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(Quinze heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des institutions est ouverte. Il me fait plaisir de
constater que nous avons plus que le quorum. Voici notre mandat: étudier
les crédits budgétaires du ministère du Conseil
exécutif, les programmes 1 et 2, pour l'année financière
1989-1990.
Je demande à notre secrétaire, Me Giguère,
d'annoncer les remplacements, s'il y a lieu.
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Godin
(Mercier) est remplacé par M. Boulerice (Saint-Jacques) et M. Kehoe
(Chapleau) par Mme Hovington (Matane).
Le Président (M. Filion): Les parlementaires autour de
cette table sont familiers avec les règles et les ententes
régissant la répartition du temps de parole, etc. Je vous
rappellerais cependant qu'il y a une enveloppe de quatre heures trente, selon
mes informations, qui est prévue pour cette étude, donc de 15 h
30 à 20 heures.
J'inviterais le premier ministre et le chef de l'Opposition, s'ils le
jugent à propos, à faire leurs remarques
préliminaires.
M. le premier ministre.
Discussion générale
M. Bourassa: Pour gagner du temps, M. le Président, je
n'ai pas de remarques préliminaires à faire. M. le chef de
l'Opposition aura des questions à me poser.
M. Chevrette: Pour permettre au premier ministre d'avoir beaucoup
de réponses à donner, vous comprendrez que je n'en ferai pas. M.
le Président, ce que je voudrais cependant proposer comme je l'ai fait
l'an passé, c'est qu'on aborde différents sujets, plutôt
que d'y aller élément par élément ou programme par
programme et qu'à la fin, vous me posiez la question pour l'adoption
globale. On pourra ainsi vider certains dossiers en commençant, bien
sûr, par celui du lac Meech.
Le Président (M. Filion): À ce moment-là
j'appellerai simplement les programmes 1 et 2 du Conseil exécutif et je
vous laisse, M. le chef de l'Opposition, à vos premières
questions.
Accord du lac Meech
M. Chevrette: J'ai peut-être une question brève pour
permettre au premier ministre de satisfaire la presse en général,
parce qu'il n'a pas eu la disponibilité malheureusement pour le faire.
J'aimerais lui demander ce qu'il pense de la démission de M. Turner dans
les circonstances et c'est peut-être la relation avec le lac Meech. On
verra s'il fait un lien et si cela l'encourage ou le décourage.
M. Bourassa: J'apprécie hautement l'occasion que me donne
)e chef de l'Opposition, mais j'ai rencontré les médias
d'information...
M. Chevrette: Ah, vous l'avez fait?
M. Bourassa: ...il y a quelques minutes. Mais cela me permet de
répéter à l'occasion de la discussion sur les
crédits que même si le départ de M. Turner n'était
pas une surprise, il reste que c'est toujours triste de voir partir quelqu'un
qui a fait preuve d'un courage et d'une dignité assez exceptionnels dans
des circonstances qui étaient loin d'être faciles. Ce courage, je
l'ai apprécié comme premier ministre du Québec, dans son
appui à l'accord du lac Meech.
M. Chevrette: Est-ce que vous considérez maintenant, sur
le lac Meech comme tel, avec la position de M. Wells de Terre-Neuve
nouvellement élu, avec la position toujours assez constante de M.
McKenna, avec la position que prend M. Filmon en disant: Tant et aussi
longtemps qu'il n'y aura pas d'élections, il n'est pas question qu'on
revienne avec une proposition sur la table... D'ailleurs, on nous dit que dans
les audiences publiques là-bas, il y a du mange-Québécois,
du mange-francophone à la tonne. Quand on pense également aux
libéraux fédéraux ontariens qui se sont réunis en
fin de semaine en Ontario, on connaît la position des
néodémocrates de l'Ouest. Comment analyse-t-il
présentement la situation dans laquelle on se trouve par rapport
à l'entente du lac Meech?
M. Bourassa: Je répondrai brièvement tantôt
aux médias à cet égard. Ce que je retiens, c'est
qu'après presque deux ans, personne n'a été capable de
trouver une faille majeure dans l'accord du lac Meech. Donc, je trouve que si
l'on n'a pas été capable de mettre en relief une faiblesse de
l'accord, je ne vois pas pourquoi cet accord ne serait pas ratifié. Il
peut y avoir des périodes de bavardage qui sont inévitables
durant trois ans. Mais il reste que si l'on regarde les cinq demandes du
Québec, elles étaient toutes très raisonnables par rapport
aux demandes précédentes. Il reste quatorze mois pour convaincre
deux gouvernements de respecter, si je peux dire, la parole de leur
prédécesseur, même s'ils ne sont pas tenus de respecter la
parole de leur prédécesseur, ils ont un mandat électoral
différent. Il reste quand même que le premier ministre du Manitoba
avait apposé sa signature le 3 juin 1987, de même que le premier
ministre du Nouveau-Brunswick. Donc, je demeure confiant.
M. Chevrette: Mais M. Wells dit bien que s'il n'y a pas
d'amendement à l'entente actuelle proposée, I les menace
même de retirer son appui législatif.
M. Bourassa: Je ne crois pas qu'on en soit là. Je pense
que M. Wells admet volontiers qu'il a d'autres priorités actuellement.
Il le dit publiquement. Alors, je dois dire au chef de l'Opposition que je
demeure encore relativement confiant, s'il y avait une alternative
politiquement applicable ou politiquement réaliste. Mais l'alternative
au refus du lac Meech, qu'est-ce que c'est? Tous ceux qui, actuellement,
argumentent très fortement pour la réforme du Sénat savent
fort bien que si le lac Meech n'est pas ratifié, la réforme du
Sénat est remise aux calendes grecques. Tous ceux qui argumentent sur la
question des droits des autochtones, c'est la même chose. On sait que le
Québec était absent de la dernière conférence
fédérale-provinciale sur les autochtones parce que j'ai
refusé de m'y rendre - le chef de l'Opposition s'en souvient - parce que
le Québec ne faisait pas partie de la constitution canadienne. J'ai
refusé de m'y rendre et on n'a pas été capable d'adopter
l'amendement qu'on recherchait.
Je crois que quand les provinces vont se rendre compte que le rejet des
demandes modérées et raisonnables du Québec veut dire le
gel de toute réforme constitutionnelle sérieuse, j'ai
l'impression qu'elles vont y penser deux fois.
M. Chevrette: Sachant qu'il y a au moins une couple de provinces
qui veulent des amendements - on a l'Alberta, par exemple, qui recherche un
amendement sur le Sénat, précisément, à très
court terme - sachant que M. Wells veut aussi un amendement, actuellement,
avant de donner son adhésion, quelle sera la position du premier
ministre du Québec lors de la rencontre des premiers ministres des
provinces d'abord en août? Le premier ministre du Québec va-t-il
réaffirmer son désir de voir ratifier exclusement l'entente
actuelle et sans ouvrir, sur quelque modification que ce soit, ou est-ce que le
premier ministre voulant absolument obtenir une ratification de quelque entente
que ce soit, va ouvrir la porte à quelques amendements qui feraient
supposément l'unanimité?
M. Bourassa: Comme vous dites, supposément
l'unanimité. Mais moi, je ne vois pas comment - la question du chef de
l'Opposition me permet de mettre cela en relief aussi - on peut reprendre le
processus de la ratification par onze gouvernements. Cela veut dire que si l'on
accepte des amendements qui pourraient, d'une façon miraculeuse,
recueillir l'assentiment de onze gouvernements dans quelques semaines, si, par
pure hypothèse, on acceptait de faire des amendements, c'est qu'il
faudrait retourner devant les Parlements, avec des débats, des
commissions parlementaires, des audiences publiques, il y a deux ou trois
provinces qui exigent qu'il y ait: des audiences publiques; il y aurait
probablement une élection, il y en a toujours une ou deux par
année, avec un nouveau gouvernement qui dirait: Moi, je n'étais
pas partie à ces amendements, j'ai été élu pour en
avoir d'autres. Il faudrait recommencer un autre trois ans, à ce
moment-là, cela reporte la ratification à 1993. Il est fort
plausible que entre-temps, un autre gouvernement voudrait faire un autre
amendement reportant la ratification en 1996, etc. C'est pour cela que je dis
qu'il n'y a pas d'alternative réaliste. Si Ton reporte la discussion,
quand on parle d'accord parallèle, pourquoi le gouvernement du
Québec s'entête-t-il à refuser les accords
parallèles? Tout simplement pour des raisons de bon sens politique,
parce que si l'on accepte un accord parallèle, cela veut dire qu'on
repart à zéro avec la nécessité d'une ratification
dans tous les Parlements. Cela a pris trois ans pour en arriver à
l'accord du lac Meech, est-ce qu'on peut penser d'une façon
réaliste que cela va prendre quelques mois pour en arriver à un
autre accord? Est-ce que les différents gouvernements vont tous
s'entendre sur fa façon de réformer le Sénat? Depuis 1867,
on n'est pas arrivé à cela.
Alors ce n'est pas réaliste de penser qu'on peut avoir un accord
parallèle, et qu'il n'y aura pas d'autres changements qui seront
demandés par la suite.
M. Chevrette: Donc, je comprends que vous ne modifierez nullement
votre tir, vous allez exiger la ratification de l'entente telle quelle, et
c'est dans cet esprit que vous allez participer aux deux conférences,
à savoir la conférence provinciale, d'abord, qui réunira
les dix premiers ministres en août et la conférence
fédérale-provinciale, en septembre, qui réunira le premier
ministre canadien et les dix provinces.
M. Bourassa: La conférence du mois d'août n'est pas
une conférence constitutionnelle, c'est une conférence des
premiers ministres...
M. Chevrette: Mais vous n'êtes pas pour aller là, en
septembre, sans prendre position, je suppose.
M. Bourassa: Sauf que la conférence de septembre, le chef
de l'Opposition a raison, même si ce n'est pas une conférence
constitutionnelle, elle va porter essentiellement sur l'accord du lac Meech et
sur la façon de le faire ratifier.
Quand j'ai discuté avec mes collègues premiers ministres,
je ne peux pas dévoiler ce qu'ils disaient, mais je leur ai dit: On va
prendre les cinq conditions du Québec une par une. Est-ce que c'est
exagéré de demander la société distincte?
Déjà, dans les articles 92, 93, 94, 23 de la constitution, on
parle du Québec comme
d'une société, où l'on traite le Québec
d'une façon distincte. Dans le Code civil, et à l'article 23 de
la constitution, dans le cas de l'éducation, un autre exemple, l'article
133; dans la constitution, au moins à une demi-douzaine d'endroits, on
traite déjà le Québec comme une société
distincte. Est-ce exagéré de demander au Canada de
reconnaître le Québec comme étant une société
distincte alors que déjà, dans le document constitutionnel, il
est reconnu comme tel? Est-ce exagéré que dans les secteurs de
compétence totalement provinciale, on demande aux provinces d'avoir le
choix de certaines modalités? Est-ce exagéré de demander
au Canada anglais que dans des compétences exclusivement provinciales,
dans les modalités, on puisse avoir la flexibilité?
M. Chevrette: Ce n'est pas exagéré, M. le premier
ministre, c'est insuffisant, et vous le savez très bien.
M. Bourassa: Laissez-moi terminer, on fera l'autre débat.
Est-ce que c'est exagéré de demander au Canada anglais que
l'immigration...
M. Chevrette: Ce qui est exagéré, c'est de ne pas
en avoir demandé ou d'en avoir demandé si peu.
M. Bourassa: ...assez. Vous allez leur dire.
M. Chevrette: C'est ça qui est exagéré de
votre part. Avoir une clause de société distincte et ne pas avoir
les pouvoirs de se distinguer sur ce même papier, cela ne donne pas
grand-chose, cela fait rire tous les constitutionnalistes. On a les
éléments de distinction fondamentaux, mais on n'a pas les
pouvoirs. Dans le domaine linguistique, vous le savez très bien, nous
sommes obligés de recourir à une clause dérogatoire pour
venir à bout de nous protéger, parce que vous vous êtes
refusés, comme gouvernement, d'introduire dans la constitution
l'exclusivité des pouvoirs pour le Québec
précisément afin de se distinguer comme société
distincte, comme société fondamentalement différente des
autres, par sa culture, par sa langue. Vous n'avez pas voulu comme
gouvernement. C'est cela qui est exagéré, que vous n'ayez pas
été capable...
M. Bourassa: Mais c'est seulement pour...
M. Chevrette: ...d'exiger les pouvoirs confirmant sa distinction
précisément, pour se distinguer.
M. Bourassa: Si je comprends bien le chef de l'Opposition, c'est
que le chef de l'Opposition québécois dit au Canada anglais qu'il
devrait ratifier l'accord du lac Meech au plus vite parce que nous avons
été trop raisonnables.
M. Chevrette: Si je vous disais que ce n'est pas là ma
pensée, je ne vous surprendrais pas. Je vous dirai...
M. Bourassa: Non, mais elle a pu être
interprétée comme cela.
M. Chevrette: ...qu'il serait très heureux que le
Québec recouvre son rapport de forces qu'il a perdu à cause de la
mollesse et du peu d'exigences qu'on a eues lors des négociations. Il
serait très souhaitable que le Québec recouvre tout son rapport
de forces, surtout quand on est rendu à 25 %, 30 % ou 40 % d'anglophones
qui nous font savoir: Vous n'êtes pas fiers, "flaillez" donc. À
toutes fins utiles, c'est le message qu'on nous passe un peu partout. On leur a
demandé, imaginez-vous, une clause comme société distincte
sans exiger le pouvoir de se distinguer. Cela fait un peu quétaine. Vous
êtes beaucoup en faveur, vous, de l'unité canadienne et vous avez
écrit à votre collègue, M. Wells, dès son
élection. Cela m'a fait sourire un peu. Le gouvernement que je
représente - c'est vous qui parlez, j'espère qu'on vous a
montré votre communiqué - apprécie particulièrement
votre souci de l'unité nationale. Vous parlez à M. Wells qui a
fait toute son élection contre le lac Meech et vous lui dites: Le
gouvernement que je représente apprécie particulièrement
votre souci de l'unité nationale et il est convaincu que votre
gouvernement agira dans le sens des intérêts fondamentaux de la
Fédération canadienne. Ou vous vouliez rire de lui, ou vous
étiez complètement ignorant du sujet ou de l'objet même de
l'élection à Terre-Neuve, lequel des deux? (15 h 45)
M. Bourassa: C'est un souhait que j'émettais.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Ce n'est pas un souhait, vous affirmez. Le
gouvernement que je représente apprécie. C'est une
appréciation que vous portez et non pas un souhait que vous formulez.
Vous dites: Apprécie. Vous jugez. Vous appréciez que M. Wells ait
un souci terrible et soutenu pour l'unité nationale. Comme il travaille
dans les intérêts fondamentaux de la Fédération
canadienne. Est-ce que vous considérez que la position de M. Wells,
telle qu'exprimée au cours de toute la campagne électorale, va
dans le sens de vos aspirations face à l'entente du lac Meech?
M. Bourassa: Je voudrais seulement noter d'abord, pour ce qui a
trait au rapport de forces: là-dessus, je pense qu'on n'a pas
gagné de points quand vous avez négocié en 1981.
M. Chevrette: Non?
M. Bourassa: Non, la question...
M. Chevrette: On va s'en parler.
M. Bourassa: ...du droit de veto, quand le gouvernement a
signé, le 16 avril, la formule... On parle de fa réforme du
Sénat, il y avait le droit. On avait, si ma mémoire est bonne...
C'est quand vous avez admis la formule 7-50 sur la réforme du
Sénat que le problème s'est posé. Donc, ce que je puis
vous dire c'est que là-dessus, nous ne croyons pas avoir perdu notre
rapport de forces puisque les cinq demandes du Québec pour
réintégrer la constitution canadienne, même si elles
s'appliquent également au Québec, ont été
acceptées à un moment donné, alors que dans votre cas,
vous le savez, les demandes n'ont pas été acceptées, que
vous vous êtes même fait imposer une limitation constitutionnelle
dans le domaine linguistique avec l'article 23. Je ne sais pas si vous avez des
conseillers constitutionnels avec vous, des conseillers juridiques, mais vous
vous êtes fait imposer - donc, comme rapport de forces, ce n'était
pas fameux - une limitation constitutionnelle dans le domaine linguistique avec
l'article 23, ce que nous ne nous sommes pas fait imposer comme
gouvernement.
Donc, il y a eu là un recul des pouvoirs constitutionnels du
Québec sous votre gouvernement. Voilà.
M. Chevrette: Qu'est-ce que vous avez fait sur l'article 23?
M. Bourassa: Non. C'est sur l'article 23 dans votre cas, non.
M. Chevrette: Quelle demande avez-vous faite, vous, sur l'article
23?
M. Bourassa: Au sujet de l'article 23, j'ai dit très
souvent que normalement cela devrait faire partie de la deuxième ronde
de négociation, mais il reste qu'il y a eu...
M. Chevrette: Deuxième ronde.
M. Bourassa: Si nous sommes obligés d'y revenir, c'est
parce que vous vous êtes fait imposer cette limitation.
M. Chevrette: On n'a pas accepté de signer, puis le droit
de veto, vous savez très bien...
M. Bourassa: Non.
M. Chevrette: Cela, c'est une cassette qui devrait commencer
à être usée. Le droit de veto, vous le savez très
bien, la cour a dit qu'on ne l'a jamais eu. Tout le monde a dit ça, sauf
vous, qui vous obstinez dans votre cassette bien préparée
à dire: On a perdu le droit de veto sous la vigne péquiste.
M. Bourassa: Non, non.
M. Chevrette: On ne l'a jamais eu. On ne l'a jamais eu.
M. Bourassa: Ce qui est arrivé, je le dis au chef de
l'Opposition, c'est que le gouvernement du Parti québécois a
accepté, dans un document signé par lui, d'éliminer le
droit de veto, parce qu'il y avait un droit de veto au moins politique. En
1971, il y avait un droit de veto politique. Là, vous avez
accepté, alors que le Québec demandait toujours le droit de veto,
la formule 7-50 sur, par exemple, l'adhésion de nouvelles provinces, sur
la réforme du Sénat. C'était grave d'accepter la formule
7-50 sur la réforme du Sénat. À ce moment-là, vous
acceptiez une formule qui pouvait, encore une fois, réduire les pouvoirs
du Québec. Oui, et là, je veux mettre cela en relief pour le chef
de l'Opposition. En acceptant la formule 7-50 sur la réforme du
Sénat, comme vous l'avez fait le 16 avril 1981, vous vous trouviez
à rendre la position du Québec vulnérable,
c'est-à-dire que sept provinces, représentant 50 % de la
population, et c'est le cas actuellement, si cela a été
imposé au Québec, c'est que vous aviez accepté cette
partie, vous pouviez avoir une réduction des pouvoirs du Québec
sans l'accord du Québec. C'est un fait. Le chef de l'Opposition n'a qu'a
vérifier l'accord qui a été signé le 16 avril 1981.
Donc, dans ce contexte, il fallait essayer de reprendre le droit de veto, ce
qu'on a fait, et de réparer, si je puis dire, l'injustice qui avait
été commise par l'imposition unilatérale du rapatriement
de la constitution.
M. Chevrette: Je vous rappellerai un commentaire de M. Gil
Rémillard, que vous connaissez assez bien, qui est dans votre propre
cabinet, qui dit que le droit de veto du Québec n'a jamais
existé. Donc, premier commentaire...
M. Bourassa: Ce que je dis au chef...
M. Chevrette: ...et je tiens à vous le dire parce que vous
revenez là-dessus et je trouve que comme aiguille, ça commence
à grincer.
M. Bourassa: Non, mais on sait fort bien que je n'ai pas
été le seul à reprocher cela au Parti
québécois, non seulement le Parti libéral, mais tous les
experts constitutionalistes. Par exemple, dans ce que vous avez signé le
16 avril 1981, dans la formule constitutionnelle, je demande au chef de
l'Opposition, est-il fait mention de la société distincte au
Québec? Vous ne l'avez pas mentionné à ce moment, je
sais...
M. Chevrette: Bon, je pourrais peut-être expliquer au
premier ministre ce qu'était la formule proposée par M.
Lévesque.
M. Bourassa: Le gouvernement, M. Lévesque n'était
pas tout seul.
M. Chevrette: II obtenait dans les faits, vous le savez
très bien, par la formule de Topting oui", qu'il proposait sur
l'ensemble de tout ce qui se faisait au niveau canadien, la
souveraineté-association. Vous le savez pertinemment, je n'ai pas de
dessin à vous faire. Vous savez très bien que lorsqu'on est
capable d'administrer nos propres programmes et qu'en plus, on reçoit
une compensation pour le faire, on maîtrise absolument tout. Vous le
saviez.
M. Bourassa: II n'y avait pas la souveraineté-association
dans la formule.
M. Chevrette: Dans les faits oui. Au niveau du contrôle
économique, contrôle de ses programmes sociaux, il s'en venait
avec beaucoup plus, alors que vous, dans votre parti... vous lirez le livre
beige de votre collègue, M. Ryan, par exemple, sur
l'assurance-chômage, on pourra en parler tantôt, vous allez
voir...
M. Bourassa: Page 97.
M. Chevrette: Vous allez vous rendre compte... j'ai
remarqué que vous avez une bonne mémoire pour les chiffres, mais
j'ai hâte que vous reteniez le contenu des numéros...
M. Bourassa: Vous allez voir...
M. Chevrette: C'est ça qui va peut-être être
important. Je vais vous lire un court passage, parce que vous aimez
ça... Vous avez le numéro des pages. Connaissez-vous la page 166
de Gil Rémillard? Savez-vous ce qu'il dit?
M. Bourassa: C'est un des meilleurs volumes...
M. Chevrette: Un des meilleurs volumes? Qu'est-ce qu'il dit
à la page 166, au milieu?
M. Bourassa: J'aime mieux vous entendre le citer.
M. Chevrette: Je suis convaincu que vous vous rapellerez toujours
la page 166. Ce que le Québec croyait avoir perdu avec le rapatriement,
la Cour suprême canadienne lui apprenait qu'il ne l'avait jamais
possédé, dixit Gil Rémillard. Là ce n'est pas
Chevrette, et ce n'est pas un péquiste qui parle, c'est un
libéral qui l'a dit. Je ne vois pas pourquoi vous vous obstinez pendant
qu'on passe quatre heures à l'étude des crédits à
se faire dire qu'on avait un droit de veto qu'on n'a jamais eu.
M. Bourassa: Vous avez abandonné ce droit de veto qui
était demandé par le Québec, vous avez
abandonné...
M. Chevrette: On ne peut pas abandonner quelque chose qu'on n'a
pas, M. le premier ministre, à moins d'être complètement
désabusé.
M. Bourassa: On l'avait, je l'avais exercé en 1971.
M. Chevrette: En 1971, vous vous étiez retiré de
Victoria quand on ne vous a pas donné votre souveraineté
culturelle. On ne répètera pas tout ce qui s'est dit à
Victoria. Cela pourrait vous rappeler quelques mauvais souvenirs de votre
sortie.
M. Bourassa: Cela fait un bout de temps.
M. Chevrette: Je ne voudrais pas être trop malin
aujourd'hui. Cela me tenterait, par exemple. Durant la préparation des
rencontres, est-ce que vous avez des contacts avec vos collègues des
autres provinces? Est-ce que des négociations se font? Est-ce que des
lobbyistes travaillent?
M. Bourassa: Lobbyistes...
M. Chevrette: Cela ne me surprendrait pas, vous êtes fort
là-dessus.
M. Bourassa: Je rencontre, à l'occasion, des premiers
ministres. Pour ceux qui ont donné leur accord, il n'y a pas de
problème, aucun problème. On n'en discute pas. Pour eux, c'est
acquis, c'est réglé. Ils ont signé, ils respectent leur
signature. Ni M. Vander Zalm, ni M. Getty, ni M. Devine, ni M. Peterson, ni M.
Ghiz, ni M. Buchanan, ne remettent en cause l'appui qu'ils ont apporté
à l'accord du lac Meech. M. McKenna, on souhaite qu'il ratifie l'accord
du lac Meech. C'est à lui à décider, mais on espère
que finalement il va se rallier. M. Filmon est dans une situation plus
difficile parce que son gouvernement est minoritaire.
M. Chevrette: C'est clair, il annonce à qui mieux mieux
qu'il ne ramènera plus le sujet avant les prochaines
élections.
M. Bourassa: Oui, sauf que, il y a quelques mois, il trouvait que
l'accord du lac Meech devait être adopté. Si vous lisez le
discours de M. Filmon, lorsqu'il a déposé la résolution
pour l'accord du lac Meech, vous allez constater qu'il appuyait l'accord du lac
Meech, alors je souhaite qu'il revienne à...
M. Chevrette: Cela fait à peine quoi, un an qu'il a
été eu?
M. Bourassa: En avril, bon, oui.
M. Chevrette: Cela fait à peine un an qu'il a
été élu et il est en position minoritaire. On ne
prévoit pas d'élections avant 1990.
M. Bourassa: Sauf que le nouveau parti démocratique, sur
le plan national, est favorable à l'accord du lac Meech. M. Broadbent,
qui en est le chef, n'a pas retiré son accord à l'entente du lac
Meech. Alors je vous ai dit tantôt...
M. Chevrette: NPD, dans l'Ouest, ce n'est pas le cas.
M. Bourassa: Je vous parle du parti fédéral.
M. Chevrette: Je comprends, mais je ne suis pas certain. Ce n'est
pas parce que M. Broadbent dit quelque chose que toutes les provinces suivent.
Vous en avez eu connaissance en fin de semaine au NPD surtout, donc ne prenez
pas ça comme exemple.
M. Bourassa: Vous voulez signaler, par la bande,
l'élection d'un de vos anciens attachés politiques comme chef du
NPD Québec?
M. Chevrette: Je n'ai pas voulu le signaler par la bande. J'ai
voulu vous signaler officiellement que ce n'est parce qu'un chef
fédéral...
M. Bourassa: C'est normal que vous manifestiez de la
reconnaissance à quelqu'un qui a travaillé avec vous dans les
années difficiles, dans l'Opposition.
M. Chevrette: C'était loin d'être des années
difficiles, nous étions au pouvoir en 1976, pauvre vous.
M. Bourassa: Je comprends encore davantage.
M. Chevrette: Je ne vois pas où vous allez. Nous
étions au pouvoir la première et la deuxième année,
une partie de la deuxième.
M. Bourassa: Tant mieux.
M. Chevrette: Donc, vous n'avez pas de position autre que de dire
que vous allez tenir carrément à l'adoption intégrale,
autant en août qu'en septembre, de la position du Québec.
M. Bourassa: Je ne vois pas comment le Québec pourrait
prendre une position différente sans remettre en cause le succès
de cette entente conditionnelle. Si on admet de discuter en accord
parallèle, on repart à zéro. À ce moment-là,
on compromet fatalement l'accord constitutionnel.
M. Chevrette: Si vous aviez à renégocier, ne
pourriez-vous pas, pour une fois, d'une façon claire et précise,
aller chercher les pouvoirs clairs et précis qui nous asssurent cette
distinction? Vous semblez attaché à la clause de
société distincte. N'aimeriez-vous pas avoir l'occasion de donner
un sens réel à cette clause de société distincte,
en allant chercher et réclamer à grands cris les pouvoirs qui
nous assureraient précisément cette distinction?
M. Bourassa: La position du Québec - et je veux rester
fidèle à la position du Québec - a toujours
été: Nous ne sommes pas d'accord avec le rapatriement
unilatéral, nous ne sommes pas d'accord qu'une province voie ses
pouvoirs réduits sans son consentement; c'est ce qui est arrivé
en 1982. Que le gouvernement soit pé-quiste ou libéral, nous
considérions et nous considérons comme inacceptable qu'une
province vole ses pouvoirs réduits. C'est contre l'esprit de la
fédération canadienne qu'une province se fasse enlever des
pouvoirs sans son consentement.
Nous avons dit, en 1985: Nous sommes prêts à
réintégrer la constitution canadienne pour réparer cette
injustice si nos cinq demandes sont acceptées. C'est notre position, et
on garde la même, celle qu'on avait il y a trois ans. Ces demandes ont
été acceptées et on espère que, finalement, le
respect de notre engagement vis-à-vis du Canada anglais et
vis-à-vis des Québécois aboutira à la ratification
de l'accord du lac Meech. (16 heures)
Clause "nonobstant"
M. Chevrette: M. le premier ministre, vous avez assisté,
depuis quelques mois, à toute la discussion autour de la clause
"nonobstant". Vous avez vous-même, à plusieurs reprises,
valsé allègrement avec ce mot. Tantôt c'était
indispensable, c'était inconcevable qu'on puisse vous l'enlever,
tantôt vous étiez prêt un peu à la négocier,
tantôt vous ouvriez des portes, tantôt vous les fermiez;
c'était assez intéressant de vous voir aller.
M. Bourassa: Merci.
M. Chevrette: Pour quelqu'un qui portait le Jugement voulant que
vous n'avez jamais été branché, ça lui donne
raison. Là, vous retirez vos remerciements, je suppose. Je vous
demanderais, à titre de premier ministre, de me commenter ceci: Le
bilinguisme est reconnu comme une caractéristique fondamentale de
l'accord du lac Meech, et il pourrait avoir préséance sur la
société distincte. Vous vous rappelez avoir dit ça le 17
avril 1989? Comment pouviez-vous dire ça, avec l'accord du lac Meech,
déclarer aussi catégoriquement que la clause avait
priorité sur l'accord du lac Meech? Il a fallu attendre pratiquement que
votre nouveau porte-parole linguistique vous dise carrément:
Arrête donc de parler - parce qu'il était poli - de la clause
"nonobstant" comme quelque chose qui doit disparaître ou pas. Vous savez
que c'est indispensable puisque, vous-même, vous dites que ça peut
avoir préséance sur la société distincte. Comment
conciliez-vous vos propos?
M. Bourassa: M. le Président, je m'étonne un peu de
la question du chef de l'Opposition, parce qu'à plusieurs reprises, en
Chambre, avant qu'il ne se réveille soudainement, à la suite
d'une manchette d'un journal, le 4 avril, quand le chef de l'Opposition, d'une
façon fort opportune, le lendemain du discours du trône
fédéral, m'a posé une question: Êtes-vous d'accord
pour renégocier la clause "nonobstant"? J'ai dit: II n'en est pas
question, la clause "nonobstant" est un outil fondamental de la protection
culturelle. Après l'accord du lac Meech, on pourra voir, la loi 178 est
bonne pour cinq ans. J'ai répété la même chose le 11
avril en citant M. Wochrling en conférence de presse, j'avais
cité Marcel Adam. Je pourrais citer également Jacques-Yvan Morin.
Je ne sais pas si vous vous souvenez que Jacques-Yvan Morin, parce que je sais
que le chef de l'Opposition a fait une colère quand j'ai dit qu'on
pourrait exiger, dans le cas de la Charte des droits et libertés, les
deux tiers. Il en a presque perdu, pour reprendre une de ses expressions - il
avait employé cette expression à mon endroit, quand j'avais
rencontré M. Bouthillier - les "quételles", une colère
épouvantable parce que j'osais dire que dans le cas de la Charte des
droits et libertés, on pourrait possiblement considérer comme
modalité le fait que les deux tiers soient nécessaires.
Savez-vous que Jacques-Yvan Morin...
M. Chevrette: Je vais vous dire tout de suite que ce n'est pas
ça qui m'a mis en fusil.
M. Bourassa: Laissez-moi terminer. Vous pourrez le dire
tantôt.
M. Chevrette: Ce sont des basses négociations
stratégiques pour aller chercher un anglophone qui représente une
caution pour vous.
M. Bourassa: C'est de la pure spéculation.
M. Chevrette: Voyons. Regardez la caricature de Girerd. Elle est
très explicite et elfe vaut mille mots.
M. Bourassa: Maintenant, ce sont les caricatures qui guident le
chef de l'Opposition.
M. Chevrette: II y en a qui essaient d'étudier le cas des
autres. Il y en a d'autres qui s'inspirent de...
M. Bourassa: Ce n'est pas rassurant. S'il se laisse guider par
les caricatures, je suis inquiet pour lui dans son comté.
M. Chevrette: Je trouve que ça forme un bon jugement
vis-à-vis de vous.
M. Bourassa: Ce que je peux lui dire, ce que j'ai dit à ce
moment-là, c'est qu'il y avait des experts constitutionnels, M.
Wochrling, des analystes politiques réputés, M. Adam, des experts
constitutionnels, Jacques-Yvan Morin qui ont déjà, ça fait
un certain temps, dit qu'étant donné que la Charte des droits et
libertés est une loi fondamentale, je ne suis pas sûr qu'ils ne
parlaient pas des trois quarts au lieu des deux tiers dans le débat sur
la Charte des droits et libertés. Soudainement, le chef de l'Opposition,
son successeur, puisque M. Jacques-Yvan Morin a été chef de
l'Opposition lui aussi, M. Lévesque n'avait pas été
élu dans son comté mais ce n'est pas le seul à qui cela
arrive, c'est M. Jacques-Yvan Morin qui avait été chef de
l'Opposition. Donc, son prédécesseur le disait lui-même.
J'ai simplement dit, en réponse aux questions du chef de l'Opposition,
qu'on pourrait, au bout de cinq ans, examiner des modalités. Où
est le péril? Je ne comprenais pas la colère du chef de
l'Opposition là-dessus.
M. Chevrette: M. le Président, je vais lui expliquer une
colère rétroactive. Voici ce qu'on a découvert, le 4
avril, et il se le rappellera. Il avait d'abord répondu que "certains
disaient que", qui était-ce? C'étaient "certains" dans son
entourage, prétendait-il. Ce qu'on a découvert, c'est que
c'était lui qui était en train de négocier. Les autres
provinces canadiennes ne le demandaient même pas. C'était lui qui
négociait avec un démissionnaire de son Conseil des ministres et
c'est ça. Si vous voulez l'explication exacte de la colère, c'est
que je n'aurais jamais pensé que le premier ministre du Québec
aurait cherché, par négociations à l'intérieur
même du Parlement québécois, sans que d'autres premiers
ministres des autres autres provinces canadiennes demandent d'atténuer
la portée même de la clause dérogatoire qui
représente le seul outil, pour le moment, pour protéger notre
langue. C'était lui qui était en train de négocier, non
pas avec les autres provinces, non pas avec le gouvernement central, mais pour
rapatrier au plus vite une caution pour calmer l'élément
anglophone québécois. C'était ça. C'est ça
qui a été l'origine de ma colère. Si vous n'avez pas
compris ça, M. le premier ministre, moi aussi je m'interroge pour
Saint-Laurent mais non pour Joliette, cette fois-ci. "Equality Party".
M. Bourassa: Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que ses
affirmations sont tout à fait gratuites.
M. Chevrette: Non, c'est vous qui l'avez dit.
M. Bourassa: S'il n'avait pas posé la question, on
n'aurait pas parlé de modalités à discuter dans cinq ans.
C'est lui qui m'a posé la question, le 4 et le 11 avril. Donc, puisque
c'est lui qui a posé la question sur la discussion, comment peut-il
prétendre qu'il y avait des négocations secrètes? C'est de
la pure spéculation, des affirmations totalement injustifiées
et
gratuites.
M. Chevrette: M. le Président, je vais rectifier les faits
tels qu'ils se sont déroulés.
M. Bourassa: Soudainement, iI a vu un article de Journal...
M. Chevrette: Non.
M. Bourassa: ...puis il a dit: Ah! c'est épouvantable!
Quelle horreur! Et en Chambre, il a fait une colère sur cette
réponse. Je crois, M. le Président, que le chef de l'Opposition,
cette fois-là, s'est choqué pour rien. Tout ce que j'ai fait,
c'est de répondre à des questions en citant des experts comme son
prédécesseur, M. Jacques-Yvan Morin.
M. Chevrette: Je pense que j'ai bien fait de me fâcher.
Vous avez arrêté d'en parler et vous vous êtes fait mettre
à l'ordre...
M. Bourassa: Non, vous avez arrêté...
M. Chevrette: ...par votre propre ministre: II ne faut pas
toucher au "nonobstant", a dit M. Ryan, quelques jours après ma crise.
Là, vous avez compris que vous ne pouviez plus tergiverser sur cela, M.
le premier ministre. Vous ne pouviez plus commencer à négocier
avec les démissionnaires. Vous vous êtes dit: Qu'est-ce qu'il
faudrait que Je fasse pour atténuer la portée de ce qui existe
dans la loi 178, avec l'utilisation du "nonobstant" pour le dehors par rapport
au dedans? Là, M. Ryan vous a indiqué clairement: II ne faut pas
toucher au "nonobstant". Tout ce que je vous disais, c'est que vous n'aviez pas
le droit et je prétends toujours que vous n'avez pas le droit, à
mon point de vue, sans vous faire appuyer par le Parlement, de négocier
à rabais pour des fins stratégiques et partisanes. C'est ce que
je vous ai dit.
M. Bourassa: M. le Président, d'abord, le chef de
l'Opposition déforme complètement les paroles...
M. Chevrette: Pas du tout.
M. Bourassa: ...du ministre de l'Éducation.
M. Chevrette: Bien...
M. Bourassa: Le ministre de l'Éducation...
M. Chevrette: II est entre guillemets. Je le cite au texte,
voulez-vous?
M. Bourassa: Non. Le ministre de l'Éducation parle
à cette occasion - c'est probablement lors de l'étude des
crédits - de négociations distantes qui pourraient avoir lieu.
Quand même, je parle de 1993. Ce ne sont pas des négociations
à court terme. Le chef de l'Opposition déforme
complètement les paroles du ministre de l'Éducation qui
était tout à fait d'accord pour qu'on puisse considérer
comme ça, quand le moment du renouvellement sera venu, l'examen de
modalités. Je ne vois pas pourquoi, cinq ans à l'avance, on
fermerait la porte à un examen de modalités. On ne met en cause
en aucune façon le principe de la clause "nonobstant". Je l'ai dit
très souvent. Je l'ai toujours répété. Tout le
monde est d'accord là-dessus, du moins dans le Parti libéral.
Mais tout ce qu'on dit, à la suite des propositions qui sont faites par
des experts, c'est que dans cinq ans, on ne fermera pas la porte à un
examen sur le plan des modalités. Il n'y a aucune espèce de
contradiction entre les membres du gouvernement, que ce soit le ministre de la
Justice, le ministre de l'Éducation ou celui qui vous parle.
M. Chevrette: M. le premier ministre, c'est vous-même qui
avez négocié avec les démissionnaires. Vous ne l'avez
même pas nié, la journée où je vous ai posé
des questions. C'est vous-même qui avez indiqué que vous pouviez
apporter des souplesses alors que, préalablement, vous aviez dit que
c'étaient d'autres gens qui parlaient de ça. Là, c'est
vous-même qui en parliez. C'est vous qui recherchiez des adoucissements
pour tâcher de calmer vos troupes à l'intérieur.
C'était clair.
M. Bourassa: C'est évident.
M. Chevrette: À partir de ce fait, on vous a dit
clairement: Écoutez, j'espère que vous allez faire primer les
intérêts du Québec sur les intérêts partisans
internes. Le ministre de l'Éducation a compris et, quelques jours
après, il a dit... C'était lors de son passage au Devoir,
en passant, et non pas à l'étude des crédits. Il est
allé voir son ancien alma mater, iI est allé dire aux gens qu'il
y avait là et, d'une façon certaine, c'était... Vous savez
de quel bois se chauffe votre ministre. C'est quasi des encycliques chaque fois
qu'il parle. Il a dit: Le gouvernement ne doit pas toucher à la clause
dérogatoire "nonobstant", ni remettre en cause le consensus linguistique
établi par la loi 101 tel que modifié par la loi 178 de
décembre dernier. Je pourrais continuer.
M. Bourassa: Je trouve que...
M. Chevrette: Cela a été clair, ce n'est pas...
M. Bourassa: ...le chef de l'Opposition se moque encore du
ministre de l'Éducation.
M. Chevrette: Je ne me moque pas de lui.
M. Bourassa: II parle d'encyclique sur un ton dérisoire.
Je pense que, M. le Président...
M. Chevrette: Je ne me suis jamais servi de la main de Dieu et...
On court des fois après nos caricatures.
M. Bourassa: Bon, encore! Il renchérit encore. Il le
traite maintenant de la main de
Dieu. Vous n'avez pas le droit de vous moquer du ministre de
l'Éducation comme cela, surtout quand vous essayez de le citer.
M. Chevrette: Seigneur Jésus! Vous n'êtes pas
capable de vous empêcher de rire. Cela n'est pas vu parce qu'il n'y a pas
de caméra ici...
M. Bourassa: Oui, il y en a deux.
M. Chevrette: ...mais on peut au moins dire à la presse
que vous vous bidonnez au moment où vous dites ces mots. Cela dit, je
voudrais revenir à la clause "nonobstant". Avez-vous discuté avec
le premier ministre canadien, par exemple, à la suite de ses propos en
ce sens qu'il considérait la clause "nonobstant" comme un
gâchis?
M. Bourassa: Je vais simplement dire au chef de l'Opposition que
j'ai des conversations assez fréquentes avec le premier ministre du
Canada, c'est normal. On a beaucoup de dossiers. Je ne peux pas
révéler le contenu des conversations privées. D'ailleurs,
le chef de l'Opposition aussi a rencontré le premier ministre du Canada,
je pense; c'était dans le journal Le Soleil en mars 1988 ou 1987.
M. Chevrette: C'était le 17 mars vers 14 h 36. La
prochaine fois, vous serez plus précis.
M. Bourassa: J'ai vu l'article disant qu'il avait
rencontré le premier ministre dans une somptueuse suite du Château
Frontenac.
M. Chevrette: "Somptueuse", dans la piscine du motel
Universel.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Revenons au sérieux. Est-ce que vous avez
discuté avec le premier ministre de son intention de peut-être
présenter lui-même des amendements, s'il considère que
c'est un gâchis? Est-ce que vous avez senti sur le plan canadien qu'il y
avait ce désir?
M. Bourassa: Tout ce que je puis dire, c'est que ce que M.
Mulroney m'a dit en privé au sujet de cette question, il l'a dit
publiquement à la Chambre des communes.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre, après avoir
négocié avec M. Lincoln pour que celui-ci réintègre
possiblement la formation politique, pourrait nous garantir aujourd'hui qu'il
n'ira jamais quémander un adoucissement de la clause "nonobstant" et
qu'il refusera toute demande émanant d'une autre province allant dans le
sens d'atténuer la portée de la clause "nonobstant" ou encore de
la faire disparaître carrément et qu'il ne se servira jamais de
cet argument pour récupérer les démissionnaires?
M. Bourassa: M. le Président, je ne comprends pas la
pertinence de la question du chef de l'Opposition. J'ai dit clairement,
c'était dans les journaux, le jeudi 13 avril, si ma mémoire est
bonne, dans La Presse et Le Soleil, qu'il n'était pas question d'amender
la loi 178, c'est-à-dire que la clause "nonobstant" s'appliquerait
jusqu'au 23 décembre 1993: Comment peut-il prétendre que je
négocie avec d'ex-collègues du Conseil des ministres des
événements qui pourraient arriver après 1993? Il y a deux
élections qui nous séparent de ce moment. Comment peut-il
sérieusement prétendre que je vais discuter avec des
collègues et dire: On va être élus la prochaine fois? Cela
semble assez probable, quoique on ne sait jamais en politique; il faut
être prudent. Mais il reste qu'on a de bonnes chances d'être
élus. Qu'arrivera-t-il en 1993? On le verra. Peut-être qu'à
ce moment-là, le chef de l'Opposition sera ambassadeur, je ne sais pas,
à quelque endroit, avec ses liens bien connus d'amitié avec qui
de droit. Mais comment peut-il prétendre qu'une négociation est
plausible, alors que les discussions ne peuvent sérieusement se
faire...
M. Chevrette: Peuvent sérieusement se faire...
M. Bourassa: ...d'une façon concrète,
qu'après deux élections? C'est pour cela que je dis que la
colère qu'a faite le chef de l'Opposition m'a étonné et un
peu attristé.
M. Chevrette: Ne parlons plus de colère, parlons
réellement du contenu. Est-ce que vous avez discuté avec M.
Lincoln, par exemple, du fait suivant? Vous-même, vous avez parlé
d'une législation québécoise, vous limitant à
utiliser "nonobstant", par exemple, peut-être durant trois ans au lieu de
cinq. Ce n'est pas changer la clause "nonobstant" fédérale pour
autant, mais vous pourriez, sur une base législative, contraindre le
gouvernement du Québec à aller négocier tous les trois ans
au lieu de cinq, même si le fédéral nous permet d'aller
à cinq. Cela pourrait être une contrainte. Est-ce que vous avez
l'intention de continuer à tergiverser en ce sens ou de garder le
respect intégral de la clause "nonobstant" fédérale qui
nous oblige à renouveler notre proposition tous les cinq ans?
M. Bourassa: C'est ce que j'ai dit. J'ai été clair
là-dessus. Je ne comprends pas pourquoi le chef de l'Opposition me pose
la question. J'ai dit dans une conférence de presse, notamment...
Je l'ai dit à plusieurs reprises, Je me souviens. Une question
avait été posée par M. Michel David, du Soleil,
à Rivière-du-Loup, si ma mémoire est bonne, et j'ai
dit à ce moment-là... Je pourrai vous le trouver d'ici la fin, je
ne sais pas si on va aller jusqu'à 18 heures ou 19 heures; je demande
à mes gens de retrouver la citation, c'est dans le journal. J'ai dit: La
loi 178 ne sera pas amendée, c'est pour cinq ans. AJors, quand je vois
le chef de l'Opposition faire tout un tintamarre pour une chose qui ne pourra
être discutée, concrètement, pas à la prochaine
élection ni à la suivante, mais après ça, je veux
dire que... (16 h 15)
M. Chevrette: Donc, il n'est pas question de limiter la
durée de la clause "nonobstant" au Québec avec 1993. C'est
ça que vous dites?
M. Bourassa: C'est ce que j'ai dit clairement. Je suis heureux de
constater que le chef de l'Opposition va maintenant me faire des excuses pour
la colère qu'il a faite, mais j'ai bien dit - c'était dans tous
les journaux et cela a été commenté assez durement dans la
presse anglophone - que je n'offrais pas une ouverture tellement importante,
que l'ouverture était assez mince, c'est le moins qu'on puisse dire, et
j'essaie d'embellir les propos de la presse anglophone à mon endroit. Je
proposais simplement que, après l'adoption de la loi 178, l'extension -
a ce moment-là, où est le péril - après l'autre
élection qui suit la prochaine, on pourrait examiner les
modalités proposées par votre prédécesseur,
Jacques-Yvan Morin. Je ne comprends pas tout le brouhaha...
M. Chevrette: Non, mais peut-être qu'il parlait comme vous.
C'était peut-être une position théorique, parce que vous,
de temps en temps, vous avez une position théorique et une position
pratique.
M. Bourassa: Et vous?
M. Chevrette: Moi, je voudrais savoir pratiquement si vous allez
cesser de négocier avec les démissionnaires quant à la
clause "nonobstant". C'est clair et net qu'on doit tenir pour acquis que vous
n'avez pas l'intention de présenter dans le menu législatif ou
quoi que ce sort un amendement qui viserait à réduire la
portée, quant à la longueur du temps, à limiter les cinq
ans, à obliger le gouvernement du Québec à se restreindre
à trois ans ou à deux ans. Ce que vous venez de dire, c'est que
vous ne toucherez jamais à ça avant 1993.
M. Bourassa: Mais, c'est ce que j'ai dit.
M. Chevrette: Ce n'est pas ce que vous avez dit, mais c'est ce
que vous dites aujourd'hui.
M. Bourassa: Oui, M. le Président...
M. Chevrette: Donc, on va prendre aujourd'hui.
M. Bourassa: ...je peux le répéter pour faire
plaisir au chef de l'Opposition. Il sait que, pour lui faire plaisir, je suis
prêt à faire beaucoup de choses. Je peux le lui
répéter aujourd'hui, mais c'est toujours ce que j'ai dit, et
c'est pour ça que l'interprétation qui a été faite
de mes propos de la part du Canada anglais était assez négative
parce que, finalement, je n'ai jamais remis en question l'application de la loi
178. C'est pour ça que, quand le chef de l'Opposition invoque Le
Devoir, un article sur le ministre de l'Éducation, à la suite
d'une interview, il se trouve à mal l'interpréter, étant
donné que ceci n'a jamais été remis en question, et je
démontrerai d'ici à la fin de notre rencontre, par les reportages
qui rapportaient exactement ce que je viens de dire au chef de l'Opposition,
donc pour conclure, qu'il ne peut pas sérieusement y avoir des
négociations avec des députés...
M. Chevrette: Est-ce que premier ministre...
M. Bourassa: ...au sujet d'une chose qui va arriver dans quatre
ans et demi.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre peut nous dire s'il
y avait le début d'une deuxième ronde de négociations
constitutionnelles - en 1991, c'est possible - s'il est prêt à
garantir aux Québécois qu'il n'ira pas quêter d'amendements
qui pourraient diminuer la portée et la durée de la clause
"nonobstant"?
M. Bourassa: M. le Président, je dois encore
répondre au chef de l'Opposition que, tant que la loi 178 n'est pas
modifiée, et je n'ai pas l'intention de la modifier.
M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse, ce n'est pas
la question que je pose au premier ministre, et il le sait très bien. On
n'est pas à la période de questions où, après trois
questions, il faut se tanner parce que le monde nous trouve ennuyants. Quand
bien même ça me prendrait une heure, vous allez répondre
à ma question, je suis sûr de ça. Je demande au premier
ministre... Je ne parle pas de la loi 178, oubliez-la 30 secondes. On va se
placer en situation: il y a la Charte des droits et libertés, il y a une
clause qui s'appelle "nonobstant", et on peut déroger à la
constitution canadienne. Je veux savoir si dans votre... Là, vous m'avez
répondu que, sur le plan législatif, vous n'iriez pas
jusqu'à contraindre le Parlement à forcer le gouvernement du
Québec à diminuer la portée, soit par la longueur ou par
d'autres motifs... Comme deuxième question concernant la clause
"nonobstant", telle qu'elle existe, advenant qu'il y ait une deuxième
ronde de négociations sur le plan constitutionnel,
allez-vous toucher ou non à cette clause?
M. Bourassa: M. le Président, je n'aurai pas le mandat
pour le faire, parce que je n'ai pas l'intention, avant la prochaine campagne
électorale, de modifier la position du gouvernement là-dessus.
Donc, je ne sais pas si je réponds à la question du chef de
l'Opposition. Pas encore?
M. Chevrette: Vous avez répondu que, jusqu'en 1993, en ce
qui vous concernait, vous ne toucheriez pas à la clause "nonobstant",
par rapport à la loi 178. Je vous ai dit: Par rapport à une
deuxième ronde constitutionnelle - ça peut venir avant 1993 -
avez-vous l'intention d'aller quémander des amendements à la
baisse quant à la clause "nonobstant"?
M. Bourassa: Je réponds là-dessus, M. le
Président, que ça ne fait pas partie de la position du
gouvernement actuellement et que je n'aurai pas de mandat à la prochaine
élection.
Nous prenons pour hypothèse que toute la discussion du chef de
l'Opposition repose sur la réélection du Parti libéral, si
je comprends bien.
M. Chevrette: Hypothétiquement, vous avez raison. Vous
avez bien dit, par exemple, que tout arrive. Ce que je vous ai dit, c'est que
ce serait juste une pelure de banane qui vous aiderait à glisser plus
vite, parce que vous avez bien répondu: Actuellement, je n'ai pas le
mandat. Mais vous pourriez tout aussi bien faire comme vous avez fait
vis-à-vis des anglophones québécois aux dernières
élections. Avez-vous avez promis le bilinguisme intégral, comme
engagement électoral, oui ou non?
M. Bourassa: Ah non!
M. Chevrette: Vous leur avez promis le bilinguisme
intégral dans l'affichage, ne dites pas le contraire, ou bien tous les
anglophones québécois sont des malades, ils ne savent pas lire;
ou bien tous les francophones qui ont lu votre programme sont malades
également, et ce n'est pas vrai. Vous avez promis le bilinguisme
intégral dans l'affichage et vous ne le leur avez pas donné. Ce
que je vous dis, c'est que vos promesses, surtout avec votre expression: Vous
savez, moi, les discours avant et les discours après, je vous avoue que
je suis un peu sceptique quand vous me répondez, M. le premier ministre.
C'est pour cela que j'essaie d'avoir la réponse, y compris non seulement
dans le thème électoral, parce que pour cela ne je ne vous crois
pas, mais sur le plan constitutionnel. Vous pouvez aller vous asseoir là
et demander de diminuer la portée de la clause. Je vous demande si c'est
votre intention.
M. Bourassa: D'abord, concernant l'affaire du discours avant, du
discours après, on sait que je faisais allusion aux coupures que vous
avez faites dans les salaires de la fonction publique.
M. Chevrette: Non, non.
M. Bourassa: Parce qu'avant l'élection...
M. Chevrette: Non, à 7 h 22, le 22 novembre, à
CKAC, à la suite des élections, l'animateur et moi étions
branchés ensemble et vous ne le saviez pas. J'ai écouté
exactement toute votre entrevue, parce que j'étais interviewé
immédiatement après vous, et vous avez carrément dit: Vous
savez, même si tel chef politique dit ça avant, on sait ce qu'il
pourra dire après. Ne me dites pas que ça fait
référence aux coupures, pas une minute, pas trente secondes.
M. Bourassa: M. le Président, quand j'ai
parlé...
M. Chevrette: Je me rappelle les dates et les heures de temps en
temps.
M. Bourassa: Le 21 novembre, oui, je ne sais pas si
c'était avant le résultat de Terre-Neuve... De toute
façon, quand j'ai parlé, M. le Président...
M. Chevrette: Vous ne le saviez pas, parce que vous avez dit: II
y a peut-être des résultats qui vont sortir. Je peux vous
répéter tout ce que vous avez dit.
M. Bourassa: Quand j'ai parlé de cela, c'était
à Winnipeg, quand on me parlait de M. Trudeau.
M. Chevrette: C'est la première fois que vous en avez
parlé.
M. Bourassa: M. Trudeau avait fait son élection en 1974
contre le contrôle de l'inflation et, après l'élection, on
sait qu'il avait établi le contrôle de l'inflation. Alors, on
parlait d'un prédécesseur de M. Turner concernant le
libre-échange. C'est ce que j'avais dit à ce moment-là. On
pourrait citer le cas des coupures de 20 % en 1980, avant l'élection, et
après le discours sur le budget également. Ce que je veux dire,
M. le Président, d'abord en ce qui a trait au bilinguisme
intégral, c'est que ce n'est pas la promesse qui a été
faite. On parie de respect, la non-prohibition dans le respect des droits de la
majorité francophone. C'est le texte du programme, et ce n'était
pas nouveau, ce n'est pas Robert Bourassa qui a été le premier
à faire cette promesse, cela faisait partie du programme du Parti
libéral en 1977, quand j'avais quitté, et ce fut repris en 1981.
Donc ce n'est pas une promesse personnelle, mais je l'ai endossée
évidemment. Mais je l'ai endossée dans le respect des droits de
la majorité francophone et, plus que ça, au mois de novembre,
dans une interview à la Gazette, j'avais dit qu'on devait
tenir
compte de l'harmonie sociale dans l'application de cette promesse. Alors
qu'on ne dise pas que j'ai fait une promesse...
M. Chevrette: Comment se fait-il qu'ils ont si mal compris cela?
Expliquez-moi donc, ils n'ont pas de degré de
réceptivité?
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition a assez d'expérience
politique pour que Je n'aie pas besoin de lui répondre. On sait que la
question linguistique est émotive.
M. Chevrette: Ce n'est pas ce qui a été
véhiculé, en tout cas. Ce qui a été
véhiculé comme engagement, c'est l'affichage intégral
bilingue.
M. Bourassa: Je dis ce qui a été dit et
écrit. Ce n'est pas moi qui véhicule les choses, ce sont les
médias d'information, et je n'admettrai pas que le chef de l'Opposition
s'en prenne aux médias d'information cet après-midi.
M. Chevrette: II n'y a pas de danger. Des voix: Ha,ha, ha!
M. Chevrette: Ils sont aussi brillants que nous pour dire que
vous l'avez bel et bien charrié dans tous les comtés anglophones,
et partout où I y avait un tant soit peu un pourcentage d'anglophones,
c'était clair que cet engagement ressortait: Nous, nous vous donnerons
l'affichage bilingue. N'essayez pas de nous endormir non plus et n'essayez pas
de dire que j'attaque la presse, elle a été le fidèle
reflet de ce que vos porte-parole et vous-même véhiculiez sur le
terrain. C'est clair et net. Et je ne prends pas les anglophones pour des
concombres qui ne comprennent rien, au contraire, ils ont très bien
compris le message, et c'est pour ça que la colère et la
déception dans le milieu anglophone sont aussi profondes; c'est parce
qu'on les a leurrés, on les a dupés, c'est clair.
M. Bourassa: Ah oui? Si je comprends bien, on aurait dû
respecter notre programme?
M. Chevrette: Vous auriez dû... Quand on prend des
engagements électoraux, on doit être responsable au moment de la
prise de l'engagement, et c'est là que vous avez été
irresponsable. Vous saviez que c'était irréalisable à
cause du climat social que ça créerait. Vous l'avez quand
même fait en campagne électorale, sachant que vous ne pourriez pas
le réaliser par la suite. C'est là qu'est
l'irresponsabilité. Elle est totale sur le plan linguistique. Vous
n'avez jamais été capable de dégager un consensus un tant
soit peu majoritaire dans le domaine linguistique. C'est bien connu depuis
1970. Concrètement, l'irresponsabilité la plus grande a
été au moment de la prise de l'engagement. C'était clair,
vous le saviez très bien au moment où vous l'avez pris. Vous
aviez vécu les problèmes de la loi 22. Vous aviez assez de
leçons pour ne pas vous embarquer dans un pareil guêpier une
deuxième fois, il me semble. Vous l'avez fait quand même, M. le
premier ministre.
M. Bourassa: Je dis au chef de l'Opposition que j'ai
mentionné pendant la campagne électorale, au journal The
Gazette, que je devais tenir compte de l'harmonie sociale. Ne dites pas que
ça a été une promesse inconditionnelle.
M. Chevrette: Je ne dis pas que c'est inconditionnel. Vous avez
véhiculé l'engagement de votre parti d'accorder le bilinguisme
dans l'affichage.
M. Bourassa: Oui, mais j'ai émis la réserve de
l'harmonie sociale; que je ne pouvais pas m'engager à le faire appliquer
sans en tenir compte...
M. Chevrette: Est-ce à dire que vous ne voyiez pas venir
avant, M. le premier ministre, la réaction de la majorité
francophone québécoise? Est-ce que vous êtes en train de me
dire que vous n'aviez pas, comme premier ministre, analysé les
répercussions possibles des francophones québécois? Est-ce
à dire que vous n'aviez pas prévu que toutes les forces vives
organisées et structurées au Québec, syndicats, Mouvement
national des Québécois, Société nationale des
Québécois, UPA... Vous n'aviez pas vu venir ce beau monde qui
fait front commun sur le plan linguistique depuis la loi 62, qui existe et qui
est plus fort que jamais? Est-ce que vous êtes en train de me dire que
vous véhiculiez le bilinguisme dans l'affichage en présumant que
tout le monde ferait le mort au Québec si vous arriviez avec l'affichage
bilingue? Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de me dire?
M. Bourassa: Non, M. le Président. Ce que je dis au chef
de l'Opposition c'est qu'il y a eu des gestes d'ouverture par le gouvernement
précédent vis-à-vis de l'affichage bilingue. Je dois vous
dire que si nous considérons la proposition que M. René
Lévesque lui-même a faite au sujet du bilinguisme dans les
quartiers résidentiels par rapport à la loi 178...
M. Chevrette: Qu'il a retirée trois jours après
l'avoir faite, M. le premier ministre. Vous le savez. Dites-le aussi.
M. Bourassa: M. le Président, c'est écrit dans son
volume, et je n'ai vu nulle part ailleurs qu'il retirait ce qu'il avait
écrit dans son volume. C'est écrit formellement dans ses
mémoires. Je peux donner la page s'il veut que je sois plus
précis.
M. Chevrette: 163.
M. Bourassa: 129, je crois. Il faisait lui-même cette
ouverture vis-à-vis de l'affichage bilingue dans les quartiers
résidentiels.
M. Chevrette: Vous vous trompez de 40.
M. Bourassa: Je pense bien que M. Bouthillier n'a pas
été convaincu par cette proposition de M. Lévesque. Il ne
faut quand même pas oublier les gestes d'ouverture qui ont
été faits de part et d'autre, et par M. Gérald Godin, et
par M. Lévesque, et de notre côté également.
M. Chevrette: Sur le plan linguistique, puisqu'on y est, vous
savez très bien, M. le premier ministre, que vous avez
créé un climat de non-respect de la loi 101. Aujourd'hui, on se
promène dans Montréal, on entre dans les restaurants, on n'est
même pas capable de se faire servir en français, les compagnies
d'assurances nous répondent en anglais, sachant que vous êtes non
seulement tolérant, mais que c'est du laisser-aller total. Vous n'avez
pas présumé 30 secondes que votre attitude pouvait créer
le climat social qui s'est créé depuis l'avènement de la
loi 178? Quand vous avez dit aux anglophones québécois durant la
campagne électorale, en novembre 1985... Vous alliez leur dire: Je suis
pour le bilinguisme dans l'affichage pour autant que le climat social ne soit
pas dérangé. C'est comme ça que vous le leur avez
présenté? Cela n'a pas de sens.
M. Bourassa: Que je ne pouvais pas....
M. Chevrette: Vous n'avez pas présumé 30 secondes
que le climat québécois, qui est la stabilité sur le plan
social qu'on a connue durant dix ans avec la loi 101... Vous n'avez pas
présumé 30 secondes, quand vous vous promeniez dans les milieux
anglophones québécois, que ça pouvait être
brisé quand vous preniez l'engagement devant eux de leur donner
l'affichage bilingue?
M. Bourassa: Quand vous avez vous-même établi
l'affichage bilingue, dans 70 000 commerces, ça n'a pas
créé de remous.
M. Chevrette: Vous savez pertinemment que les 70 000 commerces
dont vous parlez... D'ailleurs c'est faux.
M. Bourassa: Vous pouviez le promettre, mais pas nous? (16 h
30)
M. Chevrette: C'est carrément faux, M. le premier
ministre. Je veux vous démentir royalement là-dessus.
M. Bourassa: Royalement!
M. Chevrette: C'est faux, ce que vous dites, et vous le savez. Je
vais vous expliquer pourquoi. Dans les 70 000 commerces de quatre
employés et moins, il y a peut-être 80 % de ces 70 000 commerces
qui sont francophones et qui n'ont absolument, en aucune façon,
affiché dans une autre langue; c'est peut-être bien 90 %, à
part ça, mais vous vous plaisez à parler de 70 000
commerces...
M. Bourassa: Où c'est permis.
M. Chevrette: ...qui ont reçu la
bénédiction...
M. Bourassa: Où c'est permis.
M. Chevrette: C'était permis dans une autre langue pour
les commerces qui comprennent quatre employés incluant le patron, vous
le savez très bien; c'était pour des commerces familiaux de coin
de rue pour certaines communautés. Vous le savez très bien, alors
que les 28 000 commerces de quatre employés et plus jusqu'à 50,
auxquels vous avez vous-même permis ça, ça déborde
de beaucoup, toutes proportions gardées. Vous venez de permettre
l'anglicisation. Ce n'est pas de commune mesure et ce n'est nullement
comparable. Ce n'est pas le dépanneur du coin, quatre employés et
plus jusqu'à 50.
M. Bourassa: Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que son
raisonnement est: Nous l'avons accordé à 70 000 petits commerces
mais, finalement, c'était applicable peut-être pour 10 % à
15 %. Mais nous, on ne pourrait pas dire la même chose pour 26 000
commerces de 5 à 50 employés; nous, on ne peut pas. Eux, ils
peuvent dire que la permission qu'ils donnent est limitée à 10 %
à 15 % des commerces; nous, on ne peut pas appliquer le même
principe pour l'extension, et je ne suis pas sûr... Je m'adresse au
président qui est un éminent juriste...
M. Chevrette: Oui, et il va vous dire que ça ne
résiste pas à l'analyse, votre affaire...
M. Bourassa: Laissez-moi lui poser une question!
M. Chevrette: ...et je lui permets de le dire tout de suite,
à part ça. Je permets qu'il vous le dise tout de suite.
M. Bourassa: Donnez-lui la liberté d'expression, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: M. le Président, vous pouvez y aller.
M. Bourassa: Ce que je demande à l'expert juridique du
Parti québécois, c'est que, dans l'ancienne loi 101, il y avait
le paragraphe 2 de l'article 58; le principe était l'unilinguisme
français. Dans le paragraphe 2, on mentionne
qu'il peut y avoir toutes sortes d'exceptions, et il n'y a pas de
restriction au nombre d'exceptions. Je dis que, finalement, ce qu'on accorde
dans la loi 178, c'est-à-dire la nette prédominance du
français à l'intérieur, pour une catégorie de
commerces, pourrait possiblement, juridiquement, avoir été
possible avec l'ancienne loi 101. Je ne sais pas si le président, avec
son autorité morale...
M. Chevrette: Est-ce que je pourrais compléter votre
question en lui demandant, si c'est la même chose, la loi 57 par rapport
à la loi 178, quel est l'effet, et lui dire, à toutes fins
utiles, que la clef même de ça, M. le premier ministre...
M. Bourassa: La loi 57 va plus loin.
M. Chevrette: ...c'était la crédibilité
même de celui qui légiférait, et vous le savez? Quant
à nous, les gens savaient qu'en le permettant pour des cas bien
spécifiques, on s'en tiendrait à ça et on ne laisserait
pas tout faire, alors que dans votre cas, la crédibilité est
à refaire de A à Z, et vous le savez. Il peut y aller; il peut
répondre.
M. Bourassa: Mais pourquoi êtes-vous si pessimiste pour la
prochaine élection, à ce moment-là?
M. Chevrette: Je suis loin d'être pessimiste, j'ai
décidé de me battre. Mon assemblée de mise en candidature
aura lieu dimanche, je vous invite, je vais vous payer une traite à mon
goût.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Vous pourrez quand même citer tous les bons
mots que je dis à votre endroit à l'Assemblée
nationale.
M. Chevrette: Oui. J'en ai fait une collection et je vous avoue
que ce sera un de mes premiers volumes, quand je me retirerai.
M. Bourassa: Mais je ne sais pas si ça va vous aider dans
le comté.
M. Chevrette: Dans le comté, je ne suis pas sûr!
M. Bourassa: Je voudrais que l'expert juridique
réfléchisse à ma question, si la loi 101, paragraphe 2,
article 58, ne pourrait pas être interprétée comme
permettant l'exception qu'on a ajoutée à la loi 57.
Cela dit, concernant la langue de service, beaucoup avaient
l'impression, notamment dans mon caucus, qu'on était servis en anglais.
Dans le cas de l'enquête - une enquête a été faite,
le chef de l'Opposition s'en souvient, elle a été rendue publique
- 99 % des clients, à Montréal, dans les magasins de grande
surface, dans le centre-ville, peuvent se faire servir en français. M.
le Président, ça a été rendu public.
M. Chevrette: Ce n'est sûrement pas ça qui a
guidé votre ministre de l'Industrie et du
Commerce dans ses réactions. J'espère que ce n'est pas ce
sondage.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: M. le Président, je veux dire qu'une
enquête a été rendue publique.
M. Chevrette: Vous ne relevez pas ma remarque?
M. Bourassa: J'ai eu l'occasion de commenter cela en
Angleterre.
M. Chevrette: Loin des yeux, loin du coeur.
M. Bourassa: Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que,
dans cette enquête scientifique, menée par l'Office de la langue
française, il est révélé sur la langue de service
en français, que la situation était nettement supérieure
à celle qui pouvait paraître. Et ça, je pense qu'on ne peut
pas le nier. C'est une enquête objective. C'est ma réponse aux
propos du chef de l'Opposition sur la langue de service.
M. Chevrette: M. le premier ministre, vous citiez tantôt M.
Lévesque. Je vais revenir sur vos chiffres. Le retour à
l'affichage bilingue serait catastrophique, selon René Lévesque.
Nous étions le 14 octobre 1987. Je vous réfère à
Lia Lévesque de la Presse canadienne. Je vous
réfère aussi à des enquêtes qui ont eu lieu,
effectivement, sur la langue d'accueil. C'est dans la même étude.
Sur la langue d'accueil, on a ceci: centre-ville ouest, 37 % en anglais;
Mont-Royal, 38 % en anglais; Côte-des-Neiges, 38 % en anglais.
M. Bourassa: Le centre-ville?
M. Chevrette: Dorval-Pointe-Claire, 50 % en anglais;
Côte-Saint-Luc, 74 % en anglais; Saint-Léonard, 28 % en anglais;
LaSalle, 21 % en anglais; Saint-Laurent - dans votre propre comté - 27 %
en anglais; centre-ville ouest, 37 %.
M. Bourassa: Le centre-ville, le centre-ville de Montréal?
Comment se fait-il que vous l'oubliez celui-là?
M. Chevrette: C'est le centre-ville ouest. Pour le centre-ville
de Montréal, je ne l'ai pas devant mol. Je ne l'ai pas dans la litanie
qu'il y a là, sinon je vous le donnerais. Je n'ai rien à
cacher.
M. Bourassa: C'est tant mieux.
M. Chevrette: Je vous lis exactement ce qu'il y a là.
C'est dans la même étude.
M. Bourassa: M. le Président, on sait fort bien qu'il y a
eu cette enquête et que les commentaires qui ont accompagné cette
enquête ont révélé que la situation n'était
pas aussi dramatique, sérieuse ou grave qu'elle pouvait paraître,
d'après plusieurs propos qui avaient été tenus. Je me
souviens très bien que dans le centre-ville, c'était 99 % pour la
langue de service et 89 % pour la langue d'accueil; 99 % pouvaient être
servis en français, mais 69 % étaient abordés en
français. Cela ne veut pas dire que la situation est parfaite, dans des
villes qui sont à 99 % anglophones.
M. Chevrette: Vous aviez cette étude entre les mains, M.
le premier ministre, quand vous avez eu à légiférer sur la
loi 178.
M. Bourassa: On parlait de l'affichage.
M. Chevrette: Mais vous aviez cette étude.
C'est parce que je veux faire un lien. Il n'y a pas seulement l'accueil
et le service. Il y a aussi un lien que fait cette étude entre
l'affichage, la langue de travail et l'angli-cisation graduelle. Vous aviez
ça entre les mains.
M. Bourassa: Mais vous l'aviez entre les mains quand vous avez
cité 70 000...
M. Chevrette: Vous nous avez muselés le temps de le dire
sur la loi 178. On n'a pas eu le temps de s'exprimer.
M. Bourassa: Non. Quand vous avez adopté le bilinguisme
intégral pour 70 000 commerces, ce n'était pas clair votre
affaire, "à l'extérieur". Ce n'était pas clair "à
l'extérieur". Est-ce que c'était après, avant ou en
même temps?
M. Chevrette: L'étude date de 1988. On ne pouvait toujours
pas l'avoir quand M. Godin a légiféré en 1982, voyons
donc, M. le premier ministre!
M. Bourassa: Mais vous avez vous-mêmes accordé le
bilinguisme à l'extérieur. Pour nous, c'est clair qu'à
l'extérieur, c'est uniquement en français.
M. Chevrette: Pas à l'extérieur, je m'excuse.
Jamais, jamais, vous le savez très bien.
M. Bourassa: L'article 60 parle...
M. Chevrette: Retirez ce que vous dites. Ce n'est pas vrai
cela.
M. Bourassa: Non, laissez-moi terminer. L'article 60 dit "dans
les établissements".
M. Chevrette: Là, je vais parler en juriste. Vas-y
donc.
M. Bourassa: Non, ce n'était pas clair, M. le
Président.
M. Chevrette: Cela n'a pas d'allure. Il y a un avocat ici. Il va
vous en parler. Je vous avoue que ce n'est sûrement pas votre statut
d'avocat qui prévaut; ce doit être celui de comptable.
Le Président (M. Sirros): M. le député de
Taillon.
M. Filion: M. le Président, avec votre permission, je
pense que le premier ministre sait fort bien que l'amendement introduit par le
gouvernement du Parti québécois visait l'intérieur du
commerce. Je pense qu'il le sait fort bien. Malheureusement, en Chambre, il a
répété à plusieurs reprises que ça visait
à la fois l'intérieur et l'extérieur; il se trompe
royalement là-dessus, premièrement. Deuxièmement, j'ai eu
l'occasion de le dire en Chambre, je conteste ses chiffres. Je me fie
plutôt à l'étude qui a été faite par
Jean-Pierre Proulx du Devoir. Juste à l'oeil, M. le premier
ministre, vous vous rendez bien compte que ça n'a pas de sens de dire
"70 000 commerces au Québec, qui ont quatre employés et moins, y
compris le patron". Le problème là-dedans, c'est qu'on ne peut
établir le nombre exact d'entreprises qui font commerce. Il peut y
avoir, je ne sais pas, quelqu'un qui agit dans sa cave mais qui n'a pas de
commerce. Le problème avec les chiffres que vous citez, et vous le savez
fort bien, c'est qu'on ne peut établir de façon précise le
nombre de commerces de quatre employés et moins qui font de l'affichage,
parce qu'on peut avoir une entreprise qui ne fait pas d'affichage, en
particulier, les petites entreprises. Donc, là-dessus, je pense que vous
avez, pour employer l'expression du chef de l'Opposition, royalement tort.
Troisièmement, sur la langue d'affichage, la langue de service et
la langue d'accueil, la question du chef de l'Opposition est très
pertinente. L'étude que vous avez en main a été faite en
1988 et révèle, M. le premier ministre, les conséquences
de la langue d'affichage - s'il veut me prêter une oreille, pas les deux
- sur la langue d'accueil et la langue de service. L'étude du Conseil de
la langue française met le doigt sur ceci: comme le fait la loi 178,
lorsqu'on introduit le bilinguisme dans l'affichage à l'intérieur
pour une catégorie de commerces qui est de beaucoup supérieure,
cela a une influence en ce qui concerne la langue d'accueil, la langue de
service et la langue de travail. Pas besoin de faire des études
sociologiques bien longues pour comprendre pourquoi, d'ailleurs. À
partir du moment où on a de l'affichage bilingue autour de soi, il va de
soi qu'on a plus tendance à parler, évidemment, les deux langues,
on a plus tendance
à accueillir - et si on est anglophone - le consommateur dans sa
langue.
C'était le sens de la question du chef de l'Opposition qui
était tout à fait pertinente. On vous avait dit en Chambre,
pendant l'étude de la loi 178, que légiférer sur la langue
d'affichage avait des conséquences énormes sur la langue de
travail, la langue des vendeurs et des vendeuses, la langue d'accueil avec
laquelle on accueille les consommateurs et les consommatrices
québécois, la langue de service également, parce que ce
n'est pas drôle d'acheter une marchandise lorsqu'on ne peut pas se faire
expliquer en français ce dont il s'agit.
Bref, sur les trois points, M. le premier ministre, ayant
retrouvé ma liberté de parole, ma liberté d'expression non
commerciale mais politique, vous me posiez la question, et encore une fois, je
vous donne tort sur les trois points et je donne plutôt raison aux
commentaires du chef de l'Opposition qui rejoignent, quant à
l'essentiel, les commentaires qu'on a faits sur la loi 178.
M. Bourassa: M. le Président, d'abord, le
député de Taillon tout comme le chef de l'Opposition dit que j'ai
"royalement tort".
M. Chevrette: C'est poli, par exemple.
M. Bourassa: Je ne sais pas pourquoi ce "royalement". Je n'ai
jamais fait état de mes convictions monarchistes.
M. Chevrette: On vous reconnaît un statut royal. Vous
devriez en être fier.
M. Bourassa: Non. Je ne veux pas partir une bataille
légale avec le député de Taillon, mais ce qu'on m'a dit,
c'est que des juristes au gouvernement trouvaient que le terme "dans" pouvait
constituer un tout. "Dans les établissements", ce n'est pas
évident par rapport à la loi 178 que cela exclut
l'extérieur, si "dans" est pris dans un tout. On peut discuter d'une
façon interminable, mais il n'en demeure pas moins qu'on a vu, à
la suite des représentations des juristes, que cela pouvait comprendre
l'ensemble de l'établissement. Je ne sais pas si le député
de Taillon me comprend.
M. Filion: Très bien, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Si dans le texte de l'article 60, on avait dit
"à l'intérieur", cela aurait été clair.
M. Filion: Bien...
M. Bourassa: "À l'intérieur", "à
l'extérieur". Mais "dans un établissement"... Disons que le chef
de l'Opposition est propriétaire d'un établissement. Il va
probablement dire à un moment donné: "Dans mon
établissement, j'ai..." Ce n'est pas clair que cela exclut
l'extérieur.
M. Filion: À ce moment, si le premier ministre me permet,
pourquoi ne pas avoir, tout simplement, modifié la loi 101, puisque
c'était le sens de sa préoccupation, si je me fie à ses
propos d'aujourd'hui, pour modifier "dans" par "à l'intérieur" et
c'est tout?
M. Bourassa: Non, ce que je veux...
M. Filion: Mais si c'était le sens de votre
préoccupation, parce que l'idée de base, M. le premier ministre,
ce que dit le chef de l'Opposition...
M. Bourassa: Laissez-moi terminer, vous avez soulevé trois
points.
M. Filion: D'accord.
M. Chevrette: Oui, et il aurait pu en démolir même
un que vous aviez déjà commencé à... Je trouve
qu'il fait bien cela, vous devriez le laisser aller.
M. Bourassa: J'ai accepté qu'il soit là. J'ai
même souhaité qu'il y soit. Donc, il faut admettre que quand on
dit "à l'intérieur", et je pense que vous venez de l'admettre
implicitement, et je reconnais votre objectivité depuis votre
décision de quitter la politique...
M. Filion: Ah!
M. Chevrette: Juste depuis, avant c'était...
M. Bourassa: Alors, c'est clair que "à l'intérieur"
et "à l'extérieur", c'est plus clair que "dans".
M. Filion: J'ai dit si c'était là votre
préoccupation.
M. Bourassa: Oui. Vous dites: mais si c'était votre seule
préoccupation, pourquoi ne vous êtes vous pas limité
à amender la loi 101? On a amende la loi 101 avec la loi 178. On a
amendé la loi 101 dans le cas dont on vient de parler. On a
amendé la loi 101, également, pour l'intérieur de
l'ensemble des secteurs, sauf qu'on se donnait le droit d'exclure certaines
catégories, ce qu'on a fait par la suite, et on a amendé la loi
101 avec la clause "nonobstant". Donc, on avait plusieurs
préoccupations, mais il y en a une qui nous a paru nécessaire,
soit de clarifier un texte qui, d'après nos juristes, n'était pas
d'une clarté évidente sur la distinction à faire entre
"l'intérieur" et "l'extérieur". C'est pourquoi M. Léon
Dion disait lui-même au colloque d'André Laurendeau, je crois que
c'est vrai que l'on avait renforcé la loi 101 avec la loi 178 à
plusieurs égards. (16 h 45)
M. Filion: Juste en terminant, parce que je sais que le chef de
l'Opposition veut aborder d'autres sujets, pour l'information du premier
ministre, if le demandera à ses juristes-conseils autour de lui, sur ce
qu'il soulève avec "dans" ou "à l'intérieur", il y a eu
plusieurs jugements, mais il y en a un qui dit, et avec tout le respect qu'on
doit à toute la magistrature, que "dans" un commerce, pouvait avoir un
sens autre qu'à l'intérieur. Par rapport à un jugement, M.
le premier ministre, il y avait un paquet de jugements qui disaient ce que le
bon sens commande. Quand on dit "dans le commerce", cela veut dire "à
l'intérieur du commerce". Je pense que cela répond un peu
à votre interrogation au départ et je pense que le sens de la loi
178 - et vous ne pouvez pas dire le contraire - n'était pas du tout de
clarifier ça, mais de donner suite à la promesse que votre parti
avait faite ainsi qu'au jugement de la Cour suprême. Venir dire que la la
loi 178 visait à régler ce problème-là, c'est
charrier un peu trop.
M. Bourassa: II reste quand même qu'on a clarifié le
texte par l'article 60.
M. Filion: Oui, mais cela c'est...
M. Chevrette: Je demanderais au premier ministre de donner...
M. Bourassa: Vous dites que ce n'est pas important.
M. Filion: Je ne dis pas que ce n'est pas important, je dis que
ce n'était pas un problème.
M. Bourassa: On ne dit pas que c'est important ou non, on dit que
cela a été fait.
M. Filion: Ce n'était pas un problème.
M. Bourassa: Cela en était un selon nos juristes.
M. Filion: Ce n'est pas parce qu'un jugement...
M. Bourassa: Je suis convaincu que pour tous ceux qui sont dans
cette salle, si on dit "dans un établissement", d'une façon
générale, cela peut comprendre l'extérieur.
M. Filion: Ah oui!
M. Bourassa: Bien oui, "dans un établissement". Vous
êtes propriétaire d'un établissement, alors qu'on dit
"à l'intérieur de..."
M. Chevrette: Faites un autre sondage là-dessus, vous
allez voir que ce sera clair.
M. Filion: J'ai toujours pensé...
Règlement sur l'affichage
M. Chevrette: J'aimerais poser une question pour permettre au
premier ministre, M. le Président, de bénéficier
pleinement des connaissances juridiques de mon collègue. On va aborder
le règlement de ce matin. Règlement sur l'affichage,
règlement qui laisse à toutes fins utiles, M. le premier
ministre... Mon interprétation, celle naturellement d'un non-juriste est
celle-ci: un gouvernement qui confie, à toutes fins utiles, en fin de
compte, aux juges des cours d'interpréter l'imagination ou non des
commerçants, m'apparaît un règlement pour le moins farfelu,
peu sérieux et qui manque, à mon point de vue, tout simplement de
gros bon sens. Ou on le définit ou on ne le définit pas, mais un
règlement qui vient laisser aux tribunaux le soin de juger du manque
d'imagination ou de la pertinence de l'imagination d'un commerçant, cela
m'apparaît peu sérieux, M. le premier ministre. J'aimerais vous
entendre sur ça et n'ayez crainte, si vous avez des questions d'ordre
juridique, on l'a étudié votre règlement. Il a
été publié ce matin et je vous avoue qu'il n'y a pas
beaucoup de différence entre la présentation de ce
règlement et toute la ribambelle de réponses que nous donnait
préalablement celui qui a précédé, le
député de Rosemont. Cela ressemblait à du
député de Rosemont, ce matin. Je ne comprends pas, étant
donné la grande rigueur de l'actuel ministre, proverbiale à tout
le moins au niveau du discours mais dans les faits, cela paraît peu
sérieux, cela ne se tient pas, cela ne résiste pas, de laisser
aux tribunaux le soin d'interpréter l'imagination ou pas des
commerçants.
M. Bourassa: Tout d'abord, je n'accepte pas que le chef de
l'Opposition traite le ministre de l'Éducation de farfelu et de peu
sérieux. Je pense qu'il a étudié la question à
fond.
M. Chevrette: Est-ce que je peux finir ma question?
M. Bourassa: Oui.
M. Chevrette: Croyez-vous véritablement qu'un juge va
condamner quelqu'un à partir d'un règlement qui fait appel
à l'imagination ou pas? Est-ce que vous ne croyez pas que, prima facie,
le juge va dire: Écoutez, je ne vais pas donner prise à un
jugement et imposer une peine assez importante à quelqu'un, basée
sur un règlement aussi flou, aussi incertain, aussi imprécis que
celui-là? Est-ce qu'on va bâtir une infraction sur le manque ou
pas d'imagination? Est-ce que vous trouvez ça sérieux?
M. Bourassa: La loi 101 comportait plusieurs articles non
définis par règlement. Prépondérance...
M. Chevrette: Pas dans ce secteur-là.
M. Bourassa: Oui, mais les termes étaient quand même
dans la loi 101.
M. Chevrette: Ils l'étaient avant.
M. Bourassa: Ils étaient quand même dans la loi 101.
La prépondérance, l'équivalence..
M. Chevrette: L'équivalence, pas la
prépondérance.
M. Bourassa: Bon. Ce n'était pas défini. La
prédominance non plus n'était pas définie. Pourquoi vous
insurgez parce que nous faisons un règlement, qui n'est pas facile
à définir, nous en convenons. Vous ne l'avez pas fait
vous-mêmes. Prédominance, ce n'était pas défini;
prépondérance, ce n'était pas défini;
équivalence, ce n'était pas défini. Et vous avez le culot
de nous reprocher de définir "nette prédominance", alors que vous
n'avez pas eu le courage de définir "prépondérance",
"équivalence" et "prédominance". J'en suis estomaqué.
M. Filion: "Équivalence", on n'a pas besoin de
définir cela, M. le premier ministre. Équivalent, c'est
équivalent. On n'a pas besoin de définir l'équivalence.
Non, l'équivalence n'a pas besoin d'être définie. C'est un
critère qui s'objective, la nette prédominance à partir de
l'impact sur l'oeil d'une affiche. C'est l'impact visuel. C'est ce qui est dans
votre règlement. C'est le triomphe de l'impact visuel, le projet de
règlement de ce matin. Alors, on tombe dans l'impressionnisme et dans le
subjectivisme. Je pense que vous l'admettrez.
M. Chevrette: Mais plus encore.
M. Bourassa: Je prends note des propos du député de
Taillon, mais je ne les partage pas.
M. Chevrette: Vous êtes d'accord avec cela, que les
tribunaux soient les seuls maîtres à bord sur le manque
d'imagination ou pas des commerçants?
M. Bourassa: Le ministre de l'Éducation parlait au nom du
gouvernement.
M. Chevrette: Donc, vous partagez les propos de votre ministre de
l'Éducation.
M. Bourassa: Certainement. On n'est pas dans un autre parti
où la division est constante, sous-jacente, cruelle même, à
l'occasion.
M. Chevrette: Donc, ne nous parlez plus jamais du mot
"nonobstant" à la baisse, parce qu'il vous a dit de ne plus toucher
à cela.
M. Bourassa: M. le Président?
M. Filion: Seulement pour terminer sur ce sujet, M. le premier
ministre, est-ce que vous auriez l'amabilité de déposer la lettre
envoyée par M. Jacques Chamberland, sous-ministre au ministère de
la Justice - tout de même une expertise précieuse, sous-ministre
à la Justice et jurisconsulte du gouvernement - qui était
adressée à la personne qui est à votre gauche, au
secrétaire du Conseil exécutif qui vous accompagne? Est-ce que ce
serait possible? Cela tombe bien. Le projet de règlement a
été publié dans la Gazette officielle ce matin et votre
ministre de l'Éducation invite à un débat le plus large
possible, mais en même temps...
M. Chevrette: Beaucoup de transparence.
M. Filion: ...je m'excuse, c'est une commis- sion parlementaire.
Est-ce que vous auriez l'amabilité tout simplement de déposer la
lettre de M. le sous-ministre?
M. Chevrette: En toute transparence, M. le premier ministre.
M. Filion: Je peux vous donner la date; il y a de cela une
quinzaine de jours.
M. Bourassa: M. le Président, on me dit qu'il n'est pas
dans la coutume de déposer systématiquement les avis
juridiques.
M. Chevrette: Non, mais en toute transparence, sur un sujet aussi
important, M. le premier ministre.
M. Filion: C'est un projet de règlement et il faut en
débattre.
M. Bourassa: Avez-vous posé des questions au ministre de
la Justice dans ses crédits?
M. Chevrette: Vous êtes ici pour qu'on vous en pose.
M. Bourassa: Je ne peux pas défendre les crédits de
tous les ministères.
M. Chevrette: Non, c'est le Conseil exécutif. C'est lui
qui a reçu la lettre. C'est votre homme. C'est votre sous-ministre en
titre.
M. Bourassa: Il reçoit des lettres de 27
ministères.
M. Chevrette: C'est à votre demande sans doute qu'il a
été cherché un avis, M. le premier ministre?
M. Filion: Je pense que c'est d'intérêt public,
à l'aube d'un petit débat en catimini.
M. Bourassa: Je prends avis de la question
du député.
M. Chevrette: Oui, vous prenez avis, mais prendre avis ici, ce
n'est pas comme en Chambre, parce qu'en Chambre, vous êtes obligé
de répondre une couple de jours après, mais ici, vous pouvez nous
envoyer paître jusqu'à l'an prochain.
M. Bourassa: Bien non.
M. Chevrette: Dites-moi: Quand le premier ministre est-il
prêt à nous répondre en Chambre?
M. Bourassa: Posez-moi les questions à l'Assemblée
nationale demain, ou la semaine prochaine; je pourrai vérifier.
M. Chevrette: Au moment où on vous parle, vous refusez de
la déposer.
M. Bourassa: Je veux consulter le ministre responsable.
M. Filion: Avez-vous pris connaissance, vous, de la lettre du
sous-ministre dans laquelle il explique que pour...
M. Chevrette: Est-ce qu'on peut permettre au sous-ministre de
s'exprimer? il peut nous le dire ce qu'il y avait dans la lettre. Il l'a
sûrement lue; elle lui était adressée. Moi, je suis
d'accord, si vous voulez, pour qu'on le laisse parler.
M. Bourassa: Ce n'est pas la seule lettre qu'a reçue le
secrétaire général du gouvernement.
M. Chevrette: C'est celle-là précisément
qu'on voudrait avoir.
M. Bourassa: II vient de me dire qu'il voudrait vérifier
son contenu avant d'en parler.
M. Chevrette: Vous ne vous rappelez pas le contenu?
M. Filion: Peut-être qu'on peut y aller autrement. Est-ce
qu'il est exact, M. le premier ministre, que...
M. Bourassa: Vous faites toute une tempête avec une lettre
qui était dans les journaux. Quand même!
M. Filion: Non, mais on veut la voir. C'est important. Il y a une
argumentation là-dedans.
M. Chevrette: Alors, vous confirmez donc le contenu?
M. Bourassa: Bien non, pas du tout.
M. Chevrette: Ah, merci. Ce qui est dans la lettre, c'est ce
qu'il y avait dans les journaux?
M. Bourassa: Non, c'était au sujet du poisson
avarié.
M. Chevrette: Ah! Vous avez reçu votre ordre à
temps pour ne pas l'échapper.
M. Filion: Vous prenez avis.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre peut nous dire s'il
est exact que le sous-ministre de la Justice a clairement indiqué au
secrétaire général qu'un tel règlement était
inapplicable, qu'il n'avait pas de portée et qu'il était
inopérant à toutes fins utiles? Est-ce que le premier ministre
est prêt à nous confirmer cela?
M. Bourassa: Je n'ai aucune information à cet
égard.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre...
M. Bourassa: Cela m'étonnerait que ça ait
été le cas, parce que je ne crois pas que le ministre de
l'Education aurait proposé un...
M. Chevrette: Est-ce que le secrétaire
général a porté à votre attention une lettre du
ministère de la Justice indiquant que ce règlement était
inapplicable?
M. Bourassa: Non, M. le Président, d'après ce qu'on
me dit, le sous-ministre a des discussions de nature privée sur
l'interprétation qui peut être faite par les tribunaux.
M. Chevrette: On va y aller autrement. Est-ce que le premier
ministre nie qu'il y a eu une lettre du sous-ministre de la Justice à
son secrétaire général?
M. Bourassa: Bien, il y en a toujours, des lettres, il faudrait
que je...
M. Chevrette: ...sur le sujet précis du règlement?
On va partir du début, si vous le voulez.
M. Bourassa: Le secrétaire général
reçoit 85 000 lettres par année.
M. Chevrette: Est-ce que le secrétaire
général a reçu une lettre du sous-ministre de la Justice
concernant le règlement à la suite de la loi 178?
M. Bourassa: Je vais vérifier et je vous
répondrai.
M. Chevrette: II est à côté de vous.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: On n'est pas... Écoutez un peu!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Vous pourriez vérifier tout de suite.
M. Bourassa: Non, ce qu'il a reçu, c'est le projet de
règlement.
M. Chevrette: Pardon?
M. Bourassa: II a reçu le projet de
règlement...
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre...
M. Bourassa: ...transmis par le ministre de la Justice.
M. Chevrette: ...peut me dire, en demandant à son
secrétaire général, qui est à sa gauche, si, sur le
règlement rendu public ce matin, il a bel et bien reçu un avis du
sous-ministre de la Justice, par lettre?
M. Bourassa: II a reçu le règlement du
sous-ministre de la Justice.
M. Chevrette: Est-ce qu'il a reçu une lettre portant un
jugement sur ledit règlement de la part du sous-ministre de la
Justice?
M. Bourassa: II n'y a pas eu d'opinion du sous-ministre de la
Justice comme telle sur le règlement transmis au secrétaire
général.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez reçu une lettre
traitant de la nette prédominance du français, un avis sur la
nette prédominance du français dans le règlement?
M. Bourassa: Non, le sous-ministre de la Justice a fait parvenir
une lettre au secrétaire général, exprimant l'opinion de
certains de ses collègues juristes, mais lui-même n'a pas
donné son opinion comme telle, et c'est normal. Autant les juristes
pouvaient émettre des opinions sur les termes "dans les
établissements", je veux dire, autant il est possible que des juristes
ne s'entendent pas entre eux.
M. Chevrette: Mais, si c'est normal qu'ils expriment des opinions
de cette façon, est-ce qu'il n'est pas normal que les élus
prennent connaissance de cette lettre?
M. Bourassa: Bien, M. le Président, cela fait partie du
travail interne du ministère de la Justice. Le ministre est responsable
et c'est à lui de décider s'il doit rendre publics des avis ou
des opinions de ses collaborateurs. Je ne sais pas si l'ancien ministre des
Affaires sociales rendait publics tous les avis qui pouvaient lui être
donnés par ses collaborateurs sur tel ou tel sujet.
M. Chevrette: M. le premier ministre, n'essayez pas de noyer le
poisson. Vous savez très bien que, sur un sujet qui a fait l'objet
d'autant de discussions au Québec... On ne parle pas de cas farfelus, de
cas anodins, on parle spécifiquement d'une lettre émanant de M.
Chamberland à votre secrétaire général concernant
le règlement rendu public ce matin. Est-ce que vous avez eu une lettre
ou non?
M. Bourassa: Non. M. Chamberland - et le secrétaire
général pourra me corriger - n'a pas envoyé son opinion
personnelle là-dessus. Il a envoyé le règlement avec
certaines opinions de ses collaborateurs ou résumant certaines opinions
de ses collaborateurs.
M. Chevrette: Le 30 mars, avez-vous reçu une lettre de M.
Chamberland concernant la nature du règlement?
M. Bourassa: C'est la lettre dont je viens de parler.
M. Chevrette: C'est le 30 mars. Il n'y a aucune opinion
là-dedans?
M. Bourassa: Pas d'opinion du sous-ministre comme telle.
M. Chevrette: Est-ce que vous maintenez qu'il y a des opinions ou
qu'il n'y a pas d'opinion?
M. Bourassa: II n'y a pas d'opinion du sous-ministre. Ce que je
dis au chef de l'Opposition depuis tantôt, c'est qu'il y a des juristes
qui ont examiné toute cette question, comme ils ont examiné les
amendements apportés à l'accord du lac Meech, mais je ne vois pas
en quoi ceci devrait empêcher le ministre responsable et le gouvernement
de trancher dans un sens ou dans l'autre. Tantôt, le député
de Taillon disait qu'on ne parlait pas de prédominance dans la question
de l'affichage.
M. Filion: ...fondamental. M. Bourassa: À l'article
24...
M. Filion: La nette équivalence. L'affichage
gouvernemental.
M. Bourassa: ...les organismes municipaux ou scolaires, les
services de santé, les services sociaux. "Dans une autre langue avec
prédominance du français", vous ne l'avez pas défini,
ça.
M. Filion: Ça s'applique aux organismes gouvernementaux.
(17 heures)
M. Bourassa: Je dis que vous ne l'avez quand même pas
défini.
M. Filion: Non ça s'applique aux organismes
gouvernementaux, on n'a pas d'ordre à leur donner.
M. Bourassa: Cela s'adresse à la population.
Le Président (M. Marcil): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre peut répondre
à la question suivante: Est-$ exact qu'il a reçu une lettre que
le sous-ministre de la Justice, M. Jacques Chamberland, a envoyée au
secrétaire général? Est-ce qu'il a parlé dans sa
lettre du 30 mars de la notion de l'impact visuel?
M. Bourassa: Je ne peux pas vous le dire, I faudrait le demander
au ministre de la Justice.
M. Chevrette: Je vous demanderais de demander à votre
secrétaire général si, dans la lettre de M.
Chamberland...
M. Bourassa: Le secrétaire général ne se
souvient pas précisément de ce point, mais même s'il s'en
souvenait. Je ne vois pas en quoi le gouvernement ne déciderait pas, en
fin de compte, de la position. SI le gouvernement a décidé - je
ne dis pas qu'il n'y a pas eu de ' discussion, c'est normal qu'il y en ait -
mais si le gouvernement a décidé...
M. Chevrette: Oui, je comprends..
M. Bourassa: ...qu'on optait pour un règlement
plutôt que pour une directive, c'est qu'il l'a décidé dans
le meilleur intérêt public.
M. Chevrette: Est-ce que le sous-ministre Chamberland n'a pas
avisé votre secrétaire général en lui disant que,
pour lui, le règlement ne constituait pas à proprement parler,
une mesure objective, tel qu'édicté?
M. Bourassa: Je n'ai eu aucune représentation en ce sens.
Je sais qu'il y a eu des...
M. Chevrette: Est-ce que vous pourriez demander à votre
secrétaire général si, dans les faits, 1 a bel et bien
reçu de M. Chamberland, une lettre dans laquelle M. Chamberland lui
disait que cela ne constituait pas, tel que rédigé, une mesure
objective?
M. Bourassa: II n'en demeure pas moins que le chef de
l'Opposition exagère un peu.
M. Chevrette: Non, non.
M. Bourassa: Les sous-ministres ont le droit... Je ne suis pas
informé du contenu de la lettre, et je n'ai pas l'intention non plus de
demander au secrétaire général d'essayer de se souvenir du
contenu d'une lettre qu'il n'a pas devant lui.
M. Chevrette: Mais, M. le premier ministre, c'est très
sérieux.
M. Bourassa: Nous avons le droit de recevoir des lettres des
sous-ministres, mais c'est au ministre de décider. Jamais le
sous-ministre, comme tel, ne m'a fait part de son opposition à
l'adoption d'un règlement. Il y a quand même des limites.
M. Chevrette: Mais, M. le Président... M. Bourassa:
Qui est élu?
M. Chevrette: Ah, je ne nie pas ça. Mais, M. le
Président, on sait très bien qu'un sous-ministre de la Justice,
qui est le bras droit du jurisconsulte, et qu'un gouvernement qui
légiférerait...
M. Bourassa: II était d'accord avec le
règlement.
M. Chevrette: ...à rencontre d'un avis du jurisconsulte,
c'est absolument très peu courant, je n'ai jamais vu cela.
M. Bourassa: Le jurisconsulte, c'est le ministre de la Justice,
et le ministre de la Justice était d'accord avec le règlement.
Cela devrait mettre fin au débat.
M. Chevrette: Le ministre de la Justice - vous savez très
bien qu'on agit par consensus de toute façon et qu'il y a une
solidarité ministérielle - le jurisconsulte peut très bien
avoir dit au gouvernement: Ce n'est pas une mesure objective et on n'ira pas
loin dans ça face aux tribunaux, cela n'a pas de bon sens, ça ne
résiste pas. Est-ce que ce n'est pas ça que vous avez
reçu? Vous avez légiféré quand même, pas
légiféré, mais vous avez fait un règlement sachant
d'ores et déjà et ce, après analyse au ministère de
la Justice, après avis au secrétaire général de la
province, vous avez quand même édicté ou permis
d'édicter un règlement qui ne résiste même pas
à l'analyse et qui ne représente même pas une mesure
objective. C'est quand même assez grave.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition se trompe. Nous avons
discuté de cette question au Conseil des ministres, nous avons
approuvé le règlement, le règlement a été
rendu public. Ceux qui ne sont par d'accord auront deux mois pour
faire des représentations, et le 3 juillet, nous aviserons.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre peut prendre
l'engagement, d'ici à la fin des crédits, de nous déposer
cette lettre?
M. Bourassa: Non.
M. Chevrette: Quelle transparence!
M. Filion: Et pourquoi pas, M. le premier ministre, tout
simplement, alors que le ministre de l'Éducation, responsable de la
Charte de la langue française, invite lui-même à un
débat sur...
M. Bourassa: Je ne peux pas.
M. Filion: ...les questions légales et constitutionnelles
qui ont été soulevées, notamment par le professeur
Dion?
M. Bourassa: M. le Président, tout cela aurait pu
être un document de travail. Ne me demandez pas de déposer un avis
qui aurait pu constituer un document de travail parmi d'autres. Depuis quand
serons-nous obligés de déposer les avis qu'on reçoit et
qui peuvent être contredits par d'autres collaborateurs?
M. Chevrette: Non, mais ça été rendu public
dans les médias, M. le Président Le premier ministre le sait
très bien. Si c'était la seule lettre qui avait été
rendue publique de tout le courrier du premier ministre, I y aurait une
enquête policière, 1 aurait nié cela, il aurait fait
quelque chose, I se serait fait aller un peu. C'est parce qu'il n'y a aucune
négation du contenu.
M. Bourassa: M. le Président, |e n'ai aucun souvenir que
le sous-ministre de la Justice ait fait des représentations pour
recommander qu'il n'y ait pas de règlement II y a eu des discussions sur
les avantages et les Inconvénients des directives et des
règlements. Le chef de l'Opposition devient très byzantin cet
après-midi
M. Chevrette: Le premier ministre peut-il me dire...
M. Bourassa: Cela fait trois quarts d'heure qu'on parle de la
différence...
M. Chevrette: Non, c'est très sérieux. Si
l'appareil administratif, si le ministère de la Justice prend la peine
de lui dire que sur l'Impact visuel, le règlement ne résiste pas
et que le gouvernement l'a publié quand même, je ne sais pas qui
est byzantin. On peut bien se donner les qualificatifs que l'on voudra,
ça ne fait pas sérieux qu'un gouvernement, à rencontre
même de l'analyse faite par ses plus grands spécialistes endroit qui lui disent que ça n'a pas de maudit bon sens, que
ça ne résiste pas à l'analyse, que c'est une mesure qui
n'aura aucun Impact, que cela va être débouté dès la
première cause, le publie quand même.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition niait tantôt la
rigueur du ministre responsable de la langue, si j'ai bien compris. Il parlait
de la rigueur...
M. Chevrette: Oui, j'ai trouvé qu'il en avait pris pour
son rhume, le pontife du Devoir. Oui, je ne vous cache pas, M. le
Président, que la rigueur du ministre ne m'impressionne plus.
M. Bourassa: Le pontife du Devoir, vous citez Le Devoir
constamment
M. Chevrette: Oui, ça ne me dérange pas.
M. Bourassa: M. le Président, ce que je dis au chef de
l'Opposition c'est que tout cela a été examiné à
fond, connaissant le caractère très consciencieux de l'approche
du ministre de l'Éducation, cela a été examiné
à fond; il y a eu des discussions sur le plan juridique. Le ministre de
l'Éducation a consulté, comme il le fait dans tous les dossiers,
un très grand nombre de personnes ou d'organismes. Il en a
discuté au Conseil des ministres. Il en a discuté au caucus. Nous
avons pris la décision, un point c'est tout.
M. Chevrette: Est-ce que vous niez le contenu de la lettre?
M. Bourassa: Quel contenu?
M. Chevrette: Le contenu de la lettre de M. Chamberland à
M. le secrétaire.
M. Bourassa: Je n'ai pas à commenter le contenu d'une
lettre dont je n'ai pas...
M. Chevrette: Est-ce que vous le niez?
M. Bourassa: M. le Président, je n'ai pas le souvenir
d'une telle lettre, comment est-ce que je peux en nier le contenu?
M. Chevrette: Depuis tantôt qu'on vous dit qu'elle existe,
elle date du 30 mars. Vous avez confirmé qu'il y avait des avis de
juristes, la lettre doit exister puisque vous en parlez depuis tantôt
M. Bourassa: M. le Président, je peux confirmer qu'il y a
des avis juridiques sans connaître tout le contenu. Je ne suis pas
ministre de la Justice, quand même. Ne me demandez pas de nier ou de
confirmer un avis juridique dont je n'ai pas pris connaissance. Tout ce que je
vous dis, c'est que le ministre de la Justice
était présent lorsque la discussion s'est faite. Le
ministre de la Justice a été d'accord, avec le ministre de
l'Éducation, puisqu'il a accepté le règlement. C'est
tout.
M. Chevrette: M. le Président.
M. Bourassa: On fait tout un plat avec pas grand-chose.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre peut prendre
l'engagement de s'informer du contenu de la lettre du 30 mars dont il
reconnaît l'existence? Pour quelqu'un qui ne connaissait pas le contenu,
comment peut-il me dire, dans ce cas, que ce sont des avis des autres juristes
du ministère de la Justice? Vous ne pouvez pas avoir trois discours dans
ça, M. le premier ministre. Vous allez en avoir un. Ou la lettre existe
et elle est vraie et vous la rendez publique, mais vous ne pouvez pas dire dans
une première réponse que, oui, il y a eu une lettre le 30 mars,
que M. Chamberland rapporte des avis de juristes du ministère de la
Justice et me dire après que vous ne connaissez pas le contenu de la
lettre. Le savez-vous ou ne le savez-vous pas? Savez-vous ce qu'elle dit? Qui
l'a signée? De qui sont les avis? C'est sous quelle plume? Est-ce que
c'est la signature de Jacques Chamberland? Vous dit-il dans la lettre que ce
sont les Juristes de son ministère qui ont écrit ou si c'est lui
qui vous dit carrément... Il vous dit clairement... Je vais essayer de
vous citer le texte - je sais que vous aimez ça - "que ça ne
constitue pas, à proprement parler, une mesure objective". C'est toute
ta question de l'impact visuel. Vous niez ça? Vous n'avez pas
été mis au courant de ça, en aucune façon?
M. Bourassa: M. le Président, nous avons discuté du
règlement à plusieurs reprises. La décision du
gouvernement a été d'adopter le règlement qui a
été publié dans la Gazette officielle. Donc, de mon point
de vue, le dossier est clos, sauf de répondre aux questions...
M. Chevrette: Bon, la question est la suivante.
M. Bourassa: Maintenant, le règlement est dans la Gazette
officielle.
M. Chevrette: Oui. Mais est-ce que le premier ministre, dans la
préparation de son règlement, a pris connaissance, en lisant, ou
encore par la voie de son secrétaire général, des
réticences et des conseils que lui donnait le ministère de la
Justice?
M. Bourassa: Le premier ministre a posé en conscience tous
les gestes pertinents à ses fonctions.
M. Chevrette: Donc, tout en étant conscient que ça
ne valait rien et que ça ne constituait pas une mesure objective, vous
avez quand même légiféré dans ce sens?
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition fