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(Onze heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Dauphin): La commission permanente des
institutions est réunie afin de procéder à la
vérification des engagements financiers pour les mois de décembre
1985 et février à octobre 1988, relevant de la compétence
du premier ministre. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Je rappelle également
aux membres de cette commission que cette vérification se poursuivra
jusqu'à 13 heures. Quant aux règles qui devront nous
régir, je crois que vous vous êtes entendus pour aborder les
engagements de façon générale, quitte à revenir sur
des engagements particuliers par après.
M. Bourassa: J'accepte les propositions du chef de l'Opposition
sur les règles de procédure.
Le Président (M. Dauphin): D'accord. Sur la pertinence,
dans ce qu'on m'indique comme règlement, les questions doivent porter
sur le sujet de discussion, c'est-à-dire les engagements financiers.
Évidemment, si d'un commun accord vous décidez de déborder
le cadre de ces engagements financiers spécifiques, à ce
moment-là, comme président, je me donnerai le loisir de laisser
aller le débat sur l'objet du débordement/ Si vous vous chicanez,
j'essaierai d'exercer mon rôle du mieux que je peux. Est-ce que vous avez
des remarques préliminaires? M. le premier ministre.
Discussion générale
Dépôt du rapport sur
Petite-Rivière-Saint-François
M. Bourassa: M. le Président, étant donné
que ce n'était pas... Je voudrais déposer le rapport sur la
municipalité de Petite-Rivière-Saint-François que j'avais
promis au député de Lac-Saint-Jean. Ce que je disais
tantôt, c'est que c'est un peu une tradition dans des
développements potentiels, sur le plan immobilier, que le
ministère de la Justice fasse une vérification des titres. Ce
n'est pas une enquête policière. C'est une vérification des
titres que fait le ministère de la Justice quand il y a des
développements immobiliers. Je tiens à signaler qu'il n'y a pas
de décision encore de prise sur le développement de la
municipalité de Petite-Rivière-Saint-François. Donc, les
achats ont été faits purement dans une hypothèse plus ou
moins lointaine d'un développement immobilier, selon les circonstances.
Je veux simplement dire que je respecte cet engagement.
M. Chevrette: Si je comprends bien, M. le premier ministre, il
n'y a pas de conclusion de tirée. Ce n'est qu'un constat juridique que
vous faites.
M. Bourassa: C'est cela.
M. Chevrette: Des échanges de titres.
M. Bourassa: Oui.
M. Chevrette: Qui ont eu lieu entre quelle année et quelle
année?
M. Bourassa: Le sous-ministre de la Justice est ici. En quelle
année, monsieur?
M. Chamberland (Jacques): Les dix dernières
années.
M. Chevrette: Les dix dernières années.
D'accord.
M. Bourassa: Les dix dernières années. Il y en a
qui ont été achetés...
M. Chevrette: Avez-vous fait des constats? Y a-t-il des moments
précis? On parle, par exemple, du mandat confié à la firme
Roche en 1982. Voyez-vous des modulations dans les changements de titres, oui
ou non? Était-ce la même chose au cours des quelques mois qui ont
précédé l'annonce du ministre responsable du
Développement régional? Est-ce qu'il y a des constats que vous
avez pu faire?
M. Bourassa: Oui. Disons que l'annonce a été faite
dans un contexte - ce n'était pas dans un contexte de campagne de
financement - électoral, d'une certaine façon.
M. Chevrette: II n'y a personne qui vous avait demandé
ça. Je vous demande si vous avez fait des constats?
M. Bourassa: Non, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est
que chaque fois qu'on va dans des régions - je suis convaincu qu'il l'a
fait lui-même quand il était ministre du Tourisme -on parle des
projets à venir. Alors, probablement que le ministre du Tourisme,
lorsqu'il se promenait dans les centres de ski, devait dire, puisque je crois
qu'il y avait une entente fédérale-provinciale
là-dessus... Je suis convaincu que le
ministre du Tourisme, qui a toujours eu beaucoup de verve quand il
était ministre, devait dire: Vous allez avoir un développement
à tel endroit; j'ai mes amis à Ottawa qui vont donner une
subvention, etc. C'est un peu dans ce contexte.
M. Chevrette: On n'avait pas encore pris vos habitudes. Ce n'est
pas cela qu'on veut savoir. Est-ce que vous avez fait des vagues, par exemple,
de changements de titres à des moments précis? C'est cela que je
veux vous demander.
M. Bourassa: Au bas de la page 4. Le gros des transactions a eu
lieu il y a dix ans, mais les changements de propriétés des deux
dernières années ont affecté les lots contigus au
territoire, propriété du gouvernement du Québec. Alors,
c'est écrit: "Une attention particulière a été
accordée aux lots 220 à 300 du cadastre de la paroisse
Saint-François-Xavier et le document apparaissant à l'annexe 3
reproduit depuis dix ans jusqu'au 11 octobre 1988 les ventes ou autres titres
de cession inscrits à l'index des immeubles se rapportant à ces
lots. " Alors, on donne les noms des personnes concernées par ces
transactions: Hugues Roberge, Pierre Gingras, Noël Bouchard, Vital
Lévesque. C'est cela, M. le sous-ministre?
M. Chamberland: En fait, on a identifié les grands
propriétaires fonciers dans les territoires qui entourent la partie qui
avait été expropriée par le gouvernement provincial en
1976.
Le Président (M. Marcil): Cela va, M. le chef de
l'Opposition?
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre estime que ce
dossier mérite d'être fouillé davantage à partir des
constats qui se font, par exemple, ou s'il considère le dossier
clos?
M. Bourassa: Je veux dire que tant qu'il n'y a pas de
décision de prise sur le développement de la municipalité
de Petite-Rivière-Saint-François, je trouve que, pour l'instant,
c'est une étape qui est terminée. On a fait l'enquête et on
verra quand on prendra notre décision, si décision il y a. J'ai
dit au chef de l'Opposition que c'est un endroit exceptionnel pour un
développement, pour un centre de ski, mais il y en a déjà
deux autres dans la région. Il s'agit d'examiner les lois du
marché, de voir jusqu'où elles peuvent s'appliquer pour un autre
développement. Le site est l'un des meilleurs au Québec, mais il
n'y a pas de décision de prise et rien n'indique, dans les propositions
qui me sont faites, qu'une décision sera prise très prochainement
sur ce développement. Alors, on a acheté des terrains pour
investir dans le domaine forestier dans plusieurs cas, dans d'autres cas, cela
peut être relié à un développement
hypothétique et potentiel; mais tant qu'il n'y a pas de
développement de décidé, cela demeure des
hypothèses.
M. Chevrette: D'accord. Je voudrais aborder la question de la
langue dans un premier temps, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Disons qu'on va accepter le
dépôt. Cela va? Le rapport est déposé.
M. Filion: Je l'accepte. C'est le président de la
commission qui l'accepte.
Le Président (M. Marcil): En remplacement, à ce
moment-là, on est obligés de le faire comme cela. Donc, vous
voulez aborder un autre sujet?
Langue d'affichage
M. Chevrette: Oui, je voudrais aborder la question de la langue
sous l'angle d'abord de l'affichage.
M. Bourassa: Oui, pour faire changement.
M. Chevrette: Pour faire changement. Le premier ministre a sans
doute reçu, comme nous, le communiqué de presse du Conseil de la
langue française sur l'affichage. Il y avait un embargo jusqu'à
11 heures. Donc, on doit être corrects, puisqu'on a dépassé
de trois quarts d'heure...
M. Bourassa: Je ne l'ai pas eu encore, mais je vais
écouter le chef de l'Opposition qui va m'en faire un exposé
probablement très fidèle.
M. Chevrette: Je vais le lire mot à mot parce que je n'ai
pas l'habitude de parler d'autre chose que le sujet dont je veux parier. Donc,
ma question est la suivante, mais je vais vous lire au préalable un
point qui est souligné par M. Pierre Martel, le président. M.
Martel dit: "... que ces articles de la charte sur l'affichage doivent
être modifiés dans leur principe; qu'il y a
nécessité de préserver la valeur hautement symbolique de
l'affichage unilingue français et que ce maintien présente un
caractère raisonnable dans le contexte du Québec de 1988".
À partir de cet exposé, à partir aussi du fait que, dans
le factum ou la plaidoirie du Procureur général ou du ministre de
la Justice devant la Cour suprême on dit qu'il y va de la survie
même du français de bien garder l'affichage unilingue
français - c'était dans votre plaidoirie comme gouvernement -
comment le premier ministre peut-il concilier ces propos-là, les avis du
conseil qui en démontrent l'importance, les avis de son propre Procureur
général qui en plaidait la nécessité avec la
réponse qu'il a donnée en Chambre tantôt, selon laquelle,
pour lui, une simple notion de prépondérance suffirait? Comment
peut-il concilier cela?
M. Bourassa: J'avais répondu au chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Je remarque qu'il y a une nuance entre la
réponse d'hier et celle d'aujourd'hui; c'est un fait.
M. Bourassa: Je ne le sais pas, c'est vous qui la percevez, mais
ce que j'ai dit hier est tout à fait conforme à ce que j'ai dit
aujourd'hui. Les questions étaient différentes, les
réponses ne pouvaient pas être semblables. Si j'avais donné
absolument les mêmes réponses à des questions
différentes, le chef de l'Opposition aurait eu raison de protester, mais
je m'adapte aux questions du chef de l'Opposition. Ce que je lui dis, c'est
qu'il y a différents facteurs à considérer. Il y avait une
cause qui faisait l'objet d'un appel en Cour suprême, la cause de Singer
sur l'unilinguisme anglais. On ne pouvait pas, à ce moment-là, ne
pas aller en appel de la cause de Chaussure Brown's parce qu'on pouvait se
retrouver avec un jugement dans la cause Singer qui aurait affecté une
cause où il n'y aurait pas eu d'appel. C'est la raison que le Procureur
général a invoquée pour aller en appel.
Si le chef de l'Opposition me suit, du moment qu'il allait en appel
d'une cause qui avait été perdue, il fallait quand même
qu'il utilise les arguments, qu'il prolonge l'argumentation qui avait
été faite en Cour d'appel. Le chef de l'Opposition comprend que
le Procureur général, comme on le sait, décide
indépendamment du gouvernement; il est bien conscient, j'en suis
convaincu, de l'autonomie du Procureur général. L'administration
de la justice ne doit souffrir aucune partisanerie; il faut faire une
distinction très nette dans ses décisions et une action politique
du gouvernement. Si le Procureur général décide, pour des
raisons logiques, étant donné qu'on interjette appel de la cause
Singer, d'aller en appel d'une cause qui a été plaidée par
le gouvernement précédent, il doit garder l'argumentation.
Autrement, quelle serait l'utilité de l'appel si le Procureur
général disait: On applique le programme du Parti libéral
du Québec? Il n'était pas là en tant que ministre
libéral. Il était là en tant que Procureur
général. C'est pourquoi les arguments ont été
utilisés.
Un deuxième point que je voudrais signaler au chef de
l'Opposition, c'est que maintenant nous allons connaître le jugement de
la Cour suprême. Est-ce que, oui ou non, le discours commercial fait
partie de la liberté d'expression, c'est-à-dire est-il assujetti
à l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés,
est-il assujetti moralement, si je peux dire, à l'article 19 de la
Charte des Nations Unies que, dans une envolée lyrique, le
député de Taillon appuyait la semaine dernière? M. le
Président, on n'a qu'à relire le texte. Est-ce que, oui ou non,
le discours commercial fait partie de la liberté d'expression? Si c'est
le cas, si le plus haut tribunal du Canada, par hypothèse, dit que cela
fait partie du discours de la liberté d'expression, vous-même et
le Parti québécois aurez à réfléchir sur
cette décision. Je serais étonné qu'un parti qui, partout
où les libertés individuelles sont brimées, que ce soit au
Chili ou ailleurs, est à l'avant-garde au Québec des
défenses des libertés individuelles... Je me dis qu'au moins
certains éléments de votre parti auront à
réfléchir sur une décision comme celle-là, si le
discours commercial fait partie de la liberté d'expression.
