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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 2 mars 1989 - Vol. 30 N° 49

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition du Protecteur du citoyen dans le cadre de l'examen de son rapport annuel


Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Kehoe): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de ta commission des institutions ouverte. Je rappelle le mandat de la commission qui est d'entendre le Protecteur du citoyen dans le cadre de l'examen de son rapport annuel 1987-1988. Je demande à la secrétaire d'annoncer les remplacements.

La Secrétaire: M. le Président, il y a un seul remplacement. M. Godin (Mercier) par M. Garon (Lévis).

Le Président (M. Kehoe): Je rappelle aux membres de la commission que la durée du mandat de la commission est de six heures et demie, donc de 10 heures ce matin jusqu'à 12 h 30 et de 14 heures à 18 heures. Je rappelle aussi que le temps alloué pour l'exposé d'ouverture est de 1 h 40 et le temps alloué pour les discussions est de 4 h 50. Je souhaite ta bienvenue au Protecteur du citoyen et lui demande de nous présenter les personnes qui l'accompagnent et de nous présenter ensuite son exposé.

Exposé du Protecteur du citoyen M. Daniel Jacoby

M. Jacoby: Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de vous présenter mes collaborateurs immédiats. D'abord, à ma gauche, Me Jacques Meunier, adjoint du Protecteur du citoyen et à ma droite Me Jean-Pierre Marcotte, directeur générai des enquêtes au bureau du Protecteur du citoyen.

C'est, à ma connaissance, M. le Président, la première fois que le Protecteur du citoyen se présente devant la commission des institutions et je tiens à vous remercier, à ce titre et au nom des concitoyens et concitoyennes, de me donner l'occasion de faire le point sur cette institution qui a été créée par l'Assemblée nationale il y a déjà 20 ans.

J'énoncerai d'abord quelques généralités sur le mandat du protecteur et je le situerai par rapport à d'autres organismes de protection des droits. Je montrerai par la suite les moyens d'action dont nous disposons. Je décrirai brièvement le cheminement des plaintes. Je présenterai quelques statistiques pour parler des différents secteurs où nous intervenons principalement et aussi pour mettre en relief les principales causes d'injustices qui sont commises par l'administration.

Je parlerai également, et surtout, de l'augmentation des plaintes, du déséquilibre des forces entre l'appareil de l'État et les citoyens, de certains recours illusoires prévus par nos lois et des secteurs où la population est en droit de recourir à un mécanisme plus humain de règlement de litiges envers l'appareil de l'État Je discuterai aussi des problèmes inhérents au statut du Protecteur du citoyen, de ses ressources, et je terminerai mon exposé en expliquant quelques-unes des principales prloritées de notre bureau.

D'abord, un peu d'histoire. La Loi sur le Protecteur du citoyen est entrée en vigueur à la fin de 1968 et elle est devenue opérationnelle en mai 1969. L'institution du Protecteur du citoyen n'est pas une création purement québécoise, car déjà en 1968, notamment en Alberta, il existait des protecteurs du citoyen que l'on appelle dans les provinces canadiennes des ombudsmen. Aujourd'hui on a des ombudsmen dans toutes les provinces canadiennes, sauf à l'île-du-Prince-Édouard. Il n'y a pas d'ombudsman général au gouvernement fédérai, il y a quelques ombudsmen spécialisés comme le Commissaire à la protection à la vie privée et le Commissaire aux langues officielles.

L'institution de l'ombudsman remonte à une époque très lointaine. On raconte même qu'il en existait en Égypte. Les pharaons avaient créé ce poste. On parte même de certaines dynasties chinoises, mais l'exemple le plus souvent cité, qui a été peut-être à l'origine du développement de l'institution dans plusieurs pays, c'est l'ombudsman suédois qui, dès le début du XIXe siècle, avait pour mission d'enquêter sur les officiers publics qui outrepassaient leurs pouvoirs. Cet ombudsman faisait rapport au Parlement. En somme, l'ombudsman a été conçu comme une espèce d'outil dont se dotent les Parlements pour les aider à exercer leur devoir de contrôle de l'Exécutif. L'ombudsman est là pour surveiller les négligences ou les abus qui peuvent être commis par l'administration qui constitue, elle, un volet du pouvoir exécutif.

Le mandat général du Protecteur du citoyen. Il intervient sur plainte de toute personne qui s'estime lésée par un acte ou une omission de l'administration provinciale. Cette personne peut se considérer une victime, notamment de négligence, d'abus de pouvoir, d'un manque de considération, de délais excessifs, des erreurs ou encore d'interprétation abusive d'une norme législative ou autre. Lorsque nous avons des motifs raisonnables de croire que cette personne a été lésée, qu'un préjudice a pu être commis à son égard, et dans la mesure où nous avons juridiction, nous procédons, selon le cas, à des interventions, des vérifications, des enquêtes auprès des fonctionnaires concernés. Si nous concluons que la plainte est fondée, qu'il y a véritablement eu lésion, nous demandons immédiatement à l'administration de corriger la situation. Dans les mêmes circonstances, la loi prévoit que le Protecteur du citoyen peut agir de

sa propre initiative, sans qu'il y ait nécessairement de plainte du public.

Le Protecteur du citoyen ne remplace pas les élus. Il les complète d'une certaine manière faisant partie de l'éventail des recours qui visent à corriger les Injustices qui peuvent être commises par l'administration. Le Protecteur du citoyen, qui est une personne désignée par l'Assemblée nationale, intervient pour voir à ce que les personnes qui s'adressent à lui soient traitées correctement et dans un délai raisonnable. Il constitue une espèce de mécanisme de recours léger, gratuit, qui non seulement permet de réparer des torts sur une base ad hoc, mais dont la seule existence constitue un frein contre les abus et les négligences. Le Protecteur du citoyen joue donc, d'une certaine manière, un rôle préventif et un rôle curatif, même s'il n'est pas le seul à s'occuper des plaintes de la population.

Si on situe maintenant le Protecteur du citoyen par rapport à d'autres organismes de protection des droits, on peut dire qu'il y a une différence essentielle entre le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne. La Commission des droits de la personne a un pouvoir d'enquête limité aux actes discriminatoires posés par l'administration provinciale et qui vont à rencontre de l'article 10 de la charte québécoise des droits et libertés de la personne. Cela signifie que le Protecteur du citoyen, pour toutes les autres libertés et droits fondamentaux que l'on retrouve dans la charte, possède un pouvoir d'enquête à l'égard de l'administration provinciale.

Le Protecteur du citoyen peut également utiliser la charte canadienne des droits et faire enquête et utiliser les dispositions de la charte canadienne même en matière de discrimination pour déterminer s'il y a eu lésion ou pas de la part des fonctionnaires provinciaux. Le Comité de protection de la jeunesse, lui, a une juridiction qui s'étend à la défense des intérêts et des droits des jeunes dont la sécurité ou le développement est compromis, notamment en ce qui concerne les pouvoirs publics, dans les réseaux décentralisés du gouvernement, comme les directions de protection de la jeunesse, qui relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux ou encore le réseau scolaire qui relève du ministre de l'Éducation.

L'Office de la protection du consommateur a juridiction particulièrement sur les conflits entre personnes privées, généralement le consommateur versus l'entreprise. La Commission d'accès à l'Information voit a faire respocter la confidentialité des renseignements personnels qui sont détenus par les administrations. Elle vise également à permettre que le public ait accès à des documents détenus par les pouvoirs publics. En résumé, le Protecteur du citoyen a un pouvoir général d'intervention à l'égard des actes ou des omissions de l'administration provinciale, et il faut noter de plus, qu'à titre de personne désignée par l'Assemblée nationale, il ne relève pas du pouvoir exécutif mais bien du pouvoir législatif.

Comment exerçons-nous notre mandat? Nous avons certains moyens d'action. Nous avons notamment une forme d'Indépendance de statut et des pouvoirs d'enquête. Le Protecteur du citoyen est nommé par l'Assemblée nationale sur recommandation du premier ministre pour une période déterminée. II ne peut se livrer à aucune activité partisane et est assujetti à l'exclusivité de fonction. Les employés du Protecteur du citoyen sont nommés par lui. Ce ne sont pas des fonctionnaires régis par la Loi sur la fonction publique, mais des employés de l'État non assujettis à la Loi sur la fonction publique.

Cette indépendance a été voulue, |e crois, par le législateur pour que le Protecteur du citoyen et son personnel puissent exercer librement leur rôle sans pression ou risque de menaces ou de représailles de la part des autorités sur lesquelles il enquête et le non-assujettissement des employés du Protecteur du citoyen à la Loi sur la fonction publique a été également voulu par le législateur pour que les employés puissent agir en toute indépendance de la fonction publique sans risque de complaisance ou de favoritisme à l'égard des fonctionnaires provinciaux.

Cette indépendance, je crois, est essentielle. Elle donne d'une certaine manière au public l'assurance que l'intervention du Protecteur du citoyen sera faite sans parti pris, en toute neutralité et en toute objectivité. Les personnes qui ont recours au Protecteur du citoyen n'ont pas à s'inquiéter du fait qu'il pourrait être biaisé ou partial parce qu'il aurait des comptes à rendre à un ministre, comme chef d'un ministère sur lequel il a juridiction, ou encore au premier ministre, comme chef de l'Exécutif. Les personnes n'ont pas à s'inquiéter non plus de la crédibilité des employés du Protecteur du citoyen qui transigent avec des fonctionnaires du gouvernement provincial.

Si cette indépendance vis-à-vis le pouvoir exécutif et le pouvoir administratif s'avère essentielle, non seulement sur un plan philosophique, mais également sur un plan pratique, dans la vie de tous les jours, on le vit, il faut malheureusement souligner qu'elle n'est pas tout à fait complète sous un angle administratif et qu'elle pose certains problèmes de fonctionnement. Je vous en parlerai un peu plus tard. (10 h 30)

Quant aux pouvoirs d'enquête, pour assurer l'efficacité de nos Interventions, la loi prévoit que nous possédons les pouvoirs des commissions d'enquête. Nous pouvons donc Interroger les témoins et requérir des documents sous peine d'outrage. Les fonctionnaires doivent répondre aux questions posées et fournir les documents pertinents. Il s'agit là de pouvoirs que, dans l'exercice quotidien de ses fonctions, le Protecteur du citoyen délègue aux employés chargés de

l'étude des plaintes.

Les plaintes, maintenant. Comment une plainte chemine-t-elle? C'est d'abord au service d'accueil que la personne qui s'estime lésée explique les démêlés qu'elle peut avoir avec l'administration. Dans plusieurs cas, on communique avec nous pour avoir des renseignements, mais s'il s'agit d'une plainte et que celle-ci est jugée recevable par le service d'accueil - Je veux dire par là s'il s'agit d'une plainte qui peut faire l'objet d'une Intervention de notre part, parce que nous avons juridiction, nous avons compétence - cette plainte est alors acheminée à la direction des enquêtes.

Au contraire, si la plainte n'entre pas dans le domaine de notre juridiction, nos préposés à l'accueil indiquent à la personne qui se plaint l'organisme auquel elle doit ultimement acheminer son dossier et les démarches qu'elle devrait entreprendre pour sauvegarder ses droits. C'est dire qu'à l'accueil, notre personnel agit également comme service de référence.

Quant aux enquêtes, une fois que la plainte est rendue aux enquêtes, un enquêteur, que l'on appelle chez nous un délégué du Protecteur du citoyen ou, encore, son collaborateur ou sa collaboratrice immédiate, que l'on appelle l'aide aux enquêtes, procède à une analyse de la plainte, communique, au besoin, avec la personne pour avoir des renseignements complémentaires, fait venir le dossier détenu par l'administration et interroge le fonctionnaire qui a pris la décision. Si la plainte s'avère fondée, le délégué du Protecteur du citoyen demande au fonctionnaire en cause de corriger la situation, de modifier sa décision et, en même temps, en avise le plaignant.

Mais il peut arriver - cela arrive - que des fonctionnaires refusent d'obtempérer à la demande du personnel du bureau. Ultimement, après être intervenu à différents paliers hiérarchiques d'une organisation, d'un ministère ou d'un organisme, le personnel de notre bureau qui continue d'essuyer un refus de la part de l'administration, transmet le dossier personnellement au Protecteur du citoyen qui, lui-même, conformément à la loi, demande alors officiellement au dirigeant d'organisme ou au ministre concerné de se saisir du dossier et de lui faire part de ses commentaires. Si, après avoir entendu le dirigeant d'organisme ou le ministre, le protecteur maintient le bien-fondé de la plainte, il lui recommande alors de prendre les mesures nécessaires à la correction de la situation. S'il arrivait qu'aucune suite satisfaisante ne soit donnée à cette recommandation, le Protecteur du citoyen peut porter le dossier à l'attention du Conseil des ministres et, ultimement, soumettre un rapport spécial à l'Assemblée nationale.

Par contre, si la plainte s'est avérée, après enquête, injustifiée, non fondée, on communique avec le plaignant pour lui expliquer notre position et les motifs de celle-ci, et le tout est généralement confirmé par un écrit. Si le citoyen n'est pas satisfait de la décision prise par un délégué du Protecteur du citoyen, il arrivera qu'il s'adresse à la personne même du Protecteur du citoyen pour reconsidération de notre position.

Pour couvrir l'ensemble des ministères et organismes du gouvernement sur lesquels nous avons juridiction, nous disposons pour ces opérations d'un peu plus de 46 personnes qui sont soit à l'accueil, soit à la direction des enquêtes. À côté des services d'accueil et d'enquête, bien sûr nous avons des services administratifs et un service de documentation. Nous avons un bureau à Montréal, au Village olympique, et le siège social est à Sainte-Foy.

Comment se plaint-on au Protecteur du citoyen? La personne qui se croit lésée peut déposer sa plainte par écrit, se rendre en personne à nos bureaux mais, selon nos statistiques, dans 94 % des cas les plaintes sont acheminées par téléphone, sans frais. La personne peut se faire représenter par un tiers. Nous n'avons pas de formulaire particulier à faire remplir par les plaignants.

Il faut noter également que les citoyens et les citoyennes peuvent se plaindre mais aussi que tout organisme, toute association, toute société, toute compagnie peut le faire. C'est donc que le Protecteur du citoyen peut intervenir autant au nom des personnes physiques que des personnes morales.

Quelques chiffres. Comme on a pu le noter au rapport annuel qui a été déposé en décembre dernier, nous avons, sur une période de 15 mois qui s'étendait du 1er janvier 1987 au 31 mars 1988, reçu plus de 22 000 demandes dont plus de 5000 demandes de renseignements et plus de 17 000 demandes d'enquête. Sur les 17 000 demandes d'enquête, un bon nombre n'étaient pas recevables parce que, pour la plupart, nous n'avions pas juridiction. Nous avons effectivement procédé à des enquêtes et des interventions dans près de 6500 dossiers.

Si l'on compare avec quelques années antérieures et qu'on ramène la période 1987-1988 sur douze mois pour pondérer les résultats, on constate que de 1980 à 1987-1988, sur une période de douze mois, on est passé finalement de 9717 demandes à 17 997 demandes. On constate donc une augmentation croissante des demandes notamment une augmentation de 510 % des demandes de renseignements en huit ans et une augmentation de 58 % des interventions. Je vais vous fournir quelques données plus actuelles pour l'année en cours. Au moment où l'on se parle, avec les 19 260 demandes qui sont en date du 25 février de cette année et par extrapolation pour le reste de l'année financière, nous assistons à une augmentation de 18 % par rapport au rapport annuel dont vous avez pris connaissance, pour un total de 21 300 demandes en 1988-1989. Notre taux de solution était de l'ordre de 99 %.

Maintenant, les secteurs d'intervention et les causes de lésion. Le Protecteur du citoyen,

conformément à la loi, a juridiction sur les ministères et les organismes du gouvernement dont le personnel est composé de fonctionnaires, c'est-à-dire près de 110 ministères ou organismes. Nous n'avons pas juridiction sur les décisions du Conseil des ministres ou du Conseil du trésor, sur les organismes dont le personnel n'est pas dans la fonction publique comme les sociétés d'État telles qu'Hydro-Québec, la Société des alcools ou encore d'organismes comme la Commission des services juridiques. Nous n'avons pas juridiction sur les municipalités, sur le réseau de la santé et des services sociaux, le réseau scolaire, évidemment pas sur les décisions des tribunaux qu'ils soient administratifs ou judiciaires. Nous déclinons juridiction lorsque, dans nos lois, un recours légal est prévu qui, selon notre appréciation, est susceptible de remède adéquatement à la situation dans un délai relativement raisonnable.

Les interventions que nous avons pu faire l'an dernier, nous montrent les différentes sources d'injustice. On peut constater que 40 % des plaintes formulées l'an dernier étaient des plaintes sur les délais excessifs de l'administration; 16 % des plaintes, des cas de négligence; 14 %, des erreurs de droit ou de fait; 10 %, des actes illégaux et 8 % d'actes déraisonnables ou abus de pouvoir.

Bien sûr, les ministères et organismes à l'égard desquels nous intervenons le plus sont ceux qui traitent un grand nombre de dossiers et qui, généralement, sont des organismes distributeurs de prestations.

Nous avons ainsi enquêté, l'an dernier, et je vais aussi vous donner les chiffres pour l'année en cours... Par exemple, si on prend le secteur de l'aide sociale, on constate cette année une augmentation de 13,6 % des plaintes pour lesquelles nous intervenons; en matière de santé et sécurité du travail, une augmentation, au moment où on se parie, de 70 % des plaintes par rapport à l'an dernier; en assurance automobile, une augmentation de 16,5 %; Revenu, 17,5 %; Sécurité publique, 60 % d'augmentation; Enseignement supérieur, une légère baisse, Régime de rentes, une augmentation de 110 % des plaintes; Justice, une augmentation de 83 % des plaintes et aux Affaires sociales, une augmentation de l'ordre de 30 % des plaintes.

Ce que l'on constate, dans les secteurs que je mentionne ici ainsi que dans d'autres secteurs, c'est que, par rapport à l'année dernière, période couverte par le rapport annuel, nous avons une croissance des interventions dans tous les secteurs, à peu près. Sans pouvoir en conclure que le tiers des personnes qui transigent avec le gouvernement sont lésées, nous constatons, à même nos statistiques, que près du tiers des plaintes adressées au Protecteur du citoyen sont fondées, c'est-à-dire que presque une personne sur trois qui s'adressent à nous et pour lesquelles nous faisons enquête avait raison de se plaindre.

La croissance des demandes d'enquête est substantielle. Cette augmentation substantielle ainsi que le taux de lésion de 30 % ne peut laisser, je crois, personne indifférent, et la situation commence à m'inquiéter. Bien sûr, la croissance des plaintes peut s'expliquer par le fait que le Protecteur du citoyen est, après 20 ans, un peu plus connu, mais cette explication est Insuffisante. Il faut certainement chercher ailleurs les causes de ce phénomène. Est-ce que ce sont les compressions budgétaires qui, cumulativement depuis 1979, ont un effet négatif sur la qualité des services rendus par l'administration? Est-ce que c'est la diminution accrue de postes réguliers dans plusieurs ministères ou organismes et l'accroissement de postes temporaires? Est-ce qu'il y a une diminution de la sensibilisation de l'appareil administratif à l'égard des administrés? Est-ce que les fonctionnaires, entraînés depuis plusieurs années à faire plus ou à faire autant avec moins, sont à ce point débordés qu'Us consacrent nécessairement de moins en moins de temps aux dossiers dont ils sont responsables? Est-ce que ça peut être le nouvel environnement juridique créé en grande partie par l'adoption des chartes canadienne et québécoise? Devant l'utilisation accrue des recours en révision ou en appel par la population, est-ce qu'on peut conclure que le public est de moins en moins satisfait des décisions prises par les fonctionnaires de première ligne?

Je ne peux pas, à ce stade, répondre à ces questions, mais je peux au moins constater une judiciarisation accrue dans plusieurs secteurs comme, par exemple, les secteurs de la santé et sécurité au travail, en matière de logement et en matière d'assurance automobile.

Je constate qu'il y a un déséquilibre de plus en plus considérable entre les citoyens et l'appareil gouvernemental. Le citoyen est dans une situation d'Inégalité vis-à-vis de l'appareil de l'État qui s'est transformé en dispensateur de services multiples et qui, en même temps, est devenu beaucoup plus lourd et beaucoup plus complexe.

Dès qu'un litige survient avec un citoyen, l'État qui décide de contester est muni d'avocats et de professionnels en grand nombre. Les moyens de l'État à cet égard sont illimités; si le gouvernement ne peut trouver des spécialistes à l'intérieur de la machine, il ira les chercher à l'extérieur. Les moyens du citoyen, eux, sont toujours limités. De plus, l'État a les connaissances du milieu, alors que le citoyen est généralement peu ou, encore, mal Informé. S'il veut revendiquer et exercer ses droits, le citoyen sera souvent obligé d'agir seul. Il n'aura recours à des spécialistes et à des avocats que s'il en a les moyens alors que l'État, lui, a toujours les moyens. Par conséquent ce sont surtout les citoyens les plus riches ou les bénéficiaires de l'aide juridique qui ont la possibilité d'intenter des procédures ou de faire valoir leurs droits. D'ailleurs, c'est prouvé: une large couche de la

population n'a plus accès à la justice de façon générale et pas plus dans ses démêlés avec l'administration.

Enfin, le citoyen qui fait affaire avec l'appareil gouvernemental est un client captif: il n'a pas le choix des services. L'assisté social, le rentier, la personne Incarcérée, la personne malade, l'accidenté du travail ou de la route, l'immigrant et l'étudiant qui a besoin d'aide financière, sont autant de personnes qui n'ont pas d'autre choix que de recourir à l'État. Et l'appareil de l'État se trouve donc dans une situation de monopole avec les effets négatifs que cela peut comporter pour les citoyens et les citoyennes.

Sans vouloir en faire un principe absolu, M. faut reconnaître que le citoyen est donc généralement plus démuni par rapport à une décision gouvernementale dont il n'est pas satisfait. Il le sera d'autant plus s'il est une personne rendue plus vulnérable par l'âge, la pauvreté, la maladie physique ou mentale. Et que dire de l'immigrant traumatisé par l'appareil gouvernemental? Je pense donc qu'il faut que l'Etat montre tous les égards et le respect qui s'imposent lorsqu'il transige avec un citoyen ou une citoyenne. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas. (10 h 45)

Pour améliorer la situation, M faudrait que l'État envisage des mesures qui auraient pour effet de réduire ou, à tout le moins de stabiliser, le nombre de plaintes et, surtout, le nombre de plaintes fondées, sans nécessairement ajouter des ressources significatives dans les ministères et les organismes.

Il faudrait que les ministères et organismes du gouvernement se dotent de mécanismes internes de traitement des plaintes ou améliorent les mécanismes qu'ils possèdent déjà, de manière non seulement à régler des dossiers ponctuels mais aussi pour Identifier d'une manière systémi-que et systématique les sources de lésion et ainsi modifier des politiques, des directives, des règlements, voire la loi en cause. Un tel contrôle de qualité aura inévitablement pour effet de réduire les lésions.

Il faudrait également que les autorités des ministères et organismes prennent les moyens nécessaires pour réduire les mouvements de personnel chez les décideurs de première ligne.

Il faudrait, je pense aussi, que ce personnel de première ligne recoive la formation, l'apprentissage et les outils adéquats pour être en mesure de prendre les décisions correctes. Dans certains secteurs, l'on constate que les décisions de première ligne sont renversées, dans un grand nombre de cas, par des instances de révision et d'appel. il faudrait également que les autorités des ministères et des organismes adoptent des directives très claires pour que les décideurs de première ligne, lorsqu'ils recoivent une demande dans le cadre d'un programme gouvernemental, s'assurent que non seulement le dossier est complet, mais informent aussi le demandeur des pièces manquantes ou Incomplètes, ce qui n'est pas toujours le cas. Quand on ne fait pas cela, ceia produit des effets négatifs. Le citoyen demandeur subit un délai d'attente sans qu'il ne soit informé des raisons. Bien plus, il apprend plus tard que sa demande a été rejetée à cause du manque ou de l'insuffisance des pièces et cela l'oblige souvent à contester la décision initiale pour pouvoir compléter son dossier devant une instance de révision ou d'appel, lorsque cette Instance existe.

Je pense qu'il faudrait également repenser la philosophie de nos lois qui, pour toute décision, multiplient les mécanismes de révision ou d'appel. Ces mécanismes, même s'ils sont inspirés par la vertu, provoquent souvent des effets dévastateurs comme l'engorgement des rôles, les délais excessifs, la justice expéditive.

Si l'on se place au niveau du citoyen, je crois que la situation est encore plus grave. Il arrive qu'une personne, par exemple la victime d'un accident du travail ou de la route, qui attend la révision ou une décision par une instance d'appel, se voit privée indûment de bénéfices, préjudice qui s'aggrave en proportion du temps nécessaire à la prise de décision définitive; même si, ultimement, la décision de l'organisme est révisée et que des paiements lui sont versés rétroactivement, il reste que, pendant le délai d'attente, la victime est privée de revenus ou d'indemnités, et ce n'est pas tout le monde qui a un compte en banque avec l'argent nécessaire pour subvenir aux besoins immédiats en attendant.

Que dire des autres victimes qui, lors d'une décision ultime, apprennent qu'elles n'ont pas droit à tel avantage ou à tel bénéfice et qui, même si elles ont dû se serrer la ceinture pendant le délai d'attente, ne pourront pas toucher rétroactivement des prestations d'assurance-chômage ou d'aide sociale?

J'invite donc ta commission des institutions à encourager les ministères et organismes à consacrer plus d'efforts à identifier les causes de lésion, à mieux former les décideurs de première ligne et à mieux informer les citoyens de leurs droits.

Certains recours légaux. Dans le rapport annuel, j'ai mis en doute les mécanismes de recours contre les décisions de l'administration, non pas que ces recours soient inopportuns, mais l'utilisation qu'on en fait me paraît de plus en plus anormale dans plusieurs secteurs. L'exercice d'un recours devant une instance de révision ou d'appel suppose nécessairement une insatisfaction, à tort ou a raison, de la part du citoyen quant aux décisions qui ont pu être prises par l'administration. Je suis content de voir que presque toutes nos lois, maintenant, prévoient ces recours car on peut ainsi, à tout le moins sur papier, être assuré que l'exercice d'un droit ne sera pas compromis par la seule décision prise par un seul employé de l'état.

Comme je l'ai mentionné auparavant, il faut certainement pour limiter la fréquence de ces recours, que les décisions prises soient de meilleure qualité, donner les outils aux décideurs. Il faut que les citoyens reçoivent une meilleure information de la part des ministères. Déjà là, des progrès pourraient être réalisés à moyen ou à long terme. Mais je pense que cela ne suffit pas.

On se limite trop souvent, lorsqu'une des parties n'est pas satisfaite d'une décision, à lui indiquer qu'il existe des recours et qu'elle peut les exercer dans un délai donné. On a trop souvent développé ce que je pourrais appeler le "réflexe du contentieux, qui a pour effet de transférer à d'autres, finalement, la responsabilité de rendre la décision la plus opportune.

Je me demande alors si les administrations ne doivent pas modifier certaines de leurs pratiques et de leurs mentalités. Je me demande si plutôt que de ramener souvent le problème à une affaire de contentieux, les administrations ne devraient pas prendre les moyens pour prévenir les litiges en développant des mécanismes de règlement amiable, de conciliation, de médiation et donner ainsi à tous l'opportunité de régler leurs différends par le dialogue dans un délai plus court. Sans vouloir reprendre un adage discutable voulant que "le pire des règlements vaut mieux que le meilleur des procès", je suis convaincu que l'utilisation de techniques de justice légère, de justice douce, serait non seulement plus satisfaisante pour le monde ordinaire, mais encore désengorgerait les instances de révision et d'appel qui, comme on le constate dans plusieurs secteurs, sont confrontées à des délais négatifs qui entraînent des coûts financiers, sociaux et psychologiques Inacceptables.

On peut certes se vanter d'avoir les plus beaux mécanismes d'exercice des droits, mais on ne peut pas toujours se vanter de leurs effets bénéfiques. Qu'il s'agisse de la Régie du logement, de la CSST, de la RAAO, du Revenu, je crois qu'il est nécessaire de développer une orientation nouvelle. À la Régie du logement, par exemple, je crois qu'il serait opportun de généraliser les mécanismes de conciliation en faisant en sorte que les préposés à l'accueil puissent, lorsqu'un locataire ou un propriétaire communique avec la régie, que ces préposés à l'accueil aient le temps de communiquer avec l'autre partie et de favoriser le règlement du différend plutôt que de se limiter à expliquer au monde. Vous avez des droits et des obligations. Je crois opportun également que la conciliation puisse se faire avant que la cause ne soit en état. Je crois nécessaire que le personnel de la régie favorise non seulement la conciliation, mais aussi une véritable médiation. On peut sûrement, en faisant les adaptations requises, appliquer cette philosophie à nombre de secteurs de l'activité gouvernementale. Préalablement ou à la place de la révision ou de l'appel, on pourrait envisager des mécanismes efficaces de reconsidération, de conciliation et de médiation. À mon point de vue, ces mécanismes de justice douce sont l'avenir des règlements des litiges.

Je crois que les légistes du gouvernement et les administrateurs de ministères et d'organismes gouvernementaux devraient se pencher rapidement sur la question et développer une position commune en la matière. Avant d'adopter une loi qui prévoit des mécanismes de recours, il faudrait se demander si la loi favorise le règlement amiable et comment elle le favorise.

J'ai pu constater que des initiatives ont été prises ici et là, mais l'approche gouvernementale n'est ni coordonnée ni globale. Je pense que les pouvoirs publics devraient favoriser la tenue de séminaires sur cette question, et ce, ultimement pour le bénéfice de la population.

Je souhaite donc que la commission des institutions examine ces mécanismes de justice douce, sensibilise la déportation à cette question et formule éventuellement les recommandations appropriées aux autorités.

Dans le rapport annuel 1987-1988, j'ai indiqué que les citoyens, qui ne font pas affaire avec les fonctionnaires du gouvernement provincial, ne disposent pas toujours de recours efficaces et rapides lorsqu'ils considèrent avoir été victimes d'une injustice, te seul recours étant souvent le recours aux tribunaux, recours qui, on le sait, s'avère soit trop long soit trop coûteux pour un grand nombre de personnes.

Je vise particulièrement les services publics qui sont financés par les pouvoirs publics à même les impôts, les taxes. Il en est ainsi du réseau scolaire, du réseau de la santé et des services sociaux, des sociétés d'État et des gouvernements municipaux. Dans ces secteurs d'activité, les citoyens, en plus d'être là aussi des clients captifs, sont souvent vulnérables à plusieurs points de vue. Ainsi, je suis informé que des étudiants ou des parents qui se considèrent lésés par l'action d'un professeur de l'école, ou de la commission scolaire, renoncent à leurs droits parce qu'ils craignent qu'une plainte ait pour effet de nuire à la progression normale de l'enfant. On appréhende des représailles.

Dans les hôpitaux, les centres ou les foyers d'accueil, les personnes qui séjournent en longue durée sont en contact quotidien avec le personnel de l'hôpital et les risques d'être lésées sont alors plus élevés. Qu'il s'agisse de personnes qui souffrent de problème physique ou qui éprouvent des problèmes d'ordre mental, la situation fait en sorte qu'elles sont souvent démunies et vulnérables et que les mécanismes de respect des droits ne sont pas efficaces, d'autant plus que là, plus qu'ailleurs, on craint aussi les représailles.

Que dire du propriétaire d'un petit commerce qui a des démêlés avec la Société des alcools ou de l'abonné d'Hydro-Québec qui se plaint d'une injustice ou de la négligence de l'institution? Que dire des citoyens qui ont des démêlés avec les administrations des municipali-

tés? Inutile de dire que certaines municipalités desservent des populations bien supérieures à celles de certaines provinces.

Ce que je veux dire, c'est qu'il ne suffit pas de croire que les mécanismes de recours traditionnels ou même statutaires sont une panacée. Il faut se demander si ces recours sont accessibles à la majorité de la population et s'ils sont efficaces. Sinon, il faut songer à instaurer des mécanismes souples et légers qui permettraient un meilleur exercice des droits. Il faudrait, bien sûr, encourager la médiation et la conciliation, mais il faut, je crois, songer également à instaurer, au bénéfice de l'ensemble de la population des mécanismes de règlement des griefs à l'instar de celui du Protecteur du citoyen. Ce que je dis est tellement actuel que plusieurs organisations, tant dans le secteur public, parapubiic, péripublic que dans le secteur privé, commencent à se doter d'ombudsmen, c'est-à-dire de personnes bien identifiées dans l'organisation et qui sont là pour répondre aux doléances de la population. On en trouve dans certains hôpitaux, dans certaines commissions scolaires, dans certains collèges et même dans certaines municipalités. Je pense que c'est déjà un pas dans la bonne direction, mais ces mécanismes ne sont pas suffisants à mon point de vue, parce que les personnes qui jouent le rôle d'ombudsman dans ces institutions sont toujours, il faut se le rappeler, des employés des institutions elles-mêmes et se trouvent sous l'autorité d'un conseil d'administration ou d'un directeur général. À ce titre, il leur est très difficile et délicat de faire modifier des décisions qui remettraient en cause des politiques de l'institution ou des décisions prises par des personnes ou des groupes plus influents dans l'institution. Ces ombudsmen n'ont pas toujours la liberté nécessaire pour mener à bien leurs dossiers. Dans certains cas, ces personnes sont confinées à un simple rôle d'agent de relations publiques.

