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(Neuf heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mesdames, messieurs, à la suite du constat du quorum, je
déclare ouverte la séance de la commission des institutions qui a
pour mandat, ce matin, de procéder à l'étude des
crédits budgétaires du ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes, c'est-à-dire le programme 4
du ministère du Conseil exécutif pour l'année
financière 1989-1990.
Me Giguère, secrétaire de la commission, est-ce qu'il y a
des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un
remplacement. M. Marcil (Beauharnois) est remplacé par M. Latulippe
(Chambly).
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.
Premièrement, je vais souhaiter la bienvenue au ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et
lui demander de présenter les personnes qui l'accompagnent à la
barre des témoins et de procéder ensuite à ses remarques
préliminaires.
Remarques préliminaires
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Je voudrais
vous présenter, à ma gauche, Mme Suzanne Levesque, directrice de
cabinet, à ma droite, Mme Diane Wilhelmy, qui est la secrétaire
générale associée, donc, sous-ministre au
secrétariat aux affaires canadiennes et M. Marc Morin, qui est le
secrétaire adjoint aux affaires canadiennes. Nous accompagnent aussi les
directeurs et directrices de différents départements, ayant
différentes responsabilités, qui pourront nous aider à
répondre à toutes les questions que les membres de cette
commission voudront bien nous poser au cours des prochaines heures.
M. le Président, je voudrais, si vous me le permettez, commencer
les travaux de cette commission en faisant un exposé qui se veut un
rapide survol des activités du Secrétariat aux affaires
intergouvernementales canadiennes et des dossiers majeurs qui ont
été traités au secrétariat au cours de
l'année 1988-1989.
Avec l'adoption, en juin 1988, de la Loi sur le ministère des
Affaires internationales, le SAIC s'est vu confier un mandat économique
additionnel qui contribuera à renforcer la position du Québec au
sein de la fédération canadienne. D'ailleurs, l'entrée en
vigueur de l'Accord de libre-échange, dans un contexte de
rationalisation des finances publiques, atteste de l'importance de cette
dimension économique. Au cours de l'année 1988-1989, on a
assisté à la consolidation d'un certain nombre de dossiers
majeurs pour le Québec en matière intergouvernementale
canadienne. La ratification de l'accord constitutionnel du 3 juin 1987 par neuf
gouvernements représentant 93 % de la population canadienne,
l'entrée en vigueur de l'Accord canado-américain de
libre-échange le 1er janvier 1989, la signature d'un protocole d'entente
et d'une nouvelle entente auxiliaire sur le développement
économique des régions, j'annonce d'une nouvelle politique
québécoise de la francophonie, voilà autant de dossiers
qui constituent des progrès que l'on peut associer à l'approche
de collaboration adoptée par le gouvernement du Québec dans ses
relations avec ses partenaires canadiens.
Sous plusieurs aspects, M. le Président, l'année 1988-1989
témoigne aussi d'une continuité dans un grand nombre de dossiers
sectoriels façonnant le quotidien des relations
fédérales-provinciales. À ce chapitre, l'activité
de la dernière année a aussi été très
intense. Plusieurs dossiers ont été conclus à la
satisfaction du Québec; d'autres sont en voie de règlement. Bien
que les relations intergouvernementales du Québec évoluent dans
un climat sain de collaboration, cela n'empêche pas l'expression de vues
divergentes. Toutefois, nous avons prouvé, depuis notre arrivée
au pouvoir, que c'est en défendant ses dossiers sans rechercher la
confrontation, mais soucieux de protéger les droits du Québec, M.
le Président, que le Québec est en mesure d'occuper pleinement sa
place de partenaire majeur et distinct dans cette fédération. Les
résultats attestent de la rentabilité de notre approche.
Au cours de l'année écoulée, M. le
Président, Se SAIC s'est donc vu confier, comme je le mentionnais tout
à l'heure, des responsabilités importantes en matière
économique à la suite des amendements apportés à la
loi sur le Conseil exécutif par l'adoption de la nouvelle loi sur les
affaires internationales. Ces nouvelles tâches tiennent à la
cueillette et à l'analyse des données relatives aux programmes,
politiques et lois du gouvernement fédéral et des autres
provinces.
La loi prévoit aussi que le ministre identifie les politiques et
les programmes pouvant avoir un impact financier au Québec, puis en fait
l'évaluation en collaboration avec les ministères et organismes
publics impliqués.
La nouvelle loi accorde de plus des responsabilités
additionnelles au SAIC en ce qui a trait à la promotion commerciale sur
le territoire canadien. Ainsi, M. le Président, le ministre, en accord
avec les ministères et organismes intéressés, a pour
rôle d'assurer la promotion des Intérêts du Québec et
de favoriser le développement culturel, économique et social des
Québécois, notamment, par l'établissement de relations
intergouvernementales canadiennes.
Enfin, cette nouvelle loi confirme la responsabilité du ministre
quant à l'élaboration, à la proposition et à la
mise en oeuvre des programmes d'appui aux Canadiens d'expression
française dans le reste du Canada.
Au cours de l'année 1988-1989, le SAIC a procédé,
en collaboration avec certains autres ministères, à la mise en
place d'outils de cueillette et à la réalisation d'analyses qui
permettent de mieux faire ressortir la dimension économique et
financière des dossiers intergouvernementaux en vue d'obtenir un
traitement équitable reflétant davantage notre situation relative
à l'intérieur de la fédération.
En ce qui a trait au nouveau volet de promotion économique,
commerciale et technologique sur le territoire canadien, le Secrétariat
aux affaires intergouvernementales canadiennes est en train de mettre en place
des mesures qui lui permettront de Jouer un rôle de plaque tournante
entre le réseau des bureaux du Québec au Canada et les
différents ministères économiques. Pour ce faire, le SAIC
s'est vu transférer quelques ressources (représentants
commerciaux) qui oeuvraient déjà dans certains des bureaux du
Canada, sous la responsabilité de l'ancien ministère du Commerce
extérieur et du Développement technologique. Cette
procédure nouvelle rend compte du désir du gouvernement de
veiller, d'une façon plus soutenue, aux intérêts des
entreprises québécoises dans les autres provinces. Des
initiatives récentes confirment d'ailleurs cette volonté.
C'est ainsi que les représentants commerciaux, en poste dans les
bureaux du Canada et ailleurs dans le monde, ont effectué, en mars
dernier, une série de rencontres avec des gens d'affaires
québécois afin de mieux connaître leurs besoins en
matière d'aide à l'exportation.
En ce qui regarde les grands dossiers traités au SAIC au cours de
la dernière année, mentionnons tout d'abord, M. le
Président, le dossier constitutionnel. L'accord historique qui a
été signé le 3 juin 1987 - l'accord du lac Meech - qui
permettra au Québec de réintégrer la dynamique
constitutionnelle à titre de partenaire majeur et distinct, fut le
résultat d'une approche consensuelle à laquelle ont
sincèrement participé les onze chefs de gouvernement au Canada.
Non seulement cet accord est-if excellent pour le Québec, auquel on
reconnaît le caractère distinct, mais encore permet-il aussi au
Canada de célébrer son unité retrouvée. L'entente
est également avantageuse pour chacune des régions qui y voit la
possibilité de mieux se développer en fonction de son potentiel.
Elle représente également un précieux acquis pour les
minorités qui, avec la clause de la dualité, seront davantage
protégées. Cependant, cet accord, M. le Président, ne
règle pas tous les problèmes constitutionnels de la
fédération; cela n'a d'ailleurs jamais été son but.
Cette première phase, on l'a maintes fois répété, a
uniquement trait au retour du Québec dans la dynamique constitutionnelle
et à certains éléments fondamentaux pour assurer au
fédéralisme canadien une réelle coopération entre
le gouvernement fédéral et les provinces. On pourrait la
désigner de "Québec Round", cette entente constitutionnelle. Dans
ce contexte, la réouverture de cet accord comporterait des risques
difficilement mesurables pour l'unité canadienne. Aussi, le
Québec oppose-t-il une fin de non-recevoir à cette
éventualité. D'ailleurs, personne n'a pu identifier dans cet
accord des failles majeures qui auraient pu en justifier la
réouverture.
En outre, M. le Président, nous demeurons confiants que l'accord
sera ratifié prochainement par les deux provinces restantes. Suite
à la clôture de cette première phase, le Québec sera
disposé à discuter des sujets inscrits à l'ordre du jour
de la deuxième ronde de négociations constitutionnelles, comme
cela est d'ailleurs prévu dans le texte de l'accord.
Autre sujet d'importance, la libéralisation des échanges
avec les États-Unis, qui constitue un dossier majeur et qui a franchi
une étape importante au cours de la présente année.
Entré en vigueur le 1er janvier 1989, l'Accord de libre-échange
est le fruit d'une intense collaboration fédérale-provinciale qui
a permis au Québec de faire accepter ses points de vue et dont le
résultat va dans le sens des intérêts de l'économie
québécoise. Les discussions avec Ottawa portent maintenant sur la
participation des provinces à la gestion de l'accord et à son
élargissement, de même qu'aux divers mécanismes de
règlement des différends.
D'autre part, des discussions sont également en cours concernant
les mesures d'adaptation de la main-d'uvre et des entreprises aux
nouvelles réalités découlant de la libéralisation
des échanges avec les États-Unis. Sur ce dernier point, M. le
Président, les ministres MacDonald, Bourbeau et Gobeil ont fait
connaître, le 7 mars dernier, les grandes lignes de la politique du
gouvernement du Québec. Ce sont là deux volets majeurs qui sont
reliés à la mise en oeuvre du traité auquel le
gouvernement du Québec accorde la plus grande importance.
Le développement régional est un autre dossier d'envergure
qui a connu des développements particulièrement positifs au cours
de l'année 1988-1989. Le 9 juin 1988, les premiers ministres Bourassa et
Mulroney assistaient à la signature d'une entente historique sur le
développement économique des régions du Québec. De
plus, les deux gouvernements signaient un protocole d'entente prévoyant
la bonification des ententes auxiliaires 1985-1990 et consacrant un engagement
solennel et concerté à poursuivre l'exécution de l'entente
de développement économique régional Canada-Québec
pour la période 1988-1994.
L'entente sur les régions du Québec prévoit, pour
la. période 1988-1993, une somme de 820 000 000 $, soit une contribution
fédérale de
440 000 000 $ et une contribution québécoise de 380 000
000 $. De cette somme, 486 000 000 $ seront consacrés aux régions
de ressources, 330 000 000 $ iront aux régions centrales et 4 000 000 $
seront réservés à des études.
Cette entente est entièrement conforme aux principes
défendus par le Québec en matière de développement
économique régional, à savoir: premièrement, la
prépondérance de la responsabilité du Québec sur la
planification et l'établissement des priorités de
développement économique de ses régions;
deuxièmement, la nécessité d'utiliser les
mécanismes, les structures et les programmes mis en place ou
approuvés par le Québec; troisièmement, la maîtrise
d'oeuvre québécoise pour tous les programmes ou projets relevant
de la compétence provinciale.
Cette entente est la douzième entente auxiliaire conclue par les
deux gouvernements dans le cadre de l'EDER. Elle constitue un complément
aux programmations des ministères sectoriels et aux autres ententes
auxiliaires qui permet de mieux tenir compte des besoins particuliers des
régions.
Nous disposons désormais, M. le Président, de
mécanismes de concertation souples et efficaces qui devraient nous
permettre de mieux satisfaire ces besoins, tout en respectant les
priorités identifiées par le milieu.
Les deux gouvernements ont aussi convenu, le 9 juin dernier, d'un
protocole d'entente en vertu duquel ils acceptent d'injecter conjointement et
à parts égales un montant de 150 000 000 $ pour permettre aux
ententes auxiliaires existantes, dont les enveloppes financières sont
épuisées ou presque, de compter sur des ressources suffisantes
pour poursuivre leurs activités jusqu'au 31 mars 1990.
De plus, ce protocole contient un engagement de la part du gouvernement
fédéral à entreprendre des négociations portant sur
le refinancement des ententes auxiliaires existantes dans le but de leur
fournir les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement pour la
période 1990-1995.
Cet engagement fédéral confirme le rôie unique et la
pérennité de l'EDER, l'entente de développement
économique régional, comme instrument privilégié
par nos deux gouvernements pour le développement économique
régional du Québec. Enfin, ce protocole précise des
modalités quant aux relations entre le gouvernement
fédéral et Ie3 municipalités, qui font en sorte que tous
les liens entre ces deux ordres de gouvernement doivent s'effectuer par
l'entremise du gouvernement du Québec. Les Québécois se
réjouissent des retombées positives qui résulteront de
cette nouvelle entente. Mais il ne faut pas s'imaginer que les revendications
et efforts du Québec en matière de lutte aux disparités
régionales prendront fin avec cette entente.
La juste part du Québec à ce chapitre demeure notre
objectif fondamental en regard des efforts consentis par Ottawa dans les autres
régions du pays, notamment avec l'Agence de i'Atlantique et le Fonds de
diversification de l'Ouest.
Le gouvernement du Québec accorde une grande importance au voiet
interprovincial de ses relations intergouvemementales. Il est primordial, dans
une fédération comme la nôtre, d'entretenir des relations
cordiales et intenses avec les autres provinces. C'est d'ailleurs dans cet
esprit que travaillent nos bureaux sur le territoire canadien.
Notre engagement dans la fédération nous convainc de
l'importance de maintenir une vision canadienne dans la conduite de nos
dossiers. C'est pourquoi nous favorisons, en plus des relations
bilatérales régulières avec le gouvernement central, des
échanges soutenus avec l'ensemble de nos autres partenaires canadiens.
C'est dans cette optique que s'est inscrite la tournée du premier
ministre en Colombie britannique, en Alberta et en Saskatchewan. Il a
également effectué des visites au Manitoba, en Ontario, à
l'Île-du-Prince-Édouard. Pendant cette période, le
Québec a reçu la visite des premiers ministres de la Colombie
britannique et de l'Ontario. De plus, les premiers ministres provinciaux se
sont rencontrés au mois d'août, à Saskatoon, dans le cadre
de la 29e Conférence des premiers ministres provinciaux
Nous aimerions enfin signaler que Québec sera l'hôte, du 20
au 22 août prochain, de la 30e Conférence des premiers ministres
des provinces. On se souviendra que la première conférence avait
été tenue à Québec en 1950, à l'invitation
de M. Jean Lesage. On se souvient que la première conférence
provinciale a été tenue à Québec, convoquée
par Honoré Mercier. Si ma mémoire est bonne, c'était en
1887.
M. le Président, notons que cinq conférences ont eu lieu
avant cette date et que, comme on le mentionnait tout à l'heure, la
première a eu lieu en 1887, convoquée par le premier ministre du
Québec, M. Mercier, justement sur un sujet qui est maintenant de grande
actualité, c'est-à-dire le partage des responsabilités en
matière fiscale et financière entre le gouvernement
fédéral et les provinces.
De plus, 1989 marque le 125e anniversaire de la réunion des
Pères de la Confédération, tenue à Québec le
18 octobre 1864, qui recevaient alors les 72 résolutions qui devaient
permettre, trois ans plus tard, de jeter les bases constitutionnelles de la
fédération canadienne.
On se souvient qu'il y a eu tout d'abord cette rencontre de
Charlottetown où les représentants du Canada-Uni étaient
présents et, à la suite d'une première rencontre bien
exploratoire, on avait convenu de se retrouver à Québec en
octobre pour établir les bases de cette fédération qu'on
voulait construire. Il s'agira donc d'un anniversaire important puisque nous
pourrons, avec cette réunion des premiers ministres provinciaux,
célébrer à Québec le 125e anniversaire de cette
première réunion des Pères de la
Confédération.
Nous avons maintenu un niveau d'activités élevé
dans nos programmes de coopération avec l'Ontario et le
Nouveau-Brunswlck. De plus, des discussions sont en cours afin de resserrer la
coopération avec plusieurs autres provinces en vue d'en arriver à
des accords-cadres.
Nous avons également renforcé nos liens avec les
francophones du reste du Canada et nous avons procédé cette
année à une réorientation de notre action à
l'endroit des communautés francophones. À la suite de
consultations auprès des associations francophones et des gouvernements
des autres provinces, nous avons mis en place de nouvelles lignes d'action
fondées sur le respect de l'autonomie et des priorités des
francophones ainsi que sur la concertation avec les provinces concernées
et le gouvernement fédéral. Les efforts de coopération
avec les francophones hors Québec ont été
intensifiés dans des domaines tels que l'éducation, la culture,
les communications et la coopération économique. De plus, une
attention particulière est portée à la jeunesse, notamment
par la mise en place de programmes d'échanges. Enfin, trois moyens sont
privilégiés pour renforcer l'ensemble de l'appui
québécois à la francophonie canadienne:
premièrement, des programmes d'aide destinés à soutenir
directement les communautés francophones; deuxièmement, des
accords de coopération avec les provinces concernées;
troisièmement, le maintien des liens avec les associations francophones.
Pour soutenir ses nouvelles actions, M. le Président, le gouvernement a
substantiellement augmenté son appui financier et technique aux
francophones du reste du Canada. De 1 000 000 $ qu'il était en
1987-1988, l'effort budgétaire québécois est passé
à 2 100 000 $ en 1988-1989 et sera porté à 2 600 000 $
cette année. Il aura ainsi presque triplé en trois ans,
témoignage éloquent et tangible d'un gouvernement qui s'est
préoccupé, plus que le précédent, du sort des
minorités. (9 h 45)
Les dossiers de continuité ont aussi occupé une place
importante dans les activités du Secrétariat aux affaires
intergouvernementales canadiennes cette dernière année. En marge
de ces dossiers majeurs dont je viens de faire le portrait très rapide,
l'activité Intergouvernementale du Québec s'est poursuivie dans
plusieurs autres domaines. L'intensité de ces activités se
mesure, entre autres, par le nombre important de rencontres et de
conférences auxquelles le Québec a participé au plan
intergouvernemental. Signalons qu'en 1988-1989, il s'est tenu deux
conférences des premiers ministres et plus d'une trentaine de
conférences de ministres tant au niveau fédéral-provincial
qu'interprovincial.
Enfin, les représentants du Québec ont assisté
à plusieurs rencontres de fonctionnaires portant sur tous les dossiers
sectoriels qui composent le menu de nos relations
fédérales-provinciales et interprovinciales. Ces rencontres et
conférences permettent de faire avancer des dossiers importants pour le
Québec. Cependant, en marge de cet aspect plus visible de nos relations,
l'avancement de nos dossiers est le résultat d'un travail intense et
quotidien dans la défense des intérêts fondamentaux du
Québec. Dans cette perspective, M. le Président, il
apparaît intéressant de faire un rapide survol de certains
dossiers qui ont connu des développements importants au cours des douze
derniers mois.
Ainsi, au chapitre de l'environnement, mentionnons la conclusion d'une
entente, le 3 Juin 1988, sur la dépollution du Saint-Laurent.
Après de nombreuses années de négociations, le
gouvernement fédéral consent à injecter 110 000 000 $ dans
la réalisation de différents projets liés à la
dépollution du Saint-Laurent dont ceux d'un centre de recherche, 55 000
000 $, et d'un parc marin, 7 500 000 $. Sur ce dernier point, des
négociations sont en cours avec Parcs Canada afin de parvenir à
une entente. Nos deux gouvernements se sont aussi entendus sur les grandes
lignes d'un processus d'évaluation des impacts environnementaux des
projets de loi fédéraux qui visent le Québec.
Dans le domaine de la technologie de pointe, tout le Québec s'est
réjoui, le 1er mars dernier, de la conclusion du dossier de l'agence
spatiale. Cette agence sera située à Montréal, emploiera
plus de 200 chercheurs et administrateurs et gérera un budget de 3 000
000 000 $ au cours des dix prochaines années. Il s'agit d'un
dénouement heureux pour Montréal et pour le Québec,
après plus de deux ans d'efforts de la part de tous les intervenants
québécois. À ce titre, le gouvernement, en dépit
des jérémiades répétées de l'Opposition, a
livré la marchandise.
Ce dossier a été mené de main de maître et,
n'eut été l'esprit de collaboration qui préside
généralement aux relations fédérales-provinciales,
ce projet important aurait sans doute avorté.
Nous sommes confiants que l'implantation de l'Agence spatiale à
Montréal sera déterminante pour le développement du
secteur aérospatial au Québec et qu'elle contribuera à
améliorer la part relative du Québec dans les dépenses
fédérales en recherche et en développement.
Je veux d'ailleurs souligner la grande collaboration de l'Opposition,
avec le député responsable du dossier. Ils ont pu s'associer
à tous les secteurs d'activité économique du Québec
pour que cette Agence spatiale soit située à Montréal.
La Papeterie de Matane constitue un autre dossier dont la conclusion
intervenue en cours d'année a de quoi nous réjouir. Après
plus de dix ans de délais de toutes sortes, l'usine a été
inaugurée le 10 mars 1989.
Le gouvernement fédéral a accepté de verser une
contribution de 24 500 000 $ à des travaux d'infrastructure pour
l'implantation de cette usine. Ceci s'ajoute aux 55 000 000 $ consentis par le
gouvernement du Québec pour la
construction de l'usine. Il s'agit là d'une réalisation
majeure pour cette région du Québec qui verra son potentiel
économique renforcé d'autant.
Au chapitre agricole, des négociations intenses avec le
gouvernement fédéral ont permis d'en arriver à un accord
sur le programme tripartite de stabilisation dans le secteur du porc. Il s'agit
là d'un déblocage intéressant et d'un pas dans la bonne
direction en vue de l'amélioration de la quote-part du Québec
dans les dépenses agricoles effectuées par le gouvernement
fédéral.
Dans le domaine de la fiscalité, il faut signaler que le
gouvernement du Québec s'est entendu avec le gouvernement
fédéral afin d'harmoniser sa structure fiscale à l'endroit
des particuliers et des entreprises dans le cadre de la première phase
de la réforme fédérale. Il en découle un
régime fiscal simplifié et plus avantageux pour ies
contribuables.
Quant à la seconde phase, qui porte essentiellement sur le
remplacement de la taxe de vente par une taxe sur les transactions
commerciales, le gouvernement du Québec considère inacceptable,
illégitime, allant à l'encontre de la lettre et de l'esprit de
notre constitution, et extrêmement étonnante la décision du
gouvernement fédéral de procéder unilatéralement
à une réforme de la taxe de vente.
Au cours de son histoire, le Québec a toujours défendu
vigoureusement ses droits fiscaux et il en ira de même maintenant. Au
moment où nous discutons des différentes implications que
pourrait contenir cette taxe fédérale générale, il
faut être conscients des pouvoirs du Québec pour assurer
l'autonomie dans les champs de juridiction que la constitution réserve
aux provinces.
La seconde phase de la réforme fiscale constitue un exemple
où des interrogations justifiées ont été
soulevées. Cependant, grâce à la vigilance constante de
notre gouvernement, plusieurs dossiers importants ont été
réglés de façon très satisfaisante pour le
Québec. Par ailleurs, des progrès substantiels ont
été observés dans plusieurs autres, lesquels seront
vraisemblablement menés à terme dans les prochains mois.
Dans le domaine social, il a été abondamment question, au
cours de cette année, du financement de la santé. A la demande
des premiers ministres des provinces, les ministres provinciaux de la
Santé et des Finances ont examiné le problème crucial que
pose le financement du système de santé.
Les ministres ont examiné plusieurs aspects de cette question et
se sont entendus notamment pour réclamer du gouvernement
fédéral qu'il mette fin au désengagement financier auquel
il se livre depuis quelques années afin que l'on puisse endiguer la
détérioration du système de santé des diverses
provinces canadiennes.
Il nous reste, M. le Président, bien sûr, dans ce contexte,
à analyser toutes les implica- tions du budget fédéral qui
a été dévoilé de la façon que l'on sait,
hier soir, et qui sera présenté ce matin par le ministre des
Finances du gouvernement fédéral. Nous pourrons donc à ce
moment-là mieux connaître les intentions du gouvernement
fédéral.
Au plan économique, plusieurs dossiers ont également connu
des progrès significatifs. Mentionnons celui de la
déréglementation de la vente d'électricité. Ottawa
a annoncé, en septembre 1988, son intention d'introduire une nouvelle
politique qui permettra au Québec d'exporter son
électricité sans devoir au préalable obtenir l'accord de
l'Office national de l'énergie. Il s'agit d'un déblocage
important dans un secteur crucial de l'économie
québécoise. Nous entendons bien faire en sorte que le
gouvernement fédéral respecte ses engagements dans les meilleurs
délais.
Au plan multilatéral, le dossier de la réforme des
institutions financières Introduit par le gouvernement
fédéral a connu des progrès importants. Québec et
Ottawa ont signé une entente sur le volet des valeurs mobilières
et les discussions se poursuivent quant aux autres aspects de la
réforme, en particulier la question des compagnies fiduciaires de
prêts et de prêts à charte fédérale.
Il y aurait matière suffisante pour s'étendre encore
longuement sur le bilan des dossiers et des activités
intergouvernementales du Québec, mais nous nous en tenons ici à
l'essentiel. Il sera cependant possible d'aborder d'autres points à
l'occasion des questions que voudront bien nous poser les membres de cette
commission.
Ce bilan des relations du gouvernement du Québec avec le
gouvernement fédéral et ceux des autres provinces s'avère
positif et va dans le sens des acquis des dernières années.
Cependant, la gestion et l'avancement des dossiers intergouvernementaux sont
affaire de continuité et de permanence. De nombreuses questions majeures
demeurent en suspens et sont destinées à occuper
l'avant-scène des relations Québec-Ottawa. Ainsi, le SAIC
accentuera le volet économique de son mandat de manière à
permettre au gouvernement du Québec de disposer des meilleurs dossiers
de négociation avec le gouvernement fédéral. Il en
résultera un traitement plus équitable pour le Québec en
regard des décisions et des actions fédérales qui nous
affectent.
Dans cet esprit, au cours des prochains mois, les priorités du
gouvernement du Québec dans ses relations
fédérales-provinciales seront les suivantes. Premièrement,
en ce qui regarde l'entente de développement économique
régional, refinancement des ententes auxiliaires en insistant,
notamment, sur: premier point, le respect des principes défendus par le
Québec en matière de développement régional et
mentionnés plus haut; deuxième point, la nécessité
d'améliorer la situation économique relative du Québec;
et, troisième point, l'engagement fédéral d'atteindre
l'objectif de réduction des disparités Inscrit à
l'article 36.1 de l'Accord constitutionnel de 1982.
Deuxièmement, des mesures d'adaptation au libre-échange:
financement des mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre et des entreprises en
regard du libre-échange incluant, notamment, un assouplissement des
mesures de fonctionnement des programmes fédéraux actuels.
Troisièmement, réforme de la taxe de vente, le respect de
l'autonomie fiscale du Québec à la lumière de la
volonté du gouvernement fédéral d'agir sans consulter les
provinces. Ce respect demeure pour nous une très grande
priorité.
Quatrièmement, stratégie fédérale de mise en
valeur des ressources humaines, assurance que la réforme
fédérale touchant la formation de la main-d'uvre s'inscrive
dans la nouvelle réalité créée par le
libre-échange et tienne compte des intérêts du
Québec.
Cinquièmement, ratification de l'accord du lac Meech: le
Québec prônant une vision coopérative du
fédéralisme et rejetant toute attitude passéiste de
confrontation souhaite vivement que l'entente constitutionnelle de 1987 soit
ratifiée dans les plus brefs délais. En cela, M. le
Président, le gouvernement est confiant que le caractère
raisonnable et nécessaire des demandes formulées dans cette
entente saura amener les deux provinces récalcitrantes à
s'interroger sur une attitude qui dessert la cause de l'unité
nationale.
Au cours des dernières années, l'approche du gouvernement
du Québec dans ses relations avec ses partenaires canadiens a
été fondée sur la collaboration et la concertation,
doublée d'une vigilance de tous les Instants dans la protection et la
promotion des intérêts supérieurs du Québec.
À la lumière des commentaires précédents, il
y a lieu de conclure que notre approche, qui sous-tend une vision lucide et
généreuse du fédéralisme, a donné
d'excellents résultats au Québec. Aussi, entendons-nous
poursuivre dans la même direction. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. le ministre,
de vos remarques. Je demanderais maintenant au porte-parole de l'Opposition
officielle et député de Lac-Saint-Jean d'accomplir la même
tâche, c'est-à-dire de procéder à ses remarques
préliminaires.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, M. le Président.
M. le Président, le gouvernement Bourassa a pratiqué,
depuis son arrivée au pouvoir en décembre 1985, une conduite des
relations fédérales-provinciales visant essentiellement à
éviter toute confrontation avec Ottawa sur la place publique, afin de
maintenir à tout prix un climat harmonieux de bonnes relations avec
Ottawa.
À la suite de l'adoption de l'accord du lac
Meech, en 1987, cette façon de faire a été
littéralement subordonnée à l'atteinte d'un seul objectif,
assurer la ratification de cet accord constitutionnel. En conséquence,
le gouvernement Bourassa entend éviter tout geste ou toute revendication
susceptible de compromettre le processus de ratification de cet accord
constitutionnel. Cette obsession a connu son paroxysme au cours de la
dernière campagne électorale fédérale, au moment
où, on se le rappellera, la neutralité bienveillante de M.
Bourassa à l'égard du premier ministre Mulroney n'a
échappé à personne. Elle était évidente.
Avant de quitter le Conseil des ministres du Québec pour se faire
élire sous la bannière libérale dans la circonscription
fédérale de Hull-Aylmer, l'ex-ministre Gilles Rocheleau, estimant
que les Québécois se font duper, berner et leurrer par le
gouvernement Mulroney, commentait, en termes non équivoques, les
résultats de la stratégie du gouvernement Bourassa et je le cite:
"II y a des mamours qui sont naturels, d'autres moins. À un moment
donné, il faut revenir a la réalité, il ne faut pas que
ça devienne du somnambulisme, il ne faut pas dormir." Pourtant
l'ex-ministre Rocheleau, élevé à l'ombre d'Ottawa, n'a
jamais été reconnu comme un ardent défenseur des
intérêts québécois.
Il est inacceptable que le gouvernement Bourassa, soucieux de ne pas
indisposer Ottawa et le Canada anglais, sacrifie la défense des
intérêts du Québec, particulièrement dans des
dossiers économiques majeurs, à cette quête obsessive de la
ratification de l'accord du lac Meech.
Nous reviendrons sur l'impasse dans laquelle se retrouve cet accord
constitutionnel. Pour évaluer le bilan du gouvernement libéral en
matière de relations fédérales-provinciales, il faut
établir une distinction, je pense que c'est tout à fait
essentiel, entre la perception des relations cordiales entre les gouvernements
québécois et fédéral, d'une part, et la
réalité des faits, en termes de prix à payer pour le
Québec, de cette quête obsessive de la ratification de l'accord du
lac Meech. Les Intérêts du Québec sont laissés pour
compte dans plusieurs dossiers en raison de la mollesse du gouvernement
Bourassa. (10 heures)
Le gouvernement Mulroney a multiplié les ingérences dans
les secteurs de compétence du Québec. En adoptant en juillet 1988
la nouvelle loi C-72 sur les langues officielles, la Chambre des communes
élargissait le champ d'application de cette loi au-delà des
champs de compétence fédérale. Elle permet au gouvernement
fédéral de subventionner directement les entreprises, les
syndicats, les organismes bénévoles qui offriront des services
bilingues. Cette Intrusion directe d'Ottawa en matière linguistique
découle du concept de dualité linguistique reconnu par l'accord
du lac Meech comme étant la caractéristique fondamentale du
Canada que l'Assemblée
nationale aurait désormais le rôle de protéger et
serait spécifiquement autorisée par les dispositions de l'entente
sur la reconnaissance du pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral.
Le Conseil de la langue française, dans un avis non
équivoque sur la loi C-72, a clairement signalé que les objectifs
poursuivis par la loi fédérale sont incompatibles avec ceux de la
loi 101, notamment en matière de francisation des entreprises. Le
ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, après avoir mis
un temps considérable à prendre position dans ce dossier, a
choisi de négocier avec Ottawa les modalités d'application de la
loi C-72 plutôt que de la contester ouvertement et d'Inciter le
gouvernement fédéral à faire marche arrière,
à retraiter, et malgré ses prétentions
répétées selon lesquelles le domaine linguistique est un
domaine de compétence exclusive du Québec, non négociable.
Cela ne paraît pas.
