Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Marcil): Bonjour tout le monde. Nous
allons commencer nos travaux en déclarant la séance ouverte tout
en vous rappelant le mandat de la commission, c'est-à-dire de
procéder à des consultations particulières et de tenir des
auditions publiques afin d'examiner toute proposition de révision de la
Loi électorale sur la base notamment du Document de réflexion et
de consultation sur la révision de la Loi électorale
déposé à l'Assemblée nationale le 15 mars 1988 et
du document intitulé Résultats des travaux du comité de
travail sur la révision de la Loi électorale.
Avant de demander à Mme la secrétaire d'annoncer les
remplacements je vais accepter le dépôt d'un document de
réflexion du Directeur général des élections du
Québec sur le sujet 58, en annexe à notre brique intitulée
Résultats des travaux du comité de travail sur la révision
de la Loi électorale et un deuxième document qui est une mise
à jour de ce document, daté du 12 août 1988.
Mme la secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements
à nous annoncer?
La Secrétaire: M. Assad (Papineau) est remplacé
par M. Blackburn (Roberval), M. Dauphin (Marquette) par Mme Pelchat (Vachon),
M. Filion (Taillon) par M. Gendron (Abitibi- Ouest), M. Godin (Mercier) par M.
Dufour (Jonquière), M. Kehoe (Chapleau) par M. Leclerc (Taschereau).
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais d'abord
inviter notre premier groupe, le Parti québécois...
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Oui, M. le ministre.
Fédération professionnelle des
journalistes du Québec
M. Gratton: Avant qu'on ne procède, si vous me le
permettez, nous avons reçu de la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec, dont le président est
M. Rhéal Barnabé, une communication dont les médias
d'information faisaient état d'ailleurs la semaine dernière
concernant l'opportunité d'amender la loi quant à la tenue des
débats télévisés entre les chefs. Je voudrais
simplement mentionner que j'ai remis copie de cette communication au
député d'Abi-tibi-Ouest et que j'ai l'intention d'en remettre
copie aux membres de la commission dès qu'on aura photocopié le
document.
Je voudrais aussi indiquer que le souhait de la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec de voir la loi
modifiée afin d'exclure de sa portée ces débats
télévisés devenus indispensables en période
électorale devrait normalement être comblé lors de
l'adoption d'un projet de loi puisqu'en comité de parlementaires nous
avions fait consensus pour exclure les débats des chefs de la
définition de dépenses électorales. On y reviendra,
évidemment, mais je voulais que cette représentation de la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec
puisse être inscrite et acceptée comme dépôt.
Le Président (M. Marcil): Ça va? Nous allons en
faire des photocopies et en distribuer à tous les députés
de cette commission.
M. Gendron: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): Oui, M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Très succinctement avant de commencer nos
travaux, je pense que le leader du gouvernement et ministre responsable de la
Réforme électorale a bien fait de signaler que M. Barnabé,
président de la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec, compte tenu que le sujet sur lequel il nous a
transmis un avis l'avait hautement préoccupé - et je pense que le
ministre a oublié de le mentionner - que ces gens avaient possiblement
l'intention de présenter quelque chose dans le cadre de nos travaux
d'aujourd'hui mais, pour des raisons de déménagement et de
déplacement, ils n'ont pas présenté un point de vue plus
étoffé et plus articulé sur l'ensemble des sujets
traités.
Par contre, sur la question du débat
télévisé entre les chefs, il est pertinent, je pense, de
nous indiquer à nouveau que c'est le moment privilégié
d'apporter le correctif souhaité parce qu'il faut se rappeler que ces
gens-là avaient prétendu que, même si le DGE avait fait une
interprétation exacte de l'article 427, cet article pouvait
néanmoins susciter une interprétation qui aurait pour
conséquence probable de rendre impossible un vrai débat
télévisé des chefs sans l'inclure comme dépense
électorale, alors que le comité de la réforme a convenu
que cela devrait être complètement éliminé parce que
ça fait partie, ainsi de suite, en tout cas... Dans ce sens-là,
je pense que leur courte note va nous rappeler qu'il y a lieu de faire quelque
chose dans le sens qu'ils ont eux-mêmes souhaité.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest, représentant de l'Opposition
officielle.
M. le député de Gouin, auriez-vous quelque chose à
ajouter sur le sujet, en faisant le tour?
M. Rochefort: Puisque vous m'invitez à le faire, M. le
Président, je dirai simplement que, même si j'ai participé
aux discussions du comité et que j'étais porté à
aller dans le sens des conclusions qu'il a tirées, j'avoue que les
travaux de la semaine dernière - et je ne pense pas être le seul
à l'avoir indiqué - nous ont tous amenés à
réviser un peu les orientations que s'était données le
comité technique quant aux ajustements que nous étions
prêts à apporter à nos lois électorales pour
permettre aux autres partis - pour ne pas utiliser cette expression peu
appréciée de leur part - d'être quand même plus
présents dans la vie politique au Québec. (10 h 15)
Je reconnais, même si je suis porté à penser qu'il
doit y avoir débat des chefs des grandes formations politiques, qu'il
aurait été intéressant de demander à la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec de
nous dire, mais une fois qu'on s'entend là-dessus, comment ils
considèrent qu'on pourrait permettre aussi aux chefs des autres
formations politiques de participer plus visiblement et plus activement
à des activités très significatives sur le résultat
électoral comme le débat des chefs. En ce sens-là, je
regrette un peu leur absence. Je comprends qu'il y a sûrement de bonnes
raisons pour ce faire mais, un peu comme on en a eu l'occasion, par exemple,
avec la Curatrice publique et avec le président de la Commission des
droits de la personne d'entendre, d'une part, leurs grands principes de base et
de leur demander de nous aider à trouver des mécanismes qui nous
permettraient de réaliser leur souhait dans le respect des autres
principes avec lesquels nous travaillons, cela aurait été utile
qu'on puisse retourner aussi cette question aux représentants de la
Fédération professionnelle des journalistes. C'est un peu ce que
je souhaite dire pour l'instant. Je pense qu'il y a un certain nombre de lignes
directrices qui sont sorties des représentations de la semaine
dernière. Je pense qu'il y a eu une ouverture manifestée par le
ministre et aussi par le député d'Abitibi-Ouest pour permettre
une meilleure participation, une meilleure visibilité aux autres
formations politiques. Dans notre vie politique, il va falloir qu'on trouve des
moyens concrets pour que cela ne reste pas au niveau des principes.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député de Gouin. M. le ministre.
M. Gratton: Oui, M. le Président. À la suite des
propos du député de Gouin, je pense effectivement qu'on pourra,
après en avoir discuté entre nous, faire les consultations, sinon
en commission parlementaire retourner en consultation informelle auprès
de la Fédération des journalistes, qui pourraient aller dans le
sens d'éclairer les membres de la commission sur la façon de
procéder et d'inscrire les amendements à la Loi électorale
en ce qui a trait au débat des chefs. J'en prends bonne note.
Le Président (M. Marcil): Ça va. Merci, M. le
ministre.
Donc, avant de commencer la première audition j'aimerais quand
même vous rappeler, ainsi qu'à tous les groupes présents,
que c'est une période d'une durée de 60 minutes. Vous avez 20
minutes pour la présentation de votre mémoire, compte tenu que la
plupart des députés membres de cette commission ont
déjà lu les mémoires. Ce sera suivi d'une période
de questions de 40 minutes partagée équitablement entre les deux
formations de même que le député indépendant. Notre
premier groupe est le Parti québécois représenté
par M. Paul Bégin.
M. Bégin (Paul): C'est exact.
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez bien faire la
présentation de vos collaborateurs.
Parti québécois
M. Bégin: Alors, Paul Bégin, trésorier
du
Parti québécois. À ma droite, M. Pierre Boileau,
directeur général, et à ma gauche, M. François
Landry, directeur des services administratifs au Parti
québécois.
Le Président (M. Marcil): Soyez les bienvenus à
cette commission. Nous vous remercions déjà à l'avance
d'avoir bien voulu y participer. Nous vous laissons immédiatement le
temps d'antenne.
M. Bégin: Merci, M. le Président, Mmes et MM. les
députés. Étant donné que le mémoire aborde
plusieurs questions et qu'il serait difficile de synthétiser dans un ou
deux points, vous me permettrez de faire la lecture du mémoire.
Le Parti québécois, à titre d'acteur
privilégié de la scène politique québécoise
depuis 20 ans, tient à souligner par sa présence à cette
commission parlementaire son attachement profond aux valeurs
démocratiques et son intérêt indéfectible à
l'égard de toute réforme susceptible de contribuer à une
démocratisation de nos institutions politiques.
C'est avec un intérêt empreint d'ouverture que notre
formation politique participe aux travaux de cette commission chargée de
discuter des possibilités de bonifier la Loi électorale tout en
préservant les acquis. Le Québec a réalisé depuis
le début des années soixante des progrès
considérables qui ont mis fin pour l'essentiel aux pratiques et moeurs
électorales douteuses que l'on a déjà connues. Ces
progrès réalisés par le
Québec ont non seulement permis d'obtenir la confiance des
électeurs à l'égard de leur système
électoral mais ils suscitent aussi l'envie des milieux politiques
américains et européens, notamment en matière de
réglementation du financement des partis politiques.
Les modifications proposées à la loi électorale par
le Secrétariat a la réforme électorale dans son document
de réflexion doivent faire l'objet des consensus les plus larges
possible étant donné l'incidence des règles de
fonctionnement du système électoral sur le degré de
confiance des citoyens envers les institutions politiques.
En effet, dans notre régime politique dit de démocratie
représentative, le système électoral est au coeur de la
légitimité du gouvernement dont les membres se voient
déléguer pour un temps donné l'administration des affaires
de l'État par les citoyens qui les ont choisis en exerçant leur
droit de vote. L'intégrité, l'équité et la
transparence du système électoral sont des conditions
essentielles à la qualité du contrat passé entre les
électeurs et le gouvernement élu au terme d'une campagne
électorale où les partis politiques sont soumis aux mêmes
règles de la loi électorale.
Toute proposition de réforme à une loi régissant un
système électoral doit s'appuyer sur un certain nombre de
fondements qui nous apparaissent être essentiels en
démocratie.
La primauté de l'exercice du droit de vote et
l'égalité du droit de vote entre les électeurs doivent
être le premier fondement de tout système électoral en
démocratie. Cela suppose qu'il faut mettre en oeuvre les mesures
appropriées permettant au plus grand nombre possible de citoyens
d'exercer directement leur droit, de vote. Le principe "un électeur, un
vote" doit se concrétiser par la confection d'une carte
électorale par un organisme autonome et indépendant du pouvoir
politique avec pour objectif prioritaire d'uniformiser le ratio nombre
d'électeurs par circonscription afin d'assurer l'égalité
du poids du vote des électeurs entre eux. Cependant, conformément
à un amendement récent à la Loi sur la
représentation électorale, cet objectif prioritaire devra
respecter dans la mesure du possible l'homogénéité
socio-économique des communautés regroupées au sein d'une
même circonscription.
Le deuxième fondement repose sur l'intégrité du
processus électoral fixant des règles claires de fonctionnement
et de comportement pour les acteurs politiques, limitant les
possibilités de fraude ou de corruption durant la campagne
électorale ou lors du jour du scrutin. L'intégrité du
système électoral, au-delà de règles s'appliquant
à tous les partis politiques, repose aussi sur la capacité
réelie d'un organisme autonome et indépendant du pouvoir
exécutif d'assurer le respect de la loi et d'agir pour sanctionner les
responsables de pratiques électorales frauduleuses ou déloyales.
Cette intégrité s'appuie aussi sur des règles de
fonctionnement équitables pour l'ensemble des partis politiques,
notamment en limitant les dépenses électorales autorisées
pour tous les candidats en fonction du nombre d'électeurs de la
circonscription où ils tentent de se faire élire.
Au-delà du contrôle des dépenses électorales,
la valeur d'un système électoral doit aussi avoir comme fondement
la transparence des partis politiques par une réglementation sur leurs
modes de financement les amenant à rendre périodiquement des
comptes à la population. Une telle réglementation doit de plus
veiller à limiter l'influence des groupes d'intérêts
à l'endroit des candidats et des partis politiques.
Un système électoral démocratique doit assurer une
représentation équitable du vote exprimé par l'ensemble
des électeurs en termes de répartition des sièges à
l'Assemblée nationale. Un mode de scrutin donne une portée
concrète au vote de chaque électeur lorsque la répartition
des sièges reflète le support populaire obtenu par un parti
politique. Nous regrettons que le Secrétariat à la réforme
électorale n'ait pas jugé opportun de relancer le débat
important de la réforme du mode de scrutin dans son document de
réflexion.
Le Parti québécois estime toujours nécessaire une
réforme du mode de scrutin uninominal à un tour responsable de
distorsions considérables entre le support populaire obtenu par un parti
politique et sa représentation en termes de sièges à
l'Assemblée nationale. Notre parti entend poursuivre sa réflexion
à cet égard et soutient qu'il est possible d'envisager une
réforme du mode de scrutin permettant d'assurer la stabilité
gouvernementale, tout en corrigeant les effets de distorsion engendrés
par l'actuel mode de scrutin uninominal à un tour par l'introduction
d'un mécanisme compensatoire.
Les fondements précédemment énoncés doivent
guider toute proposition de réforme de la législation
régissant le fonctionnement du système électoral afin de
préserver et de consolider les acquis. À défaut du respect
de ces fondements, le Parti québécois s'opposera à toute
mesure susceptible de remettre en question la transparence,
l'équité et l'intégrité de l'actuel système
électoral québécois.
Notre formation politique a contribué largement à cet
effort de démocratisation des institutions politiques
québécoises amorcé au début de la révolution
tranquille, tant par la démocratie interne du parti que par son action
gouvernementale. Comme parti de masse, notre formation s'est dotée de
règles de fonctionnement éminemment démocratiques, comme
en témoignent celles qui régissent la réalisation et
l'adoption du programme politique du parti par une consultation menée en
diverses étapes par nos militants et militantes. D'ailleurs, le Parti
québécois a été le premier parti au Québec
à se livrer à de véritables campagnes de financement
populaire dans tous les coins du Québec. De plus,
il a été la première formation politique
nord-américaine à élire son chef sur la base du suffrage
universel des membres du parti.
L'action gouvernementale du Parti québécois en
matière de législation électorale s'est traduite par un
ensemble de mesures qui ont contribué concrètement à la
démocratisation de nos institutions politiques. La loi 2 sur le
financement des partis politiques adoptée en juillet 1977 constitue
certes la réforme majeure du Parti québécois entreprise
pour démocratiser nos institutions politiques en mettant fin à la
pratique des caisses électorales occultes et en réduisant
l'influence des groupes d'intérêts sur les partis politiques.
Cette législation, qui suscite l'intérêt et l'admiration de
bon nombre de milieux politiques nord-américains et européens, a
pour principal objectif d'assurer une transparence au sein des partis
politiques quant à leur mode de financement. En vertu de cette loi,
rappelons-le, les contributions aux partis politiques sont
réservées uniquement aux individus, les contributions de 100 $ et
plus doivent être rendues publiques et ne peuvent excéder 3000 $.
En plus d'accroître l'apport de l'État dans le financement des
partis, la loi oblige ces derniers à produire et à publier
annuellement des rapports financiers sur leurs activités.
Cette réglementation sur le financement des partis politiques est
attribuable à l'attachement acharné de René
Lévesque aux valeurs démocratiques. Nous désirons profiter
de cette réflexion sur la Loi électorale pour lui rendre hommage,
car il a incarné plus que tout autre au sein de notre parti cet
engagement en faveur de la démocratisation de la vie politique
québécoise. Cette loi sur le financement des partis politiques
faisait sa fierté comme en témoigne cet extrait de ses
mémoires. "C'est donc le financement démocratique des partis,
notre engagement numéro 1, qui fut le projet de loi numéro 2 de
notre gouvernement, mais en fait sa première réalisation majeure.
"Désormais, tous les partis étaient tenus de publier leurs
états financiers. Les contributions, qui ne devaient plus provenir de
compagnies ni d'aucun groupe intéresse mais des seuls individus,
étaient plafonnées à 3000 $ par année et l'origine
de tout don de plus de 100 $ devait être dévoilée. On
incitait d'autre part les citoyens à s'en mêler en leur permettant
de déduire leur souscription modeste de l'impôt sur le revenu. "De
toutes les réformes que nous avons pu mener à bien, voilà
celle dont je serai toujours le plus fier, celle également qu'on ne
laisserait ternir que pour avoir un jour à s'en mordre les doigts. "
En 1978, le gouvernement du Parti québécois faisait
adopter une législation définissant le cadre réglementaire
de consultation de la population par référendum afin d'assurer la
participation des électeurs à la prise des grandes
décisions de l'État. Il a élargi l'exercice du droit de
vote aux juges, au personnel de scrutin et aux détenus. Il a
créé en 1979 la Commission de la représentation
électorale, organisme indépendant chargé de
procéder périodiquement à une révision de la carte
électorale afin de l'adapter à l'évolution
démographique. Il a mis sur pied l'actuel service de
télédiffusion des débats à l'Assemblée
nationale. Il a entrepris une vaste réflexion sur la réforme du
mode de scrutin par la publication, en 1979, du document "Un citoyen, un
vote" et par le mandat confié en 1983 à la Commission de la
représentation électorale d'étudier le mode de scrutin
actuel et de proposer des alternatives à ce dernier. Soulignons enfin le
travail de révision de la Loi électorale qui a permis en 1984,
à l'initiative du conseil consultatif, d'importantes modifications
à la loi.
Ces gestes témoignent d'une préoccupation concrète
et constante du Parti québécois en matière de
démocratisation de nos institutions politiques.
Le Secrétariat à la réforme électorale a
identifié dans son Document de réflexion et de consultation une
cinquantaine de sujets à propos desquels une révision de
certaines dispositions actuelles de la Loi électorale pourrait
être envisagée. Sur la base de notre bilan en matière de
réforme électorale et sur celle des fondements
évoqués précédemment, le Parti
québécois désire faire connaître ses positions
à l'égard de certains sujets identifiés par le
Secrétariat à la réforme électorale.
Accessibilité et exercice du droit de vote. Toute réforme
du système électoral doit avoir pour objectif d'élargir
l'exercice du droit de vote au plus grand nombre de citoyens et la
possibilité pour ceux-ci de l'exercer directement. Toutefois, un tel
objectif doit respecter l'intégrité et la transparence de notre
système électoral actuel, résultant de nombreuses
réformes qui ont eu pour effet de corriger certaines
inégalités et d'assainir nos moeurs électorales.
Depuis le début des années soixante, l'exercice du droit
de vote a été élargi par l'abaissement de 21 à 18
ans l'âge minimum pour voter (1964) et par l'élimination de
certaines interdictions affectant des groupes spécifiques de citoyens:
autochtones en 1969, juges en 1978 et détenus en 1979. Toutefois,
certaines interdictions, en raison des dispositions actuelles du paragraphe 4
de l'article 54 de la Loi électorale, frappent les personnes souffrant
de déficience mentale. De plus, l'exercice du droit de vote
représente une source d'obstacles dans le cas de personnes à
mobilité réduite.
Droit de vote des handicapés mentaux. Au-delà des aspects
constitutionnels soulevés par cette question, il convient de
s'interroger sur le bien-fondé de la restriction privant les
handicapés mentaux du droit de vote dans notre société.
Les dispositions actuelles de l'article 54 nous apparaissent comme étant
trop globalisantes et nient en quelque sorte les réalités
diverses que vivent les handicapés mentaux. En effet, II n'est pas
évident que toutes les personnes
présentant à divers degrés des déficiences
intellectuelles soient incapables d'exercer leur droit de vote.
Soucieux de donner un sens le plus large possible au concept de
primauté du droit de vote, le Parti québécois est
favorable à l'exercice du droit de vote des handicapés mentaux.
Il faut dès lors réfléchir aux moyens susceptibles de
concrétiser l'exercice du droit de vote par les handicapés
mentaux sans compromettre l'intégrité et la transparence du
système électoral. (10 h 30)
Deux solutions s'offrent au législateur. La première
consiste à lever toute restriction à l'exercice du droit de vote
des handicapés mentaux qui assumeront les formalités
préalables dans l'exercice du droit de vote, principalement la
liberté de se présenter ou non à l'endroit du vote. La
deuxième solution consiste à assortir l'exercice du droit de vote
de certaines conditions. Il faut alors se demander par quels mécanismes
objectifs l'on peut établir qu'un handicapé mental possède
une capacité suffisante de jugement pour exercer ce droit de vote. Pour
établir des catégories de handicapés mentaux, il est
possible de recourir aux trois régimes de protection introduits
récemment dans le Code civil et qui correspondent à trois niveaux
d'incapacité. La proposition de la Commission des droits de la personne
à l'effet de subordonner le retrait du droit de vote à une
constatation judiciaire de l'incapacité d'une personne peut être
envisagée.
Compte tenu des aspects délicats soulevés par le droit de
vote des handicapés mentaux, le Parti québécois s'oppose
à toute forme de vote par procuration et de bureau de vote
itinérant à l'intérieur d'une institution psychiatrique
dans le cas des handicapés mentaux afin de respecter leur dignité
et d'éviter que l'intégrité du processus électoral
ne soit entachée.
Vote par procuration. Certains s'interrogent sur l'opportunité
d'introduire dans notre système électoral le
procédé du vote par procuration. Le Parti québécois
est tout à fait opposé à ce procédé pour des
raisons d'intégrité et de transparence de notre système
électoral. Le vote par procuration va à l'encontre du principe de
l'exercice direct du droit de voter en faisant intervenir un
intermédiaire. Il n'est pas conforme à nos pratiques et à
nos traditions électorales. Il présente un risque sérieux
pour l'intégrité du système électoral parce que
nous estimons qu'il est susceptible de favoriser l'intimidation auprès
de certains électeurs vulnérables.
Bureau de vote itinérant. Conscient des difficultés
vécues par les personnes âgées à mobilité
réduite et par les personnes handicapées, il faut mettre en place
des moyens leur permettant d'exercer directement l'exercice de leur droit de
vote. À cet égard, le Parti québécois est ouvert
à la possibilité de recourir aux bureaux de vote
itinérants. Cependant, il faudra baliser le mode de fonctionnement de
ces bureaux de vote itinérants notamment en s'assurant qu'ils soient
accompagnés de représentants des partis politiques lors du
scrutin. Il faut aussi se demander jusqu'où peut être
utilisé ce processus de bureau de vote itinérant. L'accès
au bureau de vote itinérant doit-il être limité aux
établissements publics, à savoir principalement les centres
d'accueil et les hôpitaux de soins prolongés, ou encore par simple
demande d'un électeur incapable de se déplacer pour des raisons
physiques? Quoique favorables à l'instauration d'une telle pratique,
nous soutenons qu'elle devra faire l'objet d'un encadrement rigoureux assurant
l'intégrité du processus électoral.
Vote des Québécois hors Québec. Le Parti
québécois est d'avis que les Québécois
momentanément absents du Québec pour des raisons diverses
continuent d'être concernés par les affaires de l'État. En
conséquence, notre formation politique estime, en misant sur l'expertise
des gestionnaires de notre système électoral, important de
permettre à ces Québécois de pouvoir exercer leur droit de
vote. Diverses modalités peuvent être alors envisagées pour
permettre l'exercice de ce droit de vote en apportant une attention
particulière à la situation des fonctionnaires oeuvrant pour le
compte du gouvernement québécois à l'extérieur de
nos frontières.
Interprètes pour sourds et muets. Le Parti
québécois, afin de faciliter l'exercice direct du droit de vote
par l'électeur, favorise la présence d'interprètes pour
les personnes sourdes et muettes, soit aux fins de communiquer avec le bureau
du directeur de srutin ou encore avec le personnel électoral lors du
jour du scrutin. La formule de l'auxiliaire du sourd-muet prévue par la
Loi sur les élections dans les municipalités devrait être
étendue à la Loi électorale.
Assistance à un électeur. Le Directeur
général des élections propose un amendement à
l'article 260 de la loi afin de permettre au scrutateur ou au secrétaire
du bureau de vote la possibilité de prêter assistance à un
électeur incapable de marquer son bulletin de vote plutôt que les
deux personnes à la fois. Le Parti québécois est tout
à fait d'accord avec cet amendement - et là je vous souligne
qu'il y a une coquille qui ne fait que régulariser la pratique
observée lors du jour du scrutin puisque le scrutateur et le
secrétaire ne peuvent être simultanément absents d'un
bureau de vote qui serait alors laissé sans surveillance.
Déroulement de la campagne électorale et contrôle
des dépenses électorales. Déclaration de candidatures.
Notre formation politique souscrit à la proposition visant à
inscrire dans la loi la responsabilité du mandataire du candidat au
chapitre des signatures d'appui. Nous souhaitons que le directeur du scrutin
doive procéder à l'examen de la déclaration de candidature
afin de vérifier la conformité de celle-ci avec les exigences de
la loi, notamment en ce qui regarde la validité de l'adresse des
signataires. Nous
sommes de plus favorables à l'instauration d'un
dépôt de 250$ afin d'éviter les candidatures
saugrenues.
Temps d'antenne gratuit et débat des chefs. La
responsabilité de définir les modalités de fonctionnement
entourant le débat des chefs doit être laissée
entièrement aux médias. De plus, comme ce type de débat
s'inscrit généralement dans le cadre d'une émission
régulière ou spéciale d'affaires publiques, la
participation du chef ou d'un candidat d'un parti politique à ce
débat n'a pas à être considérée comme
étant une dépense électorale. Les dépenses
électorales ne doivent être comptabilisées que dans le cas
de temps d'antenne retenus et payés pour des messages publicitaires d'un
parti ou d'un candidat.
Intervention des tiers en période électorale. En vertu de
l'article 417 actuel de la Loi électorale, un groupe
d'intérêt ne peut engager de dépenses pour faire
connaître sa position sur un sujet d'intérêt public et
interpeller les partis politiques en période électorale. Cet
article soulève la difficile conciliation entre la liberté
d'expression et l'équité des chances entre les partis politiques.
Pour nous, une réglementation s'avère nécessaire dans la
mesure où un parti gouvernemental tentant de se faire
réélire risque d'être la cible privilégiée de
messages publicitaires d'organismes critiquant certaines de ses
décisions et d'être ainsi défavorisé par rapport aux
autres partis politiques.
Publicité gouvernementale. Notre parti est favorable à
l'instauration d'un code réglementaire encadrant la diffusion de la
publicité gouvernementale en période électorale et fera
connaître sa position lorsque l'actuel ministre des Communications aura
dévoilé les intentions du gouvernement en cette
matière.
Recensement et révision de la liste électorale.
Recensement annuel. Nous désirons réitérer à
l'occasion de cette commission l'importance du recensement électoral
annuel comme outil essentiel à l'exercice du droit de vote. Un
recensement annuel s'effectue dans des conditions plus satisfaisantes que celui
réalisé en période électorale car il permet une
meilleure préparation des recenseurs et un meilleur recrutement de
ceux-ci. De plus, un recensement électoral annuel s'impose à sa
face même lorsqu'il doit avoir lieu à la suite de l'adoption d'une
nouvelle circonscription électorale. À cet égard, nous
déplorons l'attitude adoptée en juin dernier par l'actuel
ministre délégué à la Réforme
électorale qui, par deux lois spéciales, a choisi d'abolir le
recensement électoral annuel alors qu'une nouvelle carte
électorale affectant 36 circonscriptions venait d'être
adoptée. Par cette même attitude, le ministre a aboli du
même coup la règle de la double majorité comme condition
préalable à l'annulation d'un recensement postdélimitation
prévue par la Loi sur la représentation électorale.
Le Président (M. Marcil): Compte tenu que vous avez
déjà utilisé vos 20 minutes et que tous les
députés de cette commission ont déjà lu votre
mémoire qui est très bien structuré, que vous avez
réellement bien identifié tous les points et que c'est
expliqué de façon très claire, nous procéderons
immédiatement à la période de questions.
Je vais reconnaître M. le ministre responsable de la
Réforme électorale. Cela nous aidera à compléter
votre exposé.
M. Bégin: D'accord.
M. Gratton: Effectivement nous avons pris connaissance avec
intérêt des diverses recommandations et suggestions du Parti
québécois quant aux sujets traités dans le document de
réflexion et de consultation du Secrétariat à la
réforme électorale. Je dois dire que, quand on les compare avec
les prises de position du Parti libéral, je pense qu'on peut d'ores et
déjà dire qu'il y aura consensus sur un très grand nombre
de sujets. Je pense que c'est à 90 % que les recommandations et
suggestions des deux grands partis représentés à
l'Assemblée nationale se recoupent. Évidemment, on devra,
à la lumière de ce qu'on s'est fait dire la semaine
dernière par des partis non représentés à
l'Assemblée nationale, ce qu'évoquait d'ailleurs le
député de Gouin tantôt, s'assurer que ces consensus qui se
dégagent entre nous, entre les partis représentés à
l'Assemblée nationale ne fassent pas abstraction de l'opinion et de
l'intérêt des partis non représentés à
l'Assemblée nationale.
Cela étant dit, M. le Président, il y a quelques sujets et
je sais d'avance qu'au cours des quinze minutes qui nous sont allouées
on n'aura pas le temps de faire le tour des diverses questions qu'on a pu
pointer pour obtenir des détails et des précisions sur les prises
de position du Parti québécois et sans les prendre dans un ordre
quelconque je voudrais, dans un premier temps, obtenir certains
éclaircissements concernant le financement des partis politiques et
surtout la divulgation des contributions.
À la page 7 de votre mémoire vous faites état de la
préférence d'une divulgation des contributions par ordre
alphabétique sur la base des circonscriptions. Ma première
question est à savoir si vous pariez des circonscriptions de
résidences des contributeurs ou des circonscriptions dans lesquelles la
contribution est versée.
M. Bégin: Dans le mémoire, nous faisons allusion
aux résidences des électeurs. C'est donc, en principe, la
résidence électorale, celle où se situe la personne.
M. Gratton: On souhaiterait donc maintenir la divulgation par une
liste par ordre alphabétique par résidences de
circonscriptions.
M. Bégin: C'est exact.
M. Gratton: Par contre, à la page 18, vous nous dites - et
cela reflète l'organisation interne du parti qui recueille ces
contributions auprès de chaque association de comté - que vous
seriez disposé à accepter un amendement obligeant les partis
politiques à produire deux listes de contributions, soit par ordre
alphabétique à l'échelle locale et/ou à
l'échelle nationale. J'avoue que je ne saisis pas très bien,
compte tenu que vous dites que la confection d'une liste nationale par ordre
alphabétique impliquerait des délais administratifs importants
pour votre formation politique. Pourtant, vous êtes favorables à
ce que la loi soit amendée pour exiger la production d'une telle liste
nationale par ordre alphabétique. J'aimerais que vous précisiez
si vous parlez bien de deux listes ou si vous souhaitez que la Loi
électorale soit amendée de façon à permettre l'une
ou l'autre, c'est-à-dire une liste par ordre général ou
une liste par circonscription électorale.
M. Bégin: Notre parti serait favorable au maintien de la
situation actuelle de statu quo. Maintenant, si on veut élargir pour
permettre dans la loi cette forme de choix que les deux partis pourraient, dans
un temps éventuel, changer de point de vue, à ce
moment-là, que la loi le permette et/ou encore l'oblige. Mais il est
évident que si vous l'obligez, les problèmes administratifs
soulevés dans le mémoire existent, si on exige qu'un parti fasse
les deux, tant sur la base des circonscriptions électorales que sur
celle de l'ensemble du Québec, il est évident à ce
moment-là que les délais pourraient être un peu plus longs
si un des partis fonctionne davantage sur une forme que sur une autre. Si, par
exemple, la forme de fonctionnement du Parti québécois est de
fonctionner par les instances et qu'on demande une liste sur l'ensemble du
Québec, cela va nécessiter certains délais additionnels
que le Parti libéral n'aurait pas s'il avait, par ailleurs, choisi de
fonctionner sur la base du Québec mais, quand il arriverait pour
fonctionner sur la base des circonscriptions, il aurait le problème
inverse de celui du Parti québécois. Il y aurait donc des
ajustements à faire et, quant à la situation actuelle, nous
croyons qu'elle est bonne.
M. Gratton: Je veux bien comprendre. Est-ce que je dois conclure
que vous n'avez pas d'objection à ce qu'il y ait obligation pour
l'ensemble des partis de produire deux listes, une par circonscription
électorale et une générale?
M. Bégin: D'accord, pour autant, évidemment, qu'il
y ait peut-être des ajustements au délai de production, compte
tenu des problèmes que je soulevais tout à l'heure.
M. Gratton: D'accord.
M. Bégin: Je pense que cela vaut pour les deux partis
à cet égard.
M. Gratton: Oui. Quant au statu quo, évidemment, des
décisions ont été prises par les deux partis dont on parle
et elles éliminent certains problèmes qu'avait soulevés le
Directeur général des élections au moment où,
effectivement, chaque parti ne faisait pas état de la liste de ses
contributeurs de la même façon. Mais on y reviendra sûrement
au cours de nos discussions en commission parlementaire au moment
approprié.
Quant à l'intervention des tiers en période
électorale, vous dites dans votre mémoire que vous jugez
nécessaire une réglementation en la matière sans pourtant
préciser. Est-ce que la position du Parti québécois se
traduit finalement par la recommandation de maintenir le statu quo?
M. Bégin: C'est exact.
M. Gratton: Donc, c'est clair...
M. Bégin: C'est-à-dire que nous ne sommes pas
favorables à l'intervention des tiers à l'intérieur de la
campagne électorale; c'est la situation actuelle et je pense que le DGE
est intervenu à quelques reprises dans le passé auprès de
certains groupes de personnes qui voulaient intervenir d'une façon qui
n'était pas autorisée.
M. Gratton: Vous ne verriez donc pas d'un bon oeil
l'opportunité d'essayer de pondre une réglementation qui pourrait
permettre l'intervention à certaines conditions?
M. Bégin: Nous croyons qu'il serait extrêmement
difficile de prévoir de quelle manière cela pourrait se faire.
À titre d'exemple, la loi prévoit actuellement deux
manières d'intervention: Vous avez l'individu qui peut, par sa
contribution financière plafonnée et dirigée, intervenir
dans le processus et vous avez un système électoral qui
prévoit l'organisation de partis et des règles de fonctionnement.
(10 h 45)
À compter du moment où vous essayez de faire intervenir
des tiers dans une période donnée, vous n'êtes ni dans l'un
ni dans l'autre des procédés. Va-t-on limiter, par exemple,
à un individu, l'intervention durant la campagne? Va-t-on demander que
ce soit un groupe qui soit déjà existant quelque temps auparavant
avant le déclenchement du début de la campagne électorale?
Devra-t-il faire des déclarations? En fait, on retombe un peu avec le
même problème qu'on a avec les partis, mais les partis sont
tellement bien structurés et fonctionnels qu'on n'a pas de
difficulté. Dès qu'on va vouloir encadrer cette intervention, je
pense qu'on va avoir des problèmes majeurs.
Je ne crois pas que la position actuelle soit d'empêcher... En
tout cas, elle a au moins permis
que le débat se fasse selon les règles prévues par
les gouvernements successifs. Nous ne voyons pas la nécessité
d'interventions ponctuelles à un moment donné.
Nous soulignons dans notre mémoire que le parti qui risque le
plus de subir les inconvénients de ces interventions, c'est
évidemment le parti au pouvoir par les décisions
nécessaires qu'il a à prendre comme gouvernement. Nous ferions
une intervention massive. Cela pourrait être massif. Je ne crois pas que
ce soit nécessaire qu'on permette cela. Nous avons déjà
les partis, nous avons la contribution financière. Ce sont deux canaux
suffisants pour exercer sa liberté d'expression.
M. Gratton: À ce sujet, il n'est peut-être pas
inutile de rappeler, malgré le fait qu'en Alberta on ait eu un jugement
qui ait invalidé une disposition semblable dans la loi électorale
fédérale, qui donne justement lieu au débat qui, en
période préélectorale fédérale, a
amené le Directeur général des élections du Canada
à indiquer que tous les tiers pourront intervenir sans aucune limite,
que contrairement à cela, ici au Québec, il y a eu une cause,
jugée par la Cour supérieure, qui n'a pas fait l'objet d'un appel
et qui a reconnu constitutionnelles les dispositions analogues dans la Loi sur
la consultation populaire.
Sur le vote des Québécois hors Québec, vous
reconnaissez le principe et vous vous dites ouvert au principe du vote des
Québécois hors Québec. Vous parlez des
Québécois momentanément absents. Si vous êtes en
mesure de le faire, je voudrais que vous précisiez quels critères
vous favoriseriez pour circonscrire la clientèle visée.
Parlerait-on de la durée de l'absence de ces personnes ou du maintien
d'un domicile au Québec ou de l'assujettissement aux impôts?
Avez-vous réfléchi à cela? Comment pourrait-on
circonscrire qui sont ces Québécois hors Québec qui
pourraient exercer leur droit de vote?
