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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 23 août 1988 - Vol. 30 N° 23

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur la révision de la Loi électorale, sur le Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale et sur le document intitulé 'Résultats des travaux du comité de travail sur la révision de la Loi électorale'


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Marcil): Bonjour tout le monde. Nous allons commencer nos travaux en déclarant la séance ouverte tout en vous rappelant le mandat de la commission, c'est-à-dire de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques afin d'examiner toute proposition de révision de la Loi électorale sur la base notamment du Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale déposé à l'Assemblée nationale le 15 mars 1988 et du document intitulé Résultats des travaux du comité de travail sur la révision de la Loi électorale.

Avant de demander à Mme la secrétaire d'annoncer les remplacements je vais accepter le dépôt d'un document de réflexion du Directeur général des élections du Québec sur le sujet 58, en annexe à notre brique intitulée Résultats des travaux du comité de travail sur la révision de la Loi électorale et un deuxième document qui est une mise à jour de ce document, daté du 12 août 1988.

Mme la secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements à nous annoncer?

La Secrétaire: M. Assad (Papineau) est remplacé par M. Blackburn (Roberval), M. Dauphin (Marquette) par Mme Pelchat (Vachon), M. Filion (Taillon) par M. Gendron (Abitibi- Ouest), M. Godin (Mercier) par M. Dufour (Jonquière), M. Kehoe (Chapleau) par M. Leclerc (Taschereau).

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais d'abord inviter notre premier groupe, le Parti québécois...

M. Gratton: M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Oui, M. le ministre.

Fédération professionnelle des journalistes du Québec

M. Gratton: Avant qu'on ne procède, si vous me le permettez, nous avons reçu de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, dont le président est M. Rhéal Barnabé, une communication dont les médias d'information faisaient état d'ailleurs la semaine dernière concernant l'opportunité d'amender la loi quant à la tenue des débats télévisés entre les chefs. Je voudrais simplement mentionner que j'ai remis copie de cette communication au député d'Abi-tibi-Ouest et que j'ai l'intention d'en remettre copie aux membres de la commission dès qu'on aura photocopié le document.

Je voudrais aussi indiquer que le souhait de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec de voir la loi modifiée afin d'exclure de sa portée ces débats télévisés devenus indispensables en période électorale devrait normalement être comblé lors de l'adoption d'un projet de loi puisqu'en comité de parlementaires nous avions fait consensus pour exclure les débats des chefs de la définition de dépenses électorales. On y reviendra, évidemment, mais je voulais que cette représentation de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec puisse être inscrite et acceptée comme dépôt.

Le Président (M. Marcil): Ça va? Nous allons en faire des photocopies et en distribuer à tous les députés de cette commission.

M. Gendron: M. le Président...

Le Président (M. Marcil): Oui, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Très succinctement avant de commencer nos travaux, je pense que le leader du gouvernement et ministre responsable de la Réforme électorale a bien fait de signaler que M. Barnabé, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, compte tenu que le sujet sur lequel il nous a transmis un avis l'avait hautement préoccupé - et je pense que le ministre a oublié de le mentionner - que ces gens avaient possiblement l'intention de présenter quelque chose dans le cadre de nos travaux d'aujourd'hui mais, pour des raisons de déménagement et de déplacement, ils n'ont pas présenté un point de vue plus étoffé et plus articulé sur l'ensemble des sujets traités.

Par contre, sur la question du débat télévisé entre les chefs, il est pertinent, je pense, de nous indiquer à nouveau que c'est le moment privilégié d'apporter le correctif souhaité parce qu'il faut se rappeler que ces gens-là avaient prétendu que, même si le DGE avait fait une interprétation exacte de l'article 427, cet article pouvait néanmoins susciter une interprétation qui aurait pour conséquence probable de rendre impossible un vrai débat télévisé des chefs sans l'inclure comme dépense électorale, alors que le comité de la réforme a convenu que cela devrait être complètement éliminé parce que ça fait partie, ainsi de suite, en tout cas... Dans ce sens-là, je pense que leur courte note va nous rappeler qu'il y a lieu de faire quelque chose dans le sens qu'ils ont eux-mêmes souhaité.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest, représentant de l'Opposition officielle.

M. le député de Gouin, auriez-vous quelque chose à ajouter sur le sujet, en faisant le tour?

M. Rochefort: Puisque vous m'invitez à le faire, M. le Président, je dirai simplement que, même si j'ai participé aux discussions du comité et que j'étais porté à aller dans le sens des conclusions qu'il a tirées, j'avoue que les travaux de la semaine dernière - et je ne pense pas être le seul à l'avoir indiqué - nous ont tous amenés à réviser un peu les orientations que s'était données le comité technique quant aux ajustements que nous étions prêts à apporter à nos lois électorales pour permettre aux autres partis - pour ne pas utiliser cette expression peu appréciée de leur part - d'être quand même plus présents dans la vie politique au Québec. (10 h 15)

Je reconnais, même si je suis porté à penser qu'il doit y avoir débat des chefs des grandes formations politiques, qu'il aurait été intéressant de demander à la Fédération professionnelle des journalistes du Québec de nous dire, mais une fois qu'on s'entend là-dessus, comment ils considèrent qu'on pourrait permettre aussi aux chefs des autres formations politiques de participer plus visiblement et plus activement à des activités très significatives sur le résultat électoral comme le débat des chefs. En ce sens-là, je regrette un peu leur absence. Je comprends qu'il y a sûrement de bonnes raisons pour ce faire mais, un peu comme on en a eu l'occasion, par exemple, avec la Curatrice publique et avec le président de la Commission des droits de la personne d'entendre, d'une part, leurs grands principes de base et de leur demander de nous aider à trouver des mécanismes qui nous permettraient de réaliser leur souhait dans le respect des autres principes avec lesquels nous travaillons, cela aurait été utile qu'on puisse retourner aussi cette question aux représentants de la Fédération professionnelle des journalistes. C'est un peu ce que je souhaite dire pour l'instant. Je pense qu'il y a un certain nombre de lignes directrices qui sont sorties des représentations de la semaine dernière. Je pense qu'il y a eu une ouverture manifestée par le ministre et aussi par le député d'Abitibi-Ouest pour permettre une meilleure participation, une meilleure visibilité aux autres formations politiques. Dans notre vie politique, il va falloir qu'on trouve des moyens concrets pour que cela ne reste pas au niveau des principes.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le député de Gouin. M. le ministre.

M. Gratton: Oui, M. le Président. À la suite des propos du député de Gouin, je pense effectivement qu'on pourra, après en avoir discuté entre nous, faire les consultations, sinon en commission parlementaire retourner en consultation informelle auprès de la Fédération des journalistes, qui pourraient aller dans le sens d'éclairer les membres de la commission sur la façon de procéder et d'inscrire les amendements à la Loi électorale en ce qui a trait au débat des chefs. J'en prends bonne note.

Le Président (M. Marcil): Ça va. Merci, M. le ministre.

Donc, avant de commencer la première audition j'aimerais quand même vous rappeler, ainsi qu'à tous les groupes présents, que c'est une période d'une durée de 60 minutes. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, compte tenu que la plupart des députés membres de cette commission ont déjà lu les mémoires. Ce sera suivi d'une période de questions de 40 minutes partagée équitablement entre les deux formations de même que le député indépendant. Notre premier groupe est le Parti québécois représenté par M. Paul Bégin.

M. Bégin (Paul): C'est exact.

Le Président (M. Marcil): Si vous voulez bien faire la présentation de vos collaborateurs.

Parti québécois

M. Bégin: Alors, Paul Bégin, trésorier du

Parti québécois. À ma droite, M. Pierre Boileau, directeur général, et à ma gauche, M. François

Landry, directeur des services administratifs au Parti québécois.

Le Président (M. Marcil): Soyez les bienvenus à cette commission. Nous vous remercions déjà à l'avance d'avoir bien voulu y participer. Nous vous laissons immédiatement le temps d'antenne.

M. Bégin: Merci, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Étant donné que le mémoire aborde plusieurs questions et qu'il serait difficile de synthétiser dans un ou deux points, vous me permettrez de faire la lecture du mémoire.

Le Parti québécois, à titre d'acteur privilégié de la scène politique québécoise depuis 20 ans, tient à souligner par sa présence à cette commission parlementaire son attachement profond aux valeurs démocratiques et son intérêt indéfectible à l'égard de toute réforme susceptible de contribuer à une démocratisation de nos institutions politiques.

C'est avec un intérêt empreint d'ouverture que notre formation politique participe aux travaux de cette commission chargée de discuter des possibilités de bonifier la Loi électorale tout en préservant les acquis. Le Québec a réalisé depuis le début des années soixante des progrès considérables qui ont mis fin pour l'essentiel aux pratiques et moeurs électorales douteuses que l'on a déjà connues. Ces progrès réalisés par le

Québec ont non seulement permis d'obtenir la confiance des électeurs à l'égard de leur système électoral mais ils suscitent aussi l'envie des milieux politiques américains et européens, notamment en matière de réglementation du financement des partis politiques.

Les modifications proposées à la loi électorale par le Secrétariat a la réforme électorale dans son document de réflexion doivent faire l'objet des consensus les plus larges possible étant donné l'incidence des règles de fonctionnement du système électoral sur le degré de confiance des citoyens envers les institutions politiques.

En effet, dans notre régime politique dit de démocratie représentative, le système électoral est au coeur de la légitimité du gouvernement dont les membres se voient déléguer pour un temps donné l'administration des affaires de l'État par les citoyens qui les ont choisis en exerçant leur droit de vote. L'intégrité, l'équité et la transparence du système électoral sont des conditions essentielles à la qualité du contrat passé entre les électeurs et le gouvernement élu au terme d'une campagne électorale où les partis politiques sont soumis aux mêmes règles de la loi électorale.

Toute proposition de réforme à une loi régissant un système électoral doit s'appuyer sur un certain nombre de fondements qui nous apparaissent être essentiels en démocratie.

La primauté de l'exercice du droit de vote et l'égalité du droit de vote entre les électeurs doivent être le premier fondement de tout système électoral en démocratie. Cela suppose qu'il faut mettre en oeuvre les mesures appropriées permettant au plus grand nombre possible de citoyens d'exercer directement leur droit, de vote. Le principe "un électeur, un vote" doit se concrétiser par la confection d'une carte électorale par un organisme autonome et indépendant du pouvoir politique avec pour objectif prioritaire d'uniformiser le ratio nombre d'électeurs par circonscription afin d'assurer l'égalité du poids du vote des électeurs entre eux. Cependant, conformément à un amendement récent à la Loi sur la représentation électorale, cet objectif prioritaire devra respecter dans la mesure du possible l'homogénéité socio-économique des communautés regroupées au sein d'une même circonscription.

Le deuxième fondement repose sur l'intégrité du processus électoral fixant des règles claires de fonctionnement et de comportement pour les acteurs politiques, limitant les possibilités de fraude ou de corruption durant la campagne électorale ou lors du jour du scrutin. L'intégrité du système électoral, au-delà de règles s'appliquant à tous les partis politiques, repose aussi sur la capacité réelie d'un organisme autonome et indépendant du pouvoir exécutif d'assurer le respect de la loi et d'agir pour sanctionner les responsables de pratiques électorales frauduleuses ou déloyales. Cette intégrité s'appuie aussi sur des règles de fonctionnement équitables pour l'ensemble des partis politiques, notamment en limitant les dépenses électorales autorisées pour tous les candidats en fonction du nombre d'électeurs de la circonscription où ils tentent de se faire élire.

Au-delà du contrôle des dépenses électorales, la valeur d'un système électoral doit aussi avoir comme fondement la transparence des partis politiques par une réglementation sur leurs modes de financement les amenant à rendre périodiquement des comptes à la population. Une telle réglementation doit de plus veiller à limiter l'influence des groupes d'intérêts à l'endroit des candidats et des partis politiques.

Un système électoral démocratique doit assurer une représentation équitable du vote exprimé par l'ensemble des électeurs en termes de répartition des sièges à l'Assemblée nationale. Un mode de scrutin donne une portée concrète au vote de chaque électeur lorsque la répartition des sièges reflète le support populaire obtenu par un parti politique. Nous regrettons que le Secrétariat à la réforme électorale n'ait pas jugé opportun de relancer le débat important de la réforme du mode de scrutin dans son document de réflexion.

Le Parti québécois estime toujours nécessaire une réforme du mode de scrutin uninominal à un tour responsable de distorsions considérables entre le support populaire obtenu par un parti politique et sa représentation en termes de sièges à l'Assemblée nationale. Notre parti entend poursuivre sa réflexion à cet égard et soutient qu'il est possible d'envisager une réforme du mode de scrutin permettant d'assurer la stabilité gouvernementale, tout en corrigeant les effets de distorsion engendrés par l'actuel mode de scrutin uninominal à un tour par l'introduction d'un mécanisme compensatoire.

Les fondements précédemment énoncés doivent guider toute proposition de réforme de la législation régissant le fonctionnement du système électoral afin de préserver et de consolider les acquis. À défaut du respect de ces fondements, le Parti québécois s'opposera à toute mesure susceptible de remettre en question la transparence, l'équité et l'intégrité de l'actuel système électoral québécois.

Notre formation politique a contribué largement à cet effort de démocratisation des institutions politiques québécoises amorcé au début de la révolution tranquille, tant par la démocratie interne du parti que par son action gouvernementale. Comme parti de masse, notre formation s'est dotée de règles de fonctionnement éminemment démocratiques, comme en témoignent celles qui régissent la réalisation et l'adoption du programme politique du parti par une consultation menée en diverses étapes par nos militants et militantes. D'ailleurs, le Parti québécois a été le premier parti au Québec à se livrer à de véritables campagnes de financement populaire dans tous les coins du Québec. De plus,

il a été la première formation politique nord-américaine à élire son chef sur la base du suffrage universel des membres du parti.

L'action gouvernementale du Parti québécois en matière de législation électorale s'est traduite par un ensemble de mesures qui ont contribué concrètement à la démocratisation de nos institutions politiques. La loi 2 sur le financement des partis politiques adoptée en juillet 1977 constitue certes la réforme majeure du Parti québécois entreprise pour démocratiser nos institutions politiques en mettant fin à la pratique des caisses électorales occultes et en réduisant l'influence des groupes d'intérêts sur les partis politiques. Cette législation, qui suscite l'intérêt et l'admiration de bon nombre de milieux politiques nord-américains et européens, a pour principal objectif d'assurer une transparence au sein des partis politiques quant à leur mode de financement. En vertu de cette loi, rappelons-le, les contributions aux partis politiques sont réservées uniquement aux individus, les contributions de 100 $ et plus doivent être rendues publiques et ne peuvent excéder 3000 $. En plus d'accroître l'apport de l'État dans le financement des partis, la loi oblige ces derniers à produire et à publier annuellement des rapports financiers sur leurs activités.

Cette réglementation sur le financement des partis politiques est attribuable à l'attachement acharné de René Lévesque aux valeurs démocratiques. Nous désirons profiter de cette réflexion sur la Loi électorale pour lui rendre hommage, car il a incarné plus que tout autre au sein de notre parti cet engagement en faveur de la démocratisation de la vie politique québécoise. Cette loi sur le financement des partis politiques faisait sa fierté comme en témoigne cet extrait de ses mémoires. "C'est donc le financement démocratique des partis, notre engagement numéro 1, qui fut le projet de loi numéro 2 de notre gouvernement, mais en fait sa première réalisation majeure. "Désormais, tous les partis étaient tenus de publier leurs états financiers. Les contributions, qui ne devaient plus provenir de compagnies ni d'aucun groupe intéresse mais des seuls individus, étaient plafonnées à 3000 $ par année et l'origine de tout don de plus de 100 $ devait être dévoilée. On incitait d'autre part les citoyens à s'en mêler en leur permettant de déduire leur souscription modeste de l'impôt sur le revenu. "De toutes les réformes que nous avons pu mener à bien, voilà celle dont je serai toujours le plus fier, celle également qu'on ne laisserait ternir que pour avoir un jour à s'en mordre les doigts. "

En 1978, le gouvernement du Parti québécois faisait adopter une législation définissant le cadre réglementaire de consultation de la population par référendum afin d'assurer la participation des électeurs à la prise des grandes décisions de l'État. Il a élargi l'exercice du droit de vote aux juges, au personnel de scrutin et aux détenus. Il a créé en 1979 la Commission de la représentation électorale, organisme indépendant chargé de procéder périodiquement à une révision de la carte électorale afin de l'adapter à l'évolution démographique. Il a mis sur pied l'actuel service de télédiffusion des débats à l'Assemblée nationale. Il a entrepris une vaste réflexion sur la réforme du mode de scrutin par la publication, en 1979, du document "Un citoyen, un vote" et par le mandat confié en 1983 à la Commission de la représentation électorale d'étudier le mode de scrutin actuel et de proposer des alternatives à ce dernier. Soulignons enfin le travail de révision de la Loi électorale qui a permis en 1984, à l'initiative du conseil consultatif, d'importantes modifications à la loi.

Ces gestes témoignent d'une préoccupation concrète et constante du Parti québécois en matière de démocratisation de nos institutions politiques.

Le Secrétariat à la réforme électorale a identifié dans son Document de réflexion et de consultation une cinquantaine de sujets à propos desquels une révision de certaines dispositions actuelles de la Loi électorale pourrait être envisagée. Sur la base de notre bilan en matière de réforme électorale et sur celle des fondements évoqués précédemment, le Parti québécois désire faire connaître ses positions à l'égard de certains sujets identifiés par le Secrétariat à la réforme électorale.

Accessibilité et exercice du droit de vote. Toute réforme du système électoral doit avoir pour objectif d'élargir l'exercice du droit de vote au plus grand nombre de citoyens et la possibilité pour ceux-ci de l'exercer directement. Toutefois, un tel objectif doit respecter l'intégrité et la transparence de notre système électoral actuel, résultant de nombreuses réformes qui ont eu pour effet de corriger certaines inégalités et d'assainir nos moeurs électorales.

Depuis le début des années soixante, l'exercice du droit de vote a été élargi par l'abaissement de 21 à 18 ans l'âge minimum pour voter (1964) et par l'élimination de certaines interdictions affectant des groupes spécifiques de citoyens: autochtones en 1969, juges en 1978 et détenus en 1979. Toutefois, certaines interdictions, en raison des dispositions actuelles du paragraphe 4 de l'article 54 de la Loi électorale, frappent les personnes souffrant de déficience mentale. De plus, l'exercice du droit de vote représente une source d'obstacles dans le cas de personnes à mobilité réduite.

Droit de vote des handicapés mentaux. Au-delà des aspects constitutionnels soulevés par cette question, il convient de s'interroger sur le bien-fondé de la restriction privant les handicapés mentaux du droit de vote dans notre société. Les dispositions actuelles de l'article 54 nous apparaissent comme étant trop globalisantes et nient en quelque sorte les réalités diverses que vivent les handicapés mentaux. En effet, II n'est pas évident que toutes les personnes

présentant à divers degrés des déficiences intellectuelles soient incapables d'exercer leur droit de vote.

Soucieux de donner un sens le plus large possible au concept de primauté du droit de vote, le Parti québécois est favorable à l'exercice du droit de vote des handicapés mentaux. Il faut dès lors réfléchir aux moyens susceptibles de concrétiser l'exercice du droit de vote par les handicapés mentaux sans compromettre l'intégrité et la transparence du système électoral. (10 h 30)

Deux solutions s'offrent au législateur. La première consiste à lever toute restriction à l'exercice du droit de vote des handicapés mentaux qui assumeront les formalités préalables dans l'exercice du droit de vote, principalement la liberté de se présenter ou non à l'endroit du vote. La deuxième solution consiste à assortir l'exercice du droit de vote de certaines conditions. Il faut alors se demander par quels mécanismes objectifs l'on peut établir qu'un handicapé mental possède une capacité suffisante de jugement pour exercer ce droit de vote. Pour établir des catégories de handicapés mentaux, il est possible de recourir aux trois régimes de protection introduits récemment dans le Code civil et qui correspondent à trois niveaux d'incapacité. La proposition de la Commission des droits de la personne à l'effet de subordonner le retrait du droit de vote à une constatation judiciaire de l'incapacité d'une personne peut être envisagée.

Compte tenu des aspects délicats soulevés par le droit de vote des handicapés mentaux, le Parti québécois s'oppose à toute forme de vote par procuration et de bureau de vote itinérant à l'intérieur d'une institution psychiatrique dans le cas des handicapés mentaux afin de respecter leur dignité et d'éviter que l'intégrité du processus électoral ne soit entachée.

Vote par procuration. Certains s'interrogent sur l'opportunité d'introduire dans notre système électoral le procédé du vote par procuration. Le Parti québécois est tout à fait opposé à ce procédé pour des raisons d'intégrité et de transparence de notre système électoral. Le vote par procuration va à l'encontre du principe de l'exercice direct du droit de voter en faisant intervenir un intermédiaire. Il n'est pas conforme à nos pratiques et à nos traditions électorales. Il présente un risque sérieux pour l'intégrité du système électoral parce que nous estimons qu'il est susceptible de favoriser l'intimidation auprès de certains électeurs vulnérables.

Bureau de vote itinérant. Conscient des difficultés vécues par les personnes âgées à mobilité réduite et par les personnes handicapées, il faut mettre en place des moyens leur permettant d'exercer directement l'exercice de leur droit de vote. À cet égard, le Parti québécois est ouvert à la possibilité de recourir aux bureaux de vote itinérants. Cependant, il faudra baliser le mode de fonctionnement de ces bureaux de vote itinérants notamment en s'assurant qu'ils soient accompagnés de représentants des partis politiques lors du scrutin. Il faut aussi se demander jusqu'où peut être utilisé ce processus de bureau de vote itinérant. L'accès au bureau de vote itinérant doit-il être limité aux établissements publics, à savoir principalement les centres d'accueil et les hôpitaux de soins prolongés, ou encore par simple demande d'un électeur incapable de se déplacer pour des raisons physiques? Quoique favorables à l'instauration d'une telle pratique, nous soutenons qu'elle devra faire l'objet d'un encadrement rigoureux assurant l'intégrité du processus électoral.

Vote des Québécois hors Québec. Le Parti québécois est d'avis que les Québécois momentanément absents du Québec pour des raisons diverses continuent d'être concernés par les affaires de l'État. En conséquence, notre formation politique estime, en misant sur l'expertise des gestionnaires de notre système électoral, important de permettre à ces Québécois de pouvoir exercer leur droit de vote. Diverses modalités peuvent être alors envisagées pour permettre l'exercice de ce droit de vote en apportant une attention particulière à la situation des fonctionnaires oeuvrant pour le compte du gouvernement québécois à l'extérieur de nos frontières.

Interprètes pour sourds et muets. Le Parti québécois, afin de faciliter l'exercice direct du droit de vote par l'électeur, favorise la présence d'interprètes pour les personnes sourdes et muettes, soit aux fins de communiquer avec le bureau du directeur de srutin ou encore avec le personnel électoral lors du jour du scrutin. La formule de l'auxiliaire du sourd-muet prévue par la Loi sur les élections dans les municipalités devrait être étendue à la Loi électorale.

Assistance à un électeur. Le Directeur général des élections propose un amendement à l'article 260 de la loi afin de permettre au scrutateur ou au secrétaire du bureau de vote la possibilité de prêter assistance à un électeur incapable de marquer son bulletin de vote plutôt que les deux personnes à la fois. Le Parti québécois est tout à fait d'accord avec cet amendement - et là je vous souligne qu'il y a une coquille qui ne fait que régulariser la pratique observée lors du jour du scrutin puisque le scrutateur et le secrétaire ne peuvent être simultanément absents d'un bureau de vote qui serait alors laissé sans surveillance.

Déroulement de la campagne électorale et contrôle des dépenses électorales. Déclaration de candidatures. Notre formation politique souscrit à la proposition visant à inscrire dans la loi la responsabilité du mandataire du candidat au chapitre des signatures d'appui. Nous souhaitons que le directeur du scrutin doive procéder à l'examen de la déclaration de candidature afin de vérifier la conformité de celle-ci avec les exigences de la loi, notamment en ce qui regarde la validité de l'adresse des signataires. Nous

sommes de plus favorables à l'instauration d'un dépôt de 250$ afin d'éviter les candidatures saugrenues.

Temps d'antenne gratuit et débat des chefs. La responsabilité de définir les modalités de fonctionnement entourant le débat des chefs doit être laissée entièrement aux médias. De plus, comme ce type de débat s'inscrit généralement dans le cadre d'une émission régulière ou spéciale d'affaires publiques, la participation du chef ou d'un candidat d'un parti politique à ce débat n'a pas à être considérée comme étant une dépense électorale. Les dépenses électorales ne doivent être comptabilisées que dans le cas de temps d'antenne retenus et payés pour des messages publicitaires d'un parti ou d'un candidat.

Intervention des tiers en période électorale. En vertu de l'article 417 actuel de la Loi électorale, un groupe d'intérêt ne peut engager de dépenses pour faire connaître sa position sur un sujet d'intérêt public et interpeller les partis politiques en période électorale. Cet article soulève la difficile conciliation entre la liberté d'expression et l'équité des chances entre les partis politiques. Pour nous, une réglementation s'avère nécessaire dans la mesure où un parti gouvernemental tentant de se faire réélire risque d'être la cible privilégiée de messages publicitaires d'organismes critiquant certaines de ses décisions et d'être ainsi défavorisé par rapport aux autres partis politiques.

Publicité gouvernementale. Notre parti est favorable à l'instauration d'un code réglementaire encadrant la diffusion de la publicité gouvernementale en période électorale et fera connaître sa position lorsque l'actuel ministre des Communications aura dévoilé les intentions du gouvernement en cette matière.

Recensement et révision de la liste électorale. Recensement annuel. Nous désirons réitérer à l'occasion de cette commission l'importance du recensement électoral annuel comme outil essentiel à l'exercice du droit de vote. Un recensement annuel s'effectue dans des conditions plus satisfaisantes que celui réalisé en période électorale car il permet une meilleure préparation des recenseurs et un meilleur recrutement de ceux-ci. De plus, un recensement électoral annuel s'impose à sa face même lorsqu'il doit avoir lieu à la suite de l'adoption d'une nouvelle circonscription électorale. À cet égard, nous déplorons l'attitude adoptée en juin dernier par l'actuel ministre délégué à la Réforme électorale qui, par deux lois spéciales, a choisi d'abolir le recensement électoral annuel alors qu'une nouvelle carte électorale affectant 36 circonscriptions venait d'être adoptée. Par cette même attitude, le ministre a aboli du même coup la règle de la double majorité comme condition préalable à l'annulation d'un recensement postdélimitation prévue par la Loi sur la représentation électorale.

Le Président (M. Marcil): Compte tenu que vous avez déjà utilisé vos 20 minutes et que tous les députés de cette commission ont déjà lu votre mémoire qui est très bien structuré, que vous avez réellement bien identifié tous les points et que c'est expliqué de façon très claire, nous procéderons immédiatement à la période de questions.

Je vais reconnaître M. le ministre responsable de la Réforme électorale. Cela nous aidera à compléter votre exposé.

M. Bégin: D'accord.

M. Gratton: Effectivement nous avons pris connaissance avec intérêt des diverses recommandations et suggestions du Parti québécois quant aux sujets traités dans le document de réflexion et de consultation du Secrétariat à la réforme électorale. Je dois dire que, quand on les compare avec les prises de position du Parti libéral, je pense qu'on peut d'ores et déjà dire qu'il y aura consensus sur un très grand nombre de sujets. Je pense que c'est à 90 % que les recommandations et suggestions des deux grands partis représentés à l'Assemblée nationale se recoupent. Évidemment, on devra, à la lumière de ce qu'on s'est fait dire la semaine dernière par des partis non représentés à l'Assemblée nationale, ce qu'évoquait d'ailleurs le député de Gouin tantôt, s'assurer que ces consensus qui se dégagent entre nous, entre les partis représentés à l'Assemblée nationale ne fassent pas abstraction de l'opinion et de l'intérêt des partis non représentés à l'Assemblée nationale.

Cela étant dit, M. le Président, il y a quelques sujets et je sais d'avance qu'au cours des quinze minutes qui nous sont allouées on n'aura pas le temps de faire le tour des diverses questions qu'on a pu pointer pour obtenir des détails et des précisions sur les prises de position du Parti québécois et sans les prendre dans un ordre quelconque je voudrais, dans un premier temps, obtenir certains éclaircissements concernant le financement des partis politiques et surtout la divulgation des contributions.

À la page 7 de votre mémoire vous faites état de la préférence d'une divulgation des contributions par ordre alphabétique sur la base des circonscriptions. Ma première question est à savoir si vous pariez des circonscriptions de résidences des contributeurs ou des circonscriptions dans lesquelles la contribution est versée.

M. Bégin: Dans le mémoire, nous faisons allusion aux résidences des électeurs. C'est donc, en principe, la résidence électorale, celle où se situe la personne.

M. Gratton: On souhaiterait donc maintenir la divulgation par une liste par ordre alphabétique par résidences de circonscriptions.

M. Bégin: C'est exact.

M. Gratton: Par contre, à la page 18, vous nous dites - et cela reflète l'organisation interne du parti qui recueille ces contributions auprès de chaque association de comté - que vous seriez disposé à accepter un amendement obligeant les partis politiques à produire deux listes de contributions, soit par ordre alphabétique à l'échelle locale et/ou à l'échelle nationale. J'avoue que je ne saisis pas très bien, compte tenu que vous dites que la confection d'une liste nationale par ordre alphabétique impliquerait des délais administratifs importants pour votre formation politique. Pourtant, vous êtes favorables à ce que la loi soit amendée pour exiger la production d'une telle liste nationale par ordre alphabétique. J'aimerais que vous précisiez si vous parlez bien de deux listes ou si vous souhaitez que la Loi électorale soit amendée de façon à permettre l'une ou l'autre, c'est-à-dire une liste par ordre général ou une liste par circonscription électorale.

M. Bégin: Notre parti serait favorable au maintien de la situation actuelle de statu quo. Maintenant, si on veut élargir pour permettre dans la loi cette forme de choix que les deux partis pourraient, dans un temps éventuel, changer de point de vue, à ce moment-là, que la loi le permette et/ou encore l'oblige. Mais il est évident que si vous l'obligez, les problèmes administratifs soulevés dans le mémoire existent, si on exige qu'un parti fasse les deux, tant sur la base des circonscriptions électorales que sur celle de l'ensemble du Québec, il est évident à ce moment-là que les délais pourraient être un peu plus longs si un des partis fonctionne davantage sur une forme que sur une autre. Si, par exemple, la forme de fonctionnement du Parti québécois est de fonctionner par les instances et qu'on demande une liste sur l'ensemble du Québec, cela va nécessiter certains délais additionnels que le Parti libéral n'aurait pas s'il avait, par ailleurs, choisi de fonctionner sur la base du Québec mais, quand il arriverait pour fonctionner sur la base des circonscriptions, il aurait le problème inverse de celui du Parti québécois. Il y aurait donc des ajustements à faire et, quant à la situation actuelle, nous croyons qu'elle est bonne.

M. Gratton: Je veux bien comprendre. Est-ce que je dois conclure que vous n'avez pas d'objection à ce qu'il y ait obligation pour l'ensemble des partis de produire deux listes, une par circonscription électorale et une générale?

M. Bégin: D'accord, pour autant, évidemment, qu'il y ait peut-être des ajustements au délai de production, compte tenu des problèmes que je soulevais tout à l'heure.

M. Gratton: D'accord.

M. Bégin: Je pense que cela vaut pour les deux partis à cet égard.

M. Gratton: Oui. Quant au statu quo, évidemment, des décisions ont été prises par les deux partis dont on parle et elles éliminent certains problèmes qu'avait soulevés le Directeur général des élections au moment où, effectivement, chaque parti ne faisait pas état de la liste de ses contributeurs de la même façon. Mais on y reviendra sûrement au cours de nos discussions en commission parlementaire au moment approprié.

Quant à l'intervention des tiers en période électorale, vous dites dans votre mémoire que vous jugez nécessaire une réglementation en la matière sans pourtant préciser. Est-ce que la position du Parti québécois se traduit finalement par la recommandation de maintenir le statu quo?

M. Bégin: C'est exact.

M. Gratton: Donc, c'est clair...

M. Bégin: C'est-à-dire que nous ne sommes pas favorables à l'intervention des tiers à l'intérieur de la campagne électorale; c'est la situation actuelle et je pense que le DGE est intervenu à quelques reprises dans le passé auprès de certains groupes de personnes qui voulaient intervenir d'une façon qui n'était pas autorisée.

M. Gratton: Vous ne verriez donc pas d'un bon oeil l'opportunité d'essayer de pondre une réglementation qui pourrait permettre l'intervention à certaines conditions?

M. Bégin: Nous croyons qu'il serait extrêmement difficile de prévoir de quelle manière cela pourrait se faire. À titre d'exemple, la loi prévoit actuellement deux manières d'intervention: Vous avez l'individu qui peut, par sa contribution financière plafonnée et dirigée, intervenir dans le processus et vous avez un système électoral qui prévoit l'organisation de partis et des règles de fonctionnement. (10 h 45)

À compter du moment où vous essayez de faire intervenir des tiers dans une période donnée, vous n'êtes ni dans l'un ni dans l'autre des procédés. Va-t-on limiter, par exemple, à un individu, l'intervention durant la campagne? Va-t-on demander que ce soit un groupe qui soit déjà existant quelque temps auparavant avant le déclenchement du début de la campagne électorale? Devra-t-il faire des déclarations? En fait, on retombe un peu avec le même problème qu'on a avec les partis, mais les partis sont tellement bien structurés et fonctionnels qu'on n'a pas de difficulté. Dès qu'on va vouloir encadrer cette intervention, je pense qu'on va avoir des problèmes majeurs.

Je ne crois pas que la position actuelle soit d'empêcher... En tout cas, elle a au moins permis

que le débat se fasse selon les règles prévues par les gouvernements successifs. Nous ne voyons pas la nécessité d'interventions ponctuelles à un moment donné.

Nous soulignons dans notre mémoire que le parti qui risque le plus de subir les inconvénients de ces interventions, c'est évidemment le parti au pouvoir par les décisions nécessaires qu'il a à prendre comme gouvernement. Nous ferions une intervention massive. Cela pourrait être massif. Je ne crois pas que ce soit nécessaire qu'on permette cela. Nous avons déjà les partis, nous avons la contribution financière. Ce sont deux canaux suffisants pour exercer sa liberté d'expression.

M. Gratton: À ce sujet, il n'est peut-être pas inutile de rappeler, malgré le fait qu'en Alberta on ait eu un jugement qui ait invalidé une disposition semblable dans la loi électorale fédérale, qui donne justement lieu au débat qui, en période préélectorale fédérale, a amené le Directeur général des élections du Canada à indiquer que tous les tiers pourront intervenir sans aucune limite, que contrairement à cela, ici au Québec, il y a eu une cause, jugée par la Cour supérieure, qui n'a pas fait l'objet d'un appel et qui a reconnu constitutionnelles les dispositions analogues dans la Loi sur la consultation populaire.

Sur le vote des Québécois hors Québec, vous reconnaissez le principe et vous vous dites ouvert au principe du vote des Québécois hors Québec. Vous parlez des Québécois momentanément absents. Si vous êtes en mesure de le faire, je voudrais que vous précisiez quels critères vous favoriseriez pour circonscrire la clientèle visée. Parlerait-on de la durée de l'absence de ces personnes ou du maintien d'un domicile au Québec ou de l'assujettissement aux impôts? Avez-vous réfléchi à cela? Comment pourrait-on circonscrire qui sont ces Québécois hors Québec qui pourraient exercer leur droit de vote?