J'examinais des jugements de la Cour suprême. Il y a eu un
jugement, il y a deux ans - la Société des Acadiens versus
l'association des parents - où on faisait une distinction entre - si
j'ai bien compris, je lisais cela en fin de semaine - des garanties juridiques
et des droits linguistiques, en ce sens que des droits linguistiques peuvent
reposer sur un compromis politique, alors que des garanties juridiques reposent
sur des principes. C'était un jugement de la Cour suprême d'il y a
deux ans, de 1986. La cause est différente de celle que nous avons
actuellement. Je ne peux pas tirer de ce jugement des conclusions sur le
jugement que nous aurons après-demain, mais je vous dis qu'il faut
attendre le jugement de la Cour suprême.
En terminant, je veux dire au chef de l'Opposition et au
député de Taillon, qui est l'expert très compétent
- si je peux dire, avec un minimum de partisanerie, mais relativement
compétent sur ces questions - que nous ne pouvons aujourd'hui donner la
position du gouvernement avant de savoir si, oui ou non, cela fait partie de la
liberté d'expression.
M. Chevrette: M. le Président, c'est aberrant pour
l'Opposition de constater que le gouvernement n'a pas encore, à deux
jours d'un jugement, le début de l'ombre d'une politique en
matière linguistique, en matière d'affichage, entre autres. C'est
quasi inconcevable que le premier ministre du Québec ait lancé
à peu près une centaine de ballons depuis trois ans. J'en ai
défilé au moins une quarantaine, vous vous rappellerez, au
discours inaugural, avec les dates. On a fait un relevé
systématique des essais du premier ministre du Québec. Le premier
ministre du Québec, à deux jours d'un jugement d'importance pour
la survie du français, tel que c'est indiqué dans le plaidoyer,
n'est pas encore capable de nous dire quelles sont les volontés
politiques du gouvernement du Québec en matière d'affichage
commercial au Québec. Son Conseil de la langue française,
chargé de le conseiller, lui dit: "II nous apparaît tout à
fait illogique de vouloir que le Québec se distingue comme
société française et de favoriser en même temps le
bilinguisme public au Québec. " C'est un organisme neutre, chargé
de la défense des droits linguistiques, de conseiller.
M. Bourassa: Nous sommes contre le bilinguisme, M. le
Président. J'ai déjà dit cela.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre pourrait aussi
s'inspirer des considérants du conseil? "Le conseil recommande en
conséquence au gouvernement de s'inspirer de la lettre et de l'esprit de
l'actuel article 58 et des règlements existants afin de préserver
le principe du visage français du Québec en y maintenant
l'affichage unilingue français. " C'est le conseil qui vous a dit cela,
ce matin, un organisme chargé de conseiller le gouvernement en
matière linguistique, qui a une vision claire, une argumentation
serrée. Imaginez-vous le chef du gouvernement! Lui, depuis trois ans,
aurait pu se faire une idée sur l'affichage commercial. Il savait que
c'était discuté à la Cour suprême et qu'un jour ou
l'autre, cela arriverait. Le premier citoyen de l'État n'est pas capable
de nous dire quelles sont ses pistes de réflexion. Aujourd'hui, ce
matin, il pouvait tout aussi bien dire qu'il se contenterait de la clause, de
la recommandation ou de la solution incluse dans le programme du Parti
libéral. Là, il vient de me répondre, dans la
première partie de son argumentation, que le cas de Chaussure Brown's le
satisferait peut-être, et tantôt il va peut-être nous dire
que le conseil a bien du bon sens. Il serait peut-être bon de sentir ce
qu'il a dans les tripes. Comme premier citoyen, est-ce qu'il a des convictions
en matière de langue? Est-ce que le premier ministre du Québec a
des principes fondamentaux auxquels il tient en matière d'affichage
commercial? Si oui, qu'il nous le dise et on va vibrer un peu avec lui. Ce
n'est pas une anguille qu'on veut qu'il nous passe entre les mains à
chaque question, qu'il nous passe de façons différentes: de temps
en temps par la tête, de temps en temps par la queue. On veut qu'il nous
dise carrément ce qu'il pense, ce qu'il a dans le cerveau. Il est
supposé avoir une idée lumineuse dans le cerveau qu'il est le
seul à connaître. Il y avait Mme la vice-première ministre
qui avait l'air par certains discours à s'en douter. Mais comme il est
le seul, est-ce qu'il pourrait nous faire partager ses brillantes
décisions pour que nous puissions rassurer les Québécois?
Je pense que dans un climat serein, dans un débat serein, on pourrait
faire une discussion de principe fondamental. Je pense que ça devrait se
faire.
Il y a des droits qu'une collectivité a le droit de se donner
démocratiquement et, le premier ministre en conviendra avec moi,
à un moment donné, une collectivité qui est en
péril a le droit de se donner des pouvoirs de sauvegarde, nonobstant
précisément certaines chartes de droits individuels.
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre?
M. Bourassa: Dans le communiqué dont je viens de prendre
connaissance, peut-être que je ne l'ai pas lu complètement, mais
je ne vois nulle part que le Conseil de la langue française recommande
l'utilisation de la clause "nonobstant".
M. Chevrette: Je vous réfère à la page 3, M.
le premier ministre.
M. Bourassa: Peut-être que c'est là, mais je ne le
vois pas.
M. Chevrette: Je vais vous le lire une autre fois. Je vais vous
envoyer ma copie soulignée.
C'est l'avant-dernier paragraphe de la lettre signée par M.
Martel, à la page 4.
M. Bourassa: Je l'ai lu. C'est écrit: "Le conseil
recommande en conséquence au gouvernement de s'inspirer de la lettre et
de l'esprit - cela pourrait être plus clair - de l'actuel article 58 -
s'inspirer de la lettre et de l'esprit, d'accord? - et des règlements
existants afin de préserver le principe du visage français du
Québec en y maintenant l'affichage unilingue français. "
M. Chevrette: Cela ne prête pas à trop
d'ambiguïté. Ce n'est pas la grosseur des lettres bilingues,
"unilingue français".
M. Bourassa: Oui, mais ce que je dis, c'est que le Conseil de la
langue française présume peut-être que la Cour
suprême va renverser la décision de la Cour d'appel.
M. Chevrette: Est-ce que je pourrais poser une question plus
pointue? Je sais que le premier ministre a beaucoup de difficulté
à répondre à une question. Il pourrait aussi bien nous
parier de la SAQ qui a réglé sa convention. Ce n'est pas
ça. Nous discutons de la langue d'affichage. Il y a un jugement qui va
sortir demain. Le jugement appartient jeudi, aux juges, de la Cour
suprême. Lui, comme premier ministre, au-delà du jugement,
au-delà de la Cour suprême, que pense-t-il en matière
d'affichage commercial? Vous, comme premier citoyen du Québec - oubliez
le jugement de demain - avez-vous des idées là-dessus? Qu'est-ce
que ça devrait être, pour vous, l'affichage commercial au
Québec?
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition pose des conditions comme
s'il arrivait de la planète Mars, il voudrait que le premier ministre du
Québec prenne position sans tenir compte du jugement de la Cour
suprême. Les tribunaux - pour vous informer sur les fondements
élémentaires de notre système politique - sont là
pour interpréter les droits. Le chef du gouvernement, s'il veut
être le moindrement responsable, va voir comment la Cour suprême,
cette cour que vous acceptez puisque vous me demandez de m'y
référer - comme je vous le disais hier - pour définir la
société distincte... Donc, vous ne pouvez pas renier la
pertinence du jugement de la Cour suprême. C'est un fait à noter.
L'Oppo-
sition officielle reconnaît la compétence de la Cour
suprême pour définir la loi. Donc, si vous reconnaissez la
compétence de la Cour suprême pour définir l'article 58, je
dis: Attendons de connaître le jugement, parce que, pour moi, c'est un
élément important. Et je suis convaincu que pour le
député de Taillon, c'en est un, pour le chef de l'Opposition,
pour le député de Mercier encore plus, pour la
députée de Maisonneuve qui fait partie de la Ligue des droits et
libertés également. Je suis convaincu que c'est important pour
plusieurs de vos députés, pour le président du parti
aussi, de savoir si la liberté d'expression comprend le discours
commercial. Dans le communiqué que vous me mentionnez ici, il n'est
mentionné nulle part... (12 heures)
M. Chevrette: Oui, mais...
M. Bourassa: Mais, M. le Président, c'est facile de dire:
On est pour telle politique, en écartant le jugement de la Cour
suprême. Mais je suis le premier ministre du Québec. J'ai un
gouvernement, j'ai des députés, il faut savoir si, oui ou non, la
Cour suprême... Parce que c'est un élément important. J'ai
des députés qui, si la liberté d'expression n'est pas
brimée, auront une position différente que si la liberté
d'expression est brimée. C'est probablement le cas aussi peut-être
de certains de vos députés ou de plusieurs de vos militants.
Alors, je dis au chef de l'Opposition que tant que je ne connais pas un
élément essentiel - la liberté d'expression qu'on a
fêtée sur tous les tons depuis quelques jours... Il y a une petite
minorité de peuples sur la planète qui jouissent de la
liberté d'expression. Il y en a beaucoup d'autres qui se battent pour
obtenir cette liberté d'expression, donc, c'est important d'en tenir
compte. Il va falloir attendre le jugement de la Cour suprême
là-dessus avant de pouvoir le définir, même si on a des
options bien précises, bien concrètes. Il faut connaître
cet aspect fondamental de l'interprétation de l'article 58.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): Oui, M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Je pense que le premier ministre ne veut pas,
délibérément, répondre à la question. La
Cour suprême, il le sait très bien, est là pour
interpréter des volontés politiques qui se sont
manifestées à un moment X. Il se permet souvent des cours de
droit, il doit donc savoir que la cour...
M. Bourassa: C'est un texte de loi.
M. Chevrette: Oui, mais je vais finir, M. le
Président.
M. Bourassa: Ce n'est pas une volonté politique;
j'interprète l'article 58.
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre.
M. Chevrette: Je ne vous interromps pas quand vous parlez.
M. Bourassa: Mais là vous dites des...
M. Chevrette: Ayez la même gentillesse, s'il vous
plaît.
M. Bourassa: Oui, je m'en excuse.
M. Chevrette: Quand une Cour suprême est appelée
à se prononcer sur l'interprétation d'une loi, cela ne veut pas
dire qu'elle vient changer la volonté politique d'un État ou d'un
gouvernement; elle ne fait qu'interpréter. On peut avoir fait,
censément au bon moment, un bon choix, et les jugements en cours de
route, comme ce fut le cas en l'occurrence, sont venus semer un point
d'interrogation sur la volonté politique. Mais la volonté
politique, à l'époque où on a voté la loi 101,
c'était véritablement d'avoir un affichage unilingue
français. Le premier ministre n'en disconviendra sûrement pas.
Est-ce à dire, maintenant que les textes peut-être ambigus ont
permis à des citoyens d'aller jusqu'en Cour suprême, que la
volonté politique qui existait chez les Québécois, dans
les gouvernements à l'époque, de garder un affichage commercial
français, est maintenant remise en cause? La Cour suprême va tout
simplement dire: Cela permet autre chose. Mais le Parlement, le gouvernement,
l'Assemblée nationale du Québec, c'est sur une modalité
qu'elle va se prononcer à ce moment-là. Si vous ne changez pas la
volonté politique qui existait au Québec à
l'époque, et qui devrait à mon point de vue continuer, cette
volonté politique, on va s'organiser pour la refléter dans la loi
purement et simplement, par une modalité que la Cour suprême va
peut-être nous indiquer, même. On va dire: Maintenant que cet
article 58 ne nous donne pas l'assurance de l'application de la volonté
politique du Québec, on va mettre le "nonobstant" et on va continuer
à appliquer la volonté politique des Québécois,
à savoir l'affichage unilingue français.