M. Bégin: Je vous avoue que je ne serais pas en mesure de
répondre personnellement de façon précise à cet
aspect de votre question. Peut-être qu'un de mes collègues a des
données particulières. Il est évident qu'il y a deux types
de personnes hors Québec. Il y a celles qui ont choisi de rester pendant
un nombre d'années, soit par leurs fonctions ou un désir
momentané de quitter le Québec, mais qui restent quand même
Canadiens et Québécois et à qui on peut donner le droit de
vote; il y a aussi ceux qui quittent pour des périodes très
brèves. Cela peut être deux mois, trois mois, un stage
d'études, un stage de formation professionnelle, un emploi
momentané. Évidemment, ceux-ci sont absents pour très peu
de temps et tombent en période électorale. Je pense qu'on peut
certainement exiger, comme condition première, que la personne ait
gardé ou ait manifesté d'une manière quelconque son
désir de rester Canadien et Québécois, même si son
absence peut être prolongée pendant un certain nombre
d'années.
Étant moi-même à Londres en 1970, j'ai connu des
gens qui étaient à Londres depuis dix ou douze ans et qui
voulaient revenir, ce qui n'était pas encore arrivé, et qui
l'envisageaient pour bientôt. À mon point de vue, je pense que ces
gens auraient le droit de vote, si on avait un mécanisme qui le
prévoyait et aussi pour le type qui était étudiant comme
moi à ce moment-là et qui aurait pu voter s'il y avait eu une
campagne électorale. Je pense qu'on doit prévoir les
règles. Je ne connais pas les règles, les mécanismes
fonctionnels.
M. Gratton: On pourrait donc résumer en disant que toute
personne qui exprime l'intention de revenir au Québec pourrait
constituer cette catégorie de gens qui auraient droit de vote.
M. Bégin: Je prends un exemple dans le Code civil. On dit
que le domicile est une question de fait et d'intention par rapport à la
résidence qui est un fait matériel simplement. C'est une question
d'intention. Mais c'est toujours une question de fait. Essayez donc de savoir
exactement ce qu'une personne a dans l'idée quand elle dit qu'elle a
l'intention de revenir à cet endroit, même si elle est absente
momentanément, si c'est dans son intention. On peut l'établir par
un contexte, mais il reste toujours une partie qu'on ne sera jamais capable de
cerner de façon définitive. Alors, les personnes qui sont
à l'extérieur et qui disent: J'ai l'intention de revenir au
Québec, même si cela fait cinq ans que je suis parti. Dans la
mesure où elles expriment cette volonté, cela pourrait être
garder son passeport, ne pas avoir acquis la citoyenneté
extérieure ou des choses semblables. À ce moment, elles
pourraient voter à une élection.
M. Gratton: Comment ces gens pourraient-ils voter? Est-ce qu'on
leur demanderait de voter par courrier, par procuration ou de se
présenter à un endroit précis?
M. Bégin: II y a des problèmes de dispersion. Il
est évident que ce serait probablement par courrier ou par
présence sur place. Dans une ville comme Paris ou Londres où il y
a beaucoup de Québécois, c'est facile d'imaginer un endroit
où ils viennent voter. Si les gens sont dispersés dans toute la
France ou en Angleterre, le courrier serait préférable. Mais
certainement pas par procuration.
M. Gratton: J'ai compris. D'ailleurs, cela m'amène
à vous poser des questions sur un point de divergence assez
catégorique avec la position, notamment, du Parti libéral du
Québec; c'est celui que vous adoptez concernant le vote par procuration.
Comme j'en ai eu l'occasion tantôt, je vous l'ai dit, il ne s'agit pas
d'engager un
débat partisan - j'en ai suffisamment de débats partisans
avec votre aile militante, sans qu'on en poursuive ici - mais de tenter de bien
cerner les objections que vous manifestez à cette possibilité de
permettre le vote par procuration. Vous dites dans votre mémoire que,
d'abord, le vote par procuration n'est pas conforme à nos pratiques
électorales. Vous conviendrez que le financement populaire ne
l'était pas non plus avant 1977 et, pourtant, tout le monde se
félicite aujourd'hui de l'avoir inscrit dans nos pratiques. Vous dites
également qu'il met en péril l'intégrité du
système électoral. Or, demain, on aura l'occasion d'interroger le
Directeur général des élections de l'Ontario de même
que celui du gouvernement fédéral qui, dans chacun des cas,
permettent le vote par procuration. On pourra sûrement se faire confirmer
que cela n'a pas donné naissance à de la fraude ou à des
abus qui pourraient nous permettre de conclure qu'il s'agit là d'une
ouverture trop grande.
Finalement, vous prétendez que le vote par procuration va
à rencontre du principe de l'exercice direct du droit de vote. C'est le
cas, sauf que le principe "un citoyen, un vote", que vous reconnaissez comme
étant fondamental, peut aussi vouloir dire qu'on doit donner à
tout électeur qui a le droit de vote la possibilité de l'exercer
et, effectivement, il y a certains électeurs qui, sans le vote par
procuration, ne pourraient absolument pas voter. La question que cela m'inspire
est la suivante: Est-ce que vous seriez enclin à exprimer une
préférence pour le vote par courrier, par exemple, ou si cette
position à l'encontre du vote par procuration est vraiment immuable pour
vous?
M. Bégin: II y a une distinction qui me paraît
fondamentale entre le vote par courrier et le vote par procuration. Le vote par
courrier, c'est la personne qui vote et qui transmet son vote par un moyen qui
est relativement assuré et qui se rend dans une urne quelconque à
un endroit privilégié. Donc, c'est la personne qui exerce son
droit de vote. Dans le vote par procuration, il s'agit d'une personne qui
exerce le droit de vote d'une autre personne, sans que celle qui a donné
le mandat puisse s'assurer que la personne qui a reçu le mandat a bien
voté selon le mandat. Je ne veux pas parler au nom du directeur de
l'Ontario sur la question électorale, mais il me semble qu'il ne sera
jamais possible de savoir qu'effectivement quelque chose n'a pas
fonctionné, parce que, par hypothèse, celui qui a donné le
mandat ne saura jamais si son mandataire a réellement voté comme
il lui avait dit. On ne pourra jamais découvrir un scandale à
moins que le mandataire ne commette la bêtise de dire publiquement: Vous
savez, j'avais reçu le mandat de voter pour le Parti libéral,
mais ma mère que je représentais, je l'ai trompée et j'ai
voté pour le Parti québécois. À moins que quelqu'un
fasse cet aveu, on n'aura jamais de preuve que le mandataire a
exécuté le mandat de son mandant. C'est là qu'est la
faille monumentale. Donc, si on attend d'avoir des cas, on n'en aura pas.
À moins d'un imbécile qui se prononce de cette façon, je
ne pense pas qu'on ait une preuve.
Il est évident que lorsqu'on donne une procuration, par exemple,
pour voter à une assemblée de compagnie, il y a une nuance de
taille, parce que généralement, le vote est pris à main
levée et le mandant sait si son mandataire a représenté
vraiment ce qu'il devait faire; on peut aussi avoir une procuration qui est
spécifique, qui lui donne un mandat écrit de faire telle chose.
Donc, le mandant dit au mandataire: Tu dois faire telle chose, et c'est
écrit. Dans la formule qui serait la procuration, le mandant ne peut pas
dire: Tu vas aller voter pour lé Parti libéral ou pour le Parti
québécois. Il lui dit: Moi, ma préférence est
celle-ci; va voter. Comment contrôler cela? C'est impossible. Alors,
entre le vote par procuration et le vote par courrier, il est évident
qu'il y a une différence de taille. Et, à la limite, le vote par
courrier, dans certaines situations, comme par exemple ceux qui résident
hors Québec, je crois que c'est une façon intelligente de
permettre le droit de vote. Je pense à cinq personnes qui seraient aux
limites de la baie James en train de faire des travaux; est-ce qu'on ne devrait
pas envisager de leur permettre de voter par courrier, dans un cas comme
celui-là? Possiblement, mais le vote par procuration pose des
problèmes que le vote par courrier n'a pas.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Bégin.
M. le ministre.
M. Gratton: M. le Président, vous me signalez que j'ai
terminé. Je voudrais remercier les représentants du Parti
québécois de leur participation et d'avoir répondu
à nos questions. On en aurait encore plusieurs autres. Ce que je vous
suggère, c'est de faire connaître vos positions aux
députés péquistes qui, de toute façon, les
connaissent bien. Je dois dire, jusqu'à présent, qu'ils les ont
bien défendues, à quelques exceptions près, parce que j'ai
noté qu'il y avait quelques divergences entre vous, mais il y en a
également entre notre aile parlementaire et notre parti; je trouve que
c'est tout à fait normal qu'il en soit ainsi.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître le député d'Abitibi-Ouest et
représentant de l'Opposition officielle.
M. Gendron: Avant de commencer, concernant le dernier commentaire
du leader du gouvernement, je pense qu'il y a quelques petites divergences.
C'est normal à ce moment-ci de nos travaux, je l'espère. On verra
qu'il y en a peut-être de plus imposantes dans quelques minutes avec le
mémoire du Parti libéral. Même s'il en
était ainsi, je pense que c'est une bonne chose à ce
moment-ci de nos travaux, parce qu'un parti politique peut avoir, compte tenu
de la proximité des questions qu'on touche dans une campagne
électorale, des suggestions fort pertinentes à nous faire parce
que ces gens vivent normalement très très proche de ces
choses-là. Nous, avec l'intention que nous avons d'être
élus dans une campagne électorale, il arrive souvent qu'on est
moins collés à des détails très pertinents,
très concrets qui ont une référence directe à nos
moeurs électorales.
Je voudrais, dans un premier temps, remercier, bien sûr, le Parti
québécois d'avoir accepté l'invitation du leader et de la
commission. Je pense que les deux grandes formations politiques se devaient
d'exprimer leurs points de vue sur des questions aussi pertinentes. On ne peut
pas faire une réforme sans intéresser d'abord des institutions
qui ont une crédibilité pour faire des suggestions au
législateur, de même que des partis politiques directement
impliqués dans un processus que nous connaissons depuis plusieurs
années. Je pense que le Parti québécois, par la
qualité de son mémoire, a clairement fait la preuve qu'il est en
mesure, d'abord, de constituer certains rappels de principes fondamentaux.
J'étais heureux que vous souligniez, dès le début, que
toute modification à un système électoral doit se faire
minimalement sur la base de règles de consensus, compte tenu de la
fragilité du processus et d'autres éléments. Je pense que
vous avez raison d'insister là-dessus. Le ministre
délégué à la Réforme électorale a eu
un écart de comportement assez grave en juin dernier. J'aurai l'occasion
de le rappeler avec plus de détails lors de la conclusion de nos
travaux. Cependant, il est important de le replacer dans ses bonnes
dispositions d'esprit alors qu'il nous avait indiqué, dès le
début, que pour lui, comme ministre délégué
à la Réforme électorale, la règle du consensus
serait bien importante et qu'il fonctionnerait de cette façon. Alors,
j'espère que cette fois-ci, il ne l'oubliera plus. Vous avez bien fait
de le rappeler.
Vous avez rappelé également que dans un système
électoral largement démocratique comme le nôtre, il
était très Important d'accorder toute l'importance à la
primauté de l'exercice du droit de vote et à
l'égalité du droit de vote. Je pense que c'est un principe
fondamental. Également, vous avez tout de suite ajouté que ce
principe tout seul est difficilement valable, s'il n'est pas doublé de
l'autre principe de la Loi électorale qui s'appelle
l'intégrité du processus électoral. Il faut que notre
processus électoral offre des garanties d'intégrité, de
sécurité dans l'opinion publique. Ce n'est qu'ainsi que nous
allons atteindre l'objectif qui est le nôtre et qui doit être le
nôtre, soit maximiser le plus possible la capacité de tous les
Québécois et les Québécoises d'exprimer leur droit
de vote, bien sûr, si elles et ils le désirent. Dans ce sens, je
pense qu'il y a plus de gens qui vont vouloir participer à une
élection quand ils auront les fermes garanties et assurances que nous
avons un processus électoral intègre, démocratique,
public, et dont les règles sont connues. Dans ce sens, vous deviez le
rappeler.
Il y a également toute la question du mode de scrutin. Je vais
être assez court là-dessus. Encore là, je pense que vous
aviez raison. Vous avez bien fait, comme parti politique, de rappeler qu'en ce
qui nous concerne, au Parti québécois, on estime toujours que le
régime de scrutin que nous connaissons au Québec offre trop de
distorsions pour s'asseoir sur notre vérité tranquille et dire:
Écoutez, tout compte fait, c'est quand même le meilleur des
systèmes, l'uninominal à un tour. (11 heures)
Nous pensons que le Québec est un Québec formé de
régions très étendues, que les régions sont
importantes dans la configuration du Québec, et c'est sûr que
n'importe quelle introduction d'une représentation régionale avec
un mode de compensation que je reconnais qu'il n'est pas difficile
d'établir, représente, en tout cas en ce qui nous concerne, une
ouverture plus démocratique et qui correspondrait mieux à ce que
nous sommes, des Québécois et Québécoises
très dispersés dans un territoire. Je pense que vous avez bien
fait de le rappeler. En conclusion pour ce qui est des commentaires que je fais
avant de poser des questions, je pense que les grands thèmes, vous les
avez touchés, les grandes questions fondamentales, vous les avez
touchées et c'est important de revenir là-dessus.
Ma première question va porter sur un des sujets que nous allons
devoir trancher, parce que je pense que nous en sommes rendus là; c'est
le vote réel et de plein droit des handicapés mentaux. Vous avez
mentionné dans votre mémoire qu'il convenait de s'interroger sur
le bien-fondé des restrictions que la loi actuelle comporte. Vous avez
mentionné que les dispositions actuelles de l'article 54 vous
apparaissent comme étant trop globalisantes et nient en quelque sorte
les réalités diverses que vivent les handicapés mentaux.
Ma question est très claire. Il y en a plusieurs qui ont parlé de
l'article 54, mais la plupart de ceux qui se sont exprimés, en
particulier les associations, les représentants ou les centres
hospitaliers spécialisés avec ces clientèles, ont
carrément mentionné qu'on devrait complètement
éliminer les dispositions de l'article 54, et même si cela pouvait
représenter certains inconvénients, parce que le balisement du
vote des handicapés mentaux ne serait pas tout ce qu'on souhaiterait,
ces gens-là préféreraient carrément éliminer
les dispositions du troisième paragraphe - si ma mémoire est
bonne - de l'article 54.
Quant à vous, il semble que vous faites certaines nuances en
disant: II n'est pas évident que toutes les personnes présentent
à divers degrés des déficiences. Par contre, pour
respecter - comme je l'ai mentionné tantôt - l'in-
tégrité du processus, il faudrait baliser. Alors, est-ce
à dire que vous préféreriez une forme de balisement - si
on accorde le droit de vote - à une disparition totale de l'article 54,
troisième paragraphe, puisque vous avez dit que le Code civil offrait -
M. Bégin, comme avocat, vous êtes capable de parler de cela -
trois niveaux d'incapacité et que ce serait peut-être plutôt
vers ce scénario qu'il faudrait s'orienter? C'est quoi exactement?
M. Bégin: II y a deux facettes, à mon point de vue,
à ce problème. D'abord, il y a l'exercice du droit de vote,
compte tenu du caractère particulier des gens qui sont dans une
institution, par opposition à ceux qui vivent dans des résidences
un peu partout et, deuxièmement, il y a la question de savoir si une
personne est apte à faire un choix et à voter en
conséquence. Alors je pense que si on prend le cas des handicapés
mentaux, le cas qui serait le plus clair, ce sont des gens prodigues, par
exemple. Ceux qui ne sont pas capables de gérer leurs biens en termes de
finance peuvent être et sont généralement incapables de
porter d'autres jugements. Ils sont, sur un aspect de leur vie, qui est bien
particulière, incapables. Mais, quant au reste, oui, ils sont capables.
Vous avez les ivrognes d'habitude qui sont dans la catégorie
également souvent des interdits. Bon, c'est vrai. Mais lorsqu'ils sont
en cure, il n'est évidemment pas question qu'ils aient ce
travers-là. Donc, ils sont parfaitement capables de le faire.
Le problème, c'est comment identifier, lorsqu'on donne le droit
de vote. Actuellement, il y a une barrière totale, donc cela va bien.
Mais, lorsque vous ouvrez, c'est jusqu'où vous allez. Alors, vous avez
certainement la possibilité de faire déclarer que ceux qui sont
déclarés judiciairement incapables d'administrer et leur personne
et leurs biens n'aient pas le droit de vote. Quant aux autres, en voulant,
compte tenu de leur contexte, leur permettre le droit de vote, là on
tombe dans le problème à savoir de quelle manière on va
agir. Est-ce qu'on va circuler dans chacune des chambres? Est-ce qu'on va faire
voter n'importe qui, tout simplement en se présentant comme cela, ou
bien si on ne devrait pas baliser? Par exemple, une des premières
choses, si on garde derrière soi un certain point d'interrogation pour
le prodigue dont je parlais tantôt ou l'ivrogne, le geste le plus
démocratique, s'il y a un bureau de vote dans l'institution, c'est qu'il
se présente lui-même, qu'il soit en mesure de décliner son
identité et de voter tout simplement. Vous avez un contrôle qui
est relativement simple, mais qui permet de voir si la personne exerce
elle-même son bon vouloir, sa volonté. Par contre, si vous vous
présentez dans une chambre avec une urne, vous dites: Vous votez.
Comment allez-vous savoir si effectivement cette personne désire voter
d'abord? C'est peut-être une pression sur elle de voter. Il n'y a
personne qui vient chez moi pour me dire: M.
Bégin, ce matin, vous votez. Si je veux y aller, je vais y aller
et si je ne veux pas y aller, je vais rester chez nous. Si quelqu'un se
présentait avec une urne à ma porte, je ne sais pas comment je
réagirais. C'est un problème.
M. Gendron: Dans le fond, M. Bégin, rapidement, ce que
vous privilégiez, c'est qu'on ne peut pas avec des principes avoir
certaines nuances, d'après ce que je comprends. Dans le sens des
handicapés mentaux, si on leur confère le droit de vote - ce qui
semble être passablement unanime, y compris chez nous, pour toutes sortes
de raisons d'évolution de société et de comparaison avec
d'autres provinces - par contre, on leur demande d'exercer leur droit de vote
dans les mêmes conditions qu'on l'offre à l'ensemble des citoyens,
dans le sens que ce sont eux-mêmes qui auront à déterminer
leur capacité de déplacement, leur capacité de jugement ou
peu importe. Dans ce sens, s'ils désirent aller voter, ils en auront
l'occasion, mais dans les mêmes conditions que les autres
électeurs. C'est plus cette formule-là que vous
privilégiez.
Je vous remercie de cette question. Il y a également une question
importante que vous avez touchée. C'est toute la question du temps
d'antenne gratuit et du débat des chefs. On l'a touchée un peu.
On dit: En campagne électorale, c'est fondamental cette
partie-là. Cela doit avoir lieu et cela ne devrait pas être
considéré comme une dépense électorale. Il y a par
contre un petit bout de phrase que je voudrais que vous clarifiiez. À la
page 12 de votre document, vous avez dit: "La participation du chef ou d'un
candidat d'un parti politique à ce débat ne devrait pas
être considérée comme une dépense électorale.
" C'est juste pour une précision. En perspective, un poste de radio
décide d'organiser dans une circonscription un débat, non pas des
chefs, mais des candidats de toutes les formations politiques en
présence dans la circonscription. Auriez-vous le même jugement,
à savoir que cela aussi devrait toujours ne pas être
comptabilisé comme étant une dépense
électorale?
M. Bégin: Le texte que nous avons déposé
portait évidemment sur le débat des chefs, et c'était dans
ce cadre-là.
M. Gendron: Mais vous avez ajouté: "ou d'un candidat d'un
parti politique".
M. Bégin: Oui, mais cela pourrait être un candidat
lors d'un débat, mais le cadre dans lequel on se situe, c'est le
débat des chefs ou d'un représentant d'un parti, par exemple, qui
pourrait être remplacé à la dernière minute pour une
raison ou pour une autre; mais c'est dans ce cadre-là que nous l'avons
fait.
M. Gendron: D'accord.
M. Bégin: Si on s'en va dans chacune des
circonscriptions, j'avoue honnêtement que nous ne nous sommes pas
penchés sur la question et là-dessus peut-être
qu'individuellement ou comme parti on aurait des positions qui pourraient
diverger. Alors j'aimerais mieux ne pas me prononcer sur cet aspect.
M. Gendron: D'accord. Je suis content de la précision dans
le sens suivant: vous l'avez vraiment située dans le cadre du
débat des chefs où un chef incapable de se présenter - ou
dans certains partis dits marginaux, il peut arriver que le chef soit moins
connu que certains candidats - puisse se faire remplacer par un candidat. C'est
dans ce sens-là que vous dites: S'il est invité, c'est un
candidat. Il ne porte pas le chapeau du chef, mais pour ce qui est de cette
organisation, le débat des chefs, cela ne ferait pas partie des
dépenses électorales.
À la page 17, vous avez touché une question concernant la
divulgation. Je pensais que c'était sur le plancher des contributions.
Alors, peu importe la référence. Je sais qu'à un moment
donné, vous avez dit qu'il y aurait lieu d'ajuster l'évolution,
la déduction autorisée par l'État québécois
sur le crédit d'impôt. Je voulais juste avoir une information.
Est-ce que vous pensez, compte tenu que cela fait quand même une dizaine
d'années que ces choses-là n'ont pas été
modifiées, qu'il y aurait lieu de ne pas hausser, mais ajuster par
rapport à l'inflation? Est-ce plus en ces termes que vous parliez
plutôt qu'en termes de hausse?
M. Bégin: Effectivement, si on regarde depuis dix ans
l'inflation du coût de la vie, cela a changé. Ce qui était
100 $ il y a dix ans, aujourd'hui c'est peut-être 50 $. Je crois qu'il ne
s'agirait pas d'augmenter, mais de tenir compte, comme vous l'avez dit, de
l'inflation pour ajuster ce plafond où les gens peuvent ne pas vouloir
que leur nom soit publié. Alors, si on peut parler de 200 $, on peut
parler de 225 $. Alors, c'est compte tenu de l'inflation. Par ailleurs, il y a
la question du crédit d'impôt qu'il faudrait peut-être
corriger. Je pense à celui de la non-identification sur le reçu
du parti politique et aussi le rapport d'impôt lui-même qui cette
année, par exemple, reléguait après une longue lecture
dans une annexe pour savoir si on pouvait faire cette déduction.
Beaucoup de gens se sont posé des questions là-dessus. Si on veut
que les gens soient libres de souscrire, parce que c'est la base même de
notre système, il ne faudrait pas qu'il y ait identification autant que
possible de la source, y compris au niveau du ministère du Revenu.
Le Président (M. Marcil): Votre dernière question,
M. le député.
M. Gendron: Une dernière question pour des raisons de
temps. Vous avez touché, M. Bégin, une question encore là
majeure, toute la question du financement des partis politiques par
l'État. Je n'entrerai pas dans les détails. Il y a deux, trois
formes. Par contre, il y en a une sur laquelle vous ouvrez un peu. Au bas de la
page 18, vous dites: "La pertinence des dispositions actuelles de la loi
limitant l'accès à l'allocation annuelle d'une aide
financière de l'État aux seuls partis représentés
à l'Assemblée Nationale, doit être, à notre avis,
remise en question. " Je pense que vous avez raison. On ne peut pas encore
là toucher ces questions et ne pas indiquer, pour ce qui est des tiers
partis - je pense que le moment est venu - que l'État puisse les aider
d'une façon quelconque. Vous avez introduit comme formule un pourcentage
de votes nationalement - en tous cas dans notre jargon - obtenus dans tout le
Québec. Je veux juste savoir si vous pensez qu'il y aurait plutôt
lieu de privilégier une espèce de formule à trois ou
quatre critères ou si on est mieux d'aller uniquement à un
critère, tel que le principe de la représentation des votes
obtenus pour les partis politiques?
M. Bégin: Nécessairement, un parti ou un groupe qui
a réussi à percer et à obtenir 5 % de l'ensemble, c'est un
bon critère et il est suffisant pour indiquer son importance et
justifier que l'État l'aide à pouvoir représenter ces gens
qui ont voté en sa faveur. Je pense que 5 % est un critère qui
est assez objectif et qui permet de distinguer entre ce qui est totalement
à la limite de la grande marginalité et un groupe qui commence
à représenter certains intérêts ou certaines valeurs
dans un coin ou dans l'ensemble du Québec.
M. Gendron: M. le Président, je voudrais remercier M.
Bégin ainsi que ses collaborateurs pour la qualité de leur
mémoire et l'excellente contribution que le Parti
québécois continue d'apporter à des réflexions
majeures comme celles-là, qui ont toujours une incidence sur la
démocratie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Également, au nom de cette
commission, on vous remercie beaucoup de vous être prêtés
à cette période de questions. Nous allons suspendre pour deux
minutes et permettre aux représentants du Parti libéral du
Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 12)
(Reprise à 11 h 17)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre s'il vous
plaît! Nous reprenons nos travaux en souhaitant la bienvenue au Parti
libéral du Québec représenté par M. Robert
Benoît, président. Voulez-vous présenter vos
collaborateurs, M. Benoît?
Parti libéral du Québec
M. Benoît (Robert): M. le Président, j'aimerais vous
présenter Me Jean Allaire, président de la commission juridique
de notre parti, avocat de grande réputation, en droit municipal
particulièrement, et au parti depuis 1956; M. Jean-Pierre Roy, comptable
de métier, associé senior dans une firme importante, et
représentant officiel de notre parti depuis 1977. À
l'extrême droite, M. John Parisella ex-professeur de sciences politiques,
gradué de Harvard, directeur général du Parti
libéral du Québec présentement et moi-même,
bénévole depuis 1978 et président du parti depuis
1985.
On tient à vous remercier de nous avoir invités, comme
formation politique, à déposer nos points de vue à cette
commission. Je vais d'abord faire un court exposé et demander à
Jean Allaire d'être plus spécifique sur des points précis
du mémoire qu'on vous a présenté.
Le Parti libéral a une vision. Le Parti libéral,
grâce à l'effort de tous ceux et celles qui croient en lui et aux
valeurs qu'il défend, est devenu une organisation dont les membres
peuvent être fiers. Elle honore notre démocratie tant ses
structures sont ouvertes et perméables aux courants de pensée
émergeant dans notre société.
Notre formation puise sa force à même la continuité
des valeurs progressistes et réformistes qu'elle met de l'avant et
surtout sur sa base militante, l'une des plus représentatives du
Québec. J'aimerais mentionner quelques chiffres. Notre parti a
présentement plus de 150 000 membres. Nous avons eu, en fin de semaine
dernière, un congrès de jeunes dans la ville de Sherbrooke avec
plus de 1200 jeunes qui venaient de partout au Québec et notre
congrès de février comptait 4500 membres présents.
Depuis 1985, le Parti libéral du Québec, comme formation
politique, demeure une force dynamique, autonome et distincte. Je n'ai
qu'à mentionner que nous avons gagné un certain nombre
d'élections partielles; que le financement de notre parti l'an
passé comptait plus de 65 000 dons dont 55 000 en bas de 100$; et notre
manifeste S'ouvrir à demain dont quatre grands thèmes ont
été discutés. Je vous les rappelle: Les défis de
l'internationalisation, de la démographie, de l'environnement et de la
démocratie.
Je suis heureux de constater qu'à la suite de dix colloques que
nous avons tenus à travers le Québec nous avons parlé de
la démocratie et nous croyons être bien préparés
pour discuter avec vous de cette réforme de la Loi
électorale.
Notre présence à cette commission parlementaire est
conforme à cette démarche de changement et de réforme. Le
Parti libéral du Québec demeure donc à la disposition des
gens concernés pour rendre à bon port toute réforme qui
vise à améliorer le processus démocratique du
Québec.
Quelques mots d'histoire sur notre forma- tion politique qui manifeste
un profond souci pour le développement des institutions
démocratiques québécoises et canadiennes.
Nourrie d'une conception pragmatique et raisonnable de la
démocratie, elle n'a, à aucun moment de son histoire, failli dans
la promotion et la protection des assises institutionnelles des idéaux
de liberté, d'égalité et de justice qui sont les ressorts
de notre démocratie libérale. Notre parti a su arbitrer entre les
droits individuels et les droits collectifs. Par ses réformes, notre
formation a conduit le Québec autant vers une grande
prospérité économique que vers une précieuse
justice sociale, tout comme elle a contribué à en faire une terre
de liberté.
Au sujet de la révision de la Loi électorale, même
si c'est sous un gouvernement issu de notre formation politique que
s'opère la présente réforme de la Loi électorale,
c'est, faut-il le souligner, comme formation politique autonome que le Parti
libéral du Québec vient dans cette enceinte. Ce sont nos
militants, nos organisateurs, ses officiers qui font l'expérience et qui
sont soumis à l'application de cette loi d'une façon quotidienne.
C'est là que nous puisons la légitimité de notre
présence à cette commission parlementaire et c'est à ce
titre que nous entendons faire la promotion des valeurs que nous
défendons: les libertés individuelles, la justice sociale, la
prospérité économique.
Dans son programme électoral de 1960, déjà notre
formation politique traçait, rappelons-le, les grands axes d'une
série de réformes en profondeur de la Loi électorale, et
vous en avez une série d'énumérés à la page
5 du document que nous vous avons soumis.
Actuellement, qu'en est-il au juste de la Loi électorale
québécoise? Au cours des années, elle a connu une
évolution progressive et continue, tout en demeurant fidèle aux
règles de base du parlementarisme britannique et du
fédéralisme canadien que le temps a profondément
ancrées dans la culture politique québécoise. Cette
progression, notre loi l'a connue sous plusieurs angles, et permettez-moi d'en
rappeler quatre principes directeurs. D'abord, le principe de
l'accessibilité physique, qui a connu une généralisation
significative; deuxièmement, le principe de la transparence qui s'est
aussi largement étendu; troisièmement, le principe de
l'efficacité qui s'est également imposé à la Loi
électorale; et enfin le principe du respect de l'individu qui s'est
largement généralisé par l'attribution du droit de vote
à des catégories de gens jadis exclues.
Je finirai, M. le Président, en vous rappelant que la Loi
électorale québécoise a donc progressé sur la base
de ces quatre grands principes. Dans un esprit de prolongement de l'ouverture
de la loi, notre formation politique réaffirme ces principes pour en
faire les principes directeurs de ses remarques et de ses suggestions
techniques présentées devant cette commission.
J'inviterai maintenant Me Jean Allaire à être plus
spécifique sur certains points de notre mémoire.
Le Président (M. Marcil): Me Allaire.
M. Allaire (Jean): M. le Président, Mmes et MM. membres de
la commission, quelques remarques préliminaires très
brèves. Je suis fort heureux d'avoir entendu l'autre parti politique, le
Parti québécois, se prononcer sur certaines questions qui
rejoignent et qui vont dans le même sens de plusieurs de nos
préoccupations.
En second lieu, je désire souligner la qualité des
documents qui nous ont été soumis par le Secrétariat
à la réforme électorale. On ne le souligne pas assez
souvent et je pense que la qualité de ces documents a permis une
intervention beaucoup plus éclairée à la plupart des
personnes ou des organismes qui se sont présentés devant vous. Il
faut rendre hommage non seulement au ministre, mais également aux
fonctionnaires du secrétariat en question.
Enfin, M. le Président, notre mémoire que vous avez devant
vous est très succinct. Premièrement, il ne s'agissait pas de
faire une thèse de doctorat ou de maîtrise sur des sujets
très techniques, même s'ils rejoignent à certains moments
des questions de principe, mais qui sont toujours à l'intérieur
de la technicité de la Loi électorale telle qu'elle nous est
présentée. C'est donc la raison pour laquelle nous n'avons jamais
abordé le mode de représentation électorale qui est
complètement à part de la. Loi électorale et qui, je
pense, a déjà fait l'objet de discussions et de débat mais
que le Parti libéral est prêt à reprendre
éventuellement si jamais le débat reprenait.
Nous nous en sommes donc tenus à la technicité de la Loi
électorale, tel que le tout nous avait été proposé.
Je ne lirai pas le mémoire que je sais avoir été lu par
tous les membres, mais je me bornerai à rappeler les quatre grands
principes à la base du mémoire en question, que vous retrouverez
dans la table des matières au début, c'est-à-dire
accessibilité, transparence, efficacité et respect des
institutions et des individus.
En pleine période estivale, M. le Président, je pense que
nous nous sommes efforcés, comme plusieurs autres, de vous soumettre
immédiatement des mémoires qui ne se voulaient pas exhaustifs,
mais qui se voulaient une aide qu'on espère fructueuse à la
commission dans ses études.
Et la deuxième raison, pour le rapport plutôt succinct que
nous allons élaborer, est que nous avons tenu à respecter
scrupuleusement les délais qui nous avaient été impartis
par votre commission pour la production de notre mémoire. Je vous
souligne que nous avons respecté scrupuleusement les délais en
question.
Je passerai immédiatement au premier problème: Le vote des
Québécois hors Québec, qui est le premier sujet sous le
thème "accessibilité". Quelques précisions sur le texte en
question. Au troisième paragraphe, l'emploi du mot
"momentanément", comme d'autres intervenants l'ont fait, est
évidemment en opposition au terme "permanent". Cela a été
expliqué par mon confrère il y a quelques minutes et j'abonde
dans le même sens, c'est que vous pouvez avoir plusieurs
résidences, mais vous n'avez qu'un seul domicile. Le domicile est
décidé selon le Code civil qui est à base même de
l'état et des capacités des personnes. Il y a les faits, mais
aussi, et c'est vital, l'intention des gens. À ce moment, c'est la
raison pour laquelle nous avons employé le mot
"momentanément".
Vous remarquerez qu'au quatrième paragraphe nous parlons d'un
maximum de délai d'absence. Je reviendrai sur ce sujet que j'explorerai
un peu plus avant parce que nous nous sommes penchés un peu plus
à fond sur toute la mécanique qui pourrait être mise en
place pour le vote des Québécois hors Québec. Par hors
Québec nous entendons non seulement en dehors du pays, mais en dehors de
la province, c'est-à-dire dans d'autres provinces et un système
qui peut être combiné avec le système qui sera mis en place
lorsque le projet de loi fédéral C-79 sera adopté.
Et lorsque nous avons écrit et élaboré le texte au
dernier paragraphe de l'article 3. 1. 1, Vote des Québécois hors
Québec, évidemment, nous croyions à ce moment, que le
projet de loi C-79 pourrait être adopté. II va sans dire que c'est
sujet à l'adoption du projet de loi C-79 qui mentionne une liste
spéciale qui pourrait avoir son pendant ici dans la province, non pas
pour les Québécois à l'étranger parce que nous
pourrions nous servir facilement de la liste établie par le DGE
fédéral, mais nous parlons surtout de la liste provinciale qui
pourrait être établie pour les Québécois hors
Québec dans d'autres provinces ou qui sont momentanément, pour
toutes sortes de raisons, de santé ou voyage, à
l'extérieur du Québec.
Je désirerais attirer votre attention sur le fait que nous ne
pouvons pas, dans l'abstrait, traiter du vote des Québécois hors
Québec sans parler en même temps d'autres sujets vitaux et qui
rejoignent le vote par procuration ou le vote par correspondance. Je
m'explique. Lorsqu'on parle du vote des Québécois hors
Québec, il faut parler en même temps, dans une vision plus
globale, de l'ouverture d'esprit en premier lieu, et je pense que tout le monde
a cette ouverture d'esprit, mais cette ouverture au vote de tous les gens qui
ont réellement le droit de vote, quel que soit l'endroit où ils
sont, quelle que soit leur condition physique ou mentale dans le respect des
lois existantes et quelle que soit la condition physique et locale - je
m'expliquerai dans quelques instants - des personnes en question.
Il y a une différence entre les gens qui sont hors du Canada,
hors du Québec, ceux qui sont handicapés mentaux et ceux qui sont
handicapés physiques. Je dis immédiatement que
si nous voulons être logiques nous ne pouvons pas, du bout des
lèvres, dire que nous voulons donner le droit de vote à tous ces
gens sans parler obligatoirement du vote par procuration ou du vote par
correspondance. Vous verrez dans notre mémoire que nous parlons du vote
par procuration. Pourquoi? Parce que l'expérience a été
faite, avant, dans d'autres provinces. On a peut-être parlé de
fraude, etc., même si nous avons dépassé ces années
depuis certainement une bonne quinzaine ou vingtaine d'années. Tous ceux
qui ont vécu des élections dans les années cinquante et
soixante peuvent témoigner très facilement et dire que les moeurs
et la mentalité des gens ont tellement changé qu'il faut tout de
même faire un peu confiance à cette nouvelle mentalité
sociale qui s'est développée depuis une vingtaine
d'années. (11 h 30)
Nous ne pouvons pas, dis-je, parler de ces problèmes, et je
m'expliquerai dans quelques secondes, sans parler du vote par procuration ou
même par correspondance. Il semble qu'il y ait plus de facilité,
d'après l'expérience des autres, qu'il y ait fraude vu qu'on a
très peur, malgré cette nouvelle mentalité qui existe,
qu'il y ait des fraudes quelque part. L'expérience qui nous vient
d'ailleurs nous dit que le vote par correspondance est peut-être un peu
plus compliqué à administrer, je ne le sais pas personnellement,
je prends les affirmations de ceux qui ont vécu cette expérience,
et que le vote par procuration n'a pas donné lieu à des
excès ou à des fraudes. Mais évidemment, il y aura
toujours des exceptions.
