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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 18 avril 1989 - Vol. 30 N° 54

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Ministère de la Justice


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-six minutes)

Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames, messieurs, ayant constaté que nous avons quorum, je déclare donc ouverte la séance de la commission des institutions qui a pour mandat de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Justice, programmes 1 à 10, pour l'année financière 1989-1990. Me Giguère, secrétaire de la commission, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la secrétaire. Je crois qu'il y a eu entente entre les deux formations politiques sur le temps qui nous est imparti. Je crois aussi qu'il y a entente pour examiner les différents programmes dans leur ensemble et non pas de façon systématique, programme par programme. J'aimerais en profiter, si les membres de la commission me le permettent, pour souhaiter la bienvenue au ministre de la Justice, ainsi qu'au sous-ministre en titre de la Justice et à la directrice de cabinet du ministre de la Justice et à toute l'équipe de fonctionnaires qui accompagne le ministre de la Justice.

Est-ce qu'il y a des remarques préliminaires avant de commencer l'étude des différents programmes? M. le ministre de la Justice.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président. M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission des institutions, il me fait particulièrement plaisir de procéder avec vous ce matin à l'étude détaillée des crédits du ministère de la Justice pour l'année 1989-1990. Pour que cette étude soit la plus complète possible, pour répondre à vos questions de la façon la plus complète possible, j'ai demandé aux principaux fonctionnaires concernés de m'accompagner ce matin.

Vous me permettrez de souligner la présence, tout d'abord, à ma gauche, de Mme Suzanne Levesque qui est directrice du cabinet, de M. Jacques Chamberland, le sous-ministre de la Justice, qui est à ma droite. Nous accompagnent aussi M. Raymond Benoît, qui est le sous-ministre associé, personnel et administration. M. Freddy Anderson, qui est sous-ministre associé, services judiciaires, M. Jean K. Samson, sous-ministre associé, contentieux, M. Clément Ménard, sous-ministre associé, à l'enregistrement, M. Michel Bouchard, sous-ministre associé, affaires criminelles et pénales, M. Roch Rioux, sous-ministre associé, affaires législatives.

De même, M. le Président, sont aussi présents quelques présidents et directeurs d'organisme qui travaillent avec le ministère de la Justice: M. Jacques Lachapelle, président de la Commission des droits de la personne, M. Dowie, président du Comité de la protection de la jeunesse, M. le juge Bernard Tellier, secrétaire du Conseil de la magistrature. Des fonctionnaires qui ont la responsabilité de certains dossiers sont aussi avec nous pour compléter des réponses que nous aurons à donner à certaines questions que vous pourriez poser tout à l'heure.

M. le Président, si vous me permettez, dans un premier temps, j'aimerais prendre quelques instants pour vous entretenir de l'évolution du budget et du personnel du ministère, pour ensuite vous indiquer les principales actions législatives et administratives qui ont été récemment réalisées ou qui sont en voie de l'être au ministère de la Justice.

Tout d'abord, en ce qui regarde l'évolution budgétaire, les crédits du ministère de la Justice, pour l'exercice 1989-1990, s'élèvent à 402 507 400 $, soit une majoration de 20 969 400 $ ou 5,5 % par rapport à ceux de l'année financière précédente. Cette augmentation s'explique principalement par les trois facteurs suivants: premièrement, l'indexation et l'ajustement de la masse salariale: 10 131 900 $; deuxièmement, l'ajustement du budget consacré à l'aide juridique: 6 544 800 $ et, troisièmement, l'ajustement du coût des loyers payables à la Société immobilière du Québec: 3 381 300 $.

Il faut noter que la variation des crédits tient compte de la contribution du ministère de la Justice à l'effort de limitation de la croissance des dépenses gouvernementales et que nous consacrons beaucoup d'énergie à ce que cette contribution se fasse sans porter atteinte à la qualité de nos activités et à l'accessibilité de nos services.

Les mesures retenues pour atteindre les objectifs d'économie budgétaire portent donc sur la rationalisation de la gestion du ministère et sont guidées par une planification accrue des dépenses et un réaménagement des ressources entre les programmes. La gestion interne du ministère a été resserrée et tous ses agents y participent et y collaborent dans cet esprit.

Le tableau sommaire des crédits fait ressortir qu'une part importante du budget 1989-1990 est consacrée aux activités suivantes: 1° l'administration: 99 700 000 $, représentant 24,8 % du budget; 2° l'aide aux justiciables: 82 200 000 $, représentant 20,4 % du budget; 3° le soutien administratif à l'activité judiciaire: 78 900 000 $, représentant 19,6 % du budget.

Il importe, M. le Président, de vous donner quelques précisions sur le montant que l'on

retrouve au chapitre de l'administration. En premier lieu, je vous dirai que ce montant de 99 700 000 $ inclut le coût des loyers payables à la Société immobilière du Québec pour tous les immeubles du ministère, soit 61 000 000 $. Sur les 38 700 000 $ restants, une somme de 19 100 000 $ sera consacrée au développement et à l'entretien des systèmes informatiques pour l'ensemble du ministère et une autre de 5 300 000 $ ira au paiement du compte ministériel de téléphonie et de télécommunications. Le montant affecté véritablement à l'administration générale du ministère est donc de 14 300 000 $ ou 3,5 % du budget total de 402 500 000 $.

Les effectifs autorisés au 1er avril 1989 s'établissent à 4138 employés permanents, soit une augmentation de 8 par rapport au 1er avril 1988. Cette augmentation résulte principalement de la reconnaissance du principe de la permanence des secrétaires de juge.

Je vous entretiendrai maintenant des principales actions que nous avons posées depuis l'an dernier et de certains dossiers en cours qui concernent l'administration de la justice.

Tout d'abord, je suis particulièrement heureux de vous parler du Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels. La Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels est entrée en vigueur, vous le savez, en juin 1988, et le règlement sur l'aide financière qui peut être accordée par le bureau, en janvier dernier. Après les quelques mois requis pour sa mise sur pied, le bureau est donc prêt à remplir son rôle.

Je vous rappelle que les principales fonctions du bureau sont de promouvoir les droits des victimes et de veiller à la coordination des actions des personnes, organismes et ministères qui jouent un rôle auprès des victimes. Le bureau a aussi pour mandat principal d'encourager la participation de groupes ou d'organismes communautaires aux efforts entrepris pour venir en aide aux victimes d'actes criminels.

La mise sur pied des premiers centres aux victimes, pris en charge par la communauté, avec le concours de bénévoles soucieux d'améliorer la situation des victimes, a été l'une des priorités du bureau au cours des derniers mois. Ces centres locaux ont pour mission d'offrir sur place aux victimes des services d'accueil, d'appui, d'information et de référence. Déjà, deux centres d'aide aux victimes sont en opération, l'un à Montréal et l'autre à Québec. Par ailleurs, trois autres centres ont été reconnus par le bureau d'aide et ont bénéficié d'une aide financière pour assurer leur implantation. Ces centres sont situés à Rimouski, à Hull et à Chicoutimi et devraient être pleinement en opération dès l'automne 1989. Par ailleurs, d'autres projets sont actuellement en préparation pour leur implantation dans un avenir rapproché. Il s'agit de Trois-Rivières de Longueuil et de Sherbrooke.

Le bureau fournit une assistance technique et professionnelle à l'établissement de ces centres et à leur fonctionnement. Il conçoit et développe des outils pour faciliter la tâche des groupes communautaires dans la gestion des centres. Il collabore à la formation des bénévoles en développant des programmes adaptés à leurs besoins particuliers. Au cours des derniers mois, des responsables du bureau ont multiplié tes sessions d'information et les conférences sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Je profite donc de l'occasion, M. le Président, pour féliciter et remercier la directrice et les membres de ce bureau pour leur très bon travail.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, nous avons poursuivi la réforme du Code civil et présenté à l'Assemblée nationale, en juin dernier, un important avant-projet portant sur la preuve, la prescription et le droit international privé. En février et en mars dernier, la commission des institutions entendait les représentations des personnes et organismes désireux de s'exprimer sur ce dernier volet de la réforme du Code civil. Cette consultation constituait la dernière phase de la série de consultations entreprises par les parlementaires sur les divers avant-projets de loi constituant l'ensemble de la réforme du Code civil. Je vous rappelle en effet qu'une dizaine de consultations publiques ont été tenues au sujet d'un aspect ou l'autre de la réforme depuis 1979. Au-delà de 200 mémoires ont été déposés et chacun d'eux a fait l'objet d'une analyse soignée de la part des légistes du ministère. Inutile de dire que ces commissions parlementaires ont constitué un outil précieux pour les légistes.

En effet, une réforme de cette envergure ne peut évidemment pas s'élaborer en vase clos. Elle doit s'appuyer à la fois sur l'expertise des juristes, théoriciens du droit, et sur l'expérience des juristes, praticiens du droit. Les légistes du ministère sont en train de terminer l'élaboration de documents présentant les différentes hypothèses de solution proposées au cours des commissions parlementaires de même que les avantages et inconvénients de chacune. À la lumière de ces documents, j'aurai à prendre les décisions qui assureront l'homogénéité et la cohérence de la réforme du Code civil de même que l'atteinte des objectifs fondamentaux du gouvernement.

Ai-je besoin de dire, M. le Président, que la réforme du Code civil est une oeuvre magistrale puisque le nouveau code comprendra près de 3500 dispositions et modifiera de manière très importante notre environnement juridique. On comprend aisément qu'une telle loi puisse susciter certaines inquiétudes au sein de la communauté juridique relativement à la formation qui sera requise pour utiliser ce nouveau Code civil dans le sens voulu par le législateur. Pour cette raison, depuis l'automne dernier, le ministère de la Justice anime une table de concertation à laquelle ont été conviés les divers intervenants de la justice au Québec pour discuter de la meilleure façon d'assurer cette formation. La Magistrature, le Barreau, la Chambre des notaires et les facultés de droit ont répondu à cette

invitation avec enthousiasme. Tous conviennent de la nécessité de mettre les ressources en commun de façon que la période transitoire d'adaptation à ces nouvelles règles puisse s'accomplir avec souplesse et d'une manière uniforme.

Je voudrais terminer sur ce sujet en vous mentionnant que je souhaite toujours présenter le nouveau Code civil à l'automne 1989. Ce code sera suivi d'un projet de loi d'application qui fera aussi l'objet d'une consultation publique. Cette loi d'application viendra abroger le Code civil du Bas-Canada, ajuster la procédure civile aux dispositions du nouveau Code civil, modifier diverses lois et introduire les importantes mesures qui permettront d'assurer la transition entre l'ancien et le nouveau droit. L'entrée en vigueur de l'ensemble de la réforme, M. le Président, pourrait très bien coïncider avec le 125e anniversaire de l'adoption du Code civil du Bas-Canada, que l'on fêtera le 1er août 1991.

Outre la réforme du Code civil, l'activité législative du ministère de la Justice a, encore une fois, été fort importante au cours de la dernière année. En matière de justice sociale, je souligne l'adoption de la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement de pensions alimentaires. Cette loi, qui entrera en vigueur à la date fixée par le gouvernement, favorise une perception plus efficace des pensions alimentaires. En effet, elle prévoit que le percepteur est non seulement chargé d'agir en qualité de saisissant, comme c'est le cas actuellement, mais aussi qu'il peut percevoir tous les arrérages et versements à échoir. Pour sa part, le débiteur d'une pension est tenu de payer directement au percepteur les arrérages ainsi que les versements à échoir tant que le percepteur demeure chargé de la perception de la pension. (10 heures)

En plus de se préoccuper de la justice sociale, nous avons également proposé diverses modifications législatives en vue d'assurer une meilleure administration de la justice. C'est ainsi que la Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives afin d'instituer la Cour du Québec, en vigueur depuis le 31 août 1988, a permis à la Cour du Québec de voir le jour. Cette cour unique est venue remplacer la Cour des sessions de la paix, le Tribunal de la jeunesse et la Cour provinciale. Composée de 279 juges et dirigée par le juge en chef, deux juges en chef associés et trois juges en chef adjoints, la Cour du Québec a juridiction en matière civile, criminelle et pénale ainsi qu'en matière de jeunesse. La cour comporte deux divisions régionales: celle de Montréal et celle de Québec, chacune comportant trois chambres: La chambre civile, la chambre criminelle et pénale et la chambre de la jeunesse. La cour comporte aussi une chambre de l'expropriation instituée en vertu de la Loi sur l'expropriation.

La loi prévoit également les règles relatives à la nomination et à la destitution des juges de la cour, aux fonctions des juges en chef, à la nomination des juges coordonnateurs, à la compétence et à l'affectation des juges, aux traitements, indemnités et avantages sociaux des juges, à l'exercice de leurs fonctions judiciaires et au fonctionnement de la cour. L'adoption de cette loi constitue un élément important dans notre constante recherche d'améliorer l'administration de la justice et de la rendre la plus accessible possible.

Dans cet ordre d'idées, j'ai aussi présenté une loi modifiant la Loi sur les jurés. Cette loi, qui entrera en vigueur le 15 juin 1989, améliore la Loi sur les jurés à plusieurs points de vue. Ainsi, il sera dorénavant permis au shérif de ne procéder qu'à un seul tirage au sort des jurés par année et non plus à chacun des termes des assises tenues au cours de l'année. De plus, les jurés sont assignés par le shérif au moins 30 jours avant la date à laquelle leur présence est requise en cour, ou dans tout autre délai ordonné par le juge, plutôt que dans les 30 jours précédant la date d'ouverture de la session. Finalement, la présence d'une personne assignée comme juré pour une session des assises peut être remise à une session ultérieure lorsque les circonstances l'empêchent d'agir pendant la session où elle est assignée.

Par ailleurs, M. le Président, j'ai amorcé la réforme des cours municipales. Dans un premier temps, la loi, sous certains aspects du statut des juges municipaux, entrée en vigueur en partie le 1er janvier 1989, établit diverses règles concernant la nomination, la durée du mandat, la rémunération et les autres conditions de travail des juges municipaux. Cette loi contient également de nouvelles dispositions en ce qui a trait au serment que doivent prêter les juges municipaux et aux principes déontologiques qu'ils doivent respecter.

Dans un deuxième temps, je compte proposer, dès ce printemps, un projet de loi regroupant dans une seule loi toutes les dispositions législatives relatives aux cours municipales à l'exception de celles de Montréal, Laval et Québec. Ce projet étendra notamment à toutes les municipalités le pouvoir d'établir une cour municipale, en plus d'intégrer les règles sur le statut des juges municipaux et d'établir des règles relatives à la compétence des cours, à leur fonctionnement, à la procédure applicable de même que des dispositions relatives à l'appel de leurs décisions, à leur financement et a leur administration.

Mentionnons également l'adoption d'une loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière familiale en vigueur depuis le 17 juin 1988. Cette loi permet notamment aux parties de rendre témoignage hors cour dans les demandes conjointes en séparation de corps présentées sur projet d'accord.

Enfin, je vous signale que la Loi modifiant le Code civil en matière de copropriétés et d'emphytéose, en vigueur depuis le 17 juin 1988, permet désormais de résoudre certains problèmes

reliés à la copropriété et à l'emphytéose. Outre l'introduction du nouveau concept de coemphytéose, la loi permet clairement l'enregistrement d'une déclaration de copropriété sur un immeuble construit par un emphytéote ainsi que sur un immeuble qui fait l'objet d'une propriété superficiaire.

Bien évidemment, M. le Président, la brève description des sujets que je viens d'aborder ne constitue qu'une partie du fruit des activités du ministère de la Justice et j'ai l'intention, avec l'aide de mes collaborateurs présents ici ce matin, de compléter ou de mettre en oeuvre plusieurs autres projets qui viennent s'inscrire dans ma vision d'une justice accessible, universelle et de qualité.

Comme vous le savez, l'administration de la justice est en constante évolution et j'ai une grande préoccupation de constamment travailler à faire en sorte que la justice soit toujours de plus en plus accessible. La justice et l'accessibilité sont en effet deux concepts qu'on ne peut dissocier si on ne veut pas que le premier, la justice, perde son sens.

Dans cet esprit, M. le Président, il m'apparaît opportun de revoir la question de l'admissibilité à l'aide juridique pour éviter que de plus en plus de justiciables ne soient empêchés d'exercer ou de faire respecter leurs droits pour des raisons d'ordre économique. J'ai déjà reçu de nombreux témoignages en ce sens et il s'agit d'une question qu'il m'apparaît urgent d'analyser. Comme je vous l'indiquais lors de l'étude des engagements financiers, le processus en vue de déposer auprès du Conseil du trésor une demande précise en ce sens est en marche.

D'autre part, et toujours dans cet esprit de rendre la justice accessible et universelle, je serai probablement en mesure de vous annoncer d'ici à quelques semaines la mise sur pied d'un groupe de travail dont le mandat sera, notamment, de voir ce qui peut être fait pour permettre aux gens de la classe moyenne d'avoir accès à des services juridiques. Ce groupe de travail au mandat plus vaste remplacera celui dont mon prédécesseur avait annoncé la mise sur pied le printemps dernier, auquel j'ai finalement jugé opportun de ne pas donner formellement suite étant donné les négociations présentement en cours avec le Barreau du Québec concernant les tarifs d'aide juridique et mon souhait que le travail de ce groupe soit étendu aux problèmes propres à la classe moyenne aussi.

D'autres mesures sont également à l'étude, comme par exemple l'analyse d'une recommandation émanant de cette commission et visant à l'institution d'un tribunal des droits de la personne. Dans ce cas aussi, M. le Président, je considère qu'il s'agit d'un dossier prioritaire que j'entends mener à terme dans les meilleurs délais. Je proposerai donc bientôt à mes collègues du Conseil des ministres l'adoption d'un projet de loi sur ce sujet, qui donnera suite, notamment, à cet important rapport de la commission des institutions remis à l'Assemblée nationale le 14 juin dernier et portant sur l'examen des orientations, des activités et de la gestion de la Commission des droits de la personne du Québec. On se rappellera que les travaux de la commission parlementaire sur le sujet se sont échelonnés sur plus de deux ans et qu'outre la Commission des droits de la personne une douzaine d'organismes du milieu et cinq organismes gouvernementaux, tant fédéraux que provinciaux, ont été entendus ou consultés.

La réforme que j'entends présenter comprendra un ensemble de mesures s'articulant autour des deux grandes orientations suivantes: premièrement, une réorientation dans le traitement des plaintes à la Commission des droits de la personne, par l'application de plusieurs mesures administratives visant à déjudiciariser le processus, à accélérer les enquêtes, à favoriser la conciliation, la médiation et, le cas échéant, l'arbitrage des différends; deuxièmement, la création d'un tribunal des droits de la personne ayant compétence, sur demande de la Commission des droits de la personne, en matière de discrimination et d'exploitation, notamment dans les domaines du travail, du logement et de l'accès aux services et en matière d'implantation de programmes d'accès à l'égalité.

Sur ce dernier point, M. le Président, alors que la commission des institutions proposait la mise sur pied d'un tribunal administratif des droits de la personne, le projet que j'entends déposer proposera plutôt d'instituer un véritable tribunal des droits de la personne se distinguant d'un tribunal administratif, notamment parce qu'il n'aura pas à traiter uniquement de problèmes ou de différends entre l'État et les citoyens, mais aussi de problèmes entre citoyens propriétaires-locataires, par exemple, ou employeurs-employés, et aussi parce qu'il n'aura pas pour mandat de réviser des décisions initialement rendues par l'administration, comme c'est le cas par exemple de la Commission des affaires sociales.

J'ai également l'intention de déposer sous peu devant l'Assemblée nationale un projet de loi visant à réformer en profondeur la Loi sur la Curatelle publique, de manière à répondre aux objectifs suivants, M. le Président: premièrement, donner une plus grande autonomie à la Curatelle publique, en favorisant son autofinancement; deuxièmement, établir une plus grande transparence de ses règles de gestion et de financement; troisièmement, assurer une meilleure protection des personnes inaptes et, quatrièmement, favoriser l'implication des proches et des membres de la famille, de façon à garder l'intervention de l'État dans la vie privée des personnes au minimum. Dans cette perspective, M. le Président, le rôle du Curateur public sera davantage préventif que curatif et, là encore, il s'agira de mesures destinées à rendre la justice davantage de qualité et plus à la mesure des attentes des justiciables.

En matière de droits économiques des conjoints, je déposerai sous peu un projet de loi devant l'Assemblée nationale, conjointement avec ma collègue, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine. Globalement, ce projet instituerait, comme mesures impératives applicables à tous les époux, un patrimoine familial composé de divers biens utilisés par la famille ou l'intéressant. Lors de la dissolution du mariage, la valeur de ce patrimoine familial serait partagée également entre les deux époux. Le projet introduirait aussi en droit successoral la notion de survie de l'obligation alimentaire.

Les mesures dont je viens de parler, M. le Président, qu'elles aient été adoptées récemment ou qu'elles soient sur le point de l'être, témoignent de ma préoccupation constante de doter nos concitoyens d'une justice de qualité universelle et accessible à tous. Ces mesures législatives, alliées au travail effectué par les fonctionnaires du ministère et les personnes oeuvrant au sein des organismes qui relèvent du ministère de la Justice, contribueront à mieux satisfaire les besoins des justiciables.

Je conclus donc, M. le Président, en disant que malgré un contexte parfois difficile, contexte où il a fallu collaborer à diverses mesures gouvernementales de rationalisation des dépenses, le ministère de la Justice a quand même exercé une activité importante sur le plan législatif et ne renonce pas aux objectifs fondamentaux qu'il est chargé de promouvoir par son action législative, à savoir: la réforme du droit, la promotion de la justice sociale, un meilleur respect des libertés et des droits fondamentaux et, enfin, une meilleure administration de la justice pour la rendre la plus accessible possible.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre, de vos remarques préliminaires. J'invite donc maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle en matière de justice, M. le député de Taillon, à procéder à ses remarques préliminaires. (10 h 15)

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. La commission des institutions entreprend aujourd'hui, et ce, pour la quatrième fois, l'étude des crédits alloués au ministère de la Justice. Après presque quatre ans d'administration libérale, l'heure du bilan est donc inévitablement venue. Avant d'aborder comme tel ce bilan, j'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre de la Justice, au sous-ministre, Me Chamberland, de même qu'à tous les fonctionnaires et conseillers qui les accompagnent, tout en notant qu'il n'y a qu'une seule dame dans toute cette équipe, la directrice de cabinet du ministre. Vous me permettrez, M. le Président, de la saluer un peu plus particulièrement.

Une voix: II y en a eu plus qu'une.

M. Filion: II n'y en a pas beaucoup en tout cas. Ce serait un beau cas pour un programme d'accès à l'égalité à la haute fonction publique du ministère de la Justice. Évidemment, je le dis sans en aucune façon dénigrer la qualité ou la compétence des gens qui accompagnent actuellement le ministre. On sait que les facultés de droit, un peu partout au Québec, comptent maintenant pour plus de la moitié d'étudiantes. Alors, je suis convaincu qu'au ministère de la Justice il y aurait possibilité d'obtenir une représentation un peu plus équitable. Ce serait un beau cas, M. le Président, pour un premier programme d'accès à l'égalité au sein de la haute fonction publique québécoise.

J'ai écouté attentivement les propos du ministre. Je pense que le ministre devra convenir avec moi que le bilan du ministère de la Justice est plutôt maigre, lorsque le ministre de la Justice se sent obligé, pour sa présentation principale, de meubler son discours d'explications sur la Loi sur les jurés et sur la loi modifiant le Code civil pour permettre la construction en copropriété sur des propriétés qui sont sujettes à des baux emphytéotiques. Il faudrait convenir que le bilan du ministère de la Justice est plutôt maigre. Évidemment, il y a beaucoup de pelletage par en avant.

Je me souviens qu'à l'époque Duplessis disait: Vous savez, une réalisation gouvernementale, c'est bon pour trois élections. D'abord, on promet un projet, ensuite, à la deuxième, on lève la première pelletée de terre et, à la troisième, on le réalise, on l'inaugure. J'écoute le ministre de la Justice et plusieurs de ses collègues au sein de la formation libérale et je me dis que, peut-être, on vient d'innover et que maintenant il y aura quatre étapes: quatre élections pourraient se servir d'une même réalisation gouvernementale. La première, on forme un comité d'étude; la deuxième, on promet quelque chose; la troisième, on lève la première pelletée de terre et, la quatrième, on réalise. C'est long un peu. Le ministre nous dit: Je vais déposer, je vais faire un comité d'étude, mais c'est long un petit peu.

Quand même, M. le Président, ce gouvernement est en place depuis trois ans et demi. Il avait toute la latitute voulue pour oeuvrer, faire certaines réformes urgentes dans le secteur de la justice. À preuve, la réforme des tribunaux administratifs, mais j'en parlerai un peu plus longuement tantôt. Le titre du rapport était Urgence d'agir. À cause des délais, etc., cela devient un véritable déni de justice. Avec la complexité des procédures, la multiplicité des instances, etc., les tribunaux administratifs sont devenus un véritable déni de justice au Québec. Urgence d'agir, nous disait à l'époque le député de D'Arcy McGee. Le ministre a formé des comités et on est rendu à la fin du mandat. D'ailleurs, s'il y avait des élections de déclenchées dans les prochaines semaines, on pourrait craindre que le bilan du ministère de la Justice

ne se résume, finalement, à des paroles, à des comités d'étude et à des rapports.

M. le Président, l'administration de la justice au Québec, depuis trois ans et demi, a souffert des mêmes maux que ceux qui ont affecté l'ensemble de l'appareil gouvernemental depuis l'arrivée au pouvoir de l'équipe libérale. Elle se caractérise essentiellement par des réductions importantes d'effectif, une attitude consommée de pelleter en avant les problèmes sans les résoudre et, par la même occasion, une indécision chronique, une faculté étonnante d'oublier les promesses électorales ou, au mieux, de ne les remplir que partiellement. Finalement, elle témoigne d'une absence complète d'imagination. Je m'explique.

En 1988-1989, les dépenses probables du ministère de la Justice s'élèveront à 383 586 000 $, alors qu'en 1985-1986, dernière année du mandat du Parti québécois, ces dépenses s'élevaient à 391 192 000 $ en dollars constants de 1989. C'est donc dire, en tenant compte du facteur de l'inflation, que les dépenses de ce ministère pourtant si crucial pour nos institutions démocratiques auront diminué de 2 %. Plus significatif encore, depuis moins de quatre ans l'effectif du ministère de la Justice aura diminué de 12 %, passant de 4696 postes en 1985-1986 à 4138 postes prévus pour l'année 1989-1990. Pourtant, le ministère de la Justice est, somme toute, un petit ministère qui accapare bien peu les budgets de l'État, étant donné son importance dans le cadre de nos institutions démocratiques comme je viens de le dire. Ce qui est plus grave, c'est que ces coupures de budget et en ressources humaines ne viennent que ternir une image de la justice qui est bien malade.

Depuis 1987, l'Opposition officielle a dénoncé une crise de confiance latente au sein de l'appareil judiciaire. À nos conférences de presse, nous avons insisté sur le fait que le désintérêt, voire le mépris dans certains cas, manifesté par le gouvernement Bourassa à l'égard de la fonction judiciaire a fait de celle-ci le parent pauvre de l'État. Le manque en ressources humaines et financières a engendré, dans les palais de justice - j'insiste là-dessus, c'est encore tout à fait d'actualité - une absence de motivation et une dégradation de l'image de la justice. Un gouvernement qui ne considère pas son système judiciaire comme important ne peut s'attendre que, par la suite, les intervenants eux-mêmes et les citoyens fassent autrement.

Si ces propos que je tenais alors n'ont pas alarmé outre mesure le gouvernement, un important sondage Créatec-Le Devoir, rendu public au printemps 1988 et confirmant ces propos, aurait normalement dû faire réagir tout gouvernement un tant soit peu conscient de l'importance de l'image de la justice. Celle-ci est malade et toute dégradation supplémentaire de la perception des citoyens de notre appareil judiciaire ne pourrait qu'engendrer une crise de confiance supplémentaire.

Pour comprendre l'étendue du phénomène, il importe de rappeler certains éléments forts et extrêmement préoccupants de cette étude, de ce sondage Créatec-Le Devoir. Les Montréalais et Montréalaises ne croient plus les tribunaux au-dessus de tout soupçon. Ils doutent de la qualité de la justice et de l'impartialité des juges et un citoyen sur trois affirme n'être pas certain d'être traité de façon juste et équitable par nos tribunaux. Le sondage nous a appris que 57 % des gens interrogés disent ne pas comprendre la justice tellement elle est compliquée, que 48 % des gens croient qu'ils seraient maltraités s'ils étaient victimes et que 68 % croient que les lois sont en retard sur les mentalités des citoyens. Finalement - nous y reviendrons abondamment -77 % des Montréalais et Montréalaises estiment que la justice favorise les riches.

Le ministre pourra me dire: Écoutez, c'est une perception populaire, elle n'est jamais très bonne, etc. Mais je voudrais lui rappeler qu'à l'occasion de la commission Prévost une étude semblable avait été faite et, si l'on compare les résultats de l'étude de la commission Prévost qui remonte déjà à belle lurette, je l'admets, mais quand même, avec les résultats de l'étude Créatec-Le Devoir, on se rend compte qu'il y a une nette détérioration de la perception de la justice qu'a la population.

Depuis ce sondage et cette sonnette d'alarme tirée par l'Opposition officielle, qu'a fait le gouvernement pour redresser cette situation plus que troublante? Alors que celui-ci aurait dû prendre le taureau par les cornes et annoncer des mesures importantes, il n'a strictement rien fait. Malgré le changement de ministre, l'histoire des trois premières années et de ta dernière année du ministère sous le régime libéral se répète. La voracité du Conseil du trésor le rend roi et maître. L'insensibilité de celui-ci à l'égard de l'appareil judiciaire est criante. Il ne fait aucun doute que le gouvernement libéral a contribué, par ses coupures et par son absence de leadership, à miner l'image de la justice.

