu'il faut aller au-delà des formations politiques quant à...

M. Saint-Onge (Daniel): Je voulais surtout vous montrer l'ampleur du problème. Je voulais vous démontrer à quel point ce sont des gens influençables et qu'on pourrait vraiment acheter leurs votes d'une façon minime.

M. Rochefort: Moi, je vous invite là-dessus à poursuivre votre réflexion parce que je considère que je suis encore plus satisfait du fait que ce soit vous qui l'ayez dit plutôt que nous. C'est évident qu'il y a des personnes qui sont plus susceptibles d'être l'objet de manipulation, appelons les choses par leur nom, et je pense que dans la mesure où on leur redonnerait un droit qui est le leur, il faudrait s'assurer que ce droit se fasse dans le respect de leur personne, de leur dignité et de leur volonté, en ce sens qu'on serait à l'abri de toute tentative de manipulation ou d'encadrement, pour prendre un mot que certains préféreraient peut-être, de l'exercice du droit de vote de ces personnes qui, finalement, viendrait discréditer tout le processus d'ouverture et de plus grande acces- sibilité qui est actuellement envisagé. Donc, en ce sens, je vous invite vraiment à poursuivre votre réflexion sur les protections que vous pourriez vous accorder dans la mesure où le droit vous serait accordé.

M. Saint-Onge (Daniel): Dans les mécanismes, on pourrait même aller jusqu'à créer des infractions concernant la sollicitation de vote, comme on voulait le faire pour le vote par procuration.

M. Rochefort: Merci.

M. Landry: M. le Président, je voudrais seulement souligner aussi que nous tenons à faire part à cette commission que nous avons obtenu aussi la collaboration de l'Office des droits des détenus qui s'est penché avec nous sur ce dossier-là. Parce qu'on sait que l'Office des droits des détenus, de son côté, a préparé toute une approche pour obtenir le droit de vote des personnes en détention. Et nous avons obtenu des copies de leurs recherches, de leur travail, ce qui nous a permis aussi d'avoir certaines similitudes de démarche par rapport à l'approche de la Charte des droits et libertés et aussi à la question du dossier du droit de vote, tant fédéral que provincial. Je tenais à le souligner. Et aussi, au nom du comité des bénéficiaires, M. le Président, si vous me le permettez, nous étions très heureux de l'invitation du ministre Gratton qui nous permettait de nous exprimer et d'entendre les personnes concernées par le dossier du droit de vote des bénéficiaires.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Gratton: Oui, M. le Président. Simplement pour dire merci aux représentants du Comité des bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, non seulement d'avoir accepté notre invitation et d'être venus présenter un mémoire de très haute qualité, mais aussi pour l'engagement que M. Landry prenait tantôt de travailler en collaboration avec le Directeur général des élections et le Secrétariat à la réforme électorale pour en arriver justement à identifier les moyens susceptibles de nous permettre de faire en sorte que les handicapés mentaux puissent exercer leur droit de vote si, évidemment, le législateur décide d'aller dans ce sens-là, ce que je souhaite personnellement de tout coeur. Merci infiniment.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Donc, au nom de la commission, on vous remercie de vous être prêtés à cet exercice et, comme vous pouvez le constater, nous avons respecté le temps.

M. Landry: Merci.

Le Président (M. Marcil): J'inviterais

maintenant l'Association canadienne pour la santé mentale (division Québec) à prendre place à la table. Afin de permettre justement cet échange, nous allons suspendre pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 58)

(Reprise à 11 h 59)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux.

Association canadienne pour la santé mentale

Nous allons entendre l'Association canadienne pour la santé mentale. Celle-ci est représentée par Mme Hélène Guay. Bonjour, madame.

Mme Guay (Hélène): Bonjour.

Le Président (M. Marcil): Par Mme Christine Berryman. Bonjour, madame.

Mme Berryman (Christine): Bonjour.

Le Président (M. Marcil): Et par M. Michel Trottier.

M. Trottier (Michel): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Sans plus tarder, nous vous laissons le temps nécessaire pour présenter votre mémoire.

M. Trottier: Merci beaucoup, M. le Président. Comme tous les groupes précédents, nous voulons vous remercier de nous avoir donné l'occasion de venir vous présenter un peu ce que l'on pense au sujet du droit de vote de ce que vous appelez le malade mental. Chez nous, à l'Association canadienne pour la santé mentale, qui existe au Québec depuis 1936, c'est un mot qui, sans être tabou, n'est pas vraiment utilisé. Nous parlons de personnes et nous parlons de personnes dans un état de santé mentale qui sont de façon générale capables de fonctionner. Il peut arriver qu'il y ait eu des accidents. Il peut arriver que, justement, il y ait eu besoin d'hospitalisation, qu'il y ait eu de petits voyages dans la maladie, mais nous considérons constamment que cette personne-là ne perd pas, parce qu'elle est malade, le titre de personne et les droits qui y sont associés. C'est un peu dans ce sens-là que nous ne parlons que de façon un peu éloignée de maladie mentale, non pas parce que nous n'y sommes pas habitués, non pas parce que nous ne la frôlons pas de façon régulière, non pas parce que nous n'y sommes pas vulnérables, mais parce que, dans un sens, nous considérons, de la même façon qu'au niveau physique nous parlons de maladie, que c'est toujours en fonction d'un état à récupérer qui est l'état de santé. Donc, c'est vraiment ce qu'est l'Association canadienne pour la santé mentale, un organisme d'abord orienté vers la promotion de la santé et, deuxièmement, pour défendre les droits des personnes en souffrance mentale. Dans ce sens-là, notre mémoire va venir préciser exactement notre pensée au sujet du droit de vote. Pour ce faire, je demanderai à Mme Hélène Guay, bénévole à la division du Québec, de vous donner un résumé succinct et pertinent de notre mémoire. Mme Guay.

Mme Guay: Merci, M. Trottier. M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, comme le soulignait M. Trottier, les objectifs de l'Association canadienne pour la santé mentale, division du Québec, passent par le respect du droit des personnes. Or, le respect du droit des personnes, c'est respecter l'exercice de tous leurs droits civils et, notamment, celui du droit de vote.

Comme le soulignait également M. Trottier, il s'agit de la promotion de la santé. Ce deuxième objectif de l'association se traduit également par une prise en charge individuelle, croyons-nous, et par une prise en charge sociale, ce qui équivaut, ni plus ni moins, à exercer soi-même ses droits dans une pleine conscience de leur importance. Ainsi, ces deux objectifs, respect des droits de la personne et promotion de la santé par une prise en charge autonome, rejoignent les objectifs du législateur.

La représentante de la curatelle publique vous a bien fait part de la réforme relative au Code civil. Il est clair que cette réforme a pour principal objectif, en matière de protection des personnes majeures, de rendre ces personnes plus autonomes, de réformer les régimes et d'assujettir l'instauration d'un régime de protection des majeurs à une procédure qui se veut très respectueuse des droits. Ainsi, dans la procédure d'instauration d'un régime de protection des majeurs, les arguments qui doivent primer ou les critères qui doivent être appliqués sont que, d'abord, la protection doit être dans l'intérêt de la personne, que toute décision doit être prise suivant les trois critères énumérés à la page 5 de notre mémoire, à savoir l'intérêt de la personne, le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie. Toute décision ultérieure doit également prendre ces critères en considération. Le juge qui décide d'imposer un régime de protection doit entendre cette personne-là. Il doit tenir compte de son autonomie dans l'application ou dans l'instauration d'un régime de protection. De plus, lorsqu'une personne en institution, nous dit le Code civil - donc, le projet de réforme du Code civil et donc le législateur - a besoin d'aide pour exercer ses droits civils, notamment le droit de vote, le directeur d'un établissement doit faire rapport sur la nature et l'aptitude de cette personne

majeure.

Ainsi, nous avons un législateur qui est prêt à faire une réforme fondamentale dans le domaine de la protection des majeurs dans le Code civil, donc dans une loi fondamentale au Québec. D'un autre côté, nous sommes aujourd'hui en commission pour étudier comment ce même législateur est prêt à accorder l'exercice du droit de vote à une personne dont la santé mentale est pour ce cas altérée. L'Association canadienne pour la santé mentale conçoit mal que, d'un côté, on fasse une réforme des régimes fondamentaux dans une optique de respecter à la fois la volonté et l'exercice des droits alors que, d'un autre côté, ce même législateur devrait, selon nous, adopter la même attitude et accorder l'exercice du droit de vote à toute personne majeure qui ne sera pas, à partir de la réforme du Code civil, restreinte dans l'exercice de son droit. Donc, la constatation d'incapacité, selon l'Association canadienne pour la santé mentale, division du Québec, devrait chaque fois passer par une procédure judiciaire qui prendrait, pour chaque cas, en considération le respect des personnes, le respect des droits démocratiques de celles-ci et la sauvegarde de leur autonomie.

Évidemment, pour exercer ce droit de vote, il est clair que le malade en institution hospitalière devra avoir un droit égal. À l'heure actuelle, la Loi sur les services de santé et les services sociaux exclut le droit de vote pour les malades mentaux et il faudra évidemment aligner le droit statutaire là-dessus. Alors même qu'on accorde le droit de vote aux personnes dont la santé mentale est altérée, alors même que ces gens-là sont en institution, il faudra évidemment prévoir un mécanisme d'information, comme l'a souligné le comité de bénéficiaires qui nous a précédés. Pour toutes ces raisons, nous croyons que le droit de vote doit être accordé à toute personne majeure, à moins que celle-ci soit restreinte par une décision qui a été prise en tenant compte de son autonomie et du respect de ses droits.

Quant à la question du vote par procuration, elle ne fait évidemment pas consensus, d'après les mémoires qui vous ont été soumis et nous en sommes bien conscients. Demain, durant la journée, vous aurez l'occasion d'entendre la confédération des organismes provinciaux qui, notamment, n'est pas contre l'exercice du vote par procuration. Pour ceux qui n'ont pas eu le plaisir de lire notre mémoire, je soulignerai que le vote par procuration est ni plus ni moins l'exercice, au départ, d'un droit fondamental qui procède par mandat. Au lieu d'empêcher une personne d'exercer son droit, on lui permet une modalité d'exercice. Pour aussi fondamental qu'est le droit de vote - cette commission l'a entendu et elle l'entendra encore - l'association croit qu'il doit pouvoir être exercé. Elle croit que l'exercice du vote par la modalité de la procuration est ni plus ni moins le respect de l'exercice d'un droit dans tout ce qu'il implique d'autonomie et de choix personnel, donc la responsabilisation de la personne. Si une personne considère la procuration trop dangereuse pour l'exercice de son droit, avec tout le respect que j'ai pour les critiques apportées à l'encontre de l'exercice du droit de vote par procuration, nous croyons, à ce moment-là, que cette personne ne choisira pas de voter par procuration. Cependant, en accordant le vote par procuration, le législateur continue, dans cette même ligne de pensée, à respecter la personne dans l'exercice de ses droits et dans l'exercice d'un droit autonome, responsable et à partir d'un choix personnel.

Nous tenons à souligner également que nous n'avons pas retenu le vote par correspondance parce que d'autres expériences ont démontré qu'il y avait des abus, des fraudes. Nous retenons donc comme modalité valable d'exercice le vote par procuration comme il se pratique et comme il est suggéré d'ailleurs dans la réforme électorale fédérale.

En résumé, nous croyons que le législateur, qui se penche maintenant sur la révision de la Loi électorale, devrait agir conformément aux principes qui ont été à la base du projet de loi portant réforme au Code civil et accorder le droit de vote aux malades en institution ou dont la santé mentale est altérée. Du même coup, les objectifs du législateur qui rejoignent ceux de l'association se conformeront à un meilleur respect de l'autonomie de la personne et de l'exercice de ses droits. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, madame. Je vais reconnaître M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier les personnes qui représentent l'Association canadienne pour la santé mentale d'avoir comparu devant nous ce matin et d'avoir présenté leur mémoire, un mémoire clair, précis et à point. Vous donnez exactement votre position sur les deux sujets qui nous touchent de près, soit le droit de vote pour les malades mentaux et le vote par procuration.

Au sujet du droit de vote pour les malades mentaux, c'est clair, il y a plusieurs autres regroupements qui ont comparu devant nous ce matin et il y en aura d'autres cet après-midi et dans les jours qui viennent, c'est plus ou moins un acquis. Il y a une tendance claire, nette et précise qui va dans le sens que le droit de vote devrait être accordé à ces personnes. Sur la question du vote par procuration, il y a une certaine divergence d'opinions. Le groupe qui vous a précédés, le Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-il. -Lafontaine que vous avez entendu - je pense que vous étiez dans la salle - est contre cette procédure et il prévoit un vote par courrier, des mandataires nommés par l'hôpital, ainsi de suite.

C'est précisément sur les modalités ou sur

la protection des personnes malades qui vont voter par procuration. À la page 8 de votre mémoire, vous mentionnez que, dans les cas de procuration, le mandataire ne devra pas être une personne employée dans l'établissement où la personne est hospitalisée. Pourquoi dites-vous cela? Qui devrait être le mandataire du bénéficiaire?

Mme Guay: Cette recommandation qui, du reste, aurait dû être soumise dans la présentation découle, entre autres, d'une disposition du projet de loi qui porte réforme au Code civil, à savoir que, lorsque le curateur délègue sa direction d'une personne sous sa protection, il la délègue à une personne autre que la personne employée dans un établissement de santé. Nous croyons qu'il est moins risqué ou du moins plus respectueux, plus sécuritaire pour l'exercice du vote que la personne choisisse elle-même la personne qui va exercer le vote par procuration. Une personne qui travaille au sein de l'institution pourrait avoir une...

M. Kehoe: Une influence.

Mme Guay: Un biais. Voilà! Nous croyons que, si la personne qui est malade ou qui ne peut se déplacer peut choisir librement qui va exercer son vote par procuration, c'est sûrement la meilleure personne qui peut être choisie.

M. Kehoe: Est-ce que vous voulez dire par là que cela devrait être un parent ou quelqu'un près du bénéficiaire?

M. Trottier: Exactement.

Mme Guay: Si le bénéficiaire la choisit...

M. Trottier: Justement, nous parlons, dans un retour vers la santé, de réinsertion sociale. Nous voudrions que l'individu qui est actuellement hospitalisé puisse établir des contacts extérieurs qui vont vraiment lui permettre, d'une part, de bénéficier de ses droits et, d'autre part, qui vont aussi permettre d'éviter tous les dangers que vous souligniez tantôt, soit qu'une même personne qui a déjà un contrôle, qui a déjà une autorité à l'intérieur de l'institution ne puisse pas pour ainsi dire utiliser une autre sorte de contrôle et une autre sorte de pouvoir. Pour nous, il est très important de percevoir que les choses seront bien faites si chacun conserve exactement le pouvoir qui lui a été délégué et rien de plus. Autrement dit, nous revenons à ce vieil adage français: Si chacun fait bien son métier, les vaches seront bien gardées. (12 h 15)

M. Kehoe: Justement, sur la question de la manipulation des votants ou des malades, c'est une préoccupation de la commission de savoir comment les protéger, comment s'assurer que la personne soit libre et vote librement pour le candidat de son choix. Quelle est la meilleure façon de procéder à ce moment-là? Est-ce que cela devrait être un mandataire, un travailleur de l'hôpital, un parent? Qui au juste? Quelle garantie le malade aura-t-il que le mandataire va exécuter ses ordres, ceux qu'il lui aura donnés?

Mme Berryman: II n'y a pas vraiment de garantie. Par contre, ce qu'on dit à l'association, c'est que la personne qui choisit elle-même son exécuteur pour la procuration, c'est la meilleure garantie que la procuration soit bien exécutée.

On parlait aussi de manipulation, etc. Si on considère vraiment que ces personnes sont ultra-manipulables et vulnérables à tout, pourquoi leur donnerait-on le droit de vote, au départ? Il faut quand même respecter cette personne dans ses choix et moins insister sur la vulnérabilité de la personne, mais surtout sur les points forts qu'elle peut avoir développés, sur sa capacité de faire de bons jugements quand même. On est tous influençables jusqu'à un certain point. Il ne faudrait pas en mettre trop sur le des des personnes qui ont eu des difficultés psychiatriques.