On parle des Québécois hors Québec. Nous allons
prendre en premier lieu et vous allez peut-être me poser des questions
sur ce que j'entends au point de vue du temps et sur la façon que nous
aurions de procéder, etc. Je pense que si on restreint le droit de vote
à des fonctionnaires qui sont hors Québec, il ne faut pas faire
de différence et dire que les fonctionnaires en poste vont voter, mais
que leurs compagnes, épouses ou enfants ne voteront pas. On ferait de la
discrimination qui serait à rencontre des chartes et de la loi
fondamentale. Il ne faut pas faire de différence entre quelqu'un qui est
depuis quelques mois ou quelques années à l'étranger pour
travailler, par exemple, pour une firme d'ingénierie en Afrique ou
ailleurs, qui se promène de par le monde - c'est de plus en plus courant
et, Dieu merci, c'est bénéfique au Québec vu que nous
avons une expertise tout à fait spéciale dans plusieurs domaines
maintenant qui force les gens à voyager de plus en plus... Il faut tenir
compte de ces faits qui sont réels. Si nous donnons le droit de vote aux
Québécois hors Québec, nous ne pouvons pas faire
d'exception, à condition, et c'est une condition sine qua non, que les
gens aient réellement ou bien conservé leur domicile réel
au Québec, dans certains cas, c'est très difficile et trop
coûteux. Il faut également donner le droit de vote aux gens qui
n'ont plus de domicile réel au Québec, mais qui conservent, et
c'est primordial dans notre droit, c'est fondé sur le Code civil,
l'intention de revenir au Québec en permanence.
Vous allez me dire: Comment établir cette intention? Si vous avez
le vote par correspondance uniquement, vous ne pouvez pas avoir cette formule
ou cette déclaration d'intention de la personne en question à
savoir qu'elle désire revenir au Québec, à son domicile.
Par le mode de la procuration, parce qu'il s'agit immédiatement d'un
certain formalisme, pas rigide, mais un certain formalisme où la
personne visée déclare clairement qu'elle désire par un
formulaire, c'est facile et cela peut être traité informatiquement
d'une façon très simple, revenir au Québec et que son
intention est de garder son domicile au Québec. Dans quelques cas, cela
ne sera peut-être pas vrai, mais je crois qu'il ne faut pas se priver
d'un mode de votation qui est important à cause de quelques personnes
qui pourront jouer le système, et je pense que ce sera une
minorité.
Par le vote par correspondance auquel nous ne sommes pas opposés
si vous en venez à cette solution, vous ne pouvez pas facilement
rejoindre tous les Québécois hors Québec qui auront le
droit de voter par correspondance, que ce soit pour des difficultés
reliées aux postes dans certains pays éloignés ou que ce
soit pour des raisons de mouvement de personnel. Il sera peut-être
beaucoup plus difficile de suivre les allées et venues de quelqu'un qui
représente le Québec à l'étranger, de garder trace
des gens en question.
Nous avons étendu le vote au moyen de bureaux de
dépôt itinérants pour faciliter le droit de vote à
des personnes qui sont en institutions reconnues par le gouvernement ainsi que
dans d'autres institutions. Contrairement à ce qui a été
mentionné par quelqu'un ici, la semaine dernière je pense, les
gens qui sont dans des centres d'accueil privés ne sont pas tous
autonomes, loin de là. Ce que la personne a voulu dire, c'est que la
personne qui entre dans un centre d'accueil privé se doit d'être
autonome quand elle y entre. Mais au bout de quelques années, la maladie
et l'âge, cette grande égalisa-trice aidant, la personne n'est
plus autonome. Donc il faut tenir compte également des centres d'accueil
où il va falloir, si on établit des bureaux de vote
itinérants, tout le monde s'entend là-dessus, établir
certaines balises et certaines limites parce qu'il sera impossible de passer de
porte à porte comme un livreur de pain pour faire voter quelqu'un avec
toute la logistique que cela comprend. Donc il va falloir se limiter à
certains endroits et il va falloir pousser la réflexion un peu plus
loin. Cela rejoint, à ce moment-là, si on ne peut pas comme les
livreurs de victuailles aller de porte à porte, l'obligation pour nous
de donner l'accessibilité de vote aux gens qui ne peuvent pas voter pour
des raisons motrices ou d'autres raisons de santé. Il va absolument
falloir corn-
pléter les deux systèmes.
Sur le vote du handicapé mental, je conçois
aisément qu'à cause des exigences de notre droit civil, celui-ci
ne puisse pas donner de vote par procuration. Ce serait une procuration qui
serait considérée comme illégale. Donc nous sommes
d'accord pour que les handicapés mentaux, surtout en institution
où on pourrait établir un lieu de votation, ne puissent pas voter
par procuration. Oui?
Le Président (M. Marcil): Je m'excuse, mais vous avez
utilisé le temps qui vous était alloué. Nous allons
procéder immédiatement à la période de questions.
Est-ce que cela va?
M. Allaire: Bien.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Gratton: Alors, M. le Président, je remercie les
représentants du Parti libéral, notamment son président,
de nous avoir rappelé les principes directeurs qui guident le parti dans
ses efforts de moderniser notre Loi électorale et surtout de nous avoir
fait état de suggestions et de recommandations très
spécifiques à l'égard de certains thèmes qui ont
été évoqués dans le document du Secrétariat
à la réforme électorale.
Je pense avoir saisi les précisions qu'apportaient M. Allaire
tantôt quant à la clientèle éventuellement
admissible au vote, en ce qui a trait aux Québécois hors
Québec. J'aurais deux questions spécifiques sur ce sujet.
D'abord, où croyons-nous que le vote des Québécois hors
Québec devrait être comptabilisé?
M. Allaire: Je crois qu'au point de vue logistique, M. le
ministre, cela devrait être centralisé ici au Québec, pas
entre les mains du DGE, mais dans chaque bureau de scrutin. Si vous me
permettez, nous avons poussé la réflexion jusqu'au point que vous
nous mentionnez. Une des difficultés, c'est, premièrement,
à quel endroit, si c'est fait par procuration, va voter le mandataire?
D'abord, pour répondre à une des questions de tout à
l'heure, à savoir qu'on ne pourrait pas vérifier pour qui le
mandataire vote, comme dans tout mandat, il s'agit de choisir une personne en
qui nous avons confiance. Et je pense que si nous avons fait un mauvais choix,
nous en portons la responsabilité. Le mandataire en question devrait
être choisi par celui qui est à l'étranger, par exemple,
à l'endroit de son domicile, si cette personne à
l'étranger a gardé un domicile dans un comté, dans une
circonscription électorale. Je pense que le mandataire devrait
être choisi dans cette circonscription, devrait voter dans cette
circonscription et que le dépouillement devrait être fait à
cet endroit.
Si on me dit: Oui, mais dans le cas où il n'a pas gardé de
domicile. Je pense que, lorsqu'il a quitté le Québec, il
était domicilié dans une certaine circonscription
électorale. Nous pensons que cela pourrait être logique, pour
garder un certain ordre là-dedans, un certain contrôle, qu'il
devrait être choisi un mandataire dans cette circonscription
électorale qu'il a déjà quittée s'il affirme
vouloir revenir au Québec et être domicilié au
Québec. Le mandataire devrait également être de la
même circonscription électorale. C'est une suggestion pour
peut-être aller plus loin dans la réflexion que nous avons
faite.
M. Gratton: Qu'arrive-t-il de ce problème que certains
évoquent pour les Québécois qui résident à
l'extérieur du Québec, mais au Canada? Ce problème du
double vote, puisque, effectivement, ils auraient possiblement droit de vote,
si on le leur accorde, au Québec et dans la province où ils
résident au moment d'une élection provinciale dans cette
province. Est-ce que cela crée des problèmes quant à
vous?
M. Allaire: Je ne vois aucun problème, M. le ministre, pas
plus que le Canada ne voit de problème dans le double vote des
Français actuellement. Je pense que si le Québec veut aller
s'ingérer dans les affaires des autres provinces, le parti et moi avons
de fortes réticences à aller nous mettre le nez dans leurs
affaires alors que nous ne voulons pas qu'ils viennent mettre leur nez dans nos
affaires. Je pense que la question du double vote sera réglée en
bonne partie si nous adoptons le vote par procuration parce qu'il y aura des
formules à remplir à ce moment-là et si la personne dit:
Moi, je veux, j'ai toujours eu l'intention et j'ai l'intention de revenir au
Québec et être domicilié à cet endroit,
peut-être qu'il y aura avec l'autre province un échange de bons
procédés et un échange suivant la loi d'accès, par
exemple, de ces formules en question, qui permettra à la province, si
elle le désire, de dire à l'autre province: Voici, monsieur, vous
n'aurez pas le droit de vote dans notre province parce que vous avez
déjà rempli une formule indiquant votre intention de garder votre
domicile au Québec. Mais cela sera leur problème. En
résumé, M. le ministre, nous ne voulons pas faire
d'ingérence.
M. Garon: Mais du côté du Québec, il ne
serait alors pas question d'exiger, pour avoir le droit d'exercer le droit de
vote au Québec, que ce Québécois hors Québec
s'engage à ne pas voter à une élection provinciale
ailleurs?
M. Allaire: Non, je crois que ce serait de
l'ingérence.
M. Gratton: Mais sur la question plus générale,
vous avez mentionné que quand on parlait du vote des
Québécois hors Québec, évidemment tous ceux qui
sont à l'extérieur du Canada, le problème serait
relativement facile à cerner...
M. Allaire: Oui.
M. Gratton:... dans la mesure où C-79, qui est devant le
Parlement présentement, était adopté.
M. Allaire: Oui.
M. Gratton: Mais on doit constater qu'il y a de fortes chances
que C-79 ne soit pas adopté à temps pour la prochaine
élection générale et cela étant, ne soit
peut-être pas une priorité pour le prochain gouvernement
fédéral, quel qu'il soit. Est-ce qu'on peut concevoir qu'en
l'absence de l'adoption de C-79 à Ottawa suffisamment longtemps avant
notre prochaine élection générale, on puisse accorder le
droit de vote aux Québécois hors Québec?
M. Allaire: Oui. Je crois, M. le ministre, pour répondre
à votre question, si le fédéral n'allait pas de l'avant,
j'en serais surpris, mais enfin, avec cette mesure, qui me semble une mesure
saine, le Québec, avec les moyens informatisés dont il dispose
maintenant, pourrait fort bien engager le même processus. Nous le
pourrions. Vous allez me demander de quelle façon. À un moment
donné, par exemple, nous aurions à rédiger une
première liste, une première liste des Québécois
qui sont dans une autre province et qui sont au Canada. De toute façon
nous allons avoir à faire cette liste. Comment? Il pourrait être
publié dans chacune des provinces des avis publics indiquant que la
province de Québec a établi un système où il faut
faire une première liste de Québécois hors Québec
qui auront le droit de vote, il y a telle formule à remplir et il faut
s'adresser, par exemple, au bureau du DGE. Les formules sont envoyées,
remplies et finalement mises sur informatique. Si la liste
fédérale est faite, évidemment, pour les
Québécois hors du Canada, nous pourrons nous servir de la liste
du DGE fédéral. Mais si elle n'est pas faite, je pense que le
même système pourrait être fait avec des avis publics ici au
Québec et au Canada et peut-être dans certains pays. Nous ne
pourrons sûrement pas rejoindre tous les pays où se trouvent des
Québécois, mais les Québécois qui auront
gardé des contacts ici au Québec et qui voudront revenir et
être domiciliés au Québec. Il va sûrement y avoir du
bouche à oreille et sûrement de la correspondance, on rejoint le
vote par correspondance, pour mettre les Québécois hors
Québec au courant de ce nouveau système. Ceux qui veulent
réellement exercer leur droit de vote vont faire la même
démarche auprès du DGE pour remplir la formule de procuration,
avec leur adresse, quel que soit le système que vous allez retenir.
Alors, il pourrait y avoir deux listes: une première liste pour tout le
Canada et une première liste pour tous les Québecois hors du
Canada. (11 h 45)
M. Gratton: Je vous remercie. Sur la question du vote des
handicapés mentaux, tout le monde reconnaît le bien-fondé
de l'accorder à ceux, en tout cas, parmi les handicapés mentaux
qui ont la capacité d'exercer leur droit de vote, ce qui est le cas,
semble-t-il, selon les témoignages qu'on a reçus la semaine
dernière, probablement d'une majorité de ceux qui sont sous la
curatelle publique ou même en cure fermée. On sait
également que la plupart reconnaissent que le nouveau Code civil,
lorsqu'il entrera en vigueur, pourrait nous fournir la réponse: qui est
habile à exercer son droit de vote parmi les handicapés mentaux
et qui ne l'est peut-être pas? Mais entre-temps, compte tenu qu'on ne
sait pas le moment où le nouveau Code civil entrera en vigueur, quelle
est la position du Parti libéral? Est-ce qu'elle va dans le sens
d'élargir complètement, en d'autres mots, d'abroger l'article 54.
4 de la Loi électorale pour permettre à l'ensemble des
handicapés mentaux d'exercer leur droit de vote, même à
ceux qui, en l'occurrence, à défaut de l'entrée en vigueur
du Code civil, pourraient être des personnes moins capables d'exercer
leur droit de vote? Est-ce qu'elle va dans le sens de conserver leur statu quo
jusqu'à ce que le nouveau Code civil soit en vigueur?
M. Allaire: Je vous répondrai de deux façons: du
point de vue politique, notre formation dans son mémoire, et d'ailleurs
elle l'a toujours montré durant les années antérieures et
depuis de nombreuses décennies, a commencé par le droit de vote
à des femmes au tournant du siècle et, par la suite, a toujours
été pour l'élargissement le plus complet du droit de vote.
C'est au point de vue philosophie politique. Je vous rappelle cependant
qu'actuellement, dans le Code civil qui régit le droit des personnes et
la capacité des personnes, il existe déjà le conseil que
l'on donne à quelqu'un qui a besoin d'être aidé dans
l'administration de ses biens; il existe déjà la tutelle, il
existe déjà la curatelle. Il existe déjà plusieurs
formes de curatelle et c'est là que c'est embêtant et je me pose
la question: si vous abolissiez l'article 54 immédiatement, il faudrait
que vous demandiez aux légistes du gouvernement, et en particulier de la
justice, d'examiner attentivement la portée juridique de cette table
rase que vous feriez de l'article 54.
Je ne suis pas sûr que même si vous faisiez abstraction
complète de l'article 54, quatrième paragraphe, qu'à ce
moment-là tout pourrait être considéré
complètement légal. La Curatrice publique a elle-même dit
ou déclaré - vous me corrigerez si je suis dans l'erreur -
qu'elle était d'opinion qu'il fallait tout enlever, quitte à
remettre certaines limites. Elle rejoint les préoccupations
légales que nous avons parce qu'il y a certaines curatelles
fermées, entre autres, qui feraient en sorte que la personne ne pourrait
au point de vue civil exercer un droit fondamental. Je ne crois pas non plus
que, suivant les chartes, il s'agirait d'une limite déraisonnable.
Alors, c'est la difficulté lorsqu'on dit dans un élan
plein de générosité et d'ouverture, et nous en sommes:
Abolissons complètement l'article 54. 4. Il y a des conséquences
que nous ne voyons pas aujourd'hui, et j'aimerais que les légistes du
gouvernement vous avisent, et très sérieusement,
là-dessus. Si vous êtes pour faire complètement abstraction
du quatrième paragraphe pour en remettre, pour suivre la suggestion ou
la possibilité qui était exprimée par la Curatrice
publique, il me semble que vous êtes dans une drôle de situation,
vous les législateurs, de tout enlever et de remettre quelque chose par
après. Quand vous enlevez les freins, il est difficile de les remettre
par la suite, même si vous vous basez sur des textes légaux
très sérieux et des raisons légales sérieuses.
C'est la seule inquiétude, mais nous avons la plus complète
ouverture devant ce problème et j'ai mentionné quelques
problèmes du vote par procuration tout à l'heure.
Je pense que les seuls inconvénients qui pourront se produire si
les gens votent dans l'institut où ils sont, c'est peut-être un
plus grand nombre de votes qui seront annulés, mais ce n'est pas fatal;
ils auront exercé leur droit de vote. Ceux qui auront exprimé un
droit de vote de façon valide, leur vote y sera.
M. Gratton: Une dernière question, parce que je constate
que le temps s'écoule. D'ailleurs, j'ai manqué de temps
tantôt pour pouvoir la poser au Parti québécois, parce
qu'effectivement il s'agit là d'un point de divergence entre tout au
moins les partis politiques, sinon les représentants de ces partis ici
à l'Assemblée nationale. Cela touche la durée de leur
révision pour le vote de l'électeur non inscrit. Au comité
de parlementaires, on semble faire consensus sur la possibilité, pour un
électeur qui ne serait pas inscrit à la liste électorale,
de pouvoir se faire inscrire en se présentant en personne au bureau du
directeur de scrutin jusqu'au vendredi qui précède le scrutin.
Et, en personne, cela veut dire la personne elle-même ou un proche parent
ou une personne qui est proche de l'électeur. Dois-je comprendre qu'au
Parti libéral vous seriez d'accord avec cette proposition du
comité de travail de permettre l'inscription de l'électeur non
inscrit jusqu'au vendredi précédant le jour du scrutin?
M. Allaire: Oui, M. le ministre. Nous l'avons exprimé dans
notre mémoire et ceci est dans la ligne de pensée de
l'accessibilité et du respect des individus dans leur droit de vote. Et,
maintenant si on nous dit qu'au point de vue logistique c'est trop long le
vendredi, cela peut être le jeudi. Ce n'est pas une question fatale. Nous
sommes souples. Nous voulons qu'il y ait une dernière chance.
Maintenant, pour bien préciser ce qui n'est peut-être pas
précisé dans notre mémoire qui est très succinct
pour les raisons que je vous ai mentionnées au début, c'est que
même après la fermeture de la période officielle de
révision, les demandes de révision qui parviendraient au
directeur de scrutin local seraient considérées dans une
dernière révision le vendredi. Mais, ce qu'on a voulu dire, le
vendredi ou le jeudi si vous l'établissez comme cela, c'est que le
vendredi - parlons du vendredi c'est plus facile - ce serait la dernière
chance. Et, à cause du fait que nous ne pouvons pas facilement demander
au directeur de scrutin de faire les vérifications d'usage quant au
bien-fondé de cette demande, nous suggérons que cette demande
soit faite personnellement, c'est-à-dire par la personne visée
elle-même et non par des intermédiaires, pour faciliter le travail
de révision.
M. Gratton: D'accord. Une dernière question si on me le
permet, M. le Président...
Le Président (M. Marcil): Oui, votre dernière, M.
le ministre.
M. Gratton:... sur la divulgation des contributions. On sait
présentement que la loi ne spécifie pas de quelle façon
les partis doivent divulguer les contributions. On sait que dans le cas du
Parti libéral du Québec, depuis deux ans je pense, la divulgation
se fait a partir d'une liste alphabétique générale, et on
a entendu tantôt le Parti québécois exprimer sa
préférence pour une liste alphabétique par circonscription
de résidence, mais on reconnaissait, du côté du Parti
québécois, la possibilité d'exiger les deux,
c'est-à-dire de faire rapport à partir de deux listes: une par
ordre alphabétique générale, l'autre par ordre
alphabétique de circonscriptions de résidence. Dans cette
suggestion du Parti québécois, est-ce que le Parti libéral
verrait une possibilité de compromis, ou est-ce que le Parti
libéral préfère que la loi spécifie très
exactement laquelle des formules retenir?
M. Allaire: M. le ministre, Mme la Présidente, je
répondrai du point de vue légal et je vais laisser le
côté financier à M. Jean-Pierre Roy.
Du point de vue légal, qu'est-ce qu'on veut par la divulgation
des contributions? On veut savoir si la loi est respectée au
Québec, dans notre province, en ce sens qu'on veut savoir si une
personne en particulier n'a pas dépassé la limite permise dans
tout le Québec. C'est le but visé par la divulgation. C'est la
raison pour laquelle, depuis quelque temps, à la suite de certaines
suggestions qui avaient été faites, le Parti libéral a
soumis une liste alphabétique pour toute la province. Et cela remplit
les buts visés par la loi. Cela, c'est du point de vue légal.
Maintenant, du point de vue pratique, il y a peut-être une
difficulté dans la liste par circonscription électorale qui ne
donnera pas les contributions en bas de 100 $. Maintenant, pour le reste, je
laisserais répondre Jean-Pierre Roy, notre trésorier et
représentant officiel.
M. Roy (Jean-Pierre): Je pense justement, M. le Président,
que Me Allaire vient d'ouvrir la porte sur le point où, même sur
le plan comptable, on pourrait avoir deux listes qui ne correspondraient pas.
On aurait une liste où on doit additionner, tel que le fait le Parti
libéral, toutes les contributions qui ont été faites par
un électeur, alors que les listes par instances - et là j'ajoute
entre parenthèses qu'on pourrait avoir autant d'instances qu'un parti
politique pourrait décider d'en avoir - on pourrait avoir autant de
listes. À ce moment-là, sur ces listes-ià on pourrait
laisser tomber les montants inférieurs à 100 $. Une liste
engloberait toutes les contributions de l'électeur et une autre liste
pourrait englober... De quelle façon on fait le choix, dans quelle
circonscription... Je pense que, comme le disait Me Allaire, le but de la loi
est d'avoir une liste transparente qui donne toute l'information
nécessaire à qui veut l'avoir.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Roy. On vous
remercie de votre intervention.
Je vais. maintenant reconnaître le député
d'Abitibi-Ouest, représentant de l'Opposition officielle.
M. Gendron: Rapidement, je voudrais remercier le Parti
libéral pour sa contribution. Je pense qu'il a pris le temps de nous
soumettre encore là un mémoire passablement étoffé,
articulé, où il touche les questions principales.
Vous comprendrez que je ne vous questionnerai pas longuement sur la
partie 1 du mémoire pour des raisons évidentes. Pour ceux qui
n'ont pas copie du texte, nous avions droit là à la vision
générale du Parti libéral du Québec sur à
peu près toute question. Il est intéressant d'apprendre, à
la première ligne, que le Parti libéral du Québec est
aujourd'hui une formation politique dynamique et présente. On pourrait
s'amuser un peu. Est-ce que cela signifie que, dans le passe, vous aviez des
doutes sur les valeurs? C'est pour m'amuser parce que, dans le fond, cela ne
fait pas partie, je pense, de nos travaux. Les trois premières pages
sont des grandes orientations d'ouverture, genre s'ouvrir à demain, sur
les questions de 1990 et cela déborde, bien sûr, toutes les
préoccupations qu'on peut avoir comme parlementaires sur la
réforme électorale.
Cela dit, dans la partie 2, je pense que le Parti libéral a
choisi une heureuse initiative de bien camper dans son mémoire les
différentes thématiques, les différents thèmes sur
lesquels il y aurait lieu de modifier la Loi électorale en y
précisant très clairement les principes sur lesquels le Parti
libéral croit qu'il y a lieu d'axer une réforme
électorale, des principes tels l'accessibilité, la transparence,
l'efficacité et le respect des droits collectifs à certains
égards et, à d'autres égards, individuels. Je pense que
c'est un mémoire qui se lit bien et qui touche les grandes
questions.
Je ne reprendrai pas l'ensemble des éléments. Il y a
plusieurs choses qui me préoccupent, bien sûr, mais je pense que
les deux questions principales, en ce qui me concerne en tout cas, sont toute
la question des droits des handicapés mentaux et le vote par procuration
et par anticipation.
Pour ce qui est du vote par procuration, encore là votre position
est claire. À la page 11, vous dites clairement que c'est une question
d'ouverture et d'accessibilité au vote pour un plus grand nombre de
personnes possible. C'est donc une position de principe. Cependant, j'ai deux
questions bien précises. On pourrait en avoir plus. La première
est celle-ci. Que ce soit à M. Allaire ou à M. Benoît de
répondre, c'est à vous de décider. Est-ce que,
fondamentalement, vous croyez que quand on a la prétention, au
Québec, qu'instaurer un mécanisme de vote par procuration,
lorsqu'on dit que cela ne correspond pas à nos habitudes et à nos
moeurs électorales, autrement dit, en termes clairs, est-ce que vous
faites une nuance entre le comportement électoral des
Québécois versus le comportement électoral des Ontariens,
des Manitobains ou des Canadiens? Dans votre esprit, est-ce qu'il y en a une
par rapport à notre histoire, notre historique et que, dans ce
sens-là, on ne parle pas de la même chose comme comportement des
électeurs, même si on parle du même sujet?
M. Allaire: M. Gendron, je pense que fondamentalement, si on
parle de démocratie et d'instrument de démocratie, il y a
toujours une première fois et il y a une évolution des
idées, comme je l'ai mentionné au début de mon
exposé. Je pense que l'expérience ayant été faite
ailleurs, nous ne sommes pas plus bêtes, sûrement pas, et je fais
confiance en l'intelligence des Québécois pour avoir une vision
beaucoup plus progressiste que conservatrice dans le sens non pas politique,
mais dans le sens de comportements dans toutes ces nouvelles fonctions de
procéder. Depuis plusieurs décennies, nous avons eu au
Québec des premières; on en a mentionné quelques-unes tout
à l'heure, qui ont été établies par les
différents partis qui se sont succédé au pouvoir. C'est
heureux et je ne vois pas pourquoi aujourd'hui la procuration serait
considérée comme quelque chose de tellement extraordinaire, alors
qu'elle est dans nos moeurs. Je vais vous donner quelques exemples. Dans
certains cas, vous ne pourrez pas faire voter quelqu'un qui est dans un centre
restreint de handicapés physiques si vous n'avez pas de vote par
procuration. Donc, deux points. (12 heures)
Le premier point, c'est que la procuration est dans les moeurs
québécoises. Vous avez la possibilité - et ma mère
en a fait usage alors qu'elle était complètement ou presque
impotente, grabataire - de pouvoir donner sans même signer, parce qu'elle
ne pouvait pas signer, une procuration devant notaire pour que ses affaires
soient administrées correctement. Je pense que nous pourrions
avoir la même largeur de vues que celle que nous avons déjà
dans le Code civil vis-à-vis de la procuration notariée. Ce n'est
donc pas quelque chose de nouveau dans nos moeurs. C'est peut-être
nouveau pour le vote, mais c'est tout.
Je vous dis maintenant que, dans certains cas - et cela rejoint le
problème des bureaux de vote itinérants - vous ne pourrez pas
faire voter des handicapés physiques qui ont des problèmes
moteurs sérieux si vous n'avez pas le vote par procuration parce qu'ils
ne peuvent pas faire un X sur un bulletin de vote. J'ai eu l'occasion
d'être, durant plusieurs années, membre de la Fondation
Lucie-Bruneau, anciennement L'Aide aux infirmes. On veut de plus en plus
réhabiliter ou réinsérer les handicapés physiques
qui sont aussi, dans certains cas, handicapés mentaux dans un milieu
physique beaucoup plus semblable à une maison privée. J'ai
visité - et je ne vous raconte pas de romance - à
différents endroits, des résidences particulières qui
avaient été transformées en petits centres d'accueil pour
handicapés physiques ou mentaux légers pour leur
réinsertion sociale dans la société. Je trouve cela
merveilleux. Avec une supervision légère, ces gens-là se
débrouillent beaucoup mieux qu'on ne le pense. Or, il y a de ces gens,
handicapés physiques locomoteurs, qui ne peuvent pas signer; je ne le
nommerai pas, évidemment, mais je connais quelqu'un qui était
avec nous à la Fondation Lucie-Bruneau, un professionnel qui
était qua-draplégique et qui ne se déplaçait
qu'avec l'aide de quelqu'un, sauf lorsqu'il était à
l'intérieur d'une habitation et il se déplaçait en
bougeant la tête de droite à gauche ou de haut en bas. Cette
personne ne peut absolument pas se servir de ses mains pour mettre un X, mais,
avec la procuration, elle le peut, et il y a beaucoup de personnes comme
elle.
Ce n'est donc pas quelque chose d'extraordinaire; c'est
déjà dans les moeurs et vous devez, je pense, aller jusqu'au bout
du raisonnement, de l'ouverture la plus large non seulement pour les
handicapés physiques, mais également pour les handicapés
mentaux, légers ou autres, mais il faut pousser la logique
jusque-là et donner la possibilité aux gens de voter par
procuration.
Le Président (M. Marcil): M. Allaire.
M. Gendron: Sur le rôle des partis, je pense que toute la
question de l'aide à l'électeur pourrait être
réglée par ce qui est déjà prescrit dans la
loi.
M. Allaire: Je ne le crois pas, M. Gendron, parce que vous ne
pourrez pas la régler s'ils ne peuvent pas se déplacer et, dans
la plupart des cas, ils ne peuvent pas se déplacer. Si vous avez des
bureaux de vote itinérants, vous devrez vous arrêter quelque part.
Si vous vous arrêtez, par exemple, à dix personnes, il faut
pousser la réflexion jusque-là. Jusqu'où irons-nous pour
le vote itinérant?
M. Gendron: Oui mais, M. Allaire, je pense que, pour certains cas
dans l'exemple que vous avez donné, toute la formule prévue
d'assistance à l'électeur est une dimension, dans certains cas,
doublée de l'autre dimension qui est le vote itinérant pour
certains handicapés, mais si on...
M. Allaire: Pour compléter.
M. Gendron:... les prend individuellement et
séparément pour le cas Y et le cas Z, vous avez peut-être
raison de dire qu'une seule formule ne permettra pas d'offrir cette garantie de
libre exercice du droit de vote. À tout événement, ma
deuxième question, toujours sur le vote par procuration, est-ce que vous
croyez... Dans le fond, vous nous avez dit: Je fais confiance aux
Québécois, pourquoi n'est-on pas plus, non pas idiots, mais
incapables de profiter de la même expérience qu'ailleurs? Par
contre, on peut parfois être différents, compte tenu de notre base
historique. Certains ont prétendu cela, en tout cas...
M. Allaire: Nous sommes différents.
M. Gendron:... quelques papiers. C'est peut-être l'endroit
pour montrer notre différence fondamentale.
Ma seconde question concernant le voto par procuration: est-ce que vous
pensez sincèrement... Dans votre présentation, vous nous avez
dit: Dans le fond, il s'agit seulement que le mandataire soit bien choisi par
celui qui le mandate. Il s'agit donc d'une responsabilité de choisir un
bon mandataire. Même si je persiste à croire, encore là,
dans l'exemple d'une parente avec vous où il était facile de
vérifier le respect du mandat, ce qui n'est pas le cas quand je choisis
un mandataire même si je suis convaincu d'avoir fait un bon choix, je
n'ai aucune espèce de garantie de vérification.
La question que je vous pose, compte tenu de la fragilité de
certaines personnes, si on instaure le vote par procuration, êtes-vous
convaincus qu'il y a des personnes qui vont effectivement détenir le
mandat de quelqu'un sans nécessairement que celui qui l'a confié
ait souhaité que ce soit telle ou telle personne pour des raisons
d'influence, dans certains cas pour des raisons de centres, par exemple,
où le lien entre ce qu'on appelle le préposé aux
bénéficiaires - cela est très courant - devient dans
certains cas très étroit et très influençable,
négociable. Si on instaure le principe du vote par procuration, on ne
peut pas le cacher, cela va être connu. Il y a des gens qui vont savoir
qu'on peut dorénavant négocier un droit de vote.
Alors, croyez-vous sincèrement qu'à un moment donné
il n'y aura pas des gens qui vont détenir une procuration alors que le
mandataire aurait souhaité que ce ne soit pas cette personne mais,
compte tenu du lien de dépendance qui s'est créé, cela a
eu comme conséquence que des individus se promèneront avec un
certain nombre de procurations pour exercer le droit de vote à la place
d'autres personnes? Quel est votre point de vue là-dessus?
M. Allaire: Notre point de vue, c'est que le nombre de
procurations ou de mandats qu'une personne devrait recevoir devrait être
limité pour éviter le danger que vous venez de mentionner. Il
pourrait être limité à un ou à deux. C'est votre
décision. C'est là ma première réponse.
Deuxièmement, je pense que je ne reviendrai pas sur le choix et
la qualité du mandataire. Je vous répondrai cependant que nous
allons être encore moins sûrs du vote par correspondance parce que
vous ne serez jamais sûrs que la personne qui a voté sur le
bulletin de vote est réellement la personne qui a le droit de vote et
que c'est réellement la personne qui a reçu la paperasse par
correspondance. Vous avez également le même danger dans les deux
cas. Je vous répondrai que, dans les deux cas, il n'y a pas de
système complètement étanche. Dans toute
société, vous avez malheureusement quelques personnes, des
individus minoritaires qui vont essayer de passer à côté du
système plutôt que de le respecter.
Je pense qu'on ne doit pas s'arrêter à une réforme,
dans une réforme électorale de cette importance, alors que le but
visé est d'étendre et d'ouvrir le plus possible le vote à
quelques cas particuliers qui pourraient être des exceptions et qui
pourraient être poursuivis par la loi. Je fais confiance aux
Québécois pour un plus grand sérieux, une plus grande
honnêteté. Ce serait la minorité.
M. Gendron: D'accord. À la page 10 de votre
mémoire, vous avez également mentionné: Le Parti
libéral est d'opinion qu'il faut élargir la possibilité de
ceux qui veulent voter par anticipation. C'est une question que je pose. Je
n'ai pas d'objection à cette opinion. N'y a-t-il quand même pas
lieu de préserver ce que j'appelle le caractère
d'"exceptionnalité", si vous me permettez l'expression, du vote par
anticipation? Je ne veux pas que le jour d'élection devienne quatre ou
cinq jours avant l'élection.
M. Allaire: Non.
M. Gendron: Non, mais quel est votre point de vue pour
élargir le vote par anticipation? Si cela veut dire dans des
délais plus définis, d'allonger peut-être les délais
d'inscription ou de signaler qu'ils veulent voter par anticipation, j'en suis.
Mais, le principe comme tel, quels sont les éléments qui
sous-tendent votre jugement d'ouvrir la possibilité de voter par
anticipation à un plus grand nombre de personnes, alors que j'ai
toujours compris que, dans un régime électoral sain, la
règle du vote par anticipation doit être une règle
d'exception et non pas devenir la règle, parce que le jour du vote doit
rester le jour du vote?
M. Allaire: Nous sommes d'accord là-dessus, M. Gendron. En
fait, ce qu'on a voulu dire, et le gros bon sens a encore joué dans la
logistique localement... Il y a des gens d'un certain âge qui se
présentent au vote par anticipation parce qu'ils sont ambulatoires, ils
ont toutes leurs facultés locomotrices, ils peuvent difficilement se
déplacer mais se déplacent encore. Ils n'aiment pas les foules et
peuvent difficilement se tenir en ligne pour voter. Ils font l'effort de se
rendre au bureau de votation. Jusqu'à maintenant, je ne connais pas de
représentants des deux partis principaux qui ont refusé à
une personne âgée le droit au vote par anticipation, et c'est
très large. Les rapports que j'ai de tous les comtés attestent
que le gros bon sens populaire a fait en sorte que les personnes que nous
voulons rejoindre par ce vote par anticipation, et j'en ai donné une
catégorie, votent sans trop de difficulté. Je peux vous dire de
plus que le serment n'est pas toujours exigé. Le gros bon sens populaire
a fait en sorte que c'est rentré dans les moeurs, dans les coutumes et
c'est le gros bon sens. Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas faire
l'élection uniquement avec des votes par anticipation.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député d'Abitibi-Ouest de même que le représentant
du Parti libéral du Québec. S'il n'y a pas d'autres questions,
nous allons mettre fin à cette audition et vous remercier de vous
être prêtés à cette période de questions. Nous
allons suspendre pour quelques minutes avant de recevoir le prochain
intervenant, soit le Protecteur du citoyen. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
(Reprise à 12 h 15)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons poursuivre nos travaux et inviter le Protecteur du citoyen
à prendre place, Me Daniel Jacoby; vous êtes accompagné de
Me Jacques Meunier. C'est cela.
M. Jacoby (Daniel): Oui.
Le Président (M. Marcil): Nous vous souhaitons la
bienvenue à cette commission parlementaire. Sans plus tarder, nous vous
laissons la parole pour résumer votre mémoire.
Protecteur du citoyen
M. Jacoby: Merci, M. le Président. Je tiens à
remercier la commission de m'avoir permis d'intervenir sur un sujet aussi
important que le plein exercice de droits démocratiques, comme celui du
droit de vote ou du droit de se porter candidat.
Je vais faire un peu l'historique de la question. En 1985, lors de la
période électorale, mon prédécesseur, M.
