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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mercredi 26 avril 1989 - Vol. 30 N° 57

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Ministre délégué aux Affaires autochtones


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Chapleau est arrivé. Nous pouvons commencer car nous avons quorum. Je déclare donc ouverte la séance de la commission des institutions qui a pour mandat de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministre délégué aux Affaires autochtones, c'est-à-dire l'élément 3 du programme 2 du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1989-1990.

Me Giguère, secrétaire de la commission, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Filion (Taillon) est remplacé par M. Claveau (Ungava) et M. Marcil (Beauharnois) est remplacé par M. Thuringer (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Je rappelle aux membres de la commission que nous avons une enveloppe de deux heures qui a été négociée. J'invite, à ce stade-ci, le ministre délégué aux Affaires autochtones et député d'Abitibi-Est à procéder à ses remarques préliminaires et, peut-être avant, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Remarques préliminaires M. Raymond Savoie

M. Savoie: Merci, M. le Président. Effectivement, je voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent. D'abord, à ma droite, M. Gilles Jolicoeur, secrétaire général associé aux affaires autochtones; M. André Maltais, mon attaché politique pour ce qui est du SAA et, derrière moi, à l'extrême droite, M. Bernard Mathieu, secrétaire adjoint, responsable du comité de développement économique; M. Jacques Giguère; M. Jean-Daniel Thériault, agent de recherche aux affaires juridiques et M. Pierre-E. Coulombe qui, comme vous le savez, est le négociateur spécial, chargé principalement de la révision des conventions avec les Inuit. Il y a M. Roger Beaudoin, M. Jean-Marc Lessard et Mlle Ann Picard qui est responsable de l'information aux Affaires autochtones. Ils constituent les gens qui m'accompagnent et j'imagine, étant donné que c'est la troisième fois qu'on se prête à cet exercice, que vous êtes familiers maintenant avec les intervenants.

M. le Président, en tant que ministre délégué aux Affaires autochtones, il me fait plaisir de déposer devant les membres de cette commission, en vue de leur approbation, les crédits affectés au Secrétariat aux affaires autochtones pour l'année budgétaire 1989-1990. Je suis certain que mes collègues présents en grand nombre aujourd'hui, d'ailleurs au nombre de six, et le député d'Ungava et critique pour le dossier des Affaires autochtones seront très intéressés par le bilan que nous allons présenter dès maintenant.

Le Secrétariat aux affaires autochtones est situé au centre et au sein du ministère du Conseil exécutif. Il est chargé d'assister le ministre dans l'élaboration des politiques gouvernementales relatives aux autochtones et d'en assurer la mise en oeuvre. De plus, il a comme mission, comme vous le savez, de coordonner les activités gouvernementales, d'assurer la cohérence des différentes interventions des ministères et organismes, de fournir aux autochtones une information générale concernant les politiques gouvernementales à leur endroit, d'informer l'ensemble de la population québécoise des réalités touchant le milieu autochtone, de conduire la négociation des ententes globales en collaboration avec les ministères concernés et, finalement, de conseiller les ministères dans la négociation des ententes sectorielles et veiller à leur mise en oeuvre. Voilà les tâches principales du secrétariat.

La nouvelle structure que nous avons mise en place, comme nous l'avons souligné par les années passées, au début de 1987, s'est avérée des plus efficaces. Elle permet, en effet, de réunir aussi souvent que cela est nécessaire les 22 coordonnateurs des ministères et organismes en vue de trouver des solutions originales aux problèmes que la clientèle autochtone soumet au gouvernement. Le regroupement des coordonnateurs au sein des trois tables sectorielles a également permis de faciliter les discussions, d'améliorer les communications entre le personnel du secrétariat et les coordonnateurs sur les thèmes spécifiques et d'éviter des retards considérables dans le traitement des dossiers.

En vue de permettre au secrétariat de mieux remplir son mandat, j'ai mis sur pied, au cours de 1988-1989, la Direction des affaires juridiques et du développement des politiques. Cette modification à la structure du secrétariat a été approuvée par les autorités compétentes. C'est cette nouvelle direction qui fut responsable de la publication, le printemps dernier, du document intitulé: "Les fondements de la politique du gouvernement du Québec en matière autochtone", dont j'ai déjà fait parvenir copie au porte-parole de l'Opposition officielle. Je me propose maintenant de compléter les fondements de la politique du gouvernement en y ajoutant des éléments essentiels qui permettront aux nations autochtones de participer à part entière au développement de la société québécoise. Déjà quelques projets sont sur la planche à dessin, et plusieurs ministères sectoriels ont accepté de préciser leur politique à l'endroit des autochtones.

Dès mon arrivée au poste que j'occupe en ce moment, j'ai entrepris de consulter les autochtones d'une façon constante. En 1988-1989, j'ai persisté dans cette approche en rencontrant régulièrement, soit à mon bureau, soit dans les communautés, les conseils de bande, les municipalités des villages nordiques et les représentants des nations autochtones. Dans ce même contexte, j'ai organisé deux importantes rencontres avec les leaders autochtones du Québec et les représentants du gouvernement. Le 19 avril 1988, comme vous vous en souvenez, M. Bourassa a rencontré les chefs des nations et a abordé avec eux la question des amendements constitutionnels, les mécanismes à mettre en place pour assurer une collaboration constante et étroite entre les autochtones et le gouvernement, et plusieurs autres questions concernant des problèmes particuliers. Le 30 novembre dernier, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, à son tour, a rencontré les représentants des nations en vue de discuter avec eux des questions se rapportant à l'exercice des activités traditionnelles. Ces rencontres de haut niveau, que je juge essentielles, permettent au gouvernement de mieux comprendre les désirs et les aspirations des nations autochtones et d'adapter ses programmes et ses politiques de façon à mieux répondre à leurs besoins.

Comme les questions autochtones concernent au premier chef le gouvernement du Canada, il m'apparaît important de maintenir un niveau constant de collaboration avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et son ministère. À cette fin, j'ai rencontré plusieurs fois en cours d'année le titulaire de ce ministère pour aborder avec lui différents dossiers concernant les deux ordres de gouvernement. Les fonctionnaires du Secrétariat aux affaires autochtones ont fait de même avec leurs homologues fédéraux. En plus des nombreux dossiers qui les amènent à se rencontrer fréquemment, des réunions statutaires ont lieu tous les deux mois pour permettre au responsable du secrétariat et au directeur régional du ministère de faire le point sur l'ensemble des activités.

La mise en oeuvre de l'entente de concertation portant sur le développement économique des autochtones a également été au coeur de nos préoccupations et de nos relations avec le gouvernement du Canada et avec les autochtones. Les sept groupes de travail qui ont été mis sur pied après la signature de cette entente, le 30 septembre 1987, ont tenu de nombreuses rencontres tout au cours de l'année, auxquelles ont participé les représentants des nations autochtones. Les recommandations du comité de coordination prévu à l'entente doivent être présentées incessamment aux ministres signataires.

M. le Président, j'aimerais également souligner la participation des autochtones à deux importants sommets économiques qui ont été tenus en 1988. Au cours du premier, les Micmacs de Ristigouche ont présenté deux projets impor- tants, qui ont fait l'objet d'une approbation, d'abord au niveau des instances régionales et par la suite des instances gouvernementales. Le second sommet, tenu sur la Côte-Nord en octobre 1988 a permis aux Montagnais et aux Naskapis de présenter une brochette de projets qui ont retenu l'attention des différents intervenants. Il me fait plaisir de souligner, devant tous les membres de cette commission, la qualité des projets présentés par les autochtones à l'occasion de ces deux sommets.

J'aimerais également souligner, M. le Président, une décision prise par le Conseil du trésor l'année dernière, et qui aura, au cours des prochaines années, un impact important sur les communautés des villages nordiques. On sait que de nombreux développements se sont produits au cours des dernières années dans ces communautés: la construction d'aéroports, la construction de nouvelles écoles, une augmentation importante du nombre de nouvelles habitations. Malheureusement, le développement des infrastructures municipales n'a pas suivi au même rythme. Le président et les membres de l'administration régionale Kativik et les maires des villages nordiques m'ont prévenu à cet égard, et à la suite des discussions que j'ai eues avec mon collègue, le ministre des Affaires municipales, il a été convenu de demander au Conseil du trésor de modifier sa décision antérieure qui maintenait le rythme des dépenses à ce chapitre en deçà des besoins. Le Conseil du trésor a donc autorisé le ministre des Affaires municipales à augmenter son enveloppe d'une façon substantielle, de manière à faire le rattrapage nécessaire en ce domaine.

Au cours de l'année dernière également, un autre problème épineux a été réglé à la suite des discussions que j'ai eues avec mon collègue des Affaires municipales. En effet, celui-ci a présenté un projet de loi à l'Assemblée nationale qui a été sanctionné le 23 décembre 1988 et qui permet d'exempter de la taxe foncière les camps de chasse des autochtones situés sur leur territoire de piégeage jusqu'à concurrence d'une évaluation de 15 000 $. Cette question, qui avait fait l'objet de nombreuses plaintes de la part des autochtones a donc pu être solutionnée à leur satisfaction et ce, à l'extérieur des tribunaux et, finalement, sans confrontation inutile.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais informer les membres de cette commission de quelques autres réalisations du secrétariat au cours de l'année qui vient de s'écouler. Tout d'abord, les négociations de la revendication territoriale globale entre le Conseil attikamek-montagnais, les gouvernements du Canada et du Québec se sont poursuivies sur une base régulière. En septembre dernier, les trois parties ont signé une entente-cadre qui précise les grandes questions qui seront abordées au cours de ces négociations et qui a fixé en même temps un calendrier de travail. Les parties ont également convenu à la table d'un accord de principe

relativement à des mesures provisoires qui seront appliquées au cours de la négociation. J'ai eu l'occasion de signer hier cette deuxième entente avec le président du Conseil attikamek-montagnais, M. Georges Bacon et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, M. Pierre Cadieux, ici même à Québec, et qui a fait l'objet d'une couverture, entre autres, dans Le Soleil d'aujourd'hui.

Les discussions se sont également poursuivies entre les Cris d'Oujé-Bougoumou et le gouvernement du Québec, permettant d'en arriver à un accord de principe quant à l'octroi d'un régime complet des terres de catégories 1 et 2 en leur faveur. Même si l'ensemble de ce dossier n'est pas encore tout à fait réglé, j'aimerais cependant mentionner le progrès considérable qu'il a connu au cours de l'année dernière. L'ouverture faite par le gouvernement du Québec quant à l'octroi d'un régime complet de terres au même titre qu'une autre bande qui sera finalement créée au nom des Cris d'Oujé-Bougoumou, a permis d'orienter les discussions sur une base beaucoup plus acceptable et de faciliter aussi le règlement de ce dossier.

Au cours de l'été 1988, en collaboration avec le ministère de l'Énergie et des Ressources, secteur Mines, dont je suis également responsable et le Secrétariat aux affaires autochtones, la Corporation foncière de Qarqalik a entrepris un programme d'exploration minière en vue de former des jeunes Inuit de Salluit à l'exercice de cette discipline. Des pourparlers sont en cours pour la poursuite de ce programme durant la prochaine saison.

J'aimerais aussi souligner, M. le Président, que j'ai signé, le 2 février dernier, au nom du gouvernement du Québec, une entente avec l'Association des femmes autochtones, permettant à cet organisme d'engager, pour une période de trois ans, une personne-ressource en vue de contrer la violence familiale en milieu autochtone. Cet organisme a été très actif dans ce domaine au cours des dernières années et cette entente s'inscrit dans le cadre d'un programme que nous avions entrepris l'an passé conjointement avec le Secrétariat à la condition féminine.

Enfin, M. le Président, dans le domaine de l'information, le Secrétariat aux affaires autochtones a poursuivi la publication de la revue Rencontre, destinée principalement aux Amérindiens et aux Inuit du Québec, publication qui intéresse de plus en plus l'ensemble de la population québécoise.

Depuis un certain temps, quelques conseils de bande ont commencé à réfléchir sur la question de l'autonomie gouvernementale. Les Inuit du Nouveau-Québec viennent de poser un geste démocratique en élisant les membres d'une assemblée constituante qui doit préparer un projet qui fera, par la suite, l'objet d'une consultation locale et d'une négociation avec le gouvernement. Ce genre de réflexion me paraît souhaitable et j'espère que ce processus, qui vient de s'engager au Nouveau-Québec, débouchera sur des propositions concrètes. Nous sommes réceptifs à l'examen, avec les Inuit et avec les autres nations autochtones également qui le désirent, des modalités d'exercice de l'autonomie gouvernementale à la condition, bien sûr, de respecter le cadre constitutionnel canadien et l'intégrité du territoire québécois. Comme j'ai eu l'occasion de le mentionner à diverses reprises, ce processus ne doit pas non plus constituer pour le gouvernement fédéral une occasion de se retirer des services qu'il fournit actuellement aux populations autochtones.

Comme je l'ai mentionné au début de mes remarques, quelques ministères ont amorcé une réflexion quant à la formulation de politiques sectorielles à l'endroit des autochtones. J'entends seconder l'effort de ces ministères et les assister au besoin, de manière à mieux harmoniser nos relations avec les premières nations. Cette harmonisation de nos relations ne se fait pas sans difficulté. Ces difficultés ne doivent pas, cependant, nous empêcher de poursuivre les discussions et, dans la mesure où nous ferons preuve de bonne foi de part et d'autre, je suis convaincu que nous parviendrons à des résultats concrets.

Il me fait plaisir, M. le Président, de soumettre maintenant les crédits du Secrétariat aux affaires autochtones pour l'année budgétaire 1989-1990 à l'examen des membres de cette commission, en vue de leur approbation. Comme le secrétariat n'administre pas de programmes comme tel, il s'agit, essentiellement, d'un budget de fonctionnement auquel s'ajoute un montant de 755 000 $ en dépenses de transfert pour soutenir certains organismes autochtones et permettre aux communautés de réaliser quelques activités, particulièrement dans le domaine du développement économique, du développement socioculturel et du développement communautaire.

En terminant mes remarques préliminaires, M. le Président, j'aimerais vous dire que, malgré les difficultés qui sont persistantes au sein de certaines communautés dans les relations avec le gouvernement du Québec, je crois que, pour l'ensemble, il se développe un esprit de coopération entre les sociétés autochtones et le gouvernement du Québec. J'ai pleine confiance, d'ailleurs, avec l'arrivée de M. Cadieux au gouvernement fédéral, que nous serons en mesure d'intervenir d'une façon beaucoup plus efficace au sein des communautés, afin d'assurer cette cohabitation sur le territoire qui, finalement, doit nous préoccuper grandement, non seulement nous, ici, autour de cette table, mais aussi, je pense, l'ensemble de la société québécoise. Si on n'est pas en mesure de poser les gestes nécessaires à cette cohabitation, la confrontation va devenir de plus en plus difficile.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Je demanderais maintenant au porte-parole de l'Opposition officielle en matière

d'affaires autochtones, le député d'Ungava, de procéder à ses remarques préliminaires.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Oui, M. le Président, juste quelques petites remarques préliminaires. D'ailleurs, le ministre aurait peut-être pu couper ses remarques préliminaires s'il avait fait son bilan à l'intérieur du livre des crédits, comme cela existe dans d'autres secteurs et comme il l'a fait avec les mines, par exemple, où l'on retrouve à l'intérieur du document qu'il a déposé l'ensemble du bilan du secteur minier pour l'année qui vient de se terminer. On aurait sûrement gagné du temps, ce qui aurait permis, peut-être, d'aborder d'autres sujets au cours des deux heures qui nous sont octroyées pour l'étude des crédits qui touchent le SAA.

