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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 6 décembre 1988 - Vol. 30 N° 37

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 86 - Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et diverses dispositions législatives


Journal des débats

 

(Seize heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Filion): A l'ordre, s'il vous plaît!

Il me fait plaisir de constater le quorum. Je déclare donc ouverte cette séance de la commission des institutions dont le mandat, aujourd'hui, est le suivant: procéder à l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et diverses dispositions législatives.

Je demanderais à notre secrétaire, Me Giguère, d'annoncer les remplacements.

La Secrétaire: Les remplacements sont les suivants: M. Chevrette (Joliette) est remplacé par M. Blais (Terrebonne) et M. Jolivet (Laviolette) par M. Dufour (Jonquière).

Le Président (M. Filion): D'accord. À la suite d'une entente intervenue entre le leader du gouvernement et le leader de l'Opposition, la commission est prête à recevoir le rapport de la sous-commission qui a siégé les 25, 26, 27 octobre 1988 et les 1, 3 et 8 novembre 1988 afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations.

J'inviterais donc le président de la sous-commission, M. le député de Beauharnois, à soumettre le rapport de la sous-commission en vertu de l'article 151 du règlement.

Dépôt du rapport de la sous-commission des institutions

M. Marcil: Oui, M. le Président. Comme vous l'avez si bien dit, c'est ce rapport que je dépose présentement.

Le Président (M. Filion): D'accord.

M. Marcil: Je ne voudrais pas répéter ce que vous avez dit.

Le Président (M. Filion): Donc, rapport déposé.

M. Brassard: Un rapport sur quoi, M. le Président?

Le Président (M. Filion): C'est la sous-commission des Institutions qui a étudié le Code civil au chapitre du droit des obligations. On a fait des consultations générales de six jours durant l'intersession.

M. Brassard: Est-ce qu'on peut poser des questions au rapporteur?

Une voix: Sur quelle partie?

Le Président (M. Filion): C'est en vertu de l'article 151 de notre règlement. Je le lis: Toute sous-commission soumet son rapport à la commission qui l'a constituée. "Dans le cas d'un mandat confié par l'Assemblée, le rapport de la sous-commission fait l'objet d'un débat restreint d'au plus une heure, au cours duquel des amendements peuvent être proposés. La commission ne vote que sur les amendements. Elle fait ensuite rapport à l'Assemblée. "

M. Brassard: II y a une entente entre les leaders, si je comprends bien, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Oui. Il y a une entente entre les leaders quant au dépôt. Je ne voudrais pas brimer votre droit de parole, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Est-ce que le débat d'une heure dont vous parlez est possible en commission ou à l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Filion): En commission.

M. Brassard: En commission, ce serait possible.

Le Président (M. Filion): En commission.

M. Brassard: Est-ce que l'entente entre les leaders exclut nommément le débat d'une heure prévu par nos règlements?

Le Président (M. Filion): Nous suspendons nos travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 35)

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Filion): Nous reprenons les travaux et je conclus qu'il n'y a pas d'intervenant en vertu de l'article 151 de notre règlement. C'est bien cela? Je prends acte du rapport de la sous-commission. Je spécifie également que la sous-commission a rempli le mandat qui lui avait été confié par l'Assemblée et cette commission recommande donc le dépôt du rapport à l'Assemblée.

Revenons à notre mandat d'aujourd'hui qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et diverses dispositions législatives. Je veux inviter s'il y a lieu le ministre, le porte-parole de l'Opposition et les membres de la commission intéressés à faire des

remarques préliminaires s'il y en a. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Herbert Marx

M. Marx: M. le Président, j'ai déjà fait un discours en deuxième lecture. J'ai fait une réplique. Je sais que l'Opposition a parlé aussi. Les députés ministériels ont parlé. Il y a une certaine répétition qui se fait. Je n'ai pas d'autre chose à ajouter à ce moment-ci. Le débat sur les principes étant fait, M faut procéder à l'étude article par article, sauf, j'imagine, si les députés ont quelque chose à ajouter sur les principes. Cela ne pourrait pas être tellement différent que le débat en deuxième lecture, parce que )e pense que tous les points majeurs ont été touchés. Donc, je n'ai rien d'autre à ajouter à ce moment-ci.

Le Président (M. Filion): Merci. M. le ministre. M. le député de Jonquière, porte-parole de l'Opposition.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président. C'est évident qu'il pourrait y avoir répétition dans les remarques que l'on pourra faire, mais ce serait tout de même difficile de ne pas parler de ce projet de loi Important qui a été déposé à l'Assemblée nationale concernant l'organisation policière et modifiant la Loi de police.

Il faut se rappeler que ce projet de loi fait suite, d'abord, à une promesse du gouvernement en place qui s'était engagé à apporter des amendements majeurs à la Loi de police. Pourquoi? Parce que l'ex-gouvernement a tenté à plusieurs reprises, lui aussi, d'apporter des amendements, mais il n'a pas nécessairement eu pleine collaboration, ce qui fait que l'on n'a pas pu procéder à des changements majeurs à la Loi de police. C'est tellement vrai que le premier titulaire du poste de Solliciteur général après décembre 1985 a proposé effectivement un avant-projet de loi concernant l'organisation policière. L'ancien Solliciteur général s'appelait M. Gérard Latulippe.

À la suite de cet avant-projet de loi qu'il a déposé, il a tenu des consultations particulières avec plusieurs groupes. Effectivement, 25 groupes se sont présentés à ces consultations et plusieurs recommandations ont été faites par ces groupes. Je voudrais seulement en soulever quelques-unes pour la bonne compréhension de cette commission. Si je dis qu'il n'y a pas de répétition par rapport à cela, c'est qu'à l'Assemblée nationale, lors du discours de deuxième lecture, j'en avais soulevé quelques-unes, mais j'avais délaissé la nomenclature jusqu'à un certain point parce que je pensais à ce moment-là qu'on ne devait pas utiliser à 100 % notre droit de parole ou, en tout cas, en abuser.

Puisqu'on est rendu à l'étude détaillée de ce projet de loi, Je pense qu'il est bon de rappeler que, dans ces 25 mémoires qui nous ont été présentés, certains groupes ont fait certaines recommandations qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi qu'on a à étudier aujourd'hui. Par exemple, la Ligue des droits et libertés recommandait d'instaurer un processus de nomination publique des membres des comités de déontologie et du tribunal, qui serait similaire à celui prévu pour les juges de juridiction provinciale. On ne retrouve pas cette recommandation dans ce projet de loi.

On recommandait aussi que le pouvoir du Solliciteur général - c'est devenu le ministre de la Sécurité publique - d'intervenir dans le processus soit mieux balisé. Effectivement, quand on regarde dans le projet de loi, il peut intervenir à tous les niveaux du processus. Donc, loin d'être balisé, il est laissé vraiment dans le décor, avec toute liberté d'action ou d'Intervention.

Il y avait aussi les recommandations qui concernaient les plaintes acheminées aux commissaires pour qu'elles soient aussi acheminées aux comités. En même temps, la ligue avait dit qu'elle n'était pas d'accord pour que le commissaire puisse rejeter les plaintes ou le syndic, dans le premier cas.

Donc, il y a un certain nombre de recommandations qu'on peut trouver. Je pense qu'il peut être fastidieux de répéter ce que chaque groupe recommandait. Je pense aussi que c'est une question de respect envers ces groupes-là; s'ils ont préparé un mémoire et qu'ils ont pris la peine de venir donner leur point de vue, c'est une façon de les respecter que de donner suite à ces plaintes ou à ces recommandations. À travers ce projet de loi, on ne l'a pas, on ne retrouve pas cela. Il y a donc des points sur lesquels on peut se poser des questions.

En plus, il est évident que cette loi ne reprend que partiellement l'ensemble d'une réforme policière. Une réforme policière qui se limiterait seulement à ce projet de loi serait, à mes yeux, incomplète. On aurait aimé que ce projet de loi aille bien plus loin. Pour avoir travaillé dans le domaine municipal, Je sais qu'il y a beaucoup d'intervenants qui ont Insisté depuis de nombreuses années pour qu'on aille en profondeur dans la réforme du système policier au Québec. On se limite, malheureusement, à un code de déontologie, à un commissaire, à des tribunaux d'application du code de déontologie et, en même temps, à convertir l'Institut de police de Nicolet en corporation privée, mais qui prend seulement tous les désavantages des avantages. On aura l'occasion, bien sûr, d'en reparier en cours de route.

Le vrai débat dans tout ça. c'est effectivement le code de déontologie. Le projet de loi qu'on a à étudier repose sur le code de déon-

tologie et on ne sait pas exactement ce qu'il contiendra. On est en train de donner des pouvoirs à des gens, à des organismes pour porter des jugements sur un code qui est effectivement dans le paysage, mais qu'on ne peut pas toucher du doigt. Il faut toujours bien comprendre que le premier Solliciteur général s'était engagé à déposer le code en même temps que la loi. Donc, II devait nous dire à ce moment-là: Le jour où je dépose la loi, vous aurez quelque chose sur quoi vous pourrez vous prononcer. Et on ne l'a pas. À mon point de vue, c'est donc un accroc concernant l'étude de ce projet de loi, parce que, si on donne des pouvoirs à des gens, il faudrait bien savoir sur quel ensemble ces pouvoirs seront donnés.

Il y a, évidemment, aussi, à travers ce projet, beaucoup d'étapes ou de paliers qui sont donnés concernant le cheminement des plaintes. C'est pratiquement de nature à décourager celles ou ceux qui auront à se plaindre du système policier. Règle générale, en tout cas, et, je pense, en particulier aussi, on ne fait pas d'erreur en disant que la justice doit être efficace et qu'elle doit pouvoir se prononcer rapidement. Et quand on examine l'avant-projet de loi par rapport au projet de loi 86, on constate que la Commission de surveillance des services policiers a été remplacée par un commissaire à la déontologie qui peut recevoir une plainte. C'est la seule personne qui peut recevoir une plainte.

Si on fait la comparaison avec la commission de surveillance, on voit bien que cette plainte pouvait être reçue, d'abord, par un syndic qui, lui, pouvait agir à la suite de la plainte reçue ou de sa propre initiative. Cela n'existe plus dans le projet de loi. C'est un élément important parce que ça veut dire que, si le commissaire n'a pas de plainte, il n'agira pas. On ne lui donne pas ce pouvoir-là. Le commissaire va agir à la condition qu'il reçoive une plainte. Anciennement, il pouvait s'il constatait des anomalies, agir de son propre chef.

Le directeur de police qui se rendait compte de certains problèmes pouvait, lui aussi, saisir le syndic d'un élément qu'il considérait comme pas correct. Donc, on voit que le cheminement était horizontal avec, d'abord, le monde en général, le syndic qui était chargé d'analyser les plaintes et le directeur d'un corps de police. Avec le projet de loi qu'on a à étudier, toute personne peut adresser une plainte. Mais le commissaire à la déontologie, qui est le seul à recevoir la plainte, on pourrait penser qu'il est aussi une personne, mais comment pourrait-il s'adresser une plainte à lui, si ce n'est pas nommément explicité dans le projet de loi?

Avant, on laissait de la latitude au syndic. Pour ne pas mêler les termes, on peut peut-être parler de commissaire aussi parce qu'il faut remplacer syndic par commissaire. Il pouvait informer le policier de la plainte qu'il avait en main et, en même temps, lui poser des questions concernant sa conduite. Après ça, il pouvait décider de faire enquête. Donc, à ce moment-ci, il y a un changement fondamental puisque le commissaire, dès la réception de la plainte - on ne dit pas une semaine après, trois semaines après - avise par écrit le policier et le directeur du corps de police Impliqué.

On voit bien, Immédiatement, qu'il y a un changement fondamental par rapport à ce qu'on avait avant. Le commissaire qui reçoit la plainte n'a plus la latitude. Supposons qu'il y a un choix quelconque. Il pourrait recevoir une plainte et avoir des doutes comme toute personne intelligente. Le commissaire qui devrait avoir une grande expérience dans le domaine policier, dans le domaine des relations entre le policier et le public, va recevoir la plainte et il n'a pas le choix de la juger. Il n'a pas pu faire d'analyse auparavant, avant de porter un jugement. Donc, il doit aviser immédiatement le policier qu'il y a une plainte portée contre lui et, en même temps, il avise la personne qui a fait la plainte. Cela prend un certain courage immédiatement pour la personne qui porte plainte puisqu'elle sait déjà, à la minute où elle fait une dénonciation, que la personne concernée est au courant de ce qui se passe.

Le commissaire a un travail à faire immédiatement. D'une part, il peut décider de faire une enquête. Avant, c'était la même chose aussi. Mais comment on fait l'enquête? Cela aussi, c'est important. Avant de faire l'enquête, dans le projet de loi qu'on a devant nous, on peut faire un constat à l'amiable. Un commissaire qui reçoit la plainte, qu'elle soit fondée ou pas - ils ne nous disent pas ça - peut la laisser tomber. Mais quand il y a une plainte, le premier travail qu'il va faire, c'est de tenter d'arriver, par un constat à l'amiable, à régler la plainte.

Je pense que ça laisse un problème assez majeur. D'abord, concernant cette question de faire ce constat, il va aller rencontrer la personne pour faire un règlement à l'amiable ou un constat à l'amiable. Il va y avoir des échanges de renseignements ou des discussions et ça va exercer une certaine pression sur le citoyen qui a fait la plainte. S'il y a suite ou si cette plainte qui est fondée en vient à un règlement, le constat étant fait, on en vient à un règlement à l'amiable et là la plainte peut tomber. Mais si la plainte tombe, il faut qu'il se soit passé certains faits qui produisent ce règlement. Quels seraient ces faits ou ces causes qui pourraient amener le commissaire à faire un règlement avec le citoyen? Est-ce que ce sera le citoyen qui pourra dire: Je m'excuse, je me suis trompé? Il n'y a pas trop de problème. Ou le citoyen va faire admettre ou va faire comprendre au commissaire que, vraiment, il a été lésé. S'il a été lésé, comment va-t-on faire la réparation? Est-ce qu'il y aura des coûts impliqués? C'est inquiétant. Est-ce qu'il y aura des coûts impliqués? S'il y a des coûts, il faut savoir qui paie.

Pour connaître les conventions collectives,

on sait bien que, règle générale et probablement pas à tort, les policiers sont protégés. Lorsqu'il y a une dénonciation contre un policier, d'abord, il faut que la plainte soit assermentée, règle générale, et s'il y a enquête et s'il y a un problème, c'est la municipalité qui couvre le tort qui a été fait par un employé qui s'appelle le policier. Dans ce cas-là, on en vient à une entente. Il y apossiblement des coûts Impliqués. On n'a pas besoin d'en parler à qui que ce soit. On règle le problème. Ce n'est pas comme ça que ça se passe, règle générale. SI on fait des choses qui sont contre la loi, normalement on ne peut pas se permettre d'arranger ça entre deux portes. C'est public, règle générale.

Dans le cas qui nous est présenté par le projet de loi 86, ces ententes se font sans que ça se fasse comme on est habitué à le faire. Dans le fond, c'est étranger un peu au milieu auquel on a à faire face. Les milieux policiers, règle générale, ont des lois très connues et Ms fonctionnent à travers ça. Ce n'est pas de cette façon-là. En tout cas, c'est une nouvelle façon de voir les choses. Avant, bien sûr, le syndic ou le commissaire pouvait décider de faire enquête. Il n'était pas question d'essayer de faire des arrangements avant. Ou la plainte était futile et l'enquête disait: On ne peut pas y donner suite. Actuellement, même si elle n'est pas futile, il n'est pas obligé d'Intenter une procédure pour aller plus loin parce qu'ils se sont arrangés à l'amiable. Anciennement, on disait: On peut faire enquête et on décidait s'il y avait matière à citation ou non. On donnait un certain nombre de raisons pour lesquelles l'enquête devait être faite.

Quand on regarde le pro|et de loi et la façon dont l'enquête est faite, cela m'inquiète un peu. Je pense aussi que notre jugement nous dit qu'il y a des choses un peu spéciales. Que le corps policier impliqué fasse sa propre enquête sur son propre policier vis-à-vis d'un citoyen, je peux bien lui donner le bénéfice du doute, mais ce n'est pas bon pour le policier, pas plus que pour le public. Je sais que les corps policiers n'aiment généralement pas enquêter sur leurs collègues. Ils n'aiment pas ça et je trouve ça correct de leur part. Le commissaire pourrait exiger que le corps de police s'implique concernant ses propres membres. Je pense que, par rapport à ça, le projet de loi est différent de l'avant-projet de loi parce qu'on procédait différemment avant et nulle part on ne disait que le corps policier enquêtait sur ses propres membres. Dans les quelques remarques préliminaires qu'on a à faire, je n'aurai pas le temps de passer tout le projet de loi, mais effectivement je trouve que beaucoup d'éléments ont changé et que c'est de nature à ne pas atteindre les buts visés.

Ce projet de loi qu'on a devant nous va enlever un certain nombre d'Irritants. On constate qu'il peut enlever un certain nombre d'irritants. Mais il y a beaucoup d'autres éléments dont on ne parle pas. Ces éléments auraient pu donner suite à de nombreuses demandes, à de nombreuses discussions qu'il y a eu auparavant entre le Solliciteur général et le ministre de la Justice, et un certain nombre d'intervenants qui ont soulevé un certain nombre de problèmes dans le vécu. On sait que la Loi de police n'a pas été révisée depuis un certain nombre d'années. Donc, le ministre de la Sécurité publique aurait pu profiter du projet de loi pour aller plus en profondeur et éclairclr un peu le cheminement de ces problèmes auxquels on a à faire face. Je comprends que le ministre puisse arriver avec un paquet de personnes et dire: Oui, elles nous ont donné leur accord, mais, dans le fond, quand on comprend, l'accord de certains intervenants, il est partiel assez souvent. Elles craignent qu'on ne fasse rien et qu'il ne se passe rien. On a vu un accord où on a senti une réticence et je ne pense pas que cela rencontre exactement ce qui avait été demandé.

J'aurais pu parier de l'Institut de police qu'on est en train de mettre en place. M. le Président, je vais garder le peu de temps qui me reste pour revenir à la charge tout à l'heure. Je vous remercie.

Le Président (M. Filion): Je voudrais remercier le député de Jonquière, porte-parole de l'Opposition officielle. Est-ce que d'autres membres de cette commission, du côté ministériel, désirent faire des remarques préliminaires?

M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, j'aimerais aussi, à l'instar de mon collègue de Jonquière, faire quelques remarques préliminaires sur le projet de loi. Je dirais, tout d'abord, que c'est un peu curieux, cette volonté du ministre et du gouvernement, forcément, de vouloir procéder à la vapeur avec un projet de loi aussi Important. C'est ce qui inspirait certaines interrogations et même certaines réticences chez un journaliste chevronné comme Gilles Lesage qui trouvait peu convaincantes les raisons du gouvernement de faire adopter rapidement un projet de loi aussi important. (17 heures)

II me semble que, en tant que législateurs sérieux et responsables, on se doit de légiférer en prenant tout le temps qu'il faut et en examinant sérieusement non seulement le projet de loi lui-même, mais également en entendant tous les Intervenants intéressés ou concernés par le projet de loi. On peut ainsi prendre un peu plus de temps, mais je pense qu'en fin de compte on se retrouve avec une loi mieux faite qui tient compte davantage des divers intérêts des Intervenants et qui fait davantage l'objet d'un consensus et ainsi, forcément, est mieux applicable.

On le salt, ce projet de loi est le fruit d'une longue gestation dans le sens qu'il y avait déjà un avant-projet qui était connu, qui avait été déposé par l'ex-Solliciteur général, le député de Chambly, M. Latulippe. De façon très sage, M. Latulippe avait prévu sur son avant-projet de loi - ce n'était même pas un projet de loi, c'était un avant-projet de loi - une consultation. Pas une consultation particulière, une large consultation, un appel à tout le monde. On me dit que c'était particulier. C'était, quand même, une consultation où on faisait appel à tous les intervenants. D'ailleurs, plusieurs avaient déjà fait parvenir aux membres de la commission des mémoires sur cet avant-projet. La consultation n'a jamais eu lieu. Entre-temps, on sait qu'il y a eu un changement ministériel. Je ne vous rappellerai pas les faits, mais il reste que M. Latulippe a démissionné comme Solliciteur général, il a été remplacé par le député de D'Arcy McGee. Ce dernier n'a pas jugé bon de donner suite à la consultation prévue sur l'avant-projet. Il a préféré aller de l'avant et mettre au point un projet de loi comme tel sur le même sujet.

À partir de ce moment, venir prétendre que la consultation a eu lieu puisque les mémoires ont été déposés, que tout le monde a pu en prendre connaissance, y compris le ministre, et qu'à la suite de cette prise de connaissance des divers mémoires des intervenants le ministre a conçu et mis au point un véritable projet de lof, cela ne me semble pas très fort comme argument pour écarter une proposition tout à fait pleine de sagesse de mon collègue de Jonquière visant à tenir une consultation particulière sur le projet de loi en question. On le verra tout à l'heure, il y a des différences majeures entre les deux, entre l'avant-projet de loi et le projet de loi tel qu'on le connaît. Il y a des différences considérables.

Par conséquent, on ne peut pas considérer que les mémoires qui ont été déposés sur l'avant-projet de loi portent sur le projet de loi parce que ce dernier est substantiellement différent de l'avant-projet. C'est tout à fait inconcevable qu'on puisse prétendre que ces mémoires reçus portent sur un projet de loi qui n'était pas connu et qui n'était pas déposé. Ils portent sur un avant-projet de loi et, le projet de loi étant différent de l'avant-projet de loi, il me semble qu'on ne peut pas prétendre légitimement qu'il y a eu une véritable consultation. Le ministre a peut-être fait des appels ou des rencontres ou a peut-être eu des contacts avec des intervenants intéressés, je n'en disconviens pas. J'espère qu'il l'a fait. Le contraire serait étonnant. Quand on fait un projet de lof, c'est comme ça qu'il faut fonctionner. Mais ça s'est fait dans son bureau, ça s'est fait derrière les portes closes. Ce n'est pas une consultation. On ne peut pas appeler ça une consultation publique.

Par conséquent, les motifs Invoqués par mon collègue de Jonquière valent toujours et sont toujours d'un poids considérable. Il me semble qu'on devrait en tenir compte. On aura l'occasion, pendant cette commission parlementaire, de reparler de cette consultation parce qu'on juge essentiel qu'elle se fasse, qu'elle se tienne sur un projet de loi aussi considérable.

M. le Président, il s'agit là d'un virage majeur. Ce projet de loi constitue un virage majeur par rapport à ce qui existe, par rapport à la loi actuelle. Ce n'est pas un petit projet de loi qui consiste en quelques amendements insignifiants ou de pure forme à la loi actuelle. C'est un virage considérable. C'est un changement de cap. On abolit une institution existant depuis quelques années qui s'appelle la Commission de police pour la remplacer par d'autres organismes. On prévoit tout un processus de plaintes important. J'y reviendrai tantôt.

C'est donc un virage majeur, d'après Gilles Lesage. Encore une fois, j'y fais référence parce que je pense que c'est un journaliste et un chroniqueur parlementaire qui vient juste de recevoir un prix, le prix Jules-Fournier, qui est une reconnaissance, évidemment, de son travail et de sa compétence. Je pense que les commentaires et remarques d'un journaliste chevronné comme Gilles Lesage sont à prendre au sérieux; quand il dit qu'il s'agit là d'un virage majeur, je pense qu'il a raison. D'ailleurs il suffit de prendre connaissance du projet de loi, de comparer ce qui existerait si le projet de loi était adopté à ce qui existe présentement pour voir que c'est un changement de cap et un virage considérable.

Dans ces conditions, encore une fois, M faut prendre le temps nécessaire et il faut faire les consultations nécessaire et les faire publiquement, correctement si on veut légiférer sérieusement et de façon responsable. Ce projet de loi nous annonce - c'est l'article 35, M. le Président - que le gouvernement va adopter par règlement un code de déontologie des policiers du Québec, qui va déterminer les devoirs et les normes de conduite des policiers dans leurs rapports avec le public. Ce code de déontologie va s'appliquer aux policiers membres de la Sûreté du Québec, au Service de police de la Communauté urbaine de Montréal ou à tout autre corps de police municipal. Tous les corps policiers vont être soumis à ce code de déontologie.

Dans ce code de déontologie, on va retrouver non seulement les devoirs des policiers, mais aussi les normes de conduite des policiers. Ce n'est pas rien, ça. C'est l'article 35. Mais, on ne connaît pas le code de déontologie. On ne l'a vu nulle part. C'est juste un article du projet de loi. Il me semble qu'on ne peut pas parler de commissaire à fa déontologie, de comités de déontologie, de processus de plaintes, du cheminement d'une plainte d'un citoyen à l'égard d'un policier et de tout ça, si on n'a pas entre les mains le code de déontologie en question.

Je veux bien croire que c'est un règlement. La réponse officielle qu'on nous fait toujours dans ces cas quand on demande un règlement,

c'est: Écoutez, c'est un règlement qui est prévu par une disposition de la loi. Ce règlement sera adopté, rendu public au moment où la loi sera adoptée. C'est une réponse facile. Il est arrivé très souvent en cette Chambre - ça fait, quand même, quelques années que j'y suis - quand une loi importante prévoyait des règlements Importants, des règlements qui avaient une portée considérable, à l'occasion de l'étude article par article, que le ministre déposait les règlements. Il les mettait sur la table. Les membres de la commission en prenaient connaissance et là l'étude du projet de loi était pas mal plus éclairante, plus sérieuse. On savait de quoi il retournait puisqu'on avait une connaissance des règlements. C'est un comportement fréquent que plusieurs ministres ont déjà adopté dans le passé. Je pense que ça permettait à la commission parlementaire de faire un meilleur travail, une meilleure analyse du projet de loi parce que les membres étaient mieux éclairés.

Là, il y a un code de déontologie qui est prévu et on n'en a pas la moindre idée parce que le ministre ne juge pas utile de nous déposer ce code, au moins le projet de code de déontologie pour qu'on puisse en prendre connaissance. Je pense que ça nous permettrait de mieux comprendre tout le processus fort complexe que le projet de loi met en place relativement a une plainte d'un citoyen à l'égard d'un policier. Bien non, on n'a pas en main le code de déontologie. Encore une fois, on le réclame. La commission ne fait que commencer ses travaux. Le ministre nous écoute religieusement. J'espère que le message va être bien compris et qu'à une séance...

M. Marx: M. le Président, puis je répondre à cette question...

Le Président (M. Filion): M le ministre, s'il vous plaît!

M. Marx:... si le député est d'accord parce qu'il a dit...

Le Président (M. Filion): S'y vous plaît, M. le ministre.

M. Marx:... que j'écoutais religieusement? M. Brassard: Oui.

Le Président (M. Filion): M. le ministre, s'il vous plaît !

M. Marx: SI le député est d'accord.

M. Brassard: Bien, j'espère que c'est vrai.

Le Président (M. Filion): Je pense que la parole est au député de Lac-Saint-Jean.

M. Marx: Mais s'il est d'accord...

M. Brassard: Retenez les messages que je vous envoie et vous pourrez...

M. Marx: Non, parce que J'ai dit au début qu'il va y avoir beaucoup de répétitions. Le problème, c'est que vous ne m'avez pas écouté en Chambre quand j'ai répondu à cette question. Je vous réfère à mon discours de deuxième lecture, j'ai donné la réponse, je ne veux pas la répéter, la répéter, la répéter, même si je vous écoute religieusement.

Le Président (M. Filion): Alors, M. le ministre, cela va. La parole est au député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: J'irai voir la réponse.

M. Blais: Cela ne comptera pas sur son temps.

M. Brassard: Mais la réponse n'a sûrement pas été oui à la demande de déposer le code de déontologie parce qu'on ne l'a pas entre les mains; alors, ce n'est sûrement pas oui. On continue de prétendre que ça devrait être oui, qu'on devrait avoir entre les mains, à tout le moins, le projet de code de déontologie des policiers du Québec parce qu'il doit y en avoir un. J'espère qu'il est assez avancé et qu'il y a un projet sur cette question.

Autre remarque, M. le Président. Quand on compare - mon collègue de Jonquière l'a fait admirablement, de façon tout à fait remarquable tout à l'heure - l'avant-projet de M. Latulippe et le projet de loi 86, on se rend compte qu'on est passé d'une relative simplicité à une complexité fort touffue en matière de cheminement d'une plainte. Là, je me mets à la place d'un citoyen. L'expression qui surgit dans mon esprit presque spontanément, c'est que j'ai l'impression qu'une chatte n'y retrouverait pas ses petits, expression très chère à M. Lévesque; M. Léves-que disait très souvent: Une chatte n'y retrouve pas ses petits quand il prenait connaissance d'une bureaucratie ou d'un système bureaucratique très complexe. Dans l'avant-projet, c'était relativement simple. Il y avait, d'abord, une Commission de surveillance des services policiers à qui on pouvait adresser des plaintes. Il y avait ce qu'on appelait un syndic - c'est devenu le commissaire dans le projet de loi actuel - qui pouvait aider ensuite le plaignant à faire cheminer sa plainte. Ce syndic, évidemment, pouvait faire enquête. Lorsqu'une plainte lui apparaissait justifiée, c'était la commission qui examinait la plainte, qui faisait comparaître les parties. Donc, pas trop d'étapes, un citoyen pouvait s'y retrouver; ce n'était pas trop complexe, relativement simple. Il y avait ceci de particulier également qu'un plaignant pouvait porter directement une dénonciation à la commission. (17 h 15)

Quand on passe de l'avant-projet de loi au

projet de loi 86, tout d'un coup tout devient compliqué, on aboutit à ce que Gilles Lesage appelle un système à trois ou quatre étages. Il dit également dans son editorial: "Au lieu d'un organisme fort, impartial, facile d'accès - ce qui aurait pu être le cas avec les dispositions de l'avant-projet de loi - on propose trois paliers dont l'arrimage harmonieux, efficace et rapide ne saute pas aux yeux. " C'est le moins qu'on puisse dire - je cite M. Lesage - parce que c'est compliqué.

Je regarde le cheminement d'une plainte, puis presque spontanément je pense au Procès de Kafka. C'est décourageant. Mon collègue de Terrebonne me souffle un mot fort Juste, c'est décourageant. Je n'ai pas l'impression qu'il y a beaucoup de citoyens qui vont persévérer jusqu'au bout quand on voit ça. Le premier étage: commissaire à la déontologie. Cela remplace le syndic qu'on retrouvait dans l'avant-projet de loi. C'est à lui d'abord qu'on s'adresse. C'est le commissaire qui examine la plainte et qui peut décider d'enquêter ou non. il peut refuser d'enquêter si la plainte est frivole ou si le plaignant refuse de coopérer. Enfin, il y a un certain nombre de raisons. C'est juste le premier étage. S'il accepte de faire l'enquête, il la fait et là il peut aviser le plaignant qu'on peut aller à un autre étage. On passe au deuxième étage. Au deuxième étage, c'est le comité de déontologie. Cela me fait penser à un album d'Astérix. Je ne sais pas si vous vous rappelez cet album où Astérix et Obélix sont aux prises avec l'administration romaine dans une espèce d'édifice. Je pense que c'est Les douze travaux d'Astérix. Vraiment, les citoyens qui en ressor-tent sont complètement fous, devenus déments...

Une voix: La tour de Babel.