Par ailleurs, ces personnes, n'ayant pas de pouvoir d'enquête, ont parfois de la difficulté à obtenir des réponses à leurs questions ou les documents qui sont nécessaires à l'étude complète d'une plainte. Malgré toute leur bonne volonté, ces personnes, faute d'indépendance et faute de pouvoir d'enquête, ont une efficacité limitée; elles ont bien sûr la responsabilité spécifique du traitement des plaintes et, à ce titre, elles constituent certainement un mécanisme intéressant de reconsidération des décisions de l'Institution. C'est pour cette raison, à cause des imperfections du système, que je suggérais dans mon rapport annuel que les institutions para et périgouvernementales ainsi que les administrations municipales se dotent d'un mécanisme externe de contrôle.

Depuis le dépôt du rapport, j'ai pu constater avec satisfaction, pour ce qui est du domaine municipal notamment, que la ville de Québec a fait modifier sa charte par l'Assemblée nationale pour être autorisée à conclure une entente assujettissant son administration municipale au pouvoir d'intervention du Protecteur du citoyen. (11 heures)

De plus, la ministre de la Santé et des Services sociaux a déposé, en janvier 1989, sa politique de santé mentale où elle propose que soit élargi le mandat du Protecteur du citoyen sur le réseau de la santé, de manière que les personnes qui éprouvent des problèmes d'ordre mental ou leurs représentants puissent ultimement recourir au Protecteur du citoyen lorsqu'elles s'estiment lésées par un établissement psychiatrique ou d'autres intervenants du milieu.

Quant au domaine de l'éducation, le ministre n'a pas jugé bon, à ce stade, d'Instituer dans la loi 107 un recours au Protecteur du citoyen pour les élèves ou les parents qui s'estiment lésés dans leurs droits par l'école, la commission scolaire ou le collège.

M. le Président, je souhaiterais ardemment que les clientèles des secteurs parapubiic et péripublic puissent avoir recours à un mécanisme léger de règlement des différends, un mécanisme indépendant qui permettrait aux personnes qui s'estiment lésées de voir leurs plaintes traitées en toute objectivité. Je pense que c'est le prix qu'il faut payer pour que la population, qui fait affaire avec les services publics financés ou contrôlés par l'État, puisse valablement exercer ses droits ou tirer les avantages que lui confèrent les lois du Québec. Des recours sur papier ou des recours complexes ou onéreux ne répondent en rien aux besoins de la majorité de la population. Il faut s'enlever de la tête que l'État fait la charité à la population; l'État doit être, selon moi, le citoyen corporatif le plus exemplaire car, par ses lois votées par les représentants du peuple, il s'astreint à des obligations et à des devoirs. Les administrations qui appliquent ces lois doivent traiter les citoyens et les citoyennes avec les égards et la considération qui leur sont dus, surtout que ces personnes n'ont pas le choix de recourir aux programmes publics. Je souhaite donc que la commission des institutions examine avec ouverture cette approche.

L'indépendance du Protecteur du citoyen. Si je me réjouis du fait que l'Assemblée nationale, dont le Protecteur du citoyen est une personne désignée, entende aujourd'hui le Protecteur du citoyen par la voie de la commission des institutions, je peux vous dire que mon plaisir est d'autant plus grand que, jusqu'ici, le Protecteur du citoyen n'a pas eu de forum politique pour se faire entendre et pour faire entendre la voix des personnes qui s'adressent régulièrement à lui.

Vous savez, je croyais, lorsque j'ai accepté cette charge, que le Protecteur du citoyen avait continuellement l'appui sinon l'écoute des représentants des élus qui l'ont nommé. Malheureusement, j'ai vite réalisé que, vraisemblablement pour des raisons historiques, le Protecteur du citoyen, une fois nommé, est laissé à lui-même

pour le temps qu'il dure. On ne semble pas accorder d'attention particulière au rapport qu'il publie annuellement depuis vingt ans et qui témoigne des activités de son bureau. Quand il s'agit de discuter d'orientations, d'objectifs et de clientèles cibles, le Protecteur du citoyen n'a pas le loisir de les soumettre aux élus du peuple pour discussion; II doit travailler en vase clos. Même le président de l'Assemblée nationale, à cause de sa nécessaire Indépendance, ne peut intervenir.

Or, le Protecteur du citoyen n'est pas un élu du peuple. À la différence d'un ministre ou d'un député, le Protecteur du citoyen ne peut, par voie démocratique, tester ses orientations. Par ailleurs, même si le Protecteur du citoyen, par ses contacts, a parfois l'occasion de discuter d'orientations avec certains ministres ou certains députés de toutes les formations politiques, il na aucun porte-parole politique au niveau du pouvoir public. À la différence d'un sous-ministre ou d'un dirigeant d'organisme gouvernemental, le Protecteur du citoyen n'a pas de ministre qui puisse, à l'occasion, l'appuyer ou débattre des questions de fond. En somme, le Protecteur du citoyen est dans l'isolement presque total. Contrairement au Vérificateur général ou au Directeur général des élections, sa loi ne prévoit aucun mécanisme où il puisse discuter systématiquement de ses activités, de ses budgets ou de ses orientations.

J'ai pu constater, dans quelques provinces canadiennes, que l'ombudsman a l'occasion de pouvoir compter sur un comité spécial de la Chambre, appelé généralement "select committee", pour se faire entendre par les députés lorsque les recommandations du Protecteur du citoyen ne sont pas suivies par l'administration, ou encore, l'ombudsman, dans ces provinces, a l'occasion de discuter de ses budgets devant une commission parlementaire. Ici, au Québec, rien de cela! Le Protecteur du citoyen est encore laissé à lui-même.

Je souhaite donc que la commission des institutions recommande que, de façon régulière, l'Assemblée nationale, par le biais d'une commission ou d'un comité, entende le Protecteur du citoyen. Je souhaite, pour l'avenir, que vous acceptiez cette demande et que je ne sois pas obligé de négocier pour que l'Assemblée nationale m'entende, même si, à cet égard, l'article 116 du règlement de l'Assemblée nationale prévoit depuis plusieurs années que la commission de l'Assemblée nationale doit entendre le Protecteur du citoyen annuellement.

Parlant de budget - et voilà une illustration de mes frustrations - je peux vous dire que mes demandes budgétaires pour l'année financière qui commence le 1er avril, c'est-à-dire dans quelques jours, n'ont pas encore été étudiées. Le budget de l'année en cours sera tout simplement reconduit sans modification autre que celles de ses dépenses de téléphonie, de loyer et d'occasionnels qui étalent déjà sous-budgétisées. On m'a cependant promis que l'étude du budget se fera au cours des prochaines semaines et que le dossier sera étudié à une séance du Conseil du trésor en avril.

Voici ce qui s'est passé. En décembre 1988, le président du Conseil du trésor, réalisant la position délicate et ambiguë du Conseil du trésor, qui relève du pouvoir exécutif, par rapport aux budgets du Protecteur du citoyen, qui relève du législatif, décide, après m'avoir consulté, d'inviter le Bureau de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire le Conseil du trésor de l'Assemblée nationale, à examiner les demandes budgétaires du Protecteur du citoyen - ce qui serait normal -et de soumettre son avis au gouvernement aux fins du livre des crédits. Or, à la fin de janvier 1989 - cela ne fait pas longtemps - le président de ''Assemblée nationale explique qu'il ne peut demander que le bureau statue et ce, pour des motifs d'ordre juridique. Résultat: fin janvier, les demandes ne peuvent être étudiées à leur mérite, car c'est le 3 février 1989 que l'on ferme le livre des crédits pour l'exercice financier qui commence le 1er avril.

Sans porter de jugement, je peux vous dire que cette situation est intenable et inacceptable. Je n'ai jamais vu cela au cours des 18 ans où j'ai travaillé au sein de l'administration publique. Cette situation démontre, bien sûr, à quel point le Protecteur du citoyen éprouve des difficultés à faire avancer ses dossiers budgétaires mais encore paraît être oublié dans la machine gouvernementale!

Vous aurez noté que les budgets du Protecteur du citoyen sont présentement étudiés par le Conseil du trésor. Mes prédécesseurs ont dénoncé cette situation où le Conseil du trésor, qui détermine la répartition des budgets dans les ministères et organismes du gouvernement, détermine aussi les budgets du protecteur comme s'il s'agissait d'un organisme du gouvernement. Le Conseil du trésor impose par ailleurs au protecteur la Loi sur l'administration financière, ses règlements, ses directives d'application alors que, légalement, cette loi ne s'applique pas, pour une bonne partie de ses dispositions, au Protecteur du citoyen qui n'est ni un organisme, ni un ministère du gouvernement.

Je pense que tout cela constitue une situation potentielle de conflit d'Intérêts. C'est un peu comme si les budgets du Vérificateur général ou du Directeur général des élections étaient étudiés par le gouvernement lui-même. On se demanderait alors ce qu'il advient du principe de la séparation des pouvoirs et de la démocratie. Il y aurait certainement des tollés! Mais, pour le Protecteur du citoyen, cela ne semble déranger personne.

Je souhaite donc que la commission des institutions prenne position sur cette question et recommande aux autorités gouvernementales et législatives de faire en sorte que les budgets du protecteur soient éventuellement étudiés par le Bureau de l'Assemblée nationale ou par une

commission de l'Assemblée nationale. Je pense qu'il faut rendre à César ce qui est à César. C'est, à mon point de vue, la seule façon démocratique de détermination de budget qui rende compte du rattachement du bureau du Protecteur du citoyen à l'Assemblée nationale. C'est également la seule façon de permettre aux parlementaires eux-mêmes d'exercer un contrôle sur l'amplitude et la qualité des services de cette personne qu'ils ont désignée avec le mandat d'assurer une plus grande harmonie dans les rapports entre l'État et la population.

Je veux dire quelques mots des ressources du Protecteur du citoyen. Depuis l'année où le gouvernement a, la dernière fois, ajouté des effectifs en 1985, le nombre de demandes de citoyens et de citoyennes qui s'estiment lésés a augmenté de plus de 6000. La situation est devenue intenable. Elle se traduira bientôt par une perte d'efficacité, une baisse de la qualité, une augmentation des délais de traitement des plaintes, et c'est le citoyen qui en souffrira en fin de compte.

La charge de travail est telle que nos délais augmentent. Comment vais-je expliquer à un citoyen qui se plaint, notamment du délai excessif de traitement de son dossier par des fonctionnaires provinciaux, que nous ne pouvons nous-mêmes répondre à sa plainte dans un délai raisonnable? Il faut, je pense, ne pas ignorer que les personnes qui s'adressent à nous sont déjà terriblement angoissées, anxieuses et souvent fâchées, pour ne pas employer d'autres mots, parce qu'elles ont déjà frappé à bien d'autres portes avant de nous rejoindre. Il faut également se rappeler que plus nous prenons du temps à traiter un dossier, plus ces personnes communiquent avec nous pour se plaindre, et là elles se plaignent de nous, et qu'il nous faut, dans chaque cas, prendre le temps de leur expliquer que nous n'avons pas pu procéder et, ce faisant, les délais continuent d'augmenter. Les délais appellent les délais.

De plus, le personnel de notre bureau doit connaître toutes les lois, tous les règlements, les directives, les politiques administratives; non seulement notre personnel doit connaître les normes mais il doit également savoir comment elles sont interprétées et appliquées par l'administration, comment elles sont interprétées par les instances de révision, les tribunaux administratifs et par les tribunaux judiciaires. Or, dans la plupart des secteurs, nos délégués n'ont même plus le temps, même en travaillant en dehors des heures normales, de se tenir au courant et de se mettre à jour.

Notre rôle également ne se limite pas à vérifier si les fonctionnaires ont bien respecté les normes. Il nous faut souvent nous demander si la norme ou le processus est adéquat et ne donne pas lieu à des abus; donc, eh plus de vérifier la légalité, nous devons étudier parfois l'opportunité. Or, le manque de temps fait en sorte que les risques d'erreur de notre part augmentent, que nous risquons de ne plus nous poser nécessairement les bonnes questions et que la tentation de fermer trop hâtivement un dossier existe.

De plus, la surcharge de travail a pour effet de limiter nos rencontres avec l'administration, rencontres absolument essentielles pour les dossiers de nature systémique ou les dossiers très complexes.

J'ajouterai à cela que nos services d'accueil, à Montréal comme à Sainte-Foy, sont débordés, que nos lignes téléphoniques sont souvent engagées; enfin, des groupes et des associations nous demandent souvent de venir sur place expliquer notre rôle et nous ne pouvons plus répondre à leurs demandes.

Même si j'ai adopté des mesures d'urgence au niveau de la réorganisation du travai pour augmenter la productivité, je n'ai pas réussi à ce jour à juguler le problème. Mais, au-delà du problème ponctuel, je me dis que ce sont finalement les dossiers des personnes qui s'adressent à nous qui risquent d'obtenir de notre part un service diminué ou un service trop lent.

Je ne peux pas, comme Protecteur du citoyen, fermer les yeux. J'ai donc demandé quelques postes additionnels pour redresser la situation. J'ai également demandé quelques postes pour privilégier certaines clientèles cibles. Ces deux demandent n'ont pas, à ce jour, fait l'objet d'analyse et de décision, pour les raisons que j'évoquais précédemment.

Si les plaintes continuent d'augmenter à un rythme aussi Impressionnant, il faudra se poser des questions fondamentales. On ne peut indéfiniment ajuster les effectifs du Protecteur du citoyen, car cela nous mènerait à la situation paraxodale où, pour résoudre les différends entre l'administration et les citoyens, il faudrait continuer à grossir le bureau du Protecteur du citoyen. Il faudra donc rechercher et élaborer des mécanismes sectoriels ou gouvernementaux qui permettent de limiter, à moyen ou à long terme, les situations susceptibles de léser les administrés. (11 h 15)

Je demande donc à la commission d'appuyer la demande du Protecteur du citoyen pour que le gouvernement lui accorde les effectifs nécessaires pour bien mener sa mission. Je demande également à la commission parlementaire de cautionner le Protecteur du citoyen dans son offre de collaboration avec les ministères qui voudront s'attaquer sérieusement aux irritants et aux causes de lésions qui nuisent à des rapports harmonieux entre l'administation provinciale et la population.

Pour terminer, M. le Président, je voudrais brièvement parler des priorités de notre bureau. Après quelques mois d'expérience, j'ai constaté la nécessité de privilégier certaines parties de la population. J'ai réalisé la vulnérabilité de plu-

sieurs personnes, soit en raison de leur âge, soit en raison de leur condition de victimes, soit en raison de barrières linguistiques ou culturelles. J'ai donc demandé à mes collaborateurs et collaboratrices de réfléchir sur ces questions et l'ai mis sur pied différents comités de travail qui m'ont soumis des rapports sur ces clientèles, rapports pour lesquels nous avons établi des plans d'action. Ces plans d'action visent à mieux nous faire connaître de ces personnes ou de leurs représentants, de manière que celles-ci, si elles se considèrent lésées par l'administration gouvernementale, sachent qu'il existe un recours simple et accessible qui leur permet d'avoir l'heure juste.

Sans négliger la population en général, nous pensons donc que nous nous devrons de mieux nous faire connaître des membres des communautés culturelles, des populations autochtones, des personnes âgées, des personnes plus vulnérables comme les assistés sociaux, les accidentés du travail ou de la route qui ont besoin d'un règlement plus rapide et plus léger de leur problème.

Je crois fondamentalement, comme le mentionnait d'ailleurs un document récent du Conseil du trésor, que la raison d'être de l'administration provinciale est la population et qu'N y a lieu, pour les ministères et organismes du gouvernement, de faire mieux connaître leurs services. Je crois que ces principes, qui devraient actuellement guider les ministères et organismes, s'appliquent aussi au Protecteur du citoyen. Mais je crois qu'il faut prioriser les dossiers en tenant compte des personnes les plus démunies et les plus vulnérables. Voici, à cet égard, les actions que j'ai entreprises.

Nous avons pris position sur le rapport Harnois en matière de santé mentale et, comme je révoquais précédemment, la ministre de la Santé et des Services sociaux a déjà déposé une politique qui demandera éventuellement au gouvernement l'élargissement de la juridiction du Protecteur du citoyen. Nous avons également pris position à l'égard des personnes âgées en soumettant un mémoire au comité Bussières. J'ai demandé au Conseil du trésor des ressources pour que je puisse oeuvrer davantage auprès des membres des communautés culturelles et des populations autochtones, ainsi qu'auprès des assistés sociaux, à cause notamment de la nouvelle Loi sur l'aide sociale.

Mon but, croyez-moi, n'est pas d'augmenter le nombre de plaintes au bureau du Protecteur du citoyen. Mon objectif est double: d'abord, faire connaître nos services à des personnes qui pourraient, à cause de leur condition, avoir avantage à recourir à nos services; en second lieu, faire en sorte que le droit à l'égalité, dont sont imbues chez nous les chartes québécoise et canadienne, signifie quelque chose pour la population.

À quoi sert-il d'affirmer solennellement que tous et toutes sont égaux devant les lois et qu'ils ont des libertés et des droits fondamentaux, si certaines parties de la population ne connaissent même pas les lois et les avantages qu'elles leur confèrent, si une partie de nos concitoyens et concitoyennes n'a pas l'égalité des moyens ou des opportunités parce que plus démunis ou plus vulnérables que d'autres, ou encore si ces personnes n'ont pas les ressources financières pour défendre leurs droits à l'égard de l'appareil gouvernemental? Le protecteur veut et, surtout, se doit de faire mieux connaître ses services aux personnes qui, pour une raison ou une autre, sont, par rapport à l'appareil gouvernemental, dans un déséquilibre plus grand que la moyenne de la population.

Ce que je souhaite vraiment, M. le Président, c'est que la société n'ait plus besoin d'un Protecteur du citoyen, parce que alors, l'administration agira avec l'égard et la conscience professionnelle qui s'imposent envers la population. Ce peut être utopique mais, à tout le moins, entre-temps, je souhaite sincèrement que les ministères et organismes se soucient davantage du contrôle de la qualité des services, et je collaborerai dans ce sens pour les aider à atteindre l'objectif. D'ailleurs, je me réjouis de voir que depuis quelque temps, des ministres, sous-ministres et dirigeants d'organismes témoignent plus que jamais de leur volonté de corriger les choses.

Pour conclure, M. le Président, mesdames et messieurs de la commission, vous avez pu noter que je n'ai pas parlé des problématiques particulières des ministères ou organismes que j'ai mentionnés dans le rapport annuel mais je croyais nécessaire d'abord de faire le point sur le rôle du Protecteur du citoyen et sur ses préoccupations. Je m'attends, évidemment, dans le temps qui suivra, que vous me posiez des questions sur les ministères et les organismes où on semble déceler des problèmes.

Comme vous dans votre rôle de députés, je suis, selon le mandat qui m'a été confié, au service de la population. Je ne suis pas un élu. Je suis et nous sommes, je l'espère, mon équipe et moi, les dignes représentants du pouvoir législatif. Le Protecteur du citoyen est une sorte de mal nécessaire pour l'administration gouvernementale qui a certes démontré cette nécessité au cours de ses 20 années d'existence. Je veux, en conclusion, réitérer que nous pouvons être un outil de travail pour les députés au bénéfice de la population. Je veux redire que le Protecteur du citoyen, dans le cadre de son mandat, se préoccupe au plus haut point des intérêts de la population comme vous, d'ailleurs, à titre de parlementaires.

Je sollicite donc votre compréhension et votre appui pour m'aider à remplir correctement ma mission et pour faire en sorte que les citoyens et citoyennes du Québec reçoivent de la part de l'administration provinciale, les égards et l'attention auxquels ils ont droit. Je vous remercie.

Exposés des membres de la commission

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le

Protecteur du citoyen. Je cède maintenant la parole au député de Louis-Hébert pour faire un exposé pour la partie ministérielle.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Mes premiers mots, évidemment, seront pour réitérer la bienvenue que vous avez déjà manifestée à l'égard de nos invités. L'événement que nous vivons aujourd'hui est un événement d'importance. Le Protecteur du citoyen l'a signalé. Je souhaite aussi la bienvenue aux nombreuses personnes de son équipe qui l'accompagnent. J'espère que même s'ils sont nombreux, la boutique continue de fonctionner chez eux -vous avez beaucoup de travail - et que toute la machine n'est pas arrêtée pour autant. Mais je vois dans cette présence nombreuse l'importance que vous attachez à cette rencontre avec les parlementaires que nous sommes.

Vous nous avez tracé un tableau réaliste et, en même temps, sous certains aspects, inquiétant, du rôle que vous avez à jouer, des perspectives que vous envisagez et de la situation actuelle. Comme parlementaires, il est exact que nous avons une certaine communauté d'Intérêts. Nous avons une façon de voir les choses qui nous rapproche instinctivement. Il est sûr que le travail de député, au-delà de celui d'être un législateur, a aussi un aspect très important qui est d'être un ombudsman dans sa circonscription électorale pour régler les problèmes en autant que faire se peut.

Les difficultés que vous rencontrez, nous les vivons, comme députés, à un degré moindre et avec des moyens beaucoup plus limités. Nous sommes aussi obligés de nous rendre compte que les besoins sont immenses et que très souvent la réaction instinctive des gens qui ont des difficultés avec l'administration est d'aller trouver le député et de l'en saisir, de lui expliquer ce qui ne va pas et de s'en remettre à lui.

Il y a évidemment, depuis maintenant 20 ans, le Protecteur du citoyen qui est un recours de seconde ligne jusqu'à un certain point. Il reste que, comme députés, nous avons aussi un rôle important à jouer de ce côté-là. Nous l'assumons chacun à notre manière du mieux que nous le pouvons, avec, comme je le disais, le peu de moyens qui nous sont alloués. Et c'est une plainte qui est constante chez les députés. Nous avons beaucoup à faire et peu d'outils pour faire le travail. Alors tout ça pour vous dire que nous comprenons la frustration qui est la vôtre. Nous la comprenons et nous la vivons.

En même temps que vous nous faites ce tableau-là, vous nous adressez, à titre de commission des institutions, un certain nombre de demandes. Elles sont nombreuses et elles méritent une étude approfondie, que ce soit sur la façon dont les budgets vous seront accordés ou ne vous seront pas accordés, la façon dont vous avez ou n'avez pas l'occasion d'en discuter, etc. Je pense que cette commission aura avantage à se pencher sur ces demandes et on peut possiblement, en se réunissant, en le demandant à notre président et à notre vice-président, voir s'il n'y aurait pas lieu de convoquer une séance de travail restreinte qui nous permettrait de prendre connaissance des demandes spécifiques que vous nous faites dans le rapport que vous venez de nous exposer.

Les situations que vous soulevez nous obligent à remettre un certain nombre de choses en question. L'augmentation des plaintes est sûrement significative. Vous avez évoqué un certain nombre de raisons et je vous dis qu'il peut y en avoir d'autres. Par exemple, les gens sont de plus en plus conscients des lois qui sont les leurs, sont plus prêts à les faire valoir. Il y a des choses qu'on acceptait ou que la population semblait accepter qui ne sont plus acceptées présentement. Tout cela fait que les besoins peuvent sembler augmenter, pas nécessairement parce que des gens font moins bien leur travail, mais tout simplement parce que la population, avec raison, d'après moi, considère que les fonctionnaires sont à son service et qu'ils doivent lui rendre des services satisfaisants. Ce sont des clientèles captives, comme vous l'avez signalé, et les fonctionnaires doivent se sentir et agir en tant que serviteurs publics. C'est peut-être un état d'esprit qu'il faut développer, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a des moyens internes que vous préconisez et je pense que vous avez raison de tenter de dénouer des conflits potentiels au plus ras du soi possible. Je pense que c'est désirable. Il y a là du travail à faire et vous avez besoin, probablement, d'instruments pour pouvoir le faire.

Vous nous parlez, par exemple, de vos problèmes budgétaires, de discussions de budget et d'allocations de ressources avec le Conseil du trésor, et vous suggérez que cette commission, un comité de cette commission ou le Bureau de l'Assemblée nationale, en tout cas qu'un bras législatif, quelque part, puisse agir en conformité avec le statut qui est le vôtre en tant que prolongement de l'Assemblée nationale et des membres qui la composent.

Je vous signalerai à ce sujet que l'une des explications qui fait qu'en tant que député - je parle en mon nom personnel - nous nous sentions un peu à l'écart de tout cela, c'est que, bien que vous soyez une personne désignée, une persona designata, dans les faits, l'Assemblée nationale a peu ou pas à dire sur votre nomination en l'occurrence. Il faudrait peut-être regarder cet aspect des choses. Je me dis que si, comme député, je vous avais vu parader devant cette commission avec d'autres candidats, je vous aurais demandé votre approche vis-à-vis de ce qu'est l'office de la protection du citoyen, j'aurais comparé votre philosophie de la protec-

tion du citoyen avec celle d'autres candidats potentiels qui seraient venus nous expliquer leur façon de voir les choses. Nous aurions eu l'audition, un petit peu sur le modèle américain, d'une personne très Importante dans notre système, qui est l'ombudsman, et nous aurions pu, après cela, faire un certain choix et recommander que le premier ministre propose à l'Assemblée nationale un certain nombre de personnes qui nous seraient parues aptes à remplir ces fonctions. Je pense que l'implication que nous aurions eue comme députés aurait été beaucoup plus réelle. (11 h 30)

Ce qui s'est passé, Me Jacoby, quand vous avez été nommé, ne nous leurrons pas, c'est que le premier ministre s'est levé en Chambre et a annoncé à cette honorable Assemblée dont nous étions membres que nous étions sollicités à donner notre accord pour que vous obteniez le vote des deux tiers des membres dont vous aviez besoin pour être nommé. Cela a été à peu près notre seule intervention. Cela s'est fait dans une espèce de brouhaha général de début ou de fin de période de questions. Cela fait en sorte que les problèmes que vous vivez, qui sont réels, on a de la difficulté à les identifier, et vous n'êtes pas responsable de cet état de choses. Je me dis, comme politicien, comme membre de l'Assemblée nationale, comme législateur, comme membre du pouvoir législatif: Est-ce que je ne devrais pas, primordialement, être le premier intéressé à la personne qui va dépendre de moi et qui devrait normalement faire le travail que je ne suffis pas à faire à mon bureau de comté, si on le prend comme ça d'une façon très subjective et très égoïste, le choix de cette personne pour qui j'ai eu un mot à dire? Personne ne m'a demandé véritablement si l'étais d'accord pour que Daniel Jacoby soit le Protecteur du citoyen. Je me suis levé et j'ai accepté, bien sûr, mais je l'ai fait sans savoir ce que vous pensiez de votre rôle de Protecteur du citoyen et sans savoir ce que vous aviez effectivement fait. Je le sais un peu parce que vous êtes connu dans la fonction publique, mais j'aurais aimé qu'on ait une discussion là-dessus et que vous disiez: SI je suis nommé, j'aimerais donner telle orientation, j'aimerais qu'on puisse faire ça; Cela va me prendre tel moyen, etc. Là, il y aurait eu une continuité. Je me dis que c'est peut-être quelque chose...

On se demande souvent à quoi ça sert des députés, au-delà de voter un certain nombre de lois qui sont proposées par le gouvernement, et c'est notre système qui exige ça. Les lois doivent émaner du Conseil exécutif. Pourquoi ne pas tenter de récupérer ce qui, finalement, est un restant de pouvoir au pouvoir législatif que nous sommes, en ce qui concerne des personae designatae comme vous? Je pense que ça nous permettrait d'avoir une certaine continuité, une certaine suite dans les difficultés que vous connaissez et dans les objectifs que vous poursuivez avec un certain nombre d'alliés importants dont nous sommes et dont vous auriez grandement besoin et qui, en même temps, vous rendraient le service de vous permettre de faire votre travail, ce qui nous permettrait, à nous, de savoir que la personne qu'on a choisie, parce qu'on l'a choisie, parce qu'on a fait des vérifications, parce qu'on a eu des discussions et parce qu'on a eu des échanges de vues avec elle, puisse remplir le rôle qu'on lui a dévolu.

On aura sûrement l'occasion de se parler de beaucoup de choses. Vous parlez des pièges que peuvent constituer, par exemple, la pléthore de recours en révision et en appel de toute nature, c'est intéressant. Il faut aussi éviter la contrepartie de ça. Il faut éviter que les fonctionnaires qui sont les décideurs de première ligne soient en même temps les attributeurs de droits. C'est difficile, en tout cas c'est probablement faisable, mais ayant moi-même été fonctionnaire pendant de nombreuses années, II existe un risque que le fonctionnaire, qui tente de concilier souvent des intérêts divergents, soft celui qui attribue les droits et fasse pencher la balance d'un bord ou de l'autre, ce qui aurait pour effet, premièrement, évidemment, de décharger le Protecteur du citoyen d'un certain nombre de causes. Mais il faut regarder cela de près pour éviter que le citoyen lui-même, le contribuable, ait l'impression qu'on l'a amené, qu'on l'a guidé dans une direction et qu'on a soutiré son accord à une situation avec laquelle il n'est pas totalement d'accord.

Au-delà de ça, la présentation que vous nous avez faite est extrêmement intéressante. Elle nous oblige à une profonde réflexion sur les difficultés que vous rencontrez, sur le rôle que vous jouez et sur la façon qu'on peut vous aider à donner satisfaction à tout le monde.

Je remarque que votre statut est très spécial. Vous êtes évidemment quelqu'un dont les décisions sont finales, sans appel et sans objet de révision. Par exemple, une plainte est déclarée non recevable. À qui se plaint-on du Protecteur du citoyen? Au député? au ministre? à l'Assemblée nationale? La question se pose: Qui protège le citoyen du Protecteur du citoyen? Évidemment, on peut toujours dire: On n'en sortira jamais, il faut que ça arrête quelque part. Mais, philosophiquement en tout cas, la question se pose. Vous rejetez un nombre Important de plaintes comme étant non fondées. Imaginez la situation de la personne fondamentalement convaincue que sa plainte est fondée et qu'elle est rejetée en disant: Elle n'est pas recevable; nous n'avons pas juridiction; nous n'avons pas compétence, etc. Il est rare que les choses sont soit noires, soft blanches; il y a des espaces gris quelque part dont il faut tenir compte. Je me pose la question. Vous Indiquez que, parfois, on fait appel à votre honorable personne et que vous regardez cela d'une façon particulière. Je suis bien prêt à le croire, mais au-delà de ça, cela ne me paraît pas être un recours vraiment indépendant de l'ensemble de l'organisme qu'est

le Protecteur du citoyen. Y a-t-il à l'Intérieur de votre machine une espèce de petit service mi-indépendant qui sert à vous conseiller ou à avoir un deuxième regard sur des cas qui sont contestés par le citoyen? Est-ce que cela existe ou cela peut-il exister? Vous manquez peut-être de moyens pour le faire.

En tout cas, je sais que mon collègue de l'Opposition, le député de Taillon, a aussi des remarques à faire à la suite de votre rapport, et mon collègue de Marquette en a aussi. Je suis extrêmement heureux que vous ayez eu ce forum pour vous adresser à nous. Je regrette comme vous que l'occasion n'ait pu se présenter plus tôt. Vous pouvez d'ores et déjà compter sur la collaboration et la compréhension de cette commission. Nous ne sommes pas maîtres des deniers publics, comme vous le savez. Nous ne sommes pas maîtres de l'attribution des ressources. Nous avons, au maximum, possiblement un certain pouvoir moral de persuasion et, peut-être éventuellement, de recommandations. C'est dans ce sens-là que j'imagine que vous faites appel à nos humbles services, mais soyez assuré que c'est avec beaucoup d'attention que nous examinerons votre rapport et que nous poursuivrons la discussion pendant les heures qui nous restent.

Encore une fois, sentez-vous à l'aise maintenant de nous saisir spécifiquement de ce que vous attendez de nous, compte tenu de ce que sont aussi nos moyens. Vous nous avez fait grand état des limites que vous aviez vis-à-vis des vôtres et je vous demanderais en retour de considérer les limites que nous avons de nos propres moyens. Mais au-delà de ça, nous allons faire ce que nous allons pouvoir pour faciliter votre travail. Merci.

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le député de Louis-Hébert. Je cède maintenant la parole au député de Taillon, le porte-parole de l'Opposition.

M. Claude Filon

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à Me Jacoby ainsi qu'aux nombreux membres de son équipe qui se sont joints à lui ce matin. Cette rencontre revêt, pour nous, une importance capitale pour l'exercice de la démocratie au Québec. C'est la première fois, sauf erreur, que les parlementaires ont l'occasion d'entendre et de dialoguer avec le Protecteur du citoyen. Signalons immédiatement qu'en ce qui nous concerne, il est nécessaire que cette rencontre devienne une institution annuelle, un rite, de la même façon qu'avec le Vérificateur général et de la même façon qu'avec d'autres organismes qui sont entendus de façon annuelle par l'Assemblée nationale.