En négociant une telle entente avec Ottawa, Québec
reconnaît, premièrement, que l'accord du lac Meech n'a rien
réglé en matière linguistique pour le Québec;
deuxièmement, l'application concrète du pouvoir de
dépenser d'Ottawa dans un domaine de juridiction
québécoise, conformément à la reconnaissance
formelle de ce pouvoir de dépenser fédéral inscrite dans
l'accord du lac Meech; troisièmement, la légitimité de
l'action d'Ottawa pour occuper le terrain et donner un sens concret au concept
de dualité linguistique prévu toujours par l'accord du lac Meech
qui semble déjà vouloir avoir préséance sur le
concept de société distincte.
En négociant une telle entente avec Ottawa dans le domaine
linguistique, le gouvernement du Québec affaiblit sa position advenant
des recours devant les tribunaux pour assurer le respect de ses juridictions
dans ce secteur. En signant une entente avec Ottawa dans ce domaine, il
reconnaît en effet implicitement les assises juridiques de l'intervention
d'Ottawa dans le secteur de la langue prévues dans la loi C-72.
En septembre dernier, la Chambre des communes adoptait le projet de loi
C-144 sur les garderies, concrétisant la stratégie nationale
d'Ottawa sur les services de garde qui avaient été
annoncés en décembre 1987. Faute d'adoption par le Sénat
avant les élections fédérales de novembre dernier, le
projet de loi C-144 est mort au feuilleton, pour employer le jargon
parlementaire. Ottawa n'a toujours pas déposé un nouveau projet
de loi pour concrétiser la stratégie nationale sur la garde des
enfants, dont la mise en oeuvre a été
réitérée lors du discours du trône.
Le projet de loi C-144 habilitait le gouvernement fédéral
à conclure avec une province un accord définissant la nature et
le montant de la contribution financière d'Ottawa. Cela permettait au
gouvernement fédéral de déterminer, par voie
réglementaire, la définition de services de garde pouvant faire
l'objet d'une aide financière ainsi que les critères à
respecter pour permettre à un organisme d'être
considéré comme un organisme sans but lucratif.
La loi C-144 répète en tous points le scénario de
la loi C-72, à savoir un empiétement direct d'Ottawa sur un
secteur de compétence exclusive du Québec par le biais de son
pouvoir de dépenser et en vertu d'une loi l'habilitant à agir
dans ce sens. Cet empiétement du gouvernement fédéral
s'inscrit en toute logique avec l'accord du lac Meech, où le
Québec a reconnu, pour la première fois, le pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral dans les champs de
compétence exclusive des provinces. De plus, le gouvernement
fédéral octroie directement, sans approbation du Québec,
des subventions pour les projets spéciaux à l'aide d'un fonds
doté d'un budget de 100 000 000 $.
La réaction du gouvernement libéral
québécois est aussi en tous points conforme au scénario de
la loi C-72. D'abord inquiet, le ministre responsable des relations
fédérales-provinciales s'engage à signer dans le cadre de
ce fédéralisme de la bonne entente, un accord avec Ottawa pour
réaffirmer, dira-t-il, avec sérieux la juridiction du
Québec en la matière. Ce faisant, non seulement il accorde
à Ottawa un droit de regard dans le développement du
réseau québécois des garderies, mais il reconnaît
implicitement, dans un texte ayant une portée juridique incontestable,
le pouvoir de dépenser du gouvernement fédérai dans ce
secteur ainsi que la loi qui en constitue les assises juridiques.
A la lumière des fuites du budget Wilson d'hier, le gouvernement
fédéral a décidé de surseoir à la mise en
place des programmes à frais partagés prévus dans la
stratégie nationale sur la garde des enfants, en raison de sa situation
budgétaire. Or, cette décision d'Ottawa place la ministre
québécoise déléguée à la Condition
féminine dans une position intenable puisque le Québec comptait
sur la contribution d'Ottawa pour financer en bonne partie son propre
Énoncé de politique sur les services de garde à l'enfance.
En janvier 1988, le premier ministre Mulroney annonçait la mise sur pied
d'un fonds de 1 300 000 000 $ destiné à soutenir la recherche
scientifique en milieu universitaire. Ce fonds suppose la mise en place de
centres d'excellence qui distribueront directement les subventions aux
institutions de recherche. Rappelons que ce fonds a été mis sur
pied sans consultation préalable du ministre québécois de
l'Éducation qui a candidement confessé avoir appris la
création de ce fonds par la voie des journaux. Ottawa s'ingère
directement dans un secteur de compétence exclusive par le biais de
subventions directes qui infléchiront les priorités et les
projets de recherche au sein des institutions universitaires.
Par son pouvoir de dépenser, Ottawa se donne un droit de regard
au chapitre des priorités et des orientations quant à la
recherche
scientifique universitaire au Québec. Paradoxalement, cette
Ingérence en matière d'éducation postsecondaire survient
au moment même où les paiements de transfert
fédéraux diminuent dans ce secteur. Parallèlement, le
gouvernement fédéral a multiplié les décisions et
les gestes négatifs à l'égard du Québec,
particulièrement dans les dossiers à caractère
économique. J'en rappelle quelques-uns. D'abord, le Centre bancaire
international de Montréal. Le projet de loi C-54, adopté en
décembre 1987, constitue une version dénaturée,
édulcorée et symbolique du projet initial, à la suite des
pressions efficaces des milieux financiers de Bay Street auprès
d'Ottawa. Le projet a été dilué à tel point que le
comité du Sénat qui a étudié le projet de loi C-54
concluait, et je cite: Que les effets directs sur l'emploi et l'activité
commerciale de Montréal et de Vancouver, à la suite de leur
désignation comme centres bancaires, seront minimes. Toronto ne
souffrira pas de ne pas être désignée centre bancaire
international car les transactions permises sous ce statut restent
limitées.
Le deuxième dossier, le contrat des frégates. En
décembre 1987, les Québécois apprenaient ce que savait,
depuis six mois, le ministre québécois de l'Industrie et du
Commerce d'alors, Daniel Johnson, à savoir l'octroi en
exclusivité du contrat de 3 500 000 000 $ pour la construction du
deuxième groupe de six frégates aux chantiers maritimes de la St.
John's Shipbuilding du Nouveau-Brunswick. La décision d'Ottawa avait
été interprétée comme un moyen susceptible
d'obtenir l'appui du gouvernement McKenna à l'accord du lac Meech.
Alors, le Nouveau-Brunswick s'oppose plus que jamais à cet accord. De
plus, le Québec ne pourra pas se rabattre sur le contrat des sous-marins
à propulsion nucléaire, puisque le gouvernement
fédéral abandonne ce projet en raison de sa situation
financière. Cela a également été annoncé
hier, en catastrophe, à l'occasion du budget fédéral.
Le troisième dossier, la bataille pour l'équité
agricole. La mise sur pied, depuis 1986, de nouveaux programmes d'aide
spéciaux, taillés sur mesures pour les producteurs de
céréales de l'Ouest a provoqué une diminution importante
de la part du Québec à l'intérieur du budget
consacré par Ottawa au secteur agro-alimentaire. Alors que la production
québécoise représente 16 % du secteur agricole canadien,
le Québec ne recevait plus que 7,6 % du budget consacré par
Ottawa à l'agriculture en 1987. À la suite de la mise en place
d'un nouveau programme spécial de 850 000 000 $ destiné à
venir en aide aux producteurs de l'Ouest victimes de sécheresse, la part
du Québec à l'intérieur du budget fédéral
consacré à l'agriculture continuera sans aucun doute à
diminuer en 1988.
Autre dossier. Les contrats fédéraux de recherche et
développement. La part du Québec en matière de contrats
fédéraux de recherche et développement a diminué de
50 % à partir de 1985-1986, passant de 20,6 % en 1984-1985 à 10,6
% en 1985-1986 à seulement 10 % en 1986-1987, à 10,3 % en
1987-1988, selon un avis du Conseil québécois de la science et de
la technologie.
La valeur de ces contrats fédéraux accordés au
Québec est passée de 58 900 000 $ en 1984-1985 à seulement
19 300 000 $ en 1987-1988. Pendant ce temps, l'Ontario voyait croître sa
part de 46,3 % en 1985-1986 à 48,7 % de la valeur des contrats
accordés par Ottawa en 1987-1988.
Quant à l'entente Canada-Québec de développement
économique des régions, Ottawa et Québec, on le sait,
signaient en grande pompe à Québec, le 9 juin dernier, une
nouvelle entente Canada-Québec prévoyant l'injection de 970 000
000 $ au cours des cinq prochaines années pour le développement
économique des régions. L'effort d'Ottawa s'élevant
à 515 000 000 $ dans le cadre de cette nouvelle entente est largement
inférieur aux efforts qu'il consentira pour la même période
au développement économique des régions de l'Ouest, soit 1
200 000 000 $ et 1 000 000 000 $ aux provinces de l'Atlantique. C'est aussi
inférieur à ce qui avait été conclu en 1984 par
l'ancien gouvernement, soit 900 000 000 $.
Quant à l'accès refusé à la zone de
pêche de 200 milles, on se rend compte que, pendant que le Canada
s'entend avec la France pour permettre l'accès à la zone
canadienne de pêche de 200 milles aux chalutiers français, le
gouvernement fédéral refuse toujours de permettre un tel
accès à cette zone aux pêcheurs québécois,
hypothéquant lourdement les perspectives de développement du
secteur québécois des pêches. Après un premier refus
pour la saison de pêche de 1988, le Québec a dû encaisser un
second refus de la part d'Ottawa pour la saison de pêche de 1989.
Parlons maintenant du réseau ferroviaire. Le gouvernement
fédéral adopte deux attitudes dans la gestion du réseau
ferroviaire canadien, et ce, au détriment des intérêts du
Québec. Ottawa a consolidé le réseau ferroviaire de
l'Ouest canadien en soustrayant 90 % de ce réseau ferroviaire du
mécanisme d'abandon des lignes non rentables, soit 25 000
kilomètres. Ces lignes déficitaires protégées
jusqu'en l'an 2000 bénéficient de paiements
fédéraux compensatoires de l'ordre de 1 400 000 000 $ d'Ici
1992.
Par ailleurs, alors que Terre-Neuve s'est vu offrir une compensation de
700 000 000 $ pour l'abandon de 1169 kilomètres de voie ferrée,
1000 kilomètres du réseau ferroviaire du Québec ont
été abandonnés sans aucune compensation et 1000 autres
sont en voie de le devenir. Le ministre fédéral des Transports,
Benoît Bouchard, a refusé la demande de moratoire, en octobre
dernier, sur l'abandon des lignes de chemin de fer, présentée par
son homologue québécois Marc-Yvan Côté.
Récemment, le gouvernement fédéral a
décrété la fermeture du tronçon reliant Charny et
Richmond. L'abandon des lignes de chemin de fer au
Québec affecte directement le développement
économique des régions éloignées qui ont besoin du
train comme moyen d'expédition des produits de leurs entreprises.
Pendant qu'il abandonne d'importants tronçons de chemin de fer au
Québec, le gouvernement fédéral prévoit, au
chapitre de la consolidation des réseaux pour la période
1988-1992, des investissements de 4 500 000 000 $ dans l'Ouest, de 4 100 000
000 $ pour l'Ontario et la région de l'Atlantique, comparativement
à 1 000 000 000 $ seulement pour le Québec.
Un mot sur les transferts fédéraux et la loi C-96. La
diminution des transferts fédéraux dévolue au
Québec s'est intensifiée à partir de 1986, à la
suite de l'adoption de la loi fédérale C-96 sur le financement
des programmes établis. Le Québec se verra privé de 1 500
000 000 $ pour la période 1986-1992 en raison de cette loi
fédérale C-96 adoptée en juin 1986, dont 390 000 000 $
pour la seule année 1989. Cette diminution affecte principalement les
budgets québécois consacrés à la santé et
à l'éducation postsecondaire, créant des pressions
supplémentaires sur la situation des finances publiques de l'État
québécois. Voilà une partie du prix à payer pour le
Québec dans le cadre de cette stratégie de
fédéralisme de la bonne entente axée prioritairement et
obsessivement sur le processus de ratification de l'accord constitutionnel du
lac Meech.
Qu'en est-il de cet accord, maintenant? L'accord du lac Meech est dans
une impasse qui risque de lui être fatale. L'Opposition
réitérée du gouvernement minoritaire de Gary Filmon, au
Manitoba, et l'Opposition persistante du gouvernement McKenna, du
Nouveau-Brunswick, laissent entrevoir peu de chances d'un déblocage
avant l'échéance de juin 1990, sans amendement à cet
accord. Il n'est pas étonnant, dans un tel contexte, que la rencontre
des premiers ministres canadiens à Ottawa, en février dernier,
n'ait pas permis de dénouer l'Impasse persistante dans laquelle se
retrouve l'accord constitutionnel. L'élection récente d'un
gouvernement libéral à Terre-Neuve dirigé par Clyde Wells,
farouche opposant à cet accord, risque même de sonner le glas de
celui-ci, selon les propos d'éditorialistes québécois. Ce
M. Welis s'est même engagé à retirer la résolution
d'appui à l'accord votée en juillet 1988 par l'Assemblée
législative terreneuvienne, si celui-ci ne fait pas l'objet
d'amendements majeurs. (10 h 15)
L'Opposition considère toujours que l'accord du lac Meech est
mauvais pour les intérêts du Québec parce que le concept de
société distincte est vide de sens, mais aussi dans la mesure
où la portée véritable de l'accord est remise entre les
mains des juges de la Cour suprême. Le Parti québécois
exhorte le gouvernement libéral à revoir sa stratégie en
matière de relations fédérales-provinciales en assurant
une défense ferme et vigoureuse des intérêts du
Québec. Le premier ministre Bourassa a lui-même reconnu la
nécessité de modifier sa stratégie complaisante à
l'égard d'Ottawa, soucieux d'éviter tout geste susceptible de
compromettre l'accord du lac Meech.
En effet, on se rappellera qu'en février dernier, lors du conseil
général de son parti, il déclarait et je le cite: "Le
Québec ne demande pas de cadeau. Il demande simplement son dû.
Pour utiliser une expression d'un de mes illustres prédécesseurs,
le Québec veut son butin." C'était exactement le 19
février 1989. Les propos de M. Bourassa, sans être
dénués de considération électoraliste, constituent
cependant un aveu tardif de l'échec de sa conduite complaisante des
relations fédérales-provinciales. Cette complaisance, soucieuse
d'éviter tout geste susceptible de compromettre la ratification de
l'accord du lac Meech, a empêché le gouvernement Bourassa de
défendre adéquatement, efficacement et vigoureusement les
intérêts du Québec auprès du gouvernement
fédéral. L'adoption d'un ton plus musclé par le premier
ministre à l'endroit d'Ottawa, depuis février dernier, n'a pas
rapporté de grands dividendes pour le Québec.
De plus en plus isolé sur le front constitutionnel par sa propre
stratégie, le gouvernement du Québec est désormais
incapable d'exercer un véritable rapport de force face à Ottawa
qui lui soit favorable. La quête du butin n'a pas donné lieu
à de grands résultats. Le Québec a, certes, obtenu
l'implantation d'une demi-agence spatiale à Montréal, mais, en
contrepartie, il a dû accepter de voir plafonner à 35 % l'apport
des contrats de 1 200 000 000 $ reliés au projet de station orbitale,
véritable enjeu du programme spatial canadien. De plus, l'Agence
spatiale n'est pas un véritable centre décisionnel puisque la
firme Spar Aerospace de Toronto continue d'assumer la responsabilité
d'octroyer les contrats reliés au projet de station orbitale, au grand
bénéfice de l'Ontario qui s'est accaparé 80 % des contrats
octroyés à ce jour relativement à ce projet.
Le premier ministre du Québec, malgré ses nombreuses
tentatives, a été incapable d'infléchir la politique
monétaire de la Banque du Canada qui contribue à la hausse
soutenue des taux d'intérêt néfastes pour
l'économique québécoise, au bénéfice de
l'Ontario confronté à la surchauffe de son économie.
Où est-il, le premier ministre si soucieux de défendre les
intérêts économiques du Québec, alors que la
société Bombardier attend toujours l'aide financière
d'Ottawa pour un prêt de 100 000 000 $ pour le lancement de la production
d'un nouvel avion à réaction, le Canadair Regional Jet, alors que
ce projet implique l'expansion des installations de Canadair à
Saint-Laurent, dans le propre comté du premier ministre? Par ce projet,
Canadair investira plus de 400 000 000 $ pour cette version allongée du
Challenger et créera près de 3000 emplois. Il est difficilement
compréhensible que le premier
ministre n'ait pas demandé publiquement à Ottawa de
participer financièrement à ce projet.
Le gouvernement Mulroney, malgré l'appel pressant du premier
ministre Bourassa, n'a toujours pas donné suite à une demande de
participation financière dans le projet Soligaz, nécessaire
à l'expansion des activités de l'industrie pétrochimique
montréalaise. La réforme de l'assurance-chômage,
annoncée lors du discours du trône, pénalisera le
Québec aux prises avec un taux de chômage deux fois plus
élevé que celui de l'Ontario. Cette réforme risque
d'accroître la conversion de chômeurs en
bénéficiaires de l'aide sociale, avec les coûts
supplémentaires que cela suppose pour les finances publiques
québécoises.
De plus, à même les économies
réalisées par la réforme, Ottawa, par son pouvoir de
dépenser, s'apprête, une fois de plus, à s'ingérer
dans le secteur de la formation professionnelle relevant de la juridiction du
Québec par un programme national de formation de la main-d'oeuvre,
doté d'un budget de 800 000 000 $. Sans l'accord préalable des
provinces, le gouvernement fédéral entend également
imposer de façon unilatérale au Québec une nouvelle taxe
de vente de 9 % qui s'appliquera à compter du 1er janvier 1991; on le
sait maintenant, c'est officiel. De plus, selon les informations émanant
de la fuite du budget, Ottawa diminuera de plus de 300 000 000 $ les transferts
fédéraux consentis aux provinces. Tantôt, le ministre,
solennellement, indiquait que son gouvernement s'opposerait farouchement
à la poursuite du désengagement de l'État
fédéral, en matière de transfert aux provinces; je lui
signale que le désengagement se poursuit. Cette diminution affectera
principalement le financement des programmes établis dans les secteurs
de la santé et de l'éducation postsecondaire.
Manifestement, M. le Président - je termine là-dessus - le
fédéralisme coopératif de la bonne entente a du plomb dans
l'aile. Le prix à payer pour le Québec d'une stratégie qui
a tout sacrifié à l'accord du lac Meech s'avère
très lourd, trop lourd. Je vous Indique tout de suite, M. le
Président, un peu comme nous l'avons fait l'an passé, que j'ai
l'intention d'aborder un certain nombre de dossiers spécifiques,
à commencer par l'accord du lac Meech, les transferts
fédéraux, l'assurance-chômage, l'Agence spatiale, le
secteur linguistique, etc.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. J'appelle donc maintenant le programme
4 du ministère du Conseil exécutif.
M. Rémillard: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.
M. Rémillard: ...est-ce qu'il serait possible de
s'entendre sur le temps que nous allons utiliser pour cette commission? Est-ce
qu'on pourrait préciser nos heures de travail?
Le Président (M. Dauphin): Je sais que, selon l'avis que
nous avons reçu - vous me corrigerez, Mme la secrétaire - il est
indiqué de 9 heures à 13 heures, pour reprendre après les
affaires courantes, de 15 h 30 à 19 h 30. C'est l'avis que nous avons
reçu.
M. Brassard: M. le Président, je vous dis tout de suite
que j'ai l'intention d'aborder un certain nombre de dossiers. À partir
du moment où j'en aurai terminé avec ces dossiers, quelle que
soit l'heure, je n'ai pas l'intention...
Le Président (M. Dauphin): D'éterniser les
travaux?
M. Brassard: ...d'éterniser les travaux pour le plaisir
d'éterniser les travaux et d'écouler le temps. Si, à 18 h
30 ou à 18 h 40, j'en ai terminé avec les dossiers que j'entends
aborder avec le ministre, on ne poursuivra pas pour le plaisir de poursuivre,
on ajournera, tout simplement.
Le Président (M. Dauphin): C'est que l'enveloppe est de
huit heures.
M. Brassard: L'enveloppe est de huit heures, mais on n'est pas
obligés de les prendre au complet et à la minute.
Le Président (M. Dauphin): Cependant, on n'est pas
obligés de les prendre, on peut arrêter avant.
M. Brassard: Mon objectif est d'aborder un certain nombre de
dossiers. J'en ai cité quelques-uns. Ensuite...
M. Rémillard: M. le Président, on sait à
quoi s'en tenir. Je veux dire à l'Opposition que, si on est ici ainsi
que tous les fonctionnaires qui m'accompagnent, c'est pour apporter les
réponses les plus claires, les plus limpides possible. J'ai vu, par
l'exposé du député de Lac-Saint-Jean, les thèmes
qu'il voulait aborder et le contexte dans lequel il veut les situer; ce n'est
pas différent des années précédentes. Aussi, je
vais essayer d'apporter les réponses les plus claires aux questions
qu'il voudra bien me poser, comme les autres membres de cette commission.
Le Président (M. Dauphin): Très bien, M. le
ministre. Comme je le mentionnais tantôt...
M. Brassard: M. le Président...
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
Discussion générale Accord du lac
Meech
M. Brassard: D'abord, j'aborderais le dossier de l'accord du lac
Meech. On sait qu'il reste quand même deux provinces
récalcitrantes: d'abord, le Manitoba, qui continue de s'opposer à
la ratification de l'accord du lac Meech et, également, le
Nouveau-Brunswick de M. McKenna. Les deux souhaitent des amendements avant de
procéder à l'adoption ou à la ratification. Tout
récemment, l'élection d'un gouvernement libéral à
Terre-Neuve, dirigé par M. Wells qui est un opposant
déclaré à l'accord du lac Meech, apporte un changement au
paysage politique canadien relativement à ce dossier
constitutionnel.
J'ai entendu tout à l'heure le ministre reprendre les propos
qu'il tient depuis avril 1987 et selon lesquels il s'agit d'un accord
historique, etc. et que, selon lui - enfin c'est ce que j'ai cru comprendre -
il n'était pas très inquiet quant au processus de ratification.
Est-ce que le ministre continue d'être convaincu qu'avec ce qui se passe
présentement, avec l'opposition de deux provinces, avec
l'élection à Terre-Neuve d'un libéral s'opposant à
l'accord, que le processus de ratification de l'accord du lac Meech n'est pas
en panne comme le croient fermement certains éditorialistes du
Québec qui s'intéressent à ce dossier? Je pense à
M. Comeau du Devoir qui disait que la victoire libérale de Terre-Neuve
pourrait bien annoncer le dernier coup de masse contre l'accord du lac Meech et
M. Vennat de La Presse allait également dans le même sens. Est-ce
que le ministre est toujours convaincu que l'accord du lac Meech sera
ratifié? Que le processus de ratification sera vraiment
complété? Sincèrement. Est-ce que le ministre n'a pas une
certaine inquiétude sur le fait que cet accord risque de ne pas
être complété d'ici 1990, d'ici
l'échéance?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, je demeure - et je
le dis très sincèrement - convaincu que l'entente du lac Meech va
être sanctionnée telle que prévu. Le 30 avril prochain,
soit dans deux jours, cela fera deux ans que nous signions cette entente au lac
Meech près d'Ottawa où les onze premiers ministres du Canada
étaient réunis. Cela faisait plus d'un an, M. le
Président, que nous discutions avec les provinces et avec le
gouvernement fédéral sur la base de cinq conditions que nous
avions établies pour redonner au Québec ses droits historiques
perdus dans les négociations de 1981-1982 et pour redonner aussi
à notre fédéralisme une nouvelle approche de
coopération entre les deux niveaux de gouvernement.
Donc, pendant un an, j'ai visité toutes les provinces et j'ai
même visité certaines provinces trois ou quatre fois. J'ai
rencontré des premiers ministres et mes homologues dans toutes les
provinces. Les fonctionnaires ont aussi fait leur tournée
préparatoire. En fait, nous avons discuté avec les provinces et
avec le gouvernement fédéral pendant un an avant de pouvoir nous
asseoir à une table de négociation, toujours sur un plan
très informel, au lac Meech où se sont rendus les premiers
ministres pour en arriver, au cours de cette soirée du 30 avril 1987,
à un accord historique. Plusieurs ont dit à ce moment-là,
M. le Président: Vous voyez ce qu'ils sont allés chercher. Sis
sont ailés chercher cette entente tout à fait exceptionnelle
puisqu'on reconnaît que Se Québec est une société
distincte. Et non seulement on reconnaît que le Québec est une
société distincte mais on reconnaît en plus que
l'Assemblée nationale, que le gouvernement du Québec, a le droit
et le devoir de protéger et de promouvoir cette distinction. Alors on a
dit: Vous auriez dû continuer à négocier. Vous seriez
allés chercher pas mal plus. Et si l'entente du lac Meech avait
été acceptée immédiatement par l'assemblée
législative de toutes Ses provinces et par le Parlement canadien dans
les semaines qui ont suivi son acceptation par les gouvernements, le 3 juin
1987, on aurait dit: Ils ont cessé de négocier. C'est dommage, on
aurait pu aller chercher davantage. (10 h 30)
Mais de plus en plus, M. le Président, lorsqu'on voit que ce
n'est pas facile de faire en sorte que toutes les provinces puissent accepter
cette entente du lac Meech, on se rend compte de toute la qualité, de
l'impact extrêmement significatif et historique que cette entente du lac
Meech aura pour le Québec et pour l'ensemble de la
Fédération canadienne. Bien sûr, des commentaires ont
été faits un peu partout, sur l'entente du lac Meech. Certains
premiers ministres l'ont critiquée et la critiquent encore. M. McKenna,
le premier ministre du Nouveau-Brunswick, qui critiquait l'entente du lac
Meech, parce qu'il n'était pas présent, ce 30 avril 1987, il
n'était pas présent ce 3 juin 1987 non plus, à Ottawa
lorsqu'on a sanctionné un accord formel pour faire suite à
l'entente du lac Meech du 30 avril. M. McKenna n'était pas premier
ministre à ce moment. Il l'est devenu après. C'était M.
Stanfield qui était au lac Meech.
M. McKenna a donc critiqué l'entente du lac Meech en
disant: Cela ne reconnaît pas le droit des minorités.
Peut-être a-t-il maintenant une meilleure connaissance de l'entente du
lac Meech qui reconnaît pour la première fois le principe de la
dualité canadienne dans la constitution canadienne et qui va permettre
à la minorité francophone de l'extérieur du Québec,
entre autres aux Acadiens, qui forment en eux-mêmes un peuple, avec leur
culture, avec leurs institutions à bien des égards et avec leur
façon d'être, de vivre en fonction de cette langue
française que nous parlons. M. McKenna va se rendre compte qu'il peut
faire beaucoup comme
premier ministre du Nouveau-Brunswick avec les pouvoirs qu'il
détient déjà comme premier ministre d'une province.
M. Doucet, président de l'Association des Acadiens, disait
à M. McKenna encore tout dernièrement dans le journal L'Acadie
Nouvelle. Au lieu de contester l'entente du lac Meech, vous devriez inclure
dans la constitution canadienne par la voie de l'article 43 de la Loi
constitutionnelle de 1982 - le rapatriement - le principe de
l'égalité des deux langues officielles au Nouveau-Brunswick parce
qu'il existe une loi, la loi 88, une loi très intéressante qui
établit l'égalité des deux communautés
linguistiques au Nouveau-Brunswick. Il pourra donc, à l'intérieur
de la constitution canadienne, avec l'accord du gouvernement
fédéral - et nous savons très bien que le gouvernement
fédéral ne s'y opposera pas, il donnera son consentement -
Inclure ce principe de l'égalité des deux langues officielles
pour protéger les Acadiens. Il pourra aussi inclure un autre amendement
important puisque M. McKenna voudrait que la dualité soit non seulement
préservée mais aussi que les gouvernements s'engagent à la
promouvoir.
Alors, on sait très bien que les autres premiers ministres des
autres provinces n'accepteront jamais d'inclure cet élément de
promotion. Déjà, ils consentent à inclure
l'élément de protection et c'est déjà un pas
significatif. Je peux vous dire que le premier ministre, M. Bourassa et le
premier ministre M. Mulroney ont dû négocier ferme pour obtenir ce
point. Alors, rien n'empêche M. McKenna de modifier sa propre
constitution et de l'inclure dans la constitution canadienne aux articles 16 et
suivants de la Loi constitutionnelle de 1982 et d'inclure aussi qu'en ce qui
regarde le Nouveau-Brunswick le gouvernement du Nouveau-Brunswick,
l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick non seulement
s'engagent à protéger la dualité mais s'engagent aussi
à la promouvoir.
Donc, le fondement des oppositions de M. McKenna contre l'entente du lac
Meech repose sur la protection du droit des minorités. Nous disons deux
choses à M. McKenna: Premièrement, l'entente du lac Meech n'a pas
été faite pour établir un véritable code des droits
des minorités et nous sommes prêts à discuter des droits
des minorités dans un deuxième temps, dans une deuxième
ronde de négociations constitutionnelles comme nous l'avons
mentionné à plusieurs égards. De plus nous sommes
prêts à nous asseoir à la table des négociations et
à voir tous les aspects de ces droits des minorités si c'est le
voeu de tous les premiers ministres. Nous disons, deuxièmement, à
M. McKenna qu'il a la possibilité, comme premier ministre, de modifier
la constitution canadienne, avec le simple accord du gouvernement
fédéral et son propre accord comme gouvernement et comme
Assemblée législative, et d'y inclure l'égalité des
deux communautés linguistiques, et que son Assemblée, son
gouvernement, s'engage non seulement à protéger, mais aussi
à promouvoir la langue française. À ce moment-là,
je pense qu'il aura fait encore beaucoup pour les Acadiens.
Quant à M. Filmon, M. le Président, le ridicule ne tue
pas. Quand on voit M. Filmon faire campagne contre le lac Meech au nom du droit
des minorités, alors que nous savons ce que le Manitoba a fait à
la minorité francophone et ce qu'il continue encore à faire, il y
a quelque chose d'un peu difficile à accepter de notre part. Nous sommes
confiants que M. Filmon, que nous savons de bonne foi, qui recherche
l'intérêt de ses gens du Manitoba où il y a une
minorité francophone importante, où des Métis se sont
prononcés en faveur de l'entente du lac Meech la semaine dernière
- et c'est significatif, M. le Président - après les audiences
publiques qui ont lieu présentement, pourra en arriver à la
conclusion que l'entente du lac Meech est la solution pour que le Québec
redevienne ce partenaire à part entière dans la
fédération et que l'on puisse aussi établir des
éléments fondamentaux de notre fédéralisme
coopératif et aborder ensuite une deuxième ronde de
négociations.
Quant à M. Wells, M. le Président, il a mentionné
à quelques reprises ses préoccupations au sujet de l'entente du
lac Meech. M. Wells a aussi mentionné qu'il avait d'autres
préoccupations, dont des préoccupations économiques, avec,
comme on le sait, un taux de chômage très élevé, et
je crois bien qu'il a, lui aussi, cette préoccupation du bien-être
de sa population et qu'on devrait probablement voir l'action de son
gouvernement se développer pour trouver une solution à ses
problèmes économiques. Nous n'avons pas à intervenir dans
les choses d'une autre province et ce n'est pas notre intention d'aucune
façon. Cependant, M. le Président, il faut bien comprendre que
l'entente du lac Meech est un grand sujet d'intérêt national et,
lorsqu'un premier ministre fait une déclaration sur le lac Meech, cela
se retrouve dans la presse nationale canadienne.
Mais, au-delà de ces considérations politiques, tous les
premiers ministres sont de bonne foi dans le sens qu'ils sont
profondément sensibles à l'évolution de notre
fédération et à la place du Québec dans la
fédération, comme on a pu le voir tant au lac Meech qu'à
l'édifice Langevin, le 3 juin suivant. Une injustice a été
commise à l'endroit du Québec dans ses négociations de
1981-1982 et cette injustice, M. le Président, doit être
réparée, et la façon de la réparer, c'est de
répondre positivement aux cinq conditions; posées par le
Québec: reconnaissance du Québec comme société
distincte, reconnaissance de pouvoirs accrus en matière d'agriculture,
reconnaissance d'un droit de veto pour le Québec, reconnaissance de la
compétence législative du Québec dans son ensemble et d'un
encadrement du gouvernement fédéral dans l'exercice de son
pouvoir de dépenser et confirmation constitutionnelle de la nomination
de ces
trois juges venant du Québec à la Cour suprême du
Canada.
M. le Président, je réponds donc très
sincèrement au député de Lac-Saint-Jean: Oui, je demeure
profondément convaincu que l'entente du lac Meech sera
sanctionnée avant le 23 juin 1990.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. !e ministre. M. le
député.
M. Brassard: M. le Président, j'écoutais le
ministre et je me disais: Voilà une manifestation exemplaire de ce qu'on
appelle la foi du charbonnier, inébranlable et pas le moindrement
affectée par le plus petit soupçon de doute.