M. Brassard:... tellement c'est incompréhensible, la bureaucratie romaine, qu'on retrouve dans nos sociétés modernes. Mais là, c'est le comité de déontologie, c'est juste le deuxième étage si le plaignant a suffisamment de courage pour s'y rendre et si le commissaire a accepté. Le commmissaire peut le lâcher, il peut l'abandonner en cours de route. On dit que le plaignant peut toujours aller seul au comité de déontologie, mais sans le commissaire aux plaintes, je vous avoue que ce sera difficile pour lui.

Ce n'est pas le dernier recours. Après le comité de déontologie, il y a un autre étage, c'est le tribunal de la déontologie. On pourrait en parler longuement. C'est un autre tribunal administratif qui vient s'ajouter aux autres. La loi 100 sur la protection du territoire agricole a créé un autre tribunal administratif pour juger des cas de dézonage. Pour un gouvernement qui voulait simplifier les choses et réduire le nombre de tribunaux administratifs, c'est plutôt le contraire qui se passe. Il en crée davantage. Là, on en a un autre: le tribunal de la déontologie.

C'est le troisième étage du système. Je ne sais pas si vous le savez, mais cela prend un plaignant persévérant pour se rendre là, puis qui a du courage. Je ne suis pas sûr que beaucoup de gens vont se rendre là. J'ai l'impression que les juges du tribunal de la déontologie auront beaucoup de loisirs parce que, pour se rendre jusque-là, je n'ai pas l'impression que le nombre sera très élevé.

Donc, je conclus mes remarques préliminaires en disant: II faut prendre le temps nécessaire pour analyser un projet de loi comme celui-là et, surtout, il faut entendre les parties. Là-dessus, on va insister avec beaucoup de force: II faut entendre les intervenants. On a accepté le principe de la consultation pour un avant-projet de loi; je ne vois pas comment on peut rejeter le principe d'une consultation pour un véritable projet de loi. Il y a quelque chose d'aberrant, d'incohérent et d'illogique là-dedans. Pour un avant-projet, la consultation est jugée utile et nécessaire et on la fait. On décide de la tenir, quoiqu'on ne l'a pas tenue à cause de certaines circonstances, alors que, pour un véritable projet de loi, ce n'est pas utile. Cela n'a vraiment aucun sens. Là-dessus, on y tient beaucoup à cette consultation, M. le Président.

Le Président (M. Filion): Je vous remercie, M. le député de Lac-Saint-Jean. Y a-t-il un autre Intervenant en vertu de la règle de l'alternance? Y a-t-il un Intervenant du côté ministériel? Non. Alors, je reconnais maintenant M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis vraiment heureux de prendre la parole sur le projet de loi 86, Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et diverses dispositions législatives. Je sais que, durant la campagne électorale, le Parti libérai avait fait une promesse qui était en fait de façon intrinsèque, dans son essence, la valorisation de la force policière du Québec doublée d'une protection plus soutenue des citoyens, et c'était très noble. On sait que, durant une campagne électorale, les énoncés nobles sont de mise. On se serait attendu, M. le Président, que la valorisation de la police soit faite aussi par cette loi, tout en ayant une protection plus accrue du citoyen.

M. le Président, on sait qu'il y a dans le monde deux sortes de polices, en général. Il y a la police de la protection, dans la plupart des pays avancés de l'Occident et la police de la répression dans les pays dits de dictature, de façon générale.

M. le Président, je suis persuadé que le ministre a fait des consultations outre-frontières, parce que, lorsque l'on fait un projet aussi important concernant la force constabulaire, on a certainement besoin d'avoir des jalons à l'extérieur pour mieux orienter ses jalons inté-

rieurs. On sait, M. le Président, si on a voyagé un peu dans le monde, qu'il y a différentes sortes de police de la protection. On cite souvent, en Occident, la police anglaise, comme l'une des polices les mieux nanties et les mieux douées pour protéger les citoyens, et cette police n'est pas armée, en Angleterre. La police la plus douce à peu prés de l'Occident, lorsqu'on la cite, c'est la police anglaise.

On a aussi la police française qui est d'un charme évident. En Angleterre, lorsqu'on rencontre des policiers et qu'on est des citoyens qui arrivent là comme touristes, on aborde un policier à Londres dans la brume et on lui dit: Je suis nouveau, je suis...

Une voix: En anglais.

M. Blais: Non, beaucoup de policiers anglais parlent français. Même si le pays n'est pas bilingue...

M. Marx: On a l'affichage bilingue là-bas.

M. Blais:... on a un certain respect des touristes. C'est ce que nous aimerions avoir pour le Québec, un Québec souverain et français, mais avec une connaissance suffisante d'une langue seconde pour plaire absolument aux touristes qui viendraient nous voir. Nous sommes des gens extrêmement accueillants. Vous le savez, M. le ministre.

M. Marx: Je voudrais noter que c'est utile pour voyager en Floride.

Le Président (M. Filion): La parole est à M. le député de Terrebonne.

M. Blais: M. le ministre, vous n'êtes pas sans savoir que les francophones du Québec sont extrêmement accueillants et, pour preuve, il n'a qu'à regarder la députation libérale: il y a beaucoup de gens qui ne sont pas nés Ici et nous leur avons fait l'honneur de les élire; cela nous a fait bien plaisir. C'est donc dire que nous sommes loin de la xénophobie comme certaines personnes peuvent le prétendre.

Cependant, notre police chez nous a aussi ses charmes et ses côtés désuets. C'est souvent désuet à cause de la législation. J'aurais cru que, dans cette loi pour réformer les structures policières, ainsi que l'organisation générale de la police, on irait avec un peu plus de charme envers cette police.

Je continue mon voyage à travers le monde. On dit qu'en France et en Angleterre les polices sont extrêmement aimables, gentilles. Avant que le ministre m'interrompe, J'étais à Londres, dans la brume, et j'ai dit à un policier: Je ne sais pas où est telle place. Eh bien, ils ont souvent l'amabilité de nous conduire à l'endroit. Et ils sont là vraiment comme des protecteurs; ils sont perçus par l'ensemble de la population anglaise comme des protecteurs, des gens qui protègent les citoyens pour qu'ils aient tous leurs droits.

En France, c'est presque aussi évident; ils sont presque aussi gentils. Je me souviens d'une anedocte. J'avais dit - on est des Québécois, on a, tout de même, des façons de s'exprimer - à un policier: J'aimerais aller à la tour Eiffel. Alors, il m'a répondu: Qu'est-ce qui vous empêche d'y aller?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: C'est parce que nous n'avons pas toujours la même façon de demander que les Français. Il a répondu exactement à ma question: Je veux me rendre à la tour Eiffel. Il m'a répondu: Mais qu'est-ce qui vous empêche d'y aller? Alors, je lui ai dit: Je veux aller à la tour Eiffel, mais je ne sais pas comment m'y rendre. Ah, c'est autre chose! Et là, II a pris tout le temps de m'expliquer les dédales de Paris qui sont difficiles. Il était d'une extrême gentillesse à condition que l'on s'exprime clairement.

Dans d'autres pays... Prenons le Mexique. Au Mexique, c'est une police protectionniste, mais dans un système un peu plus lax". Et on dit même que les policiers de la ville de Mexico n'ont pas de salaire fixe depuis très longtemps. Ils sont payés par les "soudoiements" - ils sont vénaux - que les gens leur donnent pour ne pas avoir de contraventions, etc. J'espère que le ministre ne veut pas s'inspirer de ça. Je ne vois pas ça dans la loi, non plus. C'est donc dire que, même en Occident, I y a différentes sortes de polices.

Je ne pourrais pas dire que notre police est aussi affable, aussi aimable, aussi gentille, aussi spontanée, aussi dévouée que la police anglaise, mais elle est de beaucoup supérieure à la police mexicaine ou à d'autres polices un peu rébarbatives à l'honnêteté. Et j'aurais cru, M. le ministre, que dans votre projet de loi vous en profiteriez pour valoriser cette police, la police de protection. On a encore une petite réticence. On n'est pas rendu là. Je crois qu'on n'est pas prêt à enlever les armes à nos policiers au Québec. Pourquoi? C'est une mentalité peut-être. Nous sommes encore un jeune peuple. Même certains de l'autre côté ne nous reconnaissent pas comme tel. C'est donc dire que nous sommes un jeune peuple. Alors, comme jeune peuple, il est possible que nous n'ayons pas encore la maturité pour comprendre la police de protection. Nous voyons peut-être un petit côté répression. Alors, une loi comme ça devrait valoriser nos policiers en leur donnant tout ce qu'il faut pour qu'Us soient considérés par l'ensemble de la population comme la police de protection.

Aussi, on veut un meilleur soutien aux citoyens. M. le Président, un meilleur service aux citoyens c'est de protéger ceux qui sont respectueux de la loi et c'est d'avoir les moyens, comme police, d'arrêter et d'empêcher les fautifs d'agir. Donc, police de protection et non police

de répression.

Le ministre nous arrive avec une loi qui a à peu près trois volets importants, trois volets assez importants. Cependant, avant de passer à ces volets-là, je crois que le ministre n'a pas donné le temps aux gens concernés de prendre connaissance du projet de loi qui est devant nous, qui chambarde profondément l'organisation policière, ne fût ce, et je ne suis pas contre, que par l'introduction de ce que je pourrais appeler ici des laïques à l'intérieur du tribunal. Normalement, à la Commission de police, c'étaient des policiers. Là, on amène des civils, si vous voulez qu'on les appelle comme ça, ou des laïques, à l'intérieur des murs policiers; à une même table, on amène des laïques. Je ne veux pas dire qu'en amenant des gens d'en dehors de leurs murs les policiers ne sont pas assez mûrs pour les recevoir. Ce n'est pas ce que je veux dire du tout. Mais il faut leur donner le temps de regarder de quelle façon ils pourraient travailler avec les gens de l'extérieur des forces constabulaires.

Donc, premièrement, on ne donne pas le temps aux gens concernés. Et c'est la même chose pour les citoyens. Les citoyens n'ont pas le temps de réagir. Le projet de loi arrive, bang! bang! et on y va. Il y a des gens qui représentent des groupes de citoyens. Il y a tous les gens de la force constabulaire, autant de la CUM, de la fédération des polices municipales que de la Sûreté du Québec.

Deuxièmement, je trouve que le ministre lui-même se handicape en présentant ce projet de loi là de façon aussi précipitée. Il se handicape lui-même. Cette loi-là, même si on la passait à la vapeur, vite, vite, comme il l'exige, ne pourra pas être mise en application tant que le code de déontologie ne sera pas sorti. Où en est rendu ce code de déontologie? Si le ministre me dit que le code de déontologie est prêt, pourquoi ne le dépose-t-il pas en même temps que la loi pour que les législateurs que nous sommes aient la chance de voir le code de déontologie en même temps que la loi qui l'appuie et que les gens concernés par ce projet de loi voient quel est ce code de déontologie exigé par le ministère? (17 h 30)

Si, on institue par cette loi un commissaire à la déontologie ainsi qu'un tribunal de la déontologie et qu'on ne sait pas quel est ce code de déontologie qu'on imposera aux policiers, de quelle façon... Uniformiser, c'est une bonne chose, je suis complètement d'accord avec un code de déontologie uniformisé. Je suis complètement d'accord sur le principe. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles on peut être d'accord sur le principe, mais, lorsqu'on accouche du texte lui-même, on peut avoir beaucoup de réticences. Ce n'est pas parce qu'on émet un voeu pieux d'un grand justicier ou qu'on veut faire des choses qui, en soi, sont nobles que la noblesse de l'écriture suivra.

M. le Président, j'aimerais qu'on donne le temps au ministre d'écrire son code de déontologie s'il n'est pas fait. On ne m'a jamais répondu à ça en Chambre. Quand arrivera le code de déontologie? Est-il prêt?

M. Marx: Je m'excuse, M. le Président, j'ai répondu deux fois en Chambre au député.

M. Blais: Est-il prêt, votre code de déontologie?

M. Marx: Voulez-vous que je réponde une troisième fois?

M. Blais: Dites oui ou non.

M. Marx: Pour la troisième fois, dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, on prévoit un code de déontologie pour les juges. Il n'a pas été déposé avec la loi; il a été déposé après. En ce qui concerne les policiers du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, le code de déontologie est prévu à l'article 213 de la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal. Le code n'a pas été déposé avec l'article; il a été déposé longtemps après. Même chose pour la Sûreté du Québec.

Donc, tous les codes de déontologie déposés depuis quelques années l'ont été longtemps après l'adoption de la loi les permettant. C'est ce que je propose de faire: suivre la tradition, la coutume qui a peut-être été établie par le gouvernement du Parti québécois. Mais, de toute façon, je pense que c'était un excellent précédent.

M. Blais: M. le Président, je remercie le ministre d'avoir ouvert son orifice à sons, mais son orifice à sons n'a pas répondu à ma question. Est-ce que le code de déontologie est prêt ou, s'il n'est pas prêt, quand le sera-t-il? C'est la question que je vous ai posée. Je ne vous ai pas demandé de dire que, quand le Parti québécois était au pouvoir, il y a eu une loi qui n'a pas eu son code de déontologie. Quand même! On n'interrompt pas quelqu'un en train d'exposer ses arguments pour ne pas répondre à une question qu'il pose; sinon, je ne comprendrais pas d'autres interruptions, M. le ministre.

Le Président (M. Filion): La parole est à vous, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci, M. le Président. Je voudrais laisser au ministre le temps de pondre son code de déontologie. On ne touche pas à une chose banale lorsqu'on parle d'une force constabulaire pour un État - on parle d'une force constabulaire pour un État - et qu'on dit que la Commission de police n'existera plus. On va être en porte à-faux. Si la loi est adoptée, la Commission de police n'existe plus et il y aura un tribunal de la déontologie quand le code de déontologie

sortira. Le code de déontologie n'étant pas prêt, qu'est-ce qu'on fait entre-temps? C'est important, dans ce cas-là, que le code de déontologie paraisse. Ensuite, M. le Président, les différentes forces constabulaires du Québec, autant de la CUM, les polices municipales, la Sûreté du Québec ou autres aimeraient le voir et en parler de ce code de déontologie là. Il va concerner leur agir comme travailleurs. Leur travail, c'est d'être policiers et ce code de déontologie va marquer et jalonner la route qu'ils auront à suivre durant les années qui viennent. On va adopter une loi sans mettre sur la table le code de déontologie et on va dire: Acceptez ça. On vous dira après ce que ça veut dire impossible. C'est impossible, M. le Président.

Une voix: Cela n'a pas de bon sens.

M. Blais: Cela répugne à la première analyse. M. le Président, il est sûr et certain que l'Opposition va faire son devoir sur ce projet de loi en demandant que des consultations préalables soient faites. Il faut absolument que les divers corps policiers viennent nous donner leur opinion sur ce projet de loi là. Il faut que les syndicats des policiers parlent. Il faut aussi que le Barreau nous dise quelles sont les conséquences de ce projet de loi.

Plus fort que ça, il y a aussi un volet qui regarde l'institut qu'on va appeler la corporation, je ne sais pas pourquoi. Pour la privatiser après, c'est presque impossible. Je ne sais pas pourquoi. On change le nom, mais tout en changeant le nom en parlant de l'institut, on ne répond pas aux inquiétudes que les étudiants ont toujours eues sur cet institut. Je ne sais pas ce qu'on vient faire ici avec ça. Je regrette amèrement, M. le Président, que par vous Interposé le ministre ne dépose pas le code de déontologie en même temps.

Mon confrère de Lac-Saint Jean disait que M. Gilles Lesage, qui est un grand journaliste - "Pour mieux policer la police", c'était son titre - trouve ça aberrant qu'il n'y ait pas de consultations de faites. Le ministre s'en targue, il dit toujours qu'il veut être d'avant garde. Je ne le plains pas. Il fait tellement de voyages à travers le Québec pour avoir son image à la télé que je ne le plains pas. Il fait des efforts inouïs pour qu'on parle de lui. Il a un mal viscéral de faire parler de lui. Que voulez-vous? Il a droit à ça. À chacun ses faiblesses. Lui veut absolument voir une caméra, il veut avoir sa figure dans les journaux, il veut marquer son époque. Si ce n'est pas par des lois, ce sera par des tournées. En tout cas, il veut absolument marquer son époque.

Dans ses tournées, il dit qu'il consulte Oui, je le crois. Il ne se promène certainement pas juste pour voir les caméras. Il doit certainement voir aussi du monde. Mais pourquoi dit il qu'il a l'appui de tout le monde? Il a dit ça en Chambre. Si vous avez l'appui de tout le monde, pourquoi ne permettez-vous pas aux différentes associations qui vous endossent, selon vos dires, de venir nous le dire pour nous rassurer? Cela ne rassure pas les législateurs que le ministre arrive et dise: J'ai un consensus. J'en ai connu un qui a eu un gros consensus il n'y a pas tellement longtemps sur la fermeture et l'ouverture des magasins le dimanche. Il nous a avertis qu'il avait un consensus. Tout le monde était d'accord. Mais il est arrivé quoi? On s'est rendu compte en grattant un peu et en interrogeant et en discutant un peu de façon rationnelle que le consensus était loin d'exister.

Où voyez-vous le consensus quand je lis dans La Presse de Montréal, le 26 novembre: Trois associations syndicales regroupant quelque 12 000 policiers font front commun pour s'opposer au projet de loi visant la mise sur pied d'un tribunal. C'est un drôle de consensus, ça. La Fédération des policiers municipaux du Québec l'Association des policiers provinciaux du Québec, la Fraternité des policiers de la CUM veulent bloquer le projet de loi de M. Marx dans lequel elles voient une substitution des tribunaux existants. Elles veulent bloquer le projet de loi de M. Marx. C'est un drôle de consensus, ça.

Le ministre a rencontré les personnes que je viens de citer. Il rencontrera les médias dans quelques jours, disent M. Marcil et la fédération. Il y a eu une rencontre avec le ministre. La rencontre avec le ministre et les dirigeants syndicaux aurait été suffisamment orageuse pour inciter le gouvernement à retarder l'adoption de la loi. Est ce que l'orage est terminé? Où est l'arc-en-ciel si l'orage est terminé? C'est une drôle d'unanimité, ça. Et le ministre se targue que tout le monde est d'accord. Et même si tout le monde était d'accord, je ne m'oppose pas et nous ne nous opposons pas à ce projet de loi. On ne s'oppose pas à ce projet de loi d'aucune façon. Cependant, on veut légiférer dans la lumière. On veut légiférer en connaissance de cause. On veut légiférer avec les gens qui sont concernés par la loi que l'on fait.

Il faut que les policiers viennent nous dire ce qu'ils pensent de ce projot de loi. Il faut que les citoyens viennent nous le dire. Absolument. C'est primordial. Il y a des policiers qui suivent nos discussions, M. le ministre, aujourd'hui. J'en ai rencontré des policiers et Ils m'ont dit: M. le député, essayez, au moins, de dire au ministre de ne pas adopter ce projet de loi à toute vapeur: il vient juste d'arriver.

M. Marx: Nommez les policiers! Nommez! Nommez les policiers qui vous ont dit ça. Nommez-les!

Une voix: M. le Président...

M. Blais: II vient juste d'arriver, M. le Président. Vous avez dit qu'il y en avait au moins 12 000 qui vous appuyaient. SI je vous demandais de les nommer, vous seriez embêté.

M. Marx: Nommez-en trois!

M. Blais: Écoutez! Quand même!

M. Marx: Nommez-en trois.

M. Blais: II y en a même dans la salle, M. le Président, qui n'ont pas pris connaissance du projet de loi. Ce sont des policiers qui représentent des groupes d'une grande importance. Ce n'est pas qu'ils s'opposent par principe à la chose, mais ils ne veulent pas qu'on légifère au-dessus de leur tête avant de connaître le projet à fond. Et l'Opposition va donner la chance à ces gens-là, avec tous les moyens qu'elle a, de prendre connaissance de ce projet de loi là pour qu'il soit fait au grand jour et en connaissance de cause. Si on vote pour ou contre un projet de loi, il faut que l'on sache pourquoi et les pourquoi sont très importants, surtout quand on légifère.

M. le Président, vous me dites que mon temps est terminé. M. le ministre, je vous supplierais au moins de penser à consulter les gens les plus importants dans le système policier, dans le système de protection des citoyens afin que ni la police, ni les citoyens ne soiont brimés par ce projet de loi s'il y avait des facettes que, comme législateurs, nous n'aurions pas vues parce que ce projet de loi passe trop vite. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le député de Terrebonne. Je crois qu'il n'y a pas d'autres parlementaires qui désirent, à ce moment, faire des remarques préliminaires. J'appellerais maintenant l'article 1 du projet de loi.

Motion proposant la tenue de consultations particulières avec le Barreau du Québec

M. Dufour: M. le Président, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure: Que la commission permanente des institutions tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 86, Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et diverses dispositions législatives, des consultations particulières quant à tous les articles du projet de loi et qu'à cette fin elle entende le Barreau du Québec.

Le Président (M. Dauphin): Alors, effectivement, M. le député de Jonquière, en vertu de l'article 244, alinéa 2, il est possible à un député de faire une telle motion de forme. Maintenant, je me réfère aussi à l'article 209 de notre règlement qui dit ceci et je vous le lis: L'auteur d'une motion, soit le chef d'un groupe parlementaire ou son représentant, a "un temps de parole d'une heure pour les motions de fond et de 30 minutes pour les motions de forme. " Alors, puisqu'il s'agit d'une motion de forme, le propo- seur de la motion a droit à un temps de parole de 30 minutes et le chef du groupe parlementaire ministériel a également un droit de parole de 30 minutes, s'il le désire. Alors, M. le député de Jonquière, vous avez la parole.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Merci, M. le Président. Au départ, on vous avait fait connaître certaines objections en disant que ce projet de loi méritait d'être soumis à la consultation de différents groupes comme de différentes personnes. J'avais profité de cette occasion pour vous dire qu'il y avait 25 groupes qui avaient paradé en commission parlementaire sur l'avant-projet de loi et qui avaient fait certaines remarques et recommandations et que, effectivement, ça semblait un manque d'irrespect qu'on annonce un projet de loi - en changeant de ministre, bien sûr - sans tenir compte de ces recommandations et surtout sans aller voir ces gens-là pour savoir ce qu'ils avaient à dire quant au nouveau projet de loi 86 qui a été présenté par le ministre de la Sécurité publique.

Le Barreau du Québec est un organisme important dans l'appareil judiciaire et pour toute l'application des lois du Québec. Il faut reconnaître l'importance de ces gens qui ont une formation spécifique pour interpréter les textes de loi comme pour interpréter les lois et, en même temps, pour défendre les citoyens, quels qu'ils soient - quand on parle des citoyens, ça peut être les policiers comme les individus - contre tout ce qui se passe dans notre société Dieu sait que ces gens possèdent une expérience très grande pour pouvoir se prononcer là-dessus. Je veux juste prendre à témoin ce que le Barreau du Québec a présenté concernant le projet de réforme de l'aide sociale, le projet de loi 37. Personne ne peut nier ou ignorer la grande capacité ou la compétence de ces gens. (17 h 45)

Je veux juste rappeler au ministre, qui a aussi une formation juridique, l'importance du métier qu'il exerce. C'est tellement vrai que le gouvernement du Québec croit bon de soumettre tous ses projets à la Cour suprême du Canada, également formée de membres du Barreau, avocats et juristes, qui se prononce même sur les lois que les législateurs adoptent à l'Assemblée nationale comme à la Chambre des communes. Il y a sûrement, choz tous ces gons, une vaste expérience et on aurait tout intérêt à mener une consultation.

Je ne sais pas de quelle façon le ministre peut se défiler devant cette nécessité de consulter. On connaît les problèmes qui ont été soulevés depuis de nombreuses années et, je dirais, depuis toujours concernant l'appareil policier, non pas parce que les gens sont de mauvaise foi ou parce qu'ils sont mauvais, mais parce que c'est un système complexe et difficile dont la nature est de policer, de réglementer et

d'appliquer les lois. Mais ces gens ont aussi de grandes responsabilités et ils vivent dans notre société avec certaines contraintes; les policiers ont à travailler dans des conditions difficiles. On ne pourra jamais me faire dire le contraire. On pourra prétendre que j'ai parfois parlé durement des policiers, mais, dans le fond, je les estime et je les respecte beaucoup parce que leur métier est difficile.

Ce métier exige non seulement de la volonté, mais une grande capacité de recevoir des coups. Ces coups, ce ne sont pas toujours des coups physiques, mais des coups moraux. Ils sont exclus, d'une certaine façon, de leur milieu familial, de leur cercle d'amis. J'ai connu plusieurs policiers qui ont été obligés de restreindre leur groupe d'amis, leurs sorties et toute leur façon de vivre parce que, comme policiers, ils étaient appelés à appliquer des règlements et des lois qu'eux n'avaient pas faits. Ils appliquent les lois des autres et souvent dans des conditions difficiles et anormales. C'est rare qu'on ait besoin d'un policier quand ça va bien et que tout le monde est heureux. Loe policier est souvent obligé de sévir contre un ami, contre des amis d'enfance, des gens qu'il connaît depuis toujours.

Même Québec n'est pas un si grand milieu; il est grand en espace, mais, au point de vue de la population, beaucoup de monde se connaît. On pourrait même dire que chacun connaît chacun. C'est un phénomène important et cela explique une difficulté que les policiers rencontrent sur leur chemin. Si on est habitué à voir le policier tout près de soi - bien souvent, il demeure à deux portes - et qu'on le voit sévir, cela peut amener certaines violences, que ce soit une violence verbale ou une violence physique. Moi, je ne peux pas porter de jugement sur ça, je vous dis que ce phénomène policiers-citoyens est un problème que tout le monde a Intérêt à régler d'une façon correcte, d'une façon normale pour que les individus tout comme le système y trouvent leur compte.

La façon qu'on a trouvée, et il n'y en a pas d'autre, c'est d'essayer d'amener le plus large consensus possible comme le plus de discussions possible pour que chacun y trouve son compte. Quand on regarde le projet de loi devant nous, on a des doutes quant à sa justification dans toutes ses parties. On a dit tout à l'heure qu'il semble que notre système soit de nature à décourager quelque citoyen que ce soit de porter plainte. Pour moi, le système judiciaire - et c'est là un des problèmes qu'on a à vivre - devrait être efficace. Il ne suffit pas de dire: Nous, nous avons des lois pour appliquer la justice. Il faut que la justice puisse s'appliquer et la façon de l'appliquer, c'est selon des normes et dans des délais relativement courts. Le gouvernement n'a pas Intérêt et le ministre de la Sécurité publique n'a aucun intérêt à laisser traîner des plaintes dans le paysage. Le système policier n'a rien à y gagner. On a intérêt à ce que chaque plainte aille le plus vite possible.

Pourquoi apporte-ton des changements majeurs? C'est parce qu'il y a la Commission de police qui existe depuis 1970, si je ne me trompe pas, ou 1972, à peu près dans les années soixante-dix pour ne pas retourner à la création du monde et que ce système-là a créé des phénomènes qu'on n'a pas contrôlés. Il y a eu des plaintes sûrement fondées, il y a eu des plaintes futiles aussi et la Commission de police, par sa nature, n'avait aucun pouvoir. Donc, elle se promenait, elle entendait les plaintes, cela faisait une belle opération charme ou politique, mais, en fin de compte, tout le monde était perdant parce que c'était presque ridiculiser le système dans lequel on vit.

Cela a apporté des problèmes majeurs par rapport à l'application des recommandations aussi de la Commission de police. Il faut se rappeler que la Commission de police a fait des recommandations qui ont été suivies et qui ont causé beaucoup plus de problèmes qu'elles n'ont apporté de solutions. Cela a aussi apporté des dénonciations. Durant ma vie politique, j'ai eu affaire à des corps policiers et, quand |e voyais qu'on traînait des gens, même avant qu'ils soient condamnés, sur la place publique, qu'on les pointait du doigt, qu'on les dénonçait sur la place publique, quant à moi, je ne trouvais pas que c'était une bonne façon d'apporter des améliorations, ni d'amener les gens à respecter le corps policier dans son ensemble ou les individus qui sont à l'intérieur. Il faut accepter ou constater que le corps policier, quand il a à agir, le fait toujours dans des conditions spéciales. Encore là, j'insiste sur ce caractère: on a tendance quelquefois à oublier et à porter des jugements sur les corps policiers concernant leurs actions parce qu'on oublie souvent qu'ils ont à appliquer des lois et à vivre selon des normes très précises, selon des règlements que d'autres ont mis sur pied et qu'ils agissent pratiquement régulièrement et tout le temps dans des conditions d'urgence.

Pourquoi se cacher? Pourquoi cette commission ne s'oblige-t-elle pas à tenir des consultations avec ce groupe important qui s'appelle le Barreau? C'est presque Ignorer la qualité de ces gens-là, toute la somme d'études que ces gens-là ont, si on ne les consulte pas. Ils auront à vivre avec ces lois; ils vont avoir à les appliquer et on est prêt à se dissocier ou presque à se couper de la réalité qui s'appelle le sytème judiciaire dans notre vie de tous les Jours. Ce sont des gens qui, dans la hiérarchie comme dans la vie de tous les jours, sont toujours présents.

Je voudrais seulement rappeler au point de vue logique que ces gens-là sont déjà venus nous présenter un mémoire lors du dépôt de l'avant-projet de loi. Même si le ministre dit que c'était la coutume, je pensais que, lorsqu'on faisait un changement de gouvernement, c'était pour apporter des changements dans la façon d'agir comme dans la façon de légiférer. Il s'appuie sur ce qui a été fait auparavant en

disant: C'était comme cela et, donc, |e suis justifié de le faire. Je ne sais pas pourquoi on a changé quelque chose, si c'était seulement pour changer les noms. Ce n'est pas suffisant, à mon point de vue. Le Barreau du Québec recommandait que le texte réglementaire édictant le code de déontologie - des collègues en ont parlé abondamment tout à l'heure - soit l'objet d'un dépôt simultané au projet de loi. Ce n'est pas pour rien que les membres du Barreau ont proposé cela.

Comment peut-on légiférer ouvertement? On a intérêt à le faire ouvertement. C'est important que tous les intervenants comme la population soient au courant de ce qui se passe en commission parlementaire et de ce qu'il y a dans un projet de loi. Le code de déontologie, c'est là-dessus que repose tout le fondement du projet de loi 86. Qu'y aura-t-il à l'intérieur de ce code? On est prêt à dire et à expliquer, par différents articles du projet de loi, de quelle façon on va se comporter, mais on ne sait même pas sur quoi cela va porter. On sait que cela va probablement parler du monde, de quelle façon quelqu'un doit se comporter par rapport à l'habit qu'il porte, mais je ne vois pas de règles précises. Est-ce qu'il sera d'une largeur telle que tout le monde pourra se plaindre allègrement? Est-ce que cela pourrait donner prise à des plaintes de toutes sortes? Tout à l'heure, on parlait de plaintes futiles. Si futiles soient-elles, je ne sais pas jusqu'à quel point ces plaintes pourraient être exagérées ou non. On va laisser cela dans la main ou la tête d'une personne qui va pouvoir dire: C'était futile et considérer que ce n'était pas correct. Il y a des chances que ce soit un membre du Barreau qui ait à porter un jugement et à ce membre du Barreau on ne donne même pas la permission ou le droit de venir se faire entendre sur le projet de loi. Je trouve que c'est déjà une anomalie par rapport à ce qui pourrait être acceptable.