Mais le premier ministre se refuse carrément à parler de
la volonté politique et des principes. Il se retranche derrière
le jugement de la Cour suprême qui va venir juger purement et simplement
si le texte légal reflète bien la volonté politique. Dans
son for intérieur, il sait très bien qu'on sera obligés ou
non de mettre le mot "nonobstant", si on veut combler un vide juridique. S'il
est logique et s'il ne veut que combler le vide juridique, le comblera-t-il
dans le sens de la volonté politique des Québécois,
manifestée par les Québécois dans la loi 101, en disant
que c'était l'affichage unilingue français? C'est ce à
quoi il refuse de répondre en disant
continuellement qu'il se réfère, M. le Président,
au jugement de la Cour suprême. La Cour suprême va seulement nous
dire si c'est permis ou si ce n'est pas permis, tel que libellé. Mais
lui, comme premier ministre, à la tête d'un gouvernement, veut-il
l'affichage unilingue français, oui ou non? C'est cela la question de
fond à laquelle il n'a jamais accepté de répondre
clairement, sur laquelle il tergiverse.
M. Bourassa: Je ne sais pas si le chef de l'Opposition me
permettrait de lui poser une question, pour faire avancer le
débat...
M. Chevrette: En tout cas, chose certaine, je ne vous
répondrai pas sur la SAQ.
Le Président (M. Marcil): M. le chef de l'Opposition, vous
acceptez la question?
M. Chevrette: Bien oui.
M. Bourassa: Si, pour le chef de l'Opposition, la Cour
suprême, par pure hypothèse, décidait que le discours
commercial fait partie de la liberté d'expression - donc, c'est le plus
haut tribunal, on examine ça: il y a l'article 1 de la charte, il y a
l'article 9 de la Charte des droits et libertés qui permet
d'aménager, je ne dis pas qu'on ne pourra pas aménager le
français comme langue prioritaire - alors si la Cour suprême, par
hypothèse, disait que le discours commercial fait partie d'une
liberté d'expression, de l'application de la liberté
d'expression, est-ce que, pour le chef de l'Opposition, ceci serait une
matière plus ou moins pertinente dans sa décision, dans son
jugement?
M. Chevrette: Quant à moi, M. le Président, c'est
simple: j'ai fait personnellement le cheminement. À mon point de vue,
une collectivité a le droit fondamental, pour sa survie,
d'empiéter - et j'utilise le terme précis - sur les droits
individuels pour la survie d'une collectivité. Oui, j'ai fait le
cheminement et je prétends que la communauté francophone,
située dans une mer anglophone sur un continent nord-américain, a
ce droit le plus fondamental de se donner, comme groupe, comme
collectivité, ce pouvoir essentiel à sa survie. Ceci est mon
cheminement personnel et j'ai répondu à votre question.
M. Bourassa: D'accord, merci. Je prends note de la
réponse, mais j'aimerais vous poser juste une autre question.
M. Chevrette: C'est, je pense... Excusez! Je termine? Je pense,
à part ça, M. le Président, que le premier ministre a dit
la même chose que moi...
M. Bourassa: Non, d'accord. Ce que j'ai dit...
M. Chevrette:... sauf qu'N ne répond pas aussi directement
que je ne le fais.
M. Bourassa: D'accord. Alors, ma deuxième question - c'est
ma dernière question - c'est: Est-ce que...
M. Chevrette: Voyez-vous, c'est rendu que c'est le chef de
l'Opposition...
M. Bourassa: Non, mais...
M. Chevrette:... qui répond à la place du chef du
gouvernement.
M. Bourassa: Est-ce que le chef de l'Opposition, en
éliminant le jugement de la Cour suprême là-dessus, irait
jusqu'à interdire à un commerçant, à
l'intérieur de son établissement privé, d'utiliser sa
langue, tout en admettant le français, pour communiquer avec ses
clients?
Le Président (M. Marcil): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je suis très
heureux...
Une voix: Faites attention à votre question. Ça ne
marche plus.
M. Chevrette: Est-ce que vous pourriez répéter la
dernière phrase, parce que je lisais autre chose?
M. Bourassa: Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, que je
considère comme un démocrate, c'est ceci: pour la survie de la
langue française, de la culture française... Comme il le disait
lui-même en reprenant un peu ce que je disais, nous sommes le seul
gouvernement à détenir un mandat populaire pour défendre
et protéger la culture française; il n'y a pas d'autre
gouvernement responsable d'une majorité francophone. On est d'accord
là-dessus...
M. Chevrette: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Bourassa: J'essaie de voir si on ne pourrait pas être
d'accord sur un autre point. Est-ce que le chef de l'Opposition, qui est un
démocrate et qui l'a démontré à plusieurs reprises,
est également d'accord, dans sa conception des limites de la
liberté d'expression, pour empêcher, soit un consommateur, soit un
commerçant, dans la mesure où le français
bénéficie d'une priorité visible à
l'intérieur de l'établissement, est-ce qu'il irait, donc,
jusqu'à éliminer la liberté du commerçant
d'afficher, d'une façon accessoire, dans la langue de ses clients ou
dans sa propre langue?
M. Chevrette: M. le Président, le premier ministre n'a
même pas besoin de me poser la
question, il n'a qu'à lire l'article 60 de la charte actuelle qui
dit: "Les entreprises employant... " Il y a déjà des mesures qui
permettent ce qu'il dit.
M. Bourassa: Je suis d'accord...
M. Chevrette: Tes entreprises employant au plus quatre personnes,
y compris le patron, peuvent afficher à la fois en français ou
dans une autre langue dans leurs établissements. Toutefois, le
français doit apparaître d'une manière au moins aussi
évidente que l'autre langue. " Cela fait déjà
partie...
M. Bourassa: C'est ça.
M. Chevrette: Cela fait déjà partie... Cependant,
le premier ministre est habile.
M. Bourassa: "Au moins aussi évidente", vous auriez pu
renforcer ça un petit peu.
M. Chevrette: Au lieu de répondre aux questions de
l'Opposition, M. le Président, le premier ministre essaie de poser des
questions au chef de l'Opposition, pour essayer de faire pénétrer
la clause Dion qu'il n'a même pas été capable
d'interpréter correctement. M. Léon Dion, lui-même, lui a
dit: Écoutez, quand vous me citez, citez-moi donc dans un contexte
correct, parce que la seule clause valable et consistante dans les
circonstances, c'est la clause "nonobstant". Donc, n'essayez pas d'y aller par
la clause Dion ou de me demander si j'adhère à la clause
Dion.
M. Bourassa: Non, non, mais, là, vous citez l'article
60.
M. Chevrette: Moi, je vous dis que je partage
entièrement...
M. Bourassa: L'article 60. Bon! Alors,... M. Chevrette:
Est-ce que je peux répondre?
Le Président (M. Marcil): Oui, s'il vous plaît. M.
le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Je partage entièrement les vues du conseil
de la langue, en plus, qui dit que c'est un tout. Ce n'est pas tout d'arriver
avec une mesure exceptionnelle, il faut regarder la valeur pédagogique
des exceptions qu'on met dans une charte, à un certain moment. Mais
quand on vous dit que c'est important d'aller vers l'unilinguisme
français, regardez à la page 3, c'est très clair:
"Considérant que depuis l'instauration de la Charte de la langue
française en 1977 et, plus particulièrement depuis 1985, date du
dernier avis du conseil sur la question, la situation du Québec n'a pas
évolué de façon telle que les articles de la charte sur
l'affichage doivent être modifiés dans leur principe"... Il
constate même que, dans l'espace de huit ans, cela n'a pas
évolué au point d'avoir une certaine forme de
relâchement.
Au contraire, il insiste et il vous dit pourquoi l'unilinguisme
français est important dans l'affichage commercial: "... il y a
nécessité de préserver la valeur hautement symbolique de
l'affichage unilingue français et que ce maintien présente un
caractère raisonnable dans le contexte du Québec de I988". On
vous dit également "que l'affichage unilingue français apporte
des effets positifs sur la qualité de la langue et le bon usage des
termes employés; que la situation de l'affichage public a un lien
certain avec la langue d'accueil et la langue de service". N'essayez pas de
nous faire dire des choses dans une question adressée au chef de
l'Opposition: Seriez-vous d'accord avec un bilinguisme à
l'intérieur? Non, monsieur.
M. Bourassa: Mais vous venez de citer l'article 60.
M. Chevrette: Je ne vous dirai pas... Il y a des exceptions, des
modalités, mais ce n'est pas vrai que vous allez nous acheter avec un
contenant, un bel emballage en disant "Marché Bonsecours", mais "What do
your want, sir?", dès que tu franchis la porte; non.
M. Bourassa: Mais, encore là, pourvu...
M. Chevrette: On vous dit la raison de la valeur fondamentale de
la législation existante.
M. Bourassa: Là, on va établir ça
clairement, parce que c'est bon qu'on puisse connaître les parties.
M. Chevrette: Je pense bien d'ailleurs, que, de toute
façon, cela devrait, que je sache... Je veux bien être bon prince
envers le premier ministre, mais il serait peut-être bon qu'il commence
à assumer ses responsabilités et à répondre aux
questions. Après tout, c'est lui qui se targue, à tous les jours,
qui se pète les bretelles d'avoir 60 % de satisfaction. Pourrait-il se
contenter de répondre à nos questions? Et nous en avons encore
plusieurs.
M. Bourassa: D'accord, je ne poserai plus de questions au chef de
l'Opposition.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Ou bien, on va faire une chose: si cela ne lui fait
rien, on peut changer de côté de table.
M. Bourassa: Je ne poserai plus de questions au chef de
l'Opposition, mais je retiens de sa réponse que, quand je lui ai
posé une question sur les limites de la liberté d'expression du
commerçant, lorsqu'il discute ou communique
avec sa clientèle ou lorsque le consommateur communique avec le
commerçant, tout en acceptant une priorité visible du
français, plus qu'équivalente, comme il est dit à
l'article 60, le chef de l'Opposition a répondu par l'article 60.
Bien, il a cité l'article 60 dans sa réponse, on pourra le
vérifier. Donc, le chef de l'Opposition admet la pertinence de
permettre, au moins en vertu de l'article 60 - je peux poser les mêmes
questions au député de Taillon, s'il le veut - au
commerçant, tout en ayant le français comme langue prioritaire,
pas équivalente mais prioritaire - votre article 60 est un peu faible -
tout en permettant, donc, la priorité visible du français, de
commercer ou de communiquer avec ses clients, et vice versa, dans la langue de
ses clients ou dans sa langue, étant donné qu'on parle d'un
établissement privé. Si je comprends bien l'esprit du chef de
l'Opposition, il est réticent à éliminer la liberté
d'expression, à l'intérieur d'un établissement
privé, pour une commerçant, si le français est
déjà présent d'une façon prioritaire et
obligatoire. C'est ce que j'ai compris des propos du chef de l'Opposition, mais
il limite ça à quatre employés et moins.
M. Chevrette: Le principe général est clair pour
nous: c'est l'affichage unilingue français et son importance
également. Si on a senti, à l'époque, le besoin de mettre
des restrictions pour les petits commerces familiaux, ce n'est pas pour rien
qu'on l'a fait. Il est important sur le plan non seulement du visage, mais
aussi de la conviction de voir que la langue de service, la langue d'accueil va
se perpétuer au Québec. Il faut également, et vous le
savez très bien... Tout commerce d'envergure n'est pas couvert par la
clause 60, précisément à cause de l'effet
pédagogique que cela a, à cause de son effet important sur les
mentalités, sur l'ensemble de nos concitoyens. Vous ne me ferez pas
répondre autre chose que ce que je vous ai répondu.
Je vous ai répondu deux choses claires, M. le premier ministre.