Labonté, a été saisi de quelques plaintes émanant
de personnes qui se considéraient, à tort ou à raison,
lésées par des fonctionnaires ou du personnel du Directeur
général des élections. Les plaintes portaient notamment
sur le retard à traiter une déclaration de candidature faute de
formule d'accusé de réception, avec perte du droit de se porter
candidat, et même perte du droit d'avoir l'autorisation officielle,
à l'article 325. Également, nous avons eu des plaintes concernant
de l'information erronée qui aurait été donnée par
le personnel du bureau du directeur général. Nous avons eu des
plaintes sur l'absence du directeur du scrutin à un moment où sa
présence s'avérait essentielle, absence de bureau de vote dans
une maison pour personnes âgées, omission de recenser des
électeurs d'une rue, suivi d'un avis erroné concernant la date
limite de révision de la liste électorale.
Ces plaintes ont fait en sorte que le Protecteur du citoyen,
conformément à sa loi qui lui en fait une obligation, a voulu
intervenir pour vérifier le bien-fondé de ces plaintes. Le
Directeur général des élections s'est opposé
à la juridiction de mon prédécesseur et, par la suite, le
Protecteur du citoyen, dans son rapport annuel de 1985, a réclamé
que le litige soit réglé par l'Assemblée nationale. En
même temps, le Protecteur du citoyen proposait, pour éviter la
répétition de certaines causes de lésion, que le Directeur
général des élections puisse bénéficier
d'une disposition omnibus analogue à celle qui existe dans la loi
fédérale, de manière à ce que le Directeur
général des élections puisse adapter la loi aux
circonstances des cas bien particuliers, et éviter que des droits ne se
perdent.
Je suis très heureux de constater que le comité de travail
propose l'adoption d'une clause omnibus dans la Loi électorale.
Cependant, il faut prendre garde. Une clause omnibus, ce n'est pas le
remède à tous les maux. Une clause omnibus permet de changer la
loi, de l'adapter aux circonstances, mais elle ne permet pas de nous mettre
à l'abri des erreurs humaines, des négligences, des oublis qui
font que des droits peuvent se perdre. Cette clause omnibus laisse aussi une
grande discrétion au directeur général; c'est une
discrétion extrêmement importante, mais elle n'offre pas la
garantie qu'une personne qui se plaint auprès du directeur
général ou de ses employés pour faire modifier la loi...
Elle ne garantit pas le fait que le bureau du directeur général
va donner suite aux demandes qui lui sont acheminées.
En 1987, lors des modifications qui ont été
apportées à la Loi sur le Protecteur du citoyen, le Parlement a
choisi de ne pas donner suite à la recommandation de mon
prédécesseur. Mais la question a été
référée au comité qui examine la réforme de
la Loi électorale, conformément à l'engagement qu'avait
pris, à l'époque, le ministre délégué
à la Réforme électorale. Les membres du comité de
travail sur le sujet 58, tout en réservant leur opinion sur
l'assujettissement ou non du Directeur général des
élections à la compétence du Protecteur du citoyen, ont
proposé que le Directeur général des élections
"soit tenu de faire rapport à la commission de l'Assemblée
nationale, après chaque élection générale, des
plaintes reçues, des difficultés vécues et des solutions
apportées, au cours de la période électorale". Le
comité a proposé, en outre, que "soit introduite la
possibilité pour les électeurs de déposer leurs plaintes
auprès de la commission de l'Assemblée nationale pour
étude et considération par celle-ci après
l'élection".
La suggestion du comité de travail répond à une
question bien précise, celle de bien identifier les plaintes qui sont
adressées au Directeur général des élections. Mais,
je considère que c'est une action a posteriori qui ne règle pas
le problème de la personne qui se voit privée de l'exercice de
ses droits. Donc, ce que nous pensons, c'est que, si on veut assurer pleinement
l'exercice de ces droits fondamentaux, il faut trouver un mécanisme en
cours de processus électoral ou encore une solution administrative. Nous
avons envisagé plusieurs hypothèses - il y en a d'autres - en
excluant, bien sûr, le recours aux tribunaux. La première
hypothèse est d'accorder au directeur général tout le
personnel nécessaire pour traiter rapidement et efficacement les
plaintes. La deuxième solution est d'étendre au Protecteur du
citoyen le mandat de pouvoir enquêter sur des plaintes en cours de
processus électoral. La troisième est d'avoir une espèce
de solution de compromis qui fait que ce serait le président de
l'Assemblée nationale qui serait saisi des plaintes et qui, suivant
certains critères qu'il devrait déterminer, pourrait ou non
référer le dossier au Protecteur du citoyen.
La première hypothèse d'augmenter les effectifs du
Directeur général des élections pour traiter plus
adéquatement les plaintes ne répond pas à tous les
problèmes. Elle laisse quand même planer des doutes sur
l'impartialité de l'enquêteur. Deuxièmement, quand bien
même on augmenterait le personnel du Directeur général des
élections, il n'en reste pas moins qu'on n'est pas à l'abri des
erreurs, des négligences, des abus qui peuvent être commis par le
personnel, et toujours de bonne foi, bien sûr.
La deuxième qui est une intervention directe du Protecteur du
citoyen m'apparaît la plus satisfaisante. Il n'y a pas de "red tape".
Elle est efficace. La troisième, eh bien, c'est celle que nous
proposons, mais simplement à titre de
compromis. Les inconvénients de cette solution de compromis, il y
en a quelques-uns et je dois les mentionner. Le premier inconvénient,
c'est que le président de l'Assemblée nationale est
lui-même en élection à ce moment-là, en principe,
et, ce faisant, l'image d'impartialité de celui qui reçoit la
plainte risque d'être affaiblie. Le deuxième inconvénient
c'est que, indépendamment de la situation du président de
l'Assemblée nationale en période électorale, cette
solution implique l'exercice d'un pouvoir relativement discrétionnaire
et, en conséquence, le président devrait se doter de
critères qui lui permettraient d'exercer adéquatement sa
discrétion. Ces critères pourraient être notamment la
nature et la gravité des plaintes, leur caractère
répétitif, la possibilité de remédier à la
situation en temps utile, etc.
Malgré ces inconvénients qui ne sont pas en soi des
obstacles, une solution de compromis de ce genre permet de répondre en
partie aux préoccupations, quant à l'indépendance du
Directeur général des élections, et aussi à la
préoccupation de sauvegarder l'exercice, par les électeurs, de
leurs droits démocratiques. En effet, le Directeur général
des élections soutient que le statut de personne désignée
implique qu'il n'est responsable que devant l'Assemblée nationale et
qu'aucune intervention d'autorité ne doit s'interposer entre lui et
l'Assemblée. Or, la troisième solution, comme d'ailleurs la
deuxième, ménagerait ce principe puisque c'est la
présidence qui décide ou non de référer le dossier
au Protecteur du citoyen. Il faudrait par ailleurs que je souligne - et ceci
m'apparaît important pour les fins de la compréhension de notre
intervention - que même si elles sont des personnes
désignées, le Protecteur du citoyen et le Directeur
général des élections sont assujettis au contrôle du
Vérificateur général, qui est lui-même une personne
désignée par l'Assemblée nationale, et le
Vérificateur général, qui lui aussi est une personne
désignée et indépendante, est assujetti a la
compétence du Protecteur du citoyen. Alors on voit déjà
là que l'indépendance se relativise.
Il faut noter aussi que le Protecteur du citoyen a un pouvoir de
recommandation et non un pouvoir décisionnel, pouvoir de recommandation
qui tire sa force, finalement, de l'autorité morale et de la
crédibilité de l'institution. La preuve c'est que, par rapport
à notre juridiction générale, nous obtenons la correction,
dans les cas de plaintes fondées, pour plus de 99, 8 % des cas. Il n'est
pas nécessaire d'avoir un pouvoir décisionnel pour obtenir les
corrections de situations injustes.
L'argument voulant que l'intervention du Protecteur du citoyen affecte
l'indépendance du directeur général n'est pas plus valable
que la réaction de certains fonctionnaires qui, à l'occasion,
invoquent cet argument. Le Protecteur du citoyen n'a aucune autorité
hiérarchique sur l'ensemble des fonctionnaires pas plus qu'il n'aurait
une autorité hiérarchique sur le Directeur général
des élections ou sur son personnel. La nature particulière du
pouvoir de recommandation du Protecteur du citoyen met aussi de
côté, je pense, l'argument selon lequel cela reviendrait à
instaurer un mécanisme d'appel des décisions du Directeur
général des élections. Je dois le répéter,
le Protecteur du citoyen ne rend pas une décision. Il ne participe pas
au pouvoir judiciaire. Il ne peut rien ordonner. Il recommande tout simplement
et sa recommandation peut être suivie ou non.
Et, quand on parle de notion d'indépendance, qu'est-ce que la
dépendance? La dépendance elle-même, c'est le fait
d'être assujetti à une autre autorité, que ce soit une
autorité hiérarchique ou une autorité judiciaire. Or,
étant donné la nature des pouvoirs du Protecteur du citoyen, il
n'y a pas, à mon point de vue, d'atteinte à l'indépendance
de l'institution.
En somme, cette troisième solution, tout en favorisant l'exercice
des droits des électeurs, permettrait de répondre à
certaines contradictions qui ont été véhiculées
jusqu'ici. Vu l'heure, je vais un peu abréger. Si j'ai consacré
l'essentiel de cette intervention a la nécessité de
prévoir un mécanisme simple et efficace de traitement des
plaintes en matière électorale, c'est que, par le quotidien de
mes fonctions, je suis maintenant convaincu que des droits sont souvent
compromis si leur titulaire n'a pas le privilège d'exposer sa plainte
à une instance susceptible de vérifier objectivement et
rapidement les faits et le droit applicable. D'ailleurs, dans notre quotidien,
nous constatons, sur un plan statistique, qu'une plainte sur trois est
fondée. Des plaintes qui émanent du public envers
l'administration gouvernementale, 33 % sont fondées. Le droit de voter
et celui de se porter candidat sont des droits si fondamentaux qu'ils sont
affirmés par chacune de nos chartes. Il est donc important que le
citoyen privé ou menacé de la privation d'un tel droit ait
à sa disposition des moyens d'obtenir, en temps utile, les
remèdes appropriés à sa situation et que les mesures
nécessaires soient prises pour qu'il soit adéquatement
informé de l'existence des recours à sa disposition.
Pour terminer, j'aimerais dire - d'ailleurs, comme vos documents de
travail le soulignent - qu'il est essentiel d'assurer au plus grand nombre de
nos concitoyens et concitoyennes la plénitude de l'exercice de leur
droit de vote. Je pense qu'en 1988, non seulement faut-il parler de l'exercice
du droit fondamental qu'est le droit de voter mais du droit fondamental de
pouvoir exercer ses droits. Je pense que c'est l'enjeu et qu'une
société comme la nôtre a le devoir de se donner les moyens
de réaliser un tel objectif. (12 h 30)
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Me Jacoby.
Maintenant, je vais reconnaître M. le ministre
délégué à la Réforme électorale.
M. Gratton: M. le Président, je remercie évidemment
Me Jacoby d'avoir accepté notre invitation de venir nous éclairer
davantage sur cette situation qui a fait l'objet de débat, depuis un
certain temps. Me Jacoby le rappelait tantôt, effectivement, à
l'élection de 1985, il y a eu lieu de constater que des plaintes ont
été formulées et que le tout a donné lieu à
ce débat qui nous a amenés, en tant que gouvernement, à
inscrire, dans la réforme de la Loi sur le Protecteur du citoyen, une
disposition qui, effectivement, assujettissait le Directeur
général des élections à la compétence du
Protecteur du citoyen. Au moment où ce projet de loi sur le Protecteur
du citoyen a été débattu, nous avions convenu, avec
l'Opposition, de l'opportunité d'élargir le débat et c'est
ainsi que nous avons consenti à retirer ces dispositions du projet de
loi pour, justement, les soumettre à l'attention des parlementaires qui,
à ce moment-là, savaient déjà qu'ils allaient
devoir traiter de la révision de la Loi électorale.
Au comité des parlementaires, effectivement, nous n'avons pas
tranché quant à la juridiction du Protecteur du citoyen. Nous
avons plutôt discuté d'un compromis qui consistait à
examiner la possibilité, pour un citoyen, de formuler des plaintes
auprès du président de l'Assemblée nationale qui pourrait
soumettre le tout à une commission parlementaire pour que, non pas des
décisions, mais des constatations puissent être faites a
posteriori. Cette formule de compromis, Me Jacoby vous l'a commentée, ce
matin, en l'assortissant à une autre suggestion, à l'effet de
permettre, en période électorale, à un citoyen de formuler
sa plainte au président de l'Assemblée nationale qui pourrait,
lui, à ce moment-là, décider de l'opportunité de la
soumettre au Protecteur du citoyen ou non.
Ceci m'amène à vous poser une première question,
justement - et vous le soulignez dans votre mémoire, d'ailleurs - le
fait que le président de l'Assemblée nationale, à toutes
fins utiles, à moins qu'il n'ait décidé de ne pas
être candidat, demeure président de l'Assemblée nationale
et pourrait peut-être être jugé plus neutre et,
possiblement, plus disponible également pour examiner la plainte en
question et ensuite décider de la référer ou non au
Protecteur du citoyen. Mais, de façon assez générale, le
président de l'Assemblée nationale est lui-même candidat au
cours d'une période électorale. Je comprends le sens de votre
suggestion, vous la faites en fonction d'un compromis qui a été
discuté, mais, justement, est-ce que cette situation où se trouve
le président de l'Assemblée nationale, en période
électorale, ne pourrait pas, à toutes fins utiles, devenir
inutile dans la mesure où, les délais étant ce qu'ils
sont, il ne pourrait pas prendre connaissance et statuer sur
l'opportunité de la soumettre ou non à votre attention?
M. Jacoby: M. le ministre, il faut bien comprendre que la
solution que j'ai avancée est une solution de compromis, et je suis tout
à fait sensible aux commentaires que vous faites. D'une part,
l'impartialité du président peut être mise en doute, en
termes d'image, en termes d'objectivité, par ailleurs, il peut ne pas
être disponible et, troisièmement, cela ajoute au traitement de
plaintes qui doivent être traitées rapidement, une forme de "red
tape" dans le système.
Alors, c'est avec ces réserves que j'ai proposé cette
solution de compromis, parce que je voulais, par là, répondre aux
arguments plus fondamentaux qui voulaient que, finalement, le Directeur
général des élections ne puisse pas être assujetti
à une autorité quelconque. C'était un compromis que de
dire que cela passait par le canal du président, mais, quand on revient
aux arguments de fond, je demeure convaincu que la présence du
Protecteur du citoyen, pendant la période électorale, n'affecte
aucunement l'indépendance du Directeur général des
élections. Pour affecter son indépendance, encore faudrait-il
qu'un tiers, comme le Protecteur du citoyen, ait un pouvoir décisionnel,
un pouvoir de rendre une ordonnance, un pouvoir de forcer le Directeur
général des élections ou son personnel à agir.
Cela, c'est ce que j'appelle véritablement de la dépendance, sur
les plans juridique et administratif. Ce n'est pas le cas. Vous savez, quand on
parle d'indépendance, il faut faire très attention; la
séparation des pouvoirs, vous le savez, ce n'est pas une fin en soi.
L'indépendance n'est pas une fin en soi, c'est un moyen, un moyen
pour atteindre certains objectifs, et la séparation des pouvoirs a
été créée chez nous et ailleurs simplement pour
permettre d'éviter les conflits d'intérêts et un meilleur
équilibre des forces dans la société. C'est un moyen, mais
à partir du moment où le moyen connaît certains
problèmes par rapport à la possibilité que certains droits
soient exercés, surtout des droits aussi fondamentaux que le droit de
vote, je pense qu'il faut considérer la possibilité d'apporter
des atténuations, des tempéraments a cette indépendance,
sans la mettre en jeu, aucunement.
Vous savez en 1977 ou 1978, quand on a modifié la Loi sur les
tribunaux, on se rappellera que, jusqu'en 1977-1978, on n'avait pas
accordé le droit de vote aux juges, parce qu'ils étaient
indépendants, et on l'a accordé. Est-ce que cela a
créé des problèmes? Je ne pense pas, jusqu'ici, que cela
ait posé de problèmes et pourtant on a teinté un peu cette
indépendance, cette séparation des pouvoirs. Alors, finalement,
vous savez, même dans le quotidien de nos travaux, nous avons le pouvoir
de faire enquête, non seulement sur des fonctionnaires nommés en
vertu de la Loi sur la fonction publique, mais sur les décisions d'un
ministre comme responsable d'un ministère. J'ai quelques dossiers,
à l'occasion, de cette nature-là et jamais on n'a pu penser que
je pouvais affecter, comme personne désignée par
l'Assemblée nationale, l'indépendance du pouvoir
exécutif comme tel, pas plus qu'un sous-ministre ne voit son
pouvoir et son indépendance affectés par l'intervention du
Protecteur du citoyen. On demeure libre ou non de suivre les recommandations.
Généralement, lorsque nous faisons enquête et que nous
découvrons qu'il y a une lésion véritable, un
préjudice, nous avons un bon dossier et, généralement,
c'est le gros bon sens qui fait qu'on propose tel genre de recommandation, ce
qui fait que, dans 99, 9 % des cas, nos recommandations sont suivies et qu'il
n'y a pas de problème. C'est exceptionnel qu'on soit obligés,
notamment, comme la Loi sur le Protecteur du citoyen le prévoit, de
faire appel au ministre dans un ministère pour faire changer une
décision de son ministère ou encore plus haut, de monter au
Conseil des ministres, comme la loi le prévoit, pour faire changer la
décision d'un fonctionnaire d'un ministère, dans 97 % des cas
cela se règle au niveau de nos enquêteurs, de notre personnel et
de l'administration, à un niveau inférieur ou à un niveau
supérieur comme le bureau du sous-ministre. Mais c'est par analogie que
je dis cela. C'est bien sûr que, si vous avions juridiction sur le
Directeur général des élections, nous n'aurions pas
à nous adresser au pouvoir exécutif ou à des ministres ou
des choses comme cela. Mais ce que je veux dire par là, c'est que mon
expérience et l'expérience passée démontrent que
personne ne se sent affecté quant à son indépendance par
la présence du Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen a des
pouvoirs d'enquête, mais n'a pas le pouvoir d'imposer quoi que ce soit
à qui que ce soit.
M. Gratton: Vous me permettrez sans doute, Me Jacoby de vous dire
qu'à titre de député depuis au-delà de quinze ans,
j'ai assez souvent, et, assez curieusement, surtout en période où
je siégeais dans l'Opposition, fait appel aux services du Protecteur du
citoyen et je dois avouer que, la plupart du temps, c'était toujours en
dernier recours, après avoir épuisé tous les autres moyens
d'intervention auprès soit du ministre, soit des fonctionnaires, et
qu'effectivement j'ai toujours constaté un très grand
professionnalisme, je le dis avec d'autant plus d'aise que vous êtes
relativement nouveau au poste, et je suis sûr que cela se poursuit
toujours et qu'effectivement il y a beaucoup d'efficacité et il y a un
poids moral très important à une constatation qui est faite par
le Protecteur du citoyen et qui est communiquée à un ministre ou
à l'appareil administratif. Mais justement, si je voulais me faire
l'avocat du diable, je pourrais m'interroger. Vous avez vous-même
indiqué, je pense, que c'est 80 % des cas qui vous sont soumis
où, finalement, on en conclut que le plaignant a raison. Est-ce que cela
ne pourrait pas devenir une espèce d'atteinte à
l'indépendance du Directeur général des élections?
En d'autres termes, par exemple, pour une recommandation ou une constatation -
puisqu'il ne s'agit jamais d'une décision qui puisse être
imposée à quiconque, encore moins au Directeur
général des élections - est-ce que pour une constatation
de votre part ou une recommandation, vous disposez d'un autre moyen pour la
faire connaître que votre rapport annuel? Par exemple, est-ce que la loi
vous autorise à faire état publiquement d'une constatation que
vous faites et qui ne serait pas partagée par l'appareil administratif
et en l'occurrence, en ce qui nous concerne, éventuellement par le
Directeur général des élections?
M. Jacoby: Oui, depuis 1987, la loi a été
modifiée pour donner au Protecteur du citoyen un pouvoir d'intervention
publique en cours d'enquête ou même après enquête.
C'est sûr qu'il y a un certain danger à utiliser ce pouvoir et
surtout en période électorale. Personnellement, et je n'en ai pas
fait état dans ce mémoire, bien sûr, mais dans la mesure
où on donnait au Protecteur du citoyen une juridiction en période
électorale, je pense qu'il y a deux choses importantes qu'il faudrait
modifier par concordance dans sa loi. La première chose: les avis au
gouvernement qui sont prévus et qui s'expliquent parce que, au moment
où on se parle, le Protecteur du citoyen enquête sur les actes de
l'administration et de l'exécutif. Comme il s'agit du processus
électoral, il faudrait que cette disposition ne soit pas applicable au
Protecteur du citoyen. Deuxièmement, compte tenu du contexte particulier
d'une période électorale et aussi des enjeux que cela
représente, je pense que le Protecteur du citoyen ne devrait pas
être habilité à utiliser le pouvoir d'intervention publique
lors d'une élection. Cela m'apparaît fondamental si on veut
sauvegarder tous les principes que l'on veut véhiculer au niveau du
processus électoral.
M. Gratton: Je vous avoue que je n'avais pas saisi que vous aviez
maintenant le pouvoir d'intervention publique. Vous nous dites que si on devait
aller dans le sens de permettre au Protecteur du citoyen d'intervenir, que le
pouvoir d'intervention publique ne devrait pas s'appliquer en période
électorale. Mais justement, est-ce que la juridiction du Protecteur du
citoyen devrait s'appliquer seulement en période électorale ou,
étant donné que certaines opérations du Directeur
général des élections débordent de la
période électorale, est-ce qu'elles devraient également
s'appliquer en tout temps?
M. Jacoby: Encore là, M. le ministre, la proposition que
j'ai pu faire par rapport à la proposition de mon
prédécesseur est encore une solution de compromis avec ses
désavantages. Idéalement, je pense que c'est un peu artificiel de
garder une compétence pendant une période
déterminée, alors que le personnel du Directeur
général des élections est là à
l'année longue et qu'il peut se poser d'autres problèmes en cours
d'année et même en dehors des périodes élec-
torales. C'est certain que je voulais par là limiter, si l'on
veut, l'espèce de droit de regard, limiter dans le temps le droit de
regard sur les actes ou omissions du personnel du Directeur
général des élections. Mais, c'est assez artificiel, je
dois l'avouer.
M. Gratton: M. le Président, je remercie Me Jacoby.
Sûrement qu'au sein de la commission parlementaire qui devra
nécessairement et éventuellement trancher, il est fort possible
que nous ayons à nouveau recours à vos éclairages de
même évidemment qu'à ceux du Directeur
général des élections. Merci. (12 h 45)
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre.
Je vais maintenant reconnaître le député d'Abitibi-Ouest,
représentant officiel du parti de l'Opposition.
M. Gendron: Ce que je veux dire à M. Jacoby, Protecteur du
citoyen, c'est que je pense qu'à partir du moment où il a
constaté qu'il y avait des électeurs et des électrices,
donc, des citoyens du Québec qui se sentaient brimés, je pense
qu'il a fait son devoir, selon sa responsabilité professionnelle, en
disant: On ne peut pas toucher à ces questions-là sans que je
m'assure d'avoir la capacité non seulement de véhiculer le
constat des plaintes soulevées par les citoyens, mais
éventuellement de trouver une forme de gérance ou de gestion de
ces cas-là qui aura comme conséquence, à tout le moins, en
termes d'objectifs, d'éliminer complètement ces
"lèsements" de citoyens ou d'apporter des correctifs qui vont permettre
de les atténuer dans la plus grande mesure possible.
Je pense que vous avez bien fait de dire que, dans les faits, des
omissions ou des erreurs du DGE ou de toute autre personne en fonction, mais
qui, dans le cas présent, ont comme conséquence de priver
certains citoyens de droits fondamentaux, si on établit que le droit de
vote doit avoir primauté sur n'importe quoi, vous avez raison de dire:
On garde cela.
La difficulté, c'est que je vous ai écouté
attentivement, j'ai lu votre mémoire attentivement et vous reconnaissez
vous-même que dans les trois solutions, il y a des éléments
un peu difficiles. En particulier, dans la première,
l'inconvénient, si on laisse cela au DGE, c'est qu'on est toujours en
gestion a posteriori. Si on confie cela au président de
l'Assemblée nationale... En ce qui me concerne, j'avais envie de vous
questionner sur cela, mais je ne vois pas pourquoi on questionnerait sur des
choses qu'on comprend clairement. Je ne suis pas contre vous; vous l'avez dit
vous-même. Je prétends que cela n'a pas du tout de bon sens, parce
que le président demeure en élection et pour des raisons de
disponibilité aussi.
En période électorale, même si quelque chose
était acheminé à la présidence de
l'Assemblée nationale, je n'ai aucune espèce de garantie que le
traitement qui lui sera fait va être différent de celui qui a
juste cela comme responsabilité et qui s'appelle la DGE, avec un
personnel habilité pour gérer ces difficultés, même
si on peut dire qu'il est juge et partie. Je n'ai pas d'opinion bien
arrêtée. Je dis seulement que vous nous avez soumis des
éléments pour creuser cela davantage en disant: Écoutez,
le DGE, c'est lui qui est responsable de tout cela...
Par contre, faire intervenir un tiers, je ne trouve pas qu'il y ait de
drame dans cela, comme vous le dites, s'il n'a pas de pouvoir d'ordonnance et
s'il n'a pas, ce que j'appellerais carrément, la possibilité de
jouer dans les plates-bandes de responsabilités de l'autre. Mais donner
un avis dont le responsable peut se préoccuper ou pas, cela n'a pas tout
à fait la même signification que de dire: Tout avis provenant du
Protecteur du citoyen est obligatoirement un avis dont vous devez tenir compte
dans le sens a, b, c, d.
Je n'ai pas de question, sauf peut-être une à la fin. Je
veux vous dire que vous nous avez donné des éléments
d'éclairage additionnels pour dire - et là, c'est vous qui
parlez: Je suis Protecteur du citoyen et des citoyens qui sont
lésés dans leurs droits. En conséquence, il faut que le
législateur balise cela davantage. La seule question que je veux vous
poser, c'est que je trouve que le jugement que vous portez sur la valeur de
n'importe quel arbitrage a posteriori, pour les matières dont on
discute, l'atténue tellement que cela n'a plus de valeur.
Alors que moi, je dis, dans le fond, que qui que ce soit, que ce soit
vous, que ce soit le président - même si je suis
complètement contre, parce que je trouve que cela n'a pas de bons sens;
il reçoit une plainte et il l'analyse. Il y a des gens qui regardent
cela et, à un moment donné, il y a un jugement de porté.
Mais, dans le fond, l'important en termes de droit, c'est de s'assurer que, au
mieux, il y ait un correctif tout de suite ou que, au pire, cela ne se produira
jamais plus.
Par rapport au sujet traité, un correctif tout de suite, j'ai
beau me forcer - c'est peut-être moi qui n'ai pas la capacité
intellectuelle d'en trouver et cela est possible - mais je regarde
l'énumération des plaintes portées et je me dis, dans le
fond, qui que ce soit, "des informations erronées données par le
personnel du scrutin", quand bien même vous feriez enquête et que
vous constateriez que c'est vrai, cela va être quoi le correctif,
à partir du moment où elles ont été
émises?
Que ce soit le président de l'Assemblée nationale, le
Protecteur du citoyen qui donne des avis en disant qu'il ne faut plus que cela
se produise ou le DGE lui-même avec du personnel élargi, on ne
corrige rien. Le retard à traiter une déclaration de candidature
parce que le directeur de scrutin manquait de formules d'accusé de
réception, dans la perspective où c'est exact et qu'il y a bel et
bien eu retard,
quel sera le geste correctif? Je prétends qu'il n'y en a qu'un.
C'est de toujours lui donner de la visibilité publique afin que le
législateur s'arrange pour que ses mandataires, à quelque niveau
que ce soit, prennent tous les moyens pour que si jamais il se produit quelque
chose, ce soit autre chose pour la future élection que ce qu'on a
noté qui n'avait pas de bon sens à la présente
élection.
C'est pour cela que - j'arrive concrètement à ma question
- dans certains domaines de gestion publique, des contrôles a posteriori,
je ne trouve pas que c'est inutile. Même que - je ne sais pas quel
brillant a sorti cela aux États-Unis - c'est peut-être l'avenir de
toutes les gestions modernes. C'est vraiment l'avenir des administrations
modernes qui sont conscientes qu'il faut faire des contrôles. Parfois,
c'est seulement l'effet de bien les dévoiler et de dire: Ce qui s'est
passé n'a pas de bon sens, il ne faudrait plus que cela se passe.
Dans ce contexte, si vous aviez la même vision - c'est ma question
- ne croyez-vous pas que, dans le fond, la solution de rester au DGE, mais non
pas avec une dénonciation mais avec une analyse détaillée
des circonstances entourant les faits que vous avez observés, comme
Protecteur du citoyen, qui seraient colligés dans un rapport
obligatoirement déposé, est-ce que cela n'aurait pas le
même effet que toute autre suggestion?
M. Jacoby: Vous avez raison de dire que, par rapport aux types de
plaintes que nous avons reçues, dans la plupart des cas, il aurait fallu
utiliser une éventuelle clause omnibus pour parer à certaines
situations. Les exemples, je les donnais tout simplement parce que ce sont les
plaintes que nous avons reçues. Il est certain que, pour la plupart
d'elles, j'aurais dû conclure qu'il n'y avait rien à faire dans
des dossiers comme cela.
Cependant, parmi celles qui ont été énoncées
là, le fait de... C'est une façon de travailler chez nous, en
tous cas. La question de l'accusé de réception, on n'avait pas de
formule. Les formules sont prescrites par le directeur des élections. Je
ne considère pas que c'eût été illégal -
enfin, j'aurais fait ma recommandation en ce sens - que le directeur du scrutin
rédige d'une manière manuscrite la formule suivant les formules
remplies qu'il avait déjà mais qu'il n'a pu utiliser. Dans la
mesure où cela reproduisait mot pour mot un accusé de
réception, je ne pense pas que cela aurait fait outrage ou un accroc aux
principes qui sous-tendent la Loi électorale. Cela devient trop
sacramentel. Notre rôle est de dire, dans certains cas: II faut prendre
les choses. Il faut éviter que des abus ne se commettent. Mais aussi,
prenez une solution qui répond aux besoins et qui ferait en sorte qu'un
droit ne se perdrait pas. C'est un exemple.
Vous savez comment cela fonctionne dans les administrations. Je suppose
qu'en période électorale, l'organisation du bureau du directeur
général marche à la vapeur. Ce qu'on constate, c'est qu'il
y a des erreurs commises. Quand les gens savent qu'il n'y a pas de recours ou
que c'est trop long... Le directeur général lui-même n'est
pas informé de tous les problèmes qui se posent. Il a le pouvoir
de faire enquête mais encore faut-il qu'il soit informé. Il arrive
des fois, comme dans toute administration, que la personne qui a le pouvoir de
faire enquête ne soit pas informée. Il y a toutes sortes de choses
comme cela. Cela peut être des informations erronées, des abus de
langage. Cela peut être un paquet de choses sur lesquelles nous
intervenons à l'occasion. Cela peut être des délais.
Ce que je voudrais ajouter, c'est que dans la mesure où on
donnerait en plus, suivant la proposition du comité de travail, une
clause omnibus qui permet d'adapter la loi - donc de changer la loi à
toutes fins utiles - compte tenu de certaines circonstances, situations
d'urgence, enfin différents éléments qui sont... On a
comme exemple la loi fédérale. Il faut bien réaliser une
chose, c'est que, d'une part, c'est un pouvoir absolument exorbitant,
nécessaire mais exorbitant, extrêmement délicat: on donne
à une personne le pouvoir de changer une loi, parce qu'on est dans une
période courte, qui est une période électorale, pour
l'adapter aux circonstances. Déjà, il y a l'exercice d'une
discrétion; des gens vont demander, bien sûr connaissant la clause
omnibus, bien sûr ce sera connu, des gens vont demander... Devant telle
affaire, on va demander au personnel du directeur général, au
directeur général, d'adapter leur rôle aux circonstances.
Dans le brouhaha d'une période électorale, il peut très
bien arriver que des dossiers ne soient pas réglés parce qu'il y
a trop de demandes ou parce que la discrétion a pu être mal
exercée et on n'a pas donné suite. Avec une clause comme
celle-là, vous risquez d'avoir encore plus de plaintes de citoyens qui
se verront dire par le bureau du Directeur général des
élections: Non, on ne modifiera pas la loi pour régler votre cas,
à tort ou à raison.
Deuxièmement, la personne va dire: Oui, on a donné un
pouvoir au directeur, mais qu'est-ce que cela donne? On va encore être
pris avec le même problème. Au moins, le Protecteur du citoyen
pourrait, dans les cas d'urgence et s'il reçoit une plainte ou s'il la
prend, parce qu'il peut agir de sa propre initiative, vérifier dans
quelle mesure on a donné suite à des situations pour corriger des
injustices.
Je pense que la venue d'une clause omnibus peut nous mettre dans des
situations où il faudrait, toujours en préservant
l'indépendance du Directeur général des élections
et de son personnel, avoir une espèce de droit de regard qui ferait en
sorte que les droits puissent être toujours exercés pleinement.
C'est cela.
M. Gendron: Je remercie le Protecteur du
citoyen. Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Marcil): Merci. Je reconnais le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Il me semble que dans le
problème auquel on a à faire face, il manque un acteur et je
pense à la Commission des droits de la personne. La Commission des
droits de la personne a une responsabilité qui lui est dévolue
par la loi. Parmi les libertés que la Commission des droits de la
personne doit protéger, il y a - je les ai un peu en mémoire - la
liberté d'expression à laquelle on peut assimiler le droit de
vote comme étant une façon de s'exprimer. La Commission des
droits de la personne a donc cette responsabilité de faire en sorte que
personne, pour des raisons qu'elle identifie comme étant
discriminatoires, ne soit privé de l'exercice d'une liberté
quelconque. Est-ce qu'on comprend le lien, ce qui se passe? Et vous nous
l'expliquez fort bien, comment voyez-vous la Commission des droits de la
personne là-dedans? Parce que c'est un troisième acteur possible.
Je verrais très bien qu'un votant âgé, par exemple, croyant
qu'on lui a fait des difficultés parce qu'il est une personne
âgée, puisse, au lieu de s'adresser au Directeur
général des élections ou possiblement à vous, faire
appel à Commission des droits de la personne et expose les raisons qui
lui font croire que la commission devrait faire enquête, etc. et arriver
à un certain nombre de conclusions. Avez-vous réfléchi
à cela?
M. Jacoby: Je réfléchis tout de suite à
cela. Je peux vous dire que la Commission des droits de la personne, de la
manière qu'est faite la Charte des droits et libertés de la
personne, n'a pas de pouvoir d'enquête en dehors des cas de
discrimination. Donc, sur toutes les autres dispositions de la charte, la
commission a le pouvoir de formuler des avis et de faire de la promotion des
droits. À ce moment-là, je pense que les juridictions respectives
des organismes peuvent être sauvergardées.
M. Doyon: Oui, mais je prends pour hypothèse le cas
où une personne justement, pour une raison de condition sociale,
d'âge, de sexe ou de race, se verrait faire des difficultés
supplémentaires, enfin elle considérerait qu'elle doit faire face
à des difficultés supplémentaires pour exercer son droit
de vote. À ce moment-là, cette personne croirait qu'on fait
preuve de discrimination à son égard et, à ce chapitre,
ferait appel à la Commission des droits de la personne en disant: Voici,
j'ai été victime de discrimination parce que je suis de race
noire, par exemple, et je vous demande de faire enquête, etc. C'est
là que je vois possiblement que tout le monde marche un peu sur les
mêmes plates-bandes.
M. Jacoby: Là, je comprends très bien votre
question. La Loi sur le Protecteur du citoyen et la Charte des droits et
libertés de la personne sont ainsi faites que, lorsque le Protecteur du
citoyen reçoit une plainte adressée par une personne sur le
comportement d'un fonctionnaire ou d'une administration, plainte fondée
sur des questions de discrimination au sens de l'article 10 de la charte, nous
renvoyons systématiquement ces plaintes à la Commission des
droits de la personne. C'est la situation qui prévaut actuellement. (13
heures)
M. Doyon: Et vous verriez cette situation se maintenir dans la
proposition que vous nous soumettez.
M. Jacoby: Écoutez, vous me posez la question un peu
à brûle-pourpoint. Je ne peux pas vous répondre maintenant.
Il y a deux choses. Il faut maintenir la juridiction de la commission, ses
pouvoirs d'enquête sont pour les cas de discrimination, mais il y aussi
l'argument du directeur général voulant qu'il ne faille pas qu'il
y ait de tiers dans le portrait. S'il y a plusieurs tiers dans le portrait par
rapport à une plainte, cela peut poser des problèmes. Je ne suis
pas en mesure de vous répondre comme cela, mais je dis qu'il y a des
problèmes qu'il faudra examiner.