Le même Barreau du Québec recommandait, parce qu'il considérait cela fondamental, que le futur code de déontologie fasse l'objet d'auditions en commission parlementaire et que la loi n'entre pas en vigueur tant que le texte réglementaire ne serait pas déposé. Dans le fond, nous n'avons aucune garantie, comme législateurs, que le code de déontologie va même faire l'objet d'auditions en commission parlementaire. On ne le sait pas. S'il était déposé, on pourrait se prononcer au moins sur un objet qui tient compte de ce qui se passe et qui nous dit de quelle façon les policiers vont pouvoir servir, parce que si on fait un code, c'est pour être un instrument de sanction. Au fond, c'est presque un instrument de sanction, parce que c'est là que vont être contenues toutes les règles et c'est à l'intérieur de celles-ci que le gens pourront être poursuivis. Alors, il a une importance fondamentale et le Barreau n'exagère pas en disant qu'il aurait fallu que ce code soit déposé immédiatement lors du dépôt du projet de loi.

Imaginez-vous ce que c'est pour quelqu'un, alors que c'est le Barreau du Québec qui recommande cela. Pour des législateurs comme nous, qui avons à nous prononcer sur des projets de loi, si on ne nous le donne même pas, nous avons le droit de nous interroger. SI le Barreau s'interroge, comment voulez-vous que nous ne nous Interrogions pas?

J'ai l'impression que nous sommes en train de manquer le bateau par rapport aux objectifs qu'on poursuit. C'est important que ce code de déontologie soit déposé. Quelle épaisseur? Combien contiendra-t-il d'articles? Est-ce que le code de déontologie sera juste au bon vouloir gouvernemental? Les gens pourront-ils se prononcer en long et en large par rapport à cela? Les groupes qui sont directement concernés? Je parle du Barreau pour les fins de cette proposition, mais il y a certainement d'autres groupes qui ont des choses à dire par rapport à ce code qui est important, parce qu'on prend la peine d'en faire un projet de loi.

Il y a d'autres points qui méritaient, à mon point de vue, certainement une profonde réflexion. On parle dans le projet de loi, à propos des membres du bureau d'application du code de déontologie, le tribunal de la déontologie, de nominations de deux ans. C'est contraire à ce qui se passe partout dans l'appareil gouvernemental. On connaît des nominations de trois ans. Dans des bureaux administratifs, c'est peut-être un peu moins grave, mais ces gens-là ont des actions importantes à faire et on va les nommer pour deux ans seulement. Est-ce qu'ils y seront suffisamment longtemps pour avoir tout le caractère d'impartialité? Est-ce que ce sera suffisant? Encore là, par une mesure - c'est en dehors du code de déontologie, c'est dans le projet de loi - on dit que les gens seront nommés pour deux ans. Encore de ce côté, on aurait besoin de questionner un peu plus le Barreau. Il y a eu un rapport, le rapport Ouellette, qui s'est penché sur les règles du Barreau, les règles des tribunaux administratifs et judiciaires, et qui a fait un certain nombre de recommandations. Puis, on dirait que c'est mis sur les tablettes et qu'on ne s'en occupe plus. Il aurait été important, selon mol, de revoir ou d'examiner cela avec des gens compétents, tels que les membres du Barreau, de les interroger sur la nomination et la durée des mandats que ces gens auront dans leur travail.

Le Président (M. Marcil): Merci, M...

M. Dufour: Je m'aperçois que M. le Président me fait signe que mon temps n'est pas achevé, mais que l'heure...

Le Président (M. Marcil): C'est ça.

M. Dufour: Ma période d'intervention n'est pas complétée. Je vous demanderais de suspendre...

Le Président (M. Marcil): Malheureusement, M...

M. Dufour:... et de me réserver le temps qui me reste pour la reprise de la commission, à 20 heures.

Le Président (M. Marcil): Soyez assuré, M. le député de Jonquière, que nous allons continuer à être aussi Intéressés par votre exposé. Donc, nous allons suspendre nos travaux qui reprendront à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons reprendre nos travaux. Lors de la suspension de nos travaux à 18 heures, nous en étions à écouter M. le député de Jonquière II lui reste douze minutes. M. le député, nous vous écoutons religieusement

M. Blais: Un instant, M. le Président! Le Président (M. Marcil): Oui

M. Blais: Je pense que le député de Roberval avait demandé la parole au début.

Le Président (M. Marcil): Non. Disons que nous étions déjà dans le débat. Nous...

M. Blackburn: J'ai seulement dit tant que ça, parce que je trouvais qu'il lui restait beaucoup de temps.

Le Président (M. Marcil):... écoutions déjà M. le député de Jonquière. Donc, on va con tinuer.

M. Blais: Vous n'aviez pas demandé la parole. Excusez-moi.

Le Président (M. Marcil): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Dans mes propos, j'étais rendu au mode de nomination et à la durée des mandats des membres du tribunal de la déontologie. À ce moment-là, )e parlais du rapport Ouellette. II avait eu pour objet d'étudier l'ensemble de la durée des mandats des mandataires nommés par le gouvernement concernant certaines commissions gouvernementales. Donc, deux ans, je persiste à croire que c'est court, d'ailleurs, comme le rapport Ouellette le préconise, puisque la plupart des nominations qu'on connaît sont plutôt des mandats de cinq ans. Si on veut garder leur caractère d'impartialité à ces com- missions...

M. Marx: M. le Président, je ne veux pas Interrompre le député, mais tout ce que je vais dire, c'est que M. Ouellette est ici. S'il veut le consulter après son petit discours, il pourra le faire.

Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le ministre. Nous allons...

M. Marx: II va voir que M. Ouellette n'est pas d'accord avec lui.

Le Président (M. Marcil): C'est bien. M. le député de Jonquière, vous pouvez continuer.

M. Dufour: J'espère que vous allez respecter la procédure et attendre qu'on ait fini de parier. M. le ministre, je serai heureux de vous écouter après, quand j'aurai fini.

En fait, le Barreau recommandait de préciser les règles d'une citation déposée directement au comité par un citoyen. C'est évident qu'actuellement, dans le projet de loi qui nous est proposé, il n'y a aucune règle de procédure ferme d'attachée. Autrement dit, on laisse aller les règles au profit de je ne sais pas quoi, d'une liberté qui, à mes yeux, va devenir excessive rapidement. Dieu sait comment, même avec des procédures, on peut réussir à changer les fins pour lesquelles on pose des actions. Donc, vis-à-vis de ces codes, il y aura toujours, j'imagine, des gens qui connaîtront la loi et qui pourront effectivement changer les règles du jeu. Qu'il n'y ait de balises nulle part, je ne sais pas si c'est du laxisme, mais je crois qu'il faut appeler ça du laxisme ou un manque de rigueur de la part du ministre. À mes yeux, il me semble qu'on devrait baliser ces actions.

Une outre recommandation du Barrnau était du prévoir la possibilité d'Iimposer une suspension immédiatement, dès la dénonciation. Je pense que, là-dessus, on peut s'appuyer sur des choses qu'on connaît. Par exemple, lorsque le Code des professions a une plainte sérieuse contre un membre, il faut qu'il y ait un certain fondement. Je ne peux pas voir à ce moment-là qu'il y ait déjà des sanctions qui puissent s'appliquer et, dans les cas qui nous préoccupent concernant ce code de déontologie qu'on ne connaît pas ou la dénonciation d'une plainte d'un citoyen contre un policier, qu'on ne prévoie pas la possibilité d'imposer une suspension.

Quand on impose une suspension, cela ne veut pas dire qu'on met la personne à pied. Plutôt que de laisser continuer le délinquant, on lui dit d'arrêter, quitte à le payer après, s'il y a lieu, si la plainte est non fondée. De ce côté-là. c'est assez sérieux pour insister pour que, lorsqu'il y a une plainte, il y ait une possibilité. On ne dit pas que la personne doit être suspendue obligatoirement, mais on dit que, s'il y a des motifs suffisamment sérieux, on peut

suspendre la personne qui fait l'objet d'une dénonciation. Je ne pense pus que l'on ferait du droit nouveau à ce moment là. Il faudrait juste s'appuyer sur un certain nombre d'événements ou de possibilités qui existent dans tous les codes de professions.

Il y a une autre recommandation dont on ne fait mention nulle part dans le projet de loi, que le comité de déontologie ait le pouvoir d'emprisonnement pour outrage au tribunal. Quelqu'un qui vient témoigner et qui n'est pas sérieux, ou qui fait de l'obstruction, ou qui ne veut pas collaborer, il n'y a aucune possibilité actuellement pour que ce tribunal, qui a le droit d'imposer des sanctions... La personne dont la cause est entendue ou qui fait l'objet de la dénonciation, cette personne, dis-je, pourrait faire l'objet de sanctions très sévères après que la cause aura été entendue, mais, au cours de la déposition des témoins ou de l'écoute des témoins, il n'a pas le pouvoir de lui imposer l'emprisonnement pour outrage au tribunal.

Je pense aussi que le système auquel on se réfère ou auquel s'applique ce projet de loi est habitué à ces formules et, s'il n'y avait pas cela, je me demande comment les cours pourraient procéder. Comment peut-on amener des témoins à donner leur témoignage s'il n'y a aucune sanction qui y est rattachée? C'est certainement une proposition pleine de sens qui ajoute du sérieux à cette action qui est proposée, soit que les gens qui viendront témoigner puissent être obligés ou forcés à le faire. Actuellement, des amendes peuvent être imposées, mais, les amendes, il y a de grosses chances que ce soient les municipalités qui les paient. Cela ne nous donne pas une grande emprise pour qu'on puisse forcer ou obliger les gens. Ce sont donc des lacunes importantes qui existent dans ce projet de loi.

Un autre point, le septième qu'on recommandait, c'est que les règles de procédure et de preuve soient mieux encadrées. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec les tribunaux, cela ne prend pas de temps avant de constater qu'il faut que les règles de procédure comme les règles de preuve soient mieux encadrées parce que toute la cause repose là-dessus. Toute la cause sera traitée en fonction du cadre dans lequel on va la faire évoluer. Si on décide... Le projet de loi dit qu'on ne peut pas l'attacher; on ne l'attache nulle part. A ce moment-là, comment va-t-on pouvoir... Ce n'est pas seulement une question d'accusation. C'est une étape, la plainte; la deuxième, c'est d'aller au comité de déontologie ou au tribunal de déontologie, mais la personne a un droit d'appel après cela. Jusqu'à quel point les gens pourront-ils intervenir sur un appel s'il n'y a rien qui attache rien? Dans le fond, c'est d'une élasticité exemplaire. On ne voit pas cela souvent; on ne voit pas souvent ce qui se passe avec ce projet de loi. Ce qu'on a devant nous, ce ne sont pas les procédures régulières qu'on est habitué de rencontrer dans les projets de loi où on parle de cour, de règles de preuve et de procédure même les tribunaux du travail sont liés par des règles de procédure bien strictes et bien encadrées; sans cela, on ne pourrait jamais revenir contre cela. En même temps, cela permettra de soulever des éléments ou des points nouveaux...

Le Président (M. Marcil): Quatre minutes.

M. Dufour:... en cours de route que personne n'aura vus. Cela va amener des coûts supplémentaires. Cela va soulever des tergiversations et cela pourra amener beaucoup d'autres éléments que nous avons de la difficulté à prévoir actuellement. Mais les gens du Barreau, qui sont familiers avec toutes ces règles, ont pris, eux, la peine de mentionner ces points. C'est clair dans mon esprit et cela devrait être clair pour le ministre aussi que ce que le Barreau demandait, c'était le strict minimum. Il ne s'agit pas d'ôter le projet de loi devant nous et de dire: II n'est pas correct, il n'y a plus rien à faire avec. Au contraire, je pense qu'il y a suffisamment d'éléments et cela permettrait à ces gens de venir nous dire si ce projet de loi est acceptable dans sa forme et dans sa teneur.

Le but qu'on recherche est clairement exprimé. On parle de remplacer la Commission de police par le tribunal de déontologie. Mais, il y a aussi toute la façon dont cela doit être fait. On peut avoir un objectif, mais les moyens pour l'atteindre ne sont pas nécessairement les mêmes pour tout le monde. En tout cas, j'aime mieux penser que les gens du Barreau du Québec sont mieux préparés et plus habilités que qui que ce soit autour de cette table à nous donner un éclairage plus grand. Il faut se le rappeler, ce n'est pas un projet de loi mineur, c'est un projet de loi majeur qui s'adresse à des groupes importants de notre société. En fait, il n'y a pas un individu au Québec qui ne soit pas touché par ce projet de loi, par extension, parce que le système policier touche l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec.

Donc, à ce moment-là, il est mieux de prévoir un mécanisme qui donne tout l'éclairage imaginable et nécessaire pour qu'on puisse faire notre travail comme il faut. Je pense qu'on se refuse actuellement à avoir des partenaires, des gens qui viennent nous dire clairement ce qu'ils en pensent. C'est de nature à éclairer, c'est de nature à bonifier les commissions qu'on a. Notre rôle est de légiférer et de bonifier les lois, et je pense qu'on ne le dira jamais assez. Il y a des gens qui pourraient prétendre que nous ne vous aidons pas. On veut essayer de vous faire réfléchir, de faire réfléchir le gouvernement qui, après trois ans, n'écoute déjà plus, n'est déjà plus à l'écoute des gens.

En terminant, M. le Président, j'insiste pour vous dire que la demande qu'on vous fait dans la proposition qu'on a présentée est non seulement recevabie, mais qu'elle devrait être reçue etqu'elle devrait avoir toute l'attention du ministre

pour que la commission parlementaire ait la possibilité d'entendre les gens du Barreau du Québec...

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de...

M. Dufour:... pour lesquels j'ai beaucoup de respect.

Le Président (M. Marcil):... Jonquière. Oui, M. le ministre.

M. Herbert Marx

M. Marx: Juste un mot, M. le Président. Je ne sais pas si j'ai vraiment écouté chacun des mots de ce discours remarquable du député de Jonquière, un discours avec beaucoup de fond qui, j'en suis sûr, va intéresser beaucoup de gens qui vont consulter le Journal des débats pour savoir quel est le contenu de ce projet de loi très important, comme il l'a dit. Mais, de toute façon, à notre avis, il faut rejeter la motion pour les raisons que j'ai données déjà à quelques reprises en deuxième lecture, en Chambre. Je pense que le député, quoiqu'il ait parlé pendant 30 minutes, n'a rien ajouté au débat et, pour les mêmes raisons que nous avons données, nous allons rejeter la motion.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre. Nous allons maintenant écouter M. le député de Terrebonne pendant dix minutes

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président Avant le rejet, il faudrait au moins donner la chance aux gens qui ont des choses à dire sur cet amendement-là...

M. Dufour: C'est bien l'évidence, quoi!

M. Blais:... de se prononcer. Je pense qu'un rejet verbal est facile à faire, mais il est beaucoup plus difficile à justifier intellectuellement.

On demande, M. le ministre, de recevoir le Barreau. Je ne suis pas sans savoir personnellement que le ministre, étant lui-même de cette noble confrérie des avocats, a certainement un grand égard pour le Barreau. Je suis persuadé que des barreaux, il connaît ça, parce que, s'il a monté dans l'échelle, c'est parce que le Barreau l'a aidé dans sa jeunesse. J'aimerais bien dire que le Barreau lui-même, lors de l'étude de l'avant-projet de loi, est venu présenter un mémoire des plus étoffés de 53 pages dûment dactylographiées, clair, précis et qui amenait des arguments de fond sur chacun des articles de l'avant-projet de loi. Lorsqu'un organisme aussi respecté que le Barreau prend la peine de présenter un mémoire de cette valeur, eh bien, il serait au moins décent de le recevoir lorsqu'on accouche d'un projet de loi.

Je tiens à dire que Me Jacques Bellemarre, Me Mario Bilodeau, Me Guy Lafrance et Me Alain Morand ont participé à la rédaction de ce mémoire, et, dans ce mémoire, la première recommandation qu'ils faisaient au ministre - je peux dire que le ministre essaie d'étudier mon intervention en écoutant très bien et en regardant le lexique de Larousse pour comprendre la portée des mots - était que le texte réglementaire édictant le code de déontologie soit l'objet d'un dépôt simultané à celui du projet de loi. Au cas où le Barreau ne soit pas bien entendu et pas bien compris par le ministre, simultanément au projet de loi, cela veut dire en même temps. Nous demandons que le code de déontologie soit déposé en même temps que le projet de loi. Ce projet de loi 86 ayant été déposé sans son appendice principal, le code de déontologie, nous revenons à la charge pour que, si l'Opposition seule ne peut pas convaincre le ministre de déposer ce code de déontologie, on Invite le Barreau à venir lui dire une seconde fois que ce code doit être déposé en même temps que le projet de loi. Voilà la recommandation numéro 1 du Barreau, organisme des plus respectables sur cette terre québécoise. Il recommandait, premièrement, que le texte réglementaire édictant le code de déontologie soit l'objet d'un dépôt simultané à celui du projet de loi.

Au cas où je ne me ferais pas bien comprendre, je vais lire quelques extraits du mémoire du Barreau: "Avant de procéder à l'étude de certains principes contenus dans l'avant-projet de loi - parce qu'on étudiait lavant-projet de loi lors du dépôt - le Barreau croit opportun de soumettre d'abord quelques commentaires généraux. "Mentionnons tout d'abord que l'analyse de l'avant-projet de loi est évidemment faite sous réserve de ce que contiendra le deuxième volet de la réforme proposée et qui devrait porter sur le partage des responsabilités et des rôles *

M. Dufour: Je ne comprends pas qu'ils ne comprennent pas.

M. Blais: "De même, et surtout, les commentaires contenus au présent mémoire sont tributaires du code de déontologie... " Tributaires! Alors, on demande un dépôt simultané et on dit que le code de déontologie est tributaire de ce que le gouvernement devra adopter sous l'empire de la nouvelle loi. Eh bien, nous sommes sous l'empire de votre loi actuellement, M. le ministre. Excusez-moi, M. le Président. Nous sommes sous l'empire de la loi 86 et le code de déontologie n'a pas été déposé en même temps.

À cet égard, le Barreau doit déplorer le fait que ce texte réglementaire n'ait pas fait l'objet d'un dépôt simultané à celui de l'avant-projet de loi. Eux l'exigeaient même, M. le ministre, lorsque l'avant-projet de loi a été déposé, et ils

toléraient, par condescendance envers l'autorité que le ministre représente, qu'il soit retardé jusqu'au dépôt du projet de loi 86 Mais plus que ça, ils se sentaient vexés, presque un peu, entre guillemets, scandalisés, parce que l'un est tributaire de l'autre, disaient-ils dans le premier paragraphe que j'ai lu. "En effet, les textes de lois (Loi de police modifiée, Loi sur l'organisation policière, etc. ) établissent essentiellement les structures d'encadrement et de gestion policière. C'est donc le texte réglementaire qui établira une partie importante du droit substantif en ce qui concerne la relation quotidienne des policiers avec les citoyens, de même que leurs devoirs et obligations envers la population et l'État. "

M. Dufour: II parle bien, hein?

M. Blais: "Ce code de déontologie servira donc à identifier les déclencheurs de mise en oeuvre des pouvoirs des différents intervenants en ce domaine en regard de l'exercice des droits et obligations qui y sont reconnus" II me semble que c'est évident, que faire un tel énoncé va de soi et que les paroles plaident par elles-mêmes. "Aussi, bien que l'on en soit encore à l'étape de l'avant-projet de loi - ils étaient à l'avant-projet de loi lorsqu'ils présentaient ce mémoire - il aurait été intéressant de procéder à l'exercice d'intégration des deux textes législatifs afin d'en arriver à une analyse plus exhaustive de la réforme proposée par le législateur. " Dans ce cas-ci, le législateur est le ministre de la Justice. Les deux, l'avant-projet de loi et le code de déontologie, auraient pu être étudiés de façon simultanée pour voir la réciprocité entre la déontologie et le législatif et voir s'il y avait cohérence. Il faut que le code de déontologie habite dans le projet de loi et que les deux fassent bon ménage. Si l'un est présenté sans l'autre, on ne sait pas quel enfant législatif ça peut faire. (20 h 30) "En effet, il semble que l'absence d'intégration complémentaire des activités des intervenants appelés à jouer un rôle dans ce domaine, de même que l'absence de définition des rôles, fonctions et pouvoirs de chacun de ceux-ci constituent l'une des sources des problèmes que soulève aujourd'hui la population. "Le Barreau croit qu'il importe que les règles de droit fondamental qui seront établies dans le code soient connues le plus tôt possible afin de les jumeler aux règles de droit administratif stipulées à l'avant-projet de loi - qu'on étudiait à l'époque - et susceptibles d'encadrer les pouvoirs exercés par les différents intervenants. "

On voit, M. le Président, que le Barreau fait même des suppliques. Son texte est presque "dolorosique". On dirait qu'il a un pleur sur le bord de la joue pour vous demander de le recevoir. Résisterez-vous aux larmes du Barreau?

M. le Président, c'est impossible. Il vous supplie, c'est une supplique, et moi je vais vous les énoncer ses suppliques comme une litanie s'il y a lieu. Le Barreau estime aussi fondamental que ce futur code de déontologie fasse l'objet d'auditions en commission parlementaire et que l'avant-projet de loi, une fois revu et corrigé, n'entre pas en vigueur tant que ce texte réglementaire ne sera pas déposé.

M. le Président, le Barreau parle de lui-même et on vient dire que dans nos exposés on manquerait de fond. Si jamais on dit que je viens de manquer de fond après avoir crté textuellement une grande partie du mémoire du Barreau, je me demanderai si l'analyse du texte que j'ai lu a été bien faite par celui qui l'a reçu. De ce pas, M. le Président, je vais me garder quelques minutes, une minute, pour faire un amendement. Selon les normes de la procédure, il faut que je me garde 15, 20, 30 secondes pour faire l'amendement que j'ai à apporter et on va passer, si vous voulez, à la mise aux voix.

Le Président (M. Marcil): II vous reste une minute pour faire votre amendement, si jamais il y avait un vote pour rejeter votre motion.

Motion d'amendement proposant d'entendre la Ligue des droits et libertés

M. Blais: Je vais proposer mon amendement tout de suite? Je le propose tout de suite. J'apporte un amendement à la motion. La motion est amendée par l'addition, après les mots "Barreau du Québec", des mots "et la Ligue des droits et libertés".

Le Président (M. Marcil): C'est bien. Merci beaucoup, M. le député de Terrebonne. L'amendement, c'est: La motion est amendée par l'addition, après les mots "Barreau du Québec", des mots "et la Ligue des droits et libertés". Vous avez 30 minutes qui vous sont allouées pour expliquer davantage le but de votre motion amendée.

M. Blais: Juste le temps de laver mes verres, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Envers et contre tous, je vous laisse le temps de laver vos verres.

M. Yves Blais

M. Blais: Cela va me prendre une seconde. M. le Président, mol, je reconnais au ministre actuel d'extrêmes grandes qualités. Je ne m'en cacherai pas et ce n'est pas farfelu, ce n'est pas de la basse flatterie que de lui dire que j'ai beaucoup d'admiration à son endroit. Je sais qu'il se cherche partout une Image et qu'il le fait assez bien. Il s'en sort assez bien. Ce projet de loi, M. le Président, touche à deux choses particulières, les policiers eux-mêmes et, deuxiè-

mement, les personnes, les personnes par la police et par les similipolices aussi, car on a des similipolices. Il est d'avant-garde et je le crois d'avant-garde, mais, pour être vraiment d'avant-garde, il y a tout un pan - par pan, j'entends par panneau - tout un champ, tout un groupe de personnes qu'on appelle des parapolices qui ne sont pas incluses dans ce projet de loi. C'est pour ça que j'aimerais que la Ligue des droits et libertés vienne Ici pour nous faire voir ce côté qui est complètement oublié dans le projet de loi, surtout lorsqu'on dit que c'est un projet de loi qui se veut d'avant-garde.

Nous savons pertinemment qu'il y a des policiers, des agents de la paix, comme on les appelle aussi; cela est très connu. Il y a aussi toute une série de personnes qui sont ce que j'appellerais des parapoliciers ou des similipolices, ou quelque chose d'approchant, qui ne sont pas contenus dans ce projet de loi. D'abord, il y a les agents privés, ils n'y sont pas contenus. Ils peuvent, eux aussi, faire des actes blâmables, comme dans n'importe quel métier, comme un médecin ou un député peut le faire. Cela peut se poser. On souffre tous de faiblesses, même les ministres en souffrent. Il y a les boubous macoutes, une sorte de police qui passe par les maisons. Ils peuvent le faire de façon à brimer la liberté des gens. S'ils posent un geste repréhensible, ce projet de loi est censé venir protéger les citoyens contre tout investigateur. Ce n'est pas contenu, alors que c'est une sorte de police. La police des affaires sociales, c'est une sorte de police.

Les Inspecteurs de l'impôt pouvont se présenter n'importe où. Ils peuvent avoir une façon extrêmement décente, aimable, affable de se présenter, mais ils peuvent aussi être arrogants, primesautiers même. Ils peuvent même développer ou subodorer des fruits de l'églantier dans leurs gestes. Que sais-je? Il y a des gens qui n'ont pas le caractère aimable. Même les inspecteurs de l'environnement, ce sont des polices. Les polices de l'environnement, je ne suis pas contre, mais elles ne sont incluses.

M. Dufour: Les polices vertes.

M. Blais: Elles ne sont pas là, les polices vertes, comme on les appelle. Les inspecteurs de la taxe de vente dans les restaurants ou sur l'alcool, combien y en a-t-il qui sont bêtes là-dedans? J'ai eu des restaurants, des hôtels toute ma vie; j'ai connu ça et J'en ai encore. Il y en a qui sont d'une grande amabilité. J'en vois dans la salle qui sont déjà venus inspecter chez nous. Ils sont d'une grande amabilité, mais il y en a d'autres qui arrivent là Gros-Jean comme devant. Ils ont beaucoup plus de bottine que de béret. Qu'est-ce qu'il y a dans ce projet de loi pour protéger les citoyens contre ce genre de police? C'est un projet d'avant-garde.

Les aubergines, celles qu'on appelle les aubergines... Vous connaissez certainement vos légumes judiciaires, M. le ministre? Les aubergines, ce sont les dames en costume vert qui donnent des billets de stationnement le long des rues; on les appelle les aubergines; voyez-vous, iI y a toutes sortes de fruits dans la justice, des aubergines, des avocats. C'est un métier comme ça. Il faut savoir, à travers tout ça, sortir une salade de fruits potable et un projet de loi, c'est une salade de fruits qui se veut digestible.

Il y a les inspecteurs de chasse et de pêche, par exemple. Les inspecteurs de chasse et pêche, ils n'ont pas tous du panache, ces gars-là. Ils peuvent traiter les gens de façon cavalière. Mme la Présidente, je ne sais pas si vous avez eu des contacts malheureux avec des inspecteurs de chasse et de pêche, je ne le sais pas, mais je vols que mes paroles attirent beaucoup votre attention et que vous savez que c'est un genre de police qui n'est pas inclus dans ce projet de loi qui se veut d'avant-garde. Un projet de loi d'avant-garde doit montrer toutes les couleurs de l'arc-en-ciel qui sont, soit dit en passant, vert, jaune, indigo, bleu, violet, orange et rouge. Vert, jaune, indigo, bleu, violet, orange et rouge, ce sont les sept couleurs de l'arc-en-ciel, je sais que tout le monde sait ça.

Comme toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, toutes les sortes de polices, qu'elles soient là en titre ou qu'elles aient un titre parapolicier, devraient être incluses dans ce projet de loi. Ce serait rendre justice aux vrais policiers. Souvent, quand il y a un inspecteur de l'impôt qui arrive chez eux, les gens vont dire: II y a une maudite police qui est venue - Ils vont dire ça de même - et elle était bête. Ce n'est même pas un policier et ce n'est pas une façon de revaloriser les vrais policiers.

Donc, si on veut être d'avant-garde, revaloriser la force constabulaire, nos vrais agents de la paix, il faut que tout sort Inclus pour que les citoyens soient protégés de façon directe.

Les gardiens de sécurité, il y en a combien de sortes à 4, 37 $ l'heure? combien y en a-t-il? Ce ne sont pas tous des gens à nous faire des belles mamours à la porte des édifices, quand ils gèlent à quatre heures du matin sur le bord du trottoir à moins 20°. Ce n'est pas Inclus dans le projet de loi et encore là les gens diront: II y avait une police à la porte. Elle était bête comme ses pieds. C'est l'expression québécoise et, de cette façon, vu que le législateur n'a pas inclus cela, on dévalue les vrais policiers. Je trouve cela un peu outrageant pour la vraie force constabulaire. Les "viligientes", ou les anges du métro, ce sont d'autres sortes de polices. Ils ne sont pas Inclus dans ce projet de loi. Je suis persuadé que ceux qui ont fait des rapports ont vu tous les angles de ceux qui sont un peu les protecteurs des citoyens. Ceux qui en ont le titre réel, on les appelle des policiers, mais il y a tous les subalternes, les parapolices, les similipolices qui sont en contact direct et qui peuvent être en infraction par rapport à cer-

taines lois devant les citoyens, et le législateur avant-gardlste doit voir à tous les volets.

Mme la Présidente, tous ceux qui ont un rapport direct doivent être inclus pour faire respecter la loi. La Ligue des droits et libertés recommandait d'instaurer un processus de nomination publique des membres des comités de déontologie et du tribunal qui serait similaire à celui prévu pour les juges de juridiction provinciale, un processus de nomination publique. J'ai pleinement confiance dans le ministre qui est là. S'il fait des nominations, il les fera avec toute la justice qu'on lui connaît et la non-partisanerie qu'on lui connaît aussi. C'est un ministre extraordinaire, mais iI oublie des choses. Il a oublié des choses dans son projet de loi.

Alors, pourquoi la Ligue des droits et libertés demande-t-elle un processus de nomination publique des membres des comités de déontologie? M. le ministre semble ne pas savoir quel beau moment on aurait si ces gens de la Ligue des droits et libertés venaient pour l'éclairer à ce sujet. On demande qu'elle vient. On recommandait aussi que le pouvoir du Solliciteur général d'intervenir dans le processus soit mieux balisé. Dans la loi actuelle, le Solliciteur général a un grand pouvoir. Les gens qui défendent les droits et libertés de la personne disent que les pouvoirs du Solliciteur général ne sont pas assez balisés. Il est possible, Mme la Présidente, que, dans ce projet de loi, les pouvoirs du Solliciteur général soient assez balisés, mais tant et aussi longtemps qu'une personne - là, c'est tout un groupe - dit qu'elle ne croit pas que soient assez balisés les pouvoirs du Solliciteur général, pourquoi nous comme législateurs entretiendrions-nous un doute, fût-il minime, que les pouvoirs du ministre ne sont pas assez balisés? Je crois que cela vaudrait la peine, ne fût-ce que pour cette clause qu'ils demandent de regarder, de leur demander de venir et de les entendre. Ils n'ont pas lancé cela comme ça au hasard, ils ont étudié cette recommandation. (20 h 45)

Ils recommandent aussi que toutes les plaintes acheminées au commissaire le soient également au comité, pas seulement directement au commissaire et que lui la trouve farfelue, ou recevable, ou Irrecevable, ou peut-être recevable, qui est l'autorité suprême et qu'il la rejette. Si le commissaire la rejette, le citoyen qui a une plainte à faire se retrouve seul devant le comité pour se défendre, sans l'appui du commissaire. Vous savez, il faut être drôlement culotté, avoir drôlement du front et des possibilités énormes pour aller seul devant un comité. Ils n'ont qu'à entrer dans le parlement Ici et les genoux leur claquent, les jambes leur flageolent seulement à entrer dans le parlement. Alors, être reçu devant un comité, c'est impressionnant pour les simples citoyens.