M. Trottier: II faudrait éviter, dans un sens, de se donner, sous l'étiquette de santé mentale... Nous sommes tous entre individus sains, ici, jusqu'à preuve du contraire.

M. Kehoe: Tout est relatif.

M. Trottier: Tout est relatif, je sais. Mais, entre individus sains, il faudrait éviter de nous donner une espèce de blanc-seing et de croire qu'elles sont très influençables et que nous, nous ne le sommes pas. D'autre part, il faut bien comprendre que ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on parle de manipulations de toutes sortes. À l'approche de certaines élections, quelque part dans un pays pas tellement lointain, on voit très bien que, de fait, il y a de la manipulation qui se fait même pour des individus en bonne santé. À ce moment-là, j'aurais peur de voir le législateur s'inquiéter de façon exagérée de la manipulation.

M. Kehoe: Est-ce que vous prévoyez dans cela que les candidats ou les représentants auront le droit d'aller visiter les malades dans les hôpitaux, comme on le fait maintenant dans les centres d'accueil ou dans les autres centres pour personnes âgées? Auront-ils le droit d'aller les rencontrer, leur expliquer leurs programmes, jaser avec eux comme on le fait actuellement?

Mme Berryman: Si on considère que ces gens sont des citoyens à part entière, pourquoi ne pas faire avec eux comme on fait avec tous les autres?

M. Kehoe: D'accord. Sur la question du droit de vote, dans l'immédiat... Le groupe qui vous a précédé, le Comité de bénéficiaires de

l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine, a dit qu'il a l'intention de prendre une action judiciaire en vue d'un jugement déclaratoire pour forcer la cour à statuer sur le droit de vote des personnes malades mentales. En ce qui concerne l'élection provinciale, qui est dans un an - d'ici là, je ne pense pas que les amendements au Code civil seront adoptés - je pose comme question: Pour l'immédiat, votre association a-t-elle l'intention de faire quelque chose avant que l'affaire soit clarifiée?

M. Trottier: Je n'ai pas reçu actuellement un mandat spécial de la part du conseil d'administration sur cela. Cela sera sûrement discuté. Si certains groupes intéressés par les mêmes orientations que nous le font, il se pourrait que nous nous joignions à eux. Pour le moment, nous n'avons pas vraiment mandat de le faire.

M. Kehoe: S'il y avait une élection provinciale d'ici un an et si la loi n'était pas changée, à ce moment-là, il serait peut-être dans votre intérêt de prendre un jugement déclaratoire.

M. Trottier: Cela pourrait le devenir, c'est exact.

M. Kehoe: Bon.

M. Trottier: Nous aviserons en temps et lieu.

M. Kehoe: Je pense que, dans le système actuel en Ontario, il y a des bureaux de scrutin dans les établissements de soins psychiatriques. Cela, semble-t-il, marche assez bien. Trouve-riez-vous opportun de suivre cet exemple et d'exiger cela aussi? Comment prévoyez-vous l'implantation de ces mesures?

M. Trottier: Encore ici, je pense qu'on parle justement de les considérer comme des citoyens à part entière. Une participation ne se fait pas au compte-gouttes. À ce moment-là, il faut leur donner évidemment la chance, si vous voulez, d'exercer pleinement leur droit de vote. Cela veut dire: information, visite des candidats, capacité de connaître vraiment ce sur quoi ils auront à se pencher et, deuxièmement, cela veut dire aussi la possibilité, la facilité d'avoir les moyens d'exercer ce droit de vote. Cela veut donc dire... Et c'est notre association, la division ontarienne, qui a insisté énormément en Ontario pour que, justement, le droit de vote soit élargi. Je pense que nous aurions exactement la même attitude que notre consoeur de la division ontarienne, de dire essentiellement: Allons-y pleinement et donnons-leur l'entière possibilité d'exercer leur droit.

M. Kehoe: Dernière question. Si on abroge l'article 54. 4°, croyez-vous qu'on devrait restreindre la portée de ce paragraphe aux seules personnes dont l'incapacité de voter a été reconnue dans le contexte judiciaire du processus d'interdiction? Jusqu'à quel point voulez-vous aller? Quelle est votre position là-dessus?

Mme Guay: Au risque de répéter ce que j'ai dit antérieurement, il me semble, et aussi au nom de l'association, que la restriction au droit de vote qui est accordée à toute personne majeure, à tout citoyen québécois devrait être subséquente, devrait suivre une procédure judiciaire. Donc, un juge doit prendre en considération l'autonomie de la personne, le respect de ses droits dans la décision qu'il va rendre au sujet de cette personne.

M. Kehoe: Plus je vous écoute parler, donner explications et réponses, plus je suis personnellement convaincu que le droit de vote aux personnes malades mentales devrait être accordé le plus vite possible. Je vous remercie encore pour votre présentation et j'en ai terminé avec mes questions, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Chapleau. Je reconnais maintenant M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Oui. C'est avec beaucoup d'intérêt qu'on a pris connaissance des points de vue exprimés dans votre mémoire et surtout dans les résumés que vous nous avez apportés, tout en affirmant que le droit de vote pour les malades mentaux est un droit inaliénable - je pense que c'est dans votre mémoire - et qui doit appartenir à la personne. Vous acceptez tout de même qu'il y ait certaines balises concernant le Code civil. Dans l'application du Code civil, vous acceptez qu'il y ait certaines balises qui feront que le droit de vote pourrait être restreint dans certaines circonstances. Êtes-vous d'accord là-dessus?

M. Trottier: Nous sommes d'accord...

M. Dufour: Est-ce que je l'affirme bien ou est-ce incorrect?

M. Trottier: Bien, nous sommes d'accord qu'il y ait, comme le dit le Code civil, des régimes de protection qui seront, si vous voulez, établis à partir d'un processus judiciaire et que ces régimes de protection puissent, pour ainsi dire, parallèlement, diminuer l'exercice et la possibilité du droit de vote.

M. Dufour: En tenant pour acquis vos affirmations ou votre point de vue concernant ce sujet, croyez-vous actuellement que les nouveaux régimes de protection qui seront mis en place par le Code civil seront suffisants pour protéger les personnes pour exercer leur droit de vote?

Mme Guay: Sous réserve d'avoir étudié très

en profondeur tous les détails de chacun des régimes - je pense que la Curatrice publique vous a éclairés à ce sujet - il nous semble que l'instauration d'un nouveau mécanisme de protection des majeurs est très respectueuse des droits des personnes. Il y a aussi le processus d'audition du majeur ou d'une représentation du majeur dans toute décision et les critères qui sont mis de l'avant pour une représentation du majeur. Je crois que ces trois régimes sont respectueux des droits du majeur et devraient répondre à toute décision qui doit être prise concernant l'exercice du droit de vote d'un majeur dont l'aptitude serait mise en doute.

M. Dufour: Merci. Il y a aussi la question du vote par procuration. Vous nous avez dit tout à l'heure que tout le monde n'est pas d'accord sur cela. Je pense aussi que cela représente certains éléments. Peut-être que cela m'a impressionné un peu, votre démonstration concernant la manipulation des personnes. C'est vrai qu'on peut être tous victimes de manipulation à un point ou à un autre. Ce qu'on essaie, c'est de baliser et d'essayer que cela ne s'étende pas trop loin ou que cela se fasse dans certaines normes pour ne pas qu'il y ait aussi du harcèlement auprès des personnes. La différence par rapport à quelqu'un qui est en institution, c'est qu'il pourrait être harcelé beaucoup plus facilement qu'un autre qui est à l'extérieur et qui peut vaquer à ses occupations.

M. Trottier: C'est d'autre part la raison pour laquelle nous avons dit qu'une personne non employée par l'établissement de santé, hors de l'établissement de santé, devrait être nommée pour exercer cette procuration pour éviter le harcèlement.

M. Dufour: D'accord. Je regarde votre mémoire et vous parlez du droit de vote comme un droit constitutionnel et comme un droit de la personne, donc, qui appartient à un individu propre. Comment un droit qui appartient à un individu propre peut-il être transféré par le biais d'une procuration par laquelle on pourra exercer ce droit de vote qui appartient à cet individu? Là, j'ai de la difficulté à faire le lien, je ne vous le cache pas. Lorsqu'on a écouté d'autres groupes qui ont présenté leurs mémoires à cette commission, il a été dit assez clairement: Le droit de vote, quitte à ce que ce droit de vote soit mal exercé ou annulé, qu'on le laisse à la personne comme telle. Vous, votre groupe, vous nous arrivez avec la procuration. Est-ce que vous pouvez nous éclairer un peu plus, nous les gens de la commission?

Mme Guay: C'est peut-être qu'il faut favoriser l'exercice du droit avant son non-exercice. C'est peut-être qu'il faut aussi accorder à la personne qui peut exercer son droit de vote des modalités d'exercice de son droit. C'est sûr que ce droit, on l'a dit que c'était un vote secret, on l'a dit que c'était très personnel, mais, si une personne qui est apte à prendre une décision quant à l'exercice de son droit de vote veut exercer ce vote par procuration, en prend les risques, encourt les risques qu'on a soulignés ici devant cette commission, nous considérons que c'est son choix personnel et nous pensons que ce choix doit être préservé avant tout. C'est un droit de la personne, mais en même temps je vous rappellerai qu'il n'y a pas de droits de la personne qui soient absolus. Si on considère que c'est un droit de la personne que de renoncer à son intégrité personnelle et si on considère que ce droit à l'inviolabilité n'est pas absolu, de la même façon, pour le droit de vote qui est aussi un droit très fondamental et qui se situe du reste un peu plus loin dans la charte que le droit fondamental à l'intégrité, nous considérons qu'une modalité d'exercice de ce droit est tout aussi valable qu'une renconciation à l'exercice d'un droit fondamental.

M. Dufour: Est-ce que votre groupe préconise cette façon d'exercer son droit de vote avec une position ferme? Dites-vous que, s'il n'y avait pas cette modalité dans le projet de loi à venir - on ne peut pas lire dans les intentions du ministre - si elle n'y était pas contenue, vous y verriez une atteinte fondamentale à ce droit que vous exprimez? (12 h 30)

M. Trottier: M. le député, j'ai appris depuis longtemps que c'est très dangereux de répondre à des questions hypothétiques. J'aurais donc tendance à me réfugier derrière cela pour ne pas vous répondre. D'autre part, sachant combien vous êtes orientés vers le désir de connaître le plus possible et de sonder le mieux possible les reins et les coeurs, je vous dirai que, non, nous n'aurions pas tendance à dire, cette modalité n'étant pas suivie, que le législateur n'a pas accompli pleinement son devoir. Par ailleurs, nous aurions quand même tendance à dire que le législateur a manqué une excellente chance de procéder de façon logique. À partir des amendements au Code civil, nous aurions tendance à dire que le législateur, si vous voulez, de la même façon qu'il donne le droit de procuration à l'intérieur du droit civil pour des droits personnels, pourrait aussi aller jusqu'au droit de vote. Le secret du droit de vote, à mon point de vue, n'est pas aliéné par une procuration parce qu'en même temps que je donne un droit par procuration je donne aussi le secret. J'ai tendance aussi à croire que les membres de tout parti politique qui font du pointage de façon régulière savent combien le secret du vote est, pour ainsi dire, aléatoire. À ce moment-là, j'aurais tendance à croire que le secret du droit de vote n'est pas mis en danger par la procuration. Alors, c'est pour répondre à votre question dans ce sens-là.

Il est sûr et certain que nous le voyons comme une modalité. Donc, la chose importante

est assurément la première partie de notre mémoire, mais nous aurions, d'autre part, un intérêt à voir le législateur aller de l'avant dans cette ligne logique et considérer que le droit de vote qui est un droit personnel est aussi dans un sens un droit transférable par procuration.

M. Dufour: J'apprécie votre façon de nous répondre. Je pense que vous ne cherchez pas de faux-fuyants. Je trouve que c'est correct, que ce que vous nous dites est important. Le premier droit, d'abord, est d'avoir le droit de vote; deuxièmement, je pense comme législateur que ce qui découle de cela, c'est de pouvoir l'exercer.

Il y a des mémoires qui ont fait allusion à des bureaux de scrutin itinérants, c'est-à-dire des bureaux qui pourraient être déplacés pour aller dans des endroits pour pouvoir même recueillir sur place le vote. Ceci exclurait probablement la procuration à ce moment-là, à mes yeux. Si le bureau est itinérant, la personne va pouvoir voter. Elle est confrontée à devoir donner son nom, son adresse, etc., ses qualités d'électeur. Avez-vous regardé ou examiné l'alternative d'un bureau itinérant?

M. Trottier: Nous n'avons pas vraiment fouillé le problème à ce sujet-là. Je crois que le bureau itinérant pourrait permettre, comme vous le disiez, d'éviter une partie des gens qui voudraient donner une procuration, mais il ne pourrait pas éviter la totalité des possibilités de procuration. Il y a des gens qui seront malades cette journée-là, il y a des gens qui ne pourront pas être disponibles cette journée-là et cela, de façon imprévisible. À ce moment-là, je pense qu'il pourrait y avoir avantage quand même à percevoir la possibilité d'une procuration.

M. Dufour: Je voudrais vous remercier très honnêtement du travail que vous avez fait et de la façon dont vous nous l'avez présenté. Comme on n'a pas beaucoup de temps, je vais permettre à mon collègue, le député de Saint-Jacques, avec la permission du président, de prendre le relais pour une ou deux questions supplémentaires. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Merci, M. le Président. Vous faites de toute évidence allusion au mode de scrutin en France. Je trouve cela pertinent dans le temps, parce que j'en arrive et j'en ai effectivement discuté là-bas, sachant qu'il y avait une commission ici à laquelle j'appartiens. Effectivement, en ce qui concerne le scrutin par correspondance, on l'a aboli parce qu'il y avait manifestement des abus. Par contre, quant au scrutin par procuration, il est actuellement très contesté. Est-ce que vous êtes au courant?

Mme Guay: Nous en avons entendu parler.

M. Boulerice: II est très contesté. Il y a d'ailleurs une certaine forme de vote par procuration qui existe même à l'Assemblée nationale et cela a donné lieu à certains abus. Je ne sais pas si vous en avez eu écho. Il s'agit tout simplement d'un tournage de clé dans les pupitres des députés. Cela a été une foire d'empoigne. Curieusement, l'Assemblée nationale du Québec n'a pas vécu cela jusqu'à présent et j'espère qu'elle ne le vivra jamais. J'ai remarqué dans votre texte, quant au vote par procuration, que vous-mêmes vous avez déjà commencé à évaluer certains risques en disant, mon collègue le député de Jonquière en a parlé: "une personne autre qu'une personne employée par l'établissement de santé ou qui y exerce une fonction devrait être nommée aux termes de la procuration. " Est-ce que vous êtes au fait aussi de la modalité du scrutin par procuration en France en vertu de laquelle une personne ne peut pas être mandataire de plus de deux? C'est tout.

Mme Guay: C'est la même chose en Ontario, si je ne m'abuse, et au fédéral, d'après la réforme électorale également.

M. Boulerice: Ma troisième question. On a, au départ, ce qu'on appelle chez nous des bureaux de scrutin anticipé. Je ne sais pas quelles sont les statistiques. Je pense que M. le Directeur général des élections pourrait nous indiquer le pourcentage facilement. Je pense que c'est employé, très employé. Vous me corrigerez, M. le directeur. C'est très employé. Mon collègue fait mention de la possibilité d'une espèce de bureau itinérant. Ne jugez-vous pas plus opportun d'améliorer les choses existantes que d'aller plutôt vers quelque chose de complètement inédit chez nous? Déjà, je pense qu'on pourrait peut-être arriver aux résultats escomptés sans les risques que vous soulevez. Ça, je vous l'accorde, c'est bien entendu qu'il se peut qu'une personne ne puisse pas voter à un certain moment. Je pense que cela arrive dans tous les scrutins de tous les pays du monde. On ne peut pas avoir un vote permanent.