Pourtant, son premier ministre est moins euphorique parce qu'il a
reconnu enfin, le 6 avril dernier, en se portant à la défense de
la clause dérogatoire, la clause "nonobstant", que le niveau de
protection de l'accord du lac Meech et de la clause de la société
distincte était insuffisant et que le Québec, par
conséquent, avait un besoin essentiel du maintien de la clause
"nonobstant" pour défendre son identité linguistique et
culturelle. Il a aussi reconnu, d'ailleurs, que le bilinguisme était une
caractéristique fondamentale du Canada, ce qu'on répète
depuis que l'accord a été signé. On répète
au gouvernement que le concept de société distincte est
subordonné à la caractéristique fondamentale du Canada
qu'est la dualité linguistique, c'est-à-dire le caractère
bilingue du Canada, et donc du Québec aussi.
Non seulement la clause de société distincte est une
clause interprétative mais, en p!us, elle est subordonnée
à une autre qui est celle de la caractéristique fondamentale du
Canada. Alors, au début du mois, le premier ministre Bourassa, pour
justifier la défense vigoureuse qu'il faisait de la clause
dérogatoire, considérée comme clause essentielle pour la
protection des intérêts du Québec, reconnaissait que le
niveau de protection de l'accord du lac Meech n'était pas suffisant et
que la clause dérogatoire était donc essentielle.
Par conséquent, à la suite du débat sur la clause
dérogatoire, son premier ministre est devenu passablement moins
tranchant, pas mai moins euphorique quant à
l'étanchéité, à la portée véritable
et au degré de protection de l'accord du lac Meech. Je prends acte que
le ministre est convaincu que cet accord va être ratifié. Je
trouve cependant qu'il manifeste un peu de ce qu'on pourrait appeler de la
pensée magique. Il prend probablement ses désirs pour des
réalités parce que, à mon sens, la position du Manitoba et
du Nouveau-Brunswick, du moins jusqu'à maintenant, ne s'est pas
atténuée, n'a pas flanché et ne semble pas vouloir
être ébranlée. Je comprends mai que, dans ce contexte, il
fasse preuve d'une aussi grande confiance à l'égard de la
ratification de l'accord du lac Meech.
Toujours sur le plan constitutionnel, je voudrais l'interroger sur la
clause "nonobstant".
Le premier ministre du Québec, au début d'avril, montait
aux barricades pour proclamer le caractère essentiel de la clause
dérogatoire et, forcément, son maintien également dans la
constitution. Mais, quelques jours plus tard, dans le but de
réapprivoiser, de se raccommoder avec sa clientèle anglophone, il
évoquait la possibilité d'en limiter, de façon
substantielle, l'application en pariant, entre autres, de réduire la
durée d'application de la clause, et, deuxièmement, la
possibilité de son application avec une majorité plus forte
à l'Assemblée nationale, la majorité des deux tiers. (10 h
45)
Peut-être que cela m'a échappé, mais je n'ai pas vu
quelque part les commentaires ou l'opinion du ministre responsable du dossier
constitutionnel à ce sujet. Le ministre des Affaires
intergouvemementales canadiennes est-il en accord avec son premier ministre
quant à une application plus restrictive de la clause "nonobstant" ou
rejoint-il plutôt le ministre de l'Éducation qui, lui, ne semble
pas très ouvert et qui a même plutôt fermé la porte
à l'introduction de limitations quant à l'application de la
clause "nonobstant"? Quelle est la vision ou le point de vue du ministre
responsable du dossier constitutionnel sur cette question majeure de la clause
dérogatoire?
M. Rémillard: M. le Président, la clause
dérogatoire est une clause qui existe tant dans la Charte canadienne des
droits et libertés que dans la Charte des droits et libertés de
la personne du Québec, pour permettre à un gouvernement, à
une Assemblée législative, ici à l'Assemblée
nationale du Québec de déroger à l'application
entière de certains droits, de certaines libertés fondamentales.
C'est donc avec beaucoup de - je devrais dire - délicatesse que nous
devons aborder cette clause dérogatoire puisqu'il s'agit, par cette
clause, de déroger à un des principes les plus fondamentaux dans
toute démocratie, le respect des droits et des libertés de ces
hommes, de ces femmes qui, réalisant qu'ils ont des
intérêts en commun, d'ordre moral, d'ordre matériel,
décident de vivre ensemble, d'organiser le pouvoir qui est
inhérent à leur communauté sous la forme qu'ils veulent
lui donner, respectant le principe que ce pouvoir sera en fonction des
volontés qu'ils exprimeront en premier lieu, par le principe de la
souveraineté qui leur revient et qu'ils délégueront
à des élus qui occuperont ces postes de direction.
En conséquence, M. le Président, se souvenant de cette
grande règle que le pouvoir est naturel, mais que l'abus du pouvoir est
tout aussi naturel que le pouvoir lui-même - et cela se constate à
tous les niveaux de la vie, vie végétale comme vie animale et vie
humaine, bien sûr - dans une constitution qui se veut
démocratique, il est essentiel... Une voix:...
M. Rémillard: II est Important de le réaliser. Je
ne savais pas que Darwin était un amateur de la clause "nonobstant", M.
le Président. En tout cas, peut-être que le député
de Lac-Saint-Jean va nous apprendre des choses concernant Darwin et la clause
"nonobstant" tout à l'heure, mais, pour le moment, ce que je voulais
signifier c'est qu'une pièce maîtresse de toute constitution
fondée sur le principe démocratique doit être une charte
des droits et libertés, c'est-à-dire des droits et
libertés que les citoyens et les citoyennes se gardent en disant:
L'action du gouvernement ne peut venir toucher à ces droits et
libertés.
Cependant, M. le Président, il est évident, qu'il n'y a
aucun droit, aucune liberté qui peut être appliquée dans un
contexte absolu. Cela doit s'appliquer dans le contexte social, culturel,
politique, économique d'une société.
Pour ma part, je me refuse à considérer de possibles
conflits entre l'intérêt de la collectivité et
l'intérêt des individus. Pour mol, M. le Président, c'est
un faux débat parce que, lorsque des hommes et des femmes
décident de vivre ensemble, c'est parce qu'ils veulent partager un bien
commun, et c'est ce bien commun qu'ils dégagent en fonction des
objectifs qu'ils ont, c'est ce bien commun qui permettra à ces gens de
vivre ensemble et, par conséquent, de voir à l'application de
leurs droits et de leurs libertés.
La charte canadienne, tout comme la charte québécoise,
prévoit une clause qu'on appelle limitative, c'est-à-dire une
clause qui permet à un gouvernement, à une Assemblée
législative ou au Parlement canadien de limiter la portée d'un
droit, d'une liberté, mais cette limite doit être
appréciée dans la mesure où elle est raisonnable et
où elle peut se situer dans le contexte d'une société
libre et démocratique. Elle doit être appréciée par
un tribunal. Il est significatif, de toutes les discussions qui ont
entouré la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait
partie de notre constitution depuis le rapatriement de 1982, de constater que
le premier article de la cette charte n'est pas un droit ni une liberté,
mais une possibilité de limiter la portée de la charte. Il faut
comprendre, dans ce contexte, que la charte canadienne est venue bouleverser
complètement la perception politique que nous pouvions avoir du
rôle de nos institutions parlementaires, que nous avons
héritée de notre tradition britannique.
On sait que nous avons un régime constitutionnel, une monarchie
constitutionnelle fondée sur le principe de la souveraineté
parlementaire. La souveraineté appartenait à Dieu et elle
était déléguée au souverain. On sait que dans les
années dix-sept cent, il y a eu la Révolution française,
dont on fêtera justement le 200e anniversaire au Québec. On sait
que nos amis français ont raccourci certains de leurs commettants, en
particulier un roi et une reine, et qu'ils ont établi un grand principe
qui avait été développé par Diderot, par Rousseau,
de grands philosophes, selon lequel la souveraineté appartient au
peuple. C'est le peuple qui est souverain, ce n'est pas Dieu ou qui que ce
soit, c'est le peuple. Cela ne nie pas la possibilité d'une
autorité beaucoup plus forte que l'humain, mais la souveraineté
appartient au peuple.
Au même moment, du côté des îles britanniques,
on ne raccourcissait qu'un seul souverain, Charles ter - on se souvient de
Cromwell - et la souveraineté ne descendait pas jusqu'au niveau du
peuple, elle s'arrêtait au niveau...
Une voix:...
M. Rémillard: Pardon, M. le Président?
M. Brassard: C'est simplement, M. le Président, que...
M. Rémillard: Mais j'explique la clause "nonobstant".
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: J'ai l'impression que le ministre se pense encore
à l'université, il est en train de donner un cours de droit.
Pourtant, ma question était bien simple: Est-ce qu'il est d'accord avec
son premier ministre quant aux limitations, à une application
restrictive de la clause dérogatoire? Vous savez...
M. Rémillard: J'y arrivais.
M. Brassard: ...je n'ai pas l'impression que ça a beaucoup
de liens avec Marie-Antoinette.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: M. le Président, j'ai
été Interrompu dans mon exposé au moment où j'y
arrivais, justement.
Ce que je voulais donc dire, c'est que sur le plan de la
souveraineté du Parlement, principe que nous avons hérité
de notre tradition britannique alors que nos voisins du Sud ont plus la
tradition de la Révolution française et des philosophes - pour
eux c'est la souveraineté populaire - cela se reflète directement
dans la Charte des droits et libertés dans le sens qu'en Angleterre, il
n'y a pas de charte des droits et libertés formelle, par contre, c'est
un pays qui a toujours été très soucieux de respecter les
droits et les libertés. Nous, nous avons donc décidé
d'inclure une charte des droits et libertés, mais ça venait
bouleverser un peu notre perception du rôle parlementaire, parce qu'on se
disait: Dans la mesure où on inclut, dans notre constitution, des droits
et des libertés garantis à chaque citoyen, chaque citoyenne,
ça implique évidemment que les tribunaux auront à se
prononcer sur l'étendue de ces droits pour l'apprécier. Comme je
l'ai mentionné tout à l'heure, M. le Président, un
droit à une liberté ne s'applique pas dans l'absolu,
ça s'applique dans le contexte d'une société, donc ce sont
les tribunaux qui vont l'apprécier. Par conséquent, ça
vient certainement limiter le pouvoir de légiférer des
gouvernements.
En conséquence, lorsqu'il y a eu ces discussions en 1981-1982,
concernant la possibilité de mettre dans la constitution une charte des
droits et libertés, des premiers ministres provinciaux ont dit:
Attention! On vient toucher les compétences législatives des
provinces sévèrement, c'est la capacité souveraine du
Parlement de légiférer qui est touchée, et, pour notre
part, iI faut protéger cette souveraineté. On a donc
regardé la possibilité, d'une part, de faire en sorte que des
droits et libertés soient vraiment respectés par une charte des
droits et libertés, mais aussi la possibilité de pouvoir
protéger cet héritage de la souveraineté du Parlement.
Pour ma part, M. le Président, Je dois dire, entre parenthèses,
que je considère que ce n'est pas le Parlement qui est souverain, mais
que c'est le peuple qui est souverain. La souveraineté, nous
l'exerçons, nous ici, les élus, parce que nous avons reçu
un mandat populaire et quand ça ne fait plus son affaire, il nous
relève de notre mandat, et c'est ça la démocratie.
M. le Président, par conséquent, nous nous sommes donc
retrouvés avec une Charte canadienne des droits et libertés -
eî nous retrouvons la même chose dans la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec - comportant une clause
limitative, dans un premier temps laissée à la discrétion
du tribunal, mais aussi avec une clause qu'on appelle dérogatoire. La
clause dérogatoire a été confirmée par la Cour
suprême, en fait tout dernièrement par l'affaire Singer. La Cour
suprême a confirmé que, dans la mesure où le constituant a
inscrit que chaque gouvernement - aussi au niveau du Parlement
fédéral - pouvait utiliser cette clause que l'on retrouve
à l'article 33 de la Charte canadienne des droits, comme à
l'article 52 de la Charte québécoise des droits et
libertés, cela permettait de mettre de côté l'application
de droits et de libertés.
Personnellement, M. le Président, je dois dire que cette clause
"nonobstant", je la considère comme un instrument valable pour un
gouvernement, mais qu'un gouvernement doit l'utiliser avec quand même
beaucoup de vigilance pour le respect des droits et des libertés, selon
le principe démocratique.
Le premier ministre a mentionné une idée de
réflexion qui parait intéressante. D'ailleurs, j'avais un
collègue constitutionnaliste qui écrivait hier encore dans les
journaux, le professeur Woehrling de l'Université de Montréal, de
même que le professeur Brun aussi, que cette clause "nonobstant", cette
clause dérogatoire permet à un gouvernement de dire: Bon,
étant donné certaines circonstances, nous décidons de
légiférer nonobstant, peu importent les droits et les
libertés qui sont inscrits dans la constitution. Ce "nonobstant" vaut
pour une période maximale de cinq ans. La premier ministre a
parlé de certaines possibilités dont on pourrait discuter, en ce
sens, par exemple, que cette période maximale pourrait être de
trois ans et que le vote sur une telle clause dérogatoire pourrait
être pris aux deux fiers de l'Assemblée nationale. Le premier
ministre ne se référait pas, à ce moment-là,
à un amendement constitutionnel qui pourrait lier l'ensemble des
provinces et le Parlement canadien, puisqu'il ne voulait pas parler au nom des
autres provinces et du Parlement canadien, mais parler simplement au nom du
gouvernement du Québec qui pouvait discuter de cette idée.
Par conséquent, il s'agirait simplement, pour le gouvernement du
Québec et l'Assemblée nationale du Québec, de
décider d'utiliser cette clause "nonobstant" pour trois ans au lieu de
cinq ans. Ce qui veut dire que, tous les trois ans, on reviendrait devant
l'Assemblée nationale du Québec pour dire: Nous voulons appliquer
encore une fois cette clause "nonobstant", ou bien: Nous ne voulons plus de
cette clause "nonobstant". La décision serait prise par un vote des deux
tiers. Cela rendrait plus difficile l'utilisation de la clause
dérogatoire, mais ça ne l'empêcherait pas, parce que le
premier ministre, M. Bourassa, a été très clair à
ce sujet, je l'ai été moi-même à plusieurs
occasions, le ministre responsable du dossier linguistique l'a
été lui aussi, pour nous, la clause nonobstant est là,
elle doit y demeurer et elle est un instrument important pour le Québec.
(11 heures)
D'ailleurs, M. le Président, je dis qu'on ne peut modifier cette
clause "nonobstant" sans le consentement du Québec. De par la
constitution canadienne, cette clause "nonobstant" existe, elle peut être
modifiée par sept provinces, totalisant 50 % de la population des
provinces et le Parlement canadien, cependant elle touche des droits,
privilèges, pouvoirs du gouvernement et de l'Assemblée nationale
du Québec, c'est bien évident. Par conséquent, nous
pouvons utiliser l'article 38, alinéas 2 et 3, qui nous permet de nous
retirer d'un tel amendement, ce qui fait en sorte que toutes les autres
provinces canadiennes pourraient bien vouloir abolir la clause "nonobstant",
nous allons pouvoir la conserver, parce qu'il s'agit d'un instrument important
pour la protection des droits du Québec.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, d'abord, oui le
Québec pourrait, parce que la constitution dit que c'est pour un maximum
de cinq ans, utiliser la clause dérogatoire pour moins de cinq ans,
mais, pour le vote des deux tiers, je ne pense pas que ça puisse se
faire sans amendement constitutionnel. La constitution dit: La clause
dérogatoire entre en vigueur à la suite d'une
décision prise par une Législature. Par conséquent,
ça implique la majorité simple, la majorité absolue, mais
la majorité. Si le Québec décidait, sans modification
constitutionnelle, de faire adopter que ce soit par un vote des deux tiers,
à mon avis, ce ne serait pas constitutionnel, sans amendement. Cela
étant dit, je comprends bien que vous êtes d'accord avec ces
possibilités de limitation de l'application de la clause "nonobstant".
Cela vous agrée, vous n'y voyez pas d'objection de fond, quant à
vous, le responsable du dossier constitutionnel. Par conséquent, vous
seriez enclin à conseiller au gouvernement d'aller dans cette direction,
d'une part. D'autre part, vous me citiez Me Woehrling quant à ces
limitations. C'était un paragraphe à la fin de son article; tout
le reste de son article tend à démontrer que l'opinion du
gouvernement du Québec sur le droit de retrait prévu dans les
dispositions concernant la procédure d'amendement, l'article 38, ce
n'est pas si sûr que ça s'applique à la clause
dérogatoire. Cela peut s'appliquer, mais ce n'est pas si certain que
ça, la certitude n'est pas absolue, et il a, dans son article, justement
exposé un certain nombre d'arguments, à caractère
juridique et constitutionnel, qui peuvent nous faire douter que le droit de
retrait, prévu à l'article 38, alinéas 2 et 3, s'applique
à la clause dérogatoire. Il est important de le signaler.
Vous êtes empressé d'être très heureux du
dernier paragraphe de son article, mais il faut penser à tout le reste
aussi. Quand M. Bourassa affirme péremptoirement qu'il n'y a pas de
problème quant à la clause "nonobstant" pour ce qui est de son
maintien - même si sept provinces sur dix comptant 50 % de la population
du Canada adoptaient un amendement constitutionnel abrogeant la clause
dérogatoire, il n'y a pas de problème, dit M. Bourassa, il y a
toujours 38, deuxième et troisième alinéas; on va exercer
notre droit de retrait assimilant la clause dérogatoire à une
compétence législative - Me Woehrling, justement, dans cet
article que vous évoquez, vous dit: Attention, ce n'est pas si sûr
que ça, ce n'est pas si certain que ça que la clause
dérogatoire puisse être assimilable à une compétence
législative et que, par conséquent, le droit de retrait puisse
s'appliquer à cette disposition constitutionnelle. Peut-être que
oui, mais ce n'est pas si certain que ça. La certitude n'est pas absolue
et il a aligné une série d'arguments qui pourraient fort bien
être plaidés devant les tribunaux, devant la Cour suprême en
particulier, pour démontrer que le droit de retrait ne s'applique pas
à la clause dérogatoire. Encore là, j'invite le ministre
à la prudence à ce sujet. Mais je comprends qu'il semble, en tout
cas, d'après son propos, être d'accord avec les limitations qu'on
pourrait apporter à l'application de la clause dérogatoire. J'en
prends bonne note et je pose une dernière question, quant à moi,
sur le dossier constitutionnel et qui concerne toujours l'accord du lac
Meech.
Je reviens aux deux provinces récalcitrantes. Leur opposition n'a
pas l'air de s'atténuer. Comment le gouvernement du Québec
compte-t-il vaincre la résistance de ces deux provinces pour en arriver
à la ratification de l'accord du lac Meech? Avez-vous une
stratégie à appliquer, à mettre en vigueur, pour en
arriver à faire tomber la résistance de ces deux provinces et
aboutir, finalement, avant le délai prévu, à la
ratification de l'accord du lac Meech? C'est bien beau de me dire que vous
êtes convaincu, persuadé - comme vous l'avez dit tantôt,
après un long détour, selon votre habitude - que ça va
être accepté, ratifié et sanctionné avant 1990.
C'est bien beau de dire ça, mais il reste que, quand on regarde les deux
provinces en cause, elles n'ont pas l'air de relâcher leur opposition.
Elles sont toujours très fermes, très déterminées.
Leur opposition est toujours très forte. Comment le gouvernement du
Québec espère-t-il vaincre la résistance de ces deux
provinces? Si vous voulez la ratification de l'accord du lac Meech, il faut en
arriver à vaincre la résistance de ces deux provinces qui ne
s'atténue pas jusqu'à maintenant. Avez-vous une stratégie?
Que comptez-vous faire? Est-ce que le gouvernement fédéral
entend, de son côté, poser des gestes, faire des démarches,
ou si c'est une attitude purement passive? Vous attendez que la grâce
divine, même si Dieu ne détient pas la souveraineté, tombe
sur les dirigeants de ces deux provinces, les éclaire subitement et que
toute résistance tombe. Que comptez-vous faire?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Tout d'abord,
je dois dire que je suis convaincu que l'entente du lac Meech sera
sanctionnée d'ici le mois de juin 1990, pour une raison fondamentale.
Ces deux dernières années, nous avons discuté de l'entente
du lac Meech. Nous l'avons discutée d'abord ici, au saion rouge, dans la
salle du Conseil législatif. Nous en avons discuté aussi avec
toutes les provinces qui ont accepté de voter les résolutions,
donc huit provinces qui ont tenu des débats. Certaines de ces provinces
ont même tenu des audiences publiques extrêmement
élaborées, comme l'Ontario qui en a tenu pendant plusieurs
semaines, qui a publié aussi, par l'intermédiaire de son
Procureur général, un rapport sur l'entente du lac Meech qui est
d'une qualité tout à fait exceptionnelle. Au niveau canadien, on
sait qu'il y a eu un comité mixte du Sénat et de la Chambre des
communes; il y a eu aussi des audiences au Sénat. Après toutes
ces études, pendant deux ans, une conclusion s'impose et c'est celle-ci:
On n'a pu trouver aucune faille dans l'entente du lac Meech, aucune erreur.
L'entente du lac Meech est là et, juridiquement, politiquement, en
fonction des objectifs que nous recherchions, il n'y a aucune erreur, aucune
faille qui a pu être trouvée dans l'entente du lac Meech.
Bien sûr, certains voudraient y trouver ta réponse à
toutes les questions constitutionnelles qu'on peut se poser. Ce n'était
pas l'objectif du lac Meech de vouloir solutionner tous nos problèmes
constitutionnels et de faire toute !a réforme constitutionnelle du
partage des compétences législatives entre Ses deux ordres de
gouvernement ou la réforme de nos institutions fédérales
comme le Sénat. Cependant, en fonction d'un des objectifs qui
était, premièrement, de répondre aux cinq conditions du
Québec pour redevenir un partenaire à part entière dans
cette fédération, l'entente du lac Meech ne contient aucune
erreur. Pour ma part, il est évident que l'entente du lac Meech sera
sanctionnée d'ici juin 1990.
M. le Président, quelle est notre stratégie? Elle est
basée sur un grand principe. Nous ne sommes pas des quêteux. On
n'ira pas quémander quoi que ce soit, il y a eu une injustice commise en
1981-1982. Je ne veux pas revenir sur ces débats de 1981-1982. On sait
que le gouvernement du Québec a été mis à
l'écart des dernières séances de négociation qui
ont abouti à la Loi constitutionnelle de 1982, au rapatriement de la
constitution. Le Québec a perdu, entre autres, son droit de veto comme
droit historique. Aucun gouvernement, de quelque tendance politique qu'il
puisse être, ne pourrait accepter ce rapatriement de 1981-1982. C'est
inacceptable pour les Québécois.
Certains diront que c'était un gouvernement
indépendantiste qui était en place à ce moment-là,
que c'était impossible de faire une réforme constitutionnelle.
D'autres diront que le premier ministre Trudeau, à l'époque,
avait promis une réforme constitutionnelle complète et qu'il n'a
pas tenu sa promesse. Mais, M. le Président, cela ne nous donne rien de
revenir là-dessus. La réalité, c'est qu'aucun
gouvernement, peu importe sa tendance politique, ne pourrait l'accepter.
Cependant, si nous avons l'entente du lac Meech, avec les cinq conditions que
nous avons, nous pourrons adhérer pleinement, comme partenaire majeur et
de plein droit, à cette fédération canadienne. Nous avons
assez de fierté pour dire au reste du Canada: Mous vous avons
posé cinq conditions; vous nous avez répondu positivement
à ces cinq conditions ce 30 avril 1987, au lac Meech, par
l'intermédiaire de vos chefs de gouvernement; vous nous avez
répondu positivement devant l'ensemble de la population canadienne le 3
juin 1987 lorsqu'on a annoncé solennellement l'accord formel entre les
onze premiers ministres concernant cette réponse positive du reste du
Canada au Québec à ces cinq conditions. En conséquence, il
n'est pas question que le gouvernement du Québec se comporte en
quêteux et aille quémander quoi que ce soit. (11 h 15)
Nous sommes ouverts à la discussion avec les autres provinces.
Nous avons discuté et nous discutons toujours avec des gens du gouverne-
ment du Nouveau-Brunswick, du Manitoba. Cela nous fait toujours plaisir de voir
nos collègues des autres provinces. J'en reçois beaucoup ici
à Québec, qui est la capitale du Québec. On sait que le
gouvernement travaille pour rehausser ce rôle de Québec capitale.
Une façon de le rehausser, c'est de tenir des conférences
fédérales-provinciales ici, à Québec. Quand on fait
le bilan des trois ans et demi que nous venons de passer, on s'aperçoit
du nombre considérable de conférences
fédérales-provinciales et interprovinciales qui ont eu lieu ici,
à Québec, et des rencontres entre ministres qui ont eu lieu ici,
à Québec.
M. le Président, il y a de l'opposition de la part de deux
provinces. M. Wells, le nouveau premier ministre de Terre-Neuve, semble montrer
quelques réticences, mais comme j'ai dit tout à l'heure, cela ne
nous inquiète pas beaucoup, parce qu'on sait que M. Wells a d'autres
priorités, entre autres l'économie de sa province. Nous sommes
aussi, comme gouvernement québécois, un partenaire
économique de Terre-Neuve. Nous sommes particulièrement heureux
de nous associer à cette province dans la mesure où ça
fait notre affaire et ça fait son affaire à elle aussi. Mais on
voit là un nouveau premier ministre libéral qui est le premier
ministre Wells. On voit, là aussi, M. McKenna qui est un premier
ministre libéral. On voit, là aussi, Mme Carstairs au Manitoba
qui, depuis un bon bout de temps, critique fortement l'entente du lac Meech.
Nous avons vu le Parti libéral fédéral, à ses
assises à Montebello, discuter de l'entente du lac Meech.
Une chose est de plus en plus évidente. Si nos amis, les
libéraux fédéraux, voulaient - je dis voulaient - creuser
la tombe du lac Meech, ils creuseraient leur propre tombe. Je pense que c'est
de plus en plus évident que l'entente du lac Meech est là pour
s'appliquer à l'ensemble du Canada et que cette entente pourra
être un fondement valable pour reconnaître les droits du
Québec, lui redonner, entre autres, ce droit de veto perdu, mais lui
permettre aussi d'adhérer à une fédération
renouvelée par certains éléments de base qui sont
importants et qui vont nous permettre de faire en sorte que cette
fédération soit beaucoup plus fondée sur une réelle
coopération entre les provinces et le gouvernement fédéral
que sur un conflit perpétuel entre les deux niveaux de gouvernement.
M. le Président, je veux dire que, pour nous, iI est important
que nous ayons au Canada un gouvernement fédéral fort. Le Canada
est un immense pays, un pays faiblement peuplé, donc le
régionalisme est très présent, très
articulé, ici, au Canada, et nous considérons que nous avons
besoin d'un gouvernement central fort. Mais cette force du gouvernement central
doit être fondée sur une réelle coopération entre
des provinces et le gouvernement fédéral. C'est la seule
façon que nous allons pouvoir aborder les défis qui nous
attendent, que ce soit le défi du libre-échange avec les
États-Unis, mais aussi
tout ce défi économique qui nous vient de la
continentalisation des entreprises à laquelle nous assistons depuis
maintenant quelques années.
M. le Président, je demeure convaincu que l'entente du lac Meech
pourra être sanctionnée d'ici juin 1990. On n'y a trouvé
aucune faille. Cela démontre la qualité de cette entente, une
entente historique. Je suis convaincu également que les deux provinces
qui posent actuellement quelques questions avant de pouvoir adhérer
à l'entente puissent recevoir des réponses à ces questions
et y adhérer le plus tôt possible. Je demeure convaincu que tous
les Canadiens vont se rendre compte que ce que nous avons dans l'entente du lac
Meech, c'est certainement, dans un premier temps, la réponse positive du
reste du Canada aux cinq conditions posées par le Québec, mais ce
sont aussi ces éléments pour un fédéralisme
coopératif. Je pense, entre autres, à cette conférence sur
l'économie qui devra maintenant, obligatoirement, se tenir, être
convoquée par le gouvernement fédéral une fois l'an. On
sait que cette conférence sur l'économie, qui regroupe les
provinces et le gouvernement fédéral, a été
convoquée régulièrement depuis 1984. Mais il n'y a aucune
garantie constitutionnelle à cet effet. C'est un élément
qui est fondamental, M. le Président, parce que cette conférence
va permettre ce dialogue, cette discussion entre le gouvernement
fédéral et les provinces, que les provinces ne se fassent pas
imposer unilatéralement des décisions sur le pian
économique qui les confrontent à des situations difficiles. Cela
ne veut pas dire qu'on veut minimiser les pouvoirs du gouvernement
fédéral. Non. Ce que nous voulons, c'est une concertation, la
possibilité de discuter ouvertement, que ces réunions soient la
possibilité pour les provinces et le gouvernement fédéral
de discuter, tous ensemble.
À cette disposition importante, on relie les dispositions du lac
Meech sur le pouvoir de dépenser. Là encore, M. le
Président, ce que nous recherchons, c'est l'efficacité
gouvernementale. Il y avait dédoublement sur le terrain, parce que le
gouvernement fédéral utilisait son pouvoir de dépenser
dans les sphères de compétence provinciale. Nous disons: Vous
allez respecter les sphères de compétence provinciale, vous allez
utiliser un pouvoir de dépenser, nous vous le reconnaissons, mais
attention, c'est en accord avec nous et dans le cadre que nous allons fixer.
Dans ces considérations, M. le Président, on voit la
possibilité d'établir un lien de coopération entre les
deux ordres de gouvernement.
Ensuite, concernant la nomination des juges à la Cour
suprême, et même aussi la nomination des sénateurs, par une
liste qui est fournie par les provinces, c'est le gouvernement
fédéral qui décide. Le gouvernement décide. Bien
sûr, iI conserve son pouvoir de nomination, mais l'initiative vient des
provinces. Encore là, c'est un bel exemple d'un
fédéralisme de coopération.
Alors, M. le Président, je demeure très optimiste que
l'entente du lac Meech sera acceptée, sanctionnée comme partie de
notre constitution d'ici le mois de juin 1990.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, puis-je me permettre de vous
dire que le ministre me fascine? J'ai rarement vu un cas exemplaire de
pensée magique comme celui-là. Il prend vraiment ses.
désirs pour des réalités. Il est convaincu que l'accord du
lac Meech sera ratifié. J'ai beau lui signaler qu'il y a deux provinces
qui continuent de résister avec fermeté et détermination
et que cela ne semble pas s'atténuer, ça ne l'affecte pas. Ce
n'est pas grave, cela va se faire quand même, parce que l'accord du lac
Meech, c'est bon, c'est historique, il n'y a pas d'erreur, c'est
étanche, c'est formidable, c'est magnifique. Cela va se faire quand
même, par la force des choses.
Ma question était simple, je n'ai pas eu de réponse, mais
en tout cas, je m'y habitue. Comment le Québec compte-t-il vaincre la
résistance des deux provinces récalcitrantes? La réponse,
c'est: On ne fait rien et on ne fera rien parce que je suis persuadé que
l'accord du lac Meech va être accepté. Il reprend son discours, sa
cassette habituelle. Remarquez que, personnellement, cela ne m'empêchera
pas de dormir, parce que je continue de dire que c'est un mauvais accord
constitutionnel, qu'on est allé en dessous du minimal et que, par
conséquent, que ce ne soit pas ratifié, je pense que ce ne sera
pas une mauvaise chose pour le Québec.
Sur le plan constitutionnel, il m'apparaît important d'aborder
aussi la question de la taxe de vente, la question de la taxation indirecte,
parce que cela m'apparaît... Oui?
M. Rémillard: M. le Président, je ne sais pas si le
député de Lac-Saint-Jean me le permettrait, mais je viens d'avoir
une information qui, je pense, peut l'Intéresser concernant l'affaire
Irwin Toys. Le Jugement vient juste d'être rendu. Est-ce qu'il veut que
j'en informe la commission?
M. Brassard: Sur la question des jouets, ça?
Une voix: La publicité aux enfants.
M. Rémillard: Oui, la publicité. Si vous voulez que
je vous en informe, je peux vous en informer.
M. Brassard: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on en parle,
mais je vais d'abord parler de la taxe de vente.
