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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Chapleau est arrivé. Nous
pouvons commencer car nous avons quorum. Je déclare donc ouverte la
séance de la commission des institutions qui a pour mandat de
procéder à l'étude des crédits budgétaires
du ministre délégué aux Affaires autochtones,
c'est-à-dire l'élément 3 du programme 2 du
ministère du Conseil exécutif pour l'année
financière 1989-1990.
Me Giguère, secrétaire de la commission, est-ce qu'il y a
des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Filion
(Taillon) est remplacé par M. Claveau (Ungava) et M. Marcil
(Beauharnois) est remplacé par M. Thuringer
(Notre-Dame-de-Grâce).
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Je rappelle aux
membres de la commission que nous avons une enveloppe de deux heures qui a
été négociée. J'invite, à ce stade-ci, le
ministre délégué aux Affaires autochtones et
député d'Abitibi-Est à procéder à ses
remarques préliminaires et, peut-être avant, de nous
présenter les personnes qui l'accompagnent.
Remarques préliminaires M. Raymond
Savoie
M. Savoie: Merci, M. le Président. Effectivement, je
voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent. D'abord, à
ma droite, M. Gilles Jolicoeur, secrétaire général
associé aux affaires autochtones; M. André Maltais, mon
attaché politique pour ce qui est du SAA et, derrière moi,
à l'extrême droite, M. Bernard Mathieu, secrétaire adjoint,
responsable du comité de développement économique; M.
Jacques Giguère; M. Jean-Daniel Thériault, agent de recherche aux
affaires juridiques et M. Pierre-E. Coulombe qui, comme vous le savez, est le
négociateur spécial, chargé principalement de la
révision des conventions avec les Inuit. Il y a M. Roger Beaudoin, M.
Jean-Marc Lessard et Mlle Ann Picard qui est responsable de l'information aux
Affaires autochtones. Ils constituent les gens qui m'accompagnent et j'imagine,
étant donné que c'est la troisième fois qu'on se
prête à cet exercice, que vous êtes familiers maintenant
avec les intervenants.
M. le Président, en tant que ministre
délégué aux Affaires autochtones, il me fait plaisir de
déposer devant les membres de cette commission, en vue de leur
approbation, les crédits affectés au Secrétariat aux
affaires autochtones pour l'année budgétaire 1989-1990. Je suis
certain que mes collègues présents en grand nombre aujourd'hui,
d'ailleurs au nombre de six, et le député d'Ungava et critique
pour le dossier des Affaires autochtones seront très
intéressés par le bilan que nous allons présenter
dès maintenant.
Le Secrétariat aux affaires autochtones est situé au
centre et au sein du ministère du Conseil exécutif. Il est
chargé d'assister le ministre dans l'élaboration des politiques
gouvernementales relatives aux autochtones et d'en assurer la mise en oeuvre.
De plus, il a comme mission, comme vous le savez, de coordonner les
activités gouvernementales, d'assurer la cohérence des
différentes interventions des ministères et organismes, de
fournir aux autochtones une information générale concernant les
politiques gouvernementales à leur endroit, d'informer l'ensemble de la
population québécoise des réalités touchant le
milieu autochtone, de conduire la négociation des ententes globales en
collaboration avec les ministères concernés et, finalement, de
conseiller les ministères dans la négociation des ententes
sectorielles et veiller à leur mise en oeuvre. Voilà les
tâches principales du secrétariat.
La nouvelle structure que nous avons mise en place, comme nous l'avons
souligné par les années passées, au début de 1987,
s'est avérée des plus efficaces. Elle permet, en effet, de
réunir aussi souvent que cela est nécessaire les 22
coordonnateurs des ministères et organismes en vue de trouver des
solutions originales aux problèmes que la clientèle autochtone
soumet au gouvernement. Le regroupement des coordonnateurs au sein des trois
tables sectorielles a également permis de faciliter les discussions,
d'améliorer les communications entre le personnel du secrétariat
et les coordonnateurs sur les thèmes spécifiques et
d'éviter des retards considérables dans le traitement des
dossiers.
En vue de permettre au secrétariat de mieux remplir son mandat,
j'ai mis sur pied, au cours de 1988-1989, la Direction des affaires juridiques
et du développement des politiques. Cette modification à la
structure du secrétariat a été approuvée par les
autorités compétentes. C'est cette nouvelle direction qui fut
responsable de la publication, le printemps dernier, du document
intitulé: "Les fondements de la politique du gouvernement du
Québec en matière autochtone", dont j'ai déjà fait
parvenir copie au porte-parole de l'Opposition officielle. Je me propose
maintenant de compléter les fondements de la politique du gouvernement
en y ajoutant des éléments essentiels qui permettront aux nations
autochtones de participer à part entière au développement
de la société québécoise. Déjà
quelques projets sont sur la planche à dessin, et plusieurs
ministères sectoriels ont accepté de préciser leur
politique à l'endroit des autochtones.
Dès mon arrivée au poste que j'occupe en ce moment, j'ai
entrepris de consulter les autochtones d'une façon constante. En
1988-1989, j'ai persisté dans cette approche en rencontrant
régulièrement, soit à mon bureau, soit dans les
communautés, les conseils de bande, les municipalités des
villages nordiques et les représentants des nations autochtones. Dans ce
même contexte, j'ai organisé deux importantes rencontres avec les
leaders autochtones du Québec et les représentants du
gouvernement. Le 19 avril 1988, comme vous vous en souvenez, M. Bourassa a
rencontré les chefs des nations et a abordé avec eux la question
des amendements constitutionnels, les mécanismes à mettre en
place pour assurer une collaboration constante et étroite entre les
autochtones et le gouvernement, et plusieurs autres questions concernant des
problèmes particuliers. Le 30 novembre dernier, le ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche, à son tour, a rencontré les
représentants des nations en vue de discuter avec eux des questions se
rapportant à l'exercice des activités traditionnelles. Ces
rencontres de haut niveau, que je juge essentielles, permettent au gouvernement
de mieux comprendre les désirs et les aspirations des nations
autochtones et d'adapter ses programmes et ses politiques de façon
à mieux répondre à leurs besoins.
Comme les questions autochtones concernent au premier chef le
gouvernement du Canada, il m'apparaît important de maintenir un niveau
constant de collaboration avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord
canadien et son ministère. À cette fin, j'ai rencontré
plusieurs fois en cours d'année le titulaire de ce ministère pour
aborder avec lui différents dossiers concernant les deux ordres de
gouvernement. Les fonctionnaires du Secrétariat aux affaires autochtones
ont fait de même avec leurs homologues fédéraux. En plus
des nombreux dossiers qui les amènent à se rencontrer
fréquemment, des réunions statutaires ont lieu tous les deux mois
pour permettre au responsable du secrétariat et au directeur
régional du ministère de faire le point sur l'ensemble des
activités.
La mise en oeuvre de l'entente de concertation portant sur le
développement économique des autochtones a également
été au coeur de nos préoccupations et de nos relations
avec le gouvernement du Canada et avec les autochtones. Les sept groupes de
travail qui ont été mis sur pied après la signature de
cette entente, le 30 septembre 1987, ont tenu de nombreuses rencontres tout au
cours de l'année, auxquelles ont participé les
représentants des nations autochtones. Les recommandations du
comité de coordination prévu à l'entente doivent
être présentées incessamment aux ministres signataires.
M. le Président, j'aimerais également souligner la
participation des autochtones à deux importants sommets
économiques qui ont été tenus en 1988. Au cours du
premier, les Micmacs de Ristigouche ont présenté deux projets
impor- tants, qui ont fait l'objet d'une approbation, d'abord au niveau des
instances régionales et par la suite des instances gouvernementales. Le
second sommet, tenu sur la Côte-Nord en octobre 1988 a permis aux
Montagnais et aux Naskapis de présenter une brochette de projets qui ont
retenu l'attention des différents intervenants. Il me fait plaisir de
souligner, devant tous les membres de cette commission, la qualité des
projets présentés par les autochtones à l'occasion de ces
deux sommets.
J'aimerais également souligner, M. le Président, une
décision prise par le Conseil du trésor l'année
dernière, et qui aura, au cours des prochaines années, un impact
important sur les communautés des villages nordiques. On sait que de
nombreux développements se sont produits au cours des dernières
années dans ces communautés: la construction d'aéroports,
la construction de nouvelles écoles, une augmentation importante du
nombre de nouvelles habitations. Malheureusement, le développement des
infrastructures municipales n'a pas suivi au même rythme. Le
président et les membres de l'administration régionale Kativik et
les maires des villages nordiques m'ont prévenu à cet
égard, et à la suite des discussions que j'ai eues avec mon
collègue, le ministre des Affaires municipales, il a été
convenu de demander au Conseil du trésor de modifier sa décision
antérieure qui maintenait le rythme des dépenses à ce
chapitre en deçà des besoins. Le Conseil du trésor a donc
autorisé le ministre des Affaires municipales à augmenter son
enveloppe d'une façon substantielle, de manière à faire le
rattrapage nécessaire en ce domaine.
Au cours de l'année dernière également, un autre
problème épineux a été réglé à
la suite des discussions que j'ai eues avec mon collègue des Affaires
municipales. En effet, celui-ci a présenté un projet de loi
à l'Assemblée nationale qui a été sanctionné
le 23 décembre 1988 et qui permet d'exempter de la taxe foncière
les camps de chasse des autochtones situés sur leur territoire de
piégeage jusqu'à concurrence d'une évaluation de 15 000 $.
Cette question, qui avait fait l'objet de nombreuses plaintes de la part des
autochtones a donc pu être solutionnée à leur satisfaction
et ce, à l'extérieur des tribunaux et, finalement, sans
confrontation inutile.
Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais informer les
membres de cette commission de quelques autres réalisations du
secrétariat au cours de l'année qui vient de s'écouler.
Tout d'abord, les négociations de la revendication territoriale globale
entre le Conseil attikamek-montagnais, les gouvernements du Canada et du
Québec se sont poursuivies sur une base régulière. En
septembre dernier, les trois parties ont signé une entente-cadre qui
précise les grandes questions qui seront abordées au cours de ces
négociations et qui a fixé en même temps un calendrier de
travail. Les parties ont également convenu à la table d'un accord
de principe
relativement à des mesures provisoires qui seront
appliquées au cours de la négociation. J'ai eu l'occasion de
signer hier cette deuxième entente avec le président du Conseil
attikamek-montagnais, M. Georges Bacon et le ministre des Affaires indiennes et
du Nord canadien, M. Pierre Cadieux, ici même à Québec, et
qui a fait l'objet d'une couverture, entre autres, dans Le Soleil
d'aujourd'hui.
Les discussions se sont également poursuivies entre les Cris
d'Oujé-Bougoumou et le gouvernement du Québec, permettant d'en
arriver à un accord de principe quant à l'octroi d'un
régime complet des terres de catégories 1 et 2 en leur faveur.
Même si l'ensemble de ce dossier n'est pas encore tout à fait
réglé, j'aimerais cependant mentionner le progrès
considérable qu'il a connu au cours de l'année dernière.
L'ouverture faite par le gouvernement du Québec quant à l'octroi
d'un régime complet de terres au même titre qu'une autre bande qui
sera finalement créée au nom des Cris d'Oujé-Bougoumou, a
permis d'orienter les discussions sur une base beaucoup plus acceptable et de
faciliter aussi le règlement de ce dossier.
Au cours de l'été 1988, en collaboration avec le
ministère de l'Énergie et des Ressources, secteur Mines, dont je
suis également responsable et le Secrétariat aux affaires
autochtones, la Corporation foncière de Qarqalik a entrepris un
programme d'exploration minière en vue de former des jeunes Inuit de
Salluit à l'exercice de cette discipline. Des pourparlers sont en cours
pour la poursuite de ce programme durant la prochaine saison.
J'aimerais aussi souligner, M. le Président, que j'ai
signé, le 2 février dernier, au nom du gouvernement du
Québec, une entente avec l'Association des femmes autochtones,
permettant à cet organisme d'engager, pour une période de trois
ans, une personne-ressource en vue de contrer la violence familiale en milieu
autochtone. Cet organisme a été très actif dans ce domaine
au cours des dernières années et cette entente s'inscrit dans le
cadre d'un programme que nous avions entrepris l'an passé conjointement
avec le Secrétariat à la condition féminine.
Enfin, M. le Président, dans le domaine de l'information, le
Secrétariat aux affaires autochtones a poursuivi la publication de la
revue Rencontre, destinée principalement aux Amérindiens et aux
Inuit du Québec, publication qui intéresse de plus en plus
l'ensemble de la population québécoise.
Depuis un certain temps, quelques conseils de bande ont commencé
à réfléchir sur la question de l'autonomie
gouvernementale. Les Inuit du Nouveau-Québec viennent de poser un geste
démocratique en élisant les membres d'une assemblée
constituante qui doit préparer un projet qui fera, par la suite, l'objet
d'une consultation locale et d'une négociation avec le gouvernement. Ce
genre de réflexion me paraît souhaitable et j'espère que ce
processus, qui vient de s'engager au Nouveau-Québec, débouchera
sur des propositions concrètes. Nous sommes réceptifs à
l'examen, avec les Inuit et avec les autres nations autochtones
également qui le désirent, des modalités d'exercice de
l'autonomie gouvernementale à la condition, bien sûr, de respecter
le cadre constitutionnel canadien et l'intégrité du territoire
québécois. Comme j'ai eu l'occasion de le mentionner à
diverses reprises, ce processus ne doit pas non plus constituer pour le
gouvernement fédéral une occasion de se retirer des services
qu'il fournit actuellement aux populations autochtones.
Comme je l'ai mentionné au début de mes remarques,
quelques ministères ont amorcé une réflexion quant
à la formulation de politiques sectorielles à l'endroit des
autochtones. J'entends seconder l'effort de ces ministères et les
assister au besoin, de manière à mieux harmoniser nos relations
avec les premières nations. Cette harmonisation de nos relations ne se
fait pas sans difficulté. Ces difficultés ne doivent pas,
cependant, nous empêcher de poursuivre les discussions et, dans la mesure
où nous ferons preuve de bonne foi de part et d'autre, je suis convaincu
que nous parviendrons à des résultats concrets.
Il me fait plaisir, M. le Président, de soumettre maintenant les
crédits du Secrétariat aux affaires autochtones pour
l'année budgétaire 1989-1990 à l'examen des membres de
cette commission, en vue de leur approbation. Comme le secrétariat
n'administre pas de programmes comme tel, il s'agit, essentiellement, d'un
budget de fonctionnement auquel s'ajoute un montant de 755 000 $ en
dépenses de transfert pour soutenir certains organismes autochtones et
permettre aux communautés de réaliser quelques activités,
particulièrement dans le domaine du développement
économique, du développement socioculturel et du
développement communautaire.
En terminant mes remarques préliminaires, M. le Président,
j'aimerais vous dire que, malgré les difficultés qui sont
persistantes au sein de certaines communautés dans les relations avec le
gouvernement du Québec, je crois que, pour l'ensemble, il se
développe un esprit de coopération entre les
sociétés autochtones et le gouvernement du Québec. J'ai
pleine confiance, d'ailleurs, avec l'arrivée de M. Cadieux au
gouvernement fédéral, que nous serons en mesure d'intervenir
d'une façon beaucoup plus efficace au sein des communautés, afin
d'assurer cette cohabitation sur le territoire qui, finalement, doit nous
préoccuper grandement, non seulement nous, ici, autour de cette table,
mais aussi, je pense, l'ensemble de la société
québécoise. Si on n'est pas en mesure de poser les gestes
nécessaires à cette cohabitation, la confrontation va devenir de
plus en plus difficile.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Je
demanderais maintenant au porte-parole de l'Opposition officielle en
matière
d'affaires autochtones, le député d'Ungava, de
procéder à ses remarques préliminaires.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Oui, M. le Président, juste quelques petites
remarques préliminaires. D'ailleurs, le ministre aurait peut-être
pu couper ses remarques préliminaires s'il avait fait son bilan à
l'intérieur du livre des crédits, comme cela existe dans d'autres
secteurs et comme il l'a fait avec les mines, par exemple, où l'on
retrouve à l'intérieur du document qu'il a déposé
l'ensemble du bilan du secteur minier pour l'année qui vient de se
terminer. On aurait sûrement gagné du temps, ce qui aurait permis,
peut-être, d'aborder d'autres sujets au cours des deux heures qui nous
sont octroyées pour l'étude des crédits qui touchent le
SAA.
