Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Marcil): Je déclare la
séance ouverte tout en rappelant le mandat de cette commission qui est
de procéder à des consultations particulières et de tenir
des auditions publiques afin d'examiner toute proposition de révision de
la Loi électorale, notamment sur la base du "Document de
réflexion et de consultation sur la révision de la Loi
électorale" déposé à l'Assemblée nationale
le 15 mars 1988 et du document intitulé "Résultats des travaux du
comité de travail sur la révision de la Loi
électorale".
Les changements sont les mêmes que ceux d'hier. J'inviterais
l'Association des centres d'accueil du Québec à se
présenter. Si vous voulez bien présenter vos collaborateurs. Vous
avez 20 minutes pour votre exposé suivi d'une période de
questions.
Association des centres d'accueil du
Québec
M. Girard (Jean-Marie): M. le Président, mon nom est
Jean-Marie Girard. Je suis président de l'Association des centres
d'accueil du Québec et directeur général d'un centre
d'accueil dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. À ma droite,
M. Jean-Yves Poisson, directeur général de l'Estrie et
président de la Commission des centres d'accueil et
d'hébergement; à mon extrême-gauche, M. Jean-Louis
Vaillancourt, de Montréal, représentant des centres d'accueil et
d'hébergement de Montréal et directeur général
également; M. Jacques-Gilles Laberge, directeur général de
Montréal, président de la Commission des centres d'accueil et de
réadaptation.
M. le Président, ce que nous voulons faire aujourd'hui, c'est
peut-être une synthèse du mémoire que vous avez tous
reçu et vous rappeler que notre association regroupe 382 centres
d'accueil publics et que l'ensemble de nos établissements dessert
annuellement plus de 60 000 personnes en difficulté.
Notre mémoire traite de quatre points en particulier: le bureau
de dépôt itinérant, le vote par procuration, la
localisation du bureau de votation et le bureau du directeur de scrutin: un
bureau de dépôt. Ce sont les quatre volets sur lesquels notre
mémoire va surtout porter.
Le bureau de dépôt itinérant. L'établissement
de bureaux de dépôt itinérants dans les centres
hospitaliers et les centres d'accueil constitue une mesure à laquelle
notre association souscrit entièrement. Cette mesure faciliterait
grandement non seulement l'inscription sur la liste électorale des
personnes qui résident de façon plus ou moins prolongée
dans ces établis- sements, mais également la mise à jour
détaillée de ladite liste électorale.
Cependant, les dispositions habilitantes devraient prévoir que de
tels bureaux itinérants peuvent être installés seulement
dans des établissements au sens de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. On sait que le mot "établissement"
recouvre ici tout autant l'établissement public que
l'établissement privé au sens de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. Donc, cela regroupe les hôpitaux,
les CLSC, les centres d'accueil et tous ceux qui sont nommés dans la
loi.
Le vote par procuration. Il est clair dans l'esprit de tous que le droit
de vote est un droit fondamental en démocratie. D'autre part, dans
l'esprit des dirigeants des centres d'accueil, il est tout aussi fondamental
que les personnes en perte d'autonomie extrêmement sévère,
les personnes ayant une déficience intellectuelle, les personnes
souffrant d'une déficience physique ou qui traversent une période
aiguë d'alcoolisme ou de toxicomanie soient protégées dans
leur droit de ne pas voter et leur droit à ce que personne d'autre
à leur place n'exerce sans leur assentiment plein, entier et librement
consenti, leur droit de vote.
Ces personnes sont extrêmement fragiles et la plupart d'entre
elles ne pourraient jamais véritablement porter plainte pour
sollicitation de procuration. Le vote est secret et personnel. Avant
d'envisager toute mesure d'exercice du droit de vote par un tiers, il faut,
d'abord et avant tout, à notre avis, favoriser par tous les moyens
raisonnables l'accessibilité physique à la boîte de scrutin
par les personnes elles-mêmes.
En second lieu, une personne qui est incapable, pour des raisons de
déficience physique, d'exprimer seule son droit de vote devrait pouvoir
recevoir l'aide d'une autre personne tout en lui assurant la possibilité
de contrôler visuellement l'expression de sa volonté. Ce n'est
qu'après avoir épuisé les mesures envisageables sous ces
deux premiers critères qu'on devrait envisager le vote par procuration.
Il va sans dire que pour notre clientèle, nous croyons, de
manière générale, que les bureaux de votation devraient
être situés en priorité dans les centres d'accueil et les
centres hospitaliers de soins de longue durée.
La localisation du bureau de votation. À notre avis, il ne
devrait jamais y avoir un seul bureau de scrutin établi dans une
résidence privée pour les seuls résidents de ladite
résidence dans le but de protéger le secret du vote d'un groupe
déterminé. La notion d'un endroit public facile d'accès
nous semble être la plus adéquate, puisqu'elle précise
qu'il n'y a pas de
bureau de votation dans des endroits privés et que,
deuxièmement, ces endroits publics doivent être faciles
d'accès pour les personnes à mobilité réduite ou
ayant une déficience.
Nous sommes favorables à la possibilité pour le personnel
électoral de déplacer l'urne. Cela devrait exister que des
personnes se déplacent à l'intérieur d'un
établissement pour faciliter le vote d'une personne à
mobilité réduite ou ayant une déficience.
Je passerais à notre conclusion immédiatement. On ira plus
loin à la période de questions. L'Association des centres
d'accueil du Québec est soucieuse de favoriser autant que possible
l'expression du droit de vote des citoyens dont nos établissements ont
charge dans des conditions favorables et respectueuses de leur condition
humaine. Toute mesure visant à favoriser l'expression par la personne
elle-même de son droit de vote reçoit notre assentiment.
Notre association est consciente de l'attrait que peut
représenter pour les partis politiques l'introduction du vote par
procuration. Il s'agit là, en théorie, d'une façon simple
de favoriser l'expression du droit fondamental de voter. Par ailleurs, notre
association est également consciente, sans paternalisme ni
surprotection, de la fragilité et de la vulnérabilité d'un
grand nombre de personnes qui nous sont confiées par la
société. Nous attribuons une très grande importance
à ce que les mécanismes de fonctionnement de notre
démocratie leur garantissent la protection de leurs droits dans le
contexte particulier de leurs conditions de vie. Je vous remercie. Les gens qui
m'accompagnent seront sans doute en mesure de répondre à vos
questions.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Girard. Il
est important de souligner que si certains de vos collaborateurs étaient
appelés à intervenir, ils devraient s'identifier au moins une
fois pour le Journal des débats. Cela va?
Je vais maintenant reconnaître M. le ministre responsable de la
réforme de la Loi électorale.
M. Gratton: M. le Président, je tiens à remercier
les représentants de l'Association des centres d'accueil du
Québec d'avoir répondu à notre invitation et d'être
venus exprimer leur point de vue, notamment sur les quatre sujets
spécifiques. Le comité parlementaire qui a travaillé et
qui a précédé les travaux de la commission avait
indiqué son intérêt à connaître le point de
vue de l'association qui, manifestement, possède une certaine expertise
dans ce domaine particulier, soit l'exercice du droit de vote par les personnes
âgées. Je me limiterai aux questions qui touchent les points que
vous avez mentionnés dans votre mémoire bien qu'il ne soit pas
impossible que d'autres membres de la commission puissent vouloir vous
interroger et avoir votre opinion sur d'autres sujets.
Quant à moi, je voudrais commencer par la section sur le vote par
procuration. Je crois comprendre très clairement que votre association
est réticente à l'introduction du vote par procuration. Elle
prétend que celui-ci ne serait pas nécessaire si on
préconisait plutôt que les bureaux de scrutin soient situés
dans les centres d'accueil et les centres hospitaliers et qu'une journée
de vote par anticipation soit réservée aux personnes à
mobilité réduite. C'est justement ce dernier point que je
voudrais toucher parce que je le trouve particulièrement
intéressant. Vous suggérez de réserver une journée
de vote par anticipation aux personnes à mobilité réduite
qui ont besoin d'assistance pour voter. Donc, si je comprends bien, les gens
seraient appelés à voter sur plus d'une journée au moment
du vote par anticipation. Voici la question que je me pose: est-ce que vous
réserveriez la journée additionnelle, en supposant qu'on
ajouterait une journée pour cette catégorie d'électeurs,
à ces personnes qui ont une difficulté de mobilité ou si
on doit interpréter votre suggestion comme permettant que l'ensemble des
personnes dans un centre d'accueil, par exemple, puissent voter,
indistinctement de leur capacité ou de leur mobilité, au cours
des deux journées?
M. Girard: M. Jean-Yves Poisson va répondre à la
question.
M. Poisson (Jean-Yves): Jean-Yves Poisson. Sur la première
partie, sur le vote par procuration, on ne dit pas qu'on est
complètement en désaccord avec le principe du vote par
procuration. On dit que, d'abord et avant tout, on devrait s'assurer que tous
les moyens physiques pour permettre aux gens de voter soient mis à leur
disposition et qu'en dernier ressort seulement, lorsque ces moyens seront tous
épuisés, que là, on puisse permettre le vote par
procuration, mais seulement en dernier ressort.
En ce qui concerne la deuxième partie, le vote par anticipation,
on a souvent droit, lors de la journée du vote par anticipation,
à des scènes où on voit arriver des gens en fauteuil
roulant, des gens en marchette, des gens en béquilles qui doivent faire
la queue et attendre pour voter alors qu'un grand nombre de personnes bien
portantes sont là aussi pour exercer leur droit. De façon
à éviter ce genre de spectacles, n'y aurait-il pas lieu d'avoir
deux journées, une journée où les gens, que ce soit ceux
de nos centres ou les autres personnes handicapées qui vivent à
domicile, pourraient avoir accès au vote par anticipation et une
deuxième, pour ceux qui ont une certaine mobilité?
M. Gratton: D'accord. Dans l'hypothèse du vote par
procuration, j'ai compris que ce serait après qu'on aurait fourni toutes
les autres façons physiques de voter. Vous suggérez et vous
exigez même que le mandataire soit de la même circonscription
électorale. Quelle est la raison derrière cela? Ne craignez-vous
pas que cela
puisse, par exemple, empêcher un parent d'être mandataire
d'une personne en hébergement?
Une voix: M. Poisson.
M. Poisson: Nous croyons que, le plus possible, ce devrait
être des gens de la même circonscription et même, à la
limite, des gens du même "poll" de manière que la personne qui
donne une procuration se sente en toute confiance, soit assurée que la
personne va voter pour son candidat à elle, alors que si c'est quelqu'un
qui vient... Prenons l'exemple de quelqu'un vivant dans un centre d'accueil
à Granby qui dit à son fils vivant dans un quartier de
Montréal: Tu viens voter pour mon candidat à Granby, est-ce que
la personne va véritablement se déplacer de Montréal pour
venir voter à Granby?
M. Grattoir Je comprends ce que vous nous dites, sauf que moi, ce
que je crois comprendre, c'est que si quelqu'un veut faire exercer son droit de
vote par un mandataire, c'est à lui, à la personne qui veut
voter, de le choisir. Il me semble que si j'étais dans cette situation,
je préférerais, et de loin, pouvoir confier le mandat à
quelqu'un que je connais bien, peut-être à un membre de ma famille
qui ne serait pas nécessairement un résident de la même
section de vote. Vous allez même plus loin. Je viens de réaliser
que vous n'exigez pas seulement qu'il soit de la même circonscription,
mais de la même section de vote. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu
restrictif?
M. Poisson: Cela peut paraître restrictif mais vous savez
que dans nos établissements, il y a aussi des amitiés qui se
développent et très souvent les gens vont préférer
- on en a l'expérience parce que la procuration existe du
côté du fédéral - donner leur mandat à la
voisine de chambre ou à quelqu'un dans la maison plutôt
qu'à quelqu'un de l'extérieur. Dans nos centres, on a vécu
cela à maintes reprises. On sait qu'en campagne électorale chacun
veut faire élire son candidat ou celui pour qui il penche. Alors bien
souvent, il y a des espèces de pressions qui s'exercent par des gens qui
viennent et qui disent: Écoute, qui dans la maison ici va-t-on pouvoir
faire voter par procuration? On va trouver des personnes pour voter pour eux.
Ou encore, ce sont des membres de la famille qui disent: Moi je suis de telle
couleur, mon père va voter de telle couleur. Inquiète-toi pas, je
vais avoir une procuration pour cela.
On pense que si c'était à tout le moins dans la même
section de vote, cela éliminerait peut-être une partie des
pressions que ces gens-là reçoivent. Et pour nous, ce qui est
important, si on va vers la procuration, c'est qu'en même temps on puisse
limiter et même éliminer par une forme pénale ou
légale la sollitation qu'il peut y avoir là-dedans. C'est
important parce que bien que ce soient des personnes "matures" qui ont une
expérience de vie, bien souvent aussi, ce sont des personnes un peu
insécures qui sont facilement troublées par l'intimidation, la
sollicitation sous quelque forme que ce soit pour voter, pour des dons ou pour
toutes sortes de choses. Je pense qu'on devrait quand même être
prudents de ce côté-là.
M. Gratton: II va de soi que si on devait permettre le vote par
procuration la sollicitation serait interdite et sujette à des peines
quelconques. On limiterait même le nombre de mandats qu'une même
personne pourrait avoir.
L'Association pour la santé mentale nous a suggéré,
hier, que parmi les mandataires, on devrait exclure, d'une façon
spécifique, le personnel de l'établissement. Quelle est votre
opinion là-dessus?
M. Poisson: Je suis totalement en accord avec cela. Bien souvent,
bien que certaines amitiés se développent entre les
résidents et le personnel, les bénéficiaires sont toujours
vulnérables aux pressions du personnel. On va prendre des exemples
autres que celui des élections. Dans nos maisons, le
bénéficiaire hésite toujours à se plaindre s'il
n'est pas bien servi par un employé. Il craint toujours en se disant: Si
cela se sait, je risque d'être pénalisé par après.
Or, ramenez cela à la dimension politique. Un bénéficiaire
dirait: On m'a demandé ou je donne une procuration à tel
employé. Est-ce qu'il la donnera de plein droit, de son propre chef ou
est-ce qu'il la donnera par crainte de se voir un petit peu manipulé ou
pénalisé par la suite? On ne peut faire autrement que
d'être d'accord avec la prise de position de cette association qui dit:
Pas au personnel.
M. Gratton: Dans le cas des bureaux de dépôt
itinérants et de la localisation des bureaux de vote dans les centres
d'accueil, vous exprimez l'opinion qu'ils ne devraient être permis que
dans les centres d'hébergement, tels que définis dans la Loi sur
les affaires sociales. Donc, vous éliminez la possibilité de
bureaux de dépôt itinérants de même que de bureaux de
scrutin dans des centres d'accueil privés; par exemple des HLM. Est-ce
que vous ne croyez pas que c'est discriminer, finalement, des catégories
de personnes que de permettre, dans le cas des établissements dits
publics, à ces résidents de pouvoir plus facilement exercer leur
droit de vote en s'inscrivant sur la liste au bureau de dépôt et
en exerçant leur droit de vote par rapport à ceux qui, pour
toutes sortes de raisons, ne sont pas dans ce réseau?
