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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 27 avril 1989 - Vol. 30 N° 58

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes


Journal des débats

 

(Neuf heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames, messieurs, à la suite du constat du quorum, je déclare ouverte la séance de la commission des institutions qui a pour mandat, ce matin, de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, c'est-à-dire le programme 4 du ministère du Conseil exécutif pour l'année financière 1989-1990.

Me Giguère, secrétaire de la commission, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un remplacement. M. Marcil (Beauharnois) est remplacé par M. Latulippe (Chambly).

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup. Premièrement, je vais souhaiter la bienvenue au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et lui demander de présenter les personnes qui l'accompagnent à la barre des témoins et de procéder ensuite à ses remarques préliminaires.

Remarques préliminaires

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président. Je voudrais vous présenter, à ma gauche, Mme Suzanne Levesque, directrice de cabinet, à ma droite, Mme Diane Wilhelmy, qui est la secrétaire générale associée, donc, sous-ministre au secrétariat aux affaires canadiennes et M. Marc Morin, qui est le secrétaire adjoint aux affaires canadiennes. Nous accompagnent aussi les directeurs et directrices de différents départements, ayant différentes responsabilités, qui pourront nous aider à répondre à toutes les questions que les membres de cette commission voudront bien nous poser au cours des prochaines heures.

M. le Président, je voudrais, si vous me le permettez, commencer les travaux de cette commission en faisant un exposé qui se veut un rapide survol des activités du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes et des dossiers majeurs qui ont été traités au secrétariat au cours de l'année 1988-1989.

Avec l'adoption, en juin 1988, de la Loi sur le ministère des Affaires internationales, le SAIC s'est vu confier un mandat économique additionnel qui contribuera à renforcer la position du Québec au sein de la fédération canadienne. D'ailleurs, l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange, dans un contexte de rationalisation des finances publiques, atteste de l'importance de cette dimension économique. Au cours de l'année 1988-1989, on a assisté à la consolidation d'un certain nombre de dossiers majeurs pour le Québec en matière intergouvernementale canadienne. La ratification de l'accord constitutionnel du 3 juin 1987 par neuf gouvernements représentant 93 % de la population canadienne, l'entrée en vigueur de l'Accord canado-américain de libre-échange le 1er janvier 1989, la signature d'un protocole d'entente et d'une nouvelle entente auxiliaire sur le développement économique des régions, j'annonce d'une nouvelle politique québécoise de la francophonie, voilà autant de dossiers qui constituent des progrès que l'on peut associer à l'approche de collaboration adoptée par le gouvernement du Québec dans ses relations avec ses partenaires canadiens.

Sous plusieurs aspects, M. le Président, l'année 1988-1989 témoigne aussi d'une continuité dans un grand nombre de dossiers sectoriels façonnant le quotidien des relations fédérales-provinciales. À ce chapitre, l'activité de la dernière année a aussi été très intense. Plusieurs dossiers ont été conclus à la satisfaction du Québec; d'autres sont en voie de règlement. Bien que les relations intergouvernementales du Québec évoluent dans un climat sain de collaboration, cela n'empêche pas l'expression de vues divergentes. Toutefois, nous avons prouvé, depuis notre arrivée au pouvoir, que c'est en défendant ses dossiers sans rechercher la confrontation, mais soucieux de protéger les droits du Québec, M. le Président, que le Québec est en mesure d'occuper pleinement sa place de partenaire majeur et distinct dans cette fédération. Les résultats attestent de la rentabilité de notre approche.

Au cours de l'année écoulée, M. le Président, Se SAIC s'est donc vu confier, comme je le mentionnais tout à l'heure, des responsabilités importantes en matière économique à la suite des amendements apportés à la loi sur le Conseil exécutif par l'adoption de la nouvelle loi sur les affaires internationales. Ces nouvelles tâches tiennent à la cueillette et à l'analyse des données relatives aux programmes, politiques et lois du gouvernement fédéral et des autres provinces.

La loi prévoit aussi que le ministre identifie les politiques et les programmes pouvant avoir un impact financier au Québec, puis en fait l'évaluation en collaboration avec les ministères et organismes publics impliqués.

La nouvelle loi accorde de plus des responsabilités additionnelles au SAIC en ce qui a trait à la promotion commerciale sur le territoire canadien. Ainsi, M. le Président, le ministre, en accord avec les ministères et organismes intéressés, a pour rôle d'assurer la promotion des Intérêts du Québec et de favoriser le développement culturel, économique et social des Québécois, notamment, par l'établissement de relations intergouvernementales canadiennes.

Enfin, cette nouvelle loi confirme la responsabilité du ministre quant à l'élaboration, à la proposition et à la mise en oeuvre des programmes d'appui aux Canadiens d'expression française dans le reste du Canada.

Au cours de l'année 1988-1989, le SAIC a procédé, en collaboration avec certains autres ministères, à la mise en place d'outils de cueillette et à la réalisation d'analyses qui permettent de mieux faire ressortir la dimension économique et financière des dossiers intergouvernementaux en vue d'obtenir un traitement équitable reflétant davantage notre situation relative à l'intérieur de la fédération.

En ce qui a trait au nouveau volet de promotion économique, commerciale et technologique sur le territoire canadien, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes est en train de mettre en place des mesures qui lui permettront de Jouer un rôle de plaque tournante entre le réseau des bureaux du Québec au Canada et les différents ministères économiques. Pour ce faire, le SAIC s'est vu transférer quelques ressources (représentants commerciaux) qui oeuvraient déjà dans certains des bureaux du Canada, sous la responsabilité de l'ancien ministère du Commerce extérieur et du Développement technologique. Cette procédure nouvelle rend compte du désir du gouvernement de veiller, d'une façon plus soutenue, aux intérêts des entreprises québécoises dans les autres provinces. Des initiatives récentes confirment d'ailleurs cette volonté.

C'est ainsi que les représentants commerciaux, en poste dans les bureaux du Canada et ailleurs dans le monde, ont effectué, en mars dernier, une série de rencontres avec des gens d'affaires québécois afin de mieux connaître leurs besoins en matière d'aide à l'exportation.

En ce qui regarde les grands dossiers traités au SAIC au cours de la dernière année, mentionnons tout d'abord, M. le Président, le dossier constitutionnel. L'accord historique qui a été signé le 3 juin 1987 - l'accord du lac Meech - qui permettra au Québec de réintégrer la dynamique constitutionnelle à titre de partenaire majeur et distinct, fut le résultat d'une approche consensuelle à laquelle ont sincèrement participé les onze chefs de gouvernement au Canada. Non seulement cet accord est-if excellent pour le Québec, auquel on reconnaît le caractère distinct, mais encore permet-il aussi au Canada de célébrer son unité retrouvée. L'entente est également avantageuse pour chacune des régions qui y voit la possibilité de mieux se développer en fonction de son potentiel. Elle représente également un précieux acquis pour les minorités qui, avec la clause de la dualité, seront davantage protégées. Cependant, cet accord, M. le Président, ne règle pas tous les problèmes constitutionnels de la fédération; cela n'a d'ailleurs jamais été son but. Cette première phase, on l'a maintes fois répété, a uniquement trait au retour du Québec dans la dynamique constitutionnelle et à certains éléments fondamentaux pour assurer au fédéralisme canadien une réelle coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces. On pourrait la désigner de "Québec Round", cette entente constitutionnelle. Dans ce contexte, la réouverture de cet accord comporterait des risques difficilement mesurables pour l'unité canadienne. Aussi, le Québec oppose-t-il une fin de non-recevoir à cette éventualité. D'ailleurs, personne n'a pu identifier dans cet accord des failles majeures qui auraient pu en justifier la réouverture.

En outre, M. le Président, nous demeurons confiants que l'accord sera ratifié prochainement par les deux provinces restantes. Suite à la clôture de cette première phase, le Québec sera disposé à discuter des sujets inscrits à l'ordre du jour de la deuxième ronde de négociations constitutionnelles, comme cela est d'ailleurs prévu dans le texte de l'accord.

Autre sujet d'importance, la libéralisation des échanges avec les États-Unis, qui constitue un dossier majeur et qui a franchi une étape importante au cours de la présente année. Entré en vigueur le 1er janvier 1989, l'Accord de libre-échange est le fruit d'une intense collaboration fédérale-provinciale qui a permis au Québec de faire accepter ses points de vue et dont le résultat va dans le sens des intérêts de l'économie québécoise. Les discussions avec Ottawa portent maintenant sur la participation des provinces à la gestion de l'accord et à son élargissement, de même qu'aux divers mécanismes de règlement des différends.

D'autre part, des discussions sont également en cours concernant les mesures d'adaptation de la main-d'œuvre et des entreprises aux nouvelles réalités découlant de la libéralisation des échanges avec les États-Unis. Sur ce dernier point, M. le Président, les ministres MacDonald, Bourbeau et Gobeil ont fait connaître, le 7 mars dernier, les grandes lignes de la politique du gouvernement du Québec. Ce sont là deux volets majeurs qui sont reliés à la mise en oeuvre du traité auquel le gouvernement du Québec accorde la plus grande importance.

Le développement régional est un autre dossier d'envergure qui a connu des développements particulièrement positifs au cours de l'année 1988-1989. Le 9 juin 1988, les premiers ministres Bourassa et Mulroney assistaient à la signature d'une entente historique sur le développement économique des régions du Québec. De plus, les deux gouvernements signaient un protocole d'entente prévoyant la bonification des ententes auxiliaires 1985-1990 et consacrant un engagement solennel et concerté à poursuivre l'exécution de l'entente de développement économique régional Canada-Québec pour la période 1988-1994.

L'entente sur les régions du Québec prévoit, pour la. période 1988-1993, une somme de 820 000 000 $, soit une contribution fédérale de

440 000 000 $ et une contribution québécoise de 380 000 000 $. De cette somme, 486 000 000 $ seront consacrés aux régions de ressources, 330 000 000 $ iront aux régions centrales et 4 000 000 $ seront réservés à des études.

Cette entente est entièrement conforme aux principes défendus par le Québec en matière de développement économique régional, à savoir: premièrement, la prépondérance de la responsabilité du Québec sur la planification et l'établissement des priorités de développement économique de ses régions; deuxièmement, la nécessité d'utiliser les mécanismes, les structures et les programmes mis en place ou approuvés par le Québec; troisièmement, la maîtrise d'oeuvre québécoise pour tous les programmes ou projets relevant de la compétence provinciale.

Cette entente est la douzième entente auxiliaire conclue par les deux gouvernements dans le cadre de l'EDER. Elle constitue un complément aux programmations des ministères sectoriels et aux autres ententes auxiliaires qui permet de mieux tenir compte des besoins particuliers des régions.

Nous disposons désormais, M. le Président, de mécanismes de concertation souples et efficaces qui devraient nous permettre de mieux satisfaire ces besoins, tout en respectant les priorités identifiées par le milieu.

Les deux gouvernements ont aussi convenu, le 9 juin dernier, d'un protocole d'entente en vertu duquel ils acceptent d'injecter conjointement et à parts égales un montant de 150 000 000 $ pour permettre aux ententes auxiliaires existantes, dont les enveloppes financières sont épuisées ou presque, de compter sur des ressources suffisantes pour poursuivre leurs activités jusqu'au 31 mars 1990.

De plus, ce protocole contient un engagement de la part du gouvernement fédéral à entreprendre des négociations portant sur le refinancement des ententes auxiliaires existantes dans le but de leur fournir les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement pour la période 1990-1995.

Cet engagement fédéral confirme le rôie unique et la pérennité de l'EDER, l'entente de développement économique régional, comme instrument privilégié par nos deux gouvernements pour le développement économique régional du Québec. Enfin, ce protocole précise des modalités quant aux relations entre le gouvernement fédéral et Ie3 municipalités, qui font en sorte que tous les liens entre ces deux ordres de gouvernement doivent s'effectuer par l'entremise du gouvernement du Québec. Les Québécois se réjouissent des retombées positives qui résulteront de cette nouvelle entente. Mais il ne faut pas s'imaginer que les revendications et efforts du Québec en matière de lutte aux disparités régionales prendront fin avec cette entente.

La juste part du Québec à ce chapitre demeure notre objectif fondamental en regard des efforts consentis par Ottawa dans les autres régions du pays, notamment avec l'Agence de i'Atlantique et le Fonds de diversification de l'Ouest.

Le gouvernement du Québec accorde une grande importance au voiet interprovincial de ses relations intergouvemementales. Il est primordial, dans une fédération comme la nôtre, d'entretenir des relations cordiales et intenses avec les autres provinces. C'est d'ailleurs dans cet esprit que travaillent nos bureaux sur le territoire canadien.

Notre engagement dans la fédération nous convainc de l'importance de maintenir une vision canadienne dans la conduite de nos dossiers. C'est pourquoi nous favorisons, en plus des relations bilatérales régulières avec le gouvernement central, des échanges soutenus avec l'ensemble de nos autres partenaires canadiens. C'est dans cette optique que s'est inscrite la tournée du premier ministre en Colombie britannique, en Alberta et en Saskatchewan. Il a également effectué des visites au Manitoba, en Ontario, à l'Île-du-Prince-Édouard. Pendant cette période, le Québec a reçu la visite des premiers ministres de la Colombie britannique et de l'Ontario. De plus, les premiers ministres provinciaux se sont rencontrés au mois d'août, à Saskatoon, dans le cadre de la 29e Conférence des premiers ministres provinciaux

Nous aimerions enfin signaler que Québec sera l'hôte, du 20 au 22 août prochain, de la 30e Conférence des premiers ministres des provinces. On se souviendra que la première conférence avait été tenue à Québec en 1950, à l'invitation de M. Jean Lesage. On se souvient que la première conférence provinciale a été tenue à Québec, convoquée par Honoré Mercier. Si ma mémoire est bonne, c'était en 1887.

M. le Président, notons que cinq conférences ont eu lieu avant cette date et que, comme on le mentionnait tout à l'heure, la première a eu lieu en 1887, convoquée par le premier ministre du Québec, M. Mercier, justement sur un sujet qui est maintenant de grande actualité, c'est-à-dire le partage des responsabilités en matière fiscale et financière entre le gouvernement fédéral et les provinces.

De plus, 1989 marque le 125e anniversaire de la réunion des Pères de la Confédération, tenue à Québec le 18 octobre 1864, qui recevaient alors les 72 résolutions qui devaient permettre, trois ans plus tard, de jeter les bases constitutionnelles de la fédération canadienne.

On se souvient qu'il y a eu tout d'abord cette rencontre de Charlottetown où les représentants du Canada-Uni étaient présents et, à la suite d'une première rencontre bien exploratoire, on avait convenu de se retrouver à Québec en octobre pour établir les bases de cette fédération qu'on voulait construire. Il s'agira donc d'un anniversaire important puisque nous pourrons, avec cette réunion des premiers ministres provinciaux, célébrer à Québec le 125e anniversaire de cette première réunion des Pères de la

Confédération.

Nous avons maintenu un niveau d'activités élevé dans nos programmes de coopération avec l'Ontario et le Nouveau-Brunswlck. De plus, des discussions sont en cours afin de resserrer la coopération avec plusieurs autres provinces en vue d'en arriver à des accords-cadres.

Nous avons également renforcé nos liens avec les francophones du reste du Canada et nous avons procédé cette année à une réorientation de notre action à l'endroit des communautés francophones. À la suite de consultations auprès des associations francophones et des gouvernements des autres provinces, nous avons mis en place de nouvelles lignes d'action fondées sur le respect de l'autonomie et des priorités des francophones ainsi que sur la concertation avec les provinces concernées et le gouvernement fédéral. Les efforts de coopération avec les francophones hors Québec ont été intensifiés dans des domaines tels que l'éducation, la culture, les communications et la coopération économique. De plus, une attention particulière est portée à la jeunesse, notamment par la mise en place de programmes d'échanges. Enfin, trois moyens sont privilégiés pour renforcer l'ensemble de l'appui québécois à la francophonie canadienne: premièrement, des programmes d'aide destinés à soutenir directement les communautés francophones; deuxièmement, des accords de coopération avec les provinces concernées; troisièmement, le maintien des liens avec les associations francophones. Pour soutenir ses nouvelles actions, M. le Président, le gouvernement a substantiellement augmenté son appui financier et technique aux francophones du reste du Canada. De 1 000 000 $ qu'il était en 1987-1988, l'effort budgétaire québécois est passé à 2 100 000 $ en 1988-1989 et sera porté à 2 600 000 $ cette année. Il aura ainsi presque triplé en trois ans, témoignage éloquent et tangible d'un gouvernement qui s'est préoccupé, plus que le précédent, du sort des minorités. (9 h 45)

Les dossiers de continuité ont aussi occupé une place importante dans les activités du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes cette dernière année. En marge de ces dossiers majeurs dont je viens de faire le portrait très rapide, l'activité Intergouvernementale du Québec s'est poursuivie dans plusieurs autres domaines. L'intensité de ces activités se mesure, entre autres, par le nombre important de rencontres et de conférences auxquelles le Québec a participé au plan intergouvernemental. Signalons qu'en 1988-1989, il s'est tenu deux conférences des premiers ministres et plus d'une trentaine de conférences de ministres tant au niveau fédéral-provincial qu'interprovincial.

Enfin, les représentants du Québec ont assisté à plusieurs rencontres de fonctionnaires portant sur tous les dossiers sectoriels qui composent le menu de nos relations fédérales-provinciales et interprovinciales. Ces rencontres et conférences permettent de faire avancer des dossiers importants pour le Québec. Cependant, en marge de cet aspect plus visible de nos relations, l'avancement de nos dossiers est le résultat d'un travail intense et quotidien dans la défense des intérêts fondamentaux du Québec. Dans cette perspective, M. le Président, il apparaît intéressant de faire un rapide survol de certains dossiers qui ont connu des développements importants au cours des douze derniers mois.

Ainsi, au chapitre de l'environnement, mentionnons la conclusion d'une entente, le 3 Juin 1988, sur la dépollution du Saint-Laurent. Après de nombreuses années de négociations, le gouvernement fédéral consent à injecter 110 000 000 $ dans la réalisation de différents projets liés à la dépollution du Saint-Laurent dont ceux d'un centre de recherche, 55 000 000 $, et d'un parc marin, 7 500 000 $. Sur ce dernier point, des négociations sont en cours avec Parcs Canada afin de parvenir à une entente. Nos deux gouvernements se sont aussi entendus sur les grandes lignes d'un processus d'évaluation des impacts environnementaux des projets de loi fédéraux qui visent le Québec.

Dans le domaine de la technologie de pointe, tout le Québec s'est réjoui, le 1er mars dernier, de la conclusion du dossier de l'agence spatiale. Cette agence sera située à Montréal, emploiera plus de 200 chercheurs et administrateurs et gérera un budget de 3 000 000 000 $ au cours des dix prochaines années. Il s'agit d'un dénouement heureux pour Montréal et pour le Québec, après plus de deux ans d'efforts de la part de tous les intervenants québécois. À ce titre, le gouvernement, en dépit des jérémiades répétées de l'Opposition, a livré la marchandise.

Ce dossier a été mené de main de maître et, n'eut été l'esprit de collaboration qui préside généralement aux relations fédérales-provinciales, ce projet important aurait sans doute avorté.

Nous sommes confiants que l'implantation de l'Agence spatiale à Montréal sera déterminante pour le développement du secteur aérospatial au Québec et qu'elle contribuera à améliorer la part relative du Québec dans les dépenses fédérales en recherche et en développement.

Je veux d'ailleurs souligner la grande collaboration de l'Opposition, avec le député responsable du dossier. Ils ont pu s'associer à tous les secteurs d'activité économique du Québec pour que cette Agence spatiale soit située à Montréal.

La Papeterie de Matane constitue un autre dossier dont la conclusion intervenue en cours d'année a de quoi nous réjouir. Après plus de dix ans de délais de toutes sortes, l'usine a été inaugurée le 10 mars 1989.

Le gouvernement fédéral a accepté de verser une contribution de 24 500 000 $ à des travaux d'infrastructure pour l'implantation de cette usine. Ceci s'ajoute aux 55 000 000 $ consentis par le gouvernement du Québec pour la

construction de l'usine. Il s'agit là d'une réalisation majeure pour cette région du Québec qui verra son potentiel économique renforcé d'autant.

Au chapitre agricole, des négociations intenses avec le gouvernement fédéral ont permis d'en arriver à un accord sur le programme tripartite de stabilisation dans le secteur du porc. Il s'agit là d'un déblocage intéressant et d'un pas dans la bonne direction en vue de l'amélioration de la quote-part du Québec dans les dépenses agricoles effectuées par le gouvernement fédéral.

Dans le domaine de la fiscalité, il faut signaler que le gouvernement du Québec s'est entendu avec le gouvernement fédéral afin d'harmoniser sa structure fiscale à l'endroit des particuliers et des entreprises dans le cadre de la première phase de la réforme fédérale. Il en découle un régime fiscal simplifié et plus avantageux pour ies contribuables.

Quant à la seconde phase, qui porte essentiellement sur le remplacement de la taxe de vente par une taxe sur les transactions commerciales, le gouvernement du Québec considère inacceptable, illégitime, allant à l'encontre de la lettre et de l'esprit de notre constitution, et extrêmement étonnante la décision du gouvernement fédéral de procéder unilatéralement à une réforme de la taxe de vente.

Au cours de son histoire, le Québec a toujours défendu vigoureusement ses droits fiscaux et il en ira de même maintenant. Au moment où nous discutons des différentes implications que pourrait contenir cette taxe fédérale générale, il faut être conscients des pouvoirs du Québec pour assurer l'autonomie dans les champs de juridiction que la constitution réserve aux provinces.

La seconde phase de la réforme fiscale constitue un exemple où des interrogations justifiées ont été soulevées. Cependant, grâce à la vigilance constante de notre gouvernement, plusieurs dossiers importants ont été réglés de façon très satisfaisante pour le Québec. Par ailleurs, des progrès substantiels ont été observés dans plusieurs autres, lesquels seront vraisemblablement menés à terme dans les prochains mois.

Dans le domaine social, il a été abondamment question, au cours de cette année, du financement de la santé. A la demande des premiers ministres des provinces, les ministres provinciaux de la Santé et des Finances ont examiné le problème crucial que pose le financement du système de santé.

Les ministres ont examiné plusieurs aspects de cette question et se sont entendus notamment pour réclamer du gouvernement fédéral qu'il mette fin au désengagement financier auquel il se livre depuis quelques années afin que l'on puisse endiguer la détérioration du système de santé des diverses provinces canadiennes.

Il nous reste, M. le Président, bien sûr, dans ce contexte, à analyser toutes les implica- tions du budget fédéral qui a été dévoilé de la façon que l'on sait, hier soir, et qui sera présenté ce matin par le ministre des Finances du gouvernement fédéral. Nous pourrons donc à ce moment-là mieux connaître les intentions du gouvernement fédéral.

Au plan économique, plusieurs dossiers ont également connu des progrès significatifs. Mentionnons celui de la déréglementation de la vente d'électricité. Ottawa a annoncé, en septembre 1988, son intention d'introduire une nouvelle politique qui permettra au Québec d'exporter son électricité sans devoir au préalable obtenir l'accord de l'Office national de l'énergie. Il s'agit d'un déblocage important dans un secteur crucial de l'économie québécoise. Nous entendons bien faire en sorte que le gouvernement fédéral respecte ses engagements dans les meilleurs délais.

Au plan multilatéral, le dossier de la réforme des institutions financières Introduit par le gouvernement fédéral a connu des progrès importants. Québec et Ottawa ont signé une entente sur le volet des valeurs mobilières et les discussions se poursuivent quant aux autres aspects de la réforme, en particulier la question des compagnies fiduciaires de prêts et de prêts à charte fédérale.

Il y aurait matière suffisante pour s'étendre encore longuement sur le bilan des dossiers et des activités intergouvernementales du Québec, mais nous nous en tenons ici à l'essentiel. Il sera cependant possible d'aborder d'autres points à l'occasion des questions que voudront bien nous poser les membres de cette commission.

Ce bilan des relations du gouvernement du Québec avec le gouvernement fédéral et ceux des autres provinces s'avère positif et va dans le sens des acquis des dernières années. Cependant, la gestion et l'avancement des dossiers intergouvernementaux sont affaire de continuité et de permanence. De nombreuses questions majeures demeurent en suspens et sont destinées à occuper l'avant-scène des relations Québec-Ottawa. Ainsi, le SAIC accentuera le volet économique de son mandat de manière à permettre au gouvernement du Québec de disposer des meilleurs dossiers de négociation avec le gouvernement fédéral. Il en résultera un traitement plus équitable pour le Québec en regard des décisions et des actions fédérales qui nous affectent.

Dans cet esprit, au cours des prochains mois, les priorités du gouvernement du Québec dans ses relations fédérales-provinciales seront les suivantes. Premièrement, en ce qui regarde l'entente de développement économique régional, refinancement des ententes auxiliaires en insistant, notamment, sur: premier point, le respect des principes défendus par le Québec en matière de développement régional et mentionnés plus haut; deuxième point, la nécessité d'améliorer la situation économique relative du Québec; et, troisième point, l'engagement fédéral d'atteindre

l'objectif de réduction des disparités Inscrit à l'article 36.1 de l'Accord constitutionnel de 1982.

Deuxièmement, des mesures d'adaptation au libre-échange: financement des mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre et des entreprises en regard du libre-échange incluant, notamment, un assouplissement des mesures de fonctionnement des programmes fédéraux actuels.

Troisièmement, réforme de la taxe de vente, le respect de l'autonomie fiscale du Québec à la lumière de la volonté du gouvernement fédéral d'agir sans consulter les provinces. Ce respect demeure pour nous une très grande priorité.

Quatrièmement, stratégie fédérale de mise en valeur des ressources humaines, assurance que la réforme fédérale touchant la formation de la main-d'œuvre s'inscrive dans la nouvelle réalité créée par le libre-échange et tienne compte des intérêts du Québec.

Cinquièmement, ratification de l'accord du lac Meech: le Québec prônant une vision coopérative du fédéralisme et rejetant toute attitude passéiste de confrontation souhaite vivement que l'entente constitutionnelle de 1987 soit ratifiée dans les plus brefs délais. En cela, M. le Président, le gouvernement est confiant que le caractère raisonnable et nécessaire des demandes formulées dans cette entente saura amener les deux provinces récalcitrantes à s'interroger sur une attitude qui dessert la cause de l'unité nationale.

Au cours des dernières années, l'approche du gouvernement du Québec dans ses relations avec ses partenaires canadiens a été fondée sur la collaboration et la concertation, doublée d'une vigilance de tous les Instants dans la protection et la promotion des intérêts supérieurs du Québec.

À la lumière des commentaires précédents, il y a lieu de conclure que notre approche, qui sous-tend une vision lucide et généreuse du fédéralisme, a donné d'excellents résultats au Québec. Aussi, entendons-nous poursuivre dans la même direction. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre, de vos remarques. Je demanderais maintenant au porte-parole de l'Opposition officielle et député de Lac-Saint-Jean d'accomplir la même tâche, c'est-à-dire de procéder à ses remarques préliminaires.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, M. le Président.

M. le Président, le gouvernement Bourassa a pratiqué, depuis son arrivée au pouvoir en décembre 1985, une conduite des relations fédérales-provinciales visant essentiellement à éviter toute confrontation avec Ottawa sur la place publique, afin de maintenir à tout prix un climat harmonieux de bonnes relations avec Ottawa.

À la suite de l'adoption de l'accord du lac

Meech, en 1987, cette façon de faire a été littéralement subordonnée à l'atteinte d'un seul objectif, assurer la ratification de cet accord constitutionnel. En conséquence, le gouvernement Bourassa entend éviter tout geste ou toute revendication susceptible de compromettre le processus de ratification de cet accord constitutionnel. Cette obsession a connu son paroxysme au cours de la dernière campagne électorale fédérale, au moment où, on se le rappellera, la neutralité bienveillante de M. Bourassa à l'égard du premier ministre Mulroney n'a échappé à personne. Elle était évidente.

Avant de quitter le Conseil des ministres du Québec pour se faire élire sous la bannière libérale dans la circonscription fédérale de Hull-Aylmer, l'ex-ministre Gilles Rocheleau, estimant que les Québécois se font duper, berner et leurrer par le gouvernement Mulroney, commentait, en termes non équivoques, les résultats de la stratégie du gouvernement Bourassa et je le cite: "II y a des mamours qui sont naturels, d'autres moins. À un moment donné, il faut revenir a la réalité, il ne faut pas que ça devienne du somnambulisme, il ne faut pas dormir." Pourtant l'ex-ministre Rocheleau, élevé à l'ombre d'Ottawa, n'a jamais été reconnu comme un ardent défenseur des intérêts québécois.

Il est inacceptable que le gouvernement Bourassa, soucieux de ne pas indisposer Ottawa et le Canada anglais, sacrifie la défense des intérêts du Québec, particulièrement dans des dossiers économiques majeurs, à cette quête obsessive de la ratification de l'accord du lac Meech.

Nous reviendrons sur l'impasse dans laquelle se retrouve cet accord constitutionnel. Pour évaluer le bilan du gouvernement libéral en matière de relations fédérales-provinciales, il faut établir une distinction, je pense que c'est tout à fait essentiel, entre la perception des relations cordiales entre les gouvernements québécois et fédéral, d'une part, et la réalité des faits, en termes de prix à payer pour le Québec, de cette quête obsessive de la ratification de l'accord du lac Meech. Les Intérêts du Québec sont laissés pour compte dans plusieurs dossiers en raison de la mollesse du gouvernement Bourassa. (10 heures)

Le gouvernement Mulroney a multiplié les ingérences dans les secteurs de compétence du Québec. En adoptant en juillet 1988 la nouvelle loi C-72 sur les langues officielles, la Chambre des communes élargissait le champ d'application de cette loi au-delà des champs de compétence fédérale. Elle permet au gouvernement fédéral de subventionner directement les entreprises, les syndicats, les organismes bénévoles qui offriront des services bilingues. Cette Intrusion directe d'Ottawa en matière linguistique découle du concept de dualité linguistique reconnu par l'accord du lac Meech comme étant la caractéristique fondamentale du Canada que l'Assemblée

nationale aurait désormais le rôle de protéger et serait spécifiquement autorisée par les dispositions de l'entente sur la reconnaissance du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral.

Le Conseil de la langue française, dans un avis non équivoque sur la loi C-72, a clairement signalé que les objectifs poursuivis par la loi fédérale sont incompatibles avec ceux de la loi 101, notamment en matière de francisation des entreprises. Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, après avoir mis un temps considérable à prendre position dans ce dossier, a choisi de négocier avec Ottawa les modalités d'application de la loi C-72 plutôt que de la contester ouvertement et d'Inciter le gouvernement fédéral à faire marche arrière, à retraiter, et malgré ses prétentions répétées selon lesquelles le domaine linguistique est un domaine de compétence exclusive du Québec, non négociable. Cela ne paraît pas.

En négociant une telle entente avec Ottawa, Québec reconnaît, premièrement, que l'accord du lac Meech n'a rien réglé en matière linguistique pour le Québec; deuxièmement, l'application concrète du pouvoir de dépenser d'Ottawa dans un domaine de juridiction québécoise, conformément à la reconnaissance formelle de ce pouvoir de dépenser fédéral inscrite dans l'accord du lac Meech; troisièmement, la légitimité de l'action d'Ottawa pour occuper le terrain et donner un sens concret au concept de dualité linguistique prévu toujours par l'accord du lac Meech qui semble déjà vouloir avoir préséance sur le concept de société distincte.