Je tiens à remercier l'ensemble du personnel du SAA qui est ici
présent. Je suis convaincu que nous aurons une discussion constructive
et qu'il sera probablement intéressant pour tout le monde, pour les
principaux intervenants dans le dossier, entre autres, les autochtones, de voir
de quelle façon vont évoluer les discussions et les questions que
nous allons poser au cours des deux prochaines heures, enfin l'heure et demie
qui nous reste maintenant.
Je remercie aussi le ministre de se prêter à cet exercice.
Si je ne m'abuse, M. le ministre, c'est la quatrième fois, et non la
troisième, l'ayant fait en 1986, 1987, 1988, et maintenant en 1989. Il
n'y a pas eu d'étude des crédits en 1986?
M. Savoie: Je n'ai été nommé que le 1er
avril, je crois, en 1986.
M. Claveau: Ah! Dans votre cas, c'est la troisième fois.
J'ai remarqué, dans la lecture de son bilan pour l'année
dernière, que le ministre a touché quelques sujets, quelques
dossiers qui ont été conclus à la satisfaction, j'ose
l'espérer, des autochtones concernés. Par contre, il y a aussi un
certain nombre de dossiers qui sont encore en suspens et qui entraînent
des problèmes assez difficiles à vivre pour les gens, entre
autres, ceux qui sont impliqués sur le territoire. Quand le ministre
nous disait: Bon, cela améliore la situation, etc., et finalement, on se
rend compte qu'on s'en va vers une meilleure cohabitation sur le territoire,
à bien des égards, oui, vu de l'extérieur c'est
peut-être le cas; il y a peut-être aussi des parties du territoire
global du Québec où ça se passe comme ça. Il y a
quelques petits dossiers. On parle, par exemple, du dossier de l'archipel de
Mingan, qui risque d'améliorer probablement les conditions dans ce coin
de pays, peut-être aussi qu'avec les Micmacs, la situation est moins
tendue qu'elle ne l'a déjà été alors qu'on avait de
gros problèmes au sujet des quotas de pêche au saumon.
Il y a des coins de pays, où il pourra éventuellement
avoir une amélioration en ce qui concerne les relations entre les
différents groupes ethniques qui se partagent le territoire. Mais le
ministre s'est bien gardé de parler du cas de Kahnawake; il s'est bien
gardé de parler du cas d'Oka, qui sont des cas qui sont de plus en plus
difficiles à vivre pour l'ensemble des habitants du territoire
concerné, y compris pour les non-autochtones qui ont à partager
leur quotidien avec les autochtones. Je ne sais pas si le ministre sait ce que
ça veut dire que d'avoir à vivre quotidiennement des
problèmes de confrontation, des problèmes de non-acceptation d'un
groupe par un autre, ce qui fait que les relations sont souvent très
difficiles.
Le ministre nous a dit, par exemple, et je suis bien placé pour
en parler, que la négociation avait bien avancé dans le dossier
d'Oujé-Bougoumou. La réserve d'Oujé-Bougoumou devrait
normalement se trouver à peu près à une quinzaine de
kilomètres de ma résidence à Chapais; c'est donc un
dossier dont j'entends parler continuellement. Je ne suis pas prêt, en
tout cas, avec l'esprit des gens qui habitent Chapais et Chibougamau, à
partager l'optimisme du ministre quant à la bonne évolution du
dossier. Il s'agit d'en parler avec des gens dans la rue; plus ce dossier va
traîner, plus il va pourrir, plus il sera difficile d'en arriver à
une solution qui satisfera tout le monde. Jusqu'à maintenant, les gens
du milieu, les non-autochtones, ont été largement favorables au
dossier. De plus, il y a des modalités qui font en sorte qu'on
réussit à vivre ensemble sur le territoire. (10 h 30)
J'ai eu moi-même à intervenir auprès des
autochtones, à quelques reprises, pour leur demander de faire attention
au chapitre des moyens de pression qui pourraient être envisagés
dans le milieu, entre autres, couper les routes, couper l'accès à
l'aéroport, etc., qui sont des moyens de pression qui sont
envisagés pour aider le ministre ou pour lui faire comprendre que le
dossier ne va pas aussi bien qu'il ne le croit. Si jamais ces choses-là
arrivent, je vous assure, M. le ministre, qu'il ne sera pas drôle de
vivre dans le milieu, parce que les appuis, actuellement, qu'on a réussi
à dégager du côté des non-autochtones au projet de
la réserve, risquent de fondre comme neige au soleil.
Dans la mesure où je ne crois pas que ce soit la population du
milieu qui ait à payer pour l'incapacité du gouvernement à
trouver une solution, si on nous coupe nos routes, si on fait des pressions
dans le milieu, à ce moment-là, c'est la population de Chapais et
de Chibougamau qui en souffrira, population qu'on se garde bien d'ailleurs
d'impliquer dans le dossier, parce qu'on va faire en sorte que tout se passe
à Québec et que les gens du milieu ne sachent à peu
près rien de ce qui arrive, excepté une petite consultation,
à l'occasion, où on vous dit que ça va bien, alors qu'on
sait par en arrière que cela ne va pas très bien. Mais
après, c'est nous, dans le
milieu, qui avons à vivre les problèmes, qui avons
à affronter continuellement les mécontents parce que le
gouvernement est incapable de trouver une solution.
Alors, quand le ministre nous dit que ça va bien, je ne suis pas
convaincu. Il faudrait s'en parler. Par exemple, par rapport à
Hydro-Québec, avec ce qui s'en vient, le projet de l'Ashuapmuchuan, il y
a des mécontentements qui apparaissent là-dedans aussi au niveau
des groupes attikameks-montagnais, entre autres, le groupe montagnais de
Pointe-Bleue, pour être plus précis. Quand on parle des
aménagements de la rivière Sainte-Marguerite sur la
Côte-Nord il commence aussi, à y avoir des frictions dans les
milieux. Quand on parle de l'aménagement de la rivière de la
Grande-Baleine même, on a actuellement un refus total de la part d'une
communauté autochtone concernée, les Cris, et on a, en tout cas,
une position qui est encore un peu plus mitigée de la part des Inuit,
mais c'est loin d'aller aussi bien que le ministre ne semble le dire dans ses
affaires, dans la présentation succincte qu'il vient de nous faire.
Alors, je serais plutôt modeste, à la place du ministre, au
moment de faire un bilan sur les activités, sur ses propres performances
depuis trois ans, dans le dossier des relations entre autochtones et
non-autochtones; je serais plutôt modeste. Je n'essaierais pas de me
pavaner la tête trop haute, parce que si le ministre prend le temps
d'aller dans le milieu et de consulter ceux qui vivent continuellement les
confrontations ou les problèmes de coexistence, de cohabitation sur un
territoire donné, il va peut-être me dire aussi qu'il se
réfère à Val-d'Or où il y a des groupes autochtones
qui sont présents et qu'il peut peut-être comprendre un peu ce
qu'il se passe là, sauf que les Cris qui sont à Val-d'Or ne sont
pas sur leur territoire; ils sont à l'extérieur du territoire,
dans un cadre administratif. D'ailleurs, ils ont tendance à sortir de
Val-d'Or actuellement pour rapatrier leur administration sur leur territoire.
Quant aux groupes algonquins, ils ont aussi des revendications qui ne semblent
pas avancer terriblement vite, en tout cas d'après ce qu'on me dit,
d'après les contacts que je peux avoir avec ces groupes-là. Il
semble y avoir des problèmes à faire avancer les
négociations.
En règle générale, en terminant mes remarques
préliminaires, M. le Président, je suis, à un moment
donné, obligé de constater, malgré les quelques
réalisations qui ont pu se faire au cours de 1988, de l'exercice
financier 1988-1989, entre autres, les élections au
Nouveau-Québec qui, soit dit en passant, ont été une
réussite non pas à cause du ministre des Affaires autochtones,
mais à cause du président des élections du Québec
qui a fait un boulot extraordinaire là-dedans, malgré la
signature d'une entente pour la gestion de l'archipel de Mingan, donc,
malgré quelques réalisations comme celles-là, ici et
là, que selon l'opinion générale, avec les nouvelles qui
ont été publiées régulièrement au cours de
l'année, il existe des problèmes de relations entre autochtones,
Hydro-Québec et les milieux concernés. On a parlé de
quelques-uns, ceux de Kahnawake et de la région d'Oka. Je souhaiterais
donc que le ministre soit plutôt humble quant à ses
réalisations dans ce domaine.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député d'Ungava. M. le ministre, avez-vous quelque chose à
ajouter ou si on peut procéder immédiatement aux questions?
M. Savoie: On peut procéder immédiatement.
Secrétariat aux affaires autochtones
Fonctionnement-Personnel
Le Président (M. Dauphin): Aux questions et
réponses? Alors, j'appelle effectivement l'élément 3 du
programme 2 du ministère du Conseil exécutif qui traite des
Affaires autochtones. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Effectivement, on peut
constater, dans un premier temps, qu'il n'y a pas une grosse modification quant
aux prévisions budgétaires qu'on avait l'année
dernière au même élément. J'aimerais,
peut-être, par exemple, que le ministre m'explique quand même
quelques modifications de comportement dans ses colonnes de chiffres quant
à la gestion du SAA. D'abord, on nous dit cette année que les
effectifs réguliers autorisés seront de 25. Dans le cahier des
demandes de l'Opposition, on nous a donné les chiffres réels et
budgétisés par rapport à l'année dernière,
mais on ne nous a pas donné le nombre d'effectifs réels en
1988-1989. Est-ce que le ministre pourrait nous donner ce nombre?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Savoie: II n'y a aucun changement. C'est toujours 25.
M. Claveau: II y a actuellement 25 employés en poste.
M. Savoie: Oui, Monsieur.
M. Claveau: Si vous l'aviez écrit, vous voyez, on aurait
économisé une question.
M. Savoie: II faut vous occuper.
M. Claveau: C'était la même chose en 1987-1988, je
suppose?
M. Savoie: Oui. C'est cela, 25.
M. Claveau: Tout ce qu'on retrouve ici, en termes d'augmentation
concernant le fonctionnement-personnel, ce sont des augmentations de
salaire prévues, strictement des augmentations de salaire
prévues. Dans Autres rémunérations, cela double presque.
C'est une belle augmentation de salaire, ça. Qu'est-ce que vous avez
prévu là-dedans?
M. Savoie: Où ça?
Fonctionnement-Autres dépenses
Communications
M. Claveau: Excusez-moi, j'étais dans les données
de 1987-1988. C'est l'année passée que cela a beaucoup
augmenté. L'erreur est mienne. Concernant les dépenses de
fonctionnement, on voit une diminution dans les dépenses de
communications. Est-ce que vous pouvez m'expliquer le pourquoi de cette
diminution?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Claveau: On passe de 310 000 $ de dépenses
réelles à 283 000 $. Ce n'est quand même pas de très
gros chiffres, mais il n'en demeure pas moins que cela doit s'expliquer.
M. Savoie: On me dit que la revue Rencontre a
coûté moins cher, d'une part, étant donné que les
coûts ont été réduits au niveau de la revue
Rencontre et qu'il y a eu, d'autre part, tout simplement, moins de
déplacements et moins d'appels interurbains de la part de nos
fonctionnaires.
M. Claveau: Qu'est-ce qui fait que la revue Rencontre a
coûté moins cher? Est-ce que le tirage est moins
élevé?
M. Savoie: On pourrait peut-être demander à Mlle
Picard de venir nous expliquer cela.
Le Président (M. Dauphin): Excusez-moi, voulez-vous vous
identifier?
M. Savoie: Je la présente. Il s'agit de Mlle Ann Picard
qui est responsable de la revue Rencontre.
Le Président (M. Dauphin): Mlle Picard, allez-y.
Mme Picard (Ann): La seule différence pour la revue
Rencontre, c'est qu'il y a eu moins de pigistes qui ont
été engagés à ce budget, et c'est pour cela qu'il y
a une légère différence pour la revue Rencontre,
car pour ce qui est des fournisseurs externes, c'est le même montant.
Cela fait une différence de...
M. Savoie: 44 000 $. Mme Picard: Oui.
M. Savoie: 45 500 $ moins 44 000 $, cela fait 1100 $.
Mme Picard: Les textes ont davantage été faits par
des ressources internes du secrétariat et de collaborateurs venant
d'autres ministères ou organismes.
M. Claveau: Par contre, on voit ailleurs dans le document qu'il y
a une bonne partie des dépenses qui sont reliées à la
revue Rencontre et qui viennent de la traduction. On dit traduction dans
différentes langues, c'est cela?
Mme Picard: C'est comme chaque année, je crois bien, pour
les trois langues. On les a encore: inuit, montagnais et crie, parce que la
revue est traduite continuellement.
M. Claveau: Toutes les sommes qui sont données aux
traducteurs, est-ce que cela entre dans ce poste? Est-ce que c'est
comptabilisé dans les dépenses de communications?
Mme Picard: Oui.
M. Claveau: Quelle est la pénétration de la revue
Rencontre? Le ministre nous a dit tout à l'heure, pompeusement, qu'elle
prenait de plus en plus de place dans la population mais...
M. Savoie: Pompeusement?
M. Claveau: ...pourriez-vous nous en parler?
Mme Picard: Vous voulez dire la pénération en
milieu non autochtone ou autochtone?
M. Claveau: La pénétration en milieux non
autochtone et autochtone, enfin le rôle, l'impact de cette revue. Est-ce
que vous sentez que c'est important qu'elle soit continuée, que
ça améliore les communications entre les groupes ethniques qui se
partagent un même territoire?
M. Savoie: Ma mère s'est abonnée.
Mme Picard: On peut dire que la population autochtone, toutes les
familles autochtones reçoivent la revue, les 53 communautés
autochtones. Pour ce qui est de la population non autochtone, on met un coupon
à l'intérieur de la revue, les gens doivent écrire pour
s'abonner. On en reçoit continuellement, disons au moins 500 coupons
à chaque numéro. Cela vient directement des gens qui
désirent la recevoir.
M. Claveau: Cela veut dire que le tirage devrait croître
assez rapidement.
Mme Picard: Oui. Je dis 500, mais là-dessus, il y a des
annulations qui surviennent, alors disons qu'à tous les numéros,
j'augmente le tirage d'à peu près 500 numéros. On commence
à
aller un petit peu dans des expositions, avec le ministère des
Communications, et on fait une certaine sensibilisation. Cela fait aussi
connaître la revue. Mais elle est destinée principalement aux
Amérindiens et aux Inuit, et tant mieux si elle intéresse la
population non autochtone, à ce moment cela lui permet de
connaître un peu les activités du gouvernement et aussi les
activités qui se passent en milieu autochtone. Mais je crois qu'il y a
une bonne pénétration et les gens s'y intéressent de plus
en plus. Je pense qu'on le voit aussi par les médias, les journaux, et
tout cela. Je trouve que de plus en plus en s'aperçoit que le domaine
autochtone intéresse le public en général.
M. Claveau: Surtout quand il y a des problèmes sur des
réserves et qu'on braque des .12 coupés sur la
Sûreté du Québec. Cela intéresse les gens
passablement.
Mme Picard: Du côté de la revue Rencontre, on
essaie de mettre beaucoup d'éléments positifs.
M. Claveau: C'est parce que cela va bien dans les relations.
Discussion générale
Difficultés et négociations avec
certaines communautés
M. Savoie: Il faut bien s'entendre qu'effectivement, et je l'ai
souligné à la fin de mon discours, qu'on a des difficultés
avec certaines communautés. J'ai mentionné très clairement
que ces difficultés risquent de croître, à moins qu'on soit
en mesure de trouver une forme de cohabitation qui, finalement, tienne compte
des positions des Blancs et des autochtones. Je pense que ce n'est pas qu'on
veuille éviter de discuter des ces problèmes; bien au contraire,
on en discute régulièrement. D'ailleurs, demain, j'ai une
recontre avec des représentants de la MRC d'Oka et avec la bande d'Oka
pour chercher à faire un consensus sur une approche qui pourrait
réduire les difficultés qui opposent les deux communautés.
On suit de très près la situation à Kah-nawake, c'est un
problème, comme vous le savez, qui augmente considérablement de
semaine en semaine. Ceci étant dit, je pense que si on ne tient pas
compte de ces deux communautés, et tout en reconnaissant qu'il existe
des problèmes, ici et là, je pense que dans l'ensemble, par
contre, la situation est très acceptable.
Il faut aussi tenir compte d'une situation plus générale,
qu'on pourrait classifier comme étant nord-américaine, pour ne
pas dire propre à l'hémisphère occidental. Je pense, par
exemple, à ce qui se produit au Brésil, à ce qui se
produit au Mexique, à ce qui se produit aux États-Unis et au
Canada, dans l'Ouest canadien, en Ontario. Il y a là un bouillonnement
qui est peut-être dû à une espèce de réveil
des autochtones vis-à-vis de leurs droits et de leur situation
économique, une non-acceptation de leur situation sociale et cela
produit des excès et aussi beaucoup de discours. C'est propre à
tout bouleversement social. On voit ces deux tendances se manifester. Pour le
moment, on espère que cela va se maintenir comme ça, que ceux qui
veulent des échanges, des discussions constructives vont maintenir une
position dominante au sein des communautés et qu'il n'y aura pas de
confrontation.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Groulx, est-ce que c'était sur le même
sujet?
Mme Bleau: Oui.
Le Président (M. Dauphin): Je m'excuse, M. le
député d'Ungava.
Mme Bleau: Je voulais vous entendre parler d'une entente dont on
a eu vent: les Montagnais-
Attikameks. De quoi s'agit-il dans cette entente, et qu'est-ce que cela
va apporter?
M. Savoie: Très rapidement, je pense que vous faites bien
de le souligner, parce que cela a suscité beaucoup
d'intérêt, certainement hier, et je pense depuis longtemps,
surtout pour les gens de la Côte-Nord, les gens de la Haute-Mauricie qui
sont très intéressés. (10 h 45)
Comme vous le savez, les Attikameks et les Montagnais n'ont jamais fait
l'objet d'un traité avec le gouvernement du Québec et le
gouvernement d'Ottawa. En conséquence, ils ont des droits sur le
territoire qui ne sont pas éteints et on est en voie de négocier
avec les Attikameks-Montagnais, les droits de ces deux nations sur un
territoire qu'on évalue à environ 700 000 kilomètres
carrés.
Nous avons abordé des discussions avec eux, à l'automne
1986, à la suite d'une longue préparation qui a commencé
en 1979, les négociations ont commencé en 1986. On s'est entendus
sur la signature d'une entente de principe en 1988, le 13 septembre, qui
prévoit en quelque sorte ce sur quoi vont porter les négociations
et ça comprenait, entre autres, une mesure accessoire, ce qu'on a
signé hier. Non seulement on est arrivés à
déterminer ce sur quoi allaient porter les négociations, on s'est
entendus sur les mesures provisoires, c'est-à-dire qu'en attendant la
signature finale de l'entente, qu'est-ce qui se passe sur le territoire, par
exemple, si Hydro veut construire une ligne, de quelle façon les
autochtones réagiront à cela.
On prévoit, pour le mois d'avril 1990, la signature d'une entente
générale en vue d'un accord final et, ensuite, l'entente finale
en 1991.
Le Président (M. Dauphin): Mme la
députée.
Mme Bleau: Est-ce qu'il y avait déjà de gros
problèmes dans ce groupe-là ou si...
M. Savoie: Effectivement, ils ont plusieurs problèmes.
Étant donné qu'on n'avait jamais signé de traité
avec eux, leurs droits sur le territoire étaient encore tout à
fait présents. Cela nous mettait dans une situation difficile, eux aussi
étaient dans une situation difficile vis-à-vis des occupations
qu'on en faisait et l'utilisation qu'on faisait et des richesses naturelles et
de l'agriculture, et nos autres activités d'ordre
socio-économique.
Cela permet, à ce moment-là, de s'asseoir, de signer ce
traité et de régulariser, en tout cas, la situation de
l'occupation du territoire et, deuxièmement, leurs activités de
chasse et de pêche, le développement économique sur leur
territoire.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, est-ce que...
M. Savoie: Peut-être à titre de renseignements sur
la revue Rencontre, très rapidement, en 1987-1988, ça nous
coûtait à peu près 35 000 $ par numéro, 35 500 $ par
numéro. Or, en 1988-1989, le coût a été
réduit à 33 000 $ par numéro. Il y a une baisse sensible
et, comme elle le dit, il y a une augmentation de la circulation.
M. Claveau: Par exemple, entre le dernier numéro de
1988...
M. Savoie: Oui.
M. Claveau: ...non, le dernier numéro de 1987 et le
dernier numéro de 1988...
M. Savoie: Oui.
M. Claveau: ...le tirage a changé de combien? Je vous
remercie de l'information, on a ouvert une parenthèse, mais je voulais
revenir sur...
M. Savoie: À peu près de 1400.
M. Claveau: La grande majorité de ces exemplaires c'est en
milieu autochtone qu'ils se distribuent?
Des voix: Moitié, moitié. M. Savoie:
Moitié, moitié.
Mme Picard: L'augmentation est surtout en milieu non
autochtone.
M. Savoie: Surtout en milieu non autoch- tone. C'est un outil
intéressant pour les enseignants, c'est un outil intéressant
aussi pour ceux qui s'intéressent à la question autochtone. On la
voit tout partout, maintenant, la revue Rencontre.
Une voix: C'est ça, la moitié des exemplaires est
distribuée en milieu non autochtone et la moitié en milieu
autochtone.
M. Savoie: C'est cela. Ta mère ne s'est pas
abonnée?
M. Claveau: M. le ministre, ma mère est morte le 27 juin
1969.
M. Savoie: Je m'excuse, je n'ai pas voulu faire de farce.
C'était pour te dire, à titre d'exemple, que chez nous, dans ma
famille, on s'est abonnés et c'est ainsi, les gens s'abonnent d'une
façon...
M. Claveau: C'est ça, mais la question que j'allais poser
est celle-ci. Quand on parle de la pénétration en milieu
non-autochtone...
M. Savoie: Oui.
M. Claveau: ...est-ce que c'est surtout au niveau des
régions ou si ça pénètre aussi dans les grands
centres?
Une voix: Les grandes villes aussi, Montréal...
M. Claveau: Est-ce qu'on peut, au moment où on se parle,
saisir le pouls enfin, la perception qui existe dans les milieux non
autochtones par rapport aux problèmes autochtones et cette
différence de perception qu'il y a entre les grands centres et les
régions où il y a un partage du territoire continuel avec les
autochtones.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Savoie: Dans les grands centres, l'implication du milieu
autochtone ne présente pas les mêmes difficultés, ne
soulève pas les mêmes questions qu'en régions, du tout.
C'est-à-dire que les problèmes qu'on voit, par exemple, dans les
régions de Montréal et de Québec ne sont pas identiques
à ce qu'on rencontre, par exemple, à Chapais ou à
Natashquan. Ce ne sont pas du tout les mêmes problèmes.
M. Claveau: Mais quand vient le temps pour le ministère ou
pour le... J'ai toujours le SAGMAI en tête. Le nouveau nom, c'est...
M. Savoie: ...le SAA. M. Claveau: ...le SAA.
M. Savoie: Oui.
M. Claveau: Quand vient le temps pour le SAA de prendre une
décision ou d'orienter une négociation dans les milieux
autochtones et tout cela, quelle perception prône-t-il? Est-ce que vous
vous attardez plus aux problèmes du quotidien vécu en territoire
avec ceux qui auront à partager ou à vivre avec la
décision ou si vous allez plutôt vers une perception globale des
Québécois, en sachant très bien qu'il y a environ 3 000
000 de Québécois dans les grandes régions de
Montréal et de Québec, peut-être un peu plus même,
qui, eux, finalement, peuvent être très ouverts par rapport
à certaines décisions du gouvernement, mais qui, en fin de
compte, n'auront pas à en subir aucunement les conséquences?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Savoie: La meilleure façon de répondre à
votre question, c'est de vous donner des exemples. Si on parle des
régions, lorsque, par exemple, on s'est entendus sur le territoire des
Cris d'Oujé-Bougoumou, avec les Cris, nous nous sommes rendus à
Chapais-Chibougamau, nous avons rencontré l'ensemble des intervenants
socio-économiques pour leur expliquer la prise de position, pour
être certain que le tout se faisait avec leur approbation au niveau, par
exemple, du territoire. Il y a eu des rencontres avec les gens de Chasse et
Pêche; il y a eu des rencontres avec les officiers élus sur le
plan municipal, avec les intervenants socio-économiques et on est
allés chercher cette approbation. Dans la région,
l'échange se fait beaucoup plus facilement.
Quant aux grands centres évidemment, comme je vous l'ai dit, les
problèmes ne sont pas identiques. On a des situations où on
revendique un territoire additionnel; je pense à Kahnawake tout
près de Montréal. Comme vous le savez, elle veut agrandir les
territoires de sa réserve en se basant sur un "land-claim" qui date
maintenant de plusieurs années. La problématique n'est pas
pareille parce que l'ensemble de la Communauté urbaine de
Montréal ne se sent pas impliqué immédiatement en tout
cas, à ce stade-ci, par cette revendication. On ne saisit pas ou on
saisit mal l'impact que cela pourrait avoir, sauf évidemment pour les
élus, ceux qui sont bien renseignés sur la question d'impact que
cela pourrait avoir sur l'évolution ou pour les petites
municipalités avoisinantes. Je pense, entre autres, à une moins
petite municipalité, je pense à Châteauguay, par
exemple.
M. Claveau: Mais...
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Claveau: ...ma question était un peu plus
générale...
M. Savoie: Oui.
M. Claveau: ...dans la mesure où, par exemple, on sait
qu'il y a tout un tas de revendications territoriales un peu partout,
qu'à peu près tous les groupes autochtones essaient aujourd'hui
d'avoir du territoire. Certains dossiers avancent plus vite que d'autres pour
toutes sortes de raisons. Mais on sait qu'autant les Mohawks, que les
Attikameks, les Montagnais, les Micmacs, les Algonquins, enfin... Les Cris, on
peut dire que c'est réglé, du moins en termes de superficie de
territoire, bien qu'il y ait encore une question de délimitation avec le
territoire algonquin qui ne semble pas être réglée, du
moins dans la tête de plusieurs sur le terrain. On parle, par exemple, de
revendications territoriales régionales en Haute-Maurice, au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, sur la Côte-Nord, dans le secteur de Kanawake,
enfin, les Basses-Laurentides et d'autres demandes aussi qui ont
été acheminées par d'autres groupes. Quand vous analysez
tout cela globalement...
M. Savoie: Oui.
M. Claveau: ...quelle est votre priorité en termes de
démarches vis-à-vis de l'opinion publique? Dites-vous: on fait un
sondage. Bon, 70 % des Québécois dans l'ensemble sont d'accord
avec cela, donc on va de l'avant, point final. Je prends un exemple -
d'après ce que je peux voir, il n'y a pas eu de sondage là-dessus
parce que vous avez répondu, à la question sur les sondages
d'opinion, qu'il n'y en avait pas eus. Je prends cela à titre d'exemple.
Allez-vous avec la perception de l'ensemble des Québécois qui,
souvent, peut être relativement favorable ou si vous y allez plutôt
avec la perception des gens dans le milieu, de ceux qui vont avoir à se
partager la décision avec les autochtones dans chacun des milieux
concernés?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Savoie: On n'a pas à faire de sondage auprès de
l'opinion publique, c'est une question de droit. Ils ont des droits sur le
territoire. Ils ont des droits de chasse et de pêche, pas tous; ça
varie, comme vous l'avez mentionné, s'ils sont conventionnés ou
pas, s'ils sont situés au nord du territoire de 1763 ou à
l'intérieur de ce territoire. Il y a toutes sortes de distinctions qui
doivent se faire selon la situation géographique de la
communauté. De façon générale, ce qu'on fait, c'est
qu'on regarde le droit et une fois qu'on a constaté qu'ils ont des
droits, on doit les encourager dans leurs démarches. C'est notre
rôle qu'ils puissent finalement se réaliser pleinement. Je vais
vous donner l'exemple de la communauté d'Oka où il n'y a pas de
réserve, où il ne s'agit que d'un ensemble de petits lots qui
appartiennent au gouvernement fédéral et qui sont occupés
par les autochtones en vertu de
diverses ententes. Ce qu'on constate c'est qu'il va falloir, tôt
ou tard, orienter la communauté autochtone avec les chefs. C'est ce
qu'ils recherchent d'ailleurs, s'assurer qu'ils puissent obtenir, par exemple,
une réserve, quelque chose de plus consistant où Ils pourront
exercer leurs droits qui leur sont dévolus en vertu de la constitution
canadienne sur un territoire qui a de la cohérence.
M. Claveau: Globalement, M. le ministre, avez-vous une
idée, une vision à long terme où vont nous mener toutes
ces négociations qui se font avec les autochtones et qui doivent un jour
ou l'autre déboucher sur quelque chose? Quel va être, à
votre avis, l'issue finale de tout ça?
M. Savoie: Ce qu'on peut faire, c'est regarder ce qui se produit
ailleurs où ils nous ont en quelque sorte devancés au niveau de
certains processus de développement économique. Je pense à
certains États des États-Unis, par exemple, où certaines
communautés ont pu développer sur leurs réserves une base
économique leur permettant d'exercer des activités
économiques des plus rentables où il y a une cohabitation qui se
fait très bien avec le Blanc et où l'autochtone peut vivre dans
sa communauté culturelle, au sein d'une communauté culturelle qui
est, par ailleurs, génératrice d'emplois. Il y a certaines
réserves aux États-Unis où on a des industries de haute
technologie, où on n'a pas seulement des occupations traditionnelles de
tourisme et d'artisanat mais de haute technologie, de fabrication de "chips".
Non pas des patates frites mais des "chips" pour les ordinateurs, des choses
comme ça. Il y a une révolution dans plusieurs communautés
aux États-Unis. Si on doit faire une réflexion sur l'avenir ou si
on doit chercher à mener à terme une réflexion sur
l'orientation finale, c'est finalement sur une cohabitation où les
autochtones pourront, par exemple, s'épanouir pleinement en utilisant et
leur culture et leurs activités traditionnelles de chasse et de
pêche mais en les mariant au développement économique qui
leur permette d'avoir un niveau de vie, une qualité de vie qu'ils
recherchent.
M. Claveau: Mais vous savez, M. le ministre, qu'il s'agit d'une
vision, je dirais, idéaliste du problème.
M. Savoie: Je pense que c'est terre à terre.
M. Claveau: Le problème ne se pose pas comme ça.
Peut-être plus tard. Les groupes autochtones, dans un premier
temps...
M. Savoie: Mais vous m'avez demandé où va mener la
vision finale, globale? Bien, c'est là que ça mène.