M. Rémillard: Oui, d'accord. Excusez-moi.
Taxe de vents sur les produits et services
M. Brassard: Cela rn'apparaît être un
véritable forcing constitutionnel qui est en train d'apparaître
actuellement au Canada. Le gouvernement fédéral, s'appuyant sans
doute sur ses compétences en matière d'impôts et de taxes,
a décidé de façon unilatérale, sans accord
préalable avec les provinces, d'imposer une taxe de vente de 9 % sur la
très grande majorité des produits et des services
consommés au Canada, ce qui va, évidemment, réduire, de
façon substantielle, le champ d'action des provinces dans ce
domaine.
J'aimerais savoir du ministre responsable du dossier constitutionnel et
des relations fédérales-provinciales ce qu'il entend faire ou ce
que son gouvernement entend faire relativement à cette taxe de vente de
9 %. Est-ce que son objectif est d'en arriver à forcer le gouvernement
fédéral à faire marche arrière et à laisser
ce champ d'imposition aux provinces, donc au Québec, ou si, dans le
délai qu'il reste à courir d'ici l'application de cette taxe, le
1er janvier 1991, il compte entamer des négociations, des pourparlers
avec le gouvernement fédéral pour en arriver à un accord,
à une entente quant à l'application de cette taxe qui est, sur le
plan constitutionnel, peut-être conforme aux compétences du
gouvernement fédéral, mais qui, sur le plan politique, est une
véritable intrusion, une attaque frontale contre les pouvoirs et les
champs de taxation du Québec? Quelle va être votre
stratégie? Quel va être votre objectif? Forcer le
fédéral à quitter ce champ-là et à trouver
d'autres ressources, d'autres moyens de réduire son déficit, ou
accepter le fait accompli et en arriver à négocier une entente ou
un accord? Est-ce que vous avez déterminé cet objectif et cette
stratégie, d'autant plus que le premier ministre, effectivement, a
été assez évasif à ce sujet et qu'il a d'abord
reconnu presque explicitement que le gouvernement fédéral avait
pleine compétence dans ce domaine?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, le
député de Lac-Saint-Jean me pose une question très
importante, parce que les questions de fiscalité sont le fondement
même du respect de l'autonomie des provinces. Dans ce contexte, cela fait
déjà un bon moment qu'au ministère de la Justice et au
SAIC, nous étudions toutes les modalités constitutionnelles et
politiques concernant l'application d'une telle taxe fédérale.
Nous avons des difficultés à préciser nos
éléments d'analyse, parce que nous n'avons pas encore les
réelles modalités d'application de cette taxe
fédérale. Le budget nous en a parlé. Hier, on en a entendu
parler dans les conditions qu'on sait. Ce matin, au moment où nous nous
parlons, M. Wilson est en train de livrer son budget au Parlement canadien,
à la Chambre des communes. Nous allons voir s'il y a des
modalités d'application de cette taxe.
Mais, déjà, M. le Président, ce que nous pouvons
dire, c'est qu'il est faux de prétendre que le gouvernement
fédéral a un pouvoir illimité de taxer. C'est
complètement faux. À l'article 91, paragraphe 3 de la
constitution de 1867, il est très bien inscrit que le gouvernement
fédéral a la possibilité de prélever des deniers
par tout mode ou système de taxation. C'est vaste comme
compétence, c'est évident. Cependant, une constitution, comme
n'importe quelle loi, doit être lue dans son ensemble et un article se
lire en fonction des autres articles. (11 h 30)
L'article 92 qui établit les juridictions, les pouvoirs des
provinces, mentionne bien que la province a juridiction au paragraphe 2
concernant la taxation directe dans les limites de la province en vue de
prélever un revenu pour des objectifs provinciaux. Or, M. le
Président, qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire que la
taxation est un sujet de juridiction mixte et le gouvernement
fédéral et les provinces peuvent légiférer en
matière de taxation. C'est un pouvoir, comme je le mentionnais tout
à l'heure, qui est fondamental, M. le Président, parce qu'il se
réfère à l'essence même des principes qui sont
à la définition du fédéralisme, c'est-à-dire
l'autonomie et la participation des États membres. Si les Pères
de la Confédération, en 1867, ont décidé de former
une fédération, c'est parce qu'ils ont voulu qu'il y ait des
entités législatives que sont les provinces, qu'il y ait un
gouvernement fédéral et que ces provinces aient des secteurs de
juridiction qui leur sont exclusifs. L'article 92 et d'autres articles de la
constitution sont particulièrement éloquents à ce sujet,
mais, en particulier, l'article 92: les sujets qui sont de la juridiction de la
province doivent être exercés par la province. Pour exercer une
juridiction, M. le Président, il faut en avoir les moyens et les moyens,
ça signifie la possibilité financière d'exercer cette
juridiction. Ce n'est pas d'aujourd'hui, M. le Président, qu'on discute,
dans cette fédération, du partage des responsabilités en
matière fiscale...
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le
député, sur une question de règlement.
M. Brassard: Pourrait-on être un peu plus bref? Ce ne sont
pas les articles 91 et 92 que je veux dans leur entier, mais simplement que
vous me disiez si votre gouvernement reconnaît que, sur le plan
constitutionnel, le gouvernement fédéral est parfaitement dans
ses droits d'imposer une taxe de vente sur l'ensemble ou la plupart des
produits et des services consommés au Canada. La plupart des
constitutionnalistes qui se sont prononcés sur la question ces jours
derniers sont formels. C'est sans équivoque en vertu, justement, de la
disposition dont vous avez parlé tantôt: "par tout mode de
taxation". Il est évident que, constitutionnellement et juridi-
quement parlant, le gouvernement fédéral est pleinement
dans son droit d'imposer une telle taxe et que vous ne pouvez pas, sur le
strict plan constitutionnel, vous y opposer efficacement. Cela m'apparaît
évident. Par contre, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une
bataille politique qui doit être menée. Traditionnellement, le
Québec a toujours occupé ce champ de taxation et le
fédéral, en l'occupant aussi largement, se trouve,
évidemment, à restreindre les possibilités du
Québec d'aller dans ce champ de taxation y puiser des ressources pour
financer ses programmes et ses politiques.
Je n'ai pas l'impression que vous pouvez me dire ce matin que vous
pouvez, comme gouvernement, contester, constitutionnellement parlant, cette
initiative du gouvernement fédéral. La plupart des
constitutionnalistes qui se sont prononcés là-dessus ces jours
derniers sont formels: le gouvernement fédéral en a pleinement le
droit. Quand vous parlez de juridiction concurrente, il m'apparaît
évident que le gouvernement fédéral, pouvant puiser "par
tout mode ou système de taxation", est pleinement dans son droit
M. Rémillard: M. le Président...
M. Brassard: Par contre, avez-vous l'intention, politiquement
parlant, d'en contester la légitimité politique et de dire au
gouvernement fédéral: Vous restreignez nos possibilités de
taxation, vous nous limitez dans un champ qu'on occupe de façon
traditionnelle et historique, et ce n'est pas acceptable, ce n'est pas
convenable, et on vous prie, par conséquent, de vous en retirer, de
trouver d'autres moyens? Ou acceptez-vous le fait accompli et
négociez-vous des modalités d'application purement et simplement?
La question politique, c'est celle-là.
M. Rémillard: M. le Président, tout à
l'heure, j'essayais d'expliquer mon raisonnement pour en arriver à la
conclusion que, non, le gouvernement fédéral n'est pas dans son
droit, lorsqu'il utilise son pouvoir de taxation pour empêcher l'exercice
du pouvoir de taxation provinciale, en fonction de notre constitution. Notre
constitution comprend, M. le Président, autant la lettre que l'esprit,
les ententes, les accords. Il faut se référer, M. le
Président, à la définition d'une constitution
donnée par la Cour suprême elle-même dans l'affaire du
rapatriement en 1981. Il faut comprendre, M. le Président, ce que
ça signifie. Une constitution, lorsqu'elle est fédérative
comme la nôtre, doit s'interpréter en fonction d'une lettre et
d'un esprit. Il est évident que l'article 92 donne des juridictions aux
provinces. Par conséquent, elle implique les moyens d'exercer ces
juridictions et, depuis les débuts de cette fédération,
des accords ont été établis entre le gouvernement
fédéral et les provinces pour établir le partage de
l'assiette fiscale. Ces accords, ces conventions, ces coutu- mes ont fait en
sorte qu'il y a eu entente entre le gouvernement et les provinces pour se
partager l'assiette fiscale et, si le gouvernement fédéral
agissait d'une façon unilatérale pour bouleverser ce partage, ces
ententes, ces accords, il agirait d'une façon illégitime,
inconstitutionnelle sur le plan de la légitimité, et, par
conséquent, ce serait contestable. Nous entendons bien voir à ce
que les droits du Québec soient respectés. Nous allons voir les
modalités d'application de cette taxe; on ne les a pas encore, M. le
Président. Donc, je ne peux pas me prononcer d'une façon
définitive. Il n'est pas question que je donne Ici un avis juridique et
que je me prononce d'une façon définitive parce que nousi n'avons
pas les modalités d'application de cette taxe.
Cependant, ce que je peux vous dire, c'est que nous n'accepterons jamais
de concéder les fondements du pouvoir de taxation du Québec,
parce que nous avons là les fondements de la protection de l'autonomie
gouvernementale québécoise en matière du respect de ses
juridictions que nous retrouvons dans la constitution canadienne. M. le
Président, je peux vous assurer que nous allons être
extrêmement vigilants. Notre stratégie, c'est strictement de
revendiquer des droits et de dire au gouvernement fédéral: Non,
vous n'êtes pas dans votre droit; si vous voulez empêcher la
province d'exercer son pouvoir de taxation, vous n'êtes pas dans votre
droit constitutionnel en fonction de l'esprit, de la légitimité,
de la lettre de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, qui
est maintenant la Loi constitutionnelle de 1867, et en fonction de la
réalité qui s'impose à nous tous depuis ces batailles
constitutionnelles et politiques qui ont eu lieu depuis le début de
cette fédération.
M. le Président, on s'est référé aux
ententes Duplessis-Saint-Laurent en 1954. On aurait pu se référer
aussi aux ententes Lesage en 1964, aux ententes Bertrand, Johnson, Bourassa,
dans les années soixante-dix. Ce sont des ententes, ce sont des accords
qui sont venus consolider ce partage des responsabilités entre le
fédéral et les provinces concernant l'assiette fiscale. Toute
atteinte à ce partage en fonction de notre histoire, de ces ententes,
est une action unilatérale, inacceptable à nos yeux.
Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, d'abord, je ne vois pas en
quoi on doit attendre les modalités. Ce n'est pas sur les
modalités que ma question portait, c'est sur le principe même. Le
gouvernement fédéral décide, unilatéralement, de
taxer, à un taux de 9 %, la très grande majorité des
produits et services consommés au Canada. Il n'empêche pas le
Québec d'imposer et de taxer. Cela s'ajoute à la taxe de vente
québécoise sur la plupart des produits et des services
consommés. Quand vous me dites - vous faite encore de
la pensée magique - Si le gouvernement fédéral veut
- c'est du cocorico constitutionnel, comme vous en avez l'habitude -
empêcher le Québec d'exercer ses compétences... Bien non,
ii n'empêche pas le Québec. Il ajoute une taxe à la taxe
québécoise où il y en a déjà. !! en met
même à certains endroits où il n'y en a pas. À ce
moment-là, le gouvernement québécois, s'il a besoin
d'élargir sa taxe de vente, sera pris avec la présence,
déjà, du gouvernement fédéral dans certains
services où il n'impose pas présentement de taxe. Il
n'empêche pas le Québec. Vous n'irez pas devant les tribunaux
parce que le gouvernement fédéral empêche le Québec
d'exercer sa juridiction ou sa compétence en matière de taxation
direction. Il ajoute une taxe de vente, sans entente, sans accord avec les
provinces, en vertu de ses compétences constitutionnelles.
Premièrement, c'est sur le principe de la taxe de vente de 9 % du
gouvernement fédéral sur l'ensemble des produits et des services
que ma question portait, pas sur les modalités. Les modalités, on
n'a pas besoin de les connaître. Ce sera important de les connaître
pour les contribuables, mais, sur le plan constitutionnel, on n'a pas besoin de
les connaître. C'est le principe même qu'il faut savoir: une taxe
de 9 % sur presque tous les produits et services consommés au Canada qui
s'ajoute à la taxe québécoise déjà en
vigueur. Alors, il ne nous empêche pas de taxer, il en ajoute une autre,
accroissant forcément, ici, le fardeau fiscal des contribuables et
ça nous limite, forcément aussi, comme province, à aller
plus loin ou à taxer dans certains domaines où on ne taxe pas
présentement.
Ce que vous me dites, c'est que, constitutionnellement parlant, le
gouvernement fédéral - j'aimerais bien que vous me le
répétiez - n'a pas le droit constitutionnel d'imposer une taxe de
vente de 9 % sur la très grande majorité des produits et services
consommés au Canada, il n'en a pas le droit, que c'est non seulement
illégitime, mais inconstitutionnel, et que votre gouvernement, partant
de là, a donc l'intention de contester non seulement la pertinence
politique d'une telle initiative fédérale, mais la
constitutionnalité de la mesure, de la démarche et de l'intention
fédérale d'imposer une taxe de vente de 9 %.
C'est important, en tant que jurisconsulte du gouvernement du
Québec et responsable du dossier constitutionnel, que vous nous disiez,
ce matin, si vous jugez l'initiative fédérale comme étant
inconstitutionnelle et que, par conséquent, votre stratégie
consistera d'abord à en contester la légitimité et la
constitutionnalité.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, je dois dire, tout
d'abord, que je ne réponds pas à ces questions en tant que
jurisconsulte et je n'ai pas l'intention de donner un avis juridique ce matin;
le député de Lac-Saint-Jean le comprend très bien. Tout
à l'heure, lorsqu'il m'a interrompu pour dire que ma réponse
était trop longue, parce qu'il faut lui expliquer, ce n'est pas facile
ces choses-là, je lui expliquais que notre conclusion, c'est que le
gouvernement fédéral ne serait pas dans son droit
d'empêcher le Québec ou une autre province d'exercer cette
responsabilité, cette juridiction qui est là en vertu de
l'article 92, son pouvoir de taxation directe. Je dis qu'il n'est pas dans son
droit, me référant à la constitution dans ses fonctions de
légalité et de légitimité en regard des accords,
des ententes qui ont eu lieu entre les deux niveaux de gouvernement depuis que
cette fédération existe. Or, c'est ce que j'ai dit. En fonction
de ça, il reste maintenant à voir les modalités
d'application de cette taxe de vente. Le député de Lac-Saint-Jean
a dit: Une taxe de vente de 9 %. Écoutez, il faut bien comprendre qu'il
existe déjà une taxe de vente; elle existe, au niveau
fédéral, à bien des niveaux: le manufacturier...
M. Brassard: Pas sur les produits.
M. Rémillard: Là, il arrive avec une nouvelle taxe
de vente. Je ne peux pas me prononcer, M. le Président,
définitivement, avant de savoir toutes les modalités
d'application de cette taxe. Nous sommes en étroite relation avec le
ministère des Finances. J'ai rencontré à quelques reprises
le ministre des Finances. Nous avons même eu des réunions ensemble
avec nos fonctionnaires pour étudier ça. Cela fait
déjà un bon bout de temps que nous étudions cette question
et je peux vous dire que rien n'est laissé à la
légère. Tous les aspects sont étudiés.
D'éminents juristes se penchent sur la question, tant des gens de mon
ministère que d'autres du ministère des Affaires
intergouvernementales et je peux vous dire que rien ne sera laissé au
hasard. On veut avoir tous les aspects de la question pour faire respecter les
droits du Québec. (11 h 45)
Comme je le mentionnais tout à l'heure, M. le Président,
c'est un aspect qui est essentiel, parce que si nous n'avons pas les moyens
nécessaires pour exercer nos juridictions, à quoi ça sert
d'avoir des juridictions? Ce n'est pas un discours nouveau. C'est un discours
qui a été tenu par tous les premiers ministres de cette province,
parce que ce n'est pas une bataille nouvelle. Cela existe depuis que la
fédération existe, en 1867.
Alors, peu importent les partis politiques, il y a toujours eu un
même discours qui a été tenu par les chefs politiques du
Québec visant à protéger la capacité fiscale et
financière du Québec et, en conséquence, M. le
Président, je peux vous assurer que nous ne négligeons absolument
rien pour faire en sorte que ces lois soient respectées.
Ma conclusion est simple: Pour autant que
le gouvernement fédéral veuille, d'une façon
unilatérale, empêcher une province d'exercer sa compétence
en matière de taxation, pour autant que le gouvernement
fédéral vienne, d'une façon unilatérale,
bouleverser les ententes, les accords qui constituent le fondement de ce
partage de l'assiette fiscale entre le gouvernement fédéral et
les provinces... Parce qu'il faut bien comprendre qu'il y a une capacité
de taxer parce qu'il y a une capacité pour les citoyens et citoyennes
canadiens de payer des taxes.
C'est toujours facile pour des gouvernements d'imposer des taxes. Le
député de Lac-Saint-Jean semble dire: C'est 9 %, le Québec
peut mettre 3 % de plus. C'est ça qu'il faut voir. C'est la
capacité d'absorber ces taxes de la part du consommateur. Il y a des
limites à la capacité des gouvernements d'agir. Là, on en
arrive à cette capacité pour le gouvernement
fédéral d'agir d'une façon unilatérale qui,
à notre avis - mais il reste à voir les modalités
d'application de la charte - doit se limiter dans le contexte du respect de ces
ententes, ces accords que nous avons et qui font partie de notre
constitution.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
M. Brassard: On peut peut-être passer à Irwin Toys
s'il le veut.
Décision de la Cour suprême concernant la
publicité destinée aux enfants
Le Président (M. Dauphin): À la demande d'un des
membres de la commission, nous allons suspendre quelques minutes. Allez-y, M.
le ministre, sur Irwin Toys.
M. Rémillard: M. le Président, je viens tout juste
d'être informé que la Cour suprême du Canada a rendu sa
décision dans l'affaire Irwin Toys. Il y avait un banc de cinq juges et
le Québec a gagné cette cause. Cinq juges sont d'avis que la loi
interdisant la publicité destinée aux enfants constitue une
entrave à la liberté d'expression. Donc, l'ensemble du banc est
d'accord pour dire que limiter la publicité destinée aux enfants,
c'est une limite à la liberté d'expression.
Cependant, trois juges en arrivent à la conclusion que cette
limite est raisonnable et qu'elle se comprend dans le contexte d'une
société libre et démocratique comme la nôtre. C'est
donc l'application de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et
libertés dont nous avons discuté tout à l'heure qui
amène une majorité de juges de la Cour suprême à
conclure que, même s'il y a limite à la liberté
d'expression par cette loi québécoise qui empêche la
publicité destinée aux enfants - qui la limite en tout cas -
cette limite est tout à fait constitutionnelle et respecte la charte
dans la mesure où c'est une limite raisonnable, parce qu'elle visait des
objectifs qui étaient raisonnables - la protection de l'enfant - et
qu'elle utilisait des moyens qui étaient en conformité avec ces
objectifs et, par conséquent, que cela se justifie dans le contexte de
notre société libre et démocratique.
Voilà la décision de la Cour suprême qui vient tout
juste d'être rendue, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre, on vous
remercie de cette information.
M. Brassard: M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): M. le député,
vous avez une question?
M. Brassard: Non, j'ai un commentaire. Le Président (M.
Dauphin): Allez-y.
M. Brassard: Simplement pour dire que je suis fort heureux, moi
aussi, que le Québec ait gagné sa cause devant la Cour
suprême. Même si les limitations concernant la publicité
destinée aux enfants constituent, selon la cour, une entrave à la
liberté d'expression, cependant, la cour s'empresse de dire que ce sont
là des limites justes et raisonnables aux droits et libertés, en
particulier à la liberté d'expression.
Moi, je suis fort heureux de ce jugement, mais je me permettrais de dire
également que je suis quand même un peu étonné de
constater que, quand il s'agit de la langue, donc de l'identité
culturelle des Québécois, les restrictions que le gouvernement et
l'Assemblée nationale y apportent ne sont jamais des limites justes et
raisonnables.
Dans le cas présent, il s'agit de publicité
destinée aux enfants. La cour décrète, très
majoritairement, qu'il s'agit là, finalement, de limites justes et
raisonnables qu'on apporte à des droits fondamentaux. Je ne peux
m'empêcher de faire le parallèle avec les jugements de la Cour
suprême dans une cause parallèle concernant la langue, concernant
les droits linguistiques, la question linguistique. Je ne peux m'empêcher
de constater que, dans ce cas, c'est curieux de voir qu'il n'y a jamais de
limites justes et raisonnables. Le discours commercial, l'affichage commercial,
c'est tellement l'expression d'une liberté fondamentale, qu'il ne faut
surtout pas y apporter des limites, des restrictions.
C'est condamnable dans le cas de la publicité pour les enfants et
je suis d'accord. Je suis d'accord pour que, dans le cas de la publicité
pour les enfants, on y apporte des limites jugées justes et
raisonnables. Je suis fort heureux qu'on ait eu gain de cause, mais, dans le
cas de la langue dans le discours commercial, je me rends
compte et je constate que la même cour n'a pas jugé les
restrictions apportées par l'Assemblée nationale, par la loi 101,
comme étant justes et raisonnables. C'est quand même
étonnant.
Le Président (M. Dauphin): Alors, nous allons suspendre
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 53)
(Reprise à 12 h 4)
La Présidente (Mme Bleau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
On peut recommencer nos travaux. Je déclare la séance
ouverte et je donne la parole à M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Réforme de l'assurance-chômage
M. Brassard: Mme la Présidente, j'aborderai le dossier de
la réforme de l'assurance-chômage. On sait que, tout
récemment, le gouvernement fédéral annonçait une
réforme majeure du régime d'assurance-chômage, qui avait
des conséquences assez graves sur les chômeurs eux-mêmes.
D'abord, resserrement des critères d'admissibilité,
réduction des prestations, etc. Enfin, ça les concerne, mais, en
même temps, il nous annonçait que 800 000 000 $, à
même les économies réalisées par la réforme,
seront réinvestis en formation de la main-d'oeuvre. Il est
évident qu'on sait qu'à ce moment-là, ça devient
une ingérence de plus du gouvernement fédéral directement
en matière de formation professionnelle, donc dans un champ de
juridiction des provinces, c'est-à-dire l'éducation. Cela se
fait, encore une fois, par le biais de son pouvoir de dépenser. On sait
que dans ce domaine de la formation professionnelle, de la formation de la
main-d'oeuvre, c'est un fouillis assez indescriptible, parce que les deux
paliers de gouvernement s'y retrouvent, et ce n'est pas toujours très
cohérent.
Ma question au ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes est la suivante: Est-ce que votre
gouvernement a l'intention d'agir pour que la formation professionnelle
relève d'abord et avant tout du gouvernement québécois, et
est-ce que vous ne trouvez pas que cette intrusion du gouvernement
fédéral, à la suite de la réforme de
l'assurance-chômage, dans le domaine de la formation professionnelle,
serait l'occasion inespérée et rêvée pour que le
Québec réclame le retrait du gouvernement fédéral
de ce domaine, avec, évidemment, compensation financière, et que
le Québec soit l'unique maître d'oeuvre des interventions en
matière de formation professionnelle sur son territoire?
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Rémillard: Mme la Présidente, tout d'abord, il
est bon de rappeler que c'est en 1941 que les provinces ont donné leur
consentement unanime pour que le gouvernement fédéral ait
juridiction sur l'assurance-chômage. Le comité judiciaire du
Conseil privé avait décidé que c'était de
juridiction provinciale, mais les provinces ont dit: Très bien, on donne
juridiction au gouvernement fédéral. Remarquez que ce n'est
peut-être pas la meilleure décision qui a été prise,
mais il faut comprendre le contexte de cette époque. C'était dans
la période du deuxième conflit mondial. Les provinces n'avaient
pas le sou. Encore une fois, c'était une question de fiscalité.
Elles n'avaient pas les moyens d'exercer leur juridiction et d'assumer leurs
responsabilités. Elles ont unanimement accepté que le
fédéral s'occupe de l'assurance-chômage. M. le
Président, à partir de là, il y a toujours eu des
relations quand même étroites entre le gouvernement
fédéral et les provinces, en particulier, le Québec, en ce
qui regarde tous les éléments qu'on peut considérer comme
ancillaires ou accessoires et qui peuvent se rapporter à des
compétences provinciales. Une compétence très importante
parce qu'elle se réfère à notre juridiction exclusive en
matière d'éducation, c'est la formation de la main-d'oeuvre. Sur
cette question, il reste à voir quelles propositions seront faites aux
provinces avant d'interpréter l'attitude que le gouvernement
fédéral entend prendre dans cette affaire dans le cadre de sa
nouvelle stratégie.
Je n'ai pas eu l'occasion d'écouter le discours sur le budget
parce que j'étais avec vous. On en connaît certains
éléments qui ont été rendus publics, hier soir dans
les circonstances qu'on connaît. Pour le moment, ce que nous pouvons
dire, c'est qu'à compter du 1er janvier 1990, le gouvernement
fédéral éliminera sa contribution qui sera
remplacée par celle des employeurs et des employés. On a
également annoncé que le gouvernement fédéral
finance actuellement le fonds pour 2 900 000 000 $ et qu'il prévoit
épargner 1 900 000 000 $ avec cette nouvelle mesure.
Mais la question de l'éducation, de la formation, nous
intéresse au plus haut point. Il y a ce vieux proverbe chinois, M. le
Président, qui a toujours sa place: Donnez un poisson un jour et vous
nourrirez pour ce jour. Montrez à pêcher et vous nourrirez pour
toujours. En conséquence, il est certain que la formation est un
élément très important si on veut faire face à
l'emploi. Cependant, dans ce contexte, nous avons des responsabilités et
nous tenons à les conserver et à les utiliser, en fonction des
caractéristiques de notre main-d'oeuvre et de l'évolution de
l'économie du Québec; en fonction des secteurs que nous voulons
développer; en fonction de cette réalité qui est la
nôtre et que nous sommes les premiers à connaître. Par
conséquent, nous voulons faire respecter la juridiction que nous avons
dans la constitution.
M. Brassard: Je suis pleinement d'accord avec vous. S'il existe
un gouvernement ou un État en mesure de connaître les besoins de
la main-d'uvre québécoise en matière de formation,
c'est bien le gouvernement québécois, d'autant plus qu'il est
responsable de tout le réseau de l'éducation. J'en conviens. Mais
là, le gouvernement fédéral dit: Je réforme
l'assurance-chômage. Je sais qu'il y a eu un amendement constitutionnel
à cet effet. Je pense que c'est une mauvaise décision qui a
été prise et qu'on n'aurait pas dû accepter. Enfin, c'est
fait, c'est inscrit dans la constitution, l'assurance-chômage
relève du gouvernement fédéral.
A la suite de la réduction considérable du financement de
l'assurance-chômage, puisqu'il va carrément retirer toute forme de
subvention de ce régime, le gouvernement fédéral compte en
quelque sorte faire des économies importantes et entend consacrer 800
000 000 $ à la formation professionnelle. Pour le Québec, je ne
le sais pas, cela peut être environ 25 %, j'imagine, de ce montant qui
serait réservé pour la formation professionnelle. La question que
je pose, c'est: Quelle est l'attitude du gouvernement du Québec? Est-ce
que c'est, encore une fois, d'amorcer des discussions, des négociations,
des pourparlers, généralement très laborieux, avec le
gouvernement fédéral pour essayer d'en arriver à une
entente plus ou moins convenable sur la formation de la main-d'uvre et
les programmes à mettre en oeuvre? Ne convenez-vous pas que, dans ce
domaine en particulier, il serait opportun, pertinent et même
nécessaire que le gouvernement du Québec dise au gouvernement
fédéral: La formation professionnelle relève de notre
juridiction; c'est une sorte de prolongement, de l'éducation. Ne
trouvez-vous pas que ce serait préférable? Vous avez 200 000 000
$ à consacrer à la formation de la main-d'oeuvre, du
Québec, donnez-les-nous et nous allons concevoir et mettre en oeuvre des
programmes de formation professionnelle et nous allons les appliquer. Nous
sommes plus en mesure que le gouvernement fédéral de
connaître les besoins et les attentes de la main-d'oeuvre en
matière de formation; nous allons le faire. Vous avez de l'argent
à y consacrer, donnez-le-nous et on va le dépenser avec à
propos dans un domaine qui est de notre juridiction. Ne pensez-vous pas que ce
serait le temps d'adopter une conduite et un comportement semblables?
M. Rémillard: Dans ce dossier, M. le Président,
comme dans bien d'autres dossiers, nous allons agir dans la continuité
de l'action de tous les gouvernements du Québec. Ce que je veux dire,
c'est ceci: L'assurance-chômage est de compétence
fédérale, oui, mais la formation et l'éducation
relèvent de notre juridiction. Donc, on n'a pas le choix, il faut
travailler ensemble. Nous allons travailler ensemble, en respectant nos
juridictions. Tous les gouvernements ont agi de cette façon et il s'agit
de faire respecter la compétence du Québec. Je suis parfaitement
d'accord avec le député de Lac-Saint-Jean lorsqu'il dit que c'est
le Québec qui est à même d'évaluer et de proposer
des solutions aux problèmes de main-d'oeuvre sur notre territoire. C'est
la raison même du fédéralisme parce qu'on a
considéré qu'il fallait des gouvernements ayant l'autorité
de réagir à des problèmes qu'ils étaient à
même de pouvoir identifier et analyser parce qu'ils étaient
directement collés à la réalité de ces
problèmes. (12 h 15)
Ce que nous allons faire dans ce dossier, M. le Président, c'est
ce que les autres gouvernements ont fait et nous allons le faire avec toute
notre énergie, soit protéger les compétences du
Québec. J'aime bien Insister sur cet aspect. Ce n'est pas une guerre de
drapeaux, de juridictions. Des gens; nous entendent parler parfois et nous
disent: Vous faites des guerres de juridictions. Ce qu'on veut, c'est de
l'argent, c'est de ça qu'on a besoin. On est en chômage et on veut
recevoir une formation, on veut avoir le moyen de s'en sortir. Ce que le
gouvernement veut, c'est justement qu'ils aient le moyen de s'en sortir
à l'aide d'une action gouvernementale la plus efficace possible. Si on
met une piastre en jeu, qu'elle soit bien placée et qu'elle rapporte et
qu'il n'y ait pas deux niveaux de gouvernement qui agissent en même temps
dans le même domaine sans aucune concertation. Cela donne les
résultats qu'on connaît dans bien des domaines.
Depuis trois ans et demi, on a essayé d'avoir un maximum de
concertation et de collaboration des deux niveaux de gouvernement. Ce n'est pas
toujours facile. Le député de Lac-Saint-Jean dit: Ce n'est pas
facile. Il a raison, ce n'est pas facile, i! y a toutes sortes
d'éléments qui entrent en jeu, mais je pense qu'on a eu de bons
résultats jusqu'à présent. L'entente de
développement économique régional en est un, je suppose
qu'on va en discuter cet après-midi. Mais ce que je veux dire, c'est que
dans le domaine de l'assurance-chômage et de la formation, on doit
travailler ensemble. Nous avons la compétence en matière de
formation et d'éducation, ils ont la compétence en matière
de chômage. Ils ont des sous, nous en avons peut-être un peu moins.
On va travailler ensemble, mais il est Important que la juridiction du
Québec soit respectée. Je peux vous assurer, Mme la
Présidente, qu'on va veiller au grain.
La Présidente (Mme Bleau): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Mme la Présidente, je maintiens que la
meilleure façon d'être efficace et de dépenser
convenablement et correctement l'argent dans ce domaine, c'est de faire en
sorte qu'un seul gouvernement soit responsable de ce dossier. C'est le
même raisonnement qui a prévalu quand, en 1941, on a dit: Pour
être plus efficace, il serait préférable qu'un seul
gouvernement soit
responsable de l'assurance-chômage. Malheureusement, on a
décidé que c'était le gouvernement fédéral.
J'aurais préféré que ce soit le gouvernement
québécois. C'est le même raisonnement qui a prévalu
à ce moment-là: II ne peut y avoir deux gouvernements
là-dedans; ça va être le fouillis, la confusion. Il en faut
juste un pour que ce soit le moindrement efficient et efficace, ils ont
décidé, à cette époque, que ce serait le
gouvernement fédéral.
Le même raisonnement doit prévaloir en ce qui concerne la
formation de la main-d'oeuvre. Il faut sortir du fouillis indescriptible dans
lequel on patauge actuellement dans ce secteur. La seule façon de s'en
sortir véritablement, c'est de dire: II faut identifier un seul
gouvernement qui s'occupera de ce dossier, de concevoir les politiques et de
les appliquer. Évidemment, c'est le gouvernement du Québec qui
doit s'en occuper seul, exclusivement, parce que, vous l'avez mentionné,
il a une responsabilité exclusive en matière d'éducation.