Je déplore donc au plus au haut point le fait que notre propre règlement de l'Assemblée nationale n'ait pas été suivi au cours des der- nières années. Je crois utile, M. le Président, de rappeler qu'en vertu de notre règlement, c'est de la commission de l'Assemblée nationale que nous avons reçu le mandat de vous entendre ce matin. Ce n'est pas le mandat de la commission des institutions, mais plutôt le mandat de la commission de l'Assemblée nationale. Ce fait Indique à quel point les rédacteurs de notre règlement, en 1984, lors de la réforme parlementaire, ont cru important et l'institution a jugé importante l'institution du Protecteur du citoyen, puisqu'il était prévu, dans notre règlement, qu'annuellement le Protecteur du citoyen soit entendu par la commission de l'Assemblée nationale, de la même façon que le Directeur général des élections et le Vérificateur général.

En ce qui concerne le Vérificateur général, on se souviendra que les visites, les passages du Vérificateur général ici ont eu un écho considérable et qu'ils sont l'objet d'une attention toute particulière de la part non seulement des parlementaires, mais aussi des médias qui, eux, transmettent à la population les recommandations, les suggestions, les commentaires et les analyses du Vérificateur général. De la même façon, cette Assemblée nationale - plus particulièrement, c'est la commission de l'Assemblée nationale - aurait dû appliquer l'article 116, paragraphe 4°, de notre règlement qui stipule clairement que la commission de l'Assemblée nationale, outre les fonctions que lui confèrent la loi et le présent règlement, entend, chaque année, le Directeur général des élections, le Vérificateur général et le Protecteur du citoyen, et l'on comprend pourquoi. Il s'agit là d'institutions dont les membres sont nommés par l'Assemblée nationale.

Encore une fois, cette nomination par l'Assemblée nationale reflète bien l'importance que l'on doit accorder à certaines des institutions indépendantes qui examinent l'ensemble des activités gouvernementales et qui viennent faire rapport avec une parfaite neutralité, une neutralité qui, d'ailleurs, se voit à chaque page du rapport annuel très intéressant du Protecteur du citoyen et qui s'entend, à chaque mot de la présentation de Me Jacoby ce matin. En ce sens-là, la commission de l'Assemblée nationale, présidée par le président de l'Assemblée nationale, regroupe, outre les leaders parlementaires et peut-être les leaders parlementaires adjoints, les présidents de commissions. Je suis heureux, quant à moi, de m'être associé au processus qui a créé une certaine forme de pressions visant à faire en sorte que le Protecteur du citoyen soit ici aujourd'hui et qu'il puisse nous livrer ses considérations concernant son travail.

Donc, 1 est Impérieux et indiscutable - je l'ai dit et je le redirai à chacune des occasions qu'il me sera donnée de le faire - que cette rencontre que nous vivons ce matin devienne une institution annuelle à laquelle ni le gouvernement, ni les parlementaires, ni le Protecteur du citoyen ne pourront se dérober. D'ailleurs, il m'a

semblé que le désir du Protecteur du citoyen allait exactement dans le sens contraire et que, loin de vouloir s'esquiver, au contraire il recherchait un forum, une tribune où il pourrait exprimer tout haut ce que des milliers de citoyens pensent tout bas et ce dont ses collaborateurs lui font part quotidiennement, ce qu'il vit, en somme, dans sa position qui est, encore une fois, cruciale dans notre société.

Nul ne pourra douter que l'ombudsman, le Protecteur du citoyen, est appelé à jouer un rôle crucial dans notre société. En ce sens, M constitue, bien souvent, le recours en dernier ressort - il l'a dit lui-même - de citoyens et citoyennes aux prises avec une administration publique qui devient gigantesque, qui l'est déjà et qui le deviendra sûrement, et qui apparaît à certains égards, inhumaine, d'ailleurs. (11 h 45)

Là-dessus, si on me permet une parenthèse, j'écoutais attentivement les propos du député de Louis-Hébert. Je fais du bureau de comté, moi aussi, comme tous mes collègues. Bien sûr, nous rencontrons des citoyens le lundi, mais aussi les autres journées, dans toutes nos pérégrinations dans nos beaux comtés respectifs. Mais ce travail, pour moi, est loin d'être comparable avec le travail du Protecteur du citoyen qui, lui, 365 jours par année, avec son personnel, fait office, sans partisanerie et dans une complète neutralité, de dernier recours pour des milliers de citoyens et citoyennes. Notre travail est méritoire dans un bureau de comté; je ne voudrais pas le dénigrer, M. le député de Louis-Hébert. J'en suis et j'apprécie moi-même le travail que je fais. Je vois les conséquences sur les électeurs et électrices qui viennent à nos bureaux de comté. Ils ne sont pas toujours de notre comté d'ailleurs, ils viennent de partout. Mais comparer ces deux institutions, cela m'apparaît vraiment un petit peu déplacé, de la même façon, d'ailleurs, que je voudrais immédiatement me dissocier de la création d'une future commission d'appel des décisions de l'ombudsman, soit dit en passant. Donc, les membres de cette l'Assemblée nationale sont à même de constater les dédales bureaucratiques et administratifs à leur bureau de comté et également par leur travail en commission et à l'Assemblée nationale.

Il n'est pas mauvais, loin d'être mauvais, qu'une institution, en l'occurrence le Protecteur du citoyen, vienne nous rappeler que l'administration qui applique des lois votées par les législateurs peut avoir des failles et des ratés. Me Jacoby représente, en définitive, le dernier maillon et on pourrait probablement s'exprimer autrement et dire que c'est un peu comme le retour du boomerang des gestes que posent quotidiennement les députés et le gouvernement. C'est là qu'on voit, en somme, les conséquences des décisions qui sont prises lorsque nous votons des lois, lorsque nous étudions des règlements, ce qu'on ne fait pas souvent, car c'est généralement le gouvernement qui le fait, mais les commissions parlementaires ont également la possibilité, on le sait, d'étudier les règlements.

Le Protecteur du citoyen a signalé que cette fonction d'ombudsman est née iI y a une vingtaine d'années au Québec. Lorsqu'on consulte le dernier rapport annuel du Protecteur du citoyen, on se convainc instantanément, si je peux m'expriimer ainsi, de la nécessité de cette institution. Son utilité et son efficacité méritent, d'ailleurs, maints éloges et on n'a qu'à consulter le taux de réussite des interventions du Protecteur du citoyen qui, à tous égards, est exemplaire. Il est remarquable, phénoménal même, que 46 personnes, si j'ai bien compris, traitent 5274 demandes de renseignements, 17 110 demandes d'interventions et fassent 6429 interventions ou enquêtes. Ce sont là des chiffres qui devraient inviter l'institut de productivité à aller faire un tour du côté duProtecteur du citoyen pour savoir comment il arrive à boucler ses fins de mois, mais on a eu la réponse ailleurs dans sa présentation verbale lorsqu'il nous a fait part de ses problèmes budgétaires. Nous aurons sûrement l'occasion de revenir, au cours des heures qui nous restent en commission, sur les travaux et les succès du Protecteur du citoyen.

Je voudrais quand même immédiatement signaler deux points qui m'ont particulièrement frappé, outre la situation vécue par le Protecteur du citoyen dans ses démêlés avec le gouvernement, notamment pour la fixation de son budget, et également les interrogations justifiées en ce qui concerne la compétence du Protecteur du citoyen. Je retiens deux choses qui ne m'étaient pas apparues aussi évidentes à la lecture du rapport et qui ont été signalées ce matin dans la présentation verbale de Me Jacoby: premièrement, l'importance de la formation des décideurs de première ligne et, deuxièmement, ce réflexe de contentieux qu'évoquait tantôt le député de Louis-Hébert et qui constitue une invitation à la judiciarisation. Il m'apparaît que ce sont des pistes de réflexion extrêmement Importantes dans les années qui viennent dans l'ensemble des sociétés occidentales, mais, puisqu'on est ici, au Québec en particulier. Donc, nous reviendrons plus tard sur ces considérations.

Pour l'instant, j'aimerais plutôt faire part de certaines de mes préoccupations non pas en ce qui concerne le travail du Protecteur du citoyen, mais plutôt vis-à-vis de ce qui fait l'objet de son travail. Le Protecteur du citoyen reconnaîtra sûrement certaines de mes critiques pour les avoir déjà énumérées dans un rapport annuel ou même pour en avoir déjà fait part publiquement, lors de sorties publiques. Ce sera là la preuve qu'il aura convaincu au moins un parlementaire que ses Interventions n'auront pas été vaines.

Pour commencer, je dirais que, de façon générale, l'institution de l'ombudsman s'inscrit dans un souci d'humanisation de l'appareil étatique. Dans le fond, on le dit souvent à l'Assemblée nationale et je le répète ici aujour-

d'hui, ce sont les contribuables, par leurs impôts, par leurs taxes, qui défraient les coûts de l'administration publique, il est donc tout à fait normal que l'administration soit au service de ces contribuables et non pas l'inverse. Je pense que cela a été dit sous toutes les formes à l'Assemblée nationale, mais c'est bon de le rappeler crûment. Conscient de cette réalité, le gouvernement précédent avait fait une série d'efforts dans le but d'humaniser la fonction publique et, parmi les plus importants, on peut noter la création du poste de ministre d'Etat aux Relations avec les citoyens. Sauf erreur, je pense que c'est en 1981 ou en 1982 que le gouvernement précédent avait créé ce poste de ministre d'État ou délégué aux Relations avec les citoyens - je ne sais pas si le titre est exact - et ce poste-là avait été occupé par différents ministres. En 1982, sauf erreur, le ministre titulaire avait produit un document qui s'appelait AGIR, Amélioration des relations avec les citoyens, et je voudrais profiter de l'occasion pour en rappeler certaines des grandes lignes.

D'abord, la nature de ce plan était l'amélioration des services gouvernementaux aux citoyens. Le contenu était un plan d'amélioration du service à la clientèle à l'aide de tables régionales comportant les secteurs d'intervention prioritaire suivants: régionalisation des services accompagnée d'une délégation de pouvoirs équivalente; l'amélioration de la signalisation des édifices et bureaux gouvernementaux avec la collaboration du ministère des Communications et de la SIQ; amélioration de l'accessibilité téléphonique; mise sur pied de programmes d'information sur les services offerts par le gouvernement; aménagement de postes d'accueil dans tous les édifices où sont localisés plusieurs services gouvernementaux; réduction des délais par les organismes appelés à rendre des décisions judiciaires ou quasi judiciaires - je le répète, réduction des délais par les organismes appelés à rendre des décisions judiciaires ou quasi judiciaires, parce qu'on reviendra souvent là-dessus - mise en vigueur de mécanismes internes de révision et étalement de la délivrance des permis.

Alors, ce programme avait été appliqué en bonne partie et avait donné ceci: 830 des 1200 bureaux gouvernementaux sont maintenant ouverts le midi, le téléphone, accueil, renseignements généraux, 3 000 000 $ pour la réorganisation du système d'accueil au ministère du Revenu en ajoutant 80 postes pour les services au public; instauration du système de pilote unique des dossiers à la CSST, aux centres Travail-Québec pour les jeunes ou les handicapés et au MIC pour les entreprises; mise sur pied de tables régionales d'amélioration des services gouvernementaux dans toutes les régions du Québec; diminution marquée des délais dans le traitement des demandes et services aux handicapés.

On se souviendra aussi, si ma mémoire est bonne, du programme d'identification des fonc- tionnaires au téléphone dont on voit encore les bienfaits quotidiennement, alors qu'anciennement les citoyens ne se retrouvaient pas quand ils appelaient au gouvernement. Les fonctionnaires ne s'identifiaient pas, les citoyens parlaient à douze personnes, ils ne savaient même plus à qui ils avaient parlé et qui était la bonne personne. Il s'agissait là de petites mesures qui ne bouleversaient rien, mais qui avaient pour but d'humaniser, de façon générale, les rapports des citoyens et des citoyennes avec leur État de qui ils défraient les coûts et qui détient - le Protecteur du citoyen l'a rappelé aujourd'hui -une situation de monopole.

Le citoyen qui a un accident d'automobile et qui doit être indemnisé n'a pas le choix de son forum: il doit faire affaire avec la Régie de l'assurance automobile du Québec; il ne peut pas aller ailleurs. Il est dans une situation où I est obligé de faire affaire avec la Régie de l'assurance automobile du Québec, comme la plupart des services gouvernementaux qui détiennent une compétence absolue et exclusive sur la situation problématique qui fait l'objet du dossier, d'où l'importance pour l'État détenant ce pouvoir exclusif de démontrer une accessibilité totale à l'égard des citoyens sinon, je pense qu'on passe complètement à côté du rôle même de l'État.

Il s'agissait là, M. le Président, de petites mesures de réflexion. Il est intéressant de noter que ce poste de ministre d'État des relations avec les citoyens, un, a été aboli par le présent gouvernement et, deux, que nous n'avons vu aucune mesure - sauf peut-être à l'exception du ministère du Revenu - aucune planification, aucun programme de la part du gouvernement qui viserait à poursuivre ces efforts d'humanisation qui avaient été entrepris au début des années quatre-vingt. Donc, M. le Président, nous dénonçons l'immobilisme du gouvernement en matière d'humanisation des services gouvernementaux aux citoyens et il est malheureux que la venue de l'actuel gouvernement semble avoir mis un terme aux nombreux efforts de l'administration précédente pour arriver à accentuer ce souci d'offrir des services humains à ceux qui paient la note, en définitive. Encore une fois, je fais exception du ministère du Revenu où il semble y avoir eu une préoccupation relativement constante, en particulier chez l'actuel ministre du Revenu.

Il apparaît évident, lorsqu'on doit faire face à un gouvernement de gestionnaires, de comptables si intéressé aux colonnes de chiffres qu'il n'hésite pas, d'ailleurs, à refuser 4 000 000 $ à l'OPHQ, à l'Office des personnes handicapées du Québec, que les coupures qui ont affecté l'appareil gouvernemental n'ont pu faire autrement que de compromettre la qualité des services offerts. Les coupures d'effectifs ont inévitablement entraîné une surcharge de travail et iI est Intéressant de noter, d'ailleurs, à la page 7 du rapport du Protecteur du citoyen, au 5e paragraphe de son introduction, et je le cite: "On ne peut conclure pour autant - après avoir dénoncé

la situation d'augmentation des plaintes, le rapport de force inégal - que les fonctionnaires sont incompétents ou inefficaces. Un très grand nombre d'entre eux sont sensibilisés à ces questions et soucieux d'améliorer les services à ta population. Mais, en dépit de ces efforts, la surcharge de travail et l'insuffisance d'effectifs, entre autres, entraînent souvent des erreurs et des lenteurs qui peuvent constituer des dénis de justice." C'est contenu dans le rapport du Protecteur du citoyen, pour ceux qui auraient des difficultés à entendre ce qui vient d'un député de l'Opposition.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Taillon, vos 20 minutes sont terminées. Avec le consentement des autres membres, peut être qu'on peut vous donner quelques minutes pour terminer.

M. Filon: Je termine. Donc, les coupures d'effectifs ont inévitablement entraîné une surcharge de travail. On sait qu'en 1987, 40 % des causes de lésions constatées par le Protecteur du citoyen étaient dues à des délais déraisonnables. Ce pourcentage était de 33 %, on 1986 et, par conséquent, il y a eu augmentation notable.Cette obsession à couper a d'ailleurs amené, par exemple, le problème de la surpopulation endémique dans les prisons du Québec; problème qui fut d'ailleurs dénoncé dans le dernier rapport annuel du Protecteur du citoyen.

À cette gestion inhumaine du Conseil du trésor, qui se réflète invariablement sur l'administration, il faut ajouter une incapacité chronique d'un gouvernement incapable de décider de la couleur de la margarine et encore moins des heures d'affaires, d'entreprendre les réformes majeures qui s'imposent. A cet égard, je pense ici plus particulièrement à la réforme des tribunaux administratifs et à la déréglementation. Il s'agit là de deux promesses qu'on a beaucoup entendues en 1985, mais dont on ne parle plus depuis quelques années. (12 heures)

Me Jacoby nous disait tantôt que l'institution du Protecteur du citoyen remontait au temps des pharaons et, à voir l'immobilisme du gouvernement, cela m'a amené tout de suite à faire un rapprochement qui va de soi. D'abord, en ce qui concerne la réforme des tribunaux administratifs, le rapport Ouellette fut déposé à l'automne 1987 à peu près au même moment où Me Jacoby devenait Protecteur du citoyen et qu'il s'appliquait, comme il l'a fait à plusieurs reprises, à dénoncer les délais de la commission, notamment de la Commission des affaires sociales et de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Cette réforme d'envergure qui avait, entre autres, comme objectif de diminuer substantiellement les délais devant les tribunaux administratifs, avait comme titre "L'urgence d'agir". Malgré la mise en garde des auteurs du rapport qui avaient peur de voir leur rapport tabletté, on attend toujours cette réforme qui est de nature à venir régler les problèmes chroniques dans notre société et à rendre moins illusoires les recours qui sont offerts aux citoyens et aux citoyennes.

Ensuite, l'actuel gouvernement avait promis d'entreprendre un vaste ménage de notre réglementation, de légiférer moins et mieux. Or, force est de constater qu'il a failli à la tâche et ce n'est pas nous qui le disons, mais l'ex-député, Reed Scowen, dans le rapport qu'il a signé avant de nous quitter pour Londres: "Je rejoins ici une des préoccupations du Protecteur du citoyen qui, dans son dernier rapport, s'inquiète de la complexificatlon d'un système en face duquel le citoyen ne fait pas le poids." Souvenons-nous de ces images cocasses, mais combien dramatiques en termes d'impact pour les citoyens, des parlementaires, y compris le ministre de la Sécurité du revenu, qui étaient Incapables de comprendre les règlements d'aide sociale. Donc, rien n'a été fait au chapitre de la déréglementation et, au contraire, la situation empire, tel que le Protecteur du citoyen le mentionne d'ailleurs à la page 49 de son rapport.

Avant de terminer j'aimerais souligner - je termine là-dessus, M. le Président - que, évidemment, notre formation politique est plus que sensible à l'élargissement de juridiction dont a traité le Protecteur du citoyen tantôt. Je pense que, comme exemple, on peut prendre la loi 3 qui, en termes d'éducation, faisait en sorte que ce réseau puisse être soumis à la compétence du Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen - on aura l'occasion d'en parler tantôt - nous parie en longueur et en profondeur de ses priorités pour les années qui viennent. Comme le temps me manque je reviendrai là-dessus, mais je tiens à signaler Immédiatement que les irois objectifs contenus aux pages 11 et 12 du rapport du Protecteur du citoyen pour l'année qui vient nous apparaissent tout à fait fondés.

En conclusion, M. le Président, face au gouvernement qui se déshumanise de plus en plus, un vigoureux coup de barre s'impose et prendra sa source, nous l'espérons, dans une écoute plus attentive des recommandations du Protecteur du citoyen. Et, afin que le Protecteur du citoyen sache dès ce matin que nous ne sommes pas insensibles, loin de là, à la situation qu'il a décrite dans son rapport et dans sa présentation, en tant que président de la commission des institutions, je lui annonce que j'inviterai mes collègues, comme d'ailleurs le député de Louis-Hébert en a fait part tantôt, à étudier les suites à donner à son rapport. Comme vous le savez, la réforme parlementaire permet à une commission parlementaire d'étudier en séance de travail et de se donner, s'il y a lieu, un mandat d'initiative. Donc, le Protecteur du citoyen peut ainsi être assuré dès immédiatement, face à la démonstration magistrale qu'il a faite dans son rapport et dans sa présentation verbale, qu'il ne

repart pas les mains vides. Donc, les membres de cette commission des Institutions seront convoqués en séance de travail pour déterminer les suites que nous pourrons donner à son rapport et à sa présentation ce matin.

Je vous remercie de votre patience, M. le Président et mes collègues.

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le député de Taillon. Je cède maintenant la parole au député de Marquette.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Me Jacoby, M. Meunier et M. Marcotte. Évidemment, je pense que je parle aussi au nom de mes autres collègues du parti ministériel. Nous sommes très heureux de les recevoir. Je n'ai pas l'intention de répéter ce qui a été dit par mes deux collègues. Par contre, j'aimerais aborder certains points particuliers.

Tout d'abord, J'aimerais vous dire que, en effet, le Protecteur du citoyen relève de la commission de l'Assemblée nationale. Vous savez, M. le Président, que la commission de l'Assemblée nationale siège très rarement. C'est peut-être déjà là une explication des visites rarissimes du Protecteur du citoyen au Parlement. C'est de fait l'explication. D'ailleurs je rejoins le président de la commission des institutions lorsqu'il dit qu'éventuellement cela pourrait faire l'objet d'un mandat d'initiative de recevoir le Protecteur du citoyen et développer plusieurs sujets, parler de ses juridictions, parler de bonifier la législation habilitante. Je serais d'accord avec lui que le Protecteur du citoyen pourrait faire l'objet d'un mandat d'Initiative. Il s'agirait de savoir si nous avons les compétences, comme commission des institutions politiques, d'agir dans ce sens, c'est-à-dire, avoir un mandat d'initiative. Évidemment, cela pourrait se discuter avec les autorités, s'il pourrait y avoir une délégation de pouvoir à notre commission afin qu'on puisse travailler dans ce sens.

Un autre point que je veux aborder, et le Protecteur du citoyen nous en a fait part lors de son exposé, c'est la situation de conflit d'intérêts qui existe par rapport à son indépendance en ce qui concerne ses budgets. Personnellement, je suis d'accord avec lui. Je trouve un peu byzantin le fait que l'indépendant que doit être le Protecteur du citoyen se fasse accorder ses budgets par le Conseil du trésor qui . n'est pas nécessairement indépendant. Je peux pratiquement m'engager face à lui aujourd'hui. Je vais faire les recommandations nécessaires à notre collègue, président du Conseil du trésor, pour essayer de trouver une solution. On pourrait discuter là-dessus tantôt, lors de la période de discussion.

Quant à ses juridictions, j'ai lu moi aussi attentivement son dernier rapport annuel. D'ailleurs, je fais du bureau de comté, moi aussi, et à 50 %, dans mon bureau de comté, on parle souvent de problèmes de santé et de services sociaux. J'ai été sensible au fait qu'il n'ait aucune juridiction, sauf évidemment en certains points, en matière de santé et de services sociaux Je pense à une personne qui désire être admise dans un centre d'accueil. Le comité étudiant son dossier décide qu'elle est trop autonome pour être admise dans un centre d'accueil. A ce moment-là quel est le mécanisme? Il y a peut-être un recours au CRSSS, au conseil régional, mais ce sont des situations que l'on voit régulièrement. Quant à ses juridictions, je suis également très sensible. Je ne veux pas non plus passer tout le temps qui nous est alloué à faire des remarques préliminaires.

Cela étant dit j'aimerais, encore une fois, remercier le Protecteur du citoyen. Il nous a fait part de situations problématiques. Je suis persuadé que les collègues ici présents pourront discuter avec lui et ses collaborateurs afin de lui faciliter la tâche - un peu comme mes autres collègues l'ont dit, c'est un peu notre bras droit comme parlementaires - de voir à ce que l'administration - je suis habitué de dire l'administration de la justice - publique soit bien rendue aux citoyens et citoyennes du Québec. A ce stade, M. le Président, je ne sais si d'autres collègues veulent faire des remarques préliminaires. J'aimerais que l'on procède à la période de discussion.

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le député de Marquette. C'est justement la période de discussion qui va commencer. Chaque député a une période de 20 minutes pour faire des interventions. C'est la règle d'alternance qui s'applique. Y a-t-il des députés qui ont des... Mme ta députée de Groulx.

Discussion générale

Mme Bleau: C'est seulement une remarque que je voudrais faire au départ. Quand on pariait d'Immobilisme tout à l'heure, du côté de l'Opposition, je voudrais faire remarquer quand même qu'en 1983-1984, le personnel qui vous était alloué était de 37 personnes et en 1987-1988, on retrouve 59 personnes. Il y a quand même eu un ajout d'à peu près le tiers, c'est déjà à considérer. Ce n'est pas dire que je trouve que vous en avez assez, on va regarder cela, mais un effort a quand même été fait de côté-là. Je voulais bien le faire remarquer à l'Opposition. C'est ma remarque pour tout de suite.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Taillon.

Provenance des demandes

M. Filion: Oui. Dans les tableaux qui sont annexés au rapport, qui sont à ta fin du rapport, je vous invite à jeter un coup d'oeil sur des

tableaux qui décrivent fort bien les activités du Protecteur du citoyen. Quant à moi, en tout cas, |'ai trouvé absolument fascinantes les statistiques qui y sont contenues ainsi que celles que nous a livrées tantôt le Protecteur du citoyen. En particulier, le tableau C, page 49. Quand on dit que les chiffres parlent par eux-mêmes, j'invite mes collègues à jeter un coup d'oeil là-dessus. Juste quelques-uns, peut-être, sur les demandes reçues, qui contiennent des demandes de renseignements et des demandes d'intervention. Il est tout à fait remarquable, par exemple, qu'en 1970, évidemment, c'était à peu près quelques années après la naissance, un ou deux ans après la naissance du bureau du Protecteur du citoyen, 3342, ce n'est pas beaucoup.

Regardons la croissance. Pour 1975, 6000; 1980, 9000; là, on est rendu à 22 000. C'est absolument extraordinaire. Dans les causes de cette augmentation, il demeure le fait que le citoyen en général est mieux informé qu'il existe toujours des recours pour les plaintes qu'il a à adresser, à mon avis. C'est peut-être le sens de la première question que je vais adresser au Protecteur du citoyen. Dans la revue Justice de septembre 1988, vous disiez, Me Jacoby que selon un sondage effectué, je pense, par le Protecteur du citoyen, 80 % des personnes interrogées ne savent pas eu qu'il fait. Cela veut dire qu'ils or! l'impression, est-ce que je me trompe, que le bureau du Protecteur du citoyen, c'est l'endroit où on va essayer de voir à qui Us doivent s'adresser exactement? Mais je combine cette statistique avec votre rapport, a la page 11, si ma mémoire est bonne, et cela m'a paru particulièrement intéressant.

Vous avez étudié les sources, les provenances des demandes qui sont adressées au bureau du Protecteur du citoyen. Exception faite de la région de Québec qui est une région, on le sait, où on retrouve beaucoup d'employés de l'État, donc, ils sont plus au courant de l'existence du bureau du Protecteur du citoyen, toutes les autres régions ont une proportion inférieure de demandes adressées au bureau du Protecteur du citoyen. Je note que les Québécois anglophones ne représentent que 4 % des demandes adressées au Protecteur du citoyen. Je combine ça avec une autre de vos déclarations, alors que vous disiez qu'il y a 1 % des membres des communautés culturelles seulement qui ont recours à vos services. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, sur les problèmes ou les raisons, en fait, qui amènent ces chiffres.

M. Jacoby: II est exact qu'il a été procédé à un sondage au début de 1987 par notre organisme. Ce sondage démontre qu'il n'y a pas plus de 20 % de la population qui ont entendu parler de l'institution. Quand on creuse ce sondage, on réalise qu'il y en a plus de 80 % de ceux qui ont entendu parler de l'institution qui ne savent pas ce que c'est, ce qui fait qu'on est parfois considérés comme le département des miracles. Parmi les plaintes pour lesquelles nous devons décliner juridiction à l'accueil, on réalise par exemple que 40 % des plaintes qui nous sont adressées, pour lesquelles on n'a pas juridiction, ce sont des conflits entre personnes privées. Là, nous devons expliquer aux personnes que nous n'avons pas juridiction et nous leur indiquons les voies à suivre.

Alors, à mon point de vue, il y a une méconnaissance réelle de l'institution du Protecteur du citoyen et ce que j'ai pu constater, depuis les quinze ou seize mois que je suis là, c'est que cette méconnaissance est inégale. Comme vous le souligniez, la région de Québec, probablement parce que la plupart des bureaux gouvernementaux sont à Québec, parce que les fonctionnaires ont l'habitude de voir venir à l'occasion des employés du bureau, les gens se parlent et il y a certainement une connaissance plus grande. Cependant, quand on prend par exemple le tableau qui est à la page 52 du dernier rapport annuel, suivant les régions administratives du Québec - j'ai fait une comparaison Ici entre la proportion, le pourcentage de population dans les régions et le nombre de demandes adressées chez nous en 1986-1987 - on constate qu'il y a des régions éloignées notamment où, véritablement, on ne semble pas nou3 connaître. Ce n'est pas propre au Protecteur du citoyen, c'est généralement vrai pour l'ensemble du réseau gouvernemental, mais il y a des différences qui me font croire que le droit à légalité ne s'applique pas de la même manière à travers le Québec, en ce sens que j'ai pu constater que dans plusieurs régions on renonçait à des droits, on tenait pour acquis des décisions négatives de fonctionnaires pour une foule de raisons, mais y compris le fait qu'on ne connaisse pas l'existence de ce recours assez léger. (12 h 15)

Pour ce qui est maintenant des anglophones, des minorités culturelles et ethniques et des populations autochtones du Québec, pour ce qui est des populations autochtones au Québec, je crois comprendre, d'une certaine manière, que le fait que ces populations autochtones fassent souvent affaire avec le gouvernement fédéral minimise les relations avec le gouvernement provincial et cela peut expliquer en partie, je dis bien en partie, le fait que nous n'ayons pratiquement pas de demande émanant des populations autochtones. Il y a bien sûr également pour ces populations autochtones la barrière culturelle et la barrière linguistique.

Pour ce qui est des anglophones, des Canadiens anglais, j'ai pu constater en effet qu'on n'a pratiquement pas recours au Protecteur du citoyen. J'ai cru naïvement, après analyse, que le milieu anglo-québécois était peut-être mieux organisé que les francophones, mais j'ai réalisé avec le temps que ce n'était pas ça du tout. J'ai pu constater qu'il y avait des poches de personnes démunies de langue anglaise qu'on retrouve dans plusieurs circonscriptions élec-

totales dans ta région de Montréal et dans d'autres régions. Je pense que c'est peut-être la barrière linguistique, la barrière culturelle qui fait qu'on n'a pas tellement recours à nos services.

Pour ce qui est des minorités culturelles et ethniques, là, le problème est beaucoup plus complexe, à mon point de vue. Quand on parte de minorités culturelles comme ça, c'est un beau concept, mais au Québec, il y a au-delà de 100 communautés culturelles et ethniques. Depuis les années cinquante, il y a une immigration qui, d'une manière générale, est devenue plus considérable.

Ce que j'ai pu constater jusqu'ici, ayant eu l'occasion de rencontrer des organismes à la fois de défense des droits de communautés culturelles, des agents relayeurs de communautés culturelles ou des organismes sans but lucratif, comme le Centre de recherche action sur les relations raciales ou, encore, SOS, ce que j'ai pu constater, c'est que, pour ce qui est des minorités culturelles et ethniques, outre la barrière linguistique... parce que Je pense que c'est de l'ordre de 35 % des membres des communautés qui ne parlent ni le français ni l'anglais, un immigrant qui arrive ici, sur le pian culturel, est très conditionné par son pays d'origine. Ainsi, s'il vient de pays où l'État est un État dictatorial ou un État tyrannique, les immigrants importent cette culture ici. Ce que j'ai pu constater, c'est qu'à ce moment-là, quand ils réclament des services, pour plusieurs, auprès du gouvernement et qu'ils essuient un refus de la part des services gouvernementaux, ils n'osent pas - les membres de certaines communautés culturelles - en aucune manière contester parce que, dans leur culture, ça peut être très dangereux de contester des décisions de l'administration. Cela, on le constate dans plusieurs communautés culturelles. Alors, c'est pour cette raison que je considère que pour cette partie de la population, pour cette partie de Québécois qui sont chez nous et qui continuent à venir chez nous, je pense que le Protecteur du citoyen, mais pas seulement le Protecteur du citoyen, les ministères et organismes doivent peut-être se préoccuper davantage de ces personnes qui sont dans une situation que je qualifierais de plus vulnérable que d'autres à cause du problème à la fois linguistique et culturel.

Le Président (M. Kehoe): Mme la députée de Groulx.

Communautés culturelles

Mme Bleau: Au point de vue publicité, je pense que ce que vous nous avez présenté, on le comprend et je pense bien que chacun de nous le vit probablement dans chacun de nos comtés. Pour ma part, j'ai une grosse clientèle portugaise dans mon comté et je sais que ces gens n'ont pas l'habitude de... Au départ, ce n'est pas dans leurs moeurs de se plaindre tellement. Ils ont peut-être aussi la pensée: On va peut-être se faire du tort ou mal se faire voir si on commence à se plaindre. Mais comme Protecteur du citoyen, est-ce que vous auriez le loisir de vous préparer un plan de communication auprès des clientèles-cibles ou, si vous n'en avez pas déjà le moyen, est-ce qu'il y aurait quelque chose dans la loi qui vous le permettrait? D'après ce que j'en sais, de ce que j'ai pu lire, vous auriez déjà le loisir de le faire si nécessité se faisait sentir.