Mme Guay: Sur la question de l'anticipation, il me semble que le vote par anticipation doit se pratiquer certaines journées avant, à une certaine époque. Il y a des jours fixes. Le vote par procuration, c'est tout autre. C'est une impossibilité de se déplacer ce jour-là. Il peut être même décidé la veille qu'on ne pourra pas voter pour une question de traitement ou une question d'urgence en raison d'un état de santé. Cela peut aussi couvrir l'aspect d'une absence prolongée, par exemple, une absence due à un déplacement professionnel à l'extérieur du pays pour plusieurs mois. À ce moment-là, cela peut couvrir ces situations. Cela couvre des situations bien différentes. Pour ce qui est de la question qu'on ne soit pas familier avec...

M. Boulerice: Question de kilométrage.

Mme Guay: Excusez-moi de vous interrompre. Le fait qu'on ne soit pas familier avec le vote par procuration ici au Québec, c'est sûr. D'ailleurs, c'est bien démontré. En France, vous l'avez dit, c'est contesté. Au Canada, les provinces sont divisées sur cette modalité d'exercice du droit. Mais ce n'est pas parce qu'elle n'existe pas qu'elle ne serait peut-être pas pratiquée. Donc, d'une certaine façon, ce serait donner une occasion aux gens. De toute façon, je rappelle à la commission que ce qui est important pour l'Assocation canadienne pour la santé mentale, c'est non pas tant que la procuration soit inscrite dans la réforme de la Loi électorale, mais, d'abord et avant tout, qu'on reconnaisse l'exercice du droit de vote à toutes les personnes.

M. Trottier: II faut quand même ajouter, quand nous parlons de procuration, qu'il ne s'agit pas d'avoir un droit de vote par procuration qui soit simplement la solution pour les personnes hospitalisées ou les personnes malades. Il s'agit d'un droit de vote par procuration qui serait possible pour tout le monde. À ce moment-là, quand nous parlons d'une absence de stigmatisation, si vous me permettez ce terme légèrement anglais, quand nous parlons d'absence de caractère indélébile laissé par la maladie dite mentale, nous voudrions éviter d'avoir des moyens d'exercice du droit de vote qui seraient limités à une population donnée.

Il s'agit de bien considérer que nous sommes tous vulnérables à une maladie mentale, que quand on est malade ce n'est pas un état permanent mais un état orienté vers la santé grâce à des traitements. C'est dans ce sens très positif de cet état de maladie que nous pensons justement à considérer ce groupe comme des gens qui nous ont momentanément laissés, qui sont dans un voyage spécial et qui nous reviendront. Il faut bien comprendre ce phénomène et c'est très important parce que, dans un sens, c'est toute la perception de ce qu'est vraiment la maladie dite mentale. Il faut éviter d'en faire des groupes à part. C'est un peu la raison pour laquelle nous étions en désaccord total avec l'article 54. 4°, c'est la raison pour laquelle nous sommes assez véhéments à demander et à suggérer que, dans un sens, il y ait d'abord un droit de vote accordé à tous pour éviter justement qu'on fasse une population divisée, discriminée, pour laquelle déjà on a établi des étiquettes. C'est dans ce sens-là que nous avons voulu témoigner ici.

Pour nous, la procuration est une modalité d'exercice, nouvelle assurément, mais je crois que le Québec a la capacité d'absorber les nouveautés. Je pense que ce serait heureux d'être dans la ligne d'une possibilité où, justement, les nouveautés peuvent permettre, dans un sens, un plus grand intérêt de la population.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Saint-Jacques. M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, une question qui n'a peut-être pas fait l'objet d'une réflexion de la part des représentants de l'association. Je la pose et vous pourrez peut-être quand même exprimer une opinion.

Dans l'hypothèse où les handicapés mentaux auraient droit de vote, est-ce que vous avez une opinion sur la circonscription où devraient être comptabilisés ces votes-là, soit dans celle où se trouve l'institution, je parle évidemment pour ceux qui sont en institution, soit dans la circonscription de résidence? Est-ce que vous savez ce qu'on fait en Ontario? J'avoue mon ignorance, je ne connais pas ce qui se fait là-bas.

M. Trottier: Nous savons ce qui se fait en Ontario. C'est une comptabilisation dans le comté de l'hôpital. Je dois vous dire, d'une part, que j'aurais tendance personnellement et l'association que je représente également à penser qu'il y aurait un avantage à une comptabilisation par provenance du départ. Dans un sens, cela pourrait vouloir dire un meilleur équilibre et une meilleure façon d'établir vraiment le sens de la responsabilité de ce droit de vote. D'autre part, si on le fait ainsi, cela posera évidemment des problèmes quant à l'information, quant aux candidats, etc., mais je pense qu'il y aurait un énorme avantage, justement pour éviter que certains comtés soient vraiment presque délimités. C'est un peu le problème actuellement à Montréal quand on parle de Pointe-aux-Trembles et c'est un peu celui qu'on pourrait constater ici dans le comté de...

Une voix: Montmorency.

M. Trottier: Montmorency. Cela pourrait, à ce moment-là, permettre d'éviter ce problème-là, je pense, un peu de la même façon qu'on le fait au fédéral pour les troupes, pour les gens dans l'armée...

M. Gratton: Dans le cas du provincial, pour les détenus, cela existe aussi.

M. Trottier:... et, dans le cas du provincial, pour les détenus, exactement. Alors, je pense qu'il y aurait avantage à le faire ainsi.

M. Gratton: M. le directeur, M. Trottier, Mme Berryman et Mme Guay, merci infiniment d'avoir accepté de venir nous entretenir de votre point de vue. Les recommandations et les commentaires que vous avez faits feront évidemment l'objet de considérations très sérieuses non seulement de la part du gouvernement, mais, j'en suis sûr, de la part de tous les parlementaires qui s'intéressent à la Loi électorale. Merci.

M. Trottier: Merci beaucoup, M. le ministre.

Le Président (M. Marcil): Merci.

Nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures, alors que nous recevrons le Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard.

(Suspension de la séance à 12 h 46)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Marcil): A l'ordre, s'il vous plaît!

Comme premier groupe, ce sera le Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard représenté par M. André Perreault, président, M. Charles Rice, conseiller, M. Paul Boilard, conseiller et résident, de même que par M. Mario Lortie, secrétaire animateur, et Mlle... ?

M. Perreault (André): Marie-Michèle Bédard, bénéficiaire.

Le Président (M. Marcil): Mlle Marie-Michèle Bédard.

Nous vous souhaitons donc la bienvenue à cette commission parlementaire. Vous avez environ 20 minutes d'allouées pour faire votre exposé. Ce sera suivi par une période de questions, de part et d'autre, des parlementaires composant cette commission. Allez-y!

Comité des bénéficiaires du centre hospitalier Robert-Giffard

M. Perreault: II me fait plaisir de vous dire bonjour. Je veux vraiment vous remercier, M. le président de la commission parlementaire, M. le ministre Michel Gratton ainsi que tous les députés ici présents de nous avoir invités à cette audition sur la révision de la Loi électorale.

Je me présente, André Perreault, bénéficiaire au centre hospitalier Robert-Giffard depuis quatre ans. Je suis actif au comité des bénéficiaires depuis trois ans. J'y occupe actuellement le poste de président. Je vous présente, à ma droite, M. Charles Rice qui est au comité depuis quatre ans. Il occupe le poste de conseiller en tant que bénévole. À ma droite toujours, Mlle Marie-Michèle Bédard, bénéficiaire au centre hospitalier Robert-Giffard et qui est en même temps en cure fermée, ce qui veut dire que s'il y avait une élection demain matin elle ne serait pas en mesure de voter. J'ai également à ma droite M. Mario Lortie, permanent au comité des bénéficiaires depuis avril 1987 à titre de secrétaire animateur. À ma gauche, M. Paul Boilard, bénéficiaire au centre hospitalier Robert-Giffard et conseiller au comité des bénéficiaires.

Nos collègues de l'hôpital Louis-il. -Lafon- taine en ont parlé un peu cet avant-midi, le comité est d'abord une instance créée par la loi. Notre but est de défendre les intérêts des bénéficiaires. Notre comité représente environ 3500 bénéficiaires, soit admis, soit inscrits, c'est-à-dire 1925 environ à l'interne et 1500 à l'externe. Le comité est composé de trois bénéficiaires à l'interne dont deux bénévoles élus par les usagers de l'établissement. Le comité existe de façon fonctionnelle depuis 1982 et son mandat concerne surtout la défense des droits et des Intérêts des bénéficiaires qui demeurent une priorité pour notre comité.

La consultation d'aujourd'hui au sujet de la réforme électorale est pour nous un moment très important dans toute l'histoire de l'époque asilaire au plan de la psychiatrie. Nous n'avons qu'à penser aux dernières élections de 1985 où, pour une clientèle d'environ 2200 bénéficiaires à l'interne, seulement 500 avaient eu le droit de voter. Combien de bénéficiaires s'étaient présentés à ce moment-là - j'y étais - et avaient été obligés de retourner bredouilles à leur unité? Ils s'étaient présentés "checkés", cravate, etc., parce que c'étaient des gens habitués à voter. Ils ne comprenaient pas pourquoi ils n'avaient pas le droit de vote alors qu'ils avaient toujours voté antérieurement. On leur a expliqué que c'était parce qu'ils étaient sous la curatelle. Pour eux, le vote était quelque chose d'important, ils savaient ce qu'ils faisaient, ils y allaient d'un choix éclairé et c'était un honneur pour eux. Ils étaient vraiment déçus de n'avoir pu voter. Je pense qu'ils perdaient un droit fondamental comme citoyen, le droit de vote que tout le monde a dans la société.

Une autre chose que nous avons faite à l'intérieur du mandat du comité a été, au mois de janvier cette année, de présenter un mémoire à la commission parlementaire sur le rapport Harnois. Nous sommes très actifs et nous avons présenté une pièce de théâtre qui touche les règlements internes, les conditions de vie. Nous avons aussi présenté une pièce de théâtre qu'on est en train de répéter en ce qui concerne la désinstitutionnalisation qui est jouée à l'extérieur. Notre principal intérêt est de revendiquer des droits. Aujourd'hui, nous sommes ici pour revendiquer le droit de vote pour tout le monde sans exception. Pour nous, l'article 54, paragraphe 4°, est inacceptable et devrait être aboli.

J'aimerais laisser la parole à Charles Rice qui vous exposera les principales raisons pour lesquelles nous sommes en faveur du droit de vote pour tous les bénéficiaires du centre hospitalier et pour tous les gens qui sont dits malades mentaux et interdits par la Loi électorale.

M. Rice (Charles): Merci, M. le Président. M. le Président de la commission parlementaire, le droit de vote est un droit fondamental dans toute société libre et démocratique. Voter est

l'expression la plus palpable de l'opinion qu'a le peuple sur l'administration gouvernementale. Aussi, par le truchement d'une élection, nos gouvernements sont-ils imputables aux citoyens et doivent rendre compte de leur administration tous les cinq ans. Tout notre système socio-politique, ses valeurs et l'esprit qui l'anime, repose sur ce principe fondamental. L'histoire démontre toutefois que le fait de reconnaître le principe du suffrage universel ne garantit pas nécessairement à tout individu qu'il est titulaire de ce droit. Plusieurs individus ou classes d'individus sont privés de leurs droits au suffrage et les modalités par lesquelles s'exerce ce droit sont étroitement conditionnées par les valeurs et les préjugés qui sont véhiculés dans une société à un moment donné. Rappelons-nous les luttes menées par les femmes il y a à peine 50 ans pour qu'elles puissent exercer leur droit de vote et soient reconnues comme citoyennes à part entière. Nous n'avons qu'à penser à celles menées par les Noirs aux États-Unis ou, plus récemment, à la situation qui prévaut en Afrique du Sud, avec l'apartheid. L'acquisition du droit de vote par une catégorie d'individus s'est toujours traduite par la reconnaissance de ces individus sur le plan social.

Au Québec, le majorité des personnes vivant en institution psychiatrique sont privées de leur droit de vote. En effet, selon le paragraphe 4° de l'article 54 de la Loi électorale, les personnes interdites, en cure fermée suivant la Loi sur la protection du malade mental, ou placées sous la juridiction du Curateur public ne sont pas autorisées à voter. Selon nous, cette disposition de la Loi électorale est discriminatoire, injuste et probablement anticonstitutionnelle. En effet, l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît à tout citoyen canadien le droit de vote. Ce droit est tellement important et fondamental que le législateur ne l'a pas assujetti à la clause nonobstant qui permet aux élus de s'adapter aux conjonctures et d'adopter une loi allant à l'encontre de la charte. Évidemment, tout droit, même reconnu par la charte, n'est pas absolu. L'étendue et la portée des droits qui sont énoncés par cette charte sont déterminées par les tribunaux qui doivent évaluer une restriction en fonction du test imposé à l'article 1, soit le test du justifiable et du raisonnable.

Pour déroger à la charte, il faut démontrer et être en mesure d'expliquer en quoi cette restriction s'inscrit dans les limites qui sont raisonnables et dont la justification peut se démontrer dans une société libre et démocratique. C'est précisément sur cette question de fond que le débat doit porter. On aimerait sensibiliser la commission parlementaire sur les raisons pour lesquelles on devrait accorder le droit de vote aux malades mentaux.

Premièrement, la très grande majorité des personnes qui sont privées de leur droit de vote sont sous la juridiction du Curateur public. Une personne est mise sous la curatelle par un psychiatre quand il la juge incapable d'adminis-trer ses biens. Il s'agit d'une procédure médico-administrative dont l'objet vise à protéger certaines personnes relativement à l'administration de leurs biens plutôt qu'à déterminer leur capacité de choisir et de voter pour un candidat de leur choix. Le même raisonnement s'applique aux personnes en cure fermée. Ces personnes sont protégées parce qu'elles sont susceptibles de mettre en danger leur santé et leur sécurité ou celles d'autrui. Les motifs pour lesquels ces personnes sont protégées n'ont aucun lien avec la capacité de voter et de prendre une décision politique.

Par ailleurs, la loi actuellement en vigueur, la Loi sur la Curatelle publique, n'établit aucun mécanisme de révision. Ainsi, sans audition impartiale et sans jamais avoir eu le droit de se défendre et d'en appeler, une personne mise sous la curatelle se trouve non seulement privée du droit de gérer ses biens, mais perd également la capacité d'exercer ses droits civils et démocratriques.

Même si le nouveau Code civil adopté en avril 1987 corrige plusieurs lacunes de la loi actuelle, nous ne croyons pas qu'il faille attendre son application pour procéder à des modifications de l'article 54 de la Loi électorale. Cette restriction inscrite dans la Loi électorale depuis 1875 s'inspire d'une conception vieillotte et moyenâgeuse de la santé mentale. Elle rappelle l'époque asilaire où les psychiatrisés étaient complètement exclus de la société. En maintenant cette restriction, on perpétue le mythe entourant les malades mentaux et on ne fait que renforcer les préjugés dont ils sont encore victimes.

Par ailleurs, notre comité conçoit mal que, d'un côté, l'État s'apprête à adopter une politique en santé mentale centrée sur la personne et son intégration à la communauté et que, de l'autre coté, il maintienne une disposition législative qui les exclut d'une activité aussi fondamentale que celle de voter. (15 h 15)

II s'agit là d'une contradiction importante qui relance tout le débat sur la place qu'on accorde aux personnes atteintes de difficultés mentales dans la société.

Enfin, soulignons que la levée de toute restriction basée sur le handicap mental aura un impact minime sur le système électoral. C'est pourquoi nous demandons l'octroi du droit de vote à tous les handicapés mentaux par la suppression pure et simple du paragraphe 4° de l'article 54 de la Loi électorale.

Pour conclure, je vais laisser la parole à Michèle qui va vous expliquer pourquoi elle voudrait voter aux prochaines élections parce qu'actuellement Michèle est en cure fermée. S'il y avait des élections demain matin, elle ne pourrait pas voter. Merci.