Tous savent - je pense que nos invités d'aujourd'hui le reconnaîtront - que le milieu judiciaire en est un qui traditionnellement est très peu revendicateur. Les juges, les avocats, les notaires et les personnes qui, de façon générale, travaillent dans le milieu de la justice ne sont pas des gens qui vont recourir à des dénonciations publiques, à de nombreuses conférences de presse, etc. C'est par définition, je dirais, une des caractéristiques du milieu judiciaire quand on le compare à d'autres milieux. Mais, parce que ce milieu est très peu revendicateur sur la place publique, ça ne veut pas dire que tout va bien, au contraire. Si on pouvait traduire la situation du ministère de la Justice, par exemple, dans celle du ministère de la Santé et des Services sociaux, il y aurait des manifestations devant le parlement et on en parlerait quotidiennement aux lignes ouvertes,

etc.

Évidemment, dans le secteur de la justice, encore une fois, sa caractéristique étant cette espèce de retenue, de sens des responsabilités chez les fonctionnaires et chez tous ceux qui y travaillent, il y a peu de revendications, mais ça ne veut pas dire que les revendications qu'ils font ne sont pas fondées. On va parler tantôt des barèmes d'admissibilité à l'aide juridique. C'est une situation totalement inacceptable. Si la même chose se passait à l'assurance-maladie ou dans le milieu de l'éducation, on crierait au meurtre en disant qu'une partie de la population est privée d'un service essentiel. Dans le secteur de l'aide juridique, et pourtant le ministre fait des gorges chaudes autour de l'accessibilité à la justice, il demeure que les barèmes d'admissibilité n'ont pas encore été modifiés et c'est tout à fait inacceptable. J'y reviendrai tantôt.

Donc, le milieu judiciaire est peu revendicateur. Pourtant, depuis trois ans et demi, malgré le fait que ce milieu soit en général peu éblouissant, disons, dans ses demandes, nous avons assisté à des phénomènes tout à fait inédits. Je pense qu'il convient d'en rappeler quelques-uns. D'abord, croyez-le ou non, les juges ont dû entreprendre des poursuites judiciaires - eh oui! - pour forcer le gouvernement à arrêter ses coupures insensées dans leur personnel de soutien. Ils ont dû menacer de boycotter la "messe rouge" pour obtenir gain de cause dans leurs revendications salariales. Les procureurs de la couronne ont dû utiliser des moyens de pression. Les avocats et avocates de l'aide juridique, les avocats et avocates et les notaires de la fonction publique ont tous dû avoir recours à des moyens de pression pour obtenir des ententes jugées encore insatisfaisantes. Leur motivation et l'image de la justice s'en trouvent affectées, puisque comme principaux intervenants ils ne sont pas encore satisfaits et ont dû, malgré leur sens des responsabilités, avoir recours à des moyens de pression.

Aujourd'hui même, nous assistons à des moyens de pression de la part des avocats et des avocates qui acceptent des mandats de l'aide juridique. Encore un dossier qui n'est pas réglé, mais qui est différent de celui des barèmes d'admissibilité à l'aide juridique, puisqu'il s'agit des honoraires des avocats de pratique privée qui acceptent des mandats de l'aide juridique. Les demandes des avocats et avocates du secteur privé ont été acheminées il y a longtemps aux autorités concernées, mais jusqu'à ce jour il n'y a eu aucune négociation réelle. Pourtant, les demandes de ces avocats et avocates sont raisonnables, elles ne représentent des déboursés additionnels que de 2 000 000 $ à 3 000 000 $. Alors que, selon le sondage Créatec, encore une fois, 75 % des gens estiment que la justice favorise les riches, le gouvernement aurait une belle occasion de maintenir un principe fondamental énoncé lors de la mise sur pied du système d'aide juridique, celui du libre choix de son avocat ou de son avocate par le bénéficiaire de ce système. Pourtant, pour l'instant, il fait tout le contraire. Le gouvernement sape les principes fondamentaux d'un système qui accroît la justice sociale pour économiser un maigre 2 000 000$ à 3 000 000 $ par année. (10 h 30)

La justice favorise-t-elle les riches? D'ailleurs, le prédécesseur du député de Jean-Talon le disait et, malgré les invitations que nous lui avons adressées à l'époque, il ne s'est jamais rétracté. Je me souviens encore du député de D'Arcy McGee qui disait: II y a deux systèmes de justice. Il y a deux justices au Québec: une pour les riches et une autre, pour les pauvres. Cela allait bien. C'était le ministre de la Justice qui le disait. Excellent! Mais, encore une fois, la justice favorise-t-elle les riches? À tout le moins, ceux qui ont les moyens de se payer les avocats et les avocates de leur choix.

Autre exemple démontrant comment l'actuel gouvernement est insouciant face à cette crise latente de confiance: alors que nous sommes en pleine réforme du Code civil, que les chartes des droits et libertés révolutionnent le droit, que la société québécoise évolue rapidement quant à la représentation en son sein des communautés ethniques, le gouvernement a pris la décision ridicule de sabrer dans les montants alloués pour la déontologie judiciaire et pour le perfectionnement des juges. Alors qu'en 1985-1986 les dépenses à cet égard se sont élevées à 629 000 $, en dollars constants de 1989, les crédits alloués pour l'année 1989-1990 ne sont que de 566 000 $, soit une baisse de 10 %.

Une dernière illustration des conséquences néfastes des coupures de budget sur l'administration de la justice mérite d'être relevée. Ainsi, relativement à la situation vécue dans les palais de justice, le ministre de la Justice sait-il qu'il y a de 50 000 000 $ à 60 000 000 $ en amendes qui n'ont pas été perçus, principalement parce qu'on ne dispose pas d'effectif suffisant pour traiter énergiquement ces dossiers? Là où le Conseil du trésor sabre pour des raisons d'économie, paradoxalement, cela se résume en une perte de revenus pour le gouvernement. Tout cela enfin, devant un ministre de la Justice qui se croise les bras.

Évidemment, il n'y a pas que les coupures de budgets et d'effectif qui ont un impact négatif. L'indécision chronique dans plusieurs dossiers et la propension du gouvernement à repousser les problèmes jouent également un rôle important dans la dégradation du système judiciaire. Ainsi, après avoir dénoncé pendant près de huit ans le cumul des fonctions de ministre de la Justice et de Solliciteur général, nous sommes toujours devant la situation soi-disant dramatique d'avant 1985. En fait, rongé comme il l'est toujours par l'indécision, le premier ministre a été incapable de nommer un successeur au député de D'Arcy McGee. Nous n'aurons finalement eu un Solliciteur générai à plein temps que

durant quelques mois, M. le Président. Pourtant, durant le rocamboiesque épisode du feu à Alliance Québec, la pertinence de distinguer les deux fonctions a atteint son point culminant.

Plus récemment encore, un oubli, entre guillemets - pour les fins du Journal des débats - comme celui de la poursuite jamais intentée contre Provigo, pourtant en possession d'une grande quantité de chair de poisson avariée, n'aurait probablement pas été possible si le député de Jean-Talon n'avait pas tant de chapeaux à porter chaque jour. Là-dessus, M. le Président, vous me permettrez de citer immédiatement un fonctionnaire du ministre de la Justice dont on ne peut pas mettre la parole en doute, Me Rosaire Vallières, qui est procureur-chef et responsable du droit pénal au sein du ministère de la Justice, qui disait pas plus tard que ce matin dans le journal Le Soleil: "Cette erreur est impardonnable". On parle de l'oubli entre guillemets, dont nous parlait le ministre de la Justice la semaine dernière en Chambre. "Cette erreur est impardonnable. Il faut cependant comprendre que ce dossier Provigo surgissait pendant une période de compressions budgétaires. En décembre 1987, il faisait partie des 55 000 cas traités par une direction composée de 42 personnes qui eût dû être le double." Ce n'est pas mol qui parle. Je cite toujours. "Alors, on a pris les moyens de contrôle les plus simples pour sauver du temps et on s'apercevait qu'il nous glissait des dossiers à travers les doigts", d'ajouter Me Vallières. C'est là, M. le Président, le résultat des coupures budgétaires. Mais, dans le secteur de la Justice, je regrette, on ne peut pas se permettre ce type de situation causée par un Conseil du trésor qui, encore une fois, avec ses analyses trop souvent déconnectées, vient sabrer dans des budgets de fonctionnement, d'opération et d'administration au détriment de la justice et, dans bien des cas, au détriment du Trésor public.

Si la compagnie Provigo avait été poursuivie, elle aurait payé une amende qui aurait probablement payé la totalité du salaire d'un avocat qui serait venu s'ajouter à cet effectif de 42 personnes pour traiter 55 000 dossiers. C'est ce qu'il faut que le Conseil du trésor comprenne, je pense, mais ce n'est pas notre responsabilité, M. le Président. Le Conseil du trésor ne nous appelle pas, nous, les députés. Il faut que les ministres aillent le voir et, lorsqu'il y a divergence d'opinions, il faut que l'arbitrage se fasse au Conseil des ministres. S'il y a eu des arbitrages au Conseil des ministres, je regrette, il semble bien que le ministre de la Justice les ait perdus et il semble bien qu'il ait perdu ses représentations au Conseil du trésor, parce qu'on se retrouve dans une situation qui parle par elle-même. On ne peut pas nier cela. Le ministre me trouvera peut-être dur dans mes propos, mais je pense que la justice doit refléter une organisation, une administration impeccable. Elle doit être au-dessus de tout soupçon.

J'avais commencé à parler de cet incident de Provigo en mentionnant les multiples chapeaux du ministre de la Justice. Je suis sûr, quand il s'arrête devant sa garde-robe le matin, qu'il regarde cela... Je pense qu'il en a six, sauf erreur. Ce n'est pas facile de partager un homme ou une femme en six responsabilités importantes et que la dernière de celle-là soit la protection du consommateur. Ça aussi, c'est très important et on n'en viendra quand même pas à graduer les six responsabilités du ministre. Il demeure que chacune est importante et que le ministre cumule ces chapeaux. Un personnage qui a autant de chapeaux, M. le ministre, cela devient, non pas à cause de votre personnalité, un peu loufoque; cela n'a pas de sens, pendant que de l'autre côté sept ministres délégués se promènent dans des limousines alors qu'ils sont simples ministres délégués. Il y a dans ce gouvernement quelques ministres qui concentrent tout le pouvoir et qui font en sorte que des erreurs se produisent, des situations comme celle de Provigo. Provigo, on en a entendu parler, mais combien y a-t-il de dossiers dont on n'entendra jamais parler? Combien y a-t-il d'injustices qui seront commises et dont on ne sera même pas conscients ou conscientes?

Alors, je pense que poser la question c'est y répondre. On ne peut pas se permettre, dans ces secteurs névralgiques de nos institutions, d'avoir une telle concentration de responsabilités dans un seul homme et de telles compressions du budget et de l'effectif.

L'épisode, M. le Président, du feu à Alliance Québec n'est pas sans rappeler celui du financement des avocats d'Alliance Québec. Comme on devait s'en douter, jamais le ministère de la Justice n'a versé depuis de l'argent pour défrayer les honoraires d'avocats d'une partie qui contesterait la constitutionnalité d'une loi québécoise, à l'exception des avocats d'Alliance Québec pour contester la constitutionnalité de la loi 101. L'histoire donne donc raison à l'Opposition officielle: l'épisode d'Alliance Québec était bel et bien un cas unique.

Second exemple de l'inaction libérale: la réforme des tribunaux administratifs. Le rapport Ouellette a souligné avec justesse l'importance de procéder à la réforme d'un système qui est devenu touffu, complexe, inaccessible, très long et où la nomination des membres n'offre pas de garanties d'indépendance suffisantes. Le rapport, tout comme l'ex-ministre de la Justice l'a rappelé à maintes reprises, invoquait l'urgence d'agir. Rien n'a encore été fait. Évidemment, il faut une bonne dose de courage pour entreprendre une réforme majeure. Le ministre a fait les premiers pas dans ce secteur, ses propos de tantôt étaient rassurants, mais il demeure qu'à ce jour nous n'avons pas encore vu la couleur de la réforme des tribunaux administratifs. Encore une fois, s'il y avait des élections de déclenchées dans les prochaines semaines ou même avant l'adoption d'une future loi, tout risquerait d'être à recom-

mencer. Il est bon de se rappeler à ce sujet que le Parti québécois, lors de son premier mandat, avait mis sur pied la Loi sur le financement des partis politiques, la politique de sélection par concours des juges du Québec, le bureau des plaideurs et tout cela pour écarter le patronage, les listes d'avocats privilégiés et toutes les nominations partisanes que l'on trouve dans les tribunaux administratifs actuellement.

Autre exemple d'inaction, il existe encore, au Québec, des citoyens et citoyennes francophones qui reçoivent de nos tribunaux des jugements exclusivement rédigés en anglais. Qu'a fait le ministre de la Justice au sujet de cette situation? Évidemment, il y a un problème constitutionnel qu'il ne peut pas régler, mais il y a une chose simple, concrète, positive qu'il pourrait faire immédiatement. Si le ministre ne connaît pas cette mesure concrète, je l'invite à relire le projet de loi 191 qui contient une mesure simple et susceptible de régler, une fois pour toutes, cette situation inacceptable. J'ai vécu, cela j'ai reçu à mon bureau de comté un francophone qui a eu une chicane avec un autre francophone et les deux ont reçu leur jugement en anglais. Je vais vous le dire, M. le ministre. Il n'a pas été facile d'expliquer à ces deux personnes pourquoi le jugement était en anglais. Une fois que je leur ai expliqué qu'on vit dans la constitution canadienne, qu'on a un encadrement fédéral, etc., je ne peux faire autre chose que de leur dire qu'administrativement parlant, sans enfreindre aucun des principes du droit constitutionnel, le ministre de la Justice, comme le propose le projet de loi 191, pourrait faire en sorte que son ministère traduise ces jugements pour permettre aux citoyens francophones de connaître le contenu d'un jugement qui les concerne et décider de la nécessité de porter en appel cette décision. C'est quand même un droit fondamental. Ce n'est pas sorcier ce que je demande. Ça ne coûterait pas des dizaines ni des centaines de millions, M. le Président. Ce serait simple, concret, positif. Une petite équipe, pas dans tous les cas, mais dans les cas où un citoyen en ferait la demande, qui traduirait le jugement en français. Ce n'est pas la mer à boire, on n'a pas besoin de faire un comité d'étude ni un comité sur le rapport du comité d'étude et ainsi de suite. C'est une mesure simple, concrète, mais le ministère de la Justice - le ministre n'a pas été là pendant trois ans - n'a rien fait, alors qu'il pourrait agir d'une façon très ponctuelle pour régler ce problème.

Il nous faut également dénoncer l'inaction du ministre quant à l'engorgement de nos prisons qui, bien que ce soit un dossier relevant de la Sécurité publique, a un impact considérable sur les sentences données par les juges. Vous le savez, M. le ministre de la Justice, les juges s'interrogent sérieusement sur la valeur des sentences qu'ils prononcent, puisque, étant donné la surpopulation des prisons, les peines sont rarement purgées jusqu'à échéance. Il faut comprendre qu'on enlève le temps pour comportement exemplaire et tout ça. Des sentences de deux ans moins un jour en vertu desquelles les gens restent en prison deux mois, ça existe. Cela existe aussi des sentences qui ne sont pas du tout purgées. Non, je comprends que c'est un dossier de la Sécurité publique, mais ça a un impact sur la justice, parce que les juges, quand ils rendent une sentence, ne veulent pas que cette sentence soit seulement un voeu pieux. Ifs veulent tout de même que le temps réellement purgé, bien qu'il ne corresponde jamais en totalité à la sentence exprimée, en enlevant le tiers, le temps exemplaire, les permissions, les articles 42 et tout ce que vous voulez, reste un temps un peu décent, étant donné l'aspect protection de la société qui est retenu par le juge qui ordonne l'incarcération d'un individu toujours en dernière limite.

Deuxièmement, j'en profite pour signaler au ministre de la Justice un autre problème qui a des conséquences sur la justice, bien que relevant de la Sécurité publique; c'est le problème de la surpopulation à Parthenais et au palais de justice de Montréal. En bas, au palais de justice de Montréal, pour recevoir les détenus, sauf erreur, je pense qu'on a construit une petite pièce dans le garage, avec les gaz d'automobile qui s'y échappent. On m'a informé, M. le ministre, qu'à peu près tous les jours des ambulances se présentent au palais de justice de Montréal pour prendre des prévenus qui viennent de s'évanouir. Cela n'a plus de bon sens. Il y a du monde là-dedans. C'est une cour de triage parce qu'un tel va au 312 et un autre va au 407, etc., mais il y a trop de monde dans la cour de triage. (10 h 45)

Cela n'a plus de sens et tout ça est dû, encore une fois, à la surpopulation de Parthenais et du palais de justice de Montréal qui fait en sorte qu'on ne peut plus administrer décemment le quotidien judiciaire avec un lot d'accusés aussi énorme.

Là-dessus, il est bon de souligner que le ministre faisait des gorges chaudes il y a une quinzaine de jours en nous disant que l'augmentation de l'indice de criminalité au Québec était inférieure à ce que les années antérieures avaient connu. Il y a, par contre, une augmentation faramineuse., importante du nombre d'accusés devant les tribunaux. Je ne sais pas comment les statistiques sont faites, mais il reste qu'en matière de comparutions, chaque jour - prenons le district judiciaire de Montréal - il y a une augmentation incroyable, il me semble, de 30 % à 40 %. En tout cas, c'est vraiment majeur comme augmentation.

Toujours dans la catégorie inaction du gouvernement, on ne saurait oublier ce qui constitue en fait un dossier prioritaire pour l'Opposition officielle, soit la plus qu'urgente hausse des critères d'admissibilité à l'aide

juridique. C'est en 1979 que le gouvernement du Parti québécois a pris la décision d'indexer au coût de la vie les critères d'admissibilité. Malheureusement, vu la crise économique sévère qui a frappé le Québec, il faut l'admettre, quelques années plus tard, cette mesure généreuse a dû temporairement être suspendue. Toutefois, dès que l'état de l'économie québécoise s'est retrouvé en santé, le gouvernement, en 1985, a augmenté les barèmes pour les familles et il s'apprêtait à les augmenter à la hausse pour les personnes seules lorsque le Parti libéral du Québec a pris le pouvoir. Depuis lors, il n'y a plus rien et ce, même si depuis quelques années le gouvernement fédéral doit assumer près de la moitié de la note de l'aide juridique, et j'insiste là-dessus. Augmenter les tarifs de l'aide juridique en 1980, c'était le gouvernement provincial qui assumait cela à 100 %, non pas les tarifs mais les barèmes d'admissibilité. Maintenant, la note de l'aide juridique est partagée à tout près de 50 %, je pense que c'est à 48 % par le gouvernement fédéral. Profitons-en pour donner accès à la justice et je vais revenir là-dessus dans mes questions tantôt.

Le ministre a terminé tantôt son intervention en parlant de l'accessibilité à la justice. Je pense qu'il faut prendre des mesures concrètes et ne pas se contenter de faire des discours. Alors que le Québec a vécu une croissance économique exceptionnelle depuis quatre ans, alors que nous avons eu deux ministres de la Justice qui ont prétendu et prétendent encore faire une priorité de l'accessibilité à la justice, le gouvernement, plus préoccupé de colonnes comptables que de justice sociale, n'a rien fait, si bien que les critères d'admissibilité à l'aide juridique sont devenus ridiculement bas. Le ministre sait qu'une personne seule travaillant au salaire minimum n'est plus admissible à l'aide juridique, de même qu'un couple ne recevant que les chèques de pension de vieillesse. De plus, on estime qu'à la fin de 1989 une personne âgée seule n'ayant pour vivre que sa pension ne sera plus admissible à l'aide juridique, s'il n'y a pas des mesures draconiennes qui sont prises rapidement. Il s'agirait d'une augmentation tout à fait acceptable, vu que l'aide juridique coûte à peine 10 $ par habitant, ce qui représente le coût le plus bas en Amérique du Nord. Si les critères à l'aide juridique étaient simplement rétablis au niveau de 1974 lorsque le législateur implanta le système, c'est 55 942 dossiers de plus qui seraient traités et c'est pratiquement 300 000 personnes, Québécoises et Québécois, de plus qui pourraient, en cas de pépin juridique, avoir accès à l'aide juridique alors qu'elles n'y ont pas accès maintenant. Il n'est pas étonnant que 75 % des Montréalaises et Montréalais estiment que la justice favorise les riches.

Finalement, il m'apparaît important de revenir, en cette veille d'élections, sur les promesses électorales non réalisées ou réalisées partiellement. On attend toujours la création d'une commission de réforme du droit permanente. Le ministre n'en a pas parlé dans son discours. Celle-ci serait chargée de faire évoluer le droit au Québec. Quant à la réforme civile qui devait être complétée au cours de ce mandat, finalement, l'entrée en vigueur du nouveau Code civil est prévue pour 1991, bien que le ministre soit particulièrement optimiste et nous dise que les travaux devraient être terminés à l'automne 1989.

En ce qui a trait à l'accès à l'égalité, malgré les belles paroles de ce gouvernement et l'adoption par l'Assemblée nationale, le pourcentage des membres des communautés visibles dans la fonction publique a régressé depuis 1985. J'en profite pour saluer le président de la Commission des droits de la personne qui est avec nous.

Les politiques annoncées pour contrer le phénomène de la violence conjugale ont non seulement été pensées par le précédent gouvernement, mais demeureront au niveau de l'utopie tant que les centres de femmes seront sous-financés, au point de devoir consacrer plus de temps à s'autofinancer qu'à s'occuper des victimes. Il en est de même pour les centres de réhabilitation pour conjoints violents. Quant à la nouvelle politique d'arrestation en cas de violence conjugale, les procureurs de la couronne, on le sait, demeurent surchargés de travail. Notons d'ailleurs que l'exode des substituts du Procureur général vers la pratique privée se poursuit.

Pour ce qui est des victimes d'actes criminels, le gouvernement a fait adopter une loi qui n'est qu'une série de droits déclaratoires ou voeux pieux qui sont limités dans la mesure où le prévoient d'autres lois. Les budgets accordés à l'indemnisation des victimes d'actes criminels n'ont pas augmenté de façon substantielle. Par surcroît, alors qu'un des principaux reproches adressés au système est sa méconnaissance par les citoyens, le gouvernement n'a prévu aucune campagne d'information, si bien que le nombre de Québécois qui y ont recours est en constante régression depuis 1985.

Bref, de belles économies pour le Trésor public. Bien entendu, le gouvernement voudra au moins citer comme réalisation l'instauration d'un système de perception des pensions alimentaires. Au moins le ministre a eu la décence tantôt de ne pas parler d'un système de perception automatique, je lui en suis reconnaissant, en espérant que sa collègue, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, va cesser de parler de perception automatique. Finalement, ce système n'aura d'automatique que le nom car, pour être enclenché, il faudra encore qu'il y ait défaut du débiteur et démarche de la créancière. Certes, il s'agit là d'une amélioration, mais la véritable réforme remonte encore une fois au Parti québécois qui, en 1980, a mis sur pied toute l'institution du percepteur des pensions alimentaires.

Avant de conclure, M. le Président, j'aimerais souligner le mandat d'initiative exécuté par la commission des institutions concernant la Commission des droits de la personne. La commission a, comme on le sait, produit un rapport contenant de multiples recommandations, dont notamment la création d'un tribunal des droits de la personne. Je sais que le ministre a prêté une oreille attentive à ce rapport et j'espère, tout simplement, qu'un projet de loi sera déposé dans les jours qui viennent à l'Assemblée nationale, pour que l'on puisse l'adopter avant le déclenchement des élections.

Évidemment, M. le Président, je n'ai passé en revue que quelques-uns des aspects de l'administration de la justice au Québec, une administration qui, finalement, n'a rien de bien enviable et dont le bilan, somme toute, est bien pauvre. Le ministre actuel, député de Jean-Talon, a, comme je l'ai dit tantôt, plusieurs chapeaux à porter. Probablement trop pour se rendre compte que les palais de justice commencent à craquer sous l'indécision et les compressions budgétaires. À travers ces fissures, c'est l'institution même de la justice qui non seulement doit être rendue, mais doit aussi paraître avoir été rendue, c'est la justice elle-même, dis-je, qui en souffre.

Je vous remercie de votre patience, M. le Président. Je sais que j'ai dépassé un petit peu le temps qui m'était alloué.

Le Président (M. Dauphin): Effectivement. Alors, merci beaucoup, M. le député de Taillon. Je vous signale que, normalement, les remarques préliminaires sont de 20 minutes. J'ai été tolérant. Le ministre de la Justice a utilisé 28 minutes et vous, M. le député de Taillon, près de 40 minutes: 38 minutes.

M. Filion: 38 minutes, bon.

Le Président (M. Dauphin): Alors, je ne sais pas si le ministre de la Justice veut ajouter des choses. Il est au moins 12 minutes en dessous, quant au temps qu'il a utilisé. M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: Alors, M. le Président...

M. Filion: M. le Président, je me souviens des crédits...

Le Président (M. Dauphin): Mais ce n'est pas un reproche.

M. Filion: Non, parce que je me souviens d'une étude des crédits au cours de laquelle le ministre nous avait entretenus pendant une heure et je l'avais laissé aller.

Le Président (M. Dauphin): Je suis loin de vous faire des reproches.

M. Filion: Je comprends que le ministre ait parlé un peu moins longtemps que moi. Il a essayé de faire l'inventaire des points positifs.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre de la Justice.

M. Gil Rémillard (réplique)

M. Rémillard: M. le Président, je comprends très bien que le député de Taillon, critique de l'Opposition officielle concernant la justice, ait pu parler pendant 38 minutes. C'est une situation un peu particulière pour lui ce matin et je voudrais lé souligner. C'est sa dernière étude des crédits du ministère de la Justice, puisqu'il a annoncé qu'il quittait. Pour ma part, je voudrais souligner cet événement. C'est quasiment un testament politique qu'il nous a livré, cette critique qu'il a faite des quatre dernières années, ou pas tout à fait quatre années, de l'administration de la justice par le présent gouvernement.

Je voudrais souligner, M. le Président, les grandes qualités de juriste de M. le député de Taillon et aussi ses qualités d'homme honnête, comme sa droiture. C'est un politicien qui fait ce métier d'une façon qui nous permet de croire qu'il est possible, M. le Président, d'être politicien, de se battre pour des idées et, quand on n'est pas d'accord, de situer ce débat toujours à un bon niveau, surtout lorsqu'on aborde des questions de justice pour lesquelles il faut être particulièrement sensible au respect du processus judiciaire. Je dois dire que le respect du député de Taillon, je l'ai vu aux remarques quand même assez difficiles qu'il nous a livrées pendant ces 38 minutes, mais ses remarques se sont toujours situées dans un cadre respectueux de la justice et de l'appareil judiciaire. D'ailleurs, j'aurai l'occasion d'y revenir dans quelques minutes.

M. le Président, le député de Taillon a livré son bilan de critique concernant l'administration de la justice par le présent gouvernement depuis les trois années et demie que nous sommes au gouvernement. Il a oublié bien sûr certains petits aspects. Je dis petits, c'est à lui d'en juger et vous pourrez en juger vous-mêmes, M. le Président, vous et les membres de cette commission. Lorsqu'on parle de la Cour du Québec, c'est un élément majeur et fondamental qui a été fait par la présente administration gouvernementale et libérale: donner la possibilité d'avoir une seule cour pour unir ces trois cours que nous avions précédemment et développer encore plus cette accessibilité à la justice par une plus grande mobilité grâce à un ensemble de processus administratifs rendus beaucoup plus faciles. C'est un élément majeur et je suis certain que M. le député de Taillon en conviendra.

La réforme du Code civil, c'est majeur. Je l'ai annoncé tout à l'heure dans mes remarques préliminaires, M. le Président. Nous voulons respecter un échéancier qui est quand même

serré et nous sommes en voie de le respecter. On n'est pas en retard et ça va bien. On a eu une bonne collaboration de tous les intervenants et il y a des décisions à prendre. Nous étudions ces différents éléments en fonction des commentaires que nous avons reçus. Les décisions se prennent et on respectera l'échéancier.

La réforme du Code de procédure pénale, c'est très important aussi, M. le Président. La loi sur le Code de procédure pénale est importante, parce que je relie cette loi à certaines critiques qu'a faites le député de Taillon tout à l'heure en ce qui regarde les prisons. D'abord, il a mentionné que les prisons sont de la juridiction du ministre responsable de la Sécurité publique, mais que cela a des incidences importantes sur la justice. Je dois lui dire qu'il a raison. Cependant, il me reprochait aussi d'avoir plusieurs chapeaux, entre autres, de coiffer ceux de la Justice et de la Sécurité publique. Je me permets simplement de lui dire ceci. Le ministre responsable de la Sécurité publique, responsable de la force policière entre autres, est responsable de l'enquête, c'est une chose. Le ministre responsable de la Justice est responsable de la poursuite, c'est une autre chose. Présentement, M. le Président, c'est la même personne, le même membre du Conseil des ministres qui exerce ces deux fonctions, mais il y a cloison étanche entre les deux administrations, ce qui n'existait pas du temps du gouvernement péquiste. Il y a une administration avec des sous-ministres, un sous-ministre en titre et des sous-ministres associés à la Justice. Il y a une administration avec sous-ministre à la Sécurité publique. Ce sont deux appareils administratifs complètement différents. Pour des sujets comme celui qui regarde nos prisons, il est intéressant pour un ministre de pouvoir voir ce qui se passe des deux côtés: du côté de la Justice comme du côté de la Sécurité publique.