M. Jacoby: D'une certaine manière, oui. Comme je l'ai mentionné plus tôt dans mon exposé, nous avons examiné la situation des membres des communautés culturelles et nous avons réalisé des choses. Il faut peut-être se faire mea culpa aussi au bureau du Protecteur du citoyen, on n'a pas de personnel qui parle plusieurs langues. Bien sûr, l'anglais et le français, cela va, mais on n'en a pas pour d'autres langues. On a déjà notre propre problème systémique comme dans bien des administrations de l'État. Donc, ce que j'ai envisagé avec mon personnel, c'est un plan d'action dont l'objectif serait de se faire mieux connaître auprès des membres des communautés culturelles suivant un échéancier bien défini, parce que je pense qu'il serait irréaliste et cela ne rendrait service à personne que de vouloir se faire connaître de toutes les communautés culturelles en même temps. Il va falloir qu'on établisse des priorités là où on pense que les gens sont peut-être plus vulnérables. J'ai songé, évidemment, aussi à recruter dans notre personnel des personnes qui émanent des communautés culturelles, notamment une personne qui pourrait peut-être chez nous coordonner l'ensemble de ce projet. Cela prend une certaine coordination parce qu'il y a au-delà de 100 communautés culturelles. Également au service d'accueil et au service des enquêtes, pouvoir engager des personnes qui émanent de ces communautés culturelles et aussi prévoir une stratégie, si l'on veut, de communication auprès de ces communautés.

Alors, notre plan d'action est prêt et, bien sûr, je dois encore une fois le dire, même si je n'aime pas en parler, on n'a pas les ressources nécessaires pour réaliser cela. Parmi les demandes que j'ai présentées au Conseil du trésor, l'automne dernier, j'en ai fait une pour qu'on nous alloue, je crois, si je me rappelle bien, sept ou huit postes additionnels afin de pouvoir répondre aux besoins de ces communautés. Parmi ces postes, il y aurait bien sûr un certain nombre d'enquêteurs de niveau professionnel ou de techniciens, des préposés à l'accueil, un agent d'information et du personnel de soutien. C'est une demande que j'ai faite au moment où on se parle et voici la situation.

Mme Bleau: Lorsque vous parlez d'avoir des interprètes ou des gens qui parleraient plusieurs langues, entre autres, la communauté à laquelle

je pense parle et comprend très bien le français. Vraiment leur intégration à notre communauté thérésienne est faite, il n'y a pas de problème de ce côté-là. Je comprends bien qu'il y a certaines communautés qui ne parlent peut-être pas et qui ne comprennent pas très bien le français. À ce moment-là, un interprète par contrat, si nécessaire, est-ce que cela pourrait vous satisfaire ou...

M. Jacoby: Oui, sûrement. Pour ce qui est particulièrement de la communauté portugaise, à partir du moment où ces personnes parlent généralement français ou anglais, il me serait possible éventuellement peut-être de rencontrer, si vous le jugez opportun, les leader? de l'organisation pour qu'on leur explique davantage les services que l'on peut rendre éventuellement à ces citoyens.

Mme Bleau: Alors, merci beaucoup. Ressources budgétaires

M. Filon: En terminant, il me reste peut-être deux minutes, un peu sur le même sujet. Sur cette question budgétaire, le budget 1988-1989 est de 3 000 000 $ sauf erreur?

M. Jacoby: Oui.

M. Filion: Vous nous dites que sur le plan des effectifs, des ressources humaines, vous avez demandé sept à huit postes additionnels. En termes budgétaires, ça représente combien, l'augmentation de ressources nécessaires pour permettre au Protecteur du citoyen d'accomplir le boulot qu'on lui demande de faire?

M. Jacoby: En ce qui a trait aux communautés culturelles et des populations autochtones, ça représenterait un budget de fonctionnement, pour ce qui a trait au traitement de l'ordre de 290 000 $, et comme budget d'opération, de l'ordre de 50 000 $, pour un total de 340 000 $.

M. Filion: D'accord. Et de façon générale, maintenant, pour vous permettre d'avoir les ressources suffisantes pour mener à bien votre mandat?

M. Jacoby: Voici, l'augmentation du nombre de demandes fait en sorte que nous avons besoin, pour continuer de nous tenir à flot, de 22 postes additionnels. J'ai fait une comparaison et J'ai pu constater que de 1980 à 1985, on nous a alloué, au bureau du Protecteur du citoyen, 21 postes additionnels, pour une augmentation des demandes, à l'époque, de l'ordre de 6000 dossiers par année. La demande que je présente en 1988 est également pour une augmentation de 6000 demandes, mais, cette fois-ci, cette augmentation s'est traduite sur trois ans, et non pas sur cinq ans. C'est pour ça que j'ai demandé un ordre de grandeur tout à fait identique à ce qui avait été alloué au Protecteur du citoyen, à l'époque. Il faut se rappeler qu'à l'époque, comme aujourd'hui d'ailleurs, ces effectifs ont été donnés au bureau, malgré le fait que l'on vive des compressions budgétaires depuis l'année 1979.

Le Président (M. Kehoe): Merci, maître.

M. Filon: Juste pour terminer, j'ai une dernière question, M. le Président. Donc, c'est 20 %, grosso modo, de 3 000 000 $, c'est-à-dire environ 600 000 $.

M. Jacoby: Pour ce qui est des effectifs d'un plan de redressement, pour nous tenir à flot, ça représente à peu près je dirais 906 000 $.

M. Filion: Merci.

Le Président (M. Kehoe): Merci Me Jacoby. Vu l'heure, nous allons suspendre les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 14 h 22)

Le Président (M. Kehoe): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des Institutions reprend ses travaux. Je rappelle son mandat: il s'agit d'entendre le Protecteur du citoyen dans le cadre de l'examen de son rapport annuel 1987-1988. Lorsque nous avons suspendu ce matin, à 12 h 30, nous en étions à la discussion entre les membres de la commission et le Protecteur du citoyen. Le député de Louis-Hébert m'a demandé de prendre la parole.

M. Doyon: C'est ça.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Louis-Hébert.

Le rôle du député

M. Doyon: Merci, M. le Président On a déjà eu l'occasion de discuter d'un certain nombre de choses. Tout d'abord, en commençant, afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté et pour faire suite aux propos du député de Taillon qui disait que les bureaux de comté des députés n'étalent pas l'équivalent du Protecteur du citoyen, etc., je n'ai jamais prétendu ça. J'ai dit que le travail que nous étions appelés à faire, dans une mesure très modeste, s'y apparentait dans plusieurs cas, que ce soit concernant les bourses d'études, les prêts ou des problèmes avec le ministère du Revenu ou avec la CSST.

Vous auriez peut-être un travail à faire

auprès de nous, M. le Protecteur du citoyen. Vous suggérez qu'il y ait un certain nombre de choses qui se règlent autrement que par votre Intermédiaire. Une bonne façon, c'est de mettre à contribution les 122 pauvres hères que nous sommes et qui ne demandons pas mieux que de nous démêler dans le fatras administratif. Je vous assure que les résultats qu'on obtient sont surprenants et ce sont autant de cas auxquels vous n'avez pas affaire et qui ne vous demandent pas d'intervention. Il est surprenant de voir que, parfois, un appel téléphonique bien placé à un fonctionnaire qui accepte de réviser un cas, de l'examiner puisse donner des résultats à la satisfaction de l'administré.

Cela peut se produire aussi du côté de la CSST ou du côté des prêts et bourses, comme je le disais. Cela peut se produire du côté de l'aide sociale. Qu'on appelle ça du travail d'ombudsman ou du travail de conciliateur ou comme on le voudra, en tout cas, c'est du travail de député. C'est du travail qui évite, dans plusieurs cas, que les griefs, si on peut les appeler comme ça, se retrouvent sur votre bureau. Chez les 122 députés - je ne voudrais pas parler pour tout le monde, mais en tout cas, je suis sûr que c'est la majorité d'entre eux - vous avez des gens qui sont prêts à faire ce qu'ils peuvent pour que la machine fonctionne mieux. Nous avons tous, comme députés, une préoccupation; premièrement, nous voulons nous assurer que nos commettants ne subissent aucune discrimination, qu'ils ne sont victimes d'aucune sorte de discrimination, que les décisions sont prises en conformité avec la réglementation existante et avec les pratiques courantes. Alors, à tort ou à raison, les gens ont développé, au fil des ans - parce qu'il y a eu des députés avant des ombudsmen - une espèce de réflexe d'aller en parler au député. Je voudrais avoir votre réaction. Comment nous situez-vous là-dedans, nous les députés? En fait, l'idée, c'est de ne pas vous porter ombrage d'aucune façon. Mais je pense que notre travail - en tout cas je vous dis mon idée comme elle vient - peut, jusqu'à un certain point se compléter en mettant un tant soit peu d'huile dans la machine et de cette façon permettre qu'elle roule un peu mieux avec un peu moins de friction et un peu moins de grincements.

Le Président (M. Kehoe): M. le Protecteur du citoyen.

M. Jacoby: La position que j'ai prise ce matin, venait du fait que nous avions un problème de ressources; d'autre part, du fait que le Protecteur du citoyen travaille d'une certaine manière dans l'isolement. Pour répondre à votre question, je voudrais peut-être apporter certaines précisions.

Je comprends très bien qu'il puisse y avoir une certaine méconnaissance du rôle du Protecteur du citoyen par la députation et je comprends très bien qu'à partir du moment où la députation n'est pas véritablement impliquée dans la nomination du Protecteur du citoyen, ça la rend moins intéressée peut-être. Ce que je peux vous dire, c'est que dans quelques provinces canadiennes et dans certains pays d'ombudsmen législatifs comme ici, la nomination des ombudsmen se fait, effectivement, par voie de concours de recrutement et de sélection par le Parlement lui-même. Et, selon les juridictions, dans certains cas, le comité parlementaire fait des recommandations au premier ministre ou l'équivalent dans certains pays. Dans d'autres cas, c'est complément pris en charge par le Parlement. En d'autres termes, c'est le Parlement qui nomme. C'est le Parlement qui recrute. C'est le Parlement qui fait témoigner les candidats. Et, sur cette question, je n'ai pas personnellement d'objection, sauf que je pense que c'est la loi qui doit être modifiée. L'autre question, pour répondre plus précisément à ce que vous suggérez, cela me poserait un peu problème. Comme institution, autant le Parlement que le Protecteur du citoyen, cela nous poserait certains problèmes. Suivant la philosophie de la Loi sur le Protecteur du citoyen, le Protecteur du citoyen est une personne désignée par l'Assemblée nationale. Même si dans certains cas, ça peut paraître bidon comme processus, on a donné aux personnes désignées, comme le Protecteur du citoyen, comme le Vérificateur général, comme le Directeur général des élections, une indépendance et une autonomie pour éviter, à tout le moins, l'apparence qu'il y ait par le Parlement des Influences de nature partisane. C'était ça la philosophie de l'institution.

Je pense que. dans cette optique, la plupart des lois d'ombudsman dans le monde disent cela. En somme, une personne désignée, comme le Protecteur du citoyen ou le Vérificateur général, a l'indépendance la plus complète pour appliquer ses lois. À cet égard, il y a peut-être autre chose. Quand vous suggériez qu'il y ait un appel des décisions - vous posiez la question - de l'ombudsman, je pense que le meilleur forum, à partir du moment où l'ombudsman est une personne désignée par l'Assemblée nationale, serait un forum politique, lors d'une commission qui siégerait à l'occasion. Ce serait le temps de poser des questions au Protecteur du citoyen pour lui demander pourquoi, dans tel dossier en particulier, il a décidé que la personne n'était pas lésée. Je pense que c'est le rôle d'un parlementaire. Si on prévoit un mécanisme d'appel, le Parlement se trouve à abdiquer ses responsabilités vis-à-vis de l'institution. C'est mon point de vue.

Sur l'autre plan, la question de la complémentarité du travail de député dans son bureau de comté et le travail d'ombudsman, je dois vous remercier pour l'offre que vous faites d'utiliser les 122 députés, mais j'ai un problème qui est institutionnel et d'apparence. À partir du moment où le Protecteur du citoyen se sert, entre guillemets, de la députation pour faire

faire son travail, le risque encore c'est l'apparence de justice. Pourquoi des gens s'adressent au Protecteur du citoyen concurremment, simultanément ou exclusivement par rapport au député? Il y a une foule de questions politiques et sociologiques qui entrent en ligne de compte. Je serais très mal placé, si je veux remplir mon mandat adéquatement, de faire en sorte que les députés deviennent à toutes fins utiles, entre guillemets, des aides. Pour des raisons d'image, on se comprend, sur un plan pratique.

Ce que je voulais vous dire également, c'est que, vous savez, on ne travaille pas en vase clos, même si nous vivons en vase clos. Lorsque nous avons un dossier et que nous devons intervenir auprès d'un ministère ou d'un organisme, nous avons des interlocuteurs partout. Nous avons des Interlocuteurs dans les différents services généralement les services où nous avons le plus de problèmes, et je vous dirais que dans 70 % des cas, par un simple appel téléphonique, nous réglons des dossiers. Le problème se pose lorsqu'un dossier est plus complexe et met en cause des systèmes, des processus, des politiques et des directives.

Donc, ma position, enfin ma réflexion - je pense tout haut - par rapport à votre suggestion est de dire que je renverserais peut-être la proposition en disant que le Protecteur du citoyen, qui est une émanation, une créature de l'Assemblée nationale, pourrait être un outil de travail, avec ses pouvoirs d'enquête, pour le député dans certains cas. Et Je comprends très bien que la tradition parlementaire chez nous veuille que le député, depuis fort longtemps, et bien avant que les ombudsmen existent, comprenne la problématique des gens qui se plaignent et tout ça. Je pense que les députés font une job absolument admirable à ce point de vue. D'ailleurs, on a très peu de plaintes qui passent par l'intermédiaire des députés. Je sais que cela se fait et qu'au bureau de comté et ailleurs, vous avez l'occasion de vous saisir de dossiers qui sont apportés par les commettants et vous réglez beaucoup de dossiers. Mais je pense qu'il ne faut pas, à mon point de vue en tout cas - je pense toujours tout haut - mélanger les genres. Je pense qu'il y aurait moyen de développer une approche plus complémentaire, étant donné que le Protecteur du citoyen est une créature de l'Assemblée nationale.

M. Doyon: Merci de vos réflexions.Je n'ai jamais envisagé comme tel un appel proprement dit des décisions du Protecteur du citoyen. Ce que j'avais à l'idée et la question en était une d'information: Est-ce qu'il y a une boîte avec un statut un peu particulier à l'intérieur de vos bureaux qui jette un deuxième regard sur des décisions qui peuvent être contestées? Ce n'était pas un appel proprement dit, parce qu'un appel présuppose un tribunal supérieur ou, en tout cas, un organisme supérieur. Enfin, je m'informais s'il y avait un processus Interne qui faisait qu'on pouvait réviser à l'interne des décisions qui étaient contestées. D'après ce que je comprends, cela n'existe pas comme tel et le rôle est rempli par le Protecteur du citoyen en titre qui, dans certains cas, se réserve un certain pouvoir de deuxième regard sur un certain nombre de décisions.

Pour ce qui est du rôle de député, je ne songeais pas non plus à une véritable intégration - comment l'appeler? - soit administrative, sort bureaucratique. Ce que je voulais signaler au passage, c'est que par une intervention améliorée et améliorable très sûrement des députés, cela fart en sorte - par mon expérience personnelle quand même de plusieurs années comme député - qu'il y a un paquet de choses qui n'aboutissent pas sur le bureau de l'ombudsman. Pour nous, la solution facile dans la plupart des cas, pour les gens qui viennent nous voir, ce serait de leur donner votre adresse et votre numéro de téléphone. Je ne pense pas que ce soit ce que vous souhaitiez. On sert jusqu'à un certain point de moyen de première ligne, de premier recours qui permet d'éviter un encombrement supplémentaire sur vos lignes téléphoniques ou ailleurs à votre bureau. C'est dans ce sens que je signalais qu'il y a une utilité qui me paraît évidente en ce qui concerne le rôle que les députés Jouent dans cette affaire précise. On pourrait toujours, le lundi matin, recevoir les gens à la queue leu leu et la plupart du temps on aurait fini à 10 h 30 ou 10 h 45 en leur remettant une adresse et un numéro de téléphone qui seraient les vôtres mais je sais que ce n'est pas ce que les députés font. C'est dans ce sens que je me disais qu'on ne nuisait sûrement pas, enfin je pensais qu'on ne nuisait pas à vos véritables fonctions.

L'autre chose dont je voudrais vous parler, qui me chicote un peu en passant, c'est ce pouvoir qu'a obtenu la ville de Québec d'avoir recours à vos services en ce qui concerne ses administrés. Comment voyez-vous cela? Le fait que ce soit un projet de loi privé qui vous a donné ce pouvoir que vous n'avez pas dans votre loi constitutive vous permet de dépenser des fonds et des deniers que justifient justement les dispositions qui vous gouvernent. Dans votre loi constitutive, on ne retrouve pas ce pouvoir-là de vous occuper des administrés de la ville de Québec. Cela vous crée-t-il un problème de dépenser des fonds qui, finalement, ne sont pas attribués à cette fin-là par le Parlement ou par le gouvernement - laissons faire les distinctions subtiles - si on tient compte du fait que, finalement, la loi a été adoptée le 23 décembre au soir très tard que c'est ce qu'on appelle un projet de loi privé et que votre loi constitutive n'a pas pour autant été amendée? Comment conciliez-vous tout cela? Est-ce que vous avez réfléchi à cela?

M. Jacoby: Au fait, ma première réaction c'est de dire que c'est quand même une loi, qu'elle soit de nature privée parce qu'elle

concerne la municipalité ou qu'elle soit de nature publique suivant la tradition parlementaire que l'on connaît, c'est une loi qui a tout de même été votée par l'Assemblée nationale. La deuxième chose que je pourrais dire, c'est que si la ville de Québec a pris la décision d'assujettir son administration municipale à la Juridiction du Protecteur du citoyen et que le Parlement l'a acceptée, je me dis qu'il n'y a pas de problème de ce côté-là. Pour ce qui est maintenant des budgets comme tels et des finances, la charte prévoit un protocole d'entente, pour la mise en oeuvre, qui doit être conclu. Actuellement, nous sommes en discussion avec les autorités de la ville de Québec, et il est clairement établi, au moment où l'on se parle, que les dépenses encourues pour l'application de cette loi, sont à la charge de la ville de Québec. Alors, je dirais, parce que, évidemment, il y a peut-être des frais très indirects qu'il est difficile d'identifier ou d'imputer, je suis à peu près, au pif, sûr qu'à 95 %, c'est la ville de Québec qui va financer tant la rémunération des personnes additionnelles que nécessitera ce projet que les opérations.

M. Doyon: Je termine là-dessus. C'est vrai qu'une loi est une loi, mais il y a une différence entre un projet de loi privé, de nature limitée, spécifique, destiné à régler un problème bien particulier - en l'occurrence, celui d'amender la charte d'une ville - et une loi, celle qui vous gouverne, d'envergure générale, qui dort jouir d'une pérennité beaucoup plus grande et d'un certain respect. Je m'inquiéterais, si j'étais vous - je ne veux pas me substituer à vous, loin de là - de voir que ma loi est modifiée par des lois ancillaires ou des lois qui viennent d'un peu partout. Est-ce que vous avez, par exemple, l'intention, si vous le jugez nécessaire, de demander que votre loi constitutive soit amendée, de façon que ce nouveau rôle qu'on vous a confié soit prévu à l'intérieur même de cette loi constitutive?

M. Jacoby: Votre inquiétude que vous me prêtez, je l'ai, parce que je peux vous dire qu'il n'y a pas très longtemps, par un projet de loi anciliaire qui, heureusement, ne s'est pas rendu en Chambre, sans que le Protecteur du citoyen ne soit consulté, on était sur le point de lui enlever les pouvoirs. Cela dit. si on revient sur le fameux rapport sur les municipalités qui date, je pense, de 1985 ou 1986, il était proposé que le Protecteur du citoyen ait juridiction sur l'ensemble des municipalités du Québec, et si le gouvernement avait donné suite à ça, on aurait une législation de type général, des modifications à la Loi sur le Protecteur du citoyen. Cependant, ce que j'ai compris dans ce dossier, pour des raisons que je n'ai pas à juger, c'est que l'UMQ, à 80 %, a rejeté cette proposition. Alors, je me dis la chose suivante - et je pense tout haut - c'est que, si le gouvernement avait l'intention de faire quelque chose sur un plan plus global, on pourrait peut-être prévoir une loi-cadre qui, avec le principe de l'opting In" et de l'opting out", comme on le fait en matière d'amendes dans les municipalités, permettrait à la fois de préserver l'autonomie des municipalités qui ne désirent pas s'assujettir à la juridiction, et aux municipalités qui le désirent de s'assujettir à la Loi sur le Protecteur du citoyen. Je pense que ça pourrait être une façon d'aborder le problème d'une manière globale, qui respecte à la fois l'autonomie des municipalités et à la fois une volonté gouvernementale de faire en sorte que certaines municipalités puissent être assujetties à un genre de mécanisme externe comme le Protecteur du citoyen.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de

Taillon.

Tribunaux administratifs

M. Filon: Au cours de l'après-midi, j'aurai plusieurs questions sur la compétence du Protecteur du citoyen - "compétence" devant s'entendre dans le sens de juridiction. J'aurai également de nombreuses questions sur les objectifs, les priorités de votre bureau pour l'année qui vient. Ma première question porte sur les principales causes de lésions - lésions étant entendues un peu dans le sens de préjudices - que vous avez constatées dans vos interventions, dans vos enquêtes. Je vous réfère au tableau 7 de la page 57 de votre rapport. Vous en avez également parlé, sauf erreur, lors de votre présentation verbale.

On sait qu'il existe finalement au Québec, si ma mémoire est bonne, au-dessus de 70 tribunaux administratifs. Je ne pense pas me tromper sur le chiffre. Je sais que dans le rapport Ouellette, on en fait l'inventaire. Donc, il existe au Québec 70 tribunaux administratifs qui ont des juridictions différentes. Évidemment, il y en a certaines qu'on retrouve plus souvent: Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, Bureau de révision de l'aide sociale, Bureau de révision de la Régie de l'assurance automobile du Québec, etc., mais on ne sait pas - et c'est effarant de voir la liste de ces tribunaux administratifs - on n'a pas idée de tout ce qui a été mis sur pied. Il y en a 78 finalement et non pas 73. Certaines sont très connues par les citoyens, d'autres pas du tout. C'est absolument effarant. (14 h 45)

On parlait de justice douce tantôt, je trouve le concept intéressant et je sais qu'ailleurs, en Occident, cela bouge de ce côté-là, mais on a tendance en tout cas au Québec, semble-t-il quand il y a un problème, on met une structure sur pied, puis lorsqu'on reçoit des citoyens qui ont des dossiers relatifs à cette problématique-là, on leur dit: "II y a telle structure." On s'imagine qu'on vient de régler le problème. Mais entre-temps, ce qui est arrivé,

c'est qu'on a créé un véritable monstre - je pense que le mot n'est pas trop fort - qu'est l'ensemble des tribunaux administratifs.

Dans bien des cas, les délais devant ces tribunaux administratifs ont atteint des proportions honteuses, pour n'en citer qu'un cas. Je ne voudrais pas, en citant celui-là, avoir l'air de négliger les autres ou avoir l'air de dire que ce cas-là est pire que les autres, mais c'est juste un cas, parce que c'est un organisme récent. La Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, cela ne fait pas longtemps que ça existe; cela fait environ cinq ans. Donc on ne peut pas dire que c'est une espèce de surcharge de travail imprévue, etc. Saviez-vous qu'il faut compter neuf mois en révision et jusqu'à une année et demie en Commission d'appel, pour parler de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, comme délai? C'est tout à fait inacceptable. On a créé les tribunaux administratifs soi-disant sur la base suivante: on va créer des tribunaux spécialisés; étant spécialisés, ils vont avoir une expertise particulière; ayant une expertise particulière. Ils vont pouvoir disposer des litiges qui leur sont soumis plus rapidement que les tribunaux ordinaires. Dans bien ces cas, c'est plus long de s'adresser à des tribunaux administratifs que d'aller en Cour du Québec pour obtenir justice. Cela fait trois ans, en tout cas, depuis que je suis au Parlement, que je le dis et que je le redis. À l'époque, on me disait: Écoutez, on a un comité, qui est le comité Ouellette, qui s'occupe de ça. Tout le monde connaît le professeur Oueilette, il fait un bon travail. Il fait son étude assez rapidement et dépose son rapport qu'il intitule: Urgence d'agir. Cela fait 18 mois de ça. Cela fait 18 mois qu'on est sur l'urgence d'agir. Si le député de Louis-Hébert était ici, puisqu'il aime beaucoup nous parler de son bureau de comté... Moi aussi, je pourrais en parler longuement, mais je n'ai pas de problème philosophique et existentiel ou d'aucune sorte avec mon bureau de comté. Dans la même journée, Je serais curieux de connaître le nombre de cas que l'ensemble des députés reçoivent en ce qui concerne les délais en termes de santé et sécurité au travail. Cela n'a pas de sens! Cela n'a pas d'allure.

En feuilletant votre rapport, M. l'ombudsman - c'est un terme qui est francisé, l'ombudsman...

M. Jacoby. Oui.

M. Filon: ...il faut que je fasse attention, je suis très surveillé quand je parle, quand je lance un anglicisme - alors, quelle ne fut pas, bien pas ma surprise, mais peut-être un peu ma surprise de constater - vous me corrigerez si mon interprétation du tableau n'est pas la bonne - que 40 % des causes de préjudices ou de lésions subis par les citoyens et les citoyennes du Québec - ce sont des causes identifiées, donc justifiées - qui portent sur un délai dé- raisonnable.

Je pense que c'est la première fois - parce que dans le rapport Oueilette, sauf erreur, on disait 'évidemment, les délais sont trop longs, etc.", mais on n'avait pas de chiffres - qu'on voit aussi clairement, de façon aussi limpide, l'Importance pour le gouvernement, pour le législateur d'agir dans le secteur des tribunaux administratifs, sinon on se conduit comme des Ponce-Pilate. On crée les structures. Les députés, sur invitation un peu forte du gouvernement, c'est le système parlementaire qui le veut, disent: Bien, allez-y. Pendant ce temps, iI s'écoule douze mois, un an, deux ans avant que leur cause soit entendue. La Commission des affaires sociales; je pourrais parler de l'ensemble des dix organismes dont on parie le plus souvent, il y en a 78 Ma question est la suivante: Est-ce que vous avez fait une étude sur ces délais devant nos tribunaux administratifs? Est-ce qu'il y a des documents qui existent, qui nous feraient part, par exemple, de ce qu'est le délai moyen devant tel ou tel organisme ou l'ensemble de ces organismes? Est-ce que le bureau du Protecteur du citoyen, devant cette constatation que 40 % des causes de lésions provenaient du délai raisonnable, a réussi à aborder de façon plus particulière cette question des délais raisonnables? Est-ce qu'il existe des études? Si oui, est-ce que vous pouvez - peut-être pas les déposer aujourd'hui - nous en faire part ultérieurement, afin que nous soyons correctement informés de la situation réelle? Car là-dessus, on se fait répondre qu'on exagère. Mais par contre, notre vécu quotidien nous amène à croire que les délais, comme source de lésions, loin de s'atténuer, sont en train de s'aggraver. Et d'ailleurs, vous avez ici les chiffres. En 1986, il y avait 33 % des dossiers qui étaient fondés sur un délai déraisonnable et en 1987, c'est 40 %. Donc, ma question: Est-ce que vous avez fouillé ça un peu plus? Est-ce que vous êtes en mesure de nous faire part un peu du résultat de vos analyses, de vos observations sur, précisément, ce facteur-là?

M. Jacoby: Sur la question des délais, les 40 % évidemment comprennent les délais devant les tribunaux administratifs et aussi les délais dans le processus administratif normal. Il est certain que nous avons pu constater que, pour ce qui est des tribunaux administratifs que j'appellerais à haut volume, notamment, la Commission des affaires sociales et la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles de même que pour certaines instances de révision au chapitre de la santé et de la sécurité du travail, au chapitre de l'assurance automobile, les délais ne font qu'augmenter. Ce sont des secteurs à haut volume.

Nous avons commencé, l'automne dernier, une analyse systémlque de cette problématique et, au moment où nous nous parions, nous avons - parce que j'ai moi-même eu quelques délais déraisonnables - préparé un document de

méthodologie. Je pense que nous aurons terminé notre analyse sur cette question-là dans les prochains mois. Mais je peux vous dire tout de suite que les chiffres correspondent à une réalité. Par exemple, à la CALP - ces données remontent à quelques semaines, mais je pense que c'est un ordre de grandeur - les dossiers dits urgents, c'est-à-dire principalement deux types de dossiers: le retrait préventif et le droit de refus, sont mis en priorité par la CALP, et le délai moyen d'audition est de huit mois.

M. Filion: La Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. C'est ça?

M. Jacoby: Oui. Huit mois pour des dossiers mis en priorité parce qu'il y a plus d'urgence en matière de retrait préventif et en matière de droit de refus.

Maintenant, pour ce qui est des dossiers dits réguliers, ceux qui n'ont pas ce caractère d'urgence, à la commission d'appel, pour Québec et Montréal, le délai se situe à pas loin de 20 mois et, dans les régions, le délai frise les deux ans. Cela est un exemple et je pense que ces données sont relativement publiques. Voici un exemple. Si, maintenant, je descends d'un cran en matière de santé et sécurité du travail, au niveau des bureaux de révision paritaire, quoique je constate des améliorations depuis quelque temps, la moyenne pour la région de Montréal et de Québec n'est pas loin, je pense, si mes données sont bonnes, de dix à onze mois. Dans les régions, ça varie, suivant la région. Ce que j'ai comme données, c'est entre trois et douze mois au niveau des bureaux de révision. Je pourrais en passer plusieurs comme ça. À la Régie du logement, les dossiers augmentent également. Pour la Commission des affaires sociales en matière d'accidents du travail sous l'ancienne loi, qui est le "backlog" de l'ancienne loi, le délai moyen se situe entre 30 et 36 mois. On frise les trois ans.

Cela dit, quand on parle de délai d'audition, il faut bien penser qu'on parle de délai d'audition d'une manière très administrative, comme les délais judiciaires, quand on dit que ça prend six mois, etc. Pour le citoyen, le délai, ce n'est pas ça. Pour le citoyen son délai, c'est le jour où, par exemple, il a un accident du travail, qu'il prétend, à tort ou à raison, que c'est un accident du travail, qu'il y a une relation entre l'incapacité et l'accident, il fait sa demande et pour quelque raison que ce soit, la demande est contestée et on embarque dans la machine à saucisse. Le vrai délai pour le citoyen, si la cause se rend jusqu'à la CALP - ça peut arriver; ça arrive souvent, parce que je pense qu'à la CALP, ils sont rendus à 12 000 dossiers en attente et dans certains cas, ça va même devant la Cour supérieure en évocation parce qu'il arrive que l'on conteste la juridiction du tribunal administratif - pour le citoyen, quand on parle de 12 mois, 24 mois, 36 mois, ce n'est plus ça - ajoutons au moins un minimum d'un an dans tous les cas. C'est ça la vraie réalité pour les citoyens.

Je trouve qu'il y a un problème majeur. Alors, si je pousse plus loin mon analyse, même si on ajoute des effectifs au niveau de la CALP, cela ne régie pas nécessairement le problème. Le problème est beaucoup plus profond que ça. La question qu'il faut se poser, c'est pourquoi il y a autant de dossiers qui montent à la CALP. Je pense que si on fait une analyse ou une enquête systémique de ce problème, on risque de découvrir des choses. On risque de découvrir que la Loi sur la santé et la sécurité du travail, qui est une loi remplie de bonnes intentions, qui a été discutée fort longtemps, produit des effets qui n'étalent pas prévus a mon point de vue et en toute humilité, en toute déférence, par l'Assemblée nationale quand cette loi a été adoptée.

On ne pouvait pas imaginer, je pense, à l'époque, qu'on aurait autant de contentieux dans cette machine à saucisse, en commençant de la décision initiale, en passant pour les questions d'ordre juridique par le Bureau de révision paritaire, en passant, pour les questions médicales, par l'arbitrage médical, doublé d'un certain pouvoir de reconsidération qui n'est presque pas utilisable par la commission parce qu'elle est liée par la plupart des décisions dans le système et doublé du fait qu'on a une instance d'appel qui s'appelle le fameux tribunal administratif. La source du problème est peut-être dans la structure de la loi.

Prenons cet exemple qui a été réglé d'une certaine manière par la CALP. On dit: Le médical, c'est l'arbitrage. Le juridique, c'est le Bureau de révision paritaire. À un moment donné, la CALP, en 1987, a rendu une décision pour dire que la relation entre l'accident et l'incapacité, ce n'était pas une question d'ordre médical, mais une question d'ordre juridique. Cela a forcé la CSST à modifier beaucoup sa structure et ses pratiques. (15 heures)

Je pense qu'un travailleur accidenté est une personne unique. Elle ne se disperse pas entre le juridique et le médical quand il s'agit d'un accident de travail, d'une aggravation ou d'une rechute. La question que je me pose est, si on devait faire certaines réflexions, ne devrait-on pas trouver un mécanisme - je n'ai pas la solution au moment où on se parle - où soit intégré l'ensemble du dossier si on doit avoir une instance de révision intermédiaire? Les dossiers se promènent d'une instance à l'autre. Ils se promènent et ce n'est pas normal, je ne pense pas. Je pense qu'il faut peut-être repenser la structure de cette loi.