Mme Bédard (Marie- Michèle): Pour moi,

c'est important de voter, de me prononcer et de dire qui je veux comme représentant au Parlement autant sinon plus que n'importe qui d'autre. Je suis les décisions du gouvernement qui se prennent ici, car on ne me reconnaît même pas le droit actuellement de dire en votant si je suis d'accord ou non avec les décisions que le gouvernement prend supposément dans notre intérêt à tous.

M'enlever le droit de vote me fait me sentir à part des autres dans la société. C'est humiliant pour nous autres de ne pas avoir le droit de vote. Être en cure fermée ou sous la curatelle ne veut pas dire qu'on n'est pas autonome. Lorsque nous sommes en cure fermée ou sous la curatelle, nous sommes déjà tellement brimés dans l'exercice de nos droits et libertés sans qu'on nous enlève le droit de vote.

Depuis que j'ai 18 ans, j'ai toujours voté tant aux élections provinciales que fédérales. Je ne vois pas pourquoi on me priverait dorénavant de pouvoir voter en disant que le médecin a décidé de me mettre en cure fermée. Enfin, moi aussi, je tiens à continuer à me prononcer lors des élections pour faire savoir si je suis satisfaite ou non du gouvernement. Je tiens à voter pour le parti qui m'apparaît répondre le mieux à mes intérêts, mais aussi à ceux de l'ensemble de la société. Je vous remercie de m'avoir si bien écoutée.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Maintenant, M. Perreault.

M. Perreault: En conclusion, c'est assez complet dans l'ensemble. Je ne sais pas si vous aviez des questions?

Le Président (M. Marcil): Oui, je vous remercie beaucoup. Je vais reconnaître M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Chaque fois qu'une présentation comme celle-là nous est faite, on est impressionnés. Ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion d'assister à des présentations par des comités de bénéficiaires. Chaque fois, l'impression que j'en retiens est extrêmement favorable. Vous faites un travail extraordinaire. Les obstacles que vous avez à surmonter pour faire ce travail le rendent d'autant plus apprécié et appréciable.

Vous avez circonscrit fort éloquemment la signification du droit de vote dans notre société et circonscrit ce que veut dire la capacité de se prononcer sur le choix des mandataires et des représentants. Vous y avez vu un droit essentiel, fondamental, qui est inhérent à la personne humaine elle-même dans notre société démocratique, fort heureusement. Vous avez rappelé des antécédents où des classes de citoyens et de citoyennes avaient eu des luttes à livrer. Qu'on parle des femmes, comme vous le rappeliez, des gens de couleurs, ou, si on remonte un peu plus loin, on peut se rappeler que les gens qui exercaient le droit de vote devaient faire la preuve de ce qu'on appelait à l'époque le cens de l'éligibilité. On devait être propriétaire, on devait posséder des biens en quantité suffisante supposément pour pouvoir se prononcer et avoir le droit de voter. Tout cela s'inscrit dans une longue lutte. Ce que vous êtes en train de réaliser est très apprécié.

On peut s'accorder, on l'a dit à de multiples reprises, sur les principes généraux. Je ne pense pas qu'il y ait de grands débats ou de grandes différences entre nous ici. C'est quand vient le moment de voir aux modalités, aux moyens de mettre en application les principes sur lesquels on s'accorde. Vous demandez finalement qu'on abroge cette interdiction de voter à l'égard des gens qui sont sous la curatelle publique ou en cure fermée. Encore faut-il s'assurer que la volonté des gens de choisir telle ou telle personne plutôt que telle ou telle autre puisse s'exprimer librement, clairement et en conformité avec leur désir. Avez-vous réfléchi sur les modalités d'exercice du droit de vote? Comment est-ce que cela doit se faire? Est-ce que cela doit se faire nécessairement par la personne elle-même? Avez-vous pensé a mandater une autre personne? Avez-vous songé aux difficultés qu'il y avait de s'assurer que tout cela se passe dans l'ordre et qu'il n'y ait pas d'interventions négatives ou contraires à vos intérêts? Avez-vous réfléchi à cela? Comment voyez-vous cela?

M. Rice: Pour ce qui est des modalités, on pourrait s'inspirer de l'expérience ontarienne. On sait que l'Ontario a révisé sa loi électorale. Il y a déjà eu une élection. Ce qu'on en sait, c'est que cela n'a pas occasionné autant de problèmes que cela. Vous avez parlé tantôt de mandat. Il est sûr qu'il y a tout le dossier du vote par procuration sur lequel on ne s'est pas prononcés dans notre mémoire. Je vous avoue qu'on n'a pas eu consensus sur cette question. On voit qu'il peut y avoir un risque en ce qui concerne les procurations, c'est-à-dire que, si vous reconnaissez le vote par procuration, il va falloir établir les balises dans lesquelles cela va se faire, surtout si vous reconnaissez le droit de vote aux personnes sous la curatelle, aux personnes dites incapables, et qu'en même temps vous autorisez le vote par procuration, on peut facilement voir que des gens pourront abuser de ces personnes. Par principe, on est d'accord pour rendre le vote accessible. On pariait de bureaux de scrutin itinérants; je pense que c'est quand même une proposition intéressante qui mériterait d'être regardée sérieusement. Pour le vote par procuration, je pense qu'il faudra établir des balises si on a l'intention de l'adopter.

En ce qui concerne le modalités concrètes, je pense que, comme je le disais tantôt, l'Ontario a quand même enlevé la restriction. Cela n'a pas l'air d'avoir occasionné tellement de problèmes et je ne verrais pas pourquoi cela occasionnerait

plus de problèmes au Québec qu'il n'y en a eu en Ontario.

M. Boilard (Paul): Oui, mais il y en a qui pensent que Paris est aux États-Unis. La plupart des malades mentaux de Robert-Giffard ne s'intéressent pas à la politique, ils n'écoutent pas les nouvelles, ils ne savent pas que M. Mulroney est à Ottawa et que M. Bourassa est à Québec. Comment voulez-vous faire voter ces gens-là? Je ne suis pas d'accord.

Je peux vous dire pourquoi je suis sous la curatelle. J'ai essayé de me sauver pour aller voir la reine en Angleterre. Je ne savais pas si j'étais pour aller à Washington ou en Angleterre. Je voulais aller voir soit le président des États-Unis ou la reine d'Angleterre pour qu'ils mettent fin à mes souffrances. C'est pour cela que je suis sous la curatelle. Ce n'est pas parce que je ne suis pas capable de voter ou que je n'ai pas de discernement.

Je vais vous lire ce que j'ai écrit dans Le Soleil avant qu'ils amendent la constitution: "Depuis que durent les conférences fédérales-provinciales, jamais nos hommes politiques ne se sont attaqués au noeud du problème, le partage des pouvoirs. Il faudra de toute nécessité que le fédéral établisse sa position sur la question suivante, à savoir: Est-ce que tout ce qui est d'intérêt national est de compétence fédérale? Le premier principe de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique est que le fédéral a le droit de légiférer en tout ce qui n'est pas du ressort des provinces. Or, qu'est-ce qui est du ressort des provinces? Il y a les ressources naturelles, les institutions municipales, l'imposition de toute taxe directe, le droit civil, l'administration de la justice, l'éducation et la célébration du mariage. "

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Boilard.

M. Boilard: Si l'on fait exclusion de cette énumération...

Le Président (M. Marcil): M. Boilard.

Une voix: Je pense que c'était hors de la question...

Le Président (M. Marcil): C'est cela. Si vous voulez attendre juste une seconde. On va continuer avec la question et vous pourrez revenir un peu plus tard. D'accord?

M. Boilard: D'accord.

Une voix: Je pense que ça ne répond pas à la question qui avait été posée.

M. Doyon: Votre intervention, monsieur, nous permet de voir que même à l'intérieur des groupes comme le vôtre, l'unanimité est difficile. Cela permet aussi de toucher du doigt la dif- ficulté dans laquelle nous nous sommes placés, comme législateurs, de faire des choix qui finalement vont vous impliquer et vont vous toucher. Il n'est pas question d'avoir la science infuse et de prétendre connaître ce qui est pour votre bien. C'est pour cela que ces consultations sont extrêmement importantes. Cela nous permet d'avoir des sons de cloche et de nous prononcer en connaissance de cause au moins en ayant entendu les principaux intéressés.

Nous avons à faire face à des problèmes dans l'application du principe et je pense que ce principe découle du respect de la personne humaine et du désir qui se manifeste dans notre société de voir, à la longue et par étapes, à la réinsertion sociale des handicapés mentaux. Je ne pense pas qu'on puisse valablement parler longtemps de réinsertion sociale quand on ne reconnaît pas un droit aussi élémentaire que celui de voter. Il est sûr que le discours que monsieur nous tient concernant la difficulté qu'il y a, pour un certain nombre de personnes qui sont en cure fermée ou sous la curatelle publique de s'informer valablement des enjeux et des personnalités des gens qui seront appelés à les représenter, pose une difficulté. Cette difficulté se retrouve a plusieurs autres niveaux dans notre société. On n'a pas tous également accès à l'information. Je pense que le problème est posé et que, du moment qu'on songe à appliquer le principe, il faut essayer de trouver les modalités.

Alors, vous avez parlé tout à l'heure des bureaux de scrutin itinérants. C'est un moyen qui peut être utilisé. Il y a aussi la procuration et il y a tous les problèmes qui se rattachent au processus d'inscription sur la liste électorale. Est-ce que vous avez regardé cet aspect des choses? Évidemment, une des exigences pour pouvoir voter est d'être inscrit sur la liste électorale. Est-ce que vous avez songé au processus qui devrait s'appliquer pour permettre aux personnes handicapées mentales qui ne sont pas sur la liste électorale dans le moment de s'y faire inscrire? Est-ce que vous avez regardé cet aspect-là?

M. Rice: Par principe, on se dit que cela devrait se faire comme pour n'importe quel autre citoyen. On sait que pendant la confection de la liste électorale il y a des personnes qui se déplacent et qui vont voir les gens. C'est sûr que chaque électeur n'est pas systématiquement rencontré, mais il y a quand même une personne qui va aux résidences et qui demande combien il y a de personnes là; la liste électorale est confectionnée de cette façon-là. On dit que cela devrait être la même chose dans les hôpitaux et les centres d'accueil. Je veux dire que les personnes pourraient venir se renseigner pour savoir combien il y a de personnes. La façon dont c'est fait, c'est que ces gens-là se présentent à l'hôpital, vont voir des représentants de la direction générale ou des représentants de

l'hôpital. On leur fournit une liste de toutes les personnes qui ne sont pas sous la curatelle ou en cure fermée, puis ces personnes-là constituent les électeurs de l'hôpital. Si on enlevait la restriction, à ce moment-là, toutes les personnes qui sont hospitalisées seraient automatiquement sur la liste électorale. Pendant les élections, c'est sûr qu'il y aura une élimination naturelle qui se fera, c'est-à-dire qu'il y a des personnes dans certains départements qui ne seront pas capables de voter. Elles ne se déplaceront pas pour se présenter au bureau de scrutin. On croit qu'il va y avoir une élimination naturelle qui va se faire et on ne voit pas vraiment la nécessité de mettre une exclusion. Si on met une exclusion, on tombe nécessairement dans le problème de catégoriser des personnes. De toute façon, ces questions-là ne se tranchent pas au couteau, à savoir si une personne est apte ou inapte à voter. Une personne peut être apte à voter une journée et ne pas l'être une autre journée. On ne voit pas pourquoi on devrait s'embarquer dans ces choses-là. On pourrait très bien enlever l'exclusion et il y aurait une élimination naturelle qui se ferait.

M. Doyon: En ce qui concerne...

M. Perreault: Peut-être qu'il vaut mieux permettre à une personne de faire une erreur que d'éliminer un grand nombre de personnes qui seraient aptes à voter et qui auraient le goût de le faire.

M. Boilard: Ce qui va arriver, c'est que, quand des organisateurs politiques vont venir à l'hôpital, ils vont venir chercher les malades mentaux et ils vont dire: Vous autres, vous allez tous voter pour tel candidat. Ils vont tous aller voter pour ce candidat-là sans savoir ce que ce gars-là peut valoir. Je vous garantis que c'est ce qui va se passer.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. Boilard.

M. Doyon: D'accord. C'est un point de vue qui vaut la peine d'être entendu, parce que l'élimination naturelle dont vous nous faites part fait abstraction du fait que les partis politiques sont organisés pour faciliter le vote. Du moment qu'une personne est sur la liste électorale et qu'elle a le droit d'y être, les partis politiques ont le droit, de leur côté, de mettre tout en oeuvre pour inciter les personnes à exercer ce droit-là. De là une difficulté. C'est qu'une élimination naturelle se ferait s'il n'y avait pas d'intervention extérieure, c'est vrai, mais il faut prendre pour acquis, dans le monde réel dans lequel on vit, que l'intervention extérieure est presque inévitable. Du moment qu'une personne a le droit de vote, il faut s'attendre qu'elle soit invitée à voter, qu'on l'approche et qu'on lui offre les moyens d'exercer son droit de vote. À partir de là, est-ce que vous voyez une difficulté là-dedans? M. Ménard y fait allusion. M. Ménard nous a dit son idée. On l'a entendu. Maintenant, de votre côté, est-ce que vous voyez une difficulté là-dessus? (15 h 30)

M. Rice: On se dit, en principe, que, s'il doit y avoir des mesures pour justement contrer les abus possibles, ces mesures devraient viser les abuseurs plutôt que les gens qui risquent d'être victimes d'abus. Je pense que les solutions sont plus du côté d'assainir les moeurs électorales, un peu comme cela s'est fait depuis dix ans au Québec, que de priver toute une catégorie de personnes du droit de vote. On ne comprend pas pourquoi on empêcherait toute une catégorie de personnes de voter alors que le problème, c'est plus chez les gens qui risquent d'abuser de ces gens-là. On pourrait mettre en place des mesures. Par exemple, à la veille d'élections, les gens pourraient aller se promener dans les centres d'accueil, parce qu'il n'y a pas que les hôpitaux psychiatriques, il y a tous les centres d'accueil pour personnes âgées et les centres hospitaliers de soins prolongés. Je pense qu'on pourrait fixer des balises et donner des pouvoirs au Directeur général des élections pour qu'il surveille comment cela va se faire à ce moment-là. Je pense que les solutions seraient plus dans le sens de regarder de ce côté-là plutôt que de priver des personnes du droit de vote.

M. Doyon: Évidemment, tout cela pose le problème d'éviter de catégoriser des gens qui auraient besoin d'une protection supplémentaire. C'est toute la difficulté. Si on met tout le monde sur le même pied, on doit les respecter. En tout cas, le problème est posé et on va réfléchir à tout cela. La solution que vous avancez est envisageable, mais elle a comme contrepartie qu'on devra désigner les gens qui ont besoin d'une protection supplémentaire. Cela a son bon côté, mais cela a son mauvais côté aussi.

M. Perreault: C'est un peu comme dans la société. On dit bien qu'avant les élections on n'a pas le droit de vendre de la boisson. Il y a des structures mises en place actuellement pour essayer d'empêcher que des gens, à cause de la boisson, aillent voter pour un parti ou un autre. Je pense qu'il y a des mécanismes qui peuvent être mis en place pour empêcher les abuseurs de profiter de ces gens-là. Je pense que c'est très possible.

M. Rice: C'est évident qu'il y a certaines populations à risque, mais ces mesures auxquelles je faisais allusion tantôt devraient s'appliquer à toute la population. Je ne vois pas pourquoi on ferait des mesures exprès pour ces gens-là.