M. Doyon: Un deuxième point, très
brièvement, avec votre permission, M. le Président.
Évidemment une intervention possible de votre part pour permettre
l'exercice du droit de vote selon certaines conditions qui seraient
respectées par tout le monde implique que vous auriez juridiction sur
des fonctionnaires, entre guillemets, qui seraient nommés par le
Directeur général des élections. Mais qu'en est-il, par
exemple, des élections qui se tiennent à un autre niveau et qui
pour les gens qui votent et qui se présentent aux élections sont
aussi importantes que celles qui nous amènent ici à
l'Assemblée nationale? Je pense au niveau municipal, par exemple,
puisqu'il y a des élections à ce niveau. Les gens qui votent, les
gens qui se présentent et les gens qui exercent ce droit d'être
candidats ou de choisir leur représentant ont droit au même genre
de protection. Est-ce que vous ne voyez pas là un risque qu'il y ait
deux types de protection qui soient accordés: un type pour les
élections qu'on considérerait importantes parce qu'on a un
pouvoir de légiférer, donc on protégerait cela comme il
faut et on laisserait les autres pour compte?
M. Jacoby: Vous savez, je pourrais vous répondre
là-dessus qu'il y a des anomalies actuellement en ce qui concerne la
compétence du Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen,
l'institution comme telle, enquête normalement sur les actes des
personnes rémunérées par les fonds publics. En
général, c'est cela.
Mais la loi fait en sorte que le Protecteur du citoyen, au moment
où on se parle, ne fait enquête que par rapport aux
ministères et aux organismes du gouvernement qui ne sont pas des
sociétés d'État. Le Protecteur du citoyen, même si
cela existe dans d'autres provinces, n'a aucune juridiction sur
l'administration municipale. Je pense que c'est le corollaire actuellement. Je
ne parle pas de cette question d'avoir juridiction en période
électorale municipale. Si on devait changer éventuellement fa
juridiction, ce serait autre chose, mais ce que je peux dire c'est que c'est
certain que je dois reconnaître, comme Protecteur du citoyen, que le
problème existe en matière municipale également et
qu'éventuellement il faudrait pousser la réflexion et aller
peut-être aussi loin que cela. Dans la mesure où il y a un
contrôle ou un droit de regard plutôt sur les élections
provinciales par rapport aux gestes ou aux omissions qu'aurait pu poser le
personnel du Directeur général des élections, je pense
qu'il faut aller plus loin que cela et avec une certaine logique appliquer
aussi ce droit de regard pour les élections municipales. Cela
m'apparaîtrait tout à fait logique parce qu'il s'agit encore de
droits fondamentaux démocratiques.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci.
Le Président (M. Marcil): M. le ministre.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Simplement pour
remercier Me Jacoby de son témoignage ce matin. J'avoue franchement que
les éléments d'information que vous nous avez fournis vont
sûrement être très utiles aux législateurs au moment
de devoir trancher cette question. Sûrement que demain, lorsque le
Directeur général des élections viendra nous rencontrer,
pour une première fois, parce que évidemment il sera
associé de façon très constante à la
deuxième étape de nos travaux, nous pourrons justement lui poser
des questions qui pourront davantage nous amener à prendre la
décision la plus éclairée possible. Merci infiniment.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup Me Jacoby.
À titre d'information cet après-midi, vu que le Crédit
social uni ne se présentera pas, la modification est la suivante:
à 15 heures nous entendrons le Mouvement socialiste; à 16 heures
le Forum des citoyens âgés; à 17 heures le Parti communiste
du Québec et à 18 heures La belle province de Québec pour
ajourner à 19 heures. Vous êtes d'accord avec cela. Nous allons
donc suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
(Reprise à 15 h 12)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous poursuivons nos travaux de consultation concernant la
révision de la Loi électorale.
Nous allons entendre, comme premier groupe, le Mouvement socialiste,
représenté par M. Germain Gauvin, chef, de même que M.
Marcel Pepin, membre. Nous vous souhaitons la bienvenue à cette
commission parlementaire. Vous avez 20 minutes pour faire votre exposé
qui sera suivi d'une période de questions. Allez, on vous
écoute.
Mouvement socialiste
M. Gauvin (Germain): Merci, M. le Président. Bonjour, MM.
les députés de l'Assemblée nationale. M'accompagne
effectivement M. Marcel Pepin, professeur en relations industrielles à
l'Université de Montréal. Vous m'excuserez aussi pour ma voix un
peu maganée, les cours sont commencés au cégep et on en a
déjà donné cinq heures aujourd'hui.
Je vais donc faire une brève lecture du rapport. Disons que,
quand on a préparé ce mémoire, on a toujours gardé
à l'esprit de le présenter en fonction de la prespective de
démocratisation et d'accessibilité au processus
électoral.
Un mode de scrutin proportionnel. Je sais que ce n'était pas
comme tel dans les recommandations du comité de travail, mais pour nous,
il nous semble qu'on ne peut passer à côté d'une
réforme ou d'une révision de la Loi électorale sans parler
de mode de scrutin. C'est quelque chose de fondamental. Il nous semble
difficile, voire même presque impossible de parler de révision et
de réforme électorale au Québec sans toucher au point
central du processus électoral lui-même, soit le mode de scrutin.
Dans le volumineux rapport intitulé "Document de réflexion et de
consultation sur la révision de la Loi électorale", l'idée
qui revient tout au long de l'analyse et qui, en définitive, justifie
les modifications proposées à la Loi électorale est ce
souci constant que l'on a de vouloir accroître la vie démocratique
au Québec par une plus grande participation électorale, par
exemple, et également par la mise en place d'un meilleur encadrement
législatif et administratif.
Or, laisser tomber toute modification au mode de scrutin actuel dans la
présente réforme nous semble venir ici contredire quelque peu
cette idée directrice qui sillonne l'ensemble du document.
Un des arguments utilisés pour ne pas en tenir compte ou pour
laisser tomber toute modification est le fait que le Québec n'est pas le
Nouveau-Brunswick et en conséquence, il n'est pas possible qu'au
Québec on ait un jour à vivre avec une Assemblée nationale
sans opposition. En bref, il n'y aurait pas de danger pour que l'on se
retrouve un jour au Québec avec 122 députés
libéraux sur 122 à l'Assemblée nationale. Je dis
libéraux parce que, même actuellement, en regardant les
sondages... En tout cas, il y a même des possibilités qui
s'annoncent.
Une voix: Elles ne sont pas sûres!
M. Gauvin (Germain): Ce n'est pas sûr... Pourtant, nous
n'étions pas très loin en 1973, et vous vous en souvenez, avec
une députation libérale d'environ 95 % à
l'Assemblée nationale.
Il est également pertinent de faire remarquer qu'à
d'autres niveaux de représentation, nous n'y sommes pas très
loin. Au fédéral, par exemple, dans les dernières
décennies, à l'exception des quatre dernières
années, le Québec était représenté par une
députation presque exclusivement libérale à Ottawa. Au
niveau municipal, nous avons présentement à la ville de
Montréal 56 conseillers sur 58 qui proviennent du parti du RCM, un
conseiller provient du Parti civique et un autre siège comme
indépendant. Ils alternent eux autres, là.
M. Pepin (Marcel): Cela a été fait avant-hier.
M. Gauvin (Germain): Ce n'est pas très reluisant comme
portrait. Pourtant, lorsque nous regardons le pourcentage des votes que la
population accorde à ces différents partis politiques, nous
constatons que nous sommes loin d'être aussi unanimes. Comme situation de
vie démocratique, de qualité de vie démocratique, nous
pouvons facilement trouver mieux. Des distorsions de cet ordre pourraient
être facilement éliminées en introduisant une
proportionnelle.
La peur de l'innovation, d'une dynamique démocratique plus
complexe, peut-être également d'un consensus plus difficile
à obtenir à l'Assemblée, puis toujours cette vieille peur
de l'instabilité gouvernementale ne doit jamais l'emporter sur l'esprit
d'innovation, sur la capacité d'adaptation et de progrès de la
population québécoise, sur la réalisation d'une
démocratie plus grande à l'Assemblée nationale.
Pour avoir des assemblées plus représentatives de la
volonté populaire, plus respectueuses des aspirations de la population
et de ses désirs, bref plus démocratiques, il ne faudrait pas
hésiter à utiliser les outils les plus appropriés pour y
parvenir. Dans les circonstances, cela signifie qu'il nous faut opter pour un
mode de scrutin proportionnel. Une vie démocratique plus effective, plus
réelle à l'Assemblée nationale passe par ce choix
fondamental.
Certes, le système actuel fonctionne sans trop de heurts. Il ne
faudrait toutefois pas qu'à défaut de modifier d'ici peu les
règles actuelles on ait l'imprudence de resserrer les exigences de la
loi actuelle et ainsi réduire l'espace de liberté. Nous
risquerions d'empêcher des courants de pensée de se faire voir et
également de se faire valoir. En conséquence, le Mouvement
socialiste s'oppose à toute nouvelle règle qui ajoute des
obstacles à la reconnaissance des partis politiques.
Déclaration de candidatures. Nous ne pensons pas qu'il y ait un
lien direct entre le fait de faire peu de dépenses lors d'une campagne
électorale et d'être sérieux ou non comme organisation
politique ou comme candidat ou candidate lors d'une élection. Si les
partis politiques qui ont présenté des candidats lors des
dernières élections n'ont pas ou ont peu dépensé,
c'est qu'ils n'en avaient tout simplement pas les moyens. Précisons que
pour plusieurs d'entre eux, ils en étaient à leur première
expérience. Je dis cela parce que, lorsqu'on lit le document qui nous a
été remis, à mon avis, on fait référence au
fait que peu de dépenses signifient peu sérieux et je suis loin
d'être convaincu de cela.
La proposition du comité de travail d'exiger un
dépôt de 250 $ remboursable, pour éliminer les candidatures
peu sérieuses ou marginales, ne tient pas. Pour une personne qui a un
bon travail ou un bon commerce, 250 $ c'est bien peu, mais pour une personne
qui n'a ni travail ni commerce, 250 $ c'est énorme et, de ces personnes,
il y en a beaucoup au Québec. Cette contrainte peut à elle seule
éliminer bon nombre de candidats ou de candidates lors d'une
élection. Au lieu d'accroître et de faciliter la participation
électorale, comme on l'espère, cette recommandation de
dépôt en limiterait grandement l'accès. Il est inacceptable
qu'une loi aussi fondamentale que la Loi électorale limite la
liberté de parole et d'expression d'une partie de la population.
Le Mouvement socialiste s'oppose donc à ce qu'on modifie à
la hausse les exigences de la loi actuelle pour permettre à une personne
de se présenter comme candidat ou candidate à une
élection. Ce serait un retour en arrière qui n'est pas
justifié. Lorsque l'Assemblée nationale a fait disparaître
le dépôt comme contrainte dans la loi, c'est parce qu'elle
considérait cette contrainte comme étant antidémocratique.
La ramener aujourd'hui ne la rend pas plus acceptable ni plus
démocratique.
Autorisation d'un parti politique. À la lecture du document, nous
sommes tentés de conclure, comme pour la déclaration de
candidature, que parce qu'une organisation politique est petite, elle est de ce
fait peu sérieuse. Pourtant, si nous essayons de mesurer le
sérieux des organisations politiques à partir du respect ou non
de la Loi électorale, nous constatons qu'à l'élection de
1985, de petites comme de grosses organisations se sont avérées
sérieuses et respectueuses de la loi. Bien sûr, de petites comme
de plus grosses contraintes l'ont été beaucoup moins quand on se
réfère au rapport de 1986 du bureau du Directeur
général des élections.
Il est rare qu'une idée triomphe du jour au lendemain. Il est
donc normal qu'une organisation
qui propose des idées nouvelles mette du temps à grandir
et à prendre beaucoup de place. Tout cela pour dire qu'une organisation
même petite, même marginale peut être sérieuse.
Il va sans dire que, pour ces raisons, le Mouvement socialiste est
contre la proposition du comité de travail sur cette question. Augmenter
le nombre de candidatures de 10 à 20 pour être reconnu parti
politique n'éliminera nullement ce qu'on cherche a éliminer. Nous
sommes d'autant plus contre cette proposition qu'elle aurait un effet
néfaste sur la liberté d'expression, allant sans doute
jusqu'à empêcher la naissance d'organisations politiques
nouvelles.
Pour le Mouvement socialiste, cette proposition de changement est un
retour en arrière inacceptable. Nous ne devons en aucune façon
augmenter les exigences de la loi à ce niveau; les exigences actuelles,
quand on les respecte, sont bien suffisantes. N'oublions pas que, si une
organisation n'est pas reconnue comme parti politique, son droit d'intervention
en période électorale est très limité. Un des
objectifs de la révision de la Loi électorale est d'atteindre une
participation accrue au processus électoral.
Financement des partis politiques. Comme pour la reconnaissance des
partis politiques, nous pensons qu'un minimum d'exigences doit être
prévu dans la loi pour le financement des partis politiques. En ce sens,
la proposition d'ouverture du comité de travail sur le financement des
tiers partis est intéressante. Toutefois, la formule que la
comité de travail propose nous semble trop restrictive et risque de
n'avoir aucune application. Si l'on prend, par exemple, les résultats de
la dernière élection et qu'on applique la proposition du
comité avec un seuil de 3 %, aucun des tiers partis ne se serait
qualifié pour du financement. Pour donner une possibilité
réelle aux tiers partis d'avoir accès au financement des partis
politiques, nous pensons qu'il faut réduire davantage les exigences de
la loi.
Au Mouvement socialiste, nous avons deux recommandations à faire
à ce sujet: premièrement, qu'un seuil de 2 % des votes au niveau
national soit fixé pour être admissible au financement - et si je
fais un calcul approximatif, cela veut dire à peu près, pour 75
000 à 80 000 votes, 700 par comté, si je ne me trompe pas -
deuxièmement, retenir comme critère d'admissibilité
l'hypothèse 2 parmi les quatre formulées par le
Secrétariat à la réforme électorale, à
savoir un seuil limité et fixé aux alentours de 5 % dans le
nombre minimal de circonscriptions requis pour l'autorisation d'un parti
politique.
Vote des Québécois hors Québec. En principe, nous
sommes d'accord avec cet ajout à la loi. Dans un monde qui est de plus
en plus interdépendant, les citoyens des pays sont amenés
à se déplacer et à séjourner à
l'étranger beaucoup plus souvent qu'autrefois. Pensons au personnel
diplomatique, aux travailleurs et aux travailleuses spécialisés,
aux chercheurs, aux chercheuses, aux étudiants et aux étudiantes.
Toutefois, il nous semble que cette ouverture doit être suffisamment bien
encadrée pour ne pas permettre à des personnes, qui ne sont plus
des Québécois dans les faits, de venir décider de nos
politiques et du choix de nos dirigeants. Ici, je pense surtout aux
Québécois hors Québec, mais vivant au Canada. Le
mémoire dit bien que ce ne sera sans doute pas facile d'avoir un
mécanisme pour un vote de ces gens-là; donc, il nous semble, en
tout cas, qu'à ce chapitre, il va falloir être très
prudents.
Vote par anticipation et par procuration. Ce qu'on cherche ici est une
participation maximale des citoyens et des citoyennes, quelle que soit leur
condition, à l'élection. La Loi électorale doit faire en
sorte qu'un maximum de personnes puisse exercer son droit de vote lors d'une
élection. Au Mouvement socialiste, nous sommes favorables à ce
qu'on facilite le vote par anticipation, sans toutefois tomber dans la
facilité, en augmentant le nombre de jours de vote par anticipation, par
exemple. Nous serions d'accord également avec des bureaux de vote
situés à des endroits stratégiques le jour du scrutin
général: hôpitaux, centres d'accueil, écoles, afin
de faciliter le vote des personnes dont l'autonomie est réduite.
Pour ce qui est du vote par procuration, nous sommes contre, pas
seulement parce qu'il ne fait pas partie de nos traditions, mais surtout parce
qu'il ne peut y avoir, selon nous, pour chaque citoyen et citoyenne, un vote et
rien qu'un vote. Après avoir facilité le vote par anticipation,
après avoir facilité également un choix plus judicieux des
bureaux de scrutin, il est fort probable qu'on ait réduit passablement
le nombre de personnes ne pouvant aller voter. Si cela n'est pas suffisant,
nous pensons qu'il est possible de mettre en place un ou des bureaux de scrutin
itinérants qui auraient pour tâche de faire voter les personnes
souffrant d'incapacité ou ne pouvant se déplacer pour voter. Cela
nous semble faisable, en 1988, sans que les coûts d'une telle
opération soient trop élevés et en respectant jalousement
les règles du vote secret.
Le temps d'antenne. Lors de la dernière campagne
électorale, toute cette question du débat des chefs et du temps
d'antenne gratuit avait fait l'objet d'une controverse. Les notions de chef et
de dépenses électorales étaient loin de faire
l'unanimité. La proposition du comité de travail sur la
révision de la Loi électorale clarifie la question en proposant
d'exclure les débats entre chefs de l'application de l'article 427 de la
Loi électorale et de la notion de dépenses électorales. Le
mouvement est d'accord avec cette proposition, mais tient toutefois à
spécifier que l'expression "débats entre chefs" doit inclure
minimalement tous les chefs dont les partis politiques sont admissibles au
financement.
Vote des malades mentaux. Nous ne voyons pas de problème, pour la
vie démocratique québécoise, dans le fait de permettre le
droit de vote,
qui est actuellement interdit par la loi, aux malades mentaux. Le moins
d'interdits possible nous semble, encore ici, la voie à
privilégier. Pour autant que les personnes soient capables de rendre
à terme toute la démarche élective de façon
autonome et par elles-mêmes, nous ne voyons pas de raison de leur
interdire ce droit fondamental. Il ne s'agit pas ici de faire voter, avec
l'aide d'une autre personne, un individu qui ne fonctionne pas par
lui-même. C'est pourquoi nous recommandons de modifier la loi actuelle
afin de donner le droit de vote aux malades mentaux qui, par eux-mêmes et
de façon autonome, peuvent rendre à terme l'exercice de ce
droit.
Pour ce qui est des contributions, présentement la Loi
électorale prévoit la contribution maximale d'un électeur
ou d'une électrice au financement des partis politiques, à 3000 $
par année. Quelle que soit la façon dont est distribué ce
montant, à un ou plusieurs partis politiques, le montant maximal est de
3000 $. Au mouvement, nous pensons que ce montant est assez substantiel et nous
recommandons de garder sur cette question le statu quo. D'ailleurs, peu de
personnes, jusqu'à ce jour, contribuent au maximum permis.
Nous nous opposons cependant à la proposition du comité de
travail qui recommande de changer la formule de contribution, à savoir
d'un maximum de 3000 $ qu'un électeur peut verser aux partis politiques
à celle d'un maximum de 3000 $ qu'un électeur peut verser par
parti politique. Ce serait faire l'affaire de quelques-uns et cela nous semble
inacceptable en démocratie.
Pour ce qui est des rapports financiers consolidés, pour une plus
grande transparence et pour faciliter, à l'ensemble des citoyens et
citoyennes du Québec, la lecture des états financiers des partis
politiques, le mouvement est d'accord avec cette proposition de
présenter les états financiers des partis politiques à
partir de la formule de rapport financier consolidé.
Un dernier point: les sondages. C'est une question qui préoccupe
bon nombre de Québécois et de Québécoises. Pour
certains, la publication de sondages en période électorale fausse
les jeux de la démocratie; pour d'autres, des sondages de
dernière minute peuvent également fausser les règles en
place et ainsi favoriser un parti au détriment d'un autre; pour d'autres
encore, un maximum d'informations honnêtes est en tout temps
préférable. Il nous semble qu'il est de loin
préférable de faire connaître à l'ensemble de la
population toutes les informations existantes, plutôt que de les laisser
entre les mains de quelques spécialistes. Les Québécois et
Québécoises seraient mal servis si l'on décidait un jour
d'interdire les sondages en période électorale. Au Mouvement
socialiste, nous sommes convaincus qu'un maximum d'information est en tout
temps un atout majeur pour la démocratie.
Voici, en résumé, nos recommandations: que l'on remplace
le mode de scrutin actuel par un mode de scrutin au vote proportionnel et que
toute cette opération se fasse en lien très étroit avec la
population et, évidemment, avec son accord; que l'on rejette la
proposition du comité de travail sur la révision de la Loi
électorale en ce qui a trait à la déclaration de
candidature et le mouvement propose que l'on maintienne, sur cette question, le
statu quo; que l'on rejette également la proposition du comité de
travail sur l'autorisation d'un parti politique et que l'on maintienne
également sur cette question le statu quo; qu'un seuil de 2 % des votes
au niveau national soit fixé pour qu'un parti politique soit admissible
au financement; de retenir comme critère d'admissibilité
l'hypothèse no 2 parmi les quatre formulées par le
Secrétariat à la réforme électorale, à
savoir un seuil limité et fixé aux alentours de 5 % dans le
nombre minimal de circonscriptions requis pour l'autorisation d'un parti
politique; que l'on donne aux Québécois et
Québécoises hors Québec le droit de vote, en s'assurant
toutefois d'un encadrement rigoureux pour l'exercice de ce droit; que l'on
facilite le vote par anticipation en augmentant le nombre de jours, par
exemple, et que la journée du scrutin général on fasse un
choix judicieux des bureaux de scrutin pour faciliter la votation aux personnes
dont l'autonomie est réduite; que l'on rejette le vote par procuration
et qu'on envisage, à la place, des bureaux de scrutin itinérants
pour permettre à tous et à toutes d'exercer leur droit de vote;
que l'on modifie la loi actuelle afin de donner le droit de vote aux malades
mentaux qui, par eux-mêmes et de façon autonome, peuvent rendre
à terme l'exercice de ce droit; que l'on présente les
états financiers des partis politiques à partir d'une formule de
rapport financier consolidé et, finalement, que l'on rejette
l'idée de réglementer les sondages en période
électorale. Voilà, M. le Président, le contenu du rapport.
(15 h 30)
Le Président (M. Marcil): Je vous remercie beaucoup, M.
Gauvin. Maintenant je vais reconnaître M. le ministre
délégué à la Réforme électorale. Mme
la députée de Groulx, excusez-moi.
Mme Bleau: Bonjour messieurs, je vous remercie de nous avoir
présenté un mémoire aussi bien fait. Le Mouvement
socialiste est plutôt favorable au vote des Québécois hors
Québec pour autant qu'ils soient toujours Québécois, je
pense. Est-ce bien cela? Alors, pour vraiment cerner la clientèle
admissible, est-ce qu'on va se fier à la durée de l'absence, au
maintien d'un domicile au Québec, au lien fiscal, ou à tous les
trois en même temps?
M. Gauvin (Germain): Dans le document, on parlait d'une question
de temps. On parlait de cinq à dix ans, si je ne me trompe pas, quand on
faisait référence aux votes des Québécois hors
Québec: Tu restes Québécois ou tu restes ci-
toyen, mais tu es à l'extérieur. Je pense que dans le
temps, il faut le limiter effectivement. Quelqu'un qui est parti d'ici depuis
dix ans, en tout cas je trouve cela beaucoup trop long. Je pense que, dans le
temps, cinq années seraient le maximum à ce chapitre-là.
Pour ce qui est des autres contraintes qu'on pourrait effectivement mettre...
Un lieu de résidence est une contrainte supplémentaire. Mais tout
ce que je peux dire à ce chapitre-là, c'est qu'il faut s'assurer
que ce ne soient pas, par exemple, des gens qui habitent Toronto depuis huit
ans qui puissent faire le choix de nos dirigeants et de nos politiques. C'est
de cela que j'ai un peu peur. Dans l'histoire du Québec, si ma
mémoire est bonne, on a vécu des déplacements de
population assez importants dans des laps de temps assez courts. Dans les
années soixante-seize, je pense que tout le monde sait qu'il y a eu au
Québec un déplacement de population vers les autres provinces, de
100 000, 150 000, 200 000 personnes. Est-ce qu'à l'intérieur de
cinq ans on leur donne le droit de vote? Je trouve que c'est une question
très très très délicate. Je pense que c'est plus
facile pour les Québécois qui sont à l'étranger, en
dehors du Canada, de mettre en place un mécanisme pour donner le droit
de vote tant à ces gens que pour ceux qui vivent au Canada.
Mme Bleau: À ce moment-là, est-ce qu'on leur donne
le droit de vote par courrier? Comment voulez-vous qu'on procède: par
courrier, par procuration ou par le biais des ambassades, des maisons du
Québec?
M. Gauvin (Germain): Les ambassades et les maisons du
Québec.
Mme Bleau: Dans le contexte où l'État veut apporter
une certaine aide aux petits partis politiques, je pense qu'il devient
nécessaire qu'on s'assure que ces partis-là soient
sérieux. On a vu, lors des dernières élections, que
certains des petits partis n'étaient pas tous sérieux. Dans cet
état d'esprit, pour atteindre les objectifs visés, pour donner le
plus de démocratisation à notre appareil et éviter des
abus en même temps, quelle sorte de formule nous proposez-vous pour nous
assurer vraiment que les partis sont admissibles à l'aide de
l'État et sérieux en même temps?
M. Gauvin (Germain): Je ne pense pas qu'il y ait de formule
miracle. Ce que l'on a à l'intérieur de la loi actuelle - et
c'est pour cela d'ailleurs que nous préférons garder actuellement
le statu quo sur l'autorisation d'un parti politique, au niveau des
candidatures... À mon avis il n'y a pas de formule toute trouvée
pour cela. À la lecture du rapport, je me disais que ce que l'on y
signifie est souvent à propos, mais je ne voyais pas, dans les
suggestions qui étaient faites et, par la suite, dans les
recommandations du comité, comment on voulait, en revoyant la loi, faire
en sorte d'éliminer des organisations ou des partis politiques que l'on
dit peu sérieux. J'en ai un à l'esprit: un parti politique a
réussi, en 1985, à présenter au-delà de 100
candidatures. Personne n'avait entendu parler de cela et, tout à coup,
comme un cheveu sur la soupe arrivent 100, 105, 108, 110 candidatures. C'est
extraordinaire.
Comment éviter cela? Je n'ai pas de solution miracle. Je
préfère le moins d'interdits possible à ce
niveau-là. C'est pour cela d'ailleurs que je préférerais
qu'on s'en tienne au statu quo sur ces questions-là, à savoir pas
d'augmentation de contraintes majeures, d'autant plus qu'il me semble que si on
avait une proportionnelle dans ce mode de scrutin-là, on corrigerait en
partie les problèmes que l'on soulève.
Mme Bleau: Quant au vote par procuration, j'ai bien compris par
votre mémoire que vous êtes absolument contre en disant: Une
personne, un vote.
M. Gauvin (Germain): Oui.
Mme Bleau: Ne trouvez-vous pas justement que la procuration
permettrait vraiment qu'il y ait "une personne un vote" en donnant la chance
aux personnes qui ne peuvent pas venir voter de se faire
représenter?
M. Gauvin (Germain): Si je comprends bien ce que signifie un vote
par procuration, c'est de faire voter quelqu'un d'autre à sa place.
C'est pour cela d'ailleurs qu'on pense qu'il est envisageable - et
peut-être qu'on devrait s'y pencher davantage - au lieu de faire voter
par procuration, d'avoir des bureaux de scrutin que j'ai appelés
"itinérants", tout en respectant, comme je l'ai dit également, le
secret du vote, toutes les autres contraintes, etc. Je privilégierais
cette ouverture plutôt que celle du vote par procuration. Probablement
qu'on pourrait demander au bureau du Directeur général des
élections de voir si c'est une chose faisable, si cela se fait ailleurs
et si on y a déjà pensé. J'ai lu brièvement dans le
journal que le Parti québécois pariait également de vote
par bureau itinérant. Je pense que je privilégierais cette
formule à celle du vote par procuration.
Mme Bleau: Même si en Ontario et ailleurs, au gouvernement
fédéral, on a prouvé par les élections
passées qu'il n'y avait pas de choses vraiment inadmissibles qui se
passaient malgré le vote par procuration, vous êtes contre cette
idée au Québec.
M. Gauvin (Germain): Oui.
Mme Bleau: Quand vous parlez de bureaux de scrutin dans des
endroits stratégiques, pensez-vous, entre autres, qu'on devrait
installer
des bureaux de scrutin dans les "conciergeries", dans les HLM ou dans
ces endroits pour les personnes âgées? Verriez-vous ça d'un
bon oeil?
M. Gauvin (Germain): Je pense qu'on devrait aller là.
Cependant, je dis toujours qu'il faut faire en sorte qu'on ne puisse, en aucun
moment, être capable de dévoiler le vote des gens. Si on met des
boîtes de scrutin dans les centres d'accueil, il s'agit de faire
attention pour qu'on soit capable effectivement de...
Mme Bleau: Alors vous verriez ces bureaux pour autant que les
gens autour puissent venir y voter. C'est comme ça?
M. Gauvin (Germain): Oui, et qu'il n'y ait effectivement pas
uniquement...
Mme Bleau: Pas seulement à la maison.
M. Gauvin (Germain):... à la maison. Non, non, il faut
s'assurer qu'il y ait plus de personnes que de gens à l'interne parce
que ce serait, à mon avis, délicat à ce moment-là
et même dangereux.
Mme Bleau: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la
députée de Groulx. Je vais maintenant reconnaître M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. Gauvin et M. Pepin, je veux vous remercier d'avoir
profité de l'occasion qui vous était offerte pour venir exprimer
votre point de vue sur des questions toujours importantes dans une saine
démocratie. On ne touche pas à la Loi électorale à
tout bout de champ, mais, quand on décide de la modifier, je pense que
le secrétariat a quand même accompli un travail d'envergure. Vous
avez eu le mérite de toucher les principaux sujets sur lesquels il est
toujours intéressant de recevoir un éclairage, dans la
perspective où ce n'est pas parce qu'on est dans le domaine qu'on n'a
pas besoin du point de vue des gens un peu plus à l'extérieur ou
un peu moins près de la forêt et dans ce sens, je pense que votre
contribution est positive et significative. Votre mémoire est quand
même articulé et étoffé et, sur certains points de
consensus, il y a des choses qui sont effectivement reprises autant par vous
que par d'autres. À d'autres égards par contre, vous avez des
points de vue particuliers. Je veux vous remercier pour la production de votre
mémoire.
Quelques commentaires. Je pense qu'il était quand même
pertinent qu'un parti comme le vôtre, et surtout par rapport au sujet
qu'on touche, revienne encore une fois sur la question du mode de scrutin.
Même si le leader du gouvernement et ministre
délégué à la Réforme électorale a
été on ne peut plus clair en prétendant que ce n'est pas
le moment de toucher à cette question et que cela ne fera pas partie
comme tel de notre réflexion, il a quand même indiqué
à tous les organismes qui voulaient en parler et faire des suggestions
de le faire, et c'est ce que vous avez fait. Je veux seulement vous dire, en ce
qui concerne le mode de scrutin, que j'ai la même conviction que vous
que, compte tenu des régions très dispersées du
Québec et de plusieurs autres facteurs dont le phénomène
de distorsion qui existe quant au vote, l'inscription d'une forme de
proportionnelle est une idée qui devrait toujours être
présente dans n'importe quelle réforme. Vous l'avez
mentionné: "Laisser tomber toute modification au mode de scrutin dans la
présente réforme nous semble venir ici contredire cette
idée directrice qui sillonne l'ensemble du document de consultation.
"
À cet égard, vous avez raison de dire qu'il y a un peu de
contradictions, parce que le mode de scrutin c'est quand même le premier
élément du processus électoral, en tout cas un
élément majeur, capital. On a noté depuis plusieurs
années toutes sortes de distorsions. On ne peut pas avoir le discours de
faciliter l'accès à des tiers partis ou à des partis
autres et ne pas avoir un ajustement pour sortir un peu du bipartisme. Il y a
d'autres choses qu'il faut faire pour sortir du bipartisme, mais je pense que
cet élément est important.
Je ne vais pas plus loin. Je suis d'accord avec ce que vous
suggérez. Il y aura peut-être lieu de vous demander tantôt
un peu plus de précision quant au mode précis de proportionnelle
que vous suggérez, quel type de proportionnelle. Il y en a plusieurs.
Sans faire une préparation sur le coin de la table d'un mode de scrutin,
il y a peut-être quelques grandes pistes intéressantes que vous
pourriez nous suggérer.
Je vais y aller tout de suite avec les questions que je veux vous poser.
Sur la déclaration de candidature, je vous avoue qu'à part de
dire que cela ne serait plus ce qui a déjà été,
selon mes critères, vous n'êtes pas tellement convaincants,
d'autant plus que je ne suis pas sûr que vous ayez vu que ce n'est pas un
dépôt comme avant où on exige un dépôt et que
les chances que le candidat ou la candidate le retrouve sont nulles. Là,
c'est un dépôt qui est remis automatiquement à la fin, mais
qui permet d'avoir un minimum d'exigences par rapport à ce que
j'appellerais un peu de contrôle pour le DGE.
Je ne veux pas porter de jugement et dire si les candidatures sont
farfelues ou non. Je veux juste dire qu'il me semble que c'est aussi
altérer le sens du processus démocratique et la signification de
la portée d'une élection que de n'avoir à peu près
aucun critère - n'importe qui qui veut se présenter se
présente - et sachant qu'ici la formule que le comité semble
vouloir retenir... Mon idée n'est pas tellement arrêtée,
mais je croyais que c'était logique de dire qu'on ne revient pas
à la formule du dépôt pour avoir un peu plus de
consacration du principe des chances
égales. Mais le dépôt dont on parie est un montant
d'argent qui va être récupéré dès que la
personne aura produit les informations pertinentes pour comptabiliser un
minimum d'éléments pour le DGE sur les candidatures. Aujourd'hui,
je connais plusieurs personnes qui ont rapidement la capacité d'avoir
les 200 $ ou les 250 $ pour des gestes bien moins significatifs que de se
présenter à une élection. J'ai de la misère
à être très compréhensif au discours qui dit que
cela n'a pas de bon sens parce qu'on élimine beaucoup de gens qui ne
seront pas capables de faire le dépôt, alors que pour à peu
près n'importe quoi d'autre, ils trouveront bien les moyens d'avoir 200
$ pour "bargainer" une fin de semaine de je ne sais trop quoi, sur quel sujet.
Il me semble que vous avez grossi l'affaire et je voulais juste poser deux
questions rapides. Premièrement, saviez-vous que le montant est
remboursable? Vous le saviez?
M. Gauvin (Germain): Oui.
M. Gendron: Ah! Vous le saviez. Ce bout est mentionné?
Dans notre rapport c'est mentionné, mais dans votre mémoire?
Oui?
M. Gauvin (Germain): Oui, oui. M. Pepin: Oui.
M. Gendron: D'accord. Alors, j'aimerais peut-être que vous
soyez un peu plus longs là-dessus. Même si votre mémoire
était assez clair, vous êtes contre parce que vous trouvez que
c'est antidémocratique.
M. Pepin: Avec la permission de Germain, je pourrais dire
quelques mots là-dessus. D'abord, je voudrais commencer avec le point
que vous avez abordé, la proportionnelle. Cela me fait
énormément de déplaisir, sinon de peine, de voir qu'on
n'aborde pas cette question. Au cours de l'histoire, j'ai remarqué que
quand on est dans l'Opposition, on est plus facilement en faveur. Quand on est
au pouvoir, on a été élus avec un certain mode et on veut
le maintenir, parce qu'on dit qu'on peut être réélus
puisqu'on a déjà été élus. Vous savez, ce
que vous avez dit, M. Gendron... Il n'y a pas tellement longtemps, vous
étiez au pouvoir. Il me semble que cela aurait pu... Cela était
d'ailleurs dans le programme du parti, à l'époque. Pour des
considérations que je n'ai pas à examiner, vous ne l'avez pas
fait. J'ai l'impression que l'attitude du leader du gouvernement et ministre
responsable est de ne jamais trouver opportun, quand ils sont au pouvoir. Cela
prendrait un effort assez considérable, un peu d'abnégation, dans
le fond, pour dire: On va introduire un nouveau système. Mais pour la
démocratie, c'est drôlement important. (15 h 45)
N'oubliez pas que lorsque vous êtes deux partis à
l'Assemblée nationale, vous ne représentez pas l'ensemble de la
population. Quand vous faites un vote sur des questions importantes - je vais
me référer à une matière que je connais un peu, les
relations de travail - vous adoptez une loi spéciale et vous dites aux
travailleurs: C'est un vote unanime de l'Assemblée nationale. C'est vrai
que c'est unanime à l'Assemblée nationale; cela ne veut pas dire
que c'est unanime dans la population. Il me semble que c'est le politicolo-gue
Vincent Lemieux qui, un jour, a eu une réflexion là-dessus en
disant aux parlementaires et aux partis qui étaient là: Attention
à vous autres. Parce que c'est unanime à l'Assemblée
nationale, vous pensez peut-être que c'est toute la population qui est en
arrière. Or, ce n'est pas toute la population qui est
représentée à l'Assemblée nationale. Il y a des
courants d'idées divergents. C'est pourquoi cela me fait non pas un peu
mais beaucoup de peine de voir qu'on fait une révision de la Loi
électorale et qu'on n'aborde pas substantiellement, quoique j'aie vu
dans les rapports...