Deuxièmement, si je prends toujours le secteur de la santé et de la sécurité du travail, mon hypothèse de départ, et je l'ai mentionné ce matin et dans le rapport annuel, c'est qu'à partir du moment où on met des structures contentieuses qui ne semblent pas être des structures

de dernier recours, inévitablement on a un contentieux. On a un contentieux de masse.

À mon point de vue, les Instances de révision ou les instances d'appel devraient être vraiment le mécanisme ultime après qu'on aurait épuisé tous les autres moyens de conciliation, de médiation et de discussion, à toutes fins utiles. Qu'on assoie un employeur et un employé, et ainsi de suite. Qu'on fasse parler le monde. D'ailleurs, il y a des expériences qui se font dans certains secteurs et même en matière d'administration de justice judiciaire. C'est beaucoup plus efficace. On peut se poser des questions comme ça.

Je crois qu'il faut qu'on garde des recours devant les tribunaux administratifs ou Judiciaires. C'est essentiel, absolument essentiel, mais encore faut-il que les structures ne fassent pas en sorte que !e moindre conflit déclenche la machine à saucisse. Et ça part d'autant plus dans la machine à saucisse qu'il arrive très souvent que les fonctionnaires, et ce n'est pas leur faute, sont entraînés à répondre aux personnes qui présentent des demandes, qui se plaignent. Le fonctionnaire, dans sa culture, est très sécurisé de dire: Si vous n'êtes pas d'accord avec moi, vous avez un recours. Et je trouve cela normal dans la culture mais c'est là que je me pose des questions.

Est-ce qu'on doit continuer de penser comme ça? Je pense plutôt qu'on devrait travailler davantage au niveau des premières lignes de décision pour faire en sorte que le fonctionnaire, quel que soit le secteur dans lequel il se trouve, quand iI reçoit une plainte d'une personne, communique avec l'autre partie, s'il y en a une, si c'est une personne privée comme en matière de santé et de sécurité du travail ou l'État, l'administration, et essaie tout de suite de prévenir le contentieux. Alors, l'enquête qu'on pourra amener, je ne veux pas préjuger des rapports de cette enquête sur les délais, les tribunaux administratifs... Ce que nous allons essayer de faire, c'est d'identifier toutes les causes possibles de délais dans deux ou trois tribunaux administratifs et ensuite, essayer d'identifier comment on peut jouer sur les causes pour minimiser les délais. C'est un peu dans ce sens-là que nous nous orientons.

M. Filion: Je pense que les chiffres que vous avez donnés tantôt sont proprement indicatifs finalement quant à une situation qui, à mon point de vue, est scandaleuse. Vous soulignez des façons de régler un problème qui est issu du monstre qu'on a créé. Les solutions que vous mettez de l'avant sont fort intéressantes. Elles méritent d'être considérées très attentivement par le pouvoir législatif, bien sûr, mais aussi par le pouvoir exécutif. Il est malheureux, d'ailleurs, qu'on n'ait personne du pouvoir exécutif avec nous aujourd'hui. Mais, l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice est ici et il pourrait sûrement se faire le porte-parole plus informel que je le ferais à l'Assemblée nationale de ce que j'ai lu et entendu ici aujourd'hui.

Ces chiffres confirment finalement les pires de nos appréhensions. Ils nous indiquent des voies de solution. Il en existe d'autres également mais surtout, quant à moi, nous devons retenir l'urgence d'agir dans ce secteur autrement, je l'ai dit tantôt, on peut aller à la Cour des petites créances relativement rapidement, on peut être entendu très rapidement par un juge de la Cour provinciale pour un litige qui ne dépasse pas 10 000 $ ou 15 000 $, je ne me souviens plus de la juridiction de la Cour des petites créances, mais si on a un accident du travail et qu'on manque trois jours, on vient de rentrer dans ce que le Protecteur du citoyen appelait tantôt "la machine à saucisse". Cela est long et les délais... Il y a plusieurs juges qui répètent souvent qu'une justice qui retarde n'est plus une justice. Cela s'applique aussi à ce que les citoyens vivent, d'autant plus que les citoyens, quant à moi, ont beaucoup plus de problèmes avec l'administration gouvernementale qu'ils ne peuvent en avoir entre eux et avec les tribunaux.

Je pense qu'à ce sujet, je ne sais pas s'il y a d'autres questions de mes collègues sur les délais mais, quant à mol, Je retiens, M. le Protecteur du citoyen, une urgence de prise de conscience qui s'impose et une urgence d'agir. Sinon, dans le prochain rapport annuel du Protecteur du citoyen, on verra que les causes de lésions continuent d'augmenter et que le pourcentage continue d'augmenter aussi. Finalement, il n'y a rien de pire que de ne pas savoir à quoi s'en tenir, sans parler de tous les drames humains qui se vivent pour ceux et celles qui ne savent pas à quoi s'en tenir, et que nous constatons quand nous rencontrons les gens, non seulement à savoir s'ils sont susceptibles d'être indemnisés pour leur accident mais sur le montant de leur indemnité en plus de cela. En bref, Je pense que c'est une démonstration éclatante et, quant à moi, s'il n'y a pas d'autres questions sur les délais, j'aimerais passer à un autre aspect.

Le Président (M. Keboe): Mme la députée de Groulx, sur les délais?

Appels téléphoniques

Mme Bleau: J'ai deux questions dont une qui pourrait se rapporter aux délais. Vraiment, quand vous avez parlé tout à l'heure d'appels téléphoniques, est-ce que vous voulez dire qu'une personne - vous en aviez parlé dans votre rapport aussi - qui se sent lésée peut, par un simple appel téléphonique, vous soumettre son cas sans être obligée d'aller signer un million de formules et que vous vous en occupez quand même?

M. Jacoby: Oui. La manière dont nous

fonctionnons est la suivante. Je peux vous dire que dans 94 % ou 95 % des cas, cela se fait par téléphone. La personne appelle au bureau et nous sommes à Québec et à Montréal. Le service d'accueil vérifie si nous avons juridiction et dés qu'on est convaincus que nous avons juridiction, le dossier est transféré aux enquêtes. Dès que cela arrive aux enquêtes, la personne chargée de l'intervention regarde le dossier. SI elle a besoin de renseignements complémentaires pour les fins de l'analyse du dossier, elle va communiquer tout de suite avec le plaignant.

Parallèlement à cela, la personne va faire sortir le dossier dans le ministère ou l'organisme concerné, parler au besoin aux fonctionnaires et tout se fait, si on se place du point de vue de la victime, enfin de la personne qui se prétend lésée, d'une manière très informelle. Nous n'avons pas voulu établir des formules sacramentelles.

Ce qu'on a réalisé finalement, c'est que très souvent, je ne peux pas vous donner de chiffres là-dessus, mais très souvent les personnes qui communiquent avec nous ont beaucoup de difficultés, d'abord, à Identifier leur problème. On fait affaire avec un appareil de l'État et les gens ont beaucoup de difficulté à identifier. Si on faisait des tests pour dire aux gens: Voici, remplissez donc les huit lignes qui sont blanches, mettez votre problème, je pense qu'en termes d'efficacité, souvent on ne serait pas plus avancés, il faudrait parler à la personne. Des fois, on va se plaindre, par exemple, d'un délai déraisonnable. Si on découvre que la source de lésion est pire que cela, parce qu'on a pu constater également que, d'une manière générale, lorsqu'un délai paraît être excessif aux yeux de la personne qui communique avec nous, on réalise, en creusant le dossier, que si le dossier "stâle", c'est parce qu'y y a d'autres affaires dedans mais la personne n'est pas avisée. Normalement, elle n'est pas toujours avisée par l'administration que son dossier est "stâlé" pour telle raison. On découvre d'autres causes de lésions à l'occasion d'une plainte strictement sur le délai.

En pratique, notre façon de fonctionner est très informelle, de la même façon qu'on fonctionne de manière relativement informelle avec les ministères et organismes du gouvernement. Même si nous avons les pouvoirs des commissions d'enquête, on ne sent pas le besoin de les utiliser et de tenir des audiences publiques. À ma connaissance, en tout cas, je peux dire, au moins depuis que je suis là, qu'on n'a pas utilisé ce pouvoir. Il faut dire que nous avons établi nos contacts dans les ministères et organismes, et cela facilite les choses. Nous avons des points de contact. Nous essayons d'être le plus informel possible. D'une certaine manière, on se met à la place de la population. La population ne comprend rien à la structure de l'administration gouvernementale. Quand bien même on lui ferait de beaux POAS qu'on lui déposerait et qu'on tiendrait des séminaires, elle n'en voudrait rien savoir.

Mme Bleau: Votre réponse me plaît beaucoup. Justement, pour la population en général, ça doit beaucoup simplifier les choses que de n'avoir qu'un coup de téléphone à donner. C'est pour faire suite à ce dont on a parlé ce matin, quand on a parlé des clientèles cibles qui sont, pour la plupart, des défavorisés. On a convenu que ça ne nécessitait pas de modification à la loi. Par contre, vous souhaiteriez également élargir votre juridiction pour accrocher ces clientèles. Votre rapport parte, entre autres, d'éducation, de la santé et des services sociaux et des municipalités. Qu'est-ce qui constitue vos priorités et quel est votre plan d'action pour amener des modifications législatives nécessaires à votre travail?

M. Jacoby: Pour ce qui est des personnes clientèles cibles vulnérables ou démunies ou dans une condition telle qu'elles ont peut-être besoin d'être mieux connues par nous, il y a des clientèles pour lesquelles nous avons besoin de modifications législatives. Il y en a d'autres pour lesquelles nous n'en avons pas besoin. Par exemple, si je prends le secteur de l'aide sociale, j'ai pu constater beaucoup de choses intéressantes. J'ai pu constater que la loi du silence régnait très souvent chez les assistés sociaux parce qu'ils ont très souvent peur, à tort ou à raison, je ne porte pas de jugement, des représailles. Combien de personnes n'osent pas, même par rapport aux organismes de défense des droits qui existent dans les régions, en parler à ces organismes de défense des droits qui sont des bénévoles et qui sont des assistés sociaux, de peur que, un jour ou l'autre, un employé de l'État ne revienne après? Bon, la loi du silence. Des rencontres que j'ai faites, je peux constater qu'il y a un très grand traumatisme chez les assistés sociaux. Cela risque d'être longtemps comme ça. Alors, je me suis dit: Mon Dieu, parce qu'on a vu des cas où des dossiers se perdent. Je vous donne un exemple très simple - je ne nommerai pas la région - en matière d'aide sociale, qui est arrivé cet automne. Nous avons été demandés pour aller faire une conférence à un groupe de personnes. Parmi ce groupe de personnes, il y avait des personnes âgées. Une petite madame s'est adressée à l'un de mes collaborateurs et a dit: Moi, ça fait cinq ans que je demande telle aide spéciale, du monde m'a dit que j'y avais droit. Puis, là, je pense que ce que vous avez dit, j'y ai peut-être droit, mais, moi, je vais régulièrement au bureau d'aide sociale. L'agent qui était là m'a dit: Vous n'y avez pas droit, madame. Alors, ce qu'on a fait a été très simple. On a dit à la dame: Écoutez... D'abord, on lui a sorti une copie d'une fameuse directive qui, généralement, est inconnue des citoyens. On a dit: Madame, allez voir le monsieur avec la directive et dites-lui que ça vient

du bureau du Protecteur du citoyen. Le dossier s'est réglé le lendemain matin.

Ce que je veux dire, c'est que dans le milieu de l'aide sociale - et ce n'est pas propre au Québec, c'est comme ça un peu partout - il y a la loi du silence. Les gens qui sont déjà, sur un plan de la dignité humaine, défavorisés non seulement économiquement parlant mais qui en prennent un coup sur le plan de leur dignité, ces gens-là ont peur. D'autant plus que les couches de la population que représentent les assistés sociaux ne sont généralement pas des personnes bien informées et bien scolarisées. Cela double encore le sentiment que ces gens peuvent ressentir. Je me dis, d'autant plus qu'une nouvelle loi s'en vient et que le monde ordinaire ne va pas nécessairement comprendre, les lois sont très complexes, je me dis: On va mettre une priorité sur les assistés sociaux. Nous avons commencé dans ce secteur à rencontrer des groupements. Nous prenons des ententes de fonctionnement avec ces groupements, etc. Cela ne nécessite pas de modification législative. (15 h 15)

Par ailleurs, si je prends les personnes âgées, selon le type de dossiers, il y en a certains pour lesquels on a besoin d'une modification législative et, pour d'autres, on n'en a pas besoin. Par exemple, pour la personne âgée qui transige avec les ministères et organismes provinciaux où il y a des fonctionnaires sur lesquels nous avons juridiction, il est certain qu'on n'a pas besoin de modification législative, mais si on prend la personne âgée qui veut être admise dans un centre ou un foyer d'accueil ou qui a des problèmes dans l'Institution où elle se trouve, pour que nous ayons juridiction, il faudra nécessairement modifier la Loi sur le Protecteur du citoyen, de manière à donner juridiction sur le réseau des services sociaux, parce que ce n'est pas ça. A cet égard, nous avons déposé un mémoire au comité Bussières, créé par la ministre de la Santé et des Services sociaux qui doit remettre son rapport bientôt, où nous avons proposé d'avoir une juridiction, par rapport aux personnes âgées, dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Si je prends les personnes qui éprouvent des problèmes d'ordre mental, que ce soit des déficients mentaux ou des malades mentaux au sens médical du mot, nous avons fait une proposition, aussi, au ministère concerné et, en janvier, un rapport a été présenté à la ministre pour dire qu'elle demandera l'élargissement de la juridiction. Pour ce qui est des minorités, on en a parlé. Nous avons aussi un plan d'action pour les membres des communautés culturelles que, je l'espère, nous pourrons réaliser dans les meilleurs délais. En ce qui nous concerne, c'est à peu près la situation par rapport aux personnes défavorisées.

J'inclus, bien sûr, là-dedans les accidentés du travail et les accidentés de la route. Ces personnes, pour des raisons qui leur sont étran- gères, sont dans une condition telle qu'elles se trouvent plus démunies, à partir d'un moment donné, et elles risquent de débarquer de tous les programmes pour tomber dans l'aide sociale. Et compte tenu des délais et des problématiques particulières à certains secteurs, on fait plus d'efforts, maintenant, pour s'occuper davantage des accidentés du travail et des accidentés de la route.

Mme Bleau: Merci beaucoup.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Sur le même sujet, avant d'aborder une autre question. Je crois qu'en matière de santé mentale, également, il y a un plan d'action, dans la nouvelle politique de santé mentale où le Protecteur du citoyen a un rôle accru, une extension.

M. Jacoby: Effectivement. La ministre, dans son plan d'action, en ce qui touche, notamment, la question de l'exercice des droits, a prévu un plan d'action global, un plan d'action global qui fait que, par exemple, les comités de bénéficiaires, dans les institutions, auront un financement garanti, ce qui n'était pas le cas. Deuxièmement, il y aura des comités de bénéficiaires dans toutes les Institutions. Troisièmement, le rôle des CRSSS sera quelque peu modifié, parce que ce sont aussi des organismes de plaintes. Le plan d'action prévoit justement que le Protecteur du citoyen pourrait intervenir en ultime recours. Je me dis la chose suivante: Je ne pense pas que le Protecteur du citoyen devrait être le premier recours, sauf pour des cas d'urgence. Le jour où nous devenons les premiers recours, ça veut dire, en pratique, qu'avec les années, nous risquons de faire en sorte, et bien involontairement, de déresponsabiliser les personnes qui doivent prendre des décisions dans les organisations. Je préfère que notre statut, entre guillemets, soit de dernier recours. Évidemment, les cas d'urgence seront là, et ainsi de suite. Alors, c'est la proposition qui est faite dans le pian d'action de la ministre dont elle prévoit la mise en oeuvre le 1 er avril 1990.

Pouvoir de recommandation ou pouvoir décisionnel

M. Dauphin: Merci. Sur un autre sujet, si vous me le permettez, M. le Président, depuis, effectivement, un bon bout de temps, on cherche de plus en plus à doter nos organismes de pouvoirs d'adjudication ou décisionnels. Qu'on songe à la Commission des droits et libertés de la personne, il est question d'un tribunal administratif Indépendant, également, en matière de tribunal de déontologie, la réforme policière que nous venons récemment d'adopter. Je lisais le texte d'une de vos conférences, que vous avez

eu l'amabilité, d'ailleurs, de nous transmettre, où vous dites que, pour vous, c'est l'inverse, vous souhaitez conserver un pouvoir strictement de recommandation et non pas décisionnel. Est-ce que vous pourriez expliciter sur le sujet?

M. Jacoby: Oui. D'abord, j'ai pu constater que notre taux de résolution de dossiers était relativement élevé. Alors, je me suis dit... Il faut dire qu'avant d'accepter la charge, je me posais des questions sur ce fameux pouvoir de recommandation. Il y avait ça. Je me suis posé la question: Pourquoi, dans le fond, a-t-on prévu un pouvoir de recommandation? Alors, je me suis dit que si on avait prévu un pouvoir de recommandation, c'était pour éviter, par exemple, que le Protecteur du citoyen n'ait une juridiction administrative sur les employés du gouvernement, pas de pouvoir hiérarchique ou décisionnel, pas de pouvoir quasi judiciaire et je me suis dit: Dans le fond, qu'est-ce que ça donnerait de plus, je dis bien, au moment où on se parle? Je me suis dit la chose suivante: Une bonne partie de notre efficacité dépend du type de rapport qu'on entretient avec les ministères et organismes du gouvernement. D'une manière générale, je ne peux pas dire dans tous les cas, ce sont des rapports harmonieux, en ce sens que, dans les organismes où on a bien compris le rôle du Protecteur du citoyen, on a bien compris que le Protecteur du citoyen n'est pas là pour trouver des coupables ou faire des notations sur les employés, que le Protecteur du citoyen n'était pas du tout là pour sanctionner des gens, mais simplement pour essayer de corriger des situations qui étaient Inacceptables.

À partir du moment où les gens comprennent ça dans les ministères ou organismes, il y a une bonne collaboration. Cela ne veut pas dire que ça marche tout le temps, il y a des dossiers qui sont très compliqués, mais, dans l'ensemble, cela va relativement bien. La deuxième chose que je me suis dite: Si nous avions un pouvoir de rendre des ordonnances, ce serait peut-être trop facile. Je regarde les organismes que je ne nommerai pas qui ont à la fois ce pouvoir d'enquête d'une main et de l'autre un pouvoir de rendre des ordonnances. Dans ces organismes, je constate qu'on n'utilise à peu près pas le pouvoir d'enquête pour amener une solution à l'amiable. On sort trop rapidement le gros bout du bâton et on rend des ordonnances. En pratique, cela veut dire que la partie visée par l'ordonnance, on est rendu dans le contentieux. Une ordonnance et une décision, c'est une décision du tribunal. Je ne serais pas surpris que, si le Protecteur du citoyen avait un pouvoir de rendre des décisions quasi judiciaires, demain matin, le Procureur général du Québec, très souvent se trouverait à contester l'ordonnance ou la décision du Protecteur du citoyen. Dans certains cas, on risquerait de se retrouver peut-être devant la Cour suprême du Canada.

Autant je dis qu'il faut faire attention à la judiciarisation, autant je pense que le fait que nous ne soyons pas judiciarisables, c'est peut-être un plus. Cela nous permet de discuter plus avec les administrations, de les convaincre davantage des choses qui doivent être faites. Je n'aime pas avoir le gros bout du bâton, en tout cas, ce n'est pas ma philosophie. Je pense que par le dialogue, les discussions, on peut certainement amener des choses. C'est peut-être un peu plus lent, par exemple, mais cela donne des résultats assez intéressants, je pense.

M. Dauphin: Dans l'éventualité où il n'obtempère pas à votre demande, que faites-vous? Allez-vous voir votre député?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: Quand il arrive qu'au niveau de notre organisation il n'y ait pas eu d'entente possible avec le ministère ou l'organisme concerné, après qu'on ait épuisé beaucoup les paliers hiérarchiques - et dans certains ministères et organismes, il y en a un maudit paquet - la loi prévoit que le Protecteur du citoyen, à ce moment-là, fait une demande au responsable de l'organisme ou au ministre responsable, lui soumettant la situation et lui demandant ses commentaires. C'est ce que dit la loi. Dans les faits, parce que je me dis: Avant de monter à ce niveau-là, même si la loi ne le prévoit pas, dans la majorité des cas, sauf des cas d'urgence, je m'adresse d'abord d'une manière officieuse, soit par lettre, soit par téléphone au sous-ministre ou au dirigeant d'organisme. Beaucoup de dossiers se règlent là. Quand ça bloque à ce niveau, c'est là que je vais devant le ministre. Si le ministre, après avoir donné ses explications, ne nous convainc pas que la personne n'a pas été lésée, la loi prévoit un mécanisme de recours, entre guillemets, devant le Conseil des ministres. La loi prévoit qu'ultimement, nous pouvons déposer un rapport à l'Assemblée nationale.

Ce sont les mécanismes que nous avons. Il y a aussi le fait que la loi a été modifiée en 1987 pour donner expressément au Protecteur du citoyen le pouvoir de faire des interventions publiques. Je n'ai pas eu à l'utiliser. Je crois beaucoup plus au processus de discussion, le règlement à l'amiable, mais dans certains cas ça ne donne rien, je peux vous le dire; ce n'est pas toujours aussi clair que ça. Disons que, dans l'ensemble, je vous dis que ça marche relativement bien. C'est pour ça que je ne veux pas de pouvoir quasi judiciaire. En tout cas, au moment où on se parle, je pense que...

M. Dauphin: Excusez-moi, M. le Président. Sans donner de nom, est-ce que, dans vos seize mois d'expérience comme Protecteur du citoyen, il vous est arrivé...

Mme Bleau: Oui, c'est ce que j'allais dire.

M. Dauphin: ...de vous rendre au Conseil des ministres?

M. Jacoby: Oui, c'est arrivé deux fois et ça n'a rien donné.

M. Dauphin: Cela n'a rien donné. Mme Bleau: Ce n'est pas encourageant.

L'effectif du bureau et la collaboration des ministères

Le Président (M. Kehoe): M. Jacoby, dans vos notes, ce matin, vous avez mentionné que vous demandiez à la commission des institutions d'appuyer la demande du Protecteur du citoyen, afin que le gouvernement lui accorde les effectifs nécessaires pour mener à bien sa mission. Dans votre discours de ce matin, vous avez posé aussi une question fondamentale, à savoir si on peut indéfiniment ajouter des effectifs au bureau du Protecteur du citoyen. Je me demande ce que vous voulez dire au juste par ça. Vous nous demandez de cautionner votre demande.Est ce que c'est de plus d'effectifs dont vous avez besoin? Mais, ce faisant, vous posez la question à savoir, on grossissant le bureau. ce qui arriverait en fin de compte?

M. Jacoby: Bien, c'est ça. La demande que nous avons présentée pour avoir des effectifs additionnels, je me dis: Bon, on en a besoin, c'est du rattrapage. C'est simplement un plan de redressement plus quelques postes pour des clientèles cibles. Une fois que j'ai dit ça, je me suis dit: Où est-ce qu'on va avec ça à long terme? Est-ce que pour pallier ou compenser des lésions qui peuvent être commises par les ministères ou par les organismes, est-ce que pour régler ces lésions on va augmenter Indéfiniment les effectifs du Protecteur du citoyen? Je ne veux pas devenir un ministère, une grosse structure, il faut s'entendre. Je ne veux pas devenir une grosse machine. Dans le fond, plus je vais augmenter mes effectifs, ce qui va se produire à un moment donné, c'est que je vais finalement doubler les ministères et organismes et faire leur job à leur place. Il me semble que la première responsabilité de faire les choses correctement revient aux dirigeants d'organismes et aux ministres responsables des organismes. Ce sont ces personnes qui, je crois, doivent être les premières à voir à ce que la qualité des services soit là.

Donc, je me dis, il y a une demande de rattrapage d'un côté parce qu'on est complètement débordé, mais maintenant, sur du moyen et du long terme, il faut travailler sur autre chose. Cela, le Protecteur du citoyen ne peut pas le faire tout seul. Il faut une sensibilisation des organisations gouvernementales au problème de la qualité du service et de sa rapidité; il faut, parallèlement à ça, mettre sur pied des struc- tures plus légères de règlement de conflits. Je me dis que, dans quelques années, que ça prenne deux, trois, quatre ou cinq ans, on va avoir des effets bénéfiques. On va pouvoir stabiliser les lésions, à toutes fins utiles. C'est un peu ça, mon point de vue.

Le Président (M. Kehoe): Plus loin, quand vous parlez dans votre Intervention de la collaboration des ministres, sous-ministres et dirigeants d'organismes, etc., quand vous dites qu'ils ont démontré une volonté de corriger les choses, est-ce qu'il y a quelque chose de concret? Y a-t-il un changement d'attitude qui serait en train de s'installer? Est-ce que des gestes concrets ont été posés jusqu'à présent? (15 h 30)

M. Jacoby: Oui. Il y a un changement d'attitude depuis quelque temps. Il faut dire que peut-être le rapport annuel a aidé un peu. Je dois remarquer... Je peux vous dire qu'en ce moment il se passe des choses Intéressantes. Les résultats ne seront pas pour demain matin, mais... Par exemple, je peux vous dire qu'avec le ministère du Revenu qui, à mon point de vue, est déjà très préoccupé par la qualité du service - même si ce ministère aurait tout pour se faire haïr parce qu'il va chercher de l'argent dans les poches du monde - ils étalent déjà bien partis. Et là, on est actuellement en négociation avec le ministère du Revenu pour développer un protocole d'entente entre le Protecteur du citoyen et le ministère du Revenu qui permettrait encore d'améliorer notre fonctionnement sur une base réciproque tout en maintenant notre autonomie. Il y a une volonté politique et administrative au ministère du Revenu d'aller encore plus que ce qu'ils ont fait actuellement.

Je dirais également que du côté de ta Régie du logement, j'ai eu l'occasion récemment de rencontrer les autorités de la régie et elles sont très sensibilisées à ce problème. Les autorités réalisent que cela n'a pas de maudit bon sens. Parce qu'un locataire et un propriétaire, ça vit très longtemps ensemble. Or, qu'a fait la régie jusqu'ici? C'est de judiciariser tout ça. Alors je pense que la régie va développer une nouvelle philosophie qui sera beaucoup plus axée sur la conciliation.Et, pour ce dossier-là aussi, il y a une concertation qui risque de se faire entre le bureau du Protecteur du citoyen et la Régie du logement. Également au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, concernant l'aide sociale, même si nous avons dénoncé la facture du projet de loi et le trop grand nombre de pouvoirs habilitants, il n'en reste pas moins que là aussi j'ai commencé à avoir des discussions bilatérales avec les autorités administratives du ministère et elles aussi veulent véritablement qu'on les aide à cerner les problèmes, ce qui va leur permettre de modifier la réglementation au besoin et de changer les directives. Il y a, là aussi, une volonté de se concerter pour améliorer les choses.

Du côté maintenant du secteur qui est peut-être le plus critiqué, soit le secteur de la santé et sécurité au travail, je peux vous dire également que depuis quelques mois - et particulièrement depuis quelques semaines - il y a une ouverture très grande de la part de la direction de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. J'ai eu l'occasion d'avoir certaines rencontres récemment, et je vais en avoir dans les prochaines semaines, pour faire en sorte que le Protecteur du citoyen ne soit pas perçu par la CSST comme un "stranger in the house", mais comme une personne qui est peut-être là pour aider la CSST avec l'éclairage particulier que nous pouvons avoir à même nos dossiers et pour tenter aussi de bonifier le traitement des dossiers sous un angle un peu plus humain. Je peux dire, en toute honnêteté, que Je constate des volontés actuellement dans certains secteurs.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Lévis.

Consultation

M. Garon: Je me posais une question. Quand il y a des modifications aux lois, je pense par exemple aux amendements au projet de loi 92, l'assurance automobile, où les modifications peuvent influencer les comportements ou les procédures, est-ce que le Protecteur du citoyen est consulté pour voir si la loi va vraiment améliorer la procédure ou l'empirer?

M. Jacoby: La réponse c'est que... Enfin, l'expérience que je vis depuis que je suis là c'est que nous ne sommes jamais consultés et on évite de nous consulter. Ce qui fait que je me dis qu'il y a quelque chose qui ne marche pas dans le système. Il y a peut-être des gens qui pensent que nous sommes des ennemis, mais avec la petite expérience que nous avons, je me dis qu'il y a des choses sur lesquelles on pourrait faire la lumière et dire: Cela ne marche pas. Alors ce que nous avons fait, nous avons pris l'initiative depuis quelque temps, dans certains projets de loi, de transmettre des demandes formelles ou des commentaires très formels aux personnes responsables du projet de loi. Nous n'avons pas déposé de mémoire; nous ne sommes pas venus en commission parlementaire, mais dans quelques projets de loi, nous avons fait des propositions très précises. Mais je peux vous dire que jusqu'ici, mon expérience c'est qu'on n'était pas consulté à un point tel que dans certains cas j'ai accroché juste à temps une loi qui enlevait des pouvoirs au Protecteur du citoyen sans qu'on me consulte, sans que personne ne soit consulté. Il n'y a pas très longtemps, je viens encore d'y échapper, on était en train do faire autre chose... Cela dit, je pense la chose suivante. Évidemment, ça va dépendre de nos disponibilités. Je pense qu'avec l'expérience - notre petite expérience que nous avons - nous pouvons certainement aider les fonctionnaires, les administrateurs qui préparent des projets de loi et les autorités de niveau politique et leur souligner des problèmes. Parce que, avec l'expérience que nous avons, il est facile de déceler, par exemple, un "loophole" dans un projet de loi ou dans un projet de réglementation, peut-être pas dans tous les cas, mais on peut voir, à cause de ces expériences que nous avons, il y des "loopholes". Je pense que le rôle du Protecteur du citoyen pour l'avenir devrait être aussi de tenter de bonifier les projets de loi lorsque nous considérons que c'est opportun, de même que les projets de réglementation.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Taillon. Excusez-moi, êtes-vous... M. le député de Lévis.

Augmentation du nombre de cas

M. Garon: J'ai remarqué une chose après avoir été plusieurs années au gouvernement et trois ans dans l'Opposition. J'ai remarqué que depuis deux ans, des cas de comté sur l'assurance automobile et la CSST, je n'en avais pas beaucoup. Aujourd'hui, il y a un bon pourcentage de gens qui viennent à mon bureau et je me dis: II y a quelque chose qui ne va pas. Il me semble que les gens ont plus tendance à aller voir quelqu'un qui est au pouvoir en disant: II va me régler ça, que de venir voir quelqu'un qui est dans l'Opposition. Je me dis: Comment se fait-il que le nombre de cas... J'ai souligné en commission parlementaire, lors de l'étude de la Loi sur la Régie de l'assurance automobile, l'augmentation du nombre de personnes qui viennent nous voir - en tout cas, je ne parierai pas pour les autres, je vais parler pour mol - qui viennent au bureau de comté avec des cas d'assurance automobile, des cas d'accident du travail. Je remarque que, en 1986, non, mais depuis deux ans ça m'a frappé, le nombre de cas a augmenté considérablement. Y a-t-il une explication?

M. Jacoby: Moi j'ai pu constater, en tout cas cette année, par rapport à l'an dernier, que nous avons dans à peu près tous les secteurs d'activité gouvernementale une augmentation des plaintes. Est-ce que c'est simplement dû au fait que le Protecteur du citoyen est plus connu? Je ne pense pas parce que même avec les organismes qui ont des mécanismes de traitement des plaintes, je réalise en parlant aux personnes responsables de ces organismes qu'il y a aussi une augmentation des plaintes. Je présume qu'il y a des augmentations des plaintes au niveau des députés également.

Les causes de ça, il peut y en avoir plusieurs. II y a le fait que, c'est un pou paradoxal de dire ça, peut-être les gens connaissent plus leurs droits, mais Je ne suis pas convaincu de cela ou ils sont peut-être plus combatifs dû à

cet environnement juridique des chartes. On parle beaucoup de droit chez nous au Québec; on est très sensibilisé à cette question. Il y a beaucoup plus de groupements de défense des droits qui se créent. Par exemple, au niveau de l'aide sociale, dans toutes les régions du Québec, maintenant, il y a des groupes de défense des droits qui sont des associations bona fide, des associations de personnes qui sont elles-mêmes des assistées sociales et qui voient à la défense des intérêts des assistés sociaux. C'est un phénomène qui ne remonte pas à hier, mais qui semble être en recrudescence.