M. Perreault: Autrement, on éliminerait un tas de monde aussi dans la société, je crois.

M. Doyon: Étant donné que vous êtes dans

le milieu, je serais intéressé de savoir de votre part si votre expérience personnelle vous amène à croire et à nous dire que les gens qui seraient autorisés à voter et qui ne le sont pas actuellement ont soit des amis, soit des parents, soit des proches à qui ils peuvent faire suffisamment confiance pour les autoriser et les mandater à voter à leur place. Est-ce que votre expérience personnelle dans le milieu dans lequel vous vivez est que dans la grande majorité des cas les gens en cure fermée ou les gens qui sont sous la curatelle publique ont à leur disposition quelqu'un en qui ils peuvent avoir suffisamment confiance pour lui confier l'exercice de ce droit s'ils sont incapables de l'exercer?

M. Boilard: Les gens n'ont presque jamais de visite! On dirait que les gens sont abandonnés dans cet hôpital-là. Il n'y a pas de consultation qui se fait avec les parents. Comme je vous le disais tantôt, les gens ne s'intéressent pas à la politique. J'écoute les nouvelles à Radio-Canada, à 22 heures. Parfois, il y en a qui écoutent les nouvelles avec moi et ils disent: Mulroney, est-ce que c'est au fédéral ou si c'est au provincial? Ils vont me demander qui est le premier ministre de la province de Québec. Ils ne connaissent pas les partis. Comment voulez-vous faire voter du monde qui n'est même pas capable de discerner le bien du mal?

M. Perreault: Je pense que ces gens-là qui ne sont pas au courant plus que cela n'iront pas voter d'eux-mêmes. Je regarde Michèle qui est actuellement en cure fermée. Je pense qu'elle est en mesure de voter. Elle n'a pas besoin de demander à sa mère ou à un ami d'aller voter. Elle va y aller d'elle-même. Je pense que quelqu'un qui est sous la curatelle et dont la question de voter est vraiment importante pour lui n'aura pas besoin de le demander à un autre, il va y aller de lui-même. Comme on l'a dit tantôt, je pense qu'il faudra voir à empêcher les abu-seurs d'abuser de ces gens-là. La personne qui est vraiment intéressée à voter va y aller d'elle-même.

M. Rice: L'idée d'autoriser des personnes proches à voter pour une autre, j'ai de la misère avec cela. Je me dis qu'une personne qui peut voter va voter elle-même. Je ne sais pas, mais je m'imagine inconscient et là, je donnerais un mandat à quelqu'un qui voterait. J'ai des problèmes avec cette proposition.

M. Doyon: D'ailleurs, pour donner une procuration, il faut avoir la capacité de la donner d'une façon valide, valablement.

Le Président (M. Marcil): Si une personne donne une procuration, elle est capable d'aller voter.

M. Doyon: C'est cela.

M. Perreault: C'est cela. Si la personne a la capacité de donner une procuration, à ce moment-là, c'est parce qu'elle est en mesure de faire un choix et qu'elle a le goût de le faire.

M. Doyon: C'est cela, bien sûr. C'est ce que je comprends aussi.

M. Perreault: Tantôt, on a parlé de bulletins de vote itinérants. Il y en a qui vont venir prendre les noms de ces gens-là qui ne peuvent pas se déplacer, qui sont peut-être alités et qui vont peut-être faire la demande pour voter selon leur bulletin de vote itinérant parce qu'ils ne peuvent pas se déplacer.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. M. Doyon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): Je vais maintenant donner la parole au député d'Abitibi-Ouest et représentant de l'Opposition.

M. Gendron: Moi aussi, au nom de l'Opposition et en mon nom personnel, je voudrais vous remercier. Cela a été dit, mais je pense qu'il y a lieu de le rappeler, on retrouve cette continuité à laquelle on assiste depuis ce matin, avec la présence heureuse de plusieurs groupes, organismes ou structures reliés à une meilleure connaissance de ce qui se passe véritablement dans les regroupements, les institutions de personnes souffrant de handicap mental ou physique. Il me semble que le message a été on ne peut plus clair. C'est pour cela qu'on ne peut pas être très long sur les principes. Il n'y a à peu près personne jusqu'à maintenant, comme groupe ou organisme, en tout cas, qui ne nous ait dit que la société québécoise devrait s'ajuster à cette réalité d'une vraie intégration des handicapés à la société et cela doit commencer sûrement par l'expression du droit de vote qui est un droit fondamental, enchâssé, consacré, sérieux, parce qu'on veut s'assurer qu'au Québec les citoyens aient l'occasion, aux quatre ans et des fois plus avant, de s'exprimer sur ceux qui auront à diriger l'État québécois.

Votre mémoire reflète les grands créneaux qui ont été développés par d'autres, à savoir qu'actuellement la Loi électorale vous prive du droit d'exercice, en particulier ceux qui sont sous la curatelle, de même que ceux qui sont en cure fermée, en institution pour les psychiatrisés. J'aurais envie de questionner davantage sur ce que j'appellerais la réalité, si on oublie tout le papier, parce que dans le fond on vous demande toujours comment faire cela. Je pense que vous répondez correctement en disant: comme cela se fait partout ailleurs au Québec. À partir du moment où on instaure le principe du droit de vote pour tous les citoyens, incluant les handicapés et ceux qui sont en institution, en cure

fermée ou autres, ou sous la curatelle publique, on ne peut pas parler pendant des heures, à savoir comment on va procéder, on va procéder comme ailleurs. Ailleurs, il y a des balises, des règles, une inscription, une liste électorale, quitte à ce qu'il y ait des ajustements pour s'assurer que cela se fasse correctement sans influence indue. Je pense que tout le monde devrait avoir cette sagesse.

Je voudrais plus savoir s'il y a quelqu'un parmi vous, ici, aujourd'hui, qui a vécu la dernière élection de 1985 comme personne soit à un poste de comité de bénéficiaires ou à l'intérieur d'une institution concernant les gens en difficulté.

M. Perreault: J'étais là en 1985.

M. Boilard: Oui, on a même accompagné des personnes.

M. Rice: Moi, j'étais là en 1985.

M. Gendron: C'est votre cas, M. Perreault et également M. Boilard? Je reviendrai à M. Boilard tantôt pour une question ou deux, ce ne sera pas long. C'était donc votre cas, M. Perreault? Lors de la dernière élection, en 1985, ces gens-là n'avaient pas le droit de vote. Rapidement, combien y a-t-il de gens à Robert-Giffard?

M. Perreault: Quelle était votre question?

M. Gendron: Combien de personnes sont touchées par ce que nous discutons par rapport au droit de vote à Robert-Giffard?

M. Perreault: En 1985, il y avait environ 2200 bénéficiaires dont environ 500 avaient le droit de vote. Il y en a environ 370 qui ont voté, mais beaucoup de gens se sont présentés.

M. Gendron: Ça va. Je voudrais savoir combien n'ont pas pu voter, qui n'avaient pas le droit de vote selon nos lois actuelles.

M. Perreault: Environ 70 % ou 75%. En 1985, on était peut-être 75 %, parce qu'actuellement c'est 70 % des gens qui sont sous la curatelle.

M. Gendron: Qui n'ont pas le droit de vote.

M. Rice: Cela correspondait à peu près à 1700 personnes juste à Robert-Giffard.

M. Gendron: Parfait, c'est ce que je veux savoir. Donc, 1500 personnes qui n'ont pas le droit de vote, il y a une élection, etc. Comment cela se passe-t-il? Vous avez vécu cela. Deux jours après l'élection, sur le plan psychologique, sur le plan des contacts que vous avez, est-ce que ces citoyens ont vraiment l'impression d'avoir été rejetés, mis à part, et est-ce que cela a influencé des comportements de citoyens résidents de Robert-Giffard?

M. Rice: Au comité, on a accompagné certaines personnes aux bureaux de scrutin pour aller voter. J'ai été témoin de personnes qui s'étaient présentées aux bureaux de scrutin et cela m'avait épaté parce que ces gens-là s'étaient habillés; ils s'étaient déplacés de leur département en habit. Quand je suis allé voter, je n'étais pas en habit. Ces personnes-là s'étaient endimanchées pour aller voter et on leur a refusé le droit de vote parce qu'elles étaient sous la curatelle.

M. Gendron: On sait ça, mais est-ce qu'elles en ont reparlé? Vous vivez dans ces institutions-là. Est-ce que, sur le plan des principes ou sur le plan personnel, cela a brisé un peu l'évolution de ces gens-là par rapport à un cheminement d'intégration dans la société?

M. Perreault: Cela a eu un impact. M.Gendron: Cela a un impact?

M. Perreault: Oui. Je pense que c'est un peu comme si l'individu n'avait plus le droit de parole, comme s'il n'avait plus le droit de s'exprimer ou de décider et qu'on décidait tout à sa place. Il devient dépendant et à la merci d'un système. C'est un peu comme s'il ne pouvait plus vivre. À ce moment-là, il végète, comme on dit, il ne vit plus, il existe tout simplement.

M. Gendron: Cela a un impact de diminution et de rejet de la personne?

M. Perreault: Oui, et si on regarde toute la nouvelle politique sur la santé mentale de réinsertion au plan social, la désinstitutionnalisa-tion et si, au plan politique, on est incapable de faire cette démarche-là, je pense qu'une démarche va se faire dans un sens et que l'autre va aller à reculons. Je pense qu'il est important, avec tout ce qui se passe actuellement en santé mentale et avec tout le renouveau qui se fait à ce chapitre, que l'autre impact se fasse aussi à la Loi électorale pour qu'il y ait une progression et que les deux évoluent en même temps.

M. Gendron: Quelles sont les raisons pour lesquelles vous n'avez pas voulu, dans votre mémoire, vous exprimer plus clairement sur la question de l'éventualité d'un vote par procuration? Est-ce parce que vous en aviez discuté et qu'il y avait consensus ou parce que vous ne vouliez pas toucher à ce point-là?

M. Rice: On trouvait que cette question était - excusez l'expression anglaise - "touchy". On en a discuté entre nous, surtout quand on a rédigé le mémoire. Cette question, on ne le sait pas. Il fallait vraiment que des balises soient

établies et, dans la proposition sur la table concernant le vote par procuration, les balises ne sont pas vraiment là. Des suggestions ont été lancées en l'air mais il n'y a rien de concret sur la table. On voit qu'il risque d'y avoir un danger si on donne une procuration "at large" c'est-à-dire si une personne peut cumuler plusieurs procurations, quoique ce n'est pas vraiment ce qui est dans la recommandation du comité de travail. On voit qu'il peut y avoir un risque d'abus avec une telle proposition. C'est pour cela qu'on n'a pas voulu s'avancer là-dedans.

On est cependant d'accord avec le principe de rendre plus accessible la question du droit de vote. On pense aussi aux personnes âgées et aux personnes handicapées, par exemple. C'est sûr que cette proposition faciliterait chez elles l'exercice du droit de vote, mais on voit aussi qu'il risque d'y avoir des dangers d'abus.

M. Lortie (Mario): J'aimerais dire qu'on est aussi en train de se demander si on va traiter les gens en institution psychiatrique comme les gens dans la société. Est-ce qu'on va les traiter de la même façon ou de façon différente? On dirait qu'avec toutes ces questions, c'est comme si on voulait faire une distinction quelque part.

Le vote par procuration, si on s'en préoccupe pour cette clientèle-là, on devrait s'en préoccuper aussi pour n'importe quelle autre personne dans la société. C'est un peu ce que vous disiez tantôt. C'est sûr qu'il reste un paquet de structures à mettre en place et, quand on dit que le principe du droit de vote est fondamental, c'est la chose première qui nous intéresse. De la façon que le droit de vote va s'exercer, je me dis que c'est sûr qu'il faudra penser à des modalités, mais pas de façon extraordinaire ou différente de ce qui se passe dans la société. Ce qui nous touchait ici, c'est que l'article 54, paragraphe 4°, dit que ces personnes n'ont pas le droit de vote et c'est ce qu'on veut contester.

Les modalités à mettre en place pour rendre ce droit de vote le plus juste possible et qu'il respecte la volonté des personnes devraient se faire dans le même ordre que pour n'importe quelle autre personne dans la société. Je pense qu'on pourrait se pencher sur des aspects techniques assez longtemps, mais je me demande pourquoi on insiste tant pour prévoir des mécanismes qui sont, en fin de compte, à prévoir dans la société.

M. Gendron: M. le Président, je pense qu'au contraire, à moins qu'on ne s'entende pas sur les perceptions, c'est justement ce que je dis: À partir du moment où vous réglez la question du droit et même si, en ce qui me concerne, c'est aussi un sujet délicat... La preuve, c'est que, si c'était simple comme bonjour, je ne vois pas pourquoi on en parlerait ici. Je dis que c'est un sujet délicat, mais qui dans l'évolution de la société, nous a, je pense, amenés à conclure qu'on ne pouvait pas être nuancés là-dessus. (15 h 45)

II faut que les handicapés, les gens qui sont sous la curatelle et en cure fermée, aient le droit de vote. Jai demandé à plusieurs reprises à ces groupes ce qu'ils pensaient du vote par procuration et ils m'ont tous dit qu'ils n'en voulaient pas. La plupart d'entre eux m'ont dit cela, sauf vous autres qui dites: Nous, c'était "touchy". Je prends votre propre expression. Donc, on n'y a pas touché, mais tous les autres nous ont dit: On ne veut rien savoir du vote par procuration. Vous voyez où je m'en vais. Moi, je ne veux rien savoir du vote par procuration tout court, tout le temps, pour tout le monde. Je trouve que cela n'a pas de bon sens, que ce n'est pas conforme à nos moeurs électorales, à nos traditions. Il y a des dangers terribles. Comme je ne veux pas instaurer deux régimes, mais un régime de votation pour tout le monde, c'est pour cela que je vérifie avec vous autres. Si toutes les associations de handicapés me disent qu'elles sont contre le vote par procuration, il me semble que j'aurais un argument pour indiquer au législateur qu'il faut être contre pour tous ceux qui auront le droit de vote au Québec.

M. Lortie: C'est cela.

M. Gendron: Je sais que c'est cela. Il y a des gens qui viennent ici justement pour donner leur point de vue. Alors, pour connaître leur point de vue sur certains sujets, il faut les questionner. C'est dans ce sens que j'ai posé la question là-dessus.

M. Lortie: D'accord. Mais une autre inquiétude aussi, c'est qu'avec la réforme du Code civil on va établir trois catégories de personnes incapables: sous la curatelle privée, sous la curatelle publique et... En tout cas, je ne les sais pas par coeur. Là-dessus, on se demande s'il va y avoir une nouvelle catégorie de personnes qui seront encore privées du droit de vote. Cette question nous inquiète fondamentalement. Le droit de vote pour tous, pas de catégories de gens qui seront...

Le Président (M. Marcil):... des cas majeurs, des gens qui sont dans une situation... Ce matin, madame...

M. Lortie: Bon, quand est-ce qu'un cas devient majeur? À un moment donné, il va falloir trancher. Comme M. Rice l'a dit tantôt, cela ne se tranche pas au couteau. Quand va-t-on trancher le cas majeur? C'est sûr qu'il en existe et on en est conscients, mais qui va dire qui est le cas majeur exclu du vote? Quand s'arrête-ton? C'est cette question qui nous inquiète fondamentalement, à savoir s'il va y avoir encore des catégories de personnes qui vont être privées du droit de vote. Il y a quelques années, on jugeait qu'une personne sous la curatelle n'était

pas apte. On comprenait le bon sens comme cela puisqu'on a adopté la loi en fonction de cela. Si on fait encore des catégories, est-ce que cela va être encore à changer dans dix ans parce qu'on va comprendre le bon sens de façon différente? Je me dis que l'évolution ne s'arrête pas. C'est dans ce sens qu'on se dit que les gens ne devraient pas être restreints à voter du fait qu'ils ont un handicap parce que, à un moment donné, il sera difficile de déterminer des catégories de personnes. On en a fait avant et on s'aperçoit aujourd'hui qu'on s'est trompés. Bien, arrêtons d'en faire et on va arrêter de se tromper!