Je tiens à remercier l'ensemble du personnel du SAA qui est ici présent. Je suis convaincu que nous aurons une discussion constructive et qu'il sera probablement intéressant pour tout le monde, pour les principaux intervenants dans le dossier, entre autres, les autochtones, de voir de quelle façon vont évoluer les discussions et les questions que nous allons poser au cours des deux prochaines heures, enfin l'heure et demie qui nous reste maintenant.

Je remercie aussi le ministre de se prêter à cet exercice. Si je ne m'abuse, M. le ministre, c'est la quatrième fois, et non la troisième, l'ayant fait en 1986, 1987, 1988, et maintenant en 1989. Il n'y a pas eu d'étude des crédits en 1986?

M. Savoie: Je n'ai été nommé que le 1er avril, je crois, en 1986.

M. Claveau: Ah! Dans votre cas, c'est la troisième fois. J'ai remarqué, dans la lecture de son bilan pour l'année dernière, que le ministre a touché quelques sujets, quelques dossiers qui ont été conclus à la satisfaction, j'ose l'espérer, des autochtones concernés. Par contre, il y a aussi un certain nombre de dossiers qui sont encore en suspens et qui entraînent des problèmes assez difficiles à vivre pour les gens, entre autres, ceux qui sont impliqués sur le territoire. Quand le ministre nous disait: Bon, cela améliore la situation, etc., et finalement, on se rend compte qu'on s'en va vers une meilleure cohabitation sur le territoire, à bien des égards, oui, vu de l'extérieur c'est peut-être le cas; il y a peut-être aussi des parties du territoire global du Québec où ça se passe comme ça. Il y a quelques petits dossiers. On parle, par exemple, du dossier de l'archipel de Mingan, qui risque d'améliorer probablement les conditions dans ce coin de pays, peut-être aussi qu'avec les Micmacs, la situation est moins tendue qu'elle ne l'a déjà été alors qu'on avait de gros problèmes au sujet des quotas de pêche au saumon.

Il y a des coins de pays, où il pourra éventuellement avoir une amélioration en ce qui concerne les relations entre les différents groupes ethniques qui se partagent le territoire. Mais le ministre s'est bien gardé de parler du cas de Kahnawake; il s'est bien gardé de parler du cas d'Oka, qui sont des cas qui sont de plus en plus difficiles à vivre pour l'ensemble des habitants du territoire concerné, y compris pour les non-autochtones qui ont à partager leur quotidien avec les autochtones. Je ne sais pas si le ministre sait ce que ça veut dire que d'avoir à vivre quotidiennement des problèmes de confrontation, des problèmes de non-acceptation d'un groupe par un autre, ce qui fait que les relations sont souvent très difficiles.

Le ministre nous a dit, par exemple, et je suis bien placé pour en parler, que la négociation avait bien avancé dans le dossier d'Oujé-Bougoumou. La réserve d'Oujé-Bougoumou devrait normalement se trouver à peu près à une quinzaine de kilomètres de ma résidence à Chapais; c'est donc un dossier dont j'entends parler continuellement. Je ne suis pas prêt, en tout cas, avec l'esprit des gens qui habitent Chapais et Chibougamau, à partager l'optimisme du ministre quant à la bonne évolution du dossier. Il s'agit d'en parler avec des gens dans la rue; plus ce dossier va traîner, plus il va pourrir, plus il sera difficile d'en arriver à une solution qui satisfera tout le monde. Jusqu'à maintenant, les gens du milieu, les non-autochtones, ont été largement favorables au dossier. De plus, il y a des modalités qui font en sorte qu'on réussit à vivre ensemble sur le territoire. (10 h 30)

J'ai eu moi-même à intervenir auprès des autochtones, à quelques reprises, pour leur demander de faire attention au chapitre des moyens de pression qui pourraient être envisagés dans le milieu, entre autres, couper les routes, couper l'accès à l'aéroport, etc., qui sont des moyens de pression qui sont envisagés pour aider le ministre ou pour lui faire comprendre que le dossier ne va pas aussi bien qu'il ne le croit. Si jamais ces choses-là arrivent, je vous assure, M. le ministre, qu'il ne sera pas drôle de vivre dans le milieu, parce que les appuis, actuellement, qu'on a réussi à dégager du côté des non-autochtones au projet de la réserve, risquent de fondre comme neige au soleil.

Dans la mesure où je ne crois pas que ce soit la population du milieu qui ait à payer pour l'incapacité du gouvernement à trouver une solution, si on nous coupe nos routes, si on fait des pressions dans le milieu, à ce moment-là, c'est la population de Chapais et de Chibougamau qui en souffrira, population qu'on se garde bien d'ailleurs d'impliquer dans le dossier, parce qu'on va faire en sorte que tout se passe à Québec et que les gens du milieu ne sachent à peu près rien de ce qui arrive, excepté une petite consultation, à l'occasion, où on vous dit que ça va bien, alors qu'on sait par en arrière que cela ne va pas très bien. Mais après, c'est nous, dans le

milieu, qui avons à vivre les problèmes, qui avons à affronter continuellement les mécontents parce que le gouvernement est incapable de trouver une solution.

Alors, quand le ministre nous dit que ça va bien, je ne suis pas convaincu. Il faudrait s'en parler. Par exemple, par rapport à Hydro-Québec, avec ce qui s'en vient, le projet de l'Ashuapmuchuan, il y a des mécontentements qui apparaissent là-dedans aussi au niveau des groupes attikameks-montagnais, entre autres, le groupe montagnais de Pointe-Bleue, pour être plus précis. Quand on parle des aménagements de la rivière Sainte-Marguerite sur la Côte-Nord il commence aussi, à y avoir des frictions dans les milieux. Quand on parle de l'aménagement de la rivière de la Grande-Baleine même, on a actuellement un refus total de la part d'une communauté autochtone concernée, les Cris, et on a, en tout cas, une position qui est encore un peu plus mitigée de la part des Inuit, mais c'est loin d'aller aussi bien que le ministre ne semble le dire dans ses affaires, dans la présentation succincte qu'il vient de nous faire.

Alors, je serais plutôt modeste, à la place du ministre, au moment de faire un bilan sur les activités, sur ses propres performances depuis trois ans, dans le dossier des relations entre autochtones et non-autochtones; je serais plutôt modeste. Je n'essaierais pas de me pavaner la tête trop haute, parce que si le ministre prend le temps d'aller dans le milieu et de consulter ceux qui vivent continuellement les confrontations ou les problèmes de coexistence, de cohabitation sur un territoire donné, il va peut-être me dire aussi qu'il se réfère à Val-d'Or où il y a des groupes autochtones qui sont présents et qu'il peut peut-être comprendre un peu ce qu'il se passe là, sauf que les Cris qui sont à Val-d'Or ne sont pas sur leur territoire; ils sont à l'extérieur du territoire, dans un cadre administratif. D'ailleurs, ils ont tendance à sortir de Val-d'Or actuellement pour rapatrier leur administration sur leur territoire. Quant aux groupes algonquins, ils ont aussi des revendications qui ne semblent pas avancer terriblement vite, en tout cas d'après ce qu'on me dit, d'après les contacts que je peux avoir avec ces groupes-là. Il semble y avoir des problèmes à faire avancer les négociations.

En règle générale, en terminant mes remarques préliminaires, M. le Président, je suis, à un moment donné, obligé de constater, malgré les quelques réalisations qui ont pu se faire au cours de 1988, de l'exercice financier 1988-1989, entre autres, les élections au Nouveau-Québec qui, soit dit en passant, ont été une réussite non pas à cause du ministre des Affaires autochtones, mais à cause du président des élections du Québec qui a fait un boulot extraordinaire là-dedans, malgré la signature d'une entente pour la gestion de l'archipel de Mingan, donc, malgré quelques réalisations comme celles-là, ici et là, que selon l'opinion générale, avec les nouvelles qui ont été publiées régulièrement au cours de l'année, il existe des problèmes de relations entre autochtones, Hydro-Québec et les milieux concernés. On a parlé de quelques-uns, ceux de Kahnawake et de la région d'Oka. Je souhaiterais donc que le ministre soit plutôt humble quant à ses réalisations dans ce domaine.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député d'Ungava. M. le ministre, avez-vous quelque chose à ajouter ou si on peut procéder immédiatement aux questions?

M. Savoie: On peut procéder immédiatement.

Secrétariat aux affaires autochtones

Fonctionnement-Personnel

Le Président (M. Dauphin): Aux questions et réponses? Alors, j'appelle effectivement l'élément 3 du programme 2 du ministère du Conseil exécutif qui traite des Affaires autochtones. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Effectivement, on peut constater, dans un premier temps, qu'il n'y a pas une grosse modification quant aux prévisions budgétaires qu'on avait l'année dernière au même élément. J'aimerais, peut-être, par exemple, que le ministre m'explique quand même quelques modifications de comportement dans ses colonnes de chiffres quant à la gestion du SAA. D'abord, on nous dit cette année que les effectifs réguliers autorisés seront de 25. Dans le cahier des demandes de l'Opposition, on nous a donné les chiffres réels et budgétisés par rapport à l'année dernière, mais on ne nous a pas donné le nombre d'effectifs réels en 1988-1989. Est-ce que le ministre pourrait nous donner ce nombre?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Savoie: II n'y a aucun changement. C'est toujours 25.

M. Claveau: II y a actuellement 25 employés en poste.

M. Savoie: Oui, Monsieur.

M. Claveau: Si vous l'aviez écrit, vous voyez, on aurait économisé une question.

M. Savoie: II faut vous occuper.

M. Claveau: C'était la même chose en 1987-1988, je suppose?

M. Savoie: Oui. C'est cela, 25.

M. Claveau: Tout ce qu'on retrouve ici, en termes d'augmentation concernant le fonctionnement-personnel, ce sont des augmentations de

salaire prévues, strictement des augmentations de salaire prévues. Dans Autres rémunérations, cela double presque. C'est une belle augmentation de salaire, ça. Qu'est-ce que vous avez prévu là-dedans?

M. Savoie: Où ça?

Fonctionnement-Autres dépenses Communications

M. Claveau: Excusez-moi, j'étais dans les données de 1987-1988. C'est l'année passée que cela a beaucoup augmenté. L'erreur est mienne. Concernant les dépenses de fonctionnement, on voit une diminution dans les dépenses de communications. Est-ce que vous pouvez m'expliquer le pourquoi de cette diminution?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Claveau: On passe de 310 000 $ de dépenses réelles à 283 000 $. Ce n'est quand même pas de très gros chiffres, mais il n'en demeure pas moins que cela doit s'expliquer.

M. Savoie: On me dit que la revue Rencontre a coûté moins cher, d'une part, étant donné que les coûts ont été réduits au niveau de la revue Rencontre et qu'il y a eu, d'autre part, tout simplement, moins de déplacements et moins d'appels interurbains de la part de nos fonctionnaires.

M. Claveau: Qu'est-ce qui fait que la revue Rencontre a coûté moins cher? Est-ce que le tirage est moins élevé?

M. Savoie: On pourrait peut-être demander à Mlle Picard de venir nous expliquer cela.

Le Président (M. Dauphin): Excusez-moi, voulez-vous vous identifier?

M. Savoie: Je la présente. Il s'agit de Mlle Ann Picard qui est responsable de la revue Rencontre.

Le Président (M. Dauphin): Mlle Picard, allez-y.

Mme Picard (Ann): La seule différence pour la revue Rencontre, c'est qu'il y a eu moins de pigistes qui ont été engagés à ce budget, et c'est pour cela qu'il y a une légère différence pour la revue Rencontre, car pour ce qui est des fournisseurs externes, c'est le même montant. Cela fait une différence de...

M. Savoie: 44 000 $. Mme Picard: Oui.

M. Savoie: 45 500 $ moins 44 000 $, cela fait 1100 $.

Mme Picard: Les textes ont davantage été faits par des ressources internes du secrétariat et de collaborateurs venant d'autres ministères ou organismes.

M. Claveau: Par contre, on voit ailleurs dans le document qu'il y a une bonne partie des dépenses qui sont reliées à la revue Rencontre et qui viennent de la traduction. On dit traduction dans différentes langues, c'est cela?

Mme Picard: C'est comme chaque année, je crois bien, pour les trois langues. On les a encore: inuit, montagnais et crie, parce que la revue est traduite continuellement.

M. Claveau: Toutes les sommes qui sont données aux traducteurs, est-ce que cela entre dans ce poste? Est-ce que c'est comptabilisé dans les dépenses de communications?

Mme Picard: Oui.

M. Claveau: Quelle est la pénétration de la revue Rencontre? Le ministre nous a dit tout à l'heure, pompeusement, qu'elle prenait de plus en plus de place dans la population mais...

M. Savoie: Pompeusement?

M. Claveau: ...pourriez-vous nous en parler?

Mme Picard: Vous voulez dire la pénération en milieu non autochtone ou autochtone?

M. Claveau: La pénétration en milieux non autochtone et autochtone, enfin le rôle, l'impact de cette revue. Est-ce que vous sentez que c'est important qu'elle soit continuée, que ça améliore les communications entre les groupes ethniques qui se partagent un même territoire?

M. Savoie: Ma mère s'est abonnée.

Mme Picard: On peut dire que la population autochtone, toutes les familles autochtones reçoivent la revue, les 53 communautés autochtones. Pour ce qui est de la population non autochtone, on met un coupon à l'intérieur de la revue, les gens doivent écrire pour s'abonner. On en reçoit continuellement, disons au moins 500 coupons à chaque numéro. Cela vient directement des gens qui désirent la recevoir.

M. Claveau: Cela veut dire que le tirage devrait croître assez rapidement.

Mme Picard: Oui. Je dis 500, mais là-dessus, il y a des annulations qui surviennent, alors disons qu'à tous les numéros, j'augmente le tirage d'à peu près 500 numéros. On commence à

aller un petit peu dans des expositions, avec le ministère des Communications, et on fait une certaine sensibilisation. Cela fait aussi connaître la revue. Mais elle est destinée principalement aux Amérindiens et aux Inuit, et tant mieux si elle intéresse la population non autochtone, à ce moment cela lui permet de connaître un peu les activités du gouvernement et aussi les activités qui se passent en milieu autochtone. Mais je crois qu'il y a une bonne pénétration et les gens s'y intéressent de plus en plus. Je pense qu'on le voit aussi par les médias, les journaux, et tout cela. Je trouve que de plus en plus en s'aperçoit que le domaine autochtone intéresse le public en général.

M. Claveau: Surtout quand il y a des problèmes sur des réserves et qu'on braque des .12 coupés sur la Sûreté du Québec. Cela intéresse les gens passablement.

Mme Picard: Du côté de la revue Rencontre, on essaie de mettre beaucoup d'éléments positifs.