M. Claveau: Une vision à moyen terme d'abord.
M. Savoie: Cinq ans. Un moyen terme, c'est cinq ans.
M. Claveau: Admettons 20 ans.
M. Savoie: Une vision de 20 ans, c'est à long terme, M. le
député.
M. Claveau: Vous savez, ça fait déjà une
quinzaine d'années, quatorze ans, que la Convention de la Baie James est
signée. Cela va faire quatorze ans au mois de novembre et il y a encore
bien des choses qui ne sont pas en application. Vous savez, 20 ans dans le
domaine, c'est peut-être juste du court terme. Allons un petit peu plus
proche du quotidien.
M. Savoie: Cinq ans.
M. Claveau: Admettons cinq ans.
M. Savoie: À moyen terme, cinq ans.
M. Claveau: Si vous voulez cinq ans, cinq ans c'est vraiment la
base. Vous avez parlé tout à l'heure de quelque chose avec les
Montagnais. Juste pour réussir à arriver peut-être à
une entente, ça va vous mettre en 1990-1991, avec toutes les
démarches qui ont été faites avant, c'est
déjà ça, cinq ans, au minimum.
M. Savoie: C'est ça. C'est beaucoup. (11 heures)
M. Claveau: On ne se chicanera pas sur le temps, de toute
façon. Ce que les autochtones revendiquent, ce sont d'abord des
territoires à partir de droits qui leur auraient été
concédés antérieurement et qui ont été
bafoués par la suite, ce sont des compensations financières qui
vont coûter de l'argent aux contribuables québécois et
c'est de plus en plus d'autonomie pour être capable justement de faire
chez eux les choix dont vous nous parlez à long terme. Que va-t-il se
passer finalement? Je vous pose la question aussi d'une certaine façon
pour essayer de rassurer un peu tout le monde parce que les questions sont de
plus en plus fréquentes dans nos milieux et, même dans les grandes
villes, on commence à s'interroger de plus en plus. Cela va aller
jusqu'où les territoires qui vont être concédés?
Cela va nous coûter combien en termes de compensation lorsque tous les
groupes auront passé au "cash"? Quel va être le niveau d'autonomie
que les autochtones vont pouvoir exercer sur ce territoire?
M. Savoie: C'est une grosse question. On a trois questions et ce
ne sera certainement pas résolu sur trois ans. Si on prend votre
question, on dépasse le moyen terme et on prend le long terme. Votre
question n'a pas de réponse à court terme. Si on regarde cela
à long terme...
M. Claveau: Je l'avais posée à long terme au
début.
M. Savoie: Bien oui, mais il faudrait s'entendre sur les
termes.
M. Claveau: Non, mais là-dessus?
M. Savoie: Disons le long terme, cela va aller où en ce
qui concerne la question de l'autonomie gouvernementale? Le gouvernement du
Québec a dit à plusieurs reprises aux autochtones qu'il
favorisait l'autonomie gouvernementale à l'intérieur des
réserves mais que c'est sujet à trois conditions: à la
condition que cela se situe à l'intérieur de la constitution
canadienne, que ce soit négocié et que le gouvernement
fédéral transfère les fonds qui vont avec cette prise en
charge.
M. Claveau: De toute façon, cela revient toujours dans les
poches du contribuable quand même.
M. Savoie: En ce qui concerne l'autonomie gouvernementale, donc,
il y a une disposition favorable de notre côté. Cela veut
impliquer quoi? Je ne le sais pas parce qu'il va falloir qu'ils
négocient avec nous. Il va falloir s'asseoir et qu'on en discute. Si on
regarde ce qui s'est passé à la table des conférences
constitutionnelles en ce qui a trait aux autochtones et à l'autonomie
gouvernementale, eux, ils veulent quelque chose qui est assez global, qui est
inhérent, qui est propre et qui n'est sujet à aucune intervention
ni du côté d'Ottawa ni du côté de Québec.
M. Claveau: Ce sont presque des États autonomes.
M. Savoie: Nous, on dit: Négociez-la. On voit quelque
chose qui est finalement un peu plus fort qu'un gouvernement municipal, qui est
capable en quelque sorte d'assurer une certaine autonomie. On doit attendre et
négocier avec eux. On ne le sait pas exactement parce que cela ne s'est
pas fait encore. Cette négociation d'autonomie gouvernementale, je pense
que si on regarde dans 20 ou 25 ans, il va y avoir déjà plusieurs
nations qui vont l'avoir négociée ou qui seront en train de la
négocier. Cela répond, en tout cas, en ce qui a trait à
l'autonomie gouvernementale.
En ce qui concerne les revendications territoriales, si vous regardez
celles qui sont réglées, je pense, par exemple, aux Cris, Inuit
et Naskapis, les revendications territoriales sont réglées. Ils
ont leur territoire de catégorie 1. Ils ont des droits de chasse et de
pêche sur des terres de catégorie 2. Il y a une cohabitation qui
se fait. Il y a une entente qui les régit. En ce qui concerne les
Attikameks-Montagnais, on est en train de le faire. On est en train de
négocier.
C'est ce qui est en train de se produire. Je comprends que pour vous,
cela peut sembler long de 1986 à 1991 mais pour nous, c'est très
court. Je peux vous assurer de cela.
M. Claveau: Je n'ai pas dit que c'était long.
M. Savoie: C'est très court parce que cela a un impact
très important sur ces communautés. Il ne reste finalement en fin
de compte que les Algonquins. Les Algonquins ne font pas encore front commun
à cette date-ci. Ils sont séparés. Ils ont de la
difficulté à faire une table ronde à laquelle tous les
intervenants sont d'accord pour s'asseoir et négocier. J'imagine, oui,
qu'une fois que le cas des Attikameks-Montagnais sera réglé, on
sera à ce moment-là capable de s'asseoir avec les Algonquins.
M. Claveau: II y a plus que cela. Il y a les Abénaquis qui
font des revendications en Haute-Mauricie.
M. Savoie: Les Abénaquis se situent à
l'intérieur du territoire de 1763.
M. Claveau: II reste qu'ils font des revendications et ils sont
là. Les groupes qui sont plus au sud...
M. Savoie: ils font des revendications mais ce ne sont pas des
revendications basées sur des droits ancestraux. Ce sont des
revendications qui sont de l'ordre de "notre réserve doit être
agrandie parce qu'on a une population." Ce n'est pas la même chose qu'une
revendication sur un territoire de 700 000 kilomètres carrés,
comme le font les Attikameks et les Montagnais, ou comme pourront faire les
Algonquins du côté de l'ouest du Québec.
Il faut comprendre la situation de base. La situation de base, c'est que
nous avons 1763 qui détermine une partie du Québec, située
de chaque côté le long du fleuve, sur laquelle les droits
ancestraux de ce territoire ont été éteints. C'est clair.
Pour ce qui est au nord de cela, en vertu de 1763, on dit justement que ce sont
des territoires de chasse et de pêche pour les autochtones. C'est pour
cela qu'il faut éteindre ces droits ou les négocier pour qu'ils
puissent les exercer en coopération avec nous.
Le Président (M. Dauphin): Je m'excuse, M. le
député d'Ungava, je pense qu'il y a 20 minutes vous m'avez
demandé... Est-ce que c'est sur le même sujet ou vous allez
procéder tout de suite après le député d'Ungava.
Vous, M. le député de Champlain, c'est le même sujet? M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, est ce que c'est le
même...
M. Savoie: Cela va hausser le niveau.
M. Thuringer: Oui, une question d'ordre général,
mais aussi une spécifique.
Phase II de la Baie James
Le Président (M. Dauphin): J'essaye d'être le plus
équitable possible. M. le député de Champlain, c'est dans
le même vif... Vous n'avez pas d'objection, M. le député
d'Ungava? Allez-y, M. le député de Champlain.
M. Brouillette: Comme on parle de territoire, M. le
ministre...
M. Savoie: Oui.
M. Brouillette: ...pouvez-vous faire le point sur la
deuxième phase de la Baie James? Les Cris et Inuit semblent s'opposer
à ce projet. Est-ce que c'est exact?
M. Savoie: C'est-à-dire que les Inuit, non. Mais pour les
Cris, oui, effectivement les Cris ont démontré une certaine
inquiétude quant à la réalisation des travaux de la phase
II de la Baie James, par exemple en ce qui concerne l'impact environnemental et
l'impact que cela pourrait avoir sur leurs activités traditionnelles de
chasse et de pêche, et ils ont soulevé ces questions avec raison.
Ils ont également dit: Maintenant que vous vous embarquez dans la phase
II, il y a toute la question de versements additionnels qui pourraient
être faits aux communautés Cries, étant donné le
préjudice qu'ils vont subir avec la construction des réservoirs
et des lignes de transport.
On est actuellement en train de discuter avec eux de ces
différents éléments, en tenant compte de la signature de
la Convention de la Baie James qui a eu lieu en 1975. Il faut toujours
s'asseoir et discuter avec eux, puisque ce sont les premiers occupants de ce
territoire, et examiner, à la lumière de l'entente qui a
été signée en 1975, les réalisations qui peuvent se
faire pour la phase II de la Baie James.
M. Brouillette: Comme ça, la seule opposition que vous
avez présentement c'est avec les Cris?
M. Savoie: Oui, actuellement c'est avec les Cris. Mais prenez,
par exemple, avec les Attikameks, même si on négociait
actuellement une entente globale avec les Attikameks-Montagnais...
Hydro-Québec, par exemple, qui a voulu passer une ligne de transport en
1987-1988 sur un territoire attikamek, étant donné que cela
affecte leurs occupations traditionnelles de chasse et de pêche, on
cherche toujours à tenir compte de leurs revendications qui sont souvent
réelles et fondées. Cela peut paraître curieux pour
quelqu'un qui demeure en plein coeur de Montréal de se faire dire: On
passe une ligne d'Hydro dans le Nord québécois et on est
obligé de verser un montant à un autochtones ou à des
autochtones pour l'inconvénient que tout cela leur crée.
Lorsqu'on vit de chasse et de pêche, de façon traditionnelle, avec
un droit réel sur ce territoire et que tout à coup, on passe, on
détruit les arbres, on construit une ligne, cela a des implications
très réelles sur le gibier, sur la faune. La venue d'une nouvelle
route a un impact important. Cet impact se traduit souvent en termes
économiques et en qualité de vie. Ils cherchent en même
temps à dire: Étant donné cet impact, est-ce qu'on pourra
avoir un peu de sous, justement pour faire du développement
économique, pour pouvoir s'adapter de plus en plus au contexte
réel du vingtième siècle? C'est un peu ce qui se
produit.
Lorsque les Cris viennent nous voir et nous disent qu'ils sont inquiets,
il faut s'asseoir et il faut les écouter, parce qu'ils ont souvent
raison. Ils connaissent mieux le territoire que nous, en grande partie. Ils
sont obligés d'y vivre, une fois que nos installations sont faites et
lorsqu'ils nous demandent des emplois, lorsqu'ils nous demandent des
études environnementales, lorsqu'ils nous demandent de tenir compte de
certaines zones à haut rendement, par exemple, en ce qui concerne le
gibier, il faut les écouter. Il faut cohabiter avec eux sur ce
territoire.
Le Président (M. Dauphin): Cela va, M. le
député de Champlain. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, tout de suite après on passe à vous,
M. le député d'Ungava.
Amélioration de la qualité de
vie
M. Thuringer: Rapidement, j'ai commencé ma carrière
en travaillant avec les autochtones, dans le nord de la Saskatchewan et du
Manitoba, et dernièrement, il y a cinq ans, j'ai travaillé comme
conseiller dans la région de Hauterive. Une des choses qui m'a
frappé en 25 ans, c'est qu'il n'y a pas de grands changements, en fait,
dans la qualité de vie, l'éducation, l'aspect de prise en charge.
Il y a de l'amélioration, évidemment. Mais, je reprends un peu la
question posée par le député d'Ungava: Qu'est-ce que
c'est, exactement, qui nous donne de l'espoir, concrètement? Qu'est-ce
qui vous indique qu'il y a de l'amélioration avec les années?
M. Savoie: Vous avez absolument raison. Ce n'est pas un processus
rapide chez eux. C'est un processus qui, en tout cas, peut paraître
relativement lent. Si on regarde, par exemple, la communauté de
Kahnawake comparativement à il y a 25 ans, au chapitre de la
création d'emplois, de la cohabitation et de l'augmentation du niveau de
vie, le changement n'est pas automatiquement apparent. Mais, il y a 25 ans
à Kahnawake par exemple, il n'y avait pas d'hôpital, il y avait
beaucoup moins de gens scolarisés, il y avait moins de projets au
chapitre du développement socio-économique, il n'y avait pas
d'aréna. Mais,
là, ces infrastructures se sont installées, on sent
qu'elles sont de plus en plus articulées et plus on les rencontre, plus
on constate qu'on nous arrive avec des projets socio-économiques. On va
prendre, par exemple, une communauté isolée comme celle des
Waswanipis: il y a 25 ans, ces gens-là ne vivaient que de chasse et de
pêche. Ils étaient en quelque sorte en grande partie à
l'état nomadique. Avec la signature de l'entente, ifs se sont
regroupés autour d'une communauté, ils ont des écoles, ils
ont des gymnases, ils ont une aréna et, là, ils sont en train de
nous présenter des projets de transformation forestière. Ils ont
créé, par exemple, une entreprise pour faire du "slashing" dans
le bois, de la récupération de bois qu'ils vendent à une
grosse compagnie, une compagnie papetière.
Alors, il y a du mouvement, et je pense que ce mouvement va
s'accélérer avec le temps et d'une façon exponentielle. Je
pense que, de plus en plus, ces communautés qui voyagent... Par exemple,
les chefs cris se sont rendus aux États-Unis voir une réserve
où l'on avait justement installé une industrie de haute
technologie, où il y avait du développement économique. Je
pense à Akwesasne et je vous dis que ce n'est qu'une question de temps
avant qu'on y voie naître une usine de fabrication de bâtons de
hockey et ils vont contrôler le marché.
Ce sont des choses qui vont venir à cause des avantages qu'elles
ont sur la réserve, parce que le processus, ce changement d'attitude
culturelle vis-à-vis de l'activité économique se fait, en
partie par nécessité mais aussi par volonté de se sortir
du trou dans lequel ils vivent au niveau socio-économique. On sent que
ça veut changer. Regardez ce qui s'est passé à Mingan la
semaine passée: le gouvernement fédéral est arrivé
et a dit qu'on voulait créer un parc, ceci et cela, puis, au lieu de
tout simplement se revirer de bord et de dire: Embauchez des Blancs, les
Indiens ont dit: Attendez une seconde. On va travailler ça et on va le
développer ensemble, puis les emplois vont retomber chez nous.
Vous voyez, ça commence à s'installer. Dès
l'instant où 10 %, 15 % ou 20 % de la population susceptible d'avoir un
emploi ont un emploi qu'ils exercent, les autres vont venir, de plus en plus.
On va le voir, et c'est un phénomène nouveau. Ce n'est pas
quelque chose qui existait au Canada dans les années cinquante. Penser
en ces termes était quasiment impossible, il y a 35 ou 40 ans.
Aujourd'hui, c'est devenu courant. D'ailleurs, on est obligés de
créer des programmes, on les introduit dans les sommets
socio-économiques, on les voit arriver avec... Prenez Restigouche: il y
a un projet de développement touristique pour attirer le tourisme, le
faire venir l'été pour qu'il amène de l'argent et fasse
ainsi vivre cette communauté qui, pour le moment, trouve ça des
plus avantageux que l'argent vienne chez eux et qu'ils puissent avoir des
emplois saisonniers.