M. Gendron: Ça va, M. le Président, pour moi.

Le Président (M. Marcil): J'aurais encore une question à vous poser sur le vote par procuration. J'imagine qu'au départ, lorsqu'une personne donne le mandat à quelqu'un d'aller voter pour elle, c'est parce qu'elle est capable d'aller voter, à moins qu'elle ne soit alitée ou qu'elle soit à l'extérieur du pays pour une période donnée. Mais, la personne qui n'est pas en mesure de donner un mandat, qui va la décider d'aller voter? Qui va la décider d'aller voter ou qui va décider pour qui elle va voter?

M. Lortie: L'élimination naturelle.

Le Président (M. Marcil): Ah! l'élimination naturelle.

M. Lortie: Bien, quelle est l'autre solution?

Le Président (M. Marcil): Non, non. Je vous posais la question...

M. Lortie: Bien, si la personne ne va pas voter, elle ne se servira jamais de son vote.

M. Perreault: Elle ne sera pas brimée dans son droit. C'est cela qu'on veut dire.

M. Lortie: Là, on se trouve à instaurer des mécanismes pour que personne ne se serve de son droit. On essaie de prévoir les abuseurs.

Le Président (M. Marcil): Non, non, d'accord. Je voulais seulement connaître votre opinion.

M. Lortie: D'accord.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Gratton: Très brièvement, M. le Président, parce que je vois que le temps passe. Ce matin, j'ai posé la question à l'Association canadienne pour la santé mentale. Je ne sais si vous avez réfléchi à cette question de savoir où les votes des personnes qui pourraient être habilitées à voter, si on amendait la Loi électorale comme vous le souhaitez, devraient être comptabilisés. Dans la circonscription où est située l'institution - je parle de ceux qui sont en institution, bien sûr - ou plutôt, comme c'est le cas pour les détenus, dans la circonscription de leur résidence?

M. Boilard: Voulez-vous dire que les détenus s'en vont voter dans leur comté?

M. Perreault: Non, non, tu n'as pas compris la question. On veut comptabiliser...

Le Président (M. Marcil): On veut seulement dire que, selon la Loi électorale, quand le détenu vote en institution, son vote est comptabilisé dans sa circonscription électorale, c'est-à-dire dans son lieu de résidence normalement. D'accord? M. Perreault.

M. Perreault: Si on regarde les dernières élections de 1985, il y avait une boîte de scrutin à Robert-Giffard et tous les gens, même les gens de Beauport, parce que Robert-Giffard fait partie de Beauport, venaient voter à Robert-Giffard, des citoyens normaux de la société. Les gens de Robert-Giffard faisaient partie de la ville de Beauport. Prochainement, il va y avoir des élections municipales et le maire a demandé justement que Robert-Giffard sorte la liste des bénéficiaires qui seraient en mesure d'aller voter.

M. Rice: Pour répondre à votre question, cela va être assez difficile de le faire pour Robert-Giffard parce que la grande majorité des gens qui sont là y sont depuis 20, 30, 35 ou 40 ans. Il y a une partie de la clientèle - je n'aime pas le mot clientèle - une partie de l'hôpital qui est du court terme. Cela comprend à peu près 150 lits, peut-être moins. Il y a un roulement, il y a des gens qui entrent et qui sortent. C'est sûr que, par rapport à ces gens-là, je précise bien que c'est 150 lits sur 2200, il y a beaucoup de personnes qui vivent à l'extérieur et qui pourraient être inscrites dans d'autres circonscriptions électorales, mais la grande majorité des gens qui sont là résident à Beauport, à l'hôpital Robert-Giffard. Cela ne changera pas grand-chose.

Le Président (M. Marcil): Est-ce que cela va?

Une voix: Merci.

Le Président (M. Marcil): M. Boilard, vous aviez une dernière opinion à émettre?

M. Boilard: Je voudrais savoir combien il y avait d'analphabètes en 1950 au Québec et combien il y en a en 1988.

M. Gendron: Un peu moins.

Des voix: Ha, ha, ha! M. Boilard: Combien?

Le Président (M. Marcil): Cela va? On n'a pas de chiffres à donner?

M. Perreault, de même que tous vos collaborateurs, on vous remercie énormément de vous être prêtés à cet exercice. Soyez assurés que vos commentaires seront analysés de façon particulière lorsque le comité d'étude continuera sa réflexion. Au nom de cette commission, on vous remercie de vous être présentés à cette séance. Merci beaucoup.

Je vais suspendre les travaux deux minutes et, ensuite, on va reprendre avec le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec inc.

(Suspension de la séance à 15 h 53)

(Reprise à 15 h 54)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons reprendre nos travaux. Nous souhaitons la bienvenue aux représentants du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec. Il s'agit de Mme Michèle Blanchard, présidente - bienvenue, madame - Mme Claudine Laurin, vice-présidente - bienvenue - M. Réjean Girard, secrétaire trésorier, de même que M. Paul Morin, permanent. Vous connaissez les règles du jeu. Vous avez 20 minutes qui vous sont allouées pour expliquer votre mémoire, ce qui sera suivi d'une période de questions.

Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec

Mme Blanchard (Michèle): Bonjour et merci de nous avoir invités à soumettre notre opinion sur le droit de vote et la révision de la Loi électorale. Je voudrais juste vous présenter Mme Laurin, qui est vice-présidente du regroupement des ressources alternatives; mon secrétaire trésorier, Réjean Girard, et M. Paul Morin, qui est permanent au regroupement des ressources alternatives. Si vous permettez, j'aimerais seulement vous préciser que nous aimerions vous lire une partie d'un texte conjoint, qui a été écrit avec les comités de bénéficiaires, et quelques extraits de notre mémoire. Je crois qu'on vous a soumis les deux textes. On voudrait commencer par celui qui s'intitule: Le droit de vote, un principe pour tous et toutes. On aimerait en lire chacun une partie pour ensuite vous inviter à nous poser des questions.

Alors, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec est une fédération provinciale de 45 groupes membres et deux de ceux-ci sont directement concernés, soit le comité des résidents du centre hospitalier Robert-Giffard, de Beauport, et le comité des bénéficiaires du centre Louis-il. -Lafontaine, de Montréal. Il demande que soit mis fin à la discrimination, en regard de l'exercice du droit de vote, faite aux personnes mises sous la juridiction de la Curatrice publique ou placées en cure fermée en vertu de la Loi sur la protection du malade mental.

En effet, la situation actuelle est proprement aberrante. Le paragraphe 4° de l'article 54 de la Loi électorale abroge la qualité d'électeur pour les personnes mentionnées ci-haut. Il faut savoir que le processus de mise en curatelle et de mise en cure fermée relève d'une procédure médico-administrative. Cela signifie, par exemple, qu'une personne peut être mise sous la curatelle à la suite d'un examen psychiatrique sans même le savoir. Au Québec, au 31 décembre 1987, 16 042 personnes se trouvaient sous la juridiction de la curatelle publique. De plus, l'examen qui entraîne la mise sous la curatelle concerne la capacité d'une personne à administrer ses biens. On se demande en quoi cela préjuge de la capacité de cette personne à exercer un choix politique. Le même raisonnement s'applique pour les personnes placées en cure fermée à cause de leur dangerosité.

En 1985, lors de la révision de la Loi électorale, la Commission des droits de la personne avait fait des recommandations à la Direction générale des élections vis-à-vis des propositions de modification à l'article 54. Auparavant, toute personne incapable n'avait pas le droit de vote, ce qui était pour le moins vague et imprécis. La direction générale a alors proposé des critères d'exclusion, c'est-à-dire qu'une personne possède la qualité d'électeur si elle n'est pas interdite, n'est pas en cure fermée ou n'est pas sous la juridiction du Curateur public. En réponse, la Commission des droits de la personne dans ses commentaires sur la Loi électorale avait statué que les modifications proposées étaient encore trop englobantes, à tel point que celles-ci ne se conformaient pas à la Charte des droits et libertés de la personne. En vertu de l'article 10, un critère d'exclusion ne peut être fondé sur un handicap. Malheureusement, le législateur passa outre à ces commentaires. Le Directeur général des élections, M. Pierre-F. Côté, avisa alors la commission qu'il y aurait probablement lieu de revoir le texte de cet article de façon à refléter les orientations retenues par le législateur dans le projet de loi 20 portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens. En conséquence, aux élections de 1985, 500 personnes avaient eu le droit de vote sur les 2200 bénéficiaires à l'interne du centre hospitalier Robert-Giffard. Quant aux personnes admissibles au centre hospitalier Louis-il. -Lafontaine, la proportion était moindre puisqu'elle était de 350 sur 2200. L'immense majorité de ces person-

nes qui ont perdu leur admissibilité comme électeurs sont sous la curatelle publique. Alors qu'au Québec le législateur refusait d'abolir cette ségrégation exercée à l'endroit des personnes désignées comme malades mentaux, l'Ontario s'engageait résolument dans cette voie en éliminant de sa loi électorale en 1985 toute mention de handicap mental pour l'exercice du droit de vote. (16 heures)

Lors des élections provinciales de 1987, 61, 5 % des personnes en institution psychiatrique inscrites sur la liste électorale ont voté, soit sensiblement le même pourcentage que l'ensemble de la population.

Maintenant, nous en sommes à une nouvelle révision de la Loi électorale au Québec. Il s'agit, cette fois-ci, on l'espère, de ne pas manquer le bateau et ne pas prolonger indûment cette situation injuste et discriminatoire faite aux personnes psychiatrisées. En ce sens, les arguments favorables à la levée de toute restriction, tels qu'exposés par le document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale, nous apparaissent déterminants, c'est-à-dire la primauté du droit de vote dans une société libre et démocratique, diversité des situations englobées dans la notion d'incapacité mentale, difficulté d'établir des catégories d'incapables selon leur aptitude ou non à voter, faiblesse de l'impact réel sur le système électoral de l'obtention du droit de vote aux malades mentaux, entre guillemets, par rapport à l'importance morale de la reconnaissance d'un droit fondamental qui ne souffre d'aucune discrimination. En n'établissant pas de ségrégation à l'endroit de ces personnes, nous évitons d'entrer dans le problème insoluble de catégoriser les troubles dont souffrent ces personnes.

Le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec de même que les comités de bénéficiaires de Louis-il. -Lafontaine et de Robert-Giffard favorisent donc l'octroi du droit de vote aux personnes vivant en institution psychiatrique. Cela implique la suppression pure et simple du paragraphe 4° de l'article 54. Des directives émises par la Direction générale des élections pourront être nécessaires afin d'assurer les conditions nécessaires à l'exercice de ce droit. Si tel est le cas, les groupes concernés, tels les comités de bénéficiaires, devront donc être associés à l'élaboration de ces directives. L'objectif est de faire en sorte que l'exercice du droit de vote soit favorisé le plus possible tout en respectant la qualité du processus électoral. La seule restriction se situe au chapitre de la compréhension de l'exercice de l'acte de voter. Je vais laisser la parole à M. Girard.

M. Girard (Réjean): Le document de la Direction générale des élections mentionnait une autre solution en regard de l'exercice du droit de vote pour les personnes désignées malades mentales, soit le statu quo temporaire jusqu'à ce que la nouvelle loi sur la curatelle publique soit adoptée ou jusqu'à ce que les dispositions pertinentes du Code civil soient en vigueur. Nous refusons catégoriquement cette solution qui nous ramène au débat de 1985, entre la Commission des droits de la personne et la Direction générale des élections, sur la concordance de la Loi électorale avec le nouveau Code civil. Son entrée en vigueur est prévue pour 1989, mais de façon réaliste il faut plutôt penser à 1990, 1991 ou peut-être même 1992.

Quant à la nouvelle loi sur la curatelle publique, nous ne savons plus, comme dit le poète, s'il faut en rire ou en pleurer. Un projet de loi serait présenté à l'hiver 1989. Mais encore faudrait-il que le problème de concordance avec le Code civil soit résolu. Vous comprendrez que, pour nous, le statu quo ait plutôt l'allure de calandes grecques. Nous osons croire que la commission parlementaire sera réceptive à notre argumentation d'autant plus que les positions de la curatelle publique, de l'Office des personnes handicapées du Québec et de la Commission des droits de la personne sont similaires aux nôtres.

À la toute veille de la présentation, par la ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme Lavoie-Roux, du contenu de la politique de santé mentale du gouvernement du Québec, qui devrait mettre la personne au centre du système, tel que formulé dans le projet de politique sur la santé mentale pour le Québec, il serait pour le moins contradictoire que cette situation d'exclusion, de ségrégation faite aux personnes psychiatrisées se prolonge, situation qui s'est éternisée au niveau fédéral. La loi électorale fédérale, en vertu de l'alinéa 14, stipule qu'une personne est inhabile à voter si elle est restreinte dans ses libertés de mouvement ou privée de la gestion de ses biens pour cause de maladie mentale. En 1986, le livre blanc sur la réforme de la Loi électorale avait recommandé la modification de cet alinéa. Le projet de loi C-79 déposé à la Chambre des communes le 30 juin 1987 propose d'accorder, sans restriction, le droit de vote aux personnes désignées malades mentales. Puisque ce projet de loi va mourir au feuilleton devant l'imminence d'élections fédérales et convaincu de la justesse de sa position, le comité des bénéficiaires de Louis-il. -Lafontaine a décidé d'intenter des procédures judiciaires dès cette semaine, pour faire invalider la loi fédérale des élections. Il s'agit de la rendre inopérante pour cause d'anticonstitutionnalité, car contraire à la Charte canadienne des droits de la personne qui interdit, en vertu de l'article 2, toute discrimination fondée sur le handicap. Me Jean-Pierre Ménard agira comme procureur au nom du comité. Le comité des résidents de Robert-Giffard appuie cette démarche juridique de même que le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec. Nous espérons tous qu'au Québec le gouvernement saura se montrer plus diligent afin d'élargir aux personnes en institution psychiatrique l'exercice de ce droit

fondamental, le droit de vote.

Mme Laurin (Claudine): On voudrait ajouter quelques autres choses que vous avez dans le mémoire, comme le vote par procuration. Tel qu'énoncé par le document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale, au Canada, seules les provinces de la Colombie britannique, de Terre-Neuve et de Québec ne prévoient aucun mécanisme particulier pour favoriser l'exercice du vote des absents ou des personnes à mobilité réduite. Cette rigidité d'exercice du droit de vote pénalise nombre d'électeurs puisqu'elle ne tient pas compte des besoins particuliers de certaines catégories d'électeurs; il suffit de penser aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Le regroupement estime que le vote par procuration pour les personnes atteintes de maladie ou d'incapacité physique - seulement physique - devrait être intégré à la Loi électorale afin d'améliorer la qualité de la vie démocratique au Québec. Toutefois, ce vote serait régi par des mécanismes dont l'un devrait être le suivant: un mandataire ne peut agir qu'au nom d'un seul électeur.

Concernant la localisation des bureaux de vote, selon l'article 219 de la Loi électorale, le bureau de vote doit être situé dans un endroit public, ce qui a un effet discriminatoire pour les personnes âgées qui ne sont pas dans un centre d'accueil au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. De même, l'accessibilité aux bureaux de scrutin pour les personnes handicapées n'est pas facilitée par cet article. Aux dernières élections fédérales, en 1984, huit personnes paraplégiques de Winnipeg ont dû être transportées dans leur chaise roulante pour avoir accès aux bureaux de scrutin. Une plainte est pendante devant la Commission canadienne des droits de la personne. Nous sommes évidemment pour l'accessibilité des personnes handicapées aux bureaux de scrutin, mais nous croyons aussi qu'il faut prévoir la possibilité pour le personnel électoral de déplacer l'urne pour faciliter le vote d'un électeur âgé ou handicapé. Cette solution nous paraît la plus adaptée aux besoins particuliers des personnes âgées et des personnes handicapées.

Pour le mode de scrutin, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec n'a pas de position précise vis-à-vis de l'introduction d'un mode proportionnel au Québec. Nous tenons toutefois à exprimer notre déception que ce sujet d'une très grande importance pour la qualité de notre vie dite démocratique n'ait pas été développé dans le cadre de cette révision de la Loi électorale.