En négociant une telle entente avec Ottawa dans le domaine linguistique, le gouvernement du Québec affaiblit sa position advenant des recours devant les tribunaux pour assurer le respect de ses juridictions dans ce secteur. En signant une entente avec Ottawa dans ce domaine, il reconnaît en effet implicitement les assises juridiques de l'intervention d'Ottawa dans le secteur de la langue prévues dans la loi C-72.

En septembre dernier, la Chambre des communes adoptait le projet de loi C-144 sur les garderies, concrétisant la stratégie nationale d'Ottawa sur les services de garde qui avaient été annoncés en décembre 1987. Faute d'adoption par le Sénat avant les élections fédérales de novembre dernier, le projet de loi C-144 est mort au feuilleton, pour employer le jargon parlementaire. Ottawa n'a toujours pas déposé un nouveau projet de loi pour concrétiser la stratégie nationale sur la garde des enfants, dont la mise en oeuvre a été réitérée lors du discours du trône.

Le projet de loi C-144 habilitait le gouvernement fédéral à conclure avec une province un accord définissant la nature et le montant de la contribution financière d'Ottawa. Cela permettait au gouvernement fédéral de déterminer, par voie réglementaire, la définition de services de garde pouvant faire l'objet d'une aide financière ainsi que les critères à respecter pour permettre à un organisme d'être considéré comme un organisme sans but lucratif.

La loi C-144 répète en tous points le scénario de la loi C-72, à savoir un empiétement direct d'Ottawa sur un secteur de compétence exclusive du Québec par le biais de son pouvoir de dépenser et en vertu d'une loi l'habilitant à agir dans ce sens. Cet empiétement du gouvernement fédéral s'inscrit en toute logique avec l'accord du lac Meech, où le Québec a reconnu, pour la première fois, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans les champs de compétence exclusive des provinces. De plus, le gouvernement fédéral octroie directement, sans approbation du Québec, des subventions pour les projets spéciaux à l'aide d'un fonds doté d'un budget de 100 000 000 $.

La réaction du gouvernement libéral québécois est aussi en tous points conforme au scénario de la loi C-72. D'abord inquiet, le ministre responsable des relations fédérales-provinciales s'engage à signer dans le cadre de ce fédéralisme de la bonne entente, un accord avec Ottawa pour réaffirmer, dira-t-il, avec sérieux la juridiction du Québec en la matière. Ce faisant, non seulement il accorde à Ottawa un droit de regard dans le développement du réseau québécois des garderies, mais il reconnaît implicitement, dans un texte ayant une portée juridique incontestable, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédérai dans ce secteur ainsi que la loi qui en constitue les assises juridiques.

A la lumière des fuites du budget Wilson d'hier, le gouvernement fédéral a décidé de surseoir à la mise en place des programmes à frais partagés prévus dans la stratégie nationale sur la garde des enfants, en raison de sa situation budgétaire. Or, cette décision d'Ottawa place la ministre québécoise déléguée à la Condition féminine dans une position intenable puisque le Québec comptait sur la contribution d'Ottawa pour financer en bonne partie son propre Énoncé de politique sur les services de garde à l'enfance. En janvier 1988, le premier ministre Mulroney annonçait la mise sur pied d'un fonds de 1 300 000 000 $ destiné à soutenir la recherche scientifique en milieu universitaire. Ce fonds suppose la mise en place de centres d'excellence qui distribueront directement les subventions aux institutions de recherche. Rappelons que ce fonds a été mis sur pied sans consultation préalable du ministre québécois de l'Éducation qui a candidement confessé avoir appris la création de ce fonds par la voie des journaux. Ottawa s'ingère directement dans un secteur de compétence exclusive par le biais de subventions directes qui infléchiront les priorités et les projets de recherche au sein des institutions universitaires.

Par son pouvoir de dépenser, Ottawa se donne un droit de regard au chapitre des priorités et des orientations quant à la recherche

scientifique universitaire au Québec. Paradoxalement, cette Ingérence en matière d'éducation postsecondaire survient au moment même où les paiements de transfert fédéraux diminuent dans ce secteur. Parallèlement, le gouvernement fédéral a multiplié les décisions et les gestes négatifs à l'égard du Québec, particulièrement dans les dossiers à caractère économique. J'en rappelle quelques-uns. D'abord, le Centre bancaire international de Montréal. Le projet de loi C-54, adopté en décembre 1987, constitue une version dénaturée, édulcorée et symbolique du projet initial, à la suite des pressions efficaces des milieux financiers de Bay Street auprès d'Ottawa. Le projet a été dilué à tel point que le comité du Sénat qui a étudié le projet de loi C-54 concluait, et je cite: Que les effets directs sur l'emploi et l'activité commerciale de Montréal et de Vancouver, à la suite de leur désignation comme centres bancaires, seront minimes. Toronto ne souffrira pas de ne pas être désignée centre bancaire international car les transactions permises sous ce statut restent limitées.

Le deuxième dossier, le contrat des frégates. En décembre 1987, les Québécois apprenaient ce que savait, depuis six mois, le ministre québécois de l'Industrie et du Commerce d'alors, Daniel Johnson, à savoir l'octroi en exclusivité du contrat de 3 500 000 000 $ pour la construction du deuxième groupe de six frégates aux chantiers maritimes de la St. John's Shipbuilding du Nouveau-Brunswick. La décision d'Ottawa avait été interprétée comme un moyen susceptible d'obtenir l'appui du gouvernement McKenna à l'accord du lac Meech. Alors, le Nouveau-Brunswick s'oppose plus que jamais à cet accord. De plus, le Québec ne pourra pas se rabattre sur le contrat des sous-marins à propulsion nucléaire, puisque le gouvernement fédéral abandonne ce projet en raison de sa situation financière. Cela a également été annoncé hier, en catastrophe, à l'occasion du budget fédéral.

Le troisième dossier, la bataille pour l'équité agricole. La mise sur pied, depuis 1986, de nouveaux programmes d'aide spéciaux, taillés sur mesures pour les producteurs de céréales de l'Ouest a provoqué une diminution importante de la part du Québec à l'intérieur du budget consacré par Ottawa au secteur agro-alimentaire. Alors que la production québécoise représente 16 % du secteur agricole canadien, le Québec ne recevait plus que 7,6 % du budget consacré par Ottawa à l'agriculture en 1987. À la suite de la mise en place d'un nouveau programme spécial de 850 000 000 $ destiné à venir en aide aux producteurs de l'Ouest victimes de sécheresse, la part du Québec à l'intérieur du budget fédéral consacré à l'agriculture continuera sans aucun doute à diminuer en 1988.

Autre dossier. Les contrats fédéraux de recherche et développement. La part du Québec en matière de contrats fédéraux de recherche et développement a diminué de 50 % à partir de 1985-1986, passant de 20,6 % en 1984-1985 à 10,6 % en 1985-1986 à seulement 10 % en 1986-1987, à 10,3 % en 1987-1988, selon un avis du Conseil québécois de la science et de la technologie.

La valeur de ces contrats fédéraux accordés au Québec est passée de 58 900 000 $ en 1984-1985 à seulement 19 300 000 $ en 1987-1988. Pendant ce temps, l'Ontario voyait croître sa part de 46,3 % en 1985-1986 à 48,7 % de la valeur des contrats accordés par Ottawa en 1987-1988.

Quant à l'entente Canada-Québec de développement économique des régions, Ottawa et Québec, on le sait, signaient en grande pompe à Québec, le 9 juin dernier, une nouvelle entente Canada-Québec prévoyant l'injection de 970 000 000 $ au cours des cinq prochaines années pour le développement économique des régions. L'effort d'Ottawa s'élevant à 515 000 000 $ dans le cadre de cette nouvelle entente est largement inférieur aux efforts qu'il consentira pour la même période au développement économique des régions de l'Ouest, soit 1 200 000 000 $ et 1 000 000 000 $ aux provinces de l'Atlantique. C'est aussi inférieur à ce qui avait été conclu en 1984 par l'ancien gouvernement, soit 900 000 000 $.

Quant à l'accès refusé à la zone de pêche de 200 milles, on se rend compte que, pendant que le Canada s'entend avec la France pour permettre l'accès à la zone canadienne de pêche de 200 milles aux chalutiers français, le gouvernement fédéral refuse toujours de permettre un tel accès à cette zone aux pêcheurs québécois, hypothéquant lourdement les perspectives de développement du secteur québécois des pêches. Après un premier refus pour la saison de pêche de 1988, le Québec a dû encaisser un second refus de la part d'Ottawa pour la saison de pêche de 1989.

Parlons maintenant du réseau ferroviaire. Le gouvernement fédéral adopte deux attitudes dans la gestion du réseau ferroviaire canadien, et ce, au détriment des intérêts du Québec. Ottawa a consolidé le réseau ferroviaire de l'Ouest canadien en soustrayant 90 % de ce réseau ferroviaire du mécanisme d'abandon des lignes non rentables, soit 25 000 kilomètres. Ces lignes déficitaires protégées jusqu'en l'an 2000 bénéficient de paiements fédéraux compensatoires de l'ordre de 1 400 000 000 $ d'Ici 1992.

Par ailleurs, alors que Terre-Neuve s'est vu offrir une compensation de 700 000 000 $ pour l'abandon de 1169 kilomètres de voie ferrée, 1000 kilomètres du réseau ferroviaire du Québec ont été abandonnés sans aucune compensation et 1000 autres sont en voie de le devenir. Le ministre fédéral des Transports, Benoît Bouchard, a refusé la demande de moratoire, en octobre dernier, sur l'abandon des lignes de chemin de fer, présentée par son homologue québécois Marc-Yvan Côté. Récemment, le gouvernement fédéral a décrété la fermeture du tronçon reliant Charny et Richmond. L'abandon des lignes de chemin de fer au

Québec affecte directement le développement économique des régions éloignées qui ont besoin du train comme moyen d'expédition des produits de leurs entreprises.

Pendant qu'il abandonne d'importants tronçons de chemin de fer au Québec, le gouvernement fédéral prévoit, au chapitre de la consolidation des réseaux pour la période 1988-1992, des investissements de 4 500 000 000 $ dans l'Ouest, de 4 100 000 000 $ pour l'Ontario et la région de l'Atlantique, comparativement à 1 000 000 000 $ seulement pour le Québec.

Un mot sur les transferts fédéraux et la loi C-96. La diminution des transferts fédéraux dévolue au Québec s'est intensifiée à partir de 1986, à la suite de l'adoption de la loi fédérale C-96 sur le financement des programmes établis. Le Québec se verra privé de 1 500 000 000 $ pour la période 1986-1992 en raison de cette loi fédérale C-96 adoptée en juin 1986, dont 390 000 000 $ pour la seule année 1989. Cette diminution affecte principalement les budgets québécois consacrés à la santé et à l'éducation postsecondaire, créant des pressions supplémentaires sur la situation des finances publiques de l'État québécois. Voilà une partie du prix à payer pour le Québec dans le cadre de cette stratégie de fédéralisme de la bonne entente axée prioritairement et obsessivement sur le processus de ratification de l'accord constitutionnel du lac Meech.

Qu'en est-il de cet accord, maintenant? L'accord du lac Meech est dans une impasse qui risque de lui être fatale. L'Opposition réitérée du gouvernement minoritaire de Gary Filmon, au Manitoba, et l'Opposition persistante du gouvernement McKenna, du Nouveau-Brunswick, laissent entrevoir peu de chances d'un déblocage avant l'échéance de juin 1990, sans amendement à cet accord. Il n'est pas étonnant, dans un tel contexte, que la rencontre des premiers ministres canadiens à Ottawa, en février dernier, n'ait pas permis de dénouer l'Impasse persistante dans laquelle se retrouve l'accord constitutionnel. L'élection récente d'un gouvernement libéral à Terre-Neuve dirigé par Clyde Wells, farouche opposant à cet accord, risque même de sonner le glas de celui-ci, selon les propos d'éditorialistes québécois. Ce M. Welis s'est même engagé à retirer la résolution d'appui à l'accord votée en juillet 1988 par l'Assemblée législative terreneuvienne, si celui-ci ne fait pas l'objet d'amendements majeurs. (10 h 15)

L'Opposition considère toujours que l'accord du lac Meech est mauvais pour les intérêts du Québec parce que le concept de société distincte est vide de sens, mais aussi dans la mesure où la portée véritable de l'accord est remise entre les mains des juges de la Cour suprême. Le Parti québécois exhorte le gouvernement libéral à revoir sa stratégie en matière de relations fédérales-provinciales en assurant une défense ferme et vigoureuse des intérêts du Québec. Le premier ministre Bourassa a lui-même reconnu la nécessité de modifier sa stratégie complaisante à l'égard d'Ottawa, soucieux d'éviter tout geste susceptible de compromettre l'accord du lac Meech.

En effet, on se rappellera qu'en février dernier, lors du conseil général de son parti, il déclarait et je le cite: "Le Québec ne demande pas de cadeau. Il demande simplement son dû. Pour utiliser une expression d'un de mes illustres prédécesseurs, le Québec veut son butin." C'était exactement le 19 février 1989. Les propos de M. Bourassa, sans être dénués de considération électoraliste, constituent cependant un aveu tardif de l'échec de sa conduite complaisante des relations fédérales-provinciales. Cette complaisance, soucieuse d'éviter tout geste susceptible de compromettre la ratification de l'accord du lac Meech, a empêché le gouvernement Bourassa de défendre adéquatement, efficacement et vigoureusement les intérêts du Québec auprès du gouvernement fédéral. L'adoption d'un ton plus musclé par le premier ministre à l'endroit d'Ottawa, depuis février dernier, n'a pas rapporté de grands dividendes pour le Québec.

De plus en plus isolé sur le front constitutionnel par sa propre stratégie, le gouvernement du Québec est désormais incapable d'exercer un véritable rapport de force face à Ottawa qui lui soit favorable. La quête du butin n'a pas donné lieu à de grands résultats. Le Québec a, certes, obtenu l'implantation d'une demi-agence spatiale à Montréal, mais, en contrepartie, il a dû accepter de voir plafonner à 35 % l'apport des contrats de 1 200 000 000 $ reliés au projet de station orbitale, véritable enjeu du programme spatial canadien. De plus, l'Agence spatiale n'est pas un véritable centre décisionnel puisque la firme Spar Aerospace de Toronto continue d'assumer la responsabilité d'octroyer les contrats reliés au projet de station orbitale, au grand bénéfice de l'Ontario qui s'est accaparé 80 % des contrats octroyés à ce jour relativement à ce projet.

Le premier ministre du Québec, malgré ses nombreuses tentatives, a été incapable d'infléchir la politique monétaire de la Banque du Canada qui contribue à la hausse soutenue des taux d'intérêt néfastes pour l'économique québécoise, au bénéfice de l'Ontario confronté à la surchauffe de son économie.

Où est-il, le premier ministre si soucieux de défendre les intérêts économiques du Québec, alors que la société Bombardier attend toujours l'aide financière d'Ottawa pour un prêt de 100 000 000 $ pour le lancement de la production d'un nouvel avion à réaction, le Canadair Regional Jet, alors que ce projet implique l'expansion des installations de Canadair à Saint-Laurent, dans le propre comté du premier ministre? Par ce projet, Canadair investira plus de 400 000 000 $ pour cette version allongée du Challenger et créera près de 3000 emplois. Il est difficilement compréhensible que le premier

ministre n'ait pas demandé publiquement à Ottawa de participer financièrement à ce projet.

Le gouvernement Mulroney, malgré l'appel pressant du premier ministre Bourassa, n'a toujours pas donné suite à une demande de participation financière dans le projet Soligaz, nécessaire à l'expansion des activités de l'industrie pétrochimique montréalaise. La réforme de l'assurance-chômage, annoncée lors du discours du trône, pénalisera le Québec aux prises avec un taux de chômage deux fois plus élevé que celui de l'Ontario. Cette réforme risque d'accroître la conversion de chômeurs en bénéficiaires de l'aide sociale, avec les coûts supplémentaires que cela suppose pour les finances publiques québécoises.

De plus, à même les économies réalisées par la réforme, Ottawa, par son pouvoir de dépenser, s'apprête, une fois de plus, à s'ingérer dans le secteur de la formation professionnelle relevant de la juridiction du Québec par un programme national de formation de la main-d'oeuvre, doté d'un budget de 800 000 000 $. Sans l'accord préalable des provinces, le gouvernement fédéral entend également imposer de façon unilatérale au Québec une nouvelle taxe de vente de 9 % qui s'appliquera à compter du 1er janvier 1991; on le sait maintenant, c'est officiel. De plus, selon les informations émanant de la fuite du budget, Ottawa diminuera de plus de 300 000 000 $ les transferts fédéraux consentis aux provinces. Tantôt, le ministre, solennellement, indiquait que son gouvernement s'opposerait farouchement à la poursuite du désengagement de l'État fédéral, en matière de transfert aux provinces; je lui signale que le désengagement se poursuit. Cette diminution affectera principalement le financement des programmes établis dans les secteurs de la santé et de l'éducation postsecondaire.

Manifestement, M. le Président - je termine là-dessus - le fédéralisme coopératif de la bonne entente a du plomb dans l'aile. Le prix à payer pour le Québec d'une stratégie qui a tout sacrifié à l'accord du lac Meech s'avère très lourd, trop lourd. Je vous Indique tout de suite, M. le Président, un peu comme nous l'avons fait l'an passé, que j'ai l'intention d'aborder un certain nombre de dossiers spécifiques, à commencer par l'accord du lac Meech, les transferts fédéraux, l'assurance-chômage, l'Agence spatiale, le secteur linguistique, etc.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. J'appelle donc maintenant le programme 4 du ministère du Conseil exécutif.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: ...est-ce qu'il serait possible de s'entendre sur le temps que nous allons utiliser pour cette commission? Est-ce qu'on pourrait préciser nos heures de travail?

Le Président (M. Dauphin): Je sais que, selon l'avis que nous avons reçu - vous me corrigerez, Mme la secrétaire - il est indiqué de 9 heures à 13 heures, pour reprendre après les affaires courantes, de 15 h 30 à 19 h 30. C'est l'avis que nous avons reçu.

M. Brassard: M. le Président, je vous dis tout de suite que j'ai l'intention d'aborder un certain nombre de dossiers. À partir du moment où j'en aurai terminé avec ces dossiers, quelle que soit l'heure, je n'ai pas l'intention...

Le Président (M. Dauphin): D'éterniser les travaux?

M. Brassard: ...d'éterniser les travaux pour le plaisir d'éterniser les travaux et d'écouler le temps. Si, à 18 h 30 ou à 18 h 40, j'en ai terminé avec les dossiers que j'entends aborder avec le ministre, on ne poursuivra pas pour le plaisir de poursuivre, on ajournera, tout simplement.

Le Président (M. Dauphin): C'est que l'enveloppe est de huit heures.

M. Brassard: L'enveloppe est de huit heures, mais on n'est pas obligés de les prendre au complet et à la minute.

Le Président (M. Dauphin): Cependant, on n'est pas obligés de les prendre, on peut arrêter avant.

M. Brassard: Mon objectif est d'aborder un certain nombre de dossiers. J'en ai cité quelques-uns. Ensuite...

M. Rémillard: M. le Président, on sait à quoi s'en tenir. Je veux dire à l'Opposition que, si on est ici ainsi que tous les fonctionnaires qui m'accompagnent, c'est pour apporter les réponses les plus claires, les plus limpides possible. J'ai vu, par l'exposé du député de Lac-Saint-Jean, les thèmes qu'il voulait aborder et le contexte dans lequel il veut les situer; ce n'est pas différent des années précédentes. Aussi, je vais essayer d'apporter les réponses les plus claires aux questions qu'il voudra bien me poser, comme les autres membres de cette commission.

Le Président (M. Dauphin): Très bien, M. le ministre. Comme je le mentionnais tantôt...

M. Brassard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

Discussion générale Accord du lac Meech

M. Brassard: D'abord, j'aborderais le dossier de l'accord du lac Meech. On sait qu'il reste quand même deux provinces récalcitrantes: d'abord, le Manitoba, qui continue de s'opposer à la ratification de l'accord du lac Meech et, également, le Nouveau-Brunswick de M. McKenna. Les deux souhaitent des amendements avant de procéder à l'adoption ou à la ratification. Tout récemment, l'élection d'un gouvernement libéral à Terre-Neuve, dirigé par M. Wells qui est un opposant déclaré à l'accord du lac Meech, apporte un changement au paysage politique canadien relativement à ce dossier constitutionnel.

J'ai entendu tout à l'heure le ministre reprendre les propos qu'il tient depuis avril 1987 et selon lesquels il s'agit d'un accord historique, etc. et que, selon lui - enfin c'est ce que j'ai cru comprendre - il n'était pas très inquiet quant au processus de ratification. Est-ce que le ministre continue d'être convaincu qu'avec ce qui se passe présentement, avec l'opposition de deux provinces, avec l'élection à Terre-Neuve d'un libéral s'opposant à l'accord, que le processus de ratification de l'accord du lac Meech n'est pas en panne comme le croient fermement certains éditorialistes du Québec qui s'intéressent à ce dossier? Je pense à M. Comeau du Devoir qui disait que la victoire libérale de Terre-Neuve pourrait bien annoncer le dernier coup de masse contre l'accord du lac Meech et M. Vennat de La Presse allait également dans le même sens. Est-ce que le ministre est toujours convaincu que l'accord du lac Meech sera ratifié? Que le processus de ratification sera vraiment complété? Sincèrement. Est-ce que le ministre n'a pas une certaine inquiétude sur le fait que cet accord risque de ne pas être complété d'ici 1990, d'ici l'échéance?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je demeure - et je le dis très sincèrement - convaincu que l'entente du lac Meech va être sanctionnée telle que prévu. Le 30 avril prochain, soit dans deux jours, cela fera deux ans que nous signions cette entente au lac Meech près d'Ottawa où les onze premiers ministres du Canada étaient réunis. Cela faisait plus d'un an, M. le Président, que nous discutions avec les provinces et avec le gouvernement fédéral sur la base de cinq conditions que nous avions établies pour redonner au Québec ses droits historiques perdus dans les négociations de 1981-1982 et pour redonner aussi à notre fédéralisme une nouvelle approche de coopération entre les deux niveaux de gouvernement.

Donc, pendant un an, j'ai visité toutes les provinces et j'ai même visité certaines provinces trois ou quatre fois. J'ai rencontré des premiers ministres et mes homologues dans toutes les provinces. Les fonctionnaires ont aussi fait leur tournée préparatoire. En fait, nous avons discuté avec les provinces et avec le gouvernement fédéral pendant un an avant de pouvoir nous asseoir à une table de négociation, toujours sur un plan très informel, au lac Meech où se sont rendus les premiers ministres pour en arriver, au cours de cette soirée du 30 avril 1987, à un accord historique. Plusieurs ont dit à ce moment-là, M. le Président: Vous voyez ce qu'ils sont allés chercher. Sis sont ailés chercher cette entente tout à fait exceptionnelle puisqu'on reconnaît que Se Québec est une société distincte. Et non seulement on reconnaît que le Québec est une société distincte mais on reconnaît en plus que l'Assemblée nationale, que le gouvernement du Québec, a le droit et le devoir de protéger et de promouvoir cette distinction. Alors on a dit: Vous auriez dû continuer à négocier. Vous seriez allés chercher pas mal plus. Et si l'entente du lac Meech avait été acceptée immédiatement par l'assemblée législative de toutes Ses provinces et par le Parlement canadien dans les semaines qui ont suivi son acceptation par les gouvernements, le 3 juin 1987, on aurait dit: Ils ont cessé de négocier. C'est dommage, on aurait pu aller chercher davantage. (10 h 30)

Mais de plus en plus, M. le Président, lorsqu'on voit que ce n'est pas facile de faire en sorte que toutes les provinces puissent accepter cette entente du lac Meech, on se rend compte de toute la qualité, de l'impact extrêmement significatif et historique que cette entente du lac Meech aura pour le Québec et pour l'ensemble de la Fédération canadienne. Bien sûr, des commentaires ont été faits un peu partout, sur l'entente du lac Meech. Certains premiers ministres l'ont critiquée et la critiquent encore. M. McKenna, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, qui critiquait l'entente du lac Meech, parce qu'il n'était pas présent, ce 30 avril 1987, il n'était pas présent ce 3 juin 1987 non plus, à Ottawa lorsqu'on a sanctionné un accord formel pour faire suite à l'entente du lac Meech du 30 avril. M. McKenna n'était pas premier ministre à ce moment. Il l'est devenu après. C'était M. Stanfield qui était au lac Meech.

M. McKenna a donc critiqué l'entente du lac Meech en disant: Cela ne reconnaît pas le droit des minorités. Peut-être a-t-il maintenant une meilleure connaissance de l'entente du lac Meech qui reconnaît pour la première fois le principe de la dualité canadienne dans la constitution canadienne et qui va permettre à la minorité francophone de l'extérieur du Québec, entre autres aux Acadiens, qui forment en eux-mêmes un peuple, avec leur culture, avec leurs institutions à bien des égards et avec leur façon d'être, de vivre en fonction de cette langue française que nous parlons. M. McKenna va se rendre compte qu'il peut faire beaucoup comme

premier ministre du Nouveau-Brunswick avec les pouvoirs qu'il détient déjà comme premier ministre d'une province.

M. Doucet, président de l'Association des Acadiens, disait à M. McKenna encore tout dernièrement dans le journal L'Acadie Nouvelle. Au lieu de contester l'entente du lac Meech, vous devriez inclure dans la constitution canadienne par la voie de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 - le rapatriement - le principe de l'égalité des deux langues officielles au Nouveau-Brunswick parce qu'il existe une loi, la loi 88, une loi très intéressante qui établit l'égalité des deux communautés linguistiques au Nouveau-Brunswick. Il pourra donc, à l'intérieur de la constitution canadienne, avec l'accord du gouvernement fédéral - et nous savons très bien que le gouvernement fédéral ne s'y opposera pas, il donnera son consentement - Inclure ce principe de l'égalité des deux langues officielles pour protéger les Acadiens. Il pourra aussi inclure un autre amendement important puisque M. McKenna voudrait que la dualité soit non seulement préservée mais aussi que les gouvernements s'engagent à la promouvoir.

Alors, on sait très bien que les autres premiers ministres des autres provinces n'accepteront jamais d'inclure cet élément de promotion. Déjà, ils consentent à inclure l'élément de protection et c'est déjà un pas significatif. Je peux vous dire que le premier ministre, M. Bourassa et le premier ministre M. Mulroney ont dû négocier ferme pour obtenir ce point. Alors, rien n'empêche M. McKenna de modifier sa propre constitution et de l'inclure dans la constitution canadienne aux articles 16 et suivants de la Loi constitutionnelle de 1982 et d'inclure aussi qu'en ce qui regarde le Nouveau-Brunswick le gouvernement du Nouveau-Brunswick, l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick non seulement s'engagent à protéger la dualité mais s'engagent aussi à la promouvoir.

Donc, le fondement des oppositions de M. McKenna contre l'entente du lac Meech repose sur la protection du droit des minorités. Nous disons deux choses à M. McKenna: Premièrement, l'entente du lac Meech n'a pas été faite pour établir un véritable code des droits des minorités et nous sommes prêts à discuter des droits des minorités dans un deuxième temps, dans une deuxième ronde de négociations constitutionnelles comme nous l'avons mentionné à plusieurs égards. De plus nous sommes prêts à nous asseoir à la table des négociations et à voir tous les aspects de ces droits des minorités si c'est le voeu de tous les premiers ministres. Nous disons, deuxièmement, à M. McKenna qu'il a la possibilité, comme premier ministre, de modifier la constitution canadienne, avec le simple accord du gouvernement fédéral et son propre accord comme gouvernement et comme Assemblée législative, et d'y inclure l'égalité des deux communautés linguistiques, et que son Assemblée, son gouvernement, s'engage non seulement à protéger, mais aussi à promouvoir la langue française. À ce moment-là, je pense qu'il aura fait encore beaucoup pour les Acadiens.

Quant à M. Filmon, M. le Président, le ridicule ne tue pas. Quand on voit M. Filmon faire campagne contre le lac Meech au nom du droit des minorités, alors que nous savons ce que le Manitoba a fait à la minorité francophone et ce qu'il continue encore à faire, il y a quelque chose d'un peu difficile à accepter de notre part. Nous sommes confiants que M. Filmon, que nous savons de bonne foi, qui recherche l'intérêt de ses gens du Manitoba où il y a une minorité francophone importante, où des Métis se sont prononcés en faveur de l'entente du lac Meech la semaine dernière - et c'est significatif, M. le Président - après les audiences publiques qui ont lieu présentement, pourra en arriver à la conclusion que l'entente du lac Meech est la solution pour que le Québec redevienne ce partenaire à part entière dans la fédération et que l'on puisse aussi établir des éléments fondamentaux de notre fédéralisme coopératif et aborder ensuite une deuxième ronde de négociations.

Quant à M. Wells, M. le Président, il a mentionné à quelques reprises ses préoccupations au sujet de l'entente du lac Meech. M. Wells a aussi mentionné qu'il avait d'autres préoccupations, dont des préoccupations économiques, avec, comme on le sait, un taux de chômage très élevé, et je crois bien qu'il a, lui aussi, cette préoccupation du bien-être de sa population et qu'on devrait probablement voir l'action de son gouvernement se développer pour trouver une solution à ses problèmes économiques. Nous n'avons pas à intervenir dans les choses d'une autre province et ce n'est pas notre intention d'aucune façon. Cependant, M. le Président, il faut bien comprendre que l'entente du lac Meech est un grand sujet d'intérêt national et, lorsqu'un premier ministre fait une déclaration sur le lac Meech, cela se retrouve dans la presse nationale canadienne.

Mais, au-delà de ces considérations politiques, tous les premiers ministres sont de bonne foi dans le sens qu'ils sont profondément sensibles à l'évolution de notre fédération et à la place du Québec dans la fédération, comme on a pu le voir tant au lac Meech qu'à l'édifice Langevin, le 3 juin suivant. Une injustice a été commise à l'endroit du Québec dans ses négociations de 1981-1982 et cette injustice, M. le Président, doit être réparée, et la façon de la réparer, c'est de répondre positivement aux cinq conditions; posées par le Québec: reconnaissance du Québec comme société distincte, reconnaissance de pouvoirs accrus en matière d'agriculture, reconnaissance d'un droit de veto pour le Québec, reconnaissance de la compétence législative du Québec dans son ensemble et d'un encadrement du gouvernement fédéral dans l'exercice de son pouvoir de dépenser et confirmation constitutionnelle de la nomination de ces

trois juges venant du Québec à la Cour suprême du Canada.

M. le Président, je réponds donc très sincèrement au député de Lac-Saint-Jean: Oui, je demeure profondément convaincu que l'entente du lac Meech sera sanctionnée avant le 23 juin 1990.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. !e ministre. M. le député.

M. Brassard: M. le Président, j'écoutais le ministre et je me disais: Voilà une manifestation exemplaire de ce qu'on appelle la foi du charbonnier, inébranlable et pas le moindrement affectée par le plus petit soupçon de doute.