Cela change. Cela ne change pas aussi vite qu'on le voudrait, mais ce
qui est important, c'est que dans notre société - c'est ça
que j'ai constaté - il n'y a pas une volonté ouverte de la part
des gouvernements, certainement depuis quatre ou cinq ans, de s'assurer que les
autochtones restent où ils en sont. Ce qu'on veut c'est qu'ils s'en
sortent. On ne veut pas non plus arriver et leur dire: Voici comment vous allez
vous en sortir. Vous allez faire ci, vous allez faire ça. Ce n'est pas
ça qu'on leur dit. On essaie de les encourager, on essaie de leur donner
tous les outils nécessaires pour qu'ils puissent faire le
développement qu'ils veulent, pas le développement qu'on
voudrait, nous, qu'ils fassent.
Alors, on les laisse faire. Je comprends que ça risque de prendre
quelques années de plus avec cette attitude, mais, d'un autre
côté, c'est beaucoup plus respectueux de leur évolution
culturelle, de leurs orientations et ils risquent, étant donné
qu'ils travaillent pour eux, d'avoir beaucoup plus raison que nous, parce qu'on
ne peut pas arriver et leur dire ce qu'ils veulent; ce sont eux qui vont nous
dire ce qu'ils veulent et la façon dont ils veulent le faire. Je sens
quand même un changement important, sans parler des Inuit où
l'impact est immédiat, sans parler même des Naskapis, qui ont un
très beau village à Kawawachikamach, une très belle
communauté avec de belles maisons, qui continuent à vaquer aux
occupations traditionnelles de chasse et de pêche mais qui pensent
maintenant à avoir une station d'essence, une couple de plombiers,
à former des électriciens, à envoyer leurs jeunes à
l'école pour qu'ils reviennent travailler dans la communauté.
C'est sûr que vous avez raison de dire qu'on dirait qu'il n'y a pas de
mutation rapide. Effectivement, ce n'est pas aussi rapide qu'on le voudrait
dans certaines communautés mais, dans certaines communautés,
lorsqu'on entre dans la communauté et qu'on examine une photo d'il y a
25 ans, je pense qu'il y a eu des gros changements. (11 h 15)
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
Pêche au saumon dans la Restigouche
M. Thuringer: M. le Président, le ministre vient de
mentionner la rivière Restigouche. Est-ce que vous pouvez faire le point
sur le dossier de la pêche au saumon dans la Restigouche?
M. Savoie: Oui. Actuellement, nous sommes, là encore...
Vous savez que pour ce qui est de la rivière Restigouche, il y a une
communauté micmaque importante qui, traditionnellement, pêche le
saumon dans cette rivière. Aujourd'hui, on constate, vu le nombre de la
communauté qui est en croissance et l'occupation qu'en font les Blancs
du côté du Nouveau-Brunswick et des camps, qu'il faut en arriver
à une entente pour,
finalement, limiter la récolte du saumon dans la Restigouche. De
par le passé, on a signé des ententes avec eux, en 1986. En 1988,
cela a posé de grandes difficultés, il y a eu contestation, mais
on est en voie de régler une nouvelle entente avec eux, la
continuité, finalement, de l'entente de 1986 mais qu'ils adaptent
à leurs besoins.
En même temps, ils nous disent: Oui, on est prêts à
coopérer avec vous mais si vous ne voulez pas qu'on aille braconner sur
la Restigouche parce qu'on peut prendre un saumon et le vendre pour vivre,
donnez-nous donc des emplois. Le taux de chômage chez nous est à
80 %. Les bénéficiaires de l'aide sociale et tout ça, les
gens qui ne travaillent pas, c'est dans les 80 %. Il faut les encourager
à se développer et ce sont eux qui nous arrivent avec ça
maintenant. Cela fait toute la différence. On est prêts à
s'asseoir avec eux et à regarder de quelle façon on pourrait leur
permettre de mieux exercer ce droit de chasse et de pêche pour ce qui est
de la Restigouche et du saumon et, en même temps, leur assurer des
programmes de développement économique qui enlèveraient de
la pression sur, par exemple, l'utilisation illégale du saumon.
Justement, ces jours-ci, il y a une entente qui est en préparation, qui
a fait l'objet de négociations entre le MLCP et les Micmacs, qui
pourrait peut-être bientôt faire l'objet d'une signature.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. En tout cas, je pense
que la question du député de Notre-Dame-de-Grâce,
concernant les conditions de vie qui se sont très peu modifiées
sur les réserves depuis 25 ans, est très pertinente parce que je
ne crois pas que le fait que le gouvernement fédéral ait
construit de meilleures maisons et tout ça ait nécessairement
amélioré les conditions de vie. Il y a quelques réserves
qui ont largement changé, qui se sont intégrées dans les
différents milieux, c'est un fait. Je prends, par exemple, une
réserve comme Pointe-Bleue au Lac-Saint-Jean qui est
méconnaissable comparativement à ce qu'elle était il y a
quelques années. Il y en a quelques-unes mais je pense que si vous avez
eu des résultats entre 1986 et 1988, étant donné la
lenteur du processus, c'est parce qu'il y avait du travail d'entamé
avant.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: II a toujours la bonne réponse.
M. Claveau: Vous avez eu la chance de récolter sans semer,
c'est bien.
M. Savoie: C'était une blague. C'est sûr que ce
n'est pas dû, je pense, à... Il y a une évolution qui est
longue mais qui est constante.
Construction résidentielle
M. Claveau: II y a quand même encore
énormément de réserves qui vivent dans des situations
assez catastrophiques sur ce plan. On parle de la Haute-Mauricie, par exemple,
Obed-jiwan, Weymontachingue, ce ne sont pas des réserves
particulièrement faciles. Dans les réserves du
Témiscamingue, même la réserve tout près d'Amos en
Abitibi, on ne sent pas encore qu'il y a vraiment... Cela commence,
évidemment, mais il n'y a pas de modifications énormes qui ont
été faites. Ce n'est pas parce qu'on a amélioré le
programme de construction des maisons et qu'on a changé les
modèles de maisons sur les réserves qu'on a automatiquement
amélioré les conditions de vie, conditions sanitaires et autres.
D'ailleurs, sur ce plan, j'avais prévu une question dans ce sens. Quel
est la quantité de maisons qu'on prévoit construire sur les
réserves du Québec en 1988-1989? Est-ce que le niveau de ces
constructions a tendance à se maintenir, à s'accroître ou
à diminuer?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Savoie: II faut comprendre trois choses: premièrement,
c'est que la construction résidentielle relève du gouvernement
fédéral et non pas du gouvernement provincial.
Deuxièmement, dans les réserves, il y a actuellement une
explosion démographique. Ils sont en forte croissance. On sait que la
pyramide, au niveau de l'âge, démontre que la majorité de
la population a moins de 25 ans. Donc, il y a une forte poussée, une
forte demande pour la construction résidentielle. Troisièmement,
ils se construisent des maisons à partir de négociations entre la
bande et le gouvernement fédéral. Actuellement, il m'est
impossible de vous fournir le chiffre exact du montant que le
fédéral met à leur disposition pour la construction
résidentielle ni le nombre de maisons qui devraient se construire en
1989. On pourrait peut-être demander au responsable, pour la province de
Québec, du gouvernement fédéral de nous donner un
chiffre.
M. Claveau: J'aimerais avoir ces chiffres, parce que, pour
être plus concret, dans le dossier d'Oujé-Bougoumou, le niveau de
construction des maisons est au coeur du débat, dans la mesure où
il y a un certain nombre de résidences qui sont prévues
être construites sur le territoire de l'ensemble des réserves
cries. Il y a, en même temps, un certain nombre de résidences
complètement neuves qui devront être construites sur la
réserve d'Oujé-Bougoumou, et, si le gouvernement
fédéral ne modifie pas ses critères quant au nombre de
maisons qui devront être construites sur la réserve crie dans
l'année qui vient, à ce moment, ça veut dire que les
autres réserves, les huit autres réserves actuellement existantes
sur le territoire, devront sacrifier leur programme de
développement résidentiel au bénéfice
d'Oujé-Bougoumou, ce qui ne fait pas nécessairement le bonheur de
tout le monde. D'autant plus que le problème est encore accentué,
il me semble, dans cette négociation bien spécifique, dans la
mesure où pour installer des infrastructures scolaires, des
infrastructures de santé, genre centre de santé, CLSC ou
mini-hôpital, le gouvernement fédéral exige un certain
nombre de résidences construites ou de gens qui vont être
déménagés dans la réserve. Je crois qu'il est du
devoir du gouvernement du Québec de faire les pressions qu'il faut pour
dénouer ce genre d'impasse, qui est un des éléments,
d'après les discussions que j'ai eues avec les différents
responsables de réserves, et même avec les gens
d'Oujé-Bougoumou, qui semble être au coeur du problème et
qui fait en sorte que la négociation sur la réserve n'aboutit
pas.
M. Savoie: C'est ça, on intervient constamment, en
particulier en ce qui concerne Oujé-Bougoumou. On est au courant de la
situation, de cette poussée démographique, de cette
volonté de vouloir construire plus de résidences. M. Roger
Beaudoin m'avise que, pour l'ensemble du Canada, on prévoit 1200
unités nouvelles, pour l'année 1989. Il faudrait faire la
proportion, ça va vous donner une idée de l'ordre de grandeur
qu'il pourrait y avoir pour le Québec.
M. Claveau: Dans le cas spécifique d'Oujé-Bougoumou
ou des constructions qui devraient se faire sur les réserves cries, les
chiffres à ce sujet existent-ils?
M. Savoie: Cela va dépendre évidemment des
négociations qui vont être terminées bientôt, on
l'espère, mais on parle d'une soixantaine de résidences, pour
l'ensemble des Cris.
M. Claveau: Pour l'ensemble des Cris, c'est ça.
M. Savoie: C'est ça.
M. Claveau: Et là-dessus, il y en aurait 28, 30 ou quelque
chose de semblable qui iraient normalement à Oujé-Bougoumou?
M. Savoie: 38. lis vont négocier, ils vont voir.
M. Claveau: Mais cela veut dire que les programmes
d'immobilisation ou les programmes de construction sur les autres
réserves devraient être réduits?
M. Savoie: C'est à eux de négocier cet
élément avec le gouvernement fédéral, je pense.
M. Claveau: Oui, mais est-ce que le gouvernement du
Québec... Vous me dites que c'est la faute du fédéral,
dans le fond...
M. Savoie: Ce n'est pas ce que je dis, je dis que le programme de
construction résidentielle relève du gouvernement
fédéral.
M. Claveau: Oui, d'accord.
M. Savoie: II ne faut pas oublier que la responsabilité
première vis-à-vis des autochtones repose sur le gouvernement
fédéral, en vertu de 9124.
M. Claveau: Mais qu'est-ce qu'il va falloir attendre avant qu'il
y ait un dénouement dans ce dossier? Est-ce qu'il va falloir attendre
justement que la population, que toutes les populations autochtones et non
autochtones finalement, de Chibougamau à Chapais, soient
pénalisées par des pressions qui pourraient être faites par
la bande Oujé-Bougoumou? Qu'est-ce qu'il va falloir attendre avant qu'il
y ait un dénouement dans ce dossier?
M. Savoie: il faut comprendre que, dans ce dossier, un des grands
problèmes a été le fait que ç'a été
retardé à cause de votre gouvernement. Votre gouvernement a
proposé aux Cris d'Oujé-Bougoumou, je pense que c'est un mille
carré le long de la route entre Chapais et Chibougamau, ce que les Cris
d'Oujé-Bougoumou n'ont jamais accepté. Lorsque nous sommes
arrivés au pouvoir le 2 décembre 1985, et au mois de janvier et
février 1986, les Cris d'Oujé-Bougoumou sont venus me voir, avant
que je sois nommé responsable du dossier autochtone, et ils m'ont dit:
Écoutez, le mille carré qu'on a obtenu du Parti
québécois, on n'en veut pas. Ce qu'on veut, c'est être
traités sur un pied d'égalité. On est une bande,
même si on n'est pas reconnus comme tels par le gouvernement
fédéral, et on veut avoir nos terres de catégories 1 et
nos terres de catégorie 2, ce à quoi nous avons répondu:
Si c'est ça que vous voulez, on va s'orienter pour que vous l'obteniez.
On a entrepris des négociations à l'automne 1986 avec le MLCP, le
secteur terres du ministère de l'Énergie et des Ressources et la
population de Chapais-Chibougamau. On a entrepris un long processus qui a
mené au choix d'une propriété que vous connaissez et que
vous avez mentionnée dans vos remarques préliminaires, qui se
situe à quelque 20 kilomètres, 18 kilomètres au nord de
Chapais.
Une fois qu'on s'est entendus sur le territoire, on s'est ensuite
dépêchés d'en arriver à une conclusion avec le
gouvernement fédéral afin d'avoir les fonds pour réaliser
une première implantation de cette communauté. Il y a
actuellement des discussions qui nous laissent croire qu'il pourrait y avoir 19
000 000 $ pour la réalisation des infrastructures premières de la
communauté d'Oujé-Bougoumou. Il y a, là-dessus, 1 500 000
$, je crois, d'Hydro-Québec; il y a 3 000 000 $ que le gouvernement du
Québec est susceptible d'octroyer et le gros du montant,
quelque 14 000 000 $, proviendra du gouvernement fédérai.
Ces chiffres sont plus ou moins précis. Les Cris d'Oujé-Bougoumou
nous ont rencontrés et ils nous ont dit: En même temps qu'on veut
la construction de notre communauté, est-ce que ce serait possible, pour
éviter les erreurs qui se sont produites avec les autres
communautés - c'est leur argumentation - d'arriver et de mettre un
paquet socio-économique sur la table pour s'assurer qu'une fois
établi sur la réserve d'Oujé-Bougoumou, on puisse faire un
développement économique convenable qui puisse répondre
à notre aspiration et servir d'incitation pour attirer la population
vers Oujé-Bougoumou? C'est ce que nous sommes actuellement en train
d'examiner avec eux.
M. Claveau: II reste une chose, M. le ministre, sur le dossier
d'Oujé-Bougoumou, vous aurez beau accuser le PQ de tous les
péchés de la terre, il reste que ça fait 40 mois que vous
l'avez entre les mains. Cela va faire 40 mois le 2 mai que votre gouvernement a
été élu. D'un autre côté, ce qui s'est
passé antérieurement, je serais probablement aussi à
l'aise que vous pour en parler étant donné que, dès le
départ, dès 1984, j'ai commencé à travailler avec
les Cris là-dessus et que je suis, sans risque de me tromper, celui qui
a rallié les populations non autochtones du territoire au projet,
justement en amenant les municipalités à accepter le principe des
associations et tout ça. J'ai eu l'occasion...
M. Savoie: C'est la première fois que j'entends dire
ça.
M. Claveau: ...de travailler beaucoup sur le dossier. Vous
devriez le vérifier. Les premières rencontres qui se sont faites
là-dessus, dès 1984, avec la bande d'Oujé-Bougoumou se
sont faites à l'hôtel de ville de Chapais alors que j'étais
maire et on a eu l'occasion d'en discuter à plusieurs occasions. Vous le
demanderez à M. Bosum si vous voulez. Il est capable de vous le dire. En
ce qui concerne les interventions directes sur le territoire pour rallier
l'opposition des non-autochtones au fait qu'il serait bon qu'il y ait une
réserve à Oujé-Bougoumou, une nouvelle réserve pour
les Cris anciennement nommés les Cris du lac Doré,
là-dessus, je peux vous dire qu'il y a du travail qui a
été fait, que vous n'avez pas inventé le dossier et qu'il
y avait des propositions qui étaient sur la table au moment du
changement de gouvernement en 1985, c'est clair, comme vous avez aussi des
propositions qui sont sur les tables en ce qui concerne les différentes
négociations que vous menez avec les différents groupes
autochtones. (11 h 30)
Cela fait 40 mois que vous l'avez entre les mains, vous avez fait
miroiter mer et monde aux Cris d'Oujé-Bougoumou, et on se retrouve
maintenant devant une situation où Ils pensent entreprendre des moyens
de pression pour vous faire bouger. En tout cas, je vous dis une chose, M. le
ministre, ne vous organisez pas pour que ce soit la population de Chapais et de
Chibougamau qui soit pénalisée par des moyens de pression ou
autres interventions de la part des Cris. La population de Chapais et de
Chibougamau n'a rien à voir quant au déroulement des
négociations et au problème de vous entendre avec le
fédéral. Ne vous organisez pas pour que ces populations soient
dérangées ou amenées, d'une certaine façon,
à aller même jusqu'à retirer leur appui, parce que dans le
fond, c'est un petit peu ça, le problème. Cela se vit durement,
dans le milieu, vous semblez l'ignorer. C'est de plus en plus difficile, et
plus le dossier va moisir, plus ce sera difficile de le faire passer et
accepter par tout le monde.
M. Savoie: M. le député d'Ungava...
M. Claveau: Le choix du territoire, M. le ministre, vous nous
dites que ça s'est fait avec la participation de la population et tout
ça. Il y a eu deux ou trois rencontres où vous êtes
arrivés avec des propositions bien claires: c'est ça, c'est
ça, c'est ça. On n'a jamais demandé aux populations:
Est-ce que vous aimeriez mieux être là ou là? La
démarche qu'on avait entreprise, dans le temps, était ça.
On est partis de trois ou quatre sites possibles, on a rencontré des
municipalités, on a rencontré la bande, les intervenants, les
gens de la réserve de Mistassini qui avaient aussi leur mot à
dire là-dedans, pour essayer de voir à quelle place ça
pourrait se situer le mieux pour tout le monde. Vous avez changé la
dynamique de la négociation.
M. Savoie: Ah! Vous reconnaissez donc...
M. Claveau: Vous l'avez changée et 40 mois
après...
M. Savoie: ...qu'en 1985, lorsque les élections ont eu
lieu, ce qui était convenu pour les Cris d'Oujé-Bougoumou,
c'était un mille carré sur le bord de la route, ce qu'ils n'ont
jamais accepté.
M. Claveau: Ce n'était pas ça du tout. On parlait,
à ce moment...
M. Savoie: Non. Il y avait une lettre...
M. Claveau: II y avait des lettres. Des lettres, il y en a
partout.
M. Savoie: II y avait une lettre du premier ministre...
M. Claveau: Je vais vous dire de quoi on parlait. On parlait
d'une partie de territoire dans le réserve Assinica, située entre
le lac Opataca, Comencho et le troisième, pas Assinica mais l'autre, qui
pourrait avoir une certaine superficie
avec...
M. Savoie: Un mille carré.
M. Claveau: Non. Avec des terres qui seraient du
côté nord-ouest du lac Opataca, etc. Cela se situait à une
soixantaine de kilomètres ou à peu près. Cela faisait
partie des négociations. Il y avait différentes propositions sur
la table.
M. Savoie: Ce n'est pas vrai. Ce que vous dites n'est pas vrai.
Cette proposition...
M. Claveau: Vous irez le vérifier.
M. Savoie: Écoutez bien. Quand on est arrivés, la
seule... Oui, vous pouvez vérifier, parce qu'on l'a
vérifié. On a les lettres. Ce qui a été
accordé - une lettre signée par René Lévesque -
c'était un mille carré sur le bord de la route. C'est tout. C'est
ce qu'ils avaient et rien d'autre. Nous sommes arrivés, à ce
moment, nous l'avons pris en main, et au moment où on se parle, le
Québec a livré la marchandise dans ce dossier. Vous remarquerez
que les Cris d'Oujé-Bougoumou ne crient pas contre Québec, ils
crient contre Ottawa, parce qu'on a réglé le dossier. On a
trouvé des terres qui seraient acceptables et pour la population locale
et pour les autochtones. On a enclenché le processus, on a dit qu'on
était prêts à procéder et on demande à Ottawa
de régler ses différends avec les Cris d'Oujé-Bougoumou,
de leur accorder les 14 000 000 $, et, deuxièmement, de les
reconnaître comme bande. Cela prend cette reconnaissance officielle.
M. Claveau: Vous avez beau dire ce que vous voudrez, M. le
ministre, le dossier n'est pas réglé. On est encore en train de
parler de moyens de pression et d'éventualité de couper les
routes et les aéroports.
M. Savoie: Oui. Contre qui? Contre Québec ou contre
Ottawa? C'est contre Ottawa, les pressions. Les pressions qui se font...
M. Claveau: C'est vous qui êtes le ministre responsable des
Affaires autochtones au Québec, ne mettez pas le fardeau sur les autres.
Prenez vos responsabilités, parce que si...
M. Savoie: Franchement, c'est complètement...
M. Claveau: Non! C'est vrai! Organisez-vous pour que...
M. Savoie: C'est ridicule, ce que vous dites. M. Claveau:
C'est loin d'être ridicule. M.Savoie: C'est
complètement absurde.
M. Claveau: Ce n'est absolument pas absurde. On est en
territoire...
M. Savoie: C'est de la foutaise.
M. Claveau: II n'y a pas encore eu de transfert de terres
fédérales dans ce dossier. À ce que je sache, ce sont
toujours des terres québécoises et c'est vous qui en êtes
le ministre responsable.
M. Savoie: M. le député d'Ungava, c'est
complètement... Je veux dire stupide mais je ne le dirai pas, parce que
ce n'est pas parlementaire, mais ce que vous dites est totalement absurde.
M. Claveau: En quoi est-ce absurde?
M. Savoie: Vous connaissez la définition du mot "absurde"?
Quand on est arrivés, comme je vous l'ai dit, entre Chapais et
Chibougamau, sur la route principale il y avait un mille carré mis de
côté pour les Cris d'Oujé-Bougoumou, ce qu'ils
n'acceptaient pas. Ils sont venus nous voir et nous ont dit: On n'est pas
capables de vivre dans cette situation, on est loin de nos territoires de
chasse, on ne peut pas vivre, ce n'est pas acceptable; il n'y a pas de lacs, il
n'y a pas d'eau, II n'y a pas de ci, il n'y a pas de ça. On a dit:
Parfait. On s'est assis avec eux et on a annulé cette résolution.
On s'est dit: On va s'asseoir, on va regarder et on va trouver un territoire.
C'est ce qu'on a fait. On a trouvé le territoire, on a obtenu les
autorisations du Conseil des ministres, on a obtenu les autorisations de part
et d'autre. Nous nous sommes entendus sur un territoire et on a dit: On va
aller chercher de l'argent à Ottawa. On a eu des rencontres avec Bill
McKnight.
Finalement, Ottawa est arrivé et à dit: Dans une
première étape, pour la réalisation de cette
communauté, on met 14 000 000 $ sur la table: Québec en mettra 3
000 000 $ et HydroQuébec 1 500 000 $. On a dit: Parfait, on en a en
masse avec ça. Mais maintenant, il y a encore des différends avec
Ottawa. Ottawa doit négocier sa participation avec les Cris
également. On a poussé ce dossier aussi vite qu'on pouvait, on
l'a réalisé à la satisfaction des Cris
d'Oujé-Bougoumou. Ils sont contents de leur territoire maintenant. Tout
ce qu'on fait, c'est qu'on essaie d'attacher le financement pour que les Cris
puissent signer l'entente et que l'on puisse passer à la construction
à leur satisfaction, avec une bonne participation des Cris
d'Oujé-Bougoumou et, en même temps, on essaie de structurer une
approche qui pourrait leur permettre de prendre un certain développement
socio-économique en même temps. C'est ce qu'on était en
train de faire.
Alors on est allés au maximum là-dedans et...
M. Claveau: Quand cela sera-t-il réglé?
M. Savoie: Ce sera réglé quand Ottawa
réglera ses difficultés avec les Cris d'Oujé-Bougoumou.
Alors, pour le gouvernement du Québec nous avons dit: On n'a pas de
problème. On embarque là-dedans, on leur a donné un
territoire. On a dit: Cela leur prend un statut de bande. Il faut qu'Ottawa
leur reconnaisse leur statut de bande. On me dit que ça ne devrait pas
retarder, que ce n'est pas un obstacle majeur, que ça devrait se faire,
mais, comme vous le savez, il y a des négociations globales entre les
Cris du Québec et Ottawa. Il y a eu des poursuites, des tensions, des
difficultés. Alors, au fur et à mesure que ça va se
régler...
M. Claveau: Qu'est-ce que vous allez faire, M. le ministre.
M. Savoie: Pas plus tard qu'hier j'en discutais à mes
bureaux avec M. Cadieux qui est en ville pour la signature de l'entente sur les
mesures provisoires avec les Attikameks-Montagnais. On a eu l'occasion de
discuter du dossier. Nos positions sont bien claires. Vous comprendrez que pour
un dossier que nous avons réglé à la satisfaction des Cris
d'Oujé-Bougoumou, nous sommes très satisfaits de
l'évolution de ce dossier et nous espérons que si, demain matin,
le gouvernement fédéral disait: On va s'asseoir avec les Cris et
on va régler ça demain matin, le dossier...
M. Claveau: Quelles représentations avez-vous faites
auprès du gouvernement fédéral pour qu'il s'assoie avec
les Cris?
M. Savoie: À deux reprises, en l'espace d'un mois
quasiment, j'ai rencontré M. Cadieux: une fois à Ottawa et une
fois à Québec. Hier c'était à Québec, et,
à la mi-mars, c'était à Ottawa. Nous avons discuté
ensemble du dossier des Cris d'Oujé-Bougoumou. Bien sûr nous avons
discuté d'autres dossiers aussi parce qu'il n'y a pas seulement un sujet
à l'ordre du jour. Nous avons abordé ce dossier et je pense que
le règlement est imminent. On pourrait très bientôt se
promener au nord de Chapais pour voir le début des constructions de
cette communauté-là et à leur satisfaction. Alors, lorsque
vous faites les déclarations que vous avez faites tout à
l'heure...
M. Claveau: Quelles déclarations?
M. Savoie: Des déclarations selon lesquelles il ne se
passait rien dans ce dossier-là, qu'on n'avait rien fait et que
c'était ci et ça. C'est absurde. C'est totalement absurde. C'est
un dossier, c'est l'exemple type d'un dossier que vous avez réglé
avec votre gouvernement en 1985 en disant qu'il y aurait un kilomètre
carré sur le bord de la route, ce qui n'a pas été à
la satis- faction des Cris.
M. Claveau: M. le ministre, je ne me laisserai pas charrier
là-dessus par n'importe quoi.
M. Savoie: Franchement, M. Claveau.
M. Claveau: Déposez-le devant la commission votre mosus de
décret pour voir le règlement final. Vous engagez-vous à
le déposer devant la commission?
M. Savoie: La lettre de M. Lévesque, dans laquelle il leur
donne un mille carré, je n'ai pas de problème à la
déposer du tout.
M. Claveau: C'était une résolution du Conseil des
ministres ou un décret ou quoi? Est-ce que cela a paru dans la
Gazette officielle du Québec? C'est quoi?
M. Savoie: On pourrait peut-être entendre le
secrétaire général associé nous parler de
ça.
M. Claveau: Et où se trouvait le site exactement?
Où était-il?
La Présidente (Mme Bélanger): Monsieur, pour les
fins du Journal des débats, voulez-vous dire votre titre et votre
nom, s'il vous plaît!
M. Jolicoeur (Gilles): Gilles Jolicoeur, secrétaire
général associé au ministère du Conseil
exécutif et responsable du Secrétariat aux Affaires
autochtones.
M. Savoie: Vous êtes là depuis combien de temps?
M. Jolicoeur: Je suis là depuis 1978, mais, à titre
de secrétaire général associé, depuis 1986. Je ne
me souviens pas exactement de la date, mais en 1984-1985 le gouvernement du
temps avait offert aux Cris d'Oujé-Bougoumou... Même après
des discussions à partir de plusieurs sites qui avaient
été identifiés, le gouvernement du Québec, à
l'époque, avait refusé de négocier un régime
complet de terres 1 et de terres 2 en faveur des Cris d'Oujé-Bougoumou
et avait offert une superficie de terre équivalente à un
kilomètre carré le long de la route entre Chibougamau et Chapais,
pour des fins de construction domiciliaire. Or, c'était la
décision que le gouvernement précédent avait prise dans ce
dossier.
M. Claveau: Est-ce que c'était une décision
finale?
M. Jolicoeur: C'était dans une lettre envoyée par
le premier ministre aux Cris d'Oujé-Bougoumou et c'est ce qu'on leur
avait offert.
M. Claveau: Ce n'était pas une décision
finale, c'était une offre de négociation.
M. Jolicoeur: Je ne me souviens pas s'il y avait eu une
décision du Conseil des ministres, mais le premier ministre du temps
avait pris cette décision d'offrir aux Cris d'Oujé-Bougoumou un
kilomètre carré le long de la route de Chibougamau-Chapais pour
des fins de construction domiciliaire.
M. Claveau: J'aimerais qu'on dépose le document dont il
est question.
M. Jolicoeur: Cette lettre-là pourrait être
déposée.
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Savoie: II nous fera plaisir de déposer cette lettre.
Alors, vous allez constater que, finalement, en ce qui concerne les Cris
d'Oujé-Bougoumou, nous sommes revenus sur la décision que vous
aviez prise. Nous avons décidé de leur donner des terres de
catégorie 1, des terres de catégorie 2, non pas sur le bord de la
route où cela ne leur donne absolument rien, mais dans un endroit
convenable où il y a de l'eau, où il y a une ressource faunique
pour la pêche, où il y a une possibilité de vivre selon
leurs us et coutumes sur le territoire qu'ils occupent depuis maintenant
plusieurs millénaires.
C'est dans ce sens-là qu'on vous dit qu'en ce qui concerne le
dossier des Cris d'Oujé-Bougoumou, s'il y a un endroit où vous,
en tant que député d'Ungava, pouvez féliciter le
gouvernement du Québec d'avoir posé des gestes positifs qui
répondent à vos attentes, à votre volonté de
vouloir bien servir les Cris d'Oujé-Bougoumou... Je pense que s'il y a
bien un dossier où on a démontré un grand respect, une
volonté de développement, c'est bien ce dossier.
M. le député d'Ungava, je comprendrais que vous vous
fâchiez en ce qui concerne d'autres dossiers et que vous disiez: Cela n'a
pas été fait. Il y a telle communauté qui souffre encore.
Je pense, par exemple, à deux communautés qui sont encore
enclavées au point de vue des routes. Là, je suis tout à
fait prêt à accepter des difficultés qu'on a à subir
en des endroits où le problème principal persiste toujours, mais
il y a des endroits où on a fait des percées. Un des endroits
où il y a eu une percée importante en ce qui concerne les
autochtones, c'est certainement Oujé-Bougoumou.
M. Claveau: On verra comment ça va finir et quand
ça va finir surtout. Vous avez parlé de routes.
M. Savoie: Parlons de routes, M. le député.
M. Claveau: Oui. Quelle intervention pensez-vous faire pour faire
en sorte que les Cris de Mistassini puissent un jour bénéficier
d'une route convenable pour se rendre chez eux?
M. Savoie: II y a une affaire que je voudrais bien qu'on
comprenne. On n'est pas ici pour discuter de vos dossiers de comté.
M. Claveau: Non.
M. Savoie: II faudrait bien s'entendre que Mistassini, c'est dans
ton comté, Oujé-Bougoumou, c'est dans ton comté. Il
faudrait chercher à voir...
M. Claveau: II se trouve que j'ai huit des neuf réserves
et quatorze villages inuits dans le comté. C'est l'ensemble des terres
conventionnées...
M. Savoie: Oui. On ne parle pas des Inuit. On parle...
M. Claveau: ...par la Convention de la Baie James et du Nord
québécois.