Ainsi, les gens qui surveillent les droits et libertés de la personne recommandent que la plainte soit déposée chez le commissaire et au comité en même temps. Et cela, c'est loin d'être farfelu. Cela se défend rationnellement et très facilement. La ligue n'est pas d'accord avec le pouvoir du commissaire de rejeter les plaintes. Je ne dis pas que je suis d'accord ou pas avec le fait que le commissaire ait le droit d'accepter ou de refuser des plaintes. Mais, si un organisme aussi sérieux que la Ligue des droits et libertés nous dit qu'elle est contre le fait que le commissaire, une seule personne, ait le droit d'accepter ou de refuser une plainte, si elle n'est pas d'accord avec cela, c'est sérieux comme handicap pour entreprendre l'étude d'un projet de cette envergure. C'est sérieux.

Mme la Présidente, c'est très sérieux. On sortira tous les "blowers" qu'il faut pour s'envoyer les cheveux en l'air, si le projet de loi est mal peigné, il n'aura pas une belle image. C'est impossible.

Mme la Présidente, je me sens obligé de relire cette petite phrase de la Ligue des droits et libertés: "La ligue n'est pas d'accord avec le pouvoir du commissaire de rejeter les plaintes. " Si j'étais le législateur principal du projet de loi 86 et que j'entendais la Ligue des droits et libertés de ceux à qui la loi s'adresse - elle s'adresse à tout le monde - mais si j'entendais ceux qui sont là pour défendre les droits et libertés de tous et que j'avais mis dans mon projet de loi que le commissaire a le droit d'accepter ou de rejeter et que la Ligue des droits et libertés s'y opposait, je ne serais pas capable de dormir, encore moins de lire. Je ne serais pas capable, parce que c'est sérieux, c'est un groupe très sérieux.

La Ligue des droits et libertés n'accorde pas ce privilège à une seule personne, soit celui de se prononcer sur le sérieux ou le non-sérieux de la plainte que fait le citoyen. Elle dit qu'il revient au comité de se prononcer, même préliminairement, sur le sort des plaintes. C'est sérieux. Je suis persuadé qu'en le disant de façon aussi fracassante au ministre, en insistant, il apportera certainement un amendement là-dessus quand on arrivera à l'article. Il en a peut-être préparé un aussi. C'est pour cela qu'il a l'air de se sentir sûr de lui, mais j'aimerais bien qu'il écoute ce que la Ligue des droits et libertés a dit dans son mémoire.

La Ligue des droits et libertés recommande aussi de préciser le cheminement d'une citation, c'est à dire une dénonciation lorsque celle-ci est acheminée directement au comité de déontologie de la commission. Qui, dans ce cas, fait l'enquête? On vous demande de préciser. Si le commissaire refuse, un citoyen a le droit et la possibilité d'aller directement au comité de déontologie, au tribunal. Oui fait l'enquête, si le commissaire n'est pas derrière le citoyen? Si le citoyen est sans le sou, sans moyen, qui l'aide à faire enquête? Qui le défend? Vous allez me dire: II y a le système de l'aide juridique. Je sais tout cela. Mais, souvent nos avocats travaillent avec les matériaux qu'on leur apporte. Votre

livre a l'air ennuyant. M. le ministre, vous bâillez. Cinquièmement, elle recommande que la déclaration du policier par laquelle il reconnaît ou nie les faits soit portée à la connaissance du plaignant. Si un policier fait une plainte contre un citoyen, il faut absolument que la déclaration du policier par laquelle il reconnaît ou nie les faits soit portée à la connaissance du plaignant. Il faut que le plaignant soit au courant...

M. Dufour: De ce qui se passe.

M. Blais:... de ce qui se passe. Voilà, vous avez trouvé le mot juste. Elle est mal écrite, cette phrase. ils-la. Cela n'a pas d'allure.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Aussi, la Ligue des droits et libertés recommande que l'exécution provisoire de la sanction sort prévue, qu'il y ait des sanctions de prévues un peu à l'avance pour chaque faute commise, pour ne pas que quelqu'un qui rend un jugement le fasse selon son gré. Il faut qu'il y ait des balises. Et, dans toutes nos lois, on va dire: Si vous avez ouvert votre magasin le dimanche - une loi qui remonte à 1901 - vous avez donc 40 $ d'amende à payer. Donc, ils ouvrent quand même. Ils savent que cela coûte 40 $. Mais, dans le cas d'infraction comme celle-là, il faudrait que les sanctions soient délimitées et balisées à l'avance.

Ah! Cela me tente encore de revenir à la première. J'y reviens, parce que je veux absolument que le ministre la retienne, Mme la Présidente: La ligue n'est pas d'accord avec le pouvoir du commissaire de rejeter les plaintes. Je vais revenir souvent avec cela comme une plainte, comme une litanie tout au long de l'étude du projet de loi 86. Mme la Présidente, si vous me disiez tout de suite qu'il y a un amendement là-dessus, que le législateur a décidé de ne pas permettre au commissaire d'accepter ou de refuser les plaintes, je n'en parlerais pas.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député, peut-être que, si on se rendait à l'article, vous pourriez voir les amendements. Il faudrait commencer par étudier l'article 1. Si vous voulez, on peut toujours le faire.

M. Blais: Non, |e ne veux pas sauter tout de suite aux conclusions. Mais, de façon générale, quelqu'un qui ne présente pas le code de déontologie qui va avec la loi, je sais qu'il sera réticent à nous donner les amendements à l'avance. Il procède par surprise. Je sais que j'en aurai la surprise quand arrivera cet article, aussi contracté soit-il.

C'est au comité, dit la Ligue des droits et libertés, de se prononcer même préliminairement sur le sort des plaintes. Je vais sortir le mémoire. Une seconde, M. le ministre. Juste une seconde, j'ai tellement de chiffres devant moi. Je ne veux pas vous Induire en erreur. Je m'en voudrais toute ma vie, la chose est trop importante.

Pages 22 et 23, le dépôt des plaintes. La Ligue des droits et libertés a présenté un mémoire dûment dactylographié, d'une longueur - je vais le sortir, je suis en train de l'avoir, juste une seconde - de 42 pages, plus à peu près une quarantaine de pages d'annexes explicatives. À la page 21 du mémoire de la Ligue des droits et libertés, on dit ceci: "Les articles 67, 70 et 71 - vous ferez la concordance - nous indiquent que les plaintes peuvent provenir, soit d'une personne du public, soit d'un membre officier d'un corps policier ou encore du syndic lui-même. "

La réception des plaintes et le rôle du syndic, voilà le hic! "La fonction de syndic, telle que prévue à l'article 37, est de recevoir les plaintes relatives à la conduite des membres et de porter les dénonciation à la commission. "Entre le dépôt et la dénonciation, sa juridiction comprend le pouvoir d'informer l'intimé de la plainte, de requérir des explications et de faire enquête. Toutes ces étapes conduisent à l'exercice, par le syndic, d'une juridiction préliminaire de réception ou de rejet de la plainte. "Ces dispositions nécessitent, selon nous, plusieurs précisions importantes pour bien cerner le rôle et le pouvoir du syndic. "Si le syndic considère que les "explications" recueillies en vertu de l'article 72 lui paraissent suffisantes, peut-il dès cette étape rejeter la plainte?" Peut-il la rejeter au départ? Ce sont des choses qui demandent à être éclair-cles. Cela va de soi.

Alors, la ligue dit: "II serait intéressant, à ce sujet, de savoir si le Solliciteur général envisage de modifier les règles et la composition... " Modifier les règles, c'est-à-dire s'il veut toujours que le commissaire ait le pouvoir d'accepter ou de rejeter. Il y a des raisons valables et l'ensemble de la population devrait savoir si on doit retenir la proposition législative du ministre ou si on doit la rejeter. C'est pour ça que je disais que si on savait immédiatement quels sont les amendements que le ministre entend apporter, eh bien, dans nos remarques préliminaires et dans nos demandes de consultation, il y a certains volets que nous pourrions laisser tomber pour procéder ainsi plus vite à l'adoption de ce projet de loi.

Je reviens à la consultation générale. M. Lesage disait: Aussi il est aberrant que le code de déontologie policière en gestation ne soit pas soumis à l'examen parlementaire. Le Barreau le recommande et la ligue des droits le recommande. Tous ensemble, on pourrait regarder ça.

J'ai ici mes deux confrères du Lac-Saint-Jean...

M. Dufour: Saguenay.

M. Blais: Du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Chicoutimi Jonquière, Alma Alcan. ils sont tous ici et ils ont étudié le projet de loi. De façon intrinsèque, le projet de loi est bon. Je ne dis pas que le projet de loi n'est pas bon, mais on trouve qu'il est fait au-dessus de la tête de ceux qui sont concernés par ce projet de loi. On voudrait que les gens qui sont concernés viennent dire au ministre s'ils retrouvent dans le projet de loi les failles qu'ils ont constatées dans l'avant-projet de loi. Nous croyons qu'il y en a plus dans le projet de loi qu'il n'y en avait dans lavant-projet de loi. C'est pour ce faire que nous demandons aux gens qui ont présenté certains mémoires sur l'avant-projet de loi... Il y a eu 25 ou 26 groupes qui sont venus. On ne les fera pas tous venir. On ne demande pas qu'ils viennent tous, mais on veut au moins que les principaux intéressés viennent dire au ministre que le projet de loi a des faiblesses, ne fût-ce que la faiblesse de ne pas consulter ceux qui sont directement concernés par le projot, ce qui est en soi une faiblesse inacceptable. La deuxième, c'est que la plupart de ceux qui sont venus, dont le Barreau, dont la Ligue des droits et libertés, demandent que le code de déontologie soit déposé en même temps. Nous avons là des gens respectables qui le demandent.

Alors, pour mon raisonnement, j'ai demandé comment il me restait de minutes. Il ne me reste que cinq minutes, je le regrette, mais je vais essayer de résumer. En fait, mon intervention pour demander que la Ligue des droits et libertés vienne est la suivante: ce sont des gens qui ont à coeur la liberté des Québécois et des Québécoises et qui ont comme objet et comme but que les droits de ceux-ci soient respectés. Ce sont donc des gens d'une importance capitale. Si des gens aussi importants que ceux-là ont pris la peine de dire au législateur dans une consultation sur l'avant-projet de loi: Voici ce que nous vous recommandons, qu'on arrive au projot de loi et que les recommandations qu'ils ont faites ne sont pas respectées... Nous sommes seuls maintenant, l'Opposition, devant le législateur principal qu'est le ministre qui fait la loi, pour défendre les recommandations de ces gens-là qui ont à coeur la liberté. Il n'y a personne qui a plus à coeur la liberté que moi et nos droits, ça aussi, je les ai à coeur. Donc, ce sont des gens qui me tiennent à coeur par l'essence de leur groupe. (21 heures)

Si nous sommes seuls à les défendre devant le ministre, on pourrait dire que le ministre, à cause du nombre, peut faire fi de l'Opposition. 99 contre 19, que voulez-vous qu'il fit, dit Horace, qu'il vécût ou qu'un vain désespoir en vain le secourût? Mais où est le vain désespoir? Le vain désespoir pour que ce projet de loi soit rétabli, c'est que nous demandons que les gens des droits et libertés viennent redire au ministre, et nous allons les approuver, viennent lui recommander de ne pas laisser au commissaire le droit, en première lecture, de rejeter ou d'accep- ter la plainte, qu'elle vienne d'un citoyen ou qu'elle vienne d'un policier. Il peut y avoir un policier qui vienne faire une plainte au commissaire et qu'on lui dise: Bien, ce n'est pas très grave; le chauffard a passé sur votre pied et il n'a pas fait exprès; c'est anodin; vous boiterez pendant trois ans, ce n'est pas important; vous mettrez des... Cela peut arriver que le commissaire dise ça. Voyez-vous les policiers les pieds bots? Je ne vois pas ça dans la force constabu-laire. Je ne vois pas ça. Ou un citoyen dirait: II y a un policier qui m'a arrêté parce que je faisais un excès de vitesse; je le reconnais; j'avais de la difficulté à ouvrir ma vitre de voiture, il s'est fâché; il a donné un coup de garcette dedans et il l'a fait voler en éclats. Il faut que quelqu'un fasse enquête pour savoir si c'est vrai, si c'était délibérément ou pas.

M. le ministre, je recommande très fortement que vous envisagiez, avec tout le sérieux qu'il faut, de faire venir ce groupe, parce qu'il pourrait nous éclairer et nous aider à bonifier ce projet de loi Je suis sûr, en fait, que le ministre voudrait lui même, si c'est possible, qu'on le bonifie. Il n'y a aucun projet de loi, par quelque gouvernement que ce soit, qui est présenté en commission parlementaire - je parle d'un projet de loi d'envergure un peu, même des petits projets de loi - auquel il n'y a pas d'amendements à faire. Si les amendements ne sont pas là pour le bonifier, je ne sais pas pourquoi les amendements sont faits, mais c'est ce que nous aimerions. Je vous remercie, madame, et j'espère que le ministre comprendra que les gens qui défendent les droits et les libertés peuvent et pourraient être entendus pour nous éclairer quant à la bonification de ce projet de loi. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Marx: Juste une brève remarque, Mme la Présidente. Je n'ai pas quoi que ce soit à ajouter. Je vais laisser les lecteurs du Journal des débats juger de l'utilité du discours, de ce grand discours remarquable, même, qui a été fait par le député de Terrebonne.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je passe maintenant la parole au député de Jonquière pour dix minutes.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Merci, Mme la Présidente, de me rappeler que j'ai seulement dix minutes, malheureusement. Je vais essayer, après l'exposé de mon collègue de Terrebonne, d'ajouter certains éléments. La Ligue des droits et libertés, on la rencontre ou on la voit sur tous les fronts où l'on porte atteinte aux droits des citoyens. C'est embarrassant pour bien du monde que des gens s'occupent comme ça des droits et libertés ou des droits des citoyens comme tels, mais c'est un

organisme qui s'est révélé et qui se révèle nécessaire. En commission parlementaire, iI a même fait une démonstration assez importante de la façon dont ce projet de loi pourrait donner de meilleures garanties aux citoyens.

Par exemple, il y a un point qui me frappe très fortement dans le projet de loi qu'on a à étudier. Quand le commissaire décide qu'il prend la plainte et qu'il veut citer le policier à son enquête, le plaignant disparaît. La personne qui a fait la plainte n'existe plus, d'après le projet de loi qu'on a devant nous. Cela veut dire qu'on peut suivre toute la plainte, tout le cheminement et, à la fin, qui peut appeler? Le citoyen, le plaignant, a été expulsé de toute la règle de la preuve, de toute la démonstration faite en cour. Cela nous semble, à première vue en tout cas, une anomalie ou un accroc élémentaire et certain au droit du citoyen à avoir pleine défense. Si le citoyen a à poser des actes. Parce que ce n'est pas facile d'aller porter plainte; ce n'est pas si facile que ça. J'ai vécu des expériences avec des gens qui portaient plainte. On leur disait: Allez signer la plainte. Prononcez-vous contre ces choses-là. Mais ils répondaient: Ah non! On ne peut pas le faire parce qu'on a peur des représailles, on a peur d'être dérangés parce que cela peut être notre voisin. Ce n'étaient pas toujours des choses très graves. C'est juste pour vous dire jusqu'à quel point les gens sont poignés par ces choses-là. Je peux dire, selon l'expérience que j'ai vécue avec des gens, que, souvent, ils ne veulent pas faire de dénonciation ni porter plainte parce qu'ils ne veulent pas être identifiés. Mais, s'ils ont le courage de le faire, cela veut dire qu'un élément important entre en ligne de compte et on n'a pas le droit, à ce que je sache, de les enlever de la plainte; ils devraient être capables de suivre leur dossier jusqu'à la fin, ce que le projet de loi ne prévoit pas.

Je pense que c'est un accroc fondamental au droit d'un citoyen d'avoir pleine défense et pleine action pour procéder ou pour se plaindre. J'aimerais rappeler l'article 74 du projet de loi qui dit ça. Ensuite, on arrive à la question de la preuve. J'ai beaucoup insisté sur la question de la preuve que peut faire le citoyen. Quand je regarde Procédure et preuve, la section II du projet de loi sur l'organisation policière et qui modifie la Loi de police et diverses dispositions législatives, l'article 108 est frappant: "Un comité de déontologie n'est pas lié par les règles légales ou techniques de la présentation de la preuve" On ne voit ça nulle part ailleurs. Cela n'existe pas. Normalement, notre droit nous a habitué à ça. Je ne sais pas si le ministre de la Sécurité publique veut innover de façon telle qu'il amènera des choses complètement différentes, mais de quelle façon quelqu'un pourra-t-il alors se défendre? Il s'agit de cacher des faits ou de ne pas les donner au complet. On fait un appel et on revient avec toutes sortes de choses qu'on n'a pas entendues, dont la personne ne peut se défendre, et, là, ça va être M. Surprise. Cela va être la surprise. Ce sont peut-être plus des mises en scène.. Selon moi, le ministre regarde des émissions de télévision et il voit des choses spectaculaires. Personne ne les a vues, mais, lui, il était là; quelqu'un a vu ça. Il va sortir ça de son chapeau, une nouvelle preuve, et on recommence. La roue tourne. Ce n'est pas sain, d'après moi, pour l'appareil judiciaire. Je pense qu'il faut qu'on balise mieux ces actions-là.

Un autre élément un peu spécial et farfelu qu'on ne voit pas, c'est qu'on fait des plaintes et cela n'apparaît nulle part. Cela disparaît dans la nature. Je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention: c'est une loi "élasticifiée". La loi est élastique parce qu'il n'y a pas de règle de preuve, pas de règle de procédure. On est incapables.. Ha, ha, ha! Je comprends que le mot a l'air de surprendre le député de Louis-Hébert, mais je voulais dire qu'elle était élastique et qu'on pouvait l'étirer quand on le voulait. Je n'ai pas voulu employer le mot "électrifiée" parce que cela n'aurait pas eu de bon sens: les lignes sont dans un trop piteux état. Le moins qu'on puisse dire...

Une voix: Le réseau n'est pas fiable.

M. Dufour: Ha, ha, ha! Le moins qu'on puisse dire, pour en revenir à mon propos...

Une voix: Le réseau n'est pas fiable.

M. Blais: Quel réseau?

M. Dufour: Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a du mou dans ce projet de loi. II y a du mou.

M. Blais: Ha, ha. ha!

M. Dufour: Le ministre a oublié de prendre son travail à coeur.

M. Blais: Et c'est resté mou.

M. Dufour: S'ils étaient 12 012, il va en manquer tout à l'heure.

Il faut bien qu'on rappelle au ministre que son travail, c'est de faire des lois qui soient les plus étanches possible, de faire des lois où les gens vont se reconnaître, autant les plaignants que ceux qui subissent les plaintes. Sans ça, on change toutes les règles du jeu. Qui va décider d'aller là dessus quand on sait d'avance qu'il n'y a rien qui tient ça? Est-ce encore un projet de loi pour jeter de la poudre aux yeux et dire au monde. On a fait quelque chose, nous autres; on a présenté tant de lois, on avait tel numéro, on a fait des choses? Mais, dans l'application, on n'est pas capables de trouver les raisons pour lesquelles cela a été fait. Cela me semble arriver à ça.

La Ligue des droits et libertés nous dit

carrément qu'il y a des éléments là-dedans qui sont difficiles à accepter. Il ne faut pas que le citoyen soit pris avec une complexité telle ou une facilité telle dans la loi qu'il n'ait plus moyen de ne rien faire, ou qu'il sente que ça ne peut pas être sérieux jusqu'au bout. On a la chance de faire une nouvelle loi. Cela prend du courage au ministre des Affaires municipales pour faire une nouvelle loi comme il le fait là, mais qu'il la fasse comme il faut. On avait une Commission de police qui n'avait pas de pouvoir. Là, on lui donne des pouvoirs, mais on ne veut pas les baliser comme si les pouvoirs qu'on donnait d'une main, de l'autre, on l'organisait pour les éliminer ou les rendre les moins forts possible, de façon qu'ils n'aient plus d'effet.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député, il vous reste deux minutes.

M. Dufour: Déjà! Mme la Présidente, pour moi, il me semblait qu'en ce qui concerne la défense des droits et libertés j'étais prêt à parler pendant de nombreuses minutes pour essayer de convaincre le ministre. Malheureusement, je parle à un siège vide, mais je comprends qu'il doit avoir de bonnes raisons de ne pas être là. Sûrement qu'il devait être intéressé par mes propos.

Moi, je vous dis carrément que la Ligue des droits et libertés a présenté un mémoire sérieux Ce ne sont pas des gens qui n'ont que ça à faire, composer des mémoires. Je comprends, à part cela, qu'il y ait des problèmes dans le système, des failles, mais on ne peut pas concourir à accepter des projets de loi où c'est aussi peu balisé, où on n'est pas liés par la règle de preuve, où on peut faire à peu près n'importe quoi. J'implore ou je demande au ministre de se pencher sur ce projet de loi, d'écouter les représentations qu'on lui fait et d'écouter aussi les gens qui ont des choses à dire.

Je pense, non seulement je pense, mais j'affirme que ces gens ont des choses à dire, puisqu'ils ont une grande expérience en ce domaine. Jamais on n'impliquera suffisamment le citoyen dans les lois qui l'intéressent et qui le touchent au plus profond de lui-même et dans son vécu. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Je céderai maintenant la parole au député de Lac-Saint-Jean, pour dix minutes.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. La Ligue des droits et libertés - je pense que tout le monde en conviendra - est une organisation très respectable et très respectée dans notre société, qui a une mission très noble qui consiste précisément, comme son nom l'indique, à se porter à la défense des droits fondamentaux de même que des libertés fondamentales. Dans une société démocratique comme la nôtre, on conviendra que ce n'est pas négligeable. C'est vrai que nous vivons dans une société où les droits et libertés sont reconnus, même dans une charte, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, une des meilleures, d'ailleurs, qui puisse exister dans le monde occidental. (21 h 15)

Cependant, il arrive que, dans certaines circonstances ou occasions, certains droits fondamentaux et certaines libertés ne soient pas respectés. Il y a des entraves qui surviennent ou un manque de respect à l'égard de ces droits et libertés. L'organisme, la Ligue des droits et libertés, est là pour faire preuve de vigilance à l'égard du respect des droits et libertés des individus, des personnes dans la société québécoise. Ils veulent se faire entendre sur un projet de loi où justement les droits des citoyens et même les droits fondamentaux dans beaucoup de cas risquent d'être compromis, remis en question et, parfois même, lésés. Quelqu'un qui va porter plainte en vertu de la loi, dans la plupart des cas, on peut dire que ce sera parce qu'il estime qu'un de ses droits fondamentaux n'a pas été respecté, qu'un de ses droits a été violé. Je pense qu'à ce moment-là la Ligue des droits et libertés est une organisation tout à fait habilitée à venir témoigner devant la commission pour qu'elle puisse donner son point de vue sur le projet de loi.

Je vous signale - mes collègues l'ont également indiqué - qu'il est vrai que la Ligue des droits et libertés a déjà fait connaître son point de vue dans un mémoire, mais celui-ci portait sur lavant-projet de loi présenté par M. Latulippe. On a indiqué, à plusieurs reprises, que le projet de loi 86 était, à bien des égards, différent de l'avant-projet de loi. Par conséquent, il nous apparaît fort pertinent et même nécessaire que la Ligue des droits et libertés puisse se faire entendre sur le projet de loi. Elle avait déjà manifesté son intention de se faire entendre sur l'avant-projet de loi et avait même déposé un mémoire sur cette question avec des recommandations extrêmement intéressantes sur certains aspects de l'avant-projet de loi. Je suis convaincu que ça éclairerait beaucoup la commission qui a à étudier le projet de loi 86 si on pouvait entendre le point de vue, les opinions, les remarques et commentaires de la Ugue des droits et libertés sur le projet de loi comme tel, sur certains articles ou certaines dispositions du projet de loi.

Je donne un exemple: on sait que, dans son mémoire sur l'avant-projet de loi, la Ugue des droits et libertés recommandait d'instaurer un processus de nomination publique pour les membres des comités de déontologie et du tribunal, qui serait similiaire à celui prévu pour les juges de juridiction provinciale. Cela, c'est important parce qu'il y a eu un rapport, le rapport Ouellette, qui a été rendu public et qui porte sur les tribunaux administratifs. Là-dedans,

il y a des recommandations très Intéressantes, très positives sur la façon de nommer les juges et les membres des tribunaux administratifs, de même que sur la durée de leur mandat également. Actuellement, les membres des tribunaux administratifs sont nommés par le Conseil des ministres. C'est tout. Il y a donc là un danger, on en conviendra, de nommer ou de céder à la tentation de nommer des amis politiques, de faire de la partisanerie politique en ce qui a trait à la nomination des membres des tribunaux administratifs. C'est pourquoi le rapport Ouellette recommandait qu'on puisse procéder de la même façon pour les juges de juridiction provinciale, c'est-à-dire avec un comité de sélection, un jury de sélection, des entrevues, donc, une évaluation des candidats et, ensuite, vient la nomination par le Conseil des ministres, ce qui, évidemment, aurait pour effet d'écarter toute forme de partisanerie en matière de nomination des membres des tribunaux administratifs.

Or, on crée un tribunal administratif - c'est dans le projet de loi 86 - c'est-à-dire qu'on crée le Tribunal de la déontologie policière qui est un tribunal d'appel, un tribunal administratif. Comment nomme-t-on les membres de ce tribunal? De la même façon qu'auparavant, sans du tout tenir compte des recommandations du rapport Ouellette, ni de celles de la Ligue des droits et libertés. Il me semble qu'il serait intéressant - c'est seulement un élément - d'entendre la Ligue des droits et libertés nous indiquer, nous expliquer pourquoi elle souhaite qu'en matière de nomination des membres du tribunal de déontologie on procède d'une façon différente de celle qu'on a utilisée dans le passé et qu'on écarte toute forme de partisanerie. Il serait intéressant de les interroger là-dessus, de leur demander davantage d'explications.

Évidemment, il y a toute une série de recommandations que la Ligue des droits et libertés faisait. Par exemple, elle recommandait d'établir explicitement l'identité des parties et de reconnaître formellement le citoyen plaignant comme partie prenante à l'action, à toutes les étapes du processus de plainte contre un policier. Dans le projet de loi 86, on sait que, si le commissaire agit en lieu et place du plaignant et qu'il refuse de porter la décision en appel, le citoyen ne peut plus rien faire. Le plaignant ne peut plus rien faire, il ne peut pas aller seul en appel. C'est pour cela que la Ligue des droits et libertés jugeait que ce processus constituait une atteinte au droit du plaignant et recommandait que, dans tout le processus de plainte contre un policier, le citoyen plaignant puisse être partie prenante à l'action, à toutes les étapes. Ce serait Important de demander des explications sur cette question majeure et la Ligue des droits et libertés serait sans doute en mesure de le faire. On n'aurait pas besoin de l'entendre pendant quatre heures; on pourrait l'entendre une demi-heure ou même 45 minutes et cela serait suffisant pour que l'on puisse lui demander de nous fournir un certain éclairage, compte tenu de sa mission, de sa vocation qui vise à défendre les droits et libertés et aussi de son expertise en cette matière, parce que la Ligue des droits et libertés existe depuis fort longtemps et elle a une expérience, elle a une expertise en matière de défense des droits et libertés, de même qu'une expertise Intéressante, très riche en matière d'atteinte aux droits et libertés, de violation des droits et libertés.

Dans un projet comme celui-là où plusieurs des droits fondamentaux et des libertés fondamentales sont concernés, II me semble qu'un organisme comme la Ligue des droits et libertés devrait se faire entendre et c'est pour cette raison que je donnerai mon appui sans réserve à la motion de mon collègue de Terrebonne. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le député. Est-ce que la motion est adoptée?

M. Marx: Rejeté.

M. Brassard. Vote nominal.

La Présidente (Mme Bleau): Vote nominal.

La Secrétaire: M. Marx (d'Arcy-McGee) pour ou contre la motion?

M. Marx: Qu'est-ce qu'on a... ?

La Secrétaire: Pour ou contre la motion présentée par M. le député de Terrebonne?

M. Marx: On aimerait suspendre pour deux minutes.

M. Blais: Non. Le vote a été demandé. Il n'y a pas de suspension possible. C'est contre les règlements.

M. Dufour: Le vote est demandé. Il faut se plier aux règles de procédure.

La Présidente (Mme Bleau): Oui, on va le demander.

La Secrétaire: Pour ou contre la motion?

M. Marx: Contre.

La Secrétaire: M. Blackburn (Roberval)?

M. Blackburn: Contre.

La Secrétaire: Mme Bleau (Groulx)?

La Présidente (Mme Bleau): Contre.

La Secrétaire: M. Brouillette (Champlain)?

M. Brouillette: Contre

La Secrétaire: M. Brassard (Lac-Saint-Jean)?

M. Brassard: Pour.

La Secrétaire: M. Blais (Terrebonne)?

M. Blais: Pour.

La Secrétaire: M. Dufour (Jonquière)?

M. Dufour: Pour.

La Secrétaire: Alors, 4-3: la motion est rejetée.

La Présidente (Mme Bleau): La motion est rejetée: 4 - 3.

Reprise du débat sur la motion principale

M. Brassard: Mme la Présidente, je demande la parole, s'il vous plaît...

La Présidente (Mme Bleau): Je vous accorde la parole.

M. Brassard:... pour revenir à la proposition principale qui porte sur la convocation ou l'invitation au Barreau du Québec à venir témoigner devant nous et à se faire entendre là-dessus.

Je ne propose rien, le reviens à la motion principale sur le Barreau.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, vous avez dix minutes, M. le député.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: L'amendement sur la Ligue des droits et libertés étant battu, on revient à la motion sur le Barreau. J'ai dix minutes. J'aurais évidemment beaucoup souhaité, quant à moi, que la Ligue des droits et libertés soit retenue et qu'on puisse l'entendre. Je viens à peine d'en parler et je pense que j'avais, en faveur de cela, des raisons qui m'apparaissaient quand même convaincantes. Malheureusement, je n'ai pas pu réussir à convaincre le ministre. Mais, pour ce qui est du Barreau, puisqu'on revient à la motion principale, je pense qu'il faudrait au moins que cette motion soit acceptée et qu'on puisse inviter le Barreau à venir se faire entendre sur le projet de loi.

Voilà un organisme qui se situe, au Québec, au coeur de tout notre système de droit. Le Barreau du Québec, comme on le sait, regroupe l'ensemble des avocats, des juristes qui pratiquent au Québec, soit dans des cabinets privés, soit à l'aide juridique.

Chaque fois que nous avons eu à étudier et à analyser une loi majeure, une loi importante, qui traitait de l'organisation juridique de la société québécoise, quel qu'en soit l'aspect et quel que soit le secteur visé, moi, à ma connaissance, du plus loin que je me souvienne, le Barreau du Québec a toujours été invité à venir témoigner ici, dans la salon rouge, à la salle du Conseil législatif, pour qu'il puisse déposer un mémoire et se faire entendre par la commission.