En matière d'accident du travail, également, il existe au Québec, dans chaque région, des mouvements de défense des droits des accidentés. On dirait que ça se crée de plus en plus ces organismes. Il y a sûrement des raisons sociologiques que J'ignore, mais c'est là. Alors, des organismes qui jouent des rôles d'"advocacy", de "lobbying" et tout ça, c'est sûr que ces gens vont parfois inciter leurs membres à revendiquer des droits, à poser des questions à l'administration, etc. Il y a ce phénomène qui est un phénomène sociologique. Il y a aussi le fait que, inévitablement, depuis 1979 que l'on effectue des compressions budgétaires, ces compressions budgétaires ont des effets cumulatifs. Je ne veux pas mettre en cause la politique de faire des compressions budgétaires. Au contraire, Je crois que ça s'impose. Mais ce que cela a produit en bout de ligne, ce que ça semble produire, c'est que la manière dont à l'intérieur des ministères et des organismes on absorbe ces compressions, Je n'ai pas toujours l'impression qu'on les absorbe au bon endroit. C'est mon "feeilng".

J'ai pu constater, avec l'expérience de certains dossiers, par exemple que dans certains ministères ou organismes, le service d'accueil, les gens de première ligne, c'est peut-être la moindre des préoccupations des autorités pour des raisons que Je n'ai pas à juger. Mais on dirait, dans certains organismes, qu'on ne met pas les ressources nécessaires en termes de formation, d'apprentissage, d'outils de travail aux personnes qui sont les premières sur la ligne de feu. Or, si les personnes qui sont sur la ligne de feu, les premiers décideurs, sont des personnes qui sont là pour un temps trop limité, des personnes qui n'ont pas nécessairement une formation adéquate, les outils de travail adéquats, il ne faudrait pas s'étonner qu'il y ait de plus en plus de décisions prises par des fonctionnaires de première ligne qui soient portées en appel devant les instances administratives lorsqu'elles existent ou pour lesquelles il y a de plus en plus de gens qui vont se plaindre aux autorités politiques, au Protecteur du citoyen. II y a, je pense, un problème sérieux. Par contre, je dois dire en même temps que dans certains ministères et organismes, on fait beaucoup d'efforts pour que les gens de première ligne aient plus de permanence et plus d'outils de travail, ainsi de suite. Mais il n'y a rien de coordonné. Il n'y a pas de coordination dans tout cela et ça varie suivant peut-être les philosophies de tous et chacun. Donc, c'est une cause qui peut, à long terme, expliquer qu'il y ait beaucoup plus de plaintes. C'était la deuxième cause.

Il y a aussi le fait... Par exemple, on a une augmentation de l'ordre de 110 % à la Régie des rentes. Pourquoi la Régie des rentes? Je ne peux faire la démonstration, on n'est pas équipé pour ça et je n'ai pas eu le temps de le faire, mais c'est à cause du vieillissement de la population. Avec le vieillissement de la population, il y a de plus en plus de personnes qui entrent dans le régime de rentes et ces gens aussi ont des organisations, aussi bien un club de l'âge d'or et tout ça et il y a des gens qui viennent leur donner des conférences sur leurs droits et ainsi de suite. La personne âgée ou la personne qui est en voie de devenir bénéficiaire du régime de rentes, tout cela mis ensemble, et le plus grand nombre et le plus d'informations font en sorte qu'il y a certaines personnes qui se disent: On ne peut plus accepter comme ça les décisions qui sont prises. Il y a beaucoup de facteurs. Je ne peux vous donner le plus important de tous ces facteurs. Mais aussi il y a le fait des délais dont on parlait tout à l'heure. Les délais véritablement ce sont 40 % de nos dossiers et les pires délais sont au chapitre des tribunaux administratifs à haut volume. C'est une source de plaintes continuelles. Il y a beaucoup de facteurs.

M. Garon: Je n'ai pas remarqué que les gens étalent plus au courant de leurs droits. J'ai l'Impression qu'ils trouvent que le traitement qu'ils ont n'a pas do sens et ils ne savent pas où aller. J'en ai dirigé plusieurs chez vous parce que vous avez des moyens que nous n'avons pas et les cas qui m'embêtent le plus - il y a deux cas qui m'embêtent le plus et qui reviennent souvent dans l'assurance automobile ou à la CSST - ce sont les contradictions des médecins. On est vraiment embêté quand le gars nous dit: Mon médecin me dit telle chose, et le médecin de la CSST ou le médecin de l'assurance automobile... On est un peu démuni comme député, pas un peu mais complètement, de voir ces rapports contradictoires. Et vous avez dû en avoir plusieurs cas chez vous aussi. Voyez-vous une façon d'améliorer ça? Je comprends qu'il peut y avoir des analyses ou des choses de complaisance. Cela peut arriver, mais des fois c'est beaucoup plus complexe que ça.

Le rapport de complaisance n'a pas plusieurs pages habituellement, mais lorsque vous voyez deux rapports, un à côté de l'autre, qui sont des analyses compliquées, difficiles même à suivre, vos deux grands spécialistes disent le contraire. La personne, qui est dans le milieu, est mal prise. Comme député vous lisez ça et vous trouvez ça incompréhensible. Il me semble, lorsqu'on va devant les tribunaux, quand il y a un doute, le doute va en faveur de la victime et

je n'ai pas le sentiment, d'après ce que je vois, que le doute va en faveur de la victime. En tout cas, je ne dis pas... Ceux qui sont heureux on ne les voit pas, on voit ceux qui ne sont pas contents. Mais ça arrive très souvent et, en tout cas, je me sens mal à l'aise devant ces contradictions d'analyse médicale d'un dossier. (15 h 45)

M. Jacoby: Effectivement, nous avons beaucoup de plaintes qui portent sur ce sujet et particulièrement dans les secteurs des accidents, que ce soit les accidents de la route ou les accidents du travail. C'est un fait que, dans le processus de décision quant à un dossier, il y a de plus en plus d'intervenants. Il y a des intervenants dans le processus, par exemple, au niveau médical. Par exemple, concernant le régime de santé et de sécurité du travail, jusqu'à l'arrêt Blouin on disait que la relation, c'était le rapport du médecin traitant. L'arrêt Blouin est venu changer les choses et dire que, finalement, c'était une question juridique et non pas une question médicale, ce qui fait que la CSST, compte tenu de cette décision, a été obligée de réorganiser complètement son système, de créer une direction médicale et, maintenant, cette direction médicale joue un rôle. De plus, dans un secteur comme la CSST, santé et sécurité du travail, d'une manière générale, que ce soit l'État, la CSST ou les employeurs, ils sont beaucoup plus dotés de ressources pour aller chercher des expertises et des contre-expertises. Il arrive très souvent de constater que, pour la victime, il y a le simple rapport du médecin traitant de huit à dix lignes et qu'il y a quatre ou cinq experts médicaux pour l'entreprise. Il y a des intervenants au niveau médical, des intervenants du bureau de révision et des intervenants des tribunaux administratifs. Un des grands problèmes que vivent les tribunaux administratifs, c'est qu'il n'y a pas toujours d'unité de décision. Je ne donnerai pas d'exemple, mais je peux vous dire que, régulièrement, des membres d'organismes administratifs se contredisent.

Quel est l'effet que cela produit sur les organisations et, ultimement, sur les victimes? D'abord, à partir du moment où un organisme qui administre une loi dit: À tel tribunal administratif d'appel on se contredit, le réflexe d'un administrateur, c'est de dire: On va attendre un peu s'ils en sortent d'autres comme cela. C'est un réflexe. Je ne le justifie pas et je ne le légitime pas. Alors, on attend et, à un moment donné, selon beaucoup de choses, on décide de suivre la décision du tribunal. Je me mets à la place d'un administrateur, ayant moi-même été sous-ministre pendant quelque temps, qui a des décisions qui se contredisent venant d'un même tribunal administratif d'appel qui était censé être un tribunal expéditif, spécialisé, et tout ça. Je ne dis pas que c'est la faute des tribunaux s'ils se contredisent, mais il y a bien des choses qui expliquent cela. Finalement, je dis qu'il y a, dans certains secteurs d'indemnisation de programmes gouvernementaux, beaucoup trop de marmitons dans la cuisine et les gens ne s'y retrouvent plus. Quand l'organisme lui-même ne s'y retrouve pas, vous pouvez imaginer à quel point les accidentés et les victimes ne s'y retrouvent pas, et cela met tout le monde en maudit. Tout le monde! Alors, il y a quelque chose qui ne marche pas dans le processus décisionnel pour des cas d'accidents du travail comme pour des cas d'accidents de la route, mais peut-être plus pour les cas d'accidents du travail, il y a trop de structures de décisions.

La loi est ainsi faite qu'elle donne ouverture à beaucoup d'interprétations contradictoires. On n'en sort pas. Je pense qu'une des façons de régler cela, c'est de repenser, non pas la philosophie de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, mais tout le processus décisionnel de façon que, par exemple, on joigne le médical et le juridique. Cela n'a pas de maudit bon sens. Il y a certainement eu des études là-dessus, mais je trouve qu'à première vue cela n'a pas de bon sens de dissocier les dossiers. Un jour, on dit oui et, le lendemain, on dit non, parce qu'il y a un autre organisme à l'intérieur du même réseau qui dit non, et ainsi de suite. Cela n'a pas de bon sens. Les tribunaux judiciaires n'ont même pas ce régime-là, mais on se permet d'avoir des structures tellement sophistiquées à l'endroit du droit administratif que c'est rendu que cela n'a pas de bon sens. C'est comme si, à la cour des petites créances, on se divisait en deux, il y avait des juges qui s'occupaient d'un aspect de la responsabilité et d'autres d'un autre aspect. Cela n'a pas de maudit bon sens. Je pense qu'il faut rechercher une certaine unicité dans le processus de décision.

Il y a aussi le fait, comme je le mentionnais tout à l'heure, qu'il va falloir développer parallèlement ou préalablement à ces processus des mécanismes de conciliation. Il y a des exemples dans la vraie vie de tous les jours. Prenons l'exemple du tribunal des petites créances dans le district de Montréal et de Québec. On a mis sur pied un mécanisme de médiation sur une base volontaire parce qu'il y a quand même des délais même s'ils ne sont pas très longs. Ce que j'ai pu constater, c'est que la majorité des gens préféraient régler leur dossier ensemble plutôt que le dossier parte dans les mains d'un tiers et alors Us ne savent plus ce qui se passe. Alors, l'expérience de la médiation aux petites créances à Montréal et à Québec est absolument extraordinaire. Sur une base volontaire, le requérant et le défendeur vont voir un médiateur. Le médiateur les écoute et quand i sent qu'il y a peut-être un lieu de rencontre ou de règlement, il propose sa solution. Dans 85 % des dossiers - c'est sur une base volontaire - les deux parties s'entendent pour accepter la proposition du médiateur. Alors, qu'est-ce qui se passe? Ils signent une entente, le juge à la cour des petites créances fait une simple homo-

location de l'entente et ça désengorge les rôles de la cour des petites créances.

À la suite de ces expériences pilotes de conciliation, et il y en a d'autres dans le secteur des loyers, je me dis la chose suivante: Une façon de désengorger les tribunaux administratifs, ou les tribunaux judiciaires ce serait de prévoir tous ces mécanismes avant qu'on soit rendu au recours ultime et je suis convaincu que ça correspond bien plus à la mentalité du monde ordinaire. Ce n'est pas vrai que, moi, accidenté du travail ou, moi, PME qui n'est pas d'accord avec une décision du secteur de la santé et de la sécurité du travail, en général je suis bien content d'embarquer dans cette machine à saucisse. Je dis que si nous faisions des sondages, 95 % des gens, y compris les entreprises, diraient: On voudrait régler les choses pour qu'on puisse se parler. Il ne faudrait pas que ces dossiers nous échappent parce que le sentiment d'un citoyen, c'est que son dossier lui échappe.

II y a une foule de raisons à cela. Un bon jour, on reçoit une décision et, si la décision est favorable, on peut dire. Bien, ça a pris du temps, mais au moins on a gagné quelque chose. Si la décision n'est pas favorable, on dit: Si j'avais pu m'occuper de mon dossier. Le vrai monde, à mon point de vue, préférerait se parler. Beaucoup de locataires et ce propriétaires se parleraient si, à la Régie du logement, on ne leur disait pas: Vous avez des droits et des obligations; puis venez-vous en, il y a une régie. C'est la même chose en matière de santé et de sécurité du travail.

Évidemment, les médiations, II faudrait les adapter à chaque secteur. C'est sûr qu'en matière d'accidents de la route ou d'accidents du travail, la médiation pourrait être faite par des personnes qui ont la formation, à déterminer quand ce sont des questions médicales, etc., d'amener les parties à s'entendre. C'est quoi l'intérêt, dans le fond, pour l'entreprise, ultimement, de tout contester? Puisque les entreprises contestent et qu'en plus la CSST agit comme partie prenante - en tout cas, l'apparence que, ça donne l'apparence des fois - les syndicats, qu'est-ce qu'ils disent? On conteste. Alors, tout le monde conteste. Envoie donc, tout le monde conteste, on embarque dans le train et on conteste. Dans le fond, si on pose la question aux bonnes personnes, elles vont dire: On est tannées de contester; y a-t-il moyen de trouver une autre solution que celle-là? On est Imbus de la contestation. Cela n'a pas de bon sens. On est pire que les Américains.

Le Président (M. Kehoe): Avez-vous terminé, M. le député de Lévis?

M. Garon: Je peux revenir, ça ne me dérange pas. J'aurais une autre question, mais un peu à part.

Le Président (M. Kehoe): On va suspendre cinq minutes après la question de M. le député de Lévis.

M. Garon: D'accord. Après ma question ou avant?

Le Président (M. Kehoe): Oui, après votre question.

Administration de la Loi sur l'assurance automobile

M. Garon: D'accord. Il y a un autre point qui m'a frappé dans l'administration de la Loi sur l'assurance automobile. C'est lorsqu'on suppose des emplois à des gens. Il y a eu un cas, dont j'ai parlé à plusieurs reprises, où cela ne m'apparaît pas raisonnable. On suppose un emploi à quelqu'un en vue de diminuer le montant qu'on va lui payer. On supposait, à Lévis, que quelqu'un pourrait être gardien d'un terrain de stationnement. Évidemment, il faut que ce soit un terrain de stationnement payant. Je ne connais pas, à Lévis, de terrain de stationnement payant. On peut bien supposer un emploi à quelqu'un qui a une soixantaine d'années, mais dans l'administration de la loi - je ne voudrais pas poser une question pour vous embêter - ça m'apparaît abusif de supposer un emploi inexistant, qui a pour but, au fond, de réduire la rente que retirerait quelqu'un de son accident en disant: Vous pourriez faire ça.

Souvent, dans d'autres domaines, on suppose que vous pourriez faire de l'entretien ménager, sauf que si tous les gens qualifiés pour faire de l'entretien ménager en faisaient, il faudrait avoir des machines à poussière, parce qu'il en manquerait. Alors, on suppose des emplois, mais est-ce que c'est ça, l'esprit de la loi? J'ai l'impression que le seul but de supposer des emplois, comme ça - je parle du terrain de stationnement - c'est de réduire le montant à payer, mais la personne est faite, parce qu'elle ne se trouvera pas un emploi dans ce secteur, à moins de déménager. Elle a déjà une soixantaine d'années...

M. Jacoby: Dans certains régimes, effectivement, après quelques années, après cinq ans, je pense, la personne est vraiment dans l'obligation de prouver qu'elle n'est plus capable de travailler du tout, d'aucune manière. Le système est là, un système où l'on essaie de trouver de l'emploi aux gens. Il y a, d'abord, une question de marché, de disponibilité. Deuxièmement, il y a aussi le fait qu'on peut avoir un réflexe, que je comprends très bien, que je n'accepte pas, cependant, le réflexe de dire qu'il faut que le système nous coûte te moins cher possible. Et je pense que parfois, on fait des économies de bouts de chandelle.

Je suis convaincu que même si on faisait jouer un peu plus l'équité en faveur de certains types de victimes, ça ne créerait pas d'augmenta-

tion significative des budgets, parce que, dans le fond, quand on regarde les régimes, que ce soit l'IVAC, la CSST ou d'autres, tout ce que ça coûte pour administrer, parce que la structure et le processus de décision sont énormes et délirants, les quelques dollars, ici et là, que l'on pourrait dépenser en ayant une approche un peu plus humaine dans le cas de doute... Dans le doute, surtout s'il s'agit d'accidentés, il ne faut pas compter nécessairement sur une expertise médicale ou un rapport de réadaptation quand, à la lecture des documents, II demeure un doute dans l'esprit de la personne qui doit prendre la décision, à mon avis, le doute doit être favorable à la victime. Il me semble que, dans notre Justice traditionnelle, c'est toujours comme ça qu'on a tout interprété: nos lois, nos gestes dans l'administration.

Je n'ai pas de solution miracle. Il y aurait lieu de changer les mentalités, mais chose certaine, si l'on changeait ces mentalités, ça n'entraînerait pas des coûts significatifs pour l'administration, et de plus le taux de satisfaction de la clientèle serait beaucoup plus élevé.

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. Jacoby. Tel que prévu, les travaux sont suspendus pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Kehoe): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. On était à l'étape de la discussion entre les différents membres de la commission et le Protecteur du citoyen.

M. le député de Taillon a demandé la parole et Mme la députée de Groulx.

Les prisonniers

M. Filion: Merci, M. le Président. Ceux ou celles qui peuvent douter de l'utilité de l'exercice démocratique et parlementaire qui se fait aujourd'hui n'auront qu'à relire le Journal des débats. C'est très dense et remarquable comme produit et de plus, extrêmement intéressant. J'en félicite le Protecteur du citoyen.

Comme je l'avais annoncé un peu plus tôt, j'aimerais regarder avec vous vos priorités pour l'année à venir. Si l'on s'en tient à la description que vous faites de la situation actuelle, c'est tellement riche qu'on pourrait y consacrer toute notre période de temps, mais il est également du devoir des parlementaires d'examiner les priorités pour l'année qui vient.

La première priorité: faire en sorte que le bureau du Protecteur du citoyen soit mieux connu... je ne dis pas plus connu mais mieux connu. Là-dessus, on a étudié la question, mais encore faudrait-il que le bureau du Protecteur du citoyen reçoive les ressources suffisantes, sinon cet exercice pourrait être rendu tellement difficile qu'il pourrait devenir illusoire. Les chiffres qu'on a examinés ensemble ce matin quant à la connaissance de l'Institution du Protecteur du citoyen par les minorités, par la communauté anglophone, par d'autres régions que celles de Québec sont fort révélatrices. Là-dessus j'ai un seul commentaire, c'est qu'il faudrait s'assurer, et cela rejoint vos préoccupations sur le budget dont vous nous avez fait part ce matin, que les ressources suffisantes existent.

La deuxième priorité: Le Protecteur du citoyen doit aider les plus vulnérables, les plus démunis, ainsi que les groupes qui sont le plus susceptibles d'être lésés. On a parlé des bénéficiaires d'aide sociale; vous avez également traité de la question des immigrants. On n'a pas encore abordé la question des bénéficiaires du réseau de la santé et des services sociaux. Vous en avez dit quelques mots dans votre présentation verbale. La même chose pour les Amérindiens et les Inuit.

Vous soulevez dans votre rapport, à juste titre, vous l'avez fait verbalement aussi, le rapport de force qui existe entre le gouvernement et les citoyens. C'est un rapport de force éclatant, bien que les citoyens ont de plus en plus tendance à se regrouper et à défendre collectivement leurs droits.

Ma question porte précisément sur ces citoyens-là, ceux qui sont le moins en mesure de faire valoir leurs droits. Je veux plus précisément traiter de la question des prisonniers, c'est-à-dire ceux qui sont détenus dans nos prisons, à la suite de sentences imposées par les tribunaux. Dans votre rapport, vous parlez aux pages 33 et 34 de la surpopulation endémique dans les prisons du Québec. Lorsque je m'occupais du dossier du Solliciteur général, j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de traiter du fait que dans les grandes prisons, il n'y a plus de place, c'est absolument bondé, de sorte que: premièrement, les gardiens de prison - et J'ai eu l'occasion de discuter récemment avec certains d'entre eux - ont plus de difficulté à offrir la qualité de rapports qu'ils voudraient offrir aux prisonniers; deuxièmement, les prisonniers eux-mêmes se retrouvent devant les faits suivants: les prisons étant bondées, les visites des parents et amis sont annulées ou se font plus rares, la distribution du courrier se fait avec beaucoup de retard, les nombreux transferts d'objets personnels occasionnent des pertes et enfin une augmentation de la fréquence des fouilles perturbe encore les individus. Je cite des parties de votre rapport à la page 34.

Vous nous dites qu'en 1968 le bureau du Protecteur du citoyen apportait une attention particulière au phénomène de la surpopulation dans les centres de détention. Il est bon de rappeler, à ce sujet, que le gouvernement a fermé six prisons, de façon précipitée, dites-vous dans votre rapport, et sans se préoccuper des inconvénients qui pouvaient en résulter dans

l'immédiat. Vous nous dites également, je reviens là-dessus, 'qu'en 1988, le bureau apportera une attention plus particulière au phénomène de la surpopulation dans les centres de détention et des conséquences qui peuvent en découler pour plus de 3000 incarcérés." Ma question est la suivante: De quelle façon...

D'abord, pouvez-vous illustrer davantage les conséquences désastreuses que vous avez constatées en ce qui concerne la surpopulation de nos prisons? Deuxièmement, de quelle façon entendez-vous accorder une attention particulière à ce groupe de citoyens qui, bien qu'Us soient privés de leur liberté, n'en sont pas moins des citoyens à part entière au Québec?

M. Jacoby: Pour ce qui est de la population carcérale, effectivement, nous avons noté - depuis une couple d'années et encore au moment où l'on se parle, je pense que la situation ne fait que s'aggraver - que dans certaines régions, particulièrement celle de Montréal et ici à Québec, les établissements étalent occupés au maximum et même plus. Lorsque dans une institution carcérale, le taux d'occupation frise les 100 % ou est de 100 %, il se passe les choses suivantes: d'abord, on n'a pas assez de places, on est obligé de transférer du monde, parfois dans des endroits éloignés. Par exemple, dans la région de Montréal, vous avez toutes les prisons en périphérie de Parthenais, où on est obligé maintenant de faire de la prévention, c'est-à-dire de garder des prévenus. Le transfert de personnes incarcérées ont des conséquences, et ce, à plusieurs points de vue. Premièrement, pour des raisons de sécurité, on ne transfère pas immédiatement les objets personnels des prisonniers, mais il arrive que des objets personnels se perdent. Deuxièmement, on se trouve à éloigner ces personnes, qui font l'objet de ces transferts dus à la surpopulation, de leur agent de probation, de leur agent de libération conditionnelle, même de leur procureur. On les éloigne aussi de leurs proches, de leur famille. Ces faits touchent la personne même de l'incarcéré.

Mais il y a bien plus que ça. Un milieu carcéral est en soi un milieu de tension, ce n'est pas un milieu normal; c'est une clientèle captive qui n'est pas toujours facile. Les gardiens de prison n'ont pas la vie facile non plus. Plus le taux d'occupation est élevé, plus les tensions montent entre les incarcérés eux-mêmes et entre les incarcérés et les gardiens de prison. Cela est bien indépendant des problèmes de négociations de conventions collectives et de tout ça. C'est une vie qui est très dure, à mon point de vue, tant pour les incarcérés que pour le personnel des centres de détention.

Quand le taux d'occupation est très élevé, on n'est plus capables d'avoir des plans de séjour individualisés pour les prisonniers, dans le cadre de leur réinsertion sociale éventuelle. On n'est plus capables, on ne suffit plus à la tâche. Et, en fin de compte, cela se traduit chez nous par une augmentation du nombre de plaintes émanant des incarcérés qui ont une ligne directe avec le bureau du Protecteur du citoyen. Cela nous oblige, évidemment, à réagir assez vite.

Pour régler les problèmes de surpopulation, qui sont des problèmes qui reviennent maintenant régulièrement, malgré tous les beaux programmes qu'on peut mettre sur pied... Il faut mettre sur pied ces programmes, mais dans la vraie vie de tous les jours, ces programmes ne sont pas nécessairement utilisés adéquatement ou encore n'a-t-on pas toutes les ressources nécessaires pour appliquer ces programmes alternatifs. Ce que je pense - j'ai d'ailleurs fait la proposition... Déjà en 1985, le bureau du Protecteur du citoyen, lors de l'enquête systémique qui avait été faite sur l'ensemble du système carcéral, demandait la fermeture de Parthenais. Il y a quelques mois, J'ai aussi demandé la fermeture de Parthenais. J'ai procédé chez nous à une réorganisation et nous avons actuellement une présence accrue dans les centres de détention. Lorsqu'il y a des plaintes, généralement, nous nous rendons sur place et nous examinons les dossiers. Évidemment, notre attitude fait en sorte que le personnel des prisons nous trouve peut-être un peu plus achalant qu'avant. Mais chacun fait sa job, je pense. De notre côté, une présence accrue dans les centres de détention. Le problème, ce n'est pas une fausse surpopulation. Au moment où l'on se parle, à l'occasion des enquêtes que nous faisons, on m'informe que, tous les jours, environ 900 personnes sont en dehors des centres de détention alors qu'elles devraient être à l'intérieur. Pour moi, cela illustre une chose très claire: nous avons un problème de surpopulation; 900 personnes par jour sont à l'extérieur alors qu'elles devraient être en dedans.

Il y a un problème. Il va falloir revoir les équipements. II va falloir aussi développer davantage des alternatives à l'incarcération. Au chapitre de la prévention, c'est un phénomène que j'appellerais sociologique, c'est bien difficile. Je pense que beaucoup d'efforts ont été faits dans la prévention du crime, mais il y a un phénomène qui se produit. Il y a de plus en plus de prévenus. La seule façon de garder la population et les personnes et le personnel en dedans, c'est d'avoir de nouvelles installations. C'est mon point de vue bien personnel. Je sais que ça coûte très cher. L'on peut envisager une planification à moyen ou à long terme; il doit y avoir cette volonté de penser qu'on peut, par des mesures alternatives, éviter l'emprisonnement. Il y a du vrai là-dedans, mais c'est un peu utopique aussi. Quand on regarde dans nos sociétés le développement et l'augmentation de certains types de crimes, je pense qu'il ne faut pas rêver en couleur et se dire que nos équipements ne sont peut-être pas suffisants. C'est un peu mon "feelling" à ce stade-ci

M. Filion: Je vous remercie. Sur le même

sujet, dans votre rapport annuel, vous citez certains cas que j'appellerais peut-être d'application de décisions administratives ou de décisions à caractère disciplinaire, à l'intérieur des murs des prisons. J'ai été particulièrement sensible à ces cas-là, d'autant plus que de façon générale, c'est mon avis que le moindre sentiment d'injustice perçu par un détenu ou un prisonnier compromet souvent, de façon directe, sa réhabilitation. Si, par exemple, au cours d'un transfert, on perd les objets du détenu, essayez donc de lui expliquer qu'il doit se réhabiliter, se réinsérer dans la société. Bonne chance, tout le monde! Et sa réhabilitation... On en connaît le coût. Avant, on disait qu'un prisonnier coûtait à l'État 85 $ par jour. Mais les derniers chiffres que j'ai vus, ça coûte au-dessus de 100 $ par jour à l'État. Alors, il ne faut pas se poser longtemps la question sur la nécessité de la réhabilitation. Uniquement sur le plan financier, au lieu de débourser 100 $ par jour, si un individu est réhabilité et retourne en société, M devient un actif. Il travaille et il paie des taxes. Je pense qu'on a intérêt, de façon générale, sur le plan humain, sur le plan de la justice humaine, à la réhabilitation des détenus. On a aussi un intérêt pécuniaire, aussi curieux que ça puisse paraître, à faire en sorte que nos prisons soient tenues de façon décente et sans qu'il existe cette surpopulation absolument Incroyable. On parle même de 900 détenus qui devraient être à l'intérieur des murs et qui ne le sont pas.

Sans compter qu'on bafoue également les ordonnances judiciaires. Les juges condamnent les individus à des sentences de prison qu'ils ne purgent pas aujourd'hui. Les détenus se présentent, ils signent un formulaire et s'en retournent chez eux. Les juges les ont pourtant condamnés à une sentence de prison. Je ne sais pas si le gouvernement va s'éveiller un jour là-dessus ou s'il attend que ça éclate. Peut-être qu'il attend des bingos. Probablement. Tout le monde a réclamé la fermeture de Parthenais, mais ça ne bouge pas.

Une voix: Ce n'est pas de ce matin. À Orsainville...

M. Filion: Non, ce n'est pas de ce matin, je suis d'accord avec vous. Sauf que le gouvernement, lui, est là, ce matin. À Bordeaux et à Orsainville... D'ailleurs, j'ai eu l'occasion avec mon collègue, le député de Lévis, de me rendre à Orsainville et de me promener aussi ailleurs. Cela n'a plus de sens. Allez donc parler de réhabilitation dans un climat comme ça! Quand vous recevez les gardiens de prison, laissez-les parler un peu. Vous allez vous apercevoir qu'ils n'ont pas beaucoup de temps pour faire de la réhabilitation. Ce n'est pas facile dans un climat où la population est surchargée, où il y a du monde qui dort dans les couloirs ou à peu près.

Bref, ma sous-question sur cet aspect est la suivante. Est-ce que le Protecteur du citoyen considère qu'il y a un problème au niveau de la justice, du processus, disciplinaire? Un problème qui demande une solution plus systémique, pour employer un mot à la mode. Vous citez deux cas et je sais que le bureau du Protecteur du citoyen en a reçu davantage. Les cas cités dans votre rapport annuel sont uniquement des illustrations du type d'amende que vous recevez et du type de travail que vous faites. J'aimerais vous entendre à ce sujet. Est-ce que le processus administratif et disciplinaire, à l'intérieur des murs, offre toutes les garanties voulues d'indépendance? Avez-vous déjà songé à d'autres solutions? Considérez-vous que ce qui se passe maintenant est un mal un peu nécessaire et qu'on ne peut pas inventer de nouvelles façons pour assurer la discipline à l'intérieur des murs? J'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. Jacoby: Mon sentiment, avec le genre de plaintes que nous recevons, c'est que d'une manière générale, au niveau du régime displinaire dans les maisons de détention, ça va relativement bien. Il y a toujours - parce que ce sont des organisations - évidemment, soit des irritants, soit des accrocs. On en a vu quelques-uns dans le rapport annuel. Je ne pourrais pas avancer de chiffres, mais c'est certainement, à mon point de vue, dans une situation normale, un pourcentage infime. Cependant, à partir du moment où il y a une surpopulation dans certaines prisons, I y a un manque d'effectifs dans d'autres prisons, indépendamment de la surpopulation. Il est évident que la tension monte entre les personnes incarcérées et le personnel de prison.

La tension montant, cela a nécessairement un effet négatif sur les relations et sur la manière dont doivent être traitées les personnes incarcérées. Je voudrais cependant dire qu'en tout cas, l'année dernière, je n'ai pas les chiffres pour cette année, dans le domaine carcéral, le taux ou la proportion de plaintes fondées était relativement bas. Je pense que l'année dernière, nous avions un taux de plaintes fondées d'environ 14 %. Donc, pour répondre précisément à votre question, je n'ai pas fait d'études poussées là-dessus. (16 h 30)

Je peux vous dire que les problèmes ne font que s'amplifier, lorsqu'il y a de la surpopulation ou un manque d'effectifs. Je peux vous dire également que nous avons, malgré le fait que nous sommes plus présents dans les centres de détention, une très bonne collaboration de la part des autorités administratives et du personnel, d'une manière générale. Il n'y a pas des cas problématiques mais, d'une manière générale, sur ce plan-la, nos relations sont assez bonnes. Pour revenir à ce que j'ai déjà dit quand je parlais des clientèles captives, c'est véritablement un réseau captif et je pense qu'on se doit, à l'égard de ces citoyens et citoyennes, de faire plus attention, à cause du milieu très particulier et des raisons pour lesquelles ce milieu existe. Cela

signifie pour moi que, de ce côté-là, s'il y avait des choix à faire quant à dégager certains budgets, je pense qu'il y aurait certainement une plus grande répartition et distribution à faire en milieu carcéral.

M. Filion: Une dernière question sur ce sujet, M. le Président. Vous savez en ce qui concerne le fédéral, l'application de la charte a amené des changements importants au chapitre de l'administration des pénitenciers fédéraux, notamment en faisant en sorte qu'il puisse y avoir une instance indépendante qui vérifie et, dans certains cas, qui prenne des décisions qui sont de nature à influencer la liberté des individus. Évidemment, dans les prisons de juridiction provinciale, les gens ne demeurent pas là aussi longtemps. Ils ont peut-ètre moins le temps de préparer leurs contestations, en vertu de la Charte des droits. C'est un peu le sens de ma question. Est-ce que vous croyez qu'il y a une réflexion à faire sur l'avenir, en ce qui concerne toute la reddition de la justice administrative ou disciplinaire à l'Intérieur des murs? C'est là-dessus, plus précisément, que j'aimerais vous entendre, si vous avez des commentaires à nous faire.