M. Savoie: Sans en faire de dossiers de comté, je pourrais
vous dire que depuis 1986...
Route reliant Chibougamau à Mistassini
M. Claveau: Quand je vous parle de la Baie James, je suis
obligé de vous parler du comté aussi.
M. Savoie: ...les Cris de Mistassini demandent le pavage de la
route entre la municipalité de Chibougamau et leur communauté de
Mistassini. Ils m'ont souligné qu'il y avait quelques jeunes qui avaient
développé des problèmes respiratoires. On parle de
silicose à la suite de transferts, de déplacements qui doivent se
faire par autobus de certains de ces jeunes et, à l'intérieur de
la communauté, la route de la réserve, qui est quand même
une grosse réserve - on parle de 2300 personnes - n'est toujours pas
pavée. Ils cherchent à avoir cette amélioration
d'infrastructure.
On a dépensé de l'argent en 1987 et 1988 pour
l'amélioration de la route. Il y a une partie de la route où
l'assèchement, le renforcement et le changement de certaines calvettes,
ont été faits. Il faut aussi comprendre que cette route n'est pas
une route provinciale. Il s'agit d'une route qui relève du
ministère de l'Énergie et des Ressources dont la
participation...
M. Claveau: La route 167 nord jusqu'au lac Albanel est une route
qui est numérotée au ministère des Transports du
Québec.
M. Savoie: Et je pense que c'est aussi une route qui
relève du ministère de l'Énergie et des Ressources. C'est
une route numérotée. Je m'excuse. Effectivement, c'est une route
numéro-
tée. Je pensais du bout de la réserve à la route
167. Vous avez bien raison. À plusieurs reprises, nous avons
souligné l'importance d'entreprendre, tout au moins, une
amélioration de cette route avec la notion de la paver
éventuellement. Mais il faut bien s'entendre, on paverait quelque 67
kilomètres entre Chibougamau et la fourche pour se rendre à
Mistassini. Là, on a 30 autres kilomètres. C'est ça? 80 en
tout. Entre la fourche et la route 167, plus entre la route 167 et Chibougamau,
il y a de la route. C'est un projet majeur. Je pense que, comme
député, si vous "priorisez" cette route, si vous indiquez
très clairement au ministre des Transports votre volonté de voir
la réalisation du pavage de cette route...
M. Claveau: En parler au ministre des
Transports. Depuis 1986 que je la "priorise" et jusqu'à
maintenant, on a eu 200 000 $ à mettre dessus.
M. Savoie: En tout cas, il a eu une partie des sommes...
M. Claveau: Un peu de gravelle, un peu de concassé,
quelques tonnes de concassé.
M. Savoie: C'est ça. Il y a des routes comme ça
dans mon comté aussi, M. le député. (11 h 45)
Vols au-dessus du Labrador et du
Nouveau-Québec
M. Claveau: C'est à vous de vous en occuper. Quelle est
votre position, M. le ministre, sur la question des vols au-dessus du Labrador
et du Québec, naturellement, parce que cela coupe le territoire
québécois? Il devait y avoir, le 10 avril dernier, une rencontre
à Kuujjuaq là-dessus, finalement la rencontre a été
annulée à cause des événements qu'on connaît.
J'en profiterais d'ailleurs pour souligner ici la mémoire de M. Marc
Gordon qui a énormément travaillé dans le milieu inuit
pour les négociations et le suivi; la continuité des
développements en milieu inuit. Cette rencontre n'a pas eu lieu. Quelle
est la position du gouvernement du Québec? Quelle position le
gouvernement du Québec entend-il défendre, à la limite,
concernant la question des vols au-dessus du Labrador et du
Nouveau-Québec?
M. Savoie: Comme vous le savez, ce dossier ne date pas d'hier non
plus. C'est un dossier qui date depuis fort longtemps. Nous avons eu l'occasion
de visiter la base de Goose Bay, de discuter avec les chefs indiens, inuit,
tant du Québec que du Labrador, de visiter les installations militaires
à Goose Bay, de constater avec eux l'importance des vols, le nombre de
vols. Compte tenu du fait que, d'une part, il s'agit de la défense
nationale, donc d'un dossier qui relève d'Ottawa, que, d'autre part, il
s'agit d'un dossier et de Québec et de Terre-Neuve, nous sommes
intervenus à plusieurs reprises depuis 1986 en insistant auprès
des ministres fédéraux et même de certains de nos
collègues pour leur dire que c'était un dossier important, que
les impacts négatifs de ces vois à basse altitude étaient
considérables quant à l'exercice des droits de chasse et de
pêche des autochtones, que cela pouvait avoir un impact, semble-t-il,
important là aussi, pour la faune. Nous avons appuyé dans la
mesure du possible tant les démarches que les Inuit ont
effectuées auprès de la Cour internationale de La Haye en 1986
que les démarches et les études qu'ils ont eu a faire
auprès des ministres québécois. Nous avons insisté
à plusieurs reprises auprès des ministres fédéraux
chargés des dossiers autochtones, du fait qu'on y voyait là une
situation difficile. Ils ont utilisé le recours qui était
approprié dans ce cas-là. Ils ont utilisé un recours
approprié, c'est-à-dire les tribunaux. Comme vous le savez, ils
ont eu gain de cause en première instance.
Effectivement, le gouvernement fédéral, en particulier la
défense nationale, doit tenir compte des revendications des autochtones.
Nous ne pouvions pas, de notre côté, dire à Ottawa:
Suspendez vos vols. On pouvait leur dire, mais on n'avait pas ce
pouvoir-là; c'est un dossier essentiellement fédéral. Ce
qu'on a fait, c'est qu'on est intervenu auprès des ministres
fédéraux rattachés à ce dossier pour leur dire: II
y a là un problème; faites-y face en rencontrant les autochtones
et en arrivant à une entente avec eux.
Le territoire est très grand. Le nombre de vols est assez
limité. Je crois qu'il y a moyen de structurer ces vols-là de
façon à éviter que la faune et les autochtones ne soient
incommodés par ces vols à basse altitude.
M. Claveau: On parle d'un accroissement possible du nombre de
vols au cours des prochaines années.
M. Savoie: Effectivement. On a constaté à Goose Bay
que d'autres pays vont se joindre... Il y a des infrastructures qui se
développent, ce qui démontre une volonté, en tout cas de
la part des forces militaires, de développer davantage Goose Bay. M.
Jolicoeur m'avise qu'il y a actuellement des études d'impact qui sont
effectuées par le gouvernement fédéral. Après ces
études d'impact, il y aura des audiences publiques. Après la
tenue de ces audiences publiques, une décision finale sera prise. Mais
pour le moment, en tout cas, je trouve le déroulement de ce dossier des
plus intéressants, compte tenu de la décision.
M. Claveau: À titre de spectateur ou d'intervenant?
M. Savoie: À titre de premiers impliqués au
gouvernement du Québec par l'impact de ces vols-là sur les
autochtones. Qu'on en parle avec les Montagnais de la Côte-Nord, de
Saint-Augustin, de Natashquan, de La Romaine, ils vivent un choc. Il faut
savoir ce que ça veut dire. Cela veut dire qu'on est là dans un
canot en train de traverser un lac, paisiblement, avec comme seul bruit
finalement le chant des oiseaux et apparaît, à peu près
à 300 pieds au-dessus du niveau du lac, un avion volant à 700-800
kilomètres à l'heure avec un moteur qui est des plus bruyants et
qui arrive de nulle part à une vitesse extrêmement rapide. Il
arrive même des fois que, tellement pris par surprise, les autochtones
perdent l'équilibre et le canot chavire. C'est incroyable. Les
autochtones maintiennent que ça a des impacts, par exemple, sur les
orignaux, surtout sur les femelles gravides.
M. Claveau: De la disparition de troupeaux de caribous et tout ce
que vous voulez.
M. Savoie: Les impacts sont considérables, semble-t-il, et
je pense que là encore, on ne peut qu'appuyer, en tout cas, comme
ministre responsable des Affaires autochtones, les démarches que font
les autochtones dans la mesure où elles se font par le biais de nos
tribunaux.
M. Claveau: Allez-vous faire des représentations
précises devant les tribunaux?
M. Savoie: Je pense que lors de la tenue des audiences publiques,
je serai présent.
M. Claveau: Pour parler.
M. Savoie: Oui, pour parler.
M. Claveau: Pour prendre position.
M. Savoie: C'est ça. On a déjà fait des
représentations auprès du ministère de la Défense,
pas plus tard que le 13 avril, pour limiter le nombre de vols, mais pas cette
année.
Convention de la Baie James et du Nord
québécois
M. Claveau: Je vois que le temps avance. J'ai un autre dossier
portant sur l'application de la convention de la Baie James et du Nord
québécois. Je ne voudrais pas en faire un dossier de
comté, mais qu'est-ce que vous voulez, ça fait partie des grands
problèmes, la convention.
M. Savoie: Bien oui, je comprends ça.
M. Claveau: Qu'est-ce que le gouvernement du Québec entend
faire quant à la partie de la convention de la Baie James qui vise le
développement économique des terres de catégorie 1 B,
terres qui sont de la compétence du gouvernement du Québec en
termes d'investissements, contrairement aux terres 1 A qui sont des terres
dites fédérales? Il y a dans la convention des modalités
en termes des interventions possibles, d'analyses, d'études d'impact,
d'implantation d'entreprises ou de développement touristique, etc., sur
ces terres. Il y a actuellement certaines demandes qui ont été
adressées au gouvernement par des groupes autochtones, des bandes
concernées, quant à des développements potentiels ou
à des études de faisabilité des investissements sur ces
terres. On me dit que, jusqu'à maintenant, le gouvernement a
plutôt tendance à faire la sourde oreille. Qu'est-ce que vous
entendez faire pour appliquer cette partie de la convention de la Baie
James?
M. Savoie: Je pense qu'on pourrait laisser M. Jolicoeur y
répondre, étant donné qu'il est au fait de cette
question.
La Présidente (Mme Bleau): M. Jolicoeur.
M. Jolicoeur: II faut bien comprendre que les terres 1 B sont des
terres qui ont été transférées en pleine
propriété aux Cris. Ces terres leur appartiennent et il leur
revient de les mettre en valeur, s'ils le désirent. La seule chose
actuellement qui est demandée au gouvernement du Québec par les
Cris, c'est d'obtenir des budgets pour l'administration de ces terres. Or, le
Québec dit que les besoins n'ont pas été
démontrés jusqu'à maintenant pour l'administration des
terres puisqu'elles ne sont pas habitées. À partir du moment
où les Cris voudraient mettre ces terres en valeur, des discussions
seraient possibles. C'est également un dossier qui s'inscrit dans le
cadre de la revue de la mise en oeuvre de la convention. C'est sûr qu'il
existe encore un problème. Sur le plan administratif, il n'y a pas de
budgets qui ont été alloués pour l'administration des
terres. Il y en a eu les premières années. Il y a six ou sept
ans, il y a eu des budgets qui avaient été alloués pour
l'administration des terres 1 B mais que les Cris n'ont pas
dépensés. À un moment donné, le gouvernement,
réalisant que les Cris ne dépensaient pas ces budgets pour
l'administration des terres, a cessé de leur donner des montants
d'argent. À partir du moment où des Cris voudront
développer ces terres - encore une fois, ces terres leur appartiennent -
je pense qu'il y a moyen de faire quelque chose, et dans le cadre de la revue
de la mise en oeuvre de leur convention, c'est un sujet qui peut être
discuté.
M. Claveau: Avez-vous actuellement une ou des demandes concernant
des projets de mise en valeur de terres de catégorie 1 B?
M. Jolicoeur: Les seules demandes que j'ai vues portaient sur des
budgets d'administration pour gérer les terres comme telles mais non
pour les mettre en valeur. C'est un budget municipal
qu'ils cherchent à avoir pour l'administration des terres. C'est
ce qui a été demandé au gouvernement du Québec.
M. Claveau: N'avez-vous pas eu de la part, d'une façon
peut-être un peu plus précise, sans en faire un dossier de
comté, de la bande de Mistassini une demande très précise
quant à une étude de faisabilité et d'un projet de
développement touristique relié à des pourvoiries,
campings, etc., sur des terres de catégorie 1 B?
M. Savoie: Oui, on l'a reçue.
M. Jolicoeur: C'est assez récent, c'est un montant de 300
000 $, mais qui a été demandé à des fins
municipales. C'est la municipalité qui demande ces montants.
M. Claveau: Dans le cadre de tout projet du même genre,
parce que normalement, il devrait en avoir d'autres qui viennent
tranquillement... Peut-être que dans la démarche, il y a six ou
sept ans, il était prématuré de penser à des
implantations en terres de catégorie 1 B alors qu'on était au
moment de consolider certains acquis dans les réserves mêmes, en
catégorie 1 A, mais au moment où on se parle et dans la mesure
où le ministre a crié à tout vent que sa priorité
était de faire du développement économique sur les
réserves autochtones, on a là un cas où il y a plusieurs
réserves qui envisagent d'implanter certaines mécaniques de
développement en terres de catégorie 1 B. Quels seront les
crédits ou, enfin, comment allez-vous traiter ces demandes pour faire en
sorte qu'il y ait des sommes qui soient disponibles pour ce faire?
M. Savoie: Cela va être traité comme toute autre
demande, par le biais des ministres sectoriels avec un appui politique, par le
biais soit des programmes existants ou adaptés aux besoins des
autochtones, mais certainement pas à même les fonds des Affaires
autochtones. Il faut bien s'entendre que ces montants pour des études de
faisabilité, pour des possibilités de réalisation se font
avec notre appui vers le ministère approprié.
M. Claveau: C'est-à-dire que chaque ministère
devrait prévoir des crédits pour ce faire...
M. Savoie: Absolument.
M. Claveau: ...dans ses budgets. Est-ce que vous allez faire les
démarches nécessaires pour vous assurer que les ministres
sectoriels fassent effectivement les prévisions nécessaires pour
cela...
M. Savoie: C'est notre rôle.
M. Claveau: ...ou si cela va passer dans le cadre des
projets?
M. Savoie: C'est notre rôle et c'est le rôle, par
exemple, des coordonnateurs qui sont situés dans chacun des
ministères en question - on en a 22 - et qui interviennent d'une
façon régulière dans l'organisation de leur
ministère en faveur des autochtones et avec qui nous travaillons sur les
dossiers. Entre autres, on souligne le cas des Affaires municipales qui a
augmenté le budget en ce qui concerne ses infrastructures pour tenir
compte de la situation des Inuit.
M. Claveau: On met cela sur des infrastructures sanitaires en
particulier. Cela n'a rien à voir avec des implantations...
M. Savoie: Sanitaires, camionnage et toutes sortes d'affaires. Un
montant de 6 000 000 $, je pense, a été accordé dans ce
contexte.
M. Claveau: Si je ne m'abuse...
M. Savoie: On pense, par exemple, à Waswanipi où
ils ont un projet de développement forestier. On a dit qu'il y avait une
volonté politique très nette, très claire de veiller
à la réalisation de leur programme d'utilisation maximale des
ressources forestières.
La Présidente (Mme Bleau): M. Claveau? M. Claveau:
Oui.
Violence conjugale
La Présidente (Mme Bleau): Me permettriez-vous une
question, s'il vous plaît? M. le ministre, j'aime bien entendre parler de
béton, de construction, de routes, mais à la commission des
institutions, on parle souvent de la violence conjugale chez les
non-autochtones. Je sais que c'est un problème crucial aussi chez les
femmes autochtones.
M. Savoie: Effectivement.
La Présidente (Mme Bleau): L'année dernière, je me
rappelle, à votre dernier passage, on avait parlé qu'il y aurait
des programmes qui seraient mis de l'avant. Est-ce qu'il y a en effet des
programmes qui ont été mis de l'avant pour aider les femmes
autochtones?