M. Bégin: Je vous avoue que je ne serais pas en mesure de répondre personnellement de façon précise à cet aspect de votre question. Peut-être qu'un de mes collègues a des données particulières. Il est évident qu'il y a deux types de personnes hors Québec. Il y a celles qui ont choisi de rester pendant un nombre d'années, soit par leurs fonctions ou un désir momentané de quitter le Québec, mais qui restent quand même Canadiens et Québécois et à qui on peut donner le droit de vote; il y a aussi ceux qui quittent pour des périodes très brèves. Cela peut être deux mois, trois mois, un stage d'études, un stage de formation professionnelle, un emploi momentané. Évidemment, ceux-ci sont absents pour très peu de temps et tombent en période électorale. Je pense qu'on peut certainement exiger, comme condition première, que la personne ait gardé ou ait manifesté d'une manière quelconque son désir de rester Canadien et Québécois, même si son absence peut être prolongée pendant un certain nombre d'années.

Étant moi-même à Londres en 1970, j'ai connu des gens qui étaient à Londres depuis dix ou douze ans et qui voulaient revenir, ce qui n'était pas encore arrivé, et qui l'envisageaient pour bientôt. À mon point de vue, je pense que ces gens auraient le droit de vote, si on avait un mécanisme qui le prévoyait et aussi pour le type qui était étudiant comme moi à ce moment-là et qui aurait pu voter s'il y avait eu une campagne électorale. Je pense qu'on doit prévoir les règles. Je ne connais pas les règles, les mécanismes fonctionnels.

M. Gratton: On pourrait donc résumer en disant que toute personne qui exprime l'intention de revenir au Québec pourrait constituer cette catégorie de gens qui auraient droit de vote.

M. Bégin: Je prends un exemple dans le Code civil. On dit que le domicile est une question de fait et d'intention par rapport à la résidence qui est un fait matériel simplement. C'est une question d'intention. Mais c'est toujours une question de fait. Essayez donc de savoir exactement ce qu'une personne a dans l'idée quand elle dit qu'elle a l'intention de revenir à cet endroit, même si elle est absente momentanément, si c'est dans son intention. On peut l'établir par un contexte, mais il reste toujours une partie qu'on ne sera jamais capable de cerner de façon définitive. Alors, les personnes qui sont à l'extérieur et qui disent: J'ai l'intention de revenir au Québec, même si cela fait cinq ans que je suis parti. Dans la mesure où elles expriment cette volonté, cela pourrait être garder son passeport, ne pas avoir acquis la citoyenneté extérieure ou des choses semblables. À ce moment, elles pourraient voter à une élection.

M. Gratton: Comment ces gens pourraient-ils voter? Est-ce qu'on leur demanderait de voter par courrier, par procuration ou de se présenter à un endroit précis?

M. Bégin: II y a des problèmes de dispersion. Il est évident que ce serait probablement par courrier ou par présence sur place. Dans une ville comme Paris ou Londres où il y a beaucoup de Québécois, c'est facile d'imaginer un endroit où ils viennent voter. Si les gens sont dispersés dans toute la France ou en Angleterre, le courrier serait préférable. Mais certainement pas par procuration.

M. Gratton: J'ai compris. D'ailleurs, cela m'amène à vous poser des questions sur un point de divergence assez catégorique avec la position, notamment, du Parti libéral du Québec; c'est celui que vous adoptez concernant le vote par procuration. Comme j'en ai eu l'occasion tantôt, je vous l'ai dit, il ne s'agit pas d'engager un

débat partisan - j'en ai suffisamment de débats partisans avec votre aile militante, sans qu'on en poursuive ici - mais de tenter de bien cerner les objections que vous manifestez à cette possibilité de permettre le vote par procuration. Vous dites dans votre mémoire que, d'abord, le vote par procuration n'est pas conforme à nos pratiques électorales. Vous conviendrez que le financement populaire ne l'était pas non plus avant 1977 et, pourtant, tout le monde se félicite aujourd'hui de l'avoir inscrit dans nos pratiques. Vous dites également qu'il met en péril l'intégrité du système électoral. Or, demain, on aura l'occasion d'interroger le Directeur général des élections de l'Ontario de même que celui du gouvernement fédéral qui, dans chacun des cas, permettent le vote par procuration. On pourra sûrement se faire confirmer que cela n'a pas donné naissance à de la fraude ou à des abus qui pourraient nous permettre de conclure qu'il s'agit là d'une ouverture trop grande.

Finalement, vous prétendez que le vote par procuration va à rencontre du principe de l'exercice direct du droit de vote. C'est le cas, sauf que le principe "un citoyen, un vote", que vous reconnaissez comme étant fondamental, peut aussi vouloir dire qu'on doit donner à tout électeur qui a le droit de vote la possibilité de l'exercer et, effectivement, il y a certains électeurs qui, sans le vote par procuration, ne pourraient absolument pas voter. La question que cela m'inspire est la suivante: Est-ce que vous seriez enclin à exprimer une préférence pour le vote par courrier, par exemple, ou si cette position à l'encontre du vote par procuration est vraiment immuable pour vous?

M. Bégin: II y a une distinction qui me paraît fondamentale entre le vote par courrier et le vote par procuration. Le vote par courrier, c'est la personne qui vote et qui transmet son vote par un moyen qui est relativement assuré et qui se rend dans une urne quelconque à un endroit privilégié. Donc, c'est la personne qui exerce son droit de vote. Dans le vote par procuration, il s'agit d'une personne qui exerce le droit de vote d'une autre personne, sans que celle qui a donné le mandat puisse s'assurer que la personne qui a reçu le mandat a bien voté selon le mandat. Je ne veux pas parler au nom du directeur de l'Ontario sur la question électorale, mais il me semble qu'il ne sera jamais possible de savoir qu'effectivement quelque chose n'a pas fonctionné, parce que, par hypothèse, celui qui a donné le mandat ne saura jamais si son mandataire a réellement voté comme il lui avait dit. On ne pourra jamais découvrir un scandale à moins que le mandataire ne commette la bêtise de dire publiquement: Vous savez, j'avais reçu le mandat de voter pour le Parti libéral, mais ma mère que je représentais, je l'ai trompée et j'ai voté pour le Parti québécois. À moins que quelqu'un fasse cet aveu, on n'aura jamais de preuve que le mandataire a exécuté le mandat de son mandant. C'est là qu'est la faille monumentale. Donc, si on attend d'avoir des cas, on n'en aura pas. À moins d'un imbécile qui se prononce de cette façon, je ne pense pas qu'on ait une preuve.

Il est évident que lorsqu'on donne une procuration, par exemple, pour voter à une assemblée de compagnie, il y a une nuance de taille, parce que généralement, le vote est pris à main levée et le mandant sait si son mandataire a représenté vraiment ce qu'il devait faire; on peut aussi avoir une procuration qui est spécifique, qui lui donne un mandat écrit de faire telle chose. Donc, le mandant dit au mandataire: Tu dois faire telle chose, et c'est écrit. Dans la formule qui serait la procuration, le mandant ne peut pas dire: Tu vas aller voter pour lé Parti libéral ou pour le Parti québécois. Il lui dit: Moi, ma préférence est celle-ci; va voter. Comment contrôler cela? C'est impossible. Alors, entre le vote par procuration et le vote par courrier, il est évident qu'il y a une différence de taille. Et, à la limite, le vote par courrier, dans certaines situations, comme par exemple ceux qui résident hors Québec, je crois que c'est une façon intelligente de permettre le droit de vote. Je pense à cinq personnes qui seraient aux limites de la baie James en train de faire des travaux; est-ce qu'on ne devrait pas envisager de leur permettre de voter par courrier, dans un cas comme celui-là? Possiblement, mais le vote par procuration pose des problèmes que le vote par courrier n'a pas.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Bégin. M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, vous me signalez que j'ai terminé. Je voudrais remercier les représentants du Parti québécois de leur participation et d'avoir répondu à nos questions. On en aurait encore plusieurs autres. Ce que je vous suggère, c'est de faire connaître vos positions aux députés péquistes qui, de toute façon, les connaissent bien. Je dois dire, jusqu'à présent, qu'ils les ont bien défendues, à quelques exceptions près, parce que j'ai noté qu'il y avait quelques divergences entre vous, mais il y en a également entre notre aile parlementaire et notre parti; je trouve que c'est tout à fait normal qu'il en soit ainsi.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître le député d'Abitibi-Ouest et représentant de l'Opposition officielle.

M. Gendron: Avant de commencer, concernant le dernier commentaire du leader du gouvernement, je pense qu'il y a quelques petites divergences. C'est normal à ce moment-ci de nos travaux, je l'espère. On verra qu'il y en a peut-être de plus imposantes dans quelques minutes avec le mémoire du Parti libéral. Même s'il en

était ainsi, je pense que c'est une bonne chose à ce moment-ci de nos travaux, parce qu'un parti politique peut avoir, compte tenu de la proximité des questions qu'on touche dans une campagne électorale, des suggestions fort pertinentes à nous faire parce que ces gens vivent normalement très très proche de ces choses-là. Nous, avec l'intention que nous avons d'être élus dans une campagne électorale, il arrive souvent qu'on est moins collés à des détails très pertinents, très concrets qui ont une référence directe à nos moeurs électorales.

Je voudrais, dans un premier temps, remercier, bien sûr, le Parti québécois d'avoir accepté l'invitation du leader et de la commission. Je pense que les deux grandes formations politiques se devaient d'exprimer leurs points de vue sur des questions aussi pertinentes. On ne peut pas faire une réforme sans intéresser d'abord des institutions qui ont une crédibilité pour faire des suggestions au législateur, de même que des partis politiques directement impliqués dans un processus que nous connaissons depuis plusieurs années. Je pense que le Parti québécois, par la qualité de son mémoire, a clairement fait la preuve qu'il est en mesure, d'abord, de constituer certains rappels de principes fondamentaux. J'étais heureux que vous souligniez, dès le début, que toute modification à un système électoral doit se faire minimalement sur la base de règles de consensus, compte tenu de la fragilité du processus et d'autres éléments. Je pense que vous avez raison d'insister là-dessus. Le ministre délégué à la Réforme électorale a eu un écart de comportement assez grave en juin dernier. J'aurai l'occasion de le rappeler avec plus de détails lors de la conclusion de nos travaux. Cependant, il est important de le replacer dans ses bonnes dispositions d'esprit alors qu'il nous avait indiqué, dès le début, que pour lui, comme ministre délégué à la Réforme électorale, la règle du consensus serait bien importante et qu'il fonctionnerait de cette façon. Alors, j'espère que cette fois-ci, il ne l'oubliera plus. Vous avez bien fait de le rappeler.

Vous avez rappelé également que dans un système électoral largement démocratique comme le nôtre, il était très Important d'accorder toute l'importance à la primauté de l'exercice du droit de vote et à l'égalité du droit de vote. Je pense que c'est un principe fondamental. Également, vous avez tout de suite ajouté que ce principe tout seul est difficilement valable, s'il n'est pas doublé de l'autre principe de la Loi électorale qui s'appelle l'intégrité du processus électoral. Il faut que notre processus électoral offre des garanties d'intégrité, de sécurité dans l'opinion publique. Ce n'est qu'ainsi que nous allons atteindre l'objectif qui est le nôtre et qui doit être le nôtre, soit maximiser le plus possible la capacité de tous les Québécois et les Québécoises d'exprimer leur droit de vote, bien sûr, si elles et ils le désirent. Dans ce sens, je pense qu'il y a plus de gens qui vont vouloir participer à une élection quand ils auront les fermes garanties et assurances que nous avons un processus électoral intègre, démocratique, public, et dont les règles sont connues. Dans ce sens, vous deviez le rappeler.

Il y a également toute la question du mode de scrutin. Je vais être assez court là-dessus. Encore là, je pense que vous aviez raison. Vous avez bien fait, comme parti politique, de rappeler qu'en ce qui nous concerne, au Parti québécois, on estime toujours que le régime de scrutin que nous connaissons au Québec offre trop de distorsions pour s'asseoir sur notre vérité tranquille et dire: Écoutez, tout compte fait, c'est quand même le meilleur des systèmes, l'uninominal à un tour. (11 heures)

Nous pensons que le Québec est un Québec formé de régions très étendues, que les régions sont importantes dans la configuration du Québec, et c'est sûr que n'importe quelle introduction d'une représentation régionale avec un mode de compensation que je reconnais qu'il n'est pas difficile d'établir, représente, en tout cas en ce qui nous concerne, une ouverture plus démocratique et qui correspondrait mieux à ce que nous sommes, des Québécois et Québécoises très dispersés dans un territoire. Je pense que vous avez bien fait de le rappeler. En conclusion pour ce qui est des commentaires que je fais avant de poser des questions, je pense que les grands thèmes, vous les avez touchés, les grandes questions fondamentales, vous les avez touchées et c'est important de revenir là-dessus.

Ma première question va porter sur un des sujets que nous allons devoir trancher, parce que je pense que nous en sommes rendus là; c'est le vote réel et de plein droit des handicapés mentaux. Vous avez mentionné dans votre mémoire qu'il convenait de s'interroger sur le bien-fondé des restrictions que la loi actuelle comporte. Vous avez mentionné que les dispositions actuelles de l'article 54 vous apparaissent comme étant trop globalisantes et nient en quelque sorte les réalités diverses que vivent les handicapés mentaux. Ma question est très claire. Il y en a plusieurs qui ont parlé de l'article 54, mais la plupart de ceux qui se sont exprimés, en particulier les associations, les représentants ou les centres hospitaliers spécialisés avec ces clientèles, ont carrément mentionné qu'on devrait complètement éliminer les dispositions de l'article 54, et même si cela pouvait représenter certains inconvénients, parce que le balisement du vote des handicapés mentaux ne serait pas tout ce qu'on souhaiterait, ces gens-là préféreraient carrément éliminer les dispositions du troisième paragraphe - si ma mémoire est bonne - de l'article 54.

Quant à vous, il semble que vous faites certaines nuances en disant: II n'est pas évident que toutes les personnes présentent à divers degrés des déficiences. Par contre, pour respecter - comme je l'ai mentionné tantôt - l'in-

tégrité du processus, il faudrait baliser. Alors, est-ce à dire que vous préféreriez une forme de balisement - si on accorde le droit de vote - à une disparition totale de l'article 54, troisième paragraphe, puisque vous avez dit que le Code civil offrait - M. Bégin, comme avocat, vous êtes capable de parler de cela - trois niveaux d'incapacité et que ce serait peut-être plutôt vers ce scénario qu'il faudrait s'orienter? C'est quoi exactement?

M. Bégin: II y a deux facettes, à mon point de vue, à ce problème. D'abord, il y a l'exercice du droit de vote, compte tenu du caractère particulier des gens qui sont dans une institution, par opposition à ceux qui vivent dans des résidences un peu partout et, deuxièmement, il y a la question de savoir si une personne est apte à faire un choix et à voter en conséquence. Alors je pense que si on prend le cas des handicapés mentaux, le cas qui serait le plus clair, ce sont des gens prodigues, par exemple. Ceux qui ne sont pas capables de gérer leurs biens en termes de finance peuvent être et sont généralement incapables de porter d'autres jugements. Ils sont, sur un aspect de leur vie, qui est bien particulière, incapables. Mais, quant au reste, oui, ils sont capables. Vous avez les ivrognes d'habitude qui sont dans la catégorie également souvent des interdits. Bon, c'est vrai. Mais lorsqu'ils sont en cure, il n'est évidemment pas question qu'ils aient ce travers-là. Donc, ils sont parfaitement capables de le faire.

Le problème, c'est comment identifier, lorsqu'on donne le droit de vote. Actuellement, il y a une barrière totale, donc cela va bien. Mais, lorsque vous ouvrez, c'est jusqu'où vous allez. Alors, vous avez certainement la possibilité de faire déclarer que ceux qui sont déclarés judiciairement incapables d'administrer et leur personne et leurs biens n'aient pas le droit de vote. Quant aux autres, en voulant, compte tenu de leur contexte, leur permettre le droit de vote, là on tombe dans le problème à savoir de quelle manière on va agir. Est-ce qu'on va circuler dans chacune des chambres? Est-ce qu'on va faire voter n'importe qui, tout simplement en se présentant comme cela, ou bien si on ne devrait pas baliser? Par exemple, une des premières choses, si on garde derrière soi un certain point d'interrogation pour le prodigue dont je parlais tantôt ou l'ivrogne, le geste le plus démocratique, s'il y a un bureau de vote dans l'institution, c'est qu'il se présente lui-même, qu'il soit en mesure de décliner son identité et de voter tout simplement. Vous avez un contrôle qui est relativement simple, mais qui permet de voir si la personne exerce elle-même son bon vouloir, sa volonté. Par contre, si vous vous présentez dans une chambre avec une urne, vous dites: Vous votez. Comment allez-vous savoir si effectivement cette personne désire voter d'abord? C'est peut-être une pression sur elle de voter. Il n'y a personne qui vient chez moi pour me dire: M.

Bégin, ce matin, vous votez. Si je veux y aller, je vais y aller et si je ne veux pas y aller, je vais rester chez nous. Si quelqu'un se présentait avec une urne à ma porte, je ne sais pas comment je réagirais. C'est un problème.

M. Gendron: Dans le fond, M. Bégin, rapidement, ce que vous privilégiez, c'est qu'on ne peut pas avec des principes avoir certaines nuances, d'après ce que je comprends. Dans le sens des handicapés mentaux, si on leur confère le droit de vote - ce qui semble être passablement unanime, y compris chez nous, pour toutes sortes de raisons d'évolution de société et de comparaison avec d'autres provinces - par contre, on leur demande d'exercer leur droit de vote dans les mêmes conditions qu'on l'offre à l'ensemble des citoyens, dans le sens que ce sont eux-mêmes qui auront à déterminer leur capacité de déplacement, leur capacité de jugement ou peu importe. Dans ce sens, s'ils désirent aller voter, ils en auront l'occasion, mais dans les mêmes conditions que les autres électeurs. C'est plus cette formule-là que vous privilégiez.

Je vous remercie de cette question. Il y a également une question importante que vous avez touchée. C'est toute la question du temps d'antenne gratuit et du débat des chefs. On l'a touchée un peu. On dit: En campagne électorale, c'est fondamental cette partie-là. Cela doit avoir lieu et cela ne devrait pas être considéré comme une dépense électorale. Il y a par contre un petit bout de phrase que je voudrais que vous clarifiiez. À la page 12 de votre document, vous avez dit: "La participation du chef ou d'un candidat d'un parti politique à ce débat ne devrait pas être considérée comme une dépense électorale. " C'est juste pour une précision. En perspective, un poste de radio décide d'organiser dans une circonscription un débat, non pas des chefs, mais des candidats de toutes les formations politiques en présence dans la circonscription. Auriez-vous le même jugement, à savoir que cela aussi devrait toujours ne pas être comptabilisé comme étant une dépense électorale?

M. Bégin: Le texte que nous avons déposé portait évidemment sur le débat des chefs, et c'était dans ce cadre-là.

M. Gendron: Mais vous avez ajouté: "ou d'un candidat d'un parti politique".

M. Bégin: Oui, mais cela pourrait être un candidat lors d'un débat, mais le cadre dans lequel on se situe, c'est le débat des chefs ou d'un représentant d'un parti, par exemple, qui pourrait être remplacé à la dernière minute pour une raison ou pour une autre; mais c'est dans ce cadre-là que nous l'avons fait.

M. Gendron: D'accord.

M. Bégin: Si on s'en va dans chacune des

circonscriptions, j'avoue honnêtement que nous ne nous sommes pas penchés sur la question et là-dessus peut-être qu'individuellement ou comme parti on aurait des positions qui pourraient diverger. Alors j'aimerais mieux ne pas me prononcer sur cet aspect.

M. Gendron: D'accord. Je suis content de la précision dans le sens suivant: vous l'avez vraiment située dans le cadre du débat des chefs où un chef incapable de se présenter - ou dans certains partis dits marginaux, il peut arriver que le chef soit moins connu que certains candidats - puisse se faire remplacer par un candidat. C'est dans ce sens-là que vous dites: S'il est invité, c'est un candidat. Il ne porte pas le chapeau du chef, mais pour ce qui est de cette organisation, le débat des chefs, cela ne ferait pas partie des dépenses électorales.

À la page 17, vous avez touché une question concernant la divulgation. Je pensais que c'était sur le plancher des contributions. Alors, peu importe la référence. Je sais qu'à un moment donné, vous avez dit qu'il y aurait lieu d'ajuster l'évolution, la déduction autorisée par l'État québécois sur le crédit d'impôt. Je voulais juste avoir une information. Est-ce que vous pensez, compte tenu que cela fait quand même une dizaine d'années que ces choses-là n'ont pas été modifiées, qu'il y aurait lieu de ne pas hausser, mais ajuster par rapport à l'inflation? Est-ce plus en ces termes que vous parliez plutôt qu'en termes de hausse?

M. Bégin: Effectivement, si on regarde depuis dix ans l'inflation du coût de la vie, cela a changé. Ce qui était 100 $ il y a dix ans, aujourd'hui c'est peut-être 50 $. Je crois qu'il ne s'agirait pas d'augmenter, mais de tenir compte, comme vous l'avez dit, de l'inflation pour ajuster ce plafond où les gens peuvent ne pas vouloir que leur nom soit publié. Alors, si on peut parler de 200 $, on peut parler de 225 $. Alors, c'est compte tenu de l'inflation. Par ailleurs, il y a la question du crédit d'impôt qu'il faudrait peut-être corriger. Je pense à celui de la non-identification sur le reçu du parti politique et aussi le rapport d'impôt lui-même qui cette année, par exemple, reléguait après une longue lecture dans une annexe pour savoir si on pouvait faire cette déduction. Beaucoup de gens se sont posé des questions là-dessus. Si on veut que les gens soient libres de souscrire, parce que c'est la base même de notre système, il ne faudrait pas qu'il y ait identification autant que possible de la source, y compris au niveau du ministère du Revenu.

Le Président (M. Marcil): Votre dernière question, M. le député.

M. Gendron: Une dernière question pour des raisons de temps. Vous avez touché, M. Bégin, une question encore là majeure, toute la question du financement des partis politiques par l'État. Je n'entrerai pas dans les détails. Il y a deux, trois formes. Par contre, il y en a une sur laquelle vous ouvrez un peu. Au bas de la page 18, vous dites: "La pertinence des dispositions actuelles de la loi limitant l'accès à l'allocation annuelle d'une aide financière de l'État aux seuls partis représentés à l'Assemblée Nationale, doit être, à notre avis, remise en question. " Je pense que vous avez raison. On ne peut pas encore là toucher ces questions et ne pas indiquer, pour ce qui est des tiers partis - je pense que le moment est venu - que l'État puisse les aider d'une façon quelconque. Vous avez introduit comme formule un pourcentage de votes nationalement - en tous cas dans notre jargon - obtenus dans tout le Québec. Je veux juste savoir si vous pensez qu'il y aurait plutôt lieu de privilégier une espèce de formule à trois ou quatre critères ou si on est mieux d'aller uniquement à un critère, tel que le principe de la représentation des votes obtenus pour les partis politiques?

M. Bégin: Nécessairement, un parti ou un groupe qui a réussi à percer et à obtenir 5 % de l'ensemble, c'est un bon critère et il est suffisant pour indiquer son importance et justifier que l'État l'aide à pouvoir représenter ces gens qui ont voté en sa faveur. Je pense que 5 % est un critère qui est assez objectif et qui permet de distinguer entre ce qui est totalement à la limite de la grande marginalité et un groupe qui commence à représenter certains intérêts ou certaines valeurs dans un coin ou dans l'ensemble du Québec.

M. Gendron: M. le Président, je voudrais remercier M. Bégin ainsi que ses collaborateurs pour la qualité de leur mémoire et l'excellente contribution que le Parti québécois continue d'apporter à des réflexions majeures comme celles-là, qui ont toujours une incidence sur la démocratie.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député d'Abitibi-Ouest. Également, au nom de cette commission, on vous remercie beaucoup de vous être prêtés à cette période de questions. Nous allons suspendre pour deux minutes et permettre aux représentants du Parti libéral du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 12)

(Reprise à 11 h 17)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux en souhaitant la bienvenue au Parti libéral du Québec représenté par M. Robert Benoît, président. Voulez-vous présenter vos collaborateurs, M. Benoît?

Parti libéral du Québec

M. Benoît (Robert): M. le Président, j'aimerais vous présenter Me Jean Allaire, président de la commission juridique de notre parti, avocat de grande réputation, en droit municipal particulièrement, et au parti depuis 1956; M. Jean-Pierre Roy, comptable de métier, associé senior dans une firme importante, et représentant officiel de notre parti depuis 1977. À l'extrême droite, M. John Parisella ex-professeur de sciences politiques, gradué de Harvard, directeur général du Parti libéral du Québec présentement et moi-même, bénévole depuis 1978 et président du parti depuis 1985.

On tient à vous remercier de nous avoir invités, comme formation politique, à déposer nos points de vue à cette commission. Je vais d'abord faire un court exposé et demander à Jean Allaire d'être plus spécifique sur des points précis du mémoire qu'on vous a présenté.

Le Parti libéral a une vision. Le Parti libéral, grâce à l'effort de tous ceux et celles qui croient en lui et aux valeurs qu'il défend, est devenu une organisation dont les membres peuvent être fiers. Elle honore notre démocratie tant ses structures sont ouvertes et perméables aux courants de pensée émergeant dans notre société.

Notre formation puise sa force à même la continuité des valeurs progressistes et réformistes qu'elle met de l'avant et surtout sur sa base militante, l'une des plus représentatives du Québec. J'aimerais mentionner quelques chiffres. Notre parti a présentement plus de 150 000 membres. Nous avons eu, en fin de semaine dernière, un congrès de jeunes dans la ville de Sherbrooke avec plus de 1200 jeunes qui venaient de partout au Québec et notre congrès de février comptait 4500 membres présents.

Depuis 1985, le Parti libéral du Québec, comme formation politique, demeure une force dynamique, autonome et distincte. Je n'ai qu'à mentionner que nous avons gagné un certain nombre d'élections partielles; que le financement de notre parti l'an passé comptait plus de 65 000 dons dont 55 000 en bas de 100$; et notre manifeste S'ouvrir à demain dont quatre grands thèmes ont été discutés. Je vous les rappelle: Les défis de l'internationalisation, de la démographie, de l'environnement et de la démocratie.

Je suis heureux de constater qu'à la suite de dix colloques que nous avons tenus à travers le Québec nous avons parlé de la démocratie et nous croyons être bien préparés pour discuter avec vous de cette réforme de la Loi électorale.

Notre présence à cette commission parlementaire est conforme à cette démarche de changement et de réforme. Le Parti libéral du Québec demeure donc à la disposition des gens concernés pour rendre à bon port toute réforme qui vise à améliorer le processus démocratique du Québec.

Quelques mots d'histoire sur notre forma- tion politique qui manifeste un profond souci pour le développement des institutions démocratiques québécoises et canadiennes.

Nourrie d'une conception pragmatique et raisonnable de la démocratie, elle n'a, à aucun moment de son histoire, failli dans la promotion et la protection des assises institutionnelles des idéaux de liberté, d'égalité et de justice qui sont les ressorts de notre démocratie libérale. Notre parti a su arbitrer entre les droits individuels et les droits collectifs. Par ses réformes, notre formation a conduit le Québec autant vers une grande prospérité économique que vers une précieuse justice sociale, tout comme elle a contribué à en faire une terre de liberté.

Au sujet de la révision de la Loi électorale, même si c'est sous un gouvernement issu de notre formation politique que s'opère la présente réforme de la Loi électorale, c'est, faut-il le souligner, comme formation politique autonome que le Parti libéral du Québec vient dans cette enceinte. Ce sont nos militants, nos organisateurs, ses officiers qui font l'expérience et qui sont soumis à l'application de cette loi d'une façon quotidienne. C'est là que nous puisons la légitimité de notre présence à cette commission parlementaire et c'est à ce titre que nous entendons faire la promotion des valeurs que nous défendons: les libertés individuelles, la justice sociale, la prospérité économique.

Dans son programme électoral de 1960, déjà notre formation politique traçait, rappelons-le, les grands axes d'une série de réformes en profondeur de la Loi électorale, et vous en avez une série d'énumérés à la page 5 du document que nous vous avons soumis.

Actuellement, qu'en est-il au juste de la Loi électorale québécoise? Au cours des années, elle a connu une évolution progressive et continue, tout en demeurant fidèle aux règles de base du parlementarisme britannique et du fédéralisme canadien que le temps a profondément ancrées dans la culture politique québécoise. Cette progression, notre loi l'a connue sous plusieurs angles, et permettez-moi d'en rappeler quatre principes directeurs. D'abord, le principe de l'accessibilité physique, qui a connu une généralisation significative; deuxièmement, le principe de la transparence qui s'est aussi largement étendu; troisièmement, le principe de l'efficacité qui s'est également imposé à la Loi électorale; et enfin le principe du respect de l'individu qui s'est largement généralisé par l'attribution du droit de vote à des catégories de gens jadis exclues.

Je finirai, M. le Président, en vous rappelant que la Loi électorale québécoise a donc progressé sur la base de ces quatre grands principes. Dans un esprit de prolongement de l'ouverture de la loi, notre formation politique réaffirme ces principes pour en faire les principes directeurs de ses remarques et de ses suggestions techniques présentées devant cette commission.

J'inviterai maintenant Me Jean Allaire à être plus spécifique sur certains points de notre mémoire.

Le Président (M. Marcil): Me Allaire.

M. Allaire (Jean): M. le Président, Mmes et MM. membres de la commission, quelques remarques préliminaires très brèves. Je suis fort heureux d'avoir entendu l'autre parti politique, le Parti québécois, se prononcer sur certaines questions qui rejoignent et qui vont dans le même sens de plusieurs de nos préoccupations.

En second lieu, je désire souligner la qualité des documents qui nous ont été soumis par le Secrétariat à la réforme électorale. On ne le souligne pas assez souvent et je pense que la qualité de ces documents a permis une intervention beaucoup plus éclairée à la plupart des personnes ou des organismes qui se sont présentés devant vous. Il faut rendre hommage non seulement au ministre, mais également aux fonctionnaires du secrétariat en question.

Enfin, M. le Président, notre mémoire que vous avez devant vous est très succinct. Premièrement, il ne s'agissait pas de faire une thèse de doctorat ou de maîtrise sur des sujets très techniques, même s'ils rejoignent à certains moments des questions de principe, mais qui sont toujours à l'intérieur de la technicité de la Loi électorale telle qu'elle nous est présentée. C'est donc la raison pour laquelle nous n'avons jamais abordé le mode de représentation électorale qui est complètement à part de la. Loi électorale et qui, je pense, a déjà fait l'objet de discussions et de débat mais que le Parti libéral est prêt à reprendre éventuellement si jamais le débat reprenait.

Nous nous en sommes donc tenus à la technicité de la Loi électorale, tel que le tout nous avait été proposé. Je ne lirai pas le mémoire que je sais avoir été lu par tous les membres, mais je me bornerai à rappeler les quatre grands principes à la base du mémoire en question, que vous retrouverez dans la table des matières au début, c'est-à-dire accessibilité, transparence, efficacité et respect des institutions et des individus.

En pleine période estivale, M. le Président, je pense que nous nous sommes efforcés, comme plusieurs autres, de vous soumettre immédiatement des mémoires qui ne se voulaient pas exhaustifs, mais qui se voulaient une aide qu'on espère fructueuse à la commission dans ses études.

Et la deuxième raison, pour le rapport plutôt succinct que nous allons élaborer, est que nous avons tenu à respecter scrupuleusement les délais qui nous avaient été impartis par votre commission pour la production de notre mémoire. Je vous souligne que nous avons respecté scrupuleusement les délais en question.

Je passerai immédiatement au premier problème: Le vote des Québécois hors Québec, qui est le premier sujet sous le thème "accessibilité". Quelques précisions sur le texte en question. Au troisième paragraphe, l'emploi du mot "momentanément", comme d'autres intervenants l'ont fait, est évidemment en opposition au terme "permanent". Cela a été expliqué par mon confrère il y a quelques minutes et j'abonde dans le même sens, c'est que vous pouvez avoir plusieurs résidences, mais vous n'avez qu'un seul domicile. Le domicile est décidé selon le Code civil qui est à base même de l'état et des capacités des personnes. Il y a les faits, mais aussi, et c'est vital, l'intention des gens. À ce moment, c'est la raison pour laquelle nous avons employé le mot "momentanément".

Vous remarquerez qu'au quatrième paragraphe nous parlons d'un maximum de délai d'absence. Je reviendrai sur ce sujet que j'explorerai un peu plus avant parce que nous nous sommes penchés un peu plus à fond sur toute la mécanique qui pourrait être mise en place pour le vote des Québécois hors Québec. Par hors Québec nous entendons non seulement en dehors du pays, mais en dehors de la province, c'est-à-dire dans d'autres provinces et un système qui peut être combiné avec le système qui sera mis en place lorsque le projet de loi fédéral C-79 sera adopté.

Et lorsque nous avons écrit et élaboré le texte au dernier paragraphe de l'article 3. 1. 1, Vote des Québécois hors Québec, évidemment, nous croyions à ce moment, que le projet de loi C-79 pourrait être adopté. II va sans dire que c'est sujet à l'adoption du projet de loi C-79 qui mentionne une liste spéciale qui pourrait avoir son pendant ici dans la province, non pas pour les Québécois à l'étranger parce que nous pourrions nous servir facilement de la liste établie par le DGE fédéral, mais nous parlons surtout de la liste provinciale qui pourrait être établie pour les Québécois hors Québec dans d'autres provinces ou qui sont momentanément, pour toutes sortes de raisons, de santé ou voyage, à l'extérieur du Québec.

Je désirerais attirer votre attention sur le fait que nous ne pouvons pas, dans l'abstrait, traiter du vote des Québécois hors Québec sans parler en même temps d'autres sujets vitaux et qui rejoignent le vote par procuration ou le vote par correspondance. Je m'explique. Lorsqu'on parle du vote des Québécois hors Québec, il faut parler en même temps, dans une vision plus globale, de l'ouverture d'esprit en premier lieu, et je pense que tout le monde a cette ouverture d'esprit, mais cette ouverture au vote de tous les gens qui ont réellement le droit de vote, quel que soit l'endroit où ils sont, quelle que soit leur condition physique ou mentale dans le respect des lois existantes et quelle que soit la condition physique et locale - je m'expliquerai dans quelques instants - des personnes en question.

Il y a une différence entre les gens qui sont hors du Canada, hors du Québec, ceux qui sont handicapés mentaux et ceux qui sont handicapés physiques. Je dis immédiatement que

si nous voulons être logiques nous ne pouvons pas, du bout des lèvres, dire que nous voulons donner le droit de vote à tous ces gens sans parler obligatoirement du vote par procuration ou du vote par correspondance. Vous verrez dans notre mémoire que nous parlons du vote par procuration. Pourquoi? Parce que l'expérience a été faite, avant, dans d'autres provinces. On a peut-être parlé de fraude, etc., même si nous avons dépassé ces années depuis certainement une bonne quinzaine ou vingtaine d'années. Tous ceux qui ont vécu des élections dans les années cinquante et soixante peuvent témoigner très facilement et dire que les moeurs et la mentalité des gens ont tellement changé qu'il faut tout de même faire un peu confiance à cette nouvelle mentalité sociale qui s'est développée depuis une vingtaine d'années. (11 h 30)

Nous ne pouvons pas, dis-je, parler de ces problèmes, et je m'expliquerai dans quelques secondes, sans parler du vote par procuration ou même par correspondance. Il semble qu'il y ait plus de facilité, d'après l'expérience des autres, qu'il y ait fraude vu qu'on a très peur, malgré cette nouvelle mentalité qui existe, qu'il y ait des fraudes quelque part. L'expérience qui nous vient d'ailleurs nous dit que le vote par correspondance est peut-être un peu plus compliqué à administrer, je ne le sais pas personnellement, je prends les affirmations de ceux qui ont vécu cette expérience, et que le vote par procuration n'a pas donné lieu à des excès ou à des fraudes. Mais évidemment, il y aura toujours des exceptions.