Je n'ai pas souvenance que, pour un projet de loi majeur traitant d'un aspect ou l'autre de notre système juridique, de notre système de droit - et cela fait douze ans que je suis au Parlement - nous ayons étudié et adopté un projet de loi sans avoir reçu ici, à la salle du Conseil législatif, le Barreau du Québec. Il nous présentait habituellement un mémoire puis on échangeait avec les représentants du Barreau et ils nous faisaient un certain nombre de recommandations. Je n'ai pas souvenance que cela se soit produit. Là, avec le projet de loi 86, alors que tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'un projet de loi majeur, d'un projet de loi qui touche, qui affecte les droits fondamentaux des citoyens, qui transforme une partie de notre système juridique au Québec, qui risque de toucher à tous les corps policiers au Québec, qui a des effets sur la conduite des policiers, sur les normes de conduite, sur les devoirs des policiers, donc, une loi majeure ayant des incidences juridiques considérables, devant une loi aussi fondamentale, on ne recevrait pas le Barreau du Québec, on n'entendrait pas le Barreau du Québec, on n'écouterait pas ses recommandations? Moi, cela m'apparaît carrément, je dirais, inacceptable qu'on puisse procéder à l'analyse et à l'adoption d'un projet de loi de cette nature, de cette ampleur, constituant un virage aussi important en matière d'organisation policière sans entendre le Barreau du Québec; je trouverais cela inconcevable.

Il me semble que, dans les circonstances, on peut prétendre vouloir réduire le nombre des intervenants en commission parlementaire, ce qui nous amène alors à procéder à ce qu'on appelle une consultation vraiment particulière, c'est-à-dire en sélectionnant un nombre très limité d'intervenants, mais, à tout le moins, qu'on entende le Barreau du Québec. (21 h 30)

Seulement sur l'avant-projet de loi sur l'organisation policière, le Barreau du Québec a déposé, en août 1987, un mémoire de 53 pages qui contient toute une série de remarques et de commentaires pertinents sur un certain nombre d'articles de l'avant-projet de loi. Je ne dis pas que je suis d'accord avec tout, ce n'est pas ce que je veux dire. Il y a des choses avec lesquelles je suis d'accord et d'autres sur lesquelles je m'interroge, mais il reste que le Barreau a fait un travail considérable sur l'avant-projet de loi. Je suis persuadé qu'on ne peut pas adopter le projet de loi 86 sans entendre une organisation comme le Barreau du Québec. Cela m'apparaîtrait inconcevable. Cela m'apparaîtrait légiférer de

façon cavalière, de façon très légère, si vous me permettez l'expression. Cela m'apparaîtrait légiférer...

Une voix: Clandestinement.

M. Brassard: Non, je ne dirais pas clandestinement - mon collègue me souffle clandestinement - mais pas sérieusement. Cela ne ferait pas sérieux qu'on puisse légiférer et adopter un projet de loi de cette nature sans entendre une organisation comme le Barreau du Québec. Je ne comprends pas. J'espère, Mme la Présidente, qu'à tout le moins cette motion va trouver preneur et faire l'unanimité de cette commission et qu'on va prendre, ma foi, une heure pour entendre le Barreau. Je suis persuadé que le Barreau a des recommandations importantes à faire.

Je pariais tout à l'heure, à propos de la Ligue des droits et libertés, du mode de nomination des membres d'un tribunal administratif. La Ligue des droits et libertés faisait référence au rapport Ouellette sur ce mode de nomination. Je vous signale que le Barreau aussi fait les mômes recommandations et qu'il n'est pas le seul à faire des recommandations dans ce sens. II semble qu'il y ait une espèce de consensus parmi tous ceux qui s'intéressent à cette question des tribunaux administratifs, à savoir de changer le mode de nomination, d'éviter de rendre partisan le mode de nomination, de mieux l'encadrer et de prévoir également une durée plus longue qu'un mandat de cinq ans de façon que les membres d'un tribunal administratif soient vraiment nommés pour leur compétence et seulement pour leur compétence et leur expérience et non pas pour leurs allégeances politiques ou partisanes.

C'est quand même étonnant que plusieurs mémoires se rejoignent sur cette question. II me semble, à ce moment-là, qu'il y a là une piste intéressante et que, dans son pro|ot de loi, le ministre devrait modifier les dispositions relatives à la nomination des membres de son tribunal de déontologie, parce que tout le monde lui dit: II faut mettre de côté les anciennes méthodes de nomination des membres des tribunaux administratifs; il faut prévoir de nouvelles façons de les nommer. Donc, c'est évidemment avec espoir que mes collègues de la commission vont accepter de voter en faveur de cette motion tout à fait - comment dire? - sage et raisonnable qui consiste à entendre, pendant un certain temps, le Barreau du Québec. Mais, à mon avis, cela ne suffit pas. Il faut aussi ajouter à la liste d'amendement d'autres organismes tout aussi sérieux et compétents dans ce domaine.

Motion proposant d'entendre aussi la Commission des services juridiques

C'est pourquoi je ferais un amendement à la motion, Mme la Présidente. J'amenderais la motion de la façon suivante: La motion est amendée par l'addition, après les mots "Barreau du Québec", des mots "et la Commission des services juridiques".

La Présidente (Mme Bleau): Alors, vous proposez cet amendement. Votre amendement est recevable et se lit comme suit: La motion est amendée par l'addition, après les mots "Barreau du Québec", des mots "et la Commission des services juridiques". Vous avez 30 minutes sur le sujet, M. le député.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. La Commission des services juridiques. Je pense que, si le Barreau du Québec est une organisation très respectée et respectable, de même que la Ligue des droits et libertés, d'ailleurs, il faut en dire autant de la Commission des services juridiques. C'est une organisation peut-être moins connue, qui a moins de visibilité, je dirais, sur la scène publique que le Barreau ou la Ligue des droits et libertés, mais c est cet organisme qui a pour mission ou vocation, en vertu de nos lois, d'administrer la Loi sur l'aide juridique. On connaît vraiment en quoi consiste l'aide juridique qui existe maintenant depuis plusieurs années au Québec. C'est ce service public qui est accordé à des citoyens ou citoyennes qui sont aux prises avec la loi, aux prises avec des problèmes de tout ordre, mais qui n'ont pas les revenus suffisants pour se payer les services d'un avocat ou d'un conseiller juridique. Eh bien, ils peuvent avoir recours à l'aide juridique gratuitement.

Je pense que la Loi sur l'aide juridique est une grande loi dans notre système de droit au Québec. C'est une très grande loi qui a été adoptée, d'ailleurs, à l'unanimité de la Chambre lorsqu'elle a été étudiée. C'est une grande loi qui, justement, concrétise le principe de l'égalité devant la loi de sorte que maintenant au Québec, si vous êtes pauvre, si vous avez des revenus modestes, eh bien ce n'est pas pour cette raison que vous ne pouvez pas faire respecter vos droits. Vous pouvez le faire maintenant et vous pouvez avoir droit à un conseiller juridique, à un avocat pour vous aider dans vos démarches afin de faire respecter vos droits. Donc, c'est la Commission des services juridiques qui a pour mission d'administrer la Loi sur l'aide juridique. C'est donc un organisme qu'on peut dire parapublic, en quelque sorte.

Comme je le mentionnais tantôt, la Commission des services juridiques, un peu comme le Barreau, s'est présentée devant nous à toute occasion, à chaque fois que l'Assemblée nationale a eu à se pencher sur une loi majeure concernant les fondements juridiques de notre société, à l'étudier et à l'adopter. On n'a qu'à penser au Code civil, par exemple. Elle a toujours déposé des mémoires étoffés, très articulés, qui allaient au fond des choses et qui démontraient forcément, par la même occasion, une grande connaissance de l'application concrète de nos lois et de

notre droit parce que, justement, elle est en liaison constante avec les bureaux d'aide juridique et les avocats qui travaillent sur le terrain et qui ont à plaider devant nos tribunaux.

Donc, je pense que c'est important, en guise d'introduction à mes 30 minutes, d'indiquer avec précision et le plus de transparence possible la fonction de la Commission des services juridiques, sa mission, sa compétence, sa large expérience et le fait, non négligeable, qu'elle soit toujours intervenue dans nos débats et dans l'étude de nos grandes lois avec beaucoup d'à-propos, avec profondeur et en faisant des recommandations souvent positives et enrichissantes. Voilà que, sur la question de l'organisation policière, sur la question extraordinairement importante des comportements policiers, sur la question des plaintes à porter contre des gestes commis par des policiers et pouvant affecter des droits fondamentaux, la Commission des services juridiques - et le contraire m'aurait étonné - souhaite se faire entendre, exposer son point de vue, faire des remarques, des recommandations et des suggestions, et commenter un certain nombre d'articles. Elle l'a fait d'ailleurs - encore une fois, je reviens là-dessus - à l'occasion de lavant-projet de M. Latulippe. M. Latulippe a déposé un avant-projet sur cette question, un avant-projet intéressant qui comportait des éléments intéressants, qui ouvrait des pistes intéressantes quant au processus de plaintes, par exemple. On sait que, sur cet avant-projet, le ministre Latulippe, à l'époque très ouvert, sachant, lui, combien ce dossier-là était important, avait décrété une consultation. Il n'a pas pu la tenir. Il a quitté le Conseil des ministres entre-temps. Mais, comme il avait manifesté, au moment du dépôt de son avant-projet, son intention de tenir une consultation, il avait lancé un appel à un certain nombre d'organismes concernés et leur avait demandé de déposer des mémoires. C'est ce qu'ils avaient fait. La Commission des services juridiques, en date du 6 août 1987, a déposé un mémoire sur l'avant-projet concernant la Loi de police et la Loi sur l'organisation policière. J'ai ce mémoire sous les yeux. Je pense que la commission, comme tous les autres mémoires qu'elle a déposés auparavant dans d'autres circonstances similaires, n'a pas à avoir honte de son mémoire. Il est à l'égal des autres, très articulé, très étoffé et témoigne d'une riche expérience en la matière.

Eh bien, la commission fait un certain nombre de recommandations concernant l'avant-projet qui m'apparalssent fort pertinentes concernant le projet de loi. Il y a quand même des choses qui sont semblables ou similaires, même s'il y a des différences parfois importantes entre l'avant-projet et le projet de loi 86. Il y a même des choses semblables, similaires ou se rapprochant, parce que ça traite du même sujet. Je suppose que le ministre s'est quelque peu inspiré de l'avant-projet de son ex-collègue, M. Latulippe, parce qu'il y a quand même des choses qui se ressemblent. Il y a des remarques concernant l'avant-projet venant de la Commission des services juridiques qui sont également pertinentes concernant le projet de loi 86. C'est pour ça qu'il me semble, en plus du Barreau du Québec - je pense que mes collègues et moi-même avons donné les raisons concernant le Barreau - que ce serait aussi Important d'entendre la Commission des services juridiques.

Je vous donne un petit exemple, quelques exemples; ce sont simplement des exemples parce que ce serait beaucoup plus instructif si on pouvait interroger les représentants de la commission et échanger des propos avec eux. La commission, concernant l'avant-projet par exemple, recommandait de prévoir que la victime ou son avocat puisse interroger les témoins. Ce n'est pas un détail; ce n'est pas négligeable que la victime ou son avocat puisse Interroger les témoins. Actuellement, c'est le commissaire seulement qui peut procéder à l'interrogatoire. La Commission des services juridiques, avec toute son expérience passée, dit: Attention! Ce n'est pas suffisant. Attention! Il faudrait que la victime ou son avocat puisse aussi interroger les témoins, et non seulement le commissaire qu'on appelait le syndic dans l'avant-projet de loi. Il me semble qu'il y a là un souci de respecter les droits fondamentaux, les droits du justiciable, comme on dit. Il y a là un souci qui n'est ni anodin, ni banal. Il serait intéressant d'entendre la Commission des services juridiques sur cette question. (21 h 45)

Un autre élément intéressant. La Commission des services juridiques recommandait que le comité de déontologie ait le pouvoir d'emprisonner pour outrage au tribunal, lorsque le témoin refuse de répondre. Si, devant le comité de déontologie, un témoin est, comme on dit, récalcitrant ou même, disons, hostile, et qu'il refuse de témoigner et de répondre aux questions, quels sont les moyens dont dispose le comité de déontologie? Il peut condamner à des amendes. Entre nous, ce n'est pas une sanction très très forte puisqu'on sait qu'en vertu des conventions collectives c'est le contribuable qui va payer, finalement; ce n'est pas le témoin lui-même. Pourtant, dans son mémoire et de façon très éclairante, la commission nous indique qu'ailleurs, dans d'autres organismes, dans d'autres lois, ce pouvoir d'emprisonner pour outrage au tribunal existe. La commission cite, par exemple, le Code des professions. Elle cite également la Régie du logement.

M. le Président, je vous salue. Savez-vous, M. le Président, qu'un témoin à la Régie du logement qui refuse de témoigner peut être condamné à l'emprisonnement pour outrage au tribunal? C'est dans la Loi sur la Régie du logement.

M. Dufour: Oui, c'est sérieux ça.

M. Brassard: Saviez-vous que, devant la Commission des affaires sociales, un témoin - la Commission des affaires sociales est souvent un tribunal d'appel pour, par exemple, des cas d'aide sociale; c'est un tribunal d'appel - eh bien, un témoin récalcitrant qui refuse de témoigner, de répondre aux questions, peut être emprisonné pour outrage au tribunal, et ainsi de suite pour beaucoup de tribunaux administratifs? Comment se fait-il - et ce n'est pas moi qui le dis, mais la Commission des services juridiques - que, pour ce qui est du comité de déontologie qui est un tribunal administratif, le pouvoir d'emprisonner pour outrage au tribunal n'existe pas? Cela semble à la commission tout à fait incongru et inacceptable. J'avoue que ça m'intrigue. En tout cas, je m'interroge là-dessus et Je me dis: Comment se fait-il que la commission tienne tant à cette disposition? Je dis que j'aimerais les entendre, leur parler, les interroger là-dessus pour connaître vraiment leurs motifs.

La commission recommandait également d'inscrire dans la loi la possibilité de poursuivre un policier devant le comité de déontologie, malgré un acquittement ou un verdict de culpabilité devant une cour de juridiction criminelle. C'est une recommandation intéressante. Il est curieux de constater que cette chose ne soit pas possible. La commission recommandait également que l'appel soit inscrit sur dossier et qu'en conséquence l'enregistrement des débats devienne la règle. C'est une recommandation qui mériterait aussi d'être retenue et analysée. La Commission des services juridiques recommandait également que le comité de déontologie ait la possibilité d'ordonner l'exécution provisoire des sanctions. Attendez, M. le Président, si vous comprenez mal, je vais aller dans le mémoire directement. C'est à la page 26.

Une voix: Vous citez le mémoire.

M. Brassard: Oui. C'est évident, je cite le mémoire. Donc, le mémoire recommandait que - page 26, article 89 - dans la mesure où les poursuites ont été menées par le syndic, dans le cas où le syndic est intervenu, le plaignant... Non, ce n'est pas ça. Ah oui, l'article 158 du Code des professions, qui est une disposition semblable à l'article 90 du projet - c'est de l'avant-projet dont on parle, évidemment - donne au comité de discipline le pouvoir d'ordonner l'exécution provisoire. La commission devrait, dans le cadre de l'article 90, se voir reconnaître un tel pouvoir.

Une voix: Quel pouvoir, en fait?

M. Brassard: Le pouvoir d'ordonner l'exécution provisoire des sanctions.

Une voix:...

M. Brassard: J'imagine. Oui, c'est un pouvoir important. La Commission des services juridiques, évidemment, en conclusion, recommandait également d'élargir le rôle du Protecteur du citoyen afin que lui-même, ou l'un de ses représentants, puisse entrer sans préavis, à toute heure du jour ou de la nuit, dans tous les postes de police de juridiction provinciale afin d'y rencontrer toute personne détenue d'autorité civile pour ainsi contrôler l'activité policière à un moment où le citoyen se retrouve seul à la merci des policiers. En guise de conclusion, c'est un élément Intéressant. Je ne dis pas que j'y donnerais mon assentiment. Mais, enfin, il me semble qu'il y a là un nouveau rôle pour le Protecteur du citoyen qui mériterait d'être examiné et analysé par la commission. Douze minutes?

Eh bien, ma foi, je vais poursuivre en analysant un certain nombre d'autres recommandations de la Commission des services juridiques. Il est à noter que ces recommandations sont issues, je dirais, pour beaucoup, de la pratique des avocats de l'aide juridique. Ils ont très fréquemment, dans leur travail, à défendre des citoyens et des citoyennes dont les droits ont été violés, lésés, qui se sentent et se considèrent lésés. Ces avocats de l'aide juridique, dans leur pratique quotidienne, se rendent compte que, bien souvent, il est difficile pour eux de défendre adéquatement et efficacement les droits des citoyens. Je pense que la plupart des recommandations qui nous viennent de la Commission des services juridiques sont le fruit, en quelque sorte, de cette pratique quotidienne des avocats de l'aide juridique qui font un travail admirable, remarquable sur le terrain.

Par conséquent, il y a là quelque chose de concret qui mériterait de retenir l'attention de la commission. Notre but, notre objectif, c'est évidemment d'essayer d'améliorer le projet de loi parce que nous considérons que, sous plusieurs de ses aspects, le projet de loi 86 comporte des carences et qu'il mérite, par conséquent, d'être amélioré, amendé. Évidemment, quand on entrera dans le vif du sujet, dans l'étude article par article.. Bientôt, bientôt, bientôt, parce que je vous signale, M. le Président, qu'il ne s'agit pas, quant à nous, de ce qu'on appelle dans notre jargon parlementaire une obstruction systématique. Il ne s'agit pas, quant à nous, de ce qu'on appelle dans notre jargon parlementaire un "filibuster". En aucune façon et vous le verrez, d'ailleurs. Nous souhaitons cependant légiférer sérieusement et de façon responsable. Nous souhaitons apporter notre concours à l'amélioration du projet de loi. On ne dit pas qu'on est en total désaccord avec l'ensemble du projet de loi. Il y a des choses extrêmement Intéressantes; il y a des pistes Intéressantes dans le projet de loi. Il y a des éléments, je dirais même, novateurs, M. le Président, mais il y a des carences aussi. Il y a des défauts, des lacunes, des faiblesses. Notre rôle à nous, comme parlementaires et comme législateurs, c'est de faire en sorte que le

projet de loi soit le meilleur possible, d'essayer de l'améliorer dans toute la mesure du possible et d'y apporter des amendements, des modifications, donc, les éléments manquants. Pour ce faire, nous avons besoin de l'éclairage, je dirais, des spécialistes du droit. Le Barreau du Québec, en voilà un, je pense, qu'on peut considérer comme un expert en matière de droit, mais la Commission des services juridiques également, qui a une grande et riche expertise en matière de droit, une expertise très concrète. Il nous semble que, si on pouvait entendre pendant quelque temps la Commission des services juridiques, échanger quelque temps des propos avec elle, on serait certainement en mesure, par après, à l'occasion de l'étude article par article, d'apporter des modifications et des amendements qui feraient consensus, qui feraient l'unanimité des membres de cette commission, de telle sorte qu'on se retrouvera, au bout du processus, lorsqu'on aura à faire rapport à l'Assemblée nationale, avec un projet de loi bonifié - pour employer une expression que je n'aime guère, mais, enfin, qu'on utilise souvent dans nos discussions et dans nos travaux parlementaires - un projet de loi amélioré, plus présentable, qui répond mieux aux objectifs qu'on s'est fixés, que le ministre s'est fixés et que M. Latulippe avant lui s'était fixés également à la suite du dépôt de son avant-projet.

Donc, M. le Président, je voudrais bien qu'on ne travestisse pas nos intentions. Nos intentions sont louables. Nous sommes de bonne foi. Nous voulons légiférer sérieusement. Nous ne voulons pas faire une obstruction systématique et totale à ce projet de loi. Au contraire, nous voulons qu'il chemine cependant normalement, que le processus se poursuive de façon normale. Pour ce faire, nous le répétons - je le répète et je voudrais que le ministre le comprenne - ce n'est pas dans un but d'obstruction que nous voulons entendre le Barreau et la Commission des services juridiques. C'est dans le but louable et légitime d'en arriver à un meilleur projet de loi et à une meilleure loi, et finalement, lorsque cette loi s'appliquera, à un meilleur respect des droits de tous et de chacun. Des droits des citoyens, bien sûr, qui auront dans certains cas à porter plainte, mais aussi des droits des policiers. Je pense que ça aussi, c'est Important parce qu'eux aussi ont des droits. Ils pourront et devront pouvoir se défendre adéquatement. On parle dans le code de déontologie des devoirs du policier et des normes de conduite du policier, mais je pense qu'on peut aussi parler des droits du policier. Il y a les droits des plaignants, des citoyens, des citoyennes, mais iI y a aussi les droits des policiers. D'en arriver, donc, à un projet de loi qui soit respectueux de l'ensemble de ces droits. (22 heures)

Je pense qu'à ce moment-là nous aurons tous gagné de l'opération et que nous serons tous plus satisfaits d'avoir participé à l'analyse et à l'adoption d'un projet de loi qui contribuera, finalement, à faire en sorte que dans la société québécoise les droits fondamentaux et les libertés fondamentales des citoyens seront mieux respectés, et que des cas de violation de ces droits fondamentaux seront moins nombreux. Je pense que c'est l'objectif qu'on doit tous poursuivre ensemble.

Alors voilà, M. le Président, ce qui m'a incité à proposer cet amendement, de façon que, au Barreau du Québec, se joigne la Commission des services juridiques, qu'on puisse les entendre, je dirais peut-être une heure chacun, chaque organisation pendant une heure pour discuter avec leurs représentants. Prenons deux heures - c'est ce qu'on propose au fond - prenons deux heures pour entendre ces deux organismes. Une fois qu'on aura reçu leurs commentaires et leur éclairage, on pourra procéder à l'étude article par article du projet de loi. Je suis persuadé que notre travail sera meilleur. Je suis persuadé qu'on fera un meilleur boulot, qu'on abattra une meilleure besogne après avoir entendu ces deux organisations, le Barreau du Québec et la Commission des services juridiques, et après avoir dialogué avec elles. Si ces deux organisations n'étaient pas intéressées par le projet de loi, on serait malvenus de les convoquer ou de les inviter, mais ce sont deux organisations qui sont fortement et directement intéressées, même touchées par ce projet de loi. Dans ces conditions, je ne pense pas que ce soit les déranger que de les inviter a venir se faire entendre en commission. Bien au contraire, je pense que ces organisations seraient fort heureuses et accepteraient d'emblée, comme elles l'ont déjà fait dans le passé, de venir nous entretenir de leur point de vue sur le projet de loi 86, en particulier sur tout le processus de plaintes.

Je pense qu'il y a matière à amélioration à ce point de vue et je vous avoue bien sincèrement, M. le Président, que, pour ma part, j'aurais une préférence, je pencherais pour le processus plus simple qui était prévu dans l'avant projet de M. Latulippe. J'ai peut-être tort. J'ai peut-être tort, mais il me semble que le processus de plaintes qu'on a introduit dans le projet de loi 86 est trop complexe, trop compliqué. C'est une espèce d'échafaudage à trois étages qui comporte pour le citoyen des risques de s'y perdre. Par conséquent, j'ai plutôt une préférence pour le processus qu'on avait proposé dans l'avant-projet. Enfin, sur cette question centrale du processus de plaintes, il me semble qu'on devrait entendre, à tout le moins, la Commission des services juridiques et le Barreau du Québec. Cela nous éclairerait sans aucun doute. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de Lac-Saint-Jean, pour cet exposé très sérieux. Je vais maintenant reconnaître le député de Jonquière, qui va intervenir pour enrichir davantage ce projet de loi.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Mon collègue de Lac Saint Jean a amené plusieurs éléments pour convaincre la commission du bien-fondé de son amendement demandant que la Commission des services juridiques puisse venir s'exprimer en commission parlementaire. II a même fixé des temps. On pourrait peut être les entendre une heure, les autres une heure. Il y a trois heures dans une demi-journée. En une journée, on pourrait passer à travers. Dans le fond, ce n'est pas si onéreux que cela quand on regarde cela chronologiquement et logiquement. D'ailleurs, ce sont des gens qui sont préparés. Ils ont déjà présenté des mémoires; ils nous ont déjà dit ce qu'ils pensaient. On pourrait confronter leurs opinions avec le projet de loi. Il me semble que ce serait un exercice intéressant. Ils vont refuser difficilement qu'on puisse écouter ces gens qui pourraient enrichir notre commission de leurs connaissances, de leur vécu et, en même temps, de leur expérience et de leurs suggestions; ce qui est important, ce sont surtout les suggestions. Si on ne légifère pas pour légiférer, on ne fera pas.. Des projets de loi comme ça, j'ai bien l'impression qu'il ne s'en fera pas beaucoup. J'ai bien l'impression aussi que si le ministre de la Sécurité publique veut attacher son nom à ce projet de loi en disant: Moi, j'ai fait quelque chose sur l'organisation policière, j'ai enlevé un certain nombre d'irritants... Mais - et, de cela, iI faudrait peut-être l'avertir - si les irritants ou les maux sont pires que ceux qu'on voulait corriger, iI faut toujours bien admettre à ce moment-là qu'on a légiféré, sinon pour rien, du moins d'une façon très légère.

La Commission des services juridiques, son nom le dit, ce sont des gens qui sont au service du droit et des justiciables. Parmi les recommandations que je n'ai pas vues, et c'est ce que Je trouve phénoménal, chaque fois qu'on parle d'un groupe qu'on veut faire venir ici, si on compare avec le projet de loi qu'on a devant nous, il semble que c'est un exercice futile qu'on a fait faire à ces gens-là, de venir se prononcer, de venir dire ce qu'ils pensaient d'un projet de loi, et on n'en tient pas compte. On prend une chance en faisant cela.

Les gens qui viennent travaillent, ils font des suggestions et ils ne sont pas payés pour le faire, en tout cas ils ne sont pas payés par le Parlement pour le faire. Ils font des actions gratuites pour bonifier des projets de loi. SI on les interroge, c'est bien sûr parce qu'on pense qu'ils ont quelque chose à dire. Deuxièmement, quand ils viennent nous parler, ils pensent bien qu'on va en tenir compte. Dans les faits ou dans ce qui a été transcrit ou transmis à travers ce projet de loi, on ne voit pas leurs recommandations apparaître. Donc, ces gens-là ont le droit d'être déçus. Je me demande si, à l'avenir, quand on les demandera, ils ne seront pas un peu réticents à venir donner leur point de vue, sachant qu'un commission parlementaire cela ne tient pas compte de leur point de vue ni de leurs recommandations.

La Commission des services Juridiques recommandait que la victime ou l'avocat puisse interroger les témoins. Cela me semble élémentaire. L'aide juridique prévoit que quelqu'un qui fait une plainte peut Interroger.. même la personne qui poursuit peut, à l'intérieur du service d'aide juridique, questionner les témoins comme celui qui est justiciable. On ne volt pas à travers ce projet-là... Je pense aussi qu'on a tout intérêt que la démarche soit très ouverte pour amener des décisions meilleures et, aussi, pour humaniser l'action ou la démarche qu'on fait. J'ai fart la démonstration au début de la commission à savoir que le service policier, ce n'était pas un service facile, c'était difficile pour un policier d'agir comme tel. Donc, si on veut rapprocher le citoyen de la police ou le contraire, la police du citoyen, il faut que, dans cette démarche, on puisse sentir que c'est soudé ensemble, et on ne sent pas cela dans le projet de loi qu'on a devant nous.

Une autre recommandation faisait comme suggestion que le comité de déontologie puisse emprisonner pour outrage au tribunal, lorsque le témoin refuse de répondre. Cela n'est pas du droit nouveau. Ce sont des choses, en fait, auxquelles les gens s'attendent. Un tribunal, ce n'est pas pour rire. Quand un tribunal agit, c'est important, c'est sous serment. Ce sont les actes les plus importants qui peuvent être posés pour régler les problèmes qui existent dans notre société. Le législateur, jusqu'à maintenant, a toujours donné un pouvoir Important au tribunal, celui d'emprisonner lorsque le témoin est hostile ou refuse de répondre. Dieu sait, si cette pratique n'existait pas, s'il n'y avait pas ce pouvoir, combien les cours auraient de la difficulté parfois et souvent à obtenir la collaboration des témoins. Le peu d'expérience qu'on vit... M. le Président, j'espère que vous avez déjà eu l'occasion de voir comment cela se passe dans les cours. En tout cas, je j'avais dernièrement quelqu'un qui avait des problèmes. Je ne voulais pas trop répondre aux questions qui étaient posées. Vous avez beau faire les simagrées et prendre les détours que vous voulez, il y a des gens qui, par nature, ne sont pas des collaborateurs de la loi. À ce moment-là, le moyen dont la cour dispose, c'est de pouvoir les emprisonner et les obliger à parler. Normalement, cela délie la langue, cela atteint les buts pour lesquels ce pouvoir a été accordé et c'est important.

Actuellement, dans le projet de loi qui nous est proposé, on peut condamner à des amendes. Les amendes, à moins d'en ignorer complètement le fonctionnement... On sait actuellement qui pourrait être condamné à l'amende. SI ce sont des policiers, on sait que la convention collective prévoit que c'est la municipalité qui prend la relève. Est-ce que, pour la Sûreté du Québec, cela devrait être pareil? Quand je parle des

municipalités, cela comprend la Communauté urbaine de Montréal, la Communauté urbaine de Québec et les services policiers municipaux dans l'ensemble du Québec. Les autres policiers dont on pourrait parler, ce sont ceux de la Sûreté du Québec. Je suis convaincu qu'ils ont une disposition dans leur convention collective qui permet, lorsqu'ils sont poursuivis, que le gouvernement paie les amendes qu'ils pourraient être tenus de payer. Donc, c'est un pouvoir factice. Il ne faut pas ridiculiser la cour. Si on prend la peine de créer une cour, si on prend la peine de nommer des gens responsables, assermentés et si ces gens ont le droit de questionner et de fouiller dans les dossiers concernant le service ou les gens impliqués, à ce moment-là, il faudrait leur donner le pouvoir d'aller jusqu'au bout. C'est fondamental. Sans cela, la cour serait sans aucun pouvoir et on retrouverait, au fond, ce qu'on a voulu corriger, la faiblesse de la Commission de police qui avait juste un pouvoir de recommandation. Elle n'avait pas d'autre pouvoir que celui de recommander. Elle pouvait, par exemple, forcer des témoins à parler, mais on enlève cela. Cela fait qu'on a pire que ce qu'il y avait auparavant. Si on ne règle pas mieux ces problèmes, j'ai l'impression qu'on est en train de rater le bateau.

En plus, comme il y a des droits d'appel, II faudrait que toutes les étapes de cette cour soient au moins enregistrées. J'admets, d'autre part, que la loi dit: II n'y a pas de règle de preuve à laquelle on est liés, il n'y a pas de règlement pour cela. Donc, s'il n'y a pas cela...

Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le député.