M. Laberge (Jacques-Gilles): Habituellement, les personnes qui
habitent dans les HLM sont relativement autonomes ou...
M. Gratton: Excusez-moi, mais est-ce
vraiment le cas? Je voudrais qu'on m'assure que...
M. Laberge: Absolument. Celles qui habitent dans les centres
d'accueil ou d'hébergement pour personnes âgées sont
vraiment des personnes à mobilité réduite, c'est
évident. Celles qui habitent dans des HLM ou des résidences
privées sont capables. D'ailleurs, aussitôt que ces gens-là
ont une dépendance physique quelconque, il y a des demandes d'admission
qui sont acheminées vers les centres d'accueil et d'hébergement.
C'est la même chose pour les personnes physiquement handicapées
qui habitent dans ces immeubles. Ces gens-là sont capables de sortir de
leur immeuble pour aller dans un bureau de scrutin avoisinant, puisque
régulièrement ils sortent avec le transport adapté pour
vaquer à leurs occupations journalières. (10 h 30)
M. Gratton: En supposant que le problème n'est pas
là, que les gens ont la capacité et la mobilité
nécessaires, qu'est-ce qui justifie de ne pas leur permettre un
accès plus facile tant à l'inscription au bureau de
dépôt qu'à l'exercice du droit de vote, du simple fait que
c'est un établissement qui n'est pas public ou dit public?
M. Laberge: Bien sûr. Est-ce qu'on ferait faire du porte
à porte pour aller chercher le vote des autres citoyens et citoyennes du
Québec? Je pense que c'est cela l'argument.
M. Gratton: Dans le cas du bureau itinérant, j'ai compris
que vous le limitiez à l'intérieur d'un établissement et
non pas...
M. Laberge: Effectivement. Pour les personnes qui sont
alitées qui ne peuvent absolument pas se déplacer, par exemple.
Dans des centres hospitaliers de soins de longue durée, des gens sont
pleinement conscients mais ne peuvent quitter leur unité de traitement
parce qu'ils sont alités. Dans d'autres centres pour personnes
âgées, des gens sont confinés à leur lit et ne
peuvent absolument pas descendre à la salle communautaire pour aller
voter. Cependant, ce sont des gens pleinement conscients et ils ne sont pas
interdits, ils n'ont pas de curateur. Il faudrait donc favoriser le droit de
vote de ces gens-là. C'est pour cela qu'on favorise le bureau de vote
itinérant.
M. Girard: Je pourrais peut-être ajouter également
que dans la philosophie de nos organisations, on favorise l'autonomie des
personnes et on essaie d'éviter la dépendance. Donc, l'esprit que
nous préconisons constamment c'est de dire: laissons autonomes les
personnes qui sont autonomes, n'essayons pas de les marginaliser en leur
donnant des conditions particulières alors que, dans le fond, il y a des
personnes déjà prises avec ces situations-là.
Chaque fois qu'on peut faire de l'éducation ou qu'on peut pousser
une idée, on se dit que, comme ils sont dans le milieu, comme ils vivent
dans le milieu, ils doivent y participer comme tout citoyen. Si la loi
prévoit qu'on doit faciliter cela davantage, dans les coins où il
n'y aurait pas de possibilité, pas de centre, pas d'édifice
public, et je pense qu'on le dit aussi, on devrait prévoir être
présent dans ces maisons-là, par exemple.
M. Gratton: J'ai compris d'ailleurs qu'exceptionnellement, vous
n'aviez pas d'objection à ce que des bureaux de scrutin soient
installés dans des centres dits privés, là où il
n'y aurait pas, à proximité, de centre défini comme public
Si j'ai bien compris aussi, vous souhaiteriez que ce bureau de scrutin ne serve
pas uniquement aux résidents de ces centres mais soit, en quelque sorte,
le bureau de scrutin d'un voisinage quelconque, ce qui permettrait de
protéger le secret de vote du groupe qui habite là.
M. Girard: Oui, effectivement. D'ailleurs, dans les
expériences passées... Je peux parler par expérience de
mon établissement à Chicoutimi, au Centre gérontologique
Beau Manoir, les communautés environnantes et les gens du quartier
viennent à l'établissement en même temps que la
clientèle à l'intérieur de l'établissement. Ils
font partie du même secteur de votation.
M. Gratton: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais
reconnaître le député d'Abitibi-Ouest, représentant
de l'Opposition.
M. Gendron: Oui. Je voudrais d'abord saluer les porte-parole de
l'Association des centres d'accueil du Québec. Je pense qu'il est
important que vous répondiez positivement à la demande qui vous a
été faite par le ministre responsable de la Réforme
électorale, considérant qu'il est difficile de modifier la Loi
électorale et de ne pas être sensible à un
phénomène que nous vivons ou allons vivre tous, le vieillissement
de la population du Québec. En conséquence, je pense qu'il y a
toujours lieu d'ajuster nos lois électorales. Les gens du comité
ont travaillé dans l'esprit d'améliorer et de maximiser les
possibilités pour qu'il y ait le plus de citoyens possible qui puissent
ou pas exercer librement leur droit de s'exprimer dans une élection. Il
y a effectivement des gens qui souhaitent ne pas le faire et il est clair qu'il
faut conserver cette prérogative.
Vous avez fait le choix, à l'invitation du ministre
délégué à la Réforme électorale, de
toucher plus particulièrement les quatre sujets qu'il a lui-même
évoqués: le bureau de dépôt itinérant, le
vote par procuration, la localisation du bureau de votation et le bureau du
directeur du scrutin.
Concernant le premier point, ce n'est pas
tellement, en tout cas en ce qui me concerne, une question, mais je
pense, étant donné votre expertise, que vous devriez vous assurer
que tout autant le gouvernement que le DGE aient les statistiques les plus
fraîches possible concernant les clientèles. On est souvent enclin
à porter des jugements - suivant ma connaissance, toujours avec une
lunette bien limitée à ma circonscription - qui ne donnent pas
nécessairement une vision du Québec. Vous mentionniez
tantôt que les résidences à caractère privé
ne devraient pas être des bureaux de dépôt ou des endroits
de scrutin. J'achète ça, je suis complètement d'accord
là-dessus, sauf qu'on se fait toujours dire: Écoutez, dans les
HLM, il y a quand même des personnes en perte d'autonomie assez grande.
En ce qui me concerne, je ne partage pas ce point de vue.
J'aimais bien votre approche quand vous disiez: Voilà encore une
façon de marginaliser des situations. On tient un discours sur
l'intégration ou sur les droits pleins et entiers des citoyens dans la
société, mais on dit: Est-ce qu'on ne pourrait pas favoriser un
accès plus grand aux personnes âgées? Pourquoi? Je n'ai
rien contre ça. Bref, je pense qu'il vous appartiendrait, parce que vous
êtes plus capables que nous, de toujours nous fournir l'heure juste. Dans
les établissements publics du réseau, il n'y a aucun doute dans
mon esprit tant pour ce qui est du bureau itinérant que du bureau de
scrutin. Normalement, la clientèle des HLM du Québec est
autonome; je la vois régulièrement à mon bureau de
comté pour toutes sortes de demandes et de questions et ces personnes
sont capables de se déplacer pour toutes ces demandes et je ne verrais
pas pourquoi elles n'auraient pas la même disponibilité. Donc je
pense que votre point de vue est valable.
Je voudrais revenir sur le vote par procuration. Pour moi, c'est une
question fondamentale et qui a été abordée par presque
tous les groupes ou les intervenants qui sont venus nous voir depuis le
début des audiences sur la réforme électorale. À la
question du ministre délégué à la réforme,
M. Poisson a mentionné tantôt, à moins que je ne fasse
erreur: On n'est pas chaud pour le vote par procuration, mais on ne s'y oppose
pas en principe. J'ai lu attentivement votre mémoire, et très
attentivement ces questions en particulier, et j'y voyais des libellés
assez forts qui me permettaient en tout cas de prétendre que vous vous
opposiez au principe du vote par procuration. Je ne veux pas les citer à
nouveau, mais il me semble que je pourrais mettre en contradiction certains
principes évoqués très fortement et qui, uniquement au
niveau du principe, seraient complètement incompatibles si on le
permettait. À la question précise, même si vous avez
évoqué à deux reprises que, dans le fond, ce serait une
situation de pis-aller, si le législateur décidait de
l'autoriser, j'aimerais vous entendre un peu plus longuement sur les dangers
que, avec votre expérience, vous voyez au vote par procuration, sans
porter de jugement sur le principe. On le dégagera nous-mêmes.
Le Président (M. Marcil): M. Poisson.
M. Poisson: Je veux juste rappeler que vous avez raison dans ce
que vous dites, mais vous souligner qu'à la page 5, on vous dit:
Lorsqu'on aura épuisé toutes les autres mesures pour faciliter
l'accès et l'exercice du droit de vote, et là seulement, on
accepterait les votes par procuration. Bien sûr, on préfère
qu'il y en ait le moins possible ou qu'il n'y en ait pas du tout, mais qu'on se
dote de tous les moyens pour permettre d'exercer le droit de vote.
Le danger qu'on voit dans l'exercice par procuration, c'est, bien
sûr, que le respect du choix du mandataire ne se fasse pas. On craint
également la sollicitation parce qu'on la voit
régulièrement sous toutes ses formes, que ce soit en politique ou
autrement. Ces gens de notre société sont très
vulnérables; ils se sentent "insécures". Bien souvent, lors d'une
élection, certains préfèrent ne pas voter parce qu'un de
leurs fils est rouge et l'autre bleu et qu'ils se disent: Je ne veux choquer ni
l'un ni l'autre. Si on insère le vote par procuration, est-ce qu'ils
seront sollicités par le rouge ou par le bleu? Comment vont-ils se
sentir? On voudrait que, à la limite, si cela allait jusque là,
parce qu'ils ne peuvent pas voter, cela soit vraiment bien encadré. Mais
c'est bien certain que s'ils ont toutes les facilités de voter à
l'intérieur de l'établissement, on n'aura peut-être pas
besoin du vote par procuration.
M. Girard: M. Laberge voudrait aussi s'exprimer
là-dessus.
M. Laberge: En ce qui concerne les personnes physiquement
handicapées à cause d'une déficience motrice ou visuelle,
ce que l'on craint, c'est que le vote par procuration régularise la
situation de sorte que cela ne sera peut-être pas aussi nécessaire
de rendre accessibles tous les bureaux de scrutin alors que ces gens-là
ont pleinement le droit d'exercer librement leurs droits. Pour eux, si on
insiste beaucoup sur le vote par procuration, les efforts pour rendre
accessible le bureau de votation sur le plan de l'architecture et du mobilier
seront plus grands.
M. Gendron: Est-ce que vous êtes en mesure de nous donner
des chiffres - si vous ne les avez pas, pourriez-vous les obtenir - quant au
nombre de personnes dans les établissements et centres d'accueil du
Québec qui font usage du vote par anticipation?
M. Girard: Au moment où on se parle, on n'est pas en
mesure de vous donner de statistiques.
M. Gendron: Non. Avez-vous une idée si...
Quand même... Probablement que quelques-uns d'entre vous vivez
assez près des centres d'accueil... Est-ce que c'est une journée
ou deux qui est prévue dans la loi pour le vote par anticipation?
Des voix: Deux.
M. Gendron: II y a deux jours de vote par anticipation. Dans ces
deux jours, quelle est la fébrilité? Est-ce qu'il y en a une?
Est-ce que vous sentez dans le système actuel, pour ce qui est du vote
par anticipation, que les personnes âgées de vos centres d'accueil
sont des usagers assez réguliers du vote par anticipation?
M. Poisson: Je peux vous dire, par expérience, que chez
moi, c'est un petit centre et, lorsqu'on a un bureau de scrutin dans notre
établissement, il y a très peu de votes par anticipation.
Lorsqu'il n'y a pas de bureau de scrutin dans l'établissement
même, le vote par anticipation est beaucoup plus utilisé. Dans
quelle proportion exactement? Je ne suis pas en mesure de vous répondre
parce que je ne surveille pas ceux qui y vont et ceux qui n'y vont pas, mais je
peux vous dire qu'il y en a certainement beaucoup plus quand il n'y a pas de
bureau de scrutin.
M. Gendron: Moi, tout comme le ministre, j'ai trouvé que
votre suggestion d'envisager d'allonger - cela peut être une solution -
le vote par anticipation en le publicisant, peut-être plus
particulièrement à l'intention des personnes du troisième
âge, c'est une formule plus adéquate que de spécifier une
journée particulière pour les personnes du troisième
âge. J'aurais de la difficulté à fonctionner avec cela
à ce moment-ci. Si jamais on se retrouve avec une population comptant 80
% de gens âgés, ce que je ne souhaite pas...
M. Poisson: Si vous me permettez, M. Gendron, on ne se limite pas
aux personnes du troisième âge. Ce n'est pas cela qu'on dit, on
parle des personnes qui présentent des problèmes de
mobilité ou des handicaps physiques ou mentaux. Ce n'est pas ouvert
à toutes les personnes âgées du Québec, ce n'est pas
ce qu'on dit. On est là pour traiter les personnes qui souffrent d'un
manque d'autonomie assez important. Il ne faudrait pas que cela soit ouvert
à tout le monde.
M. Gendron: Excusez-moi, vous avez raison, je le vois, vous
l'avez ouvert à toutes les clientèles. Cela pourrait être
intéressant dans la perspective où il y a moyen d'évaluer
ce que cela peut représenter au Québec et si le vote requiert une
journée de plus. Je pense qu'il est intéressant que vous fassiez
cette suggestion pour ouvrir des possibilités puisqu'on disait
tantôt que lorsqu'on discute de maximiser l'accès au droit de vote
ou non, il faut que cela se traduise concrètement par des mesures qui
auront comme effet la réalisation de cet objectif.
Il y a également une autre question que j'aimerais approfondir.
Comment cela se passe-t-il actuellement quant à ce qu'il me paraît
fondamental de sauvegarder, soit toute la question des pressions le jour
même du scrutin dans un centre d'accueil? La question que je veux vous
poser, c'est: Croyez-vous que le législateur, par le biais de la Loi
électorale, devrait avoir non pas un catéchisme à n'en
plus finir, mais au moins quelques règles d'éthique très
sévèrement observées le jour du scrutin dans les centres
d'accueil? Est-ce que vous croyez qu'il y a assez de fonctionnement douteux de
la part de qui que ce soit dans les centres d'accueil pour envisager de
baliser, toujours pour les mêmes raisons que vous avez
évoquées? (10 h 45)
Je ne veux pas marginaliser tout le monde. Mais tous conviennent que les
personnes âgées ont un degré de vulnérabilité
plus grand pour toutes sortes de raisons: perte de mémoire,
difficultés, gêne, autonomie réduite, etc.. Parce qu'elles
sont dans un centre d'accueil, on dit que ce sont des gens avec un degré
de handicap assez lourd. Depuis plusieurs années, elles sont assujetties
à des dépendances. Elles relèvent d'une infirmière,
d'un infirmier et de Mme Y qui s'en occupe. Psychologiquement, cela se cultive,
ce sentiment d'être dépendant de quelqu'un d'autre.
Je ne veux pas être trop long. J'aime mieux vous entendre que de
vous parler là-dessus moi-même.