M. Claveau: C'est parce que cela va bien dans les relations.

Discussion générale

Difficultés et négociations avec certaines communautés

M. Savoie: Il faut bien s'entendre qu'effectivement, et je l'ai souligné à la fin de mon discours, qu'on a des difficultés avec certaines communautés. J'ai mentionné très clairement que ces difficultés risquent de croître, à moins qu'on soit en mesure de trouver une forme de cohabitation qui, finalement, tienne compte des positions des Blancs et des autochtones. Je pense que ce n'est pas qu'on veuille éviter de discuter des ces problèmes; bien au contraire, on en discute régulièrement. D'ailleurs, demain, j'ai une recontre avec des représentants de la MRC d'Oka et avec la bande d'Oka pour chercher à faire un consensus sur une approche qui pourrait réduire les difficultés qui opposent les deux communautés. On suit de très près la situation à Kah-nawake, c'est un problème, comme vous le savez, qui augmente considérablement de semaine en semaine. Ceci étant dit, je pense que si on ne tient pas compte de ces deux communautés, et tout en reconnaissant qu'il existe des problèmes, ici et là, je pense que dans l'ensemble, par contre, la situation est très acceptable.

Il faut aussi tenir compte d'une situation plus générale, qu'on pourrait classifier comme étant nord-américaine, pour ne pas dire propre à l'hémisphère occidental. Je pense, par exemple, à ce qui se produit au Brésil, à ce qui se produit au Mexique, à ce qui se produit aux États-Unis et au Canada, dans l'Ouest canadien, en Ontario. Il y a là un bouillonnement qui est peut-être dû à une espèce de réveil des autochtones vis-à-vis de leurs droits et de leur situation économique, une non-acceptation de leur situation sociale et cela produit des excès et aussi beaucoup de discours. C'est propre à tout bouleversement social. On voit ces deux tendances se manifester. Pour le moment, on espère que cela va se maintenir comme ça, que ceux qui veulent des échanges, des discussions constructives vont maintenir une position dominante au sein des communautés et qu'il n'y aura pas de confrontation.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Groulx, est-ce que c'était sur le même sujet?

Mme Bleau: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Je m'excuse, M. le député d'Ungava.

Mme Bleau: Je voulais vous entendre parler d'une entente dont on a eu vent: les Montagnais-

Attikameks. De quoi s'agit-il dans cette entente, et qu'est-ce que cela va apporter?

M. Savoie: Très rapidement, je pense que vous faites bien de le souligner, parce que cela a suscité beaucoup d'intérêt, certainement hier, et je pense depuis longtemps, surtout pour les gens de la Côte-Nord, les gens de la Haute-Mauricie qui sont très intéressés. (10 h 45)

Comme vous le savez, les Attikameks et les Montagnais n'ont jamais fait l'objet d'un traité avec le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa. En conséquence, ils ont des droits sur le territoire qui ne sont pas éteints et on est en voie de négocier avec les Attikameks-Montagnais, les droits de ces deux nations sur un territoire qu'on évalue à environ 700 000 kilomètres carrés.

Nous avons abordé des discussions avec eux, à l'automne 1986, à la suite d'une longue préparation qui a commencé en 1979, les négociations ont commencé en 1986. On s'est entendus sur la signature d'une entente de principe en 1988, le 13 septembre, qui prévoit en quelque sorte ce sur quoi vont porter les négociations et ça comprenait, entre autres, une mesure accessoire, ce qu'on a signé hier. Non seulement on est arrivés à déterminer ce sur quoi allaient porter les négociations, on s'est entendus sur les mesures provisoires, c'est-à-dire qu'en attendant la signature finale de l'entente, qu'est-ce qui se passe sur le territoire, par exemple, si Hydro veut construire une ligne, de quelle façon les autochtones réagiront à cela.

On prévoit, pour le mois d'avril 1990, la signature d'une entente générale en vue d'un accord final et, ensuite, l'entente finale en 1991.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée.

Mme Bleau: Est-ce qu'il y avait déjà de gros problèmes dans ce groupe-là ou si...

M. Savoie: Effectivement, ils ont plusieurs problèmes. Étant donné qu'on n'avait jamais signé de traité avec eux, leurs droits sur le territoire étaient encore tout à fait présents. Cela nous mettait dans une situation difficile, eux aussi étaient dans une situation difficile vis-à-vis des occupations qu'on en faisait et l'utilisation qu'on faisait et des richesses naturelles et de l'agriculture, et nos autres activités d'ordre socio-économique.

Cela permet, à ce moment-là, de s'asseoir, de signer ce traité et de régulariser, en tout cas, la situation de l'occupation du territoire et, deuxièmement, leurs activités de chasse et de pêche, le développement économique sur leur territoire.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Oui, est-ce que...

M. Savoie: Peut-être à titre de renseignements sur la revue Rencontre, très rapidement, en 1987-1988, ça nous coûtait à peu près 35 000 $ par numéro, 35 500 $ par numéro. Or, en 1988-1989, le coût a été réduit à 33 000 $ par numéro. Il y a une baisse sensible et, comme elle le dit, il y a une augmentation de la circulation.

M. Claveau: Par exemple, entre le dernier numéro de 1988...

M. Savoie: Oui.

M. Claveau: ...non, le dernier numéro de 1987 et le dernier numéro de 1988...

M. Savoie: Oui.

M. Claveau: ...le tirage a changé de combien? Je vous remercie de l'information, on a ouvert une parenthèse, mais je voulais revenir sur...

M. Savoie: À peu près de 1400.

M. Claveau: La grande majorité de ces exemplaires c'est en milieu autochtone qu'ils se distribuent?

Des voix: Moitié, moitié. M. Savoie: Moitié, moitié.

Mme Picard: L'augmentation est surtout en milieu non autochtone.

M. Savoie: Surtout en milieu non autoch- tone. C'est un outil intéressant pour les enseignants, c'est un outil intéressant aussi pour ceux qui s'intéressent à la question autochtone. On la voit tout partout, maintenant, la revue Rencontre.

Une voix: C'est ça, la moitié des exemplaires est distribuée en milieu non autochtone et la moitié en milieu autochtone.

M. Savoie: C'est cela. Ta mère ne s'est pas abonnée?

M. Claveau: M. le ministre, ma mère est morte le 27 juin 1969.

M. Savoie: Je m'excuse, je n'ai pas voulu faire de farce. C'était pour te dire, à titre d'exemple, que chez nous, dans ma famille, on s'est abonnés et c'est ainsi, les gens s'abonnent d'une façon...

M. Claveau: C'est ça, mais la question que j'allais poser est celle-ci. Quand on parle de la pénétration en milieu non-autochtone...

M. Savoie: Oui.

M. Claveau: ...est-ce que c'est surtout au niveau des régions ou si ça pénètre aussi dans les grands centres?

Une voix: Les grandes villes aussi, Montréal...

M. Claveau: Est-ce qu'on peut, au moment où on se parle, saisir le pouls enfin, la perception qui existe dans les milieux non autochtones par rapport aux problèmes autochtones et cette différence de perception qu'il y a entre les grands centres et les régions où il y a un partage du territoire continuel avec les autochtones.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Savoie: Dans les grands centres, l'implication du milieu autochtone ne présente pas les mêmes difficultés, ne soulève pas les mêmes questions qu'en régions, du tout. C'est-à-dire que les problèmes qu'on voit, par exemple, dans les régions de Montréal et de Québec ne sont pas identiques à ce qu'on rencontre, par exemple, à Chapais ou à Natashquan. Ce ne sont pas du tout les mêmes problèmes.

M. Claveau: Mais quand vient le temps pour le ministère ou pour le... J'ai toujours le SAGMAI en tête. Le nouveau nom, c'est...

M. Savoie: ...le SAA. M. Claveau: ...le SAA.

M. Savoie: Oui.

M. Claveau: Quand vient le temps pour le SAA de prendre une décision ou d'orienter une négociation dans les milieux autochtones et tout cela, quelle perception prône-t-il? Est-ce que vous vous attardez plus aux problèmes du quotidien vécu en territoire avec ceux qui auront à partager ou à vivre avec la décision ou si vous allez plutôt vers une perception globale des Québécois, en sachant très bien qu'il y a environ 3 000 000 de Québécois dans les grandes régions de Montréal et de Québec, peut-être un peu plus même, qui, eux, finalement, peuvent être très ouverts par rapport à certaines décisions du gouvernement, mais qui, en fin de compte, n'auront pas à en subir aucunement les conséquences?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Savoie: La meilleure façon de répondre à votre question, c'est de vous donner des exemples. Si on parle des régions, lorsque, par exemple, on s'est entendus sur le territoire des Cris d'Oujé-Bougoumou, avec les Cris, nous nous sommes rendus à Chapais-Chibougamau, nous avons rencontré l'ensemble des intervenants socio-économiques pour leur expliquer la prise de position, pour être certain que le tout se faisait avec leur approbation au niveau, par exemple, du territoire. Il y a eu des rencontres avec les gens de Chasse et Pêche; il y a eu des rencontres avec les officiers élus sur le plan municipal, avec les intervenants socio-économiques et on est allés chercher cette approbation. Dans la région, l'échange se fait beaucoup plus facilement.

Quant aux grands centres évidemment, comme je vous l'ai dit, les problèmes ne sont pas identiques. On a des situations où on revendique un territoire additionnel; je pense à Kahnawake tout près de Montréal. Comme vous le savez, elle veut agrandir les territoires de sa réserve en se basant sur un "land-claim" qui date maintenant de plusieurs années. La problématique n'est pas pareille parce que l'ensemble de la Communauté urbaine de Montréal ne se sent pas impliqué immédiatement en tout cas, à ce stade-ci, par cette revendication. On ne saisit pas ou on saisit mal l'impact que cela pourrait avoir, sauf évidemment pour les élus, ceux qui sont bien renseignés sur la question d'impact que cela pourrait avoir sur l'évolution ou pour les petites municipalités avoisinantes. Je pense, entre autres, à une moins petite municipalité, je pense à Châteauguay, par exemple.

M. Claveau: Mais...

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Claveau: ...ma question était un peu plus générale...

M. Savoie: Oui.

M. Claveau: ...dans la mesure où, par exemple, on sait qu'il y a tout un tas de revendications territoriales un peu partout, qu'à peu près tous les groupes autochtones essaient aujourd'hui d'avoir du territoire. Certains dossiers avancent plus vite que d'autres pour toutes sortes de raisons. Mais on sait qu'autant les Mohawks, que les Attikameks, les Montagnais, les Micmacs, les Algonquins, enfin... Les Cris, on peut dire que c'est réglé, du moins en termes de superficie de territoire, bien qu'il y ait encore une question de délimitation avec le territoire algonquin qui ne semble pas être réglée, du moins dans la tête de plusieurs sur le terrain. On parle, par exemple, de revendications territoriales régionales en Haute-Maurice, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, sur la Côte-Nord, dans le secteur de Kanawake, enfin, les Basses-Laurentides et d'autres demandes aussi qui ont été acheminées par d'autres groupes. Quand vous analysez tout cela globalement...

M. Savoie: Oui.

M. Claveau: ...quelle est votre priorité en termes de démarches vis-à-vis de l'opinion publique? Dites-vous: on fait un sondage. Bon, 70 % des Québécois dans l'ensemble sont d'accord avec cela, donc on va de l'avant, point final. Je prends un exemple - d'après ce que je peux voir, il n'y a pas eu de sondage là-dessus parce que vous avez répondu, à la question sur les sondages d'opinion, qu'il n'y en avait pas eus. Je prends cela à titre d'exemple. Allez-vous avec la perception de l'ensemble des Québécois qui, souvent, peut être relativement favorable ou si vous y allez plutôt avec la perception des gens dans le milieu, de ceux qui vont avoir à se partager la décision avec les autochtones dans chacun des milieux concernés?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Savoie: On n'a pas à faire de sondage auprès de l'opinion publique, c'est une question de droit. Ils ont des droits sur le territoire. Ils ont des droits de chasse et de pêche, pas tous; ça varie, comme vous l'avez mentionné, s'ils sont conventionnés ou pas, s'ils sont situés au nord du territoire de 1763 ou à l'intérieur de ce territoire. Il y a toutes sortes de distinctions qui doivent se faire selon la situation géographique de la communauté. De façon générale, ce qu'on fait, c'est qu'on regarde le droit et une fois qu'on a constaté qu'ils ont des droits, on doit les encourager dans leurs démarches. C'est notre rôle qu'ils puissent finalement se réaliser pleinement. Je vais vous donner l'exemple de la communauté d'Oka où il n'y a pas de réserve, où il ne s'agit que d'un ensemble de petits lots qui appartiennent au gouvernement fédéral et qui sont occupés par les autochtones en vertu de

diverses ententes. Ce qu'on constate c'est qu'il va falloir, tôt ou tard, orienter la communauté autochtone avec les chefs. C'est ce qu'ils recherchent d'ailleurs, s'assurer qu'ils puissent obtenir, par exemple, une réserve, quelque chose de plus consistant où Ils pourront exercer leurs droits qui leur sont dévolus en vertu de la constitution canadienne sur un territoire qui a de la cohérence.

M. Claveau: Globalement, M. le ministre, avez-vous une idée, une vision à long terme où vont nous mener toutes ces négociations qui se font avec les autochtones et qui doivent un jour ou l'autre déboucher sur quelque chose? Quel va être, à votre avis, l'issue finale de tout ça?

M. Savoie: Ce qu'on peut faire, c'est regarder ce qui se produit ailleurs où ils nous ont en quelque sorte devancés au niveau de certains processus de développement économique. Je pense à certains États des États-Unis, par exemple, où certaines communautés ont pu développer sur leurs réserves une base économique leur permettant d'exercer des activités économiques des plus rentables où il y a une cohabitation qui se fait très bien avec le Blanc et où l'autochtone peut vivre dans sa communauté culturelle, au sein d'une communauté culturelle qui est, par ailleurs, génératrice d'emplois. Il y a certaines réserves aux États-Unis où on a des industries de haute technologie, où on n'a pas seulement des occupations traditionnelles de tourisme et d'artisanat mais de haute technologie, de fabrication de "chips". Non pas des patates frites mais des "chips" pour les ordinateurs, des choses comme ça. Il y a une révolution dans plusieurs communautés aux États-Unis. Si on doit faire une réflexion sur l'avenir ou si on doit chercher à mener à terme une réflexion sur l'orientation finale, c'est finalement sur une cohabitation où les autochtones pourront, par exemple, s'épanouir pleinement en utilisant et leur culture et leurs activités traditionnelles de chasse et de pêche mais en les mariant au développement économique qui leur permette d'avoir un niveau de vie, une qualité de vie qu'ils recherchent.

M. Claveau: Mais vous savez, M. le ministre, qu'il s'agit d'une vision, je dirais, idéaliste du problème.

M. Savoie: Je pense que c'est terre à terre.

M. Claveau: Le problème ne se pose pas comme ça. Peut-être plus tard. Les groupes autochtones, dans un premier temps...

M. Savoie: Mais vous m'avez demandé où va mener la vision finale, globale? Bien, c'est là que ça mène.

M. Claveau: Une vision à moyen terme d'abord.

M. Savoie: Cinq ans. Un moyen terme, c'est cinq ans.

M. Claveau: Admettons 20 ans.

M. Savoie: Une vision de 20 ans, c'est à long terme, M. le député.

M. Claveau: Vous savez, ça fait déjà une quinzaine d'années, quatorze ans, que la Convention de la Baie James est signée. Cela va faire quatorze ans au mois de novembre et il y a encore bien des choses qui ne sont pas en application. Vous savez, 20 ans dans le domaine, c'est peut-être juste du court terme. Allons un petit peu plus proche du quotidien.