La première, c'est que les Québécois, majoritairement
francophones dans cette mer anglophone, ont le droit le plus fondamental, le
plus sacré, je dirais même, de se donner un projet de loi pour la
sauvegarde du français, indépendamment, à mon point de
vue, à part ça - et je vais loin - des chartes et je l'ai dit, ce
sera par la clause "nonobstant". Cela ne peut pas être plus clair comme
réponse. (12 h 15)
M. Bourassa: Non.
M. Chevrette: Quant aux exceptions existantes, on dit: L'aile
parlementaire - et on ne s'est pas gênés, M. le
député de Taillon l'a dit à plusieurs reprises - maintient
- je pense que c'est d'ailleurs notre rôle fondamental ici - les
exceptions qui existaient. À ce moment-là, le premier ministre
pourrait-il nous dire, exactement comme je le lui ai dit, s'il considère
comme fondamental pour la collectivité francophone
québécoise l'unilinguisme français dans l'affichage
commercial?
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je vais répondre au
chef de l'Opposition. D'abord, je note - et je m'en réjouis, d'une
certaine façon - que le chef de l'Opposition paraît
réticent a éliminer la liberté d'expression à
l'intérieur des établissements privés, si le
français est déjà présent,
prépondérant et obligatoire.
M. Chevrette: Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
M. Bourassa: C'est ce que vous avez dit; vous avez cité
l'article 60! Je crois que le chef de l'Opposition ne doit pas en avoir
honte.
M. Chevrette: Non, je n'ai pas honte de ce que je dis, mais
j'aimerais que vous répétiez ce que je dis, par exemple.
M. Bourassa: II ne doit pas avoir honte de vouloir respecter la
liberté d'expression, pas plus que le député de Taillon ne
doit avoir honte d'avoir changé d'idée sur la loi 142. Je pense
que c'était une loi humanitaire pour permettre à la
minorité anglophone d'avoir des services de santé, qui ne sont
pas des services superflus, dans leur langue. Alors, je pense que le
député de Taillon, il faut l'en féliciter et dire que son
changement d'attitude vis-à-vis d'une loi humanitaire est bienvenue pour
tous les démocrates que nous sommes.
M. Chevrette: Je vous repose la question quand même. On
n'est pas en Chambre, M. le premier ministre. Je vous repose la question.
Jeudi, si la Cour suprême déclare que la langue d'affichage
commercial doit être le français, on applaudit, tout le monde.
Mais si elle annonce que notre clause n'est pas à toute épreuve
et qu'il nous faut aller avec une clause "nonobstant", est-ce que vous
êtes d'accord pour dire que vous allez défendre ce droit collectif
fondamental, soit celui d'avoir l'affichage unilingue français, et qu'on
ne doit pas y changer un iota? Êtes-vous d'accord pour le maintien
intégral de la loi 101 en ajoutant le mot "nonobstant"?
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Temporairement ou d'une façon permanente?
M. Chevrette: Au mois de décembre, s'il y a un vide
juridique, êtes-vous d'accord pour dire que la loi 101 doit être
restaurée?
M. Bourassa: Mais est-ce que vous voulez une clause "nonobstant"
temporaire ou permanente?
M. Chevrette: Quand on discute, quand on dépose un projet
de loi...
M. Bourassa: Non, mais...
M. Chevrette:... on ne dit pas: On le reverra au mois de mai.
Vous le reverrez si vous voulez. Je vous demande si, jeudi matin, devant le
vide juridique, vous êtes prêt à reconduire
intégralement la loi 101, telle qu'elle existe présentement.
M. Bourassa: Si je pose la question, M. le
Président...
M. Chevrette: C'est parce que vous êtes là. Vous
êtes censé répondre, M. le premier ministre.
M. Bourassa:... c'est parce que vous avez demandé une
clause "nonobstant" sur le plan permanent. Or, j'entendais M. Parizeau, le
président du parti, lui aussi un grand démocrate, dire, à
la Chambre de commerce de Terrebonne, il y a quelques jours - dans son futur
comté; non, ce n'est pas son futur comté - ou en rencontrant les
médias avant son discours, qu'il fallait mettre la clause "nonobstant"
d'une façon temporaire, alors que vous, vous nous la demandez d'une
façon permanente. C'est pourquoi je vous ai demandé si, oui ou
non, vous voulez une clause "nonobstant" temporaire ou permanente.
Deuxièmement, je veux dire au chef de l'Opposition, qui a dit
à plusieurs reprises qu'on avait invoqué la clause "nonobstant"
dans plusieurs lois, soit celle des agriculteurs, la loi 107, que jamais elle
n'a été invoquée à la suite d'un jugement de la
Cour suprême. Il ne faut quand même pas... Ce n'était pas en
vertu de la liberté d'expression. Il ne faut pas comparer des oranges
avec des pommes. On l'a placée dans le cas des programmes pour les
agriculteurs ou d'autres exemples...
Une voix: L'éducation.
M. Bourassa: Oui, pour la question de la confessionnalité.
Mais, là, la situation qu'on aura à vivre, ce n'est pas celle que
vous avez vécue. D'ailleurs, vous n'avez pas voulu mettre la clause
"nonobstant" dans la Charte des droits et libertés de la personne. Vous
n'avez pas voulu le faire, parce que mes avis juridiques - peut-être que
le député de Taillon en a d'autres - disent que s'ils avaient
placé cette clause "nonobstant" vis-à-vis de la Charte des droits
et libertés de la personne, il n'y aurait pas de vide juridique le 15
décembre ou le 19 décembre, si la Cour suprême invalide
l'article 58. Donc, c'est à cause d'une décision que je ne
blâme pas. Elle s'explique par cette espèce de vieux
réflexe qu'a le Parti québécois, surtout en se
référant à l'inspiration de son père fondateur. On
sait jusqu'à quel point le père fondateur du Parti
québécois était profondément attaché aux
droits et libertés de la personne. C'est probablement sous son influence
que vous n'avez pas voulu assujettir cette Charte des droits et libertés
à la loi 101. Alors, c'est à cause d'une décision fort
respectable que ce vide juridique existe.
Ce que je veux dire au chef de l'Opposition, c'est que la
décision que le gouvernement aura à prendre après le
jugement, il ne peut pas l'annoncer aujourd'hui, puisqu'il ne connaît pas
le jugement. Il faudra qu'il tienne compte que ce sera la première fois
que la Cour suprême, si c'est le cas, invalidera un article d'une loi
parce que contraire à la liberté d'expression. Mais on ne peut
pas définir les positions du gouvernement, je l'ai dit, j'ai
déjà été poursuivi pour outrage au tribunal en
commentant une décision de la Cour suprême, je ne peux quand
même pas expliquer sur des positions hypothétiques du
gouvernement. Je peux parler du programme du parti, j'en ai parlé. On a
parlé de différentes options qui ont toutes leurs avantages et
leurs inconvénients. On va en discuter au caucus, on va en discuter au
Conseil des ministres, on va en discuter au conseil général, mais
je ne peux pas définir la politique du gouvernement avant de
connaître le jugement...
M. Chevrette: Mais M. le Président...
M. Bourassa:... je serais totalement irresponsable.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Marcil): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette:... l'irresponsabilité vient
précisément du fait que ce n'est pas un vide juridique qu'on
aura, c'est un vide politique. Cela fait trois ans qu'il est là et, en
matière linguistique, le premier ministre n'a pas encore fait
connaître sa politique. Quand il a été condamné,
c'est parce qu'il avait dit qu'il ne respecterait pas la loi. Le jugement,
c'est très différent. Ces très différent de dire
d'avance: La Cour suprême a le droit fondamental d'interpréter une
clause dans un article d'une loi...
M. Bourassa: Mais je...
M. Chevrette:... mais la volonté politique du gouvernement
est la suivante: c'est de conserver le visage français. Si notre article
ne nous le permet pas, nous prendrons les moyens pour qu'y nous le permette.
Cela, il n'y a rien qui empêche le premier ministre du Québec de
faire ça. Si ce n'est...
M. Bourassa: Je n'ai pas été...
M. Chevrette:... son manque, son absence totale de volonté
politique ou de clairvoyance politique en matière linguistique. Je suis
persuadé qu'il ne sait pas encore, au moment où on se parle, ce
qu'il va proposer à ses troupes. Ce ne sont pas des farces! C'est le
premier ministre du Québec. À force de ménager la
chèvre et le chou, comme il l'a toujours fait en matière
linguistique, il indisposera les deux communautés plutôt que de
régler le dossier une fois pour toutes, avec beaucoup de lucidité
pour la sauvegarde du français.
Vous savez très bien, M. le premier ministre, que vous vous
refusez même, comme premier citoyen du Québec, à dire
à l'ensemble de la communauté francophone, que votre
volonté est à toute épreuve pour la sauvegarde du
français. Vous allez essayer, encore assis à cheval sur une
clôture, de souhaiter... Quand il est devant les Anglais, là il
est le gros défenseur de la langue: Je suis le seul premier ministre
à la tête d'un gouvernement majoritairement francophone, au
Québec. Là, on voudrait que vous disiez aux francophones ce que
vous avez dit au Globe and Mail, qui s'adressait surtout aux citoyens
anglophones. On aimerait que vous disiez aux francophones
québécois: Je suis fier d'être à la tête du
seul gouvernement où il y a une majorité francophone et, si la
Cour suprême devait analyser que notre article risque
précisément d'atténuer la portée de la loi 101 qui
nous protégeait, je m'engage solennellement à prendre les
mesures, les dispositions, pour assurer, à toute épreuve,
l'unilinguisme français dans l'affichage commercial, en étant
conscient, bien sûr, que je pourrais, éventuellement, aller
jusqu'à brimer certains droits individuels, mais pour la sauvegarde de
ce droit fondamental de la collectivité, je suis prêt à le
faire. Le premier ministre du Québec n'ira jamais jusque-là. Il
n'ira jamais jusque-là et les deux communautés vont se
questionner encore au lendemain de ça, parce qu'il va essayer de sauver
les deux, vous savez. Il est tiraillé: Tu sais, Pierre, je ne sais pas
quoi faire avec ça. À deux jours du jugement au lieu de dire: Tu
sais, Pierre, je ne sais pas quoi faire avec cela, il pourrait peut-être
dire: Je commence à y voir clair; je m'en vais dans cette direction
là et je vais aviser mes juristes, Je vais donner un mandat à mes
juristes afin qu'ils trouvent la formule qui assurera, sans l'ombre d'un doute
- on sait déjà que c'est le "nonobstant" qui est la formule la
plus claire, mais quand même... Alors, qu'il leur donne le mandat de
rédiger un projet de loi en ce sens. Ce serait de la clairvoyance; ce
serait également la preuve d'un sens des responsabilités
vis-à-vis de la seule communauté en Amérique du Nord qui
est majoritairement francophone, qui a un droit collectif inaliénable,
un droit collectif sacré.
Cela dit, M. le Président, je comprends donc que c'est un refus
systématique de répondre et de s'engager dans cette voie. Je vais
demander à mon collègue de Taillon d'expliquer à ce
charmant premier ministre ce qui est arrivé au cours des
premières années, à savoir pourquoi on n'a pas mis la
clause "nonobstant" au départ. C'est parce qu'on n'en avait pas besoin.
Je voudrais lui rappeler que c'est par la suite que son collègue et ami
libéral M. Trudeau, a procédé au rapatriement
unilatéral, et que la fameuse notion du mot "nonobstant" ne vient pas du
Québec, mais que ça vient des provinces canadiennes qui, à
un moment donné, au cours de la nuit des longs couteaux, ont dit: Si tu
ne mets pas la clause "nonobstant" pour qu'on puisse s'y soustraire... En ce
qui regarde la charte canadienne, vous savez très bien que ça
n'aurait pas passé, même durant la nuit des longs couteaux, si
ça n'avait pas été inclus. M. Trudeau n'en voulait pas,
mais il a été obligé de le prendre, à la
dernière minute, pour avoir la majorité.