M. Dufour:... si ce n'est pas circonscrit ou écrit, encore là, on a raison de dire que personne n'est lié par rien. Je me pose de sérieuses questions sur le sérieux qui a présidé à ce projet de loi. Si on laisse cela aussi libre que c'est parti et si, durant la commission, on ne corrige pas, on aura l'impression que ce n'est pas correct et qu'on aurait dû faire des changements. Les changements, on les propose actuellement. On devrait entendre ces gens qui viendraient nous dire ce qu'ils en pensent.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de Jonquière. Maintenant, je vais reconnaître M. le député de Terrebonne...

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): ou de bonne terre.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Normalement, vous demandez si quelqu'un du côté du pouvoir aimerait dire quelque chose.

Le Président (M. Marcil): II semblerait que les gens du côté du pouvoir ont tout compris. (22 h 15)

M. Yves Blais

M. Blais: il n'y a pas de remarques du côté ministériel? Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

M. le député de Lac-Saint-Jean disait il y a quelques minutes que nous ne faisons pas ce qu'on appelle communément en termes parlementaires une obstruction systématique ou en termes plus argotiques un "filibuster". Loin de moi l'idée d'en faire et jamais je ne me permettrais de le faire sur un projet de loi où nous sommes, en principe, d'accord, comme celui-là. Il arrive ceci, cependant. Vu que la plupart des gens qui sont venus se faire entendre à l'avant-projet nous ont dit qu'ils voulaient absolument une chose, voir des correctifs apportés à l'avant-projet de loi, et, deuxièmement, voir le code de déontologie présenté en même temps, nous nous devions, ici, pour montrer le sérieux de notre position au tout début de ce projet de loi, d'insister sur le fait que nous aimerions que des gens qui ont été entendus à l'avant-projet de loi viennent se faire entendre à la commission de façon à constater de visu que les recommandations qu'ils ont faites ne sont pas toutes dans le projet de loi 86.

Il en est de même pour ceux à qui nous demandons de venir cette fois-là, soit ceux qui s'occupent de l'aide juridique. M. le Président, c'est tout d'abord d'une importance capitale que ceux qui s'occupent de l'aide juridique soient entendus à cette commission. Pourquoi? Pour une raison assez simple. Il y en a plusieurs mais il y en a une plus simple que les autres et c'est celle-ci: les gens qui s'occupent de l'aide juridique ont l'habitude de travailler généralement avec des gens qui sont moins bien nantis. Et, de façon générale, les gens qui sont moins bien nantis sont ceux qui, dans la société, méritent d'être mieux protégés que les autres. Ils avaient donc fait des recommandations dans l'avant-projet de loi parce qu'ils sont des spécialistes, des défenseurs des personnes défavorisées. Cela serait bon qu'ils viennent ici à la commission pour voir si leurs recommandations ont été écoutées. Parce que, dans toute loi de protection des citoyens comme celle-là, quelle que soit la lof, les moins bien nantis, les défavorisés sont toujours ceux qui sont le plus exposés à avoir le moins de moyens de défense pour obtenir justice. C'est donc dire que ce projet de loi qui regarde la force constabulaire et le tribunal des plaintes est encore plus important pour ces gens-là que pour ceux qui ont les moyens. C'est sûr. Cela va de soi.

Le Parti québécois a toujours été un parti qui s'est occupé de ceux qui étaient bien nantis mais il a toujours eu un faible pour ceux qui l'étaient le moins, et souvent au détriment de sa popularité. Mais il y a seulement 75 % à 80 % des gens dans la société québécoise qui vivent assez bien ou très bien et il y a entre 15 % et

25 %, selon les décennies, qui vivent un peu moins bien. Alors, pour ces gens-là, la responsabilité primaire d'un gouvernement, quel qu'il soit, c'est de s'organiser de sorte que la loi soit faite pour qu'ils soient mieux protégés que les autres parce qu'ils ont moins les moyens. C'est plus facile d'abuser des gens qui sont moins bien nantis et souvent ils sont moins aptes à se défendre par eux-mêmes. Donc, un projet de loi qui regarde la protection de l'ensemble des citoyens et surtout des citoyens qui sont brimés ou qui ont des plaintes à faire contre certains acteurs de la société dans laquelle nous vivons. Et ces gens-là, il arrive que vous avez 20 % des chances que ce soit une personne qui est moins bien nantie. Eh bien, ces gens-là, à cause de leur situation, doivent être mieux protégés. C'est pour ça que les représentants de l'aide juridique, qui sont des spécialistes dans la protection de ceux qui sont moins bien nantis, les plus défavorisés, devraient venir en commission parlementaire pour regarder si ce projet de loi respecte les recommandations qu'ils avaient faites à l'avant-projet de loi, parce que la Commission des services juridiques recommandait de prévoir que la victime ou son avocat puisse interroger les témoins. Pourquoi est-ce important d'interroger les témoins pour les gens qui s'occupent de l'aide juridique? C'est que très souvent, par gêne, par manque de moyens ou des fois par une trop grande émotion, et souvent aussi à cause du milieu social dans lequel on vit, on n'est pas habitué à prendre le devant, à être en évidence, on est plutôt habitué à plier l'échine. Quand arrive une plainte "justiciable' et "justiciée" très souvent, les gens de l'aide juridique sont un apport précieux pour défendre ces personnes-là. Alors, il serait convenable que les ministériels acceptent, que la commission accepte que les gens de l'aide juridique viennent ici pour montrer que souvent on a besoin des témoins à cause de la situation de démunis dans laquelle se retrouvent 15 % à 20 % de la population et il y a 15 % à 20 % des chances que cette situation-là se présente. C'est primaire que la Commission des services juridiques, basée sur son expérience, demande de prévoir que la victime ou son avocat puisse interroger des témoins qui, eux, vu qu'ils ne sont pas directement visés par la plainte on cause, ne sont que des témoins oculaires, des témoins visuels, ne sont ni intimés, ni accusés, ni plaignants, mais de simples témoins. C'est plus facile pour eux que pour la personne, la plaignante dans le cas, qui serait sous l'égide et la protection de l'aide juridique; si elle n'est pas capable de définir ou d'évaluer à sa Juste valeur la situation dans laquelle le délit, appelons le comme ça, s'est produit, les témoins au moins seraient là et l'avocat aurait la chance de les interroger. Et il aurait été bon qu'ils viennent pour dire au ministre qu'ils ne retrouvent pas ça à l'intérieur de la nouvelle loi et que ce serait la bonifier que cette chose-là soit présente et que le législateur aurait dû...

Ils recommandent aussi que le comité de déontologie ait le pouvoir d'emprisonner pour outrage au tribunal lorsque le témoin refuse de répondre. Un témoin assigné dans un cas comme celui-là, il arrive... Ce n'est pas tout le monde qui a un caractère... En général, l'homme naît bon, on naît tous bons, mais la société, comme dit Rousseau, le corrompt. Aussi, sans être corrompus, on peut devenir rébarbatifs. On peut devenir rébarbatifs à être assignés comme témoins et, pour ne pas l'être, on refuse de répondre et on dirait qu'on ne veut pas y aller. À ce moment-là, il serait bon qu'on puisse dire: Si vous ne répondez pas, si vous ne voulez pas répondre, on sait que vous êtes un témoin visuel, vous avez vu les scènes qui se sont passées, si vous ne venez pas on a le droit de vous condamner, comme ça existe dans certaines autres lois. C'est pour ça, M. le Président, qu'il aurait été bon, et je suis le dernier de ma formation à parler des consultations qu'on devrait faire avec les représentants de l'aide juridique, on aurait bien aimé qu'ils viennent pour que le comité de déontologie ait le pouvoir d'emprisonner, d'imposer des amendes, etc., comme ça existe dans d'autres codes de profession.

M. le Président, j'aurais un autre amendement à la motion.

Le Président (M. Marcil): On va voter sur celui-là avant.

M. Blais: II faut voter sur celui-là avant.

Le Président (M. Marcil): Étant donné qu'il vous reste quelques secondes, vous appelez le vote sur cette motion.

Une voix: Vote nominal.

Une voix: Nominal.

Le Président (M. Marcil): Nominal.

La Secrétaire: M. Marx (D'Arcy McGee), pour ou contre la motion?

M. Marx: Contre.

La Secrétaire: M. Blackburn (Roberval)?

M. Blackburn: Contre.

La Secrétaire: Mme Bleau (Groulx)?

Mme Bleau: Contre.

La Secrétaire: M. Marcil (Beauharnois)?

M. Marcil: Contre.

La Secrétaire: M. Brassard (Lac-Saint-Jean)?

M. Brassard: Pour.

La Secrétaire: M. Blais (Terrebonne)? M. Blais: Pour.

La Secrétaire: M. Dufour (Jonquière)? M. Dufour: Pour.

La Secrétaire: 4 contre 3. La motion est rejetée.

Le Président (M. Marcil): Cette motion est rejetée.

Avez-vous autre chose à ajouter, M. le député de Terrebonne, compte tenu du fait qu'il vous reste quelques secondes?

Motion d'amendement proposant d'entendre aussi l'Association des substituts du Procureur général du Québec

M. Blais: Écoutez! On revient à l'amendement concernant le Barreau du Québec. J'aimerais, pour les dernières secondes qu'il me reste, dire que la motion est amendée par l'addition, après les mots "Barreau du Québec", des mots "et l'Association des substituts du Procureur général du Québec".

Le Président (M. Marcil): La motion est amendée par l'addition, après les mots "Barreau du Québec", des mots "et l'Association des substituts du Procureur général du Québec". M. le député de Terrebonne, vous avez quelque 30 minutes pour nous expliquer, de façon très claire et en profondeur, l'importance de cet amendement.

M. Yves Blais

M. Blais: M. le Président, je vous en sais gré. M. le Président, nous savons que, dans notre société juridique, il y a les avocats de l'aide juridique, il y a les juges, il y a les avocats en général, il y a les avocats de la défense et les avocats de la couronne. Le ministre a des substituts qu'on appelle les avocats de la couronne en général. À moins que je ne m'abuse, c'est ainsi qu'on les nomme et qu'on les prénomme. Lorsqu'ils ne sont pas en grève, ils défendent certaines personnes en cour. Ils sont surtout là pour les accuser. Eh bien, l'association des substituts a présenté un mémoire. On accordait tellement d'importance à leur mémoire qu'il est devenu le mémoire numéro un, 1M. Le premier mémoire présenté à lavant-projet de loi a été le mémoire de l'Association des substituts du Procureur général. Ce mémoire...

Le Président (M. Marcil): Excusez moi, M. le député de Terrebonne. Est-ce qu'on pourrait avoir le silence, s'il vous plaît, compte tenu que M. le député de Terrebonne a des choses assez importantes...

M. Blais: On peut suspendre pour une minute pour leur donner la chance d'entrer en contact.

Une voix: Ah oui! On peut faire ça.

Le Président (M. Marcil): Non, cela va. Vous pouvez y aller, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: On va suspendre une minute pour leur donner la chance de se dire bonjour. De nouveaux arrivés, un lobbyiste de renom.

Le Président (M. Marcil): Vous pouvez continuer, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Vous savez bien, M. le Président, que je suis tellement convaincu que l'Association des substituts du Procureur général doit venir ici que ce n'est pas ce petit imbroglio qui peut avoir porté ombrage à mon raisonnement. C'est sûr.

M. le Président, le mémoire numéro un. Donc on voyait, à l'époque du Solliciteur général, qui était un autre que celui que nous avons aujourd'hui, que ce Solliciteur général accordait beaucoup d'importance à ce clan de nos avocats que l'on nomme l'association des substituts de la couronne. Pourquoi y accordait-il beaucoup d'Importance? Parce que ce sont des spécialistes des plaintes, des arrestations et des perquisitions.

Une voix: Ce sont des plaignards.

M. Blais: C'est un côté un peu sombre, marécageux et ombrageux. C'est un pan de nos défenseurs de la législation qui, de façon générale, font horreur à ceux qui sont en cour parce qu'ils sont toujours contre la personne qui est là. Ce sont eux, en fait, les accusateurs. Cependant, ils sont là pour rendre justice parce que, si une personne est accusée, c'est qu'un délit a été commis.

Une voix: Oui, c'est ça.

M. Blais: Sinon, il n'y aurait pas d'accusé. Il s'agit pour ces gens-là de savoir si l'accusation portée est véritable ou non.

Ce sont des gens importants. Ils connaissent le bien-fondé des plaintes. En général, on va parler ici du tribunal de déontologie, donc ça va marcher par plaintes. Disons que, dans les plaintes, ce sont des spécialistes. Ils recommandent que soit défini dans la loi ce qui constitue un acte dérogatoire au code de déontologie. Si on a un code de déontologie - je dis: Si on a - Si on avait, avec le projet de loi, l'éventuel code de déontologie uniformisé pour l'ensemble des policiers du Québec, on ne serait pas en train de discuter pour demander à des gens de

venir. On aurait à l'ordre du Jour les fruits d'une réflexion qui aurait dû être faite par le ministère avant que le projet de loi soit déposé.

Pourquoi veut-on que des spécialistes viennent regarder le projet de loi, donc ces procureurs? Parce qu'on n'a pas de code de déontologie. On le marque très bien, je crois qu'on Insiste sur une consultation. On veut absolument qu'il y ait consultation parce qu'un projet de loi de cette envergure, de cette résonance, de cette Importance qui est basé sur un code de déontologie uniformisé au Québec, tout le monde le désire et nous aussi, mais la base même de ce projet de loi, c'est le code de déontologie et on ne l'a pas. Comment voulez-vous qu'un législateur dise qu'il fait un projet de loi de façon éclairée, de façon articulée et qu'il légifère en toute connaissance de cause lorsqu'il n'a pas entre les mains la pièce maîtresse de la législation? (22 h 30)

C'est comme quelqu'un qui dirait: Moi, j'ai la responsabilité du transport souterrain à Montréal, cependant je n'ai pas de wagon et je n'ai pas de tunnel. Cela serait très difficile pour la Communauté urbaine de Montréal de faire avancer les wagons de métro s'il n'y avait pas de tunnel et pas de wagon. Cette loi est basée sur un code de déontologie et le code de déontologie, nous ne l'avons pas. Il semble que ça ne résiste pas à l'analyse sommaire, si la base même de ce que nous étudions, on ne l'a pas. C'est comme quelqu'un qui aurait une jambe dans le plâtre jusqu'à la cuisse et qui aurait besoin de béquilles pour marcher, sinon il n'avance pas, à qui on ne donnerait pas de béquilles et on dirait: Avancez quand même. On sait que tout exemple demeure parfois symbolique.

Mais, Ici, il nous manque nos deux béquilles pour avancer. Nous sommes blessés dans notre droit de législateur parce que nous n'avons pas en main la pièce nécessaire pour légiférer de façon saine et honnête. De l'autre côté, j'en vois un qui vient de me dire que c'est faux. C'est impossible. C'est comme une personne qui aimerait beaucoup lire des romans, fussent-ils des Indes, à qui on dirait: Le roman des Indes, lisez-le, mais on vous enlève le livre. Ici, on nous dit: Légiférez sur les policiers et tout va être basé sur un code de déontologie, mais le code de déontologie, on ne l'a pas. J'ai connu une personne qui a fait ça, on l'appelait Dieu. Créer de rien. Ce projet de loi, on nous demande à nous, les législateurs de l'Opposition, d'être prétentieux au point de nous demander de légiférer sans la matière première. M. le Président, je veux bien croire qu'il y a beaucoup de gens d'expérience de notre côté. Quelqu'un a été dans les affaires municipales et maire pendant plus de 25 ans, le député de Jonquière. Nous avons le député de Lac-Saint-Jean, qui a été élu en 1976, un des flambeaux, des orateurs éclairants de l'Assemblée nationale, qui a une expérience rare et qui a su profiter des années qu'il a passées à l'Assemblée nationale pour faire valoir ses capacités et qui l'a fait avec brio. Que pensez-vous du fait qu'à trois ici, avec des recherchistes de qualité, on nous demande de créer de toute pièce un projet de loi? C'est comme si on nous disait: Je veux que vous signiez votre nom sur un parchemin et voici la plume pour écrire. La plume qu'on nous donne, c'est un bout de plastique sans encre. Comment peut-on signer quelque chose sans encre? On aurait bonne mine.

M. le Président, on nous demande ici de légiférer sur un projet de loi qui concerne la sécurité de tous les citoyens du Québec. On nous demande de légiférer sur tout ce qui peut arriver de plaintes envers tous les corps policiers du Québec. On nous dit que la base de ce projet de loi est un code de déontologie uniformisé, et c'est là qu'est la valeur de ce projet de loi. C'est ça qui fait que les policiers sont d'accord avec le projet de loi parce qu'ils vont avoir enfin un code de déontologie uniformisé. Mais on ne l'a pas. Je ne suis pas la troisième personne de la Sainte Trinité, M. le Président. J'ai besoin de lumière pour légiférer. Je n'ai pas la caractéristique personnelle de devin. Je ne peux pas deviner quel sera ce code de déontologie. De quoi sera t il fait? Quelle sera sa substance? C'est la base de ce projet de loi, de cet Immense projet de loi. II comporte, M. le Président, au cas où vous ne le sauriez pas, 256 articles.

M. Dufour: Les amendements non compris.

M. Blais: Je sais pertinemment qu'il ne manque pas à ce projet de loi que le code de déontologie, qui en est sa base et son essence, il manque toute une série d'amendements que l'Opposition n'a pas, parce qu'il y a beaucoup d'amendements qui vont être apportés par le ministre. Donc, le nombre effarant d'amendements qu'on va avoir prouve que le ministre n'avait pas pris le temps de bien rédiger son projet de loi, qu'il est Incomplet et qu'en plus iI est atrophié de l'essence même du projet de loi, le code de déontologie. C'est beaucoup demander. C'est demander à l'Opposition, même à ceux qui sont d'accord à l'extérieur avec le projet de loi, d'approuver de façon aveugle un projet de loi dont l'essence n'est pas dedans. Comment voulez-vous faire avancer un moteur sans essence? C'est l'essentiel, le code de déontologie.

M. le Président, les procureurs, les substituts du procureur devraient venir ici demander au ministre, aux législateurs ministériels... Et je sais que ceux qui gravitent autour, ses sources de renseignement, ceux qui lui soufflent à l'oreille ce que tel ou tel article veut dire, ceux qui travaillent au "maximum" pour lui lui soufflent à l'oreille que, si le code de déontologie était sur la table, ils seraient tous plus aise de l'aider à parfaire ce projet de loi. On est loin de la Législature. On disait, au début du mandat de ce nouveau gouvernement, dans le

discours d'ouverture: Nous allons légiférer moins et mieux. On légifère moins, complètement d'accord, mais mieux, je ne suis pas d'accord. Légiférer mieux que vous ne le faites actuellement avec ce projet de loi, c'est extrêmement facile. Bien légiférer, ce serait d'avoir au moins le code de déontologie qui supporte ce projet de loi, qui en est son essence, qui sont les racines mêmes de cet arbre législatif. SI vous voulez que cet arbre législatif ait de belles feuilles à l'éclosion au printemps, c'est-à-dire à son adoption, il faudrait que vous nous donnassiez le code de déontologie afin qu'il fleurisse de ses plus beaux éclats. Comment voulez-vous qu'une rose s'étale si on l'étiole à coups de pied? Ce projet de loi nous est présenté à coups de pied.

C'est un code uniformisé de déontologie de la police du Québec qui est la valeur intrinsèque de ce projet de loi. Nous en convenons et nous sommes pour ce projet de loi. J'ai vu beaucoup de gens qui sont pour, des gens de l'extérieur qui sont touchés de façon directe ou indirecte par ce projet de loi. Ils sont pour, mais comme nous, lorsqu'ils s'arrêtent quelques instants, ils se disent: Sans code de déontologie, le projet ne vaut rien, classeur no 13. Je sais ce que c'est, j'ai été fonctionnaire pendant seize ans: filière no 13, les fonctionnaires, on sait ce que ça veut dire. Il ne vaut rien. Il paie d'une belle apparence. Comme le dit le proverbe hindou: "Save the face and you save all". Prima facie, ce projet de loi est beau; prima facie, il est beau. À cause de ce qui lui manque... En fait, le projet en soi est très alléchant, mais il faudrait qu'avec le code de déontologie vous alléchiez plus votre projet de loi, que vous le rendriez encore plus alléchant. C'est cela, le problème. Je vous en passe un papier, en tout cas. Je vous en passe un papier. Vous connaissez l'expression québécoise: je vous en passe un papier? Bien moi, je vous le dis ici en toute sincérité, ce projet de loi, sans son code de déontologie uniformisé, n'a pas la valeur qu'il devrait avoir. On ne sait quelle valeur il aura, lorsque le code de déontologie arrivera. Ceux qui sont en faveur... On ne peut être en faveur. On est en faveur, mais il faut l'être de façon aveugle. Est-ce qu'on est obligé de demander aux législateurs, en plus de travailler des heures sur un projet de loi, de travailler de façon aveugle? Non. Non.

Une voix: Pas question.

M. Blais: C'est pour cela, M. le Président, que nous requérons, que nous vous supplions... Vous savez ce que c'est que de faire des suppliques? Nous vous supplions, nous vous prions. Je ne sais pas s'il y a des termes plus alléchants que ceux-là, mais nous vous prions, nous vous supplions, nous mettons nos paroles de velours avec de l'argumentation dentelée, nous nous faisons tout mielleux pour que ce projet de loi soit amélioré et qu'on soit sûrs que, dans son essence, il ne soit pas atrophié. C'est simple. J'ai essayé pendant une dizaine de minutes, avec les recherchistes et quelques-uns de mes confrères, de trouver comment on pourrait faire ce soir pour dire à M. le ministre: Écoutez, ce n'est pas un "filibuster" que nous faisons; je veux que vous nous compreniez. Nous voulons faire valoir qu'il est important que les consultations se fassent et que le code de déontologie soit déposé en même temps que le projet de loi et montrer notre réticence à procéder dans ce projet de loi sans ces deux choses qui sont primordiales en démocratie. Primordiales en démocratie. Nous insistons pour faire des propositions demandant que des gens viennent nous éclairer. Pas nous! C'est clair, notre affaire. La partie que l'on possède, nous la possédons bien et elle est claire pour nous. Mais le problème, c'est que la face cachée de la lune - le code de déontologie - on ne l'a pas vue. Seul le ministre la connaît, si le code de déontologie est fait.

M. Dufour: II ne la connaît pas.

M. Blais: S'il est écrit, pourquoi ne pas le déposer? S'il n'est pas écrit, s'il n'est pas prêt, la loi est prématurée. Dans les deux cas, il a tort. Dans les deux cas, il a tort. Si le code de déontologie est prêt et qu'il ne le dépose pas, c'est qu'il fait lui-même une loi à l'aveuglette. Si le code de déontologie n'est pas prêt, sa loi est prématurée. Elle ne sera pas applicable tant que le code de déontologie ne sera pas prêt. C'est clair comme de l'eau de roche. Cela coule de source. Cela coule de source. Je sais bien que tous les grands affluents verbaux ne viendront pas noyer la résistance du ministre devant ce projet de loi. De cela je suis convaincu. On aura beau déployer, briser toutes nos digues d'argumentation, il est imperméable. Il est imperméable. En plus, il n'est pas très attentif. Donc, il y a beaucoup de choses qui plaident contre lui et il n'est pas très attentif en plus!

Nous avons parfois l'impression que nous parlons dans le vent. Il y a beaucoup d'éléments de la nature qui reviennent dans mon argumentation, comme vous le voyez. Il fallait une avalanche d'arguments pour ébranler ce mur ministériel. Bien "mur", mais peut-être pas aussi "mur" que j'aimerais car il est imperméable. Imperméable! De la grosse glaise bleue! Pour un rouge, il faut le faire!

M. le Président, les procureurs nous ont recommandé beaucoup de choses. Ils ont recommandé que toutes les procédures soient enregistrées quand il y a appel sur un dossier; ils ont recommandé que le huis clos ne soit jamais accordé. Cela a l'air d'un détail en passant, jamais de huis clos. Pourquoi est-ce que ce sont les gens de l'association des instituts de la couronne qui demandent cela? Pourquoi? Eux connaissent le milieu. Je vois des avocats qui travaillent pour le ministre et qui connaissent très bien le milieu; ils savent l'importance du huis clos pour des plaintes visant des hommes

publics. Aucun huis clos, disent-ils. Je ne vous dis pas si Je suis d'accord ou pas. J'aurais aimé que ces gens viennent nous éclairer pour voir si les recommandations sur l'avant-projet de loi étaient justifiables. (22 h 45)

M. le Président, on peut griller cigarette sur cigarette, il semble que notre feu ne brûle pas l'intransigeance ministérielle. Toutes nos paroles s'envolent en fumée, de la matinée à la soirée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Depuis le matin, de la matinée à la fin de la soirée, nos paroles s'envolent en fumée. Je demande aux ministériels de souffler mot un peu à leur ministre, eux qui vivent plus près de lui que nous, parce qu'ils sont dans le même parti.

Une voix: Ils ne se parlent pas.

M. Blais: II me semble qu'ils le devraient pour le bien et la protection des Québécoises et des Québécois qui, à cause du code de déontologie qui n'est pas là, pourraient - je ne dis pas qu'ils l'auront - avoir une loi chaotique. Ils devraient souffler mot à leur ministre et lui dire que des consultations sont d'une importance capitale et lui dire aussi que le code de déontologie est absolument important.

On parle du huis clos et, apparemment, j'ai huit minutes pour parler du huis clos Le huis clos est d'une Importance capitale, je l'ai dit tantôt. Il s'agit là d'une recommandation des procureurs. Ils recommandent de préciser la nature du fardeau de la preuve et les règles d'administration de la preuve. Les procureurs substituts parlent de l'Institut de police. C'est important, II y a un Institut de police aussi là-dedans, mais il semble qu'on n'en parle pas beaucoup. À l'Institut de police, à l'article 4, le conseil d'administration est composé de toutes sortes de gens, sauf des avocats. Je veux bien croire qu'il n'y a pas juste des avocats dans le monde. Dieu merci qu'il n'y a pas juste des avocats! Dieu merci! L'Institut de police a pour fonctions de dispenser des cours de formation et de perfectionnement en matière policière; d'effectuer des études et des recherches appliquées dans les domaines pouvant toucher au travail policier; de conseiller en matière policière les intervenants du milieu policier; de fournir aux intervenants du milieu policier les résultats d'études et de recherches.

Qui est-ce qu'il nomme? Le sous-ministre de la Sécurité publique ou son représentant; le sous-ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science; le directeur général de la Sûreté du Québec - encore une police - le directeur du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal - je suis complètement d'accord, mais encore une police - une personne occupant la fonction de directeur d'un corps de police municipal - encore une police; deux élus municipaux - bien là, ce ne sont pas nécessairement des polices mais parfois ils le sont; ce ne sont pas nécessairement des avocats, en tout cas, ce n'est pas spécifié - deux personnes provenant des associations chargées de défendre les intérêts des membres des corps de police - encore des polices - deux personnes provenant du milieu socio-économique - parfait - le directeur général de l'institut, nommé en vertu...

On pourrait arriver à l'institut et avoir un conseil composé de toutes ces personnes et aucun juriste, aucun avocat. Et les procureurs disent, par délicatesse et pour le bien... Je sais que le ministre regrette beaucoup. Il va certainement amener un amendement là-dessus. Depuis que je lui ai parlé de cela, il se promène et il cherche des textes.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: II cherche peut-être un prétexte pour se lever. Je pensais que c'était un texte qu'il allait chercher pour faire un amendement afin qu'il y ait au moins une personne ou deux à l'intérieur de l'Institut de police qui soient des avocats. Cela n'a l'air de rien, mais c'est un détail important. II semble que cela ne dépeigne personne. Encore faut-il avoir des cheveux! C'est Important qu'il y ait au moins un avocat à l'intérieur de cela. À l'Institut de police, on ne prévoit aucun avocat. Les procureurs nous disent que cela prend quelqu'un du domaine juridique: "Dans ces conditions, nous croyons qu'un procureur de la couronne devrait obligatoirement faire partie du conseil d'administration de l'institut. En effet, depuis très longtemps, ce sont des procureurs de la couronne qui dispensent une très large partie de la formation juridique des policiers, que ce soit à l'institut de Nicolet ou auprès de tous les corps de police du Québec. De par leur formation et leur expérience - je ne vous dérange pas, M. le ministre? je ne vous dérange pas trop? Je ne vous dérange pas, j'espère? - spécifiques, ce sont d'ailleurs eux qui, quotidiennement, sont confrontés aux problèmes légaux pouvant entourer l'exercice du travail des policiers. "

Alors, comment peut-on avoir un Institut de police avec un conseil d'administration sans qu'il y ait une personne qui vienne du domaine judiciaire? Je suis en faveur de la loi, mais je ne le suis pas de façon aveugle. Il y a des faiblesses. Et qui mieux que les spécialistes des forces constabulaires ou des forces juridiques pourraient venir nous dire les faiblesses de cette loi qui est censée être le reflet de l'avant-projet de loi, additionné des mémoires et des consultations qui ont été faites par l'ancien Solliciteur général qui, lui, avait le courage de faire des consultations? Et quand on sait en plus que le code de déontologie n'est pas sur la table, eh bien, c'est demander aux législateurs d'être plus

que des élus. On leur demande d'être des créateurs, de faire avec rien, et à ça, M. le Président, notre formation politique s'oppose. Nous ne ferons pas de "filibuster" sur cette loi. Elle est trop importante et nous ne sommes pas contre. Cependant, nous voulons faire remarquer que ça travaille très mal pour des législateurs sérieux sans consultation et sans code de déontologie. Sur ce, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de Terrebonne. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Jonquière.

M. Francis Dufour

M. Dufour: II faut bien continuer à marteler de nos poings parce que depuis le début de la commission, cet après-midi, nous insistons pour que certains groupes intéressés dans le domaine de la justice comme telle viennent nous présenter leur point de vue. Ce qui est frappant dans tout ça, c'est qu'il y a un certain nombre de recommandations qui se recoupent. Il s'agirait de regarder tous les éléments qu'on a fait ressortir depuis le début de la commission pour vous rendre compte rapidement que tous les mémoires, pratiquement sans exception, relèvent des points qui ont beaucoup de similitude. Est-ce que c'est l'effet du hasard que ça arrive comme ça? Est-ce que ce serait la même personne qui aurait écrit les mémoires? Il y aurait lieu de se le demander parce que tous les mémoires nous présentent des facettes où on parle du code de déontologie, où on nous parle de l'enregistrement des procédures et de mieux baliser le fardeau de la preuve et les règles d'administration de la preuve. Tous les groupes qu'on vous a demandé de faire revenir devant la commission, pour les faire parader, pour nous donner leur point de vue, formulent sensiblement les mômes recommandations. Et cela n'est pas suffisant. Est-ce que la vérité serait juste d'un côté de cette table? Est-ce qu'il y en a qui ont la vérité et est-ce que les autres sont absolument inconscients? En tout cas, moi, je vous le dis: Quant à choisir, J'aimerais mieux être du côté des gens qui ont demandé à ceux qui sont venus nous présenter des mémoires de venir nous faire des recommandations. Je pense que tous ces gens-là ont plus d'expérience, au risque de déplaire aux gens autour de la table, que ceux qui sont autour de la table. Ces gens-là ont vécu régulièrement dans ce domaine. De plus, ces gens-là ont eu l'occasion de se colleter, de passer ou de vivre de nombreuses années avec le système dans lequel on vit et qu'on veut améliorer. De même, et c'est une constatation, les recommandations contenues dans leur mémoire sont très près de ce qui se passe en réalité. Donc, on n'est pas dans le domaine lunaire; on n'est pas sur une autre planète. Ce n'est pas avec des OVNI qu'on parte. On parle avec des gens qui sont habitués à vivre avec les règles du jeu que tout le monde connaît.