Pourtant, son premier ministre est moins euphorique parce qu'il a reconnu enfin, le 6 avril dernier, en se portant à la défense de la clause dérogatoire, la clause "nonobstant", que le niveau de protection de l'accord du lac Meech et de la clause de la société distincte était insuffisant et que le Québec, par conséquent, avait un besoin essentiel du maintien de la clause "nonobstant" pour défendre son identité linguistique et culturelle. Il a aussi reconnu, d'ailleurs, que le bilinguisme était une caractéristique fondamentale du Canada, ce qu'on répète depuis que l'accord a été signé. On répète au gouvernement que le concept de société distincte est subordonné à la caractéristique fondamentale du Canada qu'est la dualité linguistique, c'est-à-dire le caractère bilingue du Canada, et donc du Québec aussi.

Non seulement la clause de société distincte est une clause interprétative mais, en p!us, elle est subordonnée à une autre qui est celle de la caractéristique fondamentale du Canada. Alors, au début du mois, le premier ministre Bourassa, pour justifier la défense vigoureuse qu'il faisait de la clause dérogatoire, considérée comme clause essentielle pour la protection des intérêts du Québec, reconnaissait que le niveau de protection de l'accord du lac Meech n'était pas suffisant et que la clause dérogatoire était donc essentielle.

Par conséquent, à la suite du débat sur la clause dérogatoire, son premier ministre est devenu passablement moins tranchant, pas mai moins euphorique quant à l'étanchéité, à la portée véritable et au degré de protection de l'accord du lac Meech. Je prends acte que le ministre est convaincu que cet accord va être ratifié. Je trouve cependant qu'il manifeste un peu de ce qu'on pourrait appeler de la pensée magique. Il prend probablement ses désirs pour des réalités parce que, à mon sens, la position du Manitoba et du Nouveau-Brunswick, du moins jusqu'à maintenant, ne s'est pas atténuée, n'a pas flanché et ne semble pas vouloir être ébranlée. Je comprends mai que, dans ce contexte, il fasse preuve d'une aussi grande confiance à l'égard de la ratification de l'accord du lac Meech.

Toujours sur le plan constitutionnel, je voudrais l'interroger sur la clause "nonobstant".

Le premier ministre du Québec, au début d'avril, montait aux barricades pour proclamer le caractère essentiel de la clause dérogatoire et, forcément, son maintien également dans la constitution. Mais, quelques jours plus tard, dans le but de réapprivoiser, de se raccommoder avec sa clientèle anglophone, il évoquait la possibilité d'en limiter, de façon substantielle, l'application en pariant, entre autres, de réduire la durée d'application de la clause, et, deuxièmement, la possibilité de son application avec une majorité plus forte à l'Assemblée nationale, la majorité des deux tiers. (10 h 45)

Peut-être que cela m'a échappé, mais je n'ai pas vu quelque part les commentaires ou l'opinion du ministre responsable du dossier constitutionnel à ce sujet. Le ministre des Affaires intergouvemementales canadiennes est-il en accord avec son premier ministre quant à une application plus restrictive de la clause "nonobstant" ou rejoint-il plutôt le ministre de l'Éducation qui, lui, ne semble pas très ouvert et qui a même plutôt fermé la porte à l'introduction de limitations quant à l'application de la clause "nonobstant"? Quelle est la vision ou le point de vue du ministre responsable du dossier constitutionnel sur cette question majeure de la clause dérogatoire?

M. Rémillard: M. le Président, la clause dérogatoire est une clause qui existe tant dans la Charte canadienne des droits et libertés que dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, pour permettre à un gouvernement, à une Assemblée législative, ici à l'Assemblée nationale du Québec de déroger à l'application entière de certains droits, de certaines libertés fondamentales. C'est donc avec beaucoup de - je devrais dire - délicatesse que nous devons aborder cette clause dérogatoire puisqu'il s'agit, par cette clause, de déroger à un des principes les plus fondamentaux dans toute démocratie, le respect des droits et des libertés de ces hommes, de ces femmes qui, réalisant qu'ils ont des intérêts en commun, d'ordre moral, d'ordre matériel, décident de vivre ensemble, d'organiser le pouvoir qui est inhérent à leur communauté sous la forme qu'ils veulent lui donner, respectant le principe que ce pouvoir sera en fonction des volontés qu'ils exprimeront en premier lieu, par le principe de la souveraineté qui leur revient et qu'ils délégueront à des élus qui occuperont ces postes de direction.

En conséquence, M. le Président, se souvenant de cette grande règle que le pouvoir est naturel, mais que l'abus du pouvoir est tout aussi naturel que le pouvoir lui-même - et cela se constate à tous les niveaux de la vie, vie végétale comme vie animale et vie humaine, bien sûr - dans une constitution qui se veut démocratique, il est essentiel... Une voix:...

M. Rémillard: II est Important de le réaliser. Je ne savais pas que Darwin était un amateur de la clause "nonobstant", M. le Président. En tout cas, peut-être que le député de Lac-Saint-Jean va nous apprendre des choses concernant Darwin et la clause "nonobstant" tout à l'heure, mais, pour le moment, ce que je voulais signifier c'est qu'une pièce maîtresse de toute constitution fondée sur le principe démocratique doit être une charte des droits et libertés, c'est-à-dire des droits et libertés que les citoyens et les citoyennes se gardent en disant: L'action du gouvernement ne peut venir toucher à ces droits et libertés.

Cependant, M. le Président, il est évident, qu'il n'y a aucun droit, aucune liberté qui peut être appliquée dans un contexte absolu. Cela doit s'appliquer dans le contexte social, culturel, politique, économique d'une société.

Pour ma part, je me refuse à considérer de possibles conflits entre l'intérêt de la collectivité et l'intérêt des individus. Pour mol, M. le Président, c'est un faux débat parce que, lorsque des hommes et des femmes décident de vivre ensemble, c'est parce qu'ils veulent partager un bien commun, et c'est ce bien commun qu'ils dégagent en fonction des objectifs qu'ils ont, c'est ce bien commun qui permettra à ces gens de vivre ensemble et, par conséquent, de voir à l'application de leurs droits et de leurs libertés.

La charte canadienne, tout comme la charte québécoise, prévoit une clause qu'on appelle limitative, c'est-à-dire une clause qui permet à un gouvernement, à une Assemblée législative ou au Parlement canadien de limiter la portée d'un droit, d'une liberté, mais cette limite doit être appréciée dans la mesure où elle est raisonnable et où elle peut se situer dans le contexte d'une société libre et démocratique. Elle doit être appréciée par un tribunal. Il est significatif, de toutes les discussions qui ont entouré la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de notre constitution depuis le rapatriement de 1982, de constater que le premier article de la cette charte n'est pas un droit ni une liberté, mais une possibilité de limiter la portée de la charte. Il faut comprendre, dans ce contexte, que la charte canadienne est venue bouleverser complètement la perception politique que nous pouvions avoir du rôle de nos institutions parlementaires, que nous avons héritée de notre tradition britannique.

On sait que nous avons un régime constitutionnel, une monarchie constitutionnelle fondée sur le principe de la souveraineté parlementaire. La souveraineté appartenait à Dieu et elle était déléguée au souverain. On sait que dans les années dix-sept cent, il y a eu la Révolution française, dont on fêtera justement le 200e anniversaire au Québec. On sait que nos amis français ont raccourci certains de leurs commettants, en particulier un roi et une reine, et qu'ils ont établi un grand principe qui avait été développé par Diderot, par Rousseau, de grands philosophes, selon lequel la souveraineté appartient au peuple. C'est le peuple qui est souverain, ce n'est pas Dieu ou qui que ce soit, c'est le peuple. Cela ne nie pas la possibilité d'une autorité beaucoup plus forte que l'humain, mais la souveraineté appartient au peuple.

Au même moment, du côté des îles britanniques, on ne raccourcissait qu'un seul souverain, Charles ter - on se souvient de Cromwell - et la souveraineté ne descendait pas jusqu'au niveau du peuple, elle s'arrêtait au niveau...

Une voix:...

M. Rémillard: Pardon, M. le Président?

M. Brassard: C'est simplement, M. le Président, que...

M. Rémillard: Mais j'explique la clause "nonobstant".

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: J'ai l'impression que le ministre se pense encore à l'université, il est en train de donner un cours de droit. Pourtant, ma question était bien simple: Est-ce qu'il est d'accord avec son premier ministre quant aux limitations, à une application restrictive de la clause dérogatoire? Vous savez...

M. Rémillard: J'y arrivais.

M. Brassard: ...je n'ai pas l'impression que ça a beaucoup de liens avec Marie-Antoinette.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: M. le Président, j'ai été Interrompu dans mon exposé au moment où j'y arrivais, justement.

Ce que je voulais donc dire, c'est que sur le plan de la souveraineté du Parlement, principe que nous avons hérité de notre tradition britannique alors que nos voisins du Sud ont plus la tradition de la Révolution française et des philosophes - pour eux c'est la souveraineté populaire - cela se reflète directement dans la Charte des droits et libertés dans le sens qu'en Angleterre, il n'y a pas de charte des droits et libertés formelle, par contre, c'est un pays qui a toujours été très soucieux de respecter les droits et les libertés. Nous, nous avons donc décidé d'inclure une charte des droits et libertés, mais ça venait bouleverser un peu notre perception du rôle parlementaire, parce qu'on se disait: Dans la mesure où on inclut, dans notre constitution, des droits et des libertés garantis à chaque citoyen, chaque citoyenne, ça implique évidemment que les tribunaux auront à se prononcer sur l'étendue de ces droits pour l'apprécier. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, M. le Président, un

droit à une liberté ne s'applique pas dans l'absolu, ça s'applique dans le contexte d'une société, donc ce sont les tribunaux qui vont l'apprécier. Par conséquent, ça vient certainement limiter le pouvoir de légiférer des gouvernements.

En conséquence, lorsqu'il y a eu ces discussions en 1981-1982, concernant la possibilité de mettre dans la constitution une charte des droits et libertés, des premiers ministres provinciaux ont dit: Attention! On vient toucher les compétences législatives des provinces sévèrement, c'est la capacité souveraine du Parlement de légiférer qui est touchée, et, pour notre part, iI faut protéger cette souveraineté. On a donc regardé la possibilité, d'une part, de faire en sorte que des droits et libertés soient vraiment respectés par une charte des droits et libertés, mais aussi la possibilité de pouvoir protéger cet héritage de la souveraineté du Parlement. Pour ma part, M. le Président, Je dois dire, entre parenthèses, que je considère que ce n'est pas le Parlement qui est souverain, mais que c'est le peuple qui est souverain. La souveraineté, nous l'exerçons, nous ici, les élus, parce que nous avons reçu un mandat populaire et quand ça ne fait plus son affaire, il nous relève de notre mandat, et c'est ça la démocratie.

M. le Président, par conséquent, nous nous sommes donc retrouvés avec une Charte canadienne des droits et libertés - eî nous retrouvons la même chose dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec - comportant une clause limitative, dans un premier temps laissée à la discrétion du tribunal, mais aussi avec une clause qu'on appelle dérogatoire. La clause dérogatoire a été confirmée par la Cour suprême, en fait tout dernièrement par l'affaire Singer. La Cour suprême a confirmé que, dans la mesure où le constituant a inscrit que chaque gouvernement - aussi au niveau du Parlement fédéral - pouvait utiliser cette clause que l'on retrouve à l'article 33 de la Charte canadienne des droits, comme à l'article 52 de la Charte québécoise des droits et libertés, cela permettait de mettre de côté l'application de droits et de libertés.

Personnellement, M. le Président, je dois dire que cette clause "nonobstant", je la considère comme un instrument valable pour un gouvernement, mais qu'un gouvernement doit l'utiliser avec quand même beaucoup de vigilance pour le respect des droits et des libertés, selon le principe démocratique.

Le premier ministre a mentionné une idée de réflexion qui parait intéressante. D'ailleurs, j'avais un collègue constitutionnaliste qui écrivait hier encore dans les journaux, le professeur Woehrling de l'Université de Montréal, de même que le professeur Brun aussi, que cette clause "nonobstant", cette clause dérogatoire permet à un gouvernement de dire: Bon, étant donné certaines circonstances, nous décidons de légiférer nonobstant, peu importent les droits et les libertés qui sont inscrits dans la constitution. Ce "nonobstant" vaut pour une période maximale de cinq ans. La premier ministre a parlé de certaines possibilités dont on pourrait discuter, en ce sens, par exemple, que cette période maximale pourrait être de trois ans et que le vote sur une telle clause dérogatoire pourrait être pris aux deux fiers de l'Assemblée nationale. Le premier ministre ne se référait pas, à ce moment-là, à un amendement constitutionnel qui pourrait lier l'ensemble des provinces et le Parlement canadien, puisqu'il ne voulait pas parler au nom des autres provinces et du Parlement canadien, mais parler simplement au nom du gouvernement du Québec qui pouvait discuter de cette idée.

Par conséquent, il s'agirait simplement, pour le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale du Québec, de décider d'utiliser cette clause "nonobstant" pour trois ans au lieu de cinq ans. Ce qui veut dire que, tous les trois ans, on reviendrait devant l'Assemblée nationale du Québec pour dire: Nous voulons appliquer encore une fois cette clause "nonobstant", ou bien: Nous ne voulons plus de cette clause "nonobstant". La décision serait prise par un vote des deux tiers. Cela rendrait plus difficile l'utilisation de la clause dérogatoire, mais ça ne l'empêcherait pas, parce que le premier ministre, M. Bourassa, a été très clair à ce sujet, je l'ai été moi-même à plusieurs occasions, le ministre responsable du dossier linguistique l'a été lui aussi, pour nous, la clause nonobstant est là, elle doit y demeurer et elle est un instrument important pour le Québec. (11 heures)

D'ailleurs, M. le Président, je dis qu'on ne peut modifier cette clause "nonobstant" sans le consentement du Québec. De par la constitution canadienne, cette clause "nonobstant" existe, elle peut être modifiée par sept provinces, totalisant 50 % de la population des provinces et le Parlement canadien, cependant elle touche des droits, privilèges, pouvoirs du gouvernement et de l'Assemblée nationale du Québec, c'est bien évident. Par conséquent, nous pouvons utiliser l'article 38, alinéas 2 et 3, qui nous permet de nous retirer d'un tel amendement, ce qui fait en sorte que toutes les autres provinces canadiennes pourraient bien vouloir abolir la clause "nonobstant", nous allons pouvoir la conserver, parce qu'il s'agit d'un instrument important pour la protection des droits du Québec.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, d'abord, oui le Québec pourrait, parce que la constitution dit que c'est pour un maximum de cinq ans, utiliser la clause dérogatoire pour moins de cinq ans, mais, pour le vote des deux tiers, je ne pense pas que ça puisse se faire sans amendement constitutionnel. La constitution dit: La clause dérogatoire entre en vigueur à la suite d'une

décision prise par une Législature. Par conséquent, ça implique la majorité simple, la majorité absolue, mais la majorité. Si le Québec décidait, sans modification constitutionnelle, de faire adopter que ce soit par un vote des deux tiers, à mon avis, ce ne serait pas constitutionnel, sans amendement. Cela étant dit, je comprends bien que vous êtes d'accord avec ces possibilités de limitation de l'application de la clause "nonobstant". Cela vous agrée, vous n'y voyez pas d'objection de fond, quant à vous, le responsable du dossier constitutionnel. Par conséquent, vous seriez enclin à conseiller au gouvernement d'aller dans cette direction, d'une part. D'autre part, vous me citiez Me Woehrling quant à ces limitations. C'était un paragraphe à la fin de son article; tout le reste de son article tend à démontrer que l'opinion du gouvernement du Québec sur le droit de retrait prévu dans les dispositions concernant la procédure d'amendement, l'article 38, ce n'est pas si sûr que ça s'applique à la clause dérogatoire. Cela peut s'appliquer, mais ce n'est pas si certain que ça, la certitude n'est pas absolue, et il a, dans son article, justement exposé un certain nombre d'arguments, à caractère juridique et constitutionnel, qui peuvent nous faire douter que le droit de retrait, prévu à l'article 38, alinéas 2 et 3, s'applique à la clause dérogatoire. Il est important de le signaler.

Vous êtes empressé d'être très heureux du dernier paragraphe de son article, mais il faut penser à tout le reste aussi. Quand M. Bourassa affirme péremptoirement qu'il n'y a pas de problème quant à la clause "nonobstant" pour ce qui est de son maintien - même si sept provinces sur dix comptant 50 % de la population du Canada adoptaient un amendement constitutionnel abrogeant la clause dérogatoire, il n'y a pas de problème, dit M. Bourassa, il y a toujours 38, deuxième et troisième alinéas; on va exercer notre droit de retrait assimilant la clause dérogatoire à une compétence législative - Me Woehrling, justement, dans cet article que vous évoquez, vous dit: Attention, ce n'est pas si sûr que ça, ce n'est pas si certain que ça que la clause dérogatoire puisse être assimilable à une compétence législative et que, par conséquent, le droit de retrait puisse s'appliquer à cette disposition constitutionnelle. Peut-être que oui, mais ce n'est pas si certain que ça. La certitude n'est pas absolue et il a aligné une série d'arguments qui pourraient fort bien être plaidés devant les tribunaux, devant la Cour suprême en particulier, pour démontrer que le droit de retrait ne s'applique pas à la clause dérogatoire. Encore là, j'invite le ministre à la prudence à ce sujet. Mais je comprends qu'il semble, en tout cas, d'après son propos, être d'accord avec les limitations qu'on pourrait apporter à l'application de la clause dérogatoire. J'en prends bonne note et je pose une dernière question, quant à moi, sur le dossier constitutionnel et qui concerne toujours l'accord du lac Meech.

Je reviens aux deux provinces récalcitrantes. Leur opposition n'a pas l'air de s'atténuer. Comment le gouvernement du Québec compte-t-il vaincre la résistance de ces deux provinces pour en arriver à la ratification de l'accord du lac Meech? Avez-vous une stratégie à appliquer, à mettre en vigueur, pour en arriver à faire tomber la résistance de ces deux provinces et aboutir, finalement, avant le délai prévu, à la ratification de l'accord du lac Meech? C'est bien beau de me dire que vous êtes convaincu, persuadé - comme vous l'avez dit tantôt, après un long détour, selon votre habitude - que ça va être accepté, ratifié et sanctionné avant 1990. C'est bien beau de dire ça, mais il reste que, quand on regarde les deux provinces en cause, elles n'ont pas l'air de relâcher leur opposition. Elles sont toujours très fermes, très déterminées. Leur opposition est toujours très forte. Comment le gouvernement du Québec espère-t-il vaincre la résistance de ces deux provinces? Si vous voulez la ratification de l'accord du lac Meech, il faut en arriver à vaincre la résistance de ces deux provinces qui ne s'atténue pas jusqu'à maintenant. Avez-vous une stratégie? Que comptez-vous faire? Est-ce que le gouvernement fédéral entend, de son côté, poser des gestes, faire des démarches, ou si c'est une attitude purement passive? Vous attendez que la grâce divine, même si Dieu ne détient pas la souveraineté, tombe sur les dirigeants de ces deux provinces, les éclaire subitement et que toute résistance tombe. Que comptez-vous faire?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Tout d'abord, je dois dire que je suis convaincu que l'entente du lac Meech sera sanctionnée d'ici le mois de juin 1990, pour une raison fondamentale. Ces deux dernières années, nous avons discuté de l'entente du lac Meech. Nous l'avons discutée d'abord ici, au saion rouge, dans la salle du Conseil législatif. Nous en avons discuté aussi avec toutes les provinces qui ont accepté de voter les résolutions, donc huit provinces qui ont tenu des débats. Certaines de ces provinces ont même tenu des audiences publiques extrêmement élaborées, comme l'Ontario qui en a tenu pendant plusieurs semaines, qui a publié aussi, par l'intermédiaire de son Procureur général, un rapport sur l'entente du lac Meech qui est d'une qualité tout à fait exceptionnelle. Au niveau canadien, on sait qu'il y a eu un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes; il y a eu aussi des audiences au Sénat. Après toutes ces études, pendant deux ans, une conclusion s'impose et c'est celle-ci: On n'a pu trouver aucune faille dans l'entente du lac Meech, aucune erreur. L'entente du lac Meech est là et, juridiquement, politiquement, en fonction des objectifs que nous recherchions, il n'y a aucune erreur, aucune faille qui a pu être trouvée dans l'entente du lac Meech.

Bien sûr, certains voudraient y trouver ta réponse à toutes les questions constitutionnelles qu'on peut se poser. Ce n'était pas l'objectif du lac Meech de vouloir solutionner tous nos problèmes constitutionnels et de faire toute !a réforme constitutionnelle du partage des compétences législatives entre Ses deux ordres de gouvernement ou la réforme de nos institutions fédérales comme le Sénat. Cependant, en fonction d'un des objectifs qui était, premièrement, de répondre aux cinq conditions du Québec pour redevenir un partenaire à part entière dans cette fédération, l'entente du lac Meech ne contient aucune erreur. Pour ma part, il est évident que l'entente du lac Meech sera sanctionnée d'ici juin 1990.

M. le Président, quelle est notre stratégie? Elle est basée sur un grand principe. Nous ne sommes pas des quêteux. On n'ira pas quémander quoi que ce soit, il y a eu une injustice commise en 1981-1982. Je ne veux pas revenir sur ces débats de 1981-1982. On sait que le gouvernement du Québec a été mis à l'écart des dernières séances de négociation qui ont abouti à la Loi constitutionnelle de 1982, au rapatriement de la constitution. Le Québec a perdu, entre autres, son droit de veto comme droit historique. Aucun gouvernement, de quelque tendance politique qu'il puisse être, ne pourrait accepter ce rapatriement de 1981-1982. C'est inacceptable pour les Québécois.

Certains diront que c'était un gouvernement indépendantiste qui était en place à ce moment-là, que c'était impossible de faire une réforme constitutionnelle. D'autres diront que le premier ministre Trudeau, à l'époque, avait promis une réforme constitutionnelle complète et qu'il n'a pas tenu sa promesse. Mais, M. le Président, cela ne nous donne rien de revenir là-dessus. La réalité, c'est qu'aucun gouvernement, peu importe sa tendance politique, ne pourrait l'accepter. Cependant, si nous avons l'entente du lac Meech, avec les cinq conditions que nous avons, nous pourrons adhérer pleinement, comme partenaire majeur et de plein droit, à cette fédération canadienne. Nous avons assez de fierté pour dire au reste du Canada: Mous vous avons posé cinq conditions; vous nous avez répondu positivement à ces cinq conditions ce 30 avril 1987, au lac Meech, par l'intermédiaire de vos chefs de gouvernement; vous nous avez répondu positivement devant l'ensemble de la population canadienne le 3 juin 1987 lorsqu'on a annoncé solennellement l'accord formel entre les onze premiers ministres concernant cette réponse positive du reste du Canada au Québec à ces cinq conditions. En conséquence, il n'est pas question que le gouvernement du Québec se comporte en quêteux et aille quémander quoi que ce soit. (11 h 15)

Nous sommes ouverts à la discussion avec les autres provinces. Nous avons discuté et nous discutons toujours avec des gens du gouverne- ment du Nouveau-Brunswick, du Manitoba. Cela nous fait toujours plaisir de voir nos collègues des autres provinces. J'en reçois beaucoup ici à Québec, qui est la capitale du Québec. On sait que le gouvernement travaille pour rehausser ce rôle de Québec capitale. Une façon de le rehausser, c'est de tenir des conférences fédérales-provinciales ici, à Québec. Quand on fait le bilan des trois ans et demi que nous venons de passer, on s'aperçoit du nombre considérable de conférences fédérales-provinciales et interprovinciales qui ont eu lieu ici, à Québec, et des rencontres entre ministres qui ont eu lieu ici, à Québec.

M. le Président, il y a de l'opposition de la part de deux provinces. M. Wells, le nouveau premier ministre de Terre-Neuve, semble montrer quelques réticences, mais comme j'ai dit tout à l'heure, cela ne nous inquiète pas beaucoup, parce qu'on sait que M. Wells a d'autres priorités, entre autres l'économie de sa province. Nous sommes aussi, comme gouvernement québécois, un partenaire économique de Terre-Neuve. Nous sommes particulièrement heureux de nous associer à cette province dans la mesure où ça fait notre affaire et ça fait son affaire à elle aussi. Mais on voit là un nouveau premier ministre libéral qui est le premier ministre Wells. On voit, là aussi, M. McKenna qui est un premier ministre libéral. On voit, là aussi, Mme Carstairs au Manitoba qui, depuis un bon bout de temps, critique fortement l'entente du lac Meech. Nous avons vu le Parti libéral fédéral, à ses assises à Montebello, discuter de l'entente du lac Meech.

Une chose est de plus en plus évidente. Si nos amis, les libéraux fédéraux, voulaient - je dis voulaient - creuser la tombe du lac Meech, ils creuseraient leur propre tombe. Je pense que c'est de plus en plus évident que l'entente du lac Meech est là pour s'appliquer à l'ensemble du Canada et que cette entente pourra être un fondement valable pour reconnaître les droits du Québec, lui redonner, entre autres, ce droit de veto perdu, mais lui permettre aussi d'adhérer à une fédération renouvelée par certains éléments de base qui sont importants et qui vont nous permettre de faire en sorte que cette fédération soit beaucoup plus fondée sur une réelle coopération entre les provinces et le gouvernement fédéral que sur un conflit perpétuel entre les deux niveaux de gouvernement.

M. le Président, je veux dire que, pour nous, iI est important que nous ayons au Canada un gouvernement fédéral fort. Le Canada est un immense pays, un pays faiblement peuplé, donc le régionalisme est très présent, très articulé, ici, au Canada, et nous considérons que nous avons besoin d'un gouvernement central fort. Mais cette force du gouvernement central doit être fondée sur une réelle coopération entre des provinces et le gouvernement fédéral. C'est la seule façon que nous allons pouvoir aborder les défis qui nous attendent, que ce soit le défi du libre-échange avec les États-Unis, mais aussi

tout ce défi économique qui nous vient de la continentalisation des entreprises à laquelle nous assistons depuis maintenant quelques années.

M. le Président, je demeure convaincu que l'entente du lac Meech pourra être sanctionnée d'ici juin 1990. On n'y a trouvé aucune faille. Cela démontre la qualité de cette entente, une entente historique. Je suis convaincu également que les deux provinces qui posent actuellement quelques questions avant de pouvoir adhérer à l'entente puissent recevoir des réponses à ces questions et y adhérer le plus tôt possible. Je demeure convaincu que tous les Canadiens vont se rendre compte que ce que nous avons dans l'entente du lac Meech, c'est certainement, dans un premier temps, la réponse positive du reste du Canada aux cinq conditions posées par le Québec, mais ce sont aussi ces éléments pour un fédéralisme coopératif. Je pense, entre autres, à cette conférence sur l'économie qui devra maintenant, obligatoirement, se tenir, être convoquée par le gouvernement fédéral une fois l'an. On sait que cette conférence sur l'économie, qui regroupe les provinces et le gouvernement fédéral, a été convoquée régulièrement depuis 1984. Mais il n'y a aucune garantie constitutionnelle à cet effet. C'est un élément qui est fondamental, M. le Président, parce que cette conférence va permettre ce dialogue, cette discussion entre le gouvernement fédéral et les provinces, que les provinces ne se fassent pas imposer unilatéralement des décisions sur le pian économique qui les confrontent à des situations difficiles. Cela ne veut pas dire qu'on veut minimiser les pouvoirs du gouvernement fédéral. Non. Ce que nous voulons, c'est une concertation, la possibilité de discuter ouvertement, que ces réunions soient la possibilité pour les provinces et le gouvernement fédéral de discuter, tous ensemble.

À cette disposition importante, on relie les dispositions du lac Meech sur le pouvoir de dépenser. Là encore, M. le Président, ce que nous recherchons, c'est l'efficacité gouvernementale. Il y avait dédoublement sur le terrain, parce que le gouvernement fédéral utilisait son pouvoir de dépenser dans les sphères de compétence provinciale. Nous disons: Vous allez respecter les sphères de compétence provinciale, vous allez utiliser un pouvoir de dépenser, nous vous le reconnaissons, mais attention, c'est en accord avec nous et dans le cadre que nous allons fixer. Dans ces considérations, M. le Président, on voit la possibilité d'établir un lien de coopération entre les deux ordres de gouvernement.

Ensuite, concernant la nomination des juges à la Cour suprême, et même aussi la nomination des sénateurs, par une liste qui est fournie par les provinces, c'est le gouvernement fédéral qui décide. Le gouvernement décide. Bien sûr, iI conserve son pouvoir de nomination, mais l'initiative vient des provinces. Encore là, c'est un bel exemple d'un fédéralisme de coopération.

Alors, M. le Président, je demeure très optimiste que l'entente du lac Meech sera acceptée, sanctionnée comme partie de notre constitution d'ici le mois de juin 1990.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, puis-je me permettre de vous dire que le ministre me fascine? J'ai rarement vu un cas exemplaire de pensée magique comme celui-là. Il prend vraiment ses. désirs pour des réalités. Il est convaincu que l'accord du lac Meech sera ratifié. J'ai beau lui signaler qu'il y a deux provinces qui continuent de résister avec fermeté et détermination et que cela ne semble pas s'atténuer, ça ne l'affecte pas. Ce n'est pas grave, cela va se faire quand même, parce que l'accord du lac Meech, c'est bon, c'est historique, il n'y a pas d'erreur, c'est étanche, c'est formidable, c'est magnifique. Cela va se faire quand même, par la force des choses.

Ma question était simple, je n'ai pas eu de réponse, mais en tout cas, je m'y habitue. Comment le Québec compte-t-il vaincre la résistance des deux provinces récalcitrantes? La réponse, c'est: On ne fait rien et on ne fera rien parce que je suis persuadé que l'accord du lac Meech va être accepté. Il reprend son discours, sa cassette habituelle. Remarquez que, personnellement, cela ne m'empêchera pas de dormir, parce que je continue de dire que c'est un mauvais accord constitutionnel, qu'on est allé en dessous du minimal et que, par conséquent, que ce ne soit pas ratifié, je pense que ce ne sera pas une mauvaise chose pour le Québec.

Sur le plan constitutionnel, il m'apparaît important d'aborder aussi la question de la taxe de vente, la question de la taxation indirecte, parce que cela m'apparaît... Oui?

M. Rémillard: M. le Président, je ne sais pas si le député de Lac-Saint-Jean me le permettrait, mais je viens d'avoir une information qui, je pense, peut l'Intéresser concernant l'affaire Irwin Toys. Le Jugement vient juste d'être rendu. Est-ce qu'il veut que j'en informe la commission?

M. Brassard: Sur la question des jouets, ça?

Une voix: La publicité aux enfants.

M. Rémillard: Oui, la publicité. Si vous voulez que je vous en informe, je peux vous en informer.

M. Brassard: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on en parle, mais je vais d'abord parler de la taxe de vente.