Si vous voulez être honnête sur toute la ligne, dites au
moins que la charte canadienne des droits a été incluse dans la
constitution, lors du rapatriement unilatéral, seulement parce que les
provinces ont fait inclure la notion du mot "nonobstant". Si des provinces,
même anglophones, exigeaient de M. Trudeau et de son gouvernement
l'inclusion d'une clause "nonobstant" pour venir à bout d'avoir une
constitution canadienne, n'allez pas reprocher au Québec de ne pas
l'avoir mise puisque, à l'époque, on n'en avait pas besoin. Ce
sont les jugements postérieurs à la sanction de la loi 101 qui
nous y ont amenés. De toute façon, le député de
Taillon vous l'expliquera en juriste beaucoup mieux que moi. Mais vous saviez
au moins ça, et jamais vous n'avez osé le dire.
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre.
M. Bourassa: D'abord, je veux juste rectifier un fait: je n'ai
pas été condamné pour outrage au tribunal.
M. Chevrette: C'est vous qui nous avez dit ça tout
à l'heure.
M. Bourassa: Non, j'ai dit que j'avais été
poursuivi.
M. Chevrette: Poursuivi. Je n'ai pas dit: condamné.
M. Bourassa: Je n'en fais pas reproche au chef de l'Opposition,
mais j'ai été poursuivi, durant la campagne électorale de
1973, parce que j'avais dit: Quoiqu'il arrive dans le jugement, nous allons
faire telle et telle chose, nous allons développer la Baie James. Mais
il n'y a pas eu de condamnation. Cela a été fait durant la
campagne électorale de 1973 et, évidemment, le résultat de
la campagne, le député le connaît bien, même s'il
avait voté contre moi à ce moment-là. Il
était président de l'association du Parti
québécois de Joliette, en 1973, et ça ne m'a pas
empêché de le nommer à la commission Cliche, par la suite,
parce que je connaissais ses grands talents, mais il n'y avait pas eu de
condamnation.
Le chef de l'Opposition dit...
Une voix:...
M. Bourassa: Non, ça montre qu'on est objectifs dans nos
nominations.
M. Chevrette: Non, la commission Cliche, c'était en
1974.
Le Président (M. Marcil): Bon, si vous voulez...
M. Bourassa: Non, vous avez été président de
l'association du Parti québécois et vous avez
démissionné pour être nommé à la commission
Cliche.
M. Chevrette: Le président...
M. Bourassa: Peut-être que vous en auriez besoin d'un,
à vous écouter, parfois.
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, M. le
premier ministre!
M. Bourassa: Ce que je peux dire au chef de l'Opposition... Il
dit que je n'ai pas pris de décision, etc., il joue au voyant - je ne
sais pas quelle expérience il a là-dedans. Moi, ce que je veux
lui dire, c'est que j'apprécie que, quand je lui ai posé une
question formelle sur la liberté d'expression, il ait manifesté
une réticence. Dans ce contexte, je retrouve le démocrate que
j'ai toujours connu et je pense que le fossé qui sépare les deux
partis n'est pas si important qu'on ne le croit.
En ce qui a trait à son dernier point, qui sera soulevé
par le député de Taillon, je réfère le
député de Taillon à l'article 52 de la Charte des droits
et libertés de la personne. C'est une question juridique. Encore une
fois, je ne blâme pas le gouvernement d'avoir donné
priorité à la charte, cette charte qu'il a distribuée dans
tous les foyers. C'est curieux, vous n'avez pas distribué la Charte de
la langue française dans les foyers. Pourquoi avez-vous distribué
la Charte des droits et libertés et n'avez-vous pas distribué la
loi 101 dans tous les foyers? C'est parce que vous considériez que
ç'avait une certaine priorité, et je ne vous en blâme pas.
C'est en vertu de l'article 52 que vous n'avez pas osé donner
priorité à la loi 101, alors que vous me demandez de le faire. Ce
que vous n'avez pas osé faire quand vous étiez au pouvoir, vous
voulez que je le fasse.
Le Président (M. Marcil): M. le député
de
Taillon.
M. Filion: M. le Président, d'abord, pour régler ce
sur quoi le premier ministre nous entretient depuis quelques jours, eu
égard aux agissements du Parti québécois dans le
passé, comme il a d'excellents juristes autour de lui, notamment Me
Samson, j'inviterais le premier ministre à se faire expliquer une
disposition de l'article 16, du chapitre 61 de nos lois, ainsi que le
décret du gouvernement du Québec du 26 juin 1985. Mais, en deux
mots, afin de résumer ça pour le premier ministre, je lui dirai
que ce n'était pas nécessaire, d'autant plus qu'en
première instance, nous avions gagné le jugement devant le juge
Dugas. Mais ceci, finalement, c'est uniquement pour répondre... (12 h
30)
M. Bourassa: Mais, ce n'était pas...
M. Filion: Si vous me permettez de terminer, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: D'accord.
M. Filion:... c'est uniquement pour répondre au
dérapage qu'il y a eu dans vos propos, depuis deux jours. C'est
plutôt sur le fond du problème que je voudrais vous
questionner.
M. Bourassa: Est-ce qu'on peut régler cette
question-là? Le jugement Dugas était différent du jugement
Boudreault. Le jugement Dugas était sur le fait d'imposer le
français; le jugement Boudreault était sur le fait d'interdire
l'anglais.
M. Filion: Oui, mais écoutez...
M. Bourassa: Donc, ce n'est pas du tout la même chose.
M. Filion: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Lisez l'article 52 sur la clause dérogatoire,
c'est pour ça... Alors que vous l'avez fait contre la charte canadienne
- la charte canadienne, c'était le 1er février - vous n'avez pas
osé le faire pour la charte québécoise. Je vous comprends,
mais c'est pour ça que, possiblement, il y aura un vide juridique. Je ne
dis pas qu'il va y en avoir un, cela dépend du jugement. Mais, si on
doit envisager un vide juridique à la suite du jugement de la Cour
suprême, selon le contenu du jugement, c'est parce que vous n'avez pas
voulu traiter...
M. Filion: Non, ce n'est pas exact.
M. Bourassa:... la charte québécoise comme la
charte canadienne.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Taillon.
M. Filion: Mais là, je pense que c'est
réglé. J'ai référé le premier ministre aux
articles pertinents...
M. Bourassa: Lisez l'article 52.
M. Filion:... et II ne devrait pas nous reprocher ce que
lui-même ne veut pas faire, finalement. Mais je le réfère,
M. le Président...
M. Bourassa: Je ne dis pas... Je ne vous le reproche pas.
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, M. le
premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je ne reproche pas au
député de...
M. Filion: J'ai laissé le député de
Saint-Laurent terminer son intervention, alors j'apprécierais qu'il
respecte un peu mon droit de parole.
M. Bourassa: Je ne le lui reproche pas, c'est faux. Je ne vous le
reproche pas, je vous en félicite.
M. Chevrette: Bon, bien, laissez-le parler. M. Filion:
Bon, alors arrêtez d'en parler.
M. Bourassa: Mais je vous dis que c'est à cause de cette
décision valable qu'il y a un vide juridique.
M. Filion: Mais, moi, je vous explique le sens de la
décision...
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît!
M. Filion:... avec l'article 16 de la loi ainsi qu'avec le
décret du gouvernement du Québec qui règle tout le
problème. Terminé le dérapage, allons un petit peu, M. le
premier ministre, au fond des choses. Cela fait trois ans que, de ce
côté-ci de la Chambre en tout cas, on vous entend déraper,
tergiverser sur la question linguistique. Manifestement, vous êtes
tenté par des solutions qui iraient dans le sens d'un adoucissement des
règles actuelles de la loi 101 pour inclure une forme d'affichage
bilingue intégral ou une forme d'affichage bilingue intégral
à l'intérieur des commerces. Est-ce que je pourrais demander ceci
au premier ministre: Au-delà du message symbolique qu'envoie toute forme
de bilinguisme dans l'affichage - et c'est d'autant plus important parce qu'il
y a toute la question de nos immigrants aussi et le premier ministre
connaît le contexte démographique - est-ce qu'il est conscient des
conséquences d'une modification des règles actuelles relativement
à la langue de service et à la langue de travail?
Je vais illustrer mon propos pour le premier ministre: Aujourd'hui, vous
savez, il y a beaucoup d'unilingues, même une majorité
d'unilingues francophones qui ne parlent qu'une langue; ils ne parlent pas deux
langues. Ces gens-là se cherchent, à juste titre, des emplois.
Est-ce qu'il ne serait pas justifié, M. le premier ministre, à
partir du moment où vous modifiez les règles de l'affichage
à l'intérieur des commerces, d'entrevoir des conséquences
énormes pour la langue de service et la langue de travail?
Êtes-vous conscient, en deux mots, que le débat sur l'affichage,
en plus de comporter une valeur symbolique importante, à l'aube du
libre-échange, notamment, que vous chérissez tant et que, de
notre côté, nous chérissons également... Donc, en
plus de devoir envoyer le message clair qu'il n'a pas envoyé pendant
trois ans parce qu'il était pris avec son cube Rubik tronqué, qui
est le programme du Parti libéral infaisable, impossible, la quadrature
du cercle que le premier ministre cherche depuis trois ans, le premier ministre
est-il conscient des conséquences des décisions qu'il sera
appelé à prendre dans les jours qui viennent, en ce qui concerne
la langue de service et également l'importante langue du travail? Oui ou
non, est-ce que le premier ministre a examiné ces volets-là?
Sinon, nous pourrons l'entretenir plus longtemps là-dessus.
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, d'abord, n'y mêlons
pas le libre-échange, je vous en prie. Il y a des pays qui sont
regroupés depuis 30 ans - comme le sait fort bien le
député de Taillon - je pense à la Belgique avec
l'Allemagne, la France et l'Italie. Alors, ce n'est pas parce qu'on va
réduire les tarifs, d'ailleurs, 80 % des exportations du Québec
sont déjà exemptes de tarifs et, franchement, le
libre-échange n'a pas affecté le français. Ce n'est pas
parce qu'on va exporter sans tarif que la culture française va
être en danger. Il ne faut quand même pas exagérer. Le
libre-échange est une forme minimale d'intégration
économique. On ne parle pas de marché commun, on ne parle pas de
mobilité de main-d'oeuvre, on ne parle pas de mobilité de
capitaux. Alors, n'exagérez pas, si vous voulez demeurer
crédible.
Pour ce qui a trait à sa question sur le message, je retourne
à la nouvelle philosophie modérée, lucide, assez
responsable, en partie à tout le moins, du député de
Taillon, avec son projet de loi 191. Je retourne à ce que je disais
tantôt. S'il admet que dans le domaine des soins de la santé, on
puisse communiquer en anglais... C'est ce qu'il a admis quand il a
décidé de ne pas inclure le rejet de la loi 142, contre laquelle
il avait voté. Pardon?
Si vous me répondez, si vous voulez m'éclairer, je n'ai
aucune objection. Alors, ce que je conclus des propos du député
de Taillon,
c'est qu'il dit: Dans la loi 142, c'est vrai, on est dans l'Opposition,
on l'a combattue férocement sur tous les tons. Maintenant, on
décide de la respecter. Et cela, je ne l'en blâme pas. Je lui dis
que cela révèle quand même une ouverture du caucus
parlementaire vis-à-vis des questions comme celles-là.
Ce que je lui dis, c'est que si la Cour suprême décide que
le discours commercial fait partie de la liberté d'expression, je pense
que c'est un élément dont on doit tenir compte. Surtout le
député de Taillon, qu'il relise ses propos de vendredi dernier
sur la Charte universelle des droits de l'homme. Je ne comprends pas son
approche absolutiste, de tout ou rien sur cette question, alors qu'il est
tellement nuancé sur d'autres questions. Comme si la culture
française ou l'avenir de la culture française devait être
menacé par un certain assouplissement, étant donné la
question fondamentale d'une valeur comme la liberté d'expression.