M. Jacoby: A mon avis, la problématique des pénitenciers fédéraux et des prisons provinciales est relativement différente. En général, les durées de séjour sont moindres dans nos prisons provinciales, et de plus, le délai maximal est moindre. Bien sûr, le séjour est de moins de deux ans, sauf dans les cas de transfert de pénitencier dans certaines de nos prisons, pour différentes raisons, à cause de certains protocoles en vigueur. La problématique est un peu différente, du fait qu'il s'agit de séjours de moins longue durée. À mon avis, en tout cas, jusqu'ici je n'ai pas preuve du contraire, l'administration carcérale respecte d'une manière générale les chartes. Je ne dis pas que c'est tout le monde, mais je dis que c'est mon sentiment. Je pense également qu'il y a un problème dans nos prisons provinciales. À mon point de vue, le détenu, comme n'importe quel citoyen, devrait connaître ses droits. À cet égard, nous avons recommandé, il y a un certain temps, que l'on donne à la personne prévenue ou à la personne détenue un document, une brochure vulgarisant ce qu'est la prison, les programmes, les droits, les obligations et ainsi de suite, pour que ces personnes puissent, dans une certaine mesure, si des abus se produisent, connaître un peu plus leurs droits. On a proposé de rassembler différents documents comme les chartes, la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus, tous les règlements et une bonne partie des politiques administratives, des directives administratives et de les remettre aux détenus non pas comme cela se fait à l'occasion, mais d'une manière un peu plus intégrée et un peu plus à la portée de tout le monde. Je pense que déjà, ce serait un plus à apporter.

La Président (M. Kehoe): Mme la députée de Groulx.

Recours aux CRSSS

Mme Bleau: D'abord, une remarque et ensuite une question. C'est sûr qu'on retourne un peu en arrière. On doit conserver nos questions assez longtemps et pour les retenir, il faut souvent les écrire. J'ai beaucoup appris depuis ce matin, à la suite de la lecture de votre rapport et aussi par les réponses que vous avez apportées à nos questions sur le rôle du Protecteur du citoyen. Je dois vous dire que dans ma pratique de députée, cela va certainement m'aider dans beaucoup de cas. Je ne sais pas si cela va aider les autres, mais je pense entre autres à des cas où j'ai épuisé à peu près tous les moyens d'intervention et de persuasion. Je songe à vous les référer maintenant. Je ne sais pas si vous allez être aussi content que moi je le suis aujourd'hui.

Il y a une question qui me vient à l'esprit. Votre rôle d'appel au CRSSS ne vient-il pas un peu en contradiction avec la critique que vous faites dans votre rapport sur les recours trompeurs?

M. Jacoby: C'est peut-être en contradiction, mais je veux dire exactement... Les CRSSS, normalement, sont des organismes de traitement de plaintes qui émanent des institutions. C'est ce que j'appelle un recours qui est censé être un recours léger et non pas un recours trompeur. C'est censé être un recours léger mais le problème, c'est qu'il s'avère trompeur. D'ailleurs, il y a des études qui ont été faites, je n'invente rien. Un traité a été écrit il y a une couple d'années par des universitaires qui ont examiné toute la situation, tout le rôle des CRSSS en matière de traitement des plaintes. On arrive à ta conclusion suivante, d'abord le CRSSS, d'une manière générale, est une Institution qui est en conflit d'intérêts. II est en conflit d'Intérêts parce que c'est le CRSSS, suivant les normes actuelles, qui répartit les budgets dans la région. Effectivement, il peut y avoir un conflit d'Intérêts parce que si une plainte porte sur le manque de services dans telle Institution de la région, je me dis: Comment le CRSSS fait-il pour gérer cela, une plainte comme cela, quand c'est lui-même qui est à l'origine de la répartition des budgets? Deuxième chose qu'on a pu remarquer - et cela a été remarqué par d'autres - c'est que très peu de CRSSS, semble-t-il, prennent véritablement leur rôle d'analyse de plaintes au sérieux, pour des raisons que je n'ai pas à juger. La réalité, c'est qu'il y en a très peu. Je ne les nommerai pas pour ne pas déplaire aux autres. Troisièmement, les analyses démontrent que plus un dossier est compliqué, plus un dossier est délicat, plus il prend du temps à se régler. Souvent iI ne

se règle pas; très souvent, il ne se règle pas. C'est un mécanisme de recours assez léger mais je pense qu'il y a des problèmes de faux conflits d'intérêts. Ensuite, en pratique, ce que |e peux comprendre, c'est que très souvent lorsqu'une plainte est acheminée à un CRSSS, cette plainte est transmise à l'Institution même au sujet de laquelle on porte plainte. L'institution concernée fait son enquête interne, soumet le résultat de sa propre enquête qui a été déléguée par le CRSSS au CRSSS et, finalement, je m'Interroge sur l'efficacité de la transparence du système. Si on changeait le rôle des CRSSS de manière qu'Us ne soient plus en conflit d'intérêts, je pense qu'on pourrait certainement avoir une meilleure justice.

Mme Bleau: Merci.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Roberval.

Appels téléphoniques (suite)

M. Blackburn: Moi aussi, Me Jacoby, depuis ce matin, je participe à cette commission et j'ai entendu les explications que vous avez données sur le rôle du Protecteur du citoyen. Pour moi c'est une découverte, je pense, très intéressante et très importante de l'Importance du rôle que vous avez. Ce matin, vous avez aussi mentionné le fait qu'il y a certaines régions - et je viens de l'une de ces régions - où il y avait, par rapport à Québec entre autres, une moins grande utilisation de vos services. Je voulais vous demander si, pratiquement, il n'y a pas une raison à cela. En ce qui a trait aux lignes téléphoniques qui communiquent avec vos bureaux, est-ce que vous avez une ligne watt par exemple?

M. Jacoby: Oui, nous avons un service zenith. Ce n'est pas un problème de ville. Nous avons un numéro pour l'Est du Québec, un numéro pour l'Ouest. Il n'y a pas de problème d'accessibilité par la voie du téléphone. C'est un service gratuit. Ce qui peut se produire, c'est qu'à l'occasion, les lignes soient occupées. Peut-être que dans votre région, c'est une région où nos services sont peu connus.

M. Blackburn: C'est un des facteurs importants et aussi sûrement que la publicisation de votre rôle s'impose car, peut-être, la méconnaissance de ce rôle dans nos régions, est encore grande. Une autre question. En revenant ce matin, vous disiez que c'était la première fois que le Protecteur du citoyen était Invité à participer à un forum depuis votre accession à ce rôle. Vos prédécesseurs, est-ce qu'ils ont eu l'occasion, eux, de participer à des forums comme cette commission parlementaire?

M. Jacoby: À ma connaissance - on me corrigera peut-être - cela s'est produit une fois mais il y a fort longtemps. C'était peut-être à l'époque... Cela s'est produit une fois mais ce n'était pas devant la commission des institutions. C'était à l'occasion d'un dossier particulier. Mon prédécesseur immédiat n'a jamais eu l'occasion de se faire entendre durant les 5 ans et demi au cours desquels I a occupé sa charge. Le deuxième prédécesseur je pense qu'il a eu l'occasion une fois de se présenter.

M. Blackburn:Merci.

Mme Bleau: Une autre question qui se rapporte toujours... Selon vous, ne vaudrait-il pas mieux éliminer le CRSSS et le remplacer par le Protecteur du citoyen?

M. Jacoby: Bien, écoutez, vous me posez une question. Je vais vous répondre comme ça, ce qui me passe à l'esprit. Partons du principe suivant: à mon point de vue, il ne faut pas que le Protecteur du citoyen soit nécessairement le mécanisme de recours de première ligne parce que je pense qu'à long terme, cela peut déresponsabiliser le personnel des différentes organisations parapubliques ou péripubliques. Je pense que notre rôle devrait normalement se situer en deuxième ligne. Par ailleurs, dans le secteur de la santé et des services sociaux il est évident que si l'on ne modifie pas les responsabilités du CRSSS, le mécanisme de plainte ne serait pas plus efficace qu'il ne l'est aujourd'hui. Par ailleurs, il y a des comités de bénéficiaires dans plusieurs institutions. Ces comités de bénéficiaires n'existent pas partout et là, où ils existent ils ont des budgets assez maigres qui ne leur donnent pas les moyens peut-être de jouer leur rôle pleinement. Je crois beaucoup au rôle des comités de bénéficiaires. C'est une prise en charge par les personnes qui vivent ces problèmes. Je pense que la politique de santé mentale notamment qui a été déposée fait en sorte que les comités de bénéficiaires auront un budget garanti, un minimum et un maximum, un certain pourcentage du budget de l'institution et peut-être un peu plus d'autonomie. Au moment où l'on se parle, ce n'est pas drôle. Le comité de bénéficiaires, quand il veut acheter un crayon, il est obligé de demander l'autorisation au conseil d'administration. C'est le monde à l'envers. Moi, je trouve que cela n'a pas de bon sens. (16 h 45)

Troisièmement, il existe dans plusieurs institutions des "ombudspersons", des "ombudswomen", des personnes qui particulièrement, je dirais, dans la région montréalaise - ce n'est pas généralisé dans tout le Québec - font généralement du bon travail. Elles sont sur place, d'abord, elles sont sous l'autorité du directeur général du conseil d'administration et je pense qu'elles règlent pas mal de problèmes. Je ne voudrais pas dire que c'est comme ça partout. Dans certaines organisations - il ne faut pas se le cacher - l'ombudsperson" est un agent de

relations publiques, parce qu'elle n'est pas tellement "backée" par le directeur général, son conseil d'administration ou par le directeur des services professionnels de l'institution, et je trouve que cela n'est pas... En tout cas, je ne porterai pas de jugement.

Je pense, dans un régime d'amélioration du mécanisme de protection et exercice des droits et intérêts des bénéficiaires, qu'il faut maintenir les comités de bénéficiaires, leur donner un peu plus d'autonomie financière et de moyens d'action. Je crois qu'il faudrait peut-être aussi continuer à les encourager, mais dans la mesure où les règles du jeu sont claires, et avoir, dans les organisations de ces "ombudspersons" qui, bien sûr, sont des employés de l'institution, mais ils font un maudit bon bout de chemin.

Quand aux CRSSS, si on leur enlève leur conflit d'Intérêts, d'accord cela marchera, d'une certaine manière, mais si on ne leur enlève pas ce conflit d'Intérêts, cela ne donnera rien de plus qu'actuellement. Et dans tout ça, si jamais le gouvernement décidait que nous ayons juridiction, à tout le moins sur certains types de clientèle, je pense qu'on devrait toujours être en deuxième ligne, sauf pour les cas d'urgence ou pour mettre de la pression sur certains dossiers. C'est comme cela que je le vois.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Taillon.

Les personnes âgées

M. Filion: Merci, M. le Président. Toujours au chapitre de votre deuxième priorité, c'est-à-dire cette attention plus spéciale accordée aux citoyens les plus vulnérables dans notre société, vous mentionnez les personnes âgées, d'une part, vous l'avez évoqué tantôt, en expliquant un petit peu plus l'accroissement des demandes qui concernent la Régie des rentes du Québec. II demeure que ce phénomène de vieillissement de la population est présent et est maintenant le sujet d'une prise de conscience généralisée, au Québec. Il y a aussi tout le secteur de la santé et des services sociaux, en incluant la Régie de l'assurance-maladie où une bonne partie, j'ai l'impression, de votre clientèle pourrait être les personnes âgées.

J'aimerais, à partir de la priorité que vous avez fixée, savoir quels sont les champs d'intervention plus spécifiques, les sources de lésions plus spécifiques réservés à cette clientèle que constituent les personnes âgées. J'aimerais aussi savoir quelles sont vos orientations en ce qui concerne ces personnes âgées qui, souvent - on le sait, c'est le problème qui m'a le plus frappé - quand elles reçoivent une communication d'un ministère ou d'un organisme du gouvernement, étant donné leur âge, sont souvent beaucoup plus désemparées que les plus jeunes ou que les personnes d'âge adulte. Des fois, une lettre de la Régie de l'assurance automobile du Québec les invitant à aller passer un examen médical de la vue va causer tout un émoi chez ces gens qui sont des citoyens à part entière et qui ont passé leur temps à payer des taxes pour que l'État puisse continuer à entretenir toute sa structure. Donc, compte tenu du caractère particulièrement fragile de cette clientèle, j'aimerais savoir quelle est l'expérience que vous avez vécue et quels sont les champs d'intervention que vous désirez privilégier.

M. Jacoby: Au moment où on se parle, notre juridiction, par rapport aux personnes âgées, est la même que pour l'ensemble de la population, c'est-à-dire que dans la mesure où les personnes âgées font affaires avec des ministères ou organismes, que ce soit au niveau de !.a Régie des rentes du Québec, que ce soit la RAMQ, que ce sort le ministère du Revenu et tous les autres organismes, c'est la juridiction que nous avons. Et puis les sources de lésions, d'une manière générale, enfin, celles que je peux voir, sont lorsqu'une personne âgée se plaint, cela revient, statistiquement parlant, à peu près aux mêmes sources de lésions puis dans les mêmes proportions. Sauf qu'en examinant de plus près la condition des personnes âgées, j'ai réalisé que ces personnes, peut-être pour des raisons culturelles d'éducation, d'une part, lorsqu'elles transigent avec l'administration publique, se sentent relativement démunies. J'ai noté dans plusieurs cas que ces personnes très craintives parfois, ont peur des représailles à tort ou à raison. J'ai noté également qu'à partir du moment où, pour un dossier particulier, on leur demande de se déplacer, je dis qu'il y a quelque chose qui ne marche pas. Cela dépend du déplacement, mais d'une manière générale, il faut penser à la condition d'une personne âgée. Ce que je pense, c'est qu'une personne âgée qui a élevé une famille, des enfants, qui a travaillé toute sa vie, il me semble que rendu à un certain âge, on doit se sentir comme personne humaine, on doit vouloir avoir la paix d'une certaine manière. On se dit qu'on a contribué au progrès de la société, qu'on y a contribué de bien des manières et on se dit que l'État devrait être plus sensible à nos préoccupations, que l'État devrait peut-être faciliter les choses pour les personnes âgées. Ce n'est pas toujours ce qui se produit.

Si on prend maintenant le secteur sur lequel nous n'avons pas juridiction, c'est-à-dire le secteur où véritablement les personnes âgées se retrouvent très souvent, le secteur de la santé et des services sociaux, eh bien! le sentiment que peuvent avoir ces personnes-là, c'est te même que par rapport à l'administration bien connue provinciale et tout. Dans bien des cas, les Informations que j'ai ou les plaintes non recevables qu'on est obligés de rejeter démontrent que ces personnes âgées sont parfois abusées. Je trouve cela terriblement grave, parce que ces personnes-là, par ailleurs, pratiquent elles aussi la loi du silence. Je me dis: II faudrait... Bien

sûr, il y a différentes organisations, différentes associations qui s'occupent des droits et des intérêts des personnes âgées, mais l'efficacité, je ne suis pas sûr que ce soit très significatif en termes de défense des droits et exercice des droits. Alors, c'est pour ça que je me dis: Que ce soit l'Institution du Protecteur du citoyen elle-même ou que ce soit une autre institution - on n'est pas ici pour aller chercher des champs de juridiction - il faut un mécanisme léger pour les personnes âgées.

Le mécanisme que nous avons au bureau du Protecteur du citoyen pour une personne âgée est terriblement intéressant et on se l'est fait dire combien de fois? Une personne âgée qui a des problèmes avec l'administration provinciale, elle n'a qu'à prendre le téléphone: elle téléphone, elle explique son problème, après on recommunique avec elle. On ne lui demande pas de remplir des formulaires. On ne lui demande pas de nous expliquer tous les tenants et les aboutissants de son dossier. On ne lui demande pas de venir à nos bureaux. Cette personne-là d'une certaine manière se plaint chez nous. Nous la prenons en charge et nous évitons qu'elle soit astreinte à des inconvénients de tout ordre. C'est pour cela que je pense qu'un mécanisme comme celui du Protecteur du citoyen, que ce soit le Protecteur du citoyen ou une autre Institution, je pense que c'est un mécanisme qui, pour les personnes âgées, est sécurisant, qui minimise les irritants et qui devrait, en fin de compte, faire en sorte que les personnes âgées puissent être et se sentir mieux traitées par les administrations du réseau parapublic.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Taillon.

M. Filion: Cela va. J'ai d'autres questions, mais...

La Présidente (Mme Bleau): Je peux seulement dire que cet aspect de votre travail, je le trouve extraordinaire. Les explications que vous donniez concernant les personnes âgées et quand on pense à toutes les personnes démunies, qu'elles n'aient qu'à faire un appel téléphonique chez vous pour avoir une réponse, je trouve ça extraordinaire et ce n'est pas assez connu, hélas.

M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente.

M. Blackburn: Est-ce que c'est sur le même point?

M. Dauphin: Non, c'est sur un point différent, allez-y.

M. Blackburn: Me Jacoby, est-ce que vous avez communiqué avec les associations représentant les personnes âgées pour justement leur parler du service que vous offrez?

M. Jacoby: Disons que nous avons fait certaines démarches, mais je ne suis pas rendu là encore. Je vais vous expliquer pourquoi. Les démarches que nous avons faites, c'est... D'abord, quant au comité qui a été créé par le gouvernement sur la question des abus à l'égard des personnes âgées, nous avons présenté un mémoire à la ministre dans lequel nous nous proposons pour avoir juridiction à l'égard des personnes âgées, particulièrement dans le secteur de la santé et des services sociaux. Ce comité ou le ministère, je pense, d'ici une couple de mois, va annoncer ses politiques. Timidement, la deuxième chose que j'ai faite, j'ai accepté de donner une entrevue dans le journal qui a un très fort tirage et qui s'adresse aux personnes âgées - cela remonte à l'automne dernier. Je dois l'avouer bien franchement, je n'ai pas encore préparé un plan d'action et je n'ai pas commencé à parler aux associations et aux groupes. Ma crainte, c'est que je ne puisse pas donner le service. Je ne veux pas créer de fausses attentes, je veux être en mesure d'avoir les ressources nécessaires. C'est pour ça que j'évite d'aller trop loin un peu, comme j'évite de le faire à peu près dans tout. Je ne veux pas créer de faux espoirs, mais je pense que c'est essentiel. Que ce soit le Protecteur du citoyen ou un autre organisme du genre, c'est essentiel, surtout pour les personnes âgées et surtout parce que la population grandissante chez nous est une population plus vulnérable que n'importe qui dans la société. Ce sont des personnes qui méritent que quelqu'un s'occupe d'elles et qu'on ne leur fasse pas vivre les formalités à n'en plus finir, créées par nos grands processus administratifs.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, M. le député de Lévis.

Défaut de juridiction

M. Garon: Mme la Présidente, je suis un peu étonné quand je vois que les députés ne sont pas au courant de la fonction du Protecteur du citoyen. Je vais vous dire que même comme ministre, j'ai utilisé ses fonctions dans des cas où je n'étais pas certain d'avoir l'heure juste dans mon ministère. J'ai dit à des gens: Allez donc faire ça chez le Protecteur du citoyen. Lui fait la fonction, c'est de voir si vous avez été traités correctement par rapport à l'administration.

Le rapport annuel que vous remettez est très utile, à la condition que le ministre et le sous-ministre le regardent ensemble. Cela permet d'apporter des correctifs dans l'administration du ministère. Je pense que c'est un organisme qui est vraiment apolitique. C'est pour ça que je disais que même lorsque j'étais ministre et que des gens me parlaient de choses et que je n'étais pas sûr que la personne, quand elle me disait:

"Qu'est-ce que vous voulez, j'ai l'impression que le fonctionnaire me hait", c'est peut-être bon de ne pas le faire passer par ce canal et de lui dire: Va faire un tour chez le Protecteur du citoyen. Des conflits de personnalité, cela arrive. Sans référer à des cas, je dois vous dire que dans un cas le Protecteur du citoyen avait été plus loin et avait dit: Étes-vous sûr que vous avez assez fouillé la question? Il nous avait démontré que dans un certain service, c'était le temps de faire du ménage. Cela aide à l'administration, ce n'est pas politique. Une fois que la loi est adoptée, les règlements sont là. Cela est administré par la fonction publique. Il peut arriver que quelque chose fonctionne mal et qu'il faille corriger le tir. (17 heures)

La question que j'aimerais vous poser, c'est ce qui m'a frappé ici... Dans vos représentations, à la page 11, quand vous dites, au bas... Et je dois dire qu'une chose qui est à l'honneur du Protecteur du citoyen c'est quand vous dites que cela doit être fait d'une façon informelle, moi je le... Quand les gens viennent à mon bureau et que je sens que vous êtes le meilleur organisme, c'est vrai que c'est informel. C'est vrai que cela se fart sur un coup de téléphone souvent avec les bureaux d'aide sociale, pour trouver le dossier plus rapidement, pour que les gens n'aient pas besoin de se rendre... J'ai vu cela se faire plusieurs fois et c'est vrai que les réponses sont rapides. En tout cas, dans les cas que j'ai vus... Et vous dites que dans un cas sur trois, un sur deux, les gens avaient raison et qu'ils n'avaient pas été traités correctement mais ils ne le savaient pas.

Ce qui m'a frappé dans votre rapport c'est quand vous dites, à la page 11, les deux dernières lignes: Un bon nombre n'étaient pas recevable, 10 681, parce que pour la plupart nous n'avions pas juridiction. Est-ce que vous avez fart la ventilation de ces 10 681 cas pour lesquels vous n'aviez pas juridiction? Cela peut être des cas privés qui ne regardent pas le gouvernement d'aucune façon. Mais est-ce que vous avez identifié dans ces pourcentages-là des secteurs Importants - J'ai aussi vu les statistiques à la fin - où si c'est parce que tout simplement vous n'aviez pas juridiction et qu'il serait souhaitable que vous ayez juridiction? Je ne dis pas ça dans une perspective de recherche de clientèle. Mais c'est parce qu'il y a un pan de mur à un moment donné ou des gros points... Si on ventile les 10 681 cas, c'est beaucoup qui pourraient être des cas où il serait souhaitable que le Protecteur du citoyen art juridiction.

M. Jacoby: Oui, je pense qu'il serait souhaitable que le Protecteur du citoyen ait juridiction ou qu'il y art un mécanisme équivalent. Notamment... Évidemment on ne parlera pas des matières d'ordre privé. Ce sont pratiquement 50 % des gens qui appellent pour des problèmes avec le voisin. Évidemment, on les réfère, lorsqu'ils sont admissibles, à l'aide juridique ou on les réfère à d'autres Instances. Nous avons une banque d'interlocuteurs dans toutes les organisations où nous n'avons pas juridiction. Alors on agit comme service de référence.

Ce qui me frappe c'est le secteur de la santé et des services sociaux. Nous avons eu, en 1987, 446 plaintes que nous avons dû déclarer non recevables malgré les problèmes que les personnes nous Indiquaient. Alors ce que nous faisions dans des situations comme ça, nous les référions, lorsqu'il y en avait, à l'ombudsman de l'Institution ou encore au comité de bénéficiaires. Je pense que le secteur de la santé et des services sociaux est un secteur...

M. Garon: De quelle nature... Je vois dans les statistiques... Organismes hospitaliers... ce que vous venez de dire. De quelle nature?

M. Jacoby: Toutes sortes de plaintes. Le fart que... Par exemple, des questions de vie privée, que ce sort simplement le fart qu'on art une toilette pour 20 personnes, qu'on oblige parfois certaines personnes à se promener nues devant d'autres, des cas comme ça. Et cela ce sont des cas de dignité humaine et je trouve ça fort un peu. Il y a aussi les personnes qui nous appellent parce qu'elles apprennent qu'un jour elles sont tombées sous la Curatelle publique. Les proches nous appellent aussi pour nous demander ce que c'est. Alors on intervient par le biais de la Curatelle publique. Ce sont les conditions de vie très souvent. Il y a aussi, j'ai l'impression, dans certains cas, qu'on se sert un peu des bénéficiaires comme des otages. C'est ce genre de plaintes. Et il y en a vraiment dont je me dis: Cela n'a pas de maudit bon sens. Je me dis qu'il y a certainement un secteur où il faut avoir un ombudsman ou quelque chose d'équivalent et c'est bien ce secteur-là.

Les cas aussi de personnes qui communiquent avec vous parce qu'elles ont des besoins spéciaux qui ne sont pas comblés. Par exemple, je ne sais pas, des lunettes, des abus au niveau familial, mais on ne peut pas faire grand-chose là-dessus. il y a aussi des personnes qui communiquent avec nous de centres d'accueil, de foyers d'accueil et nous n'avons pas juridiction dans ce domaine. On a ce genre de clientèle. Moi, Je pense que c'est un secteur, d'une manière ou d'une autre, où il faut véritablement une Institution comme la nôtre, en tout cas, l'équivalent de, à tout le moins. C'est le secteur qui m'apparaît le plus problématique. Pour une foule de raisons que je ne voudrais pas nécessairement relater ici.

Ensuite, nous avons des plaintes, évidemment, concernant les organismes gouvernementaux sur lesquels nous n'avons pas juridiction. Par exemple, de petits commerçants qui se plaignent de l'application de tout le processus. Par exemple, la personne qui paie un permis à la Régie des permis d'alcool, un restaurateur qui,

un bon matin, voit arriver la police, se fait saisir tout son inventaire sans qu'il ait jamais été avisé de quoi que ce soit. Là, c'est pris en charge par la société d'État qui s'appelle la Société des alcools. On élimine de l'inventaire la valeur marchande toutes les bouteilles sur lesquelles il y a une étiquette qui est un peu grafignée. On élimine la valeur marchande les bouteilles qui sont entamées. J'ai un cas récemment où l'on a saisi un restaurateur sans qu'il ait été avisé du fait qu'il était sur le point de perdre son permis. Il s'est fait saisir pour 10 000 $, a reçu un chèque en bout de ligne d'à peu près 1500 $.

Là j'ai vérifié les lois. Nous avons une petite juridiction sur la Régie des permis d'alcool parce que c'est un organisme quasi judiciaire. L'examen de la législation, la réglementation. J'en suis arrivé à la conclusion qu'il y avait des possibilités d'abus absolument incroyables, même en respectant le processus qui est dans les lois. L'autre bout, celui qui va à la Société des alcools, là-dessus nous n'avons pas juridiction parce que les employés ne sont pas des fonctionnaires. Ce bout là, je me demande qui protège la PME à l'intérieur de l'organisation. Nous avons des plaintes de ce genre. À mon point de vue, les sociétés d'État devraient, à tout le moins, que ce soit Hydro-Québec, la Société des alcools, se doter de mécanismes efficaces de traitement des plaintes et idéalement qui a une espèce de mécanisme comme le Protecteur du citoyen aussi. Je pense que c'est absolument essentiel parce que notre juridiction, celle que le législateur a donnée par la Loi sur le Protecteur du citoyen, est complètement, je dirais, anachronique, paradoxale, cela n'a pas de bon sens, pour la raison suivante: si vous êtes un employé de l'État non assujetti à la Loi sur la fonction publique, le Protecteur du citoyen ne peut pas vous poser de question. Par exemple, si vous êtes un employé de la Commission des services juridiques, si vous êtes un employé de la Société des alcools, si vous êtes un employé de tel conseil, de tel organisme du gouvernement, ou contrôlé par le gouvernement, le Protecteur du citoyen ne peut pas poser de question, il n'a pas juridiction et il se le fait dire à part cela. Que voulez-vous qu'on fasse? C'est ça la réalité. Même si à l'occasion je me suis essayé. Comme j'ai certains contacts, des fois on peut obtenir une certaine collaboration, mais je veux dire, cela c'est à cause des contacts. Ce n'est pas de même qu'on peut vraiment régler des problèmes.

Alors, la loi est ainsi faite que, parce qu'on est fonctionnaire, on est sous la juridiction du protecteur; mais si dans l'organisme à côté tu n'es pas fonctionnaire, mais que tu es payé par l'État, le protecteur n'a pas juridiction. On ne s'est pas mis à la place du citoyen, quand on a fait cette loi. C'est bête à dire ce que je dis, mais c'est ce que je pense. Il faut dire que cela remonte à 1968 et il y avait peut-être moins d'administration et d'organismes et tout ça. Le citoyen, lui, n'est pas divisé. Il a un problème avec l'aide juridique, il a un problème avec le ministère du Revenu. Pour lui c'est tout le gouvernement ça. C'est payé par les fonds publics. Il ne comprend pas. Alors, il est en maudit quand on lui dit qu'on n'a pas juridiction et on se fait enguirlander. Là on nous traite d'incapables, d'impuissants, qu'on a les mains et les poings liés.

On protège le monde et c'est ça que cela donne. Il faut qu'on prenne un soin extraordinaire auprès de ces personnes qui deviennent encore plus en maudit qu'elles n'étaient parce qu'elles avaient pensé que le Protecteur du citoyen était, à tort, le département des miracles. Alors, vous imaginez! Prenons un autre cas. Systématiquement, lorsque nous terminons une enquête quelle qu'en soit l'issue, le résultat de l'enquête, que la plainte soit fondée ou non, on prend le temps de rappeler la personne. On lui explique au téléphone les motifs de notre position. Quand on appelle un plaignant et qu'on lui dit: Vous aviez raison, madame, monsieur, bien vous comprenez. Enfin, quelqu'un a trouvé la solution et j'étais une victime, c'est vrai qu'on m'a fourré. Ces cas-là vont bien, c'est parlait. Mais les deux personnes sur trois qui se font dire: Nous n'avons pas juridiction. Alors, on fait une lettre de deux ou trois pages pour expliquer qu'on n'a pas juridiction. En bout de ligne, c'est un sentiment d'impuissance. On leur dit de s'adresser ailleurs. Elles nous disent: On s'est adressé ailleurs et justement, cela ne marche pas. Bien, voyons donc! Et en plus, dans les cas où on enquête, on a juridiction, il y a deux personnes sur trois à qui, en moyenne, on est obligé de dire: Vous n'aviez pas un bon dossier. Vous comprenez que là aussi les gens se posent des questions sur notre crédibilité, sur notre complaisance envers l'administration. On se pose de sérieuses questions.

Cependant, ce qui est consolant, ce qui est très consolant dans ces cas-là c'est que très souvent, ces citoyens à qui l'on explique avec moult détails au téléphone et par écrit que leur plainte n'est pas fondée, très souvent, ils nous disent: Mon Dieu, si quelqu'un nous avait expliqué ça au début, on ne se serait jamais plaint de ça. Cela est réconfortant d'une certaine manière. Au moins, quand on arrive à la conclusion que la plainte n'est pas fondée, au moins, on a le sentiment, on espère et on réalise plusieurs fois que la personne a enfin compris pourquoi elle ne s'était pas fait fourrer. Je ne veux pas dire qu'elle est contente, contente, qu'elle applaudit. On se comprend. C'est un peu ça le dilemme.

M. Garon: Je me demande, Mme la Présidente, en écoutant le Protecteur du citoyen et l'organisme qui a maintenant 20 ans, qui entreprend sa 21 ième année, si ce ne serait pas une bonne chose, à la fin de cette commission, avant 6 heures, d'avoir un genre de proposition de la

commission demandant au Protecteur du citoyen, s'il avait à amender la loi, quels sont les amendements que vous suggéreriez à la loi? Parce que, au fond, le Protecteur du citoyen nous dit: II y a des domaines où j'aimerais avoir Juridiction, il y a des secteurs où j'aimerais que dans la loi, ce ne soit pas dit comme ça. Au fond, vous nous dites qu'elle n'a pas vraiment été modifiée depuis 1968, comme le Protecteur du citoyen dépend de l'Assemblée nationale, il ne dépend pas du gouvernement, ce n'est pas un organisme partisan au fond ou de l'administration et je ne pense pas que le Protecteur du citoyen ait jamais été utilisé de façon partisane non plus jusqu'à maintenant. Est-ce que ce ne serait pas une bonne chose, comme commission parlementaire, d'avoir une résolution demandant au Protecteur du citoyen des amendements qu'il suggérerait à la loi, étant donné les 20 ans d'expérience du Protecteur du citoyen?

La Présidente (Mme Bleau): Si vous le voulez, M. le député de Lévis, je vais laisser poser sa question au député de Marquette et on va revenir à votre proposition.

M. Filon: Justement M. le Président.

M. Dauphin: D'ailleurs sur la question, c'est là-dessus que je voulais intervenir.

M. Filion: Juste un point d'information. Je pense que le député de Lévis n'était pas là tantôt quand, en fin d'avant-midi, on a annoncé que les membres de cette commission des institutions étaient pour se pencher sur les suites à donner au rapport du Protecteur du citoyen ainsi que sur sa présentation. Donc, les membres de cette commission seront appelés d'ici les prochaines semaines, très prochainement en ce qui me concerne, à se pencher là-dessus.

La Présidente (Mme Bleau): Oui. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Justement, le président de la commission des institutions a fait sa proposition ce matin, endossée d'ailleurs par le parti ministériel. On s'est entendu justement pour avoir une séance spéciale afin de tenir compte des recommandations du Protecteur du citoyen et vous serez le bienvenu à assister à notre réunion, même si vous n'êtes pas membre officiellement. C'est sans problème. (17 h 15)

La Présidente (Mme Bleau): J'étais pour vous transmettre cette Invitation moi aussi.