Concernant le financement par l'État des partis politiques, le document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale a très bien formulé le paradoxe de la situation actuelle: "Si le financement direct de l'État traduit avant tout une reconnaissance concrète de l'importance des partis politiques dans la vie démocratique, on peut se demander ce qui justifie que cette reconnaissance ne soit accordée qu'aux seuls partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. " Le regroupement trouve justifié de changer cette situation et d'avoir comme objectif de faire bénéficier les tiers partis du financement que l'État accorde aux partis politiques. Nous vous proposons que le critère d'admissibilité au financement de l'État soit celui-ci: les partis politiques doivent re- cueillir de façon provinciale un minimum de 3 % des votes. Une allocation de base est accordée à tout parti politique qui satisfait à ce critère.

Le Président (M. Marcil): Est-ce que c'est tout?

Mme Laurin: Oui.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Mme la députée de la circonscription électorale de Vachon.

Mme Pelchat: Mme Blanchard, bienvenue et merci de votre exposé. Ce matin, nous avons entendu le comité des bénéficiaires de l'hôpital Louis-il. -Lafontaine se prononcer sur différents sujets, plus particulièrement sur le vote par procuration. Si je ne m'abuse, les gens de Louis-il. -Lafontaine se sont prononcés catégoriquement contre le vote par procuration. Par la suite, nous avons entendu l'Association canadienne pour la santé mentale qui s'est prononcée pour le vote par procuration pour tous les citoyens et les citoyennes du Québec. Dans votre mémoire, vous vous prononcez sur le vote par procuration. Cependant, et c'est là ma première question, est-ce que vous vous prononcez pour le vote par procuration uniquement dans le cas de personnes handicapées physiquement? Est-ce bien ce que j'ai compris ou si... Mme Laurin ou...

Mme Laurin: Oui. Pour nous, le vote par procuration s'adresserait uniquement aux personnes atteintes de maladie ou d'incapacité physique, et non à celles qui souffrent de problèmes émotifs.

Mme Pelchat: À ce moment-là, est-ce que vous excluez la possibilité du vote par procuration pour toute la population ou est-ce que vous réserveriez le vote par procuration seulement aux personnes handicapées physiquement? Ne pensez-vous pas que les citoyens qui ne sont pas infligés d'une incapacité physique pourraient utiliser cette possibilité-là?

Mme Laurin: Ce sur quoi on s'est penchés, c'est surtout en ce qui concerne les personnes handicapées, parce qu'on représente quand même ce domaine de la santé. À ce niveau-là, si on a spécifié "de maladie ou d'incapacité physique", c'est qu'on n'est pas d'accord avec le vote par procuration pour les personnes souffrant de

problèmes émotifs.

Mme Pelchat: Ne pensez-vous pas que ce serait une mesure discriminatoire que d'accorder le vote par procuration seulement à une catégorie de citoyens, nommément les personnes affligées d'un handicap physique?

M. Morin (Paul): Comme Mme Laurin vient de le dire, on ne s'est pas prononcés sur l'ensemble. Cela n'implique pas qu'on soit contre.

Mme Pelchat: Mais je vous demande si vous ne pensez pas que ce serait discriminatoire.

M. Morin: Si c'était uniquement pour les personnes handicapées, cela pourrait effectivement être quelque chose de ségrégatif. Nous n'avons pas d'objection en soi à ce que ce soit étendu aux personnes qui ne sont pas présentes parce qu'elles sont hors du pays. On ne s'est pas prononcés là-dessus, mais dans ce sens-là il n'y a pas de problème.

Mme Pelchat: Même si on parle de personnes handicapées, je pense qu'une des revendications des groupements de personnes handicapées physiques ou mentales, c'est de cesser de faire cette catégorisation de handicapés justement. Si on permet aux handicapés physiques d'exercer le droit de vote par procuration et qu'on ne le permet pas aux gens qui sont affligés d'une maladie mentale - et encore là il y a toutes sortes de degrés - c'est ce qui est en soi discriminatoire, je pense.

Mme Laurin: Le vote par procuration est une chose qui aurait pu exister au moins pour exercer le droit de... Idéalement, ce que l'on voudrait, ce serait plutôt le déplacement des urnes. On le dit, il faudrait pouvoir permettre au personnel électoral de déplacer l'urne pour faciliter le droit de vote de l'électeur. Pour nous, ce serait l'idéal.

Mme Pelchat: Quand vous parlez de déplacer l'urne, est-ce à l'intérieur de l'établissement ou s'agit-il d'un vote vraiment itinérant?

Mme Laurin: Cela peut être à l'intérieur d'un établissement, comme cela peut être... La modalité ne va pas jusqu'à dire si elle va se promener. Elle pourrait aussi se promener là où on sait qu'il y a un bassin de population qui ne se déplace pas. S'ils ne sont pas capables de se déplacer, normalement, ils sont regroupés par petits établissements comme les pavillons ou les familles d'accueil qui ont une clientèle très lourde qui ne peut pas se déplacer.

Mme Pelchat: Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Ce sera mon collègue de Laviolette qui questionnera. Je veux simplement vous remercier au nom de l'Opposition officielle. Vous avez touché des points sur lesquels il y a lieu d'avoir le plus d'avis possible, que ce soit la localisation des bureaux de vote, le financement par l'État, le mode de scrutin; vous déplorez que cela n'ait pas été touché et cela a été dit par d'autres.

Pour ce qui est du vote par procuration, mon collègue aura l'occasion de questionner, mais je pense que c'est important que vous donniez un avis là-dessus. Ce qui m'a frappé le plus, c'est votre présentation antérieure à ces points du texte déposés aujourd'hui où, dans le fond, vous avez une opinion claire, franche, ouverte et précise mais à la fois très simple: on veut le droit de vote sans distinction. C'est ce qu'il faut retenir, au-delà des ajustements par rapport à d'autres lois. Tout comme l'Ontario a fait le pas, la société québécoise a ce degré d'ouverture et de maturité normales. On ne peut pas avoir des discours sur l'intégration et avoir des comportements qui traduisent qu'on a encore uniquement la préoccupation du discours. En ce sens, je veux vous remercier. Par contre, pour ce qui est des échanges avec vous, c'est mon collègue de Laviolette qui le fera, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): M. le député. (16 h 15)

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Quand on regarde toute la question du vote par procuration, ce qui m'a chicoté tout à l'heure, c'est que vous êtes le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale. Vous regroupez donc des gens de différents milieux, dont ceux de Louis-il. -Lafontaine qui sont venus parler ce matin, qui sont venus tout à l'heure et qui disaient qu'ils n'avaient pas pris position, mais ils ont quand même donné leur opinion sur toute la question du vote par procuration des résidents de Robert-Giffard. Le groupe de ce matin, l'Association canadienne pour la santé mentale, est venu nous parler un peu de l'ensemble et on sent qu'il y a divergence d'opinions et difficulté de trouver un consensus sur la question du vote par procuration. On vous dit que nous, de notre côté, on n'en veut pas, aussi bien pour les personnes qui éprouvent des difficultés, à quelque niveau que ce soit, que pour les gens qui vivent dans la société et qui votent actuellement. Donc, on croit que ce n'est pas la solution, mais on sait très bien qu'il faut trouver une solution pour répondre à ce droit de voter. C'est dans ce sens-là que j'aimerais connaître davantage votre opinion. Vous dites que vous voulez voter et que vous voulez que les gens en difficulté aient la capacité d'aller voter, le droit de voter, mais vous dites que, si cela ne marchait pas par procuration, ce pourrait être l'urne qui se promène, donc un vote itinérant. J'aimerais bien saisir parce que vous représentez des gens qui

nous ont dit carrément non. D'autres nous ont dit: D'une façon ou d'une autre, on pense que...

J'aimerais connaître davantage votre opinion sur cela.

M. Girard: Comme le disait Mme Laurin tout à l'heure, ce qu'on privilégie au fond, c'est que l'urne se promène. On n'est pas totalement fermés à l'autre formule. On prend l'exemple du Directeur général des élections de l'Ontario qui nous disait dans son rapport qu'il semblerait qu'il n'y ait pas eu de problème lors de la première expérience en Ontario. Ici, au Québec, on a historiquement toute une problématique de bouts de chemin et de frigidaires, etc. On se rappelle notre histoire, quand même, et on a comme un peu peur de ça aussi.

Je pense que c'est un réflexe normal. J'aimerais mieux voir promener l'urne avec deux, trois ou quatre partis politiques qui la suivent. Par procuration, c'est évident qu'il y a peut-être des circonstances ou des situations où cela peut être intéressant, mais, après avoir discuté à maintes reprises, on a laissé la porte ouverte à la procuration et on s'inspire de l'expérience de la première année de l'Ontario. Au fond, on dit que ce qu'on privilégie le plus, et je pense qu'on serait mécaniquement capables de l'établir, c'est de faire promener l'urne. Comme le disait Mme Laurin, je pense qu'on retrouve ces gens-là regroupés dans des foyers ou ailleurs. Est-ce que cela coûterait une fortune, au fond? Mais il y a tout le côté de la propreté au Québec aussi dans ce sens-là à cause de notre histoire, évidemment.

Mme Laurin: Je voudrais ajouter quelque chose. Il faut vraiment comprendre qu'on a présenté le vote par procuration. On n'est pas en désaccord avec ce que les autres groupes du regroupement ont dit: on est d'accord pour ne pas donner le droit de vote par procuration à la clientèle souffrant de problèmes émotifs. Le droit de vote par procuration, nous demandons qu'il soit donné aux gens qui souffrent d'incapacité physique. Mais pour la clientèle qu'on représente spécifiquement, si on parle de santé mentale, si on parie des centres hospitaliers comme Robert-Giffard et Louis-Hippolyte-Lafontaine, pour nous, il est bien clair que dans ce cas il n'est pas question de vote par procuration. J'aimerais que ce soit bien compris et qu'on voie bien la distinction.

M. Jolivet: C'est parce que j'ai suivi les discussions et, si j'ai bien compris - j'aimerais qu'on me le rappelle parce que je veux être sûr d'avoir bien compris - des groupes qui sont inscrits sur votre texte, soit Louis-Hippolyte ou Robert-Giffard semblaient être contre le système de procuration parce qu'on veut que ce soit l'individu lui-même qui exerce son droit. S'il est capable de l'exercer, bien, qu'il l'exerce ce droit. C'est ce que j'ai de la difficulté à saisir. Vous dites: On aimerait peut-être mieux avoir l'urne qui se promène, mais, d'un autre côté, la procuration, si ce n'était pas cela, on aurait au moins cela.

Mme Laurin: Je m'excuse, M. Jolivet, je pense qu'il faut comprendre qu'on est d'accord avec le centre Robert-Giffard, à savoir que, pour nous, la clientèle qui souffre de problèmes émotifs, il n'est pas question de vote par procuration ou d'urnes qui se promènent. Qu'ils exercent leur droit de vote, que ce soit pour tout le monde. Quand on parle de vote par procuration ou d'urnes qui se promènent, c'est pour des handicapés physiques qui ne peuvent pas se déplacer. Ce n'est pas pour des gens souffrant de problèmes émotifs.

M. Jolivet: C'est là que vous faites votre distinction.

Mme Laurin: Oui.

M. Jolivet: À ce moment-là, je crois donc comprendre que ce qu'on a connu dans des centres d'accueil, M. Girard en faisait mention. Autrefois, on mettait des urnes dans des institutions de soeurs et dans des institutions de frères, et on s'assurait que le vote soit bleu ou rouge, selon les circonstances. Ce n'est pas ce qu'on cherche.

Donc, dans un centre d'accueil - je me souviens des discussions qu'on a eues - si c'est un centre d'accueil public, il est donc public, il est admissible. Mais là, dans ce centre, on fait voter d'autres personnes que celles du centre pour éviter de mettre une pression sur les gens en disant: Si tu ne votes pas pour nous, tu n'auras pas d'amélioration au centre d'accueil. On comprend très bien cela. Il faut donc en arriver à ce que, dans les centres privés - vous y faites mention - où les gens ne peuvent pas se déplacer ou, malgré toute l'ouverture d'esprit qui s'est développée en cours de route, qui ont des handicaps physiques et que des parents gardent encore à la maison... On ne sait même pas s'il y a un enfant à la maison et on s'aperçoit, à l'âge de 22 ou 23 ans, qu'il y en a un, parce qu'on ne l'a jamais montré. Mais une chose est certaine. Si vous dites: On va le lui permettre, il est capable de voter, il n'a aucun problème de décision, mais s'il n'est pas capable de se déplacer, les parents ne voudront pas l'amener aux lieux publics. Vous connaissez toutes les raisons émotives qu'on a au Québec à ce point de vue-là. C'est dans ce sens-là que vous dites que, pour eux, ce serait un vote par procuration. Mais, s'ils ont la capacité de voter, pourquoi est-ce que ce serait un vote par procuration? Cela m'inquiète d'une certaine façon parce que, là, on met une pression additionnelle sur l'individu, sur la personne qui est en difficulté au point de vue physique. On peut, au moyen de la procuration, faire un peu de chantage dans certaines circonstances. Cela m'inquiète. J'aime-

rais bien mieux que ce soit l'urne qui se promène.

M. Morin: Ce n'est pas un "crois et meurs". Sur la question de la procuration, ce n'est pas un "crois et meurs" du tout. C'est dans notre mémoire, sauf qu'on en a rediscuté au conseil d'administration. Pour nous, effectivement, le déplacement de l'urne pour les personnes handicapées physiques serait l'idéal en ce sens que, avec toutes les garanties de confidentialité, ce serait mieux que la question de la procuration. Pour nous, c'est clair. Des personnes handicapées physiques qui ne peuvent pas se déplacer, il n'y en a quand même pas des milliers. On peut penser aux personnes grabataires qui ont encore tous leurs esprits mais pour qui cela poserait vraiment un problème que de se rendre aux bureaux de scrutin. Mais cela touche quand même une partie infime de personnes handicapées parce que, en principe, si je ne me trompe pas, les bureaux de scrutin sont censés être accessibles aux personnes handicapées. C'est vrai qu'avec le vieilissement du Québec - la population vieillit beaucoup en centre d'accueil - cela peut en toucher plus à l'avenir. Mais, idéalement, nous, on irait plus du côté de l'urne qui n'est pas itinérante...

Une voix: C'est cela, itinérante, mobile. M. Morin: Mobile, pardon.

M. Jolivet: Donc, comment verriez-vous, en ce qui concerne les personnes dans chacun de leur foyer chez elles, dans les foyers privés, dans les hôpitaux... parce qu'il peut y en avoir dans les hôpitaux aussi. Il y a des journées où les gens ne peuvent pas se déplacer. On ne les amènera pas en civière pour les faire voter et tout cela, à moins qu'il n'y ait un "poll" dans l'hôpital qui permette de les déplacer durant la journée; mais, à l'extérieur, il pleut, il neige; ils ne peuvent pas venir. Vous verriez cela s'ajuster de quelle façon dans l'exercice du droit de vote? Par une urne qui voyagerait avec tous les gens autour, qui sont le greffier, le scrutateur, les représentants des candidats?

M. Girard: On ne s'est pas penchés sur la tuyauterie. Là, on parle vraiment de tuyauterie. On parle de 0, 4 %. En tout cas, c'est de ça qu'on parle aujourd'hui. On dit: Nous, on veut le droit de vote pour ces gens-là. Quant au vote par procuration, s'il y en avait, j'imagine que, nous, quand on parle de certaines catégories d'électeurs, il suffit de penser aux personnes âgées. Toutefois, ce vote serait régi par des mécanismes dont l'un devrait être le suivant: Un mandataire ne peut agir qu'au nom d'un seul électeur. Le président d'élection pourrait établir que c'est un membre de la famille. Je veux dire que, dans la mécanique, on ne s'est pas penchés là-dessus.