M. le Président, le programme du Parti libéral comporte un
assouplissement de la loi 101 pour ce qui a trait à l'affichage. Le
programme du Parti libéral veut établir une priorité du
français en même temps qu'un programme sur plusieurs autres
secteurs. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. C'est évident que
notre programme est différent du vôtre. Mais ce que je demande au
député de Taillon, comme je l'ai demandé au chef de
l'Opposition, c'est si la décision de la Cour suprême
l'indiffère totalement sur la liberté d'expression.
Le Président (M. Marcil): Bon, alors, M. le
député de Taillon?
M. Filion: M. le Président, peut-être un commentaire
et une question. Vous savez, la charte des droits elle-même contient des
clauses "nonobstant". Les programmes d'accès à
l'égalité en sont une illustration contenue à
l'intérieur même de la charte. Alors, le premier ministre
lui-même contribue à une forme de renversement, si l'on veut, des
droits à l'égalité puisqu'on cherche à favoriser,
par les programmes d'accès à l'égalité une certaine
catégorie de citoyens qui, à cause d'un contexte particulier,
sont victimes d'une situation renversée, "reversed discrimination",
comme on dit aux États-Unis.
Est-ce que le premier ministre n'est pas conscient que l'on se retrouve
présentement avec un climat détérioré sur le plan
linguistique, à cause du contexte géographique, culturel,
politique qu'il a créé lui-même en laissant faire le
gouvernement fédéral avec son projet de loi C-72 et en laissant
le nombre d'infractions à la loi 101 augmenter de 144 % depuis qu'il est
au pouvoir? Tout cela est causé par son attitude de badinage et de
patinage autour de la question linguistique.
Cela, ce sont les organismes qui le disent, ce n'est pas l'Opposition,
M. le premier ministre. C'est un élément dont il faut tenir
compte, actuellement. Nous ne sommes pas en 1982, nous sommes en 1988,
assistant à un net recul de la langue française au Québec.
Ce net recul fait partie du contexte politique dont le premier ministre a le
devoir, actuellement, de tenir compte. Alors, c'est ce que je dis, simplement,
au premier ministre, puisqu'on ne s'entend pas des deux côtés de
la Chambre, sur cette question depuis trois ans. Puisque les convictions du
premier ministre sont encore plus insondables que le secret de Fatirna ou de
celui qui l'a confié à Fatima, ce que je dis au premier ministre.
C'est ceci: Bon Dieu! On a créé le Conseil de la langue
française qui vous dit aujourd'hui - vous n'avez pas eu le courage de
lui demander un avis - lui-même, il prend l'initiative, ce matin,
d'alerter l'opinion publique, d'alerter le gouvernement sur ce qui risque de se
produire. Le conseil, comme il l'a fait en 1983, comme il l'a fait en 1985, cet
organisme, dont vous avez nommé le président... C'est sur votre
recommandation que M. Martel a été nommé à
l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec, donc, ce
n'est pas un organisme gouvernemental - à ce sujet, l'un de vos
ministres a également dérapé en ce qui concerne le
président de la Commission des droits de la personne. Bref, une personne
nommée par l'Assemblée nationale prend la plume ce matin,
à deux jours du jugement de la Cour suprême, pour vous dire quoi?
Qui vous dit, M. le premier ministre, à la page 4: Le conseil recommande
en conséquence au gouvernement de s'inspirer de la lettre et de l'esprit
de l'actuel article 58 et des règlements existant afin de
préserver le principe du visage français du Québec, en y
maintenant l'affichage unilingue français.
Je suis d'accord avec vous, M. le premier ministre: le jugement de la
Cour suprême, on ne l'a pas. Actuellement, il faut l'attendre, bien
sûr. Mais, ce qu'on vous dit, c'est que si le Québec perd sa cause
devant la Cour suprême pour maintenir l'affichage unilingue
français il faut introduire une clause "nonobstant". Si le Québec
gagne sa cause en Cour suprême, comme chef du Parti libéral du
Québec, avec le cube de Rubik tronqué que vous avez en main
depuis trois ans, ce que vous devez faire, c'est retirer la promesse
inconsidérée que vous avez faite pendant la campagne
électorale à l'effet de modifier les normes de l'affichage.
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je constate que le
député de Taillon n'a pas répondu à ma
question.
M. Filion: Nommé par le gouvernement. Je m'excuse, je
voudrais juste corriger une erreur: le Conseil de la langue française
est nommé par le gouvernement. C'est mon projet de loi 191, vous
m'excuserez; j'ai peut-être cru - vous aviez l'air d'accord avec le
principe du projet de
loi - qu'on était pour l'adopter rapidement.
M. Bourassa: À tout péché,
miséricorde. Ce que je veux vous dire: Vous avez confiance dans la
Commission des droits de la personne du Québec, vous l'avez citée
constamment. Vous avez confiance dans la Commission des droits de la personne,
vous l'avez citée, encore ce matin. Vous êtes conscient des
recommandations de cette commission à votre gouvernement sur l'affichage
unilingue en 1980 et il y a quelques années. Est-ce que vous voulez que
je vous lise la recommandation de la Commission des droits de la personne? "La
Commission des droits de la personne propose que l'article 58 de la loi 101
soit amendé en vue de permettre l'utilisation dans l'affichage public -
je vois que le chef de l'Opposition regarde le temps, II commence à
trouver ça long - et la publicité commerciale de langues autres
que le français, à condition et sous réserve que le
français, grâce à l'adoption d'une réglementation
adéquate, demeure prépondérant. " Donc, pas de
prohibition. Cela, c'est la commission.
Je vous citais la Charte des Nations Unies que vous louangiez avec
émotion vendredi dernier et, maintenant, je vous cite la commission
à laquelle vous vous référez constamment. Cela aussi, il
faut mettre ça de côté: il faut mettre le jugement de la
Cour suprême de côté; il faut mettre la Commission des
droits de la personne de côté; il faut tout mettre ça de
côté.
Nous essayons d'être un peu plus lucides et nous pensons
refléter la pensée de la majorité des
Québécois, en déterminant l'affichage français, on
est d'accord: priorité au français avec, évidemment, la
diminution ou la non-prohibition, comme on le retrouve dans le programme du
parti, et en respectant les droits de la majorité francophone.
M. le Président, je ne veux pas revenir sur le passé. Le
député de Taillon nous accuse, comme c'est son rôle,
d'avoir fait preuve de laxisme, mais il sait fort bien que son ami et ex-chef
du Parti québécois, quand il était ministre de la Justice,
refusait, reportait les procès sur les manquements à l'affichage
bilingue. Le chef de l'Opposition s'en souvient, on acceptait constamment des
reports sur les manquements à l'affichage bilingue. Ce n'est pas nous
qui avons commencé.
Une voix: Oui, mais...
M. Bourassa: II reste qu'il n'y avait pas de procès, on
acceptait les reports des procès - le député de Taillon
devrait quand même l'admettre - ce n'est pas nous qui avons
créé le précédent. Donc, quant à
l'augmentation des plaintes, on sait qu'un magasin peut recevoir des centaines
et des centaines de plaintes, ç'a été fait pour en
augmenter le nombre.
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît!
M. Bourassa: Mais ce que je voulais simplement dire, pour
terminer, c'est qu'encore une fois je constate que le député de
Taillon, comme le chef de l'Opposition, est réticent à
écarter du revers de la main la liberté d'expression incluse dans
la Charte des droits et libertés, et je ne peux qu'apprécier
cette attitude. Bien, j'ai posé la question et je n'ai pas eu de
réponse: on m'a cité l'article 60 où il n'y a pas
d'exclusivité. Je veux aussi rappeler... (12 h 45)
M. Chevrette: Est-ce que je pourrais dire au premier ministre
que, s'il fallait qu'on l'Interprète chaque fois qu'il ne répond
pas, on passerait tout le temps en interprétation, parce qu'il ne
répond jamais.
M. Bourassa: M. le Président, l'article 60...
Le Président (M. Marcil): C'est bien, M. le. premier
ministre.
M. Bourassa: Je termine en disant au député de
Taillon qu'il serait peut-être pertinent, avant les débats de la
semaine prochaine, qu'il relise les recommandations d'une commission qui lui
est très chère, la Commission des droits de la personne, qui
dénonçait l'ancien gouvernement en ce qui a trait à
l'affichage unilingue. Je crois qu'il ne peut quand même pas invoquer
là un pouvoir extérieur. Cette commission avait été
créée par nous, enrichie par vous, avec des nominations faites
sur proposition du gouvernement. Alors, ce n'est pas là un pouvoir
extérieur qui fait cette recommandation et, quant à l'avis de la
Commission de la langue française, M. le Président, je le
respecte, mais je pense que cet avis comporte une omission très
importante. On ne tient pas compte du jugement de la Cour suprême.
M. Chevrette: Comment pouvez-vous expliquer votre vote de ce
matin sur la loi 37 quand, la commission dont vous êtes en train de
vanter...
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, M. le
chef de l'Opposition!
M. Bourassa: Je veux simplement dire au député de
Taillon...
M. Chevrette: Je demande la parole après.
M. Bourassa:... que l'avis de la Commission de la langue
française comporte une omission très importante. C'est qu'on ne
tient pas compte d'un jugement de la Cour suprême et que nous, dans deux
jours - peut-être que des directeurs de commission n'ont pas de mandat
vis-à-vis de la population - les élus, nous sommes obligés
de tenir compte de ce que le plus haut tribunal va dire sur la liberté
d'expression. La commission n'est pas obligée de le faire, mais c'est
notre
devoir de le faire.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le, premier ministre.
M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: J'ai l'impression que le Conseil de la langue
française est assez inquiet, parce que depuis trois ans il ne
connaît aucune des orientations que pouvait avoir ce gouvernement. Il est
sûrement inquiet de ce qui va arriver, et c'est sans doute pour cela
qu'il réagit avant, pour dire au gouvernement: "S'il vous reste un peu
de jugeote, de jugement, si vous voulez sauver la langue, bien, allez-y dans ce
sens-là. " C'est ce qu'il dit, M. le Président.
Le premier ministre aura beau faire les interprétations qu'il
voudra, on va lui rappeler que lui aussi, il a des réticences majeures
face à l'application des chartes. Rappelez-vous tout le débat sur
le lac Meech. Quand on a dit au premier ministre du Québec, M. le
Président: Qu'arriverait-il s'il fallait que la charte prime sur
l'entente du lac Meech: Qu'adviendrait-il de votre société
distincte? Il a dit: Ce serait pire que ce ne l'est. Lui-même avait de
très fortes réticences quant à la primauté de la
charte sur l'entente du lac Meech. Il doit s'en rappeler un petit peu. Doit-il
se scandaliser ce matin, ce même premier ministre, qu'on lui dise:
Écoutez, pour un droit aussi fondamental, un droit collectif de cette
nature, il nous apparaît, oui, qu'on doit avoir une clause qui nous
soustrait de la charte? Tout comme il voulait absolument que le sens
donné à sa société distincte, qu'il avait
négociée, dit-il, il fallait que cela ait un sens, que cela puise
quelque chose quelque part. À ce moment, le dernier rempart, disait-il,
c'est le mot "nonobstant". Alors que vous vous rappelez, dans la grandeur de...
Les chefs politiques disaient "nonobstant", il ne faudrait peut-être pas
l'utiliser, c'est un fiasco, cette histoire. D'autres disaient qu'il fallait le
"scraper" complètement. Lui disait qu'il ne fallait absolument pas que
la charte prédomine, même si elle est incorporée, sur la
notion de société distincte, sinon ce serait pire qu'avant.
Le même premier ministre, aujourd'hui, essaie de nous
interpréter et de nous prêter des intentions. Qu'il commence donc
par être cohérent par rapport à ses propres convictions. Je
vais lui poser la question autrement: Partage-t-il les propos de son Procureur
général, qui considère que la survie du français
dépend de la légalité de l'article 58 de la charte? Est-ce
qu'il partage cela?