M. Poisson: M. Vaillancourt va apporter une réponse.
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Dans les centres d'accueil de
Montréal que je connais, surtout les grands établissements, je
n'ai jamais senti, depuis les dernières années du moins, de
pressions effectives, surtout au moment des élections. C'est
généralement une activité d'une journée tant chez
moi que dans quelques autres centres d'accueil que je connais très
bien... On parle déjà de pressions. En fait, ce ne sont pas des
pressions. Chaque parti politique vient faire son tour dans la semaine qui
précède l'élection, va voir tout le monde ou à peu
près et les gens exercent leur droit le jour du vote.
Je voudrais revenir - je profite de l'occasion - sur le vote par
procuration. Qu'on soit pour ou contre ou entre les deux, c'est le
législateur qui décidera. Mais je pense que ce qui est
extrêmement important, c'est la manière dont les procurations
pourront être données. C'est là qu'il faut vérifier.
Quant à votre question de voir s'il n'y aurait pas lieu d'émettre
- sans en faire un catéchisme comme vous le disiez - un certain nombre
de règles, des règles je pense qu'il y en a assez. À un
moment donné, il faut
arrêter d'ajouter des barrières. On veut promouvoir ou
permettre l'exercice d'un droit, il ne faut pas y mettre des
clôtures.
M. Gendron: Une seconde! Les règles ne porteraient pas sur
l'exercice ou non du droit. Les règles porteraient sur la direction...
Les centres d'accueil émettraient certaines règles.
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Oui.
M. Gendron: Ce sont les partis politiques qui écoperaient
et non pas les individus. Il n'est pas question de brimer le droit de vote. Il
est question, justement, parce que c'est sérieux, que cela se fasse
sérieusement. C'était plus cela.
M. Poisson: II ne faudrait pas encadrer cela dans la Loi
électorale du Québec et dire qu'en ce qui concerne les centres
d'accueil, il y a une règle particulière pour empêcher les
bénévoles et les partis politiques d'aller aider les gens
à voter ou de les sortir pour les emmener voter par anticipation ou des
choses comme cela. Mais je pense qu'il appartient à chaque direction
d'établissement qui s'est déjà dotée d'un
règlement concernant la sollicitation, les heures de visite et tout cela
de s'assurer qu'il n'y a vraiment pas d'abus de la part de qui que ce soit.
C'est bien certain que si, le matin d'élection, la chicane
éclate a l'intérieur d'un centre d'accueil, parce que deux ou
trois formations politiques envoient leurs équipes de
bénévoles pour faire voter les gens, la direction de
l'établissement va dire: Écoutez, on va vous limiter à une
ou deux personnes, mais pas à des bataillons. Je pense que ce n'est pas
dans un cadre de loi qu'on doit prévoir cela, mais qu'il faut bien plus
se fier au bon jugement des directions d'établissement qui ne veulent
pas voir perturber les activités régulières et
l'atmosphère de leur établissement pendant une
journée.
M. Gendron: Cela me va, merci.
Le Président (M. Marcil): Cela va. Merci beaucoup, M. le
député. Je vais reconnaître M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. J'ai un certain
nombre de questions assez précises à vous adresser, parce que je
considère qu'on a le privilège ce matin de se rapprocher beaucoup
plus du terrain que cela n'a été le cas hier et avant-hier avec
la comparution, fort importante par ailleurs, de gens qui ont la
responsabilité d'appliquer des grands principes dans notre
société, mais qui sont moins quotidiennement en relation avec le
terrain, avec le concret quotidien des personnes dont on parle à
l'occasion.
Je suis donc heureux d'avoir l'occasion d'aborder un certain nombre de
questions avec vous. Je vais revenir rapidement aux dernières questions
du député d'Abitibi-Ouest, par exemple, sur le rôle des
formations politiques et de leurs équipes pendant la campagne
électorale et le jour du vote. Vous nous dites: On a des règles
particulières qu'on se donne et qui font qu'on peut encadrer ce
processus. J'aimerais que vous parliez un peu plus sur les règles. Par
exemple, vous êtes quatre directeurs généraux
d'établissement. Je suis conscient qu'il n'y a pas une série de
règles communes à tous les établissements. On a quatre
directeurs d'établissement assez différents les uns des autres et
de régions différentes. Quelles sont les règles que vous
appliquez à ce sujet dans vos établissements?
M. Poisson: Ce ne sont pas des règles qui visent
particulièrement les formations politiques. Ce sont des règles
concernant la sollicitation dans nos établissements ou dans
l'organisation d'activités par des gens bénévoles qui
viennent de l'extérieur.
Chez nous, pour un, les vendeurs de billets de tirage de toutes sortes,
c'est interdit.
M. Rochefort: On va revenir à la politique, si vous
permettez.
M. Poisson: Si on revient à la politique, disons qu'il n'y
a pas de règle écrite pour dire que c'est tant pour un parti
politique et tant pour un autre. Supposons un centre d'accueil de 47 lits et
l'exemple des deux formations politiques, ici, au Québec. Si les
libéraux débarquent avec cinq personnes et les péquistes
avec cinq personnes et qu'ils disent: Nous autres, cela presse, on fait voter
tout ce monde. On va leur dire: Ne pouvez-vous pas en avoir chacun un? Cela
aurait plus d'allure que d'en avoir cinq. C'est sur le terrain, avec ces gens,
qu'on va faire cet arrangement.
Cela n'empêchera pas que, dans le centre à
côté où il y aurait 300 lits, on dise: Oui, chacun peut
avoir deux équipes de deux ou trois équipes de deux. On veut
essayer de garder, de ne pas perturber l'atmosphère ou les
activités quotidiennes de la maison, que ce soit, au cours de cette
journée, un branle-bas de combat dans la maison et que les partis -
parce que parfois, c'est chaud entre les partis - viennent s'affronter sur le
terrain à qui réussirait à amener le plus de gens à
voter. C'est ce genre de chose qu'on essaie d'éviter. Chacun va trouver
une expérience particulière et dire qu'il y en a un qui a le
contrôle, que l'autre a barré ses portes. Que se passe-t-il?
Il n'appartient pas à la Loi électorale de dire que dans
les centres d'accueil, c'est tant de représentants par parti ou que, de
telle heure à telle heure, c'est un parti et de telle heure à
telle heure, c'est un autre. Il appartient aux directions
d'établissement d'exercer leur droit de libre accès à
l'établisssement, comme cela se fait pour les autres visites d'ailleurs.
S'ils vont trop loin dans un sens ou dans l'autre, ils sont aussi
vulnérables aux pressions à savoir si ce qu'ils
font, c'est correct ou pas correct, ils en répondront.
Le Président (M. Marcil): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Je parle pour les
établissements que je connais. Dans la plupart des cas, il n'y a pas de
règle écrite, pas de bible qui dit que telle chose se fait ou ne
se fait pas. C'est la règle du gros bon sens. En général,
nos résidents veulent avoir la paix. Que ce soit pour la politique ou
pour tout autre motif, chez nous, les solliciteurs de toutes sortes ne sont pas
accueillis.
M. Rochefort: Y compris les gens qui sollicitent un appui
électoral?
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Si les gens veulent venir visiter
les citoyens, ils en ont le droit. De façon... on appelle cela du
harcèlement... Je ne citerai pas les noms de certaines formations, non
pas politiques mais religieuses, qui venaient harceler les gens à tout
bout de champ pour les faire participer à certaines activités de
leur secte. On les a foutus dehors, ceux-là. Que le député
ou le candidat du comté vienne faire son tour tous les jours, cela ne me
dérange pas. Mais qu'il ne vienne pas, comme M. Poisson le disait, avec
un grand groupe pour faire des "blitz". Cela, on ne l'accepterait pas. Que le
député ou les candidats viennent faire leur tour la
journée des élections, on est d'accord là-dessus. Il n'y a
pas de contrainte à cela. L'idée est d'éviter le
harcèlement auprès de nos gens.
M. Poisson: J'ajouterais un autre point d'information. À
l'intérieur de nos établissements, il y a aussi des
comités de bénéficiaires. Souvent, les comités de
bénéficiaires demandent à la direction
générale d'empêcher toute sollicitation, ce qu'ils
appellent du porte à porte, du chambre en chambre. Ils
considèrent que... Dans leur chambre, ils ne veulent pas. Ils sont
inquiets. Les gens ne sont pas identifiés. Ils préfèrent -
en tout cas chez moi - qu'en période électorale, les gens soient
invités dans un grand salon, qu'ils soient avisés que M. Untel ou
Mme Unetelle va venir. Là, ils descendent ou on les descend au grand
salon ou dans la salle publique pour qu'ils puissent les rencontrer.
Après cela, ces gens peuvent les voir individuellement, prendre un
rendez-vous ou venir à l'heure des visites. Généralement,
dans nos établissements, les gens vivent une certaine inquiétude
par rapport à toute personne qu'ils ne connaissent pas, donc ils ne
veulent pas de sollicitation et cela inclut évidemment les politiciens,
qu'ils soient municipaux, fédéraux ou provinciaux. Plusieurs
comités de bénéficiaires demandent qu'il n'y ait pas de
porte à porte, aucun porte à porte, même pour les
communautés réligieuses. Chez moi, en tout cas, il est interdit
de faire du porte à porte. À la demande du comité des
bénéficiaires, on doit les rencontrer au salon parce qu'il y a
des gens qui donnent, qui sont trop gênés pour refuser et qui,
après, viennent nous dire: on n'a plus de sous parce que M. le
curé est parti avec mes 20 $ et c'était mes 20 $ pour les trois
semaines à venir. Il est vrai un peu... Ces personnes sont comme
cela.
M. Rochefort: D'accord. On a parlé un peu du volet
sollicitation, si on parlait du vote lui-même. D'abord, j'ai une question
d'information. Sauf erreur, il existe des dispositions pour le vote
itinérant au niveau fédéral, est-ce que c'est en
application dans vos institutions? Quel jugement portez-vous sur le vote
itinérant puisque vous l'avez observé au moins une fois? Au fond,
quand je vous dis: quel jugement... On ne remettra pas en question la loi
fédérale, ce n'est pas le lieu pour le faire, mais ici, il faut
décider si on introduira ou pas cette formule. Il y a des gens qui nous
ont parlé de ces formules-là en bien et d'autres, en moins bien.
Vous autres qui avez observé cela d'un niveau neutre politiquement,
quant au respect de la dignité de la personne et de ses volontés,
avez-vous, un certain jugement à porter sur ce mécanisme?
M. Girard: M. Vaillancourt ou M. Poisson.
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Par expérience, je peux vous
dire que j'ai chez moi des résidents qui sont alités, tout
à fait lucides, mais absolument incapables de se déplacer: ils
ont 88 ans ou 90 ans et ils sont grabataires. Ils lisent encore les journaux et
regardent la télévision, ils sont au courant de ce qui se passe
et ils veulent voter. L'expérience a été vécue aux
dernières élections fédérales, ces gens-là
ont pu exprimer leur vote. L'officier rapporteur s'est promené avec son
urne et tout le groupe s'est rendu dans les chambres. Trois ou quatre personnes
et même plus ont eu l'occasion de profiter de ce service.
M. Rochefort: Cela s'est limité à trois ou quatre
personnes?
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Je vous dis trois ou quatre, c'est
peut-être dix.
M. Rochefort: Non, mais l'ordre de grandeur quant à la
taille de votre établissement?
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Sur 300, cela peut être
environ une vingtaine. Je n'ai pas de statistiques précises.
M. Rochefort: Ce sont des gens qui ont voté parce qu'ils
ont fait la demande pour que le vote itinérant se rende à eux ou
qu'il y a eu...
M. Vaillancourt (Jean-Louis): C'est-à-dire que nous
l'avons demandé pour eux.
M. Rochefort: Pour des gens bien précis.
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Bien oui, nous les avons
identifiés.
M. Rochefort: Non, non, c'est cela.
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Ceux qui ne pouvaient descendre, on
les a identifiés en disant: à telle chambre, il y a M. X; dans
telle chambre, Mme Y...
M. Rochefort: D'accord, c'est correct.
M. Vaillancourt (Jean-Louis):... si vous voulez y aller. Cela n'a
pas créé de problème parce que cela s'est fait...
M. Rochefort: Correct.
M. Vaillancourt (Jean-Louis):... dans l'ordre et dans l'espace
d'une demi-heure, trois quarts d'heure environ.
M. Rochefort: D'accord. M. Girard: M. Laberge.
M. Laberge: C'est la même chose dans l'établissement
que je dirige. Deux personnes étaient handicapées. La veille,
nous avons fait parvenir au président du bureau des élections la
liste des bénéficiaires qui nécessiteraient le vote
itinérant.
M. Rochefort: Quant aux autres, ils sont descendus au bureau de
votation qui était dans l'établissement.
M. Laberge: Bien oui. M. Girard: C'est cela.
M. Rochefort: Qui encadre généralement ce processus
d'amener les bénéficiaires au bureau de votation de
l'établissement? Le font-ils seuls, avec l'aide du personnel lorsqu'ils
requièrent l'aide ou avec l'aide de bénévoles des
formations politiques?
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Je peux parler pour mon
établissement. Généralement, pour aller voter, cela se
passe comme pour aller au bingo ou un peu partout. C'est le même
personnel ou les mêmes bénévoles qui sont là
régulièrement. Le jour de la votation, on mobilise plus de
bénévoles pour accélérer le processus de descendre
et remonter, en fait, tous ceux qui sont incapables de se déplacer par
eux-mêmes totalement. Certains le font avec une marchette, d'autres avec
un fauteuil roulant. Le petit nombre de ceux qui sont mobiles s'y rend tout
seul.
M. Rochefort: Dans vos règles internes, non
écrites, est-ce vous permettez à des militants de formations
politiques, le jour du vote, d'aller sur les étages chercher M. X. au
lit 224 et de l'amener voter?
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Le problème ne s'est jamais
posé...
M. Rochefort: Cela ne se pose pas.
M. Vaillancourt (Jean-Louis):... chez moi.
M. Rochefort: Personne ne sollicite le pouvoir de faire cela.
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Non, chez moi, cela ne s'est jamais
posé.
M. Girard: M. Laberge.
M. Laberge: Dans l'établissement que je dirige, le
comité des bénéficiaires, de concert avec le conseil
d'administration, interdit aux formations politiques la sollicitation le jour
de l'élection. Les bénéficiaires, s'ils veulent se choisir
un transport pour aller voter, si le bureau de scrutin est à
l'extérieur de l'établissement, libre à eux de choisir un
transport appartenant à un parti politique. Le jour de
l'élection, seuls les bénévoles inscrits au conseil des
personnes bénévoles de l'établissement ou les familles
peuvent assister les personnes handicapées. (11 heures)
M. Rochefort: Juste une dernière question, relative au
recensement cette fois. Sauf erreur, dans vos établissements c'est
à vous que revient le rôle de fournir la liste des personnes qui
devraient être inscrites sur la liste électorale? C'est le
cas?
M. Poisson: Je ne sais pas si cela nous revient, mais c'est
pratique courante que cela se fasse comme cela.