La formation de la main-d'uvre, c'est en quelque sorte le prolongement de
l'éducation; cela fait partie de l'éducation.
Je ne comprends pas que le gouvernement québécois n'arrive
pas à cette conclusion et n'entame pas vigoureusement... Là, ce
serait le temps de faire une bataille - je vous assure que vous auriez l'appui
sans équivoque de l'Opposition - pour qu'un seul gouvernement s'occupe
de la question de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle, le
gouvernement du Québec, et de dire au gouvernement
fédéral: Si vous avez de l'argent à placer
là-dedans, donnez-le-nous, on va le dépenser avec pas mal plus
d'à-propos et de pertinence que vous. Mais je vois que ce n'est pas la
position du gouvernement libéral. Encore une fois, on s'enlise dans des
discussions interminables pour essayer d'en arriver à une entente entre
les deux gouvernements sur l'intervention des deux gouvernements. Enfin!
Agence spatiale
La question de l'Agence spatiale. Qui, Ottawa a décidé
d'implanter l'Agence spatiale à Montréal, comme tout le monde le
réclamait depuis des mois, mais nous, nous parions d'une demi-agence
spatiale, parce que, d'une part, la maîtrise d'oeuvre et !a
répartition des contrats pour ce qui est du principal volet de l'Agence
spatiale, soit la participation canadienne à la station orbitale
américaine, demeurent entre les mains de Spar Aerospace, de Toronto. il
s'agit de 1 200 000 000 $. Ce n'est pas rien, ce n'est pas négligeable.
Par conséquent, l'Agence spatiale ne sera pas un centre
décisionnel complet pour ce qui est du programme spatial canadien.
D'autre part, alors qu'on retrouve au Québec pour près de 80 %
des activités aérospatiales et près de 60 % de la
main-d'oeuvre dans ce domaine, on a conclu étrangement une entente
stipulant que le Québec ne pourra compter que sur 35 % des contrats
provenant du programme spatial cana- dien. Cela ne correspond aucunement
à l'importance de l'industrie aérospatiale installée et
fonctionnant au Québec ni à l'importance de la main-d'oeuvre
québécoise affectée à cette industrie.
Ma question s'adresse au responsable des relations
fédérales-provinciales. Est-ce que vous avez l'intention de faire
des démarches auprès du gouvernement fédéral pour
que l'Agence spatiale devienne un véritable centre décisionnel et
qu'il récupère la maîtrise d'oeuvre du projet de station
orbitale actuellement dévolue à la firme torontoise Spar
Aerospace? Sinon, on ne pourra pas vraiment parler de centre
décisionnel. Avez-vous l'intention de demander au gouvernement
fédéral que l'Agence spatiale récupère la
maîtrise d'oeuvre du projet de station orbitale qu'on a accordée,
avant la création de l'Agence spatiale, à la firme torontoise,
Spar Aerospace?
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Rémillard: Mme la Présidente, la décision
du gouvernement fédéral d'établir l'Agence spatiale
à Montréal est une décision d'une extrême
importance. J'ai rencontré dernièrement des ministres
fédéraux de la région de Montréal qui m'ont dit:
L'Agence spatiale va avoir autant d'importance dans le développement
économique du Québec que l'"Auto Pact" en a eu dans le
développement économique de l'Ontario. Ce sont eux qui me l'ont
dit. Pour ma part, je suis porté à croire que, oui, en regard de
l'avenir, l'Agence spatiale aura une place extrêmement importante dans le
développement économique de Montréal en ce qui regarde la
haute technologie.
L'aéronautique est un champ d'activité
privilégié pour la grande région métropolitaine. On
connaît l'expertise qui existe déjà en matière
d'aéronautique à bien des égards. Mais il faut comprendre
aussi que cette aéronautique nous amène à une expertise
des plus intéressante dans le domaine, par exemple, de l'informatique,
de la recherche universitaire, dans différents secteurs
d'activité comme les mathématiques avancées.
Bref, nous devons comprendre de cette Agence spatiale qu'elle va pouvoir
diriger l'activité en matière de recherches aéronautiques
dans la grande région de Montréal. Le député du
Lac-Saint-Jean se réfère à des contrats qui ont
déjà été donnés. C'est sûr que cela
existe, c'est là. Pour nous, ce qui est important, c'est d'être
extrêmement vigilants. Il ne faut pas croire, parce que la
décision a été prise que l'Agence spatiale vienne
s'établir à Québec, à Montréal, excusez le
lapsus. D'autre part, qu'on ait demandé à un
Québécois... Mon lapsus venait du fait que je voulais parler du
Dr Kerwin, ancien recteur de l'Université Laval de Québec, un
scientifique de grande renommée, un administrateur de grande
renommée, qui a accepté cette grande responsabilité de
présider cette Agence spatiale.
Pour nous, il est important que l'on puisse
maintenant accentuer nos efforts pour que cette Agence spatiale puisse
agir comme elle doit agir et attirer dans la grande région
métropolitaine une activité économique et de recherche que
nous souhaitons, dans tous les domaines. Il y a déjà plusieurs
projets de recherche qui sont en marche et qui pourront être
extrêmement intéressants pour le développement de nos
universités, dans les centres d'excellence qu'on veut créer, dans
le domaine de la recherche en matière de mathématiques, par
exemple. Un des projets de recherche sur les mathématiques
avancées s'applique en matière d'aéronautique et on fait
une demande de 35 000 000 $ sur quatre ans au gouvernement
fédéral. C'est en cours présentement. Il y en a un autre
qui est piloté par l'École polytechnique et qui a trait à
la création d'un institut de recherche en aérospatiale. Ce sont
36 000 000 $ sur quatre ans. Il n'y a pas de doute que ces projets de recherche
concertés, s'ils étaient acceptés, pourraient donner le
ton, si vous voulez, à l'ensemble de l'action de recherche et
d'économie qui doit se retrouver autour de l'Agence spatiale.
Ce qui est important pour nous, et le ministre de l'industrie, du
Commerce et de la Technologie qui est responsable de ce dossier, met
actuellement beaucoup d'efforts sur ça, c'est de concerter tous les
intervenants et de faire en sorte que nous puissions, comme
Québécois, avec la participation du secteur économique et
universitaire et celle du gouvernement fédéral par cette Agence
spatiale, avoir une action concertée qui nous permettra d'aller chercher
notre part des contrats scientifiques mais aussi de développer une
expertise tout à fait unique au Canada dans le domaine de
l'aéronautique et de toutes ses composantes, en particulier - je me
permets de le souligner fortement, Mme la Présidente - en ce qui regarde
l'informatique qui joue un rôle très important dans
l'aéronautique, qui jouera un rôle de plus en plus important
d'ailleurs, et qui nous permettra donc de développer notre expertise
dans ce domaine de pointe très important pour notre avenir.
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre, je vais
profiter justement de la chance qu'on me donne pour dire que la région
de Mirabel et des Laurentides désire fortement retrouver chez elle
l'Agence spatiale, à cause de l'aéroport de Mirabel, à
cause de notre expertise dans le transport avec General Motors, Commonwealth,
Bell Helicopter et des atouts non négligeables comme l'Institut
d'ordinique du Québec et le Centre spécialisé en
matériaux composites du Cégep de Saint-Jérôme. Je
profite de l'occasion pour vous dire que, hier, se donnait une
conférence de presse dans ma région où M. P.A. Forget
représentait le caucus des Laurentides et notre ministre
régional, qui est M. Ryan, pour promouvoir l'arrivée justement de
l'Agence spatiale dans la région des
Laurentides. (12 h 30)
M. Rémillard: II est certain, Mme la Présidente,
que la région des Laurentides a beaucoup d'atouts pour attirer cette
Agence spatiale et la députée est toujours très sensible
aux intérêts de sa région, son comté. Alors, je
prends, pour ma part, très bonne note de son intervention et je suis
certain que la conférence de presse qui a eu lieu pourra justement
promouvoir le site de Mirabel pour que l'Agence spatiale puisse aller s'y
établir. Comme ministre membre du gouvernement, comme vous le savez, ce
sont des situations, des contextes que nous allons étudier dans un
avenir probablement prochain.
La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je donne
la parole au député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Mme la Présidente, une dernière
remarque à ce sujet. Le ministre est quand même, à mon
avis, forcé de reconnaître et d'admettre que, dans le dossier de
l'Agence spatiale, ce qui n'est pas acceptable, c'est que la
responsabilité d'octroyer, de répartir et d'accorder des contrats
pour le principal volet du programme spatial, qui est la participation
canadienne à la station orbitale, 1 200 000 000 $, continue d'être
assumée, d'être à la charge d'une firme torontoise, qui est
Spar Aerospace, et ce n'est pas l'Agence spatiale qui l'a.
Donc le principal volet - il y en a trois - du programme spatial
canadien, qui est la participation du Canada à la station orbitale
américaine, 1 200 000 000 $, n'est pas sous la responsabilité
directe de l'Agence spatiale; l'attribution des contrats, la répartition
des contrats, l'octroi des contrats est encore actuellement sous la
responsabilité de Spar Aerospace. C'est cola qui, à mon avis,
n'est pas acceptable et qui fait de l'Agence spatiale une demi-agence.
D'autre part, il est obligé d'admettre aussi, je pense, que le
gouvernement du Québec - et il n'aurait pas dû le faire parce que
ce n'est pas conforme à l'importance et à la place occupée
par l'industrie aéronautique du Québec dans l'ensemble canadien -
a été obligé d'accepter un partage des contrats qui n'est
pas équitable. Pour le Québec, 35 % ce n'est pas
équitable.
Vous avez évoqué le pacte de l'auto, tantôt, vous
avez évoqué l'industrie automobile, celle-ci est
concentrée à 95 % en Ontario. Si le gouvernement
fédéral amorçait une politique ou un programme dans
l'industrie automobile, pensez-vous que l'Ontario accepterait, comme part de
cette politique qu'on peut imaginer, moins de 95 %, qui est sa part dans
l'industrie automobile? Jamais de la vie. Alors, le Québec accepte 35 %,
alors que 80 % des activités dans l'industrie
aérospatiale se retrouvent au Québec, 60 % des emplois.
C'est injuste et ce n'est pas équitable. C'est ce qui nous fait dire
qu'on est en face d'une demi-agence et qu'on s'est fait passer un
Québec, pour ne pas dire un sapin, par le gouvernement
fédéral sur cette question-là.
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Rémillard: Mme la Présidente, il faut bien
comprendre que l'agence est une agence canadienne, une agence nationale. Elle
est située à Montréal, elle fera de la recherche, de la
planification dans le domaine de l'aéronautique, mais elle est une
agence canadienne. Par conséquent, il faut bien comprendre que toutes
les provinces canadiennes peuvent avoir une participation, que ce soit dans les
contrats, que ce soit dans d'autres activités économiques de
l'agence et cela, nous le concevons très bien, nous sommes très
réceptifs à cela. Ce que nous voulons, c'est notre juste part de
ce marché, et j'ai mentionné tout à l'heure qu'il fallait
être très vigilants. Ce n'est pas parce qu'on a l'Agence spatiale,
même si on a 200 employés au début, même si on a ce
budget extrêmement important qui lui sera octroyé, même s'il
y a un président québécois aussi de grande
renommée, ce sont des éléments très
intéressants, mais pour nous ce ne sont pas des garanties et il va
falloir qu'on aille chercher ce qu'on a besoin d'aller chercher pour que cette
agence spatiale signifie vraiment ce qu'elle doit signifier pour
l'économie et pour Sa recherche au Québec. Mais je peux vous dire
que le pas qui devait être fait, il est fait, et l'Agence spatiale sera
dans la région de Montréal, elle sera un catalyseur
extrêmement important, M. le Président, de l'économie et de
la recherche pour les prochaines années.
La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Nous
allons suspendre maintenant nos travaux jusqu'après les affaires
courantes.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 15 h 38)
Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions
reprend ses travaux, toujours pour l'étude des crédits
budgétaires du ministre délégué aux Affaires
intergouvemementales canadiennes. Je cède la parole au
député de Lac-Saint-Jean.
Compétence gouvernementale en matière
linguistique
M. Brassard: Je souhaiterais aborder un autre sujet important
impliquant Ottawa, il s'agit de la question linguistique et de la loi C-72. On
sait que cette loi a été adoptée en juillet dernier,
qu'elle élargit le champ d'application de la Loi sur les langues
officielles au-delà des champs de compétence
fédérale. C'est ainsi qu'à l'article 43 on permet au
gouvernement fédéral de subventionner directement entreprises,
syndicats, organismes bénévoles pour qu'ils offrent des services
bilingues ou dans la langue de la minorité, donc, au Québec, en
langue anglaise. Cela a été dénoncé comme une
instrusion directe d'Ottawa dans le domaine linguistique. Le Conseil de la
langue française, aussi, dans un avis sans équivoque sur la loi
C-72, a clairement signalé que les objectifs poursuivis par la loi C-72,
la loi fédérale, et ceux poursuivis par la Charte de la langue
française étaient incompatibles, notamment, en matière de
francisation des entreprises.
Nous avons réclamé que le gouvernement
québécois s'oppose à l'adoption de dispositions
constituant des ingérences. Le gouvernement québécois
s'est toujours refusé à réclamer que le
fédéral retranche les articles faisant litige, mais il a
plutôt préféré amorcer des discussions et des
négociations avec Ottawa pour en arriver à conclure une entente.
Or, il faut dire qu'en négociant une entente avec Ottawa Québec
se trouve à reconnaître d'abord que l'application concrète
du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, dans un
domaine de juridiction québécoise, est toujours possible; c'est
ce que le fédéral entend faire. D'autre part, si on se
réfère à l'accord du lac Meech, on se rend compte que la
loi C-72 s'appuie sur la dualité linguistique comme
caractéristique fondamentale du Canada reléguant à
l'arrière-plan le concept de société distincte.
Négocier une entente avec Ottawa sur la question linguistique,
cela nous apparaît comme un affaiblissement de la position du
Québec advenant un recours possible devant les tribunaux, ce qu'a
souventefois évoqué le ministre en disant: Nous allons
défendre nos compétences et, s'il le faut, devant ies tribunaux.
Si préalablement on a négocié une entente sur
l'intervention et la présence fédérale dans le champ
linguistique, cela affaiblit du même coup la position du Québec en
cette matière.
Ma question là-dessus: Est-ce que le ministre est rendu foin dans
ses négociations avec le gouvernement fédéral relativement
aux modalités d'application de la Loi C-72 sur les langues officielles?
Quels seront les champs couverts, les domaines couverts par cette entente?
Est-ce que ce sont des domaines relevant de la juridiction
québécoise? Ou en sommes-nous sur ce plan? Quels sont les
résultats à l'heure actuelle de la négociation avec le
fédéral concernant C-72?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, c'est un sujet
important puisqu'il s'agit de la compétence du Québec sur la
langue. C'est un sujet qui est toujours de grande préoccupation pour le
gouver-
nement, protéger notre compétence en matière
linguistique. La Cour suprême, dans l'affaire Chaussure Brown, a
confirmé que nous avions compétence en matière
linguistique. Le fédéral a sa Juridiction dans ses sphères
de juridiction. Il peut légiférer sur la langue, cela est
limité, alors que nous, nous avons une juridiction
générale en fonction de toutes nos compétences sur la
question linguistique. C'est important, M. le Président, de veiller
à l'intégrité de cette responsabilité que nous
avons de protéger et de promouvoir la langue française. M. le
Président, dès que ce projet de loi a été
déposé aux Communes - si ma mémoire est bonne, c'est en
juin 1987 - on a fait les études qui s'imposent et j'avais
communiqué avec les ministres qui étaient directement
concernés, entre autres, le ministre de l'Éducation et le
ministre de la Santé et des Services sociaux, et je les avais
avisés de cette loi C-72 et des inquiétudes que cette loi pouvait
soulever. Nous avons fait les études nécessaires. Ces
études ont démontré, M. le Président, que tous les
sujets de cette loi C-72 se référaient aux compétences
fédérales. Le préambule, les attendus introductifs de
cette loi sont significatifs de l'intention du législateur
fédéral en ce sens qu'il s'agit de champs de compétence
fédérale.
Cependant, M. le Président, on peut se poser des questions sur
certains libellés et l'utilisation que pourrait éventuellement en
faire le fédéral pour toucher des compétences provinciales
en matière linguistique. J'ai manifesté cette réserve en
Chambre à plusieurs reprises, à l'Assemblée nationale. Et,
en conséquence, nous avons conclu qu'il nous fallait discuter avec les
autorités fédérales pour voir de quelle façon elles
voulaient appliquer cette loi C-72, qui est en vigueur depuis l'automne
dernier, et voir comment on pouvait en arriver à établir une
concertation respectant la juridiction du Québec en matière
linguistique et respectant aussi que le gouvernement fédéral,
dans ses sphères de juridiction, peut avoir compétence en
matière linguistique.
Il y a quand même des Québécois et des
Québécoises qui sont bien informés et qui ne savent pas
que la loi 101, qui a été modifiée par la loi 178 pour
limiter les utilisations de bilinguisme et protéger les droits des
minorités, n'a pas d'application, par exemple, dans les bureaux de
poste, qui sont de juridiction fédérale. Elle n'a pas
d'application non plus dans les aéroports, de juridiction
fédérale. Dans ces domaines, c'est le fédéral qui a
juridiction.
Dans ce contexte, quand l'article 42, entre autres, de la loi C-72 parle
d'entreprises, de syndicats, de tous ces éléments qui peuvent
nous laisser avec un point d'interrogation, jusqu'à preuve du contraire,
iI s'agit là de références à des
éléments de compétence fédérale. Si le
fédéral devait utiliser cette loi pour légiférer
relativement à la langue au Québec, en ce qui regarde les
domaines de compétence provinciale, vous pouvez être certain qu'on
va réagir le plus énergiquement possible pour faire
déclarer cette loi inconstitutionnelle.
J'ai rencontré à quelques reprises le ministre de
l'époque et secrétaire d'État responsable du dossier, M.
Lucien Bouchard. Je lui ai même écrit pour établir les
principes sur lesquels nous nous appuyons, pour établir cette relation
entre le gouvernement fédéral et nous, concernant la langue,
respectant entièrement et sans aucune nuance la compétence du
Québec en matière linguistique et respectant aussi la
compétence fédérale dans ces domaines. Nous savons qu'il
existe cette entente en matière d'éducation sur l'enseignement de
l'anglais langue seconde au Québec, entente qui existe depuis plusieurs
années et qui est d'un montant considérable, de plus de 76 000
000 $, je pense, qui est à renégocier. Cette entente est
intéressante dans la mesure où elle protège
entièrement la compétence du Québec en matière
d'éducation et de langue, tout en allant chercher cet argent qui vient
du gouvernement fédéral et qui nous permet d'assurer à nos
Québécois et à nos Québécoises une
instruction adéquate, en fonction de l'anglais langue seconde. Cette
entente est fondée sur le principe que l'argent nous est donné et
que nous, en fonction de nos critères, notre évaluation,
déterminons de quelle façon on va l'utiliser. Il s'agit là
donc d'un élément intéressant pour établir des
modèles qui peuvent nous guider ensuite pour d'autres ententes de celte
nature dans d'autres secteurs d'activité.
Ainsi, M. le Président, tout dernièrement, j'ai
rencontré le nouveau ministre responsable du dossier, le nouveau
Secrétaire d'État, M. Gerry Weiner. J'ai eu une longue rencontre
avec M. Welner. Nous avons établi que nous allons respecter les
principes déjà établis entre le ministre Bouchard et
moi-même en fonction de l'application de cette loi C-72 qui
détermine fort bien que le Secrétariat d'État
n'interviendra auprès dos institutions publiques et parapubliques
québécoises qu'après entente avec le Québec.
Premier principe. Deuxièmement, que le Secrétariat d'Étal:
n'interviendra pas et n'a pas l'intention d'intervenir auprès du secteur
privé à but lucratif du Québec. Troisièmement, que
le Secrétariat d'État peut continuer d'intervenir auprès
du secteur privé sans but lucratif du Québec pour tout ce qui
concerne le soutien à la traduction de textes ou de colloques.
Quatrièmement, que le Secrétariat d'État peut continuer
d'aider les organismes représentant la communauté anglophone
québécoise.
M. le Président, si on se réfère, par exemple, au
troisième point se référant aux colloques et à la
traduction de textes, j'étais professeur d'université, il n'y a
quand même pas tellement longtemps, avant d'être en politique, il y
a à peine trois ans et demi, et j'ai eu à me
référer au gouvernement fédéral par l'organisa-
tion de colloques pour avoir de la traduction simultanée. Je sais
que d'éminents personnages, membres du Parti québécois,
qui ont été très impliqués, au plus haut niveau,
dans le dossier linguistique, font des demandes pour avoir cette participation
du fédéral dans la traduction simultanée pour des
colloques et des conférences, des gens pour lesquels j'ai la plus haute
estime, M. le Président, et qui le font parce qu'ils ne voient là
aucune entrave à la juridiction du Québec en matière
linguistique.
M. le Président, je veux rassurer, encore une fois, le
député du Lac-Saint-Jean, en !ul disant que nous sommes sur le
qui-vive. La loi C-72, selon les études que nous avons, est une loi qui
est constitutionnelle dans la mesure où elle respecte le champ de
compétence du gouvernement fédéral. Cependant, si, par le
biais de cette loi, le gouvernement fédéral s'avérait
vouloir toucher, envahir les champs de compétence provinciale, on
réagirait promptement pour faire respecter la juridiction du
Québec. Je dois dire en terminant, M. le Président, que nous
sommes à terminer les dernières modalités pour
l'application d'une autre entente, une entente concernant l'application de la
loi 142 sur les services de santé et sociaux en langue anglaise pour
notre minorité anglophone. Il est important, M. le Président, que
l'on puisse protéger les droits de cette minorité anglophone. Une
minorité anglophone est un enrichissement pour le Québec, les
Québécois et dans ce contexte, nous avons voté cette loi
142 pour pouvoir développer les services que nous pouvons offrir
à cette minorité dans sa langue. Dans ce contexte, M. le
Président, nous sommes à mettre la dernière main à
une entente qui va nous permettre d'avoir quelque chose de semblable à
l'entente que nous avons en matière d'éducation puisque nous nous
référons à un domaine de compétence strictement
provinciale que sont les services sociaux et la santé et nous allons
avoir une entente qui va respecter cette juridiction tout en nous permettant
d'avoir accès à de l'argent du gouvernement fédéral
pour le mieux-être de notre population.
Le Président (M. Dauphin): Merci M. le ministre. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Tout d'abord, sur la loi elle-même, on n'a pas
la même interprétation du tout. Quand le ministre affirme que la
loi C-72 ne concerne strictement que les secteurs de juridiction
fédérale, ce n'est pas exact. Oui, c'est évident que la
Loi sur les langues officielles s'applique dans l'ensemble des secteurs
fédéraux, ministères, organismes, sociétés
publiques fédérales. C'est bien évident. C'était le
cas de l'ancienne loi et c'est le cas de la nouvelle aussi. Là-dessus,
il n'y a pas de différence. Mais l'article 43 est très clair.
L'interprétation qu'en donne le ministre n'est pas tout à fait
fondée parce que l'article 43 dit bien que le Secrétaire
d'État peut appliquer des programmes de services bilingues dans les
entreprises, les organismes bénévoles et les syndicats. Ce n'est
dit nulle part dans la loi, ce n'est en aucune façon stipulé qu'y
s'agit d'entreprises de juridiction fédérale ou de syndicats
oeuvrant dans des domaines fédéraux. Ce n'est mentionné
nulle part. Cela veut dire les entreprises au sens large. Si le gouvernement
fédérai se limitait à agir dans son propre domaine, il n'y
aurait pas besoin d'entente, il n'y a pas besoin de négocier d'entente
pour l'application de la Loi sur les langues officielles dans le réseau
des bureaux de poste. Il n'y a pas besoin d'entente avec le gouvernement
fédéral pour l'application de la Loi sur les langues officielles
dans les ministères fédéraux, dans les ports nationaux,
dans les aéroports. Il n'y a pas besoin d'entente pour ça. Le
fédéral, vous avez raison de le dire, est dans son domaine alors,
il applique sa loi. Il n'a pas à négocier d'entente avec
Québec là-dessus, quand il est dans son domaine, quand il est
dans ses juridictions.
Il y a une entente qui devient nécessaire à partir du
moment où il songe, où il envisage de pénétrer dans
un secteur qui ne lui appartient pas, qui appartient au gouvernement
provincial. Évidemment, j'espère bien qu'il y a une entente
préalable et requise, parce là il n'est pas dans son domaine, il
est dans un domaine de juridiction québécoise. S'il voulait
intervenir dans les municipalités, appliquer la Loi sur les langues
officielles dans les municipalités du Québec, il serait
obligatoirement requis de conclure et de signer une entente. Si vous me dites
qu'une entente est requise, c'est parce que le gouvernement
fédéral veut intervenir dans un champ de juridiction du
Québec. Sinon, il n'y a pas besoin d'entente. Il faut être bien
clair là-dessus.
Par contre, vous faites part d'une déclaration, c'est une
déclaration formelle du Secrétaire d'État, de M. Weiner
qui vous a affirmé solennellement qu'il n'était pas de
l'intention du Secrétaire d'État d'intervenir dans les
entreprises. Vous avez donné trois, quatre éléments. C'est
une lettre de M. Weiner, ou c'est une...
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Ce sont les conséquences d'une
rencontre que nous avons eue et ce sont les résultats d'une rencontre
que nous avons eue avec le ministre de l'époque, M. Lucien Bouchard. Les
résultats sont les mêmes que nous avons eus avec M. Gerry Weiner,
il n'y a quand même pas tellement longtemps. Les principes sont les
mêmes parce que, il faut bien comprendre, M. le Président, que le
fédéral...
M. Brassard: C'est le fruit d'un accord. Les deux se sont
entendus sur ces principes.
M. Rémillard: C'est le fruit d'un accord. Nous sommes
d'accord sur ces principes. Dans le
domaine privé, il n'est pas question pour le gouvernement
fédéral d'intervenir. Il n'est Jamais intervenu et il n'est pas
intéressé à intervenir non plus. C'est notre juridiction
à nous. Ce que nous disons, c'est: Dans les organismes
bénévoles et dans les organismes comme ceux qui peuvent avoir des
besoins de traduction, comme pour des colloques, je l'ai mentionné tout
à l'heure, pour des séminaires. On n'a pas d'objection à
ce qu'ils aient un service à ce niveau. Nos universitaires seraient les
premiers à protester. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, un
père du Parti québécois serait offusqué, parce
qu'il se verrait privé d'une source importante de revenus pour organiser
son prochain colloque.
M. Brassard: II n'y a pas de problème là-dessus,
d'ailleurs, il n'y en a jamais eu.
M. Rémillard: Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas
exagérer la portée... Mais le député de
Lac-Saint-Jean a raison de dire: Attention, méfions-nous. Je le suis
parfaitement. Je dis: Oui, attention, méfions-nous. C'est ce qu'on fait.
On suit ça à la piste. J'ai rencontré M. Weiner, je vais
le rencontrer de nouveau. Lorsque nous faisons une entente, c'est parce que
nous avons notre champ de juridiction que nous voulons protéger. Mais
quand il est possible d'aller chercher des sous au gouvernement
fédéral, vous pouvez être certain qu'on ne les refuse pas,
qu'on va aller les chercher, pas à n'importe quelles conditions. On n'a
jamais été des quêteux et on ne le sera jamais. Ce qu'on
dit c'est: Vous avez des sous pour ce programme, on va aller les chercher, mais
c'est nous qui allons les dépenser en fonction de nos priorités,
nos modalités à nous, et parce qu'il s'agit de nos champs de
juridiction. C'est ce qu'on a fait en matière d'éducation - ce
n'est pas nous nécessairement qui l'avons fait il faut vous rendre
hommage aussi à ce chapitre - et c'est ce que nous allons faire dans les
autres domaines qui relèvent de notre juridiction, en particulier le
domaine de la santé en fonction de cette entente, que nous allons
conclure dans les prochains jours, qui découle de la loi 142. (16
heures)
Le Président (M. Dauphin): M. le député.
M. Brassard: Je voudrais bien qu'on se comprenne. C'est un accord
de principe qui est intervenu entre vous et le Secrétaire d'État.
C'est Important que ce soit bien clair. Si c'est un document, j'aimerais bien
qu'il soit déposé. Quand vous dites que le gouvernement s'engage
à ne pas intervenir dans le secteur privé, dans le secteur des
entreprises, je dis: Très bien. Puisqu'il s'engage à ne pas le
faire, cela signifie qu'il aurait pu le faire ou qu'il pourrait le faire en
vertu de la Loi sur les langues officielles, nouvelle version. Cela
m'apparaît important que ce principe soit accepté et reconnu comme
tel par les deux gouvernements puisque l'on sait de source sûre que le
Commissaire aux langues officielles a mis au point des programmes pour
permettre au gouvernement fédéral d'intervenir en ce qui concerne
l'entreprise, de façon à introduire des services bilingues dans
l'entreprise. Le Commissaire aux langues officielles serait prêt à
agir. Par conséquent, ce serait bien important que ce principe sur
lequel vous vous êtes entendus, semble-t-il, principe en ce sens qu'il
n'est pas question que le fédéra! intervienne dans le secteur
privé, ce qui aurait pu avoir pour effet d'aller à rencontre du
programme de francisation des entreprises en vertu de la loi 101, si c'est ce
que vous me dites, j'aimerais bien que ce soit officiel, formel, connu et
public, parce que ce ne l'était pas. C'est la première fois que
je vous entends dire sur cette question: Je me suis entendu avec le
gouvernement Fédéral pour qu'en aucune façon il
intervienne comme acteur linguistique dans le secteur privé, dans le
secteur des entreprises. C'est la première fois que vous êtes
aussi clair que cela. Est-ce que cela se retrouve dans un texte conjoint et y a
t-il moyen de l'avoir?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, en fait, le ministre
Lucien Bouchard a répondu à une lettre que je lui avais
envoyée en établissant ces principes. La lettre avait
été publiée, si ma mémoire est bonne. Le ministre
Bouchard confirmait les positions, tous ces principes, que dans le secteur
privé, il n'était pas intéressé à
intervenir. En plus, le ministre Bouchard précisait bien que, pour le
gouvernement fédéral, il voyait la possibilité de
promouvoir la langue française tout en protégeant le droit des
minorités anglophones au Québec. C'était un principe sur
lequel il s'engageait. Alors, c'est une lettre que j'ai reçue de M.
Bouchard. Il faudrait que je vérifie si elle avait été
rendue publique. Je crois qu'elle avait été rendue publique.
Est-ce qu'elle avait été rendue publique, cette lettre? Oui. On
me dit qu'elle avait été rendue publique, cette lettre, M. le
Président. On me confirme qu'il n'y a pas de cachette dans cela.
C'était une lettre publique.
M. Brassard: Je m'en souviens, je l'ai eue.
M. Rémillard: Vous vous souvenez de cela.
M. Brassard: Je l'ai déjà eue, mais je ne me
souviens pas que ce soit aussi clair que cela que le gouvernement
fédéral s'engageait de façon claire et précise
à ne pas intervenir dans le secteur privé comme le lui permettait
la loi C-72, article 43.
Le Président (M. Dauphin): Sur le même sujet, M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: Oui. Merci, M. le Président. M.
le ministre, vous avez mentionné que vous êtes en
négociations où que vous êtes en train d'avoir des
pourparlers avec le fédéral concernant l'implantation d'un plan
en vertu du projet de loi 142. Chaque région est obligée de
préparer un plan pour des services de santé en anglais. Quand
vous parlez de négociations, est-ce juste pour avoir des fonds du
fédéral pour aider le gouvernement provincial pour l'implantation
de ce pian? Où en sont rendues les négociations, et croyez-vous
que ce sera terminé dans un avenir rapproché?
M. Rémillard: Les négociations, M. le
député de Chapleau, vont très bien. On est à mettre
la dernière main à des négociations avec le gouvernement
fédéral pour l'application d'une entente en vertu de la loi 142,
et c'est pour mettre en application la loi 142, pour les services qui sont
offerts en langue anglaise, pour un montant qui sera substantiel, la
première année, mais qui pourra ensuite s'étaler et se
développer au fur et à mesure que nous pourrons développer
des programmes pour rendre plus accessibles encore, dans la langue anglaise,
des soins de santé qui sont actuellement offerts. C'est la ministre
déléguée à la Santé et aux Services sociaux
qui sera probablement en mesure d'annoncer, dans un avenir prochain, la
conclusion de cette entente.