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition m'a
posé la question ce matin. Je lui ai donné le contexte dans
lequel cela avait été fait, je l'ai référé
au programme du parti. Il dit que je lui prête des intentions. Je lui
prête de bonnes intentions, où je conclus qu'y est un peu
réticent à brimer la liberté d'expression, si elle est
décrite comme telle par la Cour suprême. C'est un peu l'intention
que je lui prête, parce qu'il m'a cité un article où cette
liberté d'expression existe dans un cadre limité. Mais ce que je
veux lui dire, c'est que le programme du Parti libéral, c'est la
protection, la défense, la promotion de la culture française, en
conciliant cela avec une non-prohibition qui irait à l'en-contre, si
c'est le cas d'une interprétation par le plus haut tribunal. Nous
verrons cela jeudi et, à ce moment-là, nous aurons un
élément fondamental pour pouvoir prendre une décision
finale. Nous avons des options très précises, mais nous ne
pouvons pas en dévoiler le contenu avant de connaître
l'interprétation ultime de la loi par les tribunaux les plus
compétents.
M. Chevrette: Donc, j'interprète que - et je vais passer
à un autre sujet - le premier ministre du Québec n'a pas de
vision claire en matière d'affichage commercial, qu'il subordonne toute
sa vision à un jugement de la Cour suprême, alors qu'au
préalable il n'est pas capable de nous dire que, fondamentalement,
au-delà de l'interprétation des tribunaux, il a une conviction et
il refuse d'afficher ses convictions. À toutes fins utiles, c'est un
"flâsage". Il essaie de mettre moitié eau et moitié lait
dans son verre. Il va trouver que c'est indigeste, par exemple, de tenter de
telles expériences.
Ma question relève de la justice, mais je vous la pose, parce
qu'elle est reliée à la langue. Au mois d'août 1988, il y a
un paiement à Me Allan R. Hilton de la firme Carkson Tétreault,
pour des honoraires professionnels comme avocat du défendeur devant la
Cour suprême dans l'affaire Procureur général du
Québec versus Chaussure Brown's. C'est 45 000 $. Cela ne correspond-il
pas au montant qu'Alliance Québec... Vous vous rappellerez les montants
de l'avocat d'Alliance Québec. On avait dénombré des
sommes sur le plan des engagements antérieurs.
On voudrait savoir si c'est un paiement qui a été fait ou
si ça s'ajoute au paiement déjà fait
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, juste
avant de vous donner la parole, M. le premier ministre, étant
donné que c'est quand même...
M. Chevrette: Oui, je lui ai demandé exprès
pour...
Le Président (M. Marcil): C'est ça. Il faut bien
comprendre que cela relève du ministre de la Justice. Mais si vous le
voulez, vous pouvez répondre.
M. Chevrette: J'ai pris la peine de dire que c'était
à la justice. Mais je demande au premier
ministre s'il est au courant. C'est parce que le sous-ministre de la
Justice est là. Il peut nous répondre, je pense bien.
M. Bourassa: SI le chef de l'Opposition m'avait prévenu de
la question, étant donné que ça concerne le
ministère de la Justice, c'est une question assez précise sur un
dossier particulier. Je verrai à répondre...
M. Chevrette: Si le sous-ministre n'était pas là,
je comprendrais.
M. Bourassa: Oui, mais je veux dire si...
M. Chevrette: Mais prévenir le premier ministre quand le
sous-minlstre de la Justice est là, bon Dieu! Il doit savoir ce qui se
passe dans son ministère.
M. Bourassa: M. le Président...
M. Chevrette: D'accord. Dans ce cas, y a-t-il moyen d'avoir tous
les détails? Le sous-ministre est là. Peut-on exiger le
détail? Cela s'ajoute-t-il ou cela ne s'ajoute-t-il pas au montant
déjà dépensé? Est-ce que c'est une partie des
engagements antérieurs qui a été payée? Je veux
avoir tout le détail, si possible. Est-ce que c'est situé
après des événements en Chambre? Y a-t-il eu des
compléments, des factures additionnelles qui ont été
envoyées? Quelles sont les dates de ces factures additionnelles?
M. Bourassa: On va vous répondre le plus rapidement
possible et on verra si c'est un ballon.
M. Chevrette: Si possible, avant jeudi, ça pourrait
être bon.
M. Bourassa: On verra si c'est un ballon ou si c'est
sérieux.
M. Chevrette: Ce n'est pas un ballon. On pose la question. Ce
n'est pas un ballon; c'est vous qui avez écrit ça.
M. Bourassa: C'est parce que vous lancez toutes sortes de ballons
constamment. Alors...
M. Chevrette: On pose les questions et vous ne répondez
pas. Si vous me dites que ce n'est pas un ballon, dégonflez-le tout de
suite!
Le Président (M. Marcil): S'H vous plaît!
M. Chevrette: S'il savait la réponse, est-ce que ce serait
un ballon?
M. Bourassa: Si vous aviez été
intéressé honnêtement... Je ne veux pas accuser...
M. Chevrette: Ah bien! Seigneur!
M. Bourassa:... le chef de l'Opposition de
malhonnêteté intellectuelle.
M. Chevrette: Le sous-ministre de la Justice est assis à
la table, à part ça.
M. Bourassa: Non! À part cela, le chef de l'Opposition ne
pouvait pas présumer que le sous-ministre de la Justice était
pour être ici. Le sous-ministre de la Justice n'a même pas
été...
M. Chevrette: II est toujours là quand vous venez.
M. Bourassa: M. le Président, si vous aviez
été intéressé honnêtement à avoir une
réponse aujourd'hui, sur un cas aussi particulier...
M. Chevrette: Là, c'est rendu, à part ça,
qu'on ne peut plus poser nos questions.
La Président (M. Marcil): S'il vous plaît!
M. Bourassa: Cela ne fait pas partie de mes engagements
financiers. Vous voulez faire de la petite politique partisane comme, de temps
en temps, vous ne pouvez pas éviter d'en faire. Cela ne fait pas partie
de mes engagements financiers. Le sous-ministre de la Justice est ici pour ce
qui a trait à mes engagements financiers. Cela ne fait pas partie de mes
engagements financiers. Soyez donc sérieux, si c'est possible.
M. Chevrette: Je croyais que c'était très
sérieux qu'un premier ministre qui accepte en bas, qui nous invitait
hier en Chambre, devant les caméras, à lui parler de n'importe
quoi... Plutôt que de répondre aux questions, il a dit: Je
répondrai à tout demain.
M. Bourassa: Sur mes engagements.
M. Chevrette: Venez, je vous attends, les enfants, demain. On
arrive avec une question sachant que le sous-ministre de la Justice... On
arrive avec une question pour faire le point. Il nous accuse de n'être
pas sérieux. Ce n'est pas de la petite politique, ça. Est-ce que
ce sont des sommes qui s'ajoutent au montant? La question n'est pas...
Le Président (M. Marcil): M. le chef de l'Opposition, s'il
vous plaît!
M. Bourassa: M. le Président...
M. Chevrette: Si cela ne s'ajoute pas, ne prenez pas panique. Si
c'est parce que ça s'ajoute, je comprends que vous soyez un peu plus mal
à l'aise. S'il y a des factures qui sont venues après, ce n'est
pas ma faute. C'est à vous d'y répondre.
M. Bourassa: La panique n'existe pas de ce
côté-ci.
M. Chevrette: Bon. Si elle n'existe pas, ne paniquez pas! Vous
répondrez.
Le Président (M. Marcil): S'y vous plaît! M. le
premier ministre.
M. Bourassa: On se demande lequel des deux panique le plus.
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre, M. le
chef de l'Opposition, vous...
M. Bourassa: Je veux dire, M. le Président, pour terminer
- je m'excuse - que j'ai dit hier que j'étais prêt à
répondre à toutes les questions qui impliquent mes engagements
financiers ou mon administration. Il faut être sérieux. Je n'ai
quand même pas voulu dire que je pouvais répondre de tous les
comptes d'avocat qui ont été payés.
M. Chevrette: Je comprends, mais M. le Président...
M. Bourassa: Bon, quand même...
M. Chevrette:... la nature de comptes... Je suis loin
d'être paniqué, mais je suis un peu fâché. Le premier
ministre n'est pas capable de répondre à une maudite question,
jamais!
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, M. le
chef de l'Opposition!
M. Chevrette: Ce ne sont pas des farces! Qu'est-ce qu'il y a?
Le Président (M. Marcil): Disons que... M. Chevrette:
Je vous scandalise?
Le Président (M. Marcil): Non, non, non, mais
peut-être...
M. Chevrette: Les Québécois comprennent ce que je
viens de dire...
Le Président (M. Marcil): Ha, ha, ha!
M. Chevrette:... ils l'observent quotidiennement. Mais, moi, je
m'offusque du fait que...
M. Bourassa: Ils me gardent leur confiance.
M. Chevrette:... ces comptes-là ne sortent pas d'une
boîte à surprise!
Le Président (M. Marcil): Non, mais vous êtes
d'accord, monsieur...
M. Chevrette: C'est le Conseil du trésor qui les achemine
dans le décor. Il y a des sous-ministres qui viennent répondre
ici. Si le premier ministre veut qu'ils répondent, qu'ils le fassent.
S'il ne veut pas qu'ils répondent, c'est une autre paire de
culottes.
Le Président (M. Marcil): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: II n'y a pas de surprise quand un sous-ministre est
assis ici, c'est lui qui est le répondant sur le plan administratif,
qu'il réponde. S'il n'a pas à répondre, il le sait depuis
combien de temps? Aïe! C'est comme rien, là: août 1988, un
sous-ministre a eu le temps de s'informer...
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît! M. le
chef de l'Opposition.
M. Chevrette:... d'un compte de 45 0000 $, au prix qu'ils sont
payés.
Le Président (M. Marcil): M. le chef de l'Opposition, s'il
vous plaît! Vous savez très bien qu'à l'étude des
crédits justement, lorsqu'on vérifie ces engagements-là,
vous savez très bien, vous connaissez très bien la
procédure...
M. Chevrette: Bien oui, mais vous nous avez dit qu'on...
Le Président (M. Marcil):... vous savez très que
c'est le ministre qui en a la responsabilité.
M. Chevrette: C'est bien beau... J'ai une autre question dans ce
cas-là et, là, elle s'adresse au premier ministre.
Vérification des engagements financiers
Le Président (M. Marcil): C'est bien. Il ne nous reste que
quelques minutes...
M. Chevrette: Oui.
M. Bourassa: Oui, alors j'attends avec plaisir.
Septembre 1988
M. Chevrette: Vous avez un engagement financier de septembre 1988
de 169 000 $ du Secrétariat à la jeunesse pour un sondage du
groupe Sorecom. 169 000 $, c'est un sondage assez "pertinent et assez gros,
merci! Il me semblait qu'on pouvait en faire pour moins cher que cela un peu.
Mais au-delà de la somme, ce qui me surprend, c'est que le
Secrétariat à la jeunesse vient d'annoncer qu'il part en grande
tournée pour aller sonder les reins et les coeurs de ce que veulent les
jeunes au Québec. Le sondage est expressément
là-dessus.
M. Bourassa: M. le Président.
M. Chevrette: Le débat se veut une vaste consultation sur
les préoccupations des jeunes.
M. Bourassa: Alors, il y a...
M. Chevrette: Là, on a testé par Sorecom pour 169
000 $. J'ai hâte de voir ce que cela donne, expliquez-nous donc cela.
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je vais répondre, étant donné
que cela concerne les engagements financiers, j'ai toutes les réponses.
Là, je suis heureux de voir que le chef de l'Opposition a au moins des
questions pertinentes. Tantôt, j'étais découragé. Je
me dis: II est tellement mal pris qu'il pose les questions sur les engagements
financiers des autres ministères. Alors, là, il fallait qu'il
soit à court de questions...
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre, s'il
vous plaît!