M. Savoie: Effectivement, c'est un problème important la
violence conjugale familiale dans les communautés autochtones à
cause principalement, j'imagine, des problèmes sociaux qu'ils vivent. On
connaît le chômage. Plusieurs autochtones doivent vivre dans des
situations où ils bénéficient du bien-être social.
À plusieurs reprises, nous avons eu des articles, des rapports, des
conversations où on faisait état de cette violence. Nous avons
décidé, en coopération avec l'Association des femmes
autochtones du Québec,
sous la direction de Michèle Rouleau actuellement, de
procéder à l'embauche d'une autochtone qui va travailler dans les
communautés avec un budget pour trois ans, qui va se déplacer
dans les communautés et établir un plan d'intervention, pour
s'assurer, par exemple, que les femmes puissent être en mesure de se
défendre. Nous avons également procédé à la
préparation et à la publication d'un document publicitaire pour
aider les communautés à faire face à cette situation, de
sensibiliser la population à l'outrage que ça pouvait
créer, tel que ça existe actuellement. (12 heures)
La Présidente (Mme Bleau): Mais, comme tels, nous ne
pouvons pas intervenir, naturellement?
M. Savoie: Bien, on cherche à intervenir en leur
fournissant les personnes-ressources qui vont créer les structures pour
que les communautés puissent répondre, chacune à sa
façon, à la crise actuelle.
La Présidente (Mme Bleau): M. le député
d'Ungava, vous avez d'autres...
M. Savoie: D'ailleurs, cela a fait l'objet d'un communiqué
au mois d'octobre l'année passée. Une entente a été
signée également.
M. Claveau: Le temps court. J'aurais peut-être une
dernière question. Combien nous reste-t-il de temps?
La Présidente (Mme Bleau): On doit finir à 12 h 12.
Il est midi juste. Vous avez encore dix minutes.
Création d'un ministère des Affaires du
Nord
M. Claveau: D'accord. J'ai encore quelques questions à
poser. M. le ministre, vous avez engagé en 1986 des fonds du
gouvernement pour faire une étude et créer un comité qui
devait vous permettre d'établir les assises d'un ministère des
Affaires du Nord. Dernièrement, il vous est encore arrivé de
déclarer que, pour vous, le dossier n'était pas fini et que vous
alliez faire revivre ça le moment voulu. Probablement que ça va
faire l'objet, pas d'une promesse électorale pour une deuxième
fois consécutive...
M. Savoie: Non, non, cela n'a jamais fait l'objet de promesses
électorales.
M. Claveau: Cela n'a jamais fait l'objet de promesses
électorales?
M. Savoie: Non, jamais.
M. Claveau: Ah! Excusez-moi, M. le ministre. De toute
façon, est-ce que vous croyez, est-ce que vous pensez que vous allez
avoir là un beau dossier qui va vous servir en campagne
électorale ou avez-vous réellement l'intention de créer un
ministère des Affaires du Nord?
M. Savoie: Comme vous le savez, je crois qu'il est absolument
essentiel que le gouvernement du Québec coordonne les activités
du développement nordique. Les études que nous avons
menées sur ce sujet ont été concluantes. Je pense que nous
avons reçu de la part du gouvernement des appuis pour ce dossier, dans
le sens que plusieurs constatent la nécessité de ce faire. On
sent même dans le milieu une certaine réceptivité à
la réalisation de ce dossier, quoiqu'il y ait eu aussi certaines
personnes qui ont exprimé des hésitations. Je pense, par exemple,
au colloque sur le Nord qui a eu lieu à Amos en 1987. C'est un dossier
qui est loin d'être mort pour nous. Je pense que cette idée doit
encore faire un bon bout de chemin, mais il n'est pas toujours facile d'obtenir
un consensus aussi large et aussi fort qu'on veut au niveau provincial. Cette
idée m'est très chère. Elle continue de m'être
très chère. Je pense que, de plus en plus, certains intervenants
qui ont à intervenir d'une façon régulière sur le
territoire constatent eux aussi la nécessité, peut-être pas
d'un ministère touffu, mais certainement d'une structure, d'un
mécanisme, d'un bras gouvernemental qui serait en mesure de coordonner
davantage les interventions, tant pour les Blancs que les autochtones sur le
territoire nordique. C'est un dossier qui a été bien reçu
d'une façon générale, mais il reste encore des
étapes à franchir.
M. Claveau: Est-ce un dossier sur lequel vous continuez à
travailler ou si, actuellement, il s'empoussière tranquillement et vous
allez le dépoussiérer un jour ou l'autre?
M. Savoie: Bien, il s'empoussière tranquillement... Ce
qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a plusieurs visions en ce qui concerne le
développement nordique. Il s'agit de coordonner davantage ces visions.
Ce n'est pas parce qu'on a une bonne idée et que tout le monde est
d'accord que ça va se réaliser du jour au lendemain. Il y en a
qui disent: Oui, c'est une bonne idée, il faudrait s'asseoir et
l'articuler davantage. C'est ce qui doit se faire.
Sommets socio-économiques
M. Claveau: Vous avez parlé des sommets
économiques. Il y a eu le résultat du sommet économique de
la Gaspésie avec la participation des Micmacs, le sommet
économique de la Côte-Nord avec la participation des
Attikameks-Montagnais. J'aimerais avoir, rapidement, votre appréciation
générale quant à votre perception de la participation des
autochtones à ces sommets socio-économiques et le rôle
véritable qui semble ou qui pourrait, d'après vous,
résulter de leur participation au développement économique
de
ces réglons.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Savoie: Cela a été, en quelque sorte, une
première quant à une participation autochtone aux sommets
socio-économiques. Je pense qu'ils vont les utiliser davantage. Je pense
qu'on peut s'attendre à l'avenir, à chaque sommet
socio-économique où il y aura des autochtones sur le territoire,
à les voir présenter des dossiers.
Par exemple, le prochain sommet socio-économique aura lieu dans
la Mauricie et on veut s'assurer que les Attikameks soient présents avec
une demande. Nous en avons d'ailleurs discuté, ce matin, à une
rencontre qui a eu lieu au sujet du sommet socio-économique de la
Mauricie et nous croyons qu'il est absolument essentiel que leur participation
soit garantie par les intervenants locaux. Cela leur permet d'avoir
accès à des fonds, ça leur permet de s'impliquer dans le
tissu économique et social de la région qu'ils habitent et c'est
une des rares occasions pour eux d'aller chercher des fonds, des montants, en
présentant des demandes structurées pour la réalisation
des projets qui leur tiennent à coeur. Alors, comme pour tous les autres
intervenants sur leur territoire, je pense que ça doit être
encouragé. Je peux vous dire qu'aux sommets de la Côte-Nord et de
la Gaspésie, la population locale était très fière
de les voir participer. Au sommet de la Côte-Nord, cela a
été incroyable, ils sont arrivés avec plusieurs demandes.
Je pense qu'ils avaient une quinzaine de demandes qu'ils ont pu
présenter sur la place publique. Ils avaient une
délégation assez forte, ils occupaient une partie de la salle et
ils ont participé de façon très active à chacune
des étapes du sommet socio-économique. Au sommet
socio-économique de la Gaspésie, les Micmacs de Restigouche ont
présenté deux demandes qui ont été
acceptées, sur une base d'étapes: les études de
faisabilité, la conclusion et la réalisation de ces travaux. Je
pense que ça représente d'énormes avantages pour les
communautés autochtones et on souhaite que cette tendance puisse
continuer. On espère que, indépendamment du gouvernement et
indépendamment des intervenants, on cherchera à s'assurer de la
participation des autochtones aux tables.
M. Claveau: Est-ce que vous croyez, finalement, que ce genre
d'activité va permettre aux autochtones ou devrait déboucher
à long terme sur une participation réelle des autochtones dans le
schéma global du développement économique d'une
région? J'ai la perception et, pour en avoir discuté avec
certaines gens, il semble que ce soit une perception un peu
généralisée pour le moment, bien que le dossier soit
encore embryonnaire, c'est un début, qu'il s'agit presque de minisommets
autochtones à l'intérieur d'un sommet régional. Vous voyez
ce que je veux dire? Est-ce que vous souhaitez ou que vous travaillerez dans le
sens que cette participation autochtone devienne une véritable
participation "at large", j'oserais dire, de l'ensemble de la dynamique
économique d'une région?
M. Savoie: Bien sûr. Je pense que ce serait des plus
souhaitable.
M. Claveau: Quel genre d'intervention ou comment pensez-vous
pouvoir en arriver à ce que cela se réalise? Est-ce que vous
envisagez au SAA des politiques ou des approches qui feront en sorte que
ça se développera dans ce sens?
M. Savoie: Oui. Les officiers chez nous s'assurent, lorsqu'il y a
un sommet, d'assister, dans la mesure du possible, les autochtones. On
communique avec eux pour leur dire qu'il y a un sommet, que c'est le temps de
présenter les dossiers, que c'est le temps d'articuler les demandes. On
les assiste dans l'élaboration de ces demandes et on voit à ce
que le gouvernement, particulièrement l'OPDQ, soit sensibilisé
aux demandes qui proviennent des autochtones.
M. Claveau: Vous nous avez dit au début, dans votre
allocution d'introduction, M. le ministre, que les groupes de coordonnateurs
des 22 ministères s'étaient rencontrés très
souvent, et je suppose que ce genre d'approche fait aussi partie de la
dynamique de leurs rencontres, pourriez-vous nous préciser combien de
fois chaque groupe - comment les appelez-vous? - chaque comité avec ces
représentants s'est réuni durant l'année?
Une voix: Les tables sectorielles? M. Claveau: Les tables
sectorielles.
M. Savoie: C'est une fois par mois pour chaque table.
M. Claveau: Une fois par mois, avec une participation
généralisée de l'ensemble des ministères.
M. Savoie: Par les coordonnateurs qui doivent être
là.
M. Claveau: Mais ils sont assidus; ils sont là aux tables;
ils sont...
M. Savoie: Au début, on a eu des difficultés
à s'assurer d'une bonne participation, mais je pense qu'aujourd'hui cela
va bien.
M. Claveau: Ils sont de plus en plus intéressés par
le processus.
M. Savoie: Oui. Je pense qu'en modifiant la façon de
procéder, cela a donné les résultats voulus. M. Jolicoeur
nous informe que la réunion
statutaire, c'est une fois par mois, mais il y a souvent des
réunions ad hoc selon les dossiers, même que cela arrive qu'ils se
rencontrent deux ou trois fois par semaine. Il y a de l'évolution.
M. Claveau: Oui, mais pouvez-vous nous dire si vous êtes,
à ce jour, satisfait de la façon dont cela procède et du
nombre de dossiers, enfin, la façon d'arriver à faire des
consensus sur des dossiers précis? Est-ce qu'il y a beaucoup de
consensus et est-ce que cela se voit que ça se répercute
actuellement dans les communautés autochtones ou dans les comportements
de chacun des ministères face aux communautés autochtones?
M. Savoie: Je pense que dans le cadre actuel, on ne peut
qu'être satisfait de ces tables et du fonctionnement de ces tables. On
souhaiterait toujours plus. On chercherait toujours à améliorer
le mécanisme, à trouver, évidemment, plus de
coordonnateurs, à avoir une plus grande implication de la part du
gouvernement. Mais si on tient compte d'une certaine réalité
économique, d'une réalité administrative, je pense que
oui, effectivement, on est satisfait et je pense que les communautés
autochtones sont également satisfaites. Je peux vous dire que dans les
discussions que j'ai avec elles, j'ai très peu de plaintes. D'ailleurs,
je n'ai pas de plainte. On ne se plaint pas d'un dossier qu'on a envoyé
pour être traité et qui a été mal traité ou
pas traité. On a des échos, bien sûr, sur le fait que
certains dossiers tardent parce que les décisions sont longues à
venir, mais lorsqu'on les examine de près, on constate que c'est la
machine administrative et ce sont les enjeux lorsqu'on doit gérer d'une
façon moderne.
M. Claveau: Peut-être en conclusion.
Le Président (M. Dauphin): En conclusion.
M. Claveau: Juste dans le cas de la réserve de Mistassini,
j'ai cinq ou six dossiers, à ce jour, qui semblent avoir tendance
à traîner. On parie de la route, d'infrastructures de loisirs, de
centres communautaires, de la construction de maisons - vous allez me dire que
c'est fédéral - de réseaux d'aqueduc et d'égout
plus performants ou plus conformes aux normes actuelles, d'épuration des
eaux. Enfin, il y a plusieurs dossiers juste dans le cas d'une réserve,
et j'en ai plusieurs. J'avais déjà parlé avec M. Maltais
d'un certain nombre de dossiers qui traînent dans différentes
réserves au Québec. On devait même se rencontrer
là-dessus. Finalement, cela n'a jamais adonné. Il faudrait
peut-être profiter de l'occasion pour se parler de cela.
M. Savoie: Est-ce que cela n'a jamais adonné à
cause de nous?
M. Claveau: Non, c'est parce que, finale- ment, on ne s'est
jamais fixé une date pour dire: On le fait et on regarde un certain
nombre de dossiers sur la Côte-Nord et en Gaspésie, et quelques
dossiers de comté, bien évidemment, à travers cela, parce
que je suis particulièrement impliqué là-dedans dans le
comté. Que voulez-vous? Mais il y a quand même, à mon avis,
plusieurs dossiers - plusieurs, pas juste un - d'ordre du loisir, de la
culture, du développement communautaire, d'infrastructures municipales,
etc., qui traînent dans les ministères et qui semblent à
peu près impossibles à débloquer.
M. Savoie: II y a des dossiers, il faut s'entendre. Lorsqu'on
fait une demande, par exemple, d'un réseau d'aqueduc et d'égout
pour la communauté de Mistassini, c'est un gros dossier. C'est un
dossier qui, il ne faut pas l'oublier, doit être traité au sein de
l'entente de participation du gouvernement fédéral. Ce n'est pas
un dossier où l'individu dépose sa demande et à qui on
dit: Oui, quel est le montant et on fait le chèque tout de suite. Il y a
des approches à faire. Ce n'est pas un dossier qui est vieux. On
convient de cela. La demande d'un réseau d'aqueduc et d'égout
à Mistassini, c'est une demande qui est récente. C'est un gros
dossier. Je pense que vous l'avez souligné vous-même, les portes
chez nous sont ouvertes, les demandes de rencontres avec les communautés
sont rarement refusées. Je ne connais pas de refus, d'ailleurs. On
cherche toujours à obtenir une rencontre dans les plus brefs
délais en plus des déplacements qu'on fait vers ces
communautés. On peut parler des tables sectorielles qui se
réunissent et, de temps à autre, elles se réunissent dans
les communautés, malgré le coût des déplacements que
cela implique tout simplement pour être présents sur-le-champ. Je
pense que c'est un élément important. Dans ce sens, je comprends
qu'il peut y avoir des dossiers. Vous avez parlé de la route 167, vous
avez parlé de Mistassini, vous avez parlé également de la
question de structure d'égout et d'aqueduc. On est bien au courant de la
volonté de Mistassini de développer un centre culturel important
qui demande énormément d'argent. Dans un contexte comme cela, il
ne faut pas oublier, non plus, la participation du gouvernement
fédérai. Quant à la construction de résidences,
vous savez que c'est fédéral.
Adoption des crédits
Le Président (M. Dauphin): Messieurs, c'est tout le temps
qui nous était alloué. Est-ce que les crédits
budgétaires du ministre délégué aux Affaires
autochtones pour l'année financière 1989-1990,
c'est-à-dire l'élément 3 du programme 2 du Conseil
exécutif, sont adoptés?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Dauphin): Adopté. La
commission des institutions ajourne ses travaux à demain 9
heures. Pour les membres de la commission, c'est 9 heures, demain matin, alors
que nous étudierons les crédits du ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
Merci et bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 12 h 17)