M. Savoie: Cinq ans.

M. Claveau: Admettons cinq ans.

M. Savoie: À moyen terme, cinq ans.

M. Claveau: Si vous voulez cinq ans, cinq ans c'est vraiment la base. Vous avez parlé tout à l'heure de quelque chose avec les Montagnais. Juste pour réussir à arriver peut-être à une entente, ça va vous mettre en 1990-1991, avec toutes les démarches qui ont été faites avant, c'est déjà ça, cinq ans, au minimum.

M. Savoie: C'est ça. C'est beaucoup. (11 heures)

M. Claveau: On ne se chicanera pas sur le temps, de toute façon. Ce que les autochtones revendiquent, ce sont d'abord des territoires à partir de droits qui leur auraient été concédés antérieurement et qui ont été bafoués par la suite, ce sont des compensations financières qui vont coûter de l'argent aux contribuables québécois et c'est de plus en plus d'autonomie pour être capable justement de faire chez eux les choix dont vous nous parlez à long terme. Que va-t-il se passer finalement? Je vous pose la question aussi d'une certaine façon pour essayer de rassurer un peu tout le monde parce que les questions sont de plus en plus fréquentes dans nos milieux et, même dans les grandes villes, on commence à s'interroger de plus en plus. Cela va aller jusqu'où les territoires qui vont être concédés? Cela va nous coûter combien en termes de compensation lorsque tous les groupes auront passé au "cash"? Quel va être le niveau d'autonomie que les autochtones vont pouvoir exercer sur ce territoire?

M. Savoie: C'est une grosse question. On a trois questions et ce ne sera certainement pas résolu sur trois ans. Si on prend votre question, on dépasse le moyen terme et on prend le long terme. Votre question n'a pas de réponse à court terme. Si on regarde cela à long terme...

M. Claveau: Je l'avais posée à long terme au début.

M. Savoie: Bien oui, mais il faudrait s'entendre sur les termes.

M. Claveau: Non, mais là-dessus?

M. Savoie: Disons le long terme, cela va aller où en ce qui concerne la question de l'autonomie gouvernementale? Le gouvernement du Québec a dit à plusieurs reprises aux autochtones qu'il favorisait l'autonomie gouvernementale à l'intérieur des réserves mais que c'est sujet à trois conditions: à la condition que cela se situe à l'intérieur de la constitution canadienne, que ce soit négocié et que le gouvernement fédéral transfère les fonds qui vont avec cette prise en charge.

M. Claveau: De toute façon, cela revient toujours dans les poches du contribuable quand même.

M. Savoie: En ce qui concerne l'autonomie gouvernementale, donc, il y a une disposition favorable de notre côté. Cela veut impliquer quoi? Je ne le sais pas parce qu'il va falloir qu'ils négocient avec nous. Il va falloir s'asseoir et qu'on en discute. Si on regarde ce qui s'est passé à la table des conférences constitutionnelles en ce qui a trait aux autochtones et à l'autonomie gouvernementale, eux, ils veulent quelque chose qui est assez global, qui est inhérent, qui est propre et qui n'est sujet à aucune intervention ni du côté d'Ottawa ni du côté de Québec.

M. Claveau: Ce sont presque des États autonomes.

M. Savoie: Nous, on dit: Négociez-la. On voit quelque chose qui est finalement un peu plus fort qu'un gouvernement municipal, qui est capable en quelque sorte d'assurer une certaine autonomie. On doit attendre et négocier avec eux. On ne le sait pas exactement parce que cela ne s'est pas fait encore. Cette négociation d'autonomie gouvernementale, je pense que si on regarde dans 20 ou 25 ans, il va y avoir déjà plusieurs nations qui vont l'avoir négociée ou qui seront en train de la négocier. Cela répond, en tout cas, en ce qui a trait à l'autonomie gouvernementale.

En ce qui concerne les revendications territoriales, si vous regardez celles qui sont réglées, je pense, par exemple, aux Cris, Inuit et Naskapis, les revendications territoriales sont réglées. Ils ont leur territoire de catégorie 1. Ils ont des droits de chasse et de pêche sur des terres de catégorie 2. Il y a une cohabitation qui se fait. Il y a une entente qui les régit. En ce qui concerne les Attikameks-Montagnais, on est en train de le faire. On est en train de négocier.

C'est ce qui est en train de se produire. Je comprends que pour vous, cela peut sembler long de 1986 à 1991 mais pour nous, c'est très court. Je peux vous assurer de cela.

M. Claveau: Je n'ai pas dit que c'était long.

M. Savoie: C'est très court parce que cela a un impact très important sur ces communautés. Il ne reste finalement en fin de compte que les Algonquins. Les Algonquins ne font pas encore front commun à cette date-ci. Ils sont séparés. Ils ont de la difficulté à faire une table ronde à laquelle tous les intervenants sont d'accord pour s'asseoir et négocier. J'imagine, oui, qu'une fois que le cas des Attikameks-Montagnais sera réglé, on sera à ce moment-là capable de s'asseoir avec les Algonquins.

M. Claveau: II y a plus que cela. Il y a les Abénaquis qui font des revendications en Haute-Mauricie.

M. Savoie: Les Abénaquis se situent à l'intérieur du territoire de 1763.

M. Claveau: II reste qu'ils font des revendications et ils sont là. Les groupes qui sont plus au sud...

M. Savoie: ils font des revendications mais ce ne sont pas des revendications basées sur des droits ancestraux. Ce sont des revendications qui sont de l'ordre de "notre réserve doit être agrandie parce qu'on a une population." Ce n'est pas la même chose qu'une revendication sur un territoire de 700 000 kilomètres carrés, comme le font les Attikameks et les Montagnais, ou comme pourront faire les Algonquins du côté de l'ouest du Québec.

Il faut comprendre la situation de base. La situation de base, c'est que nous avons 1763 qui détermine une partie du Québec, située de chaque côté le long du fleuve, sur laquelle les droits ancestraux de ce territoire ont été éteints. C'est clair. Pour ce qui est au nord de cela, en vertu de 1763, on dit justement que ce sont des territoires de chasse et de pêche pour les autochtones. C'est pour cela qu'il faut éteindre ces droits ou les négocier pour qu'ils puissent les exercer en coopération avec nous.

Le Président (M. Dauphin): Je m'excuse, M. le député d'Ungava, je pense qu'il y a 20 minutes vous m'avez demandé... Est-ce que c'est sur le même sujet ou vous allez procéder tout de suite après le député d'Ungava. Vous, M. le député de Champlain, c'est le même sujet? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, est ce que c'est le même...

M. Savoie: Cela va hausser le niveau.

M. Thuringer: Oui, une question d'ordre général, mais aussi une spécifique.

Phase II de la Baie James

Le Président (M. Dauphin): J'essaye d'être le plus équitable possible. M. le député de Champlain, c'est dans le même vif... Vous n'avez pas d'objection, M. le député d'Ungava? Allez-y, M. le député de Champlain.

M. Brouillette: Comme on parle de territoire, M. le ministre...

M. Savoie: Oui.

M. Brouillette: ...pouvez-vous faire le point sur la deuxième phase de la Baie James? Les Cris et Inuit semblent s'opposer à ce projet. Est-ce que c'est exact?

M. Savoie: C'est-à-dire que les Inuit, non. Mais pour les Cris, oui, effectivement les Cris ont démontré une certaine inquiétude quant à la réalisation des travaux de la phase II de la Baie James, par exemple en ce qui concerne l'impact environnemental et l'impact que cela pourrait avoir sur leurs activités traditionnelles de chasse et de pêche, et ils ont soulevé ces questions avec raison. Ils ont également dit: Maintenant que vous vous embarquez dans la phase II, il y a toute la question de versements additionnels qui pourraient être faits aux communautés Cries, étant donné le préjudice qu'ils vont subir avec la construction des réservoirs et des lignes de transport.

On est actuellement en train de discuter avec eux de ces différents éléments, en tenant compte de la signature de la Convention de la Baie James qui a eu lieu en 1975. Il faut toujours s'asseoir et discuter avec eux, puisque ce sont les premiers occupants de ce territoire, et examiner, à la lumière de l'entente qui a été signée en 1975, les réalisations qui peuvent se faire pour la phase II de la Baie James.

M. Brouillette: Comme ça, la seule opposition que vous avez présentement c'est avec les Cris?

M. Savoie: Oui, actuellement c'est avec les Cris. Mais prenez, par exemple, avec les Attikameks, même si on négociait actuellement une entente globale avec les Attikameks-Montagnais... Hydro-Québec, par exemple, qui a voulu passer une ligne de transport en 1987-1988 sur un territoire attikamek, étant donné que cela affecte leurs occupations traditionnelles de chasse et de pêche, on cherche toujours à tenir compte de leurs revendications qui sont souvent réelles et fondées. Cela peut paraître curieux pour quelqu'un qui demeure en plein coeur de Montréal de se faire dire: On passe une ligne d'Hydro dans le Nord québécois et on est obligé de verser un montant à un autochtones ou à des autochtones pour l'inconvénient que tout cela leur crée. Lorsqu'on vit de chasse et de pêche, de façon traditionnelle, avec un droit réel sur ce territoire et que tout à coup, on passe, on détruit les arbres, on construit une ligne, cela a des implications très réelles sur le gibier, sur la faune. La venue d'une nouvelle route a un impact important. Cet impact se traduit souvent en termes économiques et en qualité de vie. Ils cherchent en même temps à dire: Étant donné cet impact, est-ce qu'on pourra avoir un peu de sous, justement pour faire du développement économique, pour pouvoir s'adapter de plus en plus au contexte réel du vingtième siècle? C'est un peu ce qui se produit.

Lorsque les Cris viennent nous voir et nous disent qu'ils sont inquiets, il faut s'asseoir et il faut les écouter, parce qu'ils ont souvent raison. Ils connaissent mieux le territoire que nous, en grande partie. Ils sont obligés d'y vivre, une fois que nos installations sont faites et lorsqu'ils nous demandent des emplois, lorsqu'ils nous demandent des études environnementales, lorsqu'ils nous demandent de tenir compte de certaines zones à haut rendement, par exemple, en ce qui concerne le gibier, il faut les écouter. Il faut cohabiter avec eux sur ce territoire.

Le Président (M. Dauphin): Cela va, M. le député de Champlain. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, tout de suite après on passe à vous, M. le député d'Ungava.

Amélioration de la qualité de vie

M. Thuringer: Rapidement, j'ai commencé ma carrière en travaillant avec les autochtones, dans le nord de la Saskatchewan et du Manitoba, et dernièrement, il y a cinq ans, j'ai travaillé comme conseiller dans la région de Hauterive. Une des choses qui m'a frappé en 25 ans, c'est qu'il n'y a pas de grands changements, en fait, dans la qualité de vie, l'éducation, l'aspect de prise en charge. Il y a de l'amélioration, évidemment. Mais, je reprends un peu la question posée par le député d'Ungava: Qu'est-ce que c'est, exactement, qui nous donne de l'espoir, concrètement? Qu'est-ce qui vous indique qu'il y a de l'amélioration avec les années?

M. Savoie: Vous avez absolument raison. Ce n'est pas un processus rapide chez eux. C'est un processus qui, en tout cas, peut paraître relativement lent. Si on regarde, par exemple, la communauté de Kahnawake comparativement à il y a 25 ans, au chapitre de la création d'emplois, de la cohabitation et de l'augmentation du niveau de vie, le changement n'est pas automatiquement apparent. Mais, il y a 25 ans à Kahnawake par exemple, il n'y avait pas d'hôpital, il y avait beaucoup moins de gens scolarisés, il y avait moins de projets au chapitre du développement socio-économique, il n'y avait pas d'aréna. Mais,

là, ces infrastructures se sont installées, on sent qu'elles sont de plus en plus articulées et plus on les rencontre, plus on constate qu'on nous arrive avec des projets socio-économiques. On va prendre, par exemple, une communauté isolée comme celle des Waswanipis: il y a 25 ans, ces gens-là ne vivaient que de chasse et de pêche. Ils étaient en quelque sorte en grande partie à l'état nomadique. Avec la signature de l'entente, ifs se sont regroupés autour d'une communauté, ils ont des écoles, ils ont des gymnases, ils ont une aréna et, là, ils sont en train de nous présenter des projets de transformation forestière. Ils ont créé, par exemple, une entreprise pour faire du "slashing" dans le bois, de la récupération de bois qu'ils vendent à une grosse compagnie, une compagnie papetière.

Alors, il y a du mouvement, et je pense que ce mouvement va s'accélérer avec le temps et d'une façon exponentielle. Je pense que, de plus en plus, ces communautés qui voyagent... Par exemple, les chefs cris se sont rendus aux États-Unis voir une réserve où l'on avait justement installé une industrie de haute technologie, où il y avait du développement économique. Je pense à Akwesasne et je vous dis que ce n'est qu'une question de temps avant qu'on y voie naître une usine de fabrication de bâtons de hockey et ils vont contrôler le marché.

Ce sont des choses qui vont venir à cause des avantages qu'elles ont sur la réserve, parce que le processus, ce changement d'attitude culturelle vis-à-vis de l'activité économique se fait, en partie par nécessité mais aussi par volonté de se sortir du trou dans lequel ils vivent au niveau socio-économique. On sent que ça veut changer. Regardez ce qui s'est passé à Mingan la semaine passée: le gouvernement fédéral est arrivé et a dit qu'on voulait créer un parc, ceci et cela, puis, au lieu de tout simplement se revirer de bord et de dire: Embauchez des Blancs, les Indiens ont dit: Attendez une seconde. On va travailler ça et on va le développer ensemble, puis les emplois vont retomber chez nous.

Vous voyez, ça commence à s'installer. Dès l'instant où 10 %, 15 % ou 20 % de la population susceptible d'avoir un emploi ont un emploi qu'ils exercent, les autres vont venir, de plus en plus. On va le voir, et c'est un phénomène nouveau. Ce n'est pas quelque chose qui existait au Canada dans les années cinquante. Penser en ces termes était quasiment impossible, il y a 35 ou 40 ans. Aujourd'hui, c'est devenu courant. D'ailleurs, on est obligés de créer des programmes, on les introduit dans les sommets socio-économiques, on les voit arriver avec... Prenez Restigouche: il y a un projet de développement touristique pour attirer le tourisme, le faire venir l'été pour qu'il amène de l'argent et fasse ainsi vivre cette communauté qui, pour le moment, trouve ça des plus avantageux que l'argent vienne chez eux et qu'ils puissent avoir des emplois saisonniers.