M. Bourassa:... pour en prendre dans les engagements financiers
des autres ministères. Ce que je veux dire au chef de
l'Opposition...
M. Chevrette: Des dossiers tellement importants... Je pourrais
lui rappeler ceci.
Le Président (M. Marcil): S'il vous plaît, M. le
chef de l'Opposition!
M. Chevrette: Je pourrais rappeler au premier ministre que c'est
un dossier qui doit être assez important, puisqu'il a envoyé M.
Marx en pénitence depuis ce temps-là.
Le Président (M. Marcil): M. le chef...
M. Chevrette: Cela doit être un dossier assez important. Il
a réussi à tasser un ministre complètement. Il
traîne son sous-ministre avec lui. Il me semble que... Qu'il nous
fournisse les réponses.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le chef de
l'Opposition.
M. Bourassa: Alors, M. le Président, sur ces propos
très profonds sur l'évolution de la démocratie, il y a eu
un sondage d'opinions qui a été réalisé sur les
Jeunes, la famille et l'immigration. Il y a eu des soumissions publiques. Les
contributions de chacun des ministères: Secrétariat à la
jeunesse: 70 000 $; Communautés culturelles et Immigration: 50 000 $;
Secrétariat à la politique familiale: 50 000 $. Quatorze firmes
ont présenté des soumissions. Je vais attendre que le chef de
l'Opposition m'écoute parce qu'il va me reposer les mêmes
questions.
M. Chevrette: Ah! Allez-y, allez-y.
M. Bourassa: Oui? Vous êtes capable de faire deux choses en
même temps.
M. Chevrette:... pas des cassettes, nous autres.
M. Bourassa: Bien...
M. Chevrette:... apprises par coeur pour mettre dans le
journal.
Le Président (M. Marcil): Allez-y, M. le premier
ministre.
M. Chevrette: On est capable de se parler et de se
comprendre.
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre.
M. Bourassa: Quatorze firmes... Le chef de l'Opposition est
à son meilleur quand il fait du cirque. Quatorze firmes ont
présenté des soumissions. Deux soumissions ont été
refusées car elles ne respectaient pas les délais prévus.
Trois firmes ont été retenues et invitées à faire
des propositions: Zins et Beauchesne, Segma et Sorecom. Le contrat a
été accordé au plus bas soumissionnaire dont la
proposition a été jugée conforme: Sorecom.
L'échéance du contrat... C'était le plus bas des quatre
firmes. Quatorze firmes ont fait des soumissions, trois firmes ont
été retenues...
M. Chevrette: Le ministre peut-il me dire... M. Bourassa:
Je vais seulement terminer...
M. Chevrette:... parce qu'il nous reste une minute. Les chiffres,
on pourrait les avoir...
M. Bourassa: Ah oui!
M. Chevrette:... le détail des chiffres...
M. Bourassa: C'est cela, oui.
M. Chevrette: Mais l'importance de cela, c'est comment il se fait
que le conseil n'a pas accès à ce sondage du secrétariat
puisque le conseil part en tournée pour aller chercher un peu ce que
pensent les jeunes, alors qu'on vient de dépenser 169 000 $ au
Secrétariat à la jeunesse pour faire un sondage? Comment cela se
fait-il? Est-ce qu'on pourrait y avoir accès, d'ailleurs? Ce sont des
dépenses publiques. Est-ce qu'on pourrait avoir accès à ce
sondage, comme parlementaires?
M. Bourassa: M. le Président, d'abord, la loi sur
l'accès à l'Information existe de notre côté, vous
le savez, vous connaissez les moindres détails de nos
activités.
M. Chevrette: Non, mais êtes-vous prêt à nous
permettre d'avoir le sondage?
M. Bourassa: On est très ouverts sur l'application de la
loi sur l'accès à l'information, même, on devance ceux qui
pourraient...
M. Chevrette: Comme ça, vous êtes d'accord pour
qu'on l'ait?
M. Bourassa: Je dis que l'échéance du contrat,
c'est mars 1989. Donc, ce n'est pas terminé, il n'y a pas seulement la
question de la jeunesse, il y a la question des Communautés culturelles
et de l'immigration et le Secrétariat à la politique
familiale.
M. Chevrette: C'est parce que le conseil vient d'annoncer qu'il
part en tournée.
M. Bourassa: Oui, mais c'est le conseil permanent, c'est comme le
Conseil de la langue française, il peut circuler en province, faites la
distinction. Là, on parie du Secrétariat à la jeunesse. Il
faut faire une distinction entre les deux.
Le Président (M. Marcil): Est-ce qu'il y a consentement
pour que vous poursuiviez les travaux?
M. Chevrette: Oui, deux minutes, pour finir là-dessus.
Le Président (M. Marcil): Deux minutes.
M. Bourassa: On va donner les informations, mais
l'échéance, c'est mars 1989. Je comprends qu'on ne sera pas en
élection à ce moment-là, mais...
Octobre 1988
M. Chevrette: Cela me surprendrait aussi, à moins que vous
ne paniquiez.
En octobre 1988, vous avez accordé une subvention à la
fondation Jeanne-Sauvé...
Le Président (M. Marcil): Excusez, cet engagement est
vérifié, pour septembre?
M. Chevrette: Oui, il va m'envoyer les détails, ce sera
parfait. La subvention au montant de 1 500 000 $ à la fondation
Jeanne-Sauvé pour la jeunesse, est-ce qu'on pourrait savoir, d'abord,
c'est quoi, la fondation Jeanne-Sauvé? Qu'est-ce que ça soutient,
alors qu'il y a des organismes pour la jeunesse qui se meurent, des maisons de
jeunes qui sont étranglées au moment où on se parie, qui
vont fermer leurs portes? Est-ce qu'on peut savoir ce que ça fait par
rapport à ce qui existe?
M. Bourassa: Écoutez, étranglées! Il y a eu
des augmentations énormes de subventions aux maisons de jeunes. Je
voudrais que le chef de l'Opposition essaie de garder un langage plus
modéré. Il n'y a personne qui est étranglé.
M. Chevrette: Vous demanderez à Mme la ministre, elle
vient de m'annoncer qu'elle en sauve deux de la fermeture. C'est parce que
l'étranglement n'était pas loin. C'est elle-même qui nous
annonce que ça fermait, autrement.
M. Bourassa: Je serais curieux de voir, dans le comté de
Joliette, ça m'étonnerait que le chef de l'Opposition soit
négligé dans son comté de Joliette.
M. Chevrette: II y a eu 10 000 $ à Joliette parce que
ça fermait, justement.
M. Bourassa: II est tellement vigilant, M. le
Président...
M. Chevrette: Expliquez-moi donc ce que Jeanne Sauvé vient
faire dans ça, avec 1 500 000 $?
M. Bourassa: Quand on regarde son budget routier par rapport au
comté voisin, on se dit...
Des voix: Ha, ha, ha! M. Chevrette:...
Le Président (M. Marcil): M. le premier ministre, s'il
vous plaît, il ne faudrait pas dévoiler des choses.
M. Bourassa: Mme le gouverneur générai a
approché tous les gouvernements, y compris le gouvernement
fédéral, pour créer une fondation de la jeunesse, la
fondation Jeanne-Sauvé pour la jeunesse, et elle a demandé une
contribution au gouvernement fédéral, qui a contribué une
somme beaucoup plus importante que celle-là. Pardon?
M. Chevrette: Est-ce que c'est une mise de fonds de départ
ou annuelle?
M. Bourassa: De départ seulement, c'est un seul montant.
Donc, Mme Sauvé veut, au terme de son mandat, pouvoir se consacrer aux
jeunes et a décidé de faire des requêtes aux
différents gouvernements et au gouvernement fédéral, et
des contributions ont été établies en fonction du poids
économique ou démographique des différentes régions
du Canada. Nous avons jugé que le gouvernement du Québec pouvait
faire sa part, comme les autres gouvernements du Québec, permettant
à Mme Jeanne Sauvé, dont on connaît
l'attachement très profond pour les jeunes, de continuer son
dévouement au service de la jeunesse lorsqu'elle aura terminé son
mandat comme gouverneur général.
Le Président (M. Marcil): Cela va? L'engagement 1
d'octobre 1988 est vérifié.
M. Chevrette: C'est parce que j'essayais de comprendre pourquoi
une mise de fonds de 1 500 000 $ dans une conjoncture où plusieurs
organismes de jeunesse au Québec ont la langue longue, je vous le jure!
Le premier ministre devrait le savoir, on lui a sans doute fait rapport que les
maisons d'hébergement de jeunes, les maisons de jeunes en
général au Québec ont de la difficulté puisque,
depuis trois ans, on n'a pas versé de montants pour les maisons existant
avant 1985. La ministre a préféré ouvrir de nouvelles
maisons. On sait qu'il y en a qui vivent sans le sou, elles ont de la
difficulté à survivre, et on voit apparaître, dans les
engagements financiers, 1 500 000 $ pour les jeunes, alors qu'on sait qu'il y
en a un bon nombre. Il s'agirait d'aller voir le ROC j. m. m. à
Montréal pour lui montrer comment les organismes de jeunesse ont de la
difficulté à boucler. C'était dans ce sens-là. Si
on se permet d'Injecter dans une fondation sur le plan canadien, je pense qu'on
pourrait injecter également sur le plan québécois et
permettre à des organismes en difficulté de trouver des montants
pour les dépanner, au moins d'ici au 1er avril prochain.
M. Bourassa: M. le Président, chaque fois qu'on a pu
augmenter le budget, cela a été fait. On l'a fait à
plusieurs reprises, on peut comparer nos chiffres avec les vôtres. La
ministre responsable fait le maximum. Ce que je dis, c'est que nous avons eu
une requête du gouverneur général, comme d'autres
gouvernements, pour permettre à Mme Sauvé de former une fondation
pour aider les jeunes. Je ne pense pas que ce sont des sommes qui sont
dépensées ou octroyées à des fins qui ne pourront
pas être très utiles aux jeunes, au contraire. Cette fondation,
connaissant l'exceptionnelle compétence de Mme Sauvé, sera
très utile pour la jeunesse du Québec comme pour la jeunesse du
Canada.
Le Président (M. Marcil): Cela va?
M. Chevrette: J'en aurais eu quelques autres, mais je vais juste
vous les poser et vous me répondrez un autre tantôt. Il y a le
loyer d'un agent d'information du ministère du Revenu à Toronto
qui est payé dans votre budget, au montant de 1900 $ par mois.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que vous avez le
numéro de l'engagement, M. le chef de l'Opposition?
M. Chevrette: Je ne me rappelle pas le numéro. C'est dans
le mois de...
Le Président (M. Marcil): On en prend note.
M. Chevrette: Vous pourriez peut-être me faire juste
un...
M. Bourassa: Aux Affaires intergouvernementales. Oui, on pourrait
appeler vos excellents recherchistes...
Le Président (M. Marcil): Cela va? M. Chevrette:...
téléphone.
M. Bourassa:... pour donner une réponse
appropriée.
M. Chevrette: Sûrement.
Le Président (M. Marcil): Donc, en conclusion, les...
M. Chevrette: Comme je suis sûr que ce n'est pas vous qui
la donnerez, elle sera complète.
M. Bourassa: Ha, ha, ha!
Adoption des engagements
Le Président (M. Marcil): En conclusion, les engagements
1, 2, 4 à 6 de décembre 1985, l'engagement 2 de mars 1988, les
engagements 2 et 3 d'avril 1988, l'engagement 1 de mai 1988, les engagements 1,
2, 7 et 11 de juin 1988 et l'engagement 3 de juillet 1988 sont
vérifiés.
Une voix: Septembre.
Le Président (M. Marcil): On les avait faits
tantôt.
Une voix: Octobre.
Le Président (M. Marcil): Les engagements 1 et 4 d'octobre
1988 sont également vérifiés. Donc, j'ajourne les travaux
sine die.
(Fin de la séance à 13 h 7)