M. Rémillard: Oui, d'accord. Excusez-moi.

Taxe de vents sur les produits et services

M. Brassard: Cela rn'apparaît être un véritable forcing constitutionnel qui est en train d'apparaître actuellement au Canada. Le gouvernement fédéral, s'appuyant sans doute sur ses compétences en matière d'impôts et de taxes, a décidé de façon unilatérale, sans accord préalable avec les provinces, d'imposer une taxe de vente de 9 % sur la très grande majorité des produits et des services consommés au Canada, ce qui va, évidemment, réduire, de façon substantielle, le champ d'action des provinces dans ce domaine.

J'aimerais savoir du ministre responsable du dossier constitutionnel et des relations fédérales-provinciales ce qu'il entend faire ou ce que son gouvernement entend faire relativement à cette taxe de vente de 9 %. Est-ce que son objectif est d'en arriver à forcer le gouvernement fédéral à faire marche arrière et à laisser ce champ d'imposition aux provinces, donc au Québec, ou si, dans le délai qu'il reste à courir d'ici l'application de cette taxe, le 1er janvier 1991, il compte entamer des négociations, des pourparlers avec le gouvernement fédéral pour en arriver à un accord, à une entente quant à l'application de cette taxe qui est, sur le plan constitutionnel, peut-être conforme aux compétences du gouvernement fédéral, mais qui, sur le plan politique, est une véritable intrusion, une attaque frontale contre les pouvoirs et les champs de taxation du Québec? Quelle va être votre stratégie? Quel va être votre objectif? Forcer le fédéral à quitter ce champ-là et à trouver d'autres ressources, d'autres moyens de réduire son déficit, ou accepter le fait accompli et en arriver à négocier une entente ou un accord? Est-ce que vous avez déterminé cet objectif et cette stratégie, d'autant plus que le premier ministre, effectivement, a été assez évasif à ce sujet et qu'il a d'abord reconnu presque explicitement que le gouvernement fédéral avait pleine compétence dans ce domaine?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean me pose une question très importante, parce que les questions de fiscalité sont le fondement même du respect de l'autonomie des provinces. Dans ce contexte, cela fait déjà un bon moment qu'au ministère de la Justice et au SAIC, nous étudions toutes les modalités constitutionnelles et politiques concernant l'application d'une telle taxe fédérale. Nous avons des difficultés à préciser nos éléments d'analyse, parce que nous n'avons pas encore les réelles modalités d'application de cette taxe fédérale. Le budget nous en a parlé. Hier, on en a entendu parler dans les conditions qu'on sait. Ce matin, au moment où nous nous parlons, M. Wilson est en train de livrer son budget au Parlement canadien, à la Chambre des communes. Nous allons voir s'il y a des modalités d'application de cette taxe.

Mais, déjà, M. le Président, ce que nous pouvons dire, c'est qu'il est faux de prétendre que le gouvernement fédéral a un pouvoir illimité de taxer. C'est complètement faux. À l'article 91, paragraphe 3 de la constitution de 1867, il est très bien inscrit que le gouvernement fédéral a la possibilité de prélever des deniers par tout mode ou système de taxation. C'est vaste comme compétence, c'est évident. Cependant, une constitution, comme n'importe quelle loi, doit être lue dans son ensemble et un article se lire en fonction des autres articles. (11 h 30)

L'article 92 qui établit les juridictions, les pouvoirs des provinces, mentionne bien que la province a juridiction au paragraphe 2 concernant la taxation directe dans les limites de la province en vue de prélever un revenu pour des objectifs provinciaux. Or, M. le Président, qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire que la taxation est un sujet de juridiction mixte et le gouvernement fédéral et les provinces peuvent légiférer en matière de taxation. C'est un pouvoir, comme je le mentionnais tout à l'heure, qui est fondamental, M. le Président, parce qu'il se réfère à l'essence même des principes qui sont à la définition du fédéralisme, c'est-à-dire l'autonomie et la participation des États membres. Si les Pères de la Confédération, en 1867, ont décidé de former une fédération, c'est parce qu'ils ont voulu qu'il y ait des entités législatives que sont les provinces, qu'il y ait un gouvernement fédéral et que ces provinces aient des secteurs de juridiction qui leur sont exclusifs. L'article 92 et d'autres articles de la constitution sont particulièrement éloquents à ce sujet, mais, en particulier, l'article 92: les sujets qui sont de la juridiction de la province doivent être exercés par la province. Pour exercer une juridiction, M. le Président, il faut en avoir les moyens et les moyens, ça signifie la possibilité financière d'exercer cette juridiction. Ce n'est pas d'aujourd'hui, M. le Président, qu'on discute, dans cette fédération, du partage des responsabilités en matière fiscale...

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député, sur une question de règlement.

M. Brassard: Pourrait-on être un peu plus bref? Ce ne sont pas les articles 91 et 92 que je veux dans leur entier, mais simplement que vous me disiez si votre gouvernement reconnaît que, sur le plan constitutionnel, le gouvernement fédéral est parfaitement dans ses droits d'imposer une taxe de vente sur l'ensemble ou la plupart des produits et des services consommés au Canada. La plupart des constitutionnalistes qui se sont prononcés sur la question ces jours derniers sont formels. C'est sans équivoque en vertu, justement, de la disposition dont vous avez parlé tantôt: "par tout mode de taxation". Il est évident que, constitutionnellement et juridi-

quement parlant, le gouvernement fédéral est pleinement dans son droit d'imposer une telle taxe et que vous ne pouvez pas, sur le strict plan constitutionnel, vous y opposer efficacement. Cela m'apparaît évident. Par contre, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une bataille politique qui doit être menée. Traditionnellement, le Québec a toujours occupé ce champ de taxation et le fédéral, en l'occupant aussi largement, se trouve, évidemment, à restreindre les possibilités du Québec d'aller dans ce champ de taxation y puiser des ressources pour financer ses programmes et ses politiques.

Je n'ai pas l'impression que vous pouvez me dire ce matin que vous pouvez, comme gouvernement, contester, constitutionnellement parlant, cette initiative du gouvernement fédéral. La plupart des constitutionnalistes qui se sont prononcés là-dessus ces jours derniers sont formels: le gouvernement fédéral en a pleinement le droit. Quand vous parlez de juridiction concurrente, il m'apparaît évident que le gouvernement fédéral, pouvant puiser "par tout mode ou système de taxation", est pleinement dans son droit

M. Rémillard: M. le Président...

M. Brassard: Par contre, avez-vous l'intention, politiquement parlant, d'en contester la légitimité politique et de dire au gouvernement fédéral: Vous restreignez nos possibilités de taxation, vous nous limitez dans un champ qu'on occupe de façon traditionnelle et historique, et ce n'est pas acceptable, ce n'est pas convenable, et on vous prie, par conséquent, de vous en retirer, de trouver d'autres moyens? Ou acceptez-vous le fait accompli et négociez-vous des modalités d'application purement et simplement? La question politique, c'est celle-là.

M. Rémillard: M. le Président, tout à l'heure, j'essayais d'expliquer mon raisonnement pour en arriver à la conclusion que, non, le gouvernement fédéral n'est pas dans son droit, lorsqu'il utilise son pouvoir de taxation pour empêcher l'exercice du pouvoir de taxation provinciale, en fonction de notre constitution. Notre constitution comprend, M. le Président, autant la lettre que l'esprit, les ententes, les accords. Il faut se référer, M. le Président, à la définition d'une constitution donnée par la Cour suprême elle-même dans l'affaire du rapatriement en 1981. Il faut comprendre, M. le Président, ce que ça signifie. Une constitution, lorsqu'elle est fédérative comme la nôtre, doit s'interpréter en fonction d'une lettre et d'un esprit. Il est évident que l'article 92 donne des juridictions aux provinces. Par conséquent, elle implique les moyens d'exercer ces juridictions et, depuis les débuts de cette fédération, des accords ont été établis entre le gouvernement fédéral et les provinces pour établir le partage de l'assiette fiscale. Ces accords, ces conventions, ces coutu- mes ont fait en sorte qu'il y a eu entente entre le gouvernement et les provinces pour se partager l'assiette fiscale et, si le gouvernement fédéral agissait d'une façon unilatérale pour bouleverser ce partage, ces ententes, ces accords, il agirait d'une façon illégitime, inconstitutionnelle sur le plan de la légitimité, et, par conséquent, ce serait contestable. Nous entendons bien voir à ce que les droits du Québec soient respectés. Nous allons voir les modalités d'application de cette taxe; on ne les a pas encore, M. le Président. Donc, je ne peux pas me prononcer d'une façon définitive. Il n'est pas question que je donne Ici un avis juridique et que je me prononce d'une façon définitive parce que nousi n'avons pas les modalités d'application de cette taxe.

Cependant, ce que je peux vous dire, c'est que nous n'accepterons jamais de concéder les fondements du pouvoir de taxation du Québec, parce que nous avons là les fondements de la protection de l'autonomie gouvernementale québécoise en matière du respect de ses juridictions que nous retrouvons dans la constitution canadienne. M. le Président, je peux vous assurer que nous allons être extrêmement vigilants. Notre stratégie, c'est strictement de revendiquer des droits et de dire au gouvernement fédéral: Non, vous n'êtes pas dans votre droit; si vous voulez empêcher la province d'exercer son pouvoir de taxation, vous n'êtes pas dans votre droit constitutionnel en fonction de l'esprit, de la légitimité, de la lettre de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, qui est maintenant la Loi constitutionnelle de 1867, et en fonction de la réalité qui s'impose à nous tous depuis ces batailles constitutionnelles et politiques qui ont eu lieu depuis le début de cette fédération.

M. le Président, on s'est référé aux ententes Duplessis-Saint-Laurent en 1954. On aurait pu se référer aussi aux ententes Lesage en 1964, aux ententes Bertrand, Johnson, Bourassa, dans les années soixante-dix. Ce sont des ententes, ce sont des accords qui sont venus consolider ce partage des responsabilités entre le fédéral et les provinces concernant l'assiette fiscale. Toute atteinte à ce partage en fonction de notre histoire, de ces ententes, est une action unilatérale, inacceptable à nos yeux.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, d'abord, je ne vois pas en quoi on doit attendre les modalités. Ce n'est pas sur les modalités que ma question portait, c'est sur le principe même. Le gouvernement fédéral décide, unilatéralement, de taxer, à un taux de 9 %, la très grande majorité des produits et services consommés au Canada. Il n'empêche pas le Québec d'imposer et de taxer. Cela s'ajoute à la taxe de vente québécoise sur la plupart des produits et des services consommés. Quand vous me dites - vous faite encore de

la pensée magique - Si le gouvernement fédéral veut - c'est du cocorico constitutionnel, comme vous en avez l'habitude - empêcher le Québec d'exercer ses compétences... Bien non, ii n'empêche pas le Québec. Il ajoute une taxe à la taxe québécoise où il y en a déjà. !! en met même à certains endroits où il n'y en a pas. À ce moment-là, le gouvernement québécois, s'il a besoin d'élargir sa taxe de vente, sera pris avec la présence, déjà, du gouvernement fédéral dans certains services où il n'impose pas présentement de taxe. Il n'empêche pas le Québec. Vous n'irez pas devant les tribunaux parce que le gouvernement fédéral empêche le Québec d'exercer sa juridiction ou sa compétence en matière de taxation direction. Il ajoute une taxe de vente, sans entente, sans accord avec les provinces, en vertu de ses compétences constitutionnelles.

Premièrement, c'est sur le principe de la taxe de vente de 9 % du gouvernement fédéral sur l'ensemble des produits et des services que ma question portait, pas sur les modalités. Les modalités, on n'a pas besoin de les connaître. Ce sera important de les connaître pour les contribuables, mais, sur le plan constitutionnel, on n'a pas besoin de les connaître. C'est le principe même qu'il faut savoir: une taxe de 9 % sur presque tous les produits et services consommés au Canada qui s'ajoute à la taxe québécoise déjà en vigueur. Alors, il ne nous empêche pas de taxer, il en ajoute une autre, accroissant forcément, ici, le fardeau fiscal des contribuables et ça nous limite, forcément aussi, comme province, à aller plus loin ou à taxer dans certains domaines où on ne taxe pas présentement.

Ce que vous me dites, c'est que, constitutionnellement parlant, le gouvernement fédéral - j'aimerais bien que vous me le répétiez - n'a pas le droit constitutionnel d'imposer une taxe de vente de 9 % sur la très grande majorité des produits et services consommés au Canada, il n'en a pas le droit, que c'est non seulement illégitime, mais inconstitutionnel, et que votre gouvernement, partant de là, a donc l'intention de contester non seulement la pertinence politique d'une telle initiative fédérale, mais la constitutionnalité de la mesure, de la démarche et de l'intention fédérale d'imposer une taxe de vente de 9 %.

C'est important, en tant que jurisconsulte du gouvernement du Québec et responsable du dossier constitutionnel, que vous nous disiez, ce matin, si vous jugez l'initiative fédérale comme étant inconstitutionnelle et que, par conséquent, votre stratégie consistera d'abord à en contester la légitimité et la constitutionnalité.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je dois dire, tout d'abord, que je ne réponds pas à ces questions en tant que jurisconsulte et je n'ai pas l'intention de donner un avis juridique ce matin; le député de Lac-Saint-Jean le comprend très bien. Tout à l'heure, lorsqu'il m'a interrompu pour dire que ma réponse était trop longue, parce qu'il faut lui expliquer, ce n'est pas facile ces choses-là, je lui expliquais que notre conclusion, c'est que le gouvernement fédéral ne serait pas dans son droit d'empêcher le Québec ou une autre province d'exercer cette responsabilité, cette juridiction qui est là en vertu de l'article 92, son pouvoir de taxation directe. Je dis qu'il n'est pas dans son droit, me référant à la constitution dans ses fonctions de légalité et de légitimité en regard des accords, des ententes qui ont eu lieu entre les deux niveaux de gouvernement depuis que cette fédération existe. Or, c'est ce que j'ai dit. En fonction de ça, il reste maintenant à voir les modalités d'application de cette taxe de vente. Le député de Lac-Saint-Jean a dit: Une taxe de vente de 9 %. Écoutez, il faut bien comprendre qu'il existe déjà une taxe de vente; elle existe, au niveau fédéral, à bien des niveaux: le manufacturier...

M. Brassard: Pas sur les produits.

M. Rémillard: Là, il arrive avec une nouvelle taxe de vente. Je ne peux pas me prononcer, M. le Président, définitivement, avant de savoir toutes les modalités d'application de cette taxe. Nous sommes en étroite relation avec le ministère des Finances. J'ai rencontré à quelques reprises le ministre des Finances. Nous avons même eu des réunions ensemble avec nos fonctionnaires pour étudier ça. Cela fait déjà un bon bout de temps que nous étudions cette question et je peux vous dire que rien n'est laissé à la légère. Tous les aspects sont étudiés. D'éminents juristes se penchent sur la question, tant des gens de mon ministère que d'autres du ministère des Affaires intergouvernementales et je peux vous dire que rien ne sera laissé au hasard. On veut avoir tous les aspects de la question pour faire respecter les droits du Québec. (11 h 45)

Comme je le mentionnais tout à l'heure, M. le Président, c'est un aspect qui est essentiel, parce que si nous n'avons pas les moyens nécessaires pour exercer nos juridictions, à quoi ça sert d'avoir des juridictions? Ce n'est pas un discours nouveau. C'est un discours qui a été tenu par tous les premiers ministres de cette province, parce que ce n'est pas une bataille nouvelle. Cela existe depuis que la fédération existe, en 1867.

Alors, peu importent les partis politiques, il y a toujours eu un même discours qui a été tenu par les chefs politiques du Québec visant à protéger la capacité fiscale et financière du Québec et, en conséquence, M. le Président, je peux vous assurer que nous ne négligeons absolument rien pour faire en sorte que ces lois soient respectées.

Ma conclusion est simple: Pour autant que

le gouvernement fédéral veuille, d'une façon unilatérale, empêcher une province d'exercer sa compétence en matière de taxation, pour autant que le gouvernement fédéral vienne, d'une façon unilatérale, bouleverser les ententes, les accords qui constituent le fondement de ce partage de l'assiette fiscale entre le gouvernement fédéral et les provinces... Parce qu'il faut bien comprendre qu'il y a une capacité de taxer parce qu'il y a une capacité pour les citoyens et citoyennes canadiens de payer des taxes.

C'est toujours facile pour des gouvernements d'imposer des taxes. Le député de Lac-Saint-Jean semble dire: C'est 9 %, le Québec peut mettre 3 % de plus. C'est ça qu'il faut voir. C'est la capacité d'absorber ces taxes de la part du consommateur. Il y a des limites à la capacité des gouvernements d'agir. Là, on en arrive à cette capacité pour le gouvernement fédéral d'agir d'une façon unilatérale qui, à notre avis - mais il reste à voir les modalités d'application de la charte - doit se limiter dans le contexte du respect de ces ententes, ces accords que nous avons et qui font partie de notre constitution.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

M. Brassard: On peut peut-être passer à Irwin Toys s'il le veut.

Décision de la Cour suprême concernant la publicité destinée aux enfants

Le Président (M. Dauphin): À la demande d'un des membres de la commission, nous allons suspendre quelques minutes. Allez-y, M. le ministre, sur Irwin Toys.

M. Rémillard: M. le Président, je viens tout juste d'être informé que la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l'affaire Irwin Toys. Il y avait un banc de cinq juges et le Québec a gagné cette cause. Cinq juges sont d'avis que la loi interdisant la publicité destinée aux enfants constitue une entrave à la liberté d'expression. Donc, l'ensemble du banc est d'accord pour dire que limiter la publicité destinée aux enfants, c'est une limite à la liberté d'expression.

Cependant, trois juges en arrivent à la conclusion que cette limite est raisonnable et qu'elle se comprend dans le contexte d'une société libre et démocratique comme la nôtre. C'est donc l'application de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés dont nous avons discuté tout à l'heure qui amène une majorité de juges de la Cour suprême à conclure que, même s'il y a limite à la liberté d'expression par cette loi québécoise qui empêche la publicité destinée aux enfants - qui la limite en tout cas - cette limite est tout à fait constitutionnelle et respecte la charte dans la mesure où c'est une limite raisonnable, parce qu'elle visait des objectifs qui étaient raisonnables - la protection de l'enfant - et qu'elle utilisait des moyens qui étaient en conformité avec ces objectifs et, par conséquent, que cela se justifie dans le contexte de notre société libre et démocratique.

Voilà la décision de la Cour suprême qui vient tout juste d'être rendue, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre, on vous remercie de cette information.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député, vous avez une question?

M. Brassard: Non, j'ai un commentaire. Le Président (M. Dauphin): Allez-y.

M. Brassard: Simplement pour dire que je suis fort heureux, moi aussi, que le Québec ait gagné sa cause devant la Cour suprême. Même si les limitations concernant la publicité destinée aux enfants constituent, selon la cour, une entrave à la liberté d'expression, cependant, la cour s'empresse de dire que ce sont là des limites justes et raisonnables aux droits et libertés, en particulier à la liberté d'expression.

Moi, je suis fort heureux de ce jugement, mais je me permettrais de dire également que je suis quand même un peu étonné de constater que, quand il s'agit de la langue, donc de l'identité culturelle des Québécois, les restrictions que le gouvernement et l'Assemblée nationale y apportent ne sont jamais des limites justes et raisonnables.

Dans le cas présent, il s'agit de publicité destinée aux enfants. La cour décrète, très majoritairement, qu'il s'agit là, finalement, de limites justes et raisonnables qu'on apporte à des droits fondamentaux. Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec les jugements de la Cour suprême dans une cause parallèle concernant la langue, concernant les droits linguistiques, la question linguistique. Je ne peux m'empêcher de constater que, dans ce cas, c'est curieux de voir qu'il n'y a jamais de limites justes et raisonnables. Le discours commercial, l'affichage commercial, c'est tellement l'expression d'une liberté fondamentale, qu'il ne faut surtout pas y apporter des limites, des restrictions.

C'est condamnable dans le cas de la publicité pour les enfants et je suis d'accord. Je suis d'accord pour que, dans le cas de la publicité pour les enfants, on y apporte des limites jugées justes et raisonnables. Je suis fort heureux qu'on ait eu gain de cause, mais, dans le cas de la langue dans le discours commercial, je me rends

compte et je constate que la même cour n'a pas jugé les restrictions apportées par l'Assemblée nationale, par la loi 101, comme étant justes et raisonnables. C'est quand même étonnant.

Le Président (M. Dauphin): Alors, nous allons suspendre quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 53)

(Reprise à 12 h 4)

La Présidente (Mme Bleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

On peut recommencer nos travaux. Je déclare la séance ouverte et je donne la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean.

Réforme de l'assurance-chômage

M. Brassard: Mme la Présidente, j'aborderai le dossier de la réforme de l'assurance-chômage. On sait que, tout récemment, le gouvernement fédéral annonçait une réforme majeure du régime d'assurance-chômage, qui avait des conséquences assez graves sur les chômeurs eux-mêmes. D'abord, resserrement des critères d'admissibilité, réduction des prestations, etc. Enfin, ça les concerne, mais, en même temps, il nous annonçait que 800 000 000 $, à même les économies réalisées par la réforme, seront réinvestis en formation de la main-d'oeuvre. Il est évident qu'on sait qu'à ce moment-là, ça devient une ingérence de plus du gouvernement fédéral directement en matière de formation professionnelle, donc dans un champ de juridiction des provinces, c'est-à-dire l'éducation. Cela se fait, encore une fois, par le biais de son pouvoir de dépenser. On sait que dans ce domaine de la formation professionnelle, de la formation de la main-d'oeuvre, c'est un fouillis assez indescriptible, parce que les deux paliers de gouvernement s'y retrouvent, et ce n'est pas toujours très cohérent.

Ma question au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes est la suivante: Est-ce que votre gouvernement a l'intention d'agir pour que la formation professionnelle relève d'abord et avant tout du gouvernement québécois, et est-ce que vous ne trouvez pas que cette intrusion du gouvernement fédéral, à la suite de la réforme de l'assurance-chômage, dans le domaine de la formation professionnelle, serait l'occasion inespérée et rêvée pour que le Québec réclame le retrait du gouvernement fédéral de ce domaine, avec, évidemment, compensation financière, et que le Québec soit l'unique maître d'oeuvre des interventions en matière de formation professionnelle sur son territoire?

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Rémillard: Mme la Présidente, tout d'abord, il est bon de rappeler que c'est en 1941 que les provinces ont donné leur consentement unanime pour que le gouvernement fédéral ait juridiction sur l'assurance-chômage. Le comité judiciaire du Conseil privé avait décidé que c'était de juridiction provinciale, mais les provinces ont dit: Très bien, on donne juridiction au gouvernement fédéral. Remarquez que ce n'est peut-être pas la meilleure décision qui a été prise, mais il faut comprendre le contexte de cette époque. C'était dans la période du deuxième conflit mondial. Les provinces n'avaient pas le sou. Encore une fois, c'était une question de fiscalité. Elles n'avaient pas les moyens d'exercer leur juridiction et d'assumer leurs responsabilités. Elles ont unanimement accepté que le fédéral s'occupe de l'assurance-chômage. M. le Président, à partir de là, il y a toujours eu des relations quand même étroites entre le gouvernement fédéral et les provinces, en particulier, le Québec, en ce qui regarde tous les éléments qu'on peut considérer comme ancillaires ou accessoires et qui peuvent se rapporter à des compétences provinciales. Une compétence très importante parce qu'elle se réfère à notre juridiction exclusive en matière d'éducation, c'est la formation de la main-d'oeuvre. Sur cette question, il reste à voir quelles propositions seront faites aux provinces avant d'interpréter l'attitude que le gouvernement fédéral entend prendre dans cette affaire dans le cadre de sa nouvelle stratégie.

Je n'ai pas eu l'occasion d'écouter le discours sur le budget parce que j'étais avec vous. On en connaît certains éléments qui ont été rendus publics, hier soir dans les circonstances qu'on connaît. Pour le moment, ce que nous pouvons dire, c'est qu'à compter du 1er janvier 1990, le gouvernement fédéral éliminera sa contribution qui sera remplacée par celle des employeurs et des employés. On a également annoncé que le gouvernement fédéral finance actuellement le fonds pour 2 900 000 000 $ et qu'il prévoit épargner 1 900 000 000 $ avec cette nouvelle mesure.

Mais la question de l'éducation, de la formation, nous intéresse au plus haut point. Il y a ce vieux proverbe chinois, M. le Président, qui a toujours sa place: Donnez un poisson un jour et vous nourrirez pour ce jour. Montrez à pêcher et vous nourrirez pour toujours. En conséquence, il est certain que la formation est un élément très important si on veut faire face à l'emploi. Cependant, dans ce contexte, nous avons des responsabilités et nous tenons à les conserver et à les utiliser, en fonction des caractéristiques de notre main-d'oeuvre et de l'évolution de l'économie du Québec; en fonction des secteurs que nous voulons développer; en fonction de cette réalité qui est la nôtre et que nous sommes les premiers à connaître. Par conséquent, nous voulons faire respecter la juridiction que nous avons dans la constitution.

M. Brassard: Je suis pleinement d'accord avec vous. S'il existe un gouvernement ou un État en mesure de connaître les besoins de la main-d'œuvre québécoise en matière de formation, c'est bien le gouvernement québécois, d'autant plus qu'il est responsable de tout le réseau de l'éducation. J'en conviens. Mais là, le gouvernement fédéral dit: Je réforme l'assurance-chômage. Je sais qu'il y a eu un amendement constitutionnel à cet effet. Je pense que c'est une mauvaise décision qui a été prise et qu'on n'aurait pas dû accepter. Enfin, c'est fait, c'est inscrit dans la constitution, l'assurance-chômage relève du gouvernement fédéral.

A la suite de la réduction considérable du financement de l'assurance-chômage, puisqu'il va carrément retirer toute forme de subvention de ce régime, le gouvernement fédéral compte en quelque sorte faire des économies importantes et entend consacrer 800 000 000 $ à la formation professionnelle. Pour le Québec, je ne le sais pas, cela peut être environ 25 %, j'imagine, de ce montant qui serait réservé pour la formation professionnelle. La question que je pose, c'est: Quelle est l'attitude du gouvernement du Québec? Est-ce que c'est, encore une fois, d'amorcer des discussions, des négociations, des pourparlers, généralement très laborieux, avec le gouvernement fédéral pour essayer d'en arriver à une entente plus ou moins convenable sur la formation de la main-d'œuvre et les programmes à mettre en oeuvre? Ne convenez-vous pas que, dans ce domaine en particulier, il serait opportun, pertinent et même nécessaire que le gouvernement du Québec dise au gouvernement fédéral: La formation professionnelle relève de notre juridiction; c'est une sorte de prolongement, de l'éducation. Ne trouvez-vous pas que ce serait préférable? Vous avez 200 000 000 $ à consacrer à la formation de la main-d'oeuvre, du Québec, donnez-les-nous et nous allons concevoir et mettre en oeuvre des programmes de formation professionnelle et nous allons les appliquer. Nous sommes plus en mesure que le gouvernement fédéral de connaître les besoins et les attentes de la main-d'oeuvre en matière de formation; nous allons le faire. Vous avez de l'argent à y consacrer, donnez-le-nous et on va le dépenser avec à propos dans un domaine qui est de notre juridiction. Ne pensez-vous pas que ce serait le temps d'adopter une conduite et un comportement semblables?

M. Rémillard: Dans ce dossier, M. le Président, comme dans bien d'autres dossiers, nous allons agir dans la continuité de l'action de tous les gouvernements du Québec. Ce que je veux dire, c'est ceci: L'assurance-chômage est de compétence fédérale, oui, mais la formation et l'éducation relèvent de notre juridiction. Donc, on n'a pas le choix, il faut travailler ensemble. Nous allons travailler ensemble, en respectant nos juridictions. Tous les gouvernements ont agi de cette façon et il s'agit de faire respecter la compétence du Québec. Je suis parfaitement d'accord avec le député de Lac-Saint-Jean lorsqu'il dit que c'est le Québec qui est à même d'évaluer et de proposer des solutions aux problèmes de main-d'oeuvre sur notre territoire. C'est la raison même du fédéralisme parce qu'on a considéré qu'il fallait des gouvernements ayant l'autorité de réagir à des problèmes qu'ils étaient à même de pouvoir identifier et analyser parce qu'ils étaient directement collés à la réalité de ces problèmes. (12 h 15)

Ce que nous allons faire dans ce dossier, M. le Président, c'est ce que les autres gouvernements ont fait et nous allons le faire avec toute notre énergie, soit protéger les compétences du Québec. J'aime bien Insister sur cet aspect. Ce n'est pas une guerre de drapeaux, de juridictions. Des gens; nous entendent parler parfois et nous disent: Vous faites des guerres de juridictions. Ce qu'on veut, c'est de l'argent, c'est de ça qu'on a besoin. On est en chômage et on veut recevoir une formation, on veut avoir le moyen de s'en sortir. Ce que le gouvernement veut, c'est justement qu'ils aient le moyen de s'en sortir à l'aide d'une action gouvernementale la plus efficace possible. Si on met une piastre en jeu, qu'elle soit bien placée et qu'elle rapporte et qu'il n'y ait pas deux niveaux de gouvernement qui agissent en même temps dans le même domaine sans aucune concertation. Cela donne les résultats qu'on connaît dans bien des domaines.

Depuis trois ans et demi, on a essayé d'avoir un maximum de concertation et de collaboration des deux niveaux de gouvernement. Ce n'est pas toujours facile. Le député de Lac-Saint-Jean dit: Ce n'est pas facile. Il a raison, ce n'est pas facile, i! y a toutes sortes d'éléments qui entrent en jeu, mais je pense qu'on a eu de bons résultats jusqu'à présent. L'entente de développement économique régional en est un, je suppose qu'on va en discuter cet après-midi. Mais ce que je veux dire, c'est que dans le domaine de l'assurance-chômage et de la formation, on doit travailler ensemble. Nous avons la compétence en matière de formation et d'éducation, ils ont la compétence en matière de chômage. Ils ont des sous, nous en avons peut-être un peu moins. On va travailler ensemble, mais il est Important que la juridiction du Québec soit respectée. Je peux vous assurer, Mme la Présidente, qu'on va veiller au grain.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Mme la Présidente, je maintiens que la meilleure façon d'être efficace et de dépenser convenablement et correctement l'argent dans ce domaine, c'est de faire en sorte qu'un seul gouvernement soit responsable de ce dossier. C'est le même raisonnement qui a prévalu quand, en 1941, on a dit: Pour être plus efficace, il serait préférable qu'un seul gouvernement soit

responsable de l'assurance-chômage. Malheureusement, on a décidé que c'était le gouvernement fédéral. J'aurais préféré que ce soit le gouvernement québécois. C'est le même raisonnement qui a prévalu à ce moment-là: II ne peut y avoir deux gouvernements là-dedans; ça va être le fouillis, la confusion. Il en faut juste un pour que ce soit le moindrement efficient et efficace, ils ont décidé, à cette époque, que ce serait le gouvernement fédéral.

Le même raisonnement doit prévaloir en ce qui concerne la formation de la main-d'oeuvre. Il faut sortir du fouillis indescriptible dans lequel on patauge actuellement dans ce secteur. La seule façon de s'en sortir véritablement, c'est de dire: II faut identifier un seul gouvernement qui s'occupera de ce dossier, de concevoir les politiques et de les appliquer. Évidemment, c'est le gouvernement du Québec qui doit s'en occuper seul, exclusivement, parce que, vous l'avez mentionné, il a une responsabilité exclusive en matière d'éducation. La formation de la main-d'œuvre, c'est en quelque sorte le prolongement de l'éducation; cela fait partie de l'éducation.