J'ai déjà eu l'occasion de mentionner, M. le Président - je le dis de nouveau - que, de fait, nous avons une surpopulation dans nos prisons et que nous serons en mesure dans un avenir que j'espère prochain d'apporter des solutions, du moins en ce qui regarde certains aspects du problème, pour pouvoir offrir des conditions acceptables aux détenus qui doivent payer leur dette envers la société, mais qui ont des droits. Et, nous voulons respecter ces droits. La question de Parthenais est une question qui me préoccupe beaucoup. Je suis allé visiter Parthenais et je peux vous dire que j'ai été très sensible à bien des aspects difficiles qu'on a à Parthenais. J'espère y apporter des solutions prochainement. (11 heures)

Je sais que plusieurs ministres de la Justice et solliciteurs généraux ont tenté d'apporter une solution à Parthenais. J'ai déjà entendu beaucoup de critiques, le député de Taillon en a entendu aussi, mais je peux vous dire que je vais essayer de mettre toutes mes énergies, avec les gens qui m'aident dans ce dossier, avec les fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique qui font un traval remarquable, pour essayer de trouver des solutions à court terme et pour trouver une solution plus durable, plus définitive en ce qui regarde Parthenais.

M. le Président, au fond de tout ça, le député de Taillon avait raison de dire. Cela regarde la justice et ce sont les sentences qui sont rendues par les cours de justice, les tribunaux. Il y a cette loi sur la réforme du Code de procédure pénale qui, fondamentalement, se réfère à une nouvelle perception de l'emprisonnement. La prison est là pour protéger la société, tout d'abord, en mettant à l'écart un citoyen qui peut être dangereux ou une citoyenne qui peut être dangereuse pour ses semblables. C'est le premier élément. L'autre élément, c'est pour punir lorsqu'il s'agit d'un crime tellement important qu'il mérite l'emprisonnement comme mesure de découragement, si vous voule2, à poser de nouveau un tel geste.

Je ne voudrais pas être trop long sur ce sujet, j'aurai peut-être l'occasion d'y revenir lors des prochaines questions, mais il demeure que dans la loi sur la réforme du Code de procédure pénale nous allons aborder une nouvelle philosophie, une nouvelle approche quant à l'emprisonnement. C'est un moyen de dernier recours. Lorsqu'on a des billets de stationnement ou des infractions mineures au Code de la route, on n'a pas à faire de prison, ça n'a pas d'allure.

Ce n'est pas vrai qu'il y a deux justices: une pour les riches et une pour les pauvres. Non, M. le Président. Les pauvres ont une aide juridique qui n'est pas tout à fait adéquate, mais qui est là, qui a été mise en place en 1974 par un précédent régime libéral et qui a établi des normes intéressantes pour permettre l'accessibilité à la justice aux plus démunis de notre société. Il faut maintenant l'adapter. Le député de Taillon a raison de dire qu'il faut revoir les normes d'admissibilité, ça n'a pas de bon sens. Il a raison, c'est vrai que ça n'a pas de bon sens. 170 $ de revenu brut pour une personne - et c'est comme ça depuis 1981, ça n'a pas été révisé - pour être admissible à l'aide juridique, ça n'a pas d'allure, ça n'a pas de bon sens, il faut revoir ça.

Les notions concernant un couple n'ont pas de bon sens non plus, et ça n'a pas été indexé. Le député me disait lui-même qu'on avait indexé jusqu'en 1979 et que, par la suite, on n'avait plus indexé. Bon, d'accord. Maintenant, je dois composer avec ces situations, et il admettra avec moi que ce n'est pas facile. Mais il a raison de dire que ça n'a pas de bon sens. Cela pose bien des problèmes. J'ai reçu des dizaines de lettres de gens qui me disaient, par exemple, dans des cas de divorce: Quand on se retrouve devant les tribunaux pour avoir la garde des enfants, un des conjoints a l'aide juridique, l'autre ne l'a pas, ça fait une situation injuste, inacceptable là aussi. J'ai des cas, vraiment, où ça n'a pas de bon

sens. Un conjoint a droit à l'aide juridique et l'autre gagne un petit montant à peine suffisant pour vivre, mais il n'est pas admissible à l'aide juridique. Pour le moment... Même si on l'augmente, même si vous gagnez 30 000 $ par année et que vous faites face à un procès qui peut vous coûter des milliers de dollars et que votre ancien conjoint a l'aide juridique - je parle d'une situation qui regarde des dissolutions de mariage, mais je pourrais prendre d'autres exemples aussi - on se retrouve dans des situations extrêmement difficiles. C'est dans ce contexte qu'il faut absolument que des gens se penchent sur cette question et nous disent ce qu'on peut faire pour vraiment aider les plus démunis de notre société à avoir accès à la justice et ce qu'on peut aussi faire pour protéger ceux qui ont un revenu suffisant pour vivre, qui ne sont pas nécessairement admissibles à l'aide juridique, mais qui se retrouvent devant l'appareil judiciaire en opposants à des gens qui ont l'aide juridique et qui peuvent se rendre jusqu'en Cour suprême sans que ça leur coûte un cent.

Alors, M. le Président, j'aimerais simplement souligner que d'une part, les plus démunis de la société ont l'aide juridique et les plus riches ont l'argent pour payer les tribunaux, et que, d'autre part, c'est la classe moyenne qui pose un problème majeur. C'est la classe moyenne qui n'a pas les moyens de se payer un procès, et il va falloir regarder ça de près. Quelqu'un qui gagne un salaire moyen a-t-il encore les moyens de se payer un procès au tarif que doivent facturer les avocats, parce qu'ils ont, eux, toutes leurs dépenses de bureau, etc., qui coûtent une fortune? La réalité est là! Comme ministre de la Justice, je peux vous dire que je suis extrêmement préoccupé par cette situation, de même que je suis préoccupé par un citoyen poursuivi, à un moment donné, au niveau criminel, pour avoir fait un crime. On arrive chez lui: Toc, toc, toc! On entre et on dit: Monsieur, madame, vous êtes accusé d'avoir fait un meurtre, d'avoir volé, ou je ne sais trop quoi. Vous avez vos droits, vous êtes présumé innocent. Maintenant, on vous emmène, vous êtes sous mandat d'arrestation. Vous êtes présumé Innocent, dans notre système, mais vous allez vous défendre.

Si vous êtes un citoyen, moyen si vous n'avez pas l'aide juridique, si vous êtes quelqu'un qui vit au crochet de différents programmes de l'État ou qui vit un peu difficilement, vous allez vous retrouver dans une situation difficile et devrez, à ce moment-là, payer les frais d'un criminaliste. Même si vous êtes déclaré innocent, au bout de la course, vous devrez toujours payer quand même les frais de ce criminaliste, et ça peut être des milliers de dollars. C'est sûr que l'État ne peut pas rembourser les frais parce que quelqu'un est déclaré innocent, mais ne peut-on pas imaginer quelque chose? Est-ce qu'il n'y a pas moyen de voir quelque chose pour que les gens n'hypothèquent pas leur maison pour être finalement capables de payer leurs frais judiciai- res? Cette situation existe aussi. Il ne faut pas se fermer les yeux là-dessus.

M. le Président, on a parlé tout à l'heure d'un cas particulièrement d'actualité, qui l'était la semaine dernière, des poursuites concernant la firme Provigo. Le député de Taillon a soulevé ce cas, l'a situé dans son contexte réel, et je l'en remercie. Justement, cela confirme ce que j'ai dit au tout début de mes remarques. Ce que j'ai à dire, essentiellement ce que j'ai dit la semaine dernière, c'est qu'il s'agit d'une erreur commise par un procureur. L'erreur est humaine, cela a été confirmé encore ce matin dans une entrevue que donnait un fonctionnaire responsable de ce secteur. Bien sûr, nos procureurs ont du travail à faire. Ils doivent le faire et je dois dire qu'ils le font d'une façon très consciencieuse. Je dois leur rendre hommage pour le travail qu'ils font. Ils font un travail remarquable.

C'est vrai qu'il y a eu des compressions budgétaires et c'est vrai qu'à certains chapitres il a fallu essayer de composer avec une réalité qui est là et qui a quand même permis au gouvernement du Québec de diminuer de moitié un déficit budgétaire, mais jamais sur la qualité essentielle qu'on doit assurer à nos services en matière de justice. Il se peut, M. le Président... C'est facile de dire: Tel ou tel cas, à cause des compressions budgétaires... Je ne dis pas que ça s'est fait de gaieté de coeur, M. le Président, mais, au ministère de la Justice, au chapitre de l'administration, nous avons procédé à un aménagement qui pouvait nous amener à consacrer quand même une part importante de notre budget à l'aide aux justiciables. Le député de Taillon pourra se rendre compte qu'on a quand même consacré 82 200 000 $, soit 20,4 % du budget du ministère, à l'aide aux justiciables, c'est ce qui est important. Bien sûr, on a pu retrouver dans l'administration certains éléments plus difficiles qui méritent de l'ajustement. Je suis allé dans les palais de justice - je ne reste pas dans mon bureau de ministre - à Québec, à Montréal, à Hull, dans les différents palais de justice, même à Percé. J'en ai fait plusieurs et je vais en faire encore. Je veux les faire tous. J'ai vu des problèmes. On est venu me montrer du doigt des problèmes. M. le ministre, on a un problème là. J'étais accompagné de mon sous-ministre responsable. On a essayé d'apporter des solutions. On en a apporté à Québec, comme dans d'autres palais de justice, que ce soit à Hull, qu'on a visité, ou à Saint-Jérôme.

M. le Président, il reste quand même que 20,4 % du budget a été consacré à l'aide aux justiciables. Cela m'apparaît extrêmement important, comme ministre de la Justice soucieux d'assurer cette accessibilité à la justice à tous nos citoyens et citoyennes.

Le député de Taillon a parlé d'un projet de loi concernant la réforme des tribunaux administratifs. Je veux l'informer qu'il y a un projet de loi en train de se bonifier par différentes consultations et commentaires que nous

pouvons recevoir à l'interne. J'y travaille très activement. Nous allons voir ce que nous pouvons faire. Je sais que le député de Taillon l'a mentionné tout à l'heure lui-même. C'est un gros morceau. Il ne faut pas y aller à peu près. Un excellent rapport a été fait. Je veux souligner sa qualité. Cependant, il reste à le mettre en application. Je peux dire que j'ai été professeur d'université. Je suis maintenant politicien. J'ai pu voir de la théorie à la pratique. Maintenant, il reste à voir comment ce rapport peut s'appliquer dans notre réalité administrative. C'est pour moi une priorité. Nous y travaillons activement, je peux vous l'assurer.

M. le Président, j'aurais peut-être d'autres remarques, mais je ne veux pas être trop long. Je sais qu'on reviendra sur ces différents aspects. Le député de Taillon a soulevé différents points. Au fur et à mesure de ses questions, on pourra y revenir, que ce soit sur la question de la langue, par exemple, qu'il a abordée brièvement. Je sais qu'il va y revenir, qu'on pourra aborder ces questions ou ce qui regarde aussi d'autres aspects de l'administration de la justice. Je veux discuter avec lui de la façon la plus franche et la plus complète possible.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre de la Justice. Alors, libre au député de Taillon de continuer la discussion ou d'aborder des programmes précis. Je sais, M. le ministre, que vous avez parlé dix-huit minutes dans votre deuxième étape. Donc, vous êtes en avance sur le député de Taillon de huit minutes.

M. Filion: Je ne veux pas embarquer dans cette course contre la montre avec le ministre.

M. Rémillard: On procède par huit. C'est quand même assez curieux.

M. Filion: Huit, c'est un chiffre magique.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Taillon.

Discussion générale

M. Filion: Quelques remarques, rapidement, sur les propos du ministre de la Justice, dont je ne doute pas de la sincérité.

Premièrement, Cour du Québec. Le ministre admettra que c'est une réforme de structures. Les avocats changent, dans leur procédure, l'entête; c'est une réorganisation administrative qui, je n'en doute pas, va probablement, en bout de piste, améliorer un peu les services aux citoyens qui pourront s'y retrouver plus facilement. Mais il ne faut quand même pas donner à cette réforme, qui est un changement de nom en même temps qu'une réforme de structures, une importance qu'elle n'a pas.

Deuxièmement, en ce qui concerne la réforme du Code de procédure pénale, je dois vous dire, M. le ministre, que je suis extrêmement déçu de voir que nous avons procédé, à l'Assemblée nationale, à l'adoption d'un nouveau Code de procédure pénale, mais cela prend une loi de mise en oeuvre. Nulle part dans vos propos n'ai-je entendu quelque parole qui pourrait être source d'espoir pour l'Opposition officielle, dans le sens que le Code de procédure pénale pourrait recevoir sa loi de mise en oeuvre. On sait que pour qu'elle soit appliquée, il faut une législation additionnelle. (11 h 15)

Le ministre a tenté de répondre à mes arguments sur le double cumul de fonctions. Je sais que le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Justice sont deux ministères différents mais il demeure que le décideur, en ultime ligne, c'est le ministre lui-même. C'est lui qui est le patron. Il faut se comprendre. C'est lui qui définit les orientations, les grands axes et c'est lui qui, dans bien des cas, décide, dossier par dossier, des mesures à prendre. J'en suis qu'il y a deux ministères, mais le cumul reste à la tête et, donc, se répercute dans l'ensemble de la machine.

Un mot sur Parthenais. On ne peut pas être plus d'accord, tout le monde, en somme. Le problème, à Parthenais, je vais vous le dire, M. le Président, c'est qu'on est plein de monde à aller le visiter, mais qu'il ne se fait rien. Je me souviens que le député de D'Arcy McGee y est allé, j'y suis allé, j'avais écrit un petit texte dans les journaux, à l'époque, là-dessus. Le ministre de la Justice est allé le visiter, probablement vous-même, M. le Président, à titre d'adjoint parlementaire. Bref, je pense qu'à Parthenais ils sont en train de se doter d'un excellent système de visites!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion: Mais, finalement, sauf erreur, grosso modo, il y a environ 375 places en cellules et il y a autour de 600 prévenus. Mon Dieu! On peut bien aller visiter tout ça, mais on se rend compte qu'ils font du camping - c'est l'expression qu'ils emploient - il y a des salles de camping, à Parthenais. On aménage ce qui devrait être des salles de récréation en salles de camping. Le monde est dans les couloirs, etc. Je pense que ça rendrait les visites plus agréables si chacun avait sa cellule. Évidemment, quand je dis "prévenu", le ministre sait fort bien - il l'a mentionné en Chambre la semaine dernière - que ça implique présomption d'innocence. Ce n'est pas drôle d'être présumé innocent, de ce temps-ci, c'est peut-être mieux d'être déclaré coupable, ce qui fait en sorte que beaucoup de plaidoyers de culpabilité sont accélérés. Les gens étouffent dans cette espèce de cage juchée, décollée du plancher des vaches. Ne nous souhaitons pas un incendie à Parthenais. Si Mme Thatcher trouve difficile de vivre Sheffield... Tous ceux qui l'ont visité vont avoir des comptes à rendre, et c'est

moins drôle un peu. Évidemment, il y a des mesures de sécurité. Si le feu prenait là-dedans, ça deviendrait une immense rôtisserie, dont les responsables auraient quelque difficulté à dormir. Je sais que ce n'est pas drôle, le ministre est sincère, mais il faut passer à l'action.

Il y a une possibilité du côté du pénitencier fédéral, m'a-t-on dit; il y a une possibilité, également, du côté de Bordeaux. La solution que je mets de l'avant, M. le ministre, coûte des sous, c'est vrai. On a déjà le terrain à Bordeaux, je suggère que vous y construisiez un centre de prévention. Cela coûte des sous, bien oui, il faudrait convaincre le Conseil du trésor. C'est une solution à moyen et à long termes; à court terme, il peut y avoir l'institut Laval, il peut y avoir Bordeaux, mais, chose certaine, il faut régler le problème.

Aide juridique. L'aide juridique, M. le ministre, je vous ai écouté attentivement, je dois vous signaler que je ne partage pas votre point de vue. Je suis conscient des préoccupations que vous soulevez quant aux gens qui font partie de ce qu'on appelle la classe moyenne, ceux qui gagnent 30 000 $ par année, comme vous le disiez tantôt, mais le problème, c'est que celui qui gagne 8892 $ par année n'est pas admissible à l'aide juridique. J'ai multiplié 171 $ par 52, j'arrive à un revenu annuel de 8892 $. Je veux bien que le Québec se dote d'un système pour venir en aide à la classe moyenne qui est impliquée dans des procédures judiciaires, mais d'abord, immédiatement, s'occuper de ceux qui gagnent 8892 $ par année. Peut-être que la réforme, à ce moment, serait moins vaste, mais, au moins, elle pourrait donner des résultats immédiats. Personnellement, M. le ministre, je dois vous dire que c'est une préoccupation qui vous honore, à l'égard de la classe moyenne, mais ma préoccupation à moi, immédiatement, n'est pas celle-là. Ma préoccupation est pour ceux qui gagnent entre 8892 $ et 30 000 $ par année - mettez le salaire à 20 000 $, peu importe - pour ceux qui sont défavorisés. Quand on dit que 171 $ par semaine, aller voir un avocat avec ça et se faire défendre adéquatement, bonne chance tout le monde!

Bref, j'inviterais le ministre, tout en conservant son objectif à long terme, à agir beaucoup plus rapidement dans ce secteur névralgique qu'est l'accessibilité à la justice. 300 000 dossiers. Tout ce que je disais tantôt, c'est uniquement de ramener les critères d'admissibilité à ce qu'ils étaient lorsqu'on a mis sur pied l'aide juridique, en 1974; cela donnerait 300 000 personnes qui auraient accès à l'aide juridique et qui ne l'ont pas aujourd'hui. Quant à moi, ma préoccupation immédiate va à ces 300 000 personnes. Si on veut régler le cas de 1 000 000 de personnes, on embrasse peut-être trop large et on repousse peut-être davantage la résolution du problème des gagne-petit, ceux qui gagnent moins. Dans ce sens-là, j'inviterais le ministre à peut-être, soit dit aimablement, un peu plus de réalisme. Je ne pense pas que le Conseil du trésor cède sous le poids d'une grosse argumentation en faveur de ceux qui gagnent 25 000 $ par année. Je pense qu'à 8892 $ il y a possibilité de passer un bel avant-midi au Conseil du trésor à le débattre et à l'obtenir.

Dossier Provigo

Ma première question, M. le Président, porte sur le dossier Provigo et sur l'impact des coupures sur le ministère. Évidemment, il y a deux théories dans ce dossier: la théorie de l'oubli, qui est un peu la théorie gouvernementale, et l'autre théorie qui voudrait qu'il puisse y avoir eu ce que le ministre nie - il faut prendre sa parole, à moins d'avoir des éléments de preuve contraire - à savoir qu'il aurait pu y avoir influence. Mais si on prend la théorie de l'oubli, M. le ministre, qui est la vôtre, celle du gouvernement, on se rend compte qu'elle ne tient pas beaucoup. Me Vallières, toujours dans Le Soleil de ce matin, nous dit: II est faux de dire que le dossier a passé deux ans à la justice; pourtant, c'était là la version du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

La question que je vous adresse bien simplement est la suivante: Étant donné l'importance d'une absence de poursuite quant à l'image de la justice et de la justice elle-même, le ministre est-il disposé à annoncer, ce matin, une enquête sur le dossier Provigo et son traitement au sein de l'appareil gouvernemental? Vous comprendrez que, lorsque les fonctionnaires se contredisent entre eux, lorsqu'on parle d'erreur dans un secteur - Mon Dieu! - tellement névralgique, tellement important, qui est tout ce secteur du droit pénal, on ne peut pas dire uniquement: Écoutez, c'est un oubli, errare humanum est, cela peut arriver. Non! Il faut être tout aussi rigoureux.

Je vais donner un exemple au ministre. Le ministre nous annonce une enquête parce qu'une personne s'est évadée du quartier général de la SQ. Mais une compagnie, une chaîne de distribution en alimentation, qui détient une marchandise impropre à l'alimentation, tout ça dans un cadre où le dossier n'est pas suivi adéquatement par le gouvernement, c'est extrêmement grave. Je demande formellement au ministre, ce matin, d'instituer une enquête sur le traitement du dossier Provigo. Encore une fois, pour soutenir ma demande, j'exprime ceci au ministre. C'est un cas qu'on connaît, celui de Provigo, mais quand M. Vallières nous dit que 55 000 dossiers sont traités par une direction de 42 personnes, alors qu'on aurait dû avoir le double de personnel, cela veut dire qu'il manque de gens au ministère de la Justice. Et s'il manque de gens au ministère de la Justice, qu'on n'intente pas les poursuites, c'est inacceptable!

Compte tenu, encore une fois, de cette admission par un haut fonctionnaire du ministère de la Justice, compte tenu également du fait - je

le signalais dans mon discours d'ouverture - que de 50000000$ à 60000000$ d'amendes sont non perçues par le gouvernement du Québec parce qu'on manque de personnel, je demande formellement au ministre de la Justice d'instituer une enquête sur le traitement du dossier Provigo et sur le traitement, de façon générale, des dossiers par l'appareil gouvernemental. J'espère que le ministre, quitte à y réfléchir quelques minutes, nous accordera cette demande qui, il en conviendra lui-même, est tout à fait raisonnable dans les circonstances parce qu'elle met en cause la confiance, une confiance déjà mince - on l'a vu tantôt avec l'étude Créatec-Le Devoir - du citoyen à l'égard de l'appareil judiciaire. Pour éviter d'accentuer cette crise de confiance de la population, il m'apparaît que cette enquête serait tout à fait raisonnable et à propos.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: M. le Président, dans toute cette discussion concernant la compagnie Provigo, je crois qu'il faut être particulièrement soucieux - je l'ai mentionné tout a l'heure - de protéger l'intégrité judiciaire. Le ministre de la Sécurité publique, comme le ministre de la Justice, doit voir à ce que l'intégrité du système judiciaire soit respectée. J'ai été informé, pour ma part, de ces événements qui ont entouré la compagnie Provigo le matin par la découpure du journal et j'ai demandé au sous-ministre de la Justice, M. Chamberland, de me faire rapport.

M. le Président, tout à l'heure, le député de Taillon mentionnait un autre dossier, celui d'hier, en ce qui regarde l'évasion de M. Charbonneau du poste de police ici, à Québec. Je peux lui dire que dans ce cas-là, au point de vue administratif, j'ai fait exactement la même chose que j'ai faite dans le cas des événements concernant la compagnie Provigo, c'est-à-dire que j'ai demandé au sous-ministre de la Sécurité publique, M. Beaudoin, qu'on me fasse rapport, qu'on demande à la Sûreté du Québec de faire rapport sur les circonstances de cette évasion. Quand j'aurai le rapport, je pourrai voir ce qui s'est passé. Si on en arrive à la conclusion qu'on doit prendre des mesures administratives ou autres pour que ces événements ne se reproduisent plus, on peut les prendre. Mais, hier, j'ai demandé qu'on me fasse rapport, comme je l'ai demandé la semaine dernière. Lorsque j'ai été informé de ces événements concernant Provigo, j'ai demandé au sous-ministre de la Justice, M. Chamberland, de me faire rapport. Il m'a fait rapport. Ce dernier est clair, net et évident. Il y a eu erreur humaine. Un procureur a fait une erreur.

Lorsque le député de Taillon disait qu'il y avait deux façons de voir cette affaire, de la voir comme une erreur administrative ou de la voir comme une ingérence politique, je sais qu'il ne retient pas la dernière possibilité parce qu'il sait que c'est complètement faux. Il est complètement faux et impossible de prétendre qu'il puisse y avoir une ingérence politique dans le domaine de l'administration de la justice en ce qui regarde les poursuites. M. le Président, pour ma part, je n'accepterai pas qu'on mette en cause l'intégrité du processus judiciaire au Québec et je sais que le député de Taillon ne l'acceptera pas non plus. Donc, on élimine cette possibilité. Il reste l'erreur qui a été faite au point de vue administratif et qui a été faite par un avocat responsable de ce dossier. C'est un dossier qui est arrivé au ministère de la Justice en décembre 1987. Il a été analysé le 3 février 1989, mais la prescription s'appliquait à partir du 6 janvier 1989.

M. Filion: II est arrivé le 3 décembre, c'est ce que vous dites.

M. Rémillard: II est arrivé en décembre 1987 et l'analyse a été faite le 3 février 1989. Il est resté sur la pile et la prescription s'appliquait le 6 janvier 1989.

M. Filion: 1989.

M. Rémillard: Toujours 1989. Donc, quand il a été analysé, il était déjà prescrit.

(11 h 30)

M. Filion: M. le ministre, combien y avait-il de dossiers dans la pile? Vous dites qu'il est resté dans la pile. Provigo est un cas qu'on connaît. C'est peut-être le dessus d'un iceberg. Vous nous dites que c'est une erreur, un oubli. C'est la théorie gouvernementale. Comme je vous le dis, il y a une autre théorie. Vous avez lu les journaux comme moi. Elle se tient debout.

Premièrement, si cela est vraiment exact, combien y a-t-il de dossiers impliqués là-dedans? Il y en a un qu'on connaît, le poisson avarié. Est-ce qu'il y avait d'autres dossiers à côté? Cela doit. Ce n'est pas juste un dossier unique. Deuxièmement, s'il est vrai que c'est la théorie de l'oubli ou de l'erreur, pourquoi ne pas faire d'enquête, à ce moment-là, qui le dira? On saura à combien de dossiers elle s'applique.

M. Rémillard: L'enquête, c'est un grand mot. Il ne faut pas exagérer non plus. S'il fallait faire des enquêtes sur tout ce qui peut causer des problèmes administratifs, on ne finirait plus d'enquêter. Il faut quand même comprendre la réalité des choses administratives. Le ministère de la Justice est un ministère qui administre des éléments importants de la vie de tous les justiciables. Nous le faisons avec un maximum de diligence. Dans ce cas-ci, une erreur administrative a été faite. Lorsque le député de Taillon a, d'une façon indirecte... Je crois comprendre qu'il se réfère toujours à une ingérence politique. Je ne sais pas si c'est la situation. Est-ce vraiment la situation? Se réfère-t-il à une possibilité d'ingérence politique?

M. Filion: Le ministre admettra avec moi que deux tonnes de poisson avarié, ce n'est pas un détail. Sauf erreur, ça fait 4000 livres de poisson avarié. Cela nourrit bien du monde et peut amener des conséquences sur la santé de bien du monde. Je connais même, dans l'histoire politique récente, un ministre au gouvernement fédéral qui a dû démissionner parce qu'à un moment donné, autour d'une affaire de poisson avarié aussi, il y avait eu négligence.

Cette erreur est extrêmement grave, M. le ministre. Quand on reçoit un billet de circulation et qu'on ne le paie pas, ce n'est pas long qu'on reçoit... On ne nous oublie pas souvent. Le commun des mortels n'est pas oublié souvent lorsqu'il stationne sa voiture à un endroit interdit. C'est toute la crédibilité de notre procédure pénale qui est en cause, finalement. Comment voulez-vous qu'on apporte la même crédibilité à notre procédure? Autour de deux tonnes de poisson avarié, vous me dites: C'est une erreur. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation nous dit: On a harcelé le ministère de la Justice. Il y a quelque chose qui ne marche plus là-dedans. Je veux bien adhérer à la théorie de l'oubli ou de l'erreur, mais encore faudrait-il que certains éléments soient éclaircis.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, il faut qu'on s'entende, au départ, sur ce qu'on discute. Si on veut discuter de cette supposée ingérence politique, on va en discuter. Je n'accepterai pas, comme ministre de la Justice, qu'on mette en cause l'intégrité de nos procureurs, de nos substituts. C'est mettre en cause l'intégrité de tout le processus judiciaire québécois.

Pour ma part, comme ministre de la Justice, M. le Président, je ne l'accepterai pas. Comment peut-on mettre en cause l'intégrité de nos procureurs qui prennent des poursuites ou celle d'un processus judiciaire dans un cas comme celui-ci, comme si on faisait face à une firme qui n'avait jamais été poursuivie, qui avait une certaine immunité de par certains liens politiques? Non seulement c'est faux et mensonger, mais c'est grave de prétendre des choses pareilles. C'est grave pour l'intégrité du système judiciaire.

Le député de Taillon, au tout début de ses remarques à cette séance sur l'étude des crédits, citait un sondage Créatec concernant la perception des Québécois et des Québécoises face à leur appareil judiciaire. Il nous le disait lui-même: C'est grave. Il faut faire attention. Des Québécois et des Québécoises peuvent percevoir avec beaucoup de nuances l'efficacité du système judiciaire. Il ne faut pas le nier, il faut y faire face. Mais j'espère que le député de Taillon va quand même réaliser que, par des critiques aussi infondées, aussi mensongères, on vient toucher au coeur même de l'intégrité de notre système judiciaire.

Je voudrais, M. le Président, une fois pour toutes, qu'on s'entende bien et qu'on mette de côté, qu'on ne parle plus de cette ingérence politique. Ce matin, dans les journaux, vous aviez un fonctionnaire responsable d'un secteur qui est venu dire: C'est une erreur administrative. Maintenant, le député de Taillon peut me poser des questions, à savoir: Comment se fait-il qu'il y ait eu une erreur administrative? Il m'a posé les questions: Combien y avait-il de dossiers sur le bureau? Pourquoi y a-t-il eu ces erreurs administratives? Je pense que ce sont des questions qu'il doit nous poser, oui, dans son travail. Par contre, il y a une question qu'il ne doit pas nous poser, si on veut respecter l'intégrité de ce système, parce qu'elle n'est pas fondée, ni de près ni de loin, en aucune façon, c'est sur l'intégrité de nos procureurs, de nos substituts qui font leur travail et je veux rendre hommage à ces gens qui font leur travail en toute Impartialité.

M. Filion: M. le ministre.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Taillon.

M. Filion: M. le Président, l'intégrité de la justice, on en est, tout le monde en est, mais on en est d'autant plus qu'une enquête peut uniquement aider à rétablir une crédibilité qui pourrait être affectée par des révélations semblables. Le ministre met de l'emphase sur l'intégrité du système judiciaire et sur le fait que les citoyens ne doivent pas en douter, j'en suis. La réalité, c'est que les citoyens en doutent dans certains cas. Voilà un événement qui risque d'accentuer leur perception. À ce moment-là, une enquête pourrait permettre de faire toute la lumière sur le dossier parce qu'il demeure, M. le ministre... Si je divise 55 000 dossiers par 42 personnes, ça fait au-dessus de 1000 dossiers par personne. C'est énorme. Si l'enquête révèle, par exemple, que c'est uniquement un manque d'effectif qui a causé cette erreur, Bon Dieu! on prendra les mesures appropriées.