M. Rochefort: Bon, l'une des propositions qui nous a
été faite pour une autre catégorie d'établissements
- mais j'imagine que dans la philosophie des gens qui vont rédiger la
loi, on va essayer le moins possible de catégoriser toutes les
mécaniques - notamment dans les établissements psychiatriques,
voulait que ce soit au comité des bénéficiaires - et
puisque vous avez, vous aussi, des comités de
bénéficiaires, cela pourrait être les vôtres - que
revienne la responsabilité de faire le recensement ou carrément
que ce soit les recenseurs nommés par le directeur du scrutin ou que
d'autres recenseurs soient nommés spécifiquement pour vos
établissements. Comment réagissez-vous à ces deux choix
par rapport à la situation présente?
Le Président (M. Marcil): M. Poisson,
brièvement.
M. Poisson: Disons qu'actuellement ce sont des recenseurs
nommés par le directeur du scrutin du comté qui viennent...
M. Rochefort: Qui viennent vous voir, mais je parle
d'accès direct aux bénéficiaires.
M. Poisson: Nous ne serions pas opposés à ce que
ces gens viennent nous voir et nous disent: Écoutez, est-ce qu'on
pourrait avoir la liste complète de vos bénéficiaires? On
leur sortira alors la liste informatisée qui nous est produite par le
ministère du Travail. Habituellement, c'est cela qu'on leur donne. On
l'expurge des informations confidentielles. Les gens nous disent: Y a t-il de
nouvelles admissions? C'est tout. Ce n'est pas parce que nous leur limitons
l'accès aux bénéficiaires.
M. Rochefort: C'est parce que la loi, actuellement, fait que cela
fonctionne ainsi. Si cela devait être des recenseurs qui allaient sur les
étages ou, par exemple, l'hypothèse du comité de
bénéficiaires, cela vous dirait quoi?
M. Poisson: L'hypothèse du comité de
bénéficiaires comme telle ne me sourit pas tellement parce qu'il
arrive assez souvent que ce ne sont pas nécessairement des personnes de
l'intérieur qui en font partie. Il y a aussi les centres de jour. Les
gens qui sont dans les centres de jour peuvent aussi être membres du
comité de bénéficiaires et, lorsque aucune personne ne
veut y participer, cela peut être des bénévoles de
l'extérieur.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. M. le ministre,
en conclusion.
M. Gratton: M. le Président, dans son mémoire,
l'association se prononce favorablement sur l'opportunité du
déplacement de l'urne à l'intérieur d'un
établissement. Par contre, M. Poisson disait tantôt: L'une des
raisons qui nous fait hésiter ou qui nous fait ne pas privilégier
le vote par procuration, c'est qu'on doit respecter le droit des personnes de
ne pas voter, si c'est là leur volonté et donc de se faire
solliciter pour donner une procuration qui, soit dit en passant, serait
interdite, mais pourrait violer ce droit. D'autre part, M. Girard disait que,
dans certains établissements, on interdit le porte-à-porte parce
que souvent des personnes sont trop gênées pour dire non. La
question que je vous pose c'est: Est-ce que le fait de déplacer l'urne
à l'intérieur d'un établissement avec le scrutateur, le
greffier et les représentants des partis n'est pas tout aussi, sinon
plus, intimidant quant au respect du droit de la personne de ne pas voter?
Là, on s'en va dans sa chambre lui dire, tu as la chance de voter. Il y
a, de même, la gêne que les personnes éprouvent de dire
non.
J'aimerais que vous réagissiez à cela. M. Girard: M.
Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Écoutez, c'est bien
sûr que le gros bon sens préside à ces activités.
Avant de désigner à l'officier scrutateur le nom et l'adresse des
personnes qui devraient être visitées à domicile, entre
guillemets, on s'enquiert évidemment auprès de ces gens s'ils
veulent voter, justement pour éviter d'aller les déranger. S'ils
veulent voter, on s'occupe d'aller chercher leur vote et s'ils ne veulent pas,
on ne dérange personne.
M. Gratton: Est-ce que vous êtes en train de dire, M.
Vaillancourt, qu'on pourrait possiblement permettre le déplacement de
l'urne mais seulement à la demande de l'électeur?
M. Vaillancourt (Jean-Louis): Oui, oui, bien sûr.
M. Gratton: Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup M. Vaillancourt,
M. Girard de même que M. Poisson et M. Laberge de vous êtes
prêtés à cet exercice. Nous vous souhaitons un bon voyage
de retour.
Maintenant, j'appellerais les représentants de la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec à s'avancer et à prendre
place à l'avant.
Mme Francine Picard, présidente, M. Richard Geoffrion, directeur
général, et M. Michel Trottier, secrétaire du conseil
d'administration, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission
parlementaire. Vous êtes, M. Geoffrion?
Confédération des organismes provinciaux
de personnes handicapées du Québec
M. Geoffrion (Richard): C'est cela. Je voudrais peut-être
juste faire une correction au départ, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): C'est bon. Allez.
M. Geoffrion: À ma droite ici... Pour corriger... Mme
France Picard, présidente du conseil d'administration, n'a pu se
présenter aujourd'hui.
Le Président (M. Marcil): Cela va.
M. Geoffrion: C'est Mme Carole Hamel...
Le Président (M. Marcil): Carole?
M. Geoffrion:... Carole Hamel, vice-présidente du conseil
d'administration qui nous accompagne et M. Trottier qui va faire
l'essentiel
de la présentation, aujourd'hui.
Le Président (M. Marcil): Pour M. Trottier, vous aurez
seulement à orienter le micro vers sa figure. C'est cela. Vous avez une
vingtaine de minutes pour faire votre présentation...
M. Geoffrion: C'est cela.
Le Président (M. Marcil):... et on suivra avec une
période de questions.
M. Geoffrion: C'est cela.
Le Président (M. Marcil): Allez-y.
M. Geoffrion: Alors on va laisser la parole à M.
Trottier.
M. Trottier (Michel): Nous sommes heureux de vous livrer nos
commentaires et recommandations concernant une plus grande accessibilité
au droit de vote pour les personnes handicapées. Nous tenons à
souligner que la Confédération des organismes provinciaux de
personnes handicapées du Québec, communément
appelée COPHAN, est un regroupement multidéficiences d'une
trentaine d'associations provinciales et d'une vingtaine d'associations
régionales sans but lucratif vouées à la promotion des
intérêts, à la défense des droits et à
l'amélioration des conditions de vie des personnes
handicapées.
Directement issue de la table de concertation des organismes provinciaux
de promotion des droits et intérêts des personnes
handicapées du Québec en 1982, notre organisme, la COPHAN, a vu
officiellement le jour en octobre 1985. Il est l'aboutissement d'efforts
soutenus de la part de Québécois et Québécoises
ayant une déficience, pour se doter d'un organisme de
représentation collectif. Si le besoin s'est fait sentir chez les
personnes handicapées de posséder leur propre mécanisme de
représentation, c'est que par le passé, on parlait toujours pour
elles. Maintenant, ces personnes ayant une déficience physique,
psychique, intellectuelle, organique ou sensorielle, plus de 486 000 au
Québec, occupent de plus en plus leur place de citoyens et citoyennes de
plein droit. Il est normal et primordial qu'elles parlent par et pour
elles-mêmes.
Nous avons pour objectifs, entre autres, de promouvoir leurs
intérêts et défendre leurs droits, de nous assurer de la
mise en application effective de la politique d'ensemble "À part...
égale!" avant la fin de la décennie des personnes
handicapées en 1992 et de sensibiliser les instances gouvernementales et
décisionnelles, le public et les personnes handicapées.
Ce bref aperçu de notre existence, nous en sommes redevables pour
une part à la reconnaissance de notre pleine participation et
égalité par les Nations unies et je cite: "Ce sont souvent les
personnes handicapées elles-mêmes qui ont entrepris de mieux faire
comprendre le processus de l'égalisation des chances et qui ont
plaidé en faveur de leur intégration dans la vie de la
société. "
Plus près de nous, la politique "À part... égale!"
dit: "Comme tous leurs concitoyens et concitoyennes, les personnes
handicapées doivent avoir accès aux structures de pouvoir selon
leurs aspirations et leur potentiel. On doit donc éliminer les
barrières qui gênent leur participation et leur implication. Cet
objectif doit être atteint dans tous les domaines de participation: vie
politique, économique, culturelle, sociale. "
Notre participation aux auditions au sujet de la réforme de la
Loi électorale est importante car c'est essentiellement par des mesures
politiques, législatives et sociales que l'on assure aux personnes
handicapées le droit de participer à la vie de leur
société.
Nous adhérons au principe de l'égalité des
personnes handicapées et des personnes non handicapées en pensant
que ce principe implique que les besoins de chaque individu sont d'égale
importance. Ces besoins doivent être pris en considération dans la
planification de notre société québécoise et toutes
les ressources doivent être mises en oeuvre pour assurer à tous et
toutes, citoyens et citoyennes, une participation égale.
Il est entendu que les personnes handicapées peuvent jouer leur
rôle dans la société et remplir les obligations qui
incombent aux membres adultes de la collectivité. Cela signifie que les
personnes handicapées ont les mêmes droits que quiconque. Elles
ont les mêmes obligations. Elles ont le devoir de participer à
l'édification de notre société. Par-delà leur
déficience, leur invalidité et leur handicap, tel que
défini par le Programme d'action mondial concernant les personnes
handicapées et mis de l'avant par les Nations unies, nous ne saisissons
pas en ces personnes suffisamment l'être humain. Pour une plus grande
compréhension de tout geste posé à leur égard, nous
devons axer notre attention sur les capacités des personnes
handicapées et non pas sur leurs incapacités.
Compte tenu du fait que la responsabilité finale de
remédier aux conditions qui accentuent leur handicap et de faire front
aux conséquences de leur incapacité vous incombe, nous nous
invitons à prendre en considération nos recommandations
suivantes:
Une personne handicapée a le droit d'adhérer à un
regroupemenet et d'y être active, sans discrimination basée sur
une déficience ou les moyens qu'elle utilise pour compenser ses
limitations fonctionnelles. Ce droit implique celui d'être
acceptée aux assemblées, de pouvoir prendre la parole, quelle que
soit sa façon de s'exprimer. Il implique aussi le droit de voter de
manière adaptée, si nécessaire, qu'il s'agisse d'un vote
secret ou non. On doit donc lui fournir les mêmes outils, textes,
illustrations, etc., dans un média qui lui est accessible afin qu'elle
puisse participer en toute égalité. "
Le droit de vote des malades mentaux. Compte tenu de la primauté
du droit de vote dans une société libre et démocratique,
de la diversité des situations englobées dans la notion
d'incapacité mentale, de la difficulté d'établir des
catégories d'incapables selon leur aptitude ou non à voter, de la
faiblesse de l'impact réel sur le système électoral de
l'obtention du droit de vote par les malades mentaux par rapport à
l'importance morale de la reconnaissance d'un droit fondamental qui ne souffre
aucune discrimination, de l'importance que la Loi électorale ait des
modifications suivant l'esprit des propositions de réforme du Code
civil, de l'importance morale de faire cesser cette discrimination qui est plus
grande que l'influence d'un petit nombre d'erreurs sur le résultat d'un
vote, selon nous, la restriction du droit de vote basée sur
l'incapacité mentale, telle qu'édictée par l'article 54 de
la Loi électorale, doit être levée complètement.
Nous recommandons l'octroi du droit de vote à toutes les
personnes handicapées dont la nature de leur déficience se
qualifie "malade mental" par la suppression pure et simple du paragraphe 4 de
l'article 54. (11 h 15)
Compte tenu que l'exercice du droit démocratique constitue un pas
vers la responsabilisation et l'autonomie de la personne, nous recommandons que
la Loi électorale reconnaisse le principe de l'établissement de
bureaux de dépôt itinérants, de même que de bureaux
de scrutin itinérants ainsi que les critères
généraux les régisssant afin de faciliter l'inscription
sur la liste électorale et le vote des personnes handicapées et
permettre l'établissement de tels bureaux.
Nous appuyons le principe d'accessibilisation du droit de vote pour
plusieurs citoyens et citoyennes restreints à cet égard.
Il y aurait intérêt à ce que ces mesures
s'appliquent non seulement pour les personnes à mobilité
réduite, mais également pour toute personne handicapée,
peu importe la nature de sa déficience et de sa limitation
fonctionnelle.
Par conséquent, pour favoriser le plus large exercice possible du
droit de vote, nous recommandons d'assouplir et de diversifier les conditions
qui régissent la Loi électorale en tenant compte des besoins
particuliers des personnes handicapées.
Nous recommandons que le principe visant à permettre le droit de
vote par procuration pour certaines catégories de votants soit inscrit
dans une démarche qui s'additionne à des mesures
d'accessibilisation plus grandes des lieux de vote et que la personne
mandatée pour exercer le droit de vote par procuration ne l'exerce pas
pour plus de deux individus et ce, dans le but d'éviter qu'un seul
individu s'arroge ce droit fondamental et individuel de façon massive,
ce qui pourrait avoir une influence sur les résultats du vote dans un
milieu donné. Nous tenons à souligner que le vote par procuration
s'effectue à l'intérieur d'une procédure simple et bien
définie.
Nous recommandons que les bureaux de vote soient situés dans un
local spacieux et facile d'accès au public et nous comprenons, par cette
recommandation, que tous les bureaux de dépôt doivent être
munis d'un plain-pied. Nous recommandons également que le bureau des
directeurs et directrices de scrutin soit également un
dépôt facile d'accès aux personnes handicapées et de
prévoir que le personnel électoral puisse déplacer l'urne
pour faciliter le vote d'un électeur ou d'une électrice
handicapé, y compris de l'amener, au besoin, à l'extérieur
du bureau de scrutin, par exemple sur le terrain de stationnement ou sur le
bord de la rue pour permettre à l'électeur ou I'électrice
de voter dans une voiture.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Trottier.
Avez-vous d'autres commentaires à ajouter, M. Geoffrion? Non? Nous
allons donc procéder immédiatement à la période de
questions.
Je vais reconnaître M. le ministre.
Mme la députée de Groulx.
Mme Bleau: Je vous remercie d'avoir accepté de
présenter un mémoire à cette commission. Il est
très clair mais j'aurais quand même quelques questions à
vous poser. Quand la confédération, je l'ai vu par votre
mémoire, favorise l'établissement obligatoire de bureaux de
scrutin dans les établissements de soins psychiatriques comme en
Ontario, comment envisagez-vous que devrait se dérouler l'information
partisane? Croyez-vous que les candidats des différents partis devraient
aller rencontrer les malades à l'hôpital ou s'il y a une autre
manière selon laquelle devrait se dérouler cette partie de
l'élection?
M. Trottier: Je pense que la personne déficiente, qui a
des problèmes de santé mentale, qui fait une démarche pour
pouvoir voter doit avoir des possibilités d'information à
l'intérieur de l'institution lors d'une quelconque soirée
où on permet aux différents partis d'exprimer leur
volonté.
Mme Bleau: Si une soirée était organisée
pour rencontrer les candidats, c'est la manière qui dérangerait
le moins les patients.
M. Trottier: C'est cela, les laissant libres d'y participer ou
non.
Mme Bleau: Bien. Au nombre des critères à
élaborer pour régir l'établissement de bureaux
itinérants, vous dites qu'un bureau itinérant serait une bonne
chose pour les handicapés. Le groupe qui s'est présenté
avant vous nous a parlé seulement des établissements régis
par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Dans les
autres établissements qu'on appelle privés, est-ce que vous voyez
également la
nécessité de donner les mêmes services?