Ce qui me fait rire un peu depuis ce matin - vous me permettrez de vous dire cela, parce que j'ai quand même fait 160 kilomètres pour venir ici - ce que je trouvais drôle ce matin et ce que je trouve encore drôle, c'est que cette demande qu'on fait pour ce petit nombre de votes, je n'en reviens pas comme on est extrêmement puriste au Québec. On se tortille dans des virgules, même au niveau du vote par procuration. J'imagine que vous allez limiter cela quelque part. Quand vous serez en Chambre, vous allez sûrement limiter cela ou ne pas le faire du tout. Mais il me semble qu'il serait facile de l'accorder. C'est le but essentiel de notre visite aujourd'hui de vous dire pourquoi ne pas libéraliser cela. Qu'est-ce qui se passe, au fond? C'est notre petit côté pur. Il me semble... On se tortille avec les virgules. On dit: Bon, qu'est-ce qui va arriver dans ce cas-là? Il me semble que d'accorder fondamentalement le droit de vote... Et, pour le reste de la mécanique, j'imagine qu'au bureau de M. Côté il y a des gens bien experts qui y ont déjà pensé d'ailleurs et qui le voient là, le besoin. Mais c'est cela qui me fait rire un peu, ces virgules, ces questions de mécanique et de tuyauterie. Cela m'intrigue quand même. Cela me faisait penser un peu à ceci. Je me suis dit: Pour moi, je m'en vais dans un théâtre d'été, mais ça ne se tient pas le jour, habituellement, c'est le soir.

M. Jolivet: Mais il y en a quelques-uns le jour M. Girard, si vous parlez de toute la libéralisation, je pense que j'ai même été avec certains collègues à l'époque, au moment où on a fait la réforme du vote, avec la possibilité accordée à d'autres personnes de plus en plus... On l'a fait, on va l'appuyer en termes de libéralisation, mais il s'agit cependant de savoir à quelles modalités. C'est dans ce sens que les discussions ont lieu. Donc, le fait de vous poser des questions, à mon avis, ce n'est pas du théâtre; c'est simplement pour bien comprendre votre position afin de prendre la meilleure décision possible. Vous le savez, vous me connaissez, on se fait toujours l'avocat du diable pour avoir le meilleur résultat possible. Si on ne le fait pas, on risque de faire peut-être des erreurs plus profondes. C'est dans ce sens que les questions sont posées. En tout cas, comme membre de la formation politique que je représente, on vous remercie beaucoup de votre présentation.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Laviolette. M. le ministre.

M. Gratton: Oui, M. le Président, je sais que ma collègue de Vachon a encore des questions à adresser à nos invités. Mais, comme je devrai quitter malheureusement, et je m'en excuse d'avance, peut-être possiblement avant la fin de nos travaux, je voudrais, quant à moi, faire au moins un court commentaire sur les

représentations qui nous sont faites par le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec inc. En ce qui a trait au mode de scrutin, vous déplorez qu'on n'en discute pas dans cette révision de la Loi électorale. Je voudrais vous dire très clairement que, si on n'en discute pas, évidemment, on en discutera sûrement à l'étape ultérieure. Je pense que le député de Gouin hier et peut-être le porte-parole de l'Opposition officielle ont indiqué qu'on voudrait en discuter. Mais, dans le processus de la révision de la Loi électorale, on avait invité les partis politiques d'abord à nous faire parvenir les sujets qu'ils jugeaient opportuns de voir discutés et analysés par le Secrétariat à la réforme électorale. Or, personne ne nous a suggéré de l'aborder et, quant au parti ministériel, le Parti libérai dont je suis, nous avons déjà fait connaître très clairement notre position à tout changement au mode de scrutin de façon isolée au Québec, sans prendre en considération ce qui se passe ailleurs dans les autres Législatures provinciales de même qu'au fédéral. Donc, je n'ai pas d'excuse, ce n'est pas une excuse que je donne. Je vous dis que, du côté du Parti libéral, il n'est pas question de même considérer la possibilité d'aborder des amendements sur le mode de scrutin. Donc, c'est pour cela que nous n'avons pas suggéré qu'on en discute et, comme personne ne l'a suggéré au moment où on a entamé la démarche, c'est ce qui fait qu'on n'en discute pas ici, ce qui n'exclut pas qu'on pourra en discuter à l'étape ultérieure, au cours du mois de septembre. Lors de ces discussions, c'est évident que nous, de notre côté, nous ferons valoir les arguments qui nous amènent à ne pas retenir des amendements à la Loi électorale en ce qui a trait au mode de scrutin.

Quant au financement des partis politiques par l'État, vous avez peut-être pris connaissance du procès-verbal du comité parlementaire qui a fait le travail préliminaire à cette commission. Si oui, vous aurez sûrement remarqué que nous avons abondé dans le sens que vous proposez, c'est-à-dire que le financement de l'État ne soit plus exclusivement accordé aux partis qui sont représentés à l'Assemblée nationale, mais bien qu'il y ait reconnaissance des partis politiques et, donc, une aide financière aux partis politiques qui recueillent un certain appui au moment des élections; vous parlez de 3 %. On s'est demandé: Est-ce que ce devrait être 3 % ou 5 %? Hier, devant des organismes qui sont venus faire leurs représentations, on a également fait valoir que, si cela était, il faudrait évidemment s'assurer que les partis politiques, dans les critères qu'ils doivent remplir pour être reconnus et autorisés... Il faudrait qu'on se questionne également sur le sérieux des critères qui doivent présider à l'autorisation de partis politiques. C'est dire que si Mme la députée de Vachon ne vous pose pas de question là-dessus, c'est que c'est déjà acquis; on reconnaît le bien-fondé de votre recommandation là- dessus.

(16 h 30)

Quant à moi, en ce qui a trait aux autres sujets qui ont été abordés et qui seront abordés tantôt avec vous, chose certaine, je pense que la journée d'aujourd'hui nous aura convaincus qu'il faudra accorder le droit de vote aux personnes handicapées mentales, et ce, sans attendre nécessairement l'entrée en vigueur du nouveau Code civil. Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous nous dites qu'il y a un tas de virgules et de trémas au sujet desquels on se soucie; je rejoins le député de Laviolette quand il dit qu'effectivement il faut se poser la question pour en arriver à trouver une formule qui ne prêtera pas ouverture à des abus, à de la manipulation. Mais tenons pour acquis - je ne peux pas parler au nom de la commission parce qu'évidemment cela ne m'appartient pas - que je crois sentir qu'il y a un consensus qui se dégage au sein de la commission parlementaire à la lumière des représentations qui nous sont faites. Donc, nos efforts porteront maintenant bien moins sur "est-ce qu'on reconnaît le principe?", "oui, on le reconnaît"; ils porteront plutôt sur "comment on fait en sorte que ce droit qu'on accordera aux personnes handicapées mentales pourra s'exercer de la meilleure façon possible?", en protégeant les personnes impliquées et, aussi, l'intégrité du processus électoral. Vous y aurez contribué par la présentation que vous nous avez faite aujourd'hui, et je vous en remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Sans tomber dans la tuyauterie sur laquelle vous ne vous êtes pas penché, M. Girard, vous dites dans le mémoire que des directives pourront être nécessaires afin d'assurer les conditions nécessaires à l'exercice de ce droit de vote.

Si vous faites mention qu'on aurait besoin de directives, j'imagine que vous en avez certaines derrière la tête, lesquelles j'aimerais peut-être connaître aujourd'hui. C'est à la page 3 de votre mémoire, Mme Blanchard.

M. Morin: Quand on parle de directives, on fait référence, encore une fois, à l'expérience de l'Ontario où le Directeur général des élections avait soumis des directives. On s'est penchés un peu sur cette question. Nous, nous allions dans le sens que: Oui, ces directives sont effectivement intéressantes. Si on prend un point précis, par exemple, toute la question de l'énumération, en Ontario, ce qu'ils avaient choisi comme directive, c'était d'avoir un lieu central dans l'hôpital où les gens devaient se déplacer pour être inscrits sur la liste électorale. Nous ne sommes pas vraiment certains que c'est la bonne solution. On irait plutôt dans le sens que les énumérateurs et les énumératrices devraient aller dans l'hôpital et voir auprès de chaque personne, autant que

possible, vraiment dans la mesure du possible, si celle-ci veut être inscrite sur la liste électorale. C'est un point précis: la question de rénumération. Il y a aussi toute la question de l'élection le jour même. Tous ces points sont à élucider, sont à construire. On n'a pas la prétention d'avoir trouvé la vérité sur ces points, on s'est penchés sur le regroupement. Ce qu'on dit, c'est qu'on devrait travailler avec la Direction générale des élections, c'est-à-dire les gens dans les institutions, autant avec les comités de bénéficiaires qu'avec les gens concernés par ça. On devrait travailler ensemble pour établir des paramètres pour fixer les modalités, tant concernant l'énumération que la procédure électorale elle-même, le jour des élections.

Mme Pelchat: Est-ce que vous avez la même opinion quant à ce qu'on appelle la cabale politique, la cabale partisane par les partis? Est-ce que cela devrait se faire à l'intérieur de l'institution, soit dans un endroit bien cerné, ou encore est-ce que les candidats ou les représentants des partis pourront... Est-ce que vous avez une opinion là-dessus? M. Girard ou Mme Blanchard.

Mme Blanchard: Moi, je dirais: Pourquoi pas? Je pense que l'esprit général de notre présentation, c'est d'espérer qu'on puisse permettre aux gens qui habitent dans ces institutions de vivre l'élection de la même façon que tout citoyen. Je pense que c'est l'esprit dans lequel on voulait vous le présenter. Donc, pour moi, je répondrais que oui. Ce serait peut-être surprenant le nombre, le surplus de votes intéressant qui serait à venir. C'est cela qu'on aimerait vous dire, je ne veux pas qu'on se sente insulté sur le détail qu'on trouve difficile aujourd'hui de vous amener. Je pense que ce qu'on voulait, c'est être certains qu'on parte aujourd'hui en sentant qu'on vous a convaincus que nous aimerions que le Québec soit plus à lavant-garde par rapport à la possibilité d'être traité comme tout citoyen. Je pense que c'est le droit fondamental de la personne de sentir qu'elle fait partie de toute cette cabale, non pas seulement de marquer un X et c'est fini. Je suis contente que vous l'abordiez parce que je trouve que - c'est une chose qu'on disait ce matin - il y a un manque d'initiative quelque part. Ces gens-là peuvent participer de la même façon si on établit avec l'hôpital, les comités de bénéficiaires et les groupes communautaires du quartier qui, eux aussi, s'impliquent, je l'espère... Il faudrait inviter les gens, justement, à en faire partie à long terme. Donc, ils seront mieux informés, mieux sensibilisés, et peut-être y aura-t-il un peu moins de craintes de la part de bien des gens sur la fraude et tout ce qui peut arriver comme erreur. Je suis contente que vous l'abordiez parce que je considère cela très important.

Mme Pelchat: Je vous remercie. Le Président (M. Marcil): Cela va? Mme Pelchat: Oui. M. Jolivet: Oui.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Sans entrer dans la tuyauterie moi non plus, je veux seulement... J'ai vécu de 1973 à 1976 et de 1981 à 1985, vous dites que vous seriez intéressés... Mais il ne faut pas oublier une chose, c'est que, lorsque je veux entrer dans un centre d'accueil, même public, il faut que j'aie la permission de la personne pour y entrer. Je veux dire que ce n'est pas acquis d'avance, ce n'est pas dans la loi de dire qu'on a le droit d'aller dans les centres d'accueil, qu'on a le droit d'aller dans des centres hospitaliers. Je vous le dis, je suis un candidat, je l'ai été, donc, je sais de quoi je parle.

Une voix: Vous l'êtes encore.

M. Jolivet: Oui, je le suis encore pour la prochaine, d'ailleurs, mais ce n'est pas le temps de faire de cabale. Ha, ha, ha!

Mme Pelchat: D'accord, on en prend bonne note.

M. Jolivet: Je ne commence pas ma cabale aujourd'hui, mais cela est déterminé; chez nous, on le sait. Je veux simplement vous dire que ce n'est pas acquis. Je suis député et, parce que je suis député, j'ai le droit d'entrer dans toutes les écoles du Québec si je le désire. Mais cela ne veut pas dire que je vais y aller de même, sans avoir au moins vérifié avec le directeur ou la directrice avant d'y entrer. Des fois, certains ne veulent pas. Alors, il faut quelquefois se battre pour y entrer. C'est la même chose dans les usines et un peu partout. Donc, la cabale dont on fait mention ne devient pas automatiquement... Il faudrait à ce moment-là qu'à l'intérieur des institutions les gens le demandent, et c'est de même ordinairement qu'on le fait. La pression se fait sur la direction qui ne peut pas empêcher quelqu'un d'entrer. Mais je dois vous dire que, dans des centres d'accueil, à certains moments, des personnes représentant certains partis politiques n'étaient pas les bienvenues parce que la direction n'était pas du même avis qu'elles. Cela empêchait justement des gens à l'intérieur de faire leur opinion, quelqu'un décidait pour eux autres. D'accord?

Mme Laurin: Mais sur cela, M. le député de Laviolette, si je peux dire quelque chose: c'est à votre organisation électorale d'y voir. Ce ne serait quand même pas à nous à se pencher sur

les mémoires et de vous dire comment entrer dans un centre d'accueil. Je pense que chacun des partis peut sûrement se pencher là-dessus.

M. Jolivet: Je vous parle de la tuyauterie... Ce que je voulais vous faire sentir, c'est que, justement, il faut faire les pressions nécessaires pour y entrer. Quand la direction n'est pas de l'avis d'un candidat, elle peut mettre tous les bâtons dans les roues pour y entrer.

Mme Laurin: C'est le jeu des élections.

M. Jolivet: Non, non, c'est ça... Je pense qu'on ne se comprend pas. Je comprends tout ça, je suis habitué à ça; ça ne me dérange pas.

Mme Laurin: Oui.

M. Jolivet: Ce n'est pas ce que je veux dire! Vous dites que les gens à l'intérieur doivent avoir le droit de décider eux-mêmes.

Mme Laurin: Oui.

M. Jolivet: Bon. Moi, je vous dis qu'il y a une barrière quelque part. Il va donc falloir que les gens à l'intérieur demandent à la direction de ne pas mettre de barrières, c'est cela que je veux dire.

Mme Laurin: Si on donne le droit de vote, si on libéralise le droit de vote de plus en plus, je pense que ce sera plus facile pour les gens de l'intérieur de s'y intéresser, justement. Mais, quand il y a seulement 500 bénéficiaires, comme on l'a dit tantôt dans notre mémoire, sur 2200 qui ont le droit de vote, il est évident que l'intérieur ne vous demandera pas d'entrer et ce sera plus difficile.

M. Jolivet: Oui, je vais vous donner seulement un exemple. Dans un centre d'accueil de 150 personnes, si la direction, le conseil d'administration de la bâtisse décide de ne pas faire entrer un candidat, elle va agir autrement; elle n'en fera entrer aucun pour ne pas être accusée de partisanerie. Mais ce faisant, elle empêche des gens de recevoir des personnes qui peuvent faire valoir leur point de vue. C'est ce que je voulais vous dire. Cela, je l'ai vécu. Et je vous dis que ce n'est pas automatique, ce n'est pas dans la loi, malgré les pressions, malgré toute l'organisation, il arrive des choses comme celle-là. Donc, je vous dis simplement qu'en libéralisant cela ne veut pas dire nécessairement en changeant les mentalités des personnes et de la direction.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Laviolette de même que Mme Blanchard, Mme Laurin, M. Girard et M. Morin, au nom de cette commission, nous vous remercions de vous être prêtés à cet exercice et d'avoir accepté notre invitation. Soyez assurés que vos commentaires, vos propositions seront analysés de façon particulière. Merci beaucoup.

Juste avant de terminer, en passant, M. Girard, un bon voyage de retour. Ha, ha, ha!

M. Girard: Merci.

Le Président (M. Marcil): Avant de terminer, je vous rappelle que, demain, les travaux commenceront à 10 heures. Nous allons entendre l'Association des centres d'accueil du Québec, à 11 heures, la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec; à 12 heures, le Parti des travailleurs du Québec et à 13 heures, le Parti vert du Québec. Nous ajournons à demain, 10 heures. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 16 h 40)

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