Ce que je dis donc au ministre de la Justice et la demande que je reformule auprès de lui, c'est: Faites une enquête, mais partiale, la plus complète possible, pour arriver à faire toute la lumière sur cet événement et faire en sorte que ceux qui pourraient croire à autre chose qu'à la théorie de l'oubli ou de l'erreur soient convaincus du contraire parce que c'est important. Dans ce sens-là, je repose la question que j'ai posée tantôt au ministre: Combien de dossiers ont été oubliés et ont fait le sujet d'erreurs au ministère de la Justice? Le ministre a-t-il une idée maintenant? Il a dû faire une vérification. Combien de dossiers ont été prescrits, dont les poursuites n'ont pas été intentées par suite de prescription?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, des erreurs humaines, vous savez, il y en a toujours eu et je pense qu'il y en aura toujours tant que l'humain demeurera imparfait comme il l'est. Cependant, il nous appartient - c'est notre responsabilité, comme administrateurs, comme responsables de l'administration de la justice - de faire en sorte que ces erreurs humaines soient le moins nombreuses possible.

En ce qui regarde le traitement des dossiers, par exemple, nous sommes à mettre au point différents moyens qui, entre autres, en nous aidant de l'informatique, vont nous permettre de limiter considérablement les risques d'erreurs, en particulier en ce qui regarde des circonstances comme celles qu'on a vécues concernant les éléments de l'affaire Provigo. Par un système informatique adéquat, par un meilleur contrôle des dossiers aussi à la direction du service - déjà, on a un bon contrôle, on peut le renforcer - il sera possible de limiter les possibilités d'erreurs.

M. le Président, il ne faut pas qu'on me demande aujourd'hui, devant vous, de promettre qu'il n'y aura plus d'erreur. Je ne peux pas vous promettre ça. Ce que je vais vous promettre, par exemple, et ce que je peux vous dire qu'on a déjà fait, c'est que j'ai eu un rapport, parce que j'ai demandé un rapport au sous-ministre, j'ai eu ce rapport et nous allons agir en conséquence pour resserrer le liens de contrôle. Mais je ne pourrai pas vous garantir ce matin, M. le Président, qu'il n'y aura jamais une autre erreur qui pourra être faite. L'erreur est humaine. Il s'agit de faire en sorte qu'il y en ait le moins possible. Je peux vous garantir que des moyens sont pris pour qu'il y ait le moins possible de ces erreurs à l'avenir.

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

Coupures administratives

M. Filion: J'ai posé certaines questions qui n'ont pas eu de réponse. Je voudrais faire noter les chiffres suivants au ministre de la Justice: le programme 5, Administration, si on regarde les éléments 1, 2 et 3, en dollars constants de 1989 - il faut tenir compte de l'inflation, ça ne donne rien de comparer les dollars de 1985 aux dollars de 1989 - le programme a subi des coupures draconiennes de 16%. L'élément 1: 26 %; l'élément 2: 16 %; l'élément 3: 9 %. Le chiffre sur lequel je voudrais attirer l'attention du ministre, le personnel...

M. Rémillard: Peut-on savoir exactement l'endroit auquel vous vous référez?

M. Filion: Oui, programme 5, les éléments 1, 2 et 3, Administration. Je compare 1985-1986 à 1989-1990, en dollars constants.

M. Rémillard: Le programme 5, où est le tableau? J'essaie de trouver le tableau.

M. Filion: II y a un tableau, là. Mais c'est une comparaison que je fais, vous ne l'avez pas dans vos chiffres.

M. Rémillard: Pourriez-vous nous le décrire?

M. Filion: C'est une comparaison que je fais, à partir d'un calcul qu'on a fait.

M. Rémillard: Ah! c'est une comparaison! Ah bon!

M. Filion: Vous pouvez vous référer quand même aux chiffres de 1989-1990, les vôtres. Vous avez peut-être des fonctionnaires qui vous ont préparé... C'est très intéressant de comparer avec les années passées, pour voir en dollars constants. J'espère que c'est toujours en dollars constants que vous faites les comparaisons. Mais oublions les chiffres. J'ai donné les chiffres exacts. Juste pour ce qui est du personnel, M. le ministre, de l'administration au ministère de la Justice, il est passé de 475 en 1985-1986, à 346 en 1989-1990, pour une baisse de 27 % en quatre ans. J'aimerais savoir comment vous pouvez défendre ces coupures, eu égard au fait qu'à la direction du droit pénal on a 42 personnes qui s'occupent de 55 000 dossiers, il y a erreur et erreur, M. le ministre. Quand on n'a pas le nombre suffisant de personnes pour travailler, les erreurs deviennent un petit peu plus courantes. On dit: C'est une erreur. Mais si on surcharge les fonctionnaires, on n'arrive plus. Errare humanum est, mais encore faut-il que le titulaire du ministère prenne tous les moyens raisonnables pour doter son ministère des ressources humaines suffisantes pour assumer le mandat que lui ont confié !a population et le premier ministre. J'ai les chiffres: 475, en 1985-1986, à 346 en 1989-1990. Ne croyez-vous pas que les coupures, au ministère de la Justice, ont déjà rentré dans la viande et que, finalement, c'est toute l'administration que s'en ressent, comme on le voit et comme vous le dites un peu vous-même? Il y avait une pile de dossiers. C'est quand même incroyable, les dates que vous nous donniez tantôt. Une pile de dossiers. C'est du droit pénal. Bon Dieu! ce n'est quand même pas - comment dirais-je - folichon, c'est du droit pénal! C'est toute l'application de nos lois.

J'aimerais que vous puissiez réagir à ces coupures de personnel et à ces coupures de budget, eu égard au mandat du ministère de la Justice.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je veux bien apporter des réponses les plus complètes possible à l'Opposition, au député de Taillon, mais encore faut-il que je sois capable de le suivre dans ses

comparaisons. Dans nos documents, j'ai de la difficulté... Il cite ses propres tableaux, se réfère au tableau que je peux avoir ici, dans mes documents...

M. Filion: Écoutez... Le nombre de personnel. (11 h 45)

M. Rémillard: J'ai un petit peu de difficulté, mais voici ce que Je peux lui dire. Tout d'abord, il faut bien comprendre qu'il y a eu, au ministère de la Justice, une scission qui s'est faite, à un moment donné, et qui a fait qu'on a créé un ministère de la Sécurité publique. Donc, il y a eu, à un moment donné, une perte de personnel qui est passé du ministère de la Justice au ministère de la Sécurité publique. Il ne faudait quand même pas mélanger les choses. C'est évident, lorsque vous avez un seul ministère et que vous en créez deux, c'est parce que vous avez pris du personnel à un certain niveau d'un ministère pour certaines fins et que vous l'avez mis dans l'autre ministère. Première des choses, il faut comprendre que d'un seul ministère on a créé deux ministères.

Deuxième des choses, on a dit qu'on avait fait des réaménagements administratifs en fonction des compressions budgétaires qui sont appliquées à l'ensemble du gouvernement pour couper de plus de la moitié le déficit budgétaire énorme dont on a hérité en 1985. Dans ce contexte-là, M. le Président, il y a eu des compressions budgétaires dans certains postes, oui, mais jamais au détriment de la qualité du service que l'on doit rendre.

M. le Président, il se peut fort bien qu'on soit arrivés maintenant à un stade où il n'est pas possible d'aller plus loin dans nos coupures. C'est arrivé à mon sens, de par l'évaluation que je fais avec mes gens, de dire: Écoutez, on est arrivés à ça. Il y avait du gras; il a été enlevé. Il y a eu de l'administration de la justice qui s'est faite d'une façon peut-être plus aménagée sur certains points, en fonction de certaines priorités qu'on a déterminées, mais on peut dire que, maintenant, notre vitesse de croisière, on peut la prendre en fonction d'un réel équilibre entre les ressources que nous devons avoir et les objectifs que nous avons, en fonction des besoins que nous avons déterminés.

Or, M. le Président, il y a quand même eu 128 postes qui ont été transférés du ministère de la Justice au ministère de la Sécurité publique lorsqu'il y a eu la scission ce qui a amené la création de deux ministères. Or, je crois que ça donne une réponse à la question du député de Taillon.

M. Filion: Juste une dernière question sur Provigo. Selon les dates que vous nous avez données tantôt - je m'excuse, j'aurais dû les prendre en note la première fois - le dossier est arrivé au ministère de la Justice en 1987.

M. Rémillard: Alors, le dossier est arrivé au ministère de la Justice, d'après une note qu'on me donne ici, en décembre 1987. On me mentionne qu'il a été analysé le 3 février 1989 et que la prescription s'appliquait à partir du 6 janvier 1989. Donc, en conclusion, cela veut dire qu'au moment où il a été analysé il était déjà prescrit. En fait, ce qui s'est passé... Je peux vous dire que c'est arrivé au ministère de la Justice, mais il ne faut pas penser qu'il y a seulement les avocats du ministère de la Justice qui peuvent faire une erreur semblable. Le député de Taillon est un avocat et il sait très bien que cela peut arriver dans les meilleurs bureaux d'avocats qu'à un moment donné on se fasse jouer et qu'une action soit prescrite parce qu'on a oublié de prendre l'action ou quelque chose s'est passé.

Alors, M. le Président, en terminant je voudrais dire ceci: Lorsqu'on parle d'aménagements administratifs et de compressions budgétaires qu'on a faits, je veux bien dire au député de Taillon qu'il n'y a pas eu de coupure d'effectif parmi les procureurs qui étudient les plaintes. On n'a pas fait de coupure dans ce sens.

M. Filion: Entre 1985 et 1989?

M. Rémillard: Depuis 1986, on n'a pas fait de coupure d'effectif parmi les procureurs qui étudient les plaintes.

M. Filion: J'aimerais avoir 1985-1986. Une question précise: Combien de dossiers ont vu leur poursuite prescrite? Combien y en a-t-il dans les piles qui ont été étudiés un an plus tard? On sait qu'il y a de courtes prescriptions. La prescription dans le cas de Provigo, c'était une prescription de deux ans.

M. Rémillard: De deux ans.

M. Filion: On dit, en général, qu'en droit pénal la prescription est de deux ans. Alors, ce ne sont pas de longues prescriptions, ce sont d'assez courtes prescriptions. Combien de dossiers ont été prescrits, M. le ministre?

M. Rémillard: M. le Président, on ne m'a rapporté aucun autre cas de prescription. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en aurait pas eu et je ne voudrais pas induire l'Opposition en erreur mais, pour ma part, et aussi pour ce qui regarde le sous-ministre qui m'accompage aujourd'hui ou d'autres fonctionnaires ici avec nous, on n'a pas d'autre cas. Je voudrais dire qu'une situation comme celle-là est hautement exceptionnelle. Ce que je veux dire, c'est que c'est une erreur humaine qui n'est pas à ce point exceptionnelle qu'elle ne se produit pas ailleurs et d'autres avocats qui pratiquent dans les bureaux les plus éminents auront aussi, des fois, à composer avec une telle situation. Il faut bien comprendre qu'il ne faudrait pas lancer la première pierre à qui

que ce soit. L'importance du geste est là et je ne veux pas le minimiser, mais on doit le situer dans sa perspective réelle.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Taillon.

M. Filion: M. le ministre, peut-être qu'on peut se comprendre. S'il s'agit d'un oubli, d'une erreur, est-ce que le ministre ne croit pas qu'à ce moment-là, finalement, c'est la pointe d'un iceberg? Il est rare qu'un dossier soit porté à la connaissance du public. Dans ce cas-ci, un journaliste s'est intéressé au dossier, ce qui fait en sorte que nous en sommes informés. Vous nous dites: C'est une erreur, c'est un oubli. Par contre, on sait - M. Vallières l'admet - qu'il y a 55 000 dossiers pour 42 personnes. Je vous pose la question: Combien y a-t-il eu d'autres dossiers qui ont été prescrits? Vous me dites: Écoutez, c'est le seul qui a été porté à ma connaissance. Sûrement, mais est-ce que vous ne croyez pas, juste logiquement, qu'on peut quand même en déduire que ce dossier, s'il n'a pas fait l'objet d'un traitement particulier, comme vous le dites, ferait partie d'un lot de dossiers ou d'un tas d'autres dossiers qui auraient vu leur analyse reportée d'un an?

Les ministères sectoriels qui vous envoient un dossier prennent un certain temps à monter leur dossier, leur preuve, leurs éléments de preuve, le contentieux du ministère analyse sûrement la possibilité d'une poursuite; ça prend un certain temps et ça arrive au ministère de la Justice. Avec les chiffres que vous nous donnez, ça a pris, sauf erreur, treize mois pour analyser ce dossier. On peut, juste logiquement, sans être spécialiste en administration gouvernementale, se dire: Cela a pris treize mois pour étudier ce dossier, ça a pris treize mois pour étudier d'autres dossiers et, comme il est fort possible qu'une période de onze mois s'écoule au ministère sectoriel, on ne peut pas faire autrement que d'en arriver à la possibilité que c'est un oubli ou une erreur; c'est un oubli ou une erreur qui est plus vaste et, en somme, le dossier Provigo pourrait être la pointe d'un iceberg important. Tout cela fait en sorte que l'Opposition officielle vous demande de faire une enquête, que vous nous refusez. Vous faites allusion au rapport de votre sous-ministre, mais il faudrait faire une enquête impartiale pour faire la lumière.

Je ne sais pas si vous me comprenez, c'est uniquement par déduction que j'en arrive à cette conclusion dans le cas de l'oubli ou de l'erreur.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je ne sais pas si, de fait, je saisis bien les propos du député de Taillon. Tout à l'heure, lorsque je disais que je n'étais pas informé que d'autres situations semblables auraient pu se produire, je disais aussi que je suis accompagné du sous-ministre en titre au ministère de la Justice, M. Chamberland, que je suis aussi accompagné, ce matin, du sous-ministre associé aux affaires criminelles et pénales, M. Michel Bouchard, et que ces gens sont en mesure de me dire qu'ils ne sont pas informés non plus, selon leur appareil administratif, d'autres cas semblables. Si le député de Taillon veut essayer de nous dire que nous n'avons pas des procureurs de bonne qualité, que les gens ne font pas leur travail, je dois lui dire que c'est faux. Les procureurs du ministère de la Justice, en ce qui regarde les affaires criminelles et pénales comme en ce qui regarde tous les autres domaines, font un travail remarquable. Depuis 1986, nous avons engagé au moins 40 nouveaux procureurs en ce qui regarde les affaires criminelles et pénales. Comme je l'ai mentionné plus tôt, je veux le mentionner à nouveau, M. le Président, je veux rendre hommage à ces procureurs qui font un travail remarquable, un travail dont nous pouvons être fiers. Je n'ai pas, ni de proche ni de loin, à me soucier ni de l'intégrité ni de la compétence de ces avocats et de ces avocates qui font un travail remarquable pour l'État.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Taillon.

Mandats confiés aux avocats de pratique privée

M. Filion: Cela va. Je voudrais adresser ma prochaine question au ministre relativement aux relevés des mandats confiés aux avocats de la pratique privée par le ministère de la Justice ou par un organisme sous sa responsabilité, entre le 1er avril 1988 et le 31 mars 1989. Je les ai, je ne sais pas si vous retracez ça.

Le Président (M. Dauphin): A quelle page?

M. Filion: Cela dépend quel livre vous avez. Aux pages 127 et suivantes du cahier bleu.

Je ne sais pas si le ministre a un autre document.

M. Rémillard: Vous dites aux pages 127...

M. Filion: C'est la numérotation qui nous est donnée à nous. Il s'agit du relevé des mandats confiés aux avocats de la pratique privée par le ministère de la Justice ou par un organisme sous sa responsabilité entre le 1er avril 1988 et le 31 mars 1989. Il y a des honoraires et déboursés approuvés ou payés durant cette période. M. le ministre, avez-vous le document?

M. Rémillard: Oui.

M. Filion: Outre Me Atkinson, sur lequel je poserai une question plus tard, qui a préparé un avis juridique concernant la nature et l'étendue des pouvoirs de la présidente de la Commission de protection de la langue française dans le cas des articles 162 et 167 de la Charte de la langue française, j'ai relevé, et vous pourrez me corriger, les avocats suivants qui ont agi sur mandat dans le dossier de la langue d'affichage public et de publicité commerciale. D'abord, Me Gérald A. Beaudoin, pour un montant total de 750 $; Me Décary, pour un montant total de 13 127 $; Me Louis-Philippe de Grandpré, qu'on retrouve dans l'autre série un peu plus loin; on connaît le tarif horaire de 250 $, mais on ne connaît pas le montant complet. Me Jules Deschesnes... Je tiens à signaler immédiatement qu'il s'agit tous de juristes éminents et dont la compétence ne doit en aucun cas être interprétée directement ou indirectement par mes propos comme devant être mise de côté, etc. On peut même signaler, en passant, la qualité de la brochette de juristes qui ont oeuvré pour préparer des opinions juridiques en matière d'affichage public au Québec. Rarement aura-t-on vu pareil assemblage de cerveaux expérimentés et reconnus, dont les avis juridiques n'ont malheureusement pas paru beaucoup ébranler le gouvernement qui a abouti à la loi 178. Quel fiasco! Mais continuons. Me Jules Deschesnes, au tarif de 250 $ l'heure. Me René Dussault, au tarif de 400 $ par jour. Me Yves Pratte, page 137, au tarif horaire de 250 $.

Ces juristes ont reçu des mandats, si on excepte Me Décary, qui a probablement assumé la représentation du Procureur général devant la Cour suprême...

M. Rémillard: Michel Décary. M. Filion: C'est ça.

M. Rémillard: Me Michel Décarie, ancien sous-ministre associé à la Justice.

(12 heures)

M. Filion: C'est Me Michel Décary, oui. Ah! lui aussi! D'accord. Tant mieux, parce que j'avais confondu... Me Robert Décary, semble-t-il... Mais Me Michel Décary, lui aussi, ancien sous-ministre à la Justice et éminent juriste, juriste, a exécuté des travaux juridiques en matière d'affichage public. Donc, tous ces personnages, Me Beaudoin, Me Décary, Me de Grandpré, Me Deschesnes, Me Dussault et Me Pratte, ont agi dans le dossier de l'affichage public. Je voudrais savoir du ministre quels sont les montants respectifs et le total des sommes qui ont été versées pour ces opinions juridiques?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, une première remarque. Le député de Taillon verra, dans ce tableau, qu'il y a un montant de mentionné en ce qui regarde le total des honoraires payés, lorsque ça relève du ministère de la Justice. Lorsque ça relevait d'autres ministères - tantôt il mentionnait Me Pratte, de regrettée mémoire - il n'y a pas de montant de mentionné, parce que ce n'est pas la Justice qui devait payer les frais, alors ce n'est pas nous qui avons demandé les services de Me Pratte ni qui les avons payés. Cependant, comme vous le savez, c'est par le ministère de la Justice que doivent transiter toutes les demandes d'opinions juridiques à ce niveau. Dans ce contexte, en ce qui regarde strictement les questions constitutionnelles, qu'elles regardent la langue ou pas, vous savez à quel point le gouvernement du Québec est soucieux d'avoir le maximum d'expertise des meilleurs juristes possible, pour protéger adéquatement les droits du Québec. Il ne s'agit pas pour nous de céder des droits, mais bien d'en récupérer et de pouvoir les exprimer aussi dans leur juste perspective, en fonction de la réalité québécoise, quand on parle de la langue en particulier.

Dans ce cas, le député de Taillon a souligné, à juste titre, la qualité des juristes qui ont eu à donner des avis au ministère de la Justice ou à d'autres ministères, concernant ces questions constitutionnelles ou concernant aussi les questions de langue, que ce soit Me Michel Décary ou que ce soit Me Gérald Beaudoin, maintenant sénateur et éminent constitutionnaliste; que ce soit M. Atkinson, qui est un avocat de grand renom en ce qui regarde les...

M. Filion: Me Atkinson n'a pas agi dans ce dossier. Me Atkinson, c'est dans un autre dossier...

M. Rémillard: Autre chose.

M. Filion: ...qui y est peut-être relié, je ne le sais pas.

M. Rémillard: Oui, une autre chose, peut-être reliée sous certains aspects, mais pas directement. Tous ces avocats et avocates ont donné leur expertise au ministère de la Justice, dans certains cas, et, dans d'autres cas, à d'autres ministères, mais ça a transité par le ministère de la Justice.

M. Filion: Juste pour que soit très clair, le ministre de la Justice aurait dû comprendre de mes avant-propos que ce n'est pas un blâme au gouvernement ou au ministre de la Justice d'engager les meilleurs juristes pour l'éclairer dans l'appréciation d'un jugement et dans la préparation d'une loi. Pas du tout. Ma question au ministre de la Justice portait sur le total des sommes qui ont été allouées à ces six juristes pour leurs travaux. À ce moment-ci, le ministre ne peut pas me répondre, semble-t-il, en ce qui concerne les autres ministères. Est-ce que lui ou un de ses fonctionnaires pourrait faire des

démarches afin que nous puissions avoir réponse à cette question qui est fort précise et fort d'actualité? Encore une fois, la compétence des avocats, il n'y a aucun doute là-dessus. Je l'ai souligné moi-même, rarement a-t-on vu pareille brochette de juristes réunis. Il en manque quelques-uns, il y en a qui sont derrière le ministre, alors ceux-là reçoivent des honoraires systématisés et, dans certains cas, un peu moins élevés. Donc, est-ce qu'il serait possible, M. le ministre, d'avoir le total des sommes?

La remarque que je faisais tantôt ne s'appliquait que pour la loi elle-même. On comprendra que pour le fiasco que constituait la loi 178 le gouvernement, on peut le conclure, était très bien assisté dans ses réflexions d'ordre juridique, mais dans ses décisions de nature politique, la loi 178 - on ne reprendra pas le débat - quant à nous, c'est évidemment une faillite monumentale. On reviendra là-dessus. J'ai d'autres questions. Ma question était précise, sur les honoraires.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, en ce qui regarde la question linguistique, le député de Taillon dit qu'il va y revenir et je voudrais absolument qu'il y revienne. Vous savez, on est peut-être ici dans un contexte qui pourrait bien se prêter à une étude. J'ai salué, au début de mon intervention de ce matin, les grandes qualités de juriste du député de Taillon. Je serais prêt, M. le Président, à ce qu'on s'assoie, qu'on prenne la loi 178, qu'on regarde les anciens articles de la loi 101 qu'on a modifiés, qu'on regarde cela ensemble, qu'on en fasse l'étude juridique ensemble. Je peux regarder cela cet après-midi; en revenant, je suis prêt à faire cela, qu'on regarde l'article 60 de la loi 101, qu'on regarde les articles correspondants qui ont modifié l'article 60 dans la loi 178.

Le député de Taillon nous dit que c'est une mauvaise loi. Je peux l'assurer, et on va le voir juridiquement, que c'est une loi qui était une juste solution à la situation en respect des droits des Québécoises et Québécois de vivre en français et en respect de la minorité anglophone qui a des droits et qu'on doit respecter. Je suis prêt à m'asseoir cet après-midi, en revenant, prendre nos lois et, étape par étape, on va regarder cela. Je suis prêt à cela, en n'importe quel temps, cela me fera un grand plaisir de faire cela.

En ce qui regarde la demande du député de Taillon, il comprendra très bien que je peux lui faire la somme des montants qu'il voit sur le tableau et qui ont été payés par le ministère de la Justice. Mais en ce qui regarde les autres ministères, je dois simplement lui dire de demander à mes collègues, lors de l'étude des crédits, de lui dire combien d'argent ils ont dépensé.

M. Filion: M. le ministre.

M. Rémillard: C'est la façon de procéder... M. Filion: Oui.

M. Rémillard: ...et je pense qu'il devrait le faire de cette façon.

M. Filion: M. le ministre.

M. Rémillard: Quant à moi, il me fera un grand plaisir d'additionner les chiffres qu'il voit et de lui donner le montant total que le ministère de la Justice a pu payer en opinions juridiques concernant la protection des droits du Québec, en particulier en ce qui regarde la langue.

M. Filion: M. le ministre.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Taillon.

M. Filion: C'est vous qui avez accordé le mandat, c'est vous qui avez signé le mandat à ces procureurs. Je comprends que le chèque peut être émis pour différentes raisons par un ministère sectoriel. Ce que je vous demande... De toute façon, les contentieux des ministères sectoriels relèvent, en l'occurrence, du ministre responsable de la Charte de la langue française à l'époque, le député de Rosemont. Je pense que ce que je vous demande relève de la plus simple transparence. Je suis convaincu que cet exercice parce que... Vous savez, pour l'étude des crédits, nous, on reçoit ce document à quelques jours d'avis. Je vais vous donner un exemple: les crédits des Affaires culturelles ont déjà eu lieu. Alors, on ne peut pas demander à votre collègue...

M. Rémillard: M. le Président.

M. Filion: À ce moment-là, je pense que ce que je demande est simple et relève d'une transparence qui, j'en suis sûr d'ailleurs, doit vous honorer.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Je comprends très bien que ce n'est pas toujours facile pour l'Opposition avec tous ses documents administratifs, elle en a beaucoup à faire, je comprends très bien cela. D'autre part, je voudrais que le député de Taillon comprenne aussi que je ne veux pas créer de précédent comme ministre de la Justice et donner des chiffres qui n'ont pas été des dépenses du ministère, mais qui ont été les dépenses d'un autre ministère. Dans ce cas-ci, il ne s'agit pas de contentieux, il ne s'agit pas d'éléments de contentieux qui auraient pu être utilisés par des avocats du ministère de la Justice qui sont en

poste dans d'autres ministères. Cependant, considérant qu'il ne s'agit pas de faire de précédent d'aucune façon, considérant aussi que c'est un maximum, je pense, de trois mandats, à vérifier...

M. Filion: II y en a six; il y en a quatre dont on n'a pas les chiffres.

M. Rémillard: Bon. Alors, il me fera un très grand plaisir...

M. Filion: II y en a deux dont on a les chiffres, quatre dont on n'a pas les chiffres.

M. Rémillard: ...de pouvoir faire la somme, en prenant les informations dans les autres ministères, des honoraires qui ont été versés à quelques-uns des plus éminents juristes du Québec pour le respect des droits du Québec.

M. Filion: M. le ministre, on m'informe - vous me corrigerez - que la demande au Conseil du trésor pour le paiement des honoraires des avocats dont vous êtes le mandant, finalement... Ce que je demande, ce n'est pas sorcier. Je demande au mandant de rendre compte...

M. Rémillard: Non, ce que vous demandez...

M. Filion: Et on m'informe que les demandes adressées au Conseil du trésor viennent du ministère de la Justice.

M. Rémillard: Oui.

M. Filion: Donc, ces chiffres sont probablement connus au moment où on se parle.

M. Rémillard: II faut bien se comprendre. Il est vrai que c'est nous qui allons au Conseil du trésor, surtout quand il s'agit d'une dérogation où nous avons à faire fixer le taux horaire qui dépasse 100 $, parce que c'est la norme du Conseil du trésor. Si ça dépasse 100 $, nous devons aller au Conseil du trésor pour demander la dérogation. Cependant, on n'est pas au courant ensuite des honoraires qui sont versés à l'avocat, mais je peux dire au député de Taillon qu'on s'entend sur un point. Je ne veux pas créer de précédent. Je ne veux pas créer de précédent qu'un ministre prenne l'engagement de dévoiler des sommes d'argent qui relèvent de l'administration d'un autre ministère. Si on s'entend pour dire qu'il n'y a pas de précédent, pour rendre service, pour essayer de donner une réponse la plus complète possible, prenant en considération les éléments que j'ai mentionnés tout à l'heure, ça me fera un très grand plaisir de le demander à nos gens. Je sais que le sous-ministre se fera un grand plaisir de chercher cette information et de vous la communiquer le plus tôt possible.

M. Filion: Peut-être cet après-midi, peut-être en début de séance cet après-midi.

M. Rémillard: Autant que faire se peut!

M. Filion: Ce sont des chiffres qui sont connus. Savez-vous que les ministères sectoriels nous renvoient au ministère de la Justice? Ce dernier nous renvoit au ministère sectoriel. Il faudrait que ça arrête à un moment donné. On n'a pas la chance, on n'a pas beaucoup d'occasions de passer une couple d'heures ensemble pour...

M. Rémillard: Je peux vous assurer qu'on va le faire. On ne veut pas créer de précédent, on va le faire et je vais essayer de le faire le plus tôt possible. Je ne peux vous assurer que cela va être fait cet après-midi mais, là encore, je peux vous dire que j'ai bien confiance en mes gens et, si on dit le plus tôt possible, on va essayer de le faire le plus tôt possible. Maintenant, si ce n'est pas possible cet après-midi, ce ne sera pas possible.

M. Filion: J'apprécierais beaucoup pour que cet exercice parlementaire et démocratique que constitue l'étude des crédits ait un sens, j'aimerais l'avoir au début de l'après-midi pour pouvoir, s'il y a lieu, intervenir en posant d'autres questions.

M. Rémillard: Je peux dire au député de Taillon, M. le Président, qu'on n'a certainement rien à cacher dans ce domaine, bien au contraire. Je pense qu'on va simplement démontrer que, lorsqu'il s'agit des lois du Québec, le gouvernement ne néglige rien pour avoir toutes les expertises.

M. Filion: Et encore une fois, c'est très bien, mais je pense que c'est important de savoir aussi combien cet exercice a coûté au total.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Taillon.