On parle des Québécois hors Québec. Nous allons prendre en premier lieu et vous allez peut-être me poser des questions sur ce que j'entends au point de vue du temps et sur la façon que nous aurions de procéder, etc. Je pense que si on restreint le droit de vote à des fonctionnaires qui sont hors Québec, il ne faut pas faire de différence et dire que les fonctionnaires en poste vont voter, mais que leurs compagnes, épouses ou enfants ne voteront pas. On ferait de la discrimination qui serait à rencontre des chartes et de la loi fondamentale. Il ne faut pas faire de différence entre quelqu'un qui est depuis quelques mois ou quelques années à l'étranger pour travailler, par exemple, pour une firme d'ingénierie en Afrique ou ailleurs, qui se promène de par le monde - c'est de plus en plus courant et, Dieu merci, c'est bénéfique au Québec vu que nous avons une expertise tout à fait spéciale dans plusieurs domaines maintenant qui force les gens à voyager de plus en plus... Il faut tenir compte de ces faits qui sont réels. Si nous donnons le droit de vote aux Québécois hors Québec, nous ne pouvons pas faire d'exception, à condition, et c'est une condition sine qua non, que les gens aient réellement ou bien conservé leur domicile réel au Québec, dans certains cas, c'est très difficile et trop coûteux. Il faut également donner le droit de vote aux gens qui n'ont plus de domicile réel au Québec, mais qui conservent, et c'est primordial dans notre droit, c'est fondé sur le Code civil, l'intention de revenir au Québec en permanence.

Vous allez me dire: Comment établir cette intention? Si vous avez le vote par correspondance uniquement, vous ne pouvez pas avoir cette formule ou cette déclaration d'intention de la personne en question à savoir qu'elle désire revenir au Québec, à son domicile. Par le mode de la procuration, parce qu'il s'agit immédiatement d'un certain formalisme, pas rigide, mais un certain formalisme où la personne visée déclare clairement qu'elle désire par un formulaire, c'est facile et cela peut être traité informatiquement d'une façon très simple, revenir au Québec et que son intention est de garder son domicile au Québec. Dans quelques cas, cela ne sera peut-être pas vrai, mais je crois qu'il ne faut pas se priver d'un mode de votation qui est important à cause de quelques personnes qui pourront jouer le système, et je pense que ce sera une minorité.

Par le vote par correspondance auquel nous ne sommes pas opposés si vous en venez à cette solution, vous ne pouvez pas facilement rejoindre tous les Québécois hors Québec qui auront le droit de voter par correspondance, que ce soit pour des difficultés reliées aux postes dans certains pays éloignés ou que ce soit pour des raisons de mouvement de personnel. Il sera peut-être beaucoup plus difficile de suivre les allées et venues de quelqu'un qui représente le Québec à l'étranger, de garder trace des gens en question.

Nous avons étendu le vote au moyen de bureaux de dépôt itinérants pour faciliter le droit de vote à des personnes qui sont en institutions reconnues par le gouvernement ainsi que dans d'autres institutions. Contrairement à ce qui a été mentionné par quelqu'un ici, la semaine dernière je pense, les gens qui sont dans des centres d'accueil privés ne sont pas tous autonomes, loin de là. Ce que la personne a voulu dire, c'est que la personne qui entre dans un centre d'accueil privé se doit d'être autonome quand elle y entre. Mais au bout de quelques années, la maladie et l'âge, cette grande égalisa-trice aidant, la personne n'est plus autonome. Donc il faut tenir compte également des centres d'accueil où il va falloir, si on établit des bureaux de vote itinérants, tout le monde s'entend là-dessus, établir certaines balises et certaines limites parce qu'il sera impossible de passer de porte à porte comme un livreur de pain pour faire voter quelqu'un avec toute la logistique que cela comprend. Donc il va falloir se limiter à certains endroits et il va falloir pousser la réflexion un peu plus loin. Cela rejoint, à ce moment-là, si on ne peut pas comme les livreurs de victuailles aller de porte à porte, l'obligation pour nous de donner l'accessibilité de vote aux gens qui ne peuvent pas voter pour des raisons motrices ou d'autres raisons de santé. Il va absolument falloir corn-

pléter les deux systèmes.

Sur le vote du handicapé mental, je conçois aisément qu'à cause des exigences de notre droit civil, celui-ci ne puisse pas donner de vote par procuration. Ce serait une procuration qui serait considérée comme illégale. Donc nous sommes d'accord pour que les handicapés mentaux, surtout en institution où on pourrait établir un lieu de votation, ne puissent pas voter par procuration. Oui?

Le Président (M. Marcil): Je m'excuse, mais vous avez utilisé le temps qui vous était alloué. Nous allons procéder immédiatement à la période de questions. Est-ce que cela va?

M. Allaire: Bien.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Gratton: Alors, M. le Président, je remercie les représentants du Parti libéral, notamment son président, de nous avoir rappelé les principes directeurs qui guident le parti dans ses efforts de moderniser notre Loi électorale et surtout de nous avoir fait état de suggestions et de recommandations très spécifiques à l'égard de certains thèmes qui ont été évoqués dans le document du Secrétariat à la réforme électorale.

Je pense avoir saisi les précisions qu'apportaient M. Allaire tantôt quant à la clientèle éventuellement admissible au vote, en ce qui a trait aux Québécois hors Québec. J'aurais deux questions spécifiques sur ce sujet. D'abord, où croyons-nous que le vote des Québécois hors Québec devrait être comptabilisé?

M. Allaire: Je crois qu'au point de vue logistique, M. le ministre, cela devrait être centralisé ici au Québec, pas entre les mains du DGE, mais dans chaque bureau de scrutin. Si vous me permettez, nous avons poussé la réflexion jusqu'au point que vous nous mentionnez. Une des difficultés, c'est, premièrement, à quel endroit, si c'est fait par procuration, va voter le mandataire? D'abord, pour répondre à une des questions de tout à l'heure, à savoir qu'on ne pourrait pas vérifier pour qui le mandataire vote, comme dans tout mandat, il s'agit de choisir une personne en qui nous avons confiance. Et je pense que si nous avons fait un mauvais choix, nous en portons la responsabilité. Le mandataire en question devrait être choisi par celui qui est à l'étranger, par exemple, à l'endroit de son domicile, si cette personne à l'étranger a gardé un domicile dans un comté, dans une circonscription électorale. Je pense que le mandataire devrait être choisi dans cette circonscription, devrait voter dans cette circonscription et que le dépouillement devrait être fait à cet endroit.

Si on me dit: Oui, mais dans le cas où il n'a pas gardé de domicile. Je pense que, lorsqu'il a quitté le Québec, il était domicilié dans une certaine circonscription électorale. Nous pensons que cela pourrait être logique, pour garder un certain ordre là-dedans, un certain contrôle, qu'il devrait être choisi un mandataire dans cette circonscription électorale qu'il a déjà quittée s'il affirme vouloir revenir au Québec et être domicilié au Québec. Le mandataire devrait également être de la même circonscription électorale. C'est une suggestion pour peut-être aller plus loin dans la réflexion que nous avons faite.

M. Gratton: Qu'arrive-t-il de ce problème que certains évoquent pour les Québécois qui résident à l'extérieur du Québec, mais au Canada? Ce problème du double vote, puisque, effectivement, ils auraient possiblement droit de vote, si on le leur accorde, au Québec et dans la province où ils résident au moment d'une élection provinciale dans cette province. Est-ce que cela crée des problèmes quant à vous?

M. Allaire: Je ne vois aucun problème, M. le ministre, pas plus que le Canada ne voit de problème dans le double vote des Français actuellement. Je pense que si le Québec veut aller s'ingérer dans les affaires des autres provinces, le parti et moi avons de fortes réticences à aller nous mettre le nez dans leurs affaires alors que nous ne voulons pas qu'ils viennent mettre leur nez dans nos affaires. Je pense que la question du double vote sera réglée en bonne partie si nous adoptons le vote par procuration parce qu'il y aura des formules à remplir à ce moment-là et si la personne dit: Moi, je veux, j'ai toujours eu l'intention et j'ai l'intention de revenir au Québec et être domicilié à cet endroit, peut-être qu'il y aura avec l'autre province un échange de bons procédés et un échange suivant la loi d'accès, par exemple, de ces formules en question, qui permettra à la province, si elle le désire, de dire à l'autre province: Voici, monsieur, vous n'aurez pas le droit de vote dans notre province parce que vous avez déjà rempli une formule indiquant votre intention de garder votre domicile au Québec. Mais cela sera leur problème. En résumé, M. le ministre, nous ne voulons pas faire d'ingérence.

M. Garon: Mais du côté du Québec, il ne serait alors pas question d'exiger, pour avoir le droit d'exercer le droit de vote au Québec, que ce Québécois hors Québec s'engage à ne pas voter à une élection provinciale ailleurs?

M. Allaire: Non, je crois que ce serait de l'ingérence.

M. Gratton: Mais sur la question plus générale, vous avez mentionné que quand on parlait du vote des Québécois hors Québec, évidemment tous ceux qui sont à l'extérieur du Canada, le problème serait relativement facile à cerner...

M. Allaire: Oui.

M. Gratton:... dans la mesure où C-79, qui est devant le Parlement présentement, était adopté.

M. Allaire: Oui.

M. Gratton: Mais on doit constater qu'il y a de fortes chances que C-79 ne soit pas adopté à temps pour la prochaine élection générale et cela étant, ne soit peut-être pas une priorité pour le prochain gouvernement fédéral, quel qu'il soit. Est-ce qu'on peut concevoir qu'en l'absence de l'adoption de C-79 à Ottawa suffisamment longtemps avant notre prochaine élection générale, on puisse accorder le droit de vote aux Québécois hors Québec?

M. Allaire: Oui. Je crois, M. le ministre, pour répondre à votre question, si le fédéral n'allait pas de l'avant, j'en serais surpris, mais enfin, avec cette mesure, qui me semble une mesure saine, le Québec, avec les moyens informatisés dont il dispose maintenant, pourrait fort bien engager le même processus. Nous le pourrions. Vous allez me demander de quelle façon. À un moment donné, par exemple, nous aurions à rédiger une première liste, une première liste des Québécois qui sont dans une autre province et qui sont au Canada. De toute façon nous allons avoir à faire cette liste. Comment? Il pourrait être publié dans chacune des provinces des avis publics indiquant que la province de Québec a établi un système où il faut faire une première liste de Québécois hors Québec qui auront le droit de vote, il y a telle formule à remplir et il faut s'adresser, par exemple, au bureau du DGE. Les formules sont envoyées, remplies et finalement mises sur informatique. Si la liste fédérale est faite, évidemment, pour les Québécois hors du Canada, nous pourrons nous servir de la liste du DGE fédéral. Mais si elle n'est pas faite, je pense que le même système pourrait être fait avec des avis publics ici au Québec et au Canada et peut-être dans certains pays. Nous ne pourrons sûrement pas rejoindre tous les pays où se trouvent des Québécois, mais les Québécois qui auront gardé des contacts ici au Québec et qui voudront revenir et être domiciliés au Québec. Il va sûrement y avoir du bouche à oreille et sûrement de la correspondance, on rejoint le vote par correspondance, pour mettre les Québécois hors Québec au courant de ce nouveau système. Ceux qui veulent réellement exercer leur droit de vote vont faire la même démarche auprès du DGE pour remplir la formule de procuration, avec leur adresse, quel que soit le système que vous allez retenir. Alors, il pourrait y avoir deux listes: une première liste pour tout le Canada et une première liste pour tous les Québecois hors du Canada. (11 h 45)

M. Gratton: Je vous remercie. Sur la question du vote des handicapés mentaux, tout le monde reconnaît le bien-fondé de l'accorder à ceux, en tout cas, parmi les handicapés mentaux qui ont la capacité d'exercer leur droit de vote, ce qui est le cas, semble-t-il, selon les témoignages qu'on a reçus la semaine dernière, probablement d'une majorité de ceux qui sont sous la curatelle publique ou même en cure fermée. On sait également que la plupart reconnaissent que le nouveau Code civil, lorsqu'il entrera en vigueur, pourrait nous fournir la réponse: qui est habile à exercer son droit de vote parmi les handicapés mentaux et qui ne l'est peut-être pas? Mais entre-temps, compte tenu qu'on ne sait pas le moment où le nouveau Code civil entrera en vigueur, quelle est la position du Parti libéral? Est-ce qu'elle va dans le sens d'élargir complètement, en d'autres mots, d'abroger l'article 54. 4 de la Loi électorale pour permettre à l'ensemble des handicapés mentaux d'exercer leur droit de vote, même à ceux qui, en l'occurrence, à défaut de l'entrée en vigueur du Code civil, pourraient être des personnes moins capables d'exercer leur droit de vote? Est-ce qu'elle va dans le sens de conserver leur statu quo jusqu'à ce que le nouveau Code civil soit en vigueur?

M. Allaire: Je vous répondrai de deux façons: du point de vue politique, notre formation dans son mémoire, et d'ailleurs elle l'a toujours montré durant les années antérieures et depuis de nombreuses décennies, a commencé par le droit de vote à des femmes au tournant du siècle et, par la suite, a toujours été pour l'élargissement le plus complet du droit de vote. C'est au point de vue philosophie politique. Je vous rappelle cependant qu'actuellement, dans le Code civil qui régit le droit des personnes et la capacité des personnes, il existe déjà le conseil que l'on donne à quelqu'un qui a besoin d'être aidé dans l'administration de ses biens; il existe déjà la tutelle, il existe déjà la curatelle. Il existe déjà plusieurs formes de curatelle et c'est là que c'est embêtant et je me pose la question: si vous abolissiez l'article 54 immédiatement, il faudrait que vous demandiez aux légistes du gouvernement, et en particulier de la justice, d'examiner attentivement la portée juridique de cette table rase que vous feriez de l'article 54.

Je ne suis pas sûr que même si vous faisiez abstraction complète de l'article 54, quatrième paragraphe, qu'à ce moment-là tout pourrait être considéré complètement légal. La Curatrice publique a elle-même dit ou déclaré - vous me corrigerez si je suis dans l'erreur - qu'elle était d'opinion qu'il fallait tout enlever, quitte à remettre certaines limites. Elle rejoint les préoccupations légales que nous avons parce qu'il y a certaines curatelles fermées, entre autres, qui feraient en sorte que la personne ne pourrait au point de vue civil exercer un droit fondamental. Je ne crois pas non plus que, suivant les chartes, il s'agirait d'une limite déraisonnable.

Alors, c'est la difficulté lorsqu'on dit dans un élan plein de générosité et d'ouverture, et nous en sommes: Abolissons complètement l'article 54. 4. Il y a des conséquences que nous ne voyons pas aujourd'hui, et j'aimerais que les légistes du gouvernement vous avisent, et très sérieusement, là-dessus. Si vous êtes pour faire complètement abstraction du quatrième paragraphe pour en remettre, pour suivre la suggestion ou la possibilité qui était exprimée par la Curatrice publique, il me semble que vous êtes dans une drôle de situation, vous les législateurs, de tout enlever et de remettre quelque chose par après. Quand vous enlevez les freins, il est difficile de les remettre par la suite, même si vous vous basez sur des textes légaux très sérieux et des raisons légales sérieuses. C'est la seule inquiétude, mais nous avons la plus complète ouverture devant ce problème et j'ai mentionné quelques problèmes du vote par procuration tout à l'heure.

Je pense que les seuls inconvénients qui pourront se produire si les gens votent dans l'institut où ils sont, c'est peut-être un plus grand nombre de votes qui seront annulés, mais ce n'est pas fatal; ils auront exercé leur droit de vote. Ceux qui auront exprimé un droit de vote de façon valide, leur vote y sera.

M. Gratton: Une dernière question, parce que je constate que le temps s'écoule. D'ailleurs, j'ai manqué de temps tantôt pour pouvoir la poser au Parti québécois, parce qu'effectivement il s'agit là d'un point de divergence entre tout au moins les partis politiques, sinon les représentants de ces partis ici à l'Assemblée nationale. Cela touche la durée de leur révision pour le vote de l'électeur non inscrit. Au comité de parlementaires, on semble faire consensus sur la possibilité, pour un électeur qui ne serait pas inscrit à la liste électorale, de pouvoir se faire inscrire en se présentant en personne au bureau du directeur de scrutin jusqu'au vendredi qui précède le scrutin. Et, en personne, cela veut dire la personne elle-même ou un proche parent ou une personne qui est proche de l'électeur. Dois-je comprendre qu'au Parti libéral vous seriez d'accord avec cette proposition du comité de travail de permettre l'inscription de l'électeur non inscrit jusqu'au vendredi précédant le jour du scrutin?

M. Allaire: Oui, M. le ministre. Nous l'avons exprimé dans notre mémoire et ceci est dans la ligne de pensée de l'accessibilité et du respect des individus dans leur droit de vote. Et, maintenant si on nous dit qu'au point de vue logistique c'est trop long le vendredi, cela peut être le jeudi. Ce n'est pas une question fatale. Nous sommes souples. Nous voulons qu'il y ait une dernière chance.

Maintenant, pour bien préciser ce qui n'est peut-être pas précisé dans notre mémoire qui est très succinct pour les raisons que je vous ai mentionnées au début, c'est que même après la fermeture de la période officielle de révision, les demandes de révision qui parviendraient au directeur de scrutin local seraient considérées dans une dernière révision le vendredi. Mais, ce qu'on a voulu dire, le vendredi ou le jeudi si vous l'établissez comme cela, c'est que le vendredi - parlons du vendredi c'est plus facile - ce serait la dernière chance. Et, à cause du fait que nous ne pouvons pas facilement demander au directeur de scrutin de faire les vérifications d'usage quant au bien-fondé de cette demande, nous suggérons que cette demande soit faite personnellement, c'est-à-dire par la personne visée elle-même et non par des intermédiaires, pour faciliter le travail de révision.

M. Gratton: D'accord. Une dernière question si on me le permet, M. le Président...

Le Président (M. Marcil): Oui, votre dernière, M. le ministre.

M. Gratton:... sur la divulgation des contributions. On sait présentement que la loi ne spécifie pas de quelle façon les partis doivent divulguer les contributions. On sait que dans le cas du Parti libéral du Québec, depuis deux ans je pense, la divulgation se fait a partir d'une liste alphabétique générale, et on a entendu tantôt le Parti québécois exprimer sa préférence pour une liste alphabétique par circonscription de résidence, mais on reconnaissait, du côté du Parti québécois, la possibilité d'exiger les deux, c'est-à-dire de faire rapport à partir de deux listes: une par ordre alphabétique générale, l'autre par ordre alphabétique de circonscriptions de résidence. Dans cette suggestion du Parti québécois, est-ce que le Parti libéral verrait une possibilité de compromis, ou est-ce que le Parti libéral préfère que la loi spécifie très exactement laquelle des formules retenir?

M. Allaire: M. le ministre, Mme la Présidente, je répondrai du point de vue légal et je vais laisser le côté financier à M. Jean-Pierre Roy.

Du point de vue légal, qu'est-ce qu'on veut par la divulgation des contributions? On veut savoir si la loi est respectée au Québec, dans notre province, en ce sens qu'on veut savoir si une personne en particulier n'a pas dépassé la limite permise dans tout le Québec. C'est le but visé par la divulgation. C'est la raison pour laquelle, depuis quelque temps, à la suite de certaines suggestions qui avaient été faites, le Parti libéral a soumis une liste alphabétique pour toute la province. Et cela remplit les buts visés par la loi. Cela, c'est du point de vue légal. Maintenant, du point de vue pratique, il y a peut-être une difficulté dans la liste par circonscription électorale qui ne donnera pas les contributions en bas de 100 $. Maintenant, pour le reste, je laisserais répondre Jean-Pierre Roy, notre trésorier et représentant officiel.

M. Roy (Jean-Pierre): Je pense justement, M. le Président, que Me Allaire vient d'ouvrir la porte sur le point où, même sur le plan comptable, on pourrait avoir deux listes qui ne correspondraient pas. On aurait une liste où on doit additionner, tel que le fait le Parti libéral, toutes les contributions qui ont été faites par un électeur, alors que les listes par instances - et là j'ajoute entre parenthèses qu'on pourrait avoir autant d'instances qu'un parti politique pourrait décider d'en avoir - on pourrait avoir autant de listes. À ce moment-là, sur ces listes-ià on pourrait laisser tomber les montants inférieurs à 100 $. Une liste engloberait toutes les contributions de l'électeur et une autre liste pourrait englober... De quelle façon on fait le choix, dans quelle circonscription... Je pense que, comme le disait Me Allaire, le but de la loi est d'avoir une liste transparente qui donne toute l'information nécessaire à qui veut l'avoir.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Roy. On vous remercie de votre intervention.

Je vais. maintenant reconnaître le député d'Abitibi-Ouest, représentant de l'Opposition officielle.

M. Gendron: Rapidement, je voudrais remercier le Parti libéral pour sa contribution. Je pense qu'il a pris le temps de nous soumettre encore là un mémoire passablement étoffé, articulé, où il touche les questions principales.

Vous comprendrez que je ne vous questionnerai pas longuement sur la partie 1 du mémoire pour des raisons évidentes. Pour ceux qui n'ont pas copie du texte, nous avions droit là à la vision générale du Parti libéral du Québec sur à peu près toute question. Il est intéressant d'apprendre, à la première ligne, que le Parti libéral du Québec est aujourd'hui une formation politique dynamique et présente. On pourrait s'amuser un peu. Est-ce que cela signifie que, dans le passe, vous aviez des doutes sur les valeurs? C'est pour m'amuser parce que, dans le fond, cela ne fait pas partie, je pense, de nos travaux. Les trois premières pages sont des grandes orientations d'ouverture, genre s'ouvrir à demain, sur les questions de 1990 et cela déborde, bien sûr, toutes les préoccupations qu'on peut avoir comme parlementaires sur la réforme électorale.

Cela dit, dans la partie 2, je pense que le Parti libéral a choisi une heureuse initiative de bien camper dans son mémoire les différentes thématiques, les différents thèmes sur lesquels il y aurait lieu de modifier la Loi électorale en y précisant très clairement les principes sur lesquels le Parti libéral croit qu'il y a lieu d'axer une réforme électorale, des principes tels l'accessibilité, la transparence, l'efficacité et le respect des droits collectifs à certains égards et, à d'autres égards, individuels. Je pense que c'est un mémoire qui se lit bien et qui touche les grandes questions.

Je ne reprendrai pas l'ensemble des éléments. Il y a plusieurs choses qui me préoccupent, bien sûr, mais je pense que les deux questions principales, en ce qui me concerne en tout cas, sont toute la question des droits des handicapés mentaux et le vote par procuration et par anticipation.

Pour ce qui est du vote par procuration, encore là votre position est claire. À la page 11, vous dites clairement que c'est une question d'ouverture et d'accessibilité au vote pour un plus grand nombre de personnes possible. C'est donc une position de principe. Cependant, j'ai deux questions bien précises. On pourrait en avoir plus. La première est celle-ci. Que ce soit à M. Allaire ou à M. Benoît de répondre, c'est à vous de décider. Est-ce que, fondamentalement, vous croyez que quand on a la prétention, au Québec, qu'instaurer un mécanisme de vote par procuration, lorsqu'on dit que cela ne correspond pas à nos habitudes et à nos moeurs électorales, autrement dit, en termes clairs, est-ce que vous faites une nuance entre le comportement électoral des Québécois versus le comportement électoral des Ontariens, des Manitobains ou des Canadiens? Dans votre esprit, est-ce qu'il y en a une par rapport à notre histoire, notre historique et que, dans ce sens-là, on ne parle pas de la même chose comme comportement des électeurs, même si on parle du même sujet?

M. Allaire: M. Gendron, je pense que fondamentalement, si on parle de démocratie et d'instrument de démocratie, il y a toujours une première fois et il y a une évolution des idées, comme je l'ai mentionné au début de mon exposé. Je pense que l'expérience ayant été faite ailleurs, nous ne sommes pas plus bêtes, sûrement pas, et je fais confiance en l'intelligence des Québécois pour avoir une vision beaucoup plus progressiste que conservatrice dans le sens non pas politique, mais dans le sens de comportements dans toutes ces nouvelles fonctions de procéder. Depuis plusieurs décennies, nous avons eu au Québec des premières; on en a mentionné quelques-unes tout à l'heure, qui ont été établies par les différents partis qui se sont succédé au pouvoir. C'est heureux et je ne vois pas pourquoi aujourd'hui la procuration serait considérée comme quelque chose de tellement extraordinaire, alors qu'elle est dans nos moeurs. Je vais vous donner quelques exemples. Dans certains cas, vous ne pourrez pas faire voter quelqu'un qui est dans un centre restreint de handicapés physiques si vous n'avez pas de vote par procuration. Donc, deux points. (12 heures)

Le premier point, c'est que la procuration est dans les moeurs québécoises. Vous avez la possibilité - et ma mère en a fait usage alors qu'elle était complètement ou presque impotente, grabataire - de pouvoir donner sans même signer, parce qu'elle ne pouvait pas signer, une procuration devant notaire pour que ses affaires

soient administrées correctement. Je pense que nous pourrions avoir la même largeur de vues que celle que nous avons déjà dans le Code civil vis-à-vis de la procuration notariée. Ce n'est donc pas quelque chose de nouveau dans nos moeurs. C'est peut-être nouveau pour le vote, mais c'est tout.

Je vous dis maintenant que, dans certains cas - et cela rejoint le problème des bureaux de vote itinérants - vous ne pourrez pas faire voter des handicapés physiques qui ont des problèmes moteurs sérieux si vous n'avez pas le vote par procuration parce qu'ils ne peuvent pas faire un X sur un bulletin de vote. J'ai eu l'occasion d'être, durant plusieurs années, membre de la Fondation Lucie-Bruneau, anciennement L'Aide aux infirmes. On veut de plus en plus réhabiliter ou réinsérer les handicapés physiques qui sont aussi, dans certains cas, handicapés mentaux dans un milieu physique beaucoup plus semblable à une maison privée. J'ai visité - et je ne vous raconte pas de romance - à différents endroits, des résidences particulières qui avaient été transformées en petits centres d'accueil pour handicapés physiques ou mentaux légers pour leur réinsertion sociale dans la société. Je trouve cela merveilleux. Avec une supervision légère, ces gens-là se débrouillent beaucoup mieux qu'on ne le pense. Or, il y a de ces gens, handicapés physiques locomoteurs, qui ne peuvent pas signer; je ne le nommerai pas, évidemment, mais je connais quelqu'un qui était avec nous à la Fondation Lucie-Bruneau, un professionnel qui était qua-draplégique et qui ne se déplaçait qu'avec l'aide de quelqu'un, sauf lorsqu'il était à l'intérieur d'une habitation et il se déplaçait en bougeant la tête de droite à gauche ou de haut en bas. Cette personne ne peut absolument pas se servir de ses mains pour mettre un X, mais, avec la procuration, elle le peut, et il y a beaucoup de personnes comme elle.

Ce n'est donc pas quelque chose d'extraordinaire; c'est déjà dans les moeurs et vous devez, je pense, aller jusqu'au bout du raisonnement, de l'ouverture la plus large non seulement pour les handicapés physiques, mais également pour les handicapés mentaux, légers ou autres, mais il faut pousser la logique jusque-là et donner la possibilité aux gens de voter par procuration.

Le Président (M. Marcil): M. Allaire.

M. Gendron: Sur le rôle des partis, je pense que toute la question de l'aide à l'électeur pourrait être réglée par ce qui est déjà prescrit dans la loi.

M. Allaire: Je ne le crois pas, M. Gendron, parce que vous ne pourrez pas la régler s'ils ne peuvent pas se déplacer et, dans la plupart des cas, ils ne peuvent pas se déplacer. Si vous avez des bureaux de vote itinérants, vous devrez vous arrêter quelque part. Si vous vous arrêtez, par exemple, à dix personnes, il faut pousser la réflexion jusque-là. Jusqu'où irons-nous pour le vote itinérant?

M. Gendron: Oui mais, M. Allaire, je pense que, pour certains cas dans l'exemple que vous avez donné, toute la formule prévue d'assistance à l'électeur est une dimension, dans certains cas, doublée de l'autre dimension qui est le vote itinérant pour certains handicapés, mais si on...

M. Allaire: Pour compléter.

M. Gendron:... les prend individuellement et séparément pour le cas Y et le cas Z, vous avez peut-être raison de dire qu'une seule formule ne permettra pas d'offrir cette garantie de libre exercice du droit de vote. À tout événement, ma deuxième question, toujours sur le vote par procuration, est-ce que vous croyez... Dans le fond, vous nous avez dit: Je fais confiance aux Québécois, pourquoi n'est-on pas plus, non pas idiots, mais incapables de profiter de la même expérience qu'ailleurs? Par contre, on peut parfois être différents, compte tenu de notre base historique. Certains ont prétendu cela, en tout cas...

M. Allaire: Nous sommes différents.

M. Gendron:... quelques papiers. C'est peut-être l'endroit pour montrer notre différence fondamentale.

Ma seconde question concernant le voto par procuration: est-ce que vous pensez sincèrement... Dans votre présentation, vous nous avez dit: Dans le fond, il s'agit seulement que le mandataire soit bien choisi par celui qui le mandate. Il s'agit donc d'une responsabilité de choisir un bon mandataire. Même si je persiste à croire, encore là, dans l'exemple d'une parente avec vous où il était facile de vérifier le respect du mandat, ce qui n'est pas le cas quand je choisis un mandataire même si je suis convaincu d'avoir fait un bon choix, je n'ai aucune espèce de garantie de vérification.

La question que je vous pose, compte tenu de la fragilité de certaines personnes, si on instaure le vote par procuration, êtes-vous convaincus qu'il y a des personnes qui vont effectivement détenir le mandat de quelqu'un sans nécessairement que celui qui l'a confié ait souhaité que ce soit telle ou telle personne pour des raisons d'influence, dans certains cas pour des raisons de centres, par exemple, où le lien entre ce qu'on appelle le préposé aux bénéficiaires - cela est très courant - devient dans certains cas très étroit et très influençable, négociable. Si on instaure le principe du vote par procuration, on ne peut pas le cacher, cela va être connu. Il y a des gens qui vont savoir qu'on peut dorénavant négocier un droit de vote.

Alors, croyez-vous sincèrement qu'à un moment donné il n'y aura pas des gens qui vont détenir une procuration alors que le mandataire aurait souhaité que ce ne soit pas cette personne mais, compte tenu du lien de dépendance qui s'est créé, cela a eu comme conséquence que des individus se promèneront avec un certain nombre de procurations pour exercer le droit de vote à la place d'autres personnes? Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Allaire: Notre point de vue, c'est que le nombre de procurations ou de mandats qu'une personne devrait recevoir devrait être limité pour éviter le danger que vous venez de mentionner. Il pourrait être limité à un ou à deux. C'est votre décision. C'est là ma première réponse.

Deuxièmement, je pense que je ne reviendrai pas sur le choix et la qualité du mandataire. Je vous répondrai cependant que nous allons être encore moins sûrs du vote par correspondance parce que vous ne serez jamais sûrs que la personne qui a voté sur le bulletin de vote est réellement la personne qui a le droit de vote et que c'est réellement la personne qui a reçu la paperasse par correspondance. Vous avez également le même danger dans les deux cas. Je vous répondrai que, dans les deux cas, il n'y a pas de système complètement étanche. Dans toute société, vous avez malheureusement quelques personnes, des individus minoritaires qui vont essayer de passer à côté du système plutôt que de le respecter.

Je pense qu'on ne doit pas s'arrêter à une réforme, dans une réforme électorale de cette importance, alors que le but visé est d'étendre et d'ouvrir le plus possible le vote à quelques cas particuliers qui pourraient être des exceptions et qui pourraient être poursuivis par la loi. Je fais confiance aux Québécois pour un plus grand sérieux, une plus grande honnêteté. Ce serait la minorité.

M. Gendron: D'accord. À la page 10 de votre mémoire, vous avez également mentionné: Le Parti libéral est d'opinion qu'il faut élargir la possibilité de ceux qui veulent voter par anticipation. C'est une question que je pose. Je n'ai pas d'objection à cette opinion. N'y a-t-il quand même pas lieu de préserver ce que j'appelle le caractère d'"exceptionnalité", si vous me permettez l'expression, du vote par anticipation? Je ne veux pas que le jour d'élection devienne quatre ou cinq jours avant l'élection.

M. Allaire: Non.

M. Gendron: Non, mais quel est votre point de vue pour élargir le vote par anticipation? Si cela veut dire dans des délais plus définis, d'allonger peut-être les délais d'inscription ou de signaler qu'ils veulent voter par anticipation, j'en suis. Mais, le principe comme tel, quels sont les éléments qui sous-tendent votre jugement d'ouvrir la possibilité de voter par anticipation à un plus grand nombre de personnes, alors que j'ai toujours compris que, dans un régime électoral sain, la règle du vote par anticipation doit être une règle d'exception et non pas devenir la règle, parce que le jour du vote doit rester le jour du vote?

M. Allaire: Nous sommes d'accord là-dessus, M. Gendron. En fait, ce qu'on a voulu dire, et le gros bon sens a encore joué dans la logistique localement... Il y a des gens d'un certain âge qui se présentent au vote par anticipation parce qu'ils sont ambulatoires, ils ont toutes leurs facultés locomotrices, ils peuvent difficilement se déplacer mais se déplacent encore. Ils n'aiment pas les foules et peuvent difficilement se tenir en ligne pour voter. Ils font l'effort de se rendre au bureau de votation. Jusqu'à maintenant, je ne connais pas de représentants des deux partis principaux qui ont refusé à une personne âgée le droit au vote par anticipation, et c'est très large. Les rapports que j'ai de tous les comtés attestent que le gros bon sens populaire a fait en sorte que les personnes que nous voulons rejoindre par ce vote par anticipation, et j'en ai donné une catégorie, votent sans trop de difficulté. Je peux vous dire de plus que le serment n'est pas toujours exigé. Le gros bon sens populaire a fait en sorte que c'est rentré dans les moeurs, dans les coutumes et c'est le gros bon sens. Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas faire l'élection uniquement avec des votes par anticipation.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député d'Abitibi-Ouest de même que le représentant du Parti libéral du Québec. S'il n'y a pas d'autres questions, nous allons mettre fin à cette audition et vous remercier de vous être prêtés à cette période de questions. Nous allons suspendre pour quelques minutes avant de recevoir le prochain intervenant, soit le Protecteur du citoyen. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 12 h 15)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons poursuivre nos travaux et inviter le Protecteur du citoyen à prendre place, Me Daniel Jacoby; vous êtes accompagné de Me Jacques Meunier. C'est cela.

M. Jacoby (Daniel): Oui.

Le Président (M. Marcil): Nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. Sans plus tarder, nous vous laissons la parole pour résumer votre mémoire.

Protecteur du citoyen

M. Jacoby: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier la commission de m'avoir permis d'intervenir sur un sujet aussi important que le plein exercice de droits démocratiques, comme celui du droit de vote ou du droit de se porter candidat.