M. Kehoe: C'est prévu dans le projet de loi 142 qu'il n'y
aura pas d'autres fonds dépensés par la province dans le cadre de
cette loi. Ce dont vous parlez quand vous parlez de négociations avec le
fédéral, c'est de l'argent nouveau. Ce sera quelque chose qui
n'est pas en vigueur actuellement.
M. Rémillard: C'est de l'argent qui nous vient du
gouvernement fédéral. Nous en mettons une partie aussi, parce que
c'est l'application d'une de nos politiques, mais c'est de l'argent qui vient
du gouvernement fédéral.
M. Kehoe: Et je comprends que ce ne sera pas pour des services
comme tels. Ce sera exactement pourquoi, quand vous parlez de l'argent pour
l'implantation de la loi 142? Ce sera de l'argent pour la traduction de
documents ou pour faire quoi? Enfin, savez-vous à peu près en
quoi ça consistera?
M. Rémillard: Dans la mesure où ça regarde
les services de santé, il s'agit de différentes
possiblités que nous pouvons avoir pour permettre à nos amis
anglophones d'avoir un accès plus complet aux services de santé
dans la langue anglaise. Alors, s'il s'agit d'une traduction, peut-être
bien qu'il peut s'agir d'une traduction, je ne peux vous le confirmer, mais il
peut y avoir de la traduction, if peut y avoir la réception des
documents que l'on veut traduire... On peut penser à beaucoup de
services qui peuvent se référer à la traduction. Je pense
que ce sera possible, cependant, toujours sur le principe que c'est une entente
qui limite l'intervention du fédéra! à celle de nous
donner un montant d'argent, et par conséquent, c'est nous qui avons le
mot déterminant pour pouvoir décider de quelle façon nous
allons utiliser cet argent.
M. Kehoe: D'accord.
Le Président (M. Dauphin): Vous avez terminé, M. le
député? C'est bien. M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je suis en train de prendre connaissance de la
lettre. M. le Président, ce n'est pas si clair que le ministre le
prétend. Il y a d'abord, évoquée de façon
très nette par Lucien Bouchard dans sa lettre, la possibilité
d'une entente concernant la loi 142, donc, les services sociaux et les services
de santé. Pour le reste, des propos lénifiants sur l'importance
du français et de la promotion du français comme langue de la
majorité, mais il n'y a pas d'engagement comme tel que le gouvernement
fédéral n'interviendra pas directement dans le secteur
privé.
Je vous dis pourquoi c'est important que ce soit clair à ce
sujet. J'ai ici le rapport du Commissariat aux langues officielles, le budget
des dépenses 1988-1989. Je vous lis un paragraphe: "Le commissariat a,
par ailleurs, rendu publique une étude sur le secteur privé qui
est l'aboutissement d'un projet de recherche lancé en 1986". C'est le
secteur privé. "Le rapport présente au gouvernement un certain
nombre de recommandations d'ordre opérationnel, destinées
à favoriser un bilinguisme autonome et systématique dans le
secteur privé et à stimuler la réflexion sur les rapports
que le gouvernement peut entretenir avec une vaste gamme d'institutions
privées et bénévoles dans le cadre de la promotion des
services bilingues." Donc, le Commissariat aux langues officielles a
déposé au gouvernement du Québec un ensemble de
recommandations d'ordre opérationnel pour introduire des services
bilingues dans le secteur privé. Cela veut dire l'entreprise, les
syndicats, les organismes bénévoles, tels que mentionnés
à l'article 43 de la Loi sur les langues officielles.
Par conséquent, il suffit d'une volonté politique du
gouvernement fédéral pour aller de l'avant en termes
d'introduction du bilinguisme dans le secteur privé. Si le gouvernement
fédéral donne le feu vert et dit oui, le Commissariat aux langues
officielles est prêt. Il a préparé tout ce qu'il fallait
pour aller de l'avant, pour être opérationnel et favoriser le
bilinguisme autonome et systématique dans le secteur privé. Il
est prêt C'est ça qui est important, ce n'est pas moi qui le dis,
c'est le Commissaire aux langues officielles dans des documents
budgétaires officiels du Commissariat aux langues officielles.
Par conséquent, il m'apparaît impérieux et urgent
que ce que vous évoquiez tantôt soit plus
clair que ce que l'on retrouve dans la lettre de M. Bouchard. Ce n'est
pas clair dans sa lettre. Il faut que ce soit clair. Étant donné
que vous n'avez pas voulu, comme on vous l'a demandé en Chambre à
plusieurs reprises, demander et insister auprès du gouvernement
fédéral pour que les dispositions de l'article 43, pouvant
constituer des ingérences et des intrusions du fédéral
dans le domaine linguistique québécois, comme vous n'avez pas
voulu demander au fédéral de retirer ces dispositions-là,
vous n'avez pas voulu lui dire: Vous êtes dans nos plates-bandes, enlevez
ces dispositions-là, retranchez-les du projet de loi. Vous n'avez pas
voulu le faire et le projet de loi a été adopté comme tel.
Si vous n'avez pas voulu faire ça, il serait drôlement urgent et
impérieux que vous en arriviez à une déclaration
solennelle, formelle, officielle, convenue entre les deux gouvernements
à savoir que, dans le secteur privé québécois, il
n'était d'aucune façon question que le gouvernement
fédéral intervienne comme acteur linguistique, appliquant
l'article 43 de la Loi sur les langues officielles.
Vous l'avez indiqué tantôt, mais là, je me rends
compte que ce n'est pas du tout aussi clair que ça dans la lettre de M.
Lucien Bouchard, absolument pas. Il dit: "II nous paraît
éminemment possible de poursuivre au Québec, sans contradiction,
les objectifs de promotion de la langue française et le respect des
droits de la minorité d'expression anglaise. On sait, d'ailleurs, que
les minorités de langues officielles sont expressément reconnues
dans l'accord du lac Meech comme caractéristique fondamentale du
Canada." Il fait référence à la caractéristique
fondamentale du Canada mais il ne fait pas référence à la
société distincte.
Or, ce n'est pas clair. Cela m'apparaît important étant
donné qu'ils sont prêts. Le Commissaire aux langues officielles
dit: Donnez-nous le feu vert et on y va. Étant donné qu'ils sont
prêts, qu'ils sont fin prêts à Intervenir dans le secteur
privé, il est d'autant plus important que les deux gouvernements
s'entendent pour dire de façon solennelle et officielle qu'il n'est pas
question que l'article 43 s'applique au Québec, qu'il n'est pas question
que le gouvernement fédéral Intervienne comme acteur linguistique
au Québec dans le secteur privé. Il faut qu'il y ait une entente
qui soit aussi claire que ce que vous avez dit tantôt. Plus claire que la
lettre! La lettre de Lucien Bouchard n'est pas assez claire. Elle est claire
sur l'accord à intervenir pour les services de santé et les
services sociaux. Là-dessus, elle est bien claire et vous allez de
l'avant là-dedans, d'après ce que je peux voir. Mais sur le
secteur privé québécois, ce n'est pas clair du tout. (16 h
15)
M. Rémillard: M. le Président, évidemment
qu'on discute sur des intentions du gouvernement fédéral. Mais iI
faut bien comprendre qu'il y a une réalité. Cette
réalité, c'est une loi qu'on appelle C-72 et qui, sur le plan
constitutionnel, est tout à fait valide parce qu'elle se limite aux
champs de compétence fédérale. À partir de
là, l'application de cette toi que pourrait faire éventuellement,
dans différentes hypothèses, le gouvernement
fédéral demeure de la spéculation.
Ce que nous avons voulu faire, c'est avoir des ententes avec le
gouvernement fédéral sur la base des principes que j'ai
énumérés tout à l'heure pour nous assurer que nous
pouvons avoir accès à ces sommes d'argent importantes du
gouvernement fédéral pour la promotion des langues officielles -
je ne sais pas pourquoi on serait privés de cet argent - mais qu'on
respecterait la juridiction du Québec à laquelle nous tenons
jalousement, concernant la langue.
La lettre que j'ai citée tout à l'heure et à
laquelle vient de se référer le député de
Lac-Saint-Jean est claire de la part du ministre de l'époque, Lucien
Bouchard. Je me permets de souligner à la page 2 de cette lettre,
l'avant-dernier paragraphe. Si vous me le permettez, M. le Président,
j'aimerais citer ce que M. Bouchard écrit. Je cite: "J'aimerais
réitérer que je suis très conscient: de l'importance
cruciale que présente pour le gouvernement du Québec la promotion
du français comme langue de la majorité des
Québécois, majorité qui constitue l'assise principale de
la francophonie canadienne. Ce n'est certes pas l'intention du gouvernement
fédéral, particulièrement dans le cadre de la Loi sur les
langues officielles, de diminuer cette composante fondamentale de notre
réalité. Au contraire, le gouvernement dont je fais partie
s'enorgueillit d'avoir fait inscrire dans l'accord du lac Meech la notion du
caractère distinct du Québec."
Je pourrais citer d'autres passages mais il y a là des
éléments qui sont au fondement même de cette relation que
nous avons avec le gouvernement fédéral concernant le respect des
droits linguistiques du Québec, tout en ayant la possibilité
d'avoir recours à ces sommes importantes que le gouvernement
fédéral peut mettre à notre disposition par la Loi sur les
langues officielles, en respectant notre juridiction.
J'ai mentionné tout à l'heure l'entente en matière
d'éducation. Le député de Lac-Saint-Jean ne mentionne pas
cette entente. Mais ce sont 76 000 000 $ par année. Ce sont des sous,
ça. L'entente que nous allons faire concernant l'application de la loi
142 sur les services de santé dans la langue de la minorité
anglophone, ce sont encore des sous qu'on va aller chercher du gouvernement
fédéral. Mais l'engagement que nous avons du gouvernement
fédéral et qui a été confirmé par le nouveau
secrétaire d'État, M. Gerry Weiner, est qu'ils n'ont pas
l'intention d'intervenir dans le domaine privé. S'ils décident
d'intervenir, M. le Président, même si on faisait toutes les
ententes qu'on voudrait, une entente n'a pas force légale
constitutionnelle. Mais, pour nous, ce qui a force légale
constitutionnelle, c'est le contrôle des tribunaux. Les tribunaux seront
là et ils vont contrôler. C'est pour cela qu'il faut qu'on puisse
avoir l'entente du lac
Meech le plus vite possible. Le député de Lac-Saint-Jean
le réalise de plus en plus. Je l'ai vu par les questions qu'il m'a
posées ce matin. Je le vois encore par cette question qu'il me pose
concernant la loi C-72, parce que lui-même, tout à l'heure, se
référait à la loi C-72 en disant: C'est l'utilisation du
pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Il a raison
de dire que ce pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral
a été utilisé, jusqu'à présent, de
façon à souvent doubler le gouvernement des provinces, en
particulier ici au Québec. On l'a vu dans le développement
économique régional, par exemple. On a assisté, à
un moment donné, à un véritable fouillis des gouvernements
sans aucune coordination. Ce qu'on a fait dans l'entente du lac Meech, Mme la
Présidente, c'est qu'on a justement établi un cadre d'action pour
le gouvernement fédéral dans l'utilisation de son pouvoir de
dépenser. Cela se réfère directement à ce projet de
loi C-72. Le gouvernement fédéral doit... C'est marqué en
toutes lettres dans l'entente du lac Meech, Mme la Présidente, en toutes
lettres. On avait eu une discussion ici, je m'en souviens très bien, en
cette salle, du Conseil législatif. Probablement que le
député de Lac-Saint-Jean était ici ou c'était son
ancien chef, M. Johnson, qui était ici; il s'intéressait beaucoup
à cette question. On avait entendu des experts, entre autres, le
professeur Lajoie était venu nous parler du pouvoir de dépenser.
C'était sur l'entente du lac Meech. On est aujourd'hui le 26.
Une voix: Le 27.
M. Rémillard: Excusez-moi, je suis une journée en
retard. On est le 27. Alors, le 30 avril, ce sera le deuxième
anniversaire de l'entente du lac Meech. Nous avions convoqué ici la
commission des institutions pour étudier l'accord du lac Meech. On est
arrivés à la conclusion que ce qu'on avait établi au lac
Meech méritait d'être resserré. On avait entendu le
professeur Lajoie, on avait entendu différents éminents
professeurs et des autorités en matière de droit constitutionnel.
Le premier ministre est arrivé à la conclusion qu'on devait faire
resserrer ça. Dans la négociation très serrée de la
nuit du 2 au 3 juin 1987, qui a suivi l'entente du lac Meech, où on a
mis formellement en place l'entente intervenue au lac Meech, on a
resserré le pouvoir de dépenser en faisant ajouter... Cela n'a
pas été facile, Mme la Présidente, cela n'a vraiment pas
été facile, parce que les provinces de l'Atlantique, dès
qu'on touche au pouvoir de dépenser, ce n'est pas facile de faire
accepter ça. Il y avait aussi M. Pawley, du Manitoba, qui était
un premier ministre social-démocrate très sensible aux programmes
sociaux pour l'ensemble du Canada, etc. Ce n'était pas facile, il
fallait avoir son consentement. Il fallait avoir l'unanimité. On a fait
inscrire, et c'était tard dans la nuit du 3 juin, que le pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral devait respecter le
partage des compétences législatives. C'est écrit en
toutes lettres dans l'entente du lac Meech. Alors, quand le
député de Lac-Saint-Jean nous dit: II faut faire des ententes, je
lui dis: Vous avez raison de vous inquiéter parce qu'il y a des
éléments où on peut se poser des questions; il faut
être vigilant; on va essayer de faire des ententes. Mais une entente,
ça ne vaut pas un texte constitutionnel. C'est pour ça que je
vous dis qu'il faut que l'entente du lac Meech soit partie de la constitution
le plus tôt possible. C'est la meilleure protection qu'on peut avoir, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Bleau): M. le député.
M. Brassard: Mme la Présidente, on est rendus loin, pas
mal. On s'égare. Quand le gouvernement fédéral intervient
dans un secteur de juridiction québécoise, que ce soit par le
biais d'une entente, j'espère que c'est la moindre des choses. Que le
gouvernement fédérai finance en partie l'enseignement de la
langue seconde dans le système scolaire au Québec par le biais
d'une entente en bonne et due forme, j'espère bien que c'est par le
biais d'une entente. S'il fallait qu'il le fasse directement et sans se soucier
du gouvernement québécois, ce serait drôlement grave.
Alors, qu'il le fasse par une entente, comme on dit, ça va de soi. Cela
va de soi qu'il le fasse par une entente. Là, semble-t-il, vous
négociez pour ce qui est des services de santé et des services
sociaux. On va mettre de côté le débat sur la pertinence de
signer une entente ou pas à ce niveau, mais en tout cas, si le
gouvernement fédéral intervient dans ce domaine, ça devra
obligatoirement aussi se faire par le biais d'une entente, parce qu'on est dans
des domaines de juridiction québécoise. Mais je n'en suis pas
là, ce n'est pas là-dessus que porte ma question. Ma question
porte sur le secteur privé: les entreprises, les syndicats, les
organismes patronaux, les organismes bénévoles. Ce n'est pas
exact, quand vous dites... Cela m'étonne de la part d'un juriste, dont
la réputation dépasse nos frontières, qu'il fasse des
affirmations aussi floues là-dessus, manquant de rigueur. Je vous ai
connu plus rigoureux. Je lis l'article 42, qui est devenu 43: "Le
Secrétariat d'État du Canada prend les mesures qu'il estime
indiquées pour favoriser la progression vers l'égalité de
statut et d'usage du français et de l'anglais dans la
société canadienne - pas dans les domaines de compétence
fédérale, dans la société canadienne - en
général et, notamment, toute mesure: f) pour encourager les
entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes
bénévoles et autres à fournir leurs services en
français et en anglais et à favoriser la reconnaissance et
l'usage de ces deux langues pour collaborer avec eux à ces fins."
C'est clair, c'est évident, par cet article, que le
Secrétariat d'État, donc le gouvernement fédéral,
se donne le pouvoir d'intervenir dans
l'entreprise, dans les syndicats, dans les organismes
bénévoles, pour y introduire des services bilingues. Là,
vous manquez de rigueur quand vous affirmez que ce n'est pas exact, que
ça s'applique uniquement dans les secteurs de juridiction
fédérale. Ce n'est pas vrai, ça, ce n'est pas vrai. C'est
évident qu'il y a une possibilité réelle pour le
gouvernement fédéral d'intervenir dans le secteur privé
comme tel, et ce que je vous demande... Vous n'avez pas voulu faire enlever
ça. La meilleure conduite qu'on aurait pu tenir aurait été
de dire au gouvernement fédéral: Enlevez donc ça, enlevez
ces dispositions, parce que vous outrepassez les frontières de vos
juridictions; enlevez ça. Alors, il m'apparaît évident,
puisque les dispositions sont là, présentes dans la loi,
adoptées, sanctionnées, en application, qu'on ne peut pas se
contenter de la lettre de Lucien Bouchard. Ce n'est pas suffisant, ce n'est pas
assez clair. Il faut que vous exigiez de la part du gouvernement
fédéral un engagement clair, net, précis qu'il n'a pas
l'intention d'appliquer au Québec - il l'appliquera ailleurs s'il le
veut - l'article 42, les dispositions qui lui permettent d'intervenir dans le
secteur privé, qu'il n'en a pas l'intention; sinon, le doute va
persister, la menace va persister, parce qu'ils sont prêts. Je vous le
répète: Le Commissariat aux langues officielles a
été très clair, ils sont prêts. Il suffit d'un
signal de la part du gouvernement fédéral et ils peuvent
intervenir rapidement dans le secteur privé, de façon
opérationnelle, comme le dit le commissaire. La menace est là,
et, pour contrer cette menace, pour la dissiper, l'écarter, il est
essentiel que vous obteniez un engagement clair et précis de la part du
Secrétaire d'État que ce n'est pas dans son intention d'appliquer
au Québec l'article concernant le secteur privé. Si vous n'avez
pas ça, si vous ne réussissez pas à obtenir ça, la
menace va peser constamment sur le Québec et il suffira que la
volonté politique, au niveau fédéral, se manifeste,
s'exprime pour qu'ils aillent de l'avant dans le secteur privé. A ce
moment-là, ça va prendre des années devant les tribunaux.
Vous pourrez bien contester ça devant les tribunaux. On sait ce que
ça donne devant les tribunaux Ça prend des années, des
années et des années. Pendant ce temps-là, ils vont agir.
C'est préférable à tout le moins d'obtenir un engagement
clair que ce n'est pas leur Intention d'appliquer cet article au Québec.
(16 h 30)
Je vous signale, en terminant, M. le Président, que le Conseil de
la langue française a la même vision. Il affirme dans son avis
que, contrairement à l'ancienne loi sur les langues officielles
où le champ d'action était limité aux domaines de
juridiction fédérale, c'est la société canadienne,
maintenant, qui est le champ d'action. "Il est facile de remarquer, nous dit le
Conseil, que le champ d'action que se donne l'État fédéral
n'est plus décrit comme le secteur de compétence
fédérale, mais bien comme la société canadienne, ce
qui est bien plus large." On retrouve cette référence à la
société canadienne à plusieurs reprises dans la loi C 72,
en particulier l'article dont je parlais tantôt. "Cela laisse
prévoir, nous dit le Conseil, que l'action fédérale se
fera même dans les champs de compétence provinciale exclusive, non
pas sous forme législative, ce qui serait anticonstitutionnel - donc,
susceptible d'entraîner des poursuites devant les tribunaux - mais au
moyen de dépenses programmées." Le programme est prêt. Le
Commissaire aux langues officielles nous le dit, il y a un programme de
prêt, on peut entrer en action, au moment où vous nous le dites ou
vous nous faites un signe. C'est important de le signaler. Ce n'est pas
uniquement le secteur de compétence fédérale qui est
touché par la loi, c'est la société canadienne. La
société canadienne, pour lui, ça comprend
spécifiquement le secteur privé, les entreprises et tout le
reste.
Si vous vous contentez de la lettre de Lucien Bouchard, dites-le nous
bien clairement que ça vous satisfait. Moi, ça ne me satisfait
pas. Ce n'est pas assez clair. Ce n'est pas assez ferme. C& n'est pas assez
précis. Si vous vous en contentez, d'accord, dites-le nous clairement,
mais, à ce moment-là, ça signifie que vous laissez la
menace d'une intervention fédérale dans des champs de juridiction
québécoise planer, persister, avec la possibilité que
ça devienne une réalité.
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: Je pourrais ajouter, M. le Président,
à ce qu'a dit le député de Lac-Saint-Jean. Le
député de Lac-Saint-Jean semble vouloir une garantie à
toute épreuve que le gouvernement fédéral n'utilisera pas
cette loi C-72 pour toucher aux compétences provinciales, et des
garanties à toute épreuve, que ce soit dans ce domaine ou dans
n'importe quel autre domaine de juridiction, je no suis pas capable de lui en
donner. Ce que je peux lui dire, par contre, c'est qu'on prend tous les moyens
nécessaires pour limiter les possibilités et si, après
tout ça, il y a possibilité que le gouvernement
fédéral légifère relativement à un domaine
de compétence provinciale, on va aller devant les tribunaux et on va
faire reconnaître cette loi comme inconstitutionnelle. Il faut bien
comprendre aussi que, finalement, le champ d'application de la loi C-72 dans le
domaine de compétence provinciale est, à toutes fins utiles, bien
mince. Il faut comprendre que tout le domaine public et parapublic est
déjà couvert et protégé par la loi sur le Conseil
exécutif. C'est évident que des ministères ne peuvent pas
faire affaire avec le gouvernement fédéral; on le comprend
très bien. Mais, en plus, M. le Président, des hôpitaux,
des collèges, d'autres institutions, des municipalités, bien
sûr, des organismes mandataires de la couronne
provinciale, tous ces organismes ne peuvent pas faire affaire avec le
gouvernement fédéral sans l'accord du gouvernement provincial,
sans l'accord du Québec. Cela veut dire, M. le Président, que,
pour tous ces secteurs d'activité extrêmement importants lorsqu'on
parle de langue, le secteur de l'éducation, des services sociaux et de
santé, de sécurité, il y a impossibilité pour le
gouvernement fédéra! d'intervenir avec la loi C-72. C'est
déjà beaucoup, c'est énorme. Dans le domaine du
bénévole - ce sont les organismes qui sont sans but lucratif et
qui reçoivent des subventions pour un colloque, un séminaire - on
n'est pas contre cela et je pense, comme nous le dit le député de
Lac-Saint-Jean, qu'ils ne sont pas contre cela, non plus. Je ne vois pas
pourquoi on serait contre ça. Il reste donc le secteur privé.
Quel intérêt aurait le secteur privé à recourir
à la loi C-72? On peut imaginer certaines circonstances pour de la
traduction, faire donner des cours d'anglais à certains employés
ou je ne sais trop à quoi je pourrai penser, mais le gouvernement
fédérai n'est jamais intervenu dans ce domaine jusqu'à
présent, jamais, et il nous a mentionné très clairement
qu'il n'avait pas l'intention d'intervenir.
Je vais vous dire, M. le Président, après le budget qu'on
a eu hier soir et que nous avons eu complètement ce matin, que j'ai
l'impression que le danger est un peu loin. Lorsqu'on est rendu à couper
où ils ont coupé, lorsqu'on est rendu à ce niveau de
restrictions budgétaires, j'ai l'impression qu'on peut dormir tranquille
et que le député de Lac-Saint-Jean peut dormir tranquille. Il
ferait mieux de se préoccuper d'autres choses, par exemple, des coupures
qu'il pourrait y avoir dans le domaine militaire qui peuvent affecter la
région du Lac-Saint-Jean, Chicoutimi; ça sera quelque chose. Mais
avec le budget qu'on a eu, M. le Président, la menace est de plus en
plus éloignée et faible. De toute façon, comme je l'ai
mentionné ce matin, et je le redis, on est très vigilants. Toutes
nos études sont prêtes, on est prêts à intervenir
rapidement. S'il y a intervention du gouvernement fédéral
relativement à un champ de compétence provinciale en
matière linguistique, on ne le tolérera d'aucune façon. On
va demander aux tribunaux de trancher le litige le plus rapidement possible.
Avec le budget d'hier, M. le Président, je vais vous dire: On va avoir
assez de difficulté à aller chercher ce qui nous revient que j'ai
l'impression que le gouvernement fédéral ne se mettra pas
à dépenser dans des domaines où il n'a jamais
dépensé jusqu'à présent. L'entreprise privée
n'a jamais été couverte par le fédéral en
matière de langues officielles, et le commissaire peut faire des voeux
comme il le veut. On sait que M. D'Iberville Fortier a fait des commentaires
l'an dernier. Il a fait des commentaires cette année. Ce ne sont pas
tout à fait les mêmes commentaires, mais ce sont des commentaires.
L'an prochain, il pourra en faire d'autres, quoique je pense que son mandat se
termine cette année. M. D'Iberville Fortier, un monsieur de
Québec, d'une grande culture, que j'apprécie beaucoup. Alors, M.
le Président, ce qui compte, c'est la réalité des choses
et la réalité, c'est de dire qu'on va voir à ce que les
compétences du Québec soient respectées.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Entente Canada-Québec sur le
développement économique régional
M. Brassard: Une dernière remarque. Si je comprends bien
les derniers propos du ministre sur M. D'Iberville Fortier, vous recommandez un
non-renouvellement de mandat.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: Je passerai à un autre sujet, M. le
Président, le développement économique régional et
l'entente Canada-Québec sur cette question, en rappelant, d'abord, que
cette entente de 820 000 000 $ concernant le développement des
régions, avec une contribution fédérale de 440 000 000 $,
c'est un peu plus, cependant, si on ajoute ce qui était prévu
également pour d'autres ententes. C'est quand même aussi pas mal
moins - c'est bon de le signaler - que ce qu'ont reçu, à ce
titre, l'Ouest et les Maritimes, plus de 1 000 000 000 $ dans les deux cas.
C'est moins aussi que ce qu'on avait négocié en 1984, nous, avec
le gouvernement fédéral, entente qui prévoyait une
participation fédérale de 900 000 000 $. Enfin, il y a une
entente prévoyant 820 000 000 $, dont 440 000 000 $ en provenance
d'Ottawa et 380 000 000 $ venant du Québec.
Jusqu'à maintenant, cela ne va pas vite d'après ce qu'on
peut savoir et d'après ce qu'on peut vivre, voir et constater dans nos
régions respectives. L'entente a été conclue en juin
dernier. On approche de son premier anniversaire et il n'y a pas grand-chose
qui s'est fait. Les comités-conseils viennent tout juste d'être
nommés et cela ne fait pas longtemps. Surtout, les programmes
prévus dans le cadre de l'entente ne sont pas encore accessibles.
Résultat: il n'y a pas beaucoup d'argent de dépensé dans
le cadre de cette entente. C'est à peu près deux ou trois
projets, cela équivaut à 25 000 000 $ sur 820 000 000 $. C'est la
Papeterie de Matane, évidemment, qui prend la grosse part avec 24 500
000 $. On peut dire que c'est vraiment le seul projet. Il y a aussi
l'étude de l'écluse de la rivière des Prairies pour 175
000 $ et le budget de fonctionnement des comités de gestion qui viennent
tout juste d'être mis en place, d'être nommés. Alors, cela
ne va pas vite. Le ministre Benoît Bouchard dénonçait, en
février dernier, les lenteurs administratives qui retardaient la mise an
oeuvre de l'entente, laissant sous-
entendre, évidemment, que la faute incombait au Québec,
que le Québec n'assumait pas ses responsabilités.
J'ai d'autres informations aussi en ce sens que le gouvernement
fédéral n'est pas plus rapide, non plus. Les programmes qui
relèvent directement de ce gouvernement, qui doivent faire partie de
l'entente et qu'il doit administrer tout seul, parce qu'il y a des programmes
que chaque gouvernement administre tout seul et il y a des programmes
conjoints, il y en a un qui est opérationnel; les autres, on les attend
et on ne sait pas ce que cela va donner. Cela ne va pas très vite en
termes d'application de l'entente. Pourtant, Dieu sait que les régions
en ont besoin. Chez nous, en tout cas, dans ma région - cela inclut
Charlevoix également - II y a une enveloppe de 125 000 000 $ qui a
été prévue pour les cinq prochaines années. Il n'y
a pas encore un cent de dépensé parce qu'il n'y a à peu
près pas de programmes accessibles. Ceux qui ont des projets et ceux qui
ont des demandes à faire dans le cadre de ces programmes, bien, ils
attendent, ils sont en panne, ils sont au neutre. En plus de cela, s'ajoute
aujourd'hui une inquiétude en provenance du fédéral
concernant le développement régional puisqu'on peut lire dans le
discours sur le budget de M. Wilson, et je cite: "À court terme,
cependant, les crédits de développement régional seront
restreints." C'est tout ce qu'on dit, mais c'est Inquiétant. "À
court terme, les crédits de développement régional seront
restreints." Cela va se traduire comment? Déjà, on n'a pas un
cent de disponible. Alors, je ne vois pas comment cela peut être pire.
(16 h 45)
Est-ce que le ministre peut confirmer d'abord l'état de la
situation que je viens sommairement de dresser, que l'entente conclue depuis
presque un an n'est pas en vigueur, que les programmes ne sont pas disponibles,
ne sont pas accessibles, que les comités-conseils viennent à
peine d'être mis en place, que c'est très lent et qu'en plus, on
apprend par le discours du budget fédéral que les crédits
de développement régional pourraient être restreints
à court terme? Ma description est-elle exacte, est-elle trop pessimiste
ou réaliste? Est-ce que le gouvernement du Québec entend donner
un coup de barre vigoureux pour faire en sorte que l'entente conclue il y a
maintenant presque un an donne ses fruits et qu'elle soit opérationnelle
au plus sacrant?
Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, on aborde un sujet
très important. Le développement économique de nos
régions et cette entente de développement économique
régional de 820 000 000 $ plus les 150 000 000 $ qui sont venus bonifier
l'entente de développement économique régional qui doit se
terminer en 1990, Donc, cette entente de près de 1 000 000 000 $ que
nous avons si- gnée l'an dernier, au mois de juin, est pour moi l'une
des grandes réalisations de ce gouvernement pendant ces trois ans et
demi. Et quand je voyais hier, M. le Président, les principaux
éléments du budget fédéral, de la fuite et les
commentaires qu'on faisait, que je regardais les nouvelles ce midi et que je
voyais les conclusions qui en rassortaient, je me disais: On a donc
été bian avisés de négocier cette entente de
développement économique régional dès l'an dernier
et de ne pas avoir attendu la fin des ententes de l'EDER pour renégocier
d'autres ententes de l'EDER mais d'ouvrir un volet spécial.
Cela n'a pas été facile de négocier cette entente
avec le gouvernement fédéral, M. le Président. Cela n'a
pas été facile parce que, dès Se départ, il fallait
faire accepter le principe que nous voulions que les principes de l'EDER soient
respectés et on voulait même que ça soit encore plus
étanche quant au respect des compétences du Québec et
à la prédominance du Québec en matière de
développement économique régional, que ce soit encore plus
étanche que les ententes de l'EDER. Pour nous, il s'agissait d'avoir un
nouveau volet des ententes de l'EDER et d'avoir un montant substantiel. Cela a
été un montant substantiel, comme je vous le mentionne, M. le
Président, c'est 820 000 000 $ avec, en plus, 150 000 000 $ pour
bonifier les enveloppes déjà négociées dans le
cadre de l'EDER.
Quand on voit le budget d'hier, qui peut nous amener à nous
interroger à certains égards, on peut dire qu'on a bien fait de
faire cette négociation et de mettre toutes nos énergies, l'an
dernier, avec mon collègue le ministre responsable du
Développement régional. On a négocié cette entente
et c'est une entente dont je suis particulièrement fier, M. le
Président, parce que c'est une entente qui, premièrement,
confirme la prépondérance de la responsabilité du
Québec sur la planification et l'établissement des
priorités de développement économique de ces
régions. Deuxièmement, c'est une entente qui respecte la
nécessité d'utiliser les mécanismes, les structures et les
programmes qui sont mis en place ou approuvés par le Québec et,
troisièmement, c'est une entente qui respecte la maîtrise d'oeuvre
québécoise pour tous les programmes ou projets relevant de la
compétence provinciale.