Contraventions à la Charte de la langue française

M. Filion: Donc, si c'est possible, au début de l'après-midi. On va traiter de la loi 178 peut-être un peu plus tard lors de l'étude des crédits. J'aimerais savoir du ministre de la Justice, eu égard à la page 117 de notre cahier bleu et à la page 116, s'il est bien exact qu'entre le 22 décembre 1988 et aujourd'hui, en tout cas du mois d'avril, le Procureur général du Québec n'a reçu de la Commission de protection de la langue française que trois dossiers? Je voudrais aussi savoir combien de poursuites ont été intentées en vertu des dispositions de la Charte de la

langue française eu égard à l'affichage depuis le 22 décembre 1988?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, pendant qu'on vérifie les chiffres très attentivement, je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler comment le processus des plaintes s'effectue en ce qui regarde la langue française, l'application de la loi 101. (12 h 15)

Dans ce contexte, M. le Président, on sait que la Commission de protection de la langue française a des inspecteurs qui vérifient la légalité de certains éléments de publicité ou en ce qui regarde - peu importe - l'utilisation de la langue française, vérifient leur conformité avec la loi 101, peuvent en discuter avec les contrevenants s'ils en arrivent à la conclusion qu'il y a contravention aux dispositions de la loi. S'il n'y a pas réparation, ils vont s'adresser au ministère de la Justice et vont voir un procureur. C'est le procureur qui décide de poursuivre ou pas. Tout comme dans les autres cas, c'est le policier, celui qui a fait enquête qui vient voir le procureur, dans ce cas-ci, c'est l'enquêteur qui vient voir le procureur au ministère de la Justice et qui décide de prendre poursuite ou pas. Encore là, je veux mentionner que ni de proche, ni de loin, le politique n'est mêlé à la décision de poursuivre ou de ne pas poursuivre en fonction de la loi 101. Tout se passe en fonction des procureurs du ministère de la Justice.

M. Filion: Est-ce que ce sont les mêmes procureurs desquels Me Vallières nous disait qu'ils sont 42 à traiter 55 000 dossiers? Est-ce qu'il y a des procureurs différents pour s'occuper de ces dossiers ou si on parle toujours de ces procureurs disponibles à la Commission de protection de la langue française, mais sous réserve des milliers de dossiers et plus qu'ils ont sur leur bureau ou autour?

M. Rémillard: En ce qui regarde la langue, comme dans tout autre cas où il s'agit de prendre des poursuites en fonction du non-respect d'une loi, iI est important de garantir la plus grande objectivité, la plus grande impartialité, donc, de se référer au processus judiciaire tel qu'il existe dans notre système...

M. Filion: Actuel.

M. Rémillard: ...démocratique. À partir de là, c'est la Direction générale des affaires criminelles et pénales, une direction qui, depuis 1986, a reçu un peu plus de 40 nouveaux procureurs qui sont venus s'ajouter.

M. Filion: II y en a combien au total?

M. Rémillard: Au total, je pourrais vous donner des chiffres. De fait...

M. Filion: Je ne parle pas des procureurs de la couronne, je parle de droit pénal, au bureau de Me Vallières. Je ne parie pas des procureurs de la couronne qui oeuvrent dans les palais de justice, je parie de la direction des affaires pénales du ministère de la Justice, là où sont traités les dossiers de Provigo, ceux de la Commission de protection de la langue française, des dossiers qui viennent de tous les ministères sectoriels et qui ont trait au respect des lois québécoises.

M. Rémillard: Je pourrai faire les vérifications, M. le Président, pour savoir exactement combien...

M. Filion: Me Vallières...

M. Rémillard: ...il y a de gens sur l'ensemble. Il faut aussi prendre en considération les avocats qui sont en place dans les régions. On m'informe qu'il faudrait faire des vérifications pour savoir exactement combien. Mais on me dit bien que les chiffres sont exacts, c'est trois.

M. Filion: Vous avez reçu trois dossiers comme Procureur général, depuis le 22 décembre 1988 à aujourd'hui, relativement à la Charte de fa langue française ou uniquement sur l'affichage?

M. Rémillard: En fonction de la loi 101, pas de la loi 178. Pour tous les éléments que nous retrouvons dans la loi 178, qui est venue modifier la loi 101, il n'y a jusqu'à présent aucun dossier qui a été ouvert. Vous savez, M. le Président, que c'est important de noter...

M. Filion: Donc, les trois...

M. Rémillard: Si vous me permettez de compléter ma réponse, c'est important de noter que la loi 178 est venue changer la loi 101, en ce qui regarde aussi l'article 60 qui permettait à plus de 69 % des commerces au Québec d'afficher en anglais et en français, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, en utilisant les fenêtres, au détriment des droits de tout le monde. Nos amis anglophones ne savaient pas comment procéder et les francophones faisaient face à une situation aussi intolérable. Alors, on a éliminé cet article 60 de la loi 101. Mais il est quand même curieux de noter, M. le Président, que pendant les quelque dix ans d'existence de cet article 60 dans la loi 101 il n'y a jamais eu une poursuite qui a été prise. On a changé cet article 60 avec la loi 178 et il n'y a encore aucune poursuite qui a été prise depuis ces quelques mois.

M. Filion: Pour se comprendre, comme Procureur général du Québec, vous avez reçu, depuis le 22 décembre 1988, trois dossiers de la

Commission de protection de la langue française, est-ce que c'est ça?

M. Rémillard: Ce sont les services des affaires criminelles et pénales...

M. Filion: Pas vous.

M. Rémillard: ...qui les ont reçus. Ce n'est pas le Procureur général.

M. Filion: Non, non.

M. Rémillard: C'est important quand même. Je sais que vous faites la distinction.

M. Filion: Son substitut.

M. Rémillard: Mais il y a peut-être des gens qui pourraient lire ensuite nos propos... Je voudrais bien qu'on s'entende. Pour moi, c'est un point très important qu'on réalise bien que le système qui nous amène à porter plainte devant les tribunaux est un système qui est fondé sur l'objectivité, l'impartialité et qu'il n'a rien à faire avec l'aspect politique, ni de proche ni de loin. Maintenant, comme Procureur général, je n'ai rien à faire avec l'aspect politique non plus, parce que, même au Conseil des ministres, j'ai une situation tout à fait particulière, je n'ai pas à parler - je n'ai même pas le droit de le faire - de poursuites au Conseil des ministres. Il y a quand même une distinction qui est là. Mais en ce qui regarde ces plaintes je veux quand même insister sur le fait qu'elles sont traitées, tant à la Commission de protection de la langue française qu'au ministère de la Justice, par les substituts, comme cela se fait pour toute autre plainte sur le respect de nos lois.

M. Filion: Le ministre est vraiment sur la défensive ce matin. Jamais...

M. Rémillard: Je suis sur la précision.

M. Filion: Jamais je n'ai évoqué quoi que ce soit, je sais bien, et tout le monde le sait un petit peu, dans cette enceinte, que le Procureur général a des substituts. Je pense qu'on sait cela. Donc, il y a trois dossiers qui ont été reçus par le bureau du Procureur général. Est-ce que ces trois dossiers ont trait à l'affichage?

M. Rémillard: Je vais m'en informer, M. le Président. Si vous permettez que je me réfère quelques instants aux gens qui sont en contact avec... Alors, on me dit que, cet après-midi, je pourrai être en mesure de répondre à cette question.

M. Filion: Combien y a-t-il eu de poursuites d'intentées, de déposées, à la suite de la réception de ces trois dossiers depuis décembre 1988?

M. Rémillard: Alors, ce sont trois dossiers qui sont sous étude, M. le Président. Donc, il n'y a eu aucune poursuite de prise jusqu'à maintenant. Est-ce que le député de Taillon voudrait que je lui confirme aussi les poursuites qui ont pu être prises en fonction de l'ancien article 60 de la loi 101, pour compléter son information?

M. Filion: Vous l'avez dit tantôt.

M. Rémillard: Je pourrais le vérifier pour être plus certain, de façon plus exacte.

M. Filion: Cela va, je n'ai pas posé de question là-dessus.

M. Rémillard: Je pourrais vous revenir cet après-midi avec cela, si vous le voulez.

M. Filion: Je n'ai pas posé de question à ce sujet, mais je laisse parler le ministre.

M. Rémillard: On veut vraiment vous donner des réponses plus complètes. Vous savez mon souci de vous donner les réponses les plus complètes possible, et je ne voudrais pas vous laisser dans le doute. Alors, je reviendrai avec les chiffres exacts en ce qui regarde l'application de l'ancien article 60 de la loi 101, qui a été changé par la loi 178.

M. Filion: Donc, pour comprendre, il y a la Direction générale des affaires criminelles et pénales, c'est le programme 9. Vous disiez qu'il y a 40 personnes de plus, je pense que cela touchait plus les procureurs de la couronne. J'attire votre attention sur le cahier bleu, le cahier explicatif des crédits, au programme 9, page 4, sur une petite note qui dit que le programme voit son effectif diminuer de dix postes. Je pense que la charge de travail, dans ces bureaux, qui était déjà d'un millier et quelques centaines de dossiers par avocat, va juste croître d'autant. On est à la Direction générale des affaires criminelles et pénales. Peut-être que cela aide le ministre un peu.

M. Rémillard: Ce que je peux dire, M. le Président, c'est que les coupures ont été faites parmi les employés du personnel de bureau, et non pas chez les substituts du Procureur général. Le nombre de substituts a augmenté, alors que le personnel de bureau, de fait, a subi quelques compressions.

M. Filion: Cela doit aider, de temps en temps, un bon adjoint qui attire notre attention sur un dossier dont la prescription pourrait peut-être s'acquérir, ou aider à mettre sur pied un système comme il en existe dans les bureaux d'avocats, auquel vous faisiez allusion tantôt, un système de vérification de la prescription. Ces avocats sont pas mal occupés.

Est-ce que vous pouvez, M. le ministre,

m'expliquer pourquoi le Procureur général n'a reçu que trois dossiers? Peut-être que vous ne l'avez pas la réponse. Peut-être que je vais l'avoir la semaine prochaine quand je vais interroger votre collègue, le ministre de l'Éducation, qui lui aussi a toute une série de chapeaux dans sa garde-robe. Mais avez-vous une explication ou pas du tout?

M. Rémillard: Simplement, je me permets d'Insister de nouveau, M. le Président, les dossiers nous sont acheminés par la Commission de protection de la langue française. Donc, les substituts du Procureur général font leur travail; quand les dossiers arrivent, on les étudie. S'il n'y a pas de dossiers, on n'a pas besoin de les étudier. Quand il y en a, on les étudie. Là, iI y en a trois, ils sont sous étude.

M. Filion: Mais comme Procureur général, à un moment donné, il vous arrive sûrement de vérifier l'ensemble des opérations du ministère et de voir: Mon Dieu! il se passe peut-être quelque chose dans ce secteur-là! On va vérifier. Si je comprends bien, cela n'a pas été le cas d'une façon particulière.

M. Rémillard: Vous savez, c'est très important. Vous avez insisté vous-même sur la distinction entre l'enquête - quand vous avez fait référence à mes chapeaux - et la poursuite. C'est vraiment important de protéger cela et vous avez raison d'insister sur cet aspect-là. Il y a des gens qui font enquête et des gens qui décident de poursuivre et il faut qu'il y ait distinction entre ces deux fonctions. Dans ce cas-ci, cette distinction est vraiment, encore une fois, étanche puisque c'est la commission qui fait enquête et c'est le ministère de la Justice, par les substituts du Procureur général, qui décide de prendre action ou pas. Alors, vraiment, vous avez là la distinction des deux rôles et c'est essentiel pour la protection de nos droits et de nos libertés en ce qui regarde notre système judiciaire.

M. Filion: Je fais remarquer au ministre ceci: depuis le 22 décembre 1988, comme Procureur général, il a reçu trois dossiers. On va prendre une année du gouvernement libéral: l'année 1988. Je ne parlerai pas des années 1981, 1982, 1983 et 1984, etc., mais j'ai tous les chiffres disponibles. Je vais prendre une année basse: en 1988, il y a eu 122 dossiers reçus par le Procureur général et, là, il y en a 3 pour presque le tiers de l'année. Je soumets ça au ministre.

Je n'ai pas d'autre question sur ce secteur-là. Je voudrais peut-être... On file jusqu'à quelle heure, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): L'avis du leader en Chambre c'était jusqu'à 13 heures. Maintenant, est-ce qu'on se rend jusqu'à 13 heures?

M. Filion: On recommence à quelle heure?

Le Président (M. Dauphin): Après les affaires courantes, après la période de questions.

M. Filion: Alors, filons, à ce moment-là, M. le Président, allons jusqu'à 13 heures.

M. Rémillard: Filons, Filion. Ô mon navire!

Le Président (M. Dauphin): Continuons jusqu'à 13 heures.

M. Rémillard: Dans quel bateau nous embarque-t-il?

Magistrature

M. Filion: Après ces précisions, dont certaines sont en suspens, apportées par le ministre, j'aimerais l'interroger sur toute une série de dossiers particuliers en essayant de suivre un peu les programmes. Dans le programme 1, élément 1, Magistrature, la détermination du salaire des juges et le comité, alors qu'on sait qu'à la suite de la loi adoptée par l'Assemblée nationale on prévoit un comité qui étudie ce problème, qui n'est pas facile, de la détermination du salaire des juges. Un comité consultatif a été mis sur pied par le ministre ou le gouvernement. Ce comité consultatif est formé de M. Jean-Denis Vincent, président de l'Alliance industrielle, qui administre des bons fonds de retraite, de M. Charles-Albert Poissant, président du conseil d'administration de la compagnie Donohue, et de Me René Paquet. On sait que dans la loi prévoyant la formation de ce comité consultatif il est prévu que ce comité remette son rapport dans les six mois de sa formation. Le comité ayant été formé le 9 septembre, nous avons le 9 mars comme date limite des six mois et nous sommes à la mi-avril. Alors, est-ce que le comité a remis son rapport? Sinon, quand ce rapport est-il attendu? Le ministre a-t-il l'intention de le rendre public? Sûrement, parce qu'il doit être déposé à l'Assemblée nationale, sauf erreur. (12 h 30)

J'aurais aussi peut-être une question sur la formation du comité - je pose mes questions en vrac. J'ai beaucoup d'estime pour les présidents des grosses corporations, mais est-ce que le ministre est d'avis que la formation de ce comité, avec deux personnes sur trois qui sont à l'extérieur du milieu judiciaire, donc une majorité du comité... Le ministre ne trouve-t-il pas un peu préoccupant le fait que la réalité judiciaire ne soit pas connue par la majorité des membres du comité? Cela m'a frappé au début, je lui pose la question. Me René Paquet fait partie du comité, mais les deux autres... Encore une fois, ne doutons pas de leur compétence dans leur champ d'activité respectif. Ce rapport est

important, il sera la base de négociations avec les juges pour la fixation de leur rémunération; donc, la crédibilité du rapport est extrêmement importante pour guider ces négociateurs qui auront à traiter d'une matière éminemment difficile, celle du salaire des juges. Je pose mes questions en vrac au ministre.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, de fait, la Loi sur les tribunaux judiciaires demande au gouvernement de former un comité de trois personnes pour étudier la rémunération, le régime de retraite et les autres avantages sociaux des membres de la Cour du Québec. Ces trois personnes ont été nommées par le gouvernement, le 7 septembre 1988, par un décret gouvernemental. M. Jean-Denis Vincent a présidé ce comité. On sait que M. Vincent est président de l'Alliance industrielle, compagnie d'assurances de grande importance au Québec, une compagnie québécoise dont on peut être fiers, un fleuron québécois.

M. Filion: Oui.

M. Rémillard: Me René Paquet, avocat, qui est membre du comité à cause de l'expertise qu'il a dans le domaine judiciaire. C'est un éminent juriste impliqué dans son milieu. On sait que Me Paquet a été notamment président de la Chambre de commerce régionale de Québec, l'an dernier. M. Charles-Albert Poissant est le président de la compagnie Donohue inc, et un éminent membre de notre société par son implication à différents niveaux.

Je voudrais remercier très sincèrement ces trois personnes d'avoir accepté de former ce comité et de faire cette étude. Ils ont consacré plusieurs heures, d'une façon tout à fait bénévole - ce sont des gens qui travaillent bénévolement, sans aucune rémunération, leurs frais de déplacement sont payés en partie, mais ça ne couvre pas tous les frais que ça peut comporter - et je sais qu'ils n'ont pas compté leurs heures parce que c'est un travail important, pas toujours facile. Ils ont rencontré de nombreuses personnes pour faire le point sur différentes questions, que ce soient les juges en chef, que ce soient les bâtonniers, plusieurs avocats et avocates; on a discuté longuement avec eux et je devrais recevoir le rapport de ce comité vendredi prochain.

Selon la loi, j'ai 30 jours pour rendre ce rapport public. C'est donc dire que, dans les 30 jours, on rendra ce rapport public en le déposant à l'Assemblée nationale. Je vais accorder à ce rapport la plus grande attention possible. Comme ministre de la Justice, je tiens à ce que nos juges, nos magistrats soient heureux dans leurs fonctions, aient tous les moyens pour accomplir adéquatement leurs fonctions et aient, d'une façon générale, des conditions matérielles qui correspondent à l'importance de leur fonction dans notre société.

Je peux donc dire, M. le Président, que le rapport que je recevrai vendredi prochain de la part de ces trois membres du comité, M. Jean-Denis Vincent, Me René Paquet et M. Charles-Albert Poissant, que je remercie très sincèrement de la part du ministre de la Justice et du ministère de la Justice, recevra la plus grande attention et sera rendu public, comme je l'ai mentionné, dans les 30 jours, conformément à la loi.

Une voix: D'accord.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Taillon.

M. Filion: Oui. Pendant que nous en sommes au chapitre de la magistrature, le ministre a probablement été frappé, comme moi, par l'étude du journal Le Devoir de ce matin, sauf erreur, portant sur l'interprétation et l'application de nos chartes dans l'ensemble de notre droit, par le fait que la jurisprudence, en cette matière, est en train de s'établir ailleurs au Québec, à savoir qu'il y a proportionnellement peu de jugements rendus au Québec comparativement aux autres provinces canadiennes. Le ministre a dû prendre connaissance de cet article.

M. le ministre peut-il nous indiquer s'il y a une raison ou s'il y a une justification au fait que nos tribunaux québécois soient, semble-t-il, moins gourmands, aient moins de propension à établir une jurisprudence dans ce secteur du droit qui va devenir présent devant les tribunaux de plus en plus tous les jours, du fait que la charte canadienne est enchâssée dans la constitution? Cela fait en sorte que les jugements des tribunaux vont prendre une ampleur énorme dans la vie collective et dans la vie individuelle. Alors, est-ce que le ministre peut nous renseigner sur les raisons qui, ma foi, sont assez importantes?

On note, en particulier, que les tribunaux canadiens ont tendance à emprunter la voie de la jurisprudence américaine par rapport à la jurisprudence européenne. Le ministre est friand du concept de la société distincte, et je ne voudrais pas recommencer le débat là-dessus, il sait ce que nous pensons, de notre côté, de ce concept qui, à notre avis, n'a pas une portée tout à fait semblable à celle qu'il y voit.

Donc, concernant la tendance des années futures, est-ce que le ministre de la Justice a une raison... Est-ce qu'il a l'intention de poser des gestes concrets pour tenter de favoriser une jurisprudence québécoise qui s'appliquerait à une société distincte comme la nôtre?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le député de Taillon soulève une question très intéressante en ce qui regarde l'application des droits et libertés

des Québécoises et des Québécois.

Lorsqu'on regarde d'une façon théorique, on s'aperçoit que les Québécoises et Québécois, comme Canadiennes et Canadiens, sont probablement parmi les sociétés les mieux protégées, en théorie, si on regarde le nombre de lois, de chartes des droits qui s'appliquent. Il y a, bien sûr, la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, dont nous célébrons le septième anniversaire ce mois-ci, mais il y a aussi, au palier canadien, en ce qui regarde les lois canadiennes, deux lois: la déclaration des droits de 1960 et la loi sur l'égalité de 1976. Il y a, de plus, au palier provincial, au Québec, la charte édictée en 1975. Cette Charte des droits et libertés de la personne est toujours l'une des plus progressives et des plus libérales. Non seulement permet-elle aux Québécois et aux Québécoises d'avoir des droits et des libertés, mais elle met en place un mécanisme pour faire respecter ces droits et ces libertés par une commission des droits et des libertés.

J'ai mentionné dans mes remarques tout à l'heure que nous avons l'intention de légiférer, faisant suite à la commission parlementaire des institutions qui a fait une étude remarquable à ce sujet, pour créer un tribunal des droits et des libertés en vue d'aller encore plus loin dans ce désir que nous devons tous avoir non seulement de garantir des droits, mais de s'assurer que les citoyens puissent les exercer. C'est une chose que d'avoir un droit, mais, malheureusement, M. le Président, dans bien des circonstances, c'est autre chose que de pouvoir les exercer.

Dans ce contexte, on peut se réjouir que nous ayons maintenant, dans notre constitution, une Charte des droits et libertés. Depuis sept ans, nous avons cette Charte des droits et libertés, qui est une garantie constitutionnelle qui ne peut pas être modifiée sans recourir à la formule d'amendement mais, en plus, qui peut être interprétée - j'en arrive donc d'une façon plus précise encore, à la question du député de Taillon - en fonction des règles larges et généreuses qui s'appliquent au droit constitutionnel, contrairement à l'interprétation législative qui veut, entre autres, que ce soit l'intention du législateur qui soit le premier élément d'analyse. Il est important d'avoir une charte des droits et libertés dans notre constitution.

Cependant, M. le Président, nous savons que dans cette charte canadienne il y a, tout d'abord, un premier article qui se réfère à une limitation possible, c'est-à-dire une règle de droit qui, lorsqu'elle est raisonnable et se justifie dans le contexte d'une société libre et démocratique, qu'elle vienne du gouvernement fédéral ou de celui des provinces, peut être considérée comme acceptable par les tribunaux, même si cette règle de droit limite la portée des droits et des libertés. C'est ce qu'on appelle la clause de la légitimité, qui est là comme on retrouve de ces genres de clauses dans la plupart des chartes des droits et libertés de par le monde. Lorsqu'on édicte des droits et des libertés individuels, il est évident qu'à un moment donné on se retrouve dans une situation où ces droits et ces libertés doivent être situés dans le contexte d'une société.

On a l'habitude de dire, M. le Président, que les droits des uns se terminent où ceux des autres débutent. Un droit, une liberté ne peut s'appliquer dans l'absolu. Cela s'applique dans le contexte social, culturel, politique, économique d'une société. Je me refuse, pour ma part, à parler de conflit entre droits collectifs et droits individuels. J'aime mieux parler d'une réalité qui doit s'imposer à tout droit, à toute liberté, c'est-à-dire son application dans le contexte réel d'une société.

Lorsque le député de Taillon se réfère au concept de la société distincte, ce concept de la société distincte, on le retrouve dans l'entente du lac Meech, qui, je l'espère, sera partie de la constitution prochainement lorsque le Nouveau-Brunswick et le Manitoba auront finalement accepté cette entente qu'ils sont en train d'étudier. Donc, ce concept de la société distincte pourra s'appliquer, entre autres, à ce test de légitimité de l'article 1 pour apporter une jurisprudence qui pourra être spécifique au Québec, en fonction de la réalité sociale, culturelle, économique, politique du Québec, comme elle peut aussi se faire en fonction du respect de la règle du multiculturalisme ou de celle du droit de protection des autochtones déjà dans la Charte des droits et libertés. (12 h 45)

M. le Président, je me permets une petite parenthèse pour dire ceci: II est curieux de voir que ceux qui sont les critiques les plus durs, les plus acerbes de cette notion de société distincte sont ceux qui ont introduit, en 1982, dans cette Charte des droits et libertés de la constitution canadienne, des règles d'interprétation concernant le multiculturalisme et le droit des autochtones, deux notions qu'on doit respecter dans notre société canadienne puisqu'ils sont des éléments originaux qui la composent. Alors, est-ce à dire que la société distincte ne serait pas un élément d'interprétation pour que l'on puisse donner à la Charte des droits et libertés sa signification réelle, tout comme le concept de dualité canadienne que l'on retrouve dans l'entente du lac Meech et qui, lui aussi, permettra à ces droits et ces libertés qu'on retrouve dans la constitution canadienne, dans notre charte, d'avoir une réelle application en fonction du contexte particulier?

M. le Président, il n'y a pas seulement cette clause limitative et l'article 1, il y a aussi cette clause dérogatoire, la clause "nonobstant". Cette clause, que je qualifierais de protection que les gouvernements ont voulu se garder lorsqu'on a négocié cette Charte des droits et libertés, ce rapatriement de la constitution en 1981-1982, clause dérogatoire qui a été demandée par les provinces de l'Ouest en particulier... On

ne peut pas reprocher au Québec d'avoir exigé cette clause, puisque le Québec n'était pas un des marmitons de la cuisine dans cette soirée et cette nuit célèbres des 4 et 5 novembre 1981. Donc, le Québec a tout simplement reçu cette Charte des droits et libertés. C'est un aspect positif du rapatriement. Il y a d'autres aspects qui sont négatifs et qui font que ce rapatriement de 1982 est inacceptable parce qu'il nie certains droits historiques du Québec, dont son droit de veto.

Un des aspects positifs est certainement cette Charte des droits et libertés. Cette clause "nonobstant", M. le Président, a été utilisée depuis 1982 par le gouvernement précédent, le gouvernement péquiste, systématiquement dans toutes les lois que l'Assemblée nationale votait et aussi dans une loi, qu'on a appelée la loi-parapluie, rétroactive pour toutes les lois qui avaient déjà été votées par l'Assemblée nationale. Donc, on Introduisait cette clause dérogatoire dans les lois québécoises. En conclusion, qu'est-ce que cela signifiait? Cela signifiait que les Québécoises et les Québécois n'avaient pas le droit, légalement, d'avoir recours à la Charte canadienne des droits et libertés pour faire valoir leurs droits et libertés. Bien sûr, ils avaient la charte québécoise. Comme je le mentionnais tout à l'heure, M. le Président, la charte québécoise est interprétée en fonction des règles d'interprétation législative, suivant l'intention du législateur, donc avec une interprétation plus restrictive, alors que la Charte canadienne des droits et libertés que nous retrouvons dans la constitution canadienne est interprétée en fonction de grandes lois d'interprétation qui se veulent généreuses, et on interprète des droits de la façon la plus généreuse possible pour les citoyens.

M. le Président, c'est facile d'illustrer mes propos par des exemples qu'on pourrait donner en se référant à l'affaire Miller, où on avait reconnu que la pendaison était un châtiment qui n'était pas cruel ni inusité. On a dit: Ce n'est pas inusité, étant donné qu'on a pendu pendant de nombreuses années. Donc, si ce n'est pas inusité, ce n'est certainement pas cruel. Voyez-vous, M. le Président, c'est le genre d'interprétation qui n'a pas particulièrement fait honneur à notre société, lorsqu'on se retrouve devant une interprétation constitutionnelle et beaucoup plus large.

En conclusion, M. le Président, ce que je veux dire, c'est que si on a eu du côté québécois moins de cas qui ont été soulevés en fonction de la Charte canadienne des droits et libertés, c'est causé en très grande partie par le fait qu'il y avait l'utilisation systématique de cette clause "nonobstant" qui empêchait les Québécoises et les Québécois de recourir à la Charte canadienne des droits et libertés. Nous l'avons éliminée dès 1986 - le premier geste posé lorsqu'on est arrivé en janvier 1986 - on a immédiatement éliminé cette utilisation systématique de la clause "nonobstant" pour utiliser cette clause qui est précieuse pour le Québec dans les cas où on en a vraiment besoin. C'est le premier élément de la réponse.

Le deuxième élément de la réponse, c'est que nous avons une Charte québécoise des droits et libertés de la personne, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, qui date de 1975, qui a été ensuite modifiée et qui est particulièrement une loi progressive par laquelle on établit des droits, des libertés qu'on ne retrouve même pas dans la charte constitutionnelle canadienne et par laquelle, surtout, on prévoit un mécanisme pour la commission des droits et libertés qui permet une bien plus grande accessibilité à la réalisation des droits et libertés. Donc, la commission des droits et libertés a joué aussi son rôle dans ce contexte et c'est pour ces deux motifs, mais surtout par l'utilisation de la clause "nonobstant", qu'on se retrouve avec une Charte canadienne des droits et libertés qui a une jurisprudence beaucoup plus limitée en fonction des cas qui pourraient provenir du Québec.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Taillon.

M. Filion: Oui, M. le Président. Je voudrais rappeler au ministre de la Justice que, par exemple, la clause du Québec a été invalidée en Cour suprême par l'application de la Charte canadienne des droits et libertés. Alors, j'aime bien la partie du discours du ministre qui traite de la charte québécoise. On se tient debout. D'ailleurs, il y a certains éléments de la charte québécoise qu'on ne retrouve même pas dans la charte canadienne et la charte québécoise convient, quant à nous, à cette société distincte; j'entends par là un qualificatif auquel tient beaucoup le ministre.

Par ailleurs, il nous dit: Vous savez, il n'y a pas eu beaucoup de jurisprudence parce qu'il y avait systématiquement l'utilisation de la clause "nonobstant". Je lui rappellerai que cela n'a pas empêché des contestations bien organisées et bien financées qui visaient à faire disparaître la légalité d'une clause-parapluie, si l'on veut, ce qui aurait permis par la suite que l'on s'attaque au fond d'un problème. Alors, en ce sens, le ministre ne m'a convaincu d'aucune façon dans sa réponse, M. le Président.