Je vais faire un peu l'historique de la question. En 1985, lors de la période électorale, mon prédécesseur, M. Labonté, a été saisi de quelques plaintes émanant de personnes qui se considéraient, à tort ou à raison, lésées par des fonctionnaires ou du personnel du Directeur général des élections. Les plaintes portaient notamment sur le retard à traiter une déclaration de candidature faute de formule d'accusé de réception, avec perte du droit de se porter candidat, et même perte du droit d'avoir l'autorisation officielle, à l'article 325. Également, nous avons eu des plaintes concernant de l'information erronée qui aurait été donnée par le personnel du bureau du directeur général. Nous avons eu des plaintes sur l'absence du directeur du scrutin à un moment où sa présence s'avérait essentielle, absence de bureau de vote dans une maison pour personnes âgées, omission de recenser des électeurs d'une rue, suivi d'un avis erroné concernant la date limite de révision de la liste électorale.

Ces plaintes ont fait en sorte que le Protecteur du citoyen, conformément à sa loi qui lui en fait une obligation, a voulu intervenir pour vérifier le bien-fondé de ces plaintes. Le Directeur général des élections s'est opposé à la juridiction de mon prédécesseur et, par la suite, le Protecteur du citoyen, dans son rapport annuel de 1985, a réclamé que le litige soit réglé par l'Assemblée nationale. En même temps, le Protecteur du citoyen proposait, pour éviter la répétition de certaines causes de lésion, que le Directeur général des élections puisse bénéficier d'une disposition omnibus analogue à celle qui existe dans la loi fédérale, de manière à ce que le Directeur général des élections puisse adapter la loi aux circonstances des cas bien particuliers, et éviter que des droits ne se perdent.

Je suis très heureux de constater que le comité de travail propose l'adoption d'une clause omnibus dans la Loi électorale. Cependant, il faut prendre garde. Une clause omnibus, ce n'est pas le remède à tous les maux. Une clause omnibus permet de changer la loi, de l'adapter aux circonstances, mais elle ne permet pas de nous mettre à l'abri des erreurs humaines, des négligences, des oublis qui font que des droits peuvent se perdre. Cette clause omnibus laisse aussi une grande discrétion au directeur général; c'est une discrétion extrêmement importante, mais elle n'offre pas la garantie qu'une personne qui se plaint auprès du directeur général ou de ses employés pour faire modifier la loi... Elle ne garantit pas le fait que le bureau du directeur général va donner suite aux demandes qui lui sont acheminées.

En 1987, lors des modifications qui ont été apportées à la Loi sur le Protecteur du citoyen, le Parlement a choisi de ne pas donner suite à la recommandation de mon prédécesseur. Mais la question a été référée au comité qui examine la réforme de la Loi électorale, conformément à l'engagement qu'avait pris, à l'époque, le ministre délégué à la Réforme électorale. Les membres du comité de travail sur le sujet 58, tout en réservant leur opinion sur l'assujettissement ou non du Directeur général des élections à la compétence du Protecteur du citoyen, ont proposé que le Directeur général des élections "soit tenu de faire rapport à la commission de l'Assemblée nationale, après chaque élection générale, des plaintes reçues, des difficultés vécues et des solutions apportées, au cours de la période électorale". Le comité a proposé, en outre, que "soit introduite la possibilité pour les électeurs de déposer leurs plaintes auprès de la commission de l'Assemblée nationale pour étude et considération par celle-ci après l'élection".

La suggestion du comité de travail répond à une question bien précise, celle de bien identifier les plaintes qui sont adressées au Directeur général des élections. Mais, je considère que c'est une action a posteriori qui ne règle pas le problème de la personne qui se voit privée de l'exercice de ses droits. Donc, ce que nous pensons, c'est que, si on veut assurer pleinement l'exercice de ces droits fondamentaux, il faut trouver un mécanisme en cours de processus électoral ou encore une solution administrative. Nous avons envisagé plusieurs hypothèses - il y en a d'autres - en excluant, bien sûr, le recours aux tribunaux. La première hypothèse est d'accorder au directeur général tout le personnel nécessaire pour traiter rapidement et efficacement les plaintes. La deuxième solution est d'étendre au Protecteur du citoyen le mandat de pouvoir enquêter sur des plaintes en cours de processus électoral. La troisième est d'avoir une espèce de solution de compromis qui fait que ce serait le président de l'Assemblée nationale qui serait saisi des plaintes et qui, suivant certains critères qu'il devrait déterminer, pourrait ou non référer le dossier au Protecteur du citoyen.

La première hypothèse d'augmenter les effectifs du Directeur général des élections pour traiter plus adéquatement les plaintes ne répond pas à tous les problèmes. Elle laisse quand même planer des doutes sur l'impartialité de l'enquêteur. Deuxièmement, quand bien même on augmenterait le personnel du Directeur général des élections, il n'en reste pas moins qu'on n'est pas à l'abri des erreurs, des négligences, des abus qui peuvent être commis par le personnel, et toujours de bonne foi, bien sûr.

La deuxième qui est une intervention directe du Protecteur du citoyen m'apparaît la plus satisfaisante. Il n'y a pas de "red tape". Elle est efficace. La troisième, eh bien, c'est celle que nous proposons, mais simplement à titre de

compromis. Les inconvénients de cette solution de compromis, il y en a quelques-uns et je dois les mentionner. Le premier inconvénient, c'est que le président de l'Assemblée nationale est lui-même en élection à ce moment-là, en principe, et, ce faisant, l'image d'impartialité de celui qui reçoit la plainte risque d'être affaiblie. Le deuxième inconvénient c'est que, indépendamment de la situation du président de l'Assemblée nationale en période électorale, cette solution implique l'exercice d'un pouvoir relativement discrétionnaire et, en conséquence, le président devrait se doter de critères qui lui permettraient d'exercer adéquatement sa discrétion. Ces critères pourraient être notamment la nature et la gravité des plaintes, leur caractère répétitif, la possibilité de remédier à la situation en temps utile, etc.

Malgré ces inconvénients qui ne sont pas en soi des obstacles, une solution de compromis de ce genre permet de répondre en partie aux préoccupations, quant à l'indépendance du Directeur général des élections, et aussi à la préoccupation de sauvegarder l'exercice, par les électeurs, de leurs droits démocratiques. En effet, le Directeur général des élections soutient que le statut de personne désignée implique qu'il n'est responsable que devant l'Assemblée nationale et qu'aucune intervention d'autorité ne doit s'interposer entre lui et l'Assemblée. Or, la troisième solution, comme d'ailleurs la deuxième, ménagerait ce principe puisque c'est la présidence qui décide ou non de référer le dossier au Protecteur du citoyen. Il faudrait par ailleurs que je souligne - et ceci m'apparaît important pour les fins de la compréhension de notre intervention - que même si elles sont des personnes désignées, le Protecteur du citoyen et le Directeur général des élections sont assujettis au contrôle du Vérificateur général, qui est lui-même une personne désignée par l'Assemblée nationale, et le Vérificateur général, qui lui aussi est une personne désignée et indépendante, est assujetti a la compétence du Protecteur du citoyen. Alors on voit déjà là que l'indépendance se relativise.

Il faut noter aussi que le Protecteur du citoyen a un pouvoir de recommandation et non un pouvoir décisionnel, pouvoir de recommandation qui tire sa force, finalement, de l'autorité morale et de la crédibilité de l'institution. La preuve c'est que, par rapport à notre juridiction générale, nous obtenons la correction, dans les cas de plaintes fondées, pour plus de 99, 8 % des cas. Il n'est pas nécessaire d'avoir un pouvoir décisionnel pour obtenir les corrections de situations injustes.

L'argument voulant que l'intervention du Protecteur du citoyen affecte l'indépendance du directeur général n'est pas plus valable que la réaction de certains fonctionnaires qui, à l'occasion, invoquent cet argument. Le Protecteur du citoyen n'a aucune autorité hiérarchique sur l'ensemble des fonctionnaires pas plus qu'il n'aurait une autorité hiérarchique sur le Directeur général des élections ou sur son personnel. La nature particulière du pouvoir de recommandation du Protecteur du citoyen met aussi de côté, je pense, l'argument selon lequel cela reviendrait à instaurer un mécanisme d'appel des décisions du Directeur général des élections. Je dois le répéter, le Protecteur du citoyen ne rend pas une décision. Il ne participe pas au pouvoir judiciaire. Il ne peut rien ordonner. Il recommande tout simplement et sa recommandation peut être suivie ou non.

Et, quand on parle de notion d'indépendance, qu'est-ce que la dépendance? La dépendance elle-même, c'est le fait d'être assujetti à une autre autorité, que ce soit une autorité hiérarchique ou une autorité judiciaire. Or, étant donné la nature des pouvoirs du Protecteur du citoyen, il n'y a pas, à mon point de vue, d'atteinte à l'indépendance de l'institution.

En somme, cette troisième solution, tout en favorisant l'exercice des droits des électeurs, permettrait de répondre à certaines contradictions qui ont été véhiculées jusqu'ici. Vu l'heure, je vais un peu abréger. Si j'ai consacré l'essentiel de cette intervention a la nécessité de prévoir un mécanisme simple et efficace de traitement des plaintes en matière électorale, c'est que, par le quotidien de mes fonctions, je suis maintenant convaincu que des droits sont souvent compromis si leur titulaire n'a pas le privilège d'exposer sa plainte à une instance susceptible de vérifier objectivement et rapidement les faits et le droit applicable. D'ailleurs, dans notre quotidien, nous constatons, sur un plan statistique, qu'une plainte sur trois est fondée. Des plaintes qui émanent du public envers l'administration gouvernementale, 33 % sont fondées. Le droit de voter et celui de se porter candidat sont des droits si fondamentaux qu'ils sont affirmés par chacune de nos chartes. Il est donc important que le citoyen privé ou menacé de la privation d'un tel droit ait à sa disposition des moyens d'obtenir, en temps utile, les remèdes appropriés à sa situation et que les mesures nécessaires soient prises pour qu'il soit adéquatement informé de l'existence des recours à sa disposition.

Pour terminer, j'aimerais dire - d'ailleurs, comme vos documents de travail le soulignent - qu'il est essentiel d'assurer au plus grand nombre de nos concitoyens et concitoyennes la plénitude de l'exercice de leur droit de vote. Je pense qu'en 1988, non seulement faut-il parler de l'exercice du droit fondamental qu'est le droit de voter mais du droit fondamental de pouvoir exercer ses droits. Je pense que c'est l'enjeu et qu'une société comme la nôtre a le devoir de se donner les moyens de réaliser un tel objectif. (12 h 30)

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Me Jacoby. Maintenant, je vais reconnaître M. le ministre délégué à la Réforme électorale.

M. Gratton: M. le Président, je remercie évidemment Me Jacoby d'avoir accepté notre invitation de venir nous éclairer davantage sur cette situation qui a fait l'objet de débat, depuis un certain temps. Me Jacoby le rappelait tantôt, effectivement, à l'élection de 1985, il y a eu lieu de constater que des plaintes ont été formulées et que le tout a donné lieu à ce débat qui nous a amenés, en tant que gouvernement, à inscrire, dans la réforme de la Loi sur le Protecteur du citoyen, une disposition qui, effectivement, assujettissait le Directeur général des élections à la compétence du Protecteur du citoyen. Au moment où ce projet de loi sur le Protecteur du citoyen a été débattu, nous avions convenu, avec l'Opposition, de l'opportunité d'élargir le débat et c'est ainsi que nous avons consenti à retirer ces dispositions du projet de loi pour, justement, les soumettre à l'attention des parlementaires qui, à ce moment-là, savaient déjà qu'ils allaient devoir traiter de la révision de la Loi électorale.

Au comité des parlementaires, effectivement, nous n'avons pas tranché quant à la juridiction du Protecteur du citoyen. Nous avons plutôt discuté d'un compromis qui consistait à examiner la possibilité, pour un citoyen, de formuler des plaintes auprès du président de l'Assemblée nationale qui pourrait soumettre le tout à une commission parlementaire pour que, non pas des décisions, mais des constatations puissent être faites a posteriori. Cette formule de compromis, Me Jacoby vous l'a commentée, ce matin, en l'assortissant à une autre suggestion, à l'effet de permettre, en période électorale, à un citoyen de formuler sa plainte au président de l'Assemblée nationale qui pourrait, lui, à ce moment-là, décider de l'opportunité de la soumettre au Protecteur du citoyen ou non.

Ceci m'amène à vous poser une première question, justement - et vous le soulignez dans votre mémoire, d'ailleurs - le fait que le président de l'Assemblée nationale, à toutes fins utiles, à moins qu'il n'ait décidé de ne pas être candidat, demeure président de l'Assemblée nationale et pourrait peut-être être jugé plus neutre et, possiblement, plus disponible également pour examiner la plainte en question et ensuite décider de la référer ou non au Protecteur du citoyen. Mais, de façon assez générale, le président de l'Assemblée nationale est lui-même candidat au cours d'une période électorale. Je comprends le sens de votre suggestion, vous la faites en fonction d'un compromis qui a été discuté, mais, justement, est-ce que cette situation où se trouve le président de l'Assemblée nationale, en période électorale, ne pourrait pas, à toutes fins utiles, devenir inutile dans la mesure où, les délais étant ce qu'ils sont, il ne pourrait pas prendre connaissance et statuer sur l'opportunité de la soumettre ou non à votre attention?

M. Jacoby: M. le ministre, il faut bien comprendre que la solution que j'ai avancée est une solution de compromis, et je suis tout à fait sensible aux commentaires que vous faites. D'une part, l'impartialité du président peut être mise en doute, en termes d'image, en termes d'objectivité, par ailleurs, il peut ne pas être disponible et, troisièmement, cela ajoute au traitement de plaintes qui doivent être traitées rapidement, une forme de "red tape" dans le système.

Alors, c'est avec ces réserves que j'ai proposé cette solution de compromis, parce que je voulais, par là, répondre aux arguments plus fondamentaux qui voulaient que, finalement, le Directeur général des élections ne puisse pas être assujetti à une autorité quelconque. C'était un compromis que de dire que cela passait par le canal du président, mais, quand on revient aux arguments de fond, je demeure convaincu que la présence du Protecteur du citoyen, pendant la période électorale, n'affecte aucunement l'indépendance du Directeur général des élections. Pour affecter son indépendance, encore faudrait-il qu'un tiers, comme le Protecteur du citoyen, ait un pouvoir décisionnel, un pouvoir de rendre une ordonnance, un pouvoir de forcer le Directeur général des élections ou son personnel à agir. Cela, c'est ce que j'appelle véritablement de la dépendance, sur les plans juridique et administratif. Ce n'est pas le cas. Vous savez, quand on parle d'indépendance, il faut faire très attention; la séparation des pouvoirs, vous le savez, ce n'est pas une fin en soi.

L'indépendance n'est pas une fin en soi, c'est un moyen, un moyen pour atteindre certains objectifs, et la séparation des pouvoirs a été créée chez nous et ailleurs simplement pour permettre d'éviter les conflits d'intérêts et un meilleur équilibre des forces dans la société. C'est un moyen, mais à partir du moment où le moyen connaît certains problèmes par rapport à la possibilité que certains droits soient exercés, surtout des droits aussi fondamentaux que le droit de vote, je pense qu'il faut considérer la possibilité d'apporter des atténuations, des tempéraments a cette indépendance, sans la mettre en jeu, aucunement.

Vous savez en 1977 ou 1978, quand on a modifié la Loi sur les tribunaux, on se rappellera que, jusqu'en 1977-1978, on n'avait pas accordé le droit de vote aux juges, parce qu'ils étaient indépendants, et on l'a accordé. Est-ce que cela a créé des problèmes? Je ne pense pas, jusqu'ici, que cela ait posé de problèmes et pourtant on a teinté un peu cette indépendance, cette séparation des pouvoirs. Alors, finalement, vous savez, même dans le quotidien de nos travaux, nous avons le pouvoir de faire enquête, non seulement sur des fonctionnaires nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique, mais sur les décisions d'un ministre comme responsable d'un ministère. J'ai quelques dossiers, à l'occasion, de cette nature-là et jamais on n'a pu penser que je pouvais affecter, comme personne désignée par l'Assemblée nationale, l'indépendance du pouvoir

exécutif comme tel, pas plus qu'un sous-ministre ne voit son pouvoir et son indépendance affectés par l'intervention du Protecteur du citoyen. On demeure libre ou non de suivre les recommandations. Généralement, lorsque nous faisons enquête et que nous découvrons qu'il y a une lésion véritable, un préjudice, nous avons un bon dossier et, généralement, c'est le gros bon sens qui fait qu'on propose tel genre de recommandation, ce qui fait que, dans 99, 9 % des cas, nos recommandations sont suivies et qu'il n'y a pas de problème. C'est exceptionnel qu'on soit obligés, notamment, comme la Loi sur le Protecteur du citoyen le prévoit, de faire appel au ministre dans un ministère pour faire changer une décision de son ministère ou encore plus haut, de monter au Conseil des ministres, comme la loi le prévoit, pour faire changer la décision d'un fonctionnaire d'un ministère, dans 97 % des cas cela se règle au niveau de nos enquêteurs, de notre personnel et de l'administration, à un niveau inférieur ou à un niveau supérieur comme le bureau du sous-ministre. Mais c'est par analogie que je dis cela. C'est bien sûr que, si vous avions juridiction sur le Directeur général des élections, nous n'aurions pas à nous adresser au pouvoir exécutif ou à des ministres ou des choses comme cela. Mais ce que je veux dire par là, c'est que mon expérience et l'expérience passée démontrent que personne ne se sent affecté quant à son indépendance par la présence du Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen a des pouvoirs d'enquête, mais n'a pas le pouvoir d'imposer quoi que ce soit à qui que ce soit.

M. Gratton: Vous me permettrez sans doute, Me Jacoby de vous dire qu'à titre de député depuis au-delà de quinze ans, j'ai assez souvent, et, assez curieusement, surtout en période où je siégeais dans l'Opposition, fait appel aux services du Protecteur du citoyen et je dois avouer que, la plupart du temps, c'était toujours en dernier recours, après avoir épuisé tous les autres moyens d'intervention auprès soit du ministre, soit des fonctionnaires, et qu'effectivement j'ai toujours constaté un très grand professionnalisme, je le dis avec d'autant plus d'aise que vous êtes relativement nouveau au poste, et je suis sûr que cela se poursuit toujours et qu'effectivement il y a beaucoup d'efficacité et il y a un poids moral très important à une constatation qui est faite par le Protecteur du citoyen et qui est communiquée à un ministre ou à l'appareil administratif. Mais justement, si je voulais me faire l'avocat du diable, je pourrais m'interroger. Vous avez vous-même indiqué, je pense, que c'est 80 % des cas qui vous sont soumis où, finalement, on en conclut que le plaignant a raison. Est-ce que cela ne pourrait pas devenir une espèce d'atteinte à l'indépendance du Directeur général des élections? En d'autres termes, par exemple, pour une recommandation ou une constatation - puisqu'il ne s'agit jamais d'une décision qui puisse être imposée à quiconque, encore moins au Directeur général des élections - est-ce que pour une constatation de votre part ou une recommandation, vous disposez d'un autre moyen pour la faire connaître que votre rapport annuel? Par exemple, est-ce que la loi vous autorise à faire état publiquement d'une constatation que vous faites et qui ne serait pas partagée par l'appareil administratif et en l'occurrence, en ce qui nous concerne, éventuellement par le Directeur général des élections?

M. Jacoby: Oui, depuis 1987, la loi a été modifiée pour donner au Protecteur du citoyen un pouvoir d'intervention publique en cours d'enquête ou même après enquête. C'est sûr qu'il y a un certain danger à utiliser ce pouvoir et surtout en période électorale. Personnellement, et je n'en ai pas fait état dans ce mémoire, bien sûr, mais dans la mesure où on donnait au Protecteur du citoyen une juridiction en période électorale, je pense qu'il y a deux choses importantes qu'il faudrait modifier par concordance dans sa loi. La première chose: les avis au gouvernement qui sont prévus et qui s'expliquent parce que, au moment où on se parle, le Protecteur du citoyen enquête sur les actes de l'administration et de l'exécutif. Comme il s'agit du processus électoral, il faudrait que cette disposition ne soit pas applicable au Protecteur du citoyen. Deuxièmement, compte tenu du contexte particulier d'une période électorale et aussi des enjeux que cela représente, je pense que le Protecteur du citoyen ne devrait pas être habilité à utiliser le pouvoir d'intervention publique lors d'une élection. Cela m'apparaît fondamental si on veut sauvegarder tous les principes que l'on veut véhiculer au niveau du processus électoral.

M. Gratton: Je vous avoue que je n'avais pas saisi que vous aviez maintenant le pouvoir d'intervention publique. Vous nous dites que si on devait aller dans le sens de permettre au Protecteur du citoyen d'intervenir, que le pouvoir d'intervention publique ne devrait pas s'appliquer en période électorale. Mais justement, est-ce que la juridiction du Protecteur du citoyen devrait s'appliquer seulement en période électorale ou, étant donné que certaines opérations du Directeur général des élections débordent de la période électorale, est-ce qu'elles devraient également s'appliquer en tout temps?

M. Jacoby: Encore là, M. le ministre, la proposition que j'ai pu faire par rapport à la proposition de mon prédécesseur est encore une solution de compromis avec ses désavantages. Idéalement, je pense que c'est un peu artificiel de garder une compétence pendant une période déterminée, alors que le personnel du Directeur général des élections est là à l'année longue et qu'il peut se poser d'autres problèmes en cours d'année et même en dehors des périodes élec-

torales. C'est certain que je voulais par là limiter, si l'on veut, l'espèce de droit de regard, limiter dans le temps le droit de regard sur les actes ou omissions du personnel du Directeur général des élections. Mais, c'est assez artificiel, je dois l'avouer.

M. Gratton: M. le Président, je remercie Me Jacoby. Sûrement qu'au sein de la commission parlementaire qui devra nécessairement et éventuellement trancher, il est fort possible que nous ayons à nouveau recours à vos éclairages de même évidemment qu'à ceux du Directeur général des élections. Merci. (12 h 45)

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître le député d'Abitibi-Ouest, représentant officiel du parti de l'Opposition.

M. Gendron: Ce que je veux dire à M. Jacoby, Protecteur du citoyen, c'est que je pense qu'à partir du moment où il a constaté qu'il y avait des électeurs et des électrices, donc, des citoyens du Québec qui se sentaient brimés, je pense qu'il a fait son devoir, selon sa responsabilité professionnelle, en disant: On ne peut pas toucher à ces questions-là sans que je m'assure d'avoir la capacité non seulement de véhiculer le constat des plaintes soulevées par les citoyens, mais éventuellement de trouver une forme de gérance ou de gestion de ces cas-là qui aura comme conséquence, à tout le moins, en termes d'objectifs, d'éliminer complètement ces "lèsements" de citoyens ou d'apporter des correctifs qui vont permettre de les atténuer dans la plus grande mesure possible.

Je pense que vous avez bien fait de dire que, dans les faits, des omissions ou des erreurs du DGE ou de toute autre personne en fonction, mais qui, dans le cas présent, ont comme conséquence de priver certains citoyens de droits fondamentaux, si on établit que le droit de vote doit avoir primauté sur n'importe quoi, vous avez raison de dire: On garde cela.

La difficulté, c'est que je vous ai écouté attentivement, j'ai lu votre mémoire attentivement et vous reconnaissez vous-même que dans les trois solutions, il y a des éléments un peu difficiles. En particulier, dans la première, l'inconvénient, si on laisse cela au DGE, c'est qu'on est toujours en gestion a posteriori. Si on confie cela au président de l'Assemblée nationale... En ce qui me concerne, j'avais envie de vous questionner sur cela, mais je ne vois pas pourquoi on questionnerait sur des choses qu'on comprend clairement. Je ne suis pas contre vous; vous l'avez dit vous-même. Je prétends que cela n'a pas du tout de bon sens, parce que le président demeure en élection et pour des raisons de disponibilité aussi.

En période électorale, même si quelque chose était acheminé à la présidence de l'Assemblée nationale, je n'ai aucune espèce de garantie que le traitement qui lui sera fait va être différent de celui qui a juste cela comme responsabilité et qui s'appelle la DGE, avec un personnel habilité pour gérer ces difficultés, même si on peut dire qu'il est juge et partie. Je n'ai pas d'opinion bien arrêtée. Je dis seulement que vous nous avez soumis des éléments pour creuser cela davantage en disant: Écoutez, le DGE, c'est lui qui est responsable de tout cela...

Par contre, faire intervenir un tiers, je ne trouve pas qu'il y ait de drame dans cela, comme vous le dites, s'il n'a pas de pouvoir d'ordonnance et s'il n'a pas, ce que j'appellerais carrément, la possibilité de jouer dans les plates-bandes de responsabilités de l'autre. Mais donner un avis dont le responsable peut se préoccuper ou pas, cela n'a pas tout à fait la même signification que de dire: Tout avis provenant du Protecteur du citoyen est obligatoirement un avis dont vous devez tenir compte dans le sens a, b, c, d.

Je n'ai pas de question, sauf peut-être une à la fin. Je veux vous dire que vous nous avez donné des éléments d'éclairage additionnels pour dire - et là, c'est vous qui parlez: Je suis Protecteur du citoyen et des citoyens qui sont lésés dans leurs droits. En conséquence, il faut que le législateur balise cela davantage. La seule question que je veux vous poser, c'est que je trouve que le jugement que vous portez sur la valeur de n'importe quel arbitrage a posteriori, pour les matières dont on discute, l'atténue tellement que cela n'a plus de valeur.

Alors que moi, je dis, dans le fond, que qui que ce soit, que ce soit vous, que ce soit le président - même si je suis complètement contre, parce que je trouve que cela n'a pas de bons sens; il reçoit une plainte et il l'analyse. Il y a des gens qui regardent cela et, à un moment donné, il y a un jugement de porté. Mais, dans le fond, l'important en termes de droit, c'est de s'assurer que, au mieux, il y ait un correctif tout de suite ou que, au pire, cela ne se produira jamais plus.

Par rapport au sujet traité, un correctif tout de suite, j'ai beau me forcer - c'est peut-être moi qui n'ai pas la capacité intellectuelle d'en trouver et cela est possible - mais je regarde l'énumération des plaintes portées et je me dis, dans le fond, qui que ce soit, "des informations erronées données par le personnel du scrutin", quand bien même vous feriez enquête et que vous constateriez que c'est vrai, cela va être quoi le correctif, à partir du moment où elles ont été émises?

Que ce soit le président de l'Assemblée nationale, le Protecteur du citoyen qui donne des avis en disant qu'il ne faut plus que cela se produise ou le DGE lui-même avec du personnel élargi, on ne corrige rien. Le retard à traiter une déclaration de candidature parce que le directeur de scrutin manquait de formules d'accusé de réception, dans la perspective où c'est exact et qu'il y a bel et bien eu retard,

quel sera le geste correctif? Je prétends qu'il n'y en a qu'un. C'est de toujours lui donner de la visibilité publique afin que le législateur s'arrange pour que ses mandataires, à quelque niveau que ce soit, prennent tous les moyens pour que si jamais il se produit quelque chose, ce soit autre chose pour la future élection que ce qu'on a noté qui n'avait pas de bon sens à la présente élection.

C'est pour cela que - j'arrive concrètement à ma question - dans certains domaines de gestion publique, des contrôles a posteriori, je ne trouve pas que c'est inutile. Même que - je ne sais pas quel brillant a sorti cela aux États-Unis - c'est peut-être l'avenir de toutes les gestions modernes. C'est vraiment l'avenir des administrations modernes qui sont conscientes qu'il faut faire des contrôles. Parfois, c'est seulement l'effet de bien les dévoiler et de dire: Ce qui s'est passé n'a pas de bon sens, il ne faudrait plus que cela se passe.

Dans ce contexte, si vous aviez la même vision - c'est ma question - ne croyez-vous pas que, dans le fond, la solution de rester au DGE, mais non pas avec une dénonciation mais avec une analyse détaillée des circonstances entourant les faits que vous avez observés, comme Protecteur du citoyen, qui seraient colligés dans un rapport obligatoirement déposé, est-ce que cela n'aurait pas le même effet que toute autre suggestion?

M. Jacoby: Vous avez raison de dire que, par rapport aux types de plaintes que nous avons reçues, dans la plupart des cas, il aurait fallu utiliser une éventuelle clause omnibus pour parer à certaines situations. Les exemples, je les donnais tout simplement parce que ce sont les plaintes que nous avons reçues. Il est certain que, pour la plupart d'elles, j'aurais dû conclure qu'il n'y avait rien à faire dans des dossiers comme cela.

Cependant, parmi celles qui ont été énoncées là, le fait de... C'est une façon de travailler chez nous, en tous cas. La question de l'accusé de réception, on n'avait pas de formule. Les formules sont prescrites par le directeur des élections. Je ne considère pas que c'eût été illégal - enfin, j'aurais fait ma recommandation en ce sens - que le directeur du scrutin rédige d'une manière manuscrite la formule suivant les formules remplies qu'il avait déjà mais qu'il n'a pu utiliser. Dans la mesure où cela reproduisait mot pour mot un accusé de réception, je ne pense pas que cela aurait fait outrage ou un accroc aux principes qui sous-tendent la Loi électorale. Cela devient trop sacramentel. Notre rôle est de dire, dans certains cas: II faut prendre les choses. Il faut éviter que des abus ne se commettent. Mais aussi, prenez une solution qui répond aux besoins et qui ferait en sorte qu'un droit ne se perdrait pas. C'est un exemple.

Vous savez comment cela fonctionne dans les administrations. Je suppose qu'en période électorale, l'organisation du bureau du directeur général marche à la vapeur. Ce qu'on constate, c'est qu'il y a des erreurs commises. Quand les gens savent qu'il n'y a pas de recours ou que c'est trop long... Le directeur général lui-même n'est pas informé de tous les problèmes qui se posent. Il a le pouvoir de faire enquête mais encore faut-il qu'il soit informé. Il arrive des fois, comme dans toute administration, que la personne qui a le pouvoir de faire enquête ne soit pas informée. Il y a toutes sortes de choses comme cela. Cela peut être des informations erronées, des abus de langage. Cela peut être un paquet de choses sur lesquelles nous intervenons à l'occasion. Cela peut être des délais.

Ce que je voudrais ajouter, c'est que dans la mesure où on donnerait en plus, suivant la proposition du comité de travail, une clause omnibus qui permet d'adapter la loi - donc de changer la loi à toutes fins utiles - compte tenu de certaines circonstances, situations d'urgence, enfin différents éléments qui sont... On a comme exemple la loi fédérale. Il faut bien réaliser une chose, c'est que, d'une part, c'est un pouvoir absolument exorbitant, nécessaire mais exorbitant, extrêmement délicat: on donne à une personne le pouvoir de changer une loi, parce qu'on est dans une période courte, qui est une période électorale, pour l'adapter aux circonstances. Déjà, il y a l'exercice d'une discrétion; des gens vont demander, bien sûr connaissant la clause omnibus, bien sûr ce sera connu, des gens vont demander... Devant telle affaire, on va demander au personnel du directeur général, au directeur général, d'adapter leur rôle aux circonstances. Dans le brouhaha d'une période électorale, il peut très bien arriver que des dossiers ne soient pas réglés parce qu'il y a trop de demandes ou parce que la discrétion a pu être mal exercée et on n'a pas donné suite. Avec une clause comme celle-là, vous risquez d'avoir encore plus de plaintes de citoyens qui se verront dire par le bureau du Directeur général des élections: Non, on ne modifiera pas la loi pour régler votre cas, à tort ou à raison.

Deuxièmement, la personne va dire: Oui, on a donné un pouvoir au directeur, mais qu'est-ce que cela donne? On va encore être pris avec le même problème. Au moins, le Protecteur du citoyen pourrait, dans les cas d'urgence et s'il reçoit une plainte ou s'il la prend, parce qu'il peut agir de sa propre initiative, vérifier dans quelle mesure on a donné suite à des situations pour corriger des injustices.

Je pense que la venue d'une clause omnibus peut nous mettre dans des situations où il faudrait, toujours en préservant l'indépendance du Directeur général des élections et de son personnel, avoir une espèce de droit de regard qui ferait en sorte que les droits puissent être toujours exercés pleinement. C'est cela.

M. Gendron: Je remercie le Protecteur du

citoyen. Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Marcil): Merci. Je reconnais le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Il me semble que dans le problème auquel on a à faire face, il manque un acteur et je pense à la Commission des droits de la personne. La Commission des droits de la personne a une responsabilité qui lui est dévolue par la loi. Parmi les libertés que la Commission des droits de la personne doit protéger, il y a - je les ai un peu en mémoire - la liberté d'expression à laquelle on peut assimiler le droit de vote comme étant une façon de s'exprimer. La Commission des droits de la personne a donc cette responsabilité de faire en sorte que personne, pour des raisons qu'elle identifie comme étant discriminatoires, ne soit privé de l'exercice d'une liberté quelconque. Est-ce qu'on comprend le lien, ce qui se passe? Et vous nous l'expliquez fort bien, comment voyez-vous la Commission des droits de la personne là-dedans? Parce que c'est un troisième acteur possible. Je verrais très bien qu'un votant âgé, par exemple, croyant qu'on lui a fait des difficultés parce qu'il est une personne âgée, puisse, au lieu de s'adresser au Directeur général des élections ou possiblement à vous, faire appel à Commission des droits de la personne et expose les raisons qui lui font croire que la commission devrait faire enquête, etc. et arriver à un certain nombre de conclusions. Avez-vous réfléchi à cela?

M. Jacoby: Je réfléchis tout de suite à cela. Je peux vous dire que la Commission des droits de la personne, de la manière qu'est faite la Charte des droits et libertés de la personne, n'a pas de pouvoir d'enquête en dehors des cas de discrimination. Donc, sur toutes les autres dispositions de la charte, la commission a le pouvoir de formuler des avis et de faire de la promotion des droits. À ce moment-là, je pense que les juridictions respectives des organismes peuvent être sauvergardées.

M. Doyon: Oui, mais je prends pour hypothèse le cas où une personne justement, pour une raison de condition sociale, d'âge, de sexe ou de race, se verrait faire des difficultés supplémentaires, enfin elle considérerait qu'elle doit faire face à des difficultés supplémentaires pour exercer son droit de vote. À ce moment-là, cette personne croirait qu'on fait preuve de discrimination à son égard et, à ce chapitre, ferait appel à la Commission des droits de la personne en disant: Voici, j'ai été victime de discrimination parce que je suis de race noire, par exemple, et je vous demande de faire enquête, etc. C'est là que je vois possiblement que tout le monde marche un peu sur les mêmes plates-bandes.

M. Jacoby: Là, je comprends très bien votre question. La Loi sur le Protecteur du citoyen et la Charte des droits et libertés de la personne sont ainsi faites que, lorsque le Protecteur du citoyen reçoit une plainte adressée par une personne sur le comportement d'un fonctionnaire ou d'une administration, plainte fondée sur des questions de discrimination au sens de l'article 10 de la charte, nous renvoyons systématiquement ces plaintes à la Commission des droits de la personne. C'est la situation qui prévaut actuellement. (13 heures)

M. Doyon: Et vous verriez cette situation se maintenir dans la proposition que vous nous soumettez.

M. Jacoby: Écoutez, vous me posez la question un peu à brûle-pourpoint. Je ne peux pas vous répondre maintenant. Il y a deux choses. Il faut maintenir la juridiction de la commission, ses pouvoirs d'enquête sont pour les cas de discrimination, mais il y aussi l'argument du directeur général voulant qu'il ne faille pas qu'il y ait de tiers dans le portrait. S'il y a plusieurs tiers dans le portrait par rapport à une plainte, cela peut poser des problèmes. Je ne suis pas en mesure de vous répondre comme cela, mais je dis qu'il y a des problèmes qu'il faudra examiner.