Contrairement à ce qu'on a dit, en tout cas, je connais certains
établissements privés de mon comté où demeurent des
gens avec un peu plus de moyens, mais, quand même, en perte d'autonomie
et qui ne veulent à aucun prix sortir à l'extérieur de
leur établissement. Voyez-vous les mêmes services à
l'intérieur de ces établissements privés que ceux
accordés dans les établissements publics?
M. Trottier: Je pense qu'il faut être plus souple et penser
en fonction de rendre davantage accessible une possibilité de vote
à ces personnes. Si cela a lieu, si on peut rendre la chose possible,
cela pourrait favoriser un grand nombre de personnes.
Mme Bleau: Alors vous favorisez qu'il n'y ait pas de
différence entre les établissements privés qui en auraient
besoin et les établissements publics.
M. Trottier: Ce sont des citoyens comme les autres.
Mme Bleau: Bien. Une autre question. Si le vote itinérant
était introduit, la décision d'en tenir un et l'identification
des endroits visités devraient-elles être à la
discrétion du directeur du scrutin ou, au contraire, est-ce qu'il
devrait être tenu de répondre à toute demande qui serait
faite dans ce sens-là par les établissements ou par les gens?
M. Trottier: Je pense que le directeur du scrutin peut voir les
besoins exprimés, prendre une part de responsabilité et voir dans
quelle mesure il peut y répondre.
Mme Bleau: Mais devrait-il attendre d'en avoir la demande ou
devrait-il plutôt déterminer, parmi tous ces
établissements, lesquels pourraient en avoir besoin ou non?
M. Trottier: II doit au moins s'arranger pour connaître le
groupe de personnes cible, de votants qui vont se présenter. À ce
moment-là, connaissant la clientèle, il verrait les besoins
susceptibles d'être satisfaits.
Mme Bleau: Si j'ai bien lu votre mémoire, vous
n'êtes pas, au départ, contre le vote par procuration.
M. Trottier: Non, on n'est pas contre. Mme Bleau: Au
contraire.
M. Trottier: C'est un dernier recours. Vous savez, c'est toujours
en fonction de rendre les choses accessibles. Il ne faut quand même pas
exagérer. Si, pour certaines personnes, cela correspond à leurs
besoins de voter par procura- tion, à ce moment-là, c'est un
moyen de plus et il ne faut pas le mettre de côté.
Mme Bleau: Mais, dans votre rapport, est-ce que vous voyez ce
vote par procuration réservé seulement aux handicapés
physiques ou mentaux ou est-ce qu'on pourrait l'étendre à toutes
les catégories de personnes qui pourraient en avoir besoin?
M. Trottier: Je pense qu'il devrait être étendu.
C'est sûr qu'à la confédération, on vous parle de la
clientèle des personnes handicapées physiques, intellectuelles ou
psychiques. Mais ce que la confédération veut, c'est que les
personnes handicapées soient traitées sur le même pied que
n'importe quel autre individu, en citoyen. Les besoins qui rejoignent ceux des
personnes handicapées ne sont pas tellement différents de ceux de
l'ensemble de la société. Il se peut fort bien que d'autres
personnes, dans d'autres contextes, aient des besoins similaires et, à
ce moment-là, il s'agit d'y répondre si on veut favoriser une
plus grande participation de la population et la rendre davantage consciente de
ses responsabilités.
Mme Bleau: On parle de bureaux de scrutin ou de bureaux de
dépôt de plain-pied, croyez-vous qu'on devrait apporter d'autres
mesures ou si elles sont suffisantes?
M. Trottier: II y a peut-être un fait qu'on oublie souvent,
c'est toute la question du transport. Par exemple, certaines personnes dont les
mobilités sont réduites, ne peuvent voyager en taxi et on leur
envoie une auto ordinaire pour favoriser leur présence au bureau de
scrutin. À ce moment-là, on devrait favoriser le transport
adapté, le rendre davantage accessible durant cette
journée-là pour donner une chance aux électeurs. Mais le
fait que ce soit de plain-pied améliorerait énormément les
conditions.
Mme Bleau: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Je vais maintenant
reconnaître M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Je voudrais remercier la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec d'avoir profité de l'occasion qu'on
leur a offerte de venir, probablement pas pour la première fois,
exprimer leur point de vue sur des questions qui, je l'ai mentionné
à plusieurs reprises, sont susceptibles de recevoir le meilleur
éclairage possible.
Par un heureux hasard, on se rend compte, et je pense que c'est correct,
que les organismes qui ont des préoccupations communes s'expriment sur
des sujets communs. La plupart des intervenants qui sont venus en commission
parlementaire ont presque toujours touché les clientèles dites un
peu plus en difficulté. D'abord, vous
posez le principe, la question fondamentale du droit de vote pour les
personnes handicapées physiques ou mentales, en particulier mentales,
parce que les handicaps physiques ne posent pas de problème. Je veux
vous signaler que vous réaffirmez avec vigueur, précision,
détermination qu'il y a un problème avec l'article 54,
particulièrement au paragraphe 4 de la loi actuelle, et vous avez
raison.
On peut bien tourner autour du pot, mais nous sommes prêts comme
société, compte tenu des expériences faites ailleurs, de
l'évolution des mentalités dans la population, même si cela
ne va pas, et avec raison, au rythme que vous souhaitez, je pense que les
mentalités ont évolué au point d'arriver à la
conclusion qu'on ne peut pas discourir sur l'intégration et les belles
politiques, etc., si à un moment donné cela ne se traduit pas
comme tout le monde. Pour traduire comme tout le monde que ce n'est pas juste
un discours, je pense que le droit de vote doit être accordé sans
nuance aux handicapés mentaux. C'est ce que vous réclamez avez
raison et, personnellement, je n'ai pas de problème à vivre avec
cela.
Pour ce qui est du... Ma question, mon dada fatigant, c'est le vote par
procuration. Tout en vous respectant énormément, j'étais
surpris de vous entendre répondre, tantôt, à la question
posée par la députée de Groulx: Oui, nous, nous sommes
pour cela parce que notre objectif est de rendre les choses plus favorables,
plus faciles. Vous le dites sans mesurer la signification d'octroyer aux
personnes âgées affligées d'un lourd handicap sur le plan
mental, ce genre de tractations, ce genre de situation que peut créer le
vote par procuration alors qu'on a toute une autre série d'alternatives:
déplacement de l'urne, possibilité de multiplier les jours de
vote par anticipation pour faciliter cet exercice. Quant au vote par
procuration, compte tenu des dangers de manipulation très grands,
personne ne m'a convaincu jusqu'à maintenant qu'il n'y a pas lieu de
retenir toutes les autres hypothèses avant de l'envisager.
Ma première question est la suivante: Vous, qui
représentez une série d'organismes provinciaux regroupant des
personnes handicapées, quelle est votre réflexion - je ne veux
pas savoir si vous êtes pour ou contre, vous l'avez exprimé dans
votre mémoire - sur les dangers particuliers que représente le
vote par procuration, en particulier dans les institutions où il y a une
forte concentration de personnes lourdement handicapées?
Mme Hamel (Carole): Au point de départ, de toute
façon, il faut nuancer l'assertion voulant que la COPHAN, la
Conféfération des organismes provinciaux, donne un appui
inconditionnel au vote par procuration. C'est déjà un peu
nuancé dans le mémoire lorsqu'on dit que cette mesure s'ajoute
à différentes mesures dont le vote par anticipation, les mesures
d'accessibilité et de mobilité des urnes. Je pense qu'il s'ajoute
à une série. On pense, fondamentalement, que ce principe peut
être acceptable. Malheureusement, on n'a pas élaboré sur
tous les dangers qui sont réels, parce qu'il ne faut pas oublier que le
droit de voter, le droit d'exercer son choix politique est un droit fondamental
de l'individu, un droit qui doit s'exercer d'une façon personnelle.
Donc, pour aliéner en partie en confiant cette mission à une
autre personne, il faut avoir vraiment confiance. (11 h 30)
Notre réflexion s'est vraiment articulée, d'abord, sur la
mise en exercice de toutes les mesures pour "accessibiliser" le vote. Cela veut
dire, comme le disait notre confrère, l'accessibilité au
transport. Si on pense qu'une journée de vote, c'est très
limité dans le temps, si on pense à toutes les difficultés
que les personnes handicapées ou les personnes qui ont des
problèmes de mobilité peuvent affronter, c'est important
"d'accessibiliser" le transport, les lieux où elles votent. On peut,
également, à cause de ces problèmes, jouer avec toute
l'action du temps en visant le vote par anticipation justement et, en
dernière mesure, avec le vote par procuration.
On n'est pas contre le principe, mais c'est une mesure qui s'ajoute aux
autres mesures qui, pour nous, apparaissent prioritaires.
M. Gendron: Cela va. Tantôt, l'Association des centres
d'accueil préconisait d'envisager la possibilité d'avoir une
journée plus particulièrement réservée pour toutes
les personnes - pas juste les personnes âgées - présentant
des problèmes quelconques, que ce soit des problèmes
d'accessibilité physique ou autre, des problèmes de
mobilité, de handicap et ainsi de suite. Comment cela vous sourit-il?
Est-ce que vous êtes favorable à cela? Envisagez-vous cela?
Mme Hamel: Je pense que cela peut être une mesure
intéressante à analyser. Par contre, il faut vérifier...
Quand on pense à réserver une journée comme telle, cela
peut porter préjudice, par exemple, à la confidentialité
dans le sens où il y aura peut-être moins d'électeurs qui
seront sur la route cette journée-là. Donc, il y a des mesures
à prendre pour préserver cette confidentialité et ce
grappin partisan qui pourrait s'établir à l'égard de ces
personnes.
M. Gendron: Mais pourquoi dites-vous cela rapidement. Je saisis
très bien.
Mme Hamel: Oui.
M. Gendron: J'entends ce que vous dites. Je ne comprends pas la
difficulté. À partir du moment où c'est juste une
journée, tout reste là, il n'y a pas de divulgation quelconque,
d'aucune façon.
Mme Hamel: C'est une variante du vote par anticipation.
M. Gendron: Oui? Mme Hamel: Oui.
M. Gendron: Est-ce que vous prétendez que, pour ce qui est
du vote par anticipation, on n'a pas de bonnes idées sur la façon
dont cela se passe?
Mme Hamel: Notre organisme ne s'est pas vraiment penché
sur l'alternative présentée par l'Association des centres
d'accueil. Cette suggestion pourrait éventuellement être
analysée, repensée et discutée entre nous pour voir si
cette mesure-là ne discrimine pas ou ne "ghet-toïse" pas les
groupes, les personnes que nous représentons.
M. Gendron: M. Trottier, j'aimerais vous entendre, si c'est
possible, sur le vécu bien concret, les difficultés
réelles et quantifiables rencontrées dans les buraux de scrutin
en ce qui a trait à l'accessibilité physique. C'est grave, c'est
peu, beaucoup, passionnément... Y a-t-il une espèce d'ordre de
grandeur? Pour nous, c'est difficile. Le DGE fait bien son possible, il donne
des statistiques, nous, nous regardons un peu comment cela se passe dans nos
circonscriptions, mais nous n'avons pas la vision d'un organisme comme le
vôtre.
Votre organisme devrait être en mesure de nous indiquer
là-dessus qu'on ne l'a pas du tout. C'est cela que je veux savoir.
Est-ce qu'on l'a un peu, est-ce qu'on ne l'a pas du tout, est-on encore loin de
ce que vous souhaitez comme accessibiité réelle? Encore
là, on ne veut pas seulement avoir des discours, il faut avoir des
informations pertinentes pour apporter les correctifs qu'il y a lieu
d'apporter.
M. Trottier: Disons que le problème... Autrefois,
j'étais en institution. À ce moment-là, c'était
assez facile d'avoir accès aux bureaux de scrutin. Mais il faut penser
qu'avec la désinstitu-tionnalisation, on vit de plus en plus un
éparpillement. À ce moment-là, ce sont réellement
les questions de transport qui deviennent difficiles et le fait d'être
sensibilisé davantage à l'importance pour tout citoyen de
s'assurer de cette responsabilité d'aller voter.
Il faut penser également, en ce qui concerne les personnes
handicapées, à toute la formation d'intégration sociale
qu'elles ont à vivre. C'est récent. Les personnes
handicapées n'ont pas nécessairement eu la chance d'être
suffisamment stimulées à la participation sociale. C'est nouveau.
Les personnes qui s'impliquent font des démarches pour obtenir
l'information suffisante pour pouvoir prendre des décisions.
M. Gendron: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Puisqu'il n'y a
pas d'autres questions, nous vous remercions de vous être
déplacés pour assister à cette commission parlementaire.
Naturellement, les points que vous soulevez dans votre mémoire ont
été soulevés par d'autres regroupements. Par contre, il
est important pour nous de vous entendre répondre de vive voix à
certaines questions. Cela nous éclaire davantage et nous permettra de
nous ajuster en fonction de nos besoins particuliers. Merci beaucoup, Mme
Hamel, M. Geoffrion, M. Trottier et bon voyage de retour!
Mme Hamel: C'est nous qui vous remercions.
Le Président (M. Marcil): Cela va. J'inviterais à
ce moment-ci le Parti des travailleurs du Québec à prendre place
dès que les sièges seront libres.
Nous allons poursuivre. M. Lachance.
Parti des travailleurs du Québec
M. Lachance (Gérard): Un instant, je vais me placer
vis-à-vis d'un micro. Gérard Lachance, chef du Parti des
travailleurs du Québec.
Le Président (M. Marcil): Nous vous donnons le temps de
présenter votre mémoire. Ce sera suivi d'une période de
questions. Allez-y.
M. Lachance: Merci. Bonjour. Le Parti des travailleurs du
Québec, dont je suis l'un des fondateurs, a été
fondé le 26 avril 1974. Il a tenu son premier congrès les 14 et
15 février 1975, y a adopté ses statuts et règlements, le
manifeste et les 24 points devant servir de base à l'élaboration
d'un programme.
Dès 1976, lors de l'élection générale, le
Parti présente douze candidats et, avec un fonds électoral de
1500 $, récolte 1249 votes. Par la suite, nous avons participé
à plusieurs élections partielles et à l'élection
générale de 1981. Nous avons été
"désautorisé" lors de l'élection générale de
1985, notre dixième candidat n'ayant pu déposer sa candidature
à temps, parce qu'il n'y avait plus de formule au bureau de scrutin
où il devait la déposer. Nos neuf autres candidats sont donc
devenus des candidats indépendants, sans l'appellation. C'est ainsi que
le parti n'a pu participer à cette élection.
Comme parti, nous nous retrouvions à la case zéro jusqu'au
mois de décembre 1986, où nous avons demandé une nouvelle
autorisation. Nous nous sommes alors posé la question sur les
possibilités, pour des gens ordinaires, de pouvoir s'organiser
politiquement dans notre système bipartite alors que les lois qui
régissent les partis politiques et le mode de scrutin ont
été élaborées par et pour les deux grands
partis.