Cela change. Cela ne change pas aussi vite qu'on le voudrait, mais ce qui est important, c'est que dans notre société - c'est ça que j'ai constaté - il n'y a pas une volonté ouverte de la part des gouvernements, certainement depuis quatre ou cinq ans, de s'assurer que les autochtones restent où ils en sont. Ce qu'on veut c'est qu'ils s'en sortent. On ne veut pas non plus arriver et leur dire: Voici comment vous allez vous en sortir. Vous allez faire ci, vous allez faire ça. Ce n'est pas ça qu'on leur dit. On essaie de les encourager, on essaie de leur donner tous les outils nécessaires pour qu'ils puissent faire le développement qu'ils veulent, pas le développement qu'on voudrait, nous, qu'ils fassent.

Alors, on les laisse faire. Je comprends que ça risque de prendre quelques années de plus avec cette attitude, mais, d'un autre côté, c'est beaucoup plus respectueux de leur évolution culturelle, de leurs orientations et ils risquent, étant donné qu'ils travaillent pour eux, d'avoir beaucoup plus raison que nous, parce qu'on ne peut pas arriver et leur dire ce qu'ils veulent; ce sont eux qui vont nous dire ce qu'ils veulent et la façon dont ils veulent le faire. Je sens quand même un changement important, sans parler des Inuit où l'impact est immédiat, sans parler même des Naskapis, qui ont un très beau village à Kawawachikamach, une très belle communauté avec de belles maisons, qui continuent à vaquer aux occupations traditionnelles de chasse et de pêche mais qui pensent maintenant à avoir une station d'essence, une couple de plombiers, à former des électriciens, à envoyer leurs jeunes à l'école pour qu'ils reviennent travailler dans la communauté. C'est sûr que vous avez raison de dire qu'on dirait qu'il n'y a pas de mutation rapide. Effectivement, ce n'est pas aussi rapide qu'on le voudrait dans certaines communautés mais, dans certaines communautés, lorsqu'on entre dans la communauté et qu'on examine une photo d'il y a 25 ans, je pense qu'il y a eu des gros changements. (11 h 15)

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

Pêche au saumon dans la Restigouche

M. Thuringer: M. le Président, le ministre vient de mentionner la rivière Restigouche. Est-ce que vous pouvez faire le point sur le dossier de la pêche au saumon dans la Restigouche?

M. Savoie: Oui. Actuellement, nous sommes, là encore... Vous savez que pour ce qui est de la rivière Restigouche, il y a une communauté micmaque importante qui, traditionnellement, pêche le saumon dans cette rivière. Aujourd'hui, on constate, vu le nombre de la communauté qui est en croissance et l'occupation qu'en font les Blancs du côté du Nouveau-Brunswick et des camps, qu'il faut en arriver à une entente pour,

finalement, limiter la récolte du saumon dans la Restigouche. De par le passé, on a signé des ententes avec eux, en 1986. En 1988, cela a posé de grandes difficultés, il y a eu contestation, mais on est en voie de régler une nouvelle entente avec eux, la continuité, finalement, de l'entente de 1986 mais qu'ils adaptent à leurs besoins.

En même temps, ils nous disent: Oui, on est prêts à coopérer avec vous mais si vous ne voulez pas qu'on aille braconner sur la Restigouche parce qu'on peut prendre un saumon et le vendre pour vivre, donnez-nous donc des emplois. Le taux de chômage chez nous est à 80 %. Les bénéficiaires de l'aide sociale et tout ça, les gens qui ne travaillent pas, c'est dans les 80 %. Il faut les encourager à se développer et ce sont eux qui nous arrivent avec ça maintenant. Cela fait toute la différence. On est prêts à s'asseoir avec eux et à regarder de quelle façon on pourrait leur permettre de mieux exercer ce droit de chasse et de pêche pour ce qui est de la Restigouche et du saumon et, en même temps, leur assurer des programmes de développement économique qui enlèveraient de la pression sur, par exemple, l'utilisation illégale du saumon. Justement, ces jours-ci, il y a une entente qui est en préparation, qui a fait l'objet de négociations entre le MLCP et les Micmacs, qui pourrait peut-être bientôt faire l'objet d'une signature.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. En tout cas, je pense que la question du député de Notre-Dame-de-Grâce, concernant les conditions de vie qui se sont très peu modifiées sur les réserves depuis 25 ans, est très pertinente parce que je ne crois pas que le fait que le gouvernement fédéral ait construit de meilleures maisons et tout ça ait nécessairement amélioré les conditions de vie. Il y a quelques réserves qui ont largement changé, qui se sont intégrées dans les différents milieux, c'est un fait. Je prends, par exemple, une réserve comme Pointe-Bleue au Lac-Saint-Jean qui est méconnaissable comparativement à ce qu'elle était il y a quelques années. Il y en a quelques-unes mais je pense que si vous avez eu des résultats entre 1986 et 1988, étant donné la lenteur du processus, c'est parce qu'il y avait du travail d'entamé avant.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: II a toujours la bonne réponse.

M. Claveau: Vous avez eu la chance de récolter sans semer, c'est bien.

M. Savoie: C'était une blague. C'est sûr que ce n'est pas dû, je pense, à... Il y a une évolution qui est longue mais qui est constante.

Construction résidentielle

M. Claveau: II y a quand même encore énormément de réserves qui vivent dans des situations assez catastrophiques sur ce plan. On parle de la Haute-Mauricie, par exemple, Obed-jiwan, Weymontachingue, ce ne sont pas des réserves particulièrement faciles. Dans les réserves du Témiscamingue, même la réserve tout près d'Amos en Abitibi, on ne sent pas encore qu'il y a vraiment... Cela commence, évidemment, mais il n'y a pas de modifications énormes qui ont été faites. Ce n'est pas parce qu'on a amélioré le programme de construction des maisons et qu'on a changé les modèles de maisons sur les réserves qu'on a automatiquement amélioré les conditions de vie, conditions sanitaires et autres. D'ailleurs, sur ce plan, j'avais prévu une question dans ce sens. Quel est la quantité de maisons qu'on prévoit construire sur les réserves du Québec en 1988-1989? Est-ce que le niveau de ces constructions a tendance à se maintenir, à s'accroître ou à diminuer?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Savoie: II faut comprendre trois choses: premièrement, c'est que la construction résidentielle relève du gouvernement fédéral et non pas du gouvernement provincial. Deuxièmement, dans les réserves, il y a actuellement une explosion démographique. Ils sont en forte croissance. On sait que la pyramide, au niveau de l'âge, démontre que la majorité de la population a moins de 25 ans. Donc, il y a une forte poussée, une forte demande pour la construction résidentielle. Troisièmement, ils se construisent des maisons à partir de négociations entre la bande et le gouvernement fédéral. Actuellement, il m'est impossible de vous fournir le chiffre exact du montant que le fédéral met à leur disposition pour la construction résidentielle ni le nombre de maisons qui devraient se construire en 1989. On pourrait peut-être demander au responsable, pour la province de Québec, du gouvernement fédéral de nous donner un chiffre.

M. Claveau: J'aimerais avoir ces chiffres, parce que, pour être plus concret, dans le dossier d'Oujé-Bougoumou, le niveau de construction des maisons est au coeur du débat, dans la mesure où il y a un certain nombre de résidences qui sont prévues être construites sur le territoire de l'ensemble des réserves cries. Il y a, en même temps, un certain nombre de résidences complètement neuves qui devront être construites sur la réserve d'Oujé-Bougoumou, et, si le gouvernement fédéral ne modifie pas ses critères quant au nombre de maisons qui devront être construites sur la réserve crie dans l'année qui vient, à ce moment, ça veut dire que les autres réserves, les huit autres réserves actuellement existantes sur le territoire, devront sacrifier leur programme de

développement résidentiel au bénéfice d'Oujé-Bougoumou, ce qui ne fait pas nécessairement le bonheur de tout le monde. D'autant plus que le problème est encore accentué, il me semble, dans cette négociation bien spécifique, dans la mesure où pour installer des infrastructures scolaires, des infrastructures de santé, genre centre de santé, CLSC ou mini-hôpital, le gouvernement fédéral exige un certain nombre de résidences construites ou de gens qui vont être déménagés dans la réserve. Je crois qu'il est du devoir du gouvernement du Québec de faire les pressions qu'il faut pour dénouer ce genre d'impasse, qui est un des éléments, d'après les discussions que j'ai eues avec les différents responsables de réserves, et même avec les gens d'Oujé-Bougoumou, qui semble être au coeur du problème et qui fait en sorte que la négociation sur la réserve n'aboutit pas.

M. Savoie: C'est ça, on intervient constamment, en particulier en ce qui concerne Oujé-Bougoumou. On est au courant de la situation, de cette poussée démographique, de cette volonté de vouloir construire plus de résidences. M. Roger Beaudoin m'avise que, pour l'ensemble du Canada, on prévoit 1200 unités nouvelles, pour l'année 1989. Il faudrait faire la proportion, ça va vous donner une idée de l'ordre de grandeur qu'il pourrait y avoir pour le Québec.

M. Claveau: Dans le cas spécifique d'Oujé-Bougoumou ou des constructions qui devraient se faire sur les réserves cries, les chiffres à ce sujet existent-ils?

M. Savoie: Cela va dépendre évidemment des négociations qui vont être terminées bientôt, on l'espère, mais on parle d'une soixantaine de résidences, pour l'ensemble des Cris.

M. Claveau: Pour l'ensemble des Cris, c'est ça.

M. Savoie: C'est ça.

M. Claveau: Et là-dessus, il y en aurait 28, 30 ou quelque chose de semblable qui iraient normalement à Oujé-Bougoumou?

M. Savoie: 38. lis vont négocier, ils vont voir.

M. Claveau: Mais cela veut dire que les programmes d'immobilisation ou les programmes de construction sur les autres réserves devraient être réduits?

M. Savoie: C'est à eux de négocier cet élément avec le gouvernement fédéral, je pense.

M. Claveau: Oui, mais est-ce que le gouvernement du Québec... Vous me dites que c'est la faute du fédéral, dans le fond...

M. Savoie: Ce n'est pas ce que je dis, je dis que le programme de construction résidentielle relève du gouvernement fédéral.

M. Claveau: Oui, d'accord.

M. Savoie: II ne faut pas oublier que la responsabilité première vis-à-vis des autochtones repose sur le gouvernement fédéral, en vertu de 9124.

M. Claveau: Mais qu'est-ce qu'il va falloir attendre avant qu'il y ait un dénouement dans ce dossier? Est-ce qu'il va falloir attendre justement que la population, que toutes les populations autochtones et non autochtones finalement, de Chibougamau à Chapais, soient pénalisées par des pressions qui pourraient être faites par la bande Oujé-Bougoumou? Qu'est-ce qu'il va falloir attendre avant qu'il y ait un dénouement dans ce dossier?

M. Savoie: il faut comprendre que, dans ce dossier, un des grands problèmes a été le fait que ç'a été retardé à cause de votre gouvernement. Votre gouvernement a proposé aux Cris d'Oujé-Bougoumou, je pense que c'est un mille carré le long de la route entre Chapais et Chibougamau, ce que les Cris d'Oujé-Bougoumou n'ont jamais accepté. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir le 2 décembre 1985, et au mois de janvier et février 1986, les Cris d'Oujé-Bougoumou sont venus me voir, avant que je sois nommé responsable du dossier autochtone, et ils m'ont dit: Écoutez, le mille carré qu'on a obtenu du Parti québécois, on n'en veut pas. Ce qu'on veut, c'est être traités sur un pied d'égalité. On est une bande, même si on n'est pas reconnus comme tels par le gouvernement fédéral, et on veut avoir nos terres de catégories 1 et nos terres de catégorie 2, ce à quoi nous avons répondu: Si c'est ça que vous voulez, on va s'orienter pour que vous l'obteniez. On a entrepris des négociations à l'automne 1986 avec le MLCP, le secteur terres du ministère de l'Énergie et des Ressources et la population de Chapais-Chibougamau. On a entrepris un long processus qui a mené au choix d'une propriété que vous connaissez et que vous avez mentionnée dans vos remarques préliminaires, qui se situe à quelque 20 kilomètres, 18 kilomètres au nord de Chapais.

Une fois qu'on s'est entendus sur le territoire, on s'est ensuite dépêchés d'en arriver à une conclusion avec le gouvernement fédéral afin d'avoir les fonds pour réaliser une première implantation de cette communauté. Il y a actuellement des discussions qui nous laissent croire qu'il pourrait y avoir 19 000 000 $ pour la réalisation des infrastructures premières de la communauté d'Oujé-Bougoumou. Il y a, là-dessus, 1 500 000 $, je crois, d'Hydro-Québec; il y a 3 000 000 $ que le gouvernement du Québec est susceptible d'octroyer et le gros du montant,

quelque 14 000 000 $, proviendra du gouvernement fédérai. Ces chiffres sont plus ou moins précis. Les Cris d'Oujé-Bougoumou nous ont rencontrés et ils nous ont dit: En même temps qu'on veut la construction de notre communauté, est-ce que ce serait possible, pour éviter les erreurs qui se sont produites avec les autres communautés - c'est leur argumentation - d'arriver et de mettre un paquet socio-économique sur la table pour s'assurer qu'une fois établi sur la réserve d'Oujé-Bougoumou, on puisse faire un développement économique convenable qui puisse répondre à notre aspiration et servir d'incitation pour attirer la population vers Oujé-Bougoumou? C'est ce que nous sommes actuellement en train d'examiner avec eux.

M. Claveau: II reste une chose, M. le ministre, sur le dossier d'Oujé-Bougoumou, vous aurez beau accuser le PQ de tous les péchés de la terre, il reste que ça fait 40 mois que vous l'avez entre les mains. Cela va faire 40 mois le 2 mai que votre gouvernement a été élu. D'un autre côté, ce qui s'est passé antérieurement, je serais probablement aussi à l'aise que vous pour en parler étant donné que, dès le départ, dès 1984, j'ai commencé à travailler avec les Cris là-dessus et que je suis, sans risque de me tromper, celui qui a rallié les populations non autochtones du territoire au projet, justement en amenant les municipalités à accepter le principe des associations et tout ça. J'ai eu l'occasion...

M. Savoie: C'est la première fois que j'entends dire ça.

M. Claveau: ...de travailler beaucoup sur le dossier. Vous devriez le vérifier. Les premières rencontres qui se sont faites là-dessus, dès 1984, avec la bande d'Oujé-Bougoumou se sont faites à l'hôtel de ville de Chapais alors que j'étais maire et on a eu l'occasion d'en discuter à plusieurs occasions. Vous le demanderez à M. Bosum si vous voulez. Il est capable de vous le dire. En ce qui concerne les interventions directes sur le territoire pour rallier l'opposition des non-autochtones au fait qu'il serait bon qu'il y ait une réserve à Oujé-Bougoumou, une nouvelle réserve pour les Cris anciennement nommés les Cris du lac Doré, là-dessus, je peux vous dire qu'il y a du travail qui a été fait, que vous n'avez pas inventé le dossier et qu'il y avait des propositions qui étaient sur la table au moment du changement de gouvernement en 1985, c'est clair, comme vous avez aussi des propositions qui sont sur les tables en ce qui concerne les différentes négociations que vous menez avec les différents groupes autochtones. (11 h 30)

Cela fait 40 mois que vous l'avez entre les mains, vous avez fait miroiter mer et monde aux Cris d'Oujé-Bougoumou, et on se retrouve maintenant devant une situation où Ils pensent entreprendre des moyens de pression pour vous faire bouger. En tout cas, je vous dis une chose, M. le ministre, ne vous organisez pas pour que ce soit la population de Chapais et de Chibougamau qui soit pénalisée par des moyens de pression ou autres interventions de la part des Cris. La population de Chapais et de Chibougamau n'a rien à voir quant au déroulement des négociations et au problème de vous entendre avec le fédéral. Ne vous organisez pas pour que ces populations soient dérangées ou amenées, d'une certaine façon, à aller même jusqu'à retirer leur appui, parce que dans le fond, c'est un petit peu ça, le problème. Cela se vit durement, dans le milieu, vous semblez l'ignorer. C'est de plus en plus difficile, et plus le dossier va moisir, plus ce sera difficile de le faire passer et accepter par tout le monde.