Je ne comprends pas que le gouvernement québécois n'arrive pas à cette conclusion et n'entame pas vigoureusement... Là, ce serait le temps de faire une bataille - je vous assure que vous auriez l'appui sans équivoque de l'Opposition - pour qu'un seul gouvernement s'occupe de la question de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle, le gouvernement du Québec, et de dire au gouvernement fédéral: Si vous avez de l'argent à placer là-dedans, donnez-le-nous, on va le dépenser avec pas mal plus d'à-propos et de pertinence que vous. Mais je vois que ce n'est pas la position du gouvernement libéral. Encore une fois, on s'enlise dans des discussions interminables pour essayer d'en arriver à une entente entre les deux gouvernements sur l'intervention des deux gouvernements. Enfin!

Agence spatiale

La question de l'Agence spatiale. Qui, Ottawa a décidé d'implanter l'Agence spatiale à Montréal, comme tout le monde le réclamait depuis des mois, mais nous, nous parions d'une demi-agence spatiale, parce que, d'une part, la maîtrise d'oeuvre et !a répartition des contrats pour ce qui est du principal volet de l'Agence spatiale, soit la participation canadienne à la station orbitale américaine, demeurent entre les mains de Spar Aerospace, de Toronto. il s'agit de 1 200 000 000 $. Ce n'est pas rien, ce n'est pas négligeable. Par conséquent, l'Agence spatiale ne sera pas un centre décisionnel complet pour ce qui est du programme spatial canadien. D'autre part, alors qu'on retrouve au Québec pour près de 80 % des activités aérospatiales et près de 60 % de la main-d'oeuvre dans ce domaine, on a conclu étrangement une entente stipulant que le Québec ne pourra compter que sur 35 % des contrats provenant du programme spatial cana- dien. Cela ne correspond aucunement à l'importance de l'industrie aérospatiale installée et fonctionnant au Québec ni à l'importance de la main-d'oeuvre québécoise affectée à cette industrie.

Ma question s'adresse au responsable des relations fédérales-provinciales. Est-ce que vous avez l'intention de faire des démarches auprès du gouvernement fédéral pour que l'Agence spatiale devienne un véritable centre décisionnel et qu'il récupère la maîtrise d'oeuvre du projet de station orbitale actuellement dévolue à la firme torontoise Spar Aerospace? Sinon, on ne pourra pas vraiment parler de centre décisionnel. Avez-vous l'intention de demander au gouvernement fédéral que l'Agence spatiale récupère la maîtrise d'oeuvre du projet de station orbitale qu'on a accordée, avant la création de l'Agence spatiale, à la firme torontoise, Spar Aerospace?

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Rémillard: Mme la Présidente, la décision du gouvernement fédéral d'établir l'Agence spatiale à Montréal est une décision d'une extrême importance. J'ai rencontré dernièrement des ministres fédéraux de la région de Montréal qui m'ont dit: L'Agence spatiale va avoir autant d'importance dans le développement économique du Québec que l'"Auto Pact" en a eu dans le développement économique de l'Ontario. Ce sont eux qui me l'ont dit. Pour ma part, je suis porté à croire que, oui, en regard de l'avenir, l'Agence spatiale aura une place extrêmement importante dans le développement économique de Montréal en ce qui regarde la haute technologie.

L'aéronautique est un champ d'activité privilégié pour la grande région métropolitaine. On connaît l'expertise qui existe déjà en matière d'aéronautique à bien des égards. Mais il faut comprendre aussi que cette aéronautique nous amène à une expertise des plus intéressante dans le domaine, par exemple, de l'informatique, de la recherche universitaire, dans différents secteurs d'activité comme les mathématiques avancées.

Bref, nous devons comprendre de cette Agence spatiale qu'elle va pouvoir diriger l'activité en matière de recherches aéronautiques dans la grande région de Montréal. Le député du Lac-Saint-Jean se réfère à des contrats qui ont déjà été donnés. C'est sûr que cela existe, c'est là. Pour nous, ce qui est important, c'est d'être extrêmement vigilants. Il ne faut pas croire, parce que la décision a été prise que l'Agence spatiale vienne s'établir à Québec, à Montréal, excusez le lapsus. D'autre part, qu'on ait demandé à un Québécois... Mon lapsus venait du fait que je voulais parler du Dr Kerwin, ancien recteur de l'Université Laval de Québec, un scientifique de grande renommée, un administrateur de grande renommée, qui a accepté cette grande responsabilité de présider cette Agence spatiale.

Pour nous, il est important que l'on puisse

maintenant accentuer nos efforts pour que cette Agence spatiale puisse agir comme elle doit agir et attirer dans la grande région métropolitaine une activité économique et de recherche que nous souhaitons, dans tous les domaines. Il y a déjà plusieurs projets de recherche qui sont en marche et qui pourront être extrêmement intéressants pour le développement de nos universités, dans les centres d'excellence qu'on veut créer, dans le domaine de la recherche en matière de mathématiques, par exemple. Un des projets de recherche sur les mathématiques avancées s'applique en matière d'aéronautique et on fait une demande de 35 000 000 $ sur quatre ans au gouvernement fédéral. C'est en cours présentement. Il y en a un autre qui est piloté par l'École polytechnique et qui a trait à la création d'un institut de recherche en aérospatiale. Ce sont 36 000 000 $ sur quatre ans. Il n'y a pas de doute que ces projets de recherche concertés, s'ils étaient acceptés, pourraient donner le ton, si vous voulez, à l'ensemble de l'action de recherche et d'économie qui doit se retrouver autour de l'Agence spatiale.

Ce qui est important pour nous, et le ministre de l'industrie, du Commerce et de la Technologie qui est responsable de ce dossier, met actuellement beaucoup d'efforts sur ça, c'est de concerter tous les intervenants et de faire en sorte que nous puissions, comme Québécois, avec la participation du secteur économique et universitaire et celle du gouvernement fédéral par cette Agence spatiale, avoir une action concertée qui nous permettra d'aller chercher notre part des contrats scientifiques mais aussi de développer une expertise tout à fait unique au Canada dans le domaine de l'aéronautique et de toutes ses composantes, en particulier - je me permets de le souligner fortement, Mme la Présidente - en ce qui regarde l'informatique qui joue un rôle très important dans l'aéronautique, qui jouera un rôle de plus en plus important d'ailleurs, et qui nous permettra donc de développer notre expertise dans ce domaine de pointe très important pour notre avenir.

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre, je vais profiter justement de la chance qu'on me donne pour dire que la région de Mirabel et des Laurentides désire fortement retrouver chez elle l'Agence spatiale, à cause de l'aéroport de Mirabel, à cause de notre expertise dans le transport avec General Motors, Commonwealth, Bell Helicopter et des atouts non négligeables comme l'Institut d'ordinique du Québec et le Centre spécialisé en matériaux composites du Cégep de Saint-Jérôme. Je profite de l'occasion pour vous dire que, hier, se donnait une conférence de presse dans ma région où M. P.A. Forget représentait le caucus des Laurentides et notre ministre régional, qui est M. Ryan, pour promouvoir l'arrivée justement de l'Agence spatiale dans la région des

Laurentides. (12 h 30)

M. Rémillard: II est certain, Mme la Présidente, que la région des Laurentides a beaucoup d'atouts pour attirer cette Agence spatiale et la députée est toujours très sensible aux intérêts de sa région, son comté. Alors, je prends, pour ma part, très bonne note de son intervention et je suis certain que la conférence de presse qui a eu lieu pourra justement promouvoir le site de Mirabel pour que l'Agence spatiale puisse aller s'y établir. Comme ministre membre du gouvernement, comme vous le savez, ce sont des situations, des contextes que nous allons étudier dans un avenir probablement prochain.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je donne la parole au député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Mme la Présidente, une dernière remarque à ce sujet. Le ministre est quand même, à mon avis, forcé de reconnaître et d'admettre que, dans le dossier de l'Agence spatiale, ce qui n'est pas acceptable, c'est que la responsabilité d'octroyer, de répartir et d'accorder des contrats pour le principal volet du programme spatial, qui est la participation canadienne à la station orbitale, 1 200 000 000 $, continue d'être assumée, d'être à la charge d'une firme torontoise, qui est Spar Aerospace, et ce n'est pas l'Agence spatiale qui l'a.

Donc le principal volet - il y en a trois - du programme spatial canadien, qui est la participation du Canada à la station orbitale américaine, 1 200 000 000 $, n'est pas sous la responsabilité directe de l'Agence spatiale; l'attribution des contrats, la répartition des contrats, l'octroi des contrats est encore actuellement sous la responsabilité de Spar Aerospace. C'est cola qui, à mon avis, n'est pas acceptable et qui fait de l'Agence spatiale une demi-agence.

D'autre part, il est obligé d'admettre aussi, je pense, que le gouvernement du Québec - et il n'aurait pas dû le faire parce que ce n'est pas conforme à l'importance et à la place occupée par l'industrie aéronautique du Québec dans l'ensemble canadien - a été obligé d'accepter un partage des contrats qui n'est pas équitable. Pour le Québec, 35 % ce n'est pas équitable.

Vous avez évoqué le pacte de l'auto, tantôt, vous avez évoqué l'industrie automobile, celle-ci est concentrée à 95 % en Ontario. Si le gouvernement fédéral amorçait une politique ou un programme dans l'industrie automobile, pensez-vous que l'Ontario accepterait, comme part de cette politique qu'on peut imaginer, moins de 95 %, qui est sa part dans l'industrie automobile? Jamais de la vie. Alors, le Québec accepte 35 %, alors que 80 % des activités dans l'industrie

aérospatiale se retrouvent au Québec, 60 % des emplois. C'est injuste et ce n'est pas équitable. C'est ce qui nous fait dire qu'on est en face d'une demi-agence et qu'on s'est fait passer un Québec, pour ne pas dire un sapin, par le gouvernement fédéral sur cette question-là.

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Rémillard: Mme la Présidente, il faut bien comprendre que l'agence est une agence canadienne, une agence nationale. Elle est située à Montréal, elle fera de la recherche, de la planification dans le domaine de l'aéronautique, mais elle est une agence canadienne. Par conséquent, il faut bien comprendre que toutes les provinces canadiennes peuvent avoir une participation, que ce soit dans les contrats, que ce soit dans d'autres activités économiques de l'agence et cela, nous le concevons très bien, nous sommes très réceptifs à cela. Ce que nous voulons, c'est notre juste part de ce marché, et j'ai mentionné tout à l'heure qu'il fallait être très vigilants. Ce n'est pas parce qu'on a l'Agence spatiale, même si on a 200 employés au début, même si on a ce budget extrêmement important qui lui sera octroyé, même s'il y a un président québécois aussi de grande renommée, ce sont des éléments très intéressants, mais pour nous ce ne sont pas des garanties et il va falloir qu'on aille chercher ce qu'on a besoin d'aller chercher pour que cette agence spatiale signifie vraiment ce qu'elle doit signifier pour l'économie et pour Sa recherche au Québec. Mais je peux vous dire que le pas qui devait être fait, il est fait, et l'Agence spatiale sera dans la région de Montréal, elle sera un catalyseur extrêmement important, M. le Président, de l'économie et de la recherche pour les prochaines années.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Nous allons suspendre maintenant nos travaux jusqu'après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions reprend ses travaux, toujours pour l'étude des crédits budgétaires du ministre délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes. Je cède la parole au député de Lac-Saint-Jean.

Compétence gouvernementale en matière linguistique

M. Brassard: Je souhaiterais aborder un autre sujet important impliquant Ottawa, il s'agit de la question linguistique et de la loi C-72. On sait que cette loi a été adoptée en juillet dernier, qu'elle élargit le champ d'application de la Loi sur les langues officielles au-delà des champs de compétence fédérale. C'est ainsi qu'à l'article 43 on permet au gouvernement fédéral de subventionner directement entreprises, syndicats, organismes bénévoles pour qu'ils offrent des services bilingues ou dans la langue de la minorité, donc, au Québec, en langue anglaise. Cela a été dénoncé comme une instrusion directe d'Ottawa dans le domaine linguistique. Le Conseil de la langue française, aussi, dans un avis sans équivoque sur la loi C-72, a clairement signalé que les objectifs poursuivis par la loi C-72, la loi fédérale, et ceux poursuivis par la Charte de la langue française étaient incompatibles, notamment, en matière de francisation des entreprises.

Nous avons réclamé que le gouvernement québécois s'oppose à l'adoption de dispositions constituant des ingérences. Le gouvernement québécois s'est toujours refusé à réclamer que le fédéral retranche les articles faisant litige, mais il a plutôt préféré amorcer des discussions et des négociations avec Ottawa pour en arriver à conclure une entente. Or, il faut dire qu'en négociant une entente avec Ottawa Québec se trouve à reconnaître d'abord que l'application concrète du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, dans un domaine de juridiction québécoise, est toujours possible; c'est ce que le fédéral entend faire. D'autre part, si on se réfère à l'accord du lac Meech, on se rend compte que la loi C-72 s'appuie sur la dualité linguistique comme caractéristique fondamentale du Canada reléguant à l'arrière-plan le concept de société distincte.

Négocier une entente avec Ottawa sur la question linguistique, cela nous apparaît comme un affaiblissement de la position du Québec advenant un recours possible devant les tribunaux, ce qu'a souventefois évoqué le ministre en disant: Nous allons défendre nos compétences et, s'il le faut, devant ies tribunaux. Si préalablement on a négocié une entente sur l'intervention et la présence fédérale dans le champ linguistique, cela affaiblit du même coup la position du Québec en cette matière.

Ma question là-dessus: Est-ce que le ministre est rendu foin dans ses négociations avec le gouvernement fédéral relativement aux modalités d'application de la Loi C-72 sur les langues officielles? Quels seront les champs couverts, les domaines couverts par cette entente? Est-ce que ce sont des domaines relevant de la juridiction québécoise? Ou en sommes-nous sur ce plan? Quels sont les résultats à l'heure actuelle de la négociation avec le fédéral concernant C-72?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, c'est un sujet important puisqu'il s'agit de la compétence du Québec sur la langue. C'est un sujet qui est toujours de grande préoccupation pour le gouver-

nement, protéger notre compétence en matière linguistique. La Cour suprême, dans l'affaire Chaussure Brown, a confirmé que nous avions compétence en matière linguistique. Le fédéral a sa Juridiction dans ses sphères de juridiction. Il peut légiférer sur la langue, cela est limité, alors que nous, nous avons une juridiction générale en fonction de toutes nos compétences sur la question linguistique. C'est important, M. le Président, de veiller à l'intégrité de cette responsabilité que nous avons de protéger et de promouvoir la langue française. M. le Président, dès que ce projet de loi a été déposé aux Communes - si ma mémoire est bonne, c'est en juin 1987 - on a fait les études qui s'imposent et j'avais communiqué avec les ministres qui étaient directement concernés, entre autres, le ministre de l'Éducation et le ministre de la Santé et des Services sociaux, et je les avais avisés de cette loi C-72 et des inquiétudes que cette loi pouvait soulever. Nous avons fait les études nécessaires. Ces études ont démontré, M. le Président, que tous les sujets de cette loi C-72 se référaient aux compétences fédérales. Le préambule, les attendus introductifs de cette loi sont significatifs de l'intention du législateur fédéral en ce sens qu'il s'agit de champs de compétence fédérale.

Cependant, M. le Président, on peut se poser des questions sur certains libellés et l'utilisation que pourrait éventuellement en faire le fédéral pour toucher des compétences provinciales en matière linguistique. J'ai manifesté cette réserve en Chambre à plusieurs reprises, à l'Assemblée nationale. Et, en conséquence, nous avons conclu qu'il nous fallait discuter avec les autorités fédérales pour voir de quelle façon elles voulaient appliquer cette loi C-72, qui est en vigueur depuis l'automne dernier, et voir comment on pouvait en arriver à établir une concertation respectant la juridiction du Québec en matière linguistique et respectant aussi que le gouvernement fédéral, dans ses sphères de juridiction, peut avoir compétence en matière linguistique.

Il y a quand même des Québécois et des Québécoises qui sont bien informés et qui ne savent pas que la loi 101, qui a été modifiée par la loi 178 pour limiter les utilisations de bilinguisme et protéger les droits des minorités, n'a pas d'application, par exemple, dans les bureaux de poste, qui sont de juridiction fédérale. Elle n'a pas d'application non plus dans les aéroports, de juridiction fédérale. Dans ces domaines, c'est le fédéral qui a juridiction.

Dans ce contexte, quand l'article 42, entre autres, de la loi C-72 parle d'entreprises, de syndicats, de tous ces éléments qui peuvent nous laisser avec un point d'interrogation, jusqu'à preuve du contraire, iI s'agit là de références à des éléments de compétence fédérale. Si le fédéral devait utiliser cette loi pour légiférer relativement à la langue au Québec, en ce qui regarde les domaines de compétence provinciale, vous pouvez être certain qu'on va réagir le plus énergiquement possible pour faire déclarer cette loi inconstitutionnelle.

J'ai rencontré à quelques reprises le ministre de l'époque et secrétaire d'État responsable du dossier, M. Lucien Bouchard. Je lui ai même écrit pour établir les principes sur lesquels nous nous appuyons, pour établir cette relation entre le gouvernement fédéral et nous, concernant la langue, respectant entièrement et sans aucune nuance la compétence du Québec en matière linguistique et respectant aussi la compétence fédérale dans ces domaines. Nous savons qu'il existe cette entente en matière d'éducation sur l'enseignement de l'anglais langue seconde au Québec, entente qui existe depuis plusieurs années et qui est d'un montant considérable, de plus de 76 000 000 $, je pense, qui est à renégocier. Cette entente est intéressante dans la mesure où elle protège entièrement la compétence du Québec en matière d'éducation et de langue, tout en allant chercher cet argent qui vient du gouvernement fédéral et qui nous permet d'assurer à nos Québécois et à nos Québécoises une instruction adéquate, en fonction de l'anglais langue seconde. Cette entente est fondée sur le principe que l'argent nous est donné et que nous, en fonction de nos critères, notre évaluation, déterminons de quelle façon on va l'utiliser. Il s'agit là donc d'un élément intéressant pour établir des modèles qui peuvent nous guider ensuite pour d'autres ententes de celte nature dans d'autres secteurs d'activité.

Ainsi, M. le Président, tout dernièrement, j'ai rencontré le nouveau ministre responsable du dossier, le nouveau Secrétaire d'État, M. Gerry Weiner. J'ai eu une longue rencontre avec M. Welner. Nous avons établi que nous allons respecter les principes déjà établis entre le ministre Bouchard et moi-même en fonction de l'application de cette loi C-72 qui détermine fort bien que le Secrétariat d'État n'interviendra auprès dos institutions publiques et parapubliques québécoises qu'après entente avec le Québec. Premier principe. Deuxièmement, que le Secrétariat d'Étal: n'interviendra pas et n'a pas l'intention d'intervenir auprès du secteur privé à but lucratif du Québec. Troisièmement, que le Secrétariat d'État peut continuer d'intervenir auprès du secteur privé sans but lucratif du Québec pour tout ce qui concerne le soutien à la traduction de textes ou de colloques. Quatrièmement, que le Secrétariat d'État peut continuer d'aider les organismes représentant la communauté anglophone québécoise.

M. le Président, si on se réfère, par exemple, au troisième point se référant aux colloques et à la traduction de textes, j'étais professeur d'université, il n'y a quand même pas tellement longtemps, avant d'être en politique, il y a à peine trois ans et demi, et j'ai eu à me référer au gouvernement fédéral par l'organisa-

tion de colloques pour avoir de la traduction simultanée. Je sais que d'éminents personnages, membres du Parti québécois, qui ont été très impliqués, au plus haut niveau, dans le dossier linguistique, font des demandes pour avoir cette participation du fédéral dans la traduction simultanée pour des colloques et des conférences, des gens pour lesquels j'ai la plus haute estime, M. le Président, et qui le font parce qu'ils ne voient là aucune entrave à la juridiction du Québec en matière linguistique.

M. le Président, je veux rassurer, encore une fois, le député du Lac-Saint-Jean, en !ul disant que nous sommes sur le qui-vive. La loi C-72, selon les études que nous avons, est une loi qui est constitutionnelle dans la mesure où elle respecte le champ de compétence du gouvernement fédéral. Cependant, si, par le biais de cette loi, le gouvernement fédéral s'avérait vouloir toucher, envahir les champs de compétence provinciale, on réagirait promptement pour faire respecter la juridiction du Québec. Je dois dire en terminant, M. le Président, que nous sommes à terminer les dernières modalités pour l'application d'une autre entente, une entente concernant l'application de la loi 142 sur les services de santé et sociaux en langue anglaise pour notre minorité anglophone. Il est important, M. le Président, que l'on puisse protéger les droits de cette minorité anglophone. Une minorité anglophone est un enrichissement pour le Québec, les Québécois et dans ce contexte, nous avons voté cette loi 142 pour pouvoir développer les services que nous pouvons offrir à cette minorité dans sa langue. Dans ce contexte, M. le Président, nous sommes à mettre la dernière main à une entente qui va nous permettre d'avoir quelque chose de semblable à l'entente que nous avons en matière d'éducation puisque nous nous référons à un domaine de compétence strictement provinciale que sont les services sociaux et la santé et nous allons avoir une entente qui va respecter cette juridiction tout en nous permettant d'avoir accès à de l'argent du gouvernement fédéral pour le mieux-être de notre population.

Le Président (M. Dauphin): Merci M. le ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Tout d'abord, sur la loi elle-même, on n'a pas la même interprétation du tout. Quand le ministre affirme que la loi C-72 ne concerne strictement que les secteurs de juridiction fédérale, ce n'est pas exact. Oui, c'est évident que la Loi sur les langues officielles s'applique dans l'ensemble des secteurs fédéraux, ministères, organismes, sociétés publiques fédérales. C'est bien évident. C'était le cas de l'ancienne loi et c'est le cas de la nouvelle aussi. Là-dessus, il n'y a pas de différence. Mais l'article 43 est très clair. L'interprétation qu'en donne le ministre n'est pas tout à fait fondée parce que l'article 43 dit bien que le Secrétaire d'État peut appliquer des programmes de services bilingues dans les entreprises, les organismes bénévoles et les syndicats. Ce n'est dit nulle part dans la loi, ce n'est en aucune façon stipulé qu'y s'agit d'entreprises de juridiction fédérale ou de syndicats oeuvrant dans des domaines fédéraux. Ce n'est mentionné nulle part. Cela veut dire les entreprises au sens large. Si le gouvernement fédérai se limitait à agir dans son propre domaine, il n'y aurait pas besoin d'entente, il n'y a pas besoin de négocier d'entente pour l'application de la Loi sur les langues officielles dans le réseau des bureaux de poste. Il n'y a pas besoin d'entente avec le gouvernement fédéral pour l'application de la Loi sur les langues officielles dans les ministères fédéraux, dans les ports nationaux, dans les aéroports. Il n'y a pas besoin d'entente pour ça. Le fédéral, vous avez raison de le dire, est dans son domaine alors, il applique sa loi. Il n'a pas à négocier d'entente avec Québec là-dessus, quand il est dans son domaine, quand il est dans ses juridictions.

Il y a une entente qui devient nécessaire à partir du moment où il songe, où il envisage de pénétrer dans un secteur qui ne lui appartient pas, qui appartient au gouvernement provincial. Évidemment, j'espère bien qu'il y a une entente préalable et requise, parce là il n'est pas dans son domaine, il est dans un domaine de juridiction québécoise. S'il voulait intervenir dans les municipalités, appliquer la Loi sur les langues officielles dans les municipalités du Québec, il serait obligatoirement requis de conclure et de signer une entente. Si vous me dites qu'une entente est requise, c'est parce que le gouvernement fédéral veut intervenir dans un champ de juridiction du Québec. Sinon, il n'y a pas besoin d'entente. Il faut être bien clair là-dessus.

Par contre, vous faites part d'une déclaration, c'est une déclaration formelle du Secrétaire d'État, de M. Weiner qui vous a affirmé solennellement qu'il n'était pas de l'intention du Secrétaire d'État d'intervenir dans les entreprises. Vous avez donné trois, quatre éléments. C'est une lettre de M. Weiner, ou c'est une...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Ce sont les conséquences d'une rencontre que nous avons eue et ce sont les résultats d'une rencontre que nous avons eue avec le ministre de l'époque, M. Lucien Bouchard. Les résultats sont les mêmes que nous avons eus avec M. Gerry Weiner, il n'y a quand même pas tellement longtemps. Les principes sont les mêmes parce que, il faut bien comprendre, M. le Président, que le fédéral...

M. Brassard: C'est le fruit d'un accord. Les deux se sont entendus sur ces principes.

M. Rémillard: C'est le fruit d'un accord. Nous sommes d'accord sur ces principes. Dans le

domaine privé, il n'est pas question pour le gouvernement fédéral d'intervenir. Il n'est Jamais intervenu et il n'est pas intéressé à intervenir non plus. C'est notre juridiction à nous. Ce que nous disons, c'est: Dans les organismes bénévoles et dans les organismes comme ceux qui peuvent avoir des besoins de traduction, comme pour des colloques, je l'ai mentionné tout à l'heure, pour des séminaires. On n'a pas d'objection à ce qu'ils aient un service à ce niveau. Nos universitaires seraient les premiers à protester. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, un père du Parti québécois serait offusqué, parce qu'il se verrait privé d'une source importante de revenus pour organiser son prochain colloque.

M. Brassard: II n'y a pas de problème là-dessus, d'ailleurs, il n'y en a jamais eu.

M. Rémillard: Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas exagérer la portée... Mais le député de Lac-Saint-Jean a raison de dire: Attention, méfions-nous. Je le suis parfaitement. Je dis: Oui, attention, méfions-nous. C'est ce qu'on fait. On suit ça à la piste. J'ai rencontré M. Weiner, je vais le rencontrer de nouveau. Lorsque nous faisons une entente, c'est parce que nous avons notre champ de juridiction que nous voulons protéger. Mais quand il est possible d'aller chercher des sous au gouvernement fédéral, vous pouvez être certain qu'on ne les refuse pas, qu'on va aller les chercher, pas à n'importe quelles conditions. On n'a jamais été des quêteux et on ne le sera jamais. Ce qu'on dit c'est: Vous avez des sous pour ce programme, on va aller les chercher, mais c'est nous qui allons les dépenser en fonction de nos priorités, nos modalités à nous, et parce qu'il s'agit de nos champs de juridiction. C'est ce qu'on a fait en matière d'éducation - ce n'est pas nous nécessairement qui l'avons fait il faut vous rendre hommage aussi à ce chapitre - et c'est ce que nous allons faire dans les autres domaines qui relèvent de notre juridiction, en particulier le domaine de la santé en fonction de cette entente, que nous allons conclure dans les prochains jours, qui découle de la loi 142. (16 heures)

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Brassard: Je voudrais bien qu'on se comprenne. C'est un accord de principe qui est intervenu entre vous et le Secrétaire d'État. C'est Important que ce soit bien clair. Si c'est un document, j'aimerais bien qu'il soit déposé. Quand vous dites que le gouvernement s'engage à ne pas intervenir dans le secteur privé, dans le secteur des entreprises, je dis: Très bien. Puisqu'il s'engage à ne pas le faire, cela signifie qu'il aurait pu le faire ou qu'il pourrait le faire en vertu de la Loi sur les langues officielles, nouvelle version. Cela m'apparaît important que ce principe soit accepté et reconnu comme tel par les deux gouvernements puisque l'on sait de source sûre que le Commissaire aux langues officielles a mis au point des programmes pour permettre au gouvernement fédéral d'intervenir en ce qui concerne l'entreprise, de façon à introduire des services bilingues dans l'entreprise. Le Commissaire aux langues officielles serait prêt à agir. Par conséquent, ce serait bien important que ce principe sur lequel vous vous êtes entendus, semble-t-il, principe en ce sens qu'il n'est pas question que le fédéra! intervienne dans le secteur privé, ce qui aurait pu avoir pour effet d'aller à rencontre du programme de francisation des entreprises en vertu de la loi 101, si c'est ce que vous me dites, j'aimerais bien que ce soit officiel, formel, connu et public, parce que ce ne l'était pas. C'est la première fois que je vous entends dire sur cette question: Je me suis entendu avec le gouvernement Fédéral pour qu'en aucune façon il intervienne comme acteur linguistique dans le secteur privé, dans le secteur des entreprises. C'est la première fois que vous êtes aussi clair que cela. Est-ce que cela se retrouve dans un texte conjoint et y a t-il moyen de l'avoir?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, en fait, le ministre Lucien Bouchard a répondu à une lettre que je lui avais envoyée en établissant ces principes. La lettre avait été publiée, si ma mémoire est bonne. Le ministre Bouchard confirmait les positions, tous ces principes, que dans le secteur privé, il n'était pas intéressé à intervenir. En plus, le ministre Bouchard précisait bien que, pour le gouvernement fédéral, il voyait la possibilité de promouvoir la langue française tout en protégeant le droit des minorités anglophones au Québec. C'était un principe sur lequel il s'engageait. Alors, c'est une lettre que j'ai reçue de M. Bouchard. Il faudrait que je vérifie si elle avait été rendue publique. Je crois qu'elle avait été rendue publique. Est-ce qu'elle avait été rendue publique, cette lettre? Oui. On me dit qu'elle avait été rendue publique, cette lettre, M. le Président. On me confirme qu'il n'y a pas de cachette dans cela. C'était une lettre publique.

M. Brassard: Je m'en souviens, je l'ai eue.

M. Rémillard: Vous vous souvenez de cela.

M. Brassard: Je l'ai déjà eue, mais je ne me souviens pas que ce soit aussi clair que cela que le gouvernement fédéral s'engageait de façon claire et précise à ne pas intervenir dans le secteur privé comme le lui permettait la loi C-72, article 43.

Le Président (M. Dauphin): Sur le même sujet, M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Oui. Merci, M. le Président. M.

le ministre, vous avez mentionné que vous êtes en négociations où que vous êtes en train d'avoir des pourparlers avec le fédéral concernant l'implantation d'un plan en vertu du projet de loi 142. Chaque région est obligée de préparer un plan pour des services de santé en anglais. Quand vous parlez de négociations, est-ce juste pour avoir des fonds du fédéral pour aider le gouvernement provincial pour l'implantation de ce pian? Où en sont rendues les négociations, et croyez-vous que ce sera terminé dans un avenir rapproché?

M. Rémillard: Les négociations, M. le député de Chapleau, vont très bien. On est à mettre la dernière main à des négociations avec le gouvernement fédéral pour l'application d'une entente en vertu de la loi 142, et c'est pour mettre en application la loi 142, pour les services qui sont offerts en langue anglaise, pour un montant qui sera substantiel, la première année, mais qui pourra ensuite s'étaler et se développer au fur et à mesure que nous pourrons développer des programmes pour rendre plus accessibles encore, dans la langue anglaise, des soins de santé qui sont actuellement offerts. C'est la ministre déléguée à la Santé et aux Services sociaux qui sera probablement en mesure d'annoncer, dans un avenir prochain, la conclusion de cette entente.