M. Doyon: Un deuxième point, très brièvement, avec votre permission, M. le Président. Évidemment une intervention possible de votre part pour permettre l'exercice du droit de vote selon certaines conditions qui seraient respectées par tout le monde implique que vous auriez juridiction sur des fonctionnaires, entre guillemets, qui seraient nommés par le Directeur général des élections. Mais qu'en est-il, par exemple, des élections qui se tiennent à un autre niveau et qui pour les gens qui votent et qui se présentent aux élections sont aussi importantes que celles qui nous amènent ici à l'Assemblée nationale? Je pense au niveau municipal, par exemple, puisqu'il y a des élections à ce niveau. Les gens qui votent, les gens qui se présentent et les gens qui exercent ce droit d'être candidats ou de choisir leur représentant ont droit au même genre de protection. Est-ce que vous ne voyez pas là un risque qu'il y ait deux types de protection qui soient accordés: un type pour les élections qu'on considérerait importantes parce qu'on a un pouvoir de légiférer, donc on protégerait cela comme il faut et on laisserait les autres pour compte?

M. Jacoby: Vous savez, je pourrais vous répondre là-dessus qu'il y a des anomalies actuellement en ce qui concerne la compétence du Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen, l'institution comme telle, enquête normalement sur les actes des personnes rémunérées par les fonds publics. En général, c'est cela.

Mais la loi fait en sorte que le Protecteur du citoyen, au moment où on se parle, ne fait enquête que par rapport aux ministères et aux organismes du gouvernement qui ne sont pas des sociétés d'État. Le Protecteur du citoyen, même si cela existe dans d'autres provinces, n'a aucune juridiction sur l'administration municipale. Je pense que c'est le corollaire actuellement. Je ne parle pas de cette question d'avoir juridiction en période électorale municipale. Si on devait changer éventuellement fa juridiction, ce serait autre chose, mais ce que je peux dire c'est que c'est certain que je dois reconnaître, comme Protecteur du citoyen, que le problème existe en matière municipale également et qu'éventuellement il faudrait pousser la réflexion et aller peut-être aussi loin que cela. Dans la mesure où il y a un contrôle ou un droit de regard plutôt sur les élections provinciales par rapport aux gestes ou aux omissions qu'aurait pu poser le personnel du Directeur général des élections, je pense qu'il faut aller plus loin que cela et avec une certaine logique appliquer aussi ce droit de regard pour les élections municipales. Cela m'apparaîtrait tout à fait logique parce qu'il s'agit encore de droits fondamentaux démocratiques.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Simplement pour remercier Me Jacoby de son témoignage ce matin. J'avoue franchement que les éléments d'information que vous nous avez fournis vont sûrement être très utiles aux législateurs au moment de devoir trancher cette question. Sûrement que demain, lorsque le Directeur général des élections viendra nous rencontrer, pour une première fois, parce que évidemment il sera associé de façon très constante à la deuxième étape de nos travaux, nous pourrons justement lui poser des questions qui pourront davantage nous amener à prendre la décision la plus éclairée possible. Merci infiniment.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup Me Jacoby. À titre d'information cet après-midi, vu que le Crédit social uni ne se présentera pas, la modification est la suivante: à 15 heures nous entendrons le Mouvement socialiste; à 16 heures le Forum des citoyens âgés; à 17 heures le Parti communiste du Québec et à 18 heures La belle province de Québec pour ajourner à 19 heures. Vous êtes d'accord avec cela. Nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

(Reprise à 15 h 12)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous poursuivons nos travaux de consultation concernant la révision de la Loi électorale.

Nous allons entendre, comme premier groupe, le Mouvement socialiste, représenté par M. Germain Gauvin, chef, de même que M. Marcel Pepin, membre. Nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. Vous avez 20 minutes pour faire votre exposé qui sera suivi d'une période de questions. Allez, on vous écoute.

Mouvement socialiste

M. Gauvin (Germain): Merci, M. le Président. Bonjour, MM. les députés de l'Assemblée nationale. M'accompagne effectivement M. Marcel Pepin, professeur en relations industrielles à l'Université de Montréal. Vous m'excuserez aussi pour ma voix un peu maganée, les cours sont commencés au cégep et on en a déjà donné cinq heures aujourd'hui.

Je vais donc faire une brève lecture du rapport. Disons que, quand on a préparé ce mémoire, on a toujours gardé à l'esprit de le présenter en fonction de la prespective de démocratisation et d'accessibilité au processus électoral.

Un mode de scrutin proportionnel. Je sais que ce n'était pas comme tel dans les recommandations du comité de travail, mais pour nous, il nous semble qu'on ne peut passer à côté d'une réforme ou d'une révision de la Loi électorale sans parler de mode de scrutin. C'est quelque chose de fondamental. Il nous semble difficile, voire même presque impossible de parler de révision et de réforme électorale au Québec sans toucher au point central du processus électoral lui-même, soit le mode de scrutin. Dans le volumineux rapport intitulé "Document de réflexion et de consultation sur la révision de la Loi électorale", l'idée qui revient tout au long de l'analyse et qui, en définitive, justifie les modifications proposées à la Loi électorale est ce souci constant que l'on a de vouloir accroître la vie démocratique au Québec par une plus grande participation électorale, par exemple, et également par la mise en place d'un meilleur encadrement législatif et administratif.

Or, laisser tomber toute modification au mode de scrutin actuel dans la présente réforme nous semble venir ici contredire quelque peu cette idée directrice qui sillonne l'ensemble du document.

Un des arguments utilisés pour ne pas en tenir compte ou pour laisser tomber toute modification est le fait que le Québec n'est pas le Nouveau-Brunswick et en conséquence, il n'est pas possible qu'au Québec on ait un jour à vivre avec une Assemblée nationale sans opposition. En bref, il n'y aurait pas de danger pour que l'on se

retrouve un jour au Québec avec 122 députés libéraux sur 122 à l'Assemblée nationale. Je dis libéraux parce que, même actuellement, en regardant les sondages... En tout cas, il y a même des possibilités qui s'annoncent.

Une voix: Elles ne sont pas sûres!

M. Gauvin (Germain): Ce n'est pas sûr... Pourtant, nous n'étions pas très loin en 1973, et vous vous en souvenez, avec une députation libérale d'environ 95 % à l'Assemblée nationale.

Il est également pertinent de faire remarquer qu'à d'autres niveaux de représentation, nous n'y sommes pas très loin. Au fédéral, par exemple, dans les dernières décennies, à l'exception des quatre dernières années, le Québec était représenté par une députation presque exclusivement libérale à Ottawa. Au niveau municipal, nous avons présentement à la ville de Montréal 56 conseillers sur 58 qui proviennent du parti du RCM, un conseiller provient du Parti civique et un autre siège comme indépendant. Ils alternent eux autres, là.

M. Pepin (Marcel): Cela a été fait avant-hier.

M. Gauvin (Germain): Ce n'est pas très reluisant comme portrait. Pourtant, lorsque nous regardons le pourcentage des votes que la population accorde à ces différents partis politiques, nous constatons que nous sommes loin d'être aussi unanimes. Comme situation de vie démocratique, de qualité de vie démocratique, nous pouvons facilement trouver mieux. Des distorsions de cet ordre pourraient être facilement éliminées en introduisant une proportionnelle.

La peur de l'innovation, d'une dynamique démocratique plus complexe, peut-être également d'un consensus plus difficile à obtenir à l'Assemblée, puis toujours cette vieille peur de l'instabilité gouvernementale ne doit jamais l'emporter sur l'esprit d'innovation, sur la capacité d'adaptation et de progrès de la population québécoise, sur la réalisation d'une démocratie plus grande à l'Assemblée nationale.

Pour avoir des assemblées plus représentatives de la volonté populaire, plus respectueuses des aspirations de la population et de ses désirs, bref plus démocratiques, il ne faudrait pas hésiter à utiliser les outils les plus appropriés pour y parvenir. Dans les circonstances, cela signifie qu'il nous faut opter pour un mode de scrutin proportionnel. Une vie démocratique plus effective, plus réelle à l'Assemblée nationale passe par ce choix fondamental.

Certes, le système actuel fonctionne sans trop de heurts. Il ne faudrait toutefois pas qu'à défaut de modifier d'ici peu les règles actuelles on ait l'imprudence de resserrer les exigences de la loi actuelle et ainsi réduire l'espace de liberté. Nous risquerions d'empêcher des courants de pensée de se faire voir et également de se faire valoir. En conséquence, le Mouvement socialiste s'oppose à toute nouvelle règle qui ajoute des obstacles à la reconnaissance des partis politiques.

Déclaration de candidatures. Nous ne pensons pas qu'il y ait un lien direct entre le fait de faire peu de dépenses lors d'une campagne électorale et d'être sérieux ou non comme organisation politique ou comme candidat ou candidate lors d'une élection. Si les partis politiques qui ont présenté des candidats lors des dernières élections n'ont pas ou ont peu dépensé, c'est qu'ils n'en avaient tout simplement pas les moyens. Précisons que pour plusieurs d'entre eux, ils en étaient à leur première expérience. Je dis cela parce que, lorsqu'on lit le document qui nous a été remis, à mon avis, on fait référence au fait que peu de dépenses signifient peu sérieux et je suis loin d'être convaincu de cela.

La proposition du comité de travail d'exiger un dépôt de 250 $ remboursable, pour éliminer les candidatures peu sérieuses ou marginales, ne tient pas. Pour une personne qui a un bon travail ou un bon commerce, 250 $ c'est bien peu, mais pour une personne qui n'a ni travail ni commerce, 250 $ c'est énorme et, de ces personnes, il y en a beaucoup au Québec. Cette contrainte peut à elle seule éliminer bon nombre de candidats ou de candidates lors d'une élection. Au lieu d'accroître et de faciliter la participation électorale, comme on l'espère, cette recommandation de dépôt en limiterait grandement l'accès. Il est inacceptable qu'une loi aussi fondamentale que la Loi électorale limite la liberté de parole et d'expression d'une partie de la population.

Le Mouvement socialiste s'oppose donc à ce qu'on modifie à la hausse les exigences de la loi actuelle pour permettre à une personne de se présenter comme candidat ou candidate à une élection. Ce serait un retour en arrière qui n'est pas justifié. Lorsque l'Assemblée nationale a fait disparaître le dépôt comme contrainte dans la loi, c'est parce qu'elle considérait cette contrainte comme étant antidémocratique. La ramener aujourd'hui ne la rend pas plus acceptable ni plus démocratique.

Autorisation d'un parti politique. À la lecture du document, nous sommes tentés de conclure, comme pour la déclaration de candidature, que parce qu'une organisation politique est petite, elle est de ce fait peu sérieuse. Pourtant, si nous essayons de mesurer le sérieux des organisations politiques à partir du respect ou non de la Loi électorale, nous constatons qu'à l'élection de 1985, de petites comme de grosses organisations se sont avérées sérieuses et respectueuses de la loi. Bien sûr, de petites comme de plus grosses contraintes l'ont été beaucoup moins quand on se réfère au rapport de 1986 du bureau du Directeur général des élections.

Il est rare qu'une idée triomphe du jour au lendemain. Il est donc normal qu'une organisation

qui propose des idées nouvelles mette du temps à grandir et à prendre beaucoup de place. Tout cela pour dire qu'une organisation même petite, même marginale peut être sérieuse.

Il va sans dire que, pour ces raisons, le Mouvement socialiste est contre la proposition du comité de travail sur cette question. Augmenter le nombre de candidatures de 10 à 20 pour être reconnu parti politique n'éliminera nullement ce qu'on cherche a éliminer. Nous sommes d'autant plus contre cette proposition qu'elle aurait un effet néfaste sur la liberté d'expression, allant sans doute jusqu'à empêcher la naissance d'organisations politiques nouvelles.

Pour le Mouvement socialiste, cette proposition de changement est un retour en arrière inacceptable. Nous ne devons en aucune façon augmenter les exigences de la loi à ce niveau; les exigences actuelles, quand on les respecte, sont bien suffisantes. N'oublions pas que, si une organisation n'est pas reconnue comme parti politique, son droit d'intervention en période électorale est très limité. Un des objectifs de la révision de la Loi électorale est d'atteindre une participation accrue au processus électoral.

Financement des partis politiques. Comme pour la reconnaissance des partis politiques, nous pensons qu'un minimum d'exigences doit être prévu dans la loi pour le financement des partis politiques. En ce sens, la proposition d'ouverture du comité de travail sur le financement des tiers partis est intéressante. Toutefois, la formule que la comité de travail propose nous semble trop restrictive et risque de n'avoir aucune application. Si l'on prend, par exemple, les résultats de la dernière élection et qu'on applique la proposition du comité avec un seuil de 3 %, aucun des tiers partis ne se serait qualifié pour du financement. Pour donner une possibilité réelle aux tiers partis d'avoir accès au financement des partis politiques, nous pensons qu'il faut réduire davantage les exigences de la loi.

Au Mouvement socialiste, nous avons deux recommandations à faire à ce sujet: premièrement, qu'un seuil de 2 % des votes au niveau national soit fixé pour être admissible au financement - et si je fais un calcul approximatif, cela veut dire à peu près, pour 75 000 à 80 000 votes, 700 par comté, si je ne me trompe pas - deuxièmement, retenir comme critère d'admissibilité l'hypothèse 2 parmi les quatre formulées par le Secrétariat à la réforme électorale, à savoir un seuil limité et fixé aux alentours de 5 % dans le nombre minimal de circonscriptions requis pour l'autorisation d'un parti politique.

Vote des Québécois hors Québec. En principe, nous sommes d'accord avec cet ajout à la loi. Dans un monde qui est de plus en plus interdépendant, les citoyens des pays sont amenés à se déplacer et à séjourner à l'étranger beaucoup plus souvent qu'autrefois. Pensons au personnel diplomatique, aux travailleurs et aux travailleuses spécialisés, aux chercheurs, aux chercheuses, aux étudiants et aux étudiantes. Toutefois, il nous semble que cette ouverture doit être suffisamment bien encadrée pour ne pas permettre à des personnes, qui ne sont plus des Québécois dans les faits, de venir décider de nos politiques et du choix de nos dirigeants. Ici, je pense surtout aux Québécois hors Québec, mais vivant au Canada. Le mémoire dit bien que ce ne sera sans doute pas facile d'avoir un mécanisme pour un vote de ces gens-là; donc, il nous semble, en tout cas, qu'à ce chapitre, il va falloir être très prudents.

Vote par anticipation et par procuration. Ce qu'on cherche ici est une participation maximale des citoyens et des citoyennes, quelle que soit leur condition, à l'élection. La Loi électorale doit faire en sorte qu'un maximum de personnes puisse exercer son droit de vote lors d'une élection. Au Mouvement socialiste, nous sommes favorables à ce qu'on facilite le vote par anticipation, sans toutefois tomber dans la facilité, en augmentant le nombre de jours de vote par anticipation, par exemple. Nous serions d'accord également avec des bureaux de vote situés à des endroits stratégiques le jour du scrutin général: hôpitaux, centres d'accueil, écoles, afin de faciliter le vote des personnes dont l'autonomie est réduite.

Pour ce qui est du vote par procuration, nous sommes contre, pas seulement parce qu'il ne fait pas partie de nos traditions, mais surtout parce qu'il ne peut y avoir, selon nous, pour chaque citoyen et citoyenne, un vote et rien qu'un vote. Après avoir facilité le vote par anticipation, après avoir facilité également un choix plus judicieux des bureaux de scrutin, il est fort probable qu'on ait réduit passablement le nombre de personnes ne pouvant aller voter. Si cela n'est pas suffisant, nous pensons qu'il est possible de mettre en place un ou des bureaux de scrutin itinérants qui auraient pour tâche de faire voter les personnes souffrant d'incapacité ou ne pouvant se déplacer pour voter. Cela nous semble faisable, en 1988, sans que les coûts d'une telle opération soient trop élevés et en respectant jalousement les règles du vote secret.

Le temps d'antenne. Lors de la dernière campagne électorale, toute cette question du débat des chefs et du temps d'antenne gratuit avait fait l'objet d'une controverse. Les notions de chef et de dépenses électorales étaient loin de faire l'unanimité. La proposition du comité de travail sur la révision de la Loi électorale clarifie la question en proposant d'exclure les débats entre chefs de l'application de l'article 427 de la Loi électorale et de la notion de dépenses électorales. Le mouvement est d'accord avec cette proposition, mais tient toutefois à spécifier que l'expression "débats entre chefs" doit inclure minimalement tous les chefs dont les partis politiques sont admissibles au financement.

Vote des malades mentaux. Nous ne voyons pas de problème, pour la vie démocratique québécoise, dans le fait de permettre le droit de vote,

qui est actuellement interdit par la loi, aux malades mentaux. Le moins d'interdits possible nous semble, encore ici, la voie à privilégier. Pour autant que les personnes soient capables de rendre à terme toute la démarche élective de façon autonome et par elles-mêmes, nous ne voyons pas de raison de leur interdire ce droit fondamental. Il ne s'agit pas ici de faire voter, avec l'aide d'une autre personne, un individu qui ne fonctionne pas par lui-même. C'est pourquoi nous recommandons de modifier la loi actuelle afin de donner le droit de vote aux malades mentaux qui, par eux-mêmes et de façon autonome, peuvent rendre à terme l'exercice de ce droit.

Pour ce qui est des contributions, présentement la Loi électorale prévoit la contribution maximale d'un électeur ou d'une électrice au financement des partis politiques, à 3000 $ par année. Quelle que soit la façon dont est distribué ce montant, à un ou plusieurs partis politiques, le montant maximal est de 3000 $. Au mouvement, nous pensons que ce montant est assez substantiel et nous recommandons de garder sur cette question le statu quo. D'ailleurs, peu de personnes, jusqu'à ce jour, contribuent au maximum permis.

Nous nous opposons cependant à la proposition du comité de travail qui recommande de changer la formule de contribution, à savoir d'un maximum de 3000 $ qu'un électeur peut verser aux partis politiques à celle d'un maximum de 3000 $ qu'un électeur peut verser par parti politique. Ce serait faire l'affaire de quelques-uns et cela nous semble inacceptable en démocratie.

Pour ce qui est des rapports financiers consolidés, pour une plus grande transparence et pour faciliter, à l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec, la lecture des états financiers des partis politiques, le mouvement est d'accord avec cette proposition de présenter les états financiers des partis politiques à partir de la formule de rapport financier consolidé.

Un dernier point: les sondages. C'est une question qui préoccupe bon nombre de Québécois et de Québécoises. Pour certains, la publication de sondages en période électorale fausse les jeux de la démocratie; pour d'autres, des sondages de dernière minute peuvent également fausser les règles en place et ainsi favoriser un parti au détriment d'un autre; pour d'autres encore, un maximum d'informations honnêtes est en tout temps préférable. Il nous semble qu'il est de loin préférable de faire connaître à l'ensemble de la population toutes les informations existantes, plutôt que de les laisser entre les mains de quelques spécialistes. Les Québécois et Québécoises seraient mal servis si l'on décidait un jour d'interdire les sondages en période électorale. Au Mouvement socialiste, nous sommes convaincus qu'un maximum d'information est en tout temps un atout majeur pour la démocratie.

Voici, en résumé, nos recommandations: que l'on remplace le mode de scrutin actuel par un mode de scrutin au vote proportionnel et que toute cette opération se fasse en lien très étroit avec la population et, évidemment, avec son accord; que l'on rejette la proposition du comité de travail sur la révision de la Loi électorale en ce qui a trait à la déclaration de candidature et le mouvement propose que l'on maintienne, sur cette question, le statu quo; que l'on rejette également la proposition du comité de travail sur l'autorisation d'un parti politique et que l'on maintienne également sur cette question le statu quo; qu'un seuil de 2 % des votes au niveau national soit fixé pour qu'un parti politique soit admissible au financement; de retenir comme critère d'admissibilité l'hypothèse no 2 parmi les quatre formulées par le Secrétariat à la réforme électorale, à savoir un seuil limité et fixé aux alentours de 5 % dans le nombre minimal de circonscriptions requis pour l'autorisation d'un parti politique; que l'on donne aux Québécois et Québécoises hors Québec le droit de vote, en s'assurant toutefois d'un encadrement rigoureux pour l'exercice de ce droit; que l'on facilite le vote par anticipation en augmentant le nombre de jours, par exemple, et que la journée du scrutin général on fasse un choix judicieux des bureaux de scrutin pour faciliter la votation aux personnes dont l'autonomie est réduite; que l'on rejette le vote par procuration et qu'on envisage, à la place, des bureaux de scrutin itinérants pour permettre à tous et à toutes d'exercer leur droit de vote; que l'on modifie la loi actuelle afin de donner le droit de vote aux malades mentaux qui, par eux-mêmes et de façon autonome, peuvent rendre à terme l'exercice de ce droit; que l'on présente les états financiers des partis politiques à partir d'une formule de rapport financier consolidé et, finalement, que l'on rejette l'idée de réglementer les sondages en période électorale. Voilà, M. le Président, le contenu du rapport. (15 h 30)

Le Président (M. Marcil): Je vous remercie beaucoup, M. Gauvin. Maintenant je vais reconnaître M. le ministre délégué à la Réforme électorale. Mme la députée de Groulx, excusez-moi.

Mme Bleau: Bonjour messieurs, je vous remercie de nous avoir présenté un mémoire aussi bien fait. Le Mouvement socialiste est plutôt favorable au vote des Québécois hors Québec pour autant qu'ils soient toujours Québécois, je pense. Est-ce bien cela? Alors, pour vraiment cerner la clientèle admissible, est-ce qu'on va se fier à la durée de l'absence, au maintien d'un domicile au Québec, au lien fiscal, ou à tous les trois en même temps?

M. Gauvin (Germain): Dans le document, on parlait d'une question de temps. On parlait de cinq à dix ans, si je ne me trompe pas, quand on faisait référence aux votes des Québécois hors Québec: Tu restes Québécois ou tu restes ci-

toyen, mais tu es à l'extérieur. Je pense que dans le temps, il faut le limiter effectivement. Quelqu'un qui est parti d'ici depuis dix ans, en tout cas je trouve cela beaucoup trop long. Je pense que, dans le temps, cinq années seraient le maximum à ce chapitre-là. Pour ce qui est des autres contraintes qu'on pourrait effectivement mettre... Un lieu de résidence est une contrainte supplémentaire. Mais tout ce que je peux dire à ce chapitre-là, c'est qu'il faut s'assurer que ce ne soient pas, par exemple, des gens qui habitent Toronto depuis huit ans qui puissent faire le choix de nos dirigeants et de nos politiques. C'est de cela que j'ai un peu peur. Dans l'histoire du Québec, si ma mémoire est bonne, on a vécu des déplacements de population assez importants dans des laps de temps assez courts. Dans les années soixante-seize, je pense que tout le monde sait qu'il y a eu au Québec un déplacement de population vers les autres provinces, de 100 000, 150 000, 200 000 personnes. Est-ce qu'à l'intérieur de cinq ans on leur donne le droit de vote? Je trouve que c'est une question très très très délicate. Je pense que c'est plus facile pour les Québécois qui sont à l'étranger, en dehors du Canada, de mettre en place un mécanisme pour donner le droit de vote tant à ces gens que pour ceux qui vivent au Canada.

Mme Bleau: À ce moment-là, est-ce qu'on leur donne le droit de vote par courrier? Comment voulez-vous qu'on procède: par courrier, par procuration ou par le biais des ambassades, des maisons du Québec?

M. Gauvin (Germain): Les ambassades et les maisons du Québec.

Mme Bleau: Dans le contexte où l'État veut apporter une certaine aide aux petits partis politiques, je pense qu'il devient nécessaire qu'on s'assure que ces partis-là soient sérieux. On a vu, lors des dernières élections, que certains des petits partis n'étaient pas tous sérieux. Dans cet état d'esprit, pour atteindre les objectifs visés, pour donner le plus de démocratisation à notre appareil et éviter des abus en même temps, quelle sorte de formule nous proposez-vous pour nous assurer vraiment que les partis sont admissibles à l'aide de l'État et sérieux en même temps?

M. Gauvin (Germain): Je ne pense pas qu'il y ait de formule miracle. Ce que l'on a à l'intérieur de la loi actuelle - et c'est pour cela d'ailleurs que nous préférons garder actuellement le statu quo sur l'autorisation d'un parti politique, au niveau des candidatures... À mon avis il n'y a pas de formule toute trouvée pour cela. À la lecture du rapport, je me disais que ce que l'on y signifie est souvent à propos, mais je ne voyais pas, dans les suggestions qui étaient faites et, par la suite, dans les recommandations du comité, comment on voulait, en revoyant la loi, faire en sorte d'éliminer des organisations ou des partis politiques que l'on dit peu sérieux. J'en ai un à l'esprit: un parti politique a réussi, en 1985, à présenter au-delà de 100 candidatures. Personne n'avait entendu parler de cela et, tout à coup, comme un cheveu sur la soupe arrivent 100, 105, 108, 110 candidatures. C'est extraordinaire.

Comment éviter cela? Je n'ai pas de solution miracle. Je préfère le moins d'interdits possible à ce niveau-là. C'est pour cela d'ailleurs que je préférerais qu'on s'en tienne au statu quo sur ces questions-là, à savoir pas d'augmentation de contraintes majeures, d'autant plus qu'il me semble que si on avait une proportionnelle dans ce mode de scrutin-là, on corrigerait en partie les problèmes que l'on soulève.

Mme Bleau: Quant au vote par procuration, j'ai bien compris par votre mémoire que vous êtes absolument contre en disant: Une personne, un vote.

M. Gauvin (Germain): Oui.

Mme Bleau: Ne trouvez-vous pas justement que la procuration permettrait vraiment qu'il y ait "une personne un vote" en donnant la chance aux personnes qui ne peuvent pas venir voter de se faire représenter?

M. Gauvin (Germain): Si je comprends bien ce que signifie un vote par procuration, c'est de faire voter quelqu'un d'autre à sa place. C'est pour cela d'ailleurs qu'on pense qu'il est envisageable - et peut-être qu'on devrait s'y pencher davantage - au lieu de faire voter par procuration, d'avoir des bureaux de scrutin que j'ai appelés "itinérants", tout en respectant, comme je l'ai dit également, le secret du vote, toutes les autres contraintes, etc. Je privilégierais cette ouverture plutôt que celle du vote par procuration. Probablement qu'on pourrait demander au bureau du Directeur général des élections de voir si c'est une chose faisable, si cela se fait ailleurs et si on y a déjà pensé. J'ai lu brièvement dans le journal que le Parti québécois pariait également de vote par bureau itinérant. Je pense que je privilégierais cette formule à celle du vote par procuration.

Mme Bleau: Même si en Ontario et ailleurs, au gouvernement fédéral, on a prouvé par les élections passées qu'il n'y avait pas de choses vraiment inadmissibles qui se passaient malgré le vote par procuration, vous êtes contre cette idée au Québec.

M. Gauvin (Germain): Oui.

Mme Bleau: Quand vous parlez de bureaux de scrutin dans des endroits stratégiques, pensez-vous, entre autres, qu'on devrait installer

des bureaux de scrutin dans les "conciergeries", dans les HLM ou dans ces endroits pour les personnes âgées? Verriez-vous ça d'un bon oeil?

M. Gauvin (Germain): Je pense qu'on devrait aller là. Cependant, je dis toujours qu'il faut faire en sorte qu'on ne puisse, en aucun moment, être capable de dévoiler le vote des gens. Si on met des boîtes de scrutin dans les centres d'accueil, il s'agit de faire attention pour qu'on soit capable effectivement de...

Mme Bleau: Alors vous verriez ces bureaux pour autant que les gens autour puissent venir y voter. C'est comme ça?

M. Gauvin (Germain): Oui, et qu'il n'y ait effectivement pas uniquement...

Mme Bleau: Pas seulement à la maison.

M. Gauvin (Germain):... à la maison. Non, non, il faut s'assurer qu'il y ait plus de personnes que de gens à l'interne parce que ce serait, à mon avis, délicat à ce moment-là et même dangereux.

Mme Bleau: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée de Groulx. Je vais maintenant reconnaître M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: M. Gauvin et M. Pepin, je veux vous remercier d'avoir profité de l'occasion qui vous était offerte pour venir exprimer votre point de vue sur des questions toujours importantes dans une saine démocratie. On ne touche pas à la Loi électorale à tout bout de champ, mais, quand on décide de la modifier, je pense que le secrétariat a quand même accompli un travail d'envergure. Vous avez eu le mérite de toucher les principaux sujets sur lesquels il est toujours intéressant de recevoir un éclairage, dans la perspective où ce n'est pas parce qu'on est dans le domaine qu'on n'a pas besoin du point de vue des gens un peu plus à l'extérieur ou un peu moins près de la forêt et dans ce sens, je pense que votre contribution est positive et significative. Votre mémoire est quand même articulé et étoffé et, sur certains points de consensus, il y a des choses qui sont effectivement reprises autant par vous que par d'autres. À d'autres égards par contre, vous avez des points de vue particuliers. Je veux vous remercier pour la production de votre mémoire.

Quelques commentaires. Je pense qu'il était quand même pertinent qu'un parti comme le vôtre, et surtout par rapport au sujet qu'on touche, revienne encore une fois sur la question du mode de scrutin. Même si le leader du gouvernement et ministre délégué à la Réforme électorale a été on ne peut plus clair en prétendant que ce n'est pas le moment de toucher à cette question et que cela ne fera pas partie comme tel de notre réflexion, il a quand même indiqué à tous les organismes qui voulaient en parler et faire des suggestions de le faire, et c'est ce que vous avez fait. Je veux seulement vous dire, en ce qui concerne le mode de scrutin, que j'ai la même conviction que vous que, compte tenu des régions très dispersées du Québec et de plusieurs autres facteurs dont le phénomène de distorsion qui existe quant au vote, l'inscription d'une forme de proportionnelle est une idée qui devrait toujours être présente dans n'importe quelle réforme. Vous l'avez mentionné: "Laisser tomber toute modification au mode de scrutin dans la présente réforme nous semble venir ici contredire cette idée directrice qui sillonne l'ensemble du document de consultation. "

À cet égard, vous avez raison de dire qu'il y a un peu de contradictions, parce que le mode de scrutin c'est quand même le premier élément du processus électoral, en tout cas un élément majeur, capital. On a noté depuis plusieurs années toutes sortes de distorsions. On ne peut pas avoir le discours de faciliter l'accès à des tiers partis ou à des partis autres et ne pas avoir un ajustement pour sortir un peu du bipartisme. Il y a d'autres choses qu'il faut faire pour sortir du bipartisme, mais je pense que cet élément est important.

Je ne vais pas plus loin. Je suis d'accord avec ce que vous suggérez. Il y aura peut-être lieu de vous demander tantôt un peu plus de précision quant au mode précis de proportionnelle que vous suggérez, quel type de proportionnelle. Il y en a plusieurs. Sans faire une préparation sur le coin de la table d'un mode de scrutin, il y a peut-être quelques grandes pistes intéressantes que vous pourriez nous suggérer.

Je vais y aller tout de suite avec les questions que je veux vous poser. Sur la déclaration de candidature, je vous avoue qu'à part de dire que cela ne serait plus ce qui a déjà été, selon mes critères, vous n'êtes pas tellement convaincants, d'autant plus que je ne suis pas sûr que vous ayez vu que ce n'est pas un dépôt comme avant où on exige un dépôt et que les chances que le candidat ou la candidate le retrouve sont nulles. Là, c'est un dépôt qui est remis automatiquement à la fin, mais qui permet d'avoir un minimum d'exigences par rapport à ce que j'appellerais un peu de contrôle pour le DGE.

Je ne veux pas porter de jugement et dire si les candidatures sont farfelues ou non. Je veux juste dire qu'il me semble que c'est aussi altérer le sens du processus démocratique et la signification de la portée d'une élection que de n'avoir à peu près aucun critère - n'importe qui qui veut se présenter se présente - et sachant qu'ici la formule que le comité semble vouloir retenir... Mon idée n'est pas tellement arrêtée, mais je croyais que c'était logique de dire qu'on ne revient pas à la formule du dépôt pour avoir un peu plus de consacration du principe des chances

égales. Mais le dépôt dont on parie est un montant d'argent qui va être récupéré dès que la personne aura produit les informations pertinentes pour comptabiliser un minimum d'éléments pour le DGE sur les candidatures. Aujourd'hui, je connais plusieurs personnes qui ont rapidement la capacité d'avoir les 200 $ ou les 250 $ pour des gestes bien moins significatifs que de se présenter à une élection. J'ai de la misère à être très compréhensif au discours qui dit que cela n'a pas de bon sens parce qu'on élimine beaucoup de gens qui ne seront pas capables de faire le dépôt, alors que pour à peu près n'importe quoi d'autre, ils trouveront bien les moyens d'avoir 200 $ pour "bargainer" une fin de semaine de je ne sais trop quoi, sur quel sujet. Il me semble que vous avez grossi l'affaire et je voulais juste poser deux questions rapides. Premièrement, saviez-vous que le montant est remboursable? Vous le saviez?

M. Gauvin (Germain): Oui.

M. Gendron: Ah! Vous le saviez. Ce bout est mentionné? Dans notre rapport c'est mentionné, mais dans votre mémoire? Oui?

M. Gauvin (Germain): Oui, oui. M. Pepin: Oui.

M. Gendron: D'accord. Alors, j'aimerais peut-être que vous soyez un peu plus longs là-dessus. Même si votre mémoire était assez clair, vous êtes contre parce que vous trouvez que c'est antidémocratique.

M. Pepin: Avec la permission de Germain, je pourrais dire quelques mots là-dessus. D'abord, je voudrais commencer avec le point que vous avez abordé, la proportionnelle. Cela me fait énormément de déplaisir, sinon de peine, de voir qu'on n'aborde pas cette question. Au cours de l'histoire, j'ai remarqué que quand on est dans l'Opposition, on est plus facilement en faveur. Quand on est au pouvoir, on a été élus avec un certain mode et on veut le maintenir, parce qu'on dit qu'on peut être réélus puisqu'on a déjà été élus. Vous savez, ce que vous avez dit, M. Gendron... Il n'y a pas tellement longtemps, vous étiez au pouvoir. Il me semble que cela aurait pu... Cela était d'ailleurs dans le programme du parti, à l'époque. Pour des considérations que je n'ai pas à examiner, vous ne l'avez pas fait. J'ai l'impression que l'attitude du leader du gouvernement et ministre responsable est de ne jamais trouver opportun, quand ils sont au pouvoir. Cela prendrait un effort assez considérable, un peu d'abnégation, dans le fond, pour dire: On va introduire un nouveau système. Mais pour la démocratie, c'est drôlement important. (15 h 45)

N'oubliez pas que lorsque vous êtes deux partis à l'Assemblée nationale, vous ne représentez pas l'ensemble de la population. Quand vous faites un vote sur des questions importantes - je vais me référer à une matière que je connais un peu, les relations de travail - vous adoptez une loi spéciale et vous dites aux travailleurs: C'est un vote unanime de l'Assemblée nationale. C'est vrai que c'est unanime à l'Assemblée nationale; cela ne veut pas dire que c'est unanime dans la population. Il me semble que c'est le politicolo-gue Vincent Lemieux qui, un jour, a eu une réflexion là-dessus en disant aux parlementaires et aux partis qui étaient là: Attention à vous autres. Parce que c'est unanime à l'Assemblée nationale, vous pensez peut-être que c'est toute la population qui est en arrière. Or, ce n'est pas toute la population qui est représentée à l'Assemblée nationale. Il y a des courants d'idées divergents. C'est pourquoi cela me fait non pas un peu mais beaucoup de peine de voir qu'on fait une révision de la Loi électorale et qu'on n'aborde pas substantiellement, quoique j'aie vu dans les rapports...