M. Filon. J'ai peut-être une question mais je pense que vous aviez une question.

M. Dauphin: Sur le même sujet? M. Filon: Allez-y.

M. Garon: Est-ce que cela comportait des modifications à la loi, parce que ce matin j'étais à une autre commission parlementaire?

M. Filion: Cela pourrait comprendre des suggestions de modifications.

M. Garon: Je ne suis pas membre de toutes les commissions parlementaires mais cela fait douze ans que je suis député et j'ai recommandé à beaucoup de gens d'aller chez le Protecteur du citoyen parce que je trouvais que plusieurs obtenaient justice ou étaient traités équitablement et en ressortaient satisfaits. C'est pour cela que je pense que faire le ménage dans la loi au bout de 20 ans ce n'est pas mauvais mais c'est... Les suivis au rapport c'est une affaire mais je pense aux cas, notamment, les 10 681 cas où le protecteur n'avait pas juridiction. Je pense que là-dedans il y en a, comme on vient de nous l'indiquer, un certain nombre pour lesquels, sans doute, cela pourrait être souhaitable que le protecteur ait juridiction. Je pense à un amendement, à Noël, qui était excellent où vous donniez un Protecteur du citoyen pour la ville de Québec. Sur le plan municipal, s'il y avait - je ne dis pas dans tout le Québec, c'est une autre affaire - une façon... Souvent les gens viennent et sont démunis. Leur seule façon c'est d'aller prendre des actions en justice et souvent des questions... J'ai vu un cas récemment et je trouvais cela épouvantable. C'est une erreur dans les papiers, sembie-t-il. II va sans doute être obligé d'aller devant les tribunaux, le diable à quatre, pour une erreur qui a été faite à un moment donné dans les papiers et les gens sont morts.

La Présidente (Mme Bleau): Justement, M. le député de Lévis, la sous-commission se réunirait pour voir s'il n'y aurait pas des amendements ou des choses nouvelles à apporter pour aider le Protecteur du citoyen à mieux exercer ses fonctions. À ce moment-là, si vous avez des recommandations à faire ou des suggestions à faire, elles seront les bienvenues. M. le député de Marquette.

Initiatives municipales

M. Dauphin: Justement, M. le député de Lévis vient de parler des municipalités. On sait pertinemment que certaines municipalités du Québec ont leur propre protecteur ou ombudsman, notamment, ce qui intéresse peut-être mon collègue de Taillon, la ville de Longueuil, la ville de Dorval, Laval je crois aussi. Alors, J'aimerais avoir votre réaction là-dessus s'il n'y aurait pas possibilité d'extrapoler cela dans tout le Québec. C'est sûr que cela n'est pas pour demain matin mais je ne sais pas si vous avez une réaction là-dessus.

M. Jacoby: Il y a plusieurs municipalités qui

se sont dotées "d'ombudspersons" portant ou des bureaux portant différents noms, services de renseignements et de plaintes ou d'autres services qui portent des noms différents. Cela n'existe pas dans toutes les municipalités mais ce que je peux constater c'est que dans les municipalités où il y a une grosse administration, des gros effectifs administratifs, généralement cela existe. Évidemment, c'est déjà beaucoup. C'est déjà un pas dans la bonne direction mais il ne reste pas moins que ces personnes, malgré toute leur bonne volonté d'une part et d'autre part malgré tout l'intérêt qu'elles peuvent porter aux plaintes des citoyens demeurent essentiellement des employées de l'administration municipale. Quand il s'agit, par exemple, de remettre en cause plus que des dossiers bien ponctuels, une erreur de calcul, quand il s'agit de remettre en cause des politiques administratives, la réglementation municipale, des directives, des processus, il est évident que ces personnes sont un peu mal placées. Elles n'ont pas tellement de marge de manoeuvre pour convaincre les autorités qu'il faut changer nécessairement telle politique. Elles font un bout de chemin mais ont une marge de manoeuvre réduite. Mais je trouve que ce sont des initiatives louables et c'est vraiment... Au moins il y a un intérêt parent d'un meilleur traitement de dossiers.

Sur un plan plus global, au niveau municipal, il y a déjà eu une proposition dans un rapport d'étude, il y a quelques années, en ce sens que le Protecteur du citoyen a juridiction sur l'ensemble des municipalités, mais je pense que l'UMQ a rejeté à l'époque à 80 % la recommandation voulant que le Protecteur du citoyen ait juridiction sur les municipalités. Je peux comprendre la réaction d'une certaine manière. Tout simplement le sentiment de cette autonomie nécessaire dans le monde municipal qui est parfois un contentieux même entre le gouvernement et les municipalités. Mais, ce qui pourrait peut-être être étudié ce serait la possibilité d'avoir une loi provinciale qui permettrait aux municipalités qui le désirent de s'assujettir à la juridiction du Protecteur du citoyen ou à un autre mécanisme et laissant, à la fois, aux municipalités leur autonomie et en même temps celles qui le désirent avoir une espèce de personne externe indépendante, un peu neutre, de voir ce qui se passe dans leur administration, la possibilité de faire un "opting in". Comme d'ailleurs, cela s'est déjà fait dans plusieurs lois, notamment en matière de perception, des possibilités à l'emprisonnement pour défaut de paiement d'amendes, c'est un système d'opting in". Au moins, cela donnerait aux élus municipaux qui le désirent la possibilité d'entrer dans le système. Avec les années, je me dis, cela pourrait porter des fruits. Évidemment, il y a les coûts financiers. Je ne peux pas tellement me prononcer sur cela, mais cela serait peut-être une solution. Vous ne forceriez personne et on dirait: C'est là l'affaire, si vous voulez l'utiliser.

M. Dauphin: Merci.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Taillon.

M. Dauphin: Mepermettez-vous une deuxième question, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bleau): Oui.

M. Dauphin: Oui. À la page 12 de votre rapport, vous suggérez à un moment donné, dans le chapitre traitant de l'action préventive d'Intervention, que le Protecteur du citoyen puisse faire changer des directives, faire des enquêtes systémiques plutôt que de procéder cas par cas, de façon Individuelle. Je crois qu'actuellement, en vertu de la loi habilitante vous avez ce pouvoir-là. Alors, évidemment, vous semblez favoriser ce genre d'approche. Ma question est tout simplement celle-ci: En quoi la commission des institutions ou le gouvernement pourrait-il vous aider davantage si effectivement vous aviez ce pouvoir-là?

M. Jacoby: D'une certaine manière la commission pourrait favoriser certaines approches et cela ne prend pas de modifications législatives, c'est déjà fait, mais, évidemment, quand on constate un nombre répété de problèmes dans une organisation et que ce sont toujours les mêmes problèmes, des fois on découvre que ce n'est pas le système en soi qui est mauvais c'est parce que, malheureusement, c'est toujours le même fonctionnaire qui est la source de problème. Je n'appelle pas ça un problème systémique, j'appelle ça un problème de personnalité. Mais parfois on réalise que, les problèmes viennent du fait que des directives, par exemple, sont très larges, laissent trop de discrétion et il y a peut-être des abus qui se font dans l'exercice de sa discrétion. Ou encore, les directives - et c'est selon les secteurs - sont trop étroites et ne donnent pas assez de marge de manoeuvre aux décideurs de première ligne. Cela donne une série de cas de même nature. Alors, moi, je dis: Régler les dossiers cas par cas, c'est une chose, mais c'est dossier par dossier, personne par personne. Je me dis, le Protecteur du citoyen doit jouer un rôle plus préventif et à partir d'analyses systémiques et particulièrement dans les organisations où il y a des processus extraordinaires, les plus sophistiqués au monde, quand on a mis le doigt sur le bobo qui ne marche pas dans le processus, on peut certainement proposer au ministère ou à l'organisme concerné une modification à son processus ou à son système. On le fait, à l'occasion, sauf que, ce qu'on réalise, c'est qui y a de plus en plus de problèmes systémiques et là on est inondés.

Cela étant dit, on ne va pas se noyer encore. Il y a des problèmes systémiques et les collaborations que je mentionnais plus tôt avec certains ministères et organismes vont faire en

sorte que nous allons pouvoir nous asseoir et regarder avec eux les problèmes systémiques, que ce sort simplement, je ne sais, les règlements de l'aide sociale. Il y a des problèmes systémiques, nous les avons mentionnés; il y a des rencontres qui doivent avoir lieu, ainsi de suite.

Ce que je veux dire, c'est qu'on peut faire de la prévention, j'en suis convaincu. On va être bien plus efficaces finalement si on fait de la prévention, parce que le jour où on aura trouvé le bobo dans le système, ce sera tout un paquet de gens à qui le système ne pourra, éventuellement, causer de préjudice. Dans cette optique, lorsque je disais, ce matin, dans ma présentation, que je demande l'appui de la commission dans les démarches que l'on fait depuis quelque temps auprès d'organismes et de ministères pour essayer d'améliorer les systèmes, c'est dans ce sens, peut-être, que la commission pourrai; nous donner un coup de main.

M. Dauphin: Merci.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Taillon.

Régies, organismes, ministères

M. Filion: Sur le même sujet: le caractère préventif de votre action. Je saisis très bien ce que vous mettez de l'avant, mais, d'un autre côté, je dois vous dire que vous le faites déjà. Vous le faites déjà, dans de très nombreux cas. Lorsque, par exemple, vous arrivez à convaincre un fonctionnaire, un ministère ou un organisme de modifier telle ou telle directive, à ce moment-là, vous venez, évidemment, d'enlever le problème à la source. L'exemple qui me vient à l'esprit, je pense qu'il est contenu dans votre rapport, c'est à la Cour des petites créances où l'on n'informait pas les citoyens du fait qu'ils avaient droit au paiement d'intérêts lorsque leur cause était jugée bien fondée. En enquêtant sur un cas, vous vous êtes probablement rendu compte que, systématiquement, ce n'était pas fait. Donc, à la suite de votre intervention, j'ai l'Impression qu'on le fait et que, dorénavant, le greffier ou le personnel de la Cour des petites créances doit aviser les citoyens, les justiciables, de leur droit à des intérêts sur le capital d'une somme qui leur est due.

Donc, d'une certaine façon, vous le faites déjà et j'aimerais que vous soyez plus précis. Il y a des organismes, des ministères où il y a des actions systémiques ou systématiques qui sont entreprises - par exemple, les règlements d'aide sociale - et, à titre préventif, vous pourriez vous asseoir avec les fonctionnaires et étudier avec eux tel ou tel règlement ou idéalement, tel ou tel projet de règlement. Est-ce à dire que vous avez des problèmes à le faire maintenant? Est-ce à dire que vous rencontrez des organismes récalcitrants, qui ne veulent pas remettre en question l'ensemble de leurs directives ou un aspect de leur réglementation? Je suis toujours resté sous l'impression que les ministères ou organismes étaient réceptifs à ce type d'action.

Si ce n'est pas le cas, j'aimerais que vous soyez un peu plus précis, quitte même à nous dire où vous rencontrez une forme d'obstination qui ne serait pas à propos. Et Je vous invite à être très à l'aise. Vous savez, l'un de vos collègues, aussi nommé par l'Assemblée nationale, le président de la Commission d'accès à l'information, à chacune de ses visites annuelles, nous présente - et étant donné que la question est posée systématiquement, il nous répond systématiquement et même, il prend de l'avance - la liste des organismes récalcitrants. Je sais que vous désirez conserver cette neutralité - et je sais que vous allez le fait et agir également avec courtoisie, mais dans le meilleur Intérêt des citoyens, Je vous Invite à mettre le doigt sur ces régies, organismes ou ministères qui n'auraient pas cette attitude ouverte face à une collaboration totale avec le Protecteur du citoyen, pour faire en sorte de déraciner à la source les causes de lésions identifiées.

M. Jacoby: Disons que peut-être, contrairement au président de la Commission d'accès à l'information, nous n'avons pas l'habitude des commissions au bureau du Protecteur du citoyen. (17 h 30)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacoby: Deuxièmement, oui, nous avons des problèmes avec certains ministères ou organismes, Je dois l'avouer. Il y en a plusieurs qui vont se résorber, j'en suis sûr; pour d'autres, je n'en suis pas sûr.

Voici comment cela se passe dans la vraie vie, mais j'éviterai d'identifier des ministères et organismes. Pour ma première expérience, vous me permettrez, quoique je crois que vous avez comme membres de la commission tous les pouvoirs, d'être relativement discret, mais Je vais vous donner des exemples, notamment dans les systèmes à réseaux, les systèmes où nous avons des directions régionales dans toute la province et où, à l'intérieur des directions régionales, nous avons des bureaux. Il y a plusieurs organismes et ministères qui fonctionnent comme ça, qui sont déconcentrés et décentralisés sur le territoire.

On peut constater, à un moment donné, que dans une région particulière, le taux de lésions est très élevé. Par exemple, dans un organisme ou ministère que je ne nommerai pas, je dirais Québec-Nord, le taux de lésions est très éievé. Alors, on remonte tranquillement les paliers hiérarchiques, on arrive aux hautes autorités de la direction et là, on a une sorte de blocage. Bon! Ça c'est dans une région X. Dans telle autre région, on a le même type de problèmes, mais peut-être en moins grand nombre. Dans d'autres régions, on réalise que les directives ou

les politiques sont appliquées différemment des autres régions précédentes. On a un problème systémique énorme. Une direction régionale va appliquer ces normes et procéder de telle manière; dans telle autre direction régionale, on va les appliquer autrement. Alors, ]e me dis qu'il y a là un sérieux problème. Cela veut dire que les citoyens, selon la région où ils sont, n'ont pas les mêmes services, n'ont plus les mêmes droits et de ça, l'en al des exemples. Dans certains endroits, on n'accorde pas de bénéfices, alors que dans d'autres on les accorde. Quand on creuse, on se rend compte que là où on est très restrictifs, c'est souvent attribuable à des facteurs au sujet desquels je ne prolongerai pas.

Cela dit, voici un problème systémique, un problème de région: loi appliquée différemment d'une place à l'autre. Là, on remonte dans le système, parce qu'il y a des "boss" au-dessus de tout cela. On arrive un peu comme un chien dans un jeu de quilles. D'abord, on nous pose la question: Qu'est-ce que vous faites dans nos affaires? Deuxièmement, qui êtes-vous? Pour qui vous prenez-vous? Alors, on n'a pas toujours la collaboration, et comme la mentalité revient très souvent à dire que le Protecteur du citoyen, c'est une espèce de contrôleur et qu'il n'a pas d'affaire là, alors, on bloque des dossiers. Pendant ce temps-là, tous nos dossiers sont bloqués, parce qu'ils ne se règlent pas. Pour en faire une démonstration, pour convaincre les autorités supérieures de l'organisme au ministère, il nous faut amasser des données parce qu'on sait qu'on a une maudite côte à remonter. Il s'agit de démontrer que ce ne sont pas des caprices de notre bureau, que ce sont des réalités. On doit monter des dossiers. Or, monter des dossiers, cela suppose aussi une collaboration de l'organisme ou du ministère, et si on ne l'a pas au départ, on est un peu "jammés" dans nos dossiers, mais pendant ce temps-là les gens se plaignent, car on ne règle pas leurs dossiers; personne ne règle leurs dossiers. Je peux vous dire que ça existe dans plusieurs organismes et ministères. On n'a pas toute la collaboration voulue et alors, cela devient de plus en plus difficile, surtout dans les grosses organisations gouvernementales, de régler des problèmes systémiques, parce qu'on n'a pas de collaboration. On pourrait en avoir plus, à tout le moins.

C'est une chose que je trouve très grave. Je le dis, je le répète et j'essaie de le faire comprendre - je suppose que c'est Interprété différemment - on n'est pas là pour chercher des coupables; on n'est pas là pour faire une évaluation de programme du ministère ou d'un organisme; on n'est pas là pour évaluer les employés du gouvernement, hauts fonctionnaires ou moindres et ainsi de suite. On veut corriger une situation que l'on trouve injuste. De plus, le phénomène qui se produit depuis quelques années, c'est que le résultat de tout ce que je disais plus tôt - nos lois qui comportent des systèmes de plus en plus complexes, des lois nouvelles qui datent de quelques années et des systèmes de plus en plus complexes - c'est qu'on dirait qu'il y a des gens qui sont payés pour compliquer les choses. Alors, on a des problèmes de système attribuables à des structures législatives; des problèmes, non pas avec la philosophie de la loi, mais avec la manière dont on règle ou dont on veut régler les problèmes. On est débordé par la systémique. C'est rendu, au moment où l'on se parle, que dans des dossiers d'importance, qui toucheraient des centaines de personnes, eh bien, on n'est plus capable d'avancer.

Je vais donner un exemple de problème systémique qui touche justement des personnes âgées. On l'a réglé parce qu'on a eu une bonne collaboration de l'organisme en question. L'an dernier, une veuve communique avec nous pour nous dire que la Régie de l'assurance automobile avait arrêté le paiement d'une rente. Son mari était décédé dans un accident du travail et de voiture. Or, sous l'ancienne loi, on pouvait aller chercher - on le peut peut-être encore en ce moment - à la Régie de l'assurance automobile des suppléments de rente ou encore des choses qui ne sont pas payées à la CSST, par exemple, les frais pour l'utilisation des mâchoires de vie. En tout cas, jusqu'à récemment, les frais encourus pour l'emploi des mâchoires de vie n'étaient pas défrayés par la CSST, même s'il s'agissait d'un accident du travail, alors que la Régie de l'assurance automobile paie pour l'utilisation des mâchoires de vie.

Alors, les régimes sont un peu complémentaires. La petite dame nous explique tout ça. On fait enquête. On intervient. En fin de compte, on réalise la chose suivante: une décision prise par la régie, basée vraisemblablement, je le suppose, sur un avis juridique, avait interprété la loi de telle manière que toutes les personnes qui avaient capitalisé leur rente à la CSST ne pouvaient plus toucher la rente supplémentaire de la Régie de l'assurance automobile. Nous avons pris le temps qu'il fallait - on a pris le temps, ce n'est pas pire, seulement deux mois - et on a fait accepter à la Régie de l'assurance automobile que sa position, quant à l'interprétation de cette loi, était déraisonnable et même qu'elle allait à l'encontre des chartes. Elle a accepté notre point de vue; ça touchait une personne.

Là, on s'est dit que ce n'était peut-être pas la seule personne qui se faisait couper ses rentes comme ça et qu'il y avait peut-être d'autres personnes qui allaient se les faire couper bientôt. Alors, on a demandé à la régie de "pitonner" sur ses ordinateurs. On voulait connaître tous les cas où les personnes se sont fait couper les rentes dans ces circonstances et tous les cas où elles étaient sur le point de se les faire couper. Les ordinateurs nous ont produit les noms de 55 veuves, dont la moitié s'étaient fait couper leur rente, l'autre était sur le point de l'être. On leur a dit: Si vous faites capitaliser votre rente de la CSST, vous êtes faites.

Alors, on a demandé au ministère, à l'or-

ganisme ou à la régie qui a collaboré, d'écrire à toutes ces personnes et de leur dire que la rente était rétablie et, quant à celles qui n'avaient pas subi de coupures encore, qu'elles pouvaient capitaliser et que cela n'affecterait pas leur rente supplémentaire venant de la régie. On a touché 55 veuves dans la province. C'était un problème systémique parce que c'était l'interprétation de la loi comme telle.

Alors, vous savez ce que cela a provoqué: les avantages auxquels ces personnes avaient droit, ça se chiffrait - si on prend en considération l'espérance de vie des veuves concernées - et c'est un règlement qui, en fin de compte, a fait en sorte que nous avons épargné 5 000 000 $ pour ces 55 personnes. On ne s'est pas tapé les bretelles sur la place publique, mais c'est un dossier qui s'est réglé de manière douce, par le dialogue et la compréhension. Cela a pris deux mois; on a eu une bonne collaboration. Alors, quand ça collabore, ça collabore bien, mais quand ça ne collabore pas, ça empire. Tout comme les délais appellent les délais, la confrontation appelle la confrontation.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Roberval.

M. Blackburn: Ce matin, Me Jacoby, vous mentionniez dans votre rapport qu'il y avait des secteurs d'interventions où vous n'aviez pas juridiction, en particulier celui de l'éducation.

Dans le réseau scolaire, actuellement, en vertu de la loi 84, la Loi sur l'instruction publique, un élève, qui est visé par une décision qui ne le favorise pas ou qui ne lui convient pas, peut effectivement revenir. À ce moment-là, c'est la commission scolaire qui peut même aller jusqu'à avoir son propre ombudsman qui étudiera le cas. Dans ce secteur, Me Jacoby, comment verriez-vous l'élargissement de votre mandat?

M. Jacoby: II existe, bien sûr, en vertu de la loi ou même sur une base administrative dans certaines commissions scolaires, dans certaines écoles, dans certains collèges, des personnes qui sont généralement des professeurs ou même des administrateurs et qui jouent ce rôle d'ombudsman. Et puis, il y a le recours à la commission scolaire.

J'avais fait des représentations au ministre de l'Éducation à l'occasion de la loi 107. Notre position était celle-ci: II serait peut-être opportun qu'il y ait un protecteur de l'élève dans le réseau de l'éducation aux niveaux primaire et secondaire. Telle a été notre position. Le ministre nous a expliqué qu'à ce stade, il n'était pas prêt à ce que le Protecteur du citoyen soit le protecteur de l'élève.

M. Blackburn: Merci.

M. Filon: Alors, à ce moment-là, je dois comprendre, toujours sur le même sujet que, finalement, vous seriez heureux de voir se reproduire dans un texte législatif la disposition législative qui était contenue dans la loi 3.

M. Jacoby: Écoutez. Je croyais, avec l'expérience que j'ai depuis plusieurs mois, que c'était une bonne chose et que ça ne remettait pas du tout en question l'autorité des commissions scolaires ni l'autorité des écoles, parce qu'il ne faut jamais oublier que nous n'avons qu'un pouvoir de recommandation. Nous n'imposons rien. On peut très bien ne pas suivre notre recommandation. Donc, ça ne mettait pas le réseau dans un état de tutelle ou de dépendance. On pensait que c'était un compromis, d'une certaine manière, qui aurait permis que des droits soient exercés pleinement. Parce que dans le domaine scolaire, mon point de vue - avec le peu de plaintes qu'on a, mais il y en a pas mal sur lesquelles on doit décliner juridiction - c'est qu'il y a des gens qui ne se plaignent pas. Que ce soit des parents ou des élèves, ils ne se plaignent pas, car ils ont peur. Ils s'en parlent entre eux et ils ne se plaignent pas et je vais vous en donner la raison. Ils ont peur que leur enfant fasse l'objet de préjudice parce qu'ils se sont plaints du comportement d'un professeur ou qu'ils se sont plaints du comportement d'un administrateur. Le système en soi fait que l'élève change de classe d'année en année. Bien sûr, il existe des mécanismes de protection. Mais la question est la suivante: Est-ce que ces mécanismes sont vraiment efficaces? Ils jouent un rôle. C'était mon point de vue.

M. Filion: D'accord. Mme la Présidente, je vais peut-être me permettre une suggestion aux membres de cette commission. Il reste quinze minutes à nos travaux. Peut-être qu'on pourrait suspendre une minute ou deux. Et j'inviterais - le cas échéant, si ça l'Intéresse - le Protecteur du citoyen à prendre cinq minutes peut-être pour nous faire part de ses remarques en conclusion de l'exercice que nous avons fait aujourd'hui, en conclusion de cette commission parlementaire. Je pense qu'on pourrait également se partager les dix minutes en deux fois cinq minutes. Le temps a filé rapidement. Alors, J'en fais une proposition aux membres de cette commission, si ça convient. On peut peut-être suspendre une minute. Le temps de ramasser vos dernières idées et nous permettre de faire de même. À ce moment-là, vous pourriez fort bien commencer ces quinze dernières minutes par quelques minutes en conclusion. On fera de même.

La Présidente (Mme Bleau): Nous allons suspendre la séance pour une ou deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 44)

(Reprise à 17 h 46)

La Présidente (Mme Bleau): La commission reprend sa séance de travail. M. Jacoby, avez-vous des réflexions finales à nous faire?

Conclusions

M. Jacoby: Mme la Présidente, mesdames et messieurs. D'abord, je peux vous dire que je suis particulièrement heureux d'avoir pu me faire entendre devant la commission et que j'ai été très agréablement surpris de l'intérêt que vous avez tous et toutes manifesté à l'institution du Protecteur du citoyen, car j'ai bien compris que votre intérêt était basé sur le fait que, comme le Protecteur du citoyen, vous tenez, en tant qu'élu de la population, à ce que l'administration traite, avec les égards qui lui sont dus, la personne humaine. Dans le fond, je peux vous dire que - je ne veux pas reprendre toutes et chacune des suggestions ou recommandations que j'ai pu faire, ce serait un peu long - le Protecteur du citoyen a besoin à tout le moins d'être écouté par ce que j'appellerais le canal politique. Je voudrais qu'un jour, le rapport annuel soit lu. Il l'a été cette fois-ci. J'espère que c'est un précédent; je le souhaite en tout cas. Je pense que, dans une société démocratique et d'une certaine manière riche comme la nôtre, on peut se permettre de faire en sorte d'avoir des mécanismes, quels qu'ils soient, pour que la population soit mieux traitée.

Ce que je souhaite c'est que cela ne s'arrête pas là. Comme vous l'avez mentionné, vous allez examiner les différentes suggestions que j'ai pu faire à l'occasion de ma présentation et celles qui sont dans le rapport annuel. Ce que je voudrais vous dire aussi, c'est que, malgré tout ce que nous faisons, nous avons de sérieux problèmes de ressources. Je sais que ce n'est pas vous qui décidez des budgets, mais Je crois comprendre que vous prêtez une oreille attentive à ce que je vous dis. Sachez que mon objectif, ce n'est pas de bâtir un empire mais, puisqu'on m'a nommé, il y a quelques mois, comme Protecteur du citoyen, j'ai l'intention de faire ma job pour les quelques années qu'il me reste comme Protecteur du citoyen. Chacun joue son rôle. Je veux que cela soit fait comme ça, qu'on m'aide et qu'on m'écoute, mais je ne veux pas nécessairement que vous soyez d'accord avec moi, ce n'est pas ça du tout que je veux dire. Je ne veux pas me bâtir un empire. Ce que je souhaite, c'est que vous convainquiez les autorités qu'il y a moyen que le Protecteur du citoyen s'assoie avec des organisations gouvernementales pour tenter d'améliorer des choses à la source même des causes des lésions. Je pense que c'est bien important, sinon on ne s'en sortira plus. Si on suit la logique des ressources nécessaires chez le Protecteur du citoyen, dans dix ans d'ici, on va être rendus à peu près 560 au Protecteur du citoyen. Cela ne marche pas là. Il y a des choses plus fondamentaies et je suis convaincu que vous êtes sensibilisés à ça. Je vous remercie au nom des citoyens et citoyennes du Québec et au nom de mon bureau.

La Présidente (Mme Bleau): Merci. Je vais maintenant passer la parole à l'Opposition officielle. M. le député de Taillon.

M. Filion: À mon tour de vous remercier, M. le Protecteur du citoyen, pour la qualité de la présentation que vous nous avez faite autant en ce qui concerne votre rapport annuel que votre discours d'ouverture, qui va plus loin que le rapport annuel sur beaucoup d'aspects. Votre rapport foisonne littéralement de suggestions, de recommandations tout à fait remarquables pour les élus du peuple que nous sommes, qui ont à coeur, évidemment, la défense de l'intérêt de la population.

C'est une première, en tout cas une première de l'ère moderne, réussie, quant à moi, que cette commission parlementaire. Elle aura même permis, dans certains cas, si j'ai bien compris nos collègues d'en face, à certaines personnes de découvrir quelle est l'institution du Protecteur du citoyen, etc. C'est une première grandement réussie.

J'ai pris bonne note du fait que, de la même façon que le Protecteur du citoyen est souvent un recours de dernière instance pour les citoyens, j'ai cru comprendre que la commission des institutions pouvait l'être pour le Protecteur du citoyen vis-à-vis de certaines questions d'ordre pratique, d'ordre concret mais éminemment Importantes lorsqu'on a à coeur de donner un service adéquat à la population. Nul doute que vous avez - et c'est manifeste - plus qu'à coeur ce mandat que vous a confié l'Assemblée nationale par la nomination qui a été faite et également par la loi elle-même. Nous avons bien perçu, autour de cette table, je pense bien des deux côtés de cette table, cette fragilité de l'institution elle-même si elle devait être privée des ressources suffisantes pour fonctionner adéquatement. C'est dans ce sens que je vous dis que vous ne repartez pas les mains vides. La commission des institutions sera convoquée, et, évidemment, à partir de ce moment-là ce sera aux membres de la commission de décider des travaux ultérieurs. Il n'appartiendra pas qu'au président d'en décider. Ce sera une décision de tous les membres de cette commission, qui sera gouvernée par la règle de la double majorité.

Cependant, dès à présent et sans égard aux suites qui seront données à votre rapport, je dois vous dire que, de ce côté-ci de la table, nous avons perçu, parmi cette multitude de suggestions et de remarques tout à fait pertinentes, plusieurs contenus qui pourraient être appliqués assez rapidement par le pouvoir exécutif. Nul doute que les députés que nous sommes pourrons faire pression pour que des choses se réalisent, notamment - et ce n'est pas

une énumération limitative que je fais - en ce qui concerne votre réflexion sur les mécanismes de conciliation et de médiation, qui m'a beaucoup frappé, de même que toute votre réflexion autour de la "judiciarisation" des recours qui amène, finalement, comme vous l'avez dit, une déresponsabilisation des fonctionnaires. Je relie à ça la formation des décideurs en première ligne et le fait que, lorsque des ministères ou organismes ont à effectuer des coupures, il est très important de veiller à ce que, sur la ligne de feu, on ne soit pas privés des ressources humaines et financières nécessaires pour contacter les citoyens. Là-dessus, je dois vous dire que cette perception, quant à moi, je l'avais profondément.

J'ai l'impression qu'on coupe trop souvent là où ça compte, parce que les coupures se font en haut, alors on ne s'en aoerçoit pas mais on charcute un peu la ligne de feu. Les gens qui sont en bas deviennent démotivés, surchargés etc. Cela m'a beaucoup frappé également, cette approche un peu plus humaine que vous voulez mettre de l'avant, que vous suggérez, en cas de doute, de façon générale également, en ce qui concerne les personnes âgées. Je pense que ce sont là des pistes de réflexion sur lesquelles le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent absolument s'engager. J'ai noté particuiièrment le chapitre concernant la réalité telle que vécue dans les prisons. Je pourrais en énumérer d'autres, aussi, parce que ce fut éminemment instructif.

Je vous dis immédiatement, comme président de cette commission des institutions, que vous ne repartez pas les mains vides. La suite appartiendra à la démocratie et à l'histoire parlementaire, mais, quand même, vous pouvez repartir avec cet engagement et surtout avec l'assurance que votre travail a été extrêmement et remarquablement bien présenté, aujourd'hui. Je vous en remercie, je remercie également les membres de votre équipe qui ont, sans nul doute, collaboré très énergiquement à cette présentation.

La Présidente (Mme Bleau): Pour le parti ministériel, le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente. À notre tour, effectivement, nous aimerions féliciter et remercier Me Jacoby, ainsi que tous ses collaborateurs et collaboratrices qui sont avec lui à l'avant, Me Meunier et Me Marcotte. Je crois que de ce côté-ci de la table, on pense la même chose, soit que ce fut une expérience très enrichissante, et Me Jacoby, je suis d'accord avec vous que, tel que prescrit d'ailleurs par notre règlement, ce serait un minimum que vous ayez au moins une rencontre annuelle avec les parlementaires sur vos objectifs ou vos priorités, tel que vous l'avez si bien mentionné dans votre rapport. La qualité de vos propos était non seulement agréable mais fortement impressionnante.

L'expérience fut valable, non seulement valable mais très enrichissante. On retient, évidemment, les principaux points, tel qu'on le mentionnait ce matin, notamment l'indépendance quant à vos budgets, de même que la juridiction élargie que vous nous demandez. Je pense qu'après 20 ans, il se doit que l'Assemblée nationale se penche sur vos juridictions. D'ailleurs, des deux cotés de cette table, d'un commun accord, ce matin, on s'est entendus pour que nous ayons prochainement une séance de travail. Évidemment, tout ça, dans un contexte, vous l'avez dit vous-même, depuis 1979, de compressions budgétaires. Il est vrai que les effectifs ont augmenté de 37 à 59, depuis 1983-1984, mais il est vrai, aussi, que vos demandes ont doublé ou triplé, depuis 1983-1984, en termes de services.

Je pense que de ce côté-ci de la table, tout comme le président de la commission des institutions le mentionnait tantôt, on pense que vous avez un rôle extrêmement important et vous avez d'ailleurs fait la démonstration que vous l'accomplissez très bien, malgré certaines restrictions que vous avez, de par la loi. Je suis persuadé que la commission des Institutions va donner suite à toutes les revendications que vous nous avez présentées aujourd'hui. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bleau): À mon tour je vous remercie, M. Jacoby. Je ne formule qu'un espoir c'est que nous nous revoyions bientôt à cette commission. J'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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