Toujours concernant l'élément sur les magistrats, j'aimerais demander au ministre - je l'ai mentionné dans mon discours, M en a sûrement pris note tantôt - pourquoi les budgets octroyés à la magistrature, au chapitre de la déontologie et du perfectionnement des juges, en dollars constants de 1989, sont diminués de 10 % depuis 1985. Je vous avoue que j'ai beaucoup de difficultés à suivre ça, compte tenu de l'importance d'une magistrature la mieux informée possible, du contexte de réforme du Code de procédure civile, des chartes canadienne et québécoise, et même du Code de procédure

pénale qui entrera en vigueur. Finalement, est-ce qu'il n'est pas tout à fait inapproprié pour le ministère de restreindre ce budget de déontologie judiciaire année après année, tranquillement? L'inflation est une mesure réelle. Quand on accorde des budgets de perfectionnement aux juges - essentiellement, il peut s'agir de voyages, de congrès, etc. - ça coûte de plus en plus cher. Les coûts dans ce secteur ne diminuent pas, les coûts de perfectionnement de n'importe quel secteur ne diminuent pas. Pourtant, en dollars constants, depuis 1985 le budget alloué à la déontologie, au perfectionnement des juges a diminué de 10 %. Est-ce que le ministre ne croit pas que la qualité de la justice risque d'en souffrir? Ce ne sont pas des chiffres énormes que je cite là, ce ne sont pas des centaines de millions de dollars, mais c'est un très mauvais endroit, à notre avis, pour réduire des crédits.

M. Rémillard: M. le Président, je crois que le député de Taillon va comprendre qu'il est difficile pour moi de toujours me référer à 1985.

M. Filion: Mais c'est une année de changement de gouvernement.

M. Rémillard: Oui, je comprends et je pense que c'est une bonne chose de s'y référer politiquement pour voir la distinction entre les deux...

M. Filion: II faut bien avoir certains points de référence.

M. Rémillard: ...mais les priorités ont changé et il y a eu une administration qui a diminué un déficit de moitié et qui a aussi fait en sorte qu'au ministère de la Justice - et je suis particulièrement fier de le dire - on a pu développer davantage tous ces moyens d'accessibilité à la justice.

En ce qui regarde la justice d'une façon générale, M. le Président, j'ai eu l'occasion de dire à quel point ce qui était important pour nous, c'était de protéger la qualité de la justice, son universalité et son accessibilité. En ce qui regarde la qualité, elle repose bien sûr sur des intervenants bien formés, compétents et, en premier lieu, que ce soient nos magistrats ou nos avocats, nos notaires. En ce qui regarde les magistrats, on a mentionné tout à l'heure ce comité que nous avons formé en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires pour qu'il nous donne son avis sur les conditions matérielles des juges. En ce qui regarde les autres aspects qui sont soulevés par le député de Taillon, je peux lui dire, entre autres, que la dernière année, il y a eu une augmentation de 9 200 000 $, soit une augmentation de 1,7 % par rapport au budget de 1988-1989 à cet élément.

M. Filion: Nous parlons de déontologie. M. Rémillard: C'est déjà...

M. Filion: Ma question porte sur la déontologie. M. le ministre, je ne veux pas vous interrompre. Vous savez que je n'aime pas ça. C'est l'élément 2. Je pense que vous m'avez suivi; j'étais très clair.

M. Rémillard: Déontologie judiciaire et perfectionnement.

M. Filion: Voilà.

M. Rémillard: Une augmentation de 9 200 000 $.

M. Filion: Mais non, ce n'est pas possible! On va ressortir les chiffres pour vous.

M. Rémillard: M. le Président, on va faire les vérifications.

M. Filion: Oui, parce que, là, les juges vont être contents. On parle de quelques centaines de milliers de dollars. Grosso modo, je vous donne l'ordre de grandeur. Je vais vous donner les chiffres exacts.

M. Rémillard: J'ai confondu ici entre le budget global et une augmentation, M. le Président. L'augmentation de 1,7 %, c'est ce qu'il faut retenir, et ce sont des crédits permanents et qui n'ont jamais subi de compressions comme telles.

M. Filion: Oui, mais je vous l'ai expliqué en dollars constants.

M. Rémillard: Alors, on ne fait pas de compressions. Entre autres, si vous me le permettez en terminant, pour les subventions aux juges en 1988-1989, nous avons donné plus de 75 000 $, dont 54 122 $ au Centre canadien de la magistrature qui est un organisme subventionné par toutes les provinces et qui a justement pour fonctions l'instruction et la formation des juges. Il n'y a pas de compressions à ce chapitre. Ce sont des crédits permanents.

M. Filion: Oui, mais en termes d'efficacité du dollar, M. le ministre, je vous dis: Faites l'exercice vous-même. Vous venez de le faire, vous me dites que c'est une augmentation de 1,9 %. En fait, 10 000 $ sur 566 000 $, est-ce que ça donne 1 %? Jamais!

M. Rémillard: 1,7 %.

M. Filion: 10 000 $ sur 500 000 $, ça ne doit pas donner 1 %.

Une voix: Cela en donne 2 %.

M. Filion: 10 000 $ sur 500 000 $, ça donne combien?

M. Rémillard: C'est 1,7 %, selon les chiffres que j'ai ici et qu'on me confirme.

M. Filion: C'est environ 1 %, mais le coût des voyages, des bouquins et tout ça, ça augmente de 4 % ou 5 % par année. Cela constitue une diminution, en termes d'argent réel, c'est ça que je signalais au ministre, alors que les chartes sont de plus en plus présentes devant les tribunaux et vont l'être, alors que l'interprétation de ces chartes n'est pas facile. À preuve, la Cour suprême a signalé que la liberté d'expression commerciale faisait partie de la liberté d'expression. Ce n'était quand même pas évident, le ministre en conviendra. Donc, l'interprétation des chartes n'est pas facile et il y aurait probablement lieu de faire en sorte qu'au chapitre du perfectionnement des juges on octroie des sommes importantes d'argent à cet égard, si l'on veut être à l'ère moderne.

En terminant, j'ai une dernière question.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député.

M. Filion: Je pense que le ministre est conscient des problèmes de pénurie de ressources et de pénurie de personnel dans beaucoup de palais de justice. Il a visité celui de Québec. Il a visité celui de Longueuil, on en parlera un peu plus tard cet après-midi. Au fur et à mesure qu'il en fait le tour, le ministre, je pense, reconnaît qu'il y a un manque de personnel de soutien administratif dans énormément de palais de justice, et je ne parle pas des problèmes particuliers comme au palais de justice de Saint-Jean. Je ne parle pas du problème particulier de la perception des pensions alimentaires, secteur où il manque de personnel un peu partout dans les palais de justice pour faire appliquer la loi, pour percevoir adéquatement les pensions alimentaires. Qu'est-ce que le ministre de la Justice entend faire, d'une part, face à un budget réduit en dollars constants et, d'autre part, face à une pénurie de ressources sur le terrain que lui-même reconnaît? De quelle façon a-t-il l'intention de s'assurer que les services aux citoyens donnés en première ligne dans les palais de justice soient adéquats, compte tenu, je le rappelle au ministre, de l'importance de redresser l'image de la justice auprès de la population pour renforcer la crédibilité de l'administration de la justice au Québec?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre, en terminant.

M. Rémillard: M. le Président, en terminant, je ne voudrais pas retenir le temps de cette commission, mais le député de Taillon revient exactement avec la même question qu'il me posait précédemment. Je lui ai répondu. La seule chose que je peux lui dire maintenant est: S'il arrive avec des cas très concrets, qu'il me mentionne où il y a vraiment cette situation qu'il décrit et je verrai à lui apporter une réponse en particulier.

M. Filion: La perception des pensions...

M. Rémillard: Je suis quand même allé au palais de justice de Québec. On a apporté des correctifs qui s'imposaient, d'autres pourront suivre. Nous sommes allés à Longueuil; on pourra en reparler cet après-midi. Je sais que ça intéresse le député de Taillon d'une façon toute particulière. On y reviendra. Je suis allé à Saint-Jérôme, à Hull, à Percé, à Rimouski, en fait, à plusieurs palais de justice. Je suis allé voir moi-même les problèmes concrets qu'il pouvait y avoir. On a apporté des solutions et, s'il reste d'autres problèmes à régler, on va les régler l'un après l'autre. Donnez-moi des cas concrets et je vais vous proposer des solutions.

M. Filion: La perception des pensions alimentaires. Il y a un manque de personnel dans la plupart des palais de justice pour percevoir des pensions alimentaires, surtout à Montréal et dans la région de Montréal.

M. Rémillard: Avec la nouvelle loi qu'on a votée, il va y avoir justement la possibilité d'alléger considérablement le fardeau de la perception.

M. Filion: Bien non, les gens ont plus de responsabilités et le percepteur a plus de pouvoirs!

M. Rémillard: II y a un mécanisme beaucoup plus facile, plus déterminé qui fait que le percepteur va pouvoir garder le dossier plus longtemps jusqu'à ce que la situation-trouble soit réglée, ce qui va faire qu'on aura beaucoup moins de discussions entre les gens qui étaient chargés de cette perception et les bénéficiaires de la pension comme telle et que ça va alléger considérablement la situation.

M. Filion: Le problème est que chaque percepteur a trop de dossiers!

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Nous reprendrons nos travaux après la période des affaires courantes cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 15 h 29)

Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions reprend ses travaux. On a eu l'information que le député de Taillon s'en venait, alors nous allons commencer tout de suite. Je déclare la séance rouverte. Le député

de Chapleau m'a fait part qu'il avait des questions à poser relativement à la Commission des droits de la personne, si le ministre de la Justice y consent.

M. Rémillard: M. le Président, si vous me le permettez, j'ai une question d'information. Est-ce qu'on peut s'entendre... J'ai un engagement ferme à 17 heures.

Une voix: On s'est déjà entendus.

M. Rémillard: Oui. Je veux bien que ce soit confirmé parce qu'à 17 heures, c'est l'ouverture du Salon du livre, ici, à Québec, et je dois être là.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Est-ce que vous devez quitter avant 17 heures, ou si 17 heures, cela vous irait?

M. Rémillard: 17 heures, au maximum. 17 heures, pour être là à 17 heures.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Les membres de la commission présents...

M. Rémillard: M. le Président, une autre chose aussi, si vous me le permettez, c'est que le président du Comité de la protection de la jeunesse, M. Dowie, est ici, mais il doit prendre un avion pour aller en Abitibi, il doit se rendre à Val-d'Or pour le comité. Il a un horaire assez restreint. Est-ce qu'on pourrait demander à ceux qui auraient des questions à poser, en ce qui regarde le Comité de la protection de la jeunesse, de poser ces questions immédiatement, pendant que M. Dowie est ici, pour qu'on puisse apporter des réponses les plus complètes possible?

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Je crois que pour le moment il n'y a pas de question sur le Comité de la protection de la jeunesse, mais le député de Chapleau m'a fait part qu'il avait certaines questions relativement à la Commission des droits de la personne, au programme 3. M. le député de Chapleau.

Commission des droits de la personne

M. Kehoe: Merci, M. le Président. M. le ministre, c'est plutôt concernant le bureau régional de la Commission des droits de la personne, spécifiquement en ce qui concerne celui de Hull. Je pense que depuis que j'assiste à l'étude des crédits, que ce soit dans l'Opposition ou du côté ministériel, je pose à peu près la même question d'année en année, à savoir: Qu'allez-vous faire, M. le ministre de la Justice, en ce qui concerne les bureaux régionaux de la Commission des droits de la personne? Je pense qu'il y a quatre bureaux régionaux, actuellement, dans différents secteurs de la province, dont celui de Hull. J'ai eu l'occasion d'aller visiter le bureau de Huit et j'ai vu qu'il y avait une seule personne pour s'occuper d'un bassin de population d'au-delà de 300 000, dans la région 07, la région de l'Outaouais. Les circonstances dans lesquelles elle travaille, dans un bureau ouvert, où elle était obligée de recevoir du monde dans une aire ouverte, de répondre au téléphone... Il y a des avocats dans son bureau, il y a des clients... En tout cas, les circonstances dans lesquelles elle travaille, avec un secrétaire à demi-temps, avec des dossiers... J'ai tous les chiffres ici, ça ne donne rien de donner en détail tous les chiffres qu'il y a. Il est absolument impossible pour la personne responsable du bureau de continuer à donner un service requis, dans un domaine aussi important que celui-là.

Je pose la question: Est-ce que le ministre lui-même a pris une décision en ce qui concerne le budget des bureaux régionaux? J'imagine que c'est ta même chose, que ce soit à Hull ou à Trois-Rivières. Je pense qu'il y a trois projets pilotes. Je sais que celui de Hull dure depuis trois ans et demi et, à tour de rôle, les ministres de la Justice donnent à peu près la même réponse, jusqu'à maintenant. Je me demande quelle est votre position à ce sujet. Est-ce que c'est à peu près la même chose? Il s'agit d'une question fondamentale pour votre ministère, j'imagine, de décider ce qu'il va faire. Est-ce que ça va devenir permanent? Est-ce que les bureaux régionaux vont obtenir le budget requis pour oeuvrer de façon normale ou est-ce que ça va continuer à être des projets pilotes pour un temps indéfini?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Je remercie le député de Chapleau de sa question très pertinente concernant la Commission des droits de la personne. J'ai eu l'occasion ce matin, M. le Président, de parler de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Nous avons même eu l'occasion de la comparer à la charte canadienne, de dire à quel point la charte québécoise était intéressante, puisqu'elle contient même des droits qu'on ne trouve pas dans la charte canadienne, et de mentionner, entre autres, que la charte québécoise a ceci de très intéressant: elle prévoit un mécanisme quasi judiciaire, qui est une commission, qui permet aux justiciables d'avoir recours à ses services pour faire valoir leurs droits.

Comme on l'a mentionné aussi ce matin, avoir un droit est une chose, pouvoir l'exercer est souvent autre chose. En ce qui regarde les droits et les libertés fondamentales, il est extrêmement important qu'on puisse assurer aux justiciables l'accessibilité à la justice pour faire respecter ces droits, d'où la très grande importance de donner à la Commission des droits de la personne les moyens nécessaires pour qu'elle puisse exercer son mandat correctement, le plus

complètement possible.

Pour rendre accessibles les services que peuvent offrir la commission et, donc, permettre aux Québécoises et aux Québécois de faire valoir leurs droits et leurs libertés d'une façon la plus complète possible, il est important que l'on puisse régionaliser l'action de la commission. Déjà, il y a quatre régions où nous avons des bureaux de la commission: Huit, Sherbrooke, Sept-Îles et Rouyn. Dans ces quatre bureaux, il y a des personnes qui peuvent recevoir des plaintes et qui peuvent même les traiter. Cependant, elles ont le travail souvent difficile et ont beaucoup de travail à faire. Ce ne sont pas des gens permanents, on m'informe que ce sont des occasionnels. Cela pose des difficultés, entre autres, en ce qui regarde le bureau de Hull. J'ai lu dernièrement quelques rapports mentionnant que la situation n'est pas facile. Je sais que le député de Chapleau est venu m'en parler et s'est inquiété de la situation à plusieurs reprises. Aujourd'hui, il me pose cette question et je l'en remercie.

Nous avons avec nous, aujourd'hui, le président de la commission et je lui demanderais de compléter ma réponse à la question que le député de Chapleau a posée.

M. Kehoe: Avant qu'il ne complète la réponse, j'aimerais dire que vous avez mentionné qu'il y a des personnes qui travaillent au bureau de Hull. Vous devriez mentionner qu'il y a une personne et demie qui travaille au bureau de Hull. En effet, il y a une personne à temps plein et une secrétaire à temps partiel pour une population de quelque 300 000 habitants.

Je reviens toujours à la même question. Je me souviens de la réponse que vous avez donnée à ce jour, c'est à peu près la même que tous les autres ministres de la Justice ont donnée, que ce soit M. Bédard ou M. Marx. Mais cela fait quand même trois ans et demi que le projet pilote dure à Hull. Quand est-ce que cela ne deviendra plus un projet ou quand la décision sera-t-elle prise et qu'est-ce que vous allez faire avec ça?

Durant trois ans et demi les différents bureaux régionaux qui sont ouverts ont démontré la nécessité de décentraliser la commission et le personnel, mais quand le réseau pourra-t-il avoir le personnel requis ainsi que le budget pour administrer ces bureaux?

M. Rémillard: M. le Président, en réponse à la question du député de Chapleau, de fait, nous avons demandé au Conseil du trésor les crédits nécessaires pour faire en sorte qu'on puisse avoir du personnel permanent dans ces bureaux de la commission. C'est une recommandation qui nous vient de la commission des institutions. On est parfaitement d'accord. Il faut en arriver à cette conclusion que la commission, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, puisse avoir des bureaux dans toutes les régions québécoises. Je peux dire au député de Chapleau que la demande est faite au Conseil du trésor, le dossier est au Conseil du trésor et que nous plaidons ce dossier énergiquement parce que nous croyons qu'il est essentiel que l'on puisse avoir de ces bureaux et qu'ils soient en mesure de répondre à la demande qui leur est faite, ce qui n'est pas toujours le cas. Je vais demander à M. Lachapelle, le président de la commission, de répondre à la question.

Le Président (M. Dauphin): Me Chapdelaine, je sais que vous êtes habitué.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lachapelle (Jacques): J'ai déjà entendu Larochelle aussi.

Le Président (M. Dauphin): Me Lachapelle, nonobstant le fait que vous soyez un des habitués de la commission des institutions, pour les fins du Journal des débats, je vous demanderais de vous identifier et de mentionner votre titre.

M. Lachapelle: J'aime bien, quand vous commencez, que vous me présentiez en disant "nonobstant le fait".

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lachapelle: Je voudrais tout simplement dire que les propos de M. le ministre sont tout à fait exacts et ce que vous dites, M. le député, aussi. Quant à la nécessité d'avoir des bureaux régionaux, la démonstration est faite, sauf que lorsque nous avons fait cette démonstration des bureaux régionaux nous avons bien pensé qu'une personne et demie pouvait suffire à la tâche. Nous avions des ententes avec le Comité de la protection de la jeunesse dans le but justement de rationaliser et d'utiliser au maximum tous ces services déjà en région.

Nous constatons que le nombre de plaintes adressées à la commission se multiplie par dix, alors qu'on pensait qu'une personne suffirait pour remplir cette tâche. Multiplié par dix, cela veut dire qu'il devrait y avoir au moins deux ou trois personnes pour traiter ces plaintes dans un délai raisonnable si l'on pense qu'un dossier ou un enquêteur peut traiter à peu près 25 plaintes par année.

Un autre des problèmes que nous éprouvons en région, c'est bien sûr le fait qu'on ait une personne qui s'occupe en même temps de l'enquête et de la recevabilité des plaintes, de sorte que ça le place très souvent en conflit d'intérêts, si bien qu'on est obligés d'aller combler via Montréal, si vous voulez, les enquêtes qui se font en régions. Ça ajoute encore à la difficulté. Or, nous espérons et je suis heureux d'entendre le ministre de la Justice indiquer que le Conseil du trésor est en train d'examiner la demande de la Commission des droits de la personne non seulement pour ses bureaux régionaux qui

devraient devenir permanents, mais également pour l'ouverture d'autres bureaux régionaux, comme l'indiquait d'ailleurs récemment la commission des institutions.

Le Président (M. Dauphin): Merci. Il n'y a pas d'autres questions. M. le député de Taillon, sur le même sujet.

M. Filion: Oui, mais avec les propos de Me Lachapelle, cela devient de plus en plus clair. Je voudrais seulement que ça soit clair également, je suis sûr que ça l'est dans l'esprit du ministre, ça l'est de notre côté. C'est une chose que de rendre permanents les quatre bureaux qui existent actuellement, mais c'est une autre chose que de prévoir une extension des services régionaux à tous ces coins du Québec qui ne sont pas desservis. Je crois comprendre, M. le ministre - vous me corrigerez - que la demande qui est étudiée par le Conseil du trésor touche les deux volets, c'est-à-dire rendre permanent ce qui existe et ouvrir des bureaux dans des régions entières qui ne sont pas desservies par des bureaux de la Commission des droits de la personne. C'est bien ça, M. le ministre?

M. Rémillard: Oui, c'est bien ça. Je pourrais peut-être demander à M. Lachapelle de compléter en ce qui regarde nos projets d'extension dans d'autres régions.

M. Lachapelle: On pense aux quatre autres régions administratives du Québec: Chicoutimi, Rimouski, les quatre autres régions qui ne sont pas actuellement desservies. Je sais que, dans le rapport de la commission des institutions, c'était beaucoup plus large que ça. On parlait du Bas-du-Fleuve, mais je pense qu'actuellement la demande couvre quatre autres régions, en tout cas pour l'instant, quitte à ce qu'on puisse en ouvrir quatre autres également dans un avenir rapproché. Je sais que la demande que vous faisiez, que vous suggériez, je pense, était même de douze bureaux plutôt que huit.

M. Filion: Étant donné que, finalement, la commission et le ministre ont déjà exercé un certain choix concernant les régions, à ce moment-là, je pense qu'on peut s'attendre que le Conseil du trésor réponde à cette demande qui est peut-être archiminimale. Sinon, que le ministre de la Justice aille devant ses collègues du Conseil des ministres expliquer que le Conseil du trésor ne comprend rien, ou bien que le ministre de la Justice change son discours parce que, si l'on parle d'accessibilité et qu'on n'est pas capable d'avoir un petit bureau de la Commission des droits de la personne en Mauricie, à Rimouski, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, je regrette, mais tous les beaux discours sur l'accessibilité et sur la charte des droits... Parce que vous savez que les bureaux qui ont été ouverts à l'époque, sur une base d'essai, et ils le sont toujours, ont amené une recrudescence d'ouvertures de dossiers, de plaintes, de demandes d'information de la population. Par exemple, à Huit, il y a une augmentation, je pense, de 200 % et je l'ai déjà expliqué à votre prédécesseur. C'est bien simple parce que quand la population voit qu'il y a quelque part, pas trop loin un bureau de la Commission des droits de la personne qui n'est ni à Québec, ni à Montréal, à ce moment-là, elle a tendance à aller s'y informer. Le discours sur la charte des droits, j'y crois, mais il faut que ça soit un peu concret, à ce moment-là. Je pense, ma foi, qu'ouvrir quelques bureaux en collaboration avec le Comité de la protection de la jeunesse, peut-être pour diviser le personnel de soutien ou pas... Je laisse l'appréciation de ces données au président. Cela ne coûte pas cher. À ce moment-là, on peut tenir un discours sur la charte qui est basé sur une réalité. Ce que sous-entend notre discussion, c'est qu'il y a une partie de la population québécoise qui n'est pas desservie. Je ne devrais pas dire qui n'est pas desservie, mais qui est difficilement desservie. Encore une fois, ce n'est pas tout le monde qui peut prendre l'autobus pour aller à Québec ou à Montréal ou à Hull ou à Sept-Îles. C'est à Sept-Îles, l'autre bureau actuellement? (15 h 45)

Le Président (M. Dauphin): Sur le même sujet... Vouliez-vous répondre?

M. Rémillard: ...donner plus de commentaires sur ces questions, M. le Président. Le député de Taillon a parfaitement raison sur la question de l'accessibilité et sur ces bureaux. Il faut dire aussi qu'avec le projet de loi que l'on veut déposer à la suite des études faites par la commission nous allons créer un tribunal des lois, mais nous allons aussi donner à la commission un rôle plus structuré en fonction d'un processus contradictoire et non pas inquisitoire, ce qui devrait normalement aussi faciliter les choses et se répercuter à bien des niveaux. Tout cela mis ensemble devrait faciliter certainement l'accès, aux Québécois et aux Québécoises, à la commission.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député de Chapleau, surtout sur les bureaux régionaux.

M. Kehoe: Juste pour terminer sur ça, M. le ministre. Avant d'implanter d'autres bureaux dans des régions, je pense qu'il serait très sage que les bureaux qui existent soient adéquats pour desservir la population où il y a déjà une clientèle établie. Je me demande s'il serait bien vu d'implanter six ou huit autres bureaux dans la province et de laisser ceux qui existent actuellement sans qu'ils disposent d'un budget adéquat, ou du personnel nécessaire pour répondre aux demandes. Je pose la question. Actuellement, vous dites que votre demande est étudiée au Conseil

du trésor. Y a-t-il une différence entre l'implantation d'autres bureaux ailleurs dans la province et l'existence des quatre projets pilotes? Y a-t-il une différence entre les deux? Ou est-ce que les deux demandes vont ensemble?

M. Rémillard: Cela fait partie de la même demande. Cependant, le député de Chapleau a parfaitement raison de dire qu'il faut s'assurer que les quatre bureaux qui existent aient les moyens nécessaires pour fonctionner et exercer leur mandat. Je veux le rassurer là-dessus. Soyez assuré, M. le député, que nous allons, dans un premier temps, certainement accorder l'attention nécessaire pour que ces bureaux aient tout d'abord les moyens appropriés pour exercer leur mandat et, ensuite, ouvrir d'autres bureaux. C'est dans la même demande faite au Conseil du trésor.

Le Président (M. Dauphin): Justement, si vous le permettez, M. le ministre, c'est que le député de Chapleau est en train de rédiger ses engagements électoraux et il veut s'assurer que cet engagement soit réalisé.

M. Kehoe: ...ce problème-là.

M. Filion: ...les problèmes de tous les bureaux régionaux, M. le député. Juste...

Le Président (M. Dauphin): Sur la commission toujours. M. Dowie, qui est président du Comité de la protection de la jeunesse, doit quitter dans peu de temps.

M. Filion: Peut-être que le président de la Commission des droits de la personne voudra quitter aussi. Je me rends compte qu'il y a une quinzaine de points que je veux traiter avec le ministre. En ce qui concerne la Commission des droits de la personne, peut-être un dernier point simplement pour dire qu'on attend la réforme, M. le ministre. Est-ce que vous êtes en mesure de nous donner une date pour le dépôt du projet de loi?

M. Rémillard: Cela devrait aboutir au Conseil des ministres dans un avenir très très prochain. Dès que sera franchie l'étape du Conseil des ministres, c'est le comité de législation et le dépôt, je l'espère bien, dans les très prochains jours.

M. Filion: On parle donc d'une adoption possible à cette session.

M. Rémillard: Oui, c'est définitivement notre objectif. C'est définitif qu'on vise l'adoption au printemps, dans les prochaines semaines.

M. Filion: À ce moment-là vous comprendrez que je vous réserve mes commentaires. Vous me livrez ça par petits bouts. Je suis en train de reconstruire le mémoire au Conseil des ministres, que je n'ai pas reçu dans une enveloppe brune, mais tranquillement je suis en train de voir, avec ce que vous me dites, le processus contradictoire, le tribunal qui serait un tribunal judiciaire, etc. Je vais attendre quand même que vous déposiez le projet de loi pour faire mes commentaires. Vous savez que vous avez l'appui de l'Opposition pour faire en sorte - évidemment, sous réserve du contenu du projet de loi - qu'on puisse quand même le plus rapidement possible, pour autant que faire se peut, modifier les structures d'application de la charte conformément aux décisions qui seront prises. Là-dessus, vous avez notre appui inconditionnel. On siégera le temps qu'il faudra pour adopter cette loi.

M. Rémillard: Tout à l'heure, M. le Président, j'ai peut-être mentionné les deux termes "inquisitoire" et "contradictoire" de mauvaise façon. Ce que j'aurais dû dire, c'est que le projet que nous allons présenter va établir pour la commission un moyen d'enquête inquisitoire et non pas contradictoire comme il existe présentement. C'est-à-dire contradictoire dans le sens que... Oui, c'est l'inverse.

M. Filion: II me semblait aussi que cela...

M. Rémillard: Non. J'ai réduit peut-être... C'est le processus actuellement que nous connaissons qui est la méthode contradictoire et qui fait que c'est quasi judiciaire et, en fait, que les avocats d'un côté ou de l'autre peuvent interroger les témoins, les contre-interroger, etc. Ce sera plutôt, sur ce plan, inquisitoire, et il y aura d'autres mécanismes pour aboutir jusqu'au tribunal qui sera là et qui pourra offrir les services de personnes spécialisées. Je veux assurer le député de Taillon en ce qui regarde ce projet de loi - je sais qu'il l'a bien à coeur comme je l'ai aussi - que dès qu'il aura franchi les étapes du Conseil des ministres et du comité de législation, aussitôt que je pourrai lui en envoyer une copie, il n'a pas besoin d'attendre une enveloppe brune, s'il en a une, elle viendra de moi. Vous pouvez être certain que vous allez le recevoir immédiatement. Si on a des commentaires et des critiques et qu'on peut bonifier notre projet, vous pouvez être certain qu'on va le faire.

Comité de la protection de la jeunesse

M. Filion: Merci. Cela va. Je pense qu'on peut inviter peut-être... J'ai une question sur le programme 3, élément 2, Comité de la protection de la jeunesse. Je comprends que M. le président du comité doit nous quitter. Je salue donc M. le président et je voudrais adresser au ministre de la Justice la question suivante. En regardant les chiffres, je me suis rendu compte que le budget alloué au comité a diminué de 11 % depuis 1985

si l'on compare, encore une fois en dollars constants de 1989, les deux budgets. En 1985, c'était 3 375 000 $ et, en 1989-1990, c'était 2 979 000 $. Encore une fois, ma comparaison est faite sur une base de dollars constants pour les raisons que j'ai expliquées ce matin.

J'ai également eu l'occasion de feuilleter le rapport déposé par M. le président du CPJ, récemment, à l'Assemblée nationale. Cela m'a frappé finalement, en dehors de la question des budgets en dollars constants. Si l'on prend l'effectif, il est passé de 59 en 1985-1986 à 51 en 1989-1990, ce qui représente une baisse de 14 % dans l'effectif du Comité de protection de la jeunesse. J'aimerais savoir de la part du ministre, si, finalement, ces coupures, dans un secteur aussi névralgique que celui de la protection de la jeunesse dont le budget n'est quand même pas énorme, ne sont pas de nature à nuire à un travail fondamental et important qui, à la base, fait en sorte qu'on évite de faire de jeunes délinquants des criminels. En deux mots, c'est vital pour notre société. Quand on sait combien coûte un prisonnier dans nos prisons, il coûte au-delà de... Le dernier chiffre que j'ai vu se rapprochait de 100 $ par jour. Quand on a de jeunes délinquants, si on est capable de rectifier le tir d'un jeune délinquant et d'en faire un élément actif dans une société, bon Dieu, on vient de rendre service non seulement à l'individu, mais on vient de rendre service à la société aussi.