En passant, je l'ai dit à M. Gratton privément, je trouve que les documents de travail que nous avons eus sont des documents bien faits et qu'ils nous ont aidés à faire une certaine réflexion. Moi, je n'ai pas été habitué, je fais un retour à l'Assemblée nationale de ce côté-ci de la barre. J'ai vu des commissions parlementaires plus tumultueuses que celle d'aujourd'hui. Je pense bien que cela va continuer à être tranquille. Il reste que c'est un bon document de travail qui nous permet une réflexion, mais il me semble qu'on nous laisse l'ouverture dans le document de travail d'aborder ce problème de la révision de la Loi électorale en passant aussi par la proportionnelle. Nous avons déjà soumis à la commission Côté nos idées là-dessus. Peut-être que si cela n'est pas disponible pour l'instant, on pourra faire parvenir à tous les membres de la commission le mémoire que nous avions soumis au Directeur général des élections, M. Pierre-F. Côté, et vous pourrez voir un peu l'orientation que nous avions. Peut-être que nous pourrions changer d'idée quelque peu, mais en gros, il s'agit d'avoir une proportionnelle. Il y a toujours une prime au gagnant pour assurer qu'il n'y aura pas cette fameuse instabilité.

Je voulais à tout prix intervenir là-dessus et dire aussi que j'appuie entièrement ce mémoire. Sur le point précis que vous avez soulevé - la question du dépôt - je m'en réfère à mon expérience. J'ai été le président-fondateur du Mouvement socialiste. Je n'ai pas voulu continuer comme président parce que je ne voulais pas me présenter. Pourquoi? D'abord, j'avais peur d'être élu. Je le dis un peu à la blague, j'espère que vous comprendrez. Lorsque c'est un nouveau parti - et vous avez connu cela vous autres, eux autres n'ont pas connu cela parce que ce parti existe de toute éternité - vous avez connu au point de départ ce que cela prend pour fonder un parti. Vous avez eu de

petites réunions à quatre ou cinq dans le sous-sol d'une église, peu importe le nom de l'église, Saint-Pierre-Apôtre ou ailleurs, et vous savez combien c'est difficile. Si nous, à la dernière élection en 1985, nous avions eu à réunir 2500 $ pour présenter dix candidats, même en sachant que les 2500 $ vont revenir, on aurait eu un gros problème à trouver du monde et à les assurer qu'on va faire toute la "job" bien comme il faut, qu'il n'y aura pas de problème, que le Directeur des élections va approuver notre rapport financier de manière certaine. Les directeurs des élections sont sévères. Je connais la trésorière du mouvement. Je pense qu'elle fait bien les choses et que cela va assez bien; mais c'est assez pointilleux, je les comprends. Il y a un autre parti qui a eu un peu de difficulté; je ne sais pas si elles sont réglées, mais, pour ne pas le nommer, c'est le NPD provincial.

Alors, je pense que si vous revenez avec cette question de dépôt, ce n'est pas aussi simple que cela pour un assisté social d'aller voir son gérant de banque - quand il a une banque et un compte de banque - et de lui dire: Prête-moi donc 250 $, c'est purement temporaire. Je vais faire des élections, je vais me faire battre, je vais faire un bon rapport et ils vont me repayer. Je crois que, là-dessus, c'est une contrainte que je ne vous encourage pas à faire. Je vous demande de vous rappeler un peu votre passé qui est quand même assez récent. Bien sûr que ce n'est pas très convaincant. Aujourd'hui, on dit que 250 $, c'est très facile à trouver. Ce n'est pas facile pour tout le monde. Je connais des assistés sociaux qui auraient beaucoup de misère à aller chercher 250 $. Je connais pas mal de personnes qui travaillent à temps partiel dans des emplois, des statuts précaires, et elles auraient pas mal de difficulté à faire cela. Ce n'est pas insurmontable. Si vous me demandez si c'est majeur, au point qu'il va y avoir une révolution au Québec si vous adoptez cela, je ne le pense pas. Je vous dis que c'est une contrainte qui ne devrait pas être réintroduite dans la loi, même s'il s'agit uniquement d'un prêt que l'on fait au gouvernement.

M. Gendron: Ça va, M. le Président. Là-dessus, je pense que vous m'avez répondu; c'est cela que je voulais avoir, des arguments additionnels. Il y en a qui s'évaluent. J'ai toujours pensé cependant qu'une candidature à l'élection, qu'elle soit d'un chômeur, d'un assisté social ou peu importe, qu'en règle générale, ces gens qui ont l'opinion d'aller défendre une cause et des objectifs n'y vont pas seuls. Alors, même si je sais que le dépôt est attaché à la personne, cela fait quand même au moins trois élections que je franchis sans trop difficulté, alors je connais un peu le système.

Quant à votre observation sur le mode de scrutin, je partage à 100 % ce que vous avez dit. Cependant, je tiens à dire, pour le bénéfice des autres qui sont ici, que j'ai toujours eu le même discours là-dessus; j'étais au caucus chez nous pour la proportionnelle, l'introduction d'une formule proportionnelle. Sauf que si vous avez déjà appartenu à un parti politique, vous êtes au courant que de temps en temps, vous gagnez des batailles et que de temps en temps, vous en perdez. Cela ne signifie pas que vous sacrez le camp parce que vous avez perdu une bataille sur un élément comme celui-là.

La deuxième question que j'aimerais vous poser, c'est davantage sur l'autorisation du parti politique. Sur le fait d'augmenter un nombre de candidatures de dix à vingt pour être reconnu parti politique, vous ajoutez - je lis votre mémoire - "... n'éliminera en aucune façon ce que l'on cherche à éliminer. " Pour ma part, je trouve que c'est trop gratuit de le dire seulement de cette façon. Expliquez-moi pourquoi vous pensez que cela ne l'éliminera pas. L'objectif était de donner un minimum de caractère national à un parti politique qui veut véhiculer des politiques concernant l'État du Québec; je pense qu'on vit quand même dans une communauté importante. Pourquoi l'augmentation? C'est que cela permettait également, MM. Pepin et Gauvin, de refléter éventuellement un peu la dimension régionale. Dix ou vingt je parle du nombre de candidatures pour être reconnu parti politique - présenter vingt candidats dans la région de Montréal, je trouve qu'un parti politique peut avoir l'idée de faire cela et je trouve cela légitime. Je trouve légitime, compte tenu du bassin de population, des courants de pensée, de la multiplicité ethnique, etc., cela peut être logique d'arriver avec un parti dans un plus gros bassin de population qui est moins légitime de présenter en Abitibi ou dans l'Outaouais ou dans l'Estrie ou sur la Côte-Nord. Je ne vous dis pas de ne pas le faire, je dis: Un parti politique peut avoir moins d'objectifs à se présenter nationalement, dans tous les comtés du Québec. Mais le hausser un peu, je prétendais, encore là, que cela permettait de donner un petit peu plus de crédibilité médiatique à ce qu'il veut véhiculer, avoir une couverture pour qu'il ressemble un peu à quelque chose. On l'affaiblit d'avance, autrement dit. Je trouve un peu hypocrite de dire dans nos règles: On l'autorise, mais on va l'autoriser le plus bas possible, sachant que cela va faire, MM. Pepin et Gauvin, un peu ce qui se passe chez certains partis politiques dont on n'entend jamais parler, qui n'ont aucun outil, aucun moyen, aucune couverture médiatique. Mais ce sont nos propres règles; ce sont nos propres règles qui ont fait qu'à un moment donné, on les a condamnés avant de naître.

Il me semble que, là-dessus...

Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le député.

M. Gendron:... oui - il y a une logique.

M. Pepin: La couverture médiatique, quand

vous n'êtes pas un parti à l'Assemblée nationale, est extrêmement difficile à obtenir. Je peux vous le dire par expérience. Quand tu as une chance de parler deux ou trois fois par la voie des journaux dans l'année, il faut que tu aies quelque chose à dire, et que ce soit percutant, boum! Alors, je pense que si vous vous fiez sur les médias qui rapportent les propos des tiers partis ou des partis qui sont minoritaires, je pense que ce n'est pas là-dessus qu'il va falloir se...

Quand le mémoire mentionne que cela ne réglera pas le problème parfois que vous vouliez peut-être régler, je pense que le mouvement a surtout en tête un parti qui s'appelle le Parti rhinocéros. Je ne sais pas s'il existe au Québec, je ne sais pas s'il est reconnu ou pas. En tout cas, au fédéral, il est reconnu. Le Parti rhinocéros n'est pas un parti d'assistés sociaux, comme vous le savez. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des assistés sociaux qui vont voter pour le Parti rhinocéros; je n'en sais rien. Mais, c'est un parti de gens assez à l'aise qui, à mon avis, ne croient pas beaucoup à la démocratie. Les propositions sont pour le moins farfelues, généralement. Tout le monde le sait. Alors, ce Parti rhinocéros, vous voulez augmenter cela à 20 comtés, je pense bien que cela ne le dérangera pas beaucoup, il s'en trouvera 20 pour faire cela. Mais, un autre parti qui véhicule des idées, comme nous essayons de le faire, qui travaillons d'arrache-pied, je peux vous le dire, avec des réunions à peu près mensuelles. Vous ne le savez pas. Même si on envoie un communiqué aux journaux, il n'y a aucun journal qui va le publier ou à peu près pas, sauf si on dit: On va déclarer la révolution. Mais, on n'a pas beaucoup intérêt à la déclarer si on ne la fait pas. J'ai toujours préféré suivre un peu ce que je faisais et aussi ce que je disais.

Alors, je pense que vous nous mettriez considérablement dans l'embarras si vous décidiez de le porter plus haut que dix. Maintenant, si vous me demandez si dix est un chiffre absolu, non, il n'y a rien d'absolu là-dedans. Mais, je pense que ce serait un peu malheureux si vous montiez la barre. En tout cas, si vous la montez, faites bien attention, ne la montez pas trop. Quand vous avez parlé de la région de Montréal, c'est possible que ce soit plus aisé. Il y a une population qui est là. Mais, vous venez d'une région où ce serait difficile s'il y a un parti qui décide d'être un peu plus régional pour une raison particulière, peu importe que ce soit la question de la baie James ou que ce soit n'importe quelle autre raison. Ils ont une cause à défendre et ils y croient fermement. Je pense, si vous l'augmentez à vingt, que vous allez avoir de la difficulté. Si vous me demandez si dix est un chiffre magique, non. On déclare qu'on est pour le statu quo tout simplement. Mais, si vous nous dites: Demain, cela va être douze, je ne ferai pas une chicane en règle.

M. Gendron: Vous ne ferez pas un jeûne là- desssus.

M. Pepin: Non, pas tant que cela. D'ailleurs, vous me voyez, j'aurais de la misère.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Pepin. M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Oui, M. le Président. À mon tour, je veux saluer les représentants du Mouvement socialiste et, compte tenu de leur intérêt pour un des sujets que j'ai abordés dans mes remarques d'introduction de nos travaux et profitant de la présence du ministre et d'un groupe qui met de l'avant une réforme du mode de scrutin, j'aimerais que le ministre profite de leur présence pour aller au-delà du "il n'en est pas question". Je souhaiterais voir un peu le ministre discuter avec un groupe qui, lui, défend une proposition de réforme du mode de scrutin, pour nous dire un peu - je le répète - au-delà du "non, il n'en est pas question", pour qu'il essaie de nous convaincre un peu. Je trouverais cela normal et dans le sens de la démocratie de nos institutions qu'on ait à faire plus que de dire: Non, il n'y en aura pas. On doit un peu justifier, convaincre que ce n'est pas pertinent, que ce n'est pas souhaitable, qu'il y a des raisons politiques - politiques avec un grand P -des orientations quant aux institutions du Québec qui ont fait prendre cette position au ministre et donc au gouvernement.

Alors, moi, je n'ai pas vraiment de question à vous poser. Je pense qu'on se comprend là-dessus. Mais, je le répète, je pense que ce serait utile et pertinent que le ministre nous dise un peu pourquoi il considère que cela ne doit pas être fait. Il y a là des porte-parole qui seront peut-être heureux d'en discuter directement avec lui. Nous aurons sûrement l'occasion de le refaire dans quelques semaines.

Le Président (M. Marcil): Comme vous pouvez le constater, M. le ministre, la question vous revient. Avez-vous la réponse?

M. Gratton: J'en suis fort aise, M. le Président, parce que je m'apprêtais justement, après que le député de Gouin eut terminé, à faire état de ce qui nous amène à ne pas discuter à ce moment-ci de la réforme du mode de scrutin. D'ailleurs, je note au passage que le Mouvement socialiste est très conséquent avec les gestes posés antérieurement, puisqu'on se rappellera que lorsque nous avons invité les partis politiques et les autres intéressés à la révision de la Loi électorale à nous suggérer des sujets de discussion, si je ne m'abuse, il y a seulement le Parti socialiste et le Parti humaniste qui nous ont suggéré d'inclure la réforme du mode de scrutin comme sujet. (16 heures)

Effectivement, nous aurons l'occasion d'en débattre au cours de la deuxième étape de la

commission parlementaire et j'aurai l'occasion, au nom du gouvernement, d'expliquer pourquoi, quant à nous, il ne nous apparaît pas opportun à ce moment-ci de l'approfondir. La raison est fort simple et le premier ministre, chef du parti, a eu l'occasion en campagne électorale d'expliquer pourquoi nous ne prenions pas l'engagement de nous attaquer à la réforme du mode de scrutin au cours de ce mandat; on pourra revenir sur les arguments évoqués. Je ne pense pas que ce soit le moment ici, compte tenu des limites de temps. Mais je rappellerai qu'il y avait un parti qui nous a précédés au gouvernement qui avait, lui, un engagement formel de procéder à la réforme du mode de scrutin et qui a d'ailleurs créé le ministère de la Réforme électorale, partiellement en tout cas à cette fin, et qui a procédé à la publication d'un livre blanc, si je ne m'abuse.

Le comité consultatif s'est penché sur le sujet et a fait une étude et tout cela a abouti, comme le soulignait le député d'Abitibi-Ouest tantôt, à un manque de consensus. Finalement, s'il devait y avoir consensus évident au Québec et si on devait pouvoir répondre aux objections du parti ministériel sur l'opportunité, évidemment on en serait, et il n'y a rien qui l'exclut; je suis très heureux que vous l'ayez souligné à nouveau. À titre de Mouvement socialiste, c'est votre droit le plus strict et cela nous amènera sans doute à en discuter à la deuxième étape de nos travaux, alors qu'on n'en aurait probablement pas discuté si vous n'étiez pas venus nous dire que vous considérez toujours cela important.

Cela dit, M. le Président, je voudrais dire à nos invités que cela a été le cas pour d'autres partis non représentés à l'Assemblée nationale qui sont venus nous rencontrer la semaine dernière et qui sont venus nous faire des présentations, notamment en ce qui a trait à l'autorisation des candidats et des partis. Malgré que nous ayons convenu entre nous au comité de parlementaires de certains consensus sur la façon d'en arriver aux objectifs qu'on s'était fixés, j'ai eu l'occasion de dire la semaine dernière et je vous le répète: Nous devons nous pencher à nouveau sur ce qu'implique ce que nous avions retenu comme hypothèse à l'égard de partis non représentés à l'Assemblée nationale.

Vous avez très bien cerné les difficultés que cela peut poser. Vous avez tout à fait raison de dire que, par exemple, d'augmenter le nombre de candidats pourrait permettre à des partis, entre guillemets "non sérieux" de remplir ces exigences très facilement, tout en privant des partis plus sérieux et très sérieux de pouvoir être autorisés. C'est la même chose dans le cas des candidats.

Donc, nous devrons nous repencher sur la question et, quant à moi, je suis plutôt porté à aller du côté de la plus grande ouverture possible pour permettre l'expression, à défaut évidemment de réformer le mode de scrutin tout de suite, l'existence, l'autorisation et l'action efficace des partis non représentés à l'Assemblée nationale.

En bref, plusieurs de vos recommandations et suggestions font déjà l'objet d'un consensus suffisamment large pour que l'on puisse espérer les retrouver comme amendements à la prochaine Loi électorale, et dans les autres cas, on n'hésitera sûrement pas à communiquer et à poursuivre des consultations avec vous et les autres partis autorisés, en ce qui a trait à des points qui pourraient nous échapper en tant que membres de partis politiques un peu plus ancrés sinon dans la population, tout au moins en termes de longévité et d'existence.

Je vous remercie, M. Pepin et M. Gauvin, d'avoir participé.

M. Pepin: Puis-je juste demander au ministre s'il peut me répondre là-dessus? Est-ce que la deuxième phase de la réforme est envisageable pour bientôt? Tantôt vous avez parlé de la deuxième phase.

M. Gratton: Oui. La question est pertinente. En fait, on se propose de pouvoir commencer - d'ailleurs on a des problèmes d'horaires - dans les deux ou trois semaines qui viennent; on aura alors fait le point sur les représentations qui nous auront été faites. On reviendra en commission parlementaire ici pour faire état des consensus qui nous apparaissent suffisamment larges pour que l'on puisse tout de suite procéder à la rédaction. D'ailleurs, la rédaction, soit dit en passant, est déjà commencée quant à ces points qui semblent ne faire problème pour personne et on escompte pouvoir agir, pour ce qui est de l'adoption d'une loi amendant la Loi électorale, dès cet automne, de façon que la loi soit en vigueur suffisamment à temps, en tout cas, pour une élection générale qui pourrait venir au cours de l'année 1989. Et c'est évidemment une des autres contraintes. En supposant qu'il y ait volonté gouvernementale - et je ne prétends pas qu'il y en a, c'est le contraire - de se pencher sur la réforme du mode de scrutin, cela échapperait à toute possibilité de pouvoir être en vigueur pour la prochaine élection.

M. Pepin: Dommage pour la démocratie à laquelle vous croyez et à laquelle je crois. Mais je pense que vous pourriez essayer de convaincre votre groupe même si vous ne l'avez pas promis. Faites une chose que vous n'avez pas promise. Ce serait déjà extraordinaire. Merci beaucoup.

M. Gratton: À condition qu'on n'ait pas promis de ne pas y toucher, ce qui est mon interprétation de notre position pour le moment.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Pepin, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres questions, nous allons vous remercier de vous être prêtés à cette période de questions et nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation.

Quant au mode de scrutin, probablement qu'un jour les gens s'arrêteront pour y penser sérieusement. En attendant nous allons suspendre pour quelques minutes et recevoir immédiatement après votre départ le Forum des citoyens âgés. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 7)

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Marcil): Nous allons reprendre immédiatement nos travaux en écoutant M. Léo Hudon, représentant du groupe Forum des citoyens âgés.

M. Hudon, vous pouvez procéder immédiatement et, ensuite, une période de questions suivra.

Forum des citoyens âgés de Montréal

M. Hudon (Léo): Je vous remercie de votre invitation, M. le Président. Je voudrais vous dire que pour autant que je suis personnellement concerné, de même que le forum, notre intervention ne sera pas très longue pour la bonne raison que ce document de travail que vous nous avez fait tenir nous est parvenu au moment où nous passions par une assez dure épreuve, à savoir le décès de notre directrice générale, suivi de la démission du permanent qui, normalement, se serait penché sur cette question-là et aurait fait un travail un peu plus considérable et probablement plus poussé. Le résultat est que nous nous sommes attardés à trois points particuliers qui touchent de façon spéciale les personnes âgées, à savoir: la location des bureaux de scrutin, le droit de vote des malades mentaux et une pratique courante que nous voudrions voir changer.

Quant à la location des bureaux de scrutin, nous sommes entièrement d'accord pour que le concept "d'endroit facile" remplace celui qui existe déjà, soit "endroit public" qui se trouve dans la loi actuelle, afin de faciliter l'accès des personnes âgées dont la mobilité est souvent réduite au bureaux de scrutin. Je suis déjà allé voter, je ne suis pas très vieux même si j'ai dépassé un certain âge, mais j'ai déjà vu des gens venir de peine et de misère, par exemple, à l'école lona à Montréal, où il y avait deux escaliers à monter je pense. Quand une personne marche avec deux cannes ou deux béquilles c'est assez difficile. Par contre, au dernier scrutin municipal à Montréal, là où je demeurais, on avait été invités à voter à l'école Strathcona qui est une école privée. C'était absolument idéal. C'était comme si vous entriez dans cette pièce-ci. On passait directement du trottoir à la pièce. C'est très important que les personnes âgées puissent avoir accès facilement aux bureaux de scrutin.

C'est un peu le même cas que celui de la personne handicapée parce que la mobilité réduite est peut-être un début de handicap pour la plupart des personnes d'un certain âge.

Les personnes qui m'ont précédé ont parlé de bureaux de scrutin itinérants. Il y aurait peut-être aussi la possibilité que l'urne soit déplacée, s'il le faut, pour permettre à la personne âgée de voter. Ce sont des détails, mais on a voulu les porter à votre attention.

En ce qui concerne le droit de vote des malades mentaux, nous ne nous sommes pas trop aventurés dans ce domaine-là parce que c'est un domaine très délicat. Nous avons l'intention de mettre sur pied un comité spécial pour étudier la question plus à fond et faire des recommandations jugées pertinentes à ce moment-là. Nos recommandations viendront peut-être trop tard, mais nous les ferons de toute façon afin de permettre aux législateurs de prendre connaissance de notre point de vue dans ce domaine-là.

Ces organismes, comme le Forum des citoyens âgés de Montréal, ne siègent pas l'été sauf pour des cas bien particuliers comme l'engagement d'une nouvelle directrice générale. À ce moment-là on n'est pas en mesure... D'ailleurs, on a à peu près le quorum et je pense que ce n'est pas très représentatif de faire passer des questions aussi importantes que celle-là dans une ambiance où on pousse sur les gens pour venir vous rencontrer, où on dit: Dépêchez-vous, on n'a pas le temps, ayez un ordre du jour très court afin qu'on puisse s'en aller parce qu'il fait chaud, etc. Donc, cette affaire-là sera reprise au mois de septembre et nous essaierons probablement de vous faire tenir un travail plus poussé sur cette question-là.

Il reste la troisième remarque qui s'applique plus particulièrement aux centres d'accueil, aux centres hospitaliers de soins prolongés. Il semblerait, d'après les renseignements qu'on a, que c'est souvent le directeur de l'hôpital ou encore un employé, une infirmière, un infirmier, un infirmier ou une infirmière auxiliaire qui décide si une personne votera ou non. Nous sommes absolument contre cela. Je ne sais pas si vous appelez encore la personne qui va faire le relevé des électeurs l'énumérateur, mais c'était l'expression qu'on employait dans mon temps, il y a 30, 40 ou 50 ans. Si vous me le permettez, j'emploierai le mot "énumérateur". (16 h 15)

II me semble qu'on devrait faciliter à l'énumérateur la possibilité, surtout dans les centres hospitaliers où les gens sont souvent alités, de se rendre compte si la personne désire ou ne désire pas voter. Ce n'est pas à un individu, surtout avec la mentalité du personnel dans certains centres hospitaliers, vous savez, qui n'est pas toujours tout à fait à point... S'ils peuvent se débarrasser, du fait de déplacer quelqu'un dans son fauteuil roulant pour l'amener voter, ils se prévaudront certainement du privilège qu'il semblerait y avoir dans le moment de dire: II n'est pas en état de voter.

C'est ce qu'on a voulu vous dire. C'est

court, mais enfin c'est tout ce qu'on pouvait souligner immédiatement. Comme je vous l'ai dit, nous allons probablement pousser l'affaire plus loin à l'automne et s'il est encore temps nous vous ferons tenir avec plaisir un rapport plus étoffé. Je vous remercie, Mme et MM. de la commission, de m'avoir reçu.

La Présidente (Mme Bleau): Je vous remercie beaucoup, monsieur.

Je vais maintenant passer la parole au député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, quelques mots pour vous dire jusqu'à quel point nous sommes heureux de vous avoir ici. Vous êtes les seuls représentants de ce qu'on appelle aux États-Unis le "grey power".

M. Hud on: II existe, vous savez.

M. Doyon: Oui, je le sais. Bien sûr que le "grey power" existe. C'est une constatation que je fais avec vous. C'est pour cela que votre passage ici est d'autant plus important que je ne pense pas que nous aurons l'occasion d'avoir d'autres représentants de l'âge d'or. Il est intéressant d'écouter et de tenir compte de ce que vous avez à nous dire.

Je comprends les difficultés que vous avez rencontrées. Malgré tout, votre mémoire nous permet de nous faire une idée sur les inquiétudes qui vous animent et sur les solutions que vous envisagez. C'est pour cela que je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous exposer cela. Je vais profiter de l'occasion pour vous poser quelques questions pour en savoir un peu plus long.

Vous vous dites, au nom du forum, favorable au déplacement de la boite de scrutin. Quand vous parlez de déplacement de la boîte de scrutin, est-ce que vous voulez dire que la boîte de scrutin se déplacerait à l'intérieur d'un même établissement, d'une chambre à l'autre, d'une salle à l'autre, ou qu'elle se déplacerait d'un établissement à l'autre, d'un centre d'accueil à l'autre? Comment voyez-vous les choses?

M. Hudon: Je pense que, quand cela a été préparé, une des choses que les personnes avaient à l'esprit était que, si une personne, pour une raison ou une autre, ne pouvait contourner une table ou quelque chose comme cela, qu'on permette que l'urne à l'intérieur du bureau de scrutin soit déplacée facilement plutôt que de dire: Vous savez, elle est là et elle est coulée dans le béton pour la journée; après, on enlèvera le béton. C'est ce qu'on voulait dire.

La même chose pour un handicapé. Vous savez, je pense que le handicapé qui est tellement mal pris que son fauteuil ne passe pas, disons, entre les deux tables qu'il y a là, aurait le droit de voter et qu'il n'y aurait rien de mal à s'arranger pour qu'il puisse le faire secrète- ment, évidemment, cela ne fait aucun doute.

M. Doyon: Mais vous n'allez pas jusqu'à préconiser que la boîte se déplace d'une salle à l'autre ou d'un établissement à l'autre. Vous n'allez pas jusque-là.

M. Hudon: Non. Ce n'est pas ce que j'ai compris.

M. Doyon: De la prise de position.

M. Hudon: C'est cela. Dans un établissement comme un centre hospitalier, il y a le déplacement des malades. Comme le disaient les personnes qui m'ont précédé, ce serait peut-être une bonne idée que les centres hospitaliers, surtout ceux de soins prolongés, soient désignés bureaux de scrutin et au besoin, que les gens du voisinage puissent venir y voter, il n'y a pas de problème là. Afin de permettre à ces gens-là d'être déplacés plus facilement au lieu de les forcer peut-être à faire un coin de rue ou quelque chose comme ça, soit en ambulance, en automobile ou autrement. Enfin, on verrait d'un très bon oeil que ces centres, les centres d'accueil aussi, si c'était possible étant donné l'âge des personnes qui les habitent habituellement, leur faciliteraient peut-être la tâche.

M. Doyon: On parle de vote itinérant, d'un vote qui peut être donné à des endroits différents. Si on en venait à cette solution, préconisez-vous que ce vote itinérant puisse se faire simplement le jour du scrutin ou aussi les jours de vote par anticipation?

M. Hudon: II faudrait peut-être considérer les deux.

M. Doyon: On a eu la visite des représentants de l'Association des centres d'accueil qui, entre autres choses, nous ont suggéré que l'établissement de bureaux de scrutin spécifiques, pour faciliter le vote de gens du troisième âge, se fasse seulement et uniquement dans des établissements reconnus comme tels par la Loi sur les services de santé et les services sociaux disant que les autres personnes qui se trouvaient dans des familles d'accueil ou dans des foyers privés étaient des personnes autonomes. Pensez-vous que c'est juste qu'on réserve uniquement aux établissements reconnus comme tels par la Loi sur la santé et les services sociaux la possibilité d'avoir des boîtes de scrutin en faisant abstraction des autres endroits où peuvent se trouver des personnes âgées?

M. Hudon: II y a des facteurs dont il faut tenir compte. Par exemple, il y a la période d'une élection. Une élection qui a lieu en hiver, c'est assez rare, mais cela s'est déjà produit. À ce moment, il y a des personnes, par exemple, qui demeurent dans un foyer. Je vous parle de

personnes qui sont loin d'être indigentes, elles ont tout le confort voulu, mais sortir l'hiver est un gros problème. Ces personnes ne sont pas dans un centre d'accueil, elles sont dans une maison comme, par exemple, la maison Vincent-d'Indy sur la rue Willowdale à Montréal où les gens paient jusqu'à 2000 $ par mois pour y vivre, y compris le logement et la nourriture. J'en connais parmi ces personnes. Un, entre autres, a toutes les misères du monde pour marcher. En été, c'est un demi-mal, il peut peut-être se rendre à deux coins de rue, ou il a peut-être les moyens de se faire voiturer. Sans doute que les partis politiques l'aideront au besoin parce que c'est la coutume pour eux de prêter main-forte aux gens afin qu'ils puissent se déplacer s'il le faut. Mais il reste que si c'était en hiver et qu'il était obligé de sortir, ce monsieur ne pourrait pas le faire facilement. S'il ventait, si le froid était vif, tout de suite il aurait des problèmes de respiration, il étoufferait, etc.

Chaque fois qu'on vous demande quelque chose, on vous demande de dépenser de l'argent, mais je pense que dans un cas comme celui-là il faudrait peut-être être plus généreux que moins dans l'établissement de bureaux de scrutin pour tenir compte des problèmes auxquels font face les personnes âgées.

Je peux vous dire que je n'ai aucun problème. Même si j'ai dépassé 70 ans, je vais aller voter. Même si c'est à un mille de chez moi je vais aller voter. Mais mon voisin qui a toute la misère du monde pour marcher ne pourra peut-être pas en faire autant. C'est là le problème.

M. Doyon: Dans votre court mémoire, vous soulevez la question du recensement, la façon dont il se fait. Vous avez dit qu'à votre connaissance il y avait des directeurs de centre d'accueil qui décidaient proprio motu d'inscrire telle ou telle personne sur la liste électorale. L'explication que vous donnez à cela c'est qu'on n'est peut-être pas intéressés à les voir aller voter compte tenu du travail que cela demanderait pour les aider, les assister, etc.

En pratique, comment ce recensement se fait-il à votre connaissance? Est-ce que les personnes âgées sont normalement rencontrées ou s'il y a un tiers qui donne leur âge, leur nom, leur profession, leur adresse, etc?

M. Hudon: Si je suis bien renseigné, lorsque l'énumérateur passe faire le recensement, il arrive dans une maison donnée, un centre hospitalier ou autre. Il dit: Je viens faire le relevé des malades que vous avez, des personnes qui sont ici en vue de la votation à venir tel jour. L'information que j'ai, c'est qu'il y a une personne désignée, peu importe que ce soit le directeur du personnel ou une autre, et cette personne a la liste des personnes qui habitent la place. Il dit: X va voter, Y c'est trop compliqué de l'amener voter, il ne votera pas. Alors, je pense qu'au lieu que ce soit une liste comme celle-là qui soit consultée, il faudrait que les énumérateurs puissent passer dans les chambres et les salles pour demander aux gens s'ils veulent voter ou non. C'est le privilège, d'ailleurs, de l'électeur de dire s'il va voter ou non.

M. Doyon: Oui. Et tout cela...

M. Hudon: On nous a rapporté que cela se faisait comme cela. Écoutez, je ne peux pas vous donner d'exemple nommément, exactement de ce qui a pu se passer, mais je sais que c'est fort possible que cela se soit produit et que cela se produise encore. Je pense que s'il y avait quelque chose qui interdisait une telle pratique, ce serait protéger le droit de vote des personnes âgées dont la mobilité est essentiellement réduite pour ne pas dire inexistante.

M. Doyon: Je pense que le Directeur général des élections qui nous écoute sera intéressé à cela. Évidemment, les recenseurs sont rémunérés sur la base du nombre de noms qu'ils recueillent. La tentation est probablement très forte de procéder par fournées de 50 ou 75 noms, c'est beaucoup moins de travail que de... Je suis pas mal sûr que le Directeur général des élections ne donne pas ce genre d'instructions. Je ne pense pas que ce soit la façon normale de procéder. Se rattache à cela la question de la révision et des demandes d'inscription sur la liste électorale. Il y a des bureaux de dépôt qui permettent de faire réviser, de faire inscrire son nom, de faire des radiations, etc. Évidemment, compte tenu de la situation dans laquelle se trouvent certaines personnes âgées pour ne pas dire plusieurs, elles ont de la difficulté à se rendre au bureau de dépôt pour effectuer soit une inscription de leur nom, soit une radiation d'un nom qui ne devrait pas y être selon eux, etc. Est-ce que vous avez envisagé la posssibilité que certains des bureaux de dépôt puissent aussi être déplacés sur place et donc être itinérants?

M. Hudon: Oui.

M. Doyon: C'est quelque chose qui vous...

M. Hudon: Comme je vous l'ai dit, on ne s'est pas tellement penchés sur l'ensemble de la chose parce qu'on n'en a pas eu la possibilité. C'est une autre chose dont on aurait voulu peut-être... Je sais que c'est venu au conseil d'administration très rapidement et que les gens ont dit: Non, c'est trop compliqué, nous ne pouvons pas décider immédiatement, c'est le vote par procuration. C'est encore une chose qu'on aimerait regarder plus profondément pour savoir si on doit prendre position sur cette question et dans quel sens.

M. Doyon: II serait très intéressant de vous entendre là-dessus. Je retiens en terminant que

vous n'avez pas eu le temps de regarder à fond toute la question du droit de vote pour les handicapés mentaux. Vous avez l'intention de vous pencher là-dessus et peut-être de transmettre à la commission, par l'entremise du secrétariat, le fruit de vos réflexions. En même temps, vous me dites que vous n'avez pas eu le temps de regarder toute la question du vote par procuration. Je pense que c'est une façon qu'il faut considérer. Pour les personnes âgées, c'est quand même important. C'est une façon pour elles d'exercer leur droit de vote par l'intermédiaire d'un mandataire en qui elles ont pleine confiance. La question se pose et vous êtes au premier chef intéressés à cette possibilité de solution qui viserait, entre autres choses, à faciliter le vote des personnes âgées qui ne peuvent se rendre sur place ou qui, parfois, sont à l'extérieur de la province et ne peuvent voter. Si vous pouviez aussi examiner la question du vote par correspondance, du vote par procuration, ce sont là des éléments de réflexion que je vous soumettrais de façon que, si vous avez l'occasion de vous pencher là-dessus et de nous en informer, ce serait intéressant de savoir ce que les gens du troisième âge peuvent en penser.

M. Hudon: Une chose qui a fait hésiter le conseil au départ, je parle du conseil d'administration, c'est la possibilité de fraude dans le vote par procuration. C'est pour cela qu'on voudrait se pencher davantage sur la chose et peut-être faire des recommandations ou des suggestions dans le domaine des modalités.

M. Doyon: Bien sûr, comme tout mandat qu'on confie à quelqu'un, ce mandat est fondé sur la confiance.

M. Hudon: Oui.

M. Doyon: Évidemment, si on se trompe de mandataire, l'erreur est fondamentale et on ne peut pas. Mais le contrôle qui doit se faire, en tout cas, il faut examiner cela de cette façon, réside dans le choix du mandataire. Si on se trompe de mandataire, évidemment, il en découle un certain nombre de conséquences de la même façon que si on se trompe de mandataire pour l'administration de ses propres affaires, pour la signature de ses chèques ou le paiement de ses comptes. On prend des risques aussi. Alors la prudence est de mise. (16 h 30)

Mme la Présidente, sans aller plus loin, je termine ainsi les questions que j'avais pour eux.