En passant, je l'ai dit à M. Gratton privément, je trouve
que les documents de travail que nous avons eus sont des documents bien faits
et qu'ils nous ont aidés à faire une certaine réflexion.
Moi, je n'ai pas été habitué, je fais un retour à
l'Assemblée nationale de ce côté-ci de la barre. J'ai vu
des commissions parlementaires plus tumultueuses que celle d'aujourd'hui. Je
pense bien que cela va continuer à être tranquille. Il reste que
c'est un bon document de travail qui nous permet une réflexion, mais il
me semble qu'on nous laisse l'ouverture dans le document de travail d'aborder
ce problème de la révision de la Loi électorale en passant
aussi par la proportionnelle. Nous avons déjà soumis à la
commission Côté nos idées là-dessus. Peut-être
que si cela n'est pas disponible pour l'instant, on pourra faire parvenir
à tous les membres de la commission le mémoire que nous avions
soumis au Directeur général des élections, M. Pierre-F.
Côté, et vous pourrez voir un peu l'orientation que nous avions.
Peut-être que nous pourrions changer d'idée quelque peu, mais en
gros, il s'agit d'avoir une proportionnelle. Il y a toujours une prime au
gagnant pour assurer qu'il n'y aura pas cette fameuse instabilité.
Je voulais à tout prix intervenir là-dessus et dire aussi
que j'appuie entièrement ce mémoire. Sur le point précis
que vous avez soulevé - la question du dépôt - je m'en
réfère à mon expérience. J'ai été le
président-fondateur du Mouvement socialiste. Je n'ai pas voulu continuer
comme président parce que je ne voulais pas me présenter.
Pourquoi? D'abord, j'avais peur d'être élu. Je le dis un peu
à la blague, j'espère que vous comprendrez. Lorsque c'est un
nouveau parti - et vous avez connu cela vous autres, eux autres n'ont pas connu
cela parce que ce parti existe de toute éternité - vous avez
connu au point de départ ce que cela prend pour fonder un parti. Vous
avez eu de
petites réunions à quatre ou cinq dans le sous-sol d'une
église, peu importe le nom de l'église, Saint-Pierre-Apôtre
ou ailleurs, et vous savez combien c'est difficile. Si nous, à la
dernière élection en 1985, nous avions eu à réunir
2500 $ pour présenter dix candidats, même en sachant que les 2500
$ vont revenir, on aurait eu un gros problème à trouver du monde
et à les assurer qu'on va faire toute la "job" bien comme il faut, qu'il
n'y aura pas de problème, que le Directeur des élections va
approuver notre rapport financier de manière certaine. Les directeurs
des élections sont sévères. Je connais la
trésorière du mouvement. Je pense qu'elle fait bien les choses et
que cela va assez bien; mais c'est assez pointilleux, je les comprends. Il y a
un autre parti qui a eu un peu de difficulté; je ne sais pas si elles
sont réglées, mais, pour ne pas le nommer, c'est le NPD
provincial.
Alors, je pense que si vous revenez avec cette question de
dépôt, ce n'est pas aussi simple que cela pour un assisté
social d'aller voir son gérant de banque - quand il a une banque et un
compte de banque - et de lui dire: Prête-moi donc 250 $, c'est purement
temporaire. Je vais faire des élections, je vais me faire battre, je
vais faire un bon rapport et ils vont me repayer. Je crois que,
là-dessus, c'est une contrainte que je ne vous encourage pas à
faire. Je vous demande de vous rappeler un peu votre passé qui est quand
même assez récent. Bien sûr que ce n'est pas très
convaincant. Aujourd'hui, on dit que 250 $, c'est très facile à
trouver. Ce n'est pas facile pour tout le monde. Je connais des assistés
sociaux qui auraient beaucoup de misère à aller chercher 250 $.
Je connais pas mal de personnes qui travaillent à temps partiel dans des
emplois, des statuts précaires, et elles auraient pas mal de
difficulté à faire cela. Ce n'est pas insurmontable. Si vous me
demandez si c'est majeur, au point qu'il va y avoir une révolution au
Québec si vous adoptez cela, je ne le pense pas. Je vous dis que c'est
une contrainte qui ne devrait pas être réintroduite dans la loi,
même s'il s'agit uniquement d'un prêt que l'on fait au
gouvernement.
M. Gendron: Ça va, M. le Président.
Là-dessus, je pense que vous m'avez répondu; c'est cela que je
voulais avoir, des arguments additionnels. Il y en a qui s'évaluent.
J'ai toujours pensé cependant qu'une candidature à
l'élection, qu'elle soit d'un chômeur, d'un assisté social
ou peu importe, qu'en règle générale, ces gens qui ont
l'opinion d'aller défendre une cause et des objectifs n'y vont pas
seuls. Alors, même si je sais que le dépôt est
attaché à la personne, cela fait quand même au moins trois
élections que je franchis sans trop difficulté, alors je connais
un peu le système.
Quant à votre observation sur le mode de scrutin, je partage
à 100 % ce que vous avez dit. Cependant, je tiens à dire, pour le
bénéfice des autres qui sont ici, que j'ai toujours eu le
même discours là-dessus; j'étais au caucus chez nous pour
la proportionnelle, l'introduction d'une formule proportionnelle. Sauf que si
vous avez déjà appartenu à un parti politique, vous
êtes au courant que de temps en temps, vous gagnez des batailles et que
de temps en temps, vous en perdez. Cela ne signifie pas que vous sacrez le camp
parce que vous avez perdu une bataille sur un élément comme
celui-là.
La deuxième question que j'aimerais vous poser, c'est davantage
sur l'autorisation du parti politique. Sur le fait d'augmenter un nombre de
candidatures de dix à vingt pour être reconnu parti politique,
vous ajoutez - je lis votre mémoire - "... n'éliminera en aucune
façon ce que l'on cherche à éliminer. " Pour ma part, je
trouve que c'est trop gratuit de le dire seulement de cette façon.
Expliquez-moi pourquoi vous pensez que cela ne l'éliminera pas.
L'objectif était de donner un minimum de caractère national
à un parti politique qui veut véhiculer des politiques concernant
l'État du Québec; je pense qu'on vit quand même dans une
communauté importante. Pourquoi l'augmentation? C'est que cela
permettait également, MM. Pepin et Gauvin, de refléter
éventuellement un peu la dimension régionale. Dix ou vingt je
parle du nombre de candidatures pour être reconnu parti politique -
présenter vingt candidats dans la région de Montréal, je
trouve qu'un parti politique peut avoir l'idée de faire cela et je
trouve cela légitime. Je trouve légitime, compte tenu du bassin
de population, des courants de pensée, de la multiplicité
ethnique, etc., cela peut être logique d'arriver avec un parti dans un
plus gros bassin de population qui est moins légitime de
présenter en Abitibi ou dans l'Outaouais ou dans l'Estrie ou sur la
Côte-Nord. Je ne vous dis pas de ne pas le faire, je dis: Un parti
politique peut avoir moins d'objectifs à se présenter
nationalement, dans tous les comtés du Québec. Mais le hausser un
peu, je prétendais, encore là, que cela permettait de donner un
petit peu plus de crédibilité médiatique à ce qu'il
veut véhiculer, avoir une couverture pour qu'il ressemble un peu
à quelque chose. On l'affaiblit d'avance, autrement dit. Je trouve un
peu hypocrite de dire dans nos règles: On l'autorise, mais on va
l'autoriser le plus bas possible, sachant que cela va faire, MM. Pepin et
Gauvin, un peu ce qui se passe chez certains partis politiques dont on n'entend
jamais parler, qui n'ont aucun outil, aucun moyen, aucune couverture
médiatique. Mais ce sont nos propres règles; ce sont nos propres
règles qui ont fait qu'à un moment donné, on les a
condamnés avant de naître.
Il me semble que, là-dessus...
Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le
député.
M. Gendron:... oui - il y a une logique.
M. Pepin: La couverture médiatique, quand
vous n'êtes pas un parti à l'Assemblée nationale,
est extrêmement difficile à obtenir. Je peux vous le dire par
expérience. Quand tu as une chance de parler deux ou trois fois par la
voie des journaux dans l'année, il faut que tu aies quelque chose
à dire, et que ce soit percutant, boum! Alors, je pense que si vous vous
fiez sur les médias qui rapportent les propos des tiers partis ou des
partis qui sont minoritaires, je pense que ce n'est pas là-dessus qu'il
va falloir se...
Quand le mémoire mentionne que cela ne réglera pas le
problème parfois que vous vouliez peut-être régler, je
pense que le mouvement a surtout en tête un parti qui s'appelle le Parti
rhinocéros. Je ne sais pas s'il existe au Québec, je ne sais pas
s'il est reconnu ou pas. En tout cas, au fédéral, il est reconnu.
Le Parti rhinocéros n'est pas un parti d'assistés sociaux, comme
vous le savez. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des assistés sociaux qui
vont voter pour le Parti rhinocéros; je n'en sais rien. Mais, c'est un
parti de gens assez à l'aise qui, à mon avis, ne croient pas
beaucoup à la démocratie. Les propositions sont pour le moins
farfelues, généralement. Tout le monde le sait. Alors, ce Parti
rhinocéros, vous voulez augmenter cela à 20 comtés, je
pense bien que cela ne le dérangera pas beaucoup, il s'en trouvera 20
pour faire cela. Mais, un autre parti qui véhicule des idées,
comme nous essayons de le faire, qui travaillons d'arrache-pied, je peux vous
le dire, avec des réunions à peu près mensuelles. Vous ne
le savez pas. Même si on envoie un communiqué aux journaux, il n'y
a aucun journal qui va le publier ou à peu près pas, sauf si on
dit: On va déclarer la révolution. Mais, on n'a pas beaucoup
intérêt à la déclarer si on ne la fait pas. J'ai
toujours préféré suivre un peu ce que je faisais et aussi
ce que je disais.
Alors, je pense que vous nous mettriez considérablement dans
l'embarras si vous décidiez de le porter plus haut que dix. Maintenant,
si vous me demandez si dix est un chiffre absolu, non, il n'y a rien d'absolu
là-dedans. Mais, je pense que ce serait un peu malheureux si vous
montiez la barre. En tout cas, si vous la montez, faites bien attention, ne la
montez pas trop. Quand vous avez parlé de la région de
Montréal, c'est possible que ce soit plus aisé. Il y a une
population qui est là. Mais, vous venez d'une région où ce
serait difficile s'il y a un parti qui décide d'être un peu plus
régional pour une raison particulière, peu importe que ce soit la
question de la baie James ou que ce soit n'importe quelle autre raison. Ils ont
une cause à défendre et ils y croient fermement. Je pense, si
vous l'augmentez à vingt, que vous allez avoir de la difficulté.
Si vous me demandez si dix est un chiffre magique, non. On déclare qu'on
est pour le statu quo tout simplement. Mais, si vous nous dites: Demain, cela
va être douze, je ne ferai pas une chicane en règle.
M. Gendron: Vous ne ferez pas un jeûne là-
desssus.
M. Pepin: Non, pas tant que cela. D'ailleurs, vous me voyez,
j'aurais de la misère.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Pepin. M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Oui, M. le Président. À mon tour, je
veux saluer les représentants du Mouvement socialiste et, compte tenu de
leur intérêt pour un des sujets que j'ai abordés dans mes
remarques d'introduction de nos travaux et profitant de la présence du
ministre et d'un groupe qui met de l'avant une réforme du mode de
scrutin, j'aimerais que le ministre profite de leur présence pour aller
au-delà du "il n'en est pas question". Je souhaiterais voir un peu le
ministre discuter avec un groupe qui, lui, défend une proposition de
réforme du mode de scrutin, pour nous dire un peu - je le
répète - au-delà du "non, il n'en est pas question", pour
qu'il essaie de nous convaincre un peu. Je trouverais cela normal et dans le
sens de la démocratie de nos institutions qu'on ait à faire plus
que de dire: Non, il n'y en aura pas. On doit un peu justifier, convaincre que
ce n'est pas pertinent, que ce n'est pas souhaitable, qu'il y a des raisons
politiques - politiques avec un grand P -des orientations quant aux
institutions du Québec qui ont fait prendre cette position au ministre
et donc au gouvernement.
Alors, moi, je n'ai pas vraiment de question à vous poser. Je
pense qu'on se comprend là-dessus. Mais, je le répète, je
pense que ce serait utile et pertinent que le ministre nous dise un peu
pourquoi il considère que cela ne doit pas être fait. Il y a
là des porte-parole qui seront peut-être heureux d'en discuter
directement avec lui. Nous aurons sûrement l'occasion de le refaire dans
quelques semaines.
Le Président (M. Marcil): Comme vous pouvez le constater,
M. le ministre, la question vous revient. Avez-vous la réponse?
M. Gratton: J'en suis fort aise, M. le Président, parce
que je m'apprêtais justement, après que le député de
Gouin eut terminé, à faire état de ce qui nous
amène à ne pas discuter à ce moment-ci de la
réforme du mode de scrutin. D'ailleurs, je note au passage que le
Mouvement socialiste est très conséquent avec les gestes
posés antérieurement, puisqu'on se rappellera que lorsque nous
avons invité les partis politiques et les autres
intéressés à la révision de la Loi
électorale à nous suggérer des sujets de discussion, si je
ne m'abuse, il y a seulement le Parti socialiste et le Parti humaniste qui nous
ont suggéré d'inclure la réforme du mode de scrutin comme
sujet. (16 heures)
Effectivement, nous aurons l'occasion d'en débattre au cours de
la deuxième étape de la
commission parlementaire et j'aurai l'occasion, au nom du gouvernement,
d'expliquer pourquoi, quant à nous, il ne nous apparaît pas
opportun à ce moment-ci de l'approfondir. La raison est fort simple et
le premier ministre, chef du parti, a eu l'occasion en campagne
électorale d'expliquer pourquoi nous ne prenions pas l'engagement de
nous attaquer à la réforme du mode de scrutin au cours de ce
mandat; on pourra revenir sur les arguments évoqués. Je ne pense
pas que ce soit le moment ici, compte tenu des limites de temps. Mais je
rappellerai qu'il y avait un parti qui nous a précédés au
gouvernement qui avait, lui, un engagement formel de procéder à
la réforme du mode de scrutin et qui a d'ailleurs créé le
ministère de la Réforme électorale, partiellement en tout
cas à cette fin, et qui a procédé à la publication
d'un livre blanc, si je ne m'abuse.
Le comité consultatif s'est penché sur le sujet et a fait
une étude et tout cela a abouti, comme le soulignait le
député d'Abitibi-Ouest tantôt, à un manque de
consensus. Finalement, s'il devait y avoir consensus évident au
Québec et si on devait pouvoir répondre aux objections du parti
ministériel sur l'opportunité, évidemment on en serait, et
il n'y a rien qui l'exclut; je suis très heureux que vous l'ayez
souligné à nouveau. À titre de Mouvement socialiste, c'est
votre droit le plus strict et cela nous amènera sans doute à en
discuter à la deuxième étape de nos travaux, alors qu'on
n'en aurait probablement pas discuté si vous n'étiez pas venus
nous dire que vous considérez toujours cela important.
Cela dit, M. le Président, je voudrais dire à nos
invités que cela a été le cas pour d'autres partis non
représentés à l'Assemblée nationale qui sont venus
nous rencontrer la semaine dernière et qui sont venus nous faire des
présentations, notamment en ce qui a trait à l'autorisation des
candidats et des partis. Malgré que nous ayons convenu entre nous au
comité de parlementaires de certains consensus sur la façon d'en
arriver aux objectifs qu'on s'était fixés, j'ai eu l'occasion de
dire la semaine dernière et je vous le répète: Nous devons
nous pencher à nouveau sur ce qu'implique ce que nous avions retenu
comme hypothèse à l'égard de partis non
représentés à l'Assemblée nationale.
Vous avez très bien cerné les difficultés que cela
peut poser. Vous avez tout à fait raison de dire que, par exemple,
d'augmenter le nombre de candidats pourrait permettre à des partis,
entre guillemets "non sérieux" de remplir ces exigences très
facilement, tout en privant des partis plus sérieux et très
sérieux de pouvoir être autorisés. C'est la même
chose dans le cas des candidats.
Donc, nous devrons nous repencher sur la question et, quant à
moi, je suis plutôt porté à aller du côté de
la plus grande ouverture possible pour permettre l'expression, à
défaut évidemment de réformer le mode de scrutin tout de
suite, l'existence, l'autorisation et l'action efficace des partis non
représentés à l'Assemblée nationale.
En bref, plusieurs de vos recommandations et suggestions font
déjà l'objet d'un consensus suffisamment large pour que l'on
puisse espérer les retrouver comme amendements à la prochaine Loi
électorale, et dans les autres cas, on n'hésitera sûrement
pas à communiquer et à poursuivre des consultations avec vous et
les autres partis autorisés, en ce qui a trait à des points qui
pourraient nous échapper en tant que membres de partis politiques un peu
plus ancrés sinon dans la population, tout au moins en termes de
longévité et d'existence.
Je vous remercie, M. Pepin et M. Gauvin, d'avoir participé.
M. Pepin: Puis-je juste demander au ministre s'il peut me
répondre là-dessus? Est-ce que la deuxième phase de la
réforme est envisageable pour bientôt? Tantôt vous avez
parlé de la deuxième phase.
M. Gratton: Oui. La question est pertinente. En fait, on se
propose de pouvoir commencer - d'ailleurs on a des problèmes d'horaires
- dans les deux ou trois semaines qui viennent; on aura alors fait le point sur
les représentations qui nous auront été faites. On
reviendra en commission parlementaire ici pour faire état des consensus
qui nous apparaissent suffisamment larges pour que l'on puisse tout de suite
procéder à la rédaction. D'ailleurs, la rédaction,
soit dit en passant, est déjà commencée quant à ces
points qui semblent ne faire problème pour personne et on escompte
pouvoir agir, pour ce qui est de l'adoption d'une loi amendant la Loi
électorale, dès cet automne, de façon que la loi soit en
vigueur suffisamment à temps, en tout cas, pour une élection
générale qui pourrait venir au cours de l'année 1989. Et
c'est évidemment une des autres contraintes. En supposant qu'il y ait
volonté gouvernementale - et je ne prétends pas qu'il y en a,
c'est le contraire - de se pencher sur la réforme du mode de scrutin,
cela échapperait à toute possibilité de pouvoir être
en vigueur pour la prochaine élection.
M. Pepin: Dommage pour la démocratie à laquelle
vous croyez et à laquelle je crois. Mais je pense que vous pourriez
essayer de convaincre votre groupe même si vous ne l'avez pas promis.
Faites une chose que vous n'avez pas promise. Ce serait déjà
extraordinaire. Merci beaucoup.
M. Gratton: À condition qu'on n'ait pas promis de ne pas y
toucher, ce qui est mon interprétation de notre position pour le
moment.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Pepin, M. le
ministre. S'il n'y a pas d'autres questions, nous allons vous remercier de vous
être prêtés à cette période de questions et
nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation.
Quant au mode de scrutin, probablement qu'un jour les gens
s'arrêteront pour y penser sérieusement. En attendant nous allons
suspendre pour quelques minutes et recevoir immédiatement après
votre départ le Forum des citoyens âgés. Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 7)
(Reprise à 16 h 10)
Le Président (M. Marcil): Nous allons reprendre
immédiatement nos travaux en écoutant M. Léo Hudon,
représentant du groupe Forum des citoyens âgés.
M. Hudon, vous pouvez procéder immédiatement et, ensuite,
une période de questions suivra.
Forum des citoyens âgés de
Montréal
M. Hudon (Léo): Je vous remercie de votre invitation, M.
le Président. Je voudrais vous dire que pour autant que je suis
personnellement concerné, de même que le forum, notre intervention
ne sera pas très longue pour la bonne raison que ce document de travail
que vous nous avez fait tenir nous est parvenu au moment où nous
passions par une assez dure épreuve, à savoir le
décès de notre directrice générale, suivi de la
démission du permanent qui, normalement, se serait penché sur
cette question-là et aurait fait un travail un peu plus
considérable et probablement plus poussé. Le résultat est
que nous nous sommes attardés à trois points particuliers qui
touchent de façon spéciale les personnes âgées,
à savoir: la location des bureaux de scrutin, le droit de vote des
malades mentaux et une pratique courante que nous voudrions voir changer.
Quant à la location des bureaux de scrutin, nous sommes
entièrement d'accord pour que le concept "d'endroit facile" remplace
celui qui existe déjà, soit "endroit public" qui se trouve dans
la loi actuelle, afin de faciliter l'accès des personnes
âgées dont la mobilité est souvent réduite au
bureaux de scrutin. Je suis déjà allé voter, je ne suis
pas très vieux même si j'ai dépassé un certain
âge, mais j'ai déjà vu des gens venir de peine et de
misère, par exemple, à l'école lona à
Montréal, où il y avait deux escaliers à monter je pense.
Quand une personne marche avec deux cannes ou deux béquilles c'est assez
difficile. Par contre, au dernier scrutin municipal à Montréal,
là où je demeurais, on avait été invités
à voter à l'école Strathcona qui est une école
privée. C'était absolument idéal. C'était comme si
vous entriez dans cette pièce-ci. On passait directement du trottoir
à la pièce. C'est très important que les personnes
âgées puissent avoir accès facilement aux bureaux de
scrutin.
C'est un peu le même cas que celui de la personne
handicapée parce que la mobilité réduite est
peut-être un début de handicap pour la plupart des personnes d'un
certain âge.
Les personnes qui m'ont précédé ont parlé de
bureaux de scrutin itinérants. Il y aurait peut-être aussi la
possibilité que l'urne soit déplacée, s'il le faut, pour
permettre à la personne âgée de voter. Ce sont des
détails, mais on a voulu les porter à votre attention.
En ce qui concerne le droit de vote des malades mentaux, nous ne nous
sommes pas trop aventurés dans ce domaine-là parce que c'est un
domaine très délicat. Nous avons l'intention de mettre sur pied
un comité spécial pour étudier la question plus à
fond et faire des recommandations jugées pertinentes à ce
moment-là. Nos recommandations viendront peut-être trop tard, mais
nous les ferons de toute façon afin de permettre aux législateurs
de prendre connaissance de notre point de vue dans ce domaine-là.
Ces organismes, comme le Forum des citoyens âgés de
Montréal, ne siègent pas l'été sauf pour des cas
bien particuliers comme l'engagement d'une nouvelle directrice
générale. À ce moment-là on n'est pas en mesure...
D'ailleurs, on a à peu près le quorum et je pense que ce n'est
pas très représentatif de faire passer des questions aussi
importantes que celle-là dans une ambiance où on pousse sur les
gens pour venir vous rencontrer, où on dit: Dépêchez-vous,
on n'a pas le temps, ayez un ordre du jour très court afin qu'on puisse
s'en aller parce qu'il fait chaud, etc. Donc, cette affaire-là sera
reprise au mois de septembre et nous essaierons probablement de vous faire
tenir un travail plus poussé sur cette question-là.
Il reste la troisième remarque qui s'applique plus
particulièrement aux centres d'accueil, aux centres hospitaliers de
soins prolongés. Il semblerait, d'après les renseignements qu'on
a, que c'est souvent le directeur de l'hôpital ou encore un
employé, une infirmière, un infirmier, un infirmier ou une
infirmière auxiliaire qui décide si une personne votera ou non.
Nous sommes absolument contre cela. Je ne sais pas si vous appelez encore la
personne qui va faire le relevé des électeurs
l'énumérateur, mais c'était l'expression qu'on employait
dans mon temps, il y a 30, 40 ou 50 ans. Si vous me le permettez, j'emploierai
le mot "énumérateur". (16 h 15)
II me semble qu'on devrait faciliter à
l'énumérateur la possibilité, surtout dans les centres
hospitaliers où les gens sont souvent alités, de se rendre compte
si la personne désire ou ne désire pas voter. Ce n'est pas
à un individu, surtout avec la mentalité du personnel dans
certains centres hospitaliers, vous savez, qui n'est pas toujours tout à
fait à point... S'ils peuvent se débarrasser, du fait de
déplacer quelqu'un dans son fauteuil roulant pour l'amener voter, ils se
prévaudront certainement du privilège qu'il semblerait y avoir
dans le moment de dire: II n'est pas en état de voter.
C'est ce qu'on a voulu vous dire. C'est
court, mais enfin c'est tout ce qu'on pouvait souligner
immédiatement. Comme je vous l'ai dit, nous allons probablement pousser
l'affaire plus loin à l'automne et s'il est encore temps nous vous
ferons tenir avec plaisir un rapport plus étoffé. Je vous
remercie, Mme et MM. de la commission, de m'avoir reçu.
La Présidente (Mme Bleau): Je vous remercie beaucoup,
monsieur.
Je vais maintenant passer la parole au député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, quelques
mots pour vous dire jusqu'à quel point nous sommes heureux de vous avoir
ici. Vous êtes les seuls représentants de ce qu'on appelle aux
États-Unis le "grey power".
M. Hud on: II existe, vous savez.
M. Doyon: Oui, je le sais. Bien sûr que le "grey power"
existe. C'est une constatation que je fais avec vous. C'est pour cela que votre
passage ici est d'autant plus important que je ne pense pas que nous aurons
l'occasion d'avoir d'autres représentants de l'âge d'or. Il est
intéressant d'écouter et de tenir compte de ce que vous avez
à nous dire.
Je comprends les difficultés que vous avez rencontrées.
Malgré tout, votre mémoire nous permet de nous faire une
idée sur les inquiétudes qui vous animent et sur les solutions
que vous envisagez. C'est pour cela que je vous remercie d'avoir pris le temps
de venir nous exposer cela. Je vais profiter de l'occasion pour vous poser
quelques questions pour en savoir un peu plus long.
Vous vous dites, au nom du forum, favorable au déplacement de la
boite de scrutin. Quand vous parlez de déplacement de la boîte de
scrutin, est-ce que vous voulez dire que la boîte de scrutin se
déplacerait à l'intérieur d'un même
établissement, d'une chambre à l'autre, d'une salle à
l'autre, ou qu'elle se déplacerait d'un établissement à
l'autre, d'un centre d'accueil à l'autre? Comment voyez-vous les
choses?
M. Hudon: Je pense que, quand cela a été
préparé, une des choses que les personnes avaient à
l'esprit était que, si une personne, pour une raison ou une autre, ne
pouvait contourner une table ou quelque chose comme cela, qu'on permette que
l'urne à l'intérieur du bureau de scrutin soit
déplacée facilement plutôt que de dire: Vous savez, elle
est là et elle est coulée dans le béton pour la
journée; après, on enlèvera le béton. C'est ce
qu'on voulait dire.
La même chose pour un handicapé. Vous savez, je pense que
le handicapé qui est tellement mal pris que son fauteuil ne passe pas,
disons, entre les deux tables qu'il y a là, aurait le droit de voter et
qu'il n'y aurait rien de mal à s'arranger pour qu'il puisse le faire
secrète- ment, évidemment, cela ne fait aucun doute.
M. Doyon: Mais vous n'allez pas jusqu'à préconiser
que la boîte se déplace d'une salle à l'autre ou d'un
établissement à l'autre. Vous n'allez pas jusque-là.
M. Hudon: Non. Ce n'est pas ce que j'ai compris.
M. Doyon: De la prise de position.
M. Hudon: C'est cela. Dans un établissement comme un
centre hospitalier, il y a le déplacement des malades. Comme le disaient
les personnes qui m'ont précédé, ce serait peut-être
une bonne idée que les centres hospitaliers, surtout ceux de soins
prolongés, soient désignés bureaux de scrutin et au
besoin, que les gens du voisinage puissent venir y voter, il n'y a pas de
problème là. Afin de permettre à ces gens-là
d'être déplacés plus facilement au lieu de les forcer
peut-être à faire un coin de rue ou quelque chose comme ça,
soit en ambulance, en automobile ou autrement. Enfin, on verrait d'un
très bon oeil que ces centres, les centres d'accueil aussi, si
c'était possible étant donné l'âge des personnes qui
les habitent habituellement, leur faciliteraient peut-être la
tâche.
M. Doyon: On parle de vote itinérant, d'un vote qui peut
être donné à des endroits différents. Si on en
venait à cette solution, préconisez-vous que ce vote
itinérant puisse se faire simplement le jour du scrutin ou aussi les
jours de vote par anticipation?
M. Hudon: II faudrait peut-être considérer les
deux.
M. Doyon: On a eu la visite des représentants de
l'Association des centres d'accueil qui, entre autres choses, nous ont
suggéré que l'établissement de bureaux de scrutin
spécifiques, pour faciliter le vote de gens du troisième
âge, se fasse seulement et uniquement dans des établissements
reconnus comme tels par la Loi sur les services de santé et les services
sociaux disant que les autres personnes qui se trouvaient dans des familles
d'accueil ou dans des foyers privés étaient des personnes
autonomes. Pensez-vous que c'est juste qu'on réserve uniquement aux
établissements reconnus comme tels par la Loi sur la santé et les
services sociaux la possibilité d'avoir des boîtes de scrutin en
faisant abstraction des autres endroits où peuvent se trouver des
personnes âgées?
M. Hudon: II y a des facteurs dont il faut tenir compte. Par
exemple, il y a la période d'une élection. Une élection
qui a lieu en hiver, c'est assez rare, mais cela s'est déjà
produit. À ce moment, il y a des personnes, par exemple, qui demeurent
dans un foyer. Je vous parle de
personnes qui sont loin d'être indigentes, elles ont tout le
confort voulu, mais sortir l'hiver est un gros problème. Ces personnes
ne sont pas dans un centre d'accueil, elles sont dans une maison comme, par
exemple, la maison Vincent-d'Indy sur la rue Willowdale à
Montréal où les gens paient jusqu'à 2000 $ par mois pour y
vivre, y compris le logement et la nourriture. J'en connais parmi ces
personnes. Un, entre autres, a toutes les misères du monde pour marcher.
En été, c'est un demi-mal, il peut peut-être se rendre
à deux coins de rue, ou il a peut-être les moyens de se faire
voiturer. Sans doute que les partis politiques l'aideront au besoin parce que
c'est la coutume pour eux de prêter main-forte aux gens afin qu'ils
puissent se déplacer s'il le faut. Mais il reste que si c'était
en hiver et qu'il était obligé de sortir, ce monsieur ne pourrait
pas le faire facilement. S'il ventait, si le froid était vif, tout de
suite il aurait des problèmes de respiration, il étoufferait,
etc.
Chaque fois qu'on vous demande quelque chose, on vous demande de
dépenser de l'argent, mais je pense que dans un cas comme
celui-là il faudrait peut-être être plus
généreux que moins dans l'établissement de bureaux de
scrutin pour tenir compte des problèmes auxquels font face les personnes
âgées.
Je peux vous dire que je n'ai aucun problème. Même si j'ai
dépassé 70 ans, je vais aller voter. Même si c'est à
un mille de chez moi je vais aller voter. Mais mon voisin qui a toute la
misère du monde pour marcher ne pourra peut-être pas en faire
autant. C'est là le problème.
M. Doyon: Dans votre court mémoire, vous soulevez la
question du recensement, la façon dont il se fait. Vous avez dit
qu'à votre connaissance il y avait des directeurs de centre d'accueil
qui décidaient proprio motu d'inscrire telle ou telle personne sur la
liste électorale. L'explication que vous donnez à cela c'est
qu'on n'est peut-être pas intéressés à les voir
aller voter compte tenu du travail que cela demanderait pour les aider, les
assister, etc.
En pratique, comment ce recensement se fait-il à votre
connaissance? Est-ce que les personnes âgées sont normalement
rencontrées ou s'il y a un tiers qui donne leur âge, leur nom,
leur profession, leur adresse, etc?
M. Hudon: Si je suis bien renseigné, lorsque
l'énumérateur passe faire le recensement, il arrive dans une
maison donnée, un centre hospitalier ou autre. Il dit: Je viens faire le
relevé des malades que vous avez, des personnes qui sont ici en vue de
la votation à venir tel jour. L'information que j'ai, c'est qu'il y a
une personne désignée, peu importe que ce soit le directeur du
personnel ou une autre, et cette personne a la liste des personnes qui habitent
la place. Il dit: X va voter, Y c'est trop compliqué de l'amener voter,
il ne votera pas. Alors, je pense qu'au lieu que ce soit une liste comme
celle-là qui soit consultée, il faudrait que les
énumérateurs puissent passer dans les chambres et les salles pour
demander aux gens s'ils veulent voter ou non. C'est le privilège,
d'ailleurs, de l'électeur de dire s'il va voter ou non.
M. Doyon: Oui. Et tout cela...
M. Hudon: On nous a rapporté que cela se faisait comme
cela. Écoutez, je ne peux pas vous donner d'exemple nommément,
exactement de ce qui a pu se passer, mais je sais que c'est fort possible que
cela se soit produit et que cela se produise encore. Je pense que s'il y avait
quelque chose qui interdisait une telle pratique, ce serait protéger le
droit de vote des personnes âgées dont la mobilité est
essentiellement réduite pour ne pas dire inexistante.
M. Doyon: Je pense que le Directeur général des
élections qui nous écoute sera intéressé à
cela. Évidemment, les recenseurs sont rémunérés sur
la base du nombre de noms qu'ils recueillent. La tentation est probablement
très forte de procéder par fournées de 50 ou 75 noms,
c'est beaucoup moins de travail que de... Je suis pas mal sûr que le
Directeur général des élections ne donne pas ce genre
d'instructions. Je ne pense pas que ce soit la façon normale de
procéder. Se rattache à cela la question de la révision et
des demandes d'inscription sur la liste électorale. Il y a des bureaux
de dépôt qui permettent de faire réviser, de faire inscrire
son nom, de faire des radiations, etc. Évidemment, compte tenu de la
situation dans laquelle se trouvent certaines personnes âgées pour
ne pas dire plusieurs, elles ont de la difficulté à se rendre au
bureau de dépôt pour effectuer soit une inscription de leur nom,
soit une radiation d'un nom qui ne devrait pas y être selon eux, etc.
Est-ce que vous avez envisagé la posssibilité que certains des
bureaux de dépôt puissent aussi être déplacés
sur place et donc être itinérants?
M. Hudon: Oui.
M. Doyon: C'est quelque chose qui vous...
M. Hudon: Comme je vous l'ai dit, on ne s'est pas tellement
penchés sur l'ensemble de la chose parce qu'on n'en a pas eu la
possibilité. C'est une autre chose dont on aurait voulu
peut-être... Je sais que c'est venu au conseil d'administration
très rapidement et que les gens ont dit: Non, c'est trop
compliqué, nous ne pouvons pas décider immédiatement,
c'est le vote par procuration. C'est encore une chose qu'on aimerait regarder
plus profondément pour savoir si on doit prendre position sur cette
question et dans quel sens.
M. Doyon: II serait très intéressant de vous
entendre là-dessus. Je retiens en terminant que
vous n'avez pas eu le temps de regarder à fond toute la question
du droit de vote pour les handicapés mentaux. Vous avez l'intention de
vous pencher là-dessus et peut-être de transmettre à la
commission, par l'entremise du secrétariat, le fruit de vos
réflexions. En même temps, vous me dites que vous n'avez pas eu le
temps de regarder toute la question du vote par procuration. Je pense que c'est
une façon qu'il faut considérer. Pour les personnes
âgées, c'est quand même important. C'est une façon
pour elles d'exercer leur droit de vote par l'intermédiaire d'un
mandataire en qui elles ont pleine confiance. La question se pose et vous
êtes au premier chef intéressés à cette
possibilité de solution qui viserait, entre autres choses, à
faciliter le vote des personnes âgées qui ne peuvent se rendre sur
place ou qui, parfois, sont à l'extérieur de la province et ne
peuvent voter. Si vous pouviez aussi examiner la question du vote par
correspondance, du vote par procuration, ce sont là des
éléments de réflexion que je vous soumettrais de
façon que, si vous avez l'occasion de vous pencher là-dessus et
de nous en informer, ce serait intéressant de savoir ce que les gens du
troisième âge peuvent en penser.
M. Hudon: Une chose qui a fait hésiter le conseil au
départ, je parle du conseil d'administration, c'est la
possibilité de fraude dans le vote par procuration. C'est pour cela
qu'on voudrait se pencher davantage sur la chose et peut-être faire des
recommandations ou des suggestions dans le domaine des modalités.
M. Doyon: Bien sûr, comme tout mandat qu'on confie à
quelqu'un, ce mandat est fondé sur la confiance.
M. Hudon: Oui.
M. Doyon: Évidemment, si on se trompe de mandataire,
l'erreur est fondamentale et on ne peut pas. Mais le contrôle qui doit se
faire, en tout cas, il faut examiner cela de cette façon, réside
dans le choix du mandataire. Si on se trompe de mandataire, évidemment,
il en découle un certain nombre de conséquences de la même
façon que si on se trompe de mandataire pour l'administration de ses
propres affaires, pour la signature de ses chèques ou le paiement de ses
comptes. On prend des risques aussi. Alors la prudence est de mise. (16 h
30)
Mme la Présidente, sans aller plus loin, je termine ainsi les
questions que j'avais pour eux.