Bref, c'est un dossier très sensible. Je ne voudrais pas entrer dans toutes les listes d'attente qui existent à la DPJ sur les cas de signalisation, mais quand on voit les chiffres de centaines et de centaines de cas en attente à la DPJ - ça, c'est autre chose, le CPJ coiffe tout ça...

Je voudrais savoir de la part du ministre - je sais qu'il est d'accord sur les principes que j'émets - si, concrètement, cela le préoccupe de voir cette baisse de l'effectif, cette baisse de ressources financières au CPJ et, peut-être, s'il veut passer la parole à M. le président, que M. le président pourrait nous dire si cette baisse de ressources humaines et financières n'affecte pas finalement, même de façon minime, les activités, le rendement, l'ensemble des activités du Comité de la protection de la jeunesse.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le Comité de la protection de la jeunesse reçoit son mandat de par l'article 23 de la Loi sur la protection de la jeunesse qui en fait le gardien des droits de l'enfant. C'est donc un rôle très important. Lorsqu'on pense, par exemple, à un cas d'actualité en ce qui regarde la violence sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal qui est relié, à bien des égards, à bien des niveaux, à ta délinquance juvénile, si l'on veut régler ce problème de violence, il faut aller à la racine de ce problème, et la racine de ce problème, ce sont des jeunes qui sont souvent dans des situations difficiles. Certains viennent de milieux déshérités, mais d'autres viennent quand même de milieux aisés. Ils se retrouvent dans des situations difficiles à la suite de l'éclatement des familles ou à la suite d'une incompréhension, bref, à cause de différentes situations. Ne se sentant pas compris, ils peuvent se tourner du côté de la drogue, du côté de la violence, et c'est la situation qu'on doit vivre.

Le comité a donc un rôle des plus importants à jouer, M. le Président, et je dois rendre hommage à son président et à toute l'organisation pour le travail remarquable qu'ils font. Il y a eu, de fait, diminution de l'effectif au Comité de la protection de la jeunesse, et on peut expliquer ce qui s'est passé. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu un projet de fusion entre le Comité de la protection de la jeunesse et la Commission des droits de la personne. On voulait fusionner les deux organismes et, les deux organismes devant se fusionner, certains services, certaines sections étaient communes et étaient donc doublées. On n'avait donc pas besoin de doubler, on pouvait se fier à un seul service de communication ou autre et, par conséquent, on a laissé tomber des postes. Mais quand on a finalement décidé de ne pas faire cette fusion du Comité de la protection de la jeunesse et de la Commission des droits de la personne, le comité s'est retrouvé indépendant, comme il l'était auparavant, mais en perte d'effectif qu'il n'avait pas récupéré. C'est ce qui explique un peu la situation à laquelle nous ferions face aujourd'hui. Je demanderais à M. Dowie de compléter ma réponse.

Le Président (M. Dauphin): M. Dowie, si vous voulez bien vous identifier, pour le Journal des débats.

M. Dowie (Vaughan): Vaughan Dowie, président du Comité de la protection de la jeunesse. Je pense que je n'ai rien à ajouter. Je pense que le ministre a bien expliqué la situation ou les raisons de la situation actuelle. Pour répondre à la question de M. le député, il est clair qu'avec un personnel moins nombreux cela limite notre capacité de remplir un certain nombre de mandats en termes de recherche, en termes de communication, et même de services donnés dans les différentes régions, dans les douze bureaux qu'on a. Je pense que les faits parlent d'eux-mêmes.

M. Filion: Pardon?

M. Dowie: Les faits parlent d'eux-mêmes. (16 heures)

M. Filion: Alors, M. le ministre, compte tenu que les faits parlent d'eux-mêmes et que le président nous dit: "Écoutez, j'ai moins de personnel, donc, c'est évident qu'il y a certains

mandats que je ne peux accomplir comme je voudrais le faire", est-ce que vous avez l'intention de demander des crédits supplémentaires ou de modifier l'ordre des crédits pour faire en sorte que le CPJ puisse recevoir l'aide dont il a besoin pour accomplir son travail?

M. Rémillard: Oui, M. le Président, de fait, j'ai eu l'occasion de rencontrer à quelques reprises M. Dowie. La conclusion est très claire pour nous: on doit lui donner l'effectif dont il a besoin pour accomplir son travail qui est tellement Important. De fait, nous sommes en demande au Conseil du trésor, dans le cadre d'un plan triennal de redressement des ressources pour le comité, un plan qui totalise un besoin de 28 postes. Nous en arrivons à la conclusion qu'il faut ajouter 12 postes immédiatement pour permettre, dans un premier temps, au Comité de la protection de la jeunesse de réaliser son mandat. C'est devant le Conseil du trésor présentement et ce sont des demandes que nous défendons auprès d'eux.

Le Président (M. Dauphin): Si vous me le permettez...

M. Filion: Oui, allez-y, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): ...j'aurais peut-être une question, possiblement au président du Comité de la protection de la jeunesse. On a vécu des problèmes, les années antérieures, relativement aux centres d'accueil pour jeunes. On a d'ailleurs eu l'occasion de s'en parler tous les deux, en ce qui concerne les centres d'accueil pour jeunes en milieu ouvert et en milieu fermé. Il y avait eu des pourparlers avec le ministère de la Santé et des Services sociaux pour régler ce différend. Est-ce que le dossier est réglé ou, s'il n'est pas réglé, où est-ce que ça en est rendu?

M. Dowie: Est-ce que j'ai la permission, M. le Président?

Le Président (M. Dauphin): Je vous en prie.

M. Dowie: On a fait part au ministère de la Santé et des Services sociaux des problèmes qu'on a avec la désignation, en termes de réglementation en vertu de la loi des jeunes contrevenants, des établissements reconnus pour recevoir des enfants qui reçoivent un hébergement, en ce qui concerne la notion de milieu ouvert et de milieu fermé. On a convenu avec le ministère de la Santé et des Services sociaux de faire une étude ensemble sur l'ampleur du problème, avant de poser d'autres gestes. Comme vous le savez, M. le député, on a déjà fait part de façon officielle au ministère de la Santé et des Services sociaux du fait qu'on a trouvé que les règlements en place ne se conforment pas à la loi, et on a convenu avec eux, d'abord, de faire une étude sur l'état de la situation et, après ça, d'étudier la possibilité de rectifier des choses. Nous prévoyons terminer cette étude vers le mois de juin.

Le Président (M. Dauphin): C'est sous étude, au moment où on se parle?

M. Dowie: C'est ça.

M. Filion: Au Conseil du trésor?

Le Président (M. Dauphin): Non. C'est une étude faite par le ministère de la Santé et des Services sociaux et le Comité de la protection de la jeunesse.

M. Filion: Depuis ce matin que j'interroge le ministre et, bon, Conseil du trésor, Conseil du trésor, etc. Je me demande si le Conseil du trésor a remplacé le Conseil des ministres. Non? Cela me rassure. Il y a des fois où je n'étais pas sûr.

M. Rémillard: M. le Président, on me pose une question. Le Conseil du trésor joue son rôle, comme il le fait depuis qu'il a été créé. Le député de Taillon sait très bien que, lorsqu'on a besoin de crédits additionnels, cela passe par le Conseil du trésor, qui fait sa recommandation, mais c'est au Conseil des ministres à décider, en dernière instance. De fait, le Conseil du trésor a une grande responsabilité et on essaie de le sensibiliser le mieux possible à notre réalité. Je compte sur l'expertise, la diplomatie et aussi l'art de convaincre les gens, en particulier, de mon sous-ministre, qui oeuvre au ministère de la Justice, pour le convaincre de la nécessité de nos demandes.

M. Filion: J'allais dire que l'humanité ou l'humanisme du Conseil du trésor n'est pas toujours évident. Je pense bien qu'avec tout ce qui s'est dit aujourd'hui - et si on allait encore plus loin, on irait chercher des arguments additionnels - le sous-ministre est bien équipé, quitte à vous demander de l'accompagner, de temps en temps, pour expliquer la vraie vie à ce monde-là. Encore une fois, on est dans un secteur très important. Notre jeunesse, on en parle, les hommes politiques en parlent, les femmes politiques en parlent, il va y avoir une campagne électorale et tout le monde va parler de la jeunesse. Mais voilà que le Comité de la protection de la jeunesse nous dit qu'il a besoin d'outils concrets pour pouvoir remplir son mandat. C'est simple. C'est là qu'est le problème, c'est peut-être trop simple. Ça ne prend pas de discours, il faudrait juste livrer la marchandise, faire fonctionner ce qui fonctionne déjà.

Puisque le ministre a évoqué le problème de la violence chez les jeunes, qui est un phénomène réel, je l'ai dit et je ne veux pas reprendre l'argumentation que j'ai eu l'occasion de

développer, à savoir qu'il faudrait peut-être aider les ressources de première ligne, c'est-à-dire les maisons de jeunes... Cela ne pourrait pas nuire, il y a une maison de jeunes dans mon comté, à Longueuil, où il passe 1000 jeunes par semaine. Savez-vous ce que le ministère de la Santé et des Services sociaux a fait? Il a coupé sa subvention, rien de moins. Combien de maisons de jeunes sont obligées d'aller crier leur désarroi sur le plan financier? Il y a même une maison sur la rue Saint-Denis, dont je ne me rappelle pas le nom, qui a été obligée de fermer ses portes. Cela, c'est simple, il suffit de prendre un peu de sous et d'aider les maisons de jeunes. Cela ne peut pas nuire à contrer ce phénomène de la violence et d'explosion de violence chez nos jeunes. Je suis tout à fait d'accord avec le ministre à savoir qu'il ne faut pas exagérer, mais il y a un problème. Occupons-nous-en tout de suite.

Ces jours derniers, aujourd'hui ou hier, on a vu que la CUM ou la STCUM - probablement la CUM - s'apprêtait à réglementer le port des armes blanches dans le transport public. Je laisse de côté les problèmes constitutionnels. Le ministre est bien avisé, bien entouré de gens qui pourront l'éclairer là-dessus. S'il y a un jeune ou une autre personne qui décide de contester ça - parce que ça ne s'appliquera pas juste aux jeunes, j'ai l'impression que ça va s'appliquer à tout le monde - à ce moment-là, les tribunaux trancheront. Mais je voudrais savoir, de la part du ministre de la Justice, s'il a analysé la possibilité de légiférer en ce qui concerne la vente d'armes blanches aux mineurs, de la même façon qu'on interdit, sauf erreur, de vendre des cigarettes aux mineurs...

Une voix: De l'alcool.

M. Filion: ...de l'alcool, etc. Est-ce qu'on a étudié cette possibilité? Parce qu'on peut réglementer le port, c'est une chose de l'avoir sur soi, mais la vente, c'est à la source. On arrêterait peut-être de vendre des couteaux de toutes les formes et de tout acabit, compte tenu du fait que Rambo, dans chacun de ses films, nous offre une nouvelle panoplie d'armes plus sophistiquées les unes que les autres, mais qui sont souvent des armes blanches. Je suis convaincu que les fabricants ne manquent pas de modèles originaux et que les jeunes s'en procurent et achètent ça assez facilement.

J'aimerais savoir, de la part du ministre, s'il a analysé cette possibilité de légiférer en ce qui concerne la vente d'armes blanches aux jeunes.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le député de Taillon fait référence à la situation de violence, en particulier chez les jeunes, qu'on peut observer un peu partout au Québec, comme dans d'autres provinces d'ailleurs. Mais, depuis quel- ques mois en particulier, on en parle beaucoup en ce qui regarde, entre autres, le transport en commun dans la région métropolitaine de Montréal, sur le territoire de la communauté urbaine de Montréal. De fait, la Commission de la sécurité publique de la Communauté urbaine de Montréal va étudier un projet de règlement. Nous avons participé à différentes discussions, comme ministère de la Justice, avec des gens du contentieux de la Communauté urbaine de Montréal et de la ville de Montréal, et j'ai moi-même réuni à mon bureau, à deux reprises, les autorités de la Communauté urbaine de Québec, de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal et de la police de la Communauté urbaine de Montréal. La dernière rencontre a eu lieu lundi dernier, donc hier.

À la suite de cette étude par la commission de la sécurité publique, il sera possible de suggérer aux 29 municipalités qui composent la Communauté urbaine de Montréal de voter un tel règlement concernant le port des armes blanches. Il faut bien comprendre, M. le Président, qu'il s'agira là d'un règlement sur la prévention des agressions au moyen de couteau ou d'autres objets similaires. La difficulté vient, bien sûr, de l'aspect constitutionnel, mais nous croyons que ce genre de règlement peut se défendre au point de vue constitutionnel et, comme le dit le député de Taillon, je suis bien entouré pour avoir les conseils qu'il faut sur le pian constitutionnel; je pense donc que ça ira, à ce niveau.

Cependant, il faut aussi se rendre compte qu'il y a certaines difficultés d'application. Nous prévoyons d'ailleurs publier un guide d'utilisation pour les policiers quant à l'application d'un tel règlement. Cela, c'est un aspect très important. Il ne s'agit pas de créer une situation qui nous amènerait, par exemple, à enfreindre des libertés au nom de la recherche d'une sécurité, ce qui ne se justifie pas en fonction des grands principes qui nous guident comme société libre et démocratique. Il y a des journalistes, par exemple, qui m'ont demandé: Est-ce que vous avez l'intention d'installer, par exemple, des détecteurs de métal? Écoutez, il ne faut pas exagérer non plus. On devra préciser comment le règlement pourra être appliqué. Cependant, il faut bien comprendre que le port de ces armes est prohibé surtout dans la mesure où elles sont portées dans une intention qui pourrait être criminelle, c'est-à-dire pour l'agression. Il peut y avoir des situations où une personne doit porter un couteau sur elle - je pense à nos scouts, je pense à d'autres activités qu'une personne peut avoir dans un but tout à fait pacifique. Cependant, dans un endroit public, lorsque ces armes seront portées avec l'intention criminelle d'agresser, on pourra sévir en fonction de dispositions qu'on retrouvera dans ce règlement et qu'on ne retrouve pas dans le Code criminel.

C'est pourquoi j'ai demandé à mon collègue, le ministre fédéral de la Justice, d'inscrire ce sujet à l'ordre du jour de la réunion des minis-

tres de la Justice du Canada, qui aura lieu au mois de juin prochain. Nous ne sommes pas la seule province à vouloir discuter de ce sujet; la Colombie britannique et l'Ontario, entre autres, sont des provinces qui doivent aussi faire face à une situation semblable et qui se préoccupent des mêmes questions que nous. Je crois bien qu'il sera possible de discuter de ce sujet à la prochaine réunion des ministres de la Justice, en juin prochain, pour tenter de revoir le Code criminel et pour le rendre plus actuel, en fonction de la réalité à laquelle nous sommes confrontés.

Maintenant, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il est important de bien comprendre qu'il ne s'agit pas de créer un État policier à tous les niveaux, mais de faire en sorte que nos policiers, nos gardiens de la paix aient les moyens nécessaires pour faire respecter la loi et protéger l'honnête citoyen. Nous avons un bon système policier, nous avons des policiers consciencieux, professionnels, capables de faire leur travail et c'est notre devoir de leur fournir les éléments nécessaires, au point de vue juridique, qui vont les amener à accorder une protection aux citoyens, comme on doit le faire.

Dans ce contexte, au ministère de la Justice, nous étudions présentement différentes possibilités pour réglementer le port d'armes blanches dans les endroits privés ouverts au public, que ce soient des endroits où il y a des spectacles, réunions, par exemple, où on sert des boissons alcooliques. Il est important que l'on puisse contrôler le port de ces armes.

Le député de Taillon nous parle de la vente de ces armes. Bien sûr, la vente de certaines armes, de certains genres de couteaux est déjà prohibée - je pense au "jackknife", par exemple - mais il y en a d'autres qui sont permises. D'ailleurs, ce ne sont pas simplement les grands couteaux à la Rambo qui nous causent des problèmes dans la situation de violence que nous avons, mais souvent les petits couteaux normalement Inoffensifs qui sont utilisés d'une façon offensive. C'est évidemment une possibilité qu'on ne met pas de côté, mais qui peut poser certains problèmes d'application.

Cependant, il est certain qu'on doit regarder aussi de ce côté pour avoir le meilleur contrôle possible. Lorsqu'on parle de revues ou de documents qui sont - on m'a fait perdre mon mot - pornographique... Je pensais au thé qu'on vient de me servir et j'ai perdu le mot "pornographique", mais je reviens à la pornographie pour dire que, bien qu'il n'y ait pas de relation entre le thé et la pornographie, M. le Président, on contrôle la vente de la pornographie aux jeunes, on a différents règlements, et tout ça. On peut regarder cet aspect et, de fait, on le regarde présentement, mais cela pose des difficultés plus importantes. (16 h 15)

M. Filion: Rapidement, M est clair qu'une réglementation ne sera pas facile d'application.

Encore une fois, pour moi, la violence chez les jeunes... Là, on parle beaucoup des transports publics parce qu'il y a eu quelques attentats, mais, à notre avis, c'est vraiment un des symptômes. Pour trouver la cause profonde, il faut aller plus loin que ça. Cela demande une action concertée de plusieurs intervenants pour essayer de déraciner les sources, les causes de la violence qui sont, pour moi, à peu près, pas toujours mais souvent l'expression du désespoir. Les jeunes, généralement, lorsqu'ils posent des actes de violence - je ne dis pas dans tous les cas - ce sont souvent des actes de désespoir. C'est un examen de conscience très sérieux qui doit être fait par l'ensemble de la société et qui est en train de se faire tranquillement, mais encore faut-il prendre des mesures concrètes pour protéger le monde en attendant.

Le règlement, au niveau des transports publics, ne sera pas facile d'application. On ne peut pas fouiller tout le monde. J'ai comme l'impression que ce sera bien bon une fois que le dommage sera fait. Tu as un couteau, voilà une accusation de plus, mais ce ne sera pas facile d'application et, encore une fois, les couteaux, on les retrouve à beaucoup d'endroits, ce n'est pas réservé aux bars, auxquels faisait allusion le ministre, ou aux transports publics. Il m'apparaît que vouloir examiner la vente de ces armes ne serait peut-être pas une mauvaise idée. Mais je suis quand même satisfait de la réponse du ministre à ce sujet. Je n'ai pas d'autre question, surtout que je vois que le président du comité s'impatiente.

Le Président (M. Dauphin): Bon voyage, M. le président!

M. Filion: Bon voyage! Je suis prêt à passer à un autre sujet, mais je pense que le député de Laurier...

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Je voudrais juste faire une remarque à la suite des propos du député de Taillon, pour dire, d'une part, que je partage son inquiétude par rapport à toute la question de la violence et même son analyse, à savoir que c'est un symptôme et que les causes sont plus profondes. Je suis content de l'entendre dire qu'il faudrait regarder ça de plus près et faire une analyse un peu plus sérieuse. Mais c'est la deuxième fois - et c'est à ça que je voulais en venir - que je l'entends lier un peu ce qu'il appelle le sous-financement des maisons de jeunes à toute la question de la violence chez les jeunes. C'est effectivement le genre de choses qu'il ne faudrait pas trop faire, selon moi. Je comprends le besoin du député de promouvoir et d'appuyer les demandes que font des regroupements ou des maisons de jeunes dans son comté pour du financement, mais, pour avoir

participé à une tournée sur la question des maisons de jeunes et à une analyse un peu plus poussée de la question, tout en pouvant dire qu'elle font de l'excellent travail, il faut dire que ce n'est pas nécessairement clair que c'est auprès des clientèles qui sont concernées par le dossier de ce qu'on peut appeler l'aliénation sociale, si vous voulez.

Tout en étant d'accord avec lui que cela ne peut peut-être pas faire de mal si on y ajoute de l'argent, je pense, effectivement, que ce n'est pas le genre de réponse ou de réflexe qu'il faut avoir comme société et comme gouvernement, soit simplement mettre de l'argent là où on pense que cela ne ferait pas de mal. Tout en étant d'accord avec lui que cela ne ferait pas de mal, dans un contexte où il faut, je pense, essayer de trouver les moyens les plus efficaces pour intervenir dans cette problématique sérieuse, et tout en comprenant le besoin du député d'appuyer certaines causes, il me semble que c'est trop facile d'associer le sous financement des maisons de jeunes, en particulier, qui est une ressource spécifique, pour certaines clientèles non nécessairement bien définies ou non uniformes, si vous voulez, en termes de clientèle type, au problème de la violence en disant que c'est le remède ou la solution. Je pense qu'il serait de beaucoup préférable d'essayer d'entamer une réflexion sur les réponses à apporter au dossier de toute la question de la violence, l'utilisation des drogues, le suicide, toutes ces questions d'un dossier qu'on pourrait appeler l'aliénation sociale, plutôt que de promouvoir le financement de certains types de ressources particulières. Je dis ça tout en soulignant que Je partage les préoccupations et l'intérêt du député dans ce dossier. Je ne voulais pas nécessairement ouvrir un dialogue mais...

M. Filion: Je comprends bien.

Le Président (M. Dauphin): Avez-vous des questions pour le ministre ou pour le député de Laurier?

M. Filion: On verra. Je comprends très bien ce qu'a dit le député de Laurier mais je vais vous dire, bien honnêtement, ce qui me fascine là-dedans, c'est de voir qu'on a un problème de violence chez les jeunes, un problème à plusieurs volets qui demande probablement plusieurs actions concertées, intelligentes, d'un tas de gens si on veut enrayer le phénomène et ne pas devenir ce que d'autres sociétés sont devenues. Ce que je n'endure pas, je vais vous le dire très directement, M. le député de Laurier, c'est d'entendre dire que le problème est tellement vaste que ce n'est pas juste en aidant les maisons de jeunes qu'on va le régler, donc on ne bouge pas. Ce que je dis, bien simplement, c'est qu'en ce qui concerne la violence chez les jeunes il faut agir maintenant, ne pas attendre d'être sûrs d'avoir trouvé le parfait bouton à huit trous, mais passer à l'action par des mesures ponctuelles qui ne coûtent pas cher. On n'est pas en train, ici, de parler de milliards de dollars. Le ministre nous dit: C'est une priorité. Si c'est une priorité chez ce gouvernement, il faut que cela se traduise en moyens concrets pour les gens. La CUM fait son bout de chemin, cela a l'air, tant mieux! Si les maisons de jeunes faisaient leur bout de chemin, si le ministère de la Santé et des Services sociaux, si le DPJ et le CPJ avaient un peu plus de moyens, etc. Bref, là-dedans, il n'y a rien de pire que de se croiser les bras et d'examiner le problème de façon générale en disant: C'est un problème énorme, un problème sociétal - pour employer un mot à la mode depuis une couple d'années - et, voyez-vous, c'est complexe, ce n'est pas juste ça, etc. Non.

Chose certaine, je vais vous le dire, M. le député de Laurier, ma maison de jeunes à Longueuil est drôlement efficace. C'est une maison qui n'est pas un centre d'hébergement. Il y a des centres d'hébergement également, à Longueuil, qui sont drôlement efficaces. Je vais aller plus loin que ça, je suis convaincu que, s'il y avait plus de places d'hébergement pour les jeunes en difficulté, qui ne sont pas des places institutionnelles... Ce sont des ressources où les jeunes retrouvent des jeunes et des gens qui parlent leur langage et qui les aident un petit peu à se débrouiller, a savoir comment se trouver un emploi, etc. Je vais vous dire que je trouve que c'est drôlement plus efficace que bien des discours. Il y aurait une chose concrète à faire, maintenant. Les maisons de jeunes, je pense que cela fait partie d'une solution concertée au problème de la violence chez les jeunes et, là-dessus, je trouve que le gouvernement libéral nous tient un double langage puisque le ministre de la Justice nous dit que c'est important, mais le ministre de la Santé et des Services sociaux ne donne pas suite à certaines demandes des maisons de jeunes sur le plan financier.

Je ne parle même pas du problème de leur reconnaissance, etc. Mais cela a l'air que vous ne bougerez pas là-dedans pour ce qui est des demandes financières. Elles ne sont pas énormes. Ce sont des gens qui travaillent généralement en allant chercher des articles, je ne sais pas trop quoi, du gouvernement fédéral, des programmes de développement de l'emploi. Des gens qui font du bénévolat six mois par année et qui sont payés les six autres mois. Mais, auprès des jeunes, ça, c'est drôlement efficace. Dans ce sens - je ne veux pas allonger nos débats là-dessus - j'invite le ministre à brasser un petit peu sa collègue, la députée de L'Acadie, pour obtenir des résultats concrets dans ce secteur; sinon, dans cinq ans, on va dire: Le problème est énorme, mais il n'y aura rien eu de fait. Je suis prêt à passer à un autre sujet, M. le Président.

L'autre sujet est l'accès à l'égalité dans la fonction publique. Brièvement, parce qu'il nous reste un tas de sujets. Combien de temps nous reste-t-il?

Le Président (M. Dauphin): On a jusqu'à 17 heures.

M. Filion: On a travaillé combien d'heures ce matin, M. le Président?

Une voix: Trois heures et demie.

M. Filion: M. le Président, on a travaillé combien d'heures ce matin parce que je pense qu'on n'a pas travaillé trois heures et demie?

Le Président (M. Dauphin): Trois heures et quinze minutes, ce matin.

M. Filion: On a travaillé trois heures et quinze, ce matin.

Le Président (M. Dauphin): Cet après-midi, on a débuté à 13 h 29, précisément. Par contre, je crois qu'il y a une entente. Le ministre a un rendez-vous important à 17 heures.

M. Filion: Je sais que le ministre doit quitter à 17 heures. 17 h 15, est-ce que cela vous irait, M. le ministre?

M. Rémillard: Je dois être là pour 17 heures. Je pourrais quitter à 17 heures. C'est le Salon du livre; on m'attend pour l'ouverture. C'est bien difficile de faire attendre ces gens-là.

Accès à l'égalité dans la fonction publique

M. Filion: D'accord. Allons-y rapidement. L'accès à l'égalité dans la fonction publique. On sait que la proportion de minorités ethniques dans la fonction publique va en décroissant. C'était 4,14 % de l'effectif global en 1987, 4,3 % en 1986 et 3,9 % en 1989. Là, on va exactement dans le sens contraire des engagements électoraux de votre parti. Vous avez dit: On va accroître la participation des minorités ethniques au sein de la fonction publique. Et même, tout récemment encore, les représentants d'Alliance Québec faisaient valoir qu'ils n'étaient même pas 1 % de la fonction publique, 0,9 %. Il y a des problèmes. D'abord, M faut postuler, bien sûr, pour obtenir un emploi. Pour vous aider, dans votre livre, je suis au programme 3, élément 1, qui touche indirectement la Commission des droits de la personne. Bref, quelles actions le gouvernement entend-il prendre pour améliorer ce processus d'intégration de nos minorités au sein de la fonction publique québécoise?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, la question que pose le député de Taillon est une question importante. Il a souligné lui-même ce matin, lorsque nous avons commencé nos travaux, en regardant les gens qui m'accompagnaient, qu'il n'y avait pas beaucoup de femmes parmi les hauts cadres au ministère de la Justice.

M. Filion: Là, je parle des minorités ethniques.

M. Rémillard: Oui, et je sais qu'il a raison, mais j'y arrive.

M. Filion: D'accord.

M. Rémillard: C'est un aspect et nous...

M. Filion: C'est peut-être le thé du ministre qui l'amène à considérer une autre forme à ma question.

M. Rémillard: M. le Président, là aussi, on veut développer cet aspect et avoir des femmes à tous les niveaux au ministère de la Justice. En ce qui regarde les minorités ethniques à mon cabinet, elles sont bien représentées, mais dans la fonction publique, entre autres, au ministère de la Justice, je suis conscient que nous devons faire des progrès dans ce domaine. Ce que nous voulons, c'est pouvoir recourir aux services de plus de fonctionnaires qui sont de minorités ethniques. Je vais me référer à M. le sous-ministre Chamberland pour apporter un complément de réponse.

Le Président (M. Dauphin): M. le sous-ministre.

M. Chamberland (Jacques): M. le Président, merci. Jacques Chamberland, sous-ministre de la Justice. C'est évidemment un problème dont on est conscient au ministère de la Justice. Le député de Taillon réalise sûrement que ce sont des changements de société qui ne s'effectuent pas d'une journée à l'autre, particulièrement lorsqu'on réalise que le ministère de la Justice a, par exemple, beaucoup d'effectif en région, beaucoup d'effectif à Québec et aussi beaucoup d'effectif à Montréal. Évidemment, les minorités ethniques sont surtout concentrées à Montréal, ce qui complique encore plus l'atteinte d'objectifs ministériels quant à la représentativité des minorités ethniques. En ce sens-là, il faut concentrer notre action sur le personnel à Montréal où se retrouvent les minorités ethniques. On est attentif, on est conscient du problème et de la nécessité de faire participer les minorités ethniques à l'administration de la justice. C'est ce que je puis dire aujourd'hui. Évidemment, le gouvernement doit proposer bientôt à l'ensemble des ministères, et non pas uniquement au ministère de la Justice, un programme d'accès à l'égalité pour les membres de ce groupe cible que constituent les minorités culturelles et on attendra. En attendant, on surveille la situation de près. (16 h 30)

M. Filion: Je remercie le ministre et le sous-ministre. Le ministre de la Justice est responsable pour le gouvernement, non seulement au sein de son ministère mais au sein de l'ensemble de la fonction publique québécoise, de l'application de la charte des droits. C'est uniquement pour vous signaler que, l'an passé, on avait eu à peu près le même type de conversation. Je vous disais: Cela diminue; il y a de moins en moins de minorités dans la fonction publique québécoise alors que ça devrait augmenter. Vous m'aviez répondu: On est conscient du problème. Malgré tout, ça diminue tout le temps. Vous ne m'apportez pas de réponses concrètes, de moyens d'action concrets pour essayer de favoriser l'intégration de toutes nos minorités, y compris la minorité anglophone, dont je me fais le porte-parole - c'est dommage que le député de Laurier ne soit pas ici - pour vous transmettre leurs préoccupations face à la réalité qu'elles ne constituent même pas 1 % de la fonction publique québécoise. Elles représentent 0,9 % de la fonction publique québécoise. Cela peut peut-être expliquer des fois des frustrations. Bref, j'attire l'attention du ministre là-dessus.