Le ministre nous arrive avec un projet de loi dans lequel il veut inventer, faire du droit nouveau. A chaque ligne du projet de loi, il invente des choses nouvelles. Je voudrais bien que le ministre invente sur quelque chose, mais pas là-dessus, pas sur un projet de loi qui touche l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Il ne faut pas que ça arrive comme ça. Si le ministre veut se pratiquer, j'espère qu'il va se pratiquer sur autre chose que ça. On dit parfois que la politique, c'est trop sérieux pour laisser ça entre les mains des politiciens. Je suis en train de penser que la justice, c'est peut-être trop important pour laisser ça entre les mains du ministre. Il faut que ce soit appuyé sur quelque chose, sans quoi on est en train d'inventer de toutes pièces, comme mon collègue le disait.

Je ne dirais pas créer; on invente de toutes pièces, en se basant sur de l'inconnu, et on n'a aucun mérite, on ne peut pas avoir la prétention d'innover lorsqu'arrrve un projet de loi aussi important. On parle du vécu des citoyens et des citoyennes, et ce projet de loi touche l'ensemble de la collectivité québécoise. En vertu de quel principe le ministre pourrait-il nous apporter des arguments indiquant que lui seul a la vérité? Il ne peut pas penser que le côté ministériel va l'aider là-dedans. Je ne pense pas qu'il va l'aider. Que je sache, jusqu'à maintenant, la commission parlementaire, ce n'est pas compliqué, c'est le ministre; c'est Dieu en personne, c'est lui qui décide tout. Vous parlerez si Je vous le dis, si je vous donne la permission, et vous voterez comme je vais vous l'indiquer. Ce n'est pas de ça qu'on a besoin aujourd'hui. On a besoin de gens qui sont capables de dire ce qu'ils pensent et ce à quoi ils croient.

J'ai vécu dans ce milieu. Ne cherchez pas, je n'ai pas eu trop de causes. Je n'ai pas vécu comme accusé, mais j'ai vécu ces problèmes à cause de mon expérience politique passée. Je sais que ces problèmes ne sont pas faciles à régler. Le courage du ministre? Il se contente de lever le couvercle et de le refermer immédiatement. Il faut lever le couvercle et faire entrer des crabes dans ce qui existe déjà. Cela ne change rien. Non seulement il ne change rien, mais il pourrit une situation. Il va se sauver. Il pellette encore les problèmes en avant. Il ne règle pas les problèmes, il les pellette en avant. Je vous prédis que, si on le laisse aller comme ça, ce projet de loi va être...

À sa base, il est vicié. Lorsque les gens voudront faire la preuve, du fait que ce n'est pas enregistré, Ils ne pourront pas se baser là-dessus; du fait qu'il n'y a pas de règles balisées par règlement, ces gens-là seront encore mal pris. On peut aller n'importe où et charrier n'importe comment, ce n'est pas grave. Les municipalités paieront probablement, le gouvernement paiera. Il paie bien pour Alliance Québec, il peut payer pour n'importe quoi. Le Québec a les moyens de se payer n'importe quel problème. Il a même le droit de se créer ses propres

problèmes et de les payer. On est parti vers ça. Le ministre ne prend pas le temps d'examiner ou d'écouter ce qu'on a à dire concernant ces groupes qu'on a demandés, tous ces gens qui sont venus se présenter ici, qui sont venus faire des démonstrations, qui ont réfléchi, qui ont mis des équipes de travail en marche. On oublie ça de l'autre côté. Là, on fait du droit nouveau, on fait une loi. (23 heures)

Je regarde la loi et le nombre de choses que j'ai soulignées. Je ne suis pas un expert, mais je peux vous dire qu'il y a des choses difficiles à accepter dans ce projet de loi. Quand on dit: "Le directeur du corps de police concerné, le ministre et le Procureur général peuvent y intervenir d'office", voyons donc! La loi, que sera-t-elle? Elle sera, comme dirais-je, court-circuitée par tout le monde? Le citoyen n'est même plus là, lui qui a fait la plainte, on l'a sorti dehors. On l'a évacué au début de la plainte. Il n'a plus d'affaire là-dedans. Nous autres, on est la loi, la vérité, la justice. Ce n'est pas de même que ça marche. J'ai l'impression qu'avec l'altruisme que le ministre de la Sécurité publique semble posséder, il n'a pas plaidé beaucoup en cour. Il me semble qu'il a été professeur. C'est quelqu'un qui a pris son cours vieux, assez âgé - je ne dirais pas vieux, mais âgé. II a pris son cours d'avocat. Il devrait avoir une expérience. Il a été chatouilleux. II l'a démontré lorsqu'il était dans l'Opposition. Il était très chatouilleux des droits des personnes. Il était très chatouilleux des droits des avocats. C'était important. Important jusqu'à temps que ce soit lui qui applique la loi ou qui la fasse.

Cela n'a pas de bon sens. On ne peut pas avoir deux sortes d'attitude. C'est ça qu'on appelle avoir un double langage. D'une part, on parle d'une façon et de l'autre côté on agit de l'autre. Ce n'est pas comme ça. On se serait entendu beaucoup mieux. Moi, J'aurais pensé que le ministre de la Sécurité publique, avec toutes les recommandations et tout ce qu'il a pondu au moment où il était à l'extérieur de l'Assemblée, même à l'intérieur de l'Assemblée quand il était dans l'Opposition, j'aurais pensé qu'il aurait pondu des choses extrêmement pensées, réfléchies, qui auraient tenu compte beaucoup des réflexions des autres. Là, il les "discarte", il les met de côté en pensant qu'il va faire une loi où son nom va apparaître. On va lui donner juste une réflexion. Je pense que celle-là, c'est la vraie.

M. Brassard: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît! Est-ce qu'on pourrait avoir l'attention de tout le monde?

M. Brassard: Je voudrais écouter les remarques de mon collègue. Je suis juste à côté et j'ai de la misère. Est-ce que vous pourriez Inviter le monde à sortir de la salle, à aller tenir leur conciliabule en dehors de la salle...

Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard:... sinon à faire silence?

Le Président (M. Marcil): Je vais demander que les gens reprennent leur place. Je demanderais également au député de Jonquière de conclure parce qu'il ne vous reste que quelques secondes.

M. Brassard: À commencer par le ministre.

Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: En conclusion, Je dis que, si on refuse la consultation de gens compétents et de gens qui ont réfléchi à ce projet de loi, le ministre est en train de faire une erreur. Le projet de loi qu'il présente est pire que l'état dans lequel on était. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de Jonquière. Je vais reconnaître le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je voudrais donner encore une dernière chance au ministre de sortir de l'entêtement dans lequel il s'embourbe et lui faire comprendre que son entêtement va tout à fait à l'encontre des objectifs qu'il vise. C'est absolument inacceptable de voir le ministre refuser et inciter ses collègues, organisme après organisme, à refuser de les entendre et de prendre en considération leur témoignage sur le projet de loi. Je ne comprends pas que le Solliciteur général, que le ministre de la Sécurité publique, qui a de très hautes responsabilités au sein du gouvernement, qui a déjà été ministre de la Justice soit si têtu, si buté et refuse d'accéder à des demandes légitimes et raisonnables de la part de l'Opposition. J'en reste pantois, M. le Président. Son entêtement est incompréhensible. Je lui demande, encore une fois, d'accéder à des demandes tout à fait légitimes. Nous voulons, pendant quelques heures, entendre des organismes qui ont des choses intéressantes et constructives à nous dire sur le projet de loi 86: le Barreau du Québec et la Commission des services Juridiques. Et mon collègue de Terrebonne a eu la brillante Idée, la lumineuse idée d'ajouter à cette liste l'Association des substituts du Procureur général du Québec.

Mais les substituts du Procureur général du Québec, il faut savoir ce que c'est. Le ministre de la Sécurité publique le sait, il a déjà été

ministre de la Justice et Procureur général du Québec. Les substituts du Procureur général du Québec, ce sont en quelque sorte les délégués du Procureur général du Québec, c'est-à-dire le ministre de la Justice. Ce sont ses représentants dans les diverses causes qui se plaident devant nos tribunaux. Le Procureur général du Québec, comme on le sait, n'a pas le don d'ubiquité. Il ne peut pas être partout à la fois. Il ne peut pas être avocat de la couronne dans tous les procès qui se déroulent dans tous les tribunaux du Québec. C'est impossible, il n'a pas le don d'ubiquité. Par conséquent, il nomme des substituts, des avocats de la couronne. Les substituts du Procureur général du Québec, c'est cela. Ce sont les délégués du Procureur général du Québec, en l'occurrence, le ministre de la Justice lui-même.

Quand le ministre de la Sécurité publique a été ministre de la Justice, quand il a été Procureur général - il sait ce dont je parle - il avait, pour défendre la couronne, comme on dit - pour employer l'expression connue et assez médiévale, merci, mais enfin - des substituts du Procureur général un peu partout dans le Québec. Ils sont donc liés très étroitement au ministre de la Justice et au Procureur général, ce sont ses délégués et ses représentants. Imaginez-vous qu'ils veulent se faire entendre sur le projet de loi et qu'il ne le veut pas. C'est étrange et tout à fait incompréhensible. Les délégués, les représentants du Procureur général du Québec veulent se faire entendre sur le projet de loi 86 et le Solliciteur général, le ministre de la Sécurité publique ne trouve pas cela pertinent. Pourtant, ils ont des choses à dire. Vous me direz: Ils n'ont pas un mémoire volumineux. C'est vrai, mais il y a quand même de la substance dans ce mémoire de trois pages. Et justement parce qu'il n'est pas volumineux, ce mémoire, justement à cause de cela, il faudrait les entendre. C'est tellement - comment dire - succinct, c'est tellement ramassé les propos qu'on retrouve dans leur mémoire qu'il faut des explications supplémentaires. Il faut les entendre ici pour qu'on puisse avoir une idée exacte de ce qu'ils ont voulu nous dire, de ce qu'ils ont dit dans leur mémoire. Par exemple, ils voudraient que les membres de la commission... Ils parlent de l'avant-projet de loi. Cela veut donc dire que dans le projet de loi cela se réfère au comité de déontologie et, aussi, sans doute, au tribunal d'appel. Ils voudraient que ce soient des juges ou des avocats. "Nous croyons, disent-ils, que les membres de la commission doivent obligatoirement avoir une formation légale et une expertise judiciaire. Seuls des juges ou des avocats nous paraissent offrir ces garanties. Ainsi, les vice-présidents de la commission devraient être juges ou avocats ou deux autres membres de la commission devraient être juges ou avocats" Les raisons: compte tenu du caractère quasi judiciaire de la commission. Bon. C'est une recommandation importante. Cela devrait être des juges et des avocats, les membres du tribunal et du comité de déontologie. Ma foi, il y a un paragraphe là-dessus. C'est court et...

M. Dufour: Cela dit tout.

M. Brassard: Oui, sauf que je souhaiterais avoir des explications supplémentaires et connaître les motifs, les raisons pour lesquelles les substituts du Procureur général souhaiteraient que ce soient des juges ou des avocats qui soient membres du comité et du tribunal. Justement parce que leur mémoire sur l'avant-projet est court, justement à cause de ça, il m'apparaîtrait pertinent que la motion de mon collègue de Terrebonne soit adoptée.

Une voix: Adopté.

M. Brassard: Adopté? Adopté. Ainsi, on pourrait, je pense, avoir davantage d'explications et d'informations sur les vues et la vision des choses des substituts du Procureur général. Pour cette raison, M. le Président, il me semble approprié et opportun que nous adoptions cette motion qui vient à point.

Le Président (M. Marcil): Cela va? Merci beaucoup, M. le député de Lac-Saint-Jean. Est-ce que d'autres personnes voudraient intervenir sur cette motion?

M. Brassard: Le vote.

Le Président (M. Marcil): Vous demandez le vote?

M. Brassard: Nominal.

Le Président (M. Marcil): Un vote nominal. Nous allons donc appeler chacun des députés.

La Secrétaire: M. Marx (D'Arcy McGee), pour ou contre la motion de M. Blais (Terrebonne)?

M. Marx: Contre.

La Secrétaire: M. Blackburn (Roberval)?

M. Blackburn: Contre.

La Secrétaire: Mme Bleau (Groulx)?

Mme Bleau: Contre.

La Secrétaire: M. Doyon (Louis-Hébert)?

M. Doyon: Contre.

La Secrétaire: M. Kehoe (Chapleau)?

M. Kehoe: Contre.

La Secrétaire: M. Brassard (Lac-Saint-Jean)?

M. Brassard: Pour.

La Secrétaire: M. Blais (Terrebonne)?

M. Blais: Pour.

La Secrétaire: M. Dufour (Jonquière)?

M. Dufour: Pour.

La Secrétaire: La motion est rejetée: cinq voix contre, trois pour.

Le Président (M. Marcil): À ce moment ci, je vais donc appeler l'article 1 du projet de loi.

M. Brassard: C'est l'amendement, ça.

Le Président (M. Marcil): Ah! c'est l'amendement. Alors, nous revenons à la motion.

M. Brassard: II faut revenir à la motion sur le Barreau.

Le Président (M. Marcil): II ne reste plus de temps.

M. Brassard: Non, mais on va voter.

Le Président (M. Marcil): Je vais donc appeler le vote sur la motion.

La Secrétaire: Est-ce que ce sera le même vote ou si on doit le reprendre?

Le Président (M. Marcil): Est ce le même vote?

M. Brassard: Oui, c'est le même vote.

Le Président (M. Marcil): C'est le même vote Bon. La motion est rejetée cinq contre trois.

La Secrétaire: La motion principale est rejetée.

Le Président (M. Marcil): La motion principale est rejetée.

Je vais maintenant reconnaître M. le députe de Jonquière.

Motion proposant qu'on dépose des copies du projet de code de déontologie

M. Dufour: M. le Président, avant de procéder à l'étude article par article, j'aurais une motion à vous présenter. "Que la commission permanente des institutions souhaite que le ministre de la Sécurité publique mette à la disposition de ses membres des copies du projet de code de déontologie des policiers du Québec dont il est question dans le projet de loi 86, Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et diverses dispositions législatives. " C'est la motion que je propose. On verra de quelle façon vous allez la traiter. Je serais prêt, à ce moment ci, à donner des arguments concernant la recevabilité de cette motion.

Le Président (M. Marcil): Je reçois cette motion. Elle est recevable étant donné que le libellé est conforme et se lit comme suit: "Que la commission permanente des institutions souhaite que le ministre de la Sécurité publique mette à la disposition de ses membres des copies du projet de code de déontologie des policiers du Québec dont il est question dans le projet de loi 86, Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et diverses dispositions législatives"

M. Marx: M. le Président, je comprends la motion, mais c'est impossible pour mol de le faire C'est impossible pour mol de le faire. On peut proposer des motions, mais non demander de faire des choses impossibles. Je vais vous dire, c'est impossible. Je ne peux pas déposer un code que je n'ai pas avec moi à ce moment-ci. Donc, c'est impossible. Si les députés de l'Opposition...

M. Dufour: Cela veut dire qu'on va attendre l'étude du projet de loi. (23 h 15)

M. Marx:... veulent parler encore pendant 45 minutes sur cette question, je ne peux pas les empêcher de le faire...

M. Brassard: Le ministre utilise son droit de parole.

M. Marx:... mais on me demande de faire quelque chose qu'il m'est impossible de faire. Je pense que je ne peux pas faire ce qu'il n'est impossible de faire. Je pense que les députés, soit ministériels ou de l'Opposition, doivent bien comprendre cela.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre. Le député de Jonquière maintient-il toujours sa motion?

M. Dufour: Bien oui, je suis obligé de maintenir ma motion...

Le Président (M. Marcil): Donc, à ce moment-là, je vais écouter...

M. Dufour: puisque vous l'avez jugée recevable.

Le Président (M. Marcil): votre argumentation.

M. Dufour: Je pense aussi que, pour la...

M. Brassard: II a le droit de parler pendant combien de temps?

Le Président (M. Marcil): II vous reste 30 minutes. C'est 30 minutes?

Une voix: Oui. M. Dufour: Dix-dix.

Le Président (M. Marcil): Trente minutes pour le proposeur et vingt minutes pour chacun des intervenants.

M. Dufour: Chacun dix minutes, c'est cela. Une voix: 20 minutes. Le Président (M. Marcil): C'est cela. M. Francis Dufour

M. Dufour: En fait, on propose cette motion parce que c'est effectivement - et je pense qu'on a plaidé pendant suffisamment de temps pour le démontrer - un projet de loi majeur, un projet de loi qui touche l'ensemble de la population. C'est aussi un projet de loi sur lequel, considérant le moment où on l'a présenté, on n'a pas laissé beaucoup de temps aux intervenants pour réfléchir. Je ne sais pas si c'était involontaire, je ne sais pas si c'était voulu, mais on peut toujours bien supposer la raison pour laquelle on l'a déposé à la dernière minute comme cela: c'était probablement pour ajouter de la pression afin qu'on puisse l'étudier très rapidement et l'adopter comme du beurre dans la poêle.

C'est un peu cela. Les fins de session, c'est toujours pareil. On avait dit qu'on légiférerait mieux, qu'on prendrait le temps de le faire, qu'on prendrait le temps d'étudier les lois. Ce n'est pas cela; plus cela va, plus c'est pareil. C'est même pire que c'était, à mon point de vue, parce que ces projets de loi qu'on nous présente à la dernière minute sont toujours pondus à la vapeur. Ils demandent donc une attention beaucoup plus soutenue de la part des parlementaires et nous obligent à les adopter. Malheureusement - ce n'est pas un exemple - l'an dernier, on a adopté un projet de loi, et je l'avais dit, je l'avais dénoncé, mais on a voté pour quand même parce qu'on était dans une situation d'urgence. C'était une Loi sur la fiscalité municipale. Mais, cette année, on revient avec une autre loi pour la corriger, encore au même moment. C'est comme si on avait seulement une certaine période de temps pour travailler au Parlement, et c'est au mois de décembre, soit le plus tard possible. Je ne sais pas ce qu'on cherche à faire à travers cela. Est-ce qu'on cherche à escamoter les problèmes? Cherche-t-on à les cacher? J'ai comme l'impression que oui.

Ce n'est pas une nouveauté le fait de parler du projet de loi sur la réforme policière. Cela fait au moins dix ans qu'on en entend parler, peut être plus encore, et ce n'est pas plus avancé que cela. Le ministre nous dit: Je n'ai pas de code de déontologie à ma disposition. Il a fait un projet de loi et on sait déjà qu'il y a un tas d'amendements qui doivent y être apportés; on le sait déjà. Donc, il est mal ficelé, mal conçu. En même temps qu'on dit cela, il n'a pas tous les éléments qui vont avec. Il me semble que c'est élémentaire, il me semble que ce n'est pas une génération spontanée. Il me semble qu'on aurait pu avoir un incubateur, qu'on aurait pu mettre la loi au chaud et faire en sorte qu'elle puisse avoir une période de gestation ou en tout cas arriver à un meilleur point, lui laisser le temps d'arriver à point.

Avec l'expérience que le ministre de la Sécurité publique a dans le domaine, comment peut-on expliquer qu'il arrive avec un projet de loi qui ne soit pas plus complet que cela? Va-ton relier cela à un manque d'expérience, à une certaine forme d'inconscience? On est en droit de se demander cela, il n'a pas proposé 50 projets de loi depuis qu'il occupe cette fonction. Il en avait deux et il en avait un de trop; le premier ministre lui en a enlevé un. Est-ce un manque d'intérêt de sa part? J'ai le droit de me poser des questions. Je pense que la population peut se poser les mêmes questions, à savoir pourquoi on arrive avec un projet de loi où il y a des éléments, mais où, pourtant, l'élément le plus important est absent. Ou, encore, peut-être qu'il n'a pas suivi le cheminement de ce qui s'est passé? Il faut admettre que, lorsque M. Latulippe occupait la fonction de Solliciteur général, il s'était engagé, lui, après la consultation et avait dit en commission parlementaire: Lorsque je reviendrai avec le projet de loi, je déposerai le code de déontologie en même temps.

Il n'y a pas de suite dans ce gouvernement; ce sont des gens qui travaillent chacun de leur bord, ils ne se partent plus entre eux. Je comprends qu'on puisse s'empêcher d'écouter la population, ils ne s'écoutent plus l'un et l'autre. Chacun travaille en vase clos. Cela devient presque de la provocation. On dit: Écoutez un peu, on sait qu'il y a des problèmes dans le système de police et on sait qu'il y a des problèmes avec les groupes ethniques, on sait que la région de Montréal est confrontée avec ces problèmes tous les jours.

Le ministre ne demeure pas à Shipshaw ni à Roberval, il demeure dans la région de Montréal. Il devrait être très préoccupé par cette question-là. Quelqu'un qui viendrait de Roberval... On n'a pas beaucoup de problèmes avec les groupes ethniques chez nous. Je ne dis pas cela pour diminuer les gens de la région de Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais, fondamentalement, il n'y a pas trop de problèmes ethniques dans la région de Jonquière. Mais, à Montréal, il y en a, cela existe, je le sais pour en avoir parlé avec des gens de Montréal et avoir été régulièrement dans

ce coin-là. Il s'agit de lire ce qui se passe dans les journaux, de regarder la télévision ou d'écouter la radio, régulièrement on est confrontés avec ces problèmes-là.

Le ministre vient de cette région-là et il ne nous donne pas les éléments qu'il faut. Je pense qu'on l'a dit à satiété. Quand on n'est pas de Montréal, il paraît qu'on ne connaît pas cela. On connaît cela même si on n'est pas de la région de Montréal parce qu'on a le droit de lire les journaux et de regarder la télévision. La télévision se rend chez nous, on peut voir ce qui se passe dans le coin. Dans nos fonctions, on n'est pas venus au monde hier, on sait qu'il y a des problèmes dans le système. La machine déraille. Il y a des problèmes majeurs. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on sait qu'il y a des problèmes à la Commission de police. Cela a peut-être pris du temps avant qu'on s'en aperçoive, mais combien cela a-t-il été dénoncé régulièrement. Ce n'est pas grave. On veut régler le problème, on va en régler un morceau et on laisse tout le reste de côté.

Le projet de loi est un projet de loi amputé, c'est presque un petit monstre, il manque des éléments dans cela. On sait qu'il y a d'autres problèmes, il n'y a pas que le code de déontologie. On parle de cela, mais on sait qu'il y a d'autres choses dans la Loi de police qui ne sont pas correctes. Un homme d'expérience qui a été critique et porte-parole de sa formation pendant de nombreuses années, qui est devenu ministre, peut-être pas par la force des choses, peut-être par accident et qui nous présente un projet de loi de loi mal ficelé... On a le droit de se poser des questions et j'en pose. Qu'est ce qu'il faisait? Qu'est ce qu'il a fait depuis qu'il est ministre? On a eu des problèmes de violence. Je lui ai posé des questions à l'Assemblée nationale et il n'avait pas l'air plus préoccupé qu'il ne le faut. J'avais l'air de le réveiller à propos de cela. Il a dit: On va regarder. Le lendemain, il avait des réponses un peu meilleures, mais il n'a pas donné l'impression d'être préoccupé par la fonction qu'il occupe. Est-ce qu'il occupe la fonction parce qu'il n'était pas intéressé, qu'il n'y on avait pas d'autre à lui donner et qu'il s'est dit: Plutôt que de ne pas avoir de job, je suis aussi bien de prendre celle-là?

Je vous dis que je regarde ici un article de Gilles Lesage qui s'intitule "Pour mieux policer la police". Gilles Lesage, on l'a dit au début, a gagné le prix Jules Fournier, probablement pour ses connaissances du français. Il a lu le projet de loi lui aussi. Ce qu'il dit de cela: "Ainsi, II est aberrant que le code de déontologie policière en gestation ne soit pas soumis à un examen parlementaire avec le projet de loi" Et là il nous parle de tout ce qui se passe et do tous les groupes qui voudraient l'étudier. Il dit. "Il faut que les groupes parlementaires puissent l'étudier. " Comment voulez-vous, si on n'a pas suffisamment d'éléments, c'est évident, qu'on se prononce et qu'on fasse confiance?

Faites moi confiance. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne façon de voir les choses. On va avoir une confiance relative dans ce gouvernement-là. Je ne prendrai pas de chance tant que cela. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup d'éléments, surtout quand j'ai vu que tous les gens qu'on a voulu faire venir, tous les groupes, ont été refusés systématiquement... Cela veut dire que la confiance ne règne pas comme cela pour tout le monde. Je suis juste un peu dérangé, je trouve que c'est dérangeant d'avoir un projet de loi aussi important où on n'a pas la volonté de faire mieux. Mieux et moins, quelle folie! Je ne sais pas qui a inventé cela. Quelqu'un a dit qu'on faisait mieux et moins. On ne fera plus de bill omnibus. Cherchons donc! On va vous montrer si les lois ressemblent à des bills omnibus. Elles ressemblent à ça et ça touche à tout. Faire plus avec moins, ça aussi a été dit. On n'a pas fait la preuve, en tout cas jusqu'à preuve du contraire. Je regarde le réseau routier, ils font plus avec moins. On va en rester avec le projet de loi devant nous. Je pense qu'il y a suffisamment d'éléments pour le critiquer.

Le code de déontologie va être appliqué à l'ensemble des policiers du Québec, mais, pour juger, il y aura trois sortes de tribunaux. Quand les policiers étaient reçus policiers, je pensais qu'ils prêtaient le même serment. À ce que je sache, il n'y pas de serment différent l'un de l'autre. Ils occupent une fonction de gardien de la paix avec tout ce que ça comporte. C'est ça, le serment d'un policier. Qu'il travaille à la Communauté urbaine de Montréal ou de Québec, dans la régionale de l'Outaouais, à Québec ou à Jonquière, partout dans la province, II est policier à part entière, point. C'est tellement vrai que même la Loi de police prévoit que tous les corps policiers sont sous sa juridiction et, dans certains cas, sous celle du ministre de la Sécurité publique. Ce n'est pas une invention. J'ai vécu les mesures de guerre. C'était le Procureur général du Québec qui était en haut des policiers. Les maires et les municipalités n'existaient plus dans le temps des mesures de guerre. J'ai vécu ça. J'ai vu ce phénomène-là.

Là, on parle d'un code de déontologie qui s'applique à tout le monde, avec trois sortes de tribunaux pour juger. Quelle sorte de justice on va avoir? Et pas plus de règles que ça pour pouvoir juger, pas lié par le fardeau de la preuve ou la règle de la preuve, pas de procédure par règlement C'est le vrai... J'aurais une expression qui n'est probablement pas parlementaire, j'appelle ça une maison de désordre, mais le mot pour le dire, c'est "bordel". Ce n'est pas complique, c'est un bordel. On est en train de faire ça, c'est une maison de débauche dans le sens où on ne sait pas où on va On veut dire au monde. Comportez-vous comme de bons citoyens. Et on veut dire à nos policiers: On va vous cadrer et on va vous donner des pouvoirs. Protégeons-les aussi, les policiers. Ils ne sont pas plus protégés

là-dedans parce que la règle de la preuve peut jouer d'un bord comme de l'autre. De temps en temps elle va jouer pour le policier, mais elle peut jouer aussi pour le citoyen, comme elle peut jouer pour le commissaire. A ce moment-là, sur quoi est-ce qu'on va se baser? De quelle façon est-ce qu'on pourra vivre dans ce milieu-là?

Je vous dis que le projet qu'on a devant nous est pire que si on n'en avait pas du tout. Plus on l'examine, plus on le regarde et plus on en vient à la conclusion qu'il ne bonifie pas ce qui existe. Il me semble que ça fait assez longtemps qu'on vit avec des problèmes que, quand on fait un projet de loi, c'est pour les corriger et pour améliorer, surtout qu'à première vue il y a un certain nombre d'éléments... Cela ne prendrait pas une grande compréhension du ministre pour en arriver à faire un projet de loi potable parce que les groupes qu'on a demandés de rencontrer ici ce soir ont presque la même formulation concernant les problèmes soulevés et cela tourne autour des mômes éléments ou presque.

Qu'est ce qu'on dit dans tout ça? On parle de règle de prouve, on parle de code de déontologie, on parle de tribunaux uniformes, on parle de nomination d'arbitres ou de commissaires. Il faudrait qu'il change tout ça. Mais, s'il change tout ça, ça veut dire que c'est nous qui aurons fait faire son devoir au ministre. Le ministre n'aura pas fait son devoir, c'est nous qui le lui aurons fait faire. Le rôle de l'Opposition, c'est de corriger et non pas de légiférer. Comme c'est là, légiférer mieux, une chance du bon Dieu que c'est moins, parce que cela ne pourrait pas être mieux si c'était moins! Le mieux qu'ils ont dans le moins, c'est nous qui le faisons. Ce n'est pas la première fois. On n'est pas à un projet de loi près où l'Opposition a amélioré le projet de loi. Normalement, il me semble que, quand on est au pouvoir, c'est pour gouverner et non pas pour regarder ce qui se passe. On est dans le train. C'est le conducteur du train qui a le pouvoir, non pas les gens qui regardent passer les trains. On a l'impression, quand on examine ce qu'on a devant nous, qu'on n'a pas le conducteur avec nous. Le conducteur est assis à l'arrière avec tout le monde. Avancez en arrière. C'est un peu ce avec quoi on vit. (23 h 30)

Franchement, je suis déçu parce que j'avais l'impression que c'était tellement important. J'ai vécu des expériences tellement difficiles avec ces problèmes-là, je sais comment ça se passe dans les municipalités, par exemple, qui ont parfois des problèmes de relations entre la police et le public en général. On sait qu'il y a des problèmes qui se passent et pourquoi il y avait des problèmes. Il me semblait que tout le monde connaissait ces éléments-là et, à plus forte raison, le ministre. Le ministre devrait savoir, il devrait être au courant et, s'il ne l'est pas, je serais heureux de lui donner au moins cette information. Il y a des problèmes avec la Com- mission de police et ce n'est pas la façon de les régler. Vous auriez dû écouter les intervenants. Ce n'est pas vrai que... C'est peut-être avec vous que commence la nouvelle appellation du Solliciteur général en ministre de la Sécurité publique, mais ça existait avant. Et vous êtes lié par les positions de vos prédécesseurs. Il me semble que je n'ai pas besoin de faire l'école là-dessus. On est la suite des autres. Ce n'est pas différent pour le ministre actuel. Il aurait dû comprendre. Il aurait dû s'asseoir et examiner ce qui s'était passé avant. Et il aurait pu demander aux intervenants ce qu'il fallait faire. Bien non. Le défaut de bien des gens, tous les gens veulent avoir le pouvoir, mais, quand ils l'ont, ils ne savent plus quoi faire avec. On veut avoir l'habit et on ne veut pas le porter. Il faudrait, à un moment donné, décider que, s'il veut mettre cet habit-là et qu'il lui fasse, il devrait le porter. Et, pour le porter et être un bon ministre, il faut qu'il prenne des bonnes décisions.