Depuis 1867, le Québec a toujours vécu dans le bipartisme,
régime électoral qui se rattache à l'esprit sportif du
peuple britannique et qui le porte à considérer les luttes
politiques comme un match entre équipes rivales, comme le dit
Salvador de Madariaga, cité par Maurice Duver-ger dans son livre
Les partis politiques, publié chez Point, Paris, 1981.
Pour terminer cette présentation, nous aimerions citer
Paul-André Comeau qui, dans un éditorial du Devoir, le
jeudi 14 novembre 1985, écrivait: "Le même vieux modèle
impose encore ses séductions toutes britanniques, dès que se
profile l'ombre du pouvoir gouvernemental. Il est ironique de voir les
dirigeants des deux principales formations se féliciter du pluralisme
qui caractérise désormais la société
québécoise. Il est tout aussi ironique de voir ces mêmes
leaders, une fois devenus législateurs, oublier ce thème du
pluralisme. Un régime électoral qui, par sa mécanique,
réduit le jeu et le débat partisans à deux
possibilités, ne reflète pas ce pluralisme social. C'est se
gargariser de mots, c'est se raccrocher à une conception typiquement
britannique du jeu électoral. Parvenus au pouvoir ou sur le point d'y
accéder, nos hommes politiques succomberaient-ils tous à une
forme d'acculturation politique qu'explique un siècle et demi de
gouvernement responsable vécu à l'anglaise? Ni la
démocratie ni les hommes politiques n'ont gagné à
perpétuer un état de fait qui nie l'expression, au niveau
parlementaire, du pluralisme social. " Actuellement, le Parti des travailleurs
du Québec compte une cinquantaine de membres actifs et environ 3500
sympathisants répartis dans la région montréalaise, dans
l'Outaouais et dans les Laurentides.
Le vote des Québécois hors Québec. Nous sommes
d'accord que le droit de vote aux Québécois hors Québec
soit accordé à la demande expresse des personnes
intéressées à participer à la vie politique du
Québec, quelles que soient la raison et la durée de leur
absence.
Les Québécois vivant dans d'autres provinces pourraient
s'inscrire directement sur une liste au bureau du DGE qui, lors
d'élections générales, pourrait fournir à ces
personnes une certaine documentation sur les partis autorisés et sur
leurs candidats. Cette documentation pourrait alors apparaître comme une
dépense électorale pour les partis et être
comptabilisée à partir du nombre d'inscrits sur la liste du
DGE.
Pour les Québécois à l'étranger, la
même procédure pourrait être envisagée après
entente avec le gouvernement fédéral pour l'utilisation soit des
ambassades, soit des consulats. Le vote de ces Québécois pourrait
être ajouté à ceux de la circonscription électorale
de leur dernière adresse postale au Québec.
Vote des étudiants et travailleurs temporaires. Pour nous, ce
n'est pas l'application de l'article 60 qui pose un problème de fond
quant aux conséquences de son application sur la
représentativité et la légitimité du
représentant élu d'une circonscription, mais bien le mode de
scrutin qui fait que gagner des élections, c'est gagner des
sièges et non gagner une majorité populaire. Cela crée des
distorsions et une situation où un élu gagne son siège par
un vote minoritaire. Voir le document du ministre d'État à la
réforme électorale, 1982.
De plus, il faut tenir compte d'une autre réalité. Les
étudiants et les travailleurs temporaires ne sont pas plus temporaires
que les centaines de milliers de gens qui déménagent tous les
ans, entre deux élections générales et qui, pour choisir
leur nouveau domicile, ne tiennent aucunement compte du représentant
élu de leur nouvelle circonscription, parce qu'ils ne l'ont pas
élu. Ceci s'applique davantage pour les circonscriptions urbaines et le
Québec est plus urbain que rural. Nous oserions même avancer que
l'implication politique est plus motivée par des thèmes comme la
santé, l'éducation, l'emploi, la question nationale etc. que par
l'élu.
Nous croyons que les étudiants et les travailleurs temporaires
devraient avoir le choix de voter au lieu temporaire ou au lieu du domicile et,
dans ce dernier cas, de pouvoir se prévaloir du vote par
procuration.
Déclaration de candidature. Tout en nous référant
au document de réflexion et de consultation sur la révision de la
Loi électorale, nous aimerions faire des commentaires sur la cueillette
des signatures et sur les dépenses des candidats à partir de
notre propre expérience.
Tout candidat membre d'une des formations principales peut obtenir ses
signatures lors d'une assemblée d'investiture et le tour est
joué. En ce qui nous concerne, comme nos membres et sympathisants sont
éparpillés, nous allons de porte en porte pour recueillir les
signatures d'appui à la candidature et nous trouvons cette pratique
très démocratique car nous nous adressons directement aux
électeurs et nous prenons soin de nous assurer que les personnes qui
signent ont la qualité d'électeurs. (11 h 45)
En ce qui nous concerne, la cueillette de 60 signatures nous semble
suffisante. A cause de candidatures farfelues, doit-on rendre la vie encore
plus difficile aux tiers partis qui, entre deux élections
générales, maintiennent un siège social, ont des
activités régulières et s'impliquent dans la vie politique
du Québec? Nous nous opposons fermement à la
réintroduction d'un dépôt en argent, car il
n'empêchera pas les candidatures farfelues mais empêchera celles
des gens ordinaires qui ne pourront pas se payer ce luxe, même si le
dépôt est remboursable après l'élection. Il en est
de même pour les partis dont les membres sont des petites gens et des
laissés pour compte ainsi que pour les candidats. La politique
redeviendrait une activité pour les gens des classes aisées.
Les dépenses des candidats. Il est arrivé, au PTQ, que les
fonds du parti aient servi à défrayer les dépenses des
candidats, car ces derniers étaient ou chômeurs ou assistés
sociaux ou petits salariés. N'ayant rien dépensé parce
qu'ils n'avaient rien, ils n'ont pu faire autrement que de déclarer
qu'ils n'avaient rien dépensé. Déjà exclus de par
leur situation économique,
doit-on les exclure de l'activité politique s'ils veulent
s'impliquer et défendre leurs intérêts? Au PTQ, nous
croyons que les dépenses électorales des candidats pauvres
doivent être faites par le parti car ils se présentent pour le
parti. Pour cette section de la Loi électorale, nous favorisons le statu
quo.
Vote par procuration. Nous soutenons que les désavantages du vote
par procuration sont minimes par rapport à l'exercice du droit de vote
dont pourraient se prévaloir plusieurs milliers de personnes qui, pour
une raison ou une autre, ne peuvent se rendre au bureau de scrutin le jour du
vote. Nous appuyons l'introduction du vote par procuration. Nous croyons
même que plutôt que d'être une source de fraude, il
freinerait certaines pratiques qui entachent encore notre système
électoral.
Vote de l'électeur non inscrit. Quelles que soient les raisons
pour lesquelles des électeurs ne se sont pas inscrits sur la liste
électorale, tout devrait être mis en oeuvre pour qu'ils puissent
s'inscrire et exercer leur droit de vote. Nous appuyons la solution suivante:
l'inscription en tout temps au bureau du directeur du scrutin jusqu'à
trois jours avant le jour du scrutin et l'émission d'un certificat
d'autorisation à l'endroit de l'électeur.
Autorisation d'un parti politique. Le PTQ est l'un des douze partis
politiques qui s'est vu retirer son autorisation lors de la dernière
élection générale pour la raison déjà
évoquée. Il est normal pour les membres de la classe politique
venant de l'élite d'ignorer ce que représente pour les gens des
classes inférieures de s'organiser politiquement. Moi, je ne vote plus.
C'est une phrase que nous avons entendue souvent lors du porte à porte
dans les milieux populaires et ce, à tel point que nous avons
décidé de faire une campagne d'inscription sur les listes
électorales dans ces milieux et cela, même avant les prochaines
élections. Que l'on parle de reserrer les exigences pour qu'un parti
soit autorisé ou autorisé de nouveau à chaque
élection générale et l'on fera taire beaucoup de gens en
les éloignant des voies légales et démocratiques.
À la lecture de la documentation, on a l'impression qu'un parti
politique, pour être sérieux, devra être capable de
déposer une certaine somme d'argent auprès d'une institution
gouvernementale, devra aller chercher des milliers de signatures et
présenter un grand nombre de candidats lors de l'élection
générale et tout cela avant même de se faire
connaître, d'avoir fait connaître son programme et son
idéologie. Ceci fait totalement abstraction de la conception
différente que peuvent avoir des gens concernant un parti politique et
l'action politique. Le mot "sérieux", dans ce contexte, semble vouloir
signifier: riche, nombreux et avoir déjà une bonne machine. Le
reflet des deux principales formations devient ainsi un modèle et tout
cela au nom d'une plus grande pratique démocratique. Nous sommes pour le
maintien du statu quo et pour la remise entre les mains de l'électorat
de la crédibilité électorale.
Statut du candidat officiel à la suite du retrait d'autorisation.
Ayant eu à vivre cette situation lors de la dernière
élection générale, nous suggérons que dans un tel
cas, le candidat, à moins qu'il ne retire sa candidature, devienne
automatiquement un candidat autorisé.
Financement des partis politiques par l'État. Depuis quelque
temps, il est reconnu par plusieurs commentateurs politiques, analystes et
même par des législateurs que les tiers partis sont les parents
pauvres de la politique au Québec et, de ce fait, se retrouvent dans un
cercle vicieux: pas d'argent, pas de vote, pas de vote, pas d'argent. Et, comme
l'a si bien dit un ancien premier ministre du Québec: "On ne va pas
chercher des votes avec des prières".
Nous nous retrouvons donc dans une situation où il y a deux
partis riches qui se partagent toutes les allocations gouvernementales et il y
a les autres, qui ont peu et qui ne reçoivent rien. Pour être
très britannique, la ligne de départ des coureurs n'est pas la
même pour tous lors du déclenchement d'une élection. Un
parti politique est souvent à l'image de ses membres et de ses
sympathisants. Lorsque ces derniers appartiennent aux couches
défavorisées, le parti l'est. Pour vérifier la
véracité de cet énoncé, il n'y a qu'à
consulter les listes d'électeurs qui ont donné 100 $ et plus,
publiées dans le rapport du DGE sur les états financiers des
partis.
Maintenir un bureau, l'éclairer, le chauffer, payer les taxes
représentent souvent plus de 80 % des recettes, ce qui laisse peu pour
l'action politique proprement dite. Les tiers partis n'ont même pas droit
à des documents comme les projets de loi et la Gazette officielle du
Québec. Ils doivent les acheter ou aller les consulter dans les
bibliothèques, car les partis ne peuvent se payer le luxe de s'abonner.
Comment, dans cette situation, diffuser un programme, organiser des
activités politiques et participer à la vie politique comme
parti?
À cette aisance des deux grandes formations, il faut ajouter leur
présence massive dans les médias tant écrits
qu'électroniques et la comparer à l'absence presque totale de
couverture des prises de position ou des activités des tiers partis.
Nous nous fatiguons à payer des communiqués de presse qui restent
lettre morte. Nous n'avons jamais oublié cette remarque d'un cadre d'un
grand quotidien de Montréal: "Posez des bombes et on vous donnera la
première page. " Comme vous pouvez le remarquer, le Parti des
travailleurs du Québec n'a pas encore eu la première page d'aucun
quotidien. Ce ne sont pas des conditions matérielles qui favorisent le
pluralisme et son expression au niveau parlementaire. La démocratie n'y
gagne pas.
Nous suggérons donc qu'une allocation minimale soit
accordée aux partis autorisés ayant un bureau et des
activités permanentes plus une
allocation par vote obtenu lors d'une élection
générale.
Divulgation des contributions. En ce qui nous concerne: 1° quant
à la nature des informations divulguées, la loi peut rester telle
qu'elle est; 2° quant à la forme de la divulgation des informations,
la loi peut imposer que la liste des donateurs soit alphabétique
à l'échelle de l'ensemble du Québec; 3° quant au
montant à partir duquel la divulgation est imposée, la loi peut
être maintenue telle quelle, soit à partir de plus de 100 $.
Intervention des tiers en période électorale. C'est un
sujet de fond et un problème de société. L'État
contrôle les dépenses électorales des partis politiques
tout en interdisant à tout autre individu ou groupe le droit de
dépenser pour exprimer une opinion ou diffuser de l'information, pour
intervenir dans une campagne électorale, ce qui a pour effet de brimer
la liberté d'expression. Mais, en même temps, la liberté
d'expression est directement liée à la capacité
financière soit des individus, soit des groupes qui voudraient
intervenir, car il est de plus en plus difficile de s'exprimer sans
dépenser si l'on veut que le propos atteigne véritablement le
public.
Pour illustrer cette situation, comparons la capacité
d'intervention du Conseil du patronat à celle d'un groupe de jeunes
assistés sociaux entre 18 et 30 ans. Pour le moment, nous favorisons
l'approche suivante: modifier la définition des dépenses
électorales pour exclure les frais engagés par des personnes ou
des groupes sans caractère politique partisan pour faire connaître
leur opinion ou pour informer, à condition que cet acte ne soit pas le
résultat d'une entente avec un candidat ou un parti, tout en fixant un
maximum pour de tels frais et trouver un moyen pour que les moins nantis
puissent, eux aussi, exercer leur droit d'expression.
Temps d'antenne gratuit et débat des chefs. Nous nous retrouvons,
encore ici, avec un problème qui découle de notre système
électoral et de notre mode de scrutin qui favorisent deux formations
politiques, ainsi que d'une certaine conception de la politique. On ne peut
parler d'égalité des chances entre partis et candidats et de
répartition équitable qualitativement et quantitativement quand
la loi ne favorise que les deux partis présents à
l'Assemblée nationale. La politique est une certaine forme de
pédagogie et il est impossible de faire de la pédagogie en
quelques minutes. L'apothéose des images implique l'évacuation
des idées. Un débat des chefs est un événement
sportif, genre Canadien contre Nordiques, avec chacun ses partisans marquant
les bons points.
Toutes les législations en vigueur tendent seulement à
limiter le poids de l'argent, du marketing et de la publicité dans la
démocratie électorale comme si celle-ci était
condamnée à rester sur la défensive, reconnaissant
implicite- ment que la politique est bien une marchandise de plus à
consommer, la promotion des ventes électorales, un spectacle à
financer dont il faut tempérer les excès!" Christian de Brie,
Monde diplomatique, avril 1988.
Une solution pourrait être retenue: Permettre un débat
entre les chefs des partis présents à l'Assemblée
nationale et permettre un autre débat avec l'ancien premier ministre et
les chefs des partis d'opposition non représentés à
l'Assemblée nationale. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Lachance.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. En tout premier lieu,
M. Lachance, j'aimerais vous féliciter sincèrement pour la
qualité, la clarté et la précision de votre
mémoire. Compte tenu des moyens dont votre parti dispose, c'est vraiment
quelque chose d'impressionnant et c'est tout à votre honneur. Cela fait
trois jours qu'on est ici et je peux vous assurer que vous avez fait un travail
de clarté et de précision qu'on ne voit pas souvent. Je pense que
cela démontre le sérieux de votre intervention. Votre
mémoire est tellement précis sur certains points que cela va
peut-être, je pense, éviter des questions très longues et
des débats très orageux.