La Présidente (Mme Bleau): Je vous remercie, M. le député. Je passe maintenant la parole au représentant de l'Opposition officielle, le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, M. Hudon, très rapidement, je veux vous remercier d'avoir profité de l'occasion qui vous était offerte. Je pense que c'est toujours important d'avoir les points de vue les plus larges possible et, en particulier, de gens qui ont vécu sans doute plusieurs périodes électorales. C'est sans doute votre cas. Alors vous pouvez effectivement faire profiter de votre expérience les membres de la commission.

Je voudrais, dans un premier temps, essayer de savoir combien le Forum des citoyens âgés représente de membres?

M. Hudon: II représente 500 à 600 membres individuels, mais également 45 membres collectifs qui sont des organismes à but non lucratif comme lui et qui s'intéressent aux questions qui touchent le troisième âge. En plus de cela, on est en relation constante avec environ 250 à 300 organismes. De cette façon, on finit par toucher un assez grand éventail de gens.

Le forum lui-même, seulement son "membership", c'est peut-être plus restreint un peu. On fait également partie d'une coalition qui s'est formée, cela ne touche peut-être pas les élections, mais enfin elle s'est formée pour protester contre les mesures fiscales discriminatoires que M. Duhaime, dans son dernier budget, avait mises de l'avant et auxquelles le Parti libéral avait ajouté un peu après son retour, à savoir lorsqu'une personne de 65 ans gagnait de l'argent, continuait à en gagner, on commençait par réduire son exemption d'impôt en raison de l'âge et quand il avait fini cela, le Parti libéral avait ajouté: On va toucher également à la déduction pour pension de retraite. Alors, on a fait un assez gros travail. À ce moment-là, il s'est formé une coalition de différents mouvements à Montréal. Cette coalition travaille toujours sur des questions qui lui sont présentées. Je ne veux pas m'embarquer sur un autre sujet, mais c'est seulement pour vous dire que...

M. Gendron: Non, non, cela va; ce sont seulement quelques indications, cela me va. Quelles sont vos relations comme corporation ou groupe avec la Fédération de l'âge d'or du Québec, la FADOQ?

M. Hudon: Nous sommes dans la... M. Gendron: La coalition.

M. Hudon: La FADOQ est dans cette coalition.

M. Gendron: D'accord.

M. Hudon: Mais la FADOQ est peut-être moins préoccupée que le Forum des citoyens âgés par l'action sociale. Je ne veux pas en aucune façon les attaquer, mais ils sont plutôt orientés vers l'organisation de loisirs, alors que le forum n'en fait absolument pas. Nous n'organisons pas de voyages, de bingos ou de parties de cartes, on n'a pas le temps.

M. Gendron: D'accord. Sur le mémoire comme tel, même s'il est assez succinct, on sent quand même que vous êtes préoccupés par des questions importantes touchées par le comité de travail sur la réforme électorale.

Le premier point que je voudrais toucher, c'est la localisation des bureaux de vote. Même si mon collègue de Louis-Hébert, comme parlementaire, a posé des questions sur cet aspect, je pense que c'était très clair dans votre esprit, lorsque vous avez parlé de l'itinérance des bureaux de scrutin, ou du vote itinérant, que pour vous autres, cela voulait tout simplement dire le déplacement de l'urne en termes de position dans le pôle. Vous n'avez pas évalué d'autre chose.

M. Hudon: Non, on...

M. Gendron: Vous n'avez pas parlé...

M. Hudon:... n'est pas allé au-delà de cela. Si on fait un travail en profondeur, on examinera certainement les autres aspects de ce qui pourrait être un pôle itinérant.

M. Gendron: D'accord. Mais vous, personnellement, sans l'avoir examiné, puisqu'on a la chance de vous avoir avec nous, quelle est votre position sur un vote itinérant en bonne et due forme éventuellement?

M. Hudon: Personnellement, si un bureau de scrutin itinérant était pour permettre à plus de monde de voter, surtout dans le cas des personnes âgées, je suis d'avis qu'on devrait l'adopter, l'étendre le plus possible.

M. Gendron: À ce moment-là, est-ce que ce serait l'étendre le plus possible sans condition ou ce serait l'étendre, éventuellement, où certains bénéficiaires ou concernés le demanderaient? Est-ce qu'au moins vous convenez que si jamais le législateur décidait d'aller dans ce sens-là, qu'il faudrait avoir quelques balises, dont l'une devrait être "à la demande du bénéficiaire"?

M. Hudon: Oui, oui. Je suis absolument d'accord là-dessus. Rendre le vote le plus facile possible, mais, évidemment, à l'intérieur de balises, comme vous dites, afin que ce soit un vote comme il doit l'être, secret et bien protégé. Si le fait de faire un bureau de scrutin itinérant est pour dévoiler le vote des personnes, là je ne suis absolument pas en faveur de cela. Mais, il doit certainement y avoir des moyens à la disposition du législateur pour permettre au plus de gens possible de voter. Vous avez déjà le vote par anticipation. Il y aurait peut-être lieu d'examiner la possibilité du vote itinérant. Par vote itinérant, je veux dire le bureau de scrutin itinérant.

M. Gendron: II y a un groupe, M.

Hudon - un ou des groupes, il faudrait que je fasse le rappel, mais je suis sûr d'un groupe - qui nous a suggéré d'envisager une journée spéciale de votation au Québec - c'est une expression - une journée particulière où, dans la loi, ce serait spécifié que toutes les personnes au Québec présentant une forme de handicap, que ce soit mental, physique ou, pour certains, psychologique, parce qu'il y a même des gens qui ont prétendu qu'il y a des personnes qui, dans une lignée ou dans la cohue d'une journée d'élection, ont des traumatismes quelconques, que je n'ai pas analysés, mais... Alors, est-ce que vous me comprenez bien? Il y a des gens qui ont suggéré d'avoir une journée particulière au Québec compte tenu du taux de vieillissement, compte tenu des difficultés que peut présenter la cohue générale lors de la journée de votation. Ils nous ont dit: Est-ce que ce ne serait pas logique d'envisager une journée spéciale de votation pour toute personne qui prétendrait avoir soit un handicap physique, mental ou de l'indisposition le jour de l'élection, en dehors des mécanismes qui existent? Il y aurait encore quand même le vote par anticipation et il y aurait encore une journée d'élection. C'est quoi, votre point de vue là-dessus? Pensez-vous que c'est logique d'envisager cela? Est-ce que cela a du bon sens?

M. Hudon: Évidemment, à prime abord, cela semble intéressant, mais j'aimerais consulter d'autres gens pour voir un peu quelles seraient les réactions. Il y a certainement des choses, à prime abord, qui ne me viennent pas mais, d'un autre côté, s'il y a trop de choses, si toute l'affaire est trop raffinée, il va venir un moment où on va se perdre dans je ne sais pas trop quoi, une espèce de dédale à ne plus pouvoir s'en sortir, surtout de la part de ceux qui organisent la votation. Je ne parle pas de ceux qui votent. Pour eux, plus vous facilitez la votation, mieux c'est. Ce sont ceux qui organisent cela, le Directeur général des élections, etc.

M. Gendron: II nous a dit qu'il était capable d'en prendre.

M. Hudon: Oui?

M. Gendron: Ou il va nous dire cela. Ce n'est pas grave.

M. Hudon: Ce serait certainement quelque chose qu'il faudrait envisager. Mais, j'en prends note et dans le travail que nous ferons - on pourra peut-être travailler plus en profondeur - je vais certainement demander qu'on examine cet angle-là, qui est une chose nouvelle.

M. Gendron: Bien, en tout cas, M. Hudon, cela va être ma conclusion, puisque vous-même vous laissiez voir que vous souhaiteriez creuser une couple de sujets davantage, en particulier la mécanique entourant le droit de vote des malades

mentaux - c'est vous qui l'avez dit - de même que toute la question de l'itinérance, indépendamment des modalités. La fameuse pratique concernant le recensement a l'air de vous fatiguer pas mal, compte tenu que vous dites que cela ne se fait pas convenablement, alors que normalement les recenseurs devraient recenser de la même façon dans les centres où sont les personnes en difficulté ou plus âgées. Il me semble que si on a un discours sur la valeur du vote, qu'on y affirme que c'est une dimension personnelle, sacrée et ainsi de suite, on ne devrait pas demander à un tiers de faire la liste. Quand un énumérateur passe pour faire le recensement, ce n'est pas pour savoir si vous voulez voter ou pas, c'est pour vous inscrire sur la liste électorale, qui est la première démarche pour sécuriser la capacité de faire votre choix. Je pense qu'il y a d'autres étapes. Quelqu'un doit d'abord être sur la liste et après cela, il décide de voter ou non.

Alors, tout ce que je vous dis, M. Hudon, c'est que j'aimerais que, si vous avez le temps de consulter davantage votre conseil d'administration et votre groupe élargi, vous ne vous gêniez pas pour faire parvenir vos commentaires au secrétariat ou au ministre responsable, même au critique de l'Opposition en cette matière, pour qu'éventuellement on soit plus éclairés dans les phases qui vont suivre la consultation d'aujourd'hui. À un moment donné, cela va se traduire par un projet de loi et on voudrait qu'il reflète le plus possible vos volontés et celles qui correspondent à des changements qui sont les plus souhaitables.

Je tiens à vous remercier.

M. Hudon: Merci.

La Présidente (Mme Bleau): C'est bien. Nous allons maintenant donner la parole à M. le ministre.

M. Gratton: Très brièvement, Mme la Présidente. Je voudrais vous remercier, M. Hudon, d'être venu nous entretenir cet après-midi. Je comprends que les circonstances ont fait que vous n'avez pas eu tout le temps voulu pour aller plus à fond dans les choses et je pense vous avoir expliqué que nous ne pouvions malheureusement vous lancer l'invitation avant qu'on ne le fasse au mois de juin, puisque le comité de travail était lui-même en train d'essayer de cerner la problématique. Mais vous aurez au moins touché un point que, sauf erreur, vous êtes les seuls à l'avoir fait, c'est-à-dire cette question du recensement dans les institutions. Effectivement, c'est un sujet dont on n'avait été entretenus par personne et qu'au comité de parlementaires on n'a pas touché non plus. Vos représentations auront servi à nous alerter sur la nécessité d'y voir et de considérer possiblement des amendements à la Loi électorale, le cas échéant.

Vous indiquez aussi votre intention de nous faire valoir des recommandations sur le vote des handicapés mentaux et vous vous demandiez, sur la question du vote par procuration: Est-ce que ce sera prêt à temps ou pas? Pour vous situer dans le temps, je vous dirai qu'on a l'intention de poursuivre les travaux de la commission parlementaire au cours du mois de septembre et possiblement au début d'octobre, pour que le tout débouche, une fois qu'on aura établi les consensus sur les diverses questions, sur la présentation d'un projet de loi a l'Assemblée nationale au cours de l'automne: octobre ou novembre et possiblement décembre. Effectivement, avec ce genre de loi, même si on devait passer toutes les étapes de l'adoption du projet de loi avant l'ajournement, on attendrait probablement à la toute fin de la prochaine partie de la session pour permettre, justement, qu'il y ait le plus de possibilités pour les gens de se faire entendre.

Ce n'est donc pas en commission parlementaire qu'on vous demanderait de revenir, mais toute communication ou suggestion que vous êtes à même de faire avant la fin de décembre, à toutes fins utiles avant la fin des fêtes, pourra être considérée, même si c'était à l'étape ultime de l'adoption du projet de loi. On peut toujours procéder par amendement, s'il y a lieu. Donc, je vous inviterais à communiquer de telles informations au Secrétariat à la réforme électorale qui verra immédiatement à ce que non seulement le parti ministériel, mais également le parti de l'Opposition et le député indépendant de Gouin en soient saisis.

Là-dessus, M. Hudon, je vous remercie, ainsi que vos collaborateurs et on s'attend que vous nous fassiez d'autres recommandations prochainement.

M. Hudon: Cela m'a fait plaisir, M. le ministre. Je vais voir ce que l'on peut faire pour étoffer davantage notre présent mémoire. Merci beaucoup de m'avoir reçu.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. Hudon. Nous entendrons maintenant le Parti communiste du Québec. M. Claude Demers.

Bonjour, M. Demers. Si vous voulez commencer, on vous écoute.

Parti communiste du Québec

M. Demers (Claude): Bonjour. Vous me permettrez d'attirer votre attention sur un erratum qu'on a fait circuler. De toute façon, notre mémoire est assez bref. Je vais tout simplement le lire et, au cours de la lecture, j'inclurai cet erratum.

Dans son intervention, le Parti communiste du Québec se limitera à commenter certains enjeux soulevés par le comité de travail sur la révision de la Loi électorale. Il s'agit principalement de questions se rapportant aux différentes propositions du comité visant à restreindre les

conditions d'admissibilité et de reconnaissance légale d'un parti politique.

Ce faisant, néanmoins, cela ne signifie pas que nous rejetions ou endossions d'emblée les propositions et les orientations contenues dans les autres sujets qui ne sont pas abordés ici. Les sujets que nous avons retenus dans ce mémoire nous ont paru prioritaires, car ils touchent directement les fondements mêmes de la démocratie et de son application en ce que cette notion a de plus significatif, selon nous, soit l'action politique des citoyens et des citoyennes.

Puisqu'il s'agit d'une question précisément de démocratie, nous profitons de cette tribune pour déplorer le court délai alloué à notre parti pour faire l'étude d'un document aussi volumineux et important et pour préparer ses réponses, d'autant plus que ce travail nous a été imposé après le début et avant la fin de la période de vacances estivales. En fait, autant dans la forme que dans le contenu, nous sommes enclins à rejeter les orientations proposées par le comité, que nous jugeons en général peu approfondies malgré le nombre de questions qui furent abordées par celui-ci. En fait, la plupart des propositions du comité ne sont appuyées par aucune justification dans le rapport. (16 h 45)

Avant que vous abordions concrètement les différents sujets examinés dans le rapport du comité, permettez-nous de mettre en cause une notion qui est sous-jacente à toute l'orientation de ce rapport. Il s'agit de la notion de "parti sérieux". C'est en fait comme "mesure de contrôle du "sérieux" des partis politiques", au sujet 32, qu'est proposée toute une série de mesures visant à resserrer les conditions d'autorisation d'un parti politique. Or, le rapport ne donne aucune définition de ce qu'on entend par le mot "sérieux".

Par contre, le comité admet que: "L'augmentation du nombre de candidats et de signatures d'appui nécessaires pour obtenir une autorisation n'est peut-être pas suffisante pour assurer que seuls les partis politiques sérieux soient reconnus, protégeant ainsi la crédibilité de notre système électoral", ce qui l'a amené, même, à envisager l'introduction d'une nouvelle exigence d'autorisation, soit "l'obligation pour un parti politique de fournir un dépôt d'une somme d'argent à déterminer remboursable à certaines conditions", comme dans toute loterie à peu près sérieuse. Cette proposition, heureusement, n'a pas été retenue par le comité.

C'est un fait que, depuis la politique de financement et d'autorisation légale des partis politiques, politique qui d'année en année a cherché à resserrer les conditions d'autorisation des partis, ceux-ci n'ont cessé de grandir en nombre et ont trouvé les moyens de satisfaire aux exigences légales. Je pense que l'exemple cité par M. Pépin ce matin est une bonne illustration de ce fait. Et si le comité admet d'emblée que les mesures proposées ne seront pas adéquates pour atteindre l'objectif visé, on peut alors se demander pourquoi il maintient ces propositions. À notre tour nous émettrons quelques hypothèses: soit qu'il s'agisse simplement d'une politique de harcèlement systématique des petits partis ou des partis non représentés à l'Assemblée nationale; soit que le comité croie que s'il resserre toujours plus systématiquement les conditions d'autorisation des petits partis, ceux-ci finiront bien par tomber un jour.

En tout état de cause, cette orientation ne peut viser qu'à institutionnaliser une forme d'unipartisme - ou ce que vous appelez parfois de "bipartisme" - où seules sont reconnues les formations endossant les grandes orientations et les fondements actuels de notre système politique. En réalité, ce sont souvent les petits partis qui amènent le sérieux en campagne électorale et qui sortent celle-ci d'un esprit de foire, où les grands partis font miroiter des promesses éphémères, et de concours de personnalités.

Lors d'élections antérieures, le Parti communiste a élaboré tout un programme favorisant le plein emploi et la défense des droits nationaux du Québec. Le Parti vert a fait beaucoup pour sensibiliser l'opinion aux questions importantes de l'environnement et d'autres petites formations représentant des courants d'opinion sérieux au sein de la population ont aussi apporté leur contribution à la sensibilisation de l'opinion publique envers les véritables enjeux électoraux, tandis que des partis dits sérieux ont fait campagne sans que personne ne connaisse vraiment leur programme électoral.

Quelle surprise, par ailleurs, de voir la promesse de réforme de l'aide sociale pour aider les jeunes lors de la dernière campagne électorale, pour ne prendre qu'un exemple, se transformer par le projet Paradis qui propose, au contraire, de durcir le régime et même de pénaliser la femme enceinte qui bénéficie de l'aide sociale. De quel sérieux s'agit-il?

Voudrait-on parler alors de l'assise populaire d'un parti politique? Encore qu'il soit bien concevable qu'un courant de pensée nouveau se forme dans la minorité, souvent dans l'isolement, avant de devenir majoritaire, il faudrait quand même revoir les aspects discriminatoires de la loi et de la réglementation électorale concernant, par exemple, le temps d'antenne gratuit pour les partis politiques. Cela contribue de façon importante à maintenir artificiellement dans la marginalité des courants de pensée qui, autrement, gagneraient vite l'opinion de la majorité de la population. Ce sujet se trouve complètement escamoté - du point de vue qui nous concerne ici - dans le projet de révision de la Loi électorale.

D'autre part, l'histoire n'a-t-elle pas connu des partis politiques avec de fortes assises populaires dont les politiques ont failli amener l'humanité entière au bord du gouffre?

Il n'y a pas de solution de rechange à la démocratie, à la liberté de parole et d'association

en dehors de l'arbitraire et du totalitarisme, et voilà sur quoi les jugements gratuits et les préjugés politiques ouvrent la porte, lorsqu'ils sont les fondements de l'action gouvernementale.

Nous nous opposons à l'interdiction aux candidates et aux candidats de recueillir eux-mêmes leurs signatures. La pratique selon laquelle les candidats peuvent collecter les signatures nous apparaît tout à fait conforme à l'esprit de cette obligation électorale.

Quant au dépôt proposé par le comité pour la présentation d'une candidature, nous ne voyons pas non plus sa pertinence. Nous sommes d'accord avec le remboursement d'un tel dépôt en fonction de la production des rapports financiers conformes aux obligations électorales, s'il devait être exigé; cependant, nous croyons qu'un tel dépôt ne servira, au bout du compte, à aucun financement significatif mais constituera une fois de plus une formalité supplémentaire inutile.

Nous nous opposons fortement au concept du vote par procuration. Une telle mesure ouvrirait grande la porte à la fraude électorale que pratiquaient amplement les grands partis politiques dans le passé, à l'aide de télégraphes.

Tout parti politique devrait pouvoir fonctionner légalement et avec des droits égaux au même titre que toute corporation ou association à but non lucratif, avec une formule d'acceptation et des obligations semblables, c'est-à-dire aussi simples, à celle d'une telle corporation, à quelques exceptions près dont, notamment, sur la question du financement.

Une fois autorisé, un parti politique ne devrait pas être tenu de présenter des candidatures à chaque élection. Cette obligation constitue un obstacle au fonctionnement normal d'un parti politique qui se voit ainsi dicter par le gouvernement sa tactique électorale. Selon les enjeux électoraux, un parti pourrait décider de ne pas présenter de candidat lors d'une élection donnée, pour laisser la place à un autre parti jugé temporairement en meilleure position que lui. En fait, cette obligation pourrait devenir un obstacle majeur à certaines formes de coalitions politiques électorales.

De même, l'augmentation du nombre de signatures d'appui qu'une ou un candidat doit recueillir pour se présenter n'est pas défendue sérieusement dans le document. Démocratiquement, un nombre minimum de signatures devrait être requis. D'ailleurs, qu'il recueille de 0, 01 % à 1 % des voix seulement, un candidat reçoit déjà l'appui de plusieurs centaines de citoyennes et citoyens. À la limite, la non-reconnaissance de ces voix et d'un minimum de signatures pour la présentation d'un candidat exprime une volonté d'éliminer complètement le droit à la dissidence, sinon la volonté d'éliminer les petits partis purement et simplement.

Nous nous opposons, dans le même esprit, à une pratique zélée concernant la vérification du nom et de l'adresse des électeurs ayant présenté une candidature. Le Québec de la loi du cadenas, des listes noires et des mises à pied arbitraires n'est pas encore assez loin pour que les suppor-teurs communistes se sentent toutes et tous suffisamment à l'aise d'afficher publiquement leurs options politiques.

D'ailleurs, il apparaît à ce chapitre que même les grands partis éprouvent des difficultés à remettre des reçus officiels à leurs suppor-teurs, bien que pour d'autres raisons sans doute, puisque le comité propose l'étude d'une formule pour résoudre ce problème. Nous croyons aussi que les préoccupations des communistes à l'égard du sujet 32 devraient être prises en considération.

La politique de financement des partis politiques et la proposition contenue à ce sujet demeurent discriminatoires envers les tiers partis. La volonté affichée de faire bénéficier les tiers partis du financement qu'accorde l'État aux partis politiques est un voeu pieux. Que le seuil retenu pour cette contribution soit de 5 % ou même de 3 % des votes valides recueillis par un parti à l'échelle de l'ensemble des circonscriptions électorales, l'objectif ne sera pas atteint par les propositions du comité. Les statistiques mêmes fournies par le comité dans son rapport démontrent que sur 28 formations tierces identifiées, de 1944 à 1985, cinq seulement ont recueilli plus de 5 % et dix, au total, plus de 3%.

Il est à noter que dans ces statistiques, il n'est nullement fait mention du Parti communiste du Québec ni d'ailleurs, il me semble, du Nouveau parti démocratique du Québec, qui a présenté des candidates et des candidats à chaque élection depuis le début des années soixante.

Le montant à partir duquel la divulgation des noms des donateurs doit être imposé selon la loi devrait être de 1000 $ plutôt que de 100$, puisque cette mesure affecte principalement les partis dont le financement provient essentiellement des travailleuses et des travailleurs qui n'aimeraient pas nécessairement que leur nom soit rendu public comme supporteur d'un parti politique, par crainte de représailles de la part de leur employeur.

Concernant la question des interventions d'un tiers en période électorale, nous nous opposons au statu quo. La loi actuelle interdit pratiquement à tout groupe d'opinion ou de pression de fonctionner normalement en période électorale et, le plus important, de favoriser une option politique plutôt qu'une autre de façon active. Cela affecte principalement le mouvement syndical et les organisations populaires qui ont leur mot à dire en période électorale en limitant les écrits et la propagande aux seules formations politiques en présence. Cela élimine considérablement la possibilité que l'opinion publique soit un facteur agissant en période électorale et constitue, en fait, une entorse sérieuse à la démocratie. La même pratique devrait être éliminée de la

loi sur les référendums.

Il faut revoir complètement et démocratiser en faveur des petits partis la loi et la réglementation sur le temps d'antenne gratuit. La loi devrait inclure l'accès gratuit aux locaux et à l'équipement des postes de radio et de télévision. Chaque parti politique devrait avoir accès à un temps d'antenne égal, à défaut de quoi on devrait permettre à tous les petits partis de répondre aux débats des chefs dont ils sont exclus et augmenter considérablement le temps d'antenne gratuit qui leur est alloué.

L'utilisation des ondes par un parti politique pour diffuser des nouvelles fabriquées par un tel parti ou par une agence de celui-ci devrait être formellement bannie de la Loi électorale.

C'est ici que nous terminons nos remarques, pour l'instant, en espérant qu'elles puissent profiter à une révision véritablement démocratique de la Loi électorale. J'aimerais juste ajouter, pour rendre un peu plus précis le sens de notre intervention, que pour nous, le critère majeur qui devrait présider à toute révision de la Loi électorale devrait être la démocratie et c'est cette notion qui nous semble très peu développée dans l'argumentation derrière la révision telle qu'envisagée jusqu'à présent. Merci.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. Demers. Nous allons passer la parole à Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous remercier, M. Demers, et vous assurer, au nom de ma formation politique et certainement au nom des collègues de l'Opposition, que vos propos seront pris au sérieux, bien que, d'après les premières pages de votre mémoire, vous sembliez en douter. Je dois vous dire, pour avoir siégé au comité des parlementaires qui a étudié le projet de réforme, que quant aux deux hypothèses que vous mentionnez à la page 2, ce n'était certainement pas notre intention de laisser croire qu'on voulait traiter les tiers partis ou les petits partis de la façon que vous prétendez.

Dans votre mémoire, à la page 4, vous suggérez qu'un parti politique ne devrait pas être tenu de présenter des candidates et des candidats à toutes les élections. Ne pensez-vous pas que l'existence d'un parti politique est justement pour présenter des candidatures à une élection et que c'est cette opportunité qui le différencie des groupes de pression ordinaires?

M. Demers: Pas nécessairement. C'est sûr que les partis politiques sont aussi des groupes de pression, en tout cas quand ils sont dans l'Opposition ou à l'extérieur de l'Assemblée nationale. Par contre, l'objectif d'un parti politique est de rassembler un courant d'opinions dans une forme d'action qui doit éventuellement, bien sûr, l'amener à une action politique et électorale, une action politique que notre parti reconnaît. Par contre, le choix de se présenter à une élection quelconque dépend aussi de la conjoncture, des enjeux, de la stratégie ou des tactiques d'un parti politique. De ce point de vue-là, on trouve la loi actuelle en Ontario, citée d'ailleurs dans l'analyse, beaucoup plus avancée que celle du Québec, car une telle exigence n'existe pas en Ontario.

En fait, un parti politique peut agir de bien des façons pendant une élection. C'est sûr qu'on peut se présenter à une élection même si on n'envisage aucune possibilité d'être élu ou même de prendre le pouvoir, sauf que c'est souvent une considération très importante qui peut décider un parti politique de profiter d'une période électorale pour plutôt faire des forces, rassembler un courant de pensées ou faire une certaine mobilisation sans prendre toute son énergie à présenter des candidatures pour cette élection. Il me semble que ce problème se pose et je ne sais pas si c'est ce qui s'est produit au Parti vert, mais je crois que celui-ci n'avait pas respecté cette obligation aux dernières élections et il me semble qu'il ait perdu son statut comme parti reconnu. Ce qui est déplorable, c'est que cette approche peut malheureusement faire disparaître un parti politique et, par conséquent, lui nier le droit de collecter de l'argent et de fonctionner normalement comme un parti politique, mais ne peut nullement faire disparaître un courant de pensées et un courant d'opinions, et le résultat simple qui m'apparaît, c'est que le gouvernement qui, apparemment, doit être démocratique s'oppose ou met des obstacles légaux pour qu'un tel courant d'opinions puisse s'exprimer dans une action politique démocratique. (17 heures)

Mme Pelchat: Mais à ce moment-là, ne pensez-vous pas que c'est plutôt le rôle d'un groupe de pression de faire cette propagande sans nécessairement vouloir risquer le coût d'une élection?

M. Demers: Je ne le crois pas. Pas exclusivement en tout cas, sauf que même là, les groupes de pression ne peuvent pas se prononcer pendant les élections. Alors, on rejoint la boucle des deux côtés. Malheureusement, pour nous, on déplore les deux situations.

Mme Pelchat: Un sujet sur lequel vous vous êtes prononcé très brièvement, c'est le vote par procuration. Vous n'êtes pas d'accord. Vous dites qu'une telle mesure ouvrirait grande la porte à la fraude électorale que pratiquaient amplement de grands partis politiques dans le passé à l'aide de télégraphes. On badine souvent, mais je suis la plus jeune députée en Chambre. Je dois vous dire que je n'ai pas eu l'occasion de vivre des élections, en tout cas pas la mienne, où de telles choses se sont produites. Je ne vois pas en quoi le vote par procuration pourrait

prêter à cette utilisation de télégraphes.

M. Demers: Écoutez, c'est assez simple à imaginer. Je pense que le Forum des citoyens âgés n'a pas mis beaucoup de temps à comprendre cette possibilité, d'où son appréhension, son hésitation à se prononcer sur la question, malgré que ce soient sans doute les personnes les plus concernées et qui auraient dû normalement, pour des raisons très objectives, être en faveur d'une telle proposition. Elles n'ont pas osé le faire parce qu'elles ont vécu cette période où, justement, on organisait le vote électoral en se basant sur la connaissance des personnes qui ne s'étaient pas présentées, sans parler des morts qui ont voté aussi.

Je pense que c'est très facile d'imaginer que des partis politiques ou des organisations parapolitiques rattachées à un parti puissent se développer très rapidement avec de très bonnes organisations. Déjà, on a des forces pour aller chercher des citoyens qui sont un peu plus démunis physiquement, qui ont des difficultés pour aller au bureau de scrutin. On n'aura même pas besoin de faire cet effort. On pourra simplement présenter une personne à une couleur donnée pour voter. Pour nous, cette idée ne fait aucun doute dans notre esprit, malheureusement. Peut-être que si elle avait été appuyée par une procédure quelconque proposée... Il n'y en a pas eu parce que je comprends la complication d'en proposer une.

Mme Pelchat: Mais l'introduction du vote par procuration serait sans doute, et c'est certainement ce qui sous-tend cette proposition, de faciliter le vote de certaines personnes à mobilité réduite ou, encore, des personnes qui se situent hors Québec. À ce moment-là, si on ne leur permet pas de voter par procuration, ne pensez-vous pas que ce serait leur enlever le droit de vote d'une certaine façon?

M. Demers: Formellement, l'objectif est très louable. Je pense qu'il y avait aussi des raisons pour lesquelles le comité n'a pas retenu la proposition. Il me semble que le comité ne l'a pas retenue.

Mme Pelchat: II n'y a pas eu de consensus. Il n'y a tout simplement pas eu de consensus.

M. Demers: Nous nous sommes prononcés là-dessus dans l'éventualité où la question reviendrait après l'audition publique pour rendre notre position claire. Je ne vois pas comment on peut lier ici l'objectif avec la pratique. Déjà, je pense qu'on donne un mandat par procuration à nos élus lorsqu'ils sont à l'Assemblée nationale. Si, en plus, il faut qu'on leur donne le choix de voter pour nous, cela va devenir un peu exagéré.

Mme Pelchat: Quant au financement des partis politiques par l'État, vous semblez dire que la proposition du comité d'octroyer l'aide de l'État quand un parti politique obtient 3 % ou 5 % des voix, vous ne semblez pas retenir cette proposition quoique vous n'énonciez pas de solution de rechange. Avez-vous...

M. Demers: Pour être juste, je dois dire que notre opinion en est que cette proposition est mieux que rien. C'est un pas en avant sur la situation actuelle où seuls les partis représentés à l'Assemblée nationale peuvent, pratiquement en dehors des contributions déductibles d'impôt, bénéficier d'une telle politique de financement.

C'est aussi pourquoi nous n'avons pas dit un mot sur la question du mode de scrutin que nous avons aussi considérée, parce qu'il y avait déjà eu au Québec une étude d'envisagée sur la réforme du mode de scrutin. Justement, la représentation proportionnelle rejoint ici un peu les principes suggérés par rapport au financement des partis politiques. Il y avait un pourcentage de suggéré... La seule constatation qu'on a faite, c'est que le pourcentage en soi est plus démocratique mais dans les faits, si on prend l'exemple des votes reçus par les tiers partis durant X années, de 1944 a 1985 - cela exclut beaucoup de formations qui ne sont pas nommées dans le rapport du comité - cela ne changerait pas beaucoup. La grande majorité des tiers partis n'aurait absolument rien par rapport à ce financement. C'est une question pour laquelle, comme celle du mode de scrutin proportionnel, nous n'avons pas eu le temps d'élaborer une proposition alternative. C'est pourquoi nous avons préféré nous en tenir à ces commentaires.

Mme Pelchat: Faute de mode de scrutin proportionnel, est-ce que vous avez entendu la présentation du Mouvement socialiste? Qu'est-ce que vous pensez de la deuxième solution que cet organisme privilégiait concernant le financement, c'est-à-dire de privilégier le financement des partis qui ont obtenu 5 % des voix dans les circonscriptions où ils présentaient des candidats?

M. Demers: Déjà, lorsque des études et des propositions semblables avaient été émises sous l'ancien gouvernement, nous étions très sceptiques quant à ces propositions. Par contre, nous sommes favorables au principe de la proportionnelle mais, comme on l'a dit ce matin, il y a plusieurs modes d'application de la proportionnelle et cela demande vraiment une étude sur un modèle proposé pour qu'on puisse se prononcer. On pense que 5 %, déjà, cela exclut encore plus de partis que ce qui est proposé ici pour le financement des partis politiques et on trouverait sûrement ce chiffre insuffisant.

Mme Pelchat: En ce qui a trait à la divulgation des contributions aux partis politiques, vous suggérez que ne soient divulguées que les contributions supérieures à 1000 $.

M. Demers: C'est exact.

Mme Pelchat: Entre 100 $ et 1000 $ il y a quand même 900 $ qui...

M. Demers: Oui, notre considération se rattache principalement à l'esprit de la Loi régissant le financement des partis politiques qui, en fait, vise à éliminer la corruption, à éliminer les pots-de-vin déguisés ou les contributions financières qui pourraient rapporter des dividendes politiques. On ne pense pas que ce genre de contribution se situe en deçà de 1000 $. Ce genre de contribution se situe à un niveau beaucoup plus élevé. C'est pourquoi on pense que réduire à 100 $, c'est vraiment une forme sinon de harcèlement en tout cas cela rend très difficile, surtout au Québec où on a une tradition politique et peut-être au Canada où les gens ont l'habitude de ne pas divulguer pour qui ils votent, pour qui ils sont politiquement et ce pour différentes raisons, cela rend difficiles certaines contributions et plusieurs personnes hésitent à faire des contributions de 200 $ ou 300 $. Je pense que l'échelle n'est pas assez grande ici pour que cela ait une influence par rapport à ce que l'esprit de la loi veut atteindre. C'est pourquoi on pense que le chiffre de 100 $ devrait être changé pour 1000 $.

M. Pelchat: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci. Je vais reconnaître maintenant M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, rapidement, M. Demers. Au nom du Parti communiste du Québec, vous avez accepté de venir nous donner votre point de vue. On vous en remercie d'autant plus que si votre appréciation sur le travail qu'on a fait est celle que vous avez faite, vous avez raison davantage de venir témoigner à savoir qu'on aurait fait un travail très peu approfondi. Cela ne me dérange pas d'avoir un commentaire comme celui-là, parce que, de toute façon, cela prouve que les partis ont des grilles d'analyse différentes. Il y a cinq minutes, le Parti socialiste du Québec nous disait: Bravo, les "boys" ou les "girls", bravo mesdames, messieurs les parlementaires, vous avez très bien travaillé et voilà un outil intéressant. Vous, vous nous dites l'inverse, c'est votre droit. Moi, je ne fais que mentionner cependant qu'il y avait une responsabilité au niveau du comité des parlementaires de ne pas faire tout le travail, la recherche ou la réflexion parce que nous n'étions pas ce que j'appellerais à proximité d'un livre blanc. Je ne veux pas commencer à faire des nuances entre un livre vert et un livre blanc, mais pour un comité de travail qui, à un moment donné, veut avoir l'éclairage de groupes intéressés, il est toujours sage d'avoir une bonne capacité d'ana- lyse, de répertorier les bons sujets sur lesquels il veut avoir de l'éclairage, sans nécessairement faire des analyses à ne plus finir, surtout quand on verse dans la philosophie. Je vous donnerai un exemple de ce que je dis dans quelques minutes. C'est mon premier commentaire.