M. le Président, c'est quelque chose de réussir à
faire respecter ces principes dans une entente de cette envergure pour le
développement économique des régions. Quand on parlait,
tout à l'heure, du pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral et de l'entente du lac Meech c'était cela, la
situation, et c'est encore cela. Malheureusement, tant que le lac Meech ne fera
pas partie de la constitution, on sera toujours face à cette situation,
le gouvernement fédéral qui peut intervenir par son pouvoir de
dépenser dans tous les champs de compétence et qui vient bien
souvent bousiller les programmes provinciaux parce qu'il vient doubler ou agir
même souvent en contradiction. Mais qui paie les
frais de tout cela? C'est le contribuable. C'est le contribuable qui
paie ses taxes, qui paie ses impôts. Deux gouvernements qui ne sont pas
capables de s'entendre et qui arrivent avec des politiques incohérentes
sur le terrain. Ce ne sont pas des guerres de drapeaux, ce ne sont pas des
guerres de juridiction, c'est une recherche d'efficacité. C'est ce qui
nous guide.
Dans ce contexte, M. le Président, ce que nous avons dans le lac
Meech - je l'ai mentionné tout à l'heure - c'est l'encadrement du
pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral respectant les
compétences des provinces. Dans le cas du développement
économique régional, en plus, quand nous avons une entente de
cette envergure, une entente qui consacre le fait qu'il n'y a pas un cent qui
est dépensé par le gouvernement fédéral en
développement économique régional qui n'est pas objet de
concertation sur le plan des deux ordres de gouvernement, c'est cela,
l'efficacité qu'on recherche. C'est cela, la possibilité de
d'agir de deux ordres de gouvernement ensemble, en concertation.
Maintenant, M. le Président, cette concertation, nous n'avons pas
voulu qu'elle se limite sur le plan des deux gouvernements, nous avons voulu
qu'elle respecte aussi le milieu comme tel. Nous avons voulu que les projets
puissent venir de la base. Que ce ne soit pas le gouvernement par une
étude faite par des fonctionnaires très compétents - c'est
bien - mais qui vient du gouvernement et qui impose ses projets. Le
député de Lac-Saint-Jean pourra confirmer ce que je dis. Comme
politicien, des fois, c'est facile d'arriver et de dire: Bien, voici, on va
faire telle chose, telle affaire. Ce n'est pas toujours conforme à ce
que la population veut, il y a des instances sur le terrain qui sont
décisionnelles dans leur domaine sur le plan municipal, sur le plan
scolaire à certains endroits, il y a des instances de
municipalité, des cités et villes, des MRC, enfin tous ces
organismes, des conseils régionaux de développement
économique. Ces instances doivent être mises à profit. Ces
instances régionales sont celles qui sont impliquées directement
dans le milieu, qui connaissent les besoins du milieu et qui peuvent savoir
vraiment ce qui doit être fait pour améliorer les conditions de
vie des gens vivant dans ce milieu sur ce territoire.
Ce que nous avons fait, M. le Président, c'est que nous avons
changé les structures de décision pour qu'elles partent, qu'elles
se fondent sur la volonté de la base. C'est par des sommets
régionaux qu'on peut mettre de l'avant des projets et ces projets
ensuite sont acheminés à des comités régionaux de
concertation et de coordination, et cela va jusqu'au Conseil du trésor.
Je dois avouer, M. le Président, que c'est un petit peu plus difficile
et un petit peu plus long. Ce n'est pas facile, consulter et ce n'est pas
facile de respecter les échelons, mais, en fin de compte, c'est beaucoup
plus efficace parce que vous savez que vous allez répondre à un
réel besoin. Le besoin a été identifié par les gens
du milieu. Alors, ce que vous avez perdu d'un côté, parce que cela
a pris un petit peu plus de temps, peut-être, dans l'échelon que
vous devez gravir pour avoir votre décision, parce que vous êtes
partis de la base, vous allez gagner ce temps-là par l'efficacité
que vous allez retrouver par la solution que vous apportez au
problème.
M. le Président, lorsque le député de
Lac-Saint-Jean me dit: Cela ne va pas vite. Les comités sont en place.
L'entente est opérationnelle. Il m'a posé la question: Est-ce que
l'entente est opérationnelle? J'ai dit: Oui, l'entente est
opérationnelle. Cela se dégage bien. Dans les prochaines
semaines, les prochains mois, avant l'été, des projets vont
être en voie de réalisation. On va voir une phase très
active parce qu'il fallait un certain temps pour mettre tout cela en
application.
Le député de Lac-Saint-Jean me citait un collègue
du gouvernement fédéral, le ministre Benoît Bouchard, qui
disait que c'était la faute du gouvernement du Québec. J'ai
beaucoup de respect pour le ministre Bouchard qui a beaucoup de
responsabilités au gouvernement fédéral et qui, parfois,
peut être un peu déconnecté de ta réalité qui
se passe sur son terrain, chez lui. Je l'ai vu pour le champ de tir. Si j'avais
suivi ce que le ministre Bouchard m'avait dit, ce ne serait pas pour le
mieux-être de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean, un champ de tir.
Vous savez, il l'a fait de bonne foi. C'étaient des commentaires
Intéressants, de quelqu'un qui veut le bien-être de sa population.
Mais il faut parfois réfléchir avant de parler et bien analyser
les situations.
Dans ce contexte, je comprends la hâte du ministre Bouchard de
mettre tout cela en application. Mais ce n'est pas nous, dernièrement,
qui étions en campagne électorale. Pendant au moins deux mois, si
ce n'est plus, tout a été arrêté. il a fallu
attendre les élections, que les gens les fassent et qu'ils se reposent
après les élections. Parce que cela a été des
grosses élections, M. le Président, une grosse campagne! Ces
gens-là étaient fatigués après. Il a fallu qu'ils
se reposent. Quand ils ont eu fini de se reposer, on a recommencé
à travailler.
Ce que je veux dire au député de Lac-Saint-Jean, c'est que
l'entente est en vigueur. Elle va bien. Il y a une très belle
concertation entre le gouvernement fédéral, le gouvernement
provincial et le milieu. Les projets proviennent de !a base, j'insiste sur cet
aspect. C'est de là que cela monte et c'est comme cela que cela va se
réaliser. Le député de Lac-Saint-Jean faisait
référence aux 150 000 000 $ qui vont du côté du
Lac-Saint-Jean, Saguenay et Charlevoix... 125 000 000 $, je m'excuse.
Peut-être qu'on voulait donner 150 000 000 $, vous voyez notre intention,
et c'est 125 000 000 $, en réalité.
M. Brassard: Si vous voulez ajouter 25 000 000 $, 1 n'y a aucun
problème!
M. Rémillard: On vérifiera. Mais il y a beaucoup de
projets très intéressants pour le Lac-Saint-Jean, le Saguenay et
Charlevoix. Je connais des projets, entre autres, pour Charlevoix. Vous savez,
c'est mon pays. Cela va se mettre en branle dans les prochaines semaines, les
prochains mois. La structure est là et ça va bien aller. Cela a
été long, plus que d'habitude, mais on va le gagner en
efficacité lorsqu'on aura amené les solutions aux
problèmes.
M. Brassard: M. le Président, si j'avais un Stradivarius,
j'en ferais cadeau au ministre.
M. Rémillard: J'en serais heureux mais malheureusement, je
ne joue pas de violon.
M. Brassard: Vous avez pourtant beaucoup de talent pour cela. Il
a le don de dramatiser les choses. Une simple remarque en passant. Ce n'est pas
une victoire historique qu'il a remportée en signant cette entente.
C'est la reconnaissance des juridictions du Québec par le gouvernement
fédéral dans le cadre de ces ententes. Ce n'est pas une
innovation, une nouveauté. Cela existait expressément dans les
autres ententes conclues auparavant, celle de 1984, et l'autre avant aussi. Ce
n'est pas une Innovation exemplaire et historique. Il ne faut pas s'imaginer
que l'histoire vient de commencer. L'entente de 1984, et l'autre avant aussi,
reconnaissait explicitement la juridiction du Québec et la
maîtrise d'oeuvre du Québec en matière de
développement régional. Essayer de nous présenter
l'entente conclue en juin dernier comme un pas de géant en
matière de reconnaissance des juridictions québécoises et
de la maîtrise d'oeuvre du Québec en matière de
développement régional, c'est un peu torturer les faits.
C'était déjà reconnu en 1984.
Ce que vous avez fait, par exemple, a été de
protéger les acquis, j'en conviens. Je suis prêt à le
reconnaître. Mais cela existait déjà. Que les
régions soient impliquées, c'est bien évident. Elles
l'étaient auparavant également. Mais les longs propos du ministre
n'infirment en aucune façon la description que j'ai faite de la
situation. C'est évident. (17 heures)
Quand vous dites que l'entente est en vigueur, bien oui, elle l'est. Il
était temps qu'elle le soit. Cela va faire presqu'un an. Mais, vous
pouvez juste dire ça: Elle est en vigueur, parce qu'il n'y a pas
actuellement de programmes accessibles. Ce ne sont pas les projets qui manquent
dans les régions. Il y en a à profusion dans les régions
et cela, dans tous les domaines. Ce sont même de très bons
projets. Alors, ce n'est pas la banque de projets qui fait défaut. Il y
en a une réserve considérable dans toutes les régions du
Québec. Donc, ce ne sont pas les régions qui font défaut.
Les projets sont là et on attend. Ce qui ne marche pas actuellement, ce
sont les programmes prévus par l'entente. Ils ne sont pas connus. Je ne
suis même pas sûr qu'ils soient encore conçus. C'est
là le problème, et c'est encore plus dramatique. Les programmes
prévus, aussi bien du gouvernement fédéral que du
gouvernement québécois, ne sont pas connus encore. Les programmes
conjoints ne sont pas connus présentement. Ils ne peuvent pas
s'appliquer, on ne les connaît pas.
Je connais des promoteurs dans ma région qui attendent. Ils ont
des projets intéressants, mais ils ne savent pas s'ils vont être
admissibles. Ils ne savent pas vers quel créneau ils vont pouvoir se
diriger, pour une raison très simple et très
élémentaire: ils ne connaissent pas les programmes. Les
programmes ne sont pas connus. Tant que les programmes prévus par
l'entente ne seront pas connus, diffusés et appliqués, l'argent
ne va pas se dépenser. C'est la question que je pose au ministre. Je
suis sûr que mon collègue de Shefford va aussi la poser au
ministre responsable du Développement régional la semaine
prochaine, mardi. C'est la question.
Au lieu de s'"autoglorifier", je pense que le ministre et le
gouvernement du Québec devraient reconnaître qu'il faut
accélérer le rythme de mise en oeuvre de l'entente. Un coup de
barre s'impose, il faut d'abord reconnaître que rien ne marche pour le
moment. Je pense que c'est important, il faut avoir suffisamment de modestie
pour reconnaître qu'il n'y a rien qui marche actuellement dans le cadre
de l'entente. Je vous mets au défi de me prouver le contraire. Il n'y a
rien qui marche présentement, au moment où on se parle, à
la fin d'avril. À moins de deux mois de l'anniversaire de l'entente, il
n'y a rien qui marche. Ma question est bien simple, bien banale et bien
naïve: Quand cela va-t-il marcher? Elle est concrète. Les
promoteurs de chez nous, les entrepreneurs, les entreprises et tous ceux qui
ont des projets susceptibles de s'intégrer dans cette entente attendent
la réponse. Quand cela va-t-il marcher?
M. Rémillard: M. le Président, le
député de Lac-Saint-Jean me demande pourquoi je dis que c'est une
entente extraordinaire, que c'est une entente historique. J'ai dit que
c'était une entente extrêmement importante pour le Québec
et qu'elle marque nos relations fédérales-provinciales dans le
secteur du développement économique régional.
M. le Président, je suis le premier à reconnaître
les aspects intéressants qu'on retrouvait dans l'EDER
négociée par le gouvernement précédent, en 1984.
Cela a été un pas important, un pas que nous avons
complété en faisant un pas de plus. Dans des domaines où
il n'y avait pas de concertation entre les deux ordres de gouvernement, dans le
domaine de l'aide aux entreprises, par exemple, où c'était
conjoint et non pas concerté, c'est-à-dire que les deux ordres de
gouvernement envoyaient des
chèques et qu'il n'y avait pas de concertation, nous avons
réussi à obtenir que ce soit de façon concertée.
C'est un élément fondamental, parce que c'est l'aide à
l'entreprise, une partie importante de l'aide que nous pouvons apporter au
développement économique régional. Donc, ce que j'ai dit
tout à l'heure, je le répète, M. le Président. Il y
a eu une entente de développement économique régional qui
avait été négociée en 1984, oui, mais à
partir de là on a développé un autre volet, soit le
développement économique régional, avec un pas de plus en
avant avec la concertation avec le gouvernement fédérai dans tous
les domaines. Ce qui nous amène à dire - je le disais tout
à l'heure - qu'il n'y a pas un sou qui est dépensé par le
gouvernement fédéral en matière de développement
économique régional qui ne fait l'objet d'une concertation avec
le gouvernement du Québec. Et c'est un principe important.
M. le Président, sur un autre point, cette entente est aussi
très importante. Nous avons réussi à nous entendre sur un
sujet de longue discussion, le fameux fonds LaPrade. On se souviendra du projet
de cette usine d'eau lourde à Gentilly qui devait se concrétiser,
qui a été annulé par le gouvernement fédérai
de l'époque, lequel a créé en contrepartie un fonds pour
venir en aide à la région touchée. Le problème est
que ce fonds LaPrade a servi en partie à toutes sortes de choses:
pavages de cours, réfections de toitures, etc. Ce ne sont pas tellement
des éléments intéressants pour encourager
l'économie d'une région. Il n'y avait aucune concertation dans
l'administration de ce fonds LaPrade, parce qu'on avait un problème
majeur: le gouvernement fédéral voulant donner ces sommes
d'argent directement aux organismes publics et parapublics, le gouvernement du
Québec avec raison se refusant en disant: Les municipalités,
entre autres, n'auront pas à transiger directement avec le gouvernement
fédéral.
M. le Président, très souvent les municipalités
voient cette restriction avec un certain scepticisme. Elles ont dit: Un
instant! Pourquoi ne sommes-nous pas capables d'aller travailler avec le
fédéral directement? Pourquoi ne sommes-nous pas capables d'aller
chercher notre argent au fédéral? Il faut qu'elles comprennent
que, si on permettait que les municipalités, les cités et villes,
aient des relations directes avec le gouvernement fédéral, on en
arriverait à une situation où on ne se comprendrait plus. Il n'y
aurait aucune coordination. Ensuite, cela nous poserait des problèmes.
Si une municipalité acceptait de l'argent du gouvernement
fédéral, par exemple de ce fonds LaPrade, pour construire une
aréna, le problème serait l'entretien de cette aréna. Si
une municipalité n'a pas de fonds, n'a pas prévu la
possibilité d'administrer une aréna et ce que ça
coûte, cela cause des problèmes. Il n'y a pas juste le fait de
construire, il faut ensuite administrer. Les municipalités sont de bonne
foi. Elles voient au bien-être de leurs citoyens et de leurs citoyennes,
mais il demeure qu'il faut avoir une concertation, une coordination pour que
les sommes dépensées par le gouvernement fédérai
soient en étroite coordination avec les plans de développement du
gouvernement du Québec.
Nous avons réussi à établir un mécanisme qui
nous permet d'avoir le contrôle sur ces sommes qui viennent du fonds
LaPrade, qui sont données à des municipalités ou à
d'autres organismes du secteur public ou parapublic et qui vont au
développement des régions. C'est un autre aspect de l'entente de
développement économique régional qui est
extrêmement intéressant.
L'entente est opérationnelle. Les programmes sont publics. Il y a
même eu des brochures qui ont été faites. Mais ils sont
à être complétés dans leurs modalités
d'application à certains égards. Probablement très
prochainement Ils seront diffusés dans tous leurs aspects et, comme je
le disais tout à l'heure, le processus sera alors très rapide. Il
fallait tout d'abord établir un nouveau mécanisme en fonction de
la volonté populaire, de la volonté du milieu. Il faut consulter
les municipalités, consulter les villes, consulter les MRC, consulter
les conseils économiques régionaux. C'est ce qui est important et
à partir de là le mécanisme va fonctionner. Cela va
s'exercer et nous allons pouvoir, dans les prochaines semaines, dans les
prochains mois, avoir des projets qui pourront être étudiés
et mis en application dans un avenir très très prochain.
M. le Président, ce qu'il est important de retenir de tout
ça, c'est qu'il faut rechercher l'efficacité. Il faut rechercher
aussi la concertation: la concertation entre deux niveaux de gouvernement, oui,
mais aussi la concertation en fonction de véritables consensus qu'on
doit établir dans la population en regard des besoins de cette
population. Nous n'avons pas à imposer des projets à une
population qui connaît directement ses besoins. Nous avons à
respecter les instances qui ont été créées, qui
connaissent en premier lieu, au premier chef, les réalités
sociales, culturelles, économiques d'une région et qui sont
à même de proposer des solutions à ses problèmes de
développement.
M. le Président, ce que fait l'entente de développement
économique régional, c'est de se référer à
la base, à la volonté populaire. Le mécanisme qui est en
place nous démontrera qu'il est efficace pour apporter de
véritables solutions aux problèmes de développement que
nous pouvons avoir dans certaines régions.
Le Président (M. Kehoe): Merci, M. le ministre. Nous
allons suspendre les travaux pour cinq minutes, M. le ministre et messieurs les
membres de la commission.
(Suspension de la séance à 17 h 11)
(Reprise à 17 h 24)
La Présidente (Mme Bleau): À l'ordre, s'il vous
plaît! On reprend la séance. M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Accès à la zone de pêche de 200
milles
M. Brassard: Mme la Présidente, j'aimerais aborder un
autre dossier, celui-là important pour les pêcheurs - pas les
pécheurs, mais les pêcheurs - québécois. Il s'agit
de l'accès à la zone de pêche de 200 milles. Un consortium
s'est constitué, formé d'une douzaine d'entreprises de
transformation du poisson de fond du Québec. Il y en avait sept du
Québec et cinq du Nouveau-Brunswick. Depuis 1987, ce consortium
réclame un droit d'accès à la zone canadienne de
pêche de 200 milles avec un quota spécifique, un tonnage, sur une
période de six ans. Cela permettrait, évidemment, de laisser
fonctionner sur une plus longue durée les usines de transformation. Cela
permettrait aussi d'investir dans la construction de chalutiers. Il serait
même question de six chalutiers si cette autorisation était
accordée, évidemment, avec des investissements importants.
Jusqu'à maintenant, en 1986, cela a été un refus
catégorique de la part du fédéral: pas question
d'accéder à cette zone. On en avait parlé l'an
passé et vous m'aviez répondu, je m'en souviens fort bien: Oui,
c'est vrai, on s'est butés à un non catégorique, mais
attendez, ce n'est pas fini, on va se reprendre, c'est annuel et on va faire en
sorte qu'en 1989 on ait notre part de poisson dans la zone de 200 milles. Par
conséquent, le processus a repris l'an passé pour pouvoir avoir
accès à la zone en 1989. Malheureusement, encore une fois, un non
catégorique. Donc, cela fait trois ans, depuis 1987, maintenant que les
entreprises de transformation du Québec ne peuvent pas avoir
accès à la ressource poisson dans la zone de 200 milles.
Il s'est produit des absurdités. Une usine, celle de Newport,
pour faire fonctionner ses équipements, a dû acheter de la morue
soviétique capturée dans la mer de Béring, de l'autre
côté du continent. On en est à cette absurdité que
les usines de transformation du poisson du Québec achètent de la
morue soviétique pêchée dans l'autre océan, la mer
de Béring. Alors, c'est grave!
Deuxième absurdité, finalement, le Canada a conclu une
entente avec la France et les chalutiers français vont avoir
accès à la zone de 200 milles jusqu'à ce que le tribunal
international statue sur le litige. Les Québécois, eux,
continuent à ne pas avoir accès à la zone de 200 milles,
à ne pas pouvoir pêcher dans la zone de 200 milles avec ce que
ça implique en pertes d'emplois et en pertes d'investissements.
L'an passé, le ministre m'avait dit: Soyez patients, on n'a pas
réussi cette année, mais vous allez voir en 1989, on va refaire
la demande et on va sans doute obtenir du succès. Eh bien, ce n'est pas
le cas. Le ministre est-il prêt, au moins modestement, à
reconnaître l'échec de son gouvernement dans ce dossier,
échec grave pour les pêcheurs québécois? Comment se
fait-il qu'encore une fois cette année vous n'ayez pas réussi
à permettre aux pêcheurs québécois d'avoir
accès à la zone de 200 milles? Est-ce qu'on doit
considérer ce dossier comme fermé? Autrement dit, la question
brutale que je vous pose est si on doit considérer ce dossier comme
fermé. Est-ce qu'on doit prendre acte du fait que Terre-Neuve exerce
dans le secteur des pêches une telle influence sur le gouvernement
fédéral qu'il faut faire son deuil de ce projet d'accès
à la zone de 200 milles et fermer le dossier? Il n'y a plus rien
à faire, les efforts ont été faits, les démarches
ont été faites sans succès et il n'y a plus espoir de
réussir dans les années futures. Si c'est le cas, aussi bien
qu'on se le dise bien sincèrement, qu'on cesse de se faire des
illusions, qu'on cesse de susciter de faux espoirs dans les régions de
pêcheurs, dans les régions du Québec, consacrées
à la pêche et qu'on sache au moins à quoi s'en tenir.
M. Rémillard: Mme la Présidente, je veux rassurer
le député de Lac-Saint-Jean. Ce n'est pas un dossier qui est
fermé, mais un dossier ouvert, un dossier actif. En juin 1987, le
gouvernement du Québec a pris l'initiative d'inviter les usines qui
étaient engagées dans la transformation du poisson de fond, tant
du Québec que du nord-est du Nouveau-Brunswick, à se regrouper en
vue de créer un consortium de pêche dans la zone économique
canadienne de 200 milles. Or, c'est nous qui avons pris l'initiative de
créer ce consortium. Douze usines, dont sept du Québec et cinq du
Nouveau-Brunswick, forment la société de pêche Nova Nord
Itée et ces usines ne possèdent pas de flotte, à
l'exception de Madelipêche. Elles sont alimentées par des bateaux
côtiers indépendants qui pêchent dans le golfe. Alors, les
stocks du golfe sont exploités con-curemment par cinq provinces et
n'offrent aucune possibilité de croissance.
M. le Président, à la suite des différentes
discussions qui ont eu lieu avec le ministre de Pêches et Océans
Canada, nous continuons à appuyer ce consortium dans ses
démarches qui s'annoncent, il faut le dire, difficiles. Dans cette
conjoncture, la position du Québec est la suivante: il faut respecter
l'avis des scientifiques et assurer la reconstruction des stocks en limitant le
nombre total de prises admissibles à 125 000 tonnes pour 1989. Dans ce
cas, Mme la Présidente, le Québec accepterait qu'il n'y ait pas
de contingent accordé à Nova Nord pour 1989, mais exigerait un
engagement ferme d'obtenir une part pour elle de l'accroissement des ressources
disponibles au cours des années subséquentes. Toutefois, si le
fédéral maintient sa position de 235 000 tonnes, le Québec
exige qu'au moins 10 000 tonnes soient accordées sur la demande
de 34 500 tonnes. Or, les scientifiques doivent produire une nouvelle
évaluation des stocks en juin et des ajustements pourraient s'ensuivre.
Le règlement du conflit France-Canada apporte un nouvel argument
à l'appui de la demande de Nova Nord, comme le soulignait le
député de Lac-Saint-Jean. Cette entente prévoit, en effet,
l'octroi d'un contingent de 2950 tonnes dans la zone 2J3KL, ce qui
démontre la capacité du fédéral de dégager
des contingents dans cette zone. 2J3KL Je sais que le député de
Lac-Saint-Jean est un grand spécialiste de la pêche...
M. Brassard: J'ai visité ces lieux
dernièrement.
M. Rémillard: ...et qu'il est capable de se retrouver avec
ces directives. Moi, ce n'est pas 007 du côté de la
Sécurité publique, mais c'est bien 2J3KL Avec ces données,
je suis certain qu'il pourra se retrouver. Mon souci, Mme la Présidente,
est de donner les réponses les plus complètes possible et je ne
voudrais pas que le député de Lac-Saint-Jean, allant
vérifier mes réponses, se perde dans la nature. Il faut qu'il
sache où aller. 2J3KL
M. Brassard: Cela m'aide. Probablement, est-ce votre nature? Je
vous trouve très optimiste, parce que c'est évident qu'il y a une
sorte de mésentente quant à l'évaluation des stocks. Ne
trouvez-vous pas ça un peu contradictoire, même absurde et
humiliant pour ce que vous appelez un partenaire à part entière
de la Confédération, que la France, un État
étranger, ait accès à la zone de 200 milles, ait des
quotas, des contingents et que le Québec, partenaire à part
entière de la fédération canadienne, s'en voie refuser
l'accès? Ne trouvez-vous pas ça anormal, absurde et humiliant et,
pour tout dire, honteux? Vous, un fédéraliste notoire,
défenseur acharné du régime fédéral, ne
trouvez-vous pas ça absurde et humiliant que ce soit le Québec
qui ne puisse pas avoir accès à la zone de 200 milles, alors que
la France y a accès et se voit attribuer des quotas?
Je ne veux pas partir de guerre avec la France, mais il y a une
absurdité foncière dans la situation présente. Depuis
trois ans, le Québec se voit refuser l'accès à la zone de
200 milles. Il n'est pas question de pêcher du poisson dans cette zone et
récemment on reconnaissait à la France ce droit d'accès et
on lui accordait des contingents. Si j'étais fédéraliste,
je ne le suis pas depuis bien longtemps, je m'indignerais. Est-ce que vous
voulez vous indigner?
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Rémillard: En tout cas, Mme la Présidente, je
peux vous dire que je m'interroge. En fait, il y a un problème. C'est
évident qu'il y a un problème sérieux, quand on pense que
le plan de pêche de 1988 n'a rien accordé à Nova Nord.
Une situation comme celle-là est difficilement acceptable. Des 37
000 tonnes qui ont été rendues disponibles pour 1988, il y a
seulement 10 000 tonnes qui ont été accordées, et toutes
à des entreprises de Terre-Neuve. Alors, il y a des questions
très sérieuses à se poser à un moment donné.
Le consortium n'a toutefois pas démissionné et il est toujours
très actif. Il y a eu le Conseil des ministres des Pêches de
l'Atlantique qui s'est réuni à Ottawa en décembre dernier.
Celui-ci avait pour objectif de permettre au ministre de Pêches et
Océans de consulter ses homologues provinciaux avant de dévoiler
le plan de pêche pour l'année à venir. Pour se
référer à ce que le député de Lac-Saint-Jean
mentionnait concernant cette entente Canada-France sur la zone de 200 milles,
on a, à ce conseil, convenu d'exclure des discussions sur les
contingents de la zone de 200 milles, parce que les avis scientifiques
n'étaient pas encore disponibles pour connaître la situation des
stocks. Il n'y a pas eu de nouvelle réunion du conseil et il n'y en aura
pas avant que le ministre de Pêches et Océans n'annonce qu'il y
aura un tel nombre total de prises admissibles, comme le prévoient les
scientifiques.
Dans ce contexte, Mme la Présidente, il y a des questions
sérieuses à se poser et cette situation est difficilement
acceptable pour nos pêcheurs. La position du gouvernement du
Québec, comme je l'ai mentionné, est d'appuyer le consortium,
d'être fortement avec lui pour la revendication d'un droit qui nous
paraît tout à fait légitime. Je dois souligner l'excellent
travail que fait mon collègue, le ministre responsable des pêches
dans ce dossier, pour faire valoir justement les droits de ce consortium.
La Présidente (Mme Bleau): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Alors, rendez-vous à la prochaine
étude des crédits, M. le ministre. J'ai l'impression qu'on n'aura
pas grand-chose à se mettre sous la dent.
M. Rémillard: Je vois que le député de
Lac-Saint-Jean concède les prochaines élections.
Contrats fédéraux en recherche et
développement
M. Brassard: Ah, bon, bon, bon! Ce n'est pas sûr. C'est
sûr, s'il y avait un changement de gouvernement peut-être, que le
dossier évoluerait positivement. Mme la Présidente, un autre
dossier, celui des contrats fédéraux en recherche et
développement.
On a assisté, à partir de 1985, à une chute
radicale du pourcentage des contrats fédéraux en recherche et
développement attribués au Québec. En 1984-1985, on
recevait 20,6 % des contrats en recherche et développement en provenance
du fédéral. Cela a chuté en 1985-1986 à 10,6 %
et,
depuis ce temps-là, on stagne à ce niveau: en 1986-1987,
10 % et en 1987-1988, 10,3 %. Pourtant, Dieu sait que c'est important, la
recherche et le développement dans une économie moderne. Le
gouvernement québécois, par la voix du ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
comme par celle du ministre de l'industrie, du Commerce et de la Technologie,
M. MacDonald, s'était engagé à modifier cette situation et
à faire en sorte que le Québec obtienne sa juste part des
contrats fédéraux en recherche et développement. Il
était question d'une stratégie intégrée, mise en
place par vous-même, M. le ministre, à l'automne 1986.
Récemment, le ministre MacDonald reconnaissait cependant que rien
n'avait changé et que le Québec était largement et
constamment défavorisé à ce chapitre. L'embauche d'un
lobbyiste spécialement assigné pour aider les entreprises
québécoises à obtenir des contrats ne semble pas, non
plus, avoir donné beaucoup de résultats. Le Conseil
québécois de la science et de la technologie
dénonçait, lui aussi, la situation et faisait un certain nombre
de recommandations. Cette situation est inacceptable. Le conseil lui-même
rendait publique cette situation en disant que près de 70 % des contrats
de recherche du gouvernement fédéral sont accordés sans
appel d'offres, sans soumissions. C'est évident que c'est une
donnée importante. Bref, on est en 1989 et rien ne change dans ce
secteur. On a toujours la portion congrue, on n'a pas notre part juste et
équitable des contrats en recherche et développement,
malgré l'engagement que vous aviez pris de mettre en place une
politique, une stratégie visant à changer la situation. Ce n'est
pas le cas.
Un peu comme dans le dossier précédent, le ministre est-Il
disposé à reconnaître que la performance du Québec
en cette matière ne s'est pas améliorée, qu'on stagne
à 10 % des contrats de recherche, à reconnaître aussi du
même coup l'échec de sa stratégie intégrée et
de l'action du conseiller spécial du gouvernement engagé en cette
matière? À partir du moment où il reconnaît
l'échec de sa stratégie, est-ce qu'il entend concrètement
redresser la situation, adopter de nouvelles mesures ou faire de nouvelles
démarches et en arriver à des résultats cette
fois-là?
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Rémillard: Mme la Présidente, c'est un sujet
encore très important que soulève le député de
Lac-Saint-Jean. C'est un domaine où - on l'a mentionné à
plusieurs reprises et le ministre responsable du dossier le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, !'a mentionné aussi
à plusieurs reprises - nous n'avons pas notre juste part. Dans la
répartition des contrats de recherche, c'est évident. La
performance du Québec, Mme la Présidente, dans le cadre de la
politique fédérale d'impartition des contrats en science et
technologie, ne casse de se détériorer depuis 1976-1977. Alors,
c'est en 1976-1977 que, tout à coup, la part du Québec s'est mise
à diminuer dans l'octroi de ces contrats en science et technologie.
Depuis, cela n'a eu de cesse, excepté dernièrement. (17 h 45)
On peut dire que, dans les neuf premiers mois de l'année
1988-1989, on a vu apparaître un redressement. Ce n'est pas faramineux,
ce n'est pas grand-chose mais, quand même, cela nous montre qu'on est sur
la bonne piste avec 13,8 % de la valeur des contrats. Il ne s'agit pas de crier
victoire avec cela, Mme la Présidente, absolument pas, on a une grosse
côte à remonter. La côte, il faut la remonter à
partir de 1976-1977 et on la remonte. On est vraiment dans la bonne
lignée, dans la bonne direction. Le conseil a mentionné le fait
qu'on n'avait pas notre part. Il a dit aussi qu'il fallait que l'Agence
spatiale soit située à Montréal et de telle sorte que
l'agence soit une activité scientifique importante.
On a parlé ce matin de l'Agence spatiale, de l'importance de
cette Agence spatiale pour la région de Montréal et pour tout le
Québec, bien sûr. On a dit qu'il fallait être vigilant, bien
que l'Agence spatiale ce soit intéressant, un pas fondamental, parce
qu'on a la structure de l'agence qui est là, plus de 200 fonctionnaires,
un budget important et un président qui connaît bien le
Québec. C'est un Québécois et un scientifique de renom, le
Dr Kerwin, ancien recteur de l'Université Laval. Mais, il faut
être vigilant pour aller chercher notre part du marché, une part
de ces contrats de recherche. C'est comme cela qu'on a engagé des
personnalités, des gens particulièrement au courant de la
situation qui, à partir du bureau du Québec à Ottawa,
agissent maintenant comme démarcheurs auprès des
ministères et organismes fédéraux. Leur objectif est de
faciliter l'obtention de contrats fédéraux à des
entreprises québécoises.