M. Savoie: M. le député d'Ungava...

M. Claveau: Le choix du territoire, M. le ministre, vous nous dites que ça s'est fait avec la participation de la population et tout ça. Il y a eu deux ou trois rencontres où vous êtes arrivés avec des propositions bien claires: c'est ça, c'est ça, c'est ça. On n'a jamais demandé aux populations: Est-ce que vous aimeriez mieux être là ou là? La démarche qu'on avait entreprise, dans le temps, était ça. On est partis de trois ou quatre sites possibles, on a rencontré des municipalités, on a rencontré la bande, les intervenants, les gens de la réserve de Mistassini qui avaient aussi leur mot à dire là-dedans, pour essayer de voir à quelle place ça pourrait se situer le mieux pour tout le monde. Vous avez changé la dynamique de la négociation.

M. Savoie: Ah! Vous reconnaissez donc...

M. Claveau: Vous l'avez changée et 40 mois après...

M. Savoie: ...qu'en 1985, lorsque les élections ont eu lieu, ce qui était convenu pour les Cris d'Oujé-Bougoumou, c'était un mille carré sur le bord de la route, ce qu'ils n'ont jamais accepté.

M. Claveau: Ce n'était pas ça du tout. On parlait, à ce moment...

M. Savoie: Non. Il y avait une lettre...

M. Claveau: II y avait des lettres. Des lettres, il y en a partout.

M. Savoie: II y avait une lettre du premier ministre...

M. Claveau: Je vais vous dire de quoi on parlait. On parlait d'une partie de territoire dans le réserve Assinica, située entre le lac Opataca, Comencho et le troisième, pas Assinica mais l'autre, qui pourrait avoir une certaine superficie

avec...

M. Savoie: Un mille carré.

M. Claveau: Non. Avec des terres qui seraient du côté nord-ouest du lac Opataca, etc. Cela se situait à une soixantaine de kilomètres ou à peu près. Cela faisait partie des négociations. Il y avait différentes propositions sur la table.

M. Savoie: Ce n'est pas vrai. Ce que vous dites n'est pas vrai. Cette proposition...

M. Claveau: Vous irez le vérifier.

M. Savoie: Écoutez bien. Quand on est arrivés, la seule... Oui, vous pouvez vérifier, parce qu'on l'a vérifié. On a les lettres. Ce qui a été accordé - une lettre signée par René Lévesque - c'était un mille carré sur le bord de la route. C'est tout. C'est ce qu'ils avaient et rien d'autre. Nous sommes arrivés, à ce moment, nous l'avons pris en main, et au moment où on se parle, le Québec a livré la marchandise dans ce dossier. Vous remarquerez que les Cris d'Oujé-Bougoumou ne crient pas contre Québec, ils crient contre Ottawa, parce qu'on a réglé le dossier. On a trouvé des terres qui seraient acceptables et pour la population locale et pour les autochtones. On a enclenché le processus, on a dit qu'on était prêts à procéder et on demande à Ottawa de régler ses différends avec les Cris d'Oujé-Bougoumou, de leur accorder les 14 000 000 $, et, deuxièmement, de les reconnaître comme bande. Cela prend cette reconnaissance officielle.

M. Claveau: Vous avez beau dire ce que vous voudrez, M. le ministre, le dossier n'est pas réglé. On est encore en train de parler de moyens de pression et d'éventualité de couper les routes et les aéroports.

M. Savoie: Oui. Contre qui? Contre Québec ou contre Ottawa? C'est contre Ottawa, les pressions. Les pressions qui se font...

M. Claveau: C'est vous qui êtes le ministre responsable des Affaires autochtones au Québec, ne mettez pas le fardeau sur les autres. Prenez vos responsabilités, parce que si...

M. Savoie: Franchement, c'est complètement...

M. Claveau: Non! C'est vrai! Organisez-vous pour que...

M. Savoie: C'est ridicule, ce que vous dites. M. Claveau: C'est loin d'être ridicule. M.Savoie: C'est complètement absurde.

M. Claveau: Ce n'est absolument pas absurde. On est en territoire...

M. Savoie: C'est de la foutaise.

M. Claveau: II n'y a pas encore eu de transfert de terres fédérales dans ce dossier. À ce que je sache, ce sont toujours des terres québécoises et c'est vous qui en êtes le ministre responsable.

M. Savoie: M. le député d'Ungava, c'est complètement... Je veux dire stupide mais je ne le dirai pas, parce que ce n'est pas parlementaire, mais ce que vous dites est totalement absurde.

M. Claveau: En quoi est-ce absurde?

M. Savoie: Vous connaissez la définition du mot "absurde"? Quand on est arrivés, comme je vous l'ai dit, entre Chapais et Chibougamau, sur la route principale il y avait un mille carré mis de côté pour les Cris d'Oujé-Bougoumou, ce qu'ils n'acceptaient pas. Ils sont venus nous voir et nous ont dit: On n'est pas capables de vivre dans cette situation, on est loin de nos territoires de chasse, on ne peut pas vivre, ce n'est pas acceptable; il n'y a pas de lacs, il n'y a pas d'eau, II n'y a pas de ci, il n'y a pas de ça. On a dit: Parfait. On s'est assis avec eux et on a annulé cette résolution. On s'est dit: On va s'asseoir, on va regarder et on va trouver un territoire. C'est ce qu'on a fait. On a trouvé le territoire, on a obtenu les autorisations du Conseil des ministres, on a obtenu les autorisations de part et d'autre. Nous nous sommes entendus sur un territoire et on a dit: On va aller chercher de l'argent à Ottawa. On a eu des rencontres avec Bill McKnight.

Finalement, Ottawa est arrivé et à dit: Dans une première étape, pour la réalisation de cette communauté, on met 14 000 000 $ sur la table: Québec en mettra 3 000 000 $ et HydroQuébec 1 500 000 $. On a dit: Parfait, on en a en masse avec ça. Mais maintenant, il y a encore des différends avec Ottawa. Ottawa doit négocier sa participation avec les Cris également. On a poussé ce dossier aussi vite qu'on pouvait, on l'a réalisé à la satisfaction des Cris d'Oujé-Bougoumou. Ils sont contents de leur territoire maintenant. Tout ce qu'on fait, c'est qu'on essaie d'attacher le financement pour que les Cris puissent signer l'entente et que l'on puisse passer à la construction à leur satisfaction, avec une bonne participation des Cris d'Oujé-Bougoumou et, en même temps, on essaie de structurer une approche qui pourrait leur permettre de prendre un certain développement socio-économique en même temps. C'est ce qu'on était en train de faire.

Alors on est allés au maximum là-dedans et...

M. Claveau: Quand cela sera-t-il réglé?

M. Savoie: Ce sera réglé quand Ottawa réglera ses difficultés avec les Cris d'Oujé-Bougoumou. Alors, pour le gouvernement du Québec nous avons dit: On n'a pas de problème. On embarque là-dedans, on leur a donné un territoire. On a dit: Cela leur prend un statut de bande. Il faut qu'Ottawa leur reconnaisse leur statut de bande. On me dit que ça ne devrait pas retarder, que ce n'est pas un obstacle majeur, que ça devrait se faire, mais, comme vous le savez, il y a des négociations globales entre les Cris du Québec et Ottawa. Il y a eu des poursuites, des tensions, des difficultés. Alors, au fur et à mesure que ça va se régler...

M. Claveau: Qu'est-ce que vous allez faire, M. le ministre.

M. Savoie: Pas plus tard qu'hier j'en discutais à mes bureaux avec M. Cadieux qui est en ville pour la signature de l'entente sur les mesures provisoires avec les Attikameks-Montagnais. On a eu l'occasion de discuter du dossier. Nos positions sont bien claires. Vous comprendrez que pour un dossier que nous avons réglé à la satisfaction des Cris d'Oujé-Bougoumou, nous sommes très satisfaits de l'évolution de ce dossier et nous espérons que si, demain matin, le gouvernement fédéral disait: On va s'asseoir avec les Cris et on va régler ça demain matin, le dossier...

M. Claveau: Quelles représentations avez-vous faites auprès du gouvernement fédéral pour qu'il s'assoie avec les Cris?

M. Savoie: À deux reprises, en l'espace d'un mois quasiment, j'ai rencontré M. Cadieux: une fois à Ottawa et une fois à Québec. Hier c'était à Québec, et, à la mi-mars, c'était à Ottawa. Nous avons discuté ensemble du dossier des Cris d'Oujé-Bougoumou. Bien sûr nous avons discuté d'autres dossiers aussi parce qu'il n'y a pas seulement un sujet à l'ordre du jour. Nous avons abordé ce dossier et je pense que le règlement est imminent. On pourrait très bientôt se promener au nord de Chapais pour voir le début des constructions de cette communauté-là et à leur satisfaction. Alors, lorsque vous faites les déclarations que vous avez faites tout à l'heure...

M. Claveau: Quelles déclarations?

M. Savoie: Des déclarations selon lesquelles il ne se passait rien dans ce dossier-là, qu'on n'avait rien fait et que c'était ci et ça. C'est absurde. C'est totalement absurde. C'est un dossier, c'est l'exemple type d'un dossier que vous avez réglé avec votre gouvernement en 1985 en disant qu'il y aurait un kilomètre carré sur le bord de la route, ce qui n'a pas été à la satis- faction des Cris.

M. Claveau: M. le ministre, je ne me laisserai pas charrier là-dessus par n'importe quoi.

M. Savoie: Franchement, M. Claveau.

M. Claveau: Déposez-le devant la commission votre mosus de décret pour voir le règlement final. Vous engagez-vous à le déposer devant la commission?

M. Savoie: La lettre de M. Lévesque, dans laquelle il leur donne un mille carré, je n'ai pas de problème à la déposer du tout.

M. Claveau: C'était une résolution du Conseil des ministres ou un décret ou quoi? Est-ce que cela a paru dans la Gazette officielle du Québec? C'est quoi?

M. Savoie: On pourrait peut-être entendre le secrétaire général associé nous parler de ça.

M. Claveau: Et où se trouvait le site exactement? Où était-il?

La Présidente (Mme Bélanger): Monsieur, pour les fins du Journal des débats, voulez-vous dire votre titre et votre nom, s'il vous plaît!

M. Jolicoeur (Gilles): Gilles Jolicoeur, secrétaire général associé au ministère du Conseil exécutif et responsable du Secrétariat aux Affaires autochtones.

M. Savoie: Vous êtes là depuis combien de temps?

M. Jolicoeur: Je suis là depuis 1978, mais, à titre de secrétaire général associé, depuis 1986. Je ne me souviens pas exactement de la date, mais en 1984-1985 le gouvernement du temps avait offert aux Cris d'Oujé-Bougoumou... Même après des discussions à partir de plusieurs sites qui avaient été identifiés, le gouvernement du Québec, à l'époque, avait refusé de négocier un régime complet de terres 1 et de terres 2 en faveur des Cris d'Oujé-Bougoumou et avait offert une superficie de terre équivalente à un kilomètre carré le long de la route entre Chibougamau et Chapais, pour des fins de construction domiciliaire. Or, c'était la décision que le gouvernement précédent avait prise dans ce dossier.

M. Claveau: Est-ce que c'était une décision finale?

M. Jolicoeur: C'était dans une lettre envoyée par le premier ministre aux Cris d'Oujé-Bougoumou et c'est ce qu'on leur avait offert.

M. Claveau: Ce n'était pas une décision

finale, c'était une offre de négociation.

M. Jolicoeur: Je ne me souviens pas s'il y avait eu une décision du Conseil des ministres, mais le premier ministre du temps avait pris cette décision d'offrir aux Cris d'Oujé-Bougoumou un kilomètre carré le long de la route de Chibougamau-Chapais pour des fins de construction domiciliaire.

M. Claveau: J'aimerais qu'on dépose le document dont il est question.

M. Jolicoeur: Cette lettre-là pourrait être déposée.

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Savoie: II nous fera plaisir de déposer cette lettre. Alors, vous allez constater que, finalement, en ce qui concerne les Cris d'Oujé-Bougoumou, nous sommes revenus sur la décision que vous aviez prise. Nous avons décidé de leur donner des terres de catégorie 1, des terres de catégorie 2, non pas sur le bord de la route où cela ne leur donne absolument rien, mais dans un endroit convenable où il y a de l'eau, où il y a une ressource faunique pour la pêche, où il y a une possibilité de vivre selon leurs us et coutumes sur le territoire qu'ils occupent depuis maintenant plusieurs millénaires.

C'est dans ce sens-là qu'on vous dit qu'en ce qui concerne le dossier des Cris d'Oujé-Bougoumou, s'il y a un endroit où vous, en tant que député d'Ungava, pouvez féliciter le gouvernement du Québec d'avoir posé des gestes positifs qui répondent à vos attentes, à votre volonté de vouloir bien servir les Cris d'Oujé-Bougoumou... Je pense que s'il y a bien un dossier où on a démontré un grand respect, une volonté de développement, c'est bien ce dossier.

M. le député d'Ungava, je comprendrais que vous vous fâchiez en ce qui concerne d'autres dossiers et que vous disiez: Cela n'a pas été fait. Il y a telle communauté qui souffre encore. Je pense, par exemple, à deux communautés qui sont encore enclavées au point de vue des routes. Là, je suis tout à fait prêt à accepter des difficultés qu'on a à subir en des endroits où le problème principal persiste toujours, mais il y a des endroits où on a fait des percées. Un des endroits où il y a eu une percée importante en ce qui concerne les autochtones, c'est certainement Oujé-Bougoumou.

M. Claveau: On verra comment ça va finir et quand ça va finir surtout. Vous avez parlé de routes.

M. Savoie: Parlons de routes, M. le député.

M. Claveau: Oui. Quelle intervention pensez-vous faire pour faire en sorte que les Cris de Mistassini puissent un jour bénéficier d'une route convenable pour se rendre chez eux?

M. Savoie: II y a une affaire que je voudrais bien qu'on comprenne. On n'est pas ici pour discuter de vos dossiers de comté.

M. Claveau: Non.

M. Savoie: II faudrait bien s'entendre que Mistassini, c'est dans ton comté, Oujé-Bougoumou, c'est dans ton comté. Il faudrait chercher à voir...

M. Claveau: II se trouve que j'ai huit des neuf réserves et quatorze villages inuits dans le comté. C'est l'ensemble des terres conventionnées...