La Présidente (Mme Bleau): Je vous remercie, M. le
député. Je passe maintenant la parole au représentant de
l'Opposition officielle, le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, M. Hudon, très rapidement, je veux vous
remercier d'avoir profité de l'occasion qui vous était offerte.
Je pense que c'est toujours important d'avoir les points de vue les plus larges
possible et, en particulier, de gens qui ont vécu sans doute plusieurs
périodes électorales. C'est sans doute votre cas. Alors vous
pouvez effectivement faire profiter de votre expérience les membres de
la commission.
Je voudrais, dans un premier temps, essayer de savoir combien le Forum
des citoyens âgés représente de membres?
M. Hudon: II représente 500 à 600 membres
individuels, mais également 45 membres collectifs qui sont des
organismes à but non lucratif comme lui et qui s'intéressent aux
questions qui touchent le troisième âge. En plus de cela, on est
en relation constante avec environ 250 à 300 organismes. De cette
façon, on finit par toucher un assez grand éventail de gens.
Le forum lui-même, seulement son "membership", c'est
peut-être plus restreint un peu. On fait également partie d'une
coalition qui s'est formée, cela ne touche peut-être pas les
élections, mais enfin elle s'est formée pour protester contre les
mesures fiscales discriminatoires que M. Duhaime, dans son dernier budget,
avait mises de l'avant et auxquelles le Parti libéral avait
ajouté un peu après son retour, à savoir lorsqu'une
personne de 65 ans gagnait de l'argent, continuait à en gagner, on
commençait par réduire son exemption d'impôt en raison de
l'âge et quand il avait fini cela, le Parti libéral avait
ajouté: On va toucher également à la déduction pour
pension de retraite. Alors, on a fait un assez gros travail. À ce
moment-là, il s'est formé une coalition de différents
mouvements à Montréal. Cette coalition travaille toujours sur des
questions qui lui sont présentées. Je ne veux pas m'embarquer sur
un autre sujet, mais c'est seulement pour vous dire que...
M. Gendron: Non, non, cela va; ce sont seulement quelques
indications, cela me va. Quelles sont vos relations comme corporation ou groupe
avec la Fédération de l'âge d'or du Québec, la
FADOQ?
M. Hudon: Nous sommes dans la... M. Gendron: La
coalition.
M. Hudon: La FADOQ est dans cette coalition.
M. Gendron: D'accord.
M. Hudon: Mais la FADOQ est peut-être moins
préoccupée que le Forum des citoyens âgés par
l'action sociale. Je ne veux pas en aucune façon les attaquer, mais ils
sont plutôt orientés vers l'organisation de loisirs, alors que le
forum n'en fait absolument pas. Nous n'organisons pas de voyages, de bingos ou
de parties de cartes, on n'a pas le temps.
M. Gendron: D'accord. Sur le mémoire comme tel, même
s'il est assez succinct, on sent quand même que vous êtes
préoccupés par des questions importantes touchées par le
comité de travail sur la réforme électorale.
Le premier point que je voudrais toucher, c'est la localisation des
bureaux de vote. Même si mon collègue de Louis-Hébert,
comme parlementaire, a posé des questions sur cet aspect, je pense que
c'était très clair dans votre esprit, lorsque vous avez
parlé de l'itinérance des bureaux de scrutin, ou du vote
itinérant, que pour vous autres, cela voulait tout simplement dire le
déplacement de l'urne en termes de position dans le pôle. Vous
n'avez pas évalué d'autre chose.
M. Hudon: Non, on...
M. Gendron: Vous n'avez pas parlé...
M. Hudon:... n'est pas allé au-delà de cela. Si on
fait un travail en profondeur, on examinera certainement les autres aspects de
ce qui pourrait être un pôle itinérant.
M. Gendron: D'accord. Mais vous, personnellement, sans l'avoir
examiné, puisqu'on a la chance de vous avoir avec nous, quelle est votre
position sur un vote itinérant en bonne et due forme
éventuellement?
M. Hudon: Personnellement, si un bureau de scrutin
itinérant était pour permettre à plus de monde de voter,
surtout dans le cas des personnes âgées, je suis d'avis qu'on
devrait l'adopter, l'étendre le plus possible.
M. Gendron: À ce moment-là, est-ce que ce serait
l'étendre le plus possible sans condition ou ce serait l'étendre,
éventuellement, où certains bénéficiaires ou
concernés le demanderaient? Est-ce qu'au moins vous convenez que si
jamais le législateur décidait d'aller dans ce sens-là,
qu'il faudrait avoir quelques balises, dont l'une devrait être "à
la demande du bénéficiaire"?
M. Hudon: Oui, oui. Je suis absolument d'accord là-dessus.
Rendre le vote le plus facile possible, mais, évidemment, à
l'intérieur de balises, comme vous dites, afin que ce soit un vote comme
il doit l'être, secret et bien protégé. Si le fait de faire
un bureau de scrutin itinérant est pour dévoiler le vote des
personnes, là je ne suis absolument pas en faveur de cela. Mais, il doit
certainement y avoir des moyens à la disposition du législateur
pour permettre au plus de gens possible de voter. Vous avez déjà
le vote par anticipation. Il y aurait peut-être lieu d'examiner la
possibilité du vote itinérant. Par vote itinérant, je veux
dire le bureau de scrutin itinérant.
M. Gendron: II y a un groupe, M.
Hudon - un ou des groupes, il faudrait que je fasse le rappel, mais je
suis sûr d'un groupe - qui nous a suggéré d'envisager une
journée spéciale de votation au Québec - c'est une
expression - une journée particulière où, dans la loi, ce
serait spécifié que toutes les personnes au Québec
présentant une forme de handicap, que ce soit mental, physique ou, pour
certains, psychologique, parce qu'il y a même des gens qui ont
prétendu qu'il y a des personnes qui, dans une lignée ou dans la
cohue d'une journée d'élection, ont des traumatismes quelconques,
que je n'ai pas analysés, mais... Alors, est-ce que vous me comprenez
bien? Il y a des gens qui ont suggéré d'avoir une journée
particulière au Québec compte tenu du taux de vieillissement,
compte tenu des difficultés que peut présenter la cohue
générale lors de la journée de votation. Ils nous ont dit:
Est-ce que ce ne serait pas logique d'envisager une journée
spéciale de votation pour toute personne qui prétendrait avoir
soit un handicap physique, mental ou de l'indisposition le jour de
l'élection, en dehors des mécanismes qui existent? Il y aurait
encore quand même le vote par anticipation et il y aurait encore une
journée d'élection. C'est quoi, votre point de vue
là-dessus? Pensez-vous que c'est logique d'envisager cela? Est-ce que
cela a du bon sens?
M. Hudon: Évidemment, à prime abord, cela semble
intéressant, mais j'aimerais consulter d'autres gens pour voir un peu
quelles seraient les réactions. Il y a certainement des choses, à
prime abord, qui ne me viennent pas mais, d'un autre côté, s'il y
a trop de choses, si toute l'affaire est trop raffinée, il va venir un
moment où on va se perdre dans je ne sais pas trop quoi, une
espèce de dédale à ne plus pouvoir s'en sortir, surtout de
la part de ceux qui organisent la votation. Je ne parle pas de ceux qui votent.
Pour eux, plus vous facilitez la votation, mieux c'est. Ce sont ceux qui
organisent cela, le Directeur général des élections,
etc.
M. Gendron: II nous a dit qu'il était capable d'en
prendre.
M. Hudon: Oui?
M. Gendron: Ou il va nous dire cela. Ce n'est pas grave.
M. Hudon: Ce serait certainement quelque chose qu'il faudrait
envisager. Mais, j'en prends note et dans le travail que nous ferons - on
pourra peut-être travailler plus en profondeur - je vais certainement
demander qu'on examine cet angle-là, qui est une chose nouvelle.
M. Gendron: Bien, en tout cas, M. Hudon, cela va être ma
conclusion, puisque vous-même vous laissiez voir que vous souhaiteriez
creuser une couple de sujets davantage, en particulier la mécanique
entourant le droit de vote des malades
mentaux - c'est vous qui l'avez dit - de même que toute la
question de l'itinérance, indépendamment des modalités. La
fameuse pratique concernant le recensement a l'air de vous fatiguer pas mal,
compte tenu que vous dites que cela ne se fait pas convenablement, alors que
normalement les recenseurs devraient recenser de la même façon
dans les centres où sont les personnes en difficulté ou plus
âgées. Il me semble que si on a un discours sur la valeur du vote,
qu'on y affirme que c'est une dimension personnelle, sacrée et ainsi de
suite, on ne devrait pas demander à un tiers de faire la liste. Quand un
énumérateur passe pour faire le recensement, ce n'est pas pour
savoir si vous voulez voter ou pas, c'est pour vous inscrire sur la liste
électorale, qui est la première démarche pour
sécuriser la capacité de faire votre choix. Je pense qu'il y a
d'autres étapes. Quelqu'un doit d'abord être sur la liste et
après cela, il décide de voter ou non.
Alors, tout ce que je vous dis, M. Hudon, c'est que j'aimerais que, si
vous avez le temps de consulter davantage votre conseil d'administration et
votre groupe élargi, vous ne vous gêniez pas pour faire parvenir
vos commentaires au secrétariat ou au ministre responsable, même
au critique de l'Opposition en cette matière, pour
qu'éventuellement on soit plus éclairés dans les phases
qui vont suivre la consultation d'aujourd'hui. À un moment donné,
cela va se traduire par un projet de loi et on voudrait qu'il reflète le
plus possible vos volontés et celles qui correspondent à des
changements qui sont les plus souhaitables.
Je tiens à vous remercier.
M. Hudon: Merci.
La Présidente (Mme Bleau): C'est bien. Nous allons
maintenant donner la parole à M. le ministre.
M. Gratton: Très brièvement, Mme la
Présidente. Je voudrais vous remercier, M. Hudon, d'être venu nous
entretenir cet après-midi. Je comprends que les circonstances ont fait
que vous n'avez pas eu tout le temps voulu pour aller plus à fond dans
les choses et je pense vous avoir expliqué que nous ne pouvions
malheureusement vous lancer l'invitation avant qu'on ne le fasse au mois de
juin, puisque le comité de travail était lui-même en train
d'essayer de cerner la problématique. Mais vous aurez au moins
touché un point que, sauf erreur, vous êtes les seuls à
l'avoir fait, c'est-à-dire cette question du recensement dans les
institutions. Effectivement, c'est un sujet dont on n'avait été
entretenus par personne et qu'au comité de parlementaires on n'a pas
touché non plus. Vos représentations auront servi à nous
alerter sur la nécessité d'y voir et de considérer
possiblement des amendements à la Loi électorale, le cas
échéant.
Vous indiquez aussi votre intention de nous faire valoir des
recommandations sur le vote des handicapés mentaux et vous vous
demandiez, sur la question du vote par procuration: Est-ce que ce sera
prêt à temps ou pas? Pour vous situer dans le temps, je vous dirai
qu'on a l'intention de poursuivre les travaux de la commission parlementaire au
cours du mois de septembre et possiblement au début d'octobre, pour que
le tout débouche, une fois qu'on aura établi les consensus sur
les diverses questions, sur la présentation d'un projet de loi a
l'Assemblée nationale au cours de l'automne: octobre ou novembre et
possiblement décembre. Effectivement, avec ce genre de loi, même
si on devait passer toutes les étapes de l'adoption du projet de loi
avant l'ajournement, on attendrait probablement à la toute fin de la
prochaine partie de la session pour permettre, justement, qu'il y ait le plus
de possibilités pour les gens de se faire entendre.
Ce n'est donc pas en commission parlementaire qu'on vous demanderait de
revenir, mais toute communication ou suggestion que vous êtes à
même de faire avant la fin de décembre, à toutes fins
utiles avant la fin des fêtes, pourra être
considérée, même si c'était à l'étape
ultime de l'adoption du projet de loi. On peut toujours procéder par
amendement, s'il y a lieu. Donc, je vous inviterais à communiquer de
telles informations au Secrétariat à la réforme
électorale qui verra immédiatement à ce que non seulement
le parti ministériel, mais également le parti de l'Opposition et
le député indépendant de Gouin en soient saisis.
Là-dessus, M. Hudon, je vous remercie, ainsi que vos
collaborateurs et on s'attend que vous nous fassiez d'autres recommandations
prochainement.
M. Hudon: Cela m'a fait plaisir, M. le ministre. Je vais voir ce
que l'on peut faire pour étoffer davantage notre présent
mémoire. Merci beaucoup de m'avoir reçu.
La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. Hudon. Nous
entendrons maintenant le Parti communiste du Québec. M. Claude
Demers.
Bonjour, M. Demers. Si vous voulez commencer, on vous écoute.
Parti communiste du Québec
M. Demers (Claude): Bonjour. Vous me permettrez d'attirer votre
attention sur un erratum qu'on a fait circuler. De toute façon, notre
mémoire est assez bref. Je vais tout simplement le lire et, au cours de
la lecture, j'inclurai cet erratum.
Dans son intervention, le Parti communiste du Québec se limitera
à commenter certains enjeux soulevés par le comité de
travail sur la révision de la Loi électorale. Il s'agit
principalement de questions se rapportant aux différentes propositions
du comité visant à restreindre les
conditions d'admissibilité et de reconnaissance légale
d'un parti politique.
Ce faisant, néanmoins, cela ne signifie pas que nous rejetions ou
endossions d'emblée les propositions et les orientations contenues dans
les autres sujets qui ne sont pas abordés ici. Les sujets que nous avons
retenus dans ce mémoire nous ont paru prioritaires, car ils touchent
directement les fondements mêmes de la démocratie et de son
application en ce que cette notion a de plus significatif, selon nous, soit
l'action politique des citoyens et des citoyennes.
Puisqu'il s'agit d'une question précisément de
démocratie, nous profitons de cette tribune pour déplorer le
court délai alloué à notre parti pour faire l'étude
d'un document aussi volumineux et important et pour préparer ses
réponses, d'autant plus que ce travail nous a été
imposé après le début et avant la fin de la période
de vacances estivales. En fait, autant dans la forme que dans le contenu, nous
sommes enclins à rejeter les orientations proposées par le
comité, que nous jugeons en général peu approfondies
malgré le nombre de questions qui furent abordées par celui-ci.
En fait, la plupart des propositions du comité ne sont appuyées
par aucune justification dans le rapport. (16 h 45)
Avant que vous abordions concrètement les différents
sujets examinés dans le rapport du comité, permettez-nous de
mettre en cause une notion qui est sous-jacente à toute l'orientation de
ce rapport. Il s'agit de la notion de "parti sérieux". C'est en fait
comme "mesure de contrôle du "sérieux" des partis politiques", au
sujet 32, qu'est proposée toute une série de mesures visant
à resserrer les conditions d'autorisation d'un parti politique. Or, le
rapport ne donne aucune définition de ce qu'on entend par le mot
"sérieux".
Par contre, le comité admet que: "L'augmentation du nombre de
candidats et de signatures d'appui nécessaires pour obtenir une
autorisation n'est peut-être pas suffisante pour assurer que seuls les
partis politiques sérieux soient reconnus, protégeant ainsi la
crédibilité de notre système électoral", ce qui l'a
amené, même, à envisager l'introduction d'une nouvelle
exigence d'autorisation, soit "l'obligation pour un parti politique de fournir
un dépôt d'une somme d'argent à déterminer
remboursable à certaines conditions", comme dans toute loterie à
peu près sérieuse. Cette proposition, heureusement, n'a pas
été retenue par le comité.
C'est un fait que, depuis la politique de financement et d'autorisation
légale des partis politiques, politique qui d'année en
année a cherché à resserrer les conditions d'autorisation
des partis, ceux-ci n'ont cessé de grandir en nombre et ont
trouvé les moyens de satisfaire aux exigences légales. Je pense
que l'exemple cité par M. Pépin ce matin est une bonne
illustration de ce fait. Et si le comité admet d'emblée que les
mesures proposées ne seront pas adéquates pour atteindre
l'objectif visé, on peut alors se demander pourquoi il maintient ces
propositions. À notre tour nous émettrons quelques
hypothèses: soit qu'il s'agisse simplement d'une politique de
harcèlement systématique des petits partis ou des partis non
représentés à l'Assemblée nationale; soit que le
comité croie que s'il resserre toujours plus systématiquement les
conditions d'autorisation des petits partis, ceux-ci finiront bien par tomber
un jour.
En tout état de cause, cette orientation ne peut viser
qu'à institutionnaliser une forme d'unipartisme - ou ce que vous appelez
parfois de "bipartisme" - où seules sont reconnues les formations
endossant les grandes orientations et les fondements actuels de notre
système politique. En réalité, ce sont souvent les petits
partis qui amènent le sérieux en campagne électorale et
qui sortent celle-ci d'un esprit de foire, où les grands partis font
miroiter des promesses éphémères, et de concours de
personnalités.
Lors d'élections antérieures, le Parti communiste a
élaboré tout un programme favorisant le plein emploi et la
défense des droits nationaux du Québec. Le Parti vert a fait
beaucoup pour sensibiliser l'opinion aux questions importantes de
l'environnement et d'autres petites formations représentant des courants
d'opinion sérieux au sein de la population ont aussi apporté leur
contribution à la sensibilisation de l'opinion publique envers les
véritables enjeux électoraux, tandis que des partis dits
sérieux ont fait campagne sans que personne ne connaisse vraiment leur
programme électoral.
Quelle surprise, par ailleurs, de voir la promesse de réforme de
l'aide sociale pour aider les jeunes lors de la dernière campagne
électorale, pour ne prendre qu'un exemple, se transformer par le projet
Paradis qui propose, au contraire, de durcir le régime et même de
pénaliser la femme enceinte qui bénéficie de l'aide
sociale. De quel sérieux s'agit-il?
Voudrait-on parler alors de l'assise populaire d'un parti politique?
Encore qu'il soit bien concevable qu'un courant de pensée nouveau se
forme dans la minorité, souvent dans l'isolement, avant de devenir
majoritaire, il faudrait quand même revoir les aspects discriminatoires
de la loi et de la réglementation électorale concernant, par
exemple, le temps d'antenne gratuit pour les partis politiques. Cela contribue
de façon importante à maintenir artificiellement dans la
marginalité des courants de pensée qui, autrement, gagneraient
vite l'opinion de la majorité de la population. Ce sujet se trouve
complètement escamoté - du point de vue qui nous concerne ici -
dans le projet de révision de la Loi électorale.
D'autre part, l'histoire n'a-t-elle pas connu des partis politiques avec
de fortes assises populaires dont les politiques ont failli amener
l'humanité entière au bord du gouffre?
Il n'y a pas de solution de rechange à la démocratie,
à la liberté de parole et d'association
en dehors de l'arbitraire et du totalitarisme, et voilà sur quoi
les jugements gratuits et les préjugés politiques ouvrent la
porte, lorsqu'ils sont les fondements de l'action gouvernementale.
Nous nous opposons à l'interdiction aux candidates et aux
candidats de recueillir eux-mêmes leurs signatures. La pratique selon
laquelle les candidats peuvent collecter les signatures nous apparaît
tout à fait conforme à l'esprit de cette obligation
électorale.
Quant au dépôt proposé par le comité pour la
présentation d'une candidature, nous ne voyons pas non plus sa
pertinence. Nous sommes d'accord avec le remboursement d'un tel
dépôt en fonction de la production des rapports financiers
conformes aux obligations électorales, s'il devait être
exigé; cependant, nous croyons qu'un tel dépôt ne servira,
au bout du compte, à aucun financement significatif mais constituera une
fois de plus une formalité supplémentaire inutile.
Nous nous opposons fortement au concept du vote par procuration. Une
telle mesure ouvrirait grande la porte à la fraude électorale que
pratiquaient amplement les grands partis politiques dans le passé,
à l'aide de télégraphes.
Tout parti politique devrait pouvoir fonctionner légalement et
avec des droits égaux au même titre que toute corporation ou
association à but non lucratif, avec une formule d'acceptation et des
obligations semblables, c'est-à-dire aussi simples, à celle d'une
telle corporation, à quelques exceptions près dont, notamment,
sur la question du financement.
Une fois autorisé, un parti politique ne devrait pas être
tenu de présenter des candidatures à chaque élection.
Cette obligation constitue un obstacle au fonctionnement normal d'un parti
politique qui se voit ainsi dicter par le gouvernement sa tactique
électorale. Selon les enjeux électoraux, un parti pourrait
décider de ne pas présenter de candidat lors d'une
élection donnée, pour laisser la place à un autre parti
jugé temporairement en meilleure position que lui. En fait, cette
obligation pourrait devenir un obstacle majeur à certaines formes de
coalitions politiques électorales.
De même, l'augmentation du nombre de signatures d'appui qu'une ou
un candidat doit recueillir pour se présenter n'est pas défendue
sérieusement dans le document. Démocratiquement, un nombre
minimum de signatures devrait être requis. D'ailleurs, qu'il recueille de
0, 01 % à 1 % des voix seulement, un candidat reçoit
déjà l'appui de plusieurs centaines de citoyennes et citoyens.
À la limite, la non-reconnaissance de ces voix et d'un minimum de
signatures pour la présentation d'un candidat exprime une volonté
d'éliminer complètement le droit à la dissidence, sinon la
volonté d'éliminer les petits partis purement et simplement.
Nous nous opposons, dans le même esprit, à une pratique
zélée concernant la vérification du nom et de l'adresse
des électeurs ayant présenté une candidature. Le
Québec de la loi du cadenas, des listes noires et des mises à
pied arbitraires n'est pas encore assez loin pour que les suppor-teurs
communistes se sentent toutes et tous suffisamment à l'aise d'afficher
publiquement leurs options politiques.
D'ailleurs, il apparaît à ce chapitre que même les
grands partis éprouvent des difficultés à remettre des
reçus officiels à leurs suppor-teurs, bien que pour d'autres
raisons sans doute, puisque le comité propose l'étude d'une
formule pour résoudre ce problème. Nous croyons aussi que les
préoccupations des communistes à l'égard du sujet 32
devraient être prises en considération.
La politique de financement des partis politiques et la proposition
contenue à ce sujet demeurent discriminatoires envers les tiers partis.
La volonté affichée de faire bénéficier les tiers
partis du financement qu'accorde l'État aux partis politiques est un
voeu pieux. Que le seuil retenu pour cette contribution soit de 5 % ou
même de 3 % des votes valides recueillis par un parti à
l'échelle de l'ensemble des circonscriptions électorales,
l'objectif ne sera pas atteint par les propositions du comité. Les
statistiques mêmes fournies par le comité dans son rapport
démontrent que sur 28 formations tierces identifiées, de 1944
à 1985, cinq seulement ont recueilli plus de 5 % et dix, au total, plus
de 3%.
Il est à noter que dans ces statistiques, il n'est nullement fait
mention du Parti communiste du Québec ni d'ailleurs, il me semble, du
Nouveau parti démocratique du Québec, qui a
présenté des candidates et des candidats à chaque
élection depuis le début des années soixante.
Le montant à partir duquel la divulgation des noms des donateurs
doit être imposé selon la loi devrait être de 1000 $
plutôt que de 100$, puisque cette mesure affecte principalement les
partis dont le financement provient essentiellement des travailleuses et des
travailleurs qui n'aimeraient pas nécessairement que leur nom soit rendu
public comme supporteur d'un parti politique, par crainte de
représailles de la part de leur employeur.
Concernant la question des interventions d'un tiers en période
électorale, nous nous opposons au statu quo. La loi actuelle interdit
pratiquement à tout groupe d'opinion ou de pression de fonctionner
normalement en période électorale et, le plus important, de
favoriser une option politique plutôt qu'une autre de façon
active. Cela affecte principalement le mouvement syndical et les organisations
populaires qui ont leur mot à dire en période électorale
en limitant les écrits et la propagande aux seules formations politiques
en présence. Cela élimine considérablement la
possibilité que l'opinion publique soit un facteur agissant en
période électorale et constitue, en fait, une entorse
sérieuse à la démocratie. La même pratique devrait
être éliminée de la
loi sur les référendums.
Il faut revoir complètement et démocratiser en faveur des
petits partis la loi et la réglementation sur le temps d'antenne
gratuit. La loi devrait inclure l'accès gratuit aux locaux et à
l'équipement des postes de radio et de télévision. Chaque
parti politique devrait avoir accès à un temps d'antenne
égal, à défaut de quoi on devrait permettre à tous
les petits partis de répondre aux débats des chefs dont ils sont
exclus et augmenter considérablement le temps d'antenne gratuit qui leur
est alloué.
L'utilisation des ondes par un parti politique pour diffuser des
nouvelles fabriquées par un tel parti ou par une agence de celui-ci
devrait être formellement bannie de la Loi électorale.
C'est ici que nous terminons nos remarques, pour l'instant, en
espérant qu'elles puissent profiter à une révision
véritablement démocratique de la Loi électorale.
J'aimerais juste ajouter, pour rendre un peu plus précis le sens de
notre intervention, que pour nous, le critère majeur qui devrait
présider à toute révision de la Loi électorale
devrait être la démocratie et c'est cette notion qui nous semble
très peu développée dans l'argumentation derrière
la révision telle qu'envisagée jusqu'à présent.
Merci.
La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. Demers. Nous allons
passer la parole à Mme la députée de Vachon.
Mme Pelchat: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous
remercier, M. Demers, et vous assurer, au nom de ma formation politique et
certainement au nom des collègues de l'Opposition, que vos propos seront
pris au sérieux, bien que, d'après les premières pages de
votre mémoire, vous sembliez en douter. Je dois vous dire, pour avoir
siégé au comité des parlementaires qui a
étudié le projet de réforme, que quant aux deux
hypothèses que vous mentionnez à la page 2, ce n'était
certainement pas notre intention de laisser croire qu'on voulait traiter les
tiers partis ou les petits partis de la façon que vous
prétendez.
Dans votre mémoire, à la page 4, vous suggérez
qu'un parti politique ne devrait pas être tenu de présenter des
candidates et des candidats à toutes les élections. Ne
pensez-vous pas que l'existence d'un parti politique est justement pour
présenter des candidatures à une élection et que c'est
cette opportunité qui le différencie des groupes de pression
ordinaires?
M. Demers: Pas nécessairement. C'est sûr que les
partis politiques sont aussi des groupes de pression, en tout cas quand ils
sont dans l'Opposition ou à l'extérieur de l'Assemblée
nationale. Par contre, l'objectif d'un parti politique est de rassembler un
courant d'opinions dans une forme d'action qui doit éventuellement, bien
sûr, l'amener à une action politique et électorale, une
action politique que notre parti reconnaît. Par contre, le choix de se
présenter à une élection quelconque dépend aussi de
la conjoncture, des enjeux, de la stratégie ou des tactiques d'un parti
politique. De ce point de vue-là, on trouve la loi actuelle en Ontario,
citée d'ailleurs dans l'analyse, beaucoup plus avancée que celle
du Québec, car une telle exigence n'existe pas en Ontario.
En fait, un parti politique peut agir de bien des façons pendant
une élection. C'est sûr qu'on peut se présenter à
une élection même si on n'envisage aucune possibilité
d'être élu ou même de prendre le pouvoir, sauf que c'est
souvent une considération très importante qui peut décider
un parti politique de profiter d'une période électorale pour
plutôt faire des forces, rassembler un courant de pensées ou faire
une certaine mobilisation sans prendre toute son énergie à
présenter des candidatures pour cette élection. Il me semble que
ce problème se pose et je ne sais pas si c'est ce qui s'est produit au
Parti vert, mais je crois que celui-ci n'avait pas respecté cette
obligation aux dernières élections et il me semble qu'il ait
perdu son statut comme parti reconnu. Ce qui est déplorable, c'est que
cette approche peut malheureusement faire disparaître un parti politique
et, par conséquent, lui nier le droit de collecter de l'argent et de
fonctionner normalement comme un parti politique, mais ne peut nullement faire
disparaître un courant de pensées et un courant d'opinions, et le
résultat simple qui m'apparaît, c'est que le gouvernement qui,
apparemment, doit être démocratique s'oppose ou met des obstacles
légaux pour qu'un tel courant d'opinions puisse s'exprimer dans une
action politique démocratique. (17 heures)
Mme Pelchat: Mais à ce moment-là, ne pensez-vous
pas que c'est plutôt le rôle d'un groupe de pression de faire cette
propagande sans nécessairement vouloir risquer le coût d'une
élection?
M. Demers: Je ne le crois pas. Pas exclusivement en tout cas,
sauf que même là, les groupes de pression ne peuvent pas se
prononcer pendant les élections. Alors, on rejoint la boucle des deux
côtés. Malheureusement, pour nous, on déplore les deux
situations.
Mme Pelchat: Un sujet sur lequel vous vous êtes
prononcé très brièvement, c'est le vote par procuration.
Vous n'êtes pas d'accord. Vous dites qu'une telle mesure ouvrirait grande
la porte à la fraude électorale que pratiquaient amplement de
grands partis politiques dans le passé à l'aide de
télégraphes. On badine souvent, mais je suis la plus jeune
députée en Chambre. Je dois vous dire que je n'ai pas eu
l'occasion de vivre des élections, en tout cas pas la mienne, où
de telles choses se sont produites. Je ne vois pas en quoi le vote par
procuration pourrait
prêter à cette utilisation de
télégraphes.
M. Demers: Écoutez, c'est assez simple à imaginer.
Je pense que le Forum des citoyens âgés n'a pas mis beaucoup de
temps à comprendre cette possibilité, d'où son
appréhension, son hésitation à se prononcer sur la
question, malgré que ce soient sans doute les personnes les plus
concernées et qui auraient dû normalement, pour des raisons
très objectives, être en faveur d'une telle proposition. Elles
n'ont pas osé le faire parce qu'elles ont vécu cette
période où, justement, on organisait le vote électoral en
se basant sur la connaissance des personnes qui ne s'étaient pas
présentées, sans parler des morts qui ont voté aussi.
Je pense que c'est très facile d'imaginer que des partis
politiques ou des organisations parapolitiques rattachées à un
parti puissent se développer très rapidement avec de très
bonnes organisations. Déjà, on a des forces pour aller chercher
des citoyens qui sont un peu plus démunis physiquement, qui ont des
difficultés pour aller au bureau de scrutin. On n'aura même pas
besoin de faire cet effort. On pourra simplement présenter une personne
à une couleur donnée pour voter. Pour nous, cette idée ne
fait aucun doute dans notre esprit, malheureusement. Peut-être que si
elle avait été appuyée par une procédure quelconque
proposée... Il n'y en a pas eu parce que je comprends la complication
d'en proposer une.
Mme Pelchat: Mais l'introduction du vote par procuration serait
sans doute, et c'est certainement ce qui sous-tend cette proposition, de
faciliter le vote de certaines personnes à mobilité
réduite ou, encore, des personnes qui se situent hors Québec.
À ce moment-là, si on ne leur permet pas de voter par
procuration, ne pensez-vous pas que ce serait leur enlever le droit de vote
d'une certaine façon?
M. Demers: Formellement, l'objectif est très louable. Je
pense qu'il y avait aussi des raisons pour lesquelles le comité n'a pas
retenu la proposition. Il me semble que le comité ne l'a pas
retenue.
Mme Pelchat: II n'y a pas eu de consensus. Il n'y a tout
simplement pas eu de consensus.
M. Demers: Nous nous sommes prononcés là-dessus
dans l'éventualité où la question reviendrait après
l'audition publique pour rendre notre position claire. Je ne vois pas comment
on peut lier ici l'objectif avec la pratique. Déjà, je pense
qu'on donne un mandat par procuration à nos élus lorsqu'ils sont
à l'Assemblée nationale. Si, en plus, il faut qu'on leur donne le
choix de voter pour nous, cela va devenir un peu exagéré.
Mme Pelchat: Quant au financement des partis politiques par
l'État, vous semblez dire que la proposition du comité d'octroyer
l'aide de l'État quand un parti politique obtient 3 % ou 5 % des voix,
vous ne semblez pas retenir cette proposition quoique vous n'énonciez
pas de solution de rechange. Avez-vous...
M. Demers: Pour être juste, je dois dire que notre opinion
en est que cette proposition est mieux que rien. C'est un pas en avant sur la
situation actuelle où seuls les partis représentés
à l'Assemblée nationale peuvent, pratiquement en dehors des
contributions déductibles d'impôt, bénéficier d'une
telle politique de financement.
C'est aussi pourquoi nous n'avons pas dit un mot sur la question du mode
de scrutin que nous avons aussi considérée, parce qu'il y avait
déjà eu au Québec une étude d'envisagée sur
la réforme du mode de scrutin. Justement, la représentation
proportionnelle rejoint ici un peu les principes suggérés par
rapport au financement des partis politiques. Il y avait un pourcentage de
suggéré... La seule constatation qu'on a faite, c'est que le
pourcentage en soi est plus démocratique mais dans les faits, si on
prend l'exemple des votes reçus par les tiers partis durant X
années, de 1944 a 1985 - cela exclut beaucoup de formations qui ne sont
pas nommées dans le rapport du comité - cela ne changerait pas
beaucoup. La grande majorité des tiers partis n'aurait absolument rien
par rapport à ce financement. C'est une question pour laquelle, comme
celle du mode de scrutin proportionnel, nous n'avons pas eu le temps
d'élaborer une proposition alternative. C'est pourquoi nous avons
préféré nous en tenir à ces commentaires.
Mme Pelchat: Faute de mode de scrutin proportionnel, est-ce que
vous avez entendu la présentation du Mouvement socialiste? Qu'est-ce que
vous pensez de la deuxième solution que cet organisme
privilégiait concernant le financement, c'est-à-dire de
privilégier le financement des partis qui ont obtenu 5 % des voix dans
les circonscriptions où ils présentaient des candidats?
M. Demers: Déjà, lorsque des études et des
propositions semblables avaient été émises sous l'ancien
gouvernement, nous étions très sceptiques quant à ces
propositions. Par contre, nous sommes favorables au principe de la
proportionnelle mais, comme on l'a dit ce matin, il y a plusieurs modes
d'application de la proportionnelle et cela demande vraiment une étude
sur un modèle proposé pour qu'on puisse se prononcer. On pense
que 5 %, déjà, cela exclut encore plus de partis que ce qui est
proposé ici pour le financement des partis politiques et on trouverait
sûrement ce chiffre insuffisant.
Mme Pelchat: En ce qui a trait à la divulgation des
contributions aux partis politiques, vous suggérez que ne soient
divulguées que les contributions supérieures à 1000 $.
M. Demers: C'est exact.
Mme Pelchat: Entre 100 $ et 1000 $ il y a quand même 900 $
qui...
M. Demers: Oui, notre considération se rattache
principalement à l'esprit de la Loi régissant le financement des
partis politiques qui, en fait, vise à éliminer la corruption,
à éliminer les pots-de-vin déguisés ou les
contributions financières qui pourraient rapporter des dividendes
politiques. On ne pense pas que ce genre de contribution se situe en
deçà de 1000 $. Ce genre de contribution se situe à un
niveau beaucoup plus élevé. C'est pourquoi on pense que
réduire à 100 $, c'est vraiment une forme sinon de
harcèlement en tout cas cela rend très difficile, surtout au
Québec où on a une tradition politique et peut-être au
Canada où les gens ont l'habitude de ne pas divulguer pour qui ils
votent, pour qui ils sont politiquement et ce pour différentes raisons,
cela rend difficiles certaines contributions et plusieurs personnes
hésitent à faire des contributions de 200 $ ou 300 $. Je pense
que l'échelle n'est pas assez grande ici pour que cela ait une influence
par rapport à ce que l'esprit de la loi veut atteindre. C'est pourquoi
on pense que le chiffre de 100 $ devrait être changé pour 1000
$.
M. Pelchat: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Merci. Je vais reconnaître
maintenant M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, rapidement, M. Demers. Au nom du Parti
communiste du Québec, vous avez accepté de venir nous donner
votre point de vue. On vous en remercie d'autant plus que si votre
appréciation sur le travail qu'on a fait est celle que vous avez faite,
vous avez raison davantage de venir témoigner à savoir qu'on
aurait fait un travail très peu approfondi. Cela ne me dérange
pas d'avoir un commentaire comme celui-là, parce que, de toute
façon, cela prouve que les partis ont des grilles d'analyse
différentes. Il y a cinq minutes, le Parti socialiste du Québec
nous disait: Bravo, les "boys" ou les "girls", bravo mesdames, messieurs les
parlementaires, vous avez très bien travaillé et voilà un
outil intéressant. Vous, vous nous dites l'inverse, c'est votre droit.
Moi, je ne fais que mentionner cependant qu'il y avait une
responsabilité au niveau du comité des parlementaires de ne pas
faire tout le travail, la recherche ou la réflexion parce que nous
n'étions pas ce que j'appellerais à proximité d'un livre
blanc. Je ne veux pas commencer à faire des nuances entre un livre vert
et un livre blanc, mais pour un comité de travail qui, à un
moment donné, veut avoir l'éclairage de groupes
intéressés, il est toujours sage d'avoir une bonne
capacité d'ana- lyse, de répertorier les bons sujets sur lesquels
il veut avoir de l'éclairage, sans nécessairement faire des
analyses à ne plus finir, surtout quand on verse dans la philosophie. Je
vous donnerai un exemple de ce que je dis dans quelques minutes. C'est mon
premier commentaire.