Le deuxième commentaire: Je suis heureux, cependant, que vous ayez touché quelque chose qui me plaît personnellement, même si c'était un peu, encore là, de la philosophie. On n'a jamais pensé au comité qu'un parti sérieux, on était capable de définir cela et que c'était une notion non contestable; on n'a même pas parlé de cela, de mémoire, on a eu plusieurs séances et on n'a jamais parlé de cela au comité, sauf que, justement, à la toute fin, dans votre dernière phrase, vous dites: On est un peu étonnés que nous n'ayez pas éclairé davantage la notion de ce qu'est véritablement un régime démocratique. Là, j'ai des problèmes avec ce que vous dites au début et votre dernière phrase parce que, justement, pour qui nous serions-nous pris pour être capables de prétendre qu'on était les seuls à définir ce qu'est la véritable démocratie? Par contre, justement parce que c'est une notion majeure, importante, quand tu es dans un pays avec des chartes et des libertés de citoyens, on dit: Si la démocratie c'est important, c'est majeur, le vote, c'est sacré et c'est capital, il ne faut pas le détériorer. Il ne faut pas dévaloriser notre régime électoral. N'importe qui à n'importe quel moment, à peu près sans aucune condition, peut être candidat, peut être enregistré comme parti politique. Il en fait ou il n'en fait pas; il présente des candidats ou il n'en présente pas, c'est son affaire. Là, je ne comprenais plus. On ne peut pas avoir l'obligation de vous faire des règles et de faire comme certains nous ont dit et je le cite au texte: Le moins d'interdits possible partout, mais faites-nous des règles, balisez la démocratie pour qu'effectivement elle s'exerce dans des conditions connues.

C'est une deuxième remarque qui m'amène à vous poser une question précise sur un commentaire que vous avez fait. Sur les points principaux que vous avez touchés, vous êtes éclairants, sincèrement, sur des affaires au sujet desquelles il y a lieu de se poser des questions. Le ministre, à deux ou trois reprises, a dit: Ce n'est pas parce qu'on a fait consensus sur la question du dépôt, sur la question du nombre de candidatures à être présentées pour être un parti politiquement reconnu qu'il n'y. a pas lieu de revenir. Je pense qu'il a raison. Il y a bien du monde qui nous a parlé de cela et vous nous avez donné un bon éclairage sur la déclaration de candidature.

Vote par procuration, je n'ai pas de question. Je trouve que vous avez complètement raison. Je pense que vous l'avez résumé dans une belle phrase. Imaginez, si ceux qui seraient les plus touchés par cela ont de sérieux doutes, entre autres les personnes âgées, comment

ferait-on pour ne pas en avoir? Autrement dit, je prétends que c'est tellement unanime, que ce n'est pas dans nos moeurs, dans nos traditions et c'est dangereux comme ce n'est pas possible, même si j'entendais le député de Louis-Hébert dire: On va établir des mécanismes pour surveiller la façon dont les gens vont confier le mandat à quelqu'un d'autre. Donc on va - excusez, je l'ai au texte encore là - on va contrôler les mandataires cela ne fait pas sérieux. Tu ne peux pas contrôler les mandataires. À partir du moment où j'ai donné ma procuration à M. le député de Jonquière, je n'ai aucune espèce de contrôle et je n'en aurai jamais de m'assurer comment il va exercer le mandat que je lui ai confié. C'est pour cela qu'on prétend que c'est très dangereux. C'est impossible, il n'y a pas de mécanisme, il n'y a pas de recours. Vous avez raison d'invoquer ces dangers.

L'autorisation d'un parti politique, là j'aurais une première question. Ma collègue de Vachon a soulevé cela aussi. Vous ne semblez pas faire une grande nuance entre un parti politique et un mouvement politique. À ma connaissance, à moins que je n'aie aucune notion de ce que je dis, cela fait quand même douze ans que je suis là-dedans et j'avais suivi cela une dizaine d'années auparavant, je pense que des gens qui sont membres d'un mouvement et qui ne veulent pas faire de l'action politique dans la perspective de gérer le Québec, c'est leur affaire, je respecte cela. À cette condition, qu'ils s'inscrivent dans le mouvement politique. Je voulais seulement poser la question parce qu'il ne semble pas, selon votre commentaire à la page 4, que vous fassiez une distinction entre un mouvement politique et un parti politique. Ma question: Est-ce que vous en faites une?

M. Demers: Je pense que j'ai déjà répondu à cette question en disant que la différence principale, c'est que le parti politique vise, éventuellement, à présenter des candidats et même la prise du pouvoir. D'accord? Les mouvements politiques, les groupes de pression agissent parallèlement, se concentrent sur l'action extraparlementaire, mais il n'est nullement interdit à un parti politique, pour des raisons stratégiques ou tactiques, de concentrer ses efforts pendant une période de temps sur de l'action extraparlementaire parce que dans l'action extraparlementaire, on construit une base politique. Ce n'est pas parce qu'un nouveau parti politique naît autour d'idées nouvelles que, du jour au lendemain, cette base, même si elle est construite sur un courant d'opinion réel, est un mouvement de masse. C'est tout à fait possible qu'un parti politique naisse et se développe sans se présenter à chacune des élections, selon la conjoncture politique existante. (17 h 15)

M. Gendron: Alors, ça va, M. Demers. Vous expliquez clairement. Non seulement c'est votre droit, mais je pense que c'est clair ce que vous venez de dire. Oui, selon vous et selon votre parti, vous faites une distinction entre un mouvement politique et un parti politique. La deuxième question sous-jacente à cela: À partir du moment où vous en faites une, est-ce que vous croyez que les règles que l'État devrait baliser ou déterminer dans une loi devraient être les mêmes pour l'autorisation d'un parti politique, quelle que soit son action politique? Est-ce que vous croyez que les règles devraient être les mêmes?

M. Demers: Pas nécessairement, principalement sur la question du financement et aussi sur la question de la présentation des candidats, on ne s'est pas prononcés, on n'a pas exigé que les candidats puissent se prononcer sans avoir de signature d'appui. Je pense qu'il faut qu'il y ait une certaine démonstration d'un appui populaire. Mais, ce que l'on dit, c'est que les augmentations proposées ici et le fait de les répéter à chaque élection n'ajoutent rien pour garantir l'objectif qu'on veut atteindre ici. Là-dessus, on rejoint les propos du Mouvement socialiste. C'est d'ailleurs intéressant de voir je ne sais pas combien de partis, disons dans la même catégorie que le nôtre, comme le Mouvement socialiste et le Parti humaniste, qui se sont présentés ou qui ont l'intention de le faire, mais j'ai quand même été étonné de voir que le premier qui s'est présenté avait des propos qui allaient dans la même orientation que la nôtre parce que, justement, ces partis se sentent directement visés par les hypothèses mises de l'avant dans le rapport du comité.

M. Gendron: Croyez-vous, M. Demers, qu'on ferait un pas en avant si effectivement les règles d'autorisation de parti politique, après être reconnues, pourraient être tel type de règle et on aurait une autre série de règles à chacune des campagnes électorales pour les partis politiques? Autrement dit, est-ce que ça serait logique et qu'on ferait un pas démocratique d'avoir, pas deux systèmes parallèles, mais de distinguer entre la reconnaissance d'un parti politique et les quelques conditions qu'il y a lieu de remplir pour être un parti politique autorisé à une campagne électorale - c'est une expression - pour bénéficier des avantages de financement ou autre? Est-ce qu'on devrait avoir à réfléchir assez pour avoir deux...

M. Demers: C'est acceptable qu'il y ait des différences. On ne se prononce pas pour l'élimination de toutes les différences, sauf que ces différences devraient tenir compte de la réalité actuelle de la vie politique du Québec. Comme on le dit dans notre mémoire, à chaque nouvelle obligation que la loi ou la réglementation électorale a imposée, on a trouvé les moyens d'y faire face. Encore aujourd'hui, on propose une réforme pour pouvoir resserrer les conditions

parce que de toute évidence, quelque part, on n'est pas satisfait du résultat. Même que dans les propositions du comité, dans les commentaires du comité, on dit que ces propositions ne seront peut-être pas suffisantes. Encore là, on se demande s'il ne faudrait pas exiger un dépôt en plus. Alors, ce qu'on veut démontrer ici, c'est que l'objectif fondamental devrait être d'atteindre une réforme de la Loi électorale qui vise à renforcer la démocratie, avant d'assurer ce qu'on argumente dans le document, par le sérieux ou je ne sais pas ce qu'on avait en arrière de la tête, mais une approche qui nous semble viser uniquement à éliminer les petits partis ou, je ne sais pas comment on les considère, peut-être des partis qui dérangent ou quoi que ce soit du genre. Notre opinion est que, même si on atteint cet objectif, ces courants vont continuer à être véhiculés malheureusement dans l'illégalité et, par rapport au dépôt, ce qui est encore plus grave parce que vous avez dit ce matin que 250 $ de dépôt, ce n'était pas grand-chose, que c'était facile à recueillir, sauf qu'on n'aura pas le droit de les recueillir. C'est ça la proposition. Si vraiment le parti ne peut être légal avant d'avoir rempli de telles conditions, on crée un obstacle majeur même à la formation de nouveaux partis. Pour nous, ce n'est pas une question de sérieux ou de crédibilité, c'est vraiment une question de démocratie. Est-ce qu'on veut permettre que des courants d'opinion différents puissent être véhiculés sous la forme d'une action politique qui, éventuellement, peut permettre à cette formation de présenter des candidats aux élections?

M. Gendron: D'accord. Il y a une chose qui m'a surpris, M. Demers, d'autant plus que vous venez d'affirmer, il y a à peu près deux minutes, que vous ne vous opposiez pas à ce que les candidats ou candidates de votre formation politique soient appuyés par des électeurs qui appuient leur candidature. À la page 5 vous avez dit: On s'oppose, par exemple, a la pratique zélée concernant la vérification du nom et de l'adresse de l'électeur ayant présenté une candidature. J'ai de la difficulté à comprendre, pas parce que ce n'est pas clair, c'est qu'il me semble encore là par rapport au principe que vous deviez avoir plusieurs notions élaborées sur la démocratie, je comprendrais mal que vous soyez d'accord que vos candidats et candidates soient appuyés par des candidatures, mais vous défendez aux législateurs de vérifier la valeur et la validité de ces candidatures. Je dis: C'est quoi l'idée?

M. Demers: Je dis une pratique zélée, parce qu'une pratique zélée peut aussi ouvrir la porte à des pressions sur les personnes concernées. Notre préoccupation est guidée avant tout par l'héritage politique de notre parti au Québec, qui a vécu dans l'illégalité jusqu'au début des années soixante pendant une vingtaine d'années, et de personnes, de sympathisants qui ont caché par tous les moyens leur appartenance ou leur appui au Parti communiste. Les personnes qui seraient l'enjeu d'une vérification zélée préféreraient tout simplement nier qu'elles ont signé ou appuyé une candidature communiste que de l'admettre. C'est malheureusement une des possibilités qui découlent d'une pratique zélée. On a formulé notre phrase par le mot "zélée" justement pour dire qu'en principe on n'est pas contre une vérification, mais une vérification zélée qui pourrait aller jusqu'à vérifier avec la personne: C'est bien vous qui avez voté pour le...

M. Gendron: Vous n'êtes pas contre, mais l'accent était mis sur le "zélage".

M. Demers: Oui, parce que cela peut avoir des conséquences mais pas seulement sur notre parti d'ailleurs. Je pense que le problème des reçus officiels qui a été soulevé est un problème de la même nature et cela s'applique apparemment à d'autres partis aussi.

M. Gendron: Une dernière question que je trouve importante. Toute la question des tiers, l'intervention des tiers en période électorale. On pense que c'est une question importante parce qu'on vit dans un régime démocratique où de plus en plus le monde des communications, des "médiatisations" a beaucoup d'importance. Ma question sera simple. Vous vous opposez au statu quo et vous mentionnez que cela affecte particulièrement le mouvement syndical, les organismes populaires qui ont leur mot à dire en période électorale et on se trouverait à limiter leur intervention si on comptait cela comme dépense électorale. Je ne sais pas si vous en avez pris connaissance parce qu'il a été question, et ici c'est clair, de la publicité qui a été faite dans le Globe and Mail par "The National Citizen Coalition" où on disait clairement: "Prime Minister Ed Broadbent, a nightmare for Canada". Je ne vais pas plus loin. Je veux juste savoir si vous pensez que ce genre de publicité devrait être comptabilisé comme dépense électorale.

M. Demers: Malheureusement non dans ce cas-là, mais je pense que ce n'est pas selon le contenu. Si le contenu publicitaire respecte les chartes, la constitution canadienne et la Charte des droits et libertés de la personne, n'importe quel organisme devrait avoir le droit de donner son opinion et de faire campagne pour une option ou pour une autre en période électorale comme durant le référendum. L'exemple du référendum est peut-être plus probant parce qu'au référendum on a formé deux comités qui représentaient chacun une option politique interdisant ainsi à toute autre option de se faire valoir et pour pouvoir se prononcer publiquement il fallait, en quelque sorte, appartenir à l'un des deux comités donc, éliminer d'avance sa propre option politique. C'est à cela que nous amène ce genre de situation et effectivement on pense que

les groupes de citoyens, les groupes de pression et les journaux devraient avoir la possibilité de commenter comme ils le font dans les éditoriaux, mais à l'intérieur d'autres articles aussi.

Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le député?

M. Gendron: Merci.

Le Président (M. Marcil): Une dernière intervention, M. le ministre?

M. Gratton: M. le Président, je voudrais remercier M. Demers qui est venu au nom du Parti communiste, et qui nous fait réfléchir parce que j'avoue franchement que ce matin quand j'ai lu pour la première fois votre mémoire, la première question qui m'est venue à l'esprit c'était de me demander comment il se fait que vous veniez nous faire des suggestions, des recommandations tout à fait inédites. J'en donne seulement quelques exemples. Quand vous nous suggérez d'augmenter le maximum de contribution au-delà duquel on le divulgue, qui est de 100 $ présentement de l'augmenter à 1000 $; lorsque vous nous dites de ne pas exiger la vérification du nom et de l'adresse des signataires d'un bulletin de candidatures, par exemple; lorsque vous nous dites qu'on ne devrait pas exiger un nombre minimum de candidats pour qu'un parti demeure autorisé. Ce sont là au moins trois suggestions que le Parti communiste est le seul à être venu nous faire.

Il y a des gens qui ont fait des variantes. Par exemple, on nous a dit que le minimum du nombre des candidatures ne devrait pas être porté de 10 qu'il est présentement à 20. Mais personne n'a dit qu'il ne devrait pas y avoir du tout d'exigence minimum et je me suis demandé pourquoi vous alliez dans ce sens-là. J'ai compris, notamment à la page 5 de votre mémoire où vous parlez de la loi du cadenas, des listes noires et des mises à pied arbitraires qui ne sont pas assez loin encore pour que les "supporters" communistes se sentent toutes et tous suffisamment à l'aise d'afficher publiquement leurs options politiques, j'ai compris que c'est cela qui sous-tend vos suggestions et je les trouve légitimes. C'est à vous de le dire. Il n'y a personne d'autre qui va le dire pour vous.

Mais je suis obligé d'être très franc avec vous à titre de ministre responsable de la réforme. Si vous jugez que le travail du secrétariat n'a peut-être pas été satisfaisant à votre point de vue, je comprends mieux maintenant pourquoi. Effectivement le secrétariat n'a pas réfléchi en termes de votre problématique, de votre situation mais en termes de ce consensus très large, qui est évident au Québec, qu'on doit aller dans le sens contraire, dans le sens de la transparence. Et là je ne fais pas de discours pour prêcher la vertu. Je dis simplement que je constate personnellement que, historiquement et traditionnellement, au Québec, on a beaucoup plus reproché aux partis politiques les caisses électorales occultes, le manque de représentativité, le manque de transparence dans les opérations, qu'on a fait le reproche contraire. Et lorsque vous parlez de l'exemple des partis représentés à l'Assemblée nationale qui ont fait consensus, dans le cas des reçus pour les contributions politiques, d'éliminer toute identification au parti, vous dites: cela rejoint nos préoccupations. Il faut savoir que dans ce cas-là, ce qui nous préoccupe c'est le fait qu'un "con-tributeur" à un parti politique, quel qu'il soit, doit inscrire dans son rapport d'impôt qu'il a contribué à ce parti politique-là. Et on se dit, peut-être à tort, que c'est inviter les gens qui analysent ces rapports d'impôt à traiter les choses de façon différente selon les allégeances qu'ils pourraient avoir. Et c'est uniquement cela qui préside à cette décision ou en tout cas à cette recommandation du comité de parlementaires.

Donc, il faut se poser la question, lorsqu'on veut jouir des avantages d'un parti politique, est-ce qu'on ne doit pas accepter qu'il y ait un minimum requis d'exigences acceptées par le plus large éventail possible d'intervenants? Les avantages d'un parti politique, il y a évidemment l'accès aux listes électorales qui n'est pas négligeable, en tout cas, pour certains partis politiques. Il y a évidemment la possibilité d'intervenir en campagne électorale. Jusqu'à maintenant, dans la loi actuelle en tout cas, seuls les partis politiques peuvent intervenir durant une campagne électorale. Et il y a également d'autres avantages qu'on a consenti à examiner la semaine dernière lors de la comparution du Parti des travailleurs, je pense, et je vous le dis pour que vous en soyez informés, on va demander au président de l'Assemblée nationale de fournir à tous les partis politiques autorisés le Journal des débats, les projets de loi qui sont déposés à l'Assemblée nationale, une certaine documentation parlementaire de façon à faciliter le travail des partis politiques. Il y a, éventuellement, un appui financier de l'État aux partis politiques qui se conformeront des critères quelconques. (17 h 30)

Alors tout cela pour dire que, autant je trouve vos représentations fondées de votre point de vue, autant on se devra de les prendre en considération à l'étape ultérieure de nos travaux, autant je ne serais pas tout à fait complètement honnête avec vous si je ne vous disais pas que cela risque de ne pas être retenu, en tout cas en ce qui a trait à l'aspect de la transparence des choses. Non pas par mesure de harcèlement ou pour encourager le harcèlement à l'égard d'un parti politique mais parce qu'on s'est engagés à identifier les consensus les plus larges possible autour des amendements apportés à la Loi électorale et je dois vous dire très franchement que vous êtes les seuls à préconiser de telles

mesures. Vous avez donc un travail de sensibilisation à faire, pas nécessairement des législateurs parce qu'on le sait ils répondent au sentiment populaire perçu dans leur circonscription électorale par le biais de représentations qu'on reçoit ici, par exemple, en commission parlementaire. Le moins qu'on puisse dire, c'est que jusqu'à maintenant les représentations qu'on reçoit vont plutôt dans le sens contraire de celles que vous nous faites à l'égard de la reconnaissance de l'autorisation des partis politiques et des mises en candidature.

Je voulais faire cette mise au point et je vous laisse tout le loisir de réagir non pas pour que cela devienne un débat entre nous, non pas non plus pour vous reprocher quoi que ce soit, je trouve que vous aviez raison de venir nous dire ce qui vous chicote et ce qui vous inspire. Je dis cependant que vous ne pourrez obtenir satisfaction que dans la mesure où vous apprécierez les différences entre un parti politique et un mouvement politique qui, lui, n'est pas assujetti aux mêmes exigences et qui, possiblement, pourrait mieux servir votre cause dans l'état actuel du droit.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre.

Vous voulez réagir, M. Demers?

M. Demers: Si vous voulez me permettre trois remarques. Premièrement, par rapport aux remarques sur le travail du comité et qui ont été reprises par deux ou trois d'entre vous, je pense que ce n'est pas par manque de respect pour le comité que nous avons fait ces remarques. Nous avons trouvé que, pour un projet de réforme sur un sujet aussi important, il y avait là des enjeux très fondamentaux qui en étaient complètement éclipsés, dont la réforme qui pouvait traiter du temps d'antenne gratuit pour les partis politiques et la réforme du mode de scrutin. Malheureusement, on a décidé de ne pas traiter ces questions dans le rapport à cause du temps et des conditions dans lesquelles on a fait notre rapport mais on trouvait qu'une réforme en profondeur de la Loi électorale ne pouvait pas échapper à des questions aussi importantes. On trouvait justement que ces deux questions fondamentales étaient absentes et que c'était très regrettable.

Par rapport à la transparence, je vois qu'il y a un effort dans les propos que vous avez soulignés, dans certaines des propositions mises de l'avant mais malheureusement les hypothèses mises de l'avant ici ne nous apparaissent pas convaincantes. Je ne pense pas que les propositions de notre parti à l'égard du travail du comité mettent en cause vraiment la transparence. Je ne pense pas que si on regarde la réalité cela nuira vraiment à la transparence. Si on prend l'exemple de la divulgation des noms des donateurs, il n'y a pas seulement les personnes qui analysent les rapports d'impôt, il y a aussi les personnes qui analysent les rapports finan- ciers soumis par le Directeur général des élections et là apparaissent les noms des donateurs de 100 $ et plus. Je ne pense pas que la transparence se situe là entre 1000 $ et 100 $ mais beaucoup plus haut et de ce qui peut provenir de l'extérieur.

La dernière remarque que je veux faire, et je pense que c'est plutôt pour attirer votre attention sur une situation qui pourrait bien résulter de la mise en pratique de la plupart des propositions visant à resserrer les conditions face aux petits partis, c'est le fait qu'on risque de mettre dans l'illégalité un nombre considérable de partis politiques au Québec et je pense que ce serait un très mauvais record pour le gouvernement actuel d'arriver à un tel résultat. C'est malheureusement une possibilité si, effectivement, certaines des propositions sont adoptées intégralement. C'est à vous d'en décider.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Demers. On vous remercie de vous être présenté à cette commission.

Nous allons poursuivre avec les représentants de La belle province de Québec. Si vous voulez vous avancer. M. Alexandre Roy, chef du parti, Mme Ginette Tousignant, représentante officielle du parti, et Mme Nicole Tousignant, candidate. Vous pouvez procéder immédiatement.

Parti "La Belle Province de Québec"

Mme Tousignant (Ginette): Je dois vous dire qu'il y a quelques corrections à apporter au mémoire. Au fur et à mesure que je le lirai, vous en prendrez note. Ce sont des erreurs de transcription. Excusez ma voix, mais je suis nerveuse.

Sujet 1 - Le régime de pension. Nous proposons que toute personne nommée DGE qui ne respecte pas les lois ne mérite pas de pension ni même de salaire parce qu'il représente à la fois l'État et l'électeur dans ce domaine.

Ceux qui respectent la loi auront droit à une pension basée sur celle des juges, soit 75 000 $ par année dont 40 000 $ non imposables tel que je le demande depuis 25 ans.

Sujet 4 - Assermentation du personnel électoral. Nous tenons à vous informer que nous n'approuvons aucunement le travail partisan fait par le personnel électoral et par conséquent qu'il soit assermenté à la formation du personnel. Nous proposons que seules les personnes de 25 ans et plus puissent travailler aux élections.

Sujet 7 - Droit de vote des malades mentaux. Étant une classe de gens trop facilement à la merci des autres, par leur dépendance, ils sont plus vulnérables et plus faciles à exploiter n'étant pas avertis. Nous sommes totalement contre le droit de vote des malades mentaux, quel qu'en soit le mode.

Sujet 9 - Vote des Québécois hors Québec. Contrairement au comité, nous ne sommes pas en faveur du droit de vote des Québécois hors

Québec.

Sujet 14 - Visite des recenseurs. Pour aplanir les difficultés que cause un court délai pour le recensement, nous proposons que la période de rencensement soit portée à huit jours au minimum. Nous pourrions exiger des rencen-seurs qu'ils visitent à des jours différents et des heures différentes. Il serait préférable d'augmenter à trois les visites des recenseurs, ceci pour s'assurer que tout soit fait pour inscrire l'électeur au délai prévu. La révision n'étant à ce moment plus aussi importante, il serait à prévoir d'en diminuer la période et de la réserver aux personnes dont le nom n'apparaît pas sur la liste mais qui ont leur formule d'inscription ou aux seules personnes possédant un papier d'identification, comme un permis de conduire ou un numéro d'assurance sociale, se présentant en personne. Au minimum, un bureau de révision devrait être installé par circonscription ou plus quand la superficie est grande.

Sujet 17 - Aides-enquêteurs. Nous sommes d'accord avec la proposition du DGE qu'il est parfois inutile de nommer deux enquêteurs par révision et il serait souhaitable de laisser le DGE décider du nombre nécessaire d'aides-enquêteurs par commission.

Il serait souhaitable, comme le propose le comité, de revoir la description de ses fonctions afin d'en éliminer le caractère investigateur et regrouper des fonctions dans une seule disposition.

Aucune modification de l'appellation ne devrait être apportée.

Sujet 20 - Déclaration de candidature. Les propositions du comité étant la proposition faite de demander un dépôt avec la déclaration de candidature est inacceptable car cela éliminerait une catégorie de candidats éventuels, mais très peu nantis.

Nous proposons en remplacement, pour régler le problème de non-respect des exigences de la loi, notamment au chapitre des rapports financiers, que soient introduites des pénalités qui décourageraient ceux qui ne respecteraient pas la loi.

Nous proposons une pénalité de 100 000 $ au candidat et agent officiel qui ne produirait pas son rapport financier ou deux ans de prison et le fouet.

La proposition faite par le comité que le candidat ne devrait pas participer lui-même à la cueillette des signatures ne fait que confirmer dès le départ la non-accessibilité des candidats ou futurs députés ou public en général. C'est d'ailleurs l'opinion actuelle.

Nous proposons de n'accorder la candidature qu'après vérification de 25 noms d'électeurs sur le bulletin de présentation, 25 noms étant le nombre de signatures exigibles pour une candidature. Le temps nécessaire à cette vérification n'étant pas long, il pourrait s'accompagner d'une autorisation de candidature provisoire de 48 heures si cela était nécessaire.

Sujet 24 - Vote par procuration ou courrier. Nous sommes de l'avis des membres du comité qui considèrent que le vote par procuration pourrait donner ouverture à la fraude et l'exploitation des catégories d'électeurs les plus vulnérables.

Nous abondons également dans le sens des troisième et quatrième propositions des membres du comité.

Nous confirmons que nous n'acceptons pas le vote par procuration ou par courrier pour toutes ces raisons.

Sujet 32 - Autorisation du parti politique. Nous ne pourrons appuyer aucune des propositions du comité sur le sujet mais, par contre, nous proposons que soit réduit à 50 le nombre des signatures totales pour l'appui d'une demande d'autorisation mais qu'elles devraient être vérifiées par le DGE.

Mais on ne doit pas aller jusqu'à demander copie de la constitution et du règlement interne d'un parti.

Pour les mêmes raisons qu'une mise en candidature, un dépôt ne devrait pas être demandé. Dans ce cas aussi, par le respect de la Loi électorale et l'obligation du dépôt du rapport financier, nous proposons de renforcer les pénalités aux partis, soit 100 000 $ pour chaque chef d'accusation.

Nous proposons également d'abaisser à cinq le nombre de candidats requis pour obtenir une demande d'autorisation. Il est préférable d'avoir moins de candidats mais de s'assurer qu'ils soient honnêtes et intègres.

Sujet 37 - Financement par l'État des partis politiques. Nous proposons tout autre chose que ce qui a déjà été apporté. Nous ne recommandons aucun critère d'admissibilité sauf celui de l'autorisation de parti. Chacun des partis autorisés reçoit une allocation forfaitaire pour son administration courante de 75 000 $ par année versée à la date anniversaire d'autorisation de chaque parti.

Maximum autorisé de contributions. Cela va venir plus tard. Sujets 43 et 44.

Sujet 48 - Dépenses personnelles des candidats. Nous proposons que les dépenses électorales faites par l'agent officiel et son candidat ne devraient pas dépasser 30 000 $ au maximum.

Le contrôle devrait s'effectuer par le biais du rapport financier. Le remboursement se fera seulement aux candidats qui se sont rendus au jour du scrutin et selon leur rapport financier jusqu'à un maximum de 30 000 $, peu importe le pourcentage de votes obtenus. Ce remboursement devra être fait dans les 60 jours après la remise du rapport final et ses preuves.

Cette méthode permettrait d'égaliser les chances pour tous d'avoir plus de candidats sérieux. Les 30 000 $ des candidats pourraient être cautionnés par l'État jusqu'à son remboursement.

Par contre, le chef du parti dans chaque

circonscription où il a des candidats sera autorisé à faire des dépenses électorales sans limite à même son propre argent. Il devra faire la preuve que l'argent ainsi dépensé vient de ses biens propres. S'il ne peut faire la preuve, une amende de 1 000 000 $ par 100 $ sera aussitôt imposée comme pénalité sans autre avis ou trois ans de prison et quatre coups de fouet. Nous éviterons ainsi les pots-de-vin qui sont encore offerts par des groupes, organismes et compagnies pour le pouvoir qu'ils obtiennent ainsi sur le gouvernement.

Sujet 50 - Temps d'antenne gratuit et débats des chefs. Nous proposons que la répartition équitable qualitativement et quantitativement soit accordée à tous les chefs des partis autorisés même à ceux n'étant pas représentés à l'Assemblée nationale et n'ayant pas recueilli 3 % des votes à l'élection précédente.

Les médias qui désirent offrir ce temps d'antenne devront le faire à tous les chefs par écrit et ceux ne désirant pas participer devront communiquer leur réponse obligatoirement par écrit pour prouver que le média s'est conformé à la loi.

En période électorale, cela ne constituerait pas une dépense électorale et nous proposons que la Loi électorale soit amendée pour octroyer du temps d'antenne aux chefs et aux candidats des partis en élection mais qui serait payé à même les fonds de l'État. Ceci pour autant que tous bénéficient d'un temps égal et il serait à établir à même la loi combien de temps serait ainsi accordé.

Il serait aussi à prévoir d'accorder du temps d'antenne payé par l'État en période électorale pour une meilleure diffusion et information des programmes des partis. Il demeurerait au contrôle interne du parti de déterminer si c'est le chef ou une autre personne du parti qui parlera lors de ces périodes. (17 h 45)

Nous proposons, lors du bulletin d'information, que les déclarations faites aux radios ou télévisions ou autres devraient être conformes aux dires exacts des partis sans rien ajouter ou changer sinon ils seraient pénalisés de six mois de fermeture sans autre avis ni procès.

Publicité gouvernementale en période électorale. Nous proposons l'adoption d'une loi qui interdirait toute publicité gouvernementale en période électorale générale ou partielle. Quelques exceptions pourraient être prévues: une situation d'urgence, la publicité du DGE, la sollicitation de demandes d'emplois, la publicité visant la promotion touristique et les appels d'offres. Le contrôle pourrait être entre les mains des électeurs et du DGE ainsi que des médias.

Campagnes au leadership. Nous proposons que les candidats au leadership de leur parti défraient eux-mêmes toutes les dépenses. Ils ne peuvent en aucun cas solliciter des contributions d'électeurs.

Nous considérons que ce n'est pas aux électeurs à assumer une telle campagne. Divulgation complète des sources de financement et de l'utilisation des fonds de chaque candidat en lice.

Changement de la méthode de scrutin. Vu les nombreuses fraudes lors des élections précédentes, nous proposons de changer le mode actuel de scrutin pour faire place à des machines qui enregistreraient le vote des électeurs.

Les machines devraient être celles proposées du temps de Jean Lesage en 1962, faites en Angleterre. Il serait impossible de frauder de la part des électeurs ou autres et cela empêcherait les erreurs dans le comptage des votes.

Loi de responsabilité politique. Il devrait exister une loi pour le respect des promesses électorales et des pénalités pour les contrevenants. Financement des partis politiques. Nous proposons l'élimination complète des souscriptions pour ainsi porter sur un pied d'égalité tous les partis. Seul le financement par l'État, sujets 37, 48 et 50, serait accepté.

Le contrôle du rapport financier demeure et des pénalités exemplaires de 1 000 000 $ par 100 $ de contribution acceptée devraient être imposées si un parti acceptait des contributions.

Les électeurs étant déjà fortement sollicités par le biais des impôts, il est juste de répartir également leur argent à chacun des partis pour une meilleure diffusion de leur programme à tous et ainsi être en mesure de déterminer ceux qui les représenteront au gouvernement. Ainsi, nous éliminerons la sollicitation qui est faite auprès des électeurs pour l'achat de cartes de membre, pour des brunches ou autres activités politiques.

Âge pour voter. La proposition est que l'âge requis pour voter soit augmenté à 22 ans.

Le délai de procédure. Nous proposons que toute procédure dans une contestation d'élection ne doit pas dépasser trois mois sous aucune considération. Il devrait y avoir dans la loi une priorité accordée à ces cas pour en accélérer le traitement.

Le Président (M. Marcil): Mme Tousignant, je vais reconnaître maintenant M. le député de Taschereau.

M. Lecierc: Je voudrais d'abord remercier M. Roy et Mmes Tousignant de s'être présentés devant nous et d'avoir préparé ce mémoire. J'aurai, somme toute, peu de questions parce que le mémoire est très clair en soi. Une première fort simple: Je me rends compte en relisant le mémoire que, pour différentes occasions, vous choisissez ou vous proposez des âges différents. Vous proposez 25 ans pour travailler aux élections, 22 ans pour voter. Considérant qu'à 18 ans au Québec on est majeur, vous ne pensez pas qu'il y a là des possibilités de confusion?

Une voix: Une, cela va être assez.

M. Roy: On a pris 25 ans, trois ans de plus que 22 ans, pour une raison: une personne de 25

ans a plus d'expérience qu'une personne de 22 ans. C'est bien simple.

M. Leclerc: Cela peut nous amener des confusions.

M. Roy: Parce qu'à 22... Tous les gens nous ont demandé... J'ai fait évidemment les comtés. Dans les comtés, ils m'ont dit: Pourquoi est-ce que les gens n'auraient pas le droit de vote à 25 ans? Tous les gens. Je ne l'ai pas mis à 25, je l'ai mis à 22.

M. Gendron: Sérieusement, je veux dire...

Une voix: A la fin de la journée, un mémoire, c'est plus court.

Le Président (M. Marcil): Pas d'autres questions? Non, bon. Mme Ginette Tousignant, M. Roy, on vous remercie beaucoup de vous être présentés.

Je tiendrais à vous informer que demain nous allons commencer nos travaux à 11 heures au lieu de 10 heures puisqu'il va y avoir un décalage au niveau des groupes qui doivent se présenter. C'est le député de Taschereau qui présidera au début de l'avant-midi. Merci beaucoup, Mme Tousignant. Nous allons ajourner nos travaux à 11 heures, demain matin.

M. Gratton: M. le Président, il ne serait peut-être pas inutile de faire la nomenclature des personnes...

Le Président (M. Marcil): Oui, pour demain...

M. Gratton:... qui comparaîtront et à quelle heure, s'il vous plaît.

Le Président (M. Marcil): Demain matin, à partir de 11 heures, on va entendre le Directeur général des élections du Canada; il sera suivi, à midi, du Directeur général des élections de l'Ontario. Ensuite, on continuera avec le Directeur général des élections du Québec, dans l'après-midi; il sera suivi par la Fédération de l'âge d'or. On continuera avec le ministre des Communications du Québec et nous terminerons la journée avec les remarques finales du député de Gouin, du représentant de l'Opposition officielle, de même que du ministre délégué à la Réforme électorale. Est-ce qu'il y a des questions concernant la journée de demain? Cela va. D'accord.

Donc, Mme Tousignant et M. Roy, on vous remercie de vous êtes déplacés. J'ajourne les travaux à demain, 11 heures.

(Fin de la séance à 17 h 52)

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