Il y a 25 groupes qui sont venus nous dire ce qu'ils pensaient. Ils sont venus dire devant tout le monde: C'est ça qu'on veut. On voudrait vivre comme ça. On a des éléments importants à vous soumettre, M. le ministre. Ils sont soumis dans dus mémoires. Cela ne s'est pas dit juste sur la gueule! Cela c'est dit par écrit, dans des mémoires, devant une commission parlementaire. À moins qu'on ne trouve qu'une commission parlementaire ne soit juste une parade! Si c'est juste pour jeter de la poudre aux yeux, pour endormir le monde, c'est une autre histoire. J'avais l'impression que c'étaient des intervenants importants. Je n'aurais jamais fait ça quand j'étais maire, faire venir des groupes pour leur demander... On est mieux de ne pas consulter quand on ne veut pas suivre les recommandations. Il n'y a rien de plus insultant pour quelqu'un qui vient ici que lorsqu'on ne s'en occupe plus après. Fini. On rejette tout ça du revers de la main.

Le code de déontologie, c'est Important. C'est là dessus que va être basé tout ce qui va se passer, cela va régler la façon de se comporter des policiers envers les citoyens, le comportement des policiers dans leur travail. J'ai bien l'impression que c'est ça. Il faut imaginer des scénarios. Et ça va être là-dessus qu'on va porter des plaintes. Elles ne seront pas portées en fonction de ce qui ne se passe pas, de ce qui n'existe pas. Même si on n'est pas lié par le fardeau de la preuve, j'ai bien l'impression que les problèmes vont découler de quelque part... Il faut qu'ils viennent... On les appelle des commissaires à la déontologie. Ce ne sont pas des commissaires à l'environnement, ce sont des commissaires à la déontologie; donc, ils vont avoir à juger des problèmes découlant de ce code là. Et nous ne le voyons pas. Et 8 y a des gens qui sont prêts à dire: Oui, on pourrait marcher pareil. Bien, c'est faire trop confiance à un ministre. C'est bien trop Important. Faites-moi confiance. Et quand il ne sera plus là? Il ne

sera pas là longtemps si ça continue comme ça parce que les problèmes vont se soulever vite.

Si on veut faire des lois pour corriger les problèmes et qu'on les laisse en suspens, qu'on ne ficelle pas nos morceaux comme il faut et qu'il reste des fils un peu partout, on va se réveiller avec des problèmes tantôt. Il ne faudrait pas que ça soit comme ça. Ce qu'on a voulu et ce qu'on veut depuis le début de ta commission, c'est convaincre le ministre qu'il y a des actes à poser, des gestes de bonne foi à faire. On apprend un peu à travers les branches qu'il pourrait peut-être nous apporter quelques amendements. Je sais qu'il y a des groupes qui ont fait des pressions, qui ont dit: Votre affaire ne marche pas. Mais il a pris soin d'arriver à la dernière minute pour être bien sûr que la pression ne sera pas sur lui. Elle est sur les autres, la pression est rendue sur l'Opposition. Parce que ça presse, c'est rendu que la bâtisse est en feu. Et il sait depuis combien de temps il y a des problèmes là-dedans, il n'est pas un nouveau.

Dans le fond, ça ne fait pas juste trois ans que le pouvoir connaît le problème. Dans l'Opposition, il a vécu ça. Il a visité des prisons. Il a dit que les prisons n'étaient pas bonnes. Il les a gardées quand même et là il pose toutes sortes de gestes à travers ça. Il connaissait ce système-là. En tout cas, il a donné l'impression de connaître ça. Il connaît ça. C'est pourtant une façon de faire de la politique que de donner l'image qu'on connaît ça et de ne pas regarder en profondeur. C'est ce qu'on fait. On ne fouille pas. C'est très superficiel. Et il décide qu'on fait une loi pour la police. On va régler ça. Je pense que, de ce côté-là, il manque le coche. Il aurait fallu que le ministre se penche un peu plus sur ce problème-là. Pas se pencher pour ne pas se relever; il aurait pu se pencher là-dessus et arriver avec un projet de loi mieux préparé, mieux présenté et qui réponde aux attentes des gens. C'est ça, le problème qu'on lui reproche. Cela ne répond pas à des critères sérieux. Cela ne répond pas à des choses qu'on connaît, que tout le monde connaît et que le système policier connaît. Imaginez-vous que les policiers savent comment ça se passe en cour, comment ça se fait une preuve. Ils passent leur vie là-dedans. Eux, en se faisant traiter ainsi, ils vont passer complètement à côté de cela, on va être obligé de leur apprendre comment cela fonctionne, cette affaire-là.

M. le ministre, il est encore temps de donner un coup de barre et de montrer votre volonté. Quant à mol, je ne peux pas croire qu'au 6 décembre vous n'ayez pas actuellement un semblant de projet de loi quelque part, un semblant de code de déontologie dans les mains. C'est impensable, c'est incroyable, c'est inimaginable, c'est inacceptable. Comment un ministre peut-il arriver avec un projet de loi sans savoir sur quoi il va se baser? Ce n'est pas une invention de la nature, ce n'est pas dans le catalogue d'Eaton qu'on va aller chercher cela, ni chez Dupuls et Frères ni chez Laliberté, ici, à Québec. Le code de déontologie, il me semble que cela doit manger quelque chose, cela doit s'alimenter de quelque chose, cela doit être basé sur des faits précis. J'ai l'impression que, lorsqu'on parle d'une convention collective, c'est basé sur des éléments; on n'invente pas de toutes pièces chaque fois. Le ministre n'est pas rassurant quand il ne nous donne pas le sentiment... Il ne nous sécurise pas non plus, même si c'est le ministre de la Sécurité publique. Il n'est pas sécurisant, quand je regarde son projet de loi où il manque un élément aussi important. Le code de déontologie...

M. Marx: M. le Président, je veux juste poser une question au député de Jonquière.

M. Dufour: Non, non, je vais finir mon Intervention.

M. Marx:... je n'ai pas parlé de la soirée. J'aimerais seulement lui poser une question.

M. Dufour: Non, vous la poserez quand j'aurai fini de parler.

M. Marx: Je voulais vous gagner du temps et vous laisser dormir pendant 25 minutes de plus. On a compris le message, que vous allez continuer de faire le "filibuster* jusqu'à minuit; il est 23 h 35, on est prêt à voter et on pourrait aller se coucher à 11 h 40 au lieu de rester jusqu'à minuit.

M. Blais: On a l'ordre de la Chambre de siéger jusqu'à minuit.

Une voix: Non, mais on peut...

La Présidente (Mme Bleau): À 8 heures demain matin, il faut que je sois dans un bureau...

M. Dufour: Oui, mais vous vous fatiguez vite, vous autres.

M. Marx: On a compris le message, on n'est pas ici pour perdre notre temps inutilement.

Une voix: Vous n'avez pas le droit de nous prêter d'intention.

M. Marx: Là, on a compris le message, vous allez parler...

M. Dufour: Si vous êtes prêt à accepter ma motion, on va arrêter.

M. Marx:... jusqu'à minuit.

M. Dufour: Voulez-vous accepter la motion?

M. Marx: Je veux que ce soit enregistré, oui.

M. Blais: Vous êtes prêt à accepter la motion? On est d'accord.

M. Marx: On est prêt à voter sur la motion. M. Blais: Non, non.

M. Dufour: Non, non, nous pensons que vous êtes prêt à... Il y a une motion sur la table... Donc, ne demandez pas encore le vote. Selon nos règlements...

La Présidente (Mme Bleau): Continuez, M. le député.

M. Dufour: Nous autres aussi, on va veiller et, si on pouvait vous convaincre...

M. Marx: Je disais cela, M. le député, parce que...

M. Dufour: Non, je pense que...

M. Marx:... je comprends que ce soit fatigant de parler toute la nuit et de ne rien dire. Donc, j'ai voulu vous donner 20 minutes de plus de sommeil.

M. Dufour: M. le ministre, je pense qu'il est bon aussi que vous sachiez - et on va vous l'apprendre - que, lorsque vous apporterez un projet de loi à l'avenir, il devra être mieux préparé. C'est cela qu'on veut vous donner. Il faut donner une leçon de temps en temps. On n'acceptera jamais que vous nous donniez des lois à toute vapeur comme cela, à la dernière minute, un projet de loi bâclé et bousillé. Ce n'est pas comme cela qu'on va légiférer, c'est trop important. Vous auriez dû le comprendre avant. À partir de maintenant, j'espère que vous comprendrez le message. C'est une pièce majeure dans la question policière; cela concerne tous les citoyens. On va vous le répéter, on ne le réptéra jamais assez parce que vous ne l'avez pas compris. Vous avez l'air de penser que votre projet de loi, c'est la trouvaille du siècle. C'est une bonne loi pour autant qu'on ne la regarde pas, qu'elle reste sur les tablettes et qu'elle ne soit jamais appliquée. C'est une bonne loi, une bonne tentative, un bel effort, mais j'aurais pensé qu'avec votre expérience vous nous auriez présenté quelque chose de mieux réfléchi et de mieux emballé qui aurait répondu à vos attentes.

On a reçu 25 groupes, les parlementaires, qui sont venus nous dire ce qu'ils pensaient de cela. On arrive à la fin et on ne l'a même pas. Des éléments ont été complètement oubliés. Vous êtes en train de faire du droit nouveau et vous pensez qu'on va vous laisser passer cela comme ça. Voyons! La terre n'a pas commencé à tourner à partir du 2 décembre 1985; elle a peut-être arrêté de tourner, mais elle n'a pas commencé à tourner. Il faudrait au moins qu'on accepte cela. Depuis que vous êtes là, vous avez tellement d'Images, c'est vrai, c'est l'image que vous essayez de projeter.

Cela va bien, regardons combien il y a de chômeurs. Le député de Roberval peut écouter aussi; combien y a-t-il de chômeurs dans la région? Cela va bien, n'est-ce pas? Et après? On a 15 % de chômage dans la région de Saguenay-Lac Saint Jean, ce n'est toujours pas une amélioration qui a été apportée. On est obligé de tout régler, on ne règle pas cela seulement avec des PME, il va falloir que certains se mettent à l'ouvrage, ce n'est pas avec les petites subventions qui se donnent d'un bord et de l'autre qu'on va régler les problèmes et qu'on va montrer du sérieux au point de vue de la création d'emplois. Ce n'est pas juste avec une recette miracle qu'on va réussir ça. Je n'y crois pas...

La Présidente (Mme Bleau): Sur le sujet, s'il vous plaît.

M. Dufour:... parce qu'il faut se dire que, par rapport à ce projet de loi, il aurait fallu qu'on ait la preuve, hors de tout doute, que le ministre s'est penché sur le projet de loi et qu'il l'a approfondi d'une façon sérieuse. C'est comme ça qu'on aurait pu apprécier... J'aurais apprécié ça de sa part. Pour moi qui ai vécu dans ce milieu, pas comme policier, mais au point de vue politique avec ces gens, je sais qu'ils méritaient mieux que ça. On ne peut pas les laisser ballotter comme ça. Je vous le dis, II n'y a personne qui va sortir gagnant de ça. Les policiers seront perdants; le public va être perdant; les élus municipaux vont être perdants; le gouvernement va être perdant, parce qu'en ce qui concerne la loi il y a autant d'éléments de preuves que d'éléments d'insatisfaction qui ont ressorti régulièrement. Alors, on aurait pu démontrer qu'on avait tenu compte de ce qui s'était passé et ça aurait pu nous amener à un projet de loi mieux ficelé.

Donc, il faut absolument que, dans ce projet de loi - j'insiste beaucoup par rapport à ça, parce que je pense que c'est important, ça n'a pas une importance relative - on réponde à des critères de base. C'est élémentaire, un service policier dans une société organisée. C'est élémentaire, on ne peut pas vivre sans ça. Dès le moment où vous parlez d'une société organisée, vous avez des mesures qui sont là pour contrôler. Donc, il y a une mesure de contrôle. Il y a des gens qui sont chargés de faire respecter ces lois. On n'a pas inventé ça au Québec, le système policier. Cet après-midi, mon confrère a parlé des policiers en France, en Angleterre; il a presque fait le tour de la terre. Mais on sent que, dans chaque loi, comme dans n'importe quelle loi, ça prend toujours des balises pour la contrôler. Il n'y a pas de loi sans balise.

Donc, quand c'est policé par des individus... Et les individus portent tantôt le nom de police, tantôt d'autres noms, mais, en fait, ils sont de nature à donner un certain cadre de référence, c'est-à-dire soit des amendes, soit une peine d'emprisonnement. On fait le tour de tous les sujets comme de tous les projets et je pense que c'est là qu'est l'importance d'un projet de loi semblable.

Je pense également qu'on doit accepter que les policiers, comme les élus qui auront à vivre avec ce code, sachent à quoi s'en tenir. Je pense bien que, si les gens, par rapport à des éléments sont oubliés, s'ils ne voient pas ce qui se passe à travers leur démarche, ce n'est pas très transparent. La justice, M faut que ce soit transparent. À mon point de vue, pour que la justice soit efficace, il faut également qu'elle soit transparente. Efficace, ça veut dire qu'il ne faut pas prendre une éternité pour trouver des règlements ou prendre des décisions qui affectent les individus et elle doit être transparente en ce sens que les citoyens doivent voir ce qui se passe à travers ce système parce que c'est énervant pour le citoyen ordinaire de savoir comment ça se passe dans le système policier. C'est complexe. C'est vraiment un système indépendant. C'est presque un État dans l'État si on le regarde comme il faut. Il a beaucoup de pouvoir.

Les citoyens sont conscients de ça. On pourrait faire une expérience. Qui que ce soit autour de la table serait arrêté aujourd'hui, y compris le ministre qui n'a rien à se reprocher, ne saurait trop quoi faire parce que, pendant quelque temps, les policiers ont pas mal de pouvoir. Je ne dis pas qu'on doit leur en enlever; on dit qu'il faut que ce soit balisé jusqu'à un certain point. Le citoyen qui voit ça se dit: Comment vais-je vivre avec ça? Un citoyen se dit: Quand je vais faire une plainte, dès que ma plainte va être faite, elle va être enregistrée. Elle va être connue immédiatement et une communication va se faire entre le commissaire aux plaintes et le plaignant. Comment cette personne va-t-elle pouvoir se sentir bien dans sa peau quand je sais que dans le cas d'une plainte, par exemple, contre un chien errant, les gens ne veulent pas laisser leur nom? Comme maire, je recevais parfois des plaintes comme celle-là. Quelqu'un venait nous dire: Le chien du voisin est un chien errant. Il voulait qu'on l'arrête, mais il ne voulait pas signer son nom comme plaignant. Je disais: II n'y a pas de problème. On fera la plainte. Ce n'était pas grave parce que c'étaient les élus qui la faisaient. Mais, dans ce projet de loi, il n'y a plus de chance du tout; personne ne peut prendre la plainte, il faut que ce soit le citoyen lui-même qui la fasse. En même temps, on s'assure que la personne concernée, soit le policier, sera avertie. Vous avez autant d'imagination que moi. Vous pouvez voir qu'il peut se passer à peu près n'importe quoi entre-temps.

(23 h 45)

Le projet de loi n'est pas rassurant et est incomplet. Le code de déontologie aurait dû être déposé en même temps que la loi. Cela aurait répondu à la promesse de l'ex-Solliciteur général qui s'était engagé à le déposer. Si le ministre avait suivi et s'il avait bien connu son dossier, II serait arrivé avec sa loi et avec le code de déontologie. En même temps, il aurait pu accepter d'entendre différents groupes en commission parlementaire, ce qui nous aurait donné une meilleure perspective qui nous aurait permis, à nous, comme législateurs, de donner un meilleur point de vue et de contribuer à faire une meilleure loi Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de Jonquière. Je reconnais maintenant M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. La motion vise à demander au ministre de déposer le code de déontologie. Je dois dire deux choses en passant: premièrement, en ce qui concerne un énoncé du ministre et, deuxièmement, sur son attitude. Je vais parier des deux. Premièrement, le ministre a énoncé que nous parlions pour ne rien dire. Je tiens à lui répondre qu'avec le projet de loi que nous avons entre les mains c'est plutôt lui qui est là et qui ne dit rien sans le code de déontologie. Deuxièmement, son attitude de je-m'en-foutisme devant son propre pro|et de loi frise l'arrogance, l'Irrespect de l'Opposition. Il manifeste comme si c'était un homme en possession tranquille de la vérité, qui a la science infuse ou dont on peut dire en le regardant: Après moi le déluge. Je trouve cela un peu fort, surtout qu'il nous a dit en recevant la proposition: C'est impossible pour moi. Impossible.

D'abord, si on veut savoir si les gens parlent pour ne rien dire, on a au moins la décence de les écouter. Ce n'est pas en se promenant de façon cavalière, en reniflant et en renâclant dans tous les coins de la salle qu'il sera capable de venir me dire que je ne dis rien quand je parte. Renâcler, c'est parlementaire.

M. le Président, Je n'accepte pas qu'on traite l'Opposition comme une poche de fleurs vide dans un coin debout. Il y a des limites à tout. L'Opposition ne fait que refléter la pensée de nos grands penseurs, nos grands Journalistes qui disent que vous innovez avec ce projet de loi, M. le ministre, mais qu'il est aberrant que le code de déontologie policière en gestation ne soit pas soumis à l'examen parlementaire avec le projet de loi. Nous ne faisons ainsi que répéter ce qui a été écrit par Gilles Lesage, un des meilleurs analystes que nous connaissions dans la presse écrite. Alors, que l'on dise que ses déclarations sont celles de gens qui parlent pour ne rien dire, il y a des limites. Je suis bon

joueur jusqu'au moment où on me traite comme un restant de la société. Il y a des limites.

Le ministre nous dit: C'est impossible de le déposer. Il y a deux raisons qui peuvent rendre cette décision impossible: soit qu'il a le code et qu'il ne veut pas le déposer, soit qu'il n'a pas le code et qu'il ne peut pas le déposer. C'est l'un ou l'autre. Dans le premier cas, pourquoi, s'il a le code, ne veut-il pas le déposer? Par "égocen-tricité" législative? Pour se pavaner en possession tranquille de la vérité en tant que maître après Dieu, détenteur de la science infuse qui se dit: Après moi le déluge? Ou est-ce par mesquinerie politique, ou parce qu'il a peur du contenu de son code, s'il l'a en sa possession, et que, risquant des critiques acerbes des gens concernés, il a peur d'un mouvement de contestation, devant ce code de déontologie uniformisé, de l'ensemble de la force constabulaire québécoise? Ce seraient quelques raisons qui feraient qu'il ne déposerait pas ce code s'il l'a en sa possession.

Deuxièmement, il est possible qu'il ne l'ait pas. C'est possible. À ce moment-là, cela dépasse tout. Ce serait plus rare que la comète qui passe tous les 76 ans, la Comète de Halley. Cela fait trois ans que ce projet de loi est en cours. En plus, avant les trois ans, c'était une promesse électorale. Et il ne l'aurait pas encore en sa possession! Donc, il admet, en disant que c'est impossible, qu'il n'a pas fait son devoir. Ce serait inexplicable, inexcusable qu'il ne l'ait pas en sa possession. Je crois que pour qui que ce soit, lorsqu'on a un projet de loi qui germe dans les officines gouvernementales pendant trois ans et que la base de ce projet de loi est un code de déontologie, c'est inexcusable qu'on arrive au moment fatidique de présenter le projet de loi et que le code de déontologie ne soit pas là pour accompagner ledit projet de loi, même s'il en est la source et l'inspiration. Alors, je vote pour le fait que vous avez le code de déontologie, mais que, par "égocentricité" législative, vous le retenez parce que vous avez peur des conséquences de ce code-là qui seraient presque irrecevables pour ceux que le code concerne. Vous avez quelque chose à ronronner, M. le ministre?

M. Marx: Non, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Marx: Non, M. le Président, j'écoute, comme vous le voyez...

Le Président (M. Marcil): Attentivement.

M. Marx:... attentivement les paroles du député.

Le Président (M. Marcil): C'est bien.

M. Blais: M. le Président, c'est tout de même curieux, cela demeure aberrant. Écoutez, vous lisez certainement certains Journaux français - je suis persuadé que vous le faites, j'en suis persuadé - dont le Toronto Star. Je sais que vous lisez les journaux français. M. Gilles Lesage, vous l'avez certainement lu. Il dit textuellement, après vous avoir félicité, et je lui en sais gré parce que, sur le fond du projet, nous sommes d'accord: "Le projet comporte des changements radicaux et inédits. " C'est bien, de dire d'un projet de loi que c'est inédit. "Ainsi, il est aberrant, cependant, que le code de déontologie policière qui est en gestation ne sort pas soumis à l'examen parlementaire avec le projet de loi. Plusieurs groupes, le Barreau, la Ligue des droits... ont fait cette demande sensée lors de la présentation de l'avant-projet de loi. Ce futur code sera la clé de voûte du nouveau système de traitement des plaintes des citoyens. " Il emploie ici le mot "clé de voûte"; c'est encore plus fort. "Il faut que tous les morceaux du casse-tête soient sur la table, autrement, sous prétexte de répondre à une urgence, II y a risque de cosmétique et de poudre aux yeux. " Je sais que les députés ministériels l'ont lu. Je sais, pour bien les connaître, parce que même si on n'est pas du même côté de la Chambre, on n'est pas des ennemis. On est en opposition au niveau des idées, mais je sais que les députés ministériels comprennent très bien que la base de ce projet de loi... J'ai droit à 20 minutes.

Une voix: 20 minutes?

M. Blais: Oui. La base de ce projet de loi...

Une voix: C'est 20 minutes?

M. Blais: 20 minutes, c'est une motion. La base de ce projet de loi... C'est 20 minutes.

Une voix: C'est une motion de fond. Ce n'est pas vous le proposer, c'est M. Dufour qui avait droit à...

M. Blais: Une demi-heure et on a droit à 20 minutes.

Une voix: II avait droit à 30 minutes et, pour vous, c'est 10 minutes, parce que c'est une motion de fond.

M. Dufour: Vous aviez dit qu'il avait droit à 20 minutes.

M. Blais: Vous avez dit 20 tantôt, je m'excuse.

Une voix: Je n'ai pas dit cela.

M. Blais: Bon, écoutez, on ne s'obstinera pas. Il me reste deux minutes. Je vais donc me forcer pour finir en deux minutes.

Je suis persuadé que les membres ministériels, eux, savent pertinemment le bien-fondé

de la demande de l'Opposition, ainsi que des groupes qui sont venus, lors de l'avant-projet de loi, demander au ministre de déposer le projet de loi et le code de déontologie, parce ce qu'il est la clef de voûte de ce projet, et je le sais. Ils sont tous prêts à le dire, mais la solidarité ministérielle les en empêche. Je trouve cela un peu horrifiant et il y a certains députés qui devraient oser le dire, parce que cola ne nuit pas du tout à la qualité du ministre. On lui demande tout simplement une amélioration pour une meilleure compréhension du projet de loi.

Alors, M. le Président, je conclus, comme vous m'invitez à le faire, en vous disant qu'il est très malheureux, M. le ministre, qu'il vous soit impossible de déposer le code de déontologie, parce que vous ne rendez pas service aux législateurs ni aux gens concernes par ce projet de loi.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le député de Terrebonne. Mme la députée de Lionel Groulx, pardon de Groulx.

Mme Bleau: Le nom Groulx vient de Lionel Groulx.

Le Président (M. Marcil): Exactement.

Mme Bleau: Vous ne me faîtes pas injure, M. le député.

Une voix: Votre comté, en fait c'est de là que vient son nom?

Mme Bleau: Oui, de Lionel Groulx.

Une voix: Vous êtes sérieuse? Non, je ne le pensais pas.

Le Président (M. Marcil): Bon, Mme la députée, est-ce que vous proposez l'ajournement?

Mme Bleau: Non. C'est que, comme on a cité de l'autre côté, toute la soirée, le journaliste Gilles Lesage, je me demandais si on devrait vraiment croire tout ce que M. Lesage écrit, puisqu'il dit aussi: "Los militants péquistes ont fait au congrès général de Saint-Hyacinthe un immense bond de vingt ans en arrière. " On en a eu un petit exemple ce soir.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme la députée de Groulx.

M. le ministre vous proposez...

M. Blais: Non, si c'est une question que vous me posiez, je peux y répondre avec plaisir.

Le Président (M. Marcil): Non, laissez faire, il n'y a pas de question.

M. Blais: Elle me demande s'il a toujours raison. Alors, je vais vous dire qu'il n'a pas toujours raison, mais que, de façon générale, c'est un assez bon analyste.

Le Président (M. Marcil): Donc, vous demandez le vote sur cette motion de forme?

M. Blais: Non, pas ce soir.

Le Président (M. Marcil): Comment pas ce soir?

M. Blais: Pas ce soir.

Le Président (M. Marcil): II faut absolument en disposer, c'est terminé.

M. Blais: Pardon?

Le Président (M. Marcil): II faut absolument disposer de cette motion.

M. Blais: M. le Président...

Le Président (M. Marcil): Oui, M. le député de Terrebonne.

M. Blais:... je voudrais vous demander une directive, en fait. Je tiens à vous demander une chose. Il arrive ceci, c'est que, lorsqu'on a présenté cette motion...

Le Président (M. Marcil): Oui.

M. Blais:... on nous a dit: Le proposeur a une demi-heure et les autres participants ont vingt minutes. Mais, au cours de la conversation, on a ramené notre temps de parole à dix minutes. Dans des circonstances comme celles-là, vous avez deux choix - mais, nous, nous n'en avons qu'un - soit de dire que les vingt minutes doivent être reconnues, premièrement, ou, deuxièmement, que pour les dix minutes qui restent, vous nous donnez le temps d'aller chercher un confrère pour qu'il vienne finir le temps qui reste. C'est vous qui avez le libre choix de le faire. On a été trompés par la commission, parce qu'on nous avait dit que nous avions vingt minutes.

M. Marx: Excusez-moi, M. le Président. Le Président (M. Marcil): M. le ministre.

M. Marx: Je pense qu'on demande le vote. Vous ne pouvez pas faire venir des collègues pour nous parler.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, s'il y a eu erreur dans l'interprétation, il faut dire qu'on ne peut aller contre les règlements.

M. Blais: Question de règlement.

Le Président (M. Marcil): Bien, je réponds à

votre question de règlement, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Monsieur en a une.

Le Président (M. Marcil): Laissez-moi répondre à la vôtre présentement.

M. Blais: Oui, d'accord, allez-y.

Le Président (M. Marcil): S'il y a quelqu'un qui a parlé de vingt minutes, il y a eu une erreur, car le règlement dit trente minutes pour le proposeur de la motion et dix minutes pour ceux qui interviennent par la suite. Donc, tout le monde a utilisé son temps. Vu qu'il n'y a plus personne qui doit intervenir présentement ou qui peut intervenir, je demanderais qu'on...

M. Blais: Concernant la question de règlement, j'aimerais que vous m'indiquiez quel est l'article du règlement qui vous justifie. Je suis d'accord avec vous, mais j'aimerais le savoir pour ma propre gouverne.

M. Marx: M. le Président, le vote. Il reste deux minutes et je veux qu'on vote avant minuit, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): En ce qui concerne la question de règlement, c'est l'article 209: "Sauf dispositions contraires, un député peut s'exprimer une seule fois sur une même question. Son temps de parole est de dix minutes pour une motion de forme - qui était celle-là - et de vingt minutes pour toute autre affaire. " Cela va?

M. Blais: Je suis d'accord avec vous, mais la deuxième partie de ma question de règlement, M. le Président, était la suivante.

M. Marx: Je demande le vote, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, M. le ministre.

M. Blais: Des motions, on peut en nommer 500; ce n'est pas parce qu'il n'y en a pas d'autres. La deuxième partie de ma question de règlement était la suivante: vu qu'on m'a informé que j'avais droit à vingt minutes et qu'il n'y en a que dix, de quelle façon peut-on me ramener à dix, sans m'en aviser avant mon intervention? Quel est le règlement qui vous justifie de me ramener à dix minutes après m'avoir dit vingt?

Le Président (M. Marcil): Partons du fait qu'un député doit connaître son règlement au départ.

M. Blais: Ah, non, ça là...

Le Président (M. Marcil): Àce moment-là, que voulez-vous, s'il y a quelqu'un qui vous a induit en erreur, je m'en excuse, M. le député.

Donc, à ce moment-là, la motion ayant été... S'il vous plaît! Vu que le temps est déjà limité et que tous les intervenants ont fait leur intervention, je demanderais le vote. J'appelle le vote, s'il vous plaît. Un vote par appel nominal?

M. Blais: Question de directive, M. le Président. Comment peut-on...

Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît!

M. Blais: J'ai droit à 25 questions de règlement, si je veux, M. le ministre.

Le Président (M. Marcil): Oui, mais le temps est limité.

M. Blais: Le temps est limité, mais il y a d'autres jours.

M. Marx: Le vote est demandé. M. Biais: M. le Président...

M. Marx: M. le Président, vous avez demandé le vote, qu'on l'appelle.

M. Blais: Qui préside?

Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît!

M. Blais: Qui préside?

M. Marx: Le vote a été demandé.

Le Président (M. Marcil): Je vous ai demandé de l'ordre, oui. Il n'y en a qu'un qui dirige ici, présentement, et c'est moi. D'accord? J'ai demandé le vote. Est-ce que vous voulez avoir un vote par appel nominal ou...

M. Blais: M. le Président, s'il n'était pas minuit, je voterais, mais il est minuit et je ne voterai pas. Demain.

Le Président (M. Marcil): J'appelle le vote.

M. Blais: II est minuit. Vous n'avez pas le droit, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Cela va. Je m'excuse, monsieur, mais j'avais déjà appelé le vote.

M. Marx: Nominal, M. le Président.

Le Président (M. Marcil): Appelez-le donc, Mme la secrétaire.

M. Blais: Sous protêt.

Le Président (M. Marcil): Vous appelez les votes.

M. Dufour: M. le Président, je suis obligé de vous dire qu'il est minuit.

Le Président (M. Marcil): Nous sommes obligés, M. le député, de disposer de cette motion. Les gens sont Intervenus. J'ai demandé le vote avant minuit. Madame, voudriez-vous appeler, s'il vous plaît, les députés ici présents au vote? Allez-y.

Des voix: II est minuit. II n'a pas le droit. Faites la parodie des votes. On va vous laisser cela, à vous autres.

La Secrétaire: M. Marx (D'Arcy McGee)? M. Marx: Contre.

Le Président (M. Marcil): Allez-y. Cela va, continuez, madame.

La Secrétaire: M. Blackburn (Roberval)?

Le Président (M. Marcil): M. Blackburn (Roberval)?

M. Blackburn: Contre

Le Président (M. Marcil): Contre.

La Secrétaire: Mme Bleau (Groulx) n'est pas là.

Le Président (M. Marcil): Continuez donc. La Secrétaire: M. Brouillette (Champlain)?

Le Président (M. Marcil): M. Brouillette (Champlain)?

M. Brouillette: Contre.

Le Président (M. Marcil): Contre

La Secrétaire: M Kehoe (Chapleau)?

M. Kehoe: Contre.

La Secrétaire: M. Marcil (Beauharnois)?

Le Président (M. Marcil): Contre

La Secrétaire: M. Doyon (Louis-Hébert)?

M. Doyon: Contre.

Le Président (M. Marcil): La motion est rejetée et j'ajourne les travaux à demain.

(Fin de la séance à 0 h 2)

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