M. Kehoe: C'est prévu dans le projet de loi 142 qu'il n'y aura pas d'autres fonds dépensés par la province dans le cadre de cette loi. Ce dont vous parlez quand vous parlez de négociations avec le fédéral, c'est de l'argent nouveau. Ce sera quelque chose qui n'est pas en vigueur actuellement.

M. Rémillard: C'est de l'argent qui nous vient du gouvernement fédéral. Nous en mettons une partie aussi, parce que c'est l'application d'une de nos politiques, mais c'est de l'argent qui vient du gouvernement fédéral.

M. Kehoe: Et je comprends que ce ne sera pas pour des services comme tels. Ce sera exactement pourquoi, quand vous parlez de l'argent pour l'implantation de la loi 142? Ce sera de l'argent pour la traduction de documents ou pour faire quoi? Enfin, savez-vous à peu près en quoi ça consistera?

M. Rémillard: Dans la mesure où ça regarde les services de santé, il s'agit de différentes possiblités que nous pouvons avoir pour permettre à nos amis anglophones d'avoir un accès plus complet aux services de santé dans la langue anglaise. Alors, s'il s'agit d'une traduction, peut-être bien qu'il peut s'agir d'une traduction, je ne peux vous le confirmer, mais il peut y avoir de la traduction, if peut y avoir la réception des documents que l'on veut traduire... On peut penser à beaucoup de services qui peuvent se référer à la traduction. Je pense que ce sera possible, cependant, toujours sur le principe que c'est une entente qui limite l'intervention du fédéra! à celle de nous donner un montant d'argent, et par conséquent, c'est nous qui avons le mot déterminant pour pouvoir décider de quelle façon nous allons utiliser cet argent.

M. Kehoe: D'accord.

Le Président (M. Dauphin): Vous avez terminé, M. le député? C'est bien. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je suis en train de prendre connaissance de la lettre. M. le Président, ce n'est pas si clair que le ministre le prétend. Il y a d'abord, évoquée de façon très nette par Lucien Bouchard dans sa lettre, la possibilité d'une entente concernant la loi 142, donc, les services sociaux et les services de santé. Pour le reste, des propos lénifiants sur l'importance du français et de la promotion du français comme langue de la majorité, mais il n'y a pas d'engagement comme tel que le gouvernement fédéral n'interviendra pas directement dans le secteur privé.

Je vous dis pourquoi c'est important que ce soit clair à ce sujet. J'ai ici le rapport du Commissariat aux langues officielles, le budget des dépenses 1988-1989. Je vous lis un paragraphe: "Le commissariat a, par ailleurs, rendu publique une étude sur le secteur privé qui est l'aboutissement d'un projet de recherche lancé en 1986". C'est le secteur privé. "Le rapport présente au gouvernement un certain nombre de recommandations d'ordre opérationnel, destinées à favoriser un bilinguisme autonome et systématique dans le secteur privé et à stimuler la réflexion sur les rapports que le gouvernement peut entretenir avec une vaste gamme d'institutions privées et bénévoles dans le cadre de la promotion des services bilingues." Donc, le Commissariat aux langues officielles a déposé au gouvernement du Québec un ensemble de recommandations d'ordre opérationnel pour introduire des services bilingues dans le secteur privé. Cela veut dire l'entreprise, les syndicats, les organismes bénévoles, tels que mentionnés à l'article 43 de la Loi sur les langues officielles.

Par conséquent, il suffit d'une volonté politique du gouvernement fédéral pour aller de l'avant en termes d'introduction du bilinguisme dans le secteur privé. Si le gouvernement fédéral donne le feu vert et dit oui, le Commissariat aux langues officielles est prêt. Il a préparé tout ce qu'il fallait pour aller de l'avant, pour être opérationnel et favoriser le bilinguisme autonome et systématique dans le secteur privé. Il est prêt C'est ça qui est important, ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Commissaire aux langues officielles dans des documents budgétaires officiels du Commissariat aux langues officielles.

Par conséquent, il m'apparaît impérieux et urgent que ce que vous évoquiez tantôt soit plus

clair que ce que l'on retrouve dans la lettre de M. Bouchard. Ce n'est pas clair dans sa lettre. Il faut que ce soit clair. Étant donné que vous n'avez pas voulu, comme on vous l'a demandé en Chambre à plusieurs reprises, demander et insister auprès du gouvernement fédéral pour que les dispositions de l'article 43, pouvant constituer des ingérences et des intrusions du fédéral dans le domaine linguistique québécois, comme vous n'avez pas voulu demander au fédéral de retirer ces dispositions-là, vous n'avez pas voulu lui dire: Vous êtes dans nos plates-bandes, enlevez ces dispositions-là, retranchez-les du projet de loi. Vous n'avez pas voulu le faire et le projet de loi a été adopté comme tel. Si vous n'avez pas voulu faire ça, il serait drôlement urgent et impérieux que vous en arriviez à une déclaration solennelle, formelle, officielle, convenue entre les deux gouvernements à savoir que, dans le secteur privé québécois, il n'était d'aucune façon question que le gouvernement fédéral intervienne comme acteur linguistique, appliquant l'article 43 de la Loi sur les langues officielles.

Vous l'avez indiqué tantôt, mais là, je me rends compte que ce n'est pas du tout aussi clair que ça dans la lettre de M. Lucien Bouchard, absolument pas. Il dit: "II nous paraît éminemment possible de poursuivre au Québec, sans contradiction, les objectifs de promotion de la langue française et le respect des droits de la minorité d'expression anglaise. On sait, d'ailleurs, que les minorités de langues officielles sont expressément reconnues dans l'accord du lac Meech comme caractéristique fondamentale du Canada." Il fait référence à la caractéristique fondamentale du Canada mais il ne fait pas référence à la société distincte.

Or, ce n'est pas clair. Cela m'apparaît important étant donné qu'ils sont prêts. Le Commissaire aux langues officielles dit: Donnez-nous le feu vert et on y va. Étant donné qu'ils sont prêts, qu'ils sont fin prêts à Intervenir dans le secteur privé, il est d'autant plus important que les deux gouvernements s'entendent pour dire de façon solennelle et officielle qu'il n'est pas question que l'article 43 s'applique au Québec, qu'il n'est pas question que le gouvernement fédéral Intervienne comme acteur linguistique au Québec dans le secteur privé. Il faut qu'il y ait une entente qui soit aussi claire que ce que vous avez dit tantôt. Plus claire que la lettre! La lettre de Lucien Bouchard n'est pas assez claire. Elle est claire sur l'accord à intervenir pour les services de santé et les services sociaux. Là-dessus, elle est bien claire et vous allez de l'avant là-dedans, d'après ce que je peux voir. Mais sur le secteur privé québécois, ce n'est pas clair du tout. (16 h 15)

M. Rémillard: M. le Président, évidemment qu'on discute sur des intentions du gouvernement fédéral. Mais iI faut bien comprendre qu'il y a une réalité. Cette réalité, c'est une loi qu'on appelle C-72 et qui, sur le plan constitutionnel, est tout à fait valide parce qu'elle se limite aux champs de compétence fédérale. À partir de là, l'application de cette toi que pourrait faire éventuellement, dans différentes hypothèses, le gouvernement fédéral demeure de la spéculation.

Ce que nous avons voulu faire, c'est avoir des ententes avec le gouvernement fédéral sur la base des principes que j'ai énumérés tout à l'heure pour nous assurer que nous pouvons avoir accès à ces sommes d'argent importantes du gouvernement fédéral pour la promotion des langues officielles - je ne sais pas pourquoi on serait privés de cet argent - mais qu'on respecterait la juridiction du Québec à laquelle nous tenons jalousement, concernant la langue.

La lettre que j'ai citée tout à l'heure et à laquelle vient de se référer le député de Lac-Saint-Jean est claire de la part du ministre de l'époque, Lucien Bouchard. Je me permets de souligner à la page 2 de cette lettre, l'avant-dernier paragraphe. Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais citer ce que M. Bouchard écrit. Je cite: "J'aimerais réitérer que je suis très conscient: de l'importance cruciale que présente pour le gouvernement du Québec la promotion du français comme langue de la majorité des Québécois, majorité qui constitue l'assise principale de la francophonie canadienne. Ce n'est certes pas l'intention du gouvernement fédéral, particulièrement dans le cadre de la Loi sur les langues officielles, de diminuer cette composante fondamentale de notre réalité. Au contraire, le gouvernement dont je fais partie s'enorgueillit d'avoir fait inscrire dans l'accord du lac Meech la notion du caractère distinct du Québec."

Je pourrais citer d'autres passages mais il y a là des éléments qui sont au fondement même de cette relation que nous avons avec le gouvernement fédéral concernant le respect des droits linguistiques du Québec, tout en ayant la possibilité d'avoir recours à ces sommes importantes que le gouvernement fédéral peut mettre à notre disposition par la Loi sur les langues officielles, en respectant notre juridiction.

J'ai mentionné tout à l'heure l'entente en matière d'éducation. Le député de Lac-Saint-Jean ne mentionne pas cette entente. Mais ce sont 76 000 000 $ par année. Ce sont des sous, ça. L'entente que nous allons faire concernant l'application de la loi 142 sur les services de santé dans la langue de la minorité anglophone, ce sont encore des sous qu'on va aller chercher du gouvernement fédéral. Mais l'engagement que nous avons du gouvernement fédéral et qui a été confirmé par le nouveau secrétaire d'État, M. Gerry Weiner, est qu'ils n'ont pas l'intention d'intervenir dans le domaine privé. S'ils décident d'intervenir, M. le Président, même si on faisait toutes les ententes qu'on voudrait, une entente n'a pas force légale constitutionnelle. Mais, pour nous, ce qui a force légale constitutionnelle, c'est le contrôle des tribunaux. Les tribunaux seront là et ils vont contrôler. C'est pour cela qu'il faut qu'on puisse avoir l'entente du lac

Meech le plus vite possible. Le député de Lac-Saint-Jean le réalise de plus en plus. Je l'ai vu par les questions qu'il m'a posées ce matin. Je le vois encore par cette question qu'il me pose concernant la loi C-72, parce que lui-même, tout à l'heure, se référait à la loi C-72 en disant: C'est l'utilisation du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Il a raison de dire que ce pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral a été utilisé, jusqu'à présent, de façon à souvent doubler le gouvernement des provinces, en particulier ici au Québec. On l'a vu dans le développement économique régional, par exemple. On a assisté, à un moment donné, à un véritable fouillis des gouvernements sans aucune coordination. Ce qu'on a fait dans l'entente du lac Meech, Mme la Présidente, c'est qu'on a justement établi un cadre d'action pour le gouvernement fédéral dans l'utilisation de son pouvoir de dépenser. Cela se réfère directement à ce projet de loi C-72. Le gouvernement fédéral doit... C'est marqué en toutes lettres dans l'entente du lac Meech, Mme la Présidente, en toutes lettres. On avait eu une discussion ici, je m'en souviens très bien, en cette salle, du Conseil législatif. Probablement que le député de Lac-Saint-Jean était ici ou c'était son ancien chef, M. Johnson, qui était ici; il s'intéressait beaucoup à cette question. On avait entendu des experts, entre autres, le professeur Lajoie était venu nous parler du pouvoir de dépenser. C'était sur l'entente du lac Meech. On est aujourd'hui le 26.

Une voix: Le 27.

M. Rémillard: Excusez-moi, je suis une journée en retard. On est le 27. Alors, le 30 avril, ce sera le deuxième anniversaire de l'entente du lac Meech. Nous avions convoqué ici la commission des institutions pour étudier l'accord du lac Meech. On est arrivés à la conclusion que ce qu'on avait établi au lac Meech méritait d'être resserré. On avait entendu le professeur Lajoie, on avait entendu différents éminents professeurs et des autorités en matière de droit constitutionnel. Le premier ministre est arrivé à la conclusion qu'on devait faire resserrer ça. Dans la négociation très serrée de la nuit du 2 au 3 juin 1987, qui a suivi l'entente du lac Meech, où on a mis formellement en place l'entente intervenue au lac Meech, on a resserré le pouvoir de dépenser en faisant ajouter... Cela n'a pas été facile, Mme la Présidente, cela n'a vraiment pas été facile, parce que les provinces de l'Atlantique, dès qu'on touche au pouvoir de dépenser, ce n'est pas facile de faire accepter ça. Il y avait aussi M. Pawley, du Manitoba, qui était un premier ministre social-démocrate très sensible aux programmes sociaux pour l'ensemble du Canada, etc. Ce n'était pas facile, il fallait avoir son consentement. Il fallait avoir l'unanimité. On a fait inscrire, et c'était tard dans la nuit du 3 juin, que le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral devait respecter le partage des compétences législatives. C'est écrit en toutes lettres dans l'entente du lac Meech. Alors, quand le député de Lac-Saint-Jean nous dit: II faut faire des ententes, je lui dis: Vous avez raison de vous inquiéter parce qu'il y a des éléments où on peut se poser des questions; il faut être vigilant; on va essayer de faire des ententes. Mais une entente, ça ne vaut pas un texte constitutionnel. C'est pour ça que je vous dis qu'il faut que l'entente du lac Meech soit partie de la constitution le plus tôt possible. C'est la meilleure protection qu'on peut avoir, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député.

M. Brassard: Mme la Présidente, on est rendus loin, pas mal. On s'égare. Quand le gouvernement fédéral intervient dans un secteur de juridiction québécoise, que ce soit par le biais d'une entente, j'espère que c'est la moindre des choses. Que le gouvernement fédérai finance en partie l'enseignement de la langue seconde dans le système scolaire au Québec par le biais d'une entente en bonne et due forme, j'espère bien que c'est par le biais d'une entente. S'il fallait qu'il le fasse directement et sans se soucier du gouvernement québécois, ce serait drôlement grave. Alors, qu'il le fasse par une entente, comme on dit, ça va de soi. Cela va de soi qu'il le fasse par une entente. Là, semble-t-il, vous négociez pour ce qui est des services de santé et des services sociaux. On va mettre de côté le débat sur la pertinence de signer une entente ou pas à ce niveau, mais en tout cas, si le gouvernement fédéral intervient dans ce domaine, ça devra obligatoirement aussi se faire par le biais d'une entente, parce qu'on est dans des domaines de juridiction québécoise. Mais je n'en suis pas là, ce n'est pas là-dessus que porte ma question. Ma question porte sur le secteur privé: les entreprises, les syndicats, les organismes patronaux, les organismes bénévoles. Ce n'est pas exact, quand vous dites... Cela m'étonne de la part d'un juriste, dont la réputation dépasse nos frontières, qu'il fasse des affirmations aussi floues là-dessus, manquant de rigueur. Je vous ai connu plus rigoureux. Je lis l'article 42, qui est devenu 43: "Le Secrétariat d'État du Canada prend les mesures qu'il estime indiquées pour favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne - pas dans les domaines de compétence fédérale, dans la société canadienne - en général et, notamment, toute mesure: f) pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser la reconnaissance et l'usage de ces deux langues pour collaborer avec eux à ces fins."

C'est clair, c'est évident, par cet article, que le Secrétariat d'État, donc le gouvernement fédéral, se donne le pouvoir d'intervenir dans

l'entreprise, dans les syndicats, dans les organismes bénévoles, pour y introduire des services bilingues. Là, vous manquez de rigueur quand vous affirmez que ce n'est pas exact, que ça s'applique uniquement dans les secteurs de juridiction fédérale. Ce n'est pas vrai, ça, ce n'est pas vrai. C'est évident qu'il y a une possibilité réelle pour le gouvernement fédéral d'intervenir dans le secteur privé comme tel, et ce que je vous demande... Vous n'avez pas voulu faire enlever ça. La meilleure conduite qu'on aurait pu tenir aurait été de dire au gouvernement fédéral: Enlevez donc ça, enlevez ces dispositions, parce que vous outrepassez les frontières de vos juridictions; enlevez ça. Alors, il m'apparaît évident, puisque les dispositions sont là, présentes dans la loi, adoptées, sanctionnées, en application, qu'on ne peut pas se contenter de la lettre de Lucien Bouchard. Ce n'est pas suffisant, ce n'est pas assez clair. Il faut que vous exigiez de la part du gouvernement fédéral un engagement clair, net, précis qu'il n'a pas l'intention d'appliquer au Québec - il l'appliquera ailleurs s'il le veut - l'article 42, les dispositions qui lui permettent d'intervenir dans le secteur privé, qu'il n'en a pas l'intention; sinon, le doute va persister, la menace va persister, parce qu'ils sont prêts. Je vous le répète: Le Commissariat aux langues officielles a été très clair, ils sont prêts. Il suffit d'un signal de la part du gouvernement fédéral et ils peuvent intervenir rapidement dans le secteur privé, de façon opérationnelle, comme le dit le commissaire. La menace est là, et, pour contrer cette menace, pour la dissiper, l'écarter, il est essentiel que vous obteniez un engagement clair et précis de la part du Secrétaire d'État que ce n'est pas dans son intention d'appliquer au Québec l'article concernant le secteur privé. Si vous n'avez pas ça, si vous ne réussissez pas à obtenir ça, la menace va peser constamment sur le Québec et il suffira que la volonté politique, au niveau fédéral, se manifeste, s'exprime pour qu'ils aillent de l'avant dans le secteur privé. A ce moment-là, ça va prendre des années devant les tribunaux. Vous pourrez bien contester ça devant les tribunaux. On sait ce que ça donne devant les tribunaux Ça prend des années, des années et des années. Pendant ce temps-là, ils vont agir. C'est préférable à tout le moins d'obtenir un engagement clair que ce n'est pas leur Intention d'appliquer cet article au Québec. (16 h 30)

Je vous signale, en terminant, M. le Président, que le Conseil de la langue française a la même vision. Il affirme dans son avis que, contrairement à l'ancienne loi sur les langues officielles où le champ d'action était limité aux domaines de juridiction fédérale, c'est la société canadienne, maintenant, qui est le champ d'action. "Il est facile de remarquer, nous dit le Conseil, que le champ d'action que se donne l'État fédéral n'est plus décrit comme le secteur de compétence fédérale, mais bien comme la société canadienne, ce qui est bien plus large." On retrouve cette référence à la société canadienne à plusieurs reprises dans la loi C 72, en particulier l'article dont je parlais tantôt. "Cela laisse prévoir, nous dit le Conseil, que l'action fédérale se fera même dans les champs de compétence provinciale exclusive, non pas sous forme législative, ce qui serait anticonstitutionnel - donc, susceptible d'entraîner des poursuites devant les tribunaux - mais au moyen de dépenses programmées." Le programme est prêt. Le Commissaire aux langues officielles nous le dit, il y a un programme de prêt, on peut entrer en action, au moment où vous nous le dites ou vous nous faites un signe. C'est important de le signaler. Ce n'est pas uniquement le secteur de compétence fédérale qui est touché par la loi, c'est la société canadienne. La société canadienne, pour lui, ça comprend spécifiquement le secteur privé, les entreprises et tout le reste.

Si vous vous contentez de la lettre de Lucien Bouchard, dites-le nous bien clairement que ça vous satisfait. Moi, ça ne me satisfait pas. Ce n'est pas assez clair. Ce n'est pas assez ferme. C& n'est pas assez précis. Si vous vous en contentez, d'accord, dites-le nous clairement, mais, à ce moment-là, ça signifie que vous laissez la menace d'une intervention fédérale dans des champs de juridiction québécoise planer, persister, avec la possibilité que ça devienne une réalité.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Je pourrais ajouter, M. le Président, à ce qu'a dit le député de Lac-Saint-Jean. Le député de Lac-Saint-Jean semble vouloir une garantie à toute épreuve que le gouvernement fédéral n'utilisera pas cette loi C-72 pour toucher aux compétences provinciales, et des garanties à toute épreuve, que ce soit dans ce domaine ou dans n'importe quel autre domaine de juridiction, je no suis pas capable de lui en donner. Ce que je peux lui dire, par contre, c'est qu'on prend tous les moyens nécessaires pour limiter les possibilités et si, après tout ça, il y a possibilité que le gouvernement fédéral légifère relativement à un domaine de compétence provinciale, on va aller devant les tribunaux et on va faire reconnaître cette loi comme inconstitutionnelle. Il faut bien comprendre aussi que, finalement, le champ d'application de la loi C-72 dans le domaine de compétence provinciale est, à toutes fins utiles, bien mince. Il faut comprendre que tout le domaine public et parapublic est déjà couvert et protégé par la loi sur le Conseil exécutif. C'est évident que des ministères ne peuvent pas faire affaire avec le gouvernement fédéral; on le comprend très bien. Mais, en plus, M. le Président, des hôpitaux, des collèges, d'autres institutions, des municipalités, bien sûr, des organismes mandataires de la couronne

provinciale, tous ces organismes ne peuvent pas faire affaire avec le gouvernement fédéral sans l'accord du gouvernement provincial, sans l'accord du Québec. Cela veut dire, M. le Président, que, pour tous ces secteurs d'activité extrêmement importants lorsqu'on parle de langue, le secteur de l'éducation, des services sociaux et de santé, de sécurité, il y a impossibilité pour le gouvernement fédéra! d'intervenir avec la loi C-72. C'est déjà beaucoup, c'est énorme. Dans le domaine du bénévole - ce sont les organismes qui sont sans but lucratif et qui reçoivent des subventions pour un colloque, un séminaire - on n'est pas contre cela et je pense, comme nous le dit le député de Lac-Saint-Jean, qu'ils ne sont pas contre cela, non plus. Je ne vois pas pourquoi on serait contre ça. Il reste donc le secteur privé. Quel intérêt aurait le secteur privé à recourir à la loi C-72? On peut imaginer certaines circonstances pour de la traduction, faire donner des cours d'anglais à certains employés ou je ne sais trop à quoi je pourrai penser, mais le gouvernement fédérai n'est jamais intervenu dans ce domaine jusqu'à présent, jamais, et il nous a mentionné très clairement qu'il n'avait pas l'intention d'intervenir.

Je vais vous dire, M. le Président, après le budget qu'on a eu hier soir et que nous avons eu complètement ce matin, que j'ai l'impression que le danger est un peu loin. Lorsqu'on est rendu à couper où ils ont coupé, lorsqu'on est rendu à ce niveau de restrictions budgétaires, j'ai l'impression qu'on peut dormir tranquille et que le député de Lac-Saint-Jean peut dormir tranquille. Il ferait mieux de se préoccuper d'autres choses, par exemple, des coupures qu'il pourrait y avoir dans le domaine militaire qui peuvent affecter la région du Lac-Saint-Jean, Chicoutimi; ça sera quelque chose. Mais avec le budget qu'on a eu, M. le Président, la menace est de plus en plus éloignée et faible. De toute façon, comme je l'ai mentionné ce matin, et je le redis, on est très vigilants. Toutes nos études sont prêtes, on est prêts à intervenir rapidement. S'il y a intervention du gouvernement fédéral relativement à un champ de compétence provinciale en matière linguistique, on ne le tolérera d'aucune façon. On va demander aux tribunaux de trancher le litige le plus rapidement possible. Avec le budget d'hier, M. le Président, je vais vous dire: On va avoir assez de difficulté à aller chercher ce qui nous revient que j'ai l'impression que le gouvernement fédéral ne se mettra pas à dépenser dans des domaines où il n'a jamais dépensé jusqu'à présent. L'entreprise privée n'a jamais été couverte par le fédéral en matière de langues officielles, et le commissaire peut faire des voeux comme il le veut. On sait que M. D'Iberville Fortier a fait des commentaires l'an dernier. Il a fait des commentaires cette année. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes commentaires, mais ce sont des commentaires. L'an prochain, il pourra en faire d'autres, quoique je pense que son mandat se termine cette année. M. D'Iberville Fortier, un monsieur de Québec, d'une grande culture, que j'apprécie beaucoup. Alors, M. le Président, ce qui compte, c'est la réalité des choses et la réalité, c'est de dire qu'on va voir à ce que les compétences du Québec soient respectées.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

Entente Canada-Québec sur le développement économique régional

M. Brassard: Une dernière remarque. Si je comprends bien les derniers propos du ministre sur M. D'Iberville Fortier, vous recommandez un non-renouvellement de mandat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Je passerai à un autre sujet, M. le Président, le développement économique régional et l'entente Canada-Québec sur cette question, en rappelant, d'abord, que cette entente de 820 000 000 $ concernant le développement des régions, avec une contribution fédérale de 440 000 000 $, c'est un peu plus, cependant, si on ajoute ce qui était prévu également pour d'autres ententes. C'est quand même aussi pas mal moins - c'est bon de le signaler - que ce qu'ont reçu, à ce titre, l'Ouest et les Maritimes, plus de 1 000 000 000 $ dans les deux cas. C'est moins aussi que ce qu'on avait négocié en 1984, nous, avec le gouvernement fédéral, entente qui prévoyait une participation fédérale de 900 000 000 $. Enfin, il y a une entente prévoyant 820 000 000 $, dont 440 000 000 $ en provenance d'Ottawa et 380 000 000 $ venant du Québec.

Jusqu'à maintenant, cela ne va pas vite d'après ce qu'on peut savoir et d'après ce qu'on peut vivre, voir et constater dans nos régions respectives. L'entente a été conclue en juin dernier. On approche de son premier anniversaire et il n'y a pas grand-chose qui s'est fait. Les comités-conseils viennent tout juste d'être nommés et cela ne fait pas longtemps. Surtout, les programmes prévus dans le cadre de l'entente ne sont pas encore accessibles. Résultat: il n'y a pas beaucoup d'argent de dépensé dans le cadre de cette entente. C'est à peu près deux ou trois projets, cela équivaut à 25 000 000 $ sur 820 000 000 $. C'est la Papeterie de Matane, évidemment, qui prend la grosse part avec 24 500 000 $. On peut dire que c'est vraiment le seul projet. Il y a aussi l'étude de l'écluse de la rivière des Prairies pour 175 000 $ et le budget de fonctionnement des comités de gestion qui viennent tout juste d'être mis en place, d'être nommés. Alors, cela ne va pas vite. Le ministre Benoît Bouchard dénonçait, en février dernier, les lenteurs administratives qui retardaient la mise an oeuvre de l'entente, laissant sous-

entendre, évidemment, que la faute incombait au Québec, que le Québec n'assumait pas ses responsabilités.

J'ai d'autres informations aussi en ce sens que le gouvernement fédéral n'est pas plus rapide, non plus. Les programmes qui relèvent directement de ce gouvernement, qui doivent faire partie de l'entente et qu'il doit administrer tout seul, parce qu'il y a des programmes que chaque gouvernement administre tout seul et il y a des programmes conjoints, il y en a un qui est opérationnel; les autres, on les attend et on ne sait pas ce que cela va donner. Cela ne va pas très vite en termes d'application de l'entente. Pourtant, Dieu sait que les régions en ont besoin. Chez nous, en tout cas, dans ma région - cela inclut Charlevoix également - II y a une enveloppe de 125 000 000 $ qui a été prévue pour les cinq prochaines années. Il n'y a pas encore un cent de dépensé parce qu'il n'y a à peu près pas de programmes accessibles. Ceux qui ont des projets et ceux qui ont des demandes à faire dans le cadre de ces programmes, bien, ils attendent, ils sont en panne, ils sont au neutre. En plus de cela, s'ajoute aujourd'hui une inquiétude en provenance du fédéral concernant le développement régional puisqu'on peut lire dans le discours sur le budget de M. Wilson, et je cite: "À court terme, cependant, les crédits de développement régional seront restreints." C'est tout ce qu'on dit, mais c'est Inquiétant. "À court terme, les crédits de développement régional seront restreints." Cela va se traduire comment? Déjà, on n'a pas un cent de disponible. Alors, je ne vois pas comment cela peut être pire. (16 h 45)

Est-ce que le ministre peut confirmer d'abord l'état de la situation que je viens sommairement de dresser, que l'entente conclue depuis presque un an n'est pas en vigueur, que les programmes ne sont pas disponibles, ne sont pas accessibles, que les comités-conseils viennent à peine d'être mis en place, que c'est très lent et qu'en plus, on apprend par le discours du budget fédéral que les crédits de développement régional pourraient être restreints à court terme? Ma description est-elle exacte, est-elle trop pessimiste ou réaliste? Est-ce que le gouvernement du Québec entend donner un coup de barre vigoureux pour faire en sorte que l'entente conclue il y a maintenant presque un an donne ses fruits et qu'elle soit opérationnelle au plus sacrant?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, on aborde un sujet très important. Le développement économique de nos régions et cette entente de développement économique régional de 820 000 000 $ plus les 150 000 000 $ qui sont venus bonifier l'entente de développement économique régional qui doit se terminer en 1990, Donc, cette entente de près de 1 000 000 000 $ que nous avons si- gnée l'an dernier, au mois de juin, est pour moi l'une des grandes réalisations de ce gouvernement pendant ces trois ans et demi. Et quand je voyais hier, M. le Président, les principaux éléments du budget fédéral, de la fuite et les commentaires qu'on faisait, que je regardais les nouvelles ce midi et que je voyais les conclusions qui en rassortaient, je me disais: On a donc été bian avisés de négocier cette entente de développement économique régional dès l'an dernier et de ne pas avoir attendu la fin des ententes de l'EDER pour renégocier d'autres ententes de l'EDER mais d'ouvrir un volet spécial.

Cela n'a pas été facile de négocier cette entente avec le gouvernement fédéral, M. le Président. Cela n'a pas été facile parce que, dès Se départ, il fallait faire accepter le principe que nous voulions que les principes de l'EDER soient respectés et on voulait même que ça soit encore plus étanche quant au respect des compétences du Québec et à la prédominance du Québec en matière de développement économique régional, que ce soit encore plus étanche que les ententes de l'EDER. Pour nous, il s'agissait d'avoir un nouveau volet des ententes de l'EDER et d'avoir un montant substantiel. Cela a été un montant substantiel, comme je vous le mentionne, M. le Président, c'est 820 000 000 $ avec, en plus, 150 000 000 $ pour bonifier les enveloppes déjà négociées dans le cadre de l'EDER.

Quand on voit le budget d'hier, qui peut nous amener à nous interroger à certains égards, on peut dire qu'on a bien fait de faire cette négociation et de mettre toutes nos énergies, l'an dernier, avec mon collègue le ministre responsable du Développement régional. On a négocié cette entente et c'est une entente dont je suis particulièrement fier, M. le Président, parce que c'est une entente qui, premièrement, confirme la prépondérance de la responsabilité du Québec sur la planification et l'établissement des priorités de développement économique de ces régions. Deuxièmement, c'est une entente qui respecte la nécessité d'utiliser les mécanismes, les structures et les programmes qui sont mis en place ou approuvés par le Québec et, troisièmement, c'est une entente qui respecte la maîtrise d'oeuvre québécoise pour tous les programmes ou projets relevant de la compétence provinciale.

M. le Président, c'est quelque chose de réussir à faire respecter ces principes dans une entente de cette envergure pour le développement économique des régions. Quand on parlait, tout à l'heure, du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral et de l'entente du lac Meech c'était cela, la situation, et c'est encore cela. Malheureusement, tant que le lac Meech ne fera pas partie de la constitution, on sera toujours face à cette situation, le gouvernement fédéral qui peut intervenir par son pouvoir de dépenser dans tous les champs de compétence et qui vient bien souvent bousiller les programmes provinciaux parce qu'il vient doubler ou agir même souvent en contradiction. Mais qui paie les

frais de tout cela? C'est le contribuable. C'est le contribuable qui paie ses taxes, qui paie ses impôts. Deux gouvernements qui ne sont pas capables de s'entendre et qui arrivent avec des politiques incohérentes sur le terrain. Ce ne sont pas des guerres de drapeaux, ce ne sont pas des guerres de juridiction, c'est une recherche d'efficacité. C'est ce qui nous guide.