Le deuxième commentaire: Je suis heureux, cependant, que vous
ayez touché quelque chose qui me plaît personnellement, même
si c'était un peu, encore là, de la philosophie. On n'a jamais
pensé au comité qu'un parti sérieux, on était
capable de définir cela et que c'était une notion non
contestable; on n'a même pas parlé de cela, de mémoire, on
a eu plusieurs séances et on n'a jamais parlé de cela au
comité, sauf que, justement, à la toute fin, dans votre
dernière phrase, vous dites: On est un peu étonnés que
nous n'ayez pas éclairé davantage la notion de ce qu'est
véritablement un régime démocratique. Là, j'ai des
problèmes avec ce que vous dites au début et votre
dernière phrase parce que, justement, pour qui nous serions-nous pris
pour être capables de prétendre qu'on était les seuls
à définir ce qu'est la véritable démocratie? Par
contre, justement parce que c'est une notion majeure, importante, quand tu es
dans un pays avec des chartes et des libertés de citoyens, on dit: Si la
démocratie c'est important, c'est majeur, le vote, c'est sacré et
c'est capital, il ne faut pas le détériorer. Il ne faut pas
dévaloriser notre régime électoral. N'importe qui à
n'importe quel moment, à peu près sans aucune condition, peut
être candidat, peut être enregistré comme parti politique.
Il en fait ou il n'en fait pas; il présente des candidats ou il n'en
présente pas, c'est son affaire. Là, je ne comprenais plus. On ne
peut pas avoir l'obligation de vous faire des règles et de faire comme
certains nous ont dit et je le cite au texte: Le moins d'interdits possible
partout, mais faites-nous des règles, balisez la démocratie pour
qu'effectivement elle s'exerce dans des conditions connues.
C'est une deuxième remarque qui m'amène à vous
poser une question précise sur un commentaire que vous avez fait. Sur
les points principaux que vous avez touchés, vous êtes
éclairants, sincèrement, sur des affaires au sujet desquelles il
y a lieu de se poser des questions. Le ministre, à deux ou trois
reprises, a dit: Ce n'est pas parce qu'on a fait consensus sur la question du
dépôt, sur la question du nombre de candidatures à
être présentées pour être un parti politiquement
reconnu qu'il n'y. a pas lieu de revenir. Je pense qu'il a raison. Il y a bien
du monde qui nous a parlé de cela et vous nous avez donné un bon
éclairage sur la déclaration de candidature.
Vote par procuration, je n'ai pas de question. Je trouve que vous avez
complètement raison. Je pense que vous l'avez résumé dans
une belle phrase. Imaginez, si ceux qui seraient les plus touchés par
cela ont de sérieux doutes, entre autres les personnes
âgées, comment
ferait-on pour ne pas en avoir? Autrement dit, je prétends que
c'est tellement unanime, que ce n'est pas dans nos moeurs, dans nos traditions
et c'est dangereux comme ce n'est pas possible, même si j'entendais le
député de Louis-Hébert dire: On va établir des
mécanismes pour surveiller la façon dont les gens vont confier le
mandat à quelqu'un d'autre. Donc on va - excusez, je l'ai au texte
encore là - on va contrôler les mandataires cela ne fait pas
sérieux. Tu ne peux pas contrôler les mandataires. À partir
du moment où j'ai donné ma procuration à M. le
député de Jonquière, je n'ai aucune espèce de
contrôle et je n'en aurai jamais de m'assurer comment il va exercer le
mandat que je lui ai confié. C'est pour cela qu'on prétend que
c'est très dangereux. C'est impossible, il n'y a pas de
mécanisme, il n'y a pas de recours. Vous avez raison d'invoquer ces
dangers.
L'autorisation d'un parti politique, là j'aurais une
première question. Ma collègue de Vachon a soulevé cela
aussi. Vous ne semblez pas faire une grande nuance entre un parti politique et
un mouvement politique. À ma connaissance, à moins que je n'aie
aucune notion de ce que je dis, cela fait quand même douze ans que je
suis là-dedans et j'avais suivi cela une dizaine d'années
auparavant, je pense que des gens qui sont membres d'un mouvement et qui ne
veulent pas faire de l'action politique dans la perspective de gérer le
Québec, c'est leur affaire, je respecte cela. À cette condition,
qu'ils s'inscrivent dans le mouvement politique. Je voulais seulement poser la
question parce qu'il ne semble pas, selon votre commentaire à la page 4,
que vous fassiez une distinction entre un mouvement politique et un parti
politique. Ma question: Est-ce que vous en faites une?
M. Demers: Je pense que j'ai déjà répondu
à cette question en disant que la différence principale, c'est
que le parti politique vise, éventuellement, à présenter
des candidats et même la prise du pouvoir. D'accord? Les mouvements
politiques, les groupes de pression agissent parallèlement, se
concentrent sur l'action extraparlementaire, mais il n'est nullement interdit
à un parti politique, pour des raisons stratégiques ou tactiques,
de concentrer ses efforts pendant une période de temps sur de l'action
extraparlementaire parce que dans l'action extraparlementaire, on construit une
base politique. Ce n'est pas parce qu'un nouveau parti politique naît
autour d'idées nouvelles que, du jour au lendemain, cette base,
même si elle est construite sur un courant d'opinion réel, est un
mouvement de masse. C'est tout à fait possible qu'un parti politique
naisse et se développe sans se présenter à chacune des
élections, selon la conjoncture politique existante. (17 h 15)
M. Gendron: Alors, ça va, M. Demers. Vous expliquez
clairement. Non seulement c'est votre droit, mais je pense que c'est clair ce
que vous venez de dire. Oui, selon vous et selon votre parti, vous faites une
distinction entre un mouvement politique et un parti politique. La
deuxième question sous-jacente à cela: À partir du moment
où vous en faites une, est-ce que vous croyez que les règles que
l'État devrait baliser ou déterminer dans une loi devraient
être les mêmes pour l'autorisation d'un parti politique, quelle que
soit son action politique? Est-ce que vous croyez que les règles
devraient être les mêmes?
M. Demers: Pas nécessairement, principalement sur la
question du financement et aussi sur la question de la présentation des
candidats, on ne s'est pas prononcés, on n'a pas exigé que les
candidats puissent se prononcer sans avoir de signature d'appui. Je pense qu'il
faut qu'il y ait une certaine démonstration d'un appui populaire. Mais,
ce que l'on dit, c'est que les augmentations proposées ici et le fait de
les répéter à chaque élection n'ajoutent rien pour
garantir l'objectif qu'on veut atteindre ici. Là-dessus, on rejoint les
propos du Mouvement socialiste. C'est d'ailleurs intéressant de voir je
ne sais pas combien de partis, disons dans la même catégorie que
le nôtre, comme le Mouvement socialiste et le Parti humaniste, qui se
sont présentés ou qui ont l'intention de le faire, mais j'ai
quand même été étonné de voir que le premier
qui s'est présenté avait des propos qui allaient dans la
même orientation que la nôtre parce que, justement, ces partis se
sentent directement visés par les hypothèses mises de l'avant
dans le rapport du comité.
M. Gendron: Croyez-vous, M. Demers, qu'on ferait un pas en avant
si effectivement les règles d'autorisation de parti politique,
après être reconnues, pourraient être tel type de
règle et on aurait une autre série de règles à
chacune des campagnes électorales pour les partis politiques? Autrement
dit, est-ce que ça serait logique et qu'on ferait un pas
démocratique d'avoir, pas deux systèmes parallèles, mais
de distinguer entre la reconnaissance d'un parti politique et les quelques
conditions qu'il y a lieu de remplir pour être un parti politique
autorisé à une campagne électorale - c'est une expression
- pour bénéficier des avantages de financement ou autre? Est-ce
qu'on devrait avoir à réfléchir assez pour avoir
deux...
M. Demers: C'est acceptable qu'il y ait des différences.
On ne se prononce pas pour l'élimination de toutes les
différences, sauf que ces différences devraient tenir compte de
la réalité actuelle de la vie politique du Québec. Comme
on le dit dans notre mémoire, à chaque nouvelle obligation que la
loi ou la réglementation électorale a imposée, on a
trouvé les moyens d'y faire face. Encore aujourd'hui, on propose une
réforme pour pouvoir resserrer les conditions
parce que de toute évidence, quelque part, on n'est pas satisfait
du résultat. Même que dans les propositions du comité, dans
les commentaires du comité, on dit que ces propositions ne seront
peut-être pas suffisantes. Encore là, on se demande s'il ne
faudrait pas exiger un dépôt en plus. Alors, ce qu'on veut
démontrer ici, c'est que l'objectif fondamental devrait être
d'atteindre une réforme de la Loi électorale qui vise à
renforcer la démocratie, avant d'assurer ce qu'on argumente dans le
document, par le sérieux ou je ne sais pas ce qu'on avait en
arrière de la tête, mais une approche qui nous semble viser
uniquement à éliminer les petits partis ou, je ne sais pas
comment on les considère, peut-être des partis qui
dérangent ou quoi que ce soit du genre. Notre opinion est que,
même si on atteint cet objectif, ces courants vont continuer à
être véhiculés malheureusement dans
l'illégalité et, par rapport au dépôt, ce qui est
encore plus grave parce que vous avez dit ce matin que 250 $ de
dépôt, ce n'était pas grand-chose, que c'était
facile à recueillir, sauf qu'on n'aura pas le droit de les recueillir.
C'est ça la proposition. Si vraiment le parti ne peut être
légal avant d'avoir rempli de telles conditions, on crée un
obstacle majeur même à la formation de nouveaux partis. Pour nous,
ce n'est pas une question de sérieux ou de crédibilité,
c'est vraiment une question de démocratie. Est-ce qu'on veut permettre
que des courants d'opinion différents puissent être
véhiculés sous la forme d'une action politique qui,
éventuellement, peut permettre à cette formation de
présenter des candidats aux élections?
M. Gendron: D'accord. Il y a une chose qui m'a surpris, M.
Demers, d'autant plus que vous venez d'affirmer, il y a à peu
près deux minutes, que vous ne vous opposiez pas à ce que les
candidats ou candidates de votre formation politique soient appuyés par
des électeurs qui appuient leur candidature. À la page 5 vous
avez dit: On s'oppose, par exemple, a la pratique zélée
concernant la vérification du nom et de l'adresse de l'électeur
ayant présenté une candidature. J'ai de la difficulté
à comprendre, pas parce que ce n'est pas clair, c'est qu'il me semble
encore là par rapport au principe que vous deviez avoir plusieurs
notions élaborées sur la démocratie, je comprendrais mal
que vous soyez d'accord que vos candidats et candidates soient appuyés
par des candidatures, mais vous défendez aux législateurs de
vérifier la valeur et la validité de ces candidatures. Je dis:
C'est quoi l'idée?
M. Demers: Je dis une pratique zélée, parce qu'une
pratique zélée peut aussi ouvrir la porte à des pressions
sur les personnes concernées. Notre préoccupation est
guidée avant tout par l'héritage politique de notre parti au
Québec, qui a vécu dans l'illégalité jusqu'au
début des années soixante pendant une vingtaine d'années,
et de personnes, de sympathisants qui ont caché par tous les moyens leur
appartenance ou leur appui au Parti communiste. Les personnes qui seraient
l'enjeu d'une vérification zélée
préféreraient tout simplement nier qu'elles ont signé ou
appuyé une candidature communiste que de l'admettre. C'est
malheureusement une des possibilités qui découlent d'une pratique
zélée. On a formulé notre phrase par le mot
"zélée" justement pour dire qu'en principe on n'est pas contre
une vérification, mais une vérification zélée qui
pourrait aller jusqu'à vérifier avec la personne: C'est bien vous
qui avez voté pour le...
M. Gendron: Vous n'êtes pas contre, mais l'accent
était mis sur le "zélage".
M. Demers: Oui, parce que cela peut avoir des conséquences
mais pas seulement sur notre parti d'ailleurs. Je pense que le problème
des reçus officiels qui a été soulevé est un
problème de la même nature et cela s'applique apparemment à
d'autres partis aussi.
M. Gendron: Une dernière question que je trouve
importante. Toute la question des tiers, l'intervention des tiers en
période électorale. On pense que c'est une question importante
parce qu'on vit dans un régime démocratique où de plus en
plus le monde des communications, des "médiatisations" a beaucoup
d'importance. Ma question sera simple. Vous vous opposez au statu quo et vous
mentionnez que cela affecte particulièrement le mouvement syndical, les
organismes populaires qui ont leur mot à dire en période
électorale et on se trouverait à limiter leur intervention si on
comptait cela comme dépense électorale. Je ne sais pas si vous en
avez pris connaissance parce qu'il a été question, et ici c'est
clair, de la publicité qui a été faite dans le Globe
and Mail par "The National Citizen Coalition" où on disait
clairement: "Prime Minister Ed Broadbent, a nightmare for Canada". Je ne vais
pas plus loin. Je veux juste savoir si vous pensez que ce genre de
publicité devrait être comptabilisé comme dépense
électorale.
M. Demers: Malheureusement non dans ce cas-là, mais je
pense que ce n'est pas selon le contenu. Si le contenu publicitaire respecte
les chartes, la constitution canadienne et la Charte des droits et
libertés de la personne, n'importe quel organisme devrait avoir le droit
de donner son opinion et de faire campagne pour une option ou pour une autre en
période électorale comme durant le référendum.
L'exemple du référendum est peut-être plus probant parce
qu'au référendum on a formé deux comités qui
représentaient chacun une option politique interdisant ainsi à
toute autre option de se faire valoir et pour pouvoir se prononcer publiquement
il fallait, en quelque sorte, appartenir à l'un des deux comités
donc, éliminer d'avance sa propre option politique. C'est à cela
que nous amène ce genre de situation et effectivement on pense que
les groupes de citoyens, les groupes de pression et les journaux
devraient avoir la possibilité de commenter comme ils le font dans les
éditoriaux, mais à l'intérieur d'autres articles
aussi.
Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le
député?
M. Gendron: Merci.
Le Président (M. Marcil): Une dernière
intervention, M. le ministre?
M. Gratton: M. le Président, je voudrais remercier M.
Demers qui est venu au nom du Parti communiste, et qui nous fait
réfléchir parce que j'avoue franchement que ce matin quand j'ai
lu pour la première fois votre mémoire, la première
question qui m'est venue à l'esprit c'était de me demander
comment il se fait que vous veniez nous faire des suggestions, des
recommandations tout à fait inédites. J'en donne seulement
quelques exemples. Quand vous nous suggérez d'augmenter le maximum de
contribution au-delà duquel on le divulgue, qui est de 100 $
présentement de l'augmenter à 1000 $; lorsque vous nous dites de
ne pas exiger la vérification du nom et de l'adresse des signataires
d'un bulletin de candidatures, par exemple; lorsque vous nous dites qu'on ne
devrait pas exiger un nombre minimum de candidats pour qu'un parti demeure
autorisé. Ce sont là au moins trois suggestions que le Parti
communiste est le seul à être venu nous faire.
Il y a des gens qui ont fait des variantes. Par exemple, on nous a dit
que le minimum du nombre des candidatures ne devrait pas être
porté de 10 qu'il est présentement à 20. Mais personne n'a
dit qu'il ne devrait pas y avoir du tout d'exigence minimum et je me suis
demandé pourquoi vous alliez dans ce sens-là. J'ai compris,
notamment à la page 5 de votre mémoire où vous parlez de
la loi du cadenas, des listes noires et des mises à pied arbitraires qui
ne sont pas assez loin encore pour que les "supporters" communistes se sentent
toutes et tous suffisamment à l'aise d'afficher publiquement leurs
options politiques, j'ai compris que c'est cela qui sous-tend vos suggestions
et je les trouve légitimes. C'est à vous de le dire. Il n'y a
personne d'autre qui va le dire pour vous.
Mais je suis obligé d'être très franc avec vous
à titre de ministre responsable de la réforme. Si vous jugez que
le travail du secrétariat n'a peut-être pas été
satisfaisant à votre point de vue, je comprends mieux maintenant
pourquoi. Effectivement le secrétariat n'a pas réfléchi en
termes de votre problématique, de votre situation mais en termes de ce
consensus très large, qui est évident au Québec, qu'on
doit aller dans le sens contraire, dans le sens de la transparence. Et
là je ne fais pas de discours pour prêcher la vertu. Je dis
simplement que je constate personnellement que, historiquement et
traditionnellement, au Québec, on a beaucoup plus reproché aux
partis politiques les caisses électorales occultes, le manque de
représentativité, le manque de transparence dans les
opérations, qu'on a fait le reproche contraire. Et lorsque vous parlez
de l'exemple des partis représentés à l'Assemblée
nationale qui ont fait consensus, dans le cas des reçus pour les
contributions politiques, d'éliminer toute identification au parti, vous
dites: cela rejoint nos préoccupations. Il faut savoir que dans ce
cas-là, ce qui nous préoccupe c'est le fait qu'un "con-tributeur"
à un parti politique, quel qu'il soit, doit inscrire dans son rapport
d'impôt qu'il a contribué à ce parti politique-là.
Et on se dit, peut-être à tort, que c'est inviter les gens qui
analysent ces rapports d'impôt à traiter les choses de
façon différente selon les allégeances qu'ils pourraient
avoir. Et c'est uniquement cela qui préside à cette
décision ou en tout cas à cette recommandation du comité
de parlementaires.
Donc, il faut se poser la question, lorsqu'on veut jouir des avantages
d'un parti politique, est-ce qu'on ne doit pas accepter qu'il y ait un minimum
requis d'exigences acceptées par le plus large éventail possible
d'intervenants? Les avantages d'un parti politique, il y a évidemment
l'accès aux listes électorales qui n'est pas négligeable,
en tout cas, pour certains partis politiques. Il y a évidemment la
possibilité d'intervenir en campagne électorale. Jusqu'à
maintenant, dans la loi actuelle en tout cas, seuls les partis politiques
peuvent intervenir durant une campagne électorale. Et il y a
également d'autres avantages qu'on a consenti à examiner la
semaine dernière lors de la comparution du Parti des travailleurs, je
pense, et je vous le dis pour que vous en soyez informés, on va demander
au président de l'Assemblée nationale de fournir à tous
les partis politiques autorisés le Journal des débats, les
projets de loi qui sont déposés à l'Assemblée
nationale, une certaine documentation parlementaire de façon à
faciliter le travail des partis politiques. Il y a, éventuellement, un
appui financier de l'État aux partis politiques qui se conformeront des
critères quelconques. (17 h 30)
Alors tout cela pour dire que, autant je trouve vos
représentations fondées de votre point de vue, autant on se devra
de les prendre en considération à l'étape
ultérieure de nos travaux, autant je ne serais pas tout à fait
complètement honnête avec vous si je ne vous disais pas que cela
risque de ne pas être retenu, en tout cas en ce qui a trait à
l'aspect de la transparence des choses. Non pas par mesure de
harcèlement ou pour encourager le harcèlement à
l'égard d'un parti politique mais parce qu'on s'est engagés
à identifier les consensus les plus larges possible autour des
amendements apportés à la Loi électorale et je dois vous
dire très franchement que vous êtes les seuls à
préconiser de telles
mesures. Vous avez donc un travail de sensibilisation à faire,
pas nécessairement des législateurs parce qu'on le sait ils
répondent au sentiment populaire perçu dans leur circonscription
électorale par le biais de représentations qu'on reçoit
ici, par exemple, en commission parlementaire. Le moins qu'on puisse dire,
c'est que jusqu'à maintenant les représentations qu'on
reçoit vont plutôt dans le sens contraire de celles que vous nous
faites à l'égard de la reconnaissance de l'autorisation des
partis politiques et des mises en candidature.
Je voulais faire cette mise au point et je vous laisse tout le loisir de
réagir non pas pour que cela devienne un débat entre nous, non
pas non plus pour vous reprocher quoi que ce soit, je trouve que vous aviez
raison de venir nous dire ce qui vous chicote et ce qui vous inspire. Je dis
cependant que vous ne pourrez obtenir satisfaction que dans la mesure où
vous apprécierez les différences entre un parti politique et un
mouvement politique qui, lui, n'est pas assujetti aux mêmes exigences et
qui, possiblement, pourrait mieux servir votre cause dans l'état actuel
du droit.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre.
Vous voulez réagir, M. Demers?
M. Demers: Si vous voulez me permettre trois remarques.
Premièrement, par rapport aux remarques sur le travail du comité
et qui ont été reprises par deux ou trois d'entre vous, je pense
que ce n'est pas par manque de respect pour le comité que nous avons
fait ces remarques. Nous avons trouvé que, pour un projet de
réforme sur un sujet aussi important, il y avait là des enjeux
très fondamentaux qui en étaient complètement
éclipsés, dont la réforme qui pouvait traiter du temps
d'antenne gratuit pour les partis politiques et la réforme du mode de
scrutin. Malheureusement, on a décidé de ne pas traiter ces
questions dans le rapport à cause du temps et des conditions dans
lesquelles on a fait notre rapport mais on trouvait qu'une réforme en
profondeur de la Loi électorale ne pouvait pas échapper à
des questions aussi importantes. On trouvait justement que ces deux questions
fondamentales étaient absentes et que c'était très
regrettable.
Par rapport à la transparence, je vois qu'il y a un effort dans
les propos que vous avez soulignés, dans certaines des propositions
mises de l'avant mais malheureusement les hypothèses mises de l'avant
ici ne nous apparaissent pas convaincantes. Je ne pense pas que les
propositions de notre parti à l'égard du travail du comité
mettent en cause vraiment la transparence. Je ne pense pas que si on regarde la
réalité cela nuira vraiment à la transparence. Si on prend
l'exemple de la divulgation des noms des donateurs, il n'y a pas seulement les
personnes qui analysent les rapports d'impôt, il y a aussi les personnes
qui analysent les rapports finan- ciers soumis par le Directeur
général des élections et là apparaissent les noms
des donateurs de 100 $ et plus. Je ne pense pas que la transparence se situe
là entre 1000 $ et 100 $ mais beaucoup plus haut et de ce qui peut
provenir de l'extérieur.
La dernière remarque que je veux faire, et je pense que c'est
plutôt pour attirer votre attention sur une situation qui pourrait bien
résulter de la mise en pratique de la plupart des propositions visant
à resserrer les conditions face aux petits partis, c'est le fait qu'on
risque de mettre dans l'illégalité un nombre considérable
de partis politiques au Québec et je pense que ce serait un très
mauvais record pour le gouvernement actuel d'arriver à un tel
résultat. C'est malheureusement une possibilité si,
effectivement, certaines des propositions sont adoptées
intégralement. C'est à vous d'en décider.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Demers. On
vous remercie de vous être présenté à cette
commission.
Nous allons poursuivre avec les représentants de La belle
province de Québec. Si vous voulez vous avancer. M. Alexandre Roy, chef
du parti, Mme Ginette Tousignant, représentante officielle du parti, et
Mme Nicole Tousignant, candidate. Vous pouvez procéder
immédiatement.
Parti "La Belle Province de Québec"
Mme Tousignant (Ginette): Je dois vous dire qu'il y a quelques
corrections à apporter au mémoire. Au fur et à mesure que
je le lirai, vous en prendrez note. Ce sont des erreurs de transcription.
Excusez ma voix, mais je suis nerveuse.
Sujet 1 - Le régime de pension. Nous proposons que toute personne
nommée DGE qui ne respecte pas les lois ne mérite pas de pension
ni même de salaire parce qu'il représente à la fois
l'État et l'électeur dans ce domaine.
Ceux qui respectent la loi auront droit à une pension
basée sur celle des juges, soit 75 000 $ par année dont 40 000 $
non imposables tel que je le demande depuis 25 ans.
Sujet 4 - Assermentation du personnel électoral. Nous tenons
à vous informer que nous n'approuvons aucunement le travail partisan
fait par le personnel électoral et par conséquent qu'il soit
assermenté à la formation du personnel. Nous proposons que seules
les personnes de 25 ans et plus puissent travailler aux élections.
Sujet 7 - Droit de vote des malades mentaux. Étant une classe de
gens trop facilement à la merci des autres, par leur dépendance,
ils sont plus vulnérables et plus faciles à exploiter
n'étant pas avertis. Nous sommes totalement contre le droit de vote des
malades mentaux, quel qu'en soit le mode.
Sujet 9 - Vote des Québécois hors Québec.
Contrairement au comité, nous ne sommes pas en faveur du droit de vote
des Québécois hors
Québec.
Sujet 14 - Visite des recenseurs. Pour aplanir les difficultés
que cause un court délai pour le recensement, nous proposons que la
période de rencensement soit portée à huit jours au
minimum. Nous pourrions exiger des rencen-seurs qu'ils visitent à des
jours différents et des heures différentes. Il serait
préférable d'augmenter à trois les visites des recenseurs,
ceci pour s'assurer que tout soit fait pour inscrire l'électeur au
délai prévu. La révision n'étant à ce moment
plus aussi importante, il serait à prévoir d'en diminuer la
période et de la réserver aux personnes dont le nom
n'apparaît pas sur la liste mais qui ont leur formule d'inscription ou
aux seules personnes possédant un papier d'identification, comme un
permis de conduire ou un numéro d'assurance sociale, se
présentant en personne. Au minimum, un bureau de révision devrait
être installé par circonscription ou plus quand la superficie est
grande.
Sujet 17 - Aides-enquêteurs. Nous sommes d'accord avec la
proposition du DGE qu'il est parfois inutile de nommer deux enquêteurs
par révision et il serait souhaitable de laisser le DGE décider
du nombre nécessaire d'aides-enquêteurs par commission.
Il serait souhaitable, comme le propose le comité, de revoir la
description de ses fonctions afin d'en éliminer le caractère
investigateur et regrouper des fonctions dans une seule disposition.
Aucune modification de l'appellation ne devrait être
apportée.
Sujet 20 - Déclaration de candidature. Les propositions du
comité étant la proposition faite de demander un
dépôt avec la déclaration de candidature est inacceptable
car cela éliminerait une catégorie de candidats éventuels,
mais très peu nantis.
Nous proposons en remplacement, pour régler le problème de
non-respect des exigences de la loi, notamment au chapitre des rapports
financiers, que soient introduites des pénalités qui
décourageraient ceux qui ne respecteraient pas la loi.
Nous proposons une pénalité de 100 000 $ au candidat et
agent officiel qui ne produirait pas son rapport financier ou deux ans de
prison et le fouet.
La proposition faite par le comité que le candidat ne devrait pas
participer lui-même à la cueillette des signatures ne fait que
confirmer dès le départ la non-accessibilité des candidats
ou futurs députés ou public en général. C'est
d'ailleurs l'opinion actuelle.
Nous proposons de n'accorder la candidature qu'après
vérification de 25 noms d'électeurs sur le bulletin de
présentation, 25 noms étant le nombre de signatures exigibles
pour une candidature. Le temps nécessaire à cette
vérification n'étant pas long, il pourrait s'accompagner d'une
autorisation de candidature provisoire de 48 heures si cela était
nécessaire.
Sujet 24 - Vote par procuration ou courrier. Nous sommes de l'avis des
membres du comité qui considèrent que le vote par procuration
pourrait donner ouverture à la fraude et l'exploitation des
catégories d'électeurs les plus vulnérables.
Nous abondons également dans le sens des troisième et
quatrième propositions des membres du comité.
Nous confirmons que nous n'acceptons pas le vote par procuration ou par
courrier pour toutes ces raisons.
Sujet 32 - Autorisation du parti politique. Nous ne pourrons appuyer
aucune des propositions du comité sur le sujet mais, par contre, nous
proposons que soit réduit à 50 le nombre des signatures totales
pour l'appui d'une demande d'autorisation mais qu'elles devraient être
vérifiées par le DGE.
Mais on ne doit pas aller jusqu'à demander copie de la
constitution et du règlement interne d'un parti.
Pour les mêmes raisons qu'une mise en candidature, un
dépôt ne devrait pas être demandé. Dans ce cas aussi,
par le respect de la Loi électorale et l'obligation du
dépôt du rapport financier, nous proposons de renforcer les
pénalités aux partis, soit 100 000 $ pour chaque chef
d'accusation.
Nous proposons également d'abaisser à cinq le nombre de
candidats requis pour obtenir une demande d'autorisation. Il est
préférable d'avoir moins de candidats mais de s'assurer qu'ils
soient honnêtes et intègres.
Sujet 37 - Financement par l'État des partis politiques. Nous
proposons tout autre chose que ce qui a déjà été
apporté. Nous ne recommandons aucun critère
d'admissibilité sauf celui de l'autorisation de parti. Chacun des partis
autorisés reçoit une allocation forfaitaire pour son
administration courante de 75 000 $ par année versée à la
date anniversaire d'autorisation de chaque parti.
Maximum autorisé de contributions. Cela va venir plus tard.
Sujets 43 et 44.
Sujet 48 - Dépenses personnelles des candidats. Nous proposons
que les dépenses électorales faites par l'agent officiel et son
candidat ne devraient pas dépasser 30 000 $ au maximum.
Le contrôle devrait s'effectuer par le biais du rapport financier.
Le remboursement se fera seulement aux candidats qui se sont rendus au jour du
scrutin et selon leur rapport financier jusqu'à un maximum de 30 000 $,
peu importe le pourcentage de votes obtenus. Ce remboursement devra être
fait dans les 60 jours après la remise du rapport final et ses
preuves.
Cette méthode permettrait d'égaliser les chances pour tous
d'avoir plus de candidats sérieux. Les 30 000 $ des candidats pourraient
être cautionnés par l'État jusqu'à son
remboursement.
Par contre, le chef du parti dans chaque
circonscription où il a des candidats sera autorisé
à faire des dépenses électorales sans limite à
même son propre argent. Il devra faire la preuve que l'argent ainsi
dépensé vient de ses biens propres. S'il ne peut faire la preuve,
une amende de 1 000 000 $ par 100 $ sera aussitôt imposée comme
pénalité sans autre avis ou trois ans de prison et quatre coups
de fouet. Nous éviterons ainsi les pots-de-vin qui sont encore offerts
par des groupes, organismes et compagnies pour le pouvoir qu'ils obtiennent
ainsi sur le gouvernement.
Sujet 50 - Temps d'antenne gratuit et débats des chefs. Nous
proposons que la répartition équitable qualitativement et
quantitativement soit accordée à tous les chefs des partis
autorisés même à ceux n'étant pas
représentés à l'Assemblée nationale et n'ayant pas
recueilli 3 % des votes à l'élection
précédente.
Les médias qui désirent offrir ce temps d'antenne devront
le faire à tous les chefs par écrit et ceux ne désirant
pas participer devront communiquer leur réponse obligatoirement par
écrit pour prouver que le média s'est conformé à la
loi.
En période électorale, cela ne constituerait pas une
dépense électorale et nous proposons que la Loi électorale
soit amendée pour octroyer du temps d'antenne aux chefs et aux candidats
des partis en élection mais qui serait payé à même
les fonds de l'État. Ceci pour autant que tous bénéficient
d'un temps égal et il serait à établir à même
la loi combien de temps serait ainsi accordé.
Il serait aussi à prévoir d'accorder du temps d'antenne
payé par l'État en période électorale pour une
meilleure diffusion et information des programmes des partis. Il demeurerait au
contrôle interne du parti de déterminer si c'est le chef ou une
autre personne du parti qui parlera lors de ces périodes. (17 h 45)
Nous proposons, lors du bulletin d'information, que les
déclarations faites aux radios ou télévisions ou autres
devraient être conformes aux dires exacts des partis sans rien ajouter ou
changer sinon ils seraient pénalisés de six mois de fermeture
sans autre avis ni procès.
Publicité gouvernementale en période électorale.
Nous proposons l'adoption d'une loi qui interdirait toute publicité
gouvernementale en période électorale générale ou
partielle. Quelques exceptions pourraient être prévues: une
situation d'urgence, la publicité du DGE, la sollicitation de demandes
d'emplois, la publicité visant la promotion touristique et les appels
d'offres. Le contrôle pourrait être entre les mains des
électeurs et du DGE ainsi que des médias.
Campagnes au leadership. Nous proposons que les candidats au leadership
de leur parti défraient eux-mêmes toutes les dépenses. Ils
ne peuvent en aucun cas solliciter des contributions d'électeurs.
Nous considérons que ce n'est pas aux électeurs à
assumer une telle campagne. Divulgation complète des sources de
financement et de l'utilisation des fonds de chaque candidat en lice.
Changement de la méthode de scrutin. Vu les nombreuses fraudes
lors des élections précédentes, nous proposons de changer
le mode actuel de scrutin pour faire place à des machines qui
enregistreraient le vote des électeurs.
Les machines devraient être celles proposées du temps de
Jean Lesage en 1962, faites en Angleterre. Il serait impossible de frauder de
la part des électeurs ou autres et cela empêcherait les erreurs
dans le comptage des votes.
Loi de responsabilité politique. Il devrait exister une loi pour
le respect des promesses électorales et des pénalités pour
les contrevenants. Financement des partis politiques. Nous proposons
l'élimination complète des souscriptions pour ainsi porter sur un
pied d'égalité tous les partis. Seul le financement par
l'État, sujets 37, 48 et 50, serait accepté.
Le contrôle du rapport financier demeure et des
pénalités exemplaires de 1 000 000 $ par 100 $ de contribution
acceptée devraient être imposées si un parti acceptait des
contributions.
Les électeurs étant déjà fortement
sollicités par le biais des impôts, il est juste de
répartir également leur argent à chacun des partis pour
une meilleure diffusion de leur programme à tous et ainsi être en
mesure de déterminer ceux qui les représenteront au gouvernement.
Ainsi, nous éliminerons la sollicitation qui est faite auprès des
électeurs pour l'achat de cartes de membre, pour des brunches ou autres
activités politiques.
Âge pour voter. La proposition est que l'âge requis pour
voter soit augmenté à 22 ans.
Le délai de procédure. Nous proposons que toute
procédure dans une contestation d'élection ne doit pas
dépasser trois mois sous aucune considération. Il devrait y avoir
dans la loi une priorité accordée à ces cas pour en
accélérer le traitement.
Le Président (M. Marcil): Mme Tousignant, je vais
reconnaître maintenant M. le député de Taschereau.
M. Lecierc: Je voudrais d'abord remercier M. Roy et Mmes
Tousignant de s'être présentés devant nous et d'avoir
préparé ce mémoire. J'aurai, somme toute, peu de questions
parce que le mémoire est très clair en soi. Une première
fort simple: Je me rends compte en relisant le mémoire que, pour
différentes occasions, vous choisissez ou vous proposez des âges
différents. Vous proposez 25 ans pour travailler aux élections,
22 ans pour voter. Considérant qu'à 18 ans au Québec on
est majeur, vous ne pensez pas qu'il y a là des possibilités de
confusion?
Une voix: Une, cela va être assez.
M. Roy: On a pris 25 ans, trois ans de plus que 22 ans, pour une
raison: une personne de 25
ans a plus d'expérience qu'une personne de 22 ans. C'est bien
simple.
M. Leclerc: Cela peut nous amener des confusions.
M. Roy: Parce qu'à 22... Tous les gens nous ont
demandé... J'ai fait évidemment les comtés. Dans les
comtés, ils m'ont dit: Pourquoi est-ce que les gens n'auraient pas le
droit de vote à 25 ans? Tous les gens. Je ne l'ai pas mis à 25,
je l'ai mis à 22.
M. Gendron: Sérieusement, je veux dire...
Une voix: A la fin de la journée, un mémoire, c'est
plus court.
Le Président (M. Marcil): Pas d'autres questions? Non,
bon. Mme Ginette Tousignant, M. Roy, on vous remercie beaucoup de vous
être présentés.
Je tiendrais à vous informer que demain nous allons commencer nos
travaux à 11 heures au lieu de 10 heures puisqu'il va y avoir un
décalage au niveau des groupes qui doivent se présenter. C'est le
député de Taschereau qui présidera au début de
l'avant-midi. Merci beaucoup, Mme Tousignant. Nous allons ajourner nos travaux
à 11 heures, demain matin.
M. Gratton: M. le Président, il ne serait peut-être
pas inutile de faire la nomenclature des personnes...
Le Président (M. Marcil): Oui, pour demain...
M. Gratton:... qui comparaîtront et à quelle heure,
s'il vous plaît.
Le Président (M. Marcil): Demain matin, à partir de
11 heures, on va entendre le Directeur général des
élections du Canada; il sera suivi, à midi, du Directeur
général des élections de l'Ontario. Ensuite, on continuera
avec le Directeur général des élections du Québec,
dans l'après-midi; il sera suivi par la Fédération de
l'âge d'or. On continuera avec le ministre des Communications du
Québec et nous terminerons la journée avec les remarques finales
du député de Gouin, du représentant de l'Opposition
officielle, de même que du ministre délégué à
la Réforme électorale. Est-ce qu'il y a des questions concernant
la journée de demain? Cela va. D'accord.
Donc, Mme Tousignant et M. Roy, on vous remercie de vous êtes
déplacés. J'ajourne les travaux à demain, 11 heures.
(Fin de la séance à 17 h 52)