Vous avez soulevé des points qui ont été aussi
soulevés par un autre parti politique, le Parti indépendantiste
entre autres, concernant l'information gouvernementale, que ce soit les
avant-projets de loi, les projets de loi, les rapports de
sociétés d'État, bref, tout ce qui sort du gouvernement,
et Dieu sait s'il en sort beaucoup. Je pense que, là aussi, notre
société se doit d'informer tous ses citoyens, tous ses
regroupements de citoyens, ses partis. Je n'aime pas beaucoup les mots "tiers
partis", parce qu'on n'a pas le droit, je pense, de qualifier les citoyens de
tiers. On est tous égaux au Québec, à mon avis. Appelons
cela de petits partis politiques, dans le bon sens du mot. Je pense que vous
avez droit à de l'information. En tout cas, c'est une question qu'on
s'est posée au cours de la commission et c'est une question à
laquelle on devra répondre.
Vous avez également souligné un autre point important,
celui de faire la première page. Je souhaite qu'on trouve un moyen pour
que vous la fassiez sans appliquer la phrase célèbre du cadre du
journal. Ce n'est quand même pas la meilleure façon.
Vous avez soulevé un autre point - cela m'intrigue parce que
beaucoup de partis en ont parlé, on en a même parlé chez
nous - quant à la forme de divulgation des informations qu'on peut
imposer et quant à la liste aphalbétique des donateurs à
l'échelle du Québec. On sait que c'est un sujet qui a fait
l'objet de litige. Certains partis voudraient que ce soit fait de
façon alphabétique et dans l'ensemble du Québec,
d'autres par région, d'autres par comté, et ainsi de suite.
Pouvez-vous préciser un peu là-dessus? Ce sera ma seule question
parce que le reste est très clair. (12 heures)
M. Lachance: Disons que je suis parti de notre propre situation
pour prendre cette position. À cause du nombre de membres que nous
avons, nous aurions parfois à faire une liste pour un seul nom dans une
circonscription et une autre liste de quatre ou cinq noms dans une autre, etc.
Donc, cela ajouterait. Si on fait une liste par ordre alphabétique pour
la totalité de ce que nous avons, je trouve que cela facilite et le
travail du parti et le travail de consultation pour les gens de
l'extérieur. C'est pour cela que je l'ai mise comme cela.
M. Maltais: Un dernier petit point concernant le vote par
procuration. Vous semblez donner votre accord total au vote par procuration et
vous ne voyez pas là une façon de manipuler. Au contraire, vous y
voyez une plus grande expression de la voie démocratique. Pouvez-vous
nous donner un peu plus d'explications là-dessus?
M. Lachance: J'ai connu le vote par procuration ayant vécu
en Europe pendant plus de neuf ans. J'ai vu la pratique du vote par procuration
et, d'après ce que j'ai vécu à l'époque, j'y ai
trouvé un avantage parce que cela donnait la chance à beaucoup
plus de gens de voter.
Quant à la question de manipulation qui a été
soulevée tout à l'heure par le groupe qui nous a
précédés, je crois que, comme le vote par procuration
s'adresse d'un individu à un autre, c'est pour cela que nous mettons -
je ne sais pas si je l'ai mentionné - le vote par procuration pour une
personne seulement.
Donc, le risque de manipulation n'existe pas lorsque c'est une personne.
Personnellement, si je connais très bien une personne et que je lui dis:
Voici mon vote pour tel candidat, tel parti, etc., cela ne diminue pas mon
droit et cela me permet de participer si physiquement ou autrement, je suis
incapable de me présenter dans un bureau de scrutin.
M. Maltais: Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Pelchat): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Rapidement, je voudrais/ vous remercier, M. Lachance,
pour la qualité de votre mémoire. Considérant l'absence de
moyens dont disposent les tiers partis comme vous le dites, vous avez quand
même produit un mémoire très bien rédigé,
très bien écrit, clair, rafraîchissant à certains
égards. C'est peut-être le premier, depuis un certain moment,
où il y a passablement d'éléments à
caractère plus philosophique. On pourrait discourir pendant quelques
minutes, parce que vous portez des jugements sur plusieurs choses. Je ne vous
en fais pas reproche, au contraire. En plusieurs endroits vous portez des
jugements. On devrait avoir plus de temps pour discuter sur votre perception
des choses.
On pourrait s'amuser aussi un peu à certains endroits, mais
uniquement dans le bon sens, pour se dérider. Quand vous parlez du
débat des chefs, c'est un peu un événement sportif
Canadien-Nordiques. Certaines élections, dans un contexte bipartite,
ressemblent à cela aussi, sauf qu'en ce qui concerne les partielles, je
trouve que les Nordiques ne gagnent pas souvent. Donc, ce n'est pas tout
à fait cela. Il y a d'autres éléments. On peut
sûrement qualifier les libéraux de Canadiens compte tenu de leur
lien fédéral.
Au-delà de cela, M. Lachance, vous avez quand même
touché des sujets qui nous préoccupent et sur lesquels le
législateur se doit de progresser, encore là pour s'assurer que
la démocratie puisse véritablement avoir des outils et des moyens
de sortir du phénomène du bipartisme au Québec. Dans la
société, il n'y a sûrement pas juste des tendances
bipartisanes et, dans ce sens-là, vous suggérez entre autres, et
c'est même un peu étonnant que le législateur n'y ait pas
déjà pensé, que les partis dûment enregistrés
aient à tout le moins des informations à caractère
d'État. Vous l'avez évoqué et trois ou quatre groupes
l'ont évoqué aussi. En ce qui me concerne je suis pas mal
sûr que c'est réglé. Le législateur conviendra que
les documents formels comme les projets de loi, les dispositions qui figurent
à la Gazette officielle, les arrêtés en conseil, les
règlements qui doivent lancer votre action politique au plan de la
critique ou de l'appréciation, vous soient au moins fournis. C'est une
heureuse remarque. Il y en a d'autres mais je ne les relèverai pas
toutes. Je vais aller aux quelques questions que j'aimerais vous poser.
Ma première question concerne les étudiants et les
travailleurs temporaires. Autant je crois votre mémoire passablement
clair, autant, là-dessus je trouve que vous n'avez pas très
clairement exprimé votre position. Vous avez plutôt porté
le jugement, à savoir que les étudiants ne sont pas plus
temporaires que d'autres catégories de travailleurs, mais cela ne nous
dit pas exactement comment vous voudriez que soit comptabilisé
l'exercice de leur droit de vote. Supposons que je sois étudiant dans la
circonscription d'Abitibi-Ouest, mais que j'aille au collège de
Rouyn-Noranda; c'est une situation pratique. La question que je vous pose est
la suivante: est-ce que vous pensez que ces étudiants doivent
effectivement voter davantage dans la circonscription où ils demeurent
peut-être deux, trois ou quatre ans comme étudiants plutôt
que dans celle de leur domicile? Est-ce que vous voulez que ce choix soit
complètement libre, que ce soit l'étudiant qui décide
d'être
inscrit ou non sur la liste électorale de la circonscription
d'où il provient ou qu'il ait la capacité, parce qu'on ne peut
être inscrit dans deux circonscriptions, en tout cas autant que possible,
de ne pas voter là où il étudie? Quel est le
véritable choix que vous suggérez d'inscrire dans la Loi
électorale?
M. Lachance: L'étudiant aurait le choix de s'inscrire ou
non là où il étudie lorsqu'il y a le décret
d'élections générales. Il pourrait voter par procuration
dans sa circonscription ou y aller le jour du scrutin, mais c'est lui qui
déciderait. C'est l'étudiant qui déciderait si, oui ou
non, il va voter dans la circonscription où il étudie ou dans
celle où il demeure.
Il arrive souvent... Par exemple, à Montréal, beaucoup
d'étudiants viennent de l'extérieur et y passent presque onze
mois par année, parce qu'ils y restent pour travailler entre les
sessions. Ils deviennent presque aussi permanents que ceux qui y demeurent. Si
je parle des déménagements, c'est justement parce qu'il y en a
tellement au Québec que l'étudiant n'est pas plus temporaire que
celui qui déménage presque à tous les ans et qui se trouve
à changer de comté.
Donc, il me semble que l'étudiant ou le travailleur temporaire
devrait avoir le choix, mais c'est sûr qu'il doit s'inscrire à un
endroit ou à un autre. C'est très clair. Si sa mère lui
téléphone et lui dit: Je t'ai fait inscrire sur la liste, c'est
à lui de décider s'il reste inscrit sur cette liste-là ou
s'il lui dit: Non, lors de la révision, fais-moi biffer et je m'inscris
dans la circonscription où je demeure dix ou onze mois par année.
Il peut y avoir une implication politique de la part de l'étudiant dans
le comté où il étudie et il ira chez lui probablement
trois semaines ou un mois par année.
M. Gendron: Une deuxième question concerne le
dépôt. Vous êtes assez catégorique sur le fait
qu'exiger un dépôt pour les candidatures empêchera les gens
ordinaires qui ne pourront pas payer. Pour le bénéfice de tout le
monde, je veux juste rappeler que, dans presque toutes les provinces du Canada,
il y a l'exigence d'un dépôt. Malheureusement, la plupart le
relient à un pourcentage de vote quelconque pour avoir la
possibilité d'être remboursé. Ce qu'il y a de nouveau dans
la suggestion qu'on fait, c'est qu'il n'y a pas ce lien-là et c'est
là que je diffère d'opinion avec vous. Je prétends qu'il
est très gratuit d'affirmer qu'un dépôt, quand on sait
qu'on a la garantie formelle qu'on sera remboursé, n'est qu'une
formalité de contrôle pour s'assurer que quels que soient les
candidats qui se présentent à quelque élection que ce soit
et pour quelque parti politique que ce soit, on soit en mesure de s'assurer a
tout le moins qu'il y a une espèce de lien organique qui oblige, pour
toucher le dépôt exigé, un rapport au DGE pour fins de
statistiques. Je pense que c'est normal, si on veut corriger des choses,
d'avoir le portrait le plus exact possible de ce qui se passe, à savoir
combien il y a eu de candidats indépendants, de tiers partis, ainsi de
suite et ce n'est que ça.
Je veux juste vous dire que vous auriez raison si c'était comme
la plupart des autres provinces. Si vous avez eu 50 % des votes du candidat
élu, comme en Alberta, c'est 100 $ et vous êtes remboursé,
ailleurs, c'est 15 % des votes valides, d'autres c'est 10 %... Au
Québec, nous, dans notre réflexion en comité, nous nous
sommes dit: II serait peut-être intéressant de réinstaurer
cela, uniquement pour avoir la garantie que la personne qui veut le
remboursement produise son rapport au DGE. Cela n'a pas de
référence au vote. En 1988... moi, je ne vis pas dans un
comté bien riche. Cela m'étonnerait... On sait que pour toutes
sortes de raisons - un trois roues dangereux, un "seadoo" ou n'importe quelle
bebelle - il y a un paquet de gens, c'est drôle, qui trouvent la
capacité, même s'ils ne l'ont pas, d'aller chercher un emprunt de
250 $ ou de 300 $. Moi, je prétends que pour la valeur du geste
démocratique d'être candidat à une élection du
Québec il faut avoir une petite exigence surtout quand on rembourse. On
lui dit: Tu as juste à faire ton rapport et on te rembourse. Je voulais
juste savoir si vous étiez au courant que dans le rapport on ne
maintenait pas de lien entre le dépôt et un pourcentage de
votes?
M. Lachance: Oui, oui, je l'avais remarqué, mais comme je
vous le disais, nous partons de notre propre expérience. Je me souviens
qu'en 1976, on devait déposer 200 $ à cette époque.
M. Gendron: Oui.
M. Lachance: On avait 18 candidats de prévus pour notre
première fois, nous, en 1976 et nous avons été
obligés de descendre à 12 parce qu'on ne pouvait pas trouver les
200 $ pour les autres. Une fois que les 200 $ ont été
payés, nous nous sommes ramassés avec très peu pour le
reste de l'élection générale. C'est pour cela que je
disais que dès qu'on est obligé de faire un dépôt,
cela nous enlève des possibilités, surtout dans la situation
où nous sommes.
M. Gendron: Oui, mais c'est aussi la situation qui existait
à ce moment-là. C'est cela que je voulais savoir.
M. Lachance: Aussi, oui.
M. Gendron: D'accord. Sur le vote par procuration, j'aimerais que
vous soyez explicite, surtout que vous portez un jugement à savoir que
le vote par procuration, selon vous, aurait comme conséquence de freiner
certaines pratiques qui entachent notre système électoral. Donc,
d'après vous, autoriser le vote par procuration, c'est même un
avantage parce que cela freinerait
certaines pratiques douteuses. J'aimerais que vous m'en précisiez
quelques-unes. Comment pouvez-vous affirmer qu'un vote par procuration aurait
comme conséquence de freiner certaines pratiques douteuses?
M. Lachance: C'est que la possibilité du vote par
procuration ferait que des gens voteraient alors qu'on sait qu'il existe,
depuis les années 1800, une pratique qu'on appelle les
télégraphes. Cela aiderait à éliminer les
possibilités d'aller voter pour d'autres parce que les gens auraient la
possibilité de voter.
M. Gendron: Mais d'après vous, si on l'accordait, pour
quelle raison devrait-on permettre le vote par procuration et pour qui?
M. Lachance: Pour les personnes physiquement incapables de se
rendre dans un bureau de scrutin ou les personnes âgées qui sont
physiquement incapables ou les personnes handicapées, etc., mais, aussi
pour les personnes qui... Par exemple, le vote par anticipation se fait
ordinairement combien de jours à l'avance? Je ne m'en souviens pas.
M. Gendron: Une semaine.
M. Lachance: Une semaine avant. Entretemps, disons qu'une
personne est appelée à aller à l'extérieur, soit
pour un travail, soit pour autre chose. Elle ne sera pas là le jour du
scrutin. Donc, il y aurait la possibilité quand même de voter par
procuration. Ce sont surtout ces gens-là.
M. Gendron: Oui, mais admettez-vous que si on instaure le vote
des résidents hors Québec, c'est une meilleure formule, puisque
les résidents qui sont hors Québec, la proportion de
résidents que je sache, ce n'est pas entre le moment du vote par
procuration ou une élection qu'ils apprennent qu'ils sont hors
Québec. Donc, cela pourrait être pour des cas très
exceptionnels. Par exemple, entre le moment du vote par anticipation,
j'apprends que...
Une voix:...
M. Gendron:... je me retrouverai en France pour les trois
prochaines années. Je vais peut-être négocier, si je tiens
tellement à mon droit de vote, de me laisser deux jours et je partirai
pour la France après l'élection. Autrement dit, on peut bien
philosopher, mais quand on a à préciser si on met d'autres
dispositions: Premièrement, oui, on est pour un vote des
résidents hors Québec. Moi, je suis pour cela. On en a
réglé une bonne partie. Deuxièmement, je serais plus
d'accord d'envisager un vote itinérant ou toujours le mécanisme
autour du vote par anticipation qui doit demeurer une mesure exceptionnelle,
parce que s'il y a plus de gens au
Québec qui votent par anticipation que le jour du scrutin, on a
un problème. (12 h 15)
Donc, le sens, la logique de voter par anticipation, c'est dans des cas
exceptionnels. Quand on décortique tous ces éléments, que
reste-t-il d'exceptionnel pour s'embarquer dans quelque chose qui,
d'après moi, a énormément de danger d'être
appliqué, vu que ce n'est pas dans nos traditions de dire à
quelqu'un d'autre: Tu vas faire ma job à ma place?