Dans ce contexte, M. le Président, ce que nous avons dans le lac Meech - je l'ai mentionné tout à l'heure - c'est l'encadrement du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral respectant les compétences des provinces. Dans le cas du développement économique régional, en plus, quand nous avons une entente de cette envergure, une entente qui consacre le fait qu'il n'y a pas un cent qui est dépensé par le gouvernement fédéral en développement économique régional qui n'est pas objet de concertation sur le plan des deux ordres de gouvernement, c'est cela, l'efficacité qu'on recherche. C'est cela, la possibilité de d'agir de deux ordres de gouvernement ensemble, en concertation.

Maintenant, M. le Président, cette concertation, nous n'avons pas voulu qu'elle se limite sur le plan des deux gouvernements, nous avons voulu qu'elle respecte aussi le milieu comme tel. Nous avons voulu que les projets puissent venir de la base. Que ce ne soit pas le gouvernement par une étude faite par des fonctionnaires très compétents - c'est bien - mais qui vient du gouvernement et qui impose ses projets. Le député de Lac-Saint-Jean pourra confirmer ce que je dis. Comme politicien, des fois, c'est facile d'arriver et de dire: Bien, voici, on va faire telle chose, telle affaire. Ce n'est pas toujours conforme à ce que la population veut, il y a des instances sur le terrain qui sont décisionnelles dans leur domaine sur le plan municipal, sur le plan scolaire à certains endroits, il y a des instances de municipalité, des cités et villes, des MRC, enfin tous ces organismes, des conseils régionaux de développement économique. Ces instances doivent être mises à profit. Ces instances régionales sont celles qui sont impliquées directement dans le milieu, qui connaissent les besoins du milieu et qui peuvent savoir vraiment ce qui doit être fait pour améliorer les conditions de vie des gens vivant dans ce milieu sur ce territoire.

Ce que nous avons fait, M. le Président, c'est que nous avons changé les structures de décision pour qu'elles partent, qu'elles se fondent sur la volonté de la base. C'est par des sommets régionaux qu'on peut mettre de l'avant des projets et ces projets ensuite sont acheminés à des comités régionaux de concertation et de coordination, et cela va jusqu'au Conseil du trésor. Je dois avouer, M. le Président, que c'est un petit peu plus difficile et un petit peu plus long. Ce n'est pas facile, consulter et ce n'est pas facile de respecter les échelons, mais, en fin de compte, c'est beaucoup plus efficace parce que vous savez que vous allez répondre à un réel besoin. Le besoin a été identifié par les gens du milieu. Alors, ce que vous avez perdu d'un côté, parce que cela a pris un petit peu plus de temps, peut-être, dans l'échelon que vous devez gravir pour avoir votre décision, parce que vous êtes partis de la base, vous allez gagner ce temps-là par l'efficacité que vous allez retrouver par la solution que vous apportez au problème.

M. le Président, lorsque le député de Lac-Saint-Jean me dit: Cela ne va pas vite. Les comités sont en place. L'entente est opérationnelle. Il m'a posé la question: Est-ce que l'entente est opérationnelle? J'ai dit: Oui, l'entente est opérationnelle. Cela se dégage bien. Dans les prochaines semaines, les prochains mois, avant l'été, des projets vont être en voie de réalisation. On va voir une phase très active parce qu'il fallait un certain temps pour mettre tout cela en application.

Le député de Lac-Saint-Jean me citait un collègue du gouvernement fédéral, le ministre Benoît Bouchard, qui disait que c'était la faute du gouvernement du Québec. J'ai beaucoup de respect pour le ministre Bouchard qui a beaucoup de responsabilités au gouvernement fédéral et qui, parfois, peut être un peu déconnecté de ta réalité qui se passe sur son terrain, chez lui. Je l'ai vu pour le champ de tir. Si j'avais suivi ce que le ministre Bouchard m'avait dit, ce ne serait pas pour le mieux-être de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean, un champ de tir. Vous savez, il l'a fait de bonne foi. C'étaient des commentaires Intéressants, de quelqu'un qui veut le bien-être de sa population. Mais il faut parfois réfléchir avant de parler et bien analyser les situations.

Dans ce contexte, je comprends la hâte du ministre Bouchard de mettre tout cela en application. Mais ce n'est pas nous, dernièrement, qui étions en campagne électorale. Pendant au moins deux mois, si ce n'est plus, tout a été arrêté. il a fallu attendre les élections, que les gens les fassent et qu'ils se reposent après les élections. Parce que cela a été des grosses élections, M. le Président, une grosse campagne! Ces gens-là étaient fatigués après. Il a fallu qu'ils se reposent. Quand ils ont eu fini de se reposer, on a recommencé à travailler.

Ce que je veux dire au député de Lac-Saint-Jean, c'est que l'entente est en vigueur. Elle va bien. Il y a une très belle concertation entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et le milieu. Les projets proviennent de !a base, j'insiste sur cet aspect. C'est de là que cela monte et c'est comme cela que cela va se réaliser. Le député de Lac-Saint-Jean faisait référence aux 150 000 000 $ qui vont du côté du Lac-Saint-Jean, Saguenay et Charlevoix... 125 000 000 $, je m'excuse. Peut-être qu'on voulait donner 150 000 000 $, vous voyez notre intention, et c'est 125 000 000 $, en réalité.

M. Brassard: Si vous voulez ajouter 25 000 000 $, 1 n'y a aucun problème!

M. Rémillard: On vérifiera. Mais il y a beaucoup de projets très intéressants pour le Lac-Saint-Jean, le Saguenay et Charlevoix. Je connais des projets, entre autres, pour Charlevoix. Vous savez, c'est mon pays. Cela va se mettre en branle dans les prochaines semaines, les prochains mois. La structure est là et ça va bien aller. Cela a été long, plus que d'habitude, mais on va le gagner en efficacité lorsqu'on aura amené les solutions aux problèmes.

M. Brassard: M. le Président, si j'avais un Stradivarius, j'en ferais cadeau au ministre.

M. Rémillard: J'en serais heureux mais malheureusement, je ne joue pas de violon.

M. Brassard: Vous avez pourtant beaucoup de talent pour cela. Il a le don de dramatiser les choses. Une simple remarque en passant. Ce n'est pas une victoire historique qu'il a remportée en signant cette entente. C'est la reconnaissance des juridictions du Québec par le gouvernement fédéral dans le cadre de ces ententes. Ce n'est pas une innovation, une nouveauté. Cela existait expressément dans les autres ententes conclues auparavant, celle de 1984, et l'autre avant aussi. Ce n'est pas une Innovation exemplaire et historique. Il ne faut pas s'imaginer que l'histoire vient de commencer. L'entente de 1984, et l'autre avant aussi, reconnaissait explicitement la juridiction du Québec et la maîtrise d'oeuvre du Québec en matière de développement régional. Essayer de nous présenter l'entente conclue en juin dernier comme un pas de géant en matière de reconnaissance des juridictions québécoises et de la maîtrise d'oeuvre du Québec en matière de développement régional, c'est un peu torturer les faits. C'était déjà reconnu en 1984.

Ce que vous avez fait, par exemple, a été de protéger les acquis, j'en conviens. Je suis prêt à le reconnaître. Mais cela existait déjà. Que les régions soient impliquées, c'est bien évident. Elles l'étaient auparavant également. Mais les longs propos du ministre n'infirment en aucune façon la description que j'ai faite de la situation. C'est évident. (17 heures)

Quand vous dites que l'entente est en vigueur, bien oui, elle l'est. Il était temps qu'elle le soit. Cela va faire presqu'un an. Mais, vous pouvez juste dire ça: Elle est en vigueur, parce qu'il n'y a pas actuellement de programmes accessibles. Ce ne sont pas les projets qui manquent dans les régions. Il y en a à profusion dans les régions et cela, dans tous les domaines. Ce sont même de très bons projets. Alors, ce n'est pas la banque de projets qui fait défaut. Il y en a une réserve considérable dans toutes les régions du Québec. Donc, ce ne sont pas les régions qui font défaut. Les projets sont là et on attend. Ce qui ne marche pas actuellement, ce sont les programmes prévus par l'entente. Ils ne sont pas connus. Je ne suis même pas sûr qu'ils soient encore conçus. C'est là le problème, et c'est encore plus dramatique. Les programmes prévus, aussi bien du gouvernement fédéral que du gouvernement québécois, ne sont pas connus encore. Les programmes conjoints ne sont pas connus présentement. Ils ne peuvent pas s'appliquer, on ne les connaît pas.

Je connais des promoteurs dans ma région qui attendent. Ils ont des projets intéressants, mais ils ne savent pas s'ils vont être admissibles. Ils ne savent pas vers quel créneau ils vont pouvoir se diriger, pour une raison très simple et très élémentaire: ils ne connaissent pas les programmes. Les programmes ne sont pas connus. Tant que les programmes prévus par l'entente ne seront pas connus, diffusés et appliqués, l'argent ne va pas se dépenser. C'est la question que je pose au ministre. Je suis sûr que mon collègue de Shefford va aussi la poser au ministre responsable du Développement régional la semaine prochaine, mardi. C'est la question.

Au lieu de s'"autoglorifier", je pense que le ministre et le gouvernement du Québec devraient reconnaître qu'il faut accélérer le rythme de mise en oeuvre de l'entente. Un coup de barre s'impose, il faut d'abord reconnaître que rien ne marche pour le moment. Je pense que c'est important, il faut avoir suffisamment de modestie pour reconnaître qu'il n'y a rien qui marche actuellement dans le cadre de l'entente. Je vous mets au défi de me prouver le contraire. Il n'y a rien qui marche présentement, au moment où on se parle, à la fin d'avril. À moins de deux mois de l'anniversaire de l'entente, il n'y a rien qui marche. Ma question est bien simple, bien banale et bien naïve: Quand cela va-t-il marcher? Elle est concrète. Les promoteurs de chez nous, les entrepreneurs, les entreprises et tous ceux qui ont des projets susceptibles de s'intégrer dans cette entente attendent la réponse. Quand cela va-t-il marcher?

M. Rémillard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean me demande pourquoi je dis que c'est une entente extraordinaire, que c'est une entente historique. J'ai dit que c'était une entente extrêmement importante pour le Québec et qu'elle marque nos relations fédérales-provinciales dans le secteur du développement économique régional.

M. le Président, je suis le premier à reconnaître les aspects intéressants qu'on retrouvait dans l'EDER négociée par le gouvernement précédent, en 1984. Cela a été un pas important, un pas que nous avons complété en faisant un pas de plus. Dans des domaines où il n'y avait pas de concertation entre les deux ordres de gouvernement, dans le domaine de l'aide aux entreprises, par exemple, où c'était conjoint et non pas concerté, c'est-à-dire que les deux ordres de gouvernement envoyaient des

chèques et qu'il n'y avait pas de concertation, nous avons réussi à obtenir que ce soit de façon concertée. C'est un élément fondamental, parce que c'est l'aide à l'entreprise, une partie importante de l'aide que nous pouvons apporter au développement économique régional. Donc, ce que j'ai dit tout à l'heure, je le répète, M. le Président. Il y a eu une entente de développement économique régional qui avait été négociée en 1984, oui, mais à partir de là on a développé un autre volet, soit le développement économique régional, avec un pas de plus en avant avec la concertation avec le gouvernement fédérai dans tous les domaines. Ce qui nous amène à dire - je le disais tout à l'heure - qu'il n'y a pas un sou qui est dépensé par le gouvernement fédéral en matière de développement économique régional qui ne fait l'objet d'une concertation avec le gouvernement du Québec. Et c'est un principe important.

M. le Président, sur un autre point, cette entente est aussi très importante. Nous avons réussi à nous entendre sur un sujet de longue discussion, le fameux fonds LaPrade. On se souviendra du projet de cette usine d'eau lourde à Gentilly qui devait se concrétiser, qui a été annulé par le gouvernement fédérai de l'époque, lequel a créé en contrepartie un fonds pour venir en aide à la région touchée. Le problème est que ce fonds LaPrade a servi en partie à toutes sortes de choses: pavages de cours, réfections de toitures, etc. Ce ne sont pas tellement des éléments intéressants pour encourager l'économie d'une région. Il n'y avait aucune concertation dans l'administration de ce fonds LaPrade, parce qu'on avait un problème majeur: le gouvernement fédéral voulant donner ces sommes d'argent directement aux organismes publics et parapublics, le gouvernement du Québec avec raison se refusant en disant: Les municipalités, entre autres, n'auront pas à transiger directement avec le gouvernement fédéral.

M. le Président, très souvent les municipalités voient cette restriction avec un certain scepticisme. Elles ont dit: Un instant! Pourquoi ne sommes-nous pas capables d'aller travailler avec le fédéral directement? Pourquoi ne sommes-nous pas capables d'aller chercher notre argent au fédéral? Il faut qu'elles comprennent que, si on permettait que les municipalités, les cités et villes, aient des relations directes avec le gouvernement fédéral, on en arriverait à une situation où on ne se comprendrait plus. Il n'y aurait aucune coordination. Ensuite, cela nous poserait des problèmes. Si une municipalité acceptait de l'argent du gouvernement fédéral, par exemple de ce fonds LaPrade, pour construire une aréna, le problème serait l'entretien de cette aréna. Si une municipalité n'a pas de fonds, n'a pas prévu la possibilité d'administrer une aréna et ce que ça coûte, cela cause des problèmes. Il n'y a pas juste le fait de construire, il faut ensuite administrer. Les municipalités sont de bonne foi. Elles voient au bien-être de leurs citoyens et de leurs citoyennes, mais il demeure qu'il faut avoir une concertation, une coordination pour que les sommes dépensées par le gouvernement fédérai soient en étroite coordination avec les plans de développement du gouvernement du Québec.

Nous avons réussi à établir un mécanisme qui nous permet d'avoir le contrôle sur ces sommes qui viennent du fonds LaPrade, qui sont données à des municipalités ou à d'autres organismes du secteur public ou parapublic et qui vont au développement des régions. C'est un autre aspect de l'entente de développement économique régional qui est extrêmement intéressant.

L'entente est opérationnelle. Les programmes sont publics. Il y a même eu des brochures qui ont été faites. Mais ils sont à être complétés dans leurs modalités d'application à certains égards. Probablement très prochainement Ils seront diffusés dans tous leurs aspects et, comme je le disais tout à l'heure, le processus sera alors très rapide. Il fallait tout d'abord établir un nouveau mécanisme en fonction de la volonté populaire, de la volonté du milieu. Il faut consulter les municipalités, consulter les villes, consulter les MRC, consulter les conseils économiques régionaux. C'est ce qui est important et à partir de là le mécanisme va fonctionner. Cela va s'exercer et nous allons pouvoir, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, avoir des projets qui pourront être étudiés et mis en application dans un avenir très très prochain.

M. le Président, ce qu'il est important de retenir de tout ça, c'est qu'il faut rechercher l'efficacité. Il faut rechercher aussi la concertation: la concertation entre deux niveaux de gouvernement, oui, mais aussi la concertation en fonction de véritables consensus qu'on doit établir dans la population en regard des besoins de cette population. Nous n'avons pas à imposer des projets à une population qui connaît directement ses besoins. Nous avons à respecter les instances qui ont été créées, qui connaissent en premier lieu, au premier chef, les réalités sociales, culturelles, économiques d'une région et qui sont à même de proposer des solutions à ses problèmes de développement.

M. le Président, ce que fait l'entente de développement économique régional, c'est de se référer à la base, à la volonté populaire. Le mécanisme qui est en place nous démontrera qu'il est efficace pour apporter de véritables solutions aux problèmes de développement que nous pouvons avoir dans certaines régions.

Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre. Nous allons suspendre les travaux pour cinq minutes, M. le ministre et messieurs les membres de la commission.

(Suspension de la séance à 17 h 11)

(Reprise à 17 h 24)

La Présidente (Mme Bleau): À l'ordre, s'il vous plaît! On reprend la séance. M. le député de Lac-Saint-Jean.

Accès à la zone de pêche de 200 milles

M. Brassard: Mme la Présidente, j'aimerais aborder un autre dossier, celui-là important pour les pêcheurs - pas les pécheurs, mais les pêcheurs - québécois. Il s'agit de l'accès à la zone de pêche de 200 milles. Un consortium s'est constitué, formé d'une douzaine d'entreprises de transformation du poisson de fond du Québec. Il y en avait sept du Québec et cinq du Nouveau-Brunswick. Depuis 1987, ce consortium réclame un droit d'accès à la zone canadienne de pêche de 200 milles avec un quota spécifique, un tonnage, sur une période de six ans. Cela permettrait, évidemment, de laisser fonctionner sur une plus longue durée les usines de transformation. Cela permettrait aussi d'investir dans la construction de chalutiers. Il serait même question de six chalutiers si cette autorisation était accordée, évidemment, avec des investissements importants.

Jusqu'à maintenant, en 1986, cela a été un refus catégorique de la part du fédéral: pas question d'accéder à cette zone. On en avait parlé l'an passé et vous m'aviez répondu, je m'en souviens fort bien: Oui, c'est vrai, on s'est butés à un non catégorique, mais attendez, ce n'est pas fini, on va se reprendre, c'est annuel et on va faire en sorte qu'en 1989 on ait notre part de poisson dans la zone de 200 milles. Par conséquent, le processus a repris l'an passé pour pouvoir avoir accès à la zone en 1989. Malheureusement, encore une fois, un non catégorique. Donc, cela fait trois ans, depuis 1987, maintenant que les entreprises de transformation du Québec ne peuvent pas avoir accès à la ressource poisson dans la zone de 200 milles.

Il s'est produit des absurdités. Une usine, celle de Newport, pour faire fonctionner ses équipements, a dû acheter de la morue soviétique capturée dans la mer de Béring, de l'autre côté du continent. On en est à cette absurdité que les usines de transformation du poisson du Québec achètent de la morue soviétique pêchée dans l'autre océan, la mer de Béring. Alors, c'est grave!

Deuxième absurdité, finalement, le Canada a conclu une entente avec la France et les chalutiers français vont avoir accès à la zone de 200 milles jusqu'à ce que le tribunal international statue sur le litige. Les Québécois, eux, continuent à ne pas avoir accès à la zone de 200 milles, à ne pas pouvoir pêcher dans la zone de 200 milles avec ce que ça implique en pertes d'emplois et en pertes d'investissements.

L'an passé, le ministre m'avait dit: Soyez patients, on n'a pas réussi cette année, mais vous allez voir en 1989, on va refaire la demande et on va sans doute obtenir du succès. Eh bien, ce n'est pas le cas. Le ministre est-il prêt, au moins modestement, à reconnaître l'échec de son gouvernement dans ce dossier, échec grave pour les pêcheurs québécois? Comment se fait-il qu'encore une fois cette année vous n'ayez pas réussi à permettre aux pêcheurs québécois d'avoir accès à la zone de 200 milles? Est-ce qu'on doit considérer ce dossier comme fermé? Autrement dit, la question brutale que je vous pose est si on doit considérer ce dossier comme fermé. Est-ce qu'on doit prendre acte du fait que Terre-Neuve exerce dans le secteur des pêches une telle influence sur le gouvernement fédéral qu'il faut faire son deuil de ce projet d'accès à la zone de 200 milles et fermer le dossier? Il n'y a plus rien à faire, les efforts ont été faits, les démarches ont été faites sans succès et il n'y a plus espoir de réussir dans les années futures. Si c'est le cas, aussi bien qu'on se le dise bien sincèrement, qu'on cesse de se faire des illusions, qu'on cesse de susciter de faux espoirs dans les régions de pêcheurs, dans les régions du Québec, consacrées à la pêche et qu'on sache au moins à quoi s'en tenir.

M. Rémillard: Mme la Présidente, je veux rassurer le député de Lac-Saint-Jean. Ce n'est pas un dossier qui est fermé, mais un dossier ouvert, un dossier actif. En juin 1987, le gouvernement du Québec a pris l'initiative d'inviter les usines qui étaient engagées dans la transformation du poisson de fond, tant du Québec que du nord-est du Nouveau-Brunswick, à se regrouper en vue de créer un consortium de pêche dans la zone économique canadienne de 200 milles. Or, c'est nous qui avons pris l'initiative de créer ce consortium. Douze usines, dont sept du Québec et cinq du Nouveau-Brunswick, forment la société de pêche Nova Nord Itée et ces usines ne possèdent pas de flotte, à l'exception de Madelipêche. Elles sont alimentées par des bateaux côtiers indépendants qui pêchent dans le golfe. Alors, les stocks du golfe sont exploités con-curemment par cinq provinces et n'offrent aucune possibilité de croissance.

M. le Président, à la suite des différentes discussions qui ont eu lieu avec le ministre de Pêches et Océans Canada, nous continuons à appuyer ce consortium dans ses démarches qui s'annoncent, il faut le dire, difficiles. Dans cette conjoncture, la position du Québec est la suivante: il faut respecter l'avis des scientifiques et assurer la reconstruction des stocks en limitant le nombre total de prises admissibles à 125 000 tonnes pour 1989. Dans ce cas, Mme la Présidente, le Québec accepterait qu'il n'y ait pas de contingent accordé à Nova Nord pour 1989, mais exigerait un engagement ferme d'obtenir une part pour elle de l'accroissement des ressources disponibles au cours des années subséquentes. Toutefois, si le fédéral maintient sa position de 235 000 tonnes, le Québec exige qu'au moins 10 000 tonnes soient accordées sur la demande

de 34 500 tonnes. Or, les scientifiques doivent produire une nouvelle évaluation des stocks en juin et des ajustements pourraient s'ensuivre. Le règlement du conflit France-Canada apporte un nouvel argument à l'appui de la demande de Nova Nord, comme le soulignait le député de Lac-Saint-Jean. Cette entente prévoit, en effet, l'octroi d'un contingent de 2950 tonnes dans la zone 2J3KL, ce qui démontre la capacité du fédéral de dégager des contingents dans cette zone. 2J3KL Je sais que le député de Lac-Saint-Jean est un grand spécialiste de la pêche...

M. Brassard: J'ai visité ces lieux dernièrement.

M. Rémillard: ...et qu'il est capable de se retrouver avec ces directives. Moi, ce n'est pas 007 du côté de la Sécurité publique, mais c'est bien 2J3KL Avec ces données, je suis certain qu'il pourra se retrouver. Mon souci, Mme la Présidente, est de donner les réponses les plus complètes possible et je ne voudrais pas que le député de Lac-Saint-Jean, allant vérifier mes réponses, se perde dans la nature. Il faut qu'il sache où aller. 2J3KL

M. Brassard: Cela m'aide. Probablement, est-ce votre nature? Je vous trouve très optimiste, parce que c'est évident qu'il y a une sorte de mésentente quant à l'évaluation des stocks. Ne trouvez-vous pas ça un peu contradictoire, même absurde et humiliant pour ce que vous appelez un partenaire à part entière de la Confédération, que la France, un État étranger, ait accès à la zone de 200 milles, ait des quotas, des contingents et que le Québec, partenaire à part entière de la fédération canadienne, s'en voie refuser l'accès? Ne trouvez-vous pas ça anormal, absurde et humiliant et, pour tout dire, honteux? Vous, un fédéraliste notoire, défenseur acharné du régime fédéral, ne trouvez-vous pas ça absurde et humiliant que ce soit le Québec qui ne puisse pas avoir accès à la zone de 200 milles, alors que la France y a accès et se voit attribuer des quotas?

Je ne veux pas partir de guerre avec la France, mais il y a une absurdité foncière dans la situation présente. Depuis trois ans, le Québec se voit refuser l'accès à la zone de 200 milles. Il n'est pas question de pêcher du poisson dans cette zone et récemment on reconnaissait à la France ce droit d'accès et on lui accordait des contingents. Si j'étais fédéraliste, je ne le suis pas depuis bien longtemps, je m'indignerais. Est-ce que vous voulez vous indigner?

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Rémillard: En tout cas, Mme la Présidente, je peux vous dire que je m'interroge. En fait, il y a un problème. C'est évident qu'il y a un problème sérieux, quand on pense que le plan de pêche de 1988 n'a rien accordé à Nova Nord.

Une situation comme celle-là est difficilement acceptable. Des 37 000 tonnes qui ont été rendues disponibles pour 1988, il y a seulement 10 000 tonnes qui ont été accordées, et toutes à des entreprises de Terre-Neuve. Alors, il y a des questions très sérieuses à se poser à un moment donné. Le consortium n'a toutefois pas démissionné et il est toujours très actif. Il y a eu le Conseil des ministres des Pêches de l'Atlantique qui s'est réuni à Ottawa en décembre dernier. Celui-ci avait pour objectif de permettre au ministre de Pêches et Océans de consulter ses homologues provinciaux avant de dévoiler le plan de pêche pour l'année à venir. Pour se référer à ce que le député de Lac-Saint-Jean mentionnait concernant cette entente Canada-France sur la zone de 200 milles, on a, à ce conseil, convenu d'exclure des discussions sur les contingents de la zone de 200 milles, parce que les avis scientifiques n'étaient pas encore disponibles pour connaître la situation des stocks. Il n'y a pas eu de nouvelle réunion du conseil et il n'y en aura pas avant que le ministre de Pêches et Océans n'annonce qu'il y aura un tel nombre total de prises admissibles, comme le prévoient les scientifiques.

Dans ce contexte, Mme la Présidente, il y a des questions sérieuses à se poser et cette situation est difficilement acceptable pour nos pêcheurs. La position du gouvernement du Québec, comme je l'ai mentionné, est d'appuyer le consortium, d'être fortement avec lui pour la revendication d'un droit qui nous paraît tout à fait légitime. Je dois souligner l'excellent travail que fait mon collègue, le ministre responsable des pêches dans ce dossier, pour faire valoir justement les droits de ce consortium.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Alors, rendez-vous à la prochaine étude des crédits, M. le ministre. J'ai l'impression qu'on n'aura pas grand-chose à se mettre sous la dent.

M. Rémillard: Je vois que le député de Lac-Saint-Jean concède les prochaines élections.

Contrats fédéraux en recherche et développement

M. Brassard: Ah, bon, bon, bon! Ce n'est pas sûr. C'est sûr, s'il y avait un changement de gouvernement peut-être, que le dossier évoluerait positivement. Mme la Présidente, un autre dossier, celui des contrats fédéraux en recherche et développement.

On a assisté, à partir de 1985, à une chute radicale du pourcentage des contrats fédéraux en recherche et développement attribués au Québec. En 1984-1985, on recevait 20,6 % des contrats en recherche et développement en provenance du fédéral. Cela a chuté en 1985-1986 à 10,6 % et,

depuis ce temps-là, on stagne à ce niveau: en 1986-1987, 10 % et en 1987-1988, 10,3 %. Pourtant, Dieu sait que c'est important, la recherche et le développement dans une économie moderne. Le gouvernement québécois, par la voix du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes comme par celle du ministre de l'industrie, du Commerce et de la Technologie, M. MacDonald, s'était engagé à modifier cette situation et à faire en sorte que le Québec obtienne sa juste part des contrats fédéraux en recherche et développement. Il était question d'une stratégie intégrée, mise en place par vous-même, M. le ministre, à l'automne 1986.

Récemment, le ministre MacDonald reconnaissait cependant que rien n'avait changé et que le Québec était largement et constamment défavorisé à ce chapitre. L'embauche d'un lobbyiste spécialement assigné pour aider les entreprises québécoises à obtenir des contrats ne semble pas, non plus, avoir donné beaucoup de résultats. Le Conseil québécois de la science et de la technologie dénonçait, lui aussi, la situation et faisait un certain nombre de recommandations. Cette situation est inacceptable. Le conseil lui-même rendait publique cette situation en disant que près de 70 % des contrats de recherche du gouvernement fédéral sont accordés sans appel d'offres, sans soumissions. C'est évident que c'est une donnée importante. Bref, on est en 1989 et rien ne change dans ce secteur. On a toujours la portion congrue, on n'a pas notre part juste et équitable des contrats en recherche et développement, malgré l'engagement que vous aviez pris de mettre en place une politique, une stratégie visant à changer la situation. Ce n'est pas le cas.

Un peu comme dans le dossier précédent, le ministre est-Il disposé à reconnaître que la performance du Québec en cette matière ne s'est pas améliorée, qu'on stagne à 10 % des contrats de recherche, à reconnaître aussi du même coup l'échec de sa stratégie intégrée et de l'action du conseiller spécial du gouvernement engagé en cette matière? À partir du moment où il reconnaît l'échec de sa stratégie, est-ce qu'il entend concrètement redresser la situation, adopter de nouvelles mesures ou faire de nouvelles démarches et en arriver à des résultats cette fois-là?

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Rémillard: Mme la Présidente, c'est un sujet encore très important que soulève le député de Lac-Saint-Jean. C'est un domaine où - on l'a mentionné à plusieurs reprises et le ministre responsable du dossier le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, !'a mentionné aussi à plusieurs reprises - nous n'avons pas notre juste part. Dans la répartition des contrats de recherche, c'est évident. La performance du Québec, Mme la Présidente, dans le cadre de la politique fédérale d'impartition des contrats en science et technologie, ne casse de se détériorer depuis 1976-1977. Alors, c'est en 1976-1977 que, tout à coup, la part du Québec s'est mise à diminuer dans l'octroi de ces contrats en science et technologie. Depuis, cela n'a eu de cesse, excepté dernièrement. (17 h 45)

On peut dire que, dans les neuf premiers mois de l'année 1988-1989, on a vu apparaître un redressement. Ce n'est pas faramineux, ce n'est pas grand-chose mais, quand même, cela nous montre qu'on est sur la bonne piste avec 13,8 % de la valeur des contrats. Il ne s'agit pas de crier victoire avec cela, Mme la Présidente, absolument pas, on a une grosse côte à remonter. La côte, il faut la remonter à partir de 1976-1977 et on la remonte. On est vraiment dans la bonne lignée, dans la bonne direction. Le conseil a mentionné le fait qu'on n'avait pas notre part. Il a dit aussi qu'il fallait que l'Agence spatiale soit située à Montréal et de telle sorte que l'agence soit une activité scientifique importante.

On a parlé ce matin de l'Agence spatiale, de l'importance de cette Agence spatiale pour la région de Montréal et pour tout le Québec, bien sûr. On a dit qu'il fallait être vigilant, bien que l'Agence spatiale ce soit intéressant, un pas fondamental, parce qu'on a la structure de l'agence qui est là, plus de 200 fonctionnaires, un budget important et un président qui connaît bien le Québec. C'est un Québécois et un scientifique de renom, le Dr Kerwin, ancien recteur de l'Université Laval. Mais, il faut être vigilant pour aller chercher notre part du marché, une part de ces contrats de recherche. C'est comme cela qu'on a engagé des personnalités, des gens particulièrement au courant de la situation qui, à partir du bureau du Québec à Ottawa, agissent maintenant comme démarcheurs auprès des ministères et organismes fédéraux. Leur objectif est de faciliter l'obtention de contrats fédéraux à des entreprises québécoises.