Droit à la qualité de l'environnement

Juste un mot sur le droit à la qualité de l'environnement. Le ministre sait probablement que sa consoeur, à la conférence internationale des droits constitutionnels, lors de la dernière ou à une des dernières conférences constitutionnelles, recommandait - je pense que c'était un peu le sens de la conférence - l'insertion dans notre charte québécoise d'un droit à la qualité de l'environnement. Je trouvais l'idée tout à fait excellente et le ministre, je pense, est en train de le regarder, peut-être par le biais de la Commission des droits de la personne, la charte elle-même, la première partie de la charte et non seulement la deuxième partie. Est-ce que le ministre a fait part à ses collègues de sa préoccupation à voir le droit à la qualité de l'environnement inscrit comme tel dans notre charte que lui et moi voyons comme étant excellente, mais qui peut être enrichie, bien sûr? Je lui rappelle aussi, sur le plan politique, que, dans son programme, le parti politique auquel II appartient s'est engagé à beaucoup plus. Il s'est engagé à élaborer une charte de la qualité de la vie. Évidemment, on n'a pas vu le début d'un commencement d'une ombre d'une amorce de charte de qualité de vie, mais laissons faire les programmes politiques. Uniquement en ce qui concerne la modification à la charte québécoise, je pense que ce serait une belle façon de prendre le leadership dans ce secteur des droits et libertés. Est-ce que le ministre est prêt à s'engager aujourd'hui dans ce sens-là?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, c'est une très belle question et, de fait, je dois vous souligner l'excellent travail qui a été fait à cette Conférence constitutionnelle sur l'environnement. On se souvient que c'était Marguerite Yourcenar, de regrettée mémoire, qui était la conférencière invitée, romancière de grand talent, qui aura marqué notre époque par sa littérature et qui nous a amenés, justement, à réfléchir de par son action pour la protection de l'environnement. Le message qu'elle nous avait laissé était un message très clair, un message que maintenant, de plus en plus, nous nous devons d'entendre si on ne veut pas détruire complètement notre planète, un message qui doit se traduire dans des termes très concrets et, en particulier, en ce qui regarde des documents juridiques comme des chartes des droits et des libertés. De fait, M. le Président, je considère, pour ma part, et je parle strictement en mon nom personnel, que le droit à la vie que nous retrouvons dans la charte à tous les niveaux, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, doit comprendre le droit à la protection de la vie, le droit à la qualité de la vie, le droit de vivre dans un environnement sain. Cela doit être, de fait, un accessoire au principal. Si on veut garantir le droit à la vie, on doit, par le fait même, garantir aussi des conditions, une qualité de vie, entre autres, en ce qui regarde l'environnement. Je remarque que le député de Taillon fait un geste actuellement qui pourrait être significatif à certains égards, mais que je ne reprendrai pas.

M. le Président, dans ce contexte, on pourrait élaborer et on pourrait inscrire ce droit à un environnement sain dans une charte des droits et libertés, bien sûr, mais encore faut-il s'assurer qu'on pourra avoir consensus sur la signification de ce droit et l'application de ce droit. Or, il y a actuellement beaucoup de discussions qui se font à ce niveau, discussions extrêmement intéressantes. J'ai eu l'occasion, quand j'étais professeur d'université, d'assister à différents forums aux Nations Unies où on a discuté de ce droit à l'environnement et de la nécessité de trouver un moyen pour établir un droit pour chaque citoyen et citoyenne à l'environnement. Cependant, la chose n'est pas facile si on prend en considération les différents éléments qui entrent en ligne de compte dans cette protection de l'environnement.

Mais, M. le Président, je dois dire que je souscris pleinement à la préoccupation du député de Taillon et j'espère que nous aurons l'occasion d'inclure dans nos chartes, dans un avenir prochain, le droit pour chaque citoyen et chaque citoyenne à un environnement sain. Pour moi, ça veut dire beaucoup de choses. Peut-être que sur un geste en particulier, on pourra avoir justement une discussion, le député de Taillon et moi. C'est simplement pour vous dire à quel point c'est difficile de s'entendre sur cette notion de qualité de l'environnement.

M. Filion: Est-ce que ça vous dérangerait si le président de la commission embarquait avec nous dans la discussion?

M. Rémillard: Peut-être que... Une voix: Ha, ha, ha!

M. Filion: On n'apprend pas grand-chose de précis. Le ministre nous dit: Encore faudrait-il s'entendre sur la portée d'un droit semblable. Quand même, quand le Parti libéral - et lui-même en a probablement parlé, je ne sais pas - a évoqué ces choses-là, les discussions et les analyses devaient déjà avoir eu lieu. Je répète ma question: Est-ce que le ministre est prêt à s'engager à ce que ce soit inscrit dans la charte? S'il n'est pas prêt maintenant, qu'il dise: Non, je ne suis pas prêt maintenant.

M. Rémillard: M. le Président, je suis prêt à m'engager aujourd'hui à faire toutes les démarches qui sont nécessaires, ce que nous avons déjà commencé à faire, d'ailleurs, par des rencontres, par des colloques, par des forums, pour tenter d'inscrire justement, éventuellement... Je ne peux pas dire que ça va être fait demain ou après-demain, mais je peux dire que ce serait certainement un élément important à inscrire, dans notre charte des droits et libertés, le droit à un environnement sain. Cependant, il faut être conscient, si on inscrit ce droit, des conséquences que ça peut signifier. Il faut donner les moyens d'exercer ce droit. C'est toujours le même discours pour moi. C'est une chose que d'avoir un droit, mais il faut aussi penser aux moyens qu'on va donner aux citoyens et aux citoyennes pour exercer leur droit. Alors, dans le cas où vous proclamez bien haut le droit à un environnement sain, il faut que vous puissiez aussi permettre à ces citoyens de se présenter devant un tribunal, de se présenter devant un organisme spécialisé et de dire: Voici, j'ai droit, selon ma charte, à un environnement sain; cela signifie telle, telle et telle chose; en fonction de cette signification, je suis dans une situation qui enfreint mon droit et je vous demande d'agir.

M. Filion: Oui, mais...

M. Rémillard: C'est ce qu'il faut voir très clairement. Alors, je ne voudrais pas simplement énoncer de grands principes et faire de grands voeux pieux, mais dans le domaine de l'environnement, il faut agir avec le plus de célérité possible, le plus concrètement possible. Ce que je veux, ce sont des solutions concrètes. Alors, dans la mesure où on s'entendra sur un droit à l'environnement et ce que ça signifie, parce que ça peut signifier énormément de choses, un droit a l'environnement...

M. Filion: Oui.

M. Rémillard: Cela ne fait pas toujours l'affaire de tout le monde à bien des niveaux, sur bien des aspects de la vie, que de respecter un droit à l'environnement. S'il y a un domaine où on peut toucher directement les individus dans certaines de leurs habitudes en fonction de ce principe que leurs droits se terminent là où ceux des autres commencent, dans la mesure où vous établissez ce droit à un environnement sain, vous allez avoir des conséquences sérieuses. C'est un consensus social qui est nécessaire pour faire accepter une telle situation. Dans ce contexte, ce que je peux vous dire, c'est que ce serait souhaitable, et vous avez parfaitement raison, M. le député de Taillon, parfaitement raison. Maintenant, avant de l'inscrire dans la charte, il faut être en mesure de pouvoir faire appliquer ce droit à un environnement sain. C'est pour ça qu'il serait intéressant d'avoir une charte de l'environnement, dans un premier temps.

En ce qui regarde le ministère de la Justice, nous avons augmenté considérablement l'effectif d'avocats au ministère de l'Environnement pour que celui-ci puisse faire en sorte que les règlements et les lois qui gouvernent la protection de l'environnement soient appliqués avec le plus d'efficacité possible. Neuf nouveaux postes ont été créés aux services juridiques du ministère de l'Environnement et je pense que c'est très significatif de la volonté ferme de ce gouvernement de faire respecter les droits de chacun à un environnement sain.

M. Filion: Je ferai remarquer deux choses au ministre, mais rapidement. Premièrement, nous serions les premiers au Canada mais deuxièmement, son discours m'inquiète. S'il attend de voir la confirmation des conséquences d'une inscription dans la charte du droit à la qualité de l'environnement pour prendre une décision, cela m'inquiète. Le ministre est professeur et il sait fort bien qu'à partir du moment où, par exemple, le gouvernement du Parti québécois a inscrit dans la charte le droit à l'orientation sexuelle... Vous savez, il n'y avait pas nécessairement de consensus social. On ne peut pas prévoir ce que les juges et les tribunaux vont décider. C'est un des problèmes, d'ailleurs, de la Charte canadienne des droits et libertés qui ne nous appartient pas, à cette société distincte, que le ministre connaît fort bien. À partir du moment où un droit est inscrit dans la charte, il appartient aux tribunaux d'interpréter à la mesure des législations qu'ils examinent, et à la mesure des critères qui sont inscrits dans la charte. Encore une fois, le gouvernement du Parti québécois n'a pas attendu les calendes grecques pour inscrire d'une façon tout à fait avant-gardiste le droit à l'orientation sexuelle. C'est un exemple. Cela m'inquiète. J'attends de voir les conséquences de ça.

M. le ministre, vous devriez savoir qu'une fois qu'un droit est inscrit dans la charte, ce sont les tribunaux, le gouvernement par les

juges, le gouvernement avec les juges, peu importent les distinctions qu'on peut faire, il reste que ce sont des Juges qui seront appelés à définir la portée de ces droits. On a une conférence qui le dit. Votre parti a déjà énoncé des choses. Si on attend l'an 2050 pour inscrire ça dans la charte, on vient de manquer un peu le bateau. Je suis très conscient de ce que vous dites. C'est peut-être un droit qu'on inscrirait et qui ne serait pas facile, mais il n'y a rien de facile en ces matières. Les tribunaux interpréteront ce qui est raisonnable et ce qui ne l'est pas. Je ferai remarquer au ministre que, sans attendre la charte, on a déjà des lois au Québec, dans beaucoup de secteurs, qui indiquent la limite des droits et obligations de tous et chacun à beaucoup d'endroits et, notamment, ici, dans cette enceinte.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Tout d'abord, le député de Taillon fait une distinction importante entre ce qu'on peut appeler un gouvernement par les juges et un gouvernement avec les juges. C'est une remarque importante parce qu'il se réfère lui-même à l'interprétation que les juges vont donner à une charte des droits et libertés en ce qui regarde, en particulier, ce droit à l'environnement qu'on pourrait inscrire dans une charte des droits et libertés. Il est certain, M. le Président, que dans la mesure où on accepte d'inclure, en particulier dans une constitution, des droits et des libertés qui appartiennent à des citoyens et des citoyennes qui décident de vivre ensemble parce qu'ils partagent le même bien commun et qu'ils veulent atteindre les mêmes objectifs, qui veulent améliorer leur qualité de vie en vivant ensemble dans une société, dans une communauté, par le fait même, on doit accepter qu'il y ait interprétation de ces droits et de ces libertés. Même les droits les plus fondamentaux, comme le droit à la vie, ne peuvent être appliqués d'une façon absolue et doivent, à bien des égards, être interprétés en fonction du contexte social, culturel, politique ou économique d'une société. Dans ce contexte, certains commentateurs en sont venus à la conclusion que, parce qu'on aurait une charte des droits et libertés dans notre constitution canadienne - en particulier, nous fêtons, nous le savons, ce mois-ci, et je pense que c'est aujourd'hui, le septième anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés...

Une voix: C'était hier. (16 h 45)

M. Rémillard: On m'informe que c'était hier, je suis en retard d'une journée. Parce que nous avons une telle charte, nous avons, par le fait même, des juges qui deviennent les grands interprètes de notre société et, par conséquent, que le pouvoir politique perd de son importance et que nous avons un gouvernement de juges, c'est faux, M. le Président. C'est faux parce qu'il faut se référer à ce principe qui nous amène à distinguer le pouvoir exécutif administratif, le pouvoir législatif qui fait des lois et le pouvoir judiciaire qui les fait appliquer.

Dans notre régime parlementaire à nous, il vaut mieux parler de collaboration entre les pouvoirs que vraiment de séparation. C'est une séparation, oui, mais fondée sur une collaboration. Je veux dire, M. le Président, que si, par exemple, l'exécutif qui est le gouvernement, n'a pas la confiance de la Chambre, qui est le pouvoir législatif, il ne pourra pas gouverner. Il y a une distinction à faire entre le législatif et le gouvernement, mais si le gouvernement n'a pas la confiance de la Chambre, donc la collaboration de la Chambre, il ne pourra pas gouverner. En ce qui regarde les lois, c'est la même chose. Il y a une distinction à faire entre le judiciaire, le législatif et l'exécutif. Si les tribunaux décident que nos lois sont illégales ou inconstitutionnelles, elles ne s'appliqueront pas. Donc, nous devons fonder le rapport entre ces trois grands secteurs de notre activité que, déjà, Aristote, comme on le sait, distinguait. On doit quand même se référer à une distinction, oui, mais en fonction d'une collaboration. Dans ce contexte, les tribunaux sont là pour interpréter d'une façon impartiale la situation dans laquelle on doit situer l'application de ces droits et de ces libertés.

En ce qui regarde l'environnement, je ne me suis peut-être pas bien fait comprendre et je ne me suis peut-être pas exprimé d'une façon très claire, mais je voudrais dire au député de Taillon que, certainement, pour légiférer en matière de droit, il ne faut pas attendre d'avoir l'assentiment de tout le monde. Ce serait impossible. On n'irait pas loin comme ça. Cependant, il faut quand même qu'on s'entende sur l'étendue du droit qu'on veut donner. Bien sûr, on ne pourra jamais prévoir dans ses moindres détails l'application de certains droits et de certaines libertés. C'est aux tribunaux à en décider, toujours en fonction du contexte dans lequel ils auront à préciser l'application de ces droits. Cependant, on doit être conscient que si on inscrivait un droit, comme le droit à un environnement sain, dans notre charte, il faudrait auparavant qu'on puisse savoir ce qu'on entend par le mot "environnement" et toute la signification qu'on doit lui donner. Le député de Taillon a raison en disant que nous avons déjà des lois, que nous avons des règlements qui s'appliquent. Oui, mais on peut aller bien au-delà de ça lorsqu'on parle d'un environnement sain, lorsqu'on parle du droit pour chacun de nous à un environnement sain. Je crois que nous travaillons présentement à bien des niveaux. Nous travaillons présentement à faire du droit à l'environnement un droit fondamental, mais il serait aussi inté-

ressant qu'on puisse l'aborder à l'intérieur d'une charte sur l'environnement qui pourrait être fort significative et être un pas déterminant vers une éventuelle inclusion à l'intérieur de la charte d'un droit à un environnement sain.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Filion: Juste un mot. J'écoute le ministre. La situation réelle, ce n'est pas que les tribunaux se bornent à examiner la légalité des lois, mais qu'ils examinent aussi la légitimité des lois par le biais de l'article 1 de la charte canadienne et par le biais de l'article 9.1 de la charte québécoise. Tout ce discours sur l'examen par le pouvoir judiciaire de l'exercice législatif ou de l'exercice exécutif qui se bornerait à un examen légal, je pense que le ministre sait fort bien qu'avec les chartes cet examen déborde le cadre de la légalité ou, si l'on veut, la légalité inclut - peu importe, des professeurs pourront résumer ça mieux que moi - l'examen de la légitimité des lois. Il y a un exemple tout récent avec la loi 101. Il va y en avoir un autre avec le jugement dans l'affaire Irwin Togs, etc. On peut dire que la légalité inclut la légitimité, mais ce sont quand même deux concepts différents. À mon avis, je préfère dire que, finalement, avec les chartes, les tribunaux non seulement examinent la légalité, mais examinent également la légitimité. Je ne sais pas si le ministre et moi sommes sur la même longueur d'onde.

M. Rémillard: Ah oui! M. Filion: Oui.

M. Rémillard: Oui. Je suis parfaitement d'accord. Dans un régime démocratique comme le nôtre, il doit y avoir une relation très étroite, en fait, une même situation de consensus en ce qui regarde la légalité et la légitimité. Lorsqu'on arrive à des situations où on doit distinguer entre la légitimité et la légalité, comme dans le cas du rapatriement de la constitution de 1982, on se retrouve dans une situation très critiquable en ce qui regarde le respect du principe démocratique. Par conséquent, avec l'entente du lac Meech, on viendrait réparer une injustice importante et on viendrait pallier à ce manque de légitimité d'un document qui est légal, donc qui s'applique au Québec, mais qui est illégitime. C'est pour ça que je souhaite que l'entente du lac Meech puisse s'appliquer le plus tôt possible pour pallier à cette illégitimité d'un geste qui est, par contre, légal et qui s'applique au Québec sur le plan de la légalité.

M. Filion: On pourrait discuter là-dessus, M. le ministre. Si le repatriement de la constitution ou les décisions entourant le rapatriement de la constitution sont illégitimes, je pourrais vous poser bien des questions à partir de ce moment. Bref, allons-y sur une autre question concrète. Le gouvernement fédéral a annoncé la création d'un comité- d'étude, sauf erreur, ou d'une commission d'enquête, portant sur les méthodes de conception modernes, les mères porteuses, etc., même la fécondation par voie artificielle. Quand ça a été annoncé, ça ma frappé un peu; il me semble qu'on est en pleine juridiction provinciale. Est-ce que le ministre a réagi à cette commission d'enquête? Est-ce qu'il ne considère pas, finalement, que ça devrait être de la compétence du Québec d'examiner ce secteur d'activité qui va être appelé à prendre de plus en plus d'ampleur? Je tiens à lui signaler, soit dit en passant, qu'aux États-Unis, cette responsabilité relève de chaque État. Je sais qu'on n'est pas pour se transformer en constitutionnalistes américains, mais il me semble que le fédéral empiète sur un champ de juridiction qui est celui du Code civil, finalement, probablement celui du Code civil. On ne parle pas d'actes criminels, M. le ministre, on parle de matières tout à fait civiles, en tout cas, me paraît-il. Est-ce que le ministre peut réagir à ces propos?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. De fait, on a pris connaissance, lors du discours du trône, au niveau fédéral, qu'il y avait intention, de la part du gouvernement fédéral, de créer cette commission d'enquête sur les nouvelles technologies de procréation. C'est un sujet qui, à certains égards, peut impliquer les compétences provinciales, entre autres propriétés et droits civils, c'en est un, et d'autres aspects aussi des compétences provinciales. C'est aussi un sujet qui peut être relié à certaines compétences fédérales en ce qui regarde en particulier le Code criminel. Par exemple, on sait que l'avortement est un sujet de compétence fédérale...

M. Filion: L'avortement, c'est criminel.

M. Rémillard: ...parce qu'on en a fait un crime comme tel. Cependant, en ce qui regarde toutes ces technologies nouvelles de procréation, il y a une distinction qu'on doit faire entre les compétences provinciales et les compétences fédérales.

À ce niveau, il faut bien comprendre, M. le Président, qu'il s'agirait qu'un groupe de travail, donc une commission d'enquête... Si le fédéral veut faire le point, s'il veut étudier, il peut faire des enquêtes, il peut étudier, mais il ne s'agit pas de loi. Lorsqu'il s'agit d'une loi de compétence provinciale, là, nous pouvons dire: II s'agit d'un champ de compétence provinciale et vous n'avez pas à légiférer dans un domaine de compétence provinciale. Lorsqu'il s'agit d'une enquête, bien qu'on puisse faire valoir notre intérêt dans des domaines qui relèvent de notre juridiction, le fédéral peut toujours, par le biais

de son pouvoir de dépenser, étudier différents aspects. Cependant, là encore, M. le Président, le député de Taillon me permettra de me référer à l'entente du lac Meech pour lui dire que, justement, nous aurons une protection accrue en ce qui regarde le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral lorsque l'accord du lac Meech sera accepté comme partie de notre constitution. Nous aurons la possibilité d'avoir un pouvoir de dépenser, le fameux pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, qui s'applique depuis de nombreuses années et qu'on va pouvoir, enfin, circonscrire en fonction d'un cadre d'application, avec une mention très claire qu'il doit respecter le partage des compétences législatives. S'il ne respecte pas les compétences législatives, nous aurons là une arme de première main pour attaquer les législations fédérales qui ne respectent pas les compétences provinciales, même par le biais du pouvoir de dépenser. Dans ce contexte, M. le Président, ce que je peux dire, c'est que j'espère, de fait, que le député de Taillon se rend compte de cette importance, et je sens d'ailleurs, par ses questions, à quel point il est de plus en plus sensible à l'avenir de l'entente du lac Meech et à quel point il se préoccupe du sort de cette entente pour qu'elle se réalise le plus tôt possible et qu'elle donne au Québec les garanties dont il a besoin, pas simplement en ce qui regarde la société distincte et la dualité, mais en ce qui regarde justement le partage des compétences législatives, et là c'est un cas particulièrement intéressant en ce qui regarde le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral.

M. Filion: Je ne partage pas du tout l'avis du ministre de la Justice. Il avait son vidéoclip à l'occasion de la commission parlementaire sur le lac Meech, il avait sa présentation visuelle à tous les intervenants, mais je l'invite à relire les débats. Je l'invite à relire l'opinion de Me Lajoie, entre autres, qui rejoint en bonne partie ce que je pense de l'entente du lac Meech. Il y a une seule chose que j'espère, M. le ministre, et je le dis de façon très cordiale. À vous écouter parler des bienfaits de l'entente du lac Meech, je ne souhaite qu'une chose si jamais cette entente est adoptée, ce qui est loin d'être sûr, parce que, semble-t-il, certaines provinces anglophones trouvent que cela va trop loin. Imaginez-vous, se faire dire que nous sommes une société distincte, qu'elles trouvent que cela va trop loin, je n'avais pas besoin d'une entente pour savoir cela. La seule chose que j'espère, si cette entente est entérinée par les provinces récalcitrantes, c'est que le ministre de la Justice sera à la Cour suprême pour rendre des jugements qui iront dans le sens de ce qu'il nous dit. Mais à ce sujet, même si cela lui arrive un jour, il sera probablement en minorité. Je dois vous dire que vos paroles sont porteuses de grands espoirs constitutionnels pour le Québec, mais l'expérience passée démontre plutôt que, dans le cadre fédéral canadien, bref, les visées québécoises sont rarement atteintes, à preuve l'optimisme dont faisaient preuve vos procureurs avant le jugement dans l'affaire Chaussures Brown et à quelques jours du jugement de la Cour suprême, optimisme dont vous avez peut-être goûté également.

J'ai quatre brèves questions pour terminer. Premièrement, c'est pour quand la loi de mise en oeuvre du Code de procédure pénale? Deuxièmement, que faites-vous au sujet du palais de justice de Saint-Jean? Le président de l'Assemblée nationale, M. le Président, peut difficilement s'adresser publiquement au ministre de la Justice pour lui demander ce qui arrive à Saint-Jean où c'est une situation intenable. Les juges se plaignent, tout le monde se plaint, mais il n'y a rien qui bouge. Troisièmement, je l'ai évoqué un petit peu dans mon discours ce matin, au palais de justice de Montréal, en ce qui a trait au traitement des prévenus, est-ce qu'on peut s'attendre à des actions concrètes? Est-ce que ça va? Alors, la loi de mise en oeuvre du Code de procédure pénale, le palais de justice de Saint-Jean, le palais de justice de Montréal, la circulation des prévenus, etc. J'ai gardé, pour le dessert, ma dernière question, peut-être, comme vous avez signalé que ce sont les derniers crédits auxquels je participerai...

M. Rémillard: Elle est importante pour vous cette dernière question.

M. Filion: Pardon?

M. Rémillard: Elle est importante pour vous cette dernière question...

M. Filion: Non.

M. Rémillard: ...étant donné l'importance de ces crédits.

M. Filion: Écoutez, elle est un peu égoïste. Je veux savoir si le ministre de la Justice entend examiner dès maintenant la possibilité d'un agrandissement du palais de justice de Longueuil. Je sais qu'il l'a visité, j'ai eu l'occasion de le remercier de s'être déplacé lors de la journée de la justice de Longueuil, la semaine dernière. Il a pu prendre connaissance qu'on a construit un palais de justice, ma foi, qui est agréable, où la justice sera bien rendue, dans un climat et dans un environnement très acceptable. Mais il demeure que les besoins étant, je pense que Longueuil est le troisième ou le quatrième district judiciaire en volume, en importance, et ce dès maintenant, à peine une ou deux années après son inauguration. Je lui signale, également à ce propos, que la Montérégie, de façon générale, et la grande région de Longueuil en particulier, c'est la région à plus forte croissance démographique. En deux mots, dans l'accroissement de la population québécoise, on absorbe, je pense, environ 50 % de toute l'augmentation de

la population québécoise, et elle se retrouve sur la rive sud de Montréal. Bref, pour toutes ces raisons, le volume important, ce qui viendra à Longueuil, etc., ce sera sûrement un accroissement du nombre de causes. Est-ce que le ministre entend enclencher maintenant un processus de réflexion pour des travaux devant mener à un agrandissement possible? On sait que c'est prévu sur les plans, l'agrandissement possible du palais de justice de Longueuil.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Voici, M. le Président. En ce qui regarde la première question, la loi sur le Code de procédure pénale, je crois que, dans un avenir prochain, on sera en mesure de présenter ce projet de loi pour son application. Je crois que c'est prévu pour ce printemps-ci. Il reste des modalités administratives à déterminer, mais, ce printemps-ci, c'est mon intention de procéder à ce projet de loi.

M. Filion: Le ministre pourra compter sur notre collaboration.

M. Rémillard: Alors, on procédera le plus rapidement possible. En ce qui regarde le palais de justice de Saint-Jean, c'est inscrit sur notre liste prioritaire, avec Cowansville, Laval, Rivière-du-Loup, et avec la Chambre de la jeunesse de Montréal. Ce sont vraiment nos cinq projets très très prioritaires et nous voulons procéder le plus rapidement possible. Présentement, il y a une étude d'alternatives qui est menée par le ministère des Approvisionnements et Services et nous étudions avec lui les moyens les plus efficaces, les plus rapides de procéder.

En ce qui regarde maintenant le traitement des prévenus à Montréal, je suis parfaitement au courant de la situation. Je suis allé et j'ai visité et on a fait des interventions au Conseil du trésor pour que ce soit réglé en priorité, et je pense être en mesure, là aussi, d'apporter des correctifs qui s'imposent le plus tôt possible.

En ce qui regarde Longueuil, vous me permettrez, M. le Président, tout d'abord de remercier le député de Taillon de sa présence lorsque j'ai visité le palais de justice de Longueuil ainsi que le directeur régional du district, M. Michel Laroche, qui était là aussi, et le directeur du palais de justice, M. Raymond Gallant, et de féliciter Me Saint-Jacques pour le succès qu'elle a remporté lors de cette Semaine de la justice et du droit qui était particulièrement réussie. J'ai pu me rendre compte en visitant le palais de justice de Longueuil que, de fait, on avait construit un très beau palais de justice, très intéressant, mais malheureusement, dans une couple d'années, ce sera un palais de justice qui nous laissera à l'étroit. Donc, il va falloir penser à des agrandissements éventuels et nous sommes à regarder, de façon très intéressée, des possibilités d'agrandir éventuellement le palais de justice de Longueuil. Pour le moment, je pense que cela peut aller pour les prochains mois, les prochaines années.

Conclusions

M. Filion: En terminant, je voudrais remercier M. le ministre et l'équipe qui l'accompagne. Également, M. le Président, on me permettra de profiter de l'occasion pour remercier Me Stéphane Dolbec, mon recherchiste. C'est la quatrième étude de crédits que je fais et, depuis deux ans que nous travaillons ensemble, il a su avec compétence, avec une remarquable précision également, alimenter celui qui vous parle. Nous n'avons pas dans l'Opposition, on le sait - vous y avez été, M. le député de Marquette, mais je ne pense pas que M. le député de Jean-Talon ait eu cette chance, si on peut appeler cela une chance, entre guillemets; le député de Chapleau y est allé également - cette facilité de tirer sur des ressources administratives pour se préparer adéquatement à des exercices parlementaires aussi importants que cette étude des crédits. Je dois, en toute franchise, le remercier pour son travail impeccable. Durant toute la préparation de ces crédits, cela a été un plaisir de travailler avec Me Dolbec et ce n'est sûrement pas pour rien que le ministre de la Justice actuel lui avait déjà accordé une bourse pour aller se perfectionner à l'extérieur. Je suis seulement heureux de constater que, lorsqu'il est rentré de ce voyage de perfectionnement, il a su nous apporter le meilleur de ses énergies qui sont très appréciées. Je vous remercie également, Mme la secrétaire, M. le Président, chers collègues.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je veux aussi tout simplement remercier les membres de cette commission qui ont participé très attentivement à cette commission. Je vous remercie, M. le Président, aussi. Je veux remercier le député de Taillon et M. Stéphane Dolbec qui a fait des études complémentaires, que j'ai connu comme brillant juriste et qui a su montrer ses talents avec le député de Taillon. Je sais très bien, M. le Président, qu'une bonne Opposition fait un bon gouvernement et quand on connaît la qualité du gouvernement, c'est qu'il y ait une bonne Opposition, et cela doit demeurer comme cela.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): Avant de se laisser, membres de cette commission, il faudrait, évidemment, adopter les différents programmes, ce qui était l'objet de notre réunion d'aujourd'hui. Est-ce que les programmes 1 à 10 du ministère de la Justice sont adoptés?

M. Filion: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'ai une autre déclaration à faire. Est-ce que l'ensemble des crédits budgétaires du ministère de la Justice pour l'année financière 1988-1969 est adopté?

M. Filion: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. À mon tour, je remercie les membres de la commission, le ministre de la Justice et son équipe. Nous ajournons nos travaux au jeudi 20 avril, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 7)

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