M. Savoie: Oui. On ne parle pas des Inuit. On parle...

M. Claveau: ...par la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

M. Savoie: Sans en faire de dossiers de comté, je pourrais vous dire que depuis 1986...

Route reliant Chibougamau à Mistassini

M. Claveau: Quand je vous parle de la Baie James, je suis obligé de vous parler du comté aussi.

M. Savoie: ...les Cris de Mistassini demandent le pavage de la route entre la municipalité de Chibougamau et leur communauté de Mistassini. Ils m'ont souligné qu'il y avait quelques jeunes qui avaient développé des problèmes respiratoires. On parle de silicose à la suite de transferts, de déplacements qui doivent se faire par autobus de certains de ces jeunes et, à l'intérieur de la communauté, la route de la réserve, qui est quand même une grosse réserve - on parle de 2300 personnes - n'est toujours pas pavée. Ils cherchent à avoir cette amélioration d'infrastructure.

On a dépensé de l'argent en 1987 et 1988 pour l'amélioration de la route. Il y a une partie de la route où l'assèchement, le renforcement et le changement de certaines calvettes, ont été faits. Il faut aussi comprendre que cette route n'est pas une route provinciale. Il s'agit d'une route qui relève du ministère de l'Énergie et des Ressources dont la participation...

M. Claveau: La route 167 nord jusqu'au lac Albanel est une route qui est numérotée au ministère des Transports du Québec.

M. Savoie: Et je pense que c'est aussi une route qui relève du ministère de l'Énergie et des Ressources. C'est une route numérotée. Je m'excuse. Effectivement, c'est une route numéro-

tée. Je pensais du bout de la réserve à la route 167. Vous avez bien raison. À plusieurs reprises, nous avons souligné l'importance d'entreprendre, tout au moins, une amélioration de cette route avec la notion de la paver éventuellement. Mais il faut bien s'entendre, on paverait quelque 67 kilomètres entre Chibougamau et la fourche pour se rendre à Mistassini. Là, on a 30 autres kilomètres. C'est ça? 80 en tout. Entre la fourche et la route 167, plus entre la route 167 et Chibougamau, il y a de la route. C'est un projet majeur. Je pense que, comme député, si vous "priorisez" cette route, si vous indiquez très clairement au ministre des Transports votre volonté de voir la réalisation du pavage de cette route...

M. Claveau: En parler au ministre des

Transports. Depuis 1986 que je la "priorise" et jusqu'à maintenant, on a eu 200 000 $ à mettre dessus.

M. Savoie: En tout cas, il a eu une partie des sommes...

M. Claveau: Un peu de gravelle, un peu de concassé, quelques tonnes de concassé.

M. Savoie: C'est ça. Il y a des routes comme ça dans mon comté aussi, M. le député. (11 h 45)

Vols au-dessus du Labrador et du Nouveau-Québec

M. Claveau: C'est à vous de vous en occuper. Quelle est votre position, M. le ministre, sur la question des vols au-dessus du Labrador et du Québec, naturellement, parce que cela coupe le territoire québécois? Il devait y avoir, le 10 avril dernier, une rencontre à Kuujjuaq là-dessus, finalement la rencontre a été annulée à cause des événements qu'on connaît. J'en profiterais d'ailleurs pour souligner ici la mémoire de M. Marc Gordon qui a énormément travaillé dans le milieu inuit pour les négociations et le suivi; la continuité des développements en milieu inuit. Cette rencontre n'a pas eu lieu. Quelle est la position du gouvernement du Québec? Quelle position le gouvernement du Québec entend-il défendre, à la limite, concernant la question des vols au-dessus du Labrador et du Nouveau-Québec?

M. Savoie: Comme vous le savez, ce dossier ne date pas d'hier non plus. C'est un dossier qui date depuis fort longtemps. Nous avons eu l'occasion de visiter la base de Goose Bay, de discuter avec les chefs indiens, inuit, tant du Québec que du Labrador, de visiter les installations militaires à Goose Bay, de constater avec eux l'importance des vols, le nombre de vols. Compte tenu du fait que, d'une part, il s'agit de la défense nationale, donc d'un dossier qui relève d'Ottawa, que, d'autre part, il s'agit d'un dossier et de Québec et de Terre-Neuve, nous sommes intervenus à plusieurs reprises depuis 1986 en insistant auprès des ministres fédéraux et même de certains de nos collègues pour leur dire que c'était un dossier important, que les impacts négatifs de ces vois à basse altitude étaient considérables quant à l'exercice des droits de chasse et de pêche des autochtones, que cela pouvait avoir un impact, semble-t-il, important là aussi, pour la faune. Nous avons appuyé dans la mesure du possible tant les démarches que les Inuit ont effectuées auprès de la Cour internationale de La Haye en 1986 que les démarches et les études qu'ils ont eu a faire auprès des ministres québécois. Nous avons insisté à plusieurs reprises auprès des ministres fédéraux chargés des dossiers autochtones, du fait qu'on y voyait là une situation difficile. Ils ont utilisé le recours qui était approprié dans ce cas-là. Ils ont utilisé un recours approprié, c'est-à-dire les tribunaux. Comme vous le savez, ils ont eu gain de cause en première instance.

Effectivement, le gouvernement fédéral, en particulier la défense nationale, doit tenir compte des revendications des autochtones. Nous ne pouvions pas, de notre côté, dire à Ottawa: Suspendez vos vols. On pouvait leur dire, mais on n'avait pas ce pouvoir-là; c'est un dossier essentiellement fédéral. Ce qu'on a fait, c'est qu'on est intervenu auprès des ministres fédéraux rattachés à ce dossier pour leur dire: II y a là un problème; faites-y face en rencontrant les autochtones et en arrivant à une entente avec eux.

Le territoire est très grand. Le nombre de vols est assez limité. Je crois qu'il y a moyen de structurer ces vols-là de façon à éviter que la faune et les autochtones ne soient incommodés par ces vols à basse altitude.

M. Claveau: On parle d'un accroissement possible du nombre de vols au cours des prochaines années.

M. Savoie: Effectivement. On a constaté à Goose Bay que d'autres pays vont se joindre... Il y a des infrastructures qui se développent, ce qui démontre une volonté, en tout cas de la part des forces militaires, de développer davantage Goose Bay. M. Jolicoeur m'avise qu'il y a actuellement des études d'impact qui sont effectuées par le gouvernement fédéral. Après ces études d'impact, il y aura des audiences publiques. Après la tenue de ces audiences publiques, une décision finale sera prise. Mais pour le moment, en tout cas, je trouve le déroulement de ce dossier des plus intéressants, compte tenu de la décision.

M. Claveau: À titre de spectateur ou d'intervenant?

M. Savoie: À titre de premiers impliqués au

gouvernement du Québec par l'impact de ces vols-là sur les autochtones. Qu'on en parle avec les Montagnais de la Côte-Nord, de Saint-Augustin, de Natashquan, de La Romaine, ils vivent un choc. Il faut savoir ce que ça veut dire. Cela veut dire qu'on est là dans un canot en train de traverser un lac, paisiblement, avec comme seul bruit finalement le chant des oiseaux et apparaît, à peu près à 300 pieds au-dessus du niveau du lac, un avion volant à 700-800 kilomètres à l'heure avec un moteur qui est des plus bruyants et qui arrive de nulle part à une vitesse extrêmement rapide. Il arrive même des fois que, tellement pris par surprise, les autochtones perdent l'équilibre et le canot chavire. C'est incroyable. Les autochtones maintiennent que ça a des impacts, par exemple, sur les orignaux, surtout sur les femelles gravides.

M. Claveau: De la disparition de troupeaux de caribous et tout ce que vous voulez.

M. Savoie: Les impacts sont considérables, semble-t-il, et je pense que là encore, on ne peut qu'appuyer, en tout cas, comme ministre responsable des Affaires autochtones, les démarches que font les autochtones dans la mesure où elles se font par le biais de nos tribunaux.

M. Claveau: Allez-vous faire des représentations précises devant les tribunaux?

M. Savoie: Je pense que lors de la tenue des audiences publiques, je serai présent.

M. Claveau: Pour parler.

M. Savoie: Oui, pour parler.

M. Claveau: Pour prendre position.

M. Savoie: C'est ça. On a déjà fait des représentations auprès du ministère de la Défense, pas plus tard que le 13 avril, pour limiter le nombre de vols, mais pas cette année.

Convention de la Baie James et du Nord québécois

M. Claveau: Je vois que le temps avance. J'ai un autre dossier portant sur l'application de la convention de la Baie James et du Nord québécois. Je ne voudrais pas en faire un dossier de comté, mais qu'est-ce que vous voulez, ça fait partie des grands problèmes, la convention.

M. Savoie: Bien oui, je comprends ça.

M. Claveau: Qu'est-ce que le gouvernement du Québec entend faire quant à la partie de la convention de la Baie James qui vise le développement économique des terres de catégorie 1 B, terres qui sont de la compétence du gouvernement du Québec en termes d'investissements, contrairement aux terres 1 A qui sont des terres dites fédérales? Il y a dans la convention des modalités en termes des interventions possibles, d'analyses, d'études d'impact, d'implantation d'entreprises ou de développement touristique, etc., sur ces terres. Il y a actuellement certaines demandes qui ont été adressées au gouvernement par des groupes autochtones, des bandes concernées, quant à des développements potentiels ou à des études de faisabilité des investissements sur ces terres. On me dit que, jusqu'à maintenant, le gouvernement a plutôt tendance à faire la sourde oreille. Qu'est-ce que vous entendez faire pour appliquer cette partie de la convention de la Baie James?

M. Savoie: Je pense qu'on pourrait laisser M. Jolicoeur y répondre, étant donné qu'il est au fait de cette question.

La Présidente (Mme Bleau): M. Jolicoeur.

M. Jolicoeur: II faut bien comprendre que les terres 1 B sont des terres qui ont été transférées en pleine propriété aux Cris. Ces terres leur appartiennent et il leur revient de les mettre en valeur, s'ils le désirent. La seule chose actuellement qui est demandée au gouvernement du Québec par les Cris, c'est d'obtenir des budgets pour l'administration de ces terres. Or, le Québec dit que les besoins n'ont pas été démontrés jusqu'à maintenant pour l'administration des terres puisqu'elles ne sont pas habitées. À partir du moment où les Cris voudraient mettre ces terres en valeur, des discussions seraient possibles. C'est également un dossier qui s'inscrit dans le cadre de la revue de la mise en oeuvre de la convention. C'est sûr qu'il existe encore un problème. Sur le plan administratif, il n'y a pas de budgets qui ont été alloués pour l'administration des terres. Il y en a eu les premières années. Il y a six ou sept ans, il y a eu des budgets qui avaient été alloués pour l'administration des terres 1 B mais que les Cris n'ont pas dépensés. À un moment donné, le gouvernement, réalisant que les Cris ne dépensaient pas ces budgets pour l'administration des terres, a cessé de leur donner des montants d'argent. À partir du moment où des Cris voudront développer ces terres - encore une fois, ces terres leur appartiennent - je pense qu'il y a moyen de faire quelque chose, et dans le cadre de la revue de la mise en oeuvre de leur convention, c'est un sujet qui peut être discuté.

M. Claveau: Avez-vous actuellement une ou des demandes concernant des projets de mise en valeur de terres de catégorie 1 B?

M. Jolicoeur: Les seules demandes que j'ai vues portaient sur des budgets d'administration pour gérer les terres comme telles mais non pour les mettre en valeur. C'est un budget municipal

qu'ils cherchent à avoir pour l'administration des terres. C'est ce qui a été demandé au gouvernement du Québec.

M. Claveau: N'avez-vous pas eu de la part, d'une façon peut-être un peu plus précise, sans en faire un dossier de comté, de la bande de Mistassini une demande très précise quant à une étude de faisabilité et d'un projet de développement touristique relié à des pourvoiries, campings, etc., sur des terres de catégorie 1 B?

M. Savoie: Oui, on l'a reçue.

M. Jolicoeur: C'est assez récent, c'est un montant de 300 000 $, mais qui a été demandé à des fins municipales. C'est la municipalité qui demande ces montants.

M. Claveau: Dans le cadre de tout projet du même genre, parce que normalement, il devrait en avoir d'autres qui viennent tranquillement... Peut-être que dans la démarche, il y a six ou sept ans, il était prématuré de penser à des implantations en terres de catégorie 1 B alors qu'on était au moment de consolider certains acquis dans les réserves mêmes, en catégorie 1 A, mais au moment où on se parle et dans la mesure où le ministre a crié à tout vent que sa priorité était de faire du développement économique sur les réserves autochtones, on a là un cas où il y a plusieurs réserves qui envisagent d'implanter certaines mécaniques de développement en terres de catégorie 1 B. Quels seront les crédits ou, enfin, comment allez-vous traiter ces demandes pour faire en sorte qu'il y ait des sommes qui soient disponibles pour ce faire?

M. Savoie: Cela va être traité comme toute autre demande, par le biais des ministres sectoriels avec un appui politique, par le biais soit des programmes existants ou adaptés aux besoins des autochtones, mais certainement pas à même les fonds des Affaires autochtones. Il faut bien s'entendre que ces montants pour des études de faisabilité, pour des possibilités de réalisation se font avec notre appui vers le ministère approprié.

M. Claveau: C'est-à-dire que chaque ministère devrait prévoir des crédits pour ce faire...

M. Savoie: Absolument.

M. Claveau: ...dans ses budgets. Est-ce que vous allez faire les démarches nécessaires pour vous assurer que les ministres sectoriels fassent effectivement les prévisions nécessaires pour cela...

M. Savoie: C'est notre rôle.

M. Claveau: ...ou si cela va passer dans le cadre des projets?

M. Savoie: C'est notre rôle et c'est le rôle, par exemple, des coordonnateurs qui sont situés dans chacun des ministères en question - on en a 22 - et qui interviennent d'une façon régulière dans l'organisation de leur ministère en faveur des autochtones et avec qui nous travaillons sur les dossiers. Entre autres, on souligne le cas des Affaires municipales qui a augmenté le budget en ce qui concerne ses infrastructures pour tenir compte de la situation des Inuit.

M. Claveau: On met cela sur des infrastructures sanitaires en particulier. Cela n'a rien à voir avec des implantations...

M. Savoie: Sanitaires, camionnage et toutes sortes d'affaires. Un montant de 6 000 000 $, je pense, a été accordé dans ce contexte.

M. Claveau: Si je ne m'abuse...

M. Savoie: On pense, par exemple, à Waswanipi où ils ont un projet de développement forestier. On a dit qu'il y avait une volonté politique très nette, très claire de veiller à la réalisation de leur programme d'utilisation maximale des ressources forestières.

La Présidente (Mme Bleau): M. Claveau? M. Claveau: Oui.

Violence conjugale

La Présidente (Mme Bleau): Me permettriez-vous une question, s'il vous plaît? M. le ministre, j'aime bien entendre parler de béton, de construction, de routes, mais à la commission des institutions, on parle souvent de la violence conjugale chez les non-autochtones. Je sais que c'est un problème crucial aussi chez les femmes autochtones.

M. Savoie: Effectivement.

La Présidente (Mme Bleau): L'année dernière, je me rappelle, à votre dernier passage, on avait parlé qu'il y aurait des programmes qui seraient mis de l'avant. Est-ce qu'il y a en effet des programmes qui ont été mis de l'avant pour aider les femmes autochtones?