Il y a aussi, il faut le dire, ces nouveaux programmes: centres
d'excellence et bourses Canada. Les ministres responsables de
l'Éducation et du Développement technologique ont clairement
indiqué les attentes du Québec quant à la
nécessité que ces programmes prennent en compte les
spécificités québécoises et les capacités de
recherche québécoises. J'ai mentionné ce matin deux
programmes de recherche importants dans nos universités pour un total de
plus de 80 000 000 $, si ma mémoire est bonne. On voit là
déjà un redressement encore timide, mais il faut s'y mettre. Cela
fait depuis 1976-1977 que cette situation existe. Il faut s'y mettre. Il faut
prendre la situation en main. Avec les démarcheurs, avec le nouveau
rôle économique du SAIC aussi, on va mettre toutes nos
énergies et on va aller chercher la part qui nous revient. Il s'agit de
manifester notre intention.
Le député de Lac-Saint-Jean fait référence
à mes convictions politiques. Il a bien raison. Je suis un
fédéraliste de coeur et de consentement. Le
fédéralisme doit s'appliquer non seulement au
niveau canadien, mais, pour moi, le fédéralisme, c'est une
décentralisation. Même au niveau québécois, à
bien des niveaux, la pensée fédérale peut nous aider
à administrer le Québec, Quand on pense à
l'immensité de notre territoire et à cette population qui est
faible pour l'immensité du territoire que nous avons, on peut se
référer souvent à la pensée
fédéraliste fondée sur l'autonomie des participants et
leur participation égale aux décisions. Dans l'ensemble, on peut
se référer à cette pensée fédéraliste
pour donner une réelle administration. D'ailleurs, tout à l'heure
on parlait des dossiers de l'EDER et cela correspond tout à fait
à ma pensée fédéraliste non seulement en fonction
de cette concertation au niveau des deux ordres de gouvernement,
fédéral et provincial, mais aussi en fonction de cette
concertation entre le gouvernement provincial, le gouvernement
québécois, et les municipalités, les cités et
villes, les intervenants directs sur le terrain. Il faut respecter l'autonomie
de ces gens. Il faut réaliser que ce n'est pas d'un centre administratif
situé loin d'une région qu'on va régler tous les
problèmes de cette région. Il y a des organismes sur place qui
sont à même d'analyser vraiment les problèmes de
développement économique, culturel, social dans leur juste
perspective parce qu'ils les vivent, ces problèmes.
M. le Président, ainsi ce que nous avons comme situation ici,
dans le domaine des contrats de recherche, c'est une action que nous devons
mener en étroite collaboration avec nos universités et nos
entreprises de recherche pour aller chercher la part de ces contrats
gouvernementaux qui nous revient. La situation se corrige et on espère
bien que, dans les prochains mois, cette correction sera beaucoup plus
évidente.
M. Brassard: Mme la Présidente, on peut bien tenter de
faire remonter cela à 1976-1977. Je veux bien, mais il reste que la
chute de 20 % à 10 % ne s'est pas faite en 1976-1977. Elle s'est faite
récemment, en 1985-1986. Je pense qu'il est important de le signaler: la
chute brutale s'est faite récemment. Si, pour les neuf premiers mois de
1988, la proportion du Québec s'est élevée à 13 %,
soit la valeur des contrats octroyés, il faut quand même dire
aussi qu'il y en 45 % qui sont allés à l'Ontario et 16 % à
la Colombie britannique. Cela faisait dire d'ailleurs ceci à Maurice
L'Abbé, le président du Conseil de la science et de la
technologie, dans Le Devoir et je le cite: II y a une légère
amélioration par rapport à l'an dernier, mais la Colombie
britannique, une petite province par rapport au Québec, constitue un
mystère avec plus de 16 % des contrats. Celui qui vient de faire une
profession de foi fédéraliste, je ne sais pas s'il a une
explication pour la Colombie britannique. Il peut peut-être sentir
l'appel des Rocheuses et nous dire comment il se fait que la Colombie
britannique a plus que le Québec. C'est vrai que c'est
mystérieux. 13 %, ce n'est pas encore une amélioration. Il a
raison de ne pas claironner et de ne pas plastronner, parce que ce n'est pas
encore une amélioration considérable. Il n'est pas certain, non
plus, que cela se maintienne ensuite ainsi.
Mais, est-ce que le gouvernement du Québec a fait des
démarches auprès du gouvernement fédérai pour que
la façon d'attribuer les contrats soit modifiée? L'un des motifs
invoqués par le Conseil de la science et de la technologie pour
expliquer - c'était une des principales raisons - la part minime du
Québec des contrats en recherche et développement était le
fait que plus de 70 % des contrats de recherche sont attribués sans
appels d'offres, de sorte que c'est le réseau bureaucratie
fédérale et entreprises ontariennes qui joue en faveur de
l'Ontario. Le Conseil de la science et de la technologie nous disait encore: Si
une plus grande part des contrats de recherche était attribuée
par voie d'appels d'offres, le Québec pourrait probablement mieux se
tirer d'affaire. Sur ce point précis, est-ce que le gouvernement a
entrepris des démarches pour faire en sorte qu'en matière
d'attribution des contrats la procédure d'appels d'offres soit la
procédure la plus habituelle, ce qui n'est pas le cas
présentement?
M. Rémillard: Le ministre responsable de la technologie,
M. MacDonald, est très actif dans ce dossier. Hier, je crois, il a eu
à répondre à différentes questions lors de ses
crédits. Sur ce sujet, il mentionnait que notre nouvelle approche avec
nos deux démarcheurs à Ottawa et la concertation avec le milieu
universitaire et nos sociétés impliquées en recherche
portaient leurs fruits et qu'il fallait absolument qu'on puisse établir
un plan de redressement sur plusieurs années si on voulait reprendre en
main la situation. Maintenant, avec l'Agence spatiale à Montréal,
ça va aider grandement. Sur les modalités d'attribution de ces
contrats, fi faudrait qu'on puisse se référer, de plus en plus,
à des appels d'offres formels, bien qu'il y ait toujours des
considérations d'offres qui peuvent se faire au niveau
fédéral. Souvent, ce n'est pas formel et il y a donc moins de
publicité autour de ces appels contractuels. Ce serait certainement
très intéressant que l'on puisse avoir des appels formels du
moins pour certains contrats particulièrement importants afin qu'on
puisse demander à nos entreprises de soumissionner.
C'est justement là qu'il est intéressant de voir le
rôle de nos démarcheurs, Mme la Présidente. Le rôle
de nos démarcheurs, c'est exactement ça. C'est d'être
à l'affût de tous ces contrats qui sont donnés par le
gouvernement fédéral, d'en avertir les sociétés,
les entreprises ou les universités qui sont dans ces domaines et de les
inciter à faire des offres de services pour obtenir ces contrats. Alors,
c'est dans ce but qu'a été créé ce service de
démarcheurs et c'est dans ce contexte, Mme la Présidente, que
nous continuons notre travail, parce qu'il a porté des fruits. Ces
fruits sont encore modestes, bien sûr, mais ils sont là. Cela
prouve qu'on est en train
de redresser la situation. On était en chute libre depuis
1975-1976 ou plutôt 1976-1977 et on est maintenant en voie de redresser
la situation, de maintenir le cap, pour prendre un terme spatial. Dans ce
contexte, je pense qu'on peut se réjouir des résultats qu'on a
présentement. Il faut continuer dans cette veine.
Mme la Présidente, est-ce que je pourrais demander de suspendre
quelques minutes pour quelques considérations et vous revenir
après?
La Présidente (Mme Bleau): Nous suspendons pour quelques
minutes, M. le ministre.
(Suspension de la séance à 17 h 57) (Reprise à 18 h
14)
La Présidente (Mme Bleau): Je déclare la
séance ouverte et je donne la parole au député de
Lac-Saint-Jean.
Situation du transport ferroviaire
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Comme le temps
passe vite, je vais essayer d'accélérer parce qu'il me reste deux
ou trois choses à toucher. Rapidement, sur l'abandon des lignes de
chemin de fer au Québec, quelque chose d'un peu bizarre se produit au
Canada à ce sujet. Alors que, dans l'Ouest, presque toutes les provinces
sont soustraites au mécanisme d'abandon des lignes non rentables et
qu'elles ont droit à des investissements massifs, qu'à
Terre-Neuve l'abandon d'un peu plus de 1000 kilomètres de voie
ferrée a valu une compensation de l'ordre de 700 000 000 $, ici au
Québec, c'est une politique toute différente. On a
déjà abandonné un peu plus de 1000 kilomètres du
réseau ferroviaire du Québec, on se prépare à
abandonner 1000 autres kilomètres dans les mois qui viennent et on n'a
droit à aucune compensation. Il y a une politique fédérale
en matière de chemins de fer tout à fait tortueuse, tordue,
inéquitable à l'égard du Québec. J'aimerais savoir
très simplement si le ministre sait pourquoi le principe de la
compensation qui vaut pour Terre-Neuve et ailleurs ne vaut pas pour le
Québec. Comment se fait-il que le Québec soit
considéré comme à part dans ce dossier? Comment se fait-il
qu'il n'ait pas droit à une compensation financière au même
titre que Terre-Neuve? Est-ce que c'est la clause de la société
distincte qui s'applique?
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Rémillard: Ha, ha, ha! Dans le cas que souligne le
député de Lac-Saint-Jean, il s'agit d'une situation bien
particulière. Terre-Neuve est une province canadienne depuis 1949. Elle
fut la dernière province à se joindre à la
fédération canadienne. Dans les conditions d'adhésion,
telles que négociées à ce moment-là, Terre-Neuve a
exigé que son réseau de chemin de fer soit respecté. Par
conséquent, il y a eu compensation, à cause de cette obligation
qui est dans la constitution, dans l'acte d'adhésion de Terre-Neuve
à la fédération canadienne, en 1949.
La Présidente (Mme Bleau): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: C'est donc une clause particulière
prévue lors de l'entrée de Terre-Neuve...
M. Rémillard: C'est ça.
M. Brassard: ...dans la fédération canadienne.
M. Rémillard: Dans le budget, on sait qu'il y a une
coupure de 100 000 000 $ pour Via Rail; ce n'est pas la dernière
coupure, paraît-il. Au moment où nous nous parlons, il n'y a eu
aucune décision majeure néfaste pour le Québec de la part
de l'Office national des transports. En six mois, les demandes totales
d'abandon de kilométrage sont considérables, mais il n'y a pas de
décision néfaste qui a été rendue. Le ministre des
Transports est intervenu à plusieurs reprises auprès de son
homologue fédéral pour s'assurer que le mode ferroviaire ne sera
pas discriminé au Québec par rapport aux autres modes et que le
fédéral donnera des instructions à l'Office national des
transports. On va voir ce qui va se passer dans les prochains jours, les
prochaines semaines, étant donné ce qu'on a appris, hier soir,
dans le budget concernant le transport et Via Rail.
M. Brassard: II reste que, si le Québec ne peut pas
obtenir de compensation comme c'est le cas de Terre-Neuve, pour les raisons que
vous venez de mentionner, à tout le moins, il pourrait obtenir le
moratoire qu'il réclame depuis longtemps. Le ministre des Transports du
Québec réclame un moratoire sur l'abandon des lignes ferroviaires
depuis plusieurs mois, sinon des années, sans succès. Est-ce que
vous avez l'intention d'exiger, sinon une compensation, à tout le moins
que le gouvernement fédéral réponde favorablement à
cette demande légitime de moratoire?
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Rémillard: Mme la Présidente, le dossier n'est
pas fermé. Pour le Québec, il y a eu trois ordonnances
émises par l'Office national des transports concernant l'abandon des
tronçons de Témiscamingue, de Témiscouata, et l'autre,
Danville, Charny-Richmond. Dans les trois cas, Mme la Présidente, il y a
ou il y aura appel auprès du gouverneur général en
conseil, conformément aux modalités de la loi nationale sur les
transports. Le dossier n'est donc pas fermé. C'est un dossier dans
lequel mon collègue, le ministre des Transports, est très actif,
pour faire respec-
ter en particulier les intérêts des régions qui
pourraient être touchées par l'abandon de certaines lignes de
chemin de fer. Je peux vous dire, Mme la Présidente, que c'est un sujet
qui nous préoccupe au plus haut point et que mon collègue, le
ministre des Transports, y accorde toute l'attention nécessaire.
La Présidente (Mme Bleau): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Construction d'un gazoduc reliant Sarnia à
Montréal
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. Un autre sujet,
assez rapidement, le projet de Soligaz. Il y a des mois et des mois que le
gouvernement québécois exige et réclame du gouvernement
fédéral la construction d'un nouveau gazoduc reliant Sarnia
à Montréal, pour permettre de relancer l'industrie
pétrochimique montréalaise, et faire en sorte que le projet de
Soligaz puisse voir le jour, c'est-à-dire une usine de fractionnement.
Cela entraînerait des investissements assez considérables et,
donc, la création d'emplois de façon assez notable. Cet
investissement de 150 000 000 $ du fédéral dans la construction
de ce nouveau gazoduc est important, en particulier pour l'industrie
pétrochimique montréalaise. Récemment, le président
de SOQUIP, promoteur dans le consortium Soligaz, évoquait la
possibilité que, lors du budget fédéral, on obtienne des
Indications quant à l'implication du gouvernement fédéral
dans ce projet. Malheureusement cela n'a pas été le cas, il n'y a
rien eu dans le budget là-dessus, même pas une phrase sur Soligaz
ni sur la construction d'un nouveau gazoduc reliant Sarnia à
Montréal. Compte tenu de l'importance de ce projet dans la relance de
l'industrie pétrochimique québécoise, il me semble que
c'est un dossier majeur, qui doit débloquer le plus rapidement possible.
Est-ce que le gouvernement québécois est en mesure de nous dire
aujourd'hui si le projet de Soligaz va pouvoir voir le jour bientôt et si
le gouvernement fédéral va pouvoir annoncer très
bientôt son implication et sa participation à la construction de
ce nouveau gazoduc réclamé par SOQUIP et par tous les
intervenants impliqués dans le projet Soligaz?
M. Rémillard: Mme la Présidente, Soligaz est un
projet majeur, c'est un projet qui, à lui seul, représente des
investissements directs de l'ordre d'environ 300 000 000 $. Alors, il y a
près de 200 000 000 $ qui pourraient être dépensés
pour la construction ou l'amélioration du gazoduc et, au total, en
incluant les projets qui peuvent en découler, l'investissement pourrait
facilement dépasser le milliard de dollars. Alors, c'est un projet
vraiment majeur. C'est un projet qui vise a acheminer à Montréal,
depuis Sarnia, des liquides de gaz naturel et c'est un projet qui
représente un excellent exemple des problèmes de cette industrie.
C'est un projet de développement qui est retardé depuis deux ans
en raison des discussions sur l'avenir du pipeline de Sarnia à
Montréal, du gazoduc de Sarnia à Montréal. Alors, les
questions du renversement éventuel du flux, de la transformation
sécuritaire au LGN, de la structure des prix ont fait en sorte que la
région montréalaise n'a pu reprendre la place Importante qu'elle
détenait avant les années soixante-dix dans la pétrochimie
nord-américaine.
Alors, jusqu'à tout récemment, Mme la Présidente,
le gouvernement du Québec était à peu près seul
dans la défense de ce projet, avec les promoteurs, mais là, on
peut dire que le gouvernement fédéral y est beaucoup plus
sensible. Le ministre Masse, qui avait la responsabilité de
l'énergie, s'était prononcé en faveur du projet. Alors,
cela a fait renaître le projet d'une façon très très
active et nous avons des indications à savoir que ce projet va
très bien. Ce projet va très bien. Ce n'est pas un projet qui est
facile, mais on peut dire que c'est un dossier qui fait l'objet de
représentations très intenses auprès du gouvernement
fédéral et de différents partenaires industriels.
Ce qui importe en priorité, Mme la Présidente, c'est que
les gouvernements assurent un abaissement des coûts de transport entre
Sarnia et Montréal. Alors, il nous faut pour ça une aide
fédérale d'au moins 150 000 000 $. Mais, ce que je peux dire en
terminant, Mme la Présidente, c'est que le projet Soligaz semble bien
s'orienter depuis tes quelques derniers mois et que la démarche pourrait
aboutir dans un avenir quand même pas très
éloigné.
La Présidente (Mme Bleau): Tout ça, M. le ministre,
malgré les coupures budgétaires annoncées? Vous croyez
qu'on peut quand même espérer?
M. Rémillard: II y a des projets qui gardent leur
priorité et on a de bonnes raisons de croire que, malgré les
coupures, ce projet qui est tellement important pour le développement
économique de la région métropolitaine pourrait faire
l'objet d'une priorité de la part du gouvernement fédéral.
Il l'est déjà en ce qui concerne le gouvernement du
Québec. Je peux vous dire que le ministre responsable de
l'énergie, mon collègue M. John Ciaccia, est très
présent dans ce dossier. J'ai été informé
récemment que les discussions allaient très bien.
La Présidente (Mme Bleau): Bien. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Mme la Présidente, est-ce que le ministre est
conscient que l'échéance se situe au début de mai? S'il
n'y a pas une réponse favorable dès le début de mai, il
semble que des partenaires du projet pourraient songer à remettre en
question leur participation. C'est d'autant plus inquiétant qu'une
réponse nous arrive au
mois de mai que le ministre fédéral, Jake Epp, affirme, le
25 avril 1989: Je n'ai pas de mandat pour dire si on doit aller ou non de
l'avant avec le projet. D'autre part, le président de SOQUIP, M.
Pouliot, dit: C'est un dossier qui est discuté entre les premiers
ministres. Est-ce un dossier qui est discuté entre les premiers
ministres? Cela reste à voir. Mais c'est un peu préoccupant que
le ministre Jacob Epp, du fédéral, déclare qu'il n'a pas
le mandat de dire si on doit aller de l'avant ou non avec le projet. C'est un
peu inquiétant. Est-ce que le ministre est conscient de
l'échéance du début de mai? Sinon, cela peut compromettre
le projet lui-même, en tout cas, remettre en question la participation de
certains partenaires au sein du consortium.
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Rémillard: Mme la Présidente, je dois dire que
je ne suis pas au courant de cette échéance. Je n'en ai pas
été informé. J'ai rencontré mon collègue, le
ministre de l'Énergie et des Ressources, encore récemment. On a
eu l'occasion d'en parler. Je ne suis pas au courant de cette
échéance. Ce que je sais, c'est que ce dossier est dans une phase
que je me permets de qualifier simplement d'intéressante. Cela va
plutôt bien, même assez bien. Les discussions se continuent. Je
dois dire au député de Lac-Saint-Jean que je ne suis vraiment pas
au courant de cette échéance du mois de mai.
Champ de tir et bases militaires au
Saguenay-Lac-Saint-Jean
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente. J'aurais un dernier
dossier à aborder. Il est régional, on me le permettra, c'est le
dossier du champ de tir, qui est toujours sous la responsabilité du
ministre. Deux remarques au sujet du projet de champ de tir à Implanter
pour la Défense nationale dans la région de L'Ascension, au
Saguenay-Lac-Saint-Jean. D'abord, il serait intéressant de savoir
où en sont les discussions entre les deux gouvernements relativement
à une éventuelle entente portant sur l'implantation d'un polygone
de tir, d'une part.
D'autre part, il serait aussi intéressant de savoir si cette
entente contiendra l'ensemble des limitations et des restrictions
recommandées par le rapport Bédard, et si elle comportera
également une compensation financière telle que
recommandée par la commission Bédard. (18 h 30)
Deuxième remarque. Vous savez que le gouvernement
fédéral a annoncé, dans son budget, la fermeture d'un
certain nombre de bases. Nous apprenons que, parmi les bases appelées
à fermer, il y a celle de la station de radar du Mont Apica. Cela veut
dire une soixantaine d'employés civils et plus d'une centaine
d'employés militaires à la base du Mont Apica, dans la
réserve des Laurentides. Vous le savez sans doute, mais je vous le
rappelle et je le rappelle pour la commission, que, dans le rapport de la
commission Bédard, il était clairement indiqué,
c'était très précis, qu'on recommandait une réponse
positive a la demande d'implantation d'un polygone de tir à L'Ascension,
avec un certain nombre de restrictions, de limitations et, aussi, même de
compensations, mais à la condition expresse, vous vous en souviendrez,
M. le ministre, à la condition expresse... C'était ça, le
rapport Bédard, c'était oui au champ de tir, avec des limitations
et des restrictions, mais, oui, à la condition expresse que le niveau
d'activités de la Défense nationale dans la région et que
le niveau d'emplois de la Défense dans la région soient
maintenus. Quand la commission Bédard parlait de niveau d'emplois et de
niveau d'activités, cela n'impliquait pas seulement la base
aérienne de Bagotville, mais cela impliquait aussi la station de radar
du Mont Apica. Alors, là, le gouvernement fédéral
décide de fermer le Mont Apica. Cela change la perspective parce que,
à ce moment-là, c'est une réduction substantielle du
niveau d'activités et du niveau d'emplois de la Défense nationale
dans la région. Par conséquent, la garantie exigée par la
commission Bédard pour justifier une réponse positive à la
demande d'implantation d'un polygone de tir, cette garantie étant le
maintien du niveau de d'emplois et le maintien du niveau des activités,
on sait maintenant que le gouvernement fédéral ne pourra pas nous
l'accorder. Il réduit ses emplois, il réduit ses activités
et il ferme une base.
Alors, le portrait change. D'une part, où en sommes-nous dans les
pourparlers avec le gouvernement fédéral concernant
l'implantation d'un champ de tir, sur la base du rapport Bédard, et,
d'autre part, comment réagissez-vous à la suite de la
décision du gouvernement fédéral de fermer le Mont Apica,
et donc de réduire les activités et de réduire le nombre
des emplois, ce qui affecte directement la garantie ou la condition
exigée par le rapport Bédard pour dire oui au champ de tir?
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Rémillard: Mme la Présidente, le projet
fédéral d'un champ de tir air-sol pour des avions F-18 au
Saguenay-Lac-Saint-Jean est un dossier très important pour moi,
très important, parce que c'est un dossier qui existe déjà
depuis plusieurs années. C'est en 1982 que le gouvernement
fédéral a demandé au gouvernement du Québec de lui
transférer l'administration d'un terrain d'une superficie approximative
de 130 kilomètres carrés situé dans les cantons de Jogues
et de Maltais, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en vue d'y aménager un champ
de tir air-sol. Je me suis rendu dans la région, dans un premier temps
et j'ai pris contact avec les différents intervenants. J'ai vu que les
réactions
étaient très partagées. Les gens voulaient qu'on
les rassure sur la sécurité, leur sécurité. On sait
que ces F-18 ont des problèmes. Dernièrement encore, il y a
quelques semaines, il y en a un autre qui est tombé. C'est le seuil
d'acceptabilité sur la sécurité de ces F-18. Il y en a un
autre qui vient de tomber au Manitoba. C'est le deuxième ou le
troisième qui tombe au Manitoba.
Alors, Mme la Présidente, il faut tout d'abord s'assurer de la
sécurité. Il faut s'assurer de la protection de l'environnement
et il faut s'assurer du développement économique de la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'étaient nos trois
préoccupations dans ce dossier. Dans ce contexte, étant
donné les circonstances que nous avons vues, des ministres
fédéraux qui voulaient absolument mettre ça en application
et qu'on cède tout de suite le terrain pour qu'on procède
immédiatement, comme le ministre Benoît Bouchard, d'autres qui
étaient plus réservés qui ont dit: Attention, il ne
faudrait pas le faire à n'importe quelle condition, il ne faudrait pas
céder à quelque pression que ce soit et se retrouver ensuite
Gros-Jean comme devant, alors, face à cette situation, j'ai
demandé à une éminente personnalité de la
région, non seulement de la région, mais du Québec, M.
Marc-André Bédard, ancien Procureur général du
Québec, de présider un groupe de travail qui a fait le point en
tenant des audiences publiques. Ces gens ont fait un travail remarquable et je
voudrais les en remercier, remercier M. Bédard, remercier tous les
membres de cette commission qui ont fait un travail remarquable et qui m'ont
produit un rapport, au mois d'août, en fonction de ces trois objectifs
que nous avions: sécurité des gens, protection de l'environnement
et développement économique.
Comme le député de Lac-Saint-Jean le mentionnait fort bien
tout à l'heure, ils ont émis des conditions importantes. Tout
d'abord, ils ont bien mentionné, à la page 101, que le
gouvernement du Québec devrait regarder avec le gouvernement
fédérai s'il n'y a pas un autre site possible, s'il n'y a pas un
site alternatif avant d'accorder ce site situé dans les cantons de
Jogues et de Maltais, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Mais, ensuite, il fallait
respecter certaines conditions. Comme le député de Lac-Saint-Jean
le mentionnait tout à l'heure, une de ces conditions était,
premièrement, le maintien de l'emploi des bases militaires de Bagotville
et du Mont Apica. C'est une condition importante, Mme la Présidente, et
je me permets d'insister parce que, justement, le gouvernement
fédéral nous disait: Si vous n'acceptez pas ce champ de tir, on
va être obligés de fermer peut-être bien la base de
Bagotville, peut-être bien celle du Mont Apica parce qu'on ne peut plus
se permettre de faire pratiquer nos avions ici, à L'Ancienne-Lorette.
C'est trop loin. Cela coûte trop cher et ça va nous causer des
problèmes pour maintenir notre base à Bagotville. On ne peut rien
vous confirmer, mais on peut vous dire que ça peut nous créer des
difficultés pour maintenir ces bases. Cela faisait réagir la
population, Mme la Présidente, et avec raison quand on sait
l'Implication que peuvent avoir, au point de vue économique, ces bases
militaires importantes de Bagotville et du Mont Apica. Le rapport Bédard
est fondé sur un principe de base: le gouvernement fédéral
doit s'engager à maintenir l'activité militaire économique
qui existe présentement, au moins ça.
Là, j'ai appris d'une façon informelle que, en fait, le
gouvernement fédéral, dans la suite du budget, prévoyait
fermer la base située au Mont Apica. Je peux vous dire, Mme la
Présidente, que ça vient changer les conditions du jeu. Comme
ministre, et c'est la même chose pour le député de
Lac-Saint-Jean, on doit voir aux intérêts de la région. On
n'est pas demandeurs dans ça. C'est le gouvernement
fédéral qui veut venir établir son champ de tir. Pour la
population, ça peut signifier des inconvénients. La population
était prête à subir ces inconvénients de par la
consultation qu'on a eue, mais pas à n'importe quel prix. Elle a dit:
Attention, vous allez maintenir l'activité économique. Vous allez
aussi nous donner certaines conditions. On se souvient des montants qui
étaient établis dans le rapport Bédard, les 500 000 $,
entre autres, qui pouvaient aller sur la protection de l'environnement et le
développement des espaces verts de la région et le
développement économique de la région.
Mais, Mme la Présidente, je n'ai pas la nouvelle officiellement,
mais, tout à l'heure, j'ai reçu un appel
téléphonique d'Ottawa m'informant, non officiellement, qu'on
envisageait de fermer la base du Mont Apica. Dans ces conditions, je dirais que
c'est venir changer les règles du jeu en ce qui regarde le
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce qui me surprend d'autant plus, Mme la
Présidente, c'est que j'ai reçu une lettre, la semaine
dernière, de M. McKnight, ministre de la Défense nationale. Il
m'écrit et me dit qu'il est prêt à s'asseoir pour
négocier avec nous sur la base du rapport Bédard. Il me dit qu'il
a étudié ça et qu'il est d'accord avec ce que contient ce
rapport, dans ses grandes lignes. Donc, on veut s'asseoir et négocier
avec nous. Quelques jours après - ça reste à être
confirmé, Mme la Présidente, mais selon les informations que j'ai
à ce moment-ci - on m'arrive et on me dit qu'on ferme la base du Mont
Apica. Pour ma part, ma réaction est très simple. Là
encore, si on avait suivi ce que certains ministres fédéraux de
la région voulaient faire, on se retrouverait Gros-Jean comme devant. Si
c'est confirmé, je dis bien toujours si c'est confirmé
officiellement, Mme la Présidente, il faut réaliser qu'en prenant
cette décision le gouvernement fédéral vient de changer
les règles du jeu parce que, pour nous, on a eu une commission qui a
été formée, qui a fait un travail remarquable. Toute la
population s'est dite d'accord avec ce rapport et le gouvernement
fédéral aussi. Le ministre de l'Environnement maintenant, M.
Lucien Bouchard, s'est dit
d'accord avec ce rapport. Tout le monde s'est dit d'accord avec ce
rapport et, tout à coup, je reçois une lettre du ministre
McKnight me disant qu'il est prêt à négocier.
Mme la Présidente, il y a quelques semaines, je lisais dans les
journaux les déclarations du ministre Benoît Bouchard qui disait:
Dites à M. Rémillard d'aller faire ses devoirs, de prendre ses
responsabilités. Bien oui, c'est beau, ça. Cela voudrait dire que
c'est nous qui sommes demandeurs dans ce cas. On n'est pas demandeurs, Mme la
Présidente. Les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce qu'ils veulent,
c'est avoir un développement économique, mais, le champ de tir,
ils ne l'ont pas demandé comme tel. Ils l'ont demandé parce que
ça peut avoir un impact économique. Mais si on vient diminuer
l'impact économique que ça peut avoir, je ne suis pas sûr
que la population répondra comme elle a répondu lorsque le
comité Bédard l'a consultée, parce que les conditions sont
tout à fait différentes.
Mme la Présidente, pour ma part, si la fermeture de la base du
Mont Apica est confirmée - je peux vous dire qu'on est en train
d'étudier ça, on va l'étudier très
sérieusement -il y a une condition du rapport Bédard qui vient de
sauter et ça mérite une analyse sérieuse.
M. Brassard: Mme la Présidente, vous voyez comme je suis
objectif. Je ne suis pas toujours opposé à vos remarques et
à vos positions. Là-dessus, je m'entends fort bien avec vous. M.
le ministre, si on ferme la base du Mont Apica, on change et on modifie de
façon substantielle les règles du jeu. Partant de là,
êtes-vous prêt à vous engager à ce qu'il n'y ait pas
de négociation sur l'implantation d'un champ de tir tant et aussi
longtemps que le gouvernement fédéral, comme le recommandait
expressément la commission Bédard, n'aura pas pris un engagement
ferme relatif au maintien du niveau des emplois et du niveau des
activités de la Défense dans la région? Sinon, comme vous
le dites, c'est une modification substantielle des règles du jeu
à l'origine et, à ce moment-là, ça ne justifie pas
l'amorce de négociations avec un gouvernement qui ne respecte pas la
condition de base qui était exigée par la commission
Bédard, c'est-à-dire le maintien du niveau des emplois et du
niveau des activités. Êtes-vous prêt à dire au
gouvernement fédéral: On négociera à partir du
moment où j'aurai, de votre part, un engagement ferme que le niveau des
emplois et le niveau des activités seront maintenus dans les deux bases
existantes?
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Rémillard: Mme la Présidente, il est clair que
pour nous le mandat que nous avons de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean
pour la représenter dans cette négociation est fondé sur
cette exigence, à savoir que le fédéral doit maintenir le
niveau économique au moins actuel.
Reste à voir s'il va confirmer officiellement la fermeture de la
base du Mont Apica. Reste à voir ce qu'il veut faire aussi à
Bagotville. Le principe, c'est le maintien, au moins au niveau actuel, de
l'activité économique, de l'activité militaire...
M. Brassard: Sinon, pas de négociation.
M. Rémillard: Sinon les conditions sont
complètement changées. Par conséquent, il va falloir
étudier la situation de près, mais je ne me sens pas
mandaté pour venir négocier sur quelque chose qui ne serait pas
conforme aux principes qu'on retrouve dans le rapport Bédard, puisque le
rapport Bédard a été fait en consultation avec la
population et que la population a dit oui au rapport Bédard. Comme
ministre responsable de ce dossier, je ne vois pas comment je pourrais aller
négocier autre chose que ce qui peut se retrouver comme principes dans
le rapport Bédard. Si on ferme la base du Mont Apica et qu'on augmente
Bagotville d'une certaine façon, il faudrait apprécier, voir ce
qui peut se passer, et voir tous les éléments autour de ça
pour qu'on puisse vraiment respecter le principe qu'il faut que le niveau
économique de la région soit maintenu quant aux bases
militaires.
M. Brassard: Merci, Mme la Présidente.
Adoption des crédits
La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que le programme 4 du
ministère du Conseil exécutif est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): J'ajourne les travaux jusqu'au
mercredi 3 mai 1989.
(Fin de la séance à 18 h 48)