M. Lachance: Je suis d'accord. Ce n'est pas notre tradition.
C'est beaucoup plus une tradition européenne.
M. Gendron: Voilà.
M. Lachance: Ayant vécu en Europe, c'est là que
j'ai pris connaissance de cette tradition. Je suis d'accord avec vous que cela
devrait être limité à des cas exceptionnels et non pas
à un moyen général de votation. Seulement, en le limitant
à un vote, une personne seulement et non pas... Il y a eu des
suggestions où une personne pourrait être le mandataire pour deux
ou trois. En le limitant à une personne seulement et dans des cas
exceptionnels, mais venant s'ajouter à toute une série d'autres
moyens d'élargir la possibilité du vote, je le favoriserais.
Mais, exceptionnellement, non pas un moyen général d'aller voter.
Je me lève le matin et je dis: Ce matin, cela ne me tente pas de sortir.
Je ne vais pas voter, je vais envoyer quelqu'un d'autre. Cela prendrait une
raison valable quand même.
M. Gendron: Une dernière question en ce qui me concerne.
Vous avez mentionné que, quant à vous, l'intervention des tiers
en période électorale est une question majeure. Vous avez raison.
En tout cas, d'après moi. Vous avez suggéré de modifier la
définition de dépenses électorales pour exclure les frais
engagés par des personnes ou des groupes sans caractère politique
partisan pour faire connaître leur opinion et ainsi de suite.
Si on est obligé de dire cela, si on est obligé de dire:
On serait d'accord, mais pour les groupes qui n'ont pas un caractère
partisan, la question que je vous pose, c'est: Pourquoi pensez-vous qu'à
cette période-là, ils veulent faire une intervention
particulière?
M. Lachance: II y a certainement des cas où cela va
être pour des intérêts corporatifs ou des
intérêts propres aux groupes. J'ai pensé à tout
cela, parce que c'est vraiment un sujet chatouilleux. Comment permettre la
liberté tout en ne détruisant pas la liberté de l'autre,
ce fameux équilibre entre tout cela? La question que l'État
arriverait avec, disons... Lorsqu'un groupe non partisan veut se prononcer, que
ce soit de l'information. Oui, mais les opinions? On a aussi
le droit d'opinion. Que cela devienne aussi une opinion.
Est-ce qu'on va limiter l'opinion et l'information à
"intérêt général"? Qu'est-ce que
l'intérêt général? Par exemple, dans le cas d'un
syndicat dont le gouvernement est l'employeur, cela devient aussi chatouilleux.
Comment délimiter et ne pas empiéter sur les libertés tout
en maintenant un équilibre entre la liberté des partis, celle de
l'État et celle des tiers intervenants? J'avoue que ce n'est pas
facile.
Avec un montant de dépenses maximum fixé pour les
intervenants, cela empêcherait quelqu'un de puissant... Il y a une
remarque dans la documentation concernant l'expérience aux
États-Unis qui est très intéressante, d'ailleurs, et qui
démontre que cela pourrait déborder. Finalement, la puissance de
certains groupes financiers peut faire que même les partis politiques
peuvent être mis de côté et deviennent moins importants.
M. Gendron: Merci. Je veux tout simplement vous dire - parce
qu'on me dit que mon temps est expiré - que j'espère qu'on va
entendre davantage parler de vous, comme parti politique.
M. Lachance: Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux
saluer M. Lachance pour la qualité de son mémoire et de son
intervention. Je voudrais m'arrêter à un seul aspect des questions
soulevées dans son mémoire, en ce qui a trait aux règles
entourant l'autorisation des partis politiques.
Je comprends très bien les propos tenus dans le mémoire
qui nous est présenté. Ils sont fort cohérents, logiques
et parfaitement pertinents. Cela dit, le problème qui se pose est que
dans la mesure où les règles sont fort souples - il faut le
reconnaître - il se glisse toutes sortes de monde, y compris des gens on
ne peut plus farfelus qui amènent un discrédit sur la chose
politique, qui encourent des coûts importants pour l'ensemble de la
société, qui, à l'occasion, peuvent créer de la
confusion dans une période électorale. L'objectif qu'on visait -
je reconnais que, de toute évidence, on n'y est pas vraiment
arrivé - en resserrant d'une certaine façon les règles
d'autorisation des partis politiques visait non pas à rendre la vie plus
difficile à des groupes comme le vôtre, bien au contraire.
En ce qui me concerne, je suis favorable à l'ouverture maximale
de la représentation de toutes les tendances dans notre
société. Il ne faut pas se le raconter, cela prend des moyens. Je
m'excuse parce qu'à l'occasion, cette comparaison m'agresse, mais elle
est simple et bien évidente. C'est un peu comme le savon. Il faut au
moins que l'on sache qu'il existe et qu'on l'ait essayé une fois ou deux
pour savoir que ce n'est pas pire et que cela donne des résultats
intéressants pour qu'on finisse par en acheter. C'est souvent la
même chose dans d'autres domaines, pour ne pas ajouter aux exemples.
Donc, il faut aussi permettre que les formations politiques sérieuses -
je pense que vous en êtes une démonstration éloquente -
puissent vivre mais vivre encore beaucoup plus que vous n'en avez eu les
possibilités jusqu'à maintenant. Il faut donc penser à un
soutien financier de l'État et à un certain nombre de soutiens
additionnels à ceux qui existent actuellement. J'aimerais que vous nous
convainquiez un peu, en ce qui me concerne, qu'on n'est peut-être pas
allé dans la bonne direction dans les règles pour resserrer
l'accréditation des formations politiques pour éviter les
farfelus. J'aimerais que vous nous aidiez par contre à trouver des
formules qui nous permettraient à la fois d'éviter la
présence de farfelus mais qui ne viendraient pas gêner l'action de
formation comme la vôtre. Là, j'avoue que c'est de moins en moins
clair. On voit de plus en plus les inconvénients de toutes les formules,
mais j'avoue qu'on trouve de moins en moins des formules qui nous permettraient
d'y arriver. Je vous laisse la parole.
M. Lachance: Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité de
faire la différence entre l'autorisation d'un nouveau parti avant une
élection et ce que j'appelle dans le document la "réautorisation"
à chaque élection générale?
M. Rochefort: Précisez un peu.
M. Lachance: Par exemple, pour devenir autorisé, c'est
exactement la même chose que pour participer à l'élection
générale. C'est 60 signatures par candidat dans dix
circonscriptions, c'est le même nombre. Dix circonscriptions, 60
signatures par circonscription. Là, vous faites la demande pour vous
faire autoriser. C'est la même chose lorsque arrive l'élection
générale, c'est 60 signatures dans dix circonscriptions. Est-ce
qu'il n'y aurait pas possibilité de faire une légère
différence entre les partis déjà existants et de nouvelles
règles pour ceux qui demandent l'autorisation pour une première
fois? Il y aurait peut-être quelque chose à trouver entre ces deux
formules. Je sais que c'est aussi plus restreignant pour...
M. Rochefort: Si on admettait que cela répond à une
partie de la question dans la mesure où l'État contribuerait
à un certain nombre et d'une certaine façon à un
financement du fonctionnement de base des formations politiques, je ne vois pas
tellement comment ce type de règles nous permettrait d'éviter
qu'on finance n'importe qui qui ferait n'importe quoi avec ces sommes.
M. Lachance: II faudrait décider si l'aide
financière arrive dès l'autorisation ou si elle arrive
après un certain temps de fonctionnement. Parce qu'il y a toute la
question du temps aussi pour une formation, à savoir si oui ou non elle
est sérieuse ou pas. Quand une formation arrive à la veille d'une
élection générale, on ne le sait pas. On le sait
après comme c'est arrivé à la dernière
élection générale. On l'a appris après. Quand c'est
arrivé, on ne le savait pas. Mais alors, est-ce que, par des
règlements aussi dans d'autres articles, sans rendre la vie difficile
à ceux qui, disons, ont déjà une certaine permanence ou un
certain temps, pourrait-on voir, surtout lorsque la demande se fait juste avant
une élection générale... il y a quelque part dans le
document un endroit où on mentionne qu'il faut faire la demande au moins
six mois avant pour participer à l'élection
générale. Ou bien est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir quelque
chose comme cela?
M. Rochefort: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. M. le ministre
délégué à la Réforme électorale.
M. Gratton: Oui, M. le Président, je voudrais moi aussi
dire à M. Lachance - j'ai eu l'occasion de le lui dire en privé -
et lui dire publiquement que je suis très impressionné par la
qualité de son mémoire et que vous venez nous rappeler en faisant
des recommandations très précises sur des sujets précis,
qu'effectivement on a beau avoir la meilleure volonté du monde en tant
que représentants de partis qui ont des députés à
l'Assemblée nationale pour faire en sorte de consacrer le principe de la
chance égale à tous, mais l'expérience vécue d'une
personne comme moi qui appartient au Parti libéral du Québec
depuis toujours ne peut pas équivaloir à celle dont vous nous
faites part aujourd'hui. Et je peux vous assurer que les recommandations que
vous nous avez faites vont sûrement nous inspirer non seulement quant aux
sujets sur lesquels on n'a pas fait consensus mais peut-être bien - et je
crois comprendre que le député d'Abitibi-Ouest dans certaines de
ses remarques pourrait possiblement me rejoindre - réviser certains
consensus qu'on a déjà établis entre nous.
Effectivement, par exemple, en réponse aux questions du
député de Gouin, je pense que vous avez ouvert une
possibilité. Parce qu'on se pose toujours la question: Comment assurer
certaines ressources minimales - ne les appelons pas les tiers partis,
appelons-les les partis qui ne sont pas représentés à
l'Assemblée nationale - sans pour autant ouvrir la chose à ce que
cela devienne une invitation à des gens qui n'ont vraiment pas
intérêt à former un parti politique mais qui ont
plutôt intérêt à amuser le public, de se faire
autoriser pour avoir droit à ces sommes-là? Et vous nous ouvrez
une piste en nous disant: Bien, il pourrait y avoir des conditions
d'autorisation préalable mais ce pourrait être d'autres conditions
et non seulement celles du nombre de votes obtenus à une élection
qui pourraient présider à l'allocation de sommes en provenance de
l'État. On va sûrement se pencher là-dessus.
M. Lachance, en regard de ce que vous dites dans votre document et qui
peut porter à confusion, dans le cas de l'autorisation des partis, vous
semblez avoir compris qu'un parti autorisé devrait être capable de
déposer une certaine somme d'argent auprès d'une institution
gouvernementale. J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer hier qu'au
sein du comité des parlementaires, au contraire, on a
décidé et fait consensus qu'il n'y aurait pas de
dépôt exigé pour un parti. Donc, tenez pour acquis qu'on
est tous sur la même longueur d'onde là-dessus.
En ce qui a trait à l'allusion que vous faites, à savoir
que les partis autorisés présentement n'ont pas même la
possibilité d'obtenir les projets de loi, les déclarations
ministérielles, j'ai indiqué à M. Rhéaume, le chef
du Parti indépendantiste, qui était avec nous hier, que cela n'a
pas besoin de faire l'objet d'une modification à la Loi
électorale, selon moi. J'ai vérifié et on m'a
indiqué que les partis qui ont fait la demande d'obtenir le Journal
des débats, par exemple, avaient été informés
qu'ils devaient s'y abonner. Or, je me suis engagé hier, et je veux que
vous le sachiez, à écrire au président de
l'Assemblée nationale de qui cela relève et à lui demander
- évidemment, ce sont ses budgets; c'est à lui de prendre la
décision; je pense que la dépense ne serait pas à ce point
énorme - de le fournir aux partis autorisés. Et peut-être
bien qu'on se posera la question: À quels partis autorisés? S'il
y a un parti autorisé qu'on ne peut pas rejoindre et qu'effectivement on
lui envoie les documents - c'est le cas d'un parti présentement - qui
nous reviennent parce que c'est resté lettre morte ou poste restante,
c'est évident qu'on n'a pas à dépenser les deniers publics
inutilement. Donc, cela est encore un élément qui pourra vous
permettre, en tout cas à vous, le Parti des travailleurs du
Québec, d'avoir un minimum d'information.
Je vous dis sans ambages qu'il me semble que la démocratie sera
mieux servie au Québec quand les gens et les partis comme le vôtre
seront mieux habilités à faire valoir leur point de vue de la
façon la plus large possible. Je suis très heureux que vous soyez
venus nous rencontrer ce matin. J'ai nettement l'impression que votre
témoignage ici, aujourd'hui, aura - en tout cas, je le souhaite vivement
- un impact certain sur la façon dont on finira pas s'acquitter de notre
mandat, en tant que législateurs, d'amender la Loi
électorale.
M. Lachance: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): M. Lachance ainsi que les
personnes qui vous ont accompagné, on
vous remercie beaucoup d'avoir bien voulu accepter notre invitation de
participer à cette commission parlementaire. Bon voyage de retour.
M. Lachance: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Nous allons suspendre les
travaux jusqu'à 12 h 45. J'aimerais que les députés
reviennent à 12 h 45 parce qu'il nous reste un parti à entendre,
le Parti vert du Québec, qui était prévu pour 13 heures,
mais les personnes ne sont pas encore arrivées. Alors, à 12 h 45,
si les gens n'étaient pas arrivés, à ce moment-là,
on décidera si on ajourne à la semaine prochaine. Cela va?
Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise de la séance à 12 h 59)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons reprendre nos travaux pour constater que nos
invités ont omis de se présenter. Ils étaient attendus
à 13 heures. Ce que j'ai à faire, c'est d'abord de vous remercier
de votre présence cette semaine. M. le ministre, vous voudriez prendre
la parole.
M. Gratton: Oui. Simplement pour qu'il n'y ait pas
méprise. On sait que le Parti vert du Québec devait venir nous
rencontrer. Au début, c'était prévu pour 15 heures cet
après-midi. Compte tenu de l'information que nous avons obtenue hier,
à savoir que le Parti citron, qui devait suivre à 16 heures, ne
venait pas nous rencontrer, nous avions demandé au Secrétariat
des commissions de communiquer avec le Parti vert pour lui demander
d'être présent pour 13 heures aujourd'hui. Effectivement, le
message a sûrement été reçu puisqu'on avait
indiqué au Secrétariat des commissions que le chef du parti
serait présent à 13 heures.
Or, on constate que le chef du Parti vert n'est pas présent et
que, le parti n'ayant pas déposé de mémoire au
préalable, il ne nous sert absolument à rien de poursuivre nos
travaux.
Je voudrais tout simplement indiquer que si on devait avoir de nouvelles
communications avec le Parti vert, on pourrait examiner ensemble la
possibilité de replacer l'audition plus tard, la semaine prochaine.
Mais, dans les circonstances, M. le Président, si cela agrée aux
membres de la commission, je suggérerais que nous ajournions nos travaux
à mardi, 10 heures.
Le Président (M. Marcil): Cela va? Vous êtes
d'accord avec cela? Donc, nous allons ajourner les travaux à mardi, 10
heures.
(Fin de la séance à 13 h 1)