Il y a aussi, il faut le dire, ces nouveaux programmes: centres d'excellence et bourses Canada. Les ministres responsables de l'Éducation et du Développement technologique ont clairement indiqué les attentes du Québec quant à la nécessité que ces programmes prennent en compte les spécificités québécoises et les capacités de recherche québécoises. J'ai mentionné ce matin deux programmes de recherche importants dans nos universités pour un total de plus de 80 000 000 $, si ma mémoire est bonne. On voit là déjà un redressement encore timide, mais il faut s'y mettre. Cela fait depuis 1976-1977 que cette situation existe. Il faut s'y mettre. Il faut prendre la situation en main. Avec les démarcheurs, avec le nouveau rôle économique du SAIC aussi, on va mettre toutes nos énergies et on va aller chercher la part qui nous revient. Il s'agit de manifester notre intention.

Le député de Lac-Saint-Jean fait référence à mes convictions politiques. Il a bien raison. Je suis un fédéraliste de coeur et de consentement. Le fédéralisme doit s'appliquer non seulement au

niveau canadien, mais, pour moi, le fédéralisme, c'est une décentralisation. Même au niveau québécois, à bien des niveaux, la pensée fédérale peut nous aider à administrer le Québec, Quand on pense à l'immensité de notre territoire et à cette population qui est faible pour l'immensité du territoire que nous avons, on peut se référer souvent à la pensée fédéraliste fondée sur l'autonomie des participants et leur participation égale aux décisions. Dans l'ensemble, on peut se référer à cette pensée fédéraliste pour donner une réelle administration. D'ailleurs, tout à l'heure on parlait des dossiers de l'EDER et cela correspond tout à fait à ma pensée fédéraliste non seulement en fonction de cette concertation au niveau des deux ordres de gouvernement, fédéral et provincial, mais aussi en fonction de cette concertation entre le gouvernement provincial, le gouvernement québécois, et les municipalités, les cités et villes, les intervenants directs sur le terrain. Il faut respecter l'autonomie de ces gens. Il faut réaliser que ce n'est pas d'un centre administratif situé loin d'une région qu'on va régler tous les problèmes de cette région. Il y a des organismes sur place qui sont à même d'analyser vraiment les problèmes de développement économique, culturel, social dans leur juste perspective parce qu'ils les vivent, ces problèmes.

M. le Président, ainsi ce que nous avons comme situation ici, dans le domaine des contrats de recherche, c'est une action que nous devons mener en étroite collaboration avec nos universités et nos entreprises de recherche pour aller chercher la part de ces contrats gouvernementaux qui nous revient. La situation se corrige et on espère bien que, dans les prochains mois, cette correction sera beaucoup plus évidente.

M. Brassard: Mme la Présidente, on peut bien tenter de faire remonter cela à 1976-1977. Je veux bien, mais il reste que la chute de 20 % à 10 % ne s'est pas faite en 1976-1977. Elle s'est faite récemment, en 1985-1986. Je pense qu'il est important de le signaler: la chute brutale s'est faite récemment. Si, pour les neuf premiers mois de 1988, la proportion du Québec s'est élevée à 13 %, soit la valeur des contrats octroyés, il faut quand même dire aussi qu'il y en 45 % qui sont allés à l'Ontario et 16 % à la Colombie britannique. Cela faisait dire d'ailleurs ceci à Maurice L'Abbé, le président du Conseil de la science et de la technologie, dans Le Devoir et je le cite: II y a une légère amélioration par rapport à l'an dernier, mais la Colombie britannique, une petite province par rapport au Québec, constitue un mystère avec plus de 16 % des contrats. Celui qui vient de faire une profession de foi fédéraliste, je ne sais pas s'il a une explication pour la Colombie britannique. Il peut peut-être sentir l'appel des Rocheuses et nous dire comment il se fait que la Colombie britannique a plus que le Québec. C'est vrai que c'est mystérieux. 13 %, ce n'est pas encore une amélioration. Il a raison de ne pas claironner et de ne pas plastronner, parce que ce n'est pas encore une amélioration considérable. Il n'est pas certain, non plus, que cela se maintienne ensuite ainsi.

Mais, est-ce que le gouvernement du Québec a fait des démarches auprès du gouvernement fédérai pour que la façon d'attribuer les contrats soit modifiée? L'un des motifs invoqués par le Conseil de la science et de la technologie pour expliquer - c'était une des principales raisons - la part minime du Québec des contrats en recherche et développement était le fait que plus de 70 % des contrats de recherche sont attribués sans appels d'offres, de sorte que c'est le réseau bureaucratie fédérale et entreprises ontariennes qui joue en faveur de l'Ontario. Le Conseil de la science et de la technologie nous disait encore: Si une plus grande part des contrats de recherche était attribuée par voie d'appels d'offres, le Québec pourrait probablement mieux se tirer d'affaire. Sur ce point précis, est-ce que le gouvernement a entrepris des démarches pour faire en sorte qu'en matière d'attribution des contrats la procédure d'appels d'offres soit la procédure la plus habituelle, ce qui n'est pas le cas présentement?

M. Rémillard: Le ministre responsable de la technologie, M. MacDonald, est très actif dans ce dossier. Hier, je crois, il a eu à répondre à différentes questions lors de ses crédits. Sur ce sujet, il mentionnait que notre nouvelle approche avec nos deux démarcheurs à Ottawa et la concertation avec le milieu universitaire et nos sociétés impliquées en recherche portaient leurs fruits et qu'il fallait absolument qu'on puisse établir un plan de redressement sur plusieurs années si on voulait reprendre en main la situation. Maintenant, avec l'Agence spatiale à Montréal, ça va aider grandement. Sur les modalités d'attribution de ces contrats, fi faudrait qu'on puisse se référer, de plus en plus, à des appels d'offres formels, bien qu'il y ait toujours des considérations d'offres qui peuvent se faire au niveau fédéral. Souvent, ce n'est pas formel et il y a donc moins de publicité autour de ces appels contractuels. Ce serait certainement très intéressant que l'on puisse avoir des appels formels du moins pour certains contrats particulièrement importants afin qu'on puisse demander à nos entreprises de soumissionner.

C'est justement là qu'il est intéressant de voir le rôle de nos démarcheurs, Mme la Présidente. Le rôle de nos démarcheurs, c'est exactement ça. C'est d'être à l'affût de tous ces contrats qui sont donnés par le gouvernement fédéral, d'en avertir les sociétés, les entreprises ou les universités qui sont dans ces domaines et de les inciter à faire des offres de services pour obtenir ces contrats. Alors, c'est dans ce but qu'a été créé ce service de démarcheurs et c'est dans ce contexte, Mme la Présidente, que nous continuons notre travail, parce qu'il a porté des fruits. Ces fruits sont encore modestes, bien sûr, mais ils sont là. Cela prouve qu'on est en train

de redresser la situation. On était en chute libre depuis 1975-1976 ou plutôt 1976-1977 et on est maintenant en voie de redresser la situation, de maintenir le cap, pour prendre un terme spatial. Dans ce contexte, je pense qu'on peut se réjouir des résultats qu'on a présentement. Il faut continuer dans cette veine.

Mme la Présidente, est-ce que je pourrais demander de suspendre quelques minutes pour quelques considérations et vous revenir après?

La Présidente (Mme Bleau): Nous suspendons pour quelques minutes, M. le ministre.

(Suspension de la séance à 17 h 57) (Reprise à 18 h 14)

La Présidente (Mme Bleau): Je déclare la séance ouverte et je donne la parole au député de Lac-Saint-Jean.

Situation du transport ferroviaire

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Comme le temps passe vite, je vais essayer d'accélérer parce qu'il me reste deux ou trois choses à toucher. Rapidement, sur l'abandon des lignes de chemin de fer au Québec, quelque chose d'un peu bizarre se produit au Canada à ce sujet. Alors que, dans l'Ouest, presque toutes les provinces sont soustraites au mécanisme d'abandon des lignes non rentables et qu'elles ont droit à des investissements massifs, qu'à Terre-Neuve l'abandon d'un peu plus de 1000 kilomètres de voie ferrée a valu une compensation de l'ordre de 700 000 000 $, ici au Québec, c'est une politique toute différente. On a déjà abandonné un peu plus de 1000 kilomètres du réseau ferroviaire du Québec, on se prépare à abandonner 1000 autres kilomètres dans les mois qui viennent et on n'a droit à aucune compensation. Il y a une politique fédérale en matière de chemins de fer tout à fait tortueuse, tordue, inéquitable à l'égard du Québec. J'aimerais savoir très simplement si le ministre sait pourquoi le principe de la compensation qui vaut pour Terre-Neuve et ailleurs ne vaut pas pour le Québec. Comment se fait-il que le Québec soit considéré comme à part dans ce dossier? Comment se fait-il qu'il n'ait pas droit à une compensation financière au même titre que Terre-Neuve? Est-ce que c'est la clause de la société distincte qui s'applique?

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Rémillard: Ha, ha, ha! Dans le cas que souligne le député de Lac-Saint-Jean, il s'agit d'une situation bien particulière. Terre-Neuve est une province canadienne depuis 1949. Elle fut la dernière province à se joindre à la fédération canadienne. Dans les conditions d'adhésion, telles que négociées à ce moment-là, Terre-Neuve a exigé que son réseau de chemin de fer soit respecté. Par conséquent, il y a eu compensation, à cause de cette obligation qui est dans la constitution, dans l'acte d'adhésion de Terre-Neuve à la fédération canadienne, en 1949.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: C'est donc une clause particulière prévue lors de l'entrée de Terre-Neuve...

M. Rémillard: C'est ça.

M. Brassard: ...dans la fédération canadienne.

M. Rémillard: Dans le budget, on sait qu'il y a une coupure de 100 000 000 $ pour Via Rail; ce n'est pas la dernière coupure, paraît-il. Au moment où nous nous parlons, il n'y a eu aucune décision majeure néfaste pour le Québec de la part de l'Office national des transports. En six mois, les demandes totales d'abandon de kilométrage sont considérables, mais il n'y a pas de décision néfaste qui a été rendue. Le ministre des Transports est intervenu à plusieurs reprises auprès de son homologue fédéral pour s'assurer que le mode ferroviaire ne sera pas discriminé au Québec par rapport aux autres modes et que le fédéral donnera des instructions à l'Office national des transports. On va voir ce qui va se passer dans les prochains jours, les prochaines semaines, étant donné ce qu'on a appris, hier soir, dans le budget concernant le transport et Via Rail.

M. Brassard: II reste que, si le Québec ne peut pas obtenir de compensation comme c'est le cas de Terre-Neuve, pour les raisons que vous venez de mentionner, à tout le moins, il pourrait obtenir le moratoire qu'il réclame depuis longtemps. Le ministre des Transports du Québec réclame un moratoire sur l'abandon des lignes ferroviaires depuis plusieurs mois, sinon des années, sans succès. Est-ce que vous avez l'intention d'exiger, sinon une compensation, à tout le moins que le gouvernement fédéral réponde favorablement à cette demande légitime de moratoire?

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Rémillard: Mme la Présidente, le dossier n'est pas fermé. Pour le Québec, il y a eu trois ordonnances émises par l'Office national des transports concernant l'abandon des tronçons de Témiscamingue, de Témiscouata, et l'autre, Danville, Charny-Richmond. Dans les trois cas, Mme la Présidente, il y a ou il y aura appel auprès du gouverneur général en conseil, conformément aux modalités de la loi nationale sur les transports. Le dossier n'est donc pas fermé. C'est un dossier dans lequel mon collègue, le ministre des Transports, est très actif, pour faire respec-

ter en particulier les intérêts des régions qui pourraient être touchées par l'abandon de certaines lignes de chemin de fer. Je peux vous dire, Mme la Présidente, que c'est un sujet qui nous préoccupe au plus haut point et que mon collègue, le ministre des Transports, y accorde toute l'attention nécessaire.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Lac-Saint-Jean.

Construction d'un gazoduc reliant Sarnia à Montréal

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Un autre sujet, assez rapidement, le projet de Soligaz. Il y a des mois et des mois que le gouvernement québécois exige et réclame du gouvernement fédéral la construction d'un nouveau gazoduc reliant Sarnia à Montréal, pour permettre de relancer l'industrie pétrochimique montréalaise, et faire en sorte que le projet de Soligaz puisse voir le jour, c'est-à-dire une usine de fractionnement. Cela entraînerait des investissements assez considérables et, donc, la création d'emplois de façon assez notable. Cet investissement de 150 000 000 $ du fédéral dans la construction de ce nouveau gazoduc est important, en particulier pour l'industrie pétrochimique montréalaise. Récemment, le président de SOQUIP, promoteur dans le consortium Soligaz, évoquait la possibilité que, lors du budget fédéral, on obtienne des Indications quant à l'implication du gouvernement fédéral dans ce projet. Malheureusement cela n'a pas été le cas, il n'y a rien eu dans le budget là-dessus, même pas une phrase sur Soligaz ni sur la construction d'un nouveau gazoduc reliant Sarnia à Montréal. Compte tenu de l'importance de ce projet dans la relance de l'industrie pétrochimique québécoise, il me semble que c'est un dossier majeur, qui doit débloquer le plus rapidement possible. Est-ce que le gouvernement québécois est en mesure de nous dire aujourd'hui si le projet de Soligaz va pouvoir voir le jour bientôt et si le gouvernement fédéral va pouvoir annoncer très bientôt son implication et sa participation à la construction de ce nouveau gazoduc réclamé par SOQUIP et par tous les intervenants impliqués dans le projet Soligaz?

M. Rémillard: Mme la Présidente, Soligaz est un projet majeur, c'est un projet qui, à lui seul, représente des investissements directs de l'ordre d'environ 300 000 000 $. Alors, il y a près de 200 000 000 $ qui pourraient être dépensés pour la construction ou l'amélioration du gazoduc et, au total, en incluant les projets qui peuvent en découler, l'investissement pourrait facilement dépasser le milliard de dollars. Alors, c'est un projet vraiment majeur. C'est un projet qui vise a acheminer à Montréal, depuis Sarnia, des liquides de gaz naturel et c'est un projet qui représente un excellent exemple des problèmes de cette industrie. C'est un projet de développement qui est retardé depuis deux ans en raison des discussions sur l'avenir du pipeline de Sarnia à Montréal, du gazoduc de Sarnia à Montréal. Alors, les questions du renversement éventuel du flux, de la transformation sécuritaire au LGN, de la structure des prix ont fait en sorte que la région montréalaise n'a pu reprendre la place Importante qu'elle détenait avant les années soixante-dix dans la pétrochimie nord-américaine.

Alors, jusqu'à tout récemment, Mme la Présidente, le gouvernement du Québec était à peu près seul dans la défense de ce projet, avec les promoteurs, mais là, on peut dire que le gouvernement fédéral y est beaucoup plus sensible. Le ministre Masse, qui avait la responsabilité de l'énergie, s'était prononcé en faveur du projet. Alors, cela a fait renaître le projet d'une façon très très active et nous avons des indications à savoir que ce projet va très bien. Ce projet va très bien. Ce n'est pas un projet qui est facile, mais on peut dire que c'est un dossier qui fait l'objet de représentations très intenses auprès du gouvernement fédéral et de différents partenaires industriels.

Ce qui importe en priorité, Mme la Présidente, c'est que les gouvernements assurent un abaissement des coûts de transport entre Sarnia et Montréal. Alors, il nous faut pour ça une aide fédérale d'au moins 150 000 000 $. Mais, ce que je peux dire en terminant, Mme la Présidente, c'est que le projet Soligaz semble bien s'orienter depuis tes quelques derniers mois et que la démarche pourrait aboutir dans un avenir quand même pas très éloigné.

La Présidente (Mme Bleau): Tout ça, M. le ministre, malgré les coupures budgétaires annoncées? Vous croyez qu'on peut quand même espérer?

M. Rémillard: II y a des projets qui gardent leur priorité et on a de bonnes raisons de croire que, malgré les coupures, ce projet qui est tellement important pour le développement économique de la région métropolitaine pourrait faire l'objet d'une priorité de la part du gouvernement fédéral. Il l'est déjà en ce qui concerne le gouvernement du Québec. Je peux vous dire que le ministre responsable de l'énergie, mon collègue M. John Ciaccia, est très présent dans ce dossier. J'ai été informé récemment que les discussions allaient très bien.

La Présidente (Mme Bleau): Bien. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Mme la Présidente, est-ce que le ministre est conscient que l'échéance se situe au début de mai? S'il n'y a pas une réponse favorable dès le début de mai, il semble que des partenaires du projet pourraient songer à remettre en question leur participation. C'est d'autant plus inquiétant qu'une réponse nous arrive au

mois de mai que le ministre fédéral, Jake Epp, affirme, le 25 avril 1989: Je n'ai pas de mandat pour dire si on doit aller ou non de l'avant avec le projet. D'autre part, le président de SOQUIP, M. Pouliot, dit: C'est un dossier qui est discuté entre les premiers ministres. Est-ce un dossier qui est discuté entre les premiers ministres? Cela reste à voir. Mais c'est un peu préoccupant que le ministre Jacob Epp, du fédéral, déclare qu'il n'a pas le mandat de dire si on doit aller de l'avant ou non avec le projet. C'est un peu inquiétant. Est-ce que le ministre est conscient de l'échéance du début de mai? Sinon, cela peut compromettre le projet lui-même, en tout cas, remettre en question la participation de certains partenaires au sein du consortium.

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Rémillard: Mme la Présidente, je dois dire que je ne suis pas au courant de cette échéance. Je n'en ai pas été informé. J'ai rencontré mon collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, encore récemment. On a eu l'occasion d'en parler. Je ne suis pas au courant de cette échéance. Ce que je sais, c'est que ce dossier est dans une phase que je me permets de qualifier simplement d'intéressante. Cela va plutôt bien, même assez bien. Les discussions se continuent. Je dois dire au député de Lac-Saint-Jean que je ne suis vraiment pas au courant de cette échéance du mois de mai.

Champ de tir et bases militaires au Saguenay-Lac-Saint-Jean

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. J'aurais un dernier dossier à aborder. Il est régional, on me le permettra, c'est le dossier du champ de tir, qui est toujours sous la responsabilité du ministre. Deux remarques au sujet du projet de champ de tir à Implanter pour la Défense nationale dans la région de L'Ascension, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. D'abord, il serait intéressant de savoir où en sont les discussions entre les deux gouvernements relativement à une éventuelle entente portant sur l'implantation d'un polygone de tir, d'une part.

D'autre part, il serait aussi intéressant de savoir si cette entente contiendra l'ensemble des limitations et des restrictions recommandées par le rapport Bédard, et si elle comportera également une compensation financière telle que recommandée par la commission Bédard. (18 h 30)

Deuxième remarque. Vous savez que le gouvernement fédéral a annoncé, dans son budget, la fermeture d'un certain nombre de bases. Nous apprenons que, parmi les bases appelées à fermer, il y a celle de la station de radar du Mont Apica. Cela veut dire une soixantaine d'employés civils et plus d'une centaine d'employés militaires à la base du Mont Apica, dans la réserve des Laurentides. Vous le savez sans doute, mais je vous le rappelle et je le rappelle pour la commission, que, dans le rapport de la commission Bédard, il était clairement indiqué, c'était très précis, qu'on recommandait une réponse positive a la demande d'implantation d'un polygone de tir à L'Ascension, avec un certain nombre de restrictions, de limitations et, aussi, même de compensations, mais à la condition expresse, vous vous en souviendrez, M. le ministre, à la condition expresse... C'était ça, le rapport Bédard, c'était oui au champ de tir, avec des limitations et des restrictions, mais, oui, à la condition expresse que le niveau d'activités de la Défense nationale dans la région et que le niveau d'emplois de la Défense dans la région soient maintenus. Quand la commission Bédard parlait de niveau d'emplois et de niveau d'activités, cela n'impliquait pas seulement la base aérienne de Bagotville, mais cela impliquait aussi la station de radar du Mont Apica. Alors, là, le gouvernement fédéral décide de fermer le Mont Apica. Cela change la perspective parce que, à ce moment-là, c'est une réduction substantielle du niveau d'activités et du niveau d'emplois de la Défense nationale dans la région. Par conséquent, la garantie exigée par la commission Bédard pour justifier une réponse positive à la demande d'implantation d'un polygone de tir, cette garantie étant le maintien du niveau de d'emplois et le maintien du niveau des activités, on sait maintenant que le gouvernement fédéral ne pourra pas nous l'accorder. Il réduit ses emplois, il réduit ses activités et il ferme une base.

Alors, le portrait change. D'une part, où en sommes-nous dans les pourparlers avec le gouvernement fédéral concernant l'implantation d'un champ de tir, sur la base du rapport Bédard, et, d'autre part, comment réagissez-vous à la suite de la décision du gouvernement fédéral de fermer le Mont Apica, et donc de réduire les activités et de réduire le nombre des emplois, ce qui affecte directement la garantie ou la condition exigée par le rapport Bédard pour dire oui au champ de tir?

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Rémillard: Mme la Présidente, le projet fédéral d'un champ de tir air-sol pour des avions F-18 au Saguenay-Lac-Saint-Jean est un dossier très important pour moi, très important, parce que c'est un dossier qui existe déjà depuis plusieurs années. C'est en 1982 que le gouvernement fédéral a demandé au gouvernement du Québec de lui transférer l'administration d'un terrain d'une superficie approximative de 130 kilomètres carrés situé dans les cantons de Jogues et de Maltais, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en vue d'y aménager un champ de tir air-sol. Je me suis rendu dans la région, dans un premier temps et j'ai pris contact avec les différents intervenants. J'ai vu que les réactions

étaient très partagées. Les gens voulaient qu'on les rassure sur la sécurité, leur sécurité. On sait que ces F-18 ont des problèmes. Dernièrement encore, il y a quelques semaines, il y en a un autre qui est tombé. C'est le seuil d'acceptabilité sur la sécurité de ces F-18. Il y en a un autre qui vient de tomber au Manitoba. C'est le deuxième ou le troisième qui tombe au Manitoba.

Alors, Mme la Présidente, il faut tout d'abord s'assurer de la sécurité. Il faut s'assurer de la protection de l'environnement et il faut s'assurer du développement économique de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'étaient nos trois préoccupations dans ce dossier. Dans ce contexte, étant donné les circonstances que nous avons vues, des ministres fédéraux qui voulaient absolument mettre ça en application et qu'on cède tout de suite le terrain pour qu'on procède immédiatement, comme le ministre Benoît Bouchard, d'autres qui étaient plus réservés qui ont dit: Attention, il ne faudrait pas le faire à n'importe quelle condition, il ne faudrait pas céder à quelque pression que ce soit et se retrouver ensuite Gros-Jean comme devant, alors, face à cette situation, j'ai demandé à une éminente personnalité de la région, non seulement de la région, mais du Québec, M. Marc-André Bédard, ancien Procureur général du Québec, de présider un groupe de travail qui a fait le point en tenant des audiences publiques. Ces gens ont fait un travail remarquable et je voudrais les en remercier, remercier M. Bédard, remercier tous les membres de cette commission qui ont fait un travail remarquable et qui m'ont produit un rapport, au mois d'août, en fonction de ces trois objectifs que nous avions: sécurité des gens, protection de l'environnement et développement économique.

Comme le député de Lac-Saint-Jean le mentionnait fort bien tout à l'heure, ils ont émis des conditions importantes. Tout d'abord, ils ont bien mentionné, à la page 101, que le gouvernement du Québec devrait regarder avec le gouvernement fédérai s'il n'y a pas un autre site possible, s'il n'y a pas un site alternatif avant d'accorder ce site situé dans les cantons de Jogues et de Maltais, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Mais, ensuite, il fallait respecter certaines conditions. Comme le député de Lac-Saint-Jean le mentionnait tout à l'heure, une de ces conditions était, premièrement, le maintien de l'emploi des bases militaires de Bagotville et du Mont Apica. C'est une condition importante, Mme la Présidente, et je me permets d'insister parce que, justement, le gouvernement fédéral nous disait: Si vous n'acceptez pas ce champ de tir, on va être obligés de fermer peut-être bien la base de Bagotville, peut-être bien celle du Mont Apica parce qu'on ne peut plus se permettre de faire pratiquer nos avions ici, à L'Ancienne-Lorette. C'est trop loin. Cela coûte trop cher et ça va nous causer des problèmes pour maintenir notre base à Bagotville. On ne peut rien vous confirmer, mais on peut vous dire que ça peut nous créer des difficultés pour maintenir ces bases. Cela faisait réagir la population, Mme la Présidente, et avec raison quand on sait l'Implication que peuvent avoir, au point de vue économique, ces bases militaires importantes de Bagotville et du Mont Apica. Le rapport Bédard est fondé sur un principe de base: le gouvernement fédéral doit s'engager à maintenir l'activité militaire économique qui existe présentement, au moins ça.

Là, j'ai appris d'une façon informelle que, en fait, le gouvernement fédéral, dans la suite du budget, prévoyait fermer la base située au Mont Apica. Je peux vous dire, Mme la Présidente, que ça vient changer les conditions du jeu. Comme ministre, et c'est la même chose pour le député de Lac-Saint-Jean, on doit voir aux intérêts de la région. On n'est pas demandeurs dans ça. C'est le gouvernement fédéral qui veut venir établir son champ de tir. Pour la population, ça peut signifier des inconvénients. La population était prête à subir ces inconvénients de par la consultation qu'on a eue, mais pas à n'importe quel prix. Elle a dit: Attention, vous allez maintenir l'activité économique. Vous allez aussi nous donner certaines conditions. On se souvient des montants qui étaient établis dans le rapport Bédard, les 500 000 $, entre autres, qui pouvaient aller sur la protection de l'environnement et le développement des espaces verts de la région et le développement économique de la région.

Mais, Mme la Présidente, je n'ai pas la nouvelle officiellement, mais, tout à l'heure, j'ai reçu un appel téléphonique d'Ottawa m'informant, non officiellement, qu'on envisageait de fermer la base du Mont Apica. Dans ces conditions, je dirais que c'est venir changer les règles du jeu en ce qui regarde le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce qui me surprend d'autant plus, Mme la Présidente, c'est que j'ai reçu une lettre, la semaine dernière, de M. McKnight, ministre de la Défense nationale. Il m'écrit et me dit qu'il est prêt à s'asseoir pour négocier avec nous sur la base du rapport Bédard. Il me dit qu'il a étudié ça et qu'il est d'accord avec ce que contient ce rapport, dans ses grandes lignes. Donc, on veut s'asseoir et négocier avec nous. Quelques jours après - ça reste à être confirmé, Mme la Présidente, mais selon les informations que j'ai à ce moment-ci - on m'arrive et on me dit qu'on ferme la base du Mont Apica. Pour ma part, ma réaction est très simple. Là encore, si on avait suivi ce que certains ministres fédéraux de la région voulaient faire, on se retrouverait Gros-Jean comme devant. Si c'est confirmé, je dis bien toujours si c'est confirmé officiellement, Mme la Présidente, il faut réaliser qu'en prenant cette décision le gouvernement fédéral vient de changer les règles du jeu parce que, pour nous, on a eu une commission qui a été formée, qui a fait un travail remarquable. Toute la population s'est dite d'accord avec ce rapport et le gouvernement fédéral aussi. Le ministre de l'Environnement maintenant, M. Lucien Bouchard, s'est dit

d'accord avec ce rapport. Tout le monde s'est dit d'accord avec ce rapport et, tout à coup, je reçois une lettre du ministre McKnight me disant qu'il est prêt à négocier.

Mme la Présidente, il y a quelques semaines, je lisais dans les journaux les déclarations du ministre Benoît Bouchard qui disait: Dites à M. Rémillard d'aller faire ses devoirs, de prendre ses responsabilités. Bien oui, c'est beau, ça. Cela voudrait dire que c'est nous qui sommes demandeurs dans ce cas. On n'est pas demandeurs, Mme la Présidente. Les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce qu'ils veulent, c'est avoir un développement économique, mais, le champ de tir, ils ne l'ont pas demandé comme tel. Ils l'ont demandé parce que ça peut avoir un impact économique. Mais si on vient diminuer l'impact économique que ça peut avoir, je ne suis pas sûr que la population répondra comme elle a répondu lorsque le comité Bédard l'a consultée, parce que les conditions sont tout à fait différentes.

Mme la Présidente, pour ma part, si la fermeture de la base du Mont Apica est confirmée - je peux vous dire qu'on est en train d'étudier ça, on va l'étudier très sérieusement -il y a une condition du rapport Bédard qui vient de sauter et ça mérite une analyse sérieuse.

M. Brassard: Mme la Présidente, vous voyez comme je suis objectif. Je ne suis pas toujours opposé à vos remarques et à vos positions. Là-dessus, je m'entends fort bien avec vous. M. le ministre, si on ferme la base du Mont Apica, on change et on modifie de façon substantielle les règles du jeu. Partant de là, êtes-vous prêt à vous engager à ce qu'il n'y ait pas de négociation sur l'implantation d'un champ de tir tant et aussi longtemps que le gouvernement fédéral, comme le recommandait expressément la commission Bédard, n'aura pas pris un engagement ferme relatif au maintien du niveau des emplois et du niveau des activités de la Défense dans la région? Sinon, comme vous le dites, c'est une modification substantielle des règles du jeu à l'origine et, à ce moment-là, ça ne justifie pas l'amorce de négociations avec un gouvernement qui ne respecte pas la condition de base qui était exigée par la commission Bédard, c'est-à-dire le maintien du niveau des emplois et du niveau des activités. Êtes-vous prêt à dire au gouvernement fédéral: On négociera à partir du moment où j'aurai, de votre part, un engagement ferme que le niveau des emplois et le niveau des activités seront maintenus dans les deux bases existantes?

La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.

M. Rémillard: Mme la Présidente, il est clair que pour nous le mandat que nous avons de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour la représenter dans cette négociation est fondé sur cette exigence, à savoir que le fédéral doit maintenir le niveau économique au moins actuel.

Reste à voir s'il va confirmer officiellement la fermeture de la base du Mont Apica. Reste à voir ce qu'il veut faire aussi à Bagotville. Le principe, c'est le maintien, au moins au niveau actuel, de l'activité économique, de l'activité militaire...

M. Brassard: Sinon, pas de négociation.

M. Rémillard: Sinon les conditions sont complètement changées. Par conséquent, il va falloir étudier la situation de près, mais je ne me sens pas mandaté pour venir négocier sur quelque chose qui ne serait pas conforme aux principes qu'on retrouve dans le rapport Bédard, puisque le rapport Bédard a été fait en consultation avec la population et que la population a dit oui au rapport Bédard. Comme ministre responsable de ce dossier, je ne vois pas comment je pourrais aller négocier autre chose que ce qui peut se retrouver comme principes dans le rapport Bédard. Si on ferme la base du Mont Apica et qu'on augmente Bagotville d'une certaine façon, il faudrait apprécier, voir ce qui peut se passer, et voir tous les éléments autour de ça pour qu'on puisse vraiment respecter le principe qu'il faut que le niveau économique de la région soit maintenu quant aux bases militaires.

M. Brassard: Merci, Mme la Présidente.

Adoption des crédits

La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que le programme 4 du ministère du Conseil exécutif est adopté?

Des voix: Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): J'ajourne les travaux jusqu'au mercredi 3 mai 1989.

(Fin de la séance à 18 h 48)

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