M. Savoie: Effectivement, c'est un problème important la violence conjugale familiale dans les communautés autochtones à cause principalement, j'imagine, des problèmes sociaux qu'ils vivent. On connaît le chômage. Plusieurs autochtones doivent vivre dans des situations où ils bénéficient du bien-être social. À plusieurs reprises, nous avons eu des articles, des rapports, des conversations où on faisait état de cette violence. Nous avons décidé, en coopération avec l'Association des femmes autochtones du Québec,

sous la direction de Michèle Rouleau actuellement, de procéder à l'embauche d'une autochtone qui va travailler dans les communautés avec un budget pour trois ans, qui va se déplacer dans les communautés et établir un plan d'intervention, pour s'assurer, par exemple, que les femmes puissent être en mesure de se défendre. Nous avons également procédé à la préparation et à la publication d'un document publicitaire pour aider les communautés à faire face à cette situation, de sensibiliser la population à l'outrage que ça pouvait créer, tel que ça existe actuellement. (12 heures)

La Présidente (Mme Bleau): Mais, comme tels, nous ne pouvons pas intervenir, naturellement?

M. Savoie: Bien, on cherche à intervenir en leur fournissant les personnes-ressources qui vont créer les structures pour que les communautés puissent répondre, chacune à sa façon, à la crise actuelle.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député d'Ungava, vous avez d'autres...

M. Savoie: D'ailleurs, cela a fait l'objet d'un communiqué au mois d'octobre l'année passée. Une entente a été signée également.

M. Claveau: Le temps court. J'aurais peut-être une dernière question. Combien nous reste-t-il de temps?

La Présidente (Mme Bleau): On doit finir à 12 h 12. Il est midi juste. Vous avez encore dix minutes.

Création d'un ministère des Affaires du Nord

M. Claveau: D'accord. J'ai encore quelques questions à poser. M. le ministre, vous avez engagé en 1986 des fonds du gouvernement pour faire une étude et créer un comité qui devait vous permettre d'établir les assises d'un ministère des Affaires du Nord. Dernièrement, il vous est encore arrivé de déclarer que, pour vous, le dossier n'était pas fini et que vous alliez faire revivre ça le moment voulu. Probablement que ça va faire l'objet, pas d'une promesse électorale pour une deuxième fois consécutive...

M. Savoie: Non, non, cela n'a jamais fait l'objet de promesses électorales.

M. Claveau: Cela n'a jamais fait l'objet de promesses électorales?

M. Savoie: Non, jamais.

M. Claveau: Ah! Excusez-moi, M. le ministre. De toute façon, est-ce que vous croyez, est-ce que vous pensez que vous allez avoir là un beau dossier qui va vous servir en campagne électorale ou avez-vous réellement l'intention de créer un ministère des Affaires du Nord?

M. Savoie: Comme vous le savez, je crois qu'il est absolument essentiel que le gouvernement du Québec coordonne les activités du développement nordique. Les études que nous avons menées sur ce sujet ont été concluantes. Je pense que nous avons reçu de la part du gouvernement des appuis pour ce dossier, dans le sens que plusieurs constatent la nécessité de ce faire. On sent même dans le milieu une certaine réceptivité à la réalisation de ce dossier, quoiqu'il y ait eu aussi certaines personnes qui ont exprimé des hésitations. Je pense, par exemple, au colloque sur le Nord qui a eu lieu à Amos en 1987. C'est un dossier qui est loin d'être mort pour nous. Je pense que cette idée doit encore faire un bon bout de chemin, mais il n'est pas toujours facile d'obtenir un consensus aussi large et aussi fort qu'on veut au niveau provincial. Cette idée m'est très chère. Elle continue de m'être très chère. Je pense que, de plus en plus, certains intervenants qui ont à intervenir d'une façon régulière sur le territoire constatent eux aussi la nécessité, peut-être pas d'un ministère touffu, mais certainement d'une structure, d'un mécanisme, d'un bras gouvernemental qui serait en mesure de coordonner davantage les interventions, tant pour les Blancs que les autochtones sur le territoire nordique. C'est un dossier qui a été bien reçu d'une façon générale, mais il reste encore des étapes à franchir.

M. Claveau: Est-ce un dossier sur lequel vous continuez à travailler ou si, actuellement, il s'empoussière tranquillement et vous allez le dépoussiérer un jour ou l'autre?

M. Savoie: Bien, il s'empoussière tranquillement... Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a plusieurs visions en ce qui concerne le développement nordique. Il s'agit de coordonner davantage ces visions. Ce n'est pas parce qu'on a une bonne idée et que tout le monde est d'accord que ça va se réaliser du jour au lendemain. Il y en a qui disent: Oui, c'est une bonne idée, il faudrait s'asseoir et l'articuler davantage. C'est ce qui doit se faire.

Sommets socio-économiques

M. Claveau: Vous avez parlé des sommets économiques. Il y a eu le résultat du sommet économique de la Gaspésie avec la participation des Micmacs, le sommet économique de la Côte-Nord avec la participation des Attikameks-Montagnais. J'aimerais avoir, rapidement, votre appréciation générale quant à votre perception de la participation des autochtones à ces sommets socio-économiques et le rôle véritable qui semble ou qui pourrait, d'après vous, résulter de leur participation au développement économique de

ces réglons.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Savoie: Cela a été, en quelque sorte, une première quant à une participation autochtone aux sommets socio-économiques. Je pense qu'ils vont les utiliser davantage. Je pense qu'on peut s'attendre à l'avenir, à chaque sommet socio-économique où il y aura des autochtones sur le territoire, à les voir présenter des dossiers.

Par exemple, le prochain sommet socio-économique aura lieu dans la Mauricie et on veut s'assurer que les Attikameks soient présents avec une demande. Nous en avons d'ailleurs discuté, ce matin, à une rencontre qui a eu lieu au sujet du sommet socio-économique de la Mauricie et nous croyons qu'il est absolument essentiel que leur participation soit garantie par les intervenants locaux. Cela leur permet d'avoir accès à des fonds, ça leur permet de s'impliquer dans le tissu économique et social de la région qu'ils habitent et c'est une des rares occasions pour eux d'aller chercher des fonds, des montants, en présentant des demandes structurées pour la réalisation des projets qui leur tiennent à coeur. Alors, comme pour tous les autres intervenants sur leur territoire, je pense que ça doit être encouragé. Je peux vous dire qu'aux sommets de la Côte-Nord et de la Gaspésie, la population locale était très fière de les voir participer. Au sommet de la Côte-Nord, cela a été incroyable, ils sont arrivés avec plusieurs demandes. Je pense qu'ils avaient une quinzaine de demandes qu'ils ont pu présenter sur la place publique. Ils avaient une délégation assez forte, ils occupaient une partie de la salle et ils ont participé de façon très active à chacune des étapes du sommet socio-économique. Au sommet socio-économique de la Gaspésie, les Micmacs de Restigouche ont présenté deux demandes qui ont été acceptées, sur une base d'étapes: les études de faisabilité, la conclusion et la réalisation de ces travaux. Je pense que ça représente d'énormes avantages pour les communautés autochtones et on souhaite que cette tendance puisse continuer. On espère que, indépendamment du gouvernement et indépendamment des intervenants, on cherchera à s'assurer de la participation des autochtones aux tables.

M. Claveau: Est-ce que vous croyez, finalement, que ce genre d'activité va permettre aux autochtones ou devrait déboucher à long terme sur une participation réelle des autochtones dans le schéma global du développement économique d'une région? J'ai la perception et, pour en avoir discuté avec certaines gens, il semble que ce soit une perception un peu généralisée pour le moment, bien que le dossier soit encore embryonnaire, c'est un début, qu'il s'agit presque de minisommets autochtones à l'intérieur d'un sommet régional. Vous voyez ce que je veux dire? Est-ce que vous souhaitez ou que vous travaillerez dans le sens que cette participation autochtone devienne une véritable participation "at large", j'oserais dire, de l'ensemble de la dynamique économique d'une région?

M. Savoie: Bien sûr. Je pense que ce serait des plus souhaitable.

M. Claveau: Quel genre d'intervention ou comment pensez-vous pouvoir en arriver à ce que cela se réalise? Est-ce que vous envisagez au SAA des politiques ou des approches qui feront en sorte que ça se développera dans ce sens?

M. Savoie: Oui. Les officiers chez nous s'assurent, lorsqu'il y a un sommet, d'assister, dans la mesure du possible, les autochtones. On communique avec eux pour leur dire qu'il y a un sommet, que c'est le temps de présenter les dossiers, que c'est le temps d'articuler les demandes. On les assiste dans l'élaboration de ces demandes et on voit à ce que le gouvernement, particulièrement l'OPDQ, soit sensibilisé aux demandes qui proviennent des autochtones.

M. Claveau: Vous nous avez dit au début, dans votre allocution d'introduction, M. le ministre, que les groupes de coordonnateurs des 22 ministères s'étaient rencontrés très souvent, et je suppose que ce genre d'approche fait aussi partie de la dynamique de leurs rencontres, pourriez-vous nous préciser combien de fois chaque groupe - comment les appelez-vous? - chaque comité avec ces représentants s'est réuni durant l'année?

Une voix: Les tables sectorielles? M. Claveau: Les tables sectorielles.

M. Savoie: C'est une fois par mois pour chaque table.

M. Claveau: Une fois par mois, avec une participation généralisée de l'ensemble des ministères.

M. Savoie: Par les coordonnateurs qui doivent être là.

M. Claveau: Mais ils sont assidus; ils sont là aux tables; ils sont...

M. Savoie: Au début, on a eu des difficultés à s'assurer d'une bonne participation, mais je pense qu'aujourd'hui cela va bien.

M. Claveau: Ils sont de plus en plus intéressés par le processus.

M. Savoie: Oui. Je pense qu'en modifiant la façon de procéder, cela a donné les résultats voulus. M. Jolicoeur nous informe que la réunion

statutaire, c'est une fois par mois, mais il y a souvent des réunions ad hoc selon les dossiers, même que cela arrive qu'ils se rencontrent deux ou trois fois par semaine. Il y a de l'évolution.

M. Claveau: Oui, mais pouvez-vous nous dire si vous êtes, à ce jour, satisfait de la façon dont cela procède et du nombre de dossiers, enfin, la façon d'arriver à faire des consensus sur des dossiers précis? Est-ce qu'il y a beaucoup de consensus et est-ce que cela se voit que ça se répercute actuellement dans les communautés autochtones ou dans les comportements de chacun des ministères face aux communautés autochtones?

M. Savoie: Je pense que dans le cadre actuel, on ne peut qu'être satisfait de ces tables et du fonctionnement de ces tables. On souhaiterait toujours plus. On chercherait toujours à améliorer le mécanisme, à trouver, évidemment, plus de coordonnateurs, à avoir une plus grande implication de la part du gouvernement. Mais si on tient compte d'une certaine réalité économique, d'une réalité administrative, je pense que oui, effectivement, on est satisfait et je pense que les communautés autochtones sont également satisfaites. Je peux vous dire que dans les discussions que j'ai avec elles, j'ai très peu de plaintes. D'ailleurs, je n'ai pas de plainte. On ne se plaint pas d'un dossier qu'on a envoyé pour être traité et qui a été mal traité ou pas traité. On a des échos, bien sûr, sur le fait que certains dossiers tardent parce que les décisions sont longues à venir, mais lorsqu'on les examine de près, on constate que c'est la machine administrative et ce sont les enjeux lorsqu'on doit gérer d'une façon moderne.

M. Claveau: Peut-être en conclusion.

Le Président (M. Dauphin): En conclusion.

M. Claveau: Juste dans le cas de la réserve de Mistassini, j'ai cinq ou six dossiers, à ce jour, qui semblent avoir tendance à traîner. On parie de la route, d'infrastructures de loisirs, de centres communautaires, de la construction de maisons - vous allez me dire que c'est fédéral - de réseaux d'aqueduc et d'égout plus performants ou plus conformes aux normes actuelles, d'épuration des eaux. Enfin, il y a plusieurs dossiers juste dans le cas d'une réserve, et j'en ai plusieurs. J'avais déjà parlé avec M. Maltais d'un certain nombre de dossiers qui traînent dans différentes réserves au Québec. On devait même se rencontrer là-dessus. Finalement, cela n'a jamais adonné. Il faudrait peut-être profiter de l'occasion pour se parler de cela.

M. Savoie: Est-ce que cela n'a jamais adonné à cause de nous?

M. Claveau: Non, c'est parce que, finale- ment, on ne s'est jamais fixé une date pour dire: On le fait et on regarde un certain nombre de dossiers sur la Côte-Nord et en Gaspésie, et quelques dossiers de comté, bien évidemment, à travers cela, parce que je suis particulièrement impliqué là-dedans dans le comté. Que voulez-vous? Mais il y a quand même, à mon avis, plusieurs dossiers - plusieurs, pas juste un - d'ordre du loisir, de la culture, du développement communautaire, d'infrastructures municipales, etc., qui traînent dans les ministères et qui semblent à peu près impossibles à débloquer.

M. Savoie: II y a des dossiers, il faut s'entendre. Lorsqu'on fait une demande, par exemple, d'un réseau d'aqueduc et d'égout pour la communauté de Mistassini, c'est un gros dossier. C'est un dossier qui, il ne faut pas l'oublier, doit être traité au sein de l'entente de participation du gouvernement fédéral. Ce n'est pas un dossier où l'individu dépose sa demande et à qui on dit: Oui, quel est le montant et on fait le chèque tout de suite. Il y a des approches à faire. Ce n'est pas un dossier qui est vieux. On convient de cela. La demande d'un réseau d'aqueduc et d'égout à Mistassini, c'est une demande qui est récente. C'est un gros dossier. Je pense que vous l'avez souligné vous-même, les portes chez nous sont ouvertes, les demandes de rencontres avec les communautés sont rarement refusées. Je ne connais pas de refus, d'ailleurs. On cherche toujours à obtenir une rencontre dans les plus brefs délais en plus des déplacements qu'on fait vers ces communautés. On peut parler des tables sectorielles qui se réunissent et, de temps à autre, elles se réunissent dans les communautés, malgré le coût des déplacements que cela implique tout simplement pour être présents sur-le-champ. Je pense que c'est un élément important. Dans ce sens, je comprends qu'il peut y avoir des dossiers. Vous avez parlé de la route 167, vous avez parlé de Mistassini, vous avez parlé également de la question de structure d'égout et d'aqueduc. On est bien au courant de la volonté de Mistassini de développer un centre culturel important qui demande énormément d'argent. Dans un contexte comme cela, il ne faut pas oublier, non plus, la participation du gouvernement fédérai. Quant à la construction de résidences, vous savez que c'est fédéral.

Adoption des crédits

Le Président (M. Dauphin): Messieurs, c'est tout le temps qui nous était alloué. Est-ce que les crédits budgétaires du ministre délégué aux Affaires autochtones pour l'année financière 1989-1990, c'est-à-dire l'élément 3 du programme 2 du Conseil exécutif, sont adoptés?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. La

commission des institutions ajourne ses travaux à demain 9 heures. Pour les membres de la commission, c'est 9 heures, demain matin, alors que nous étudierons les crédits du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Merci et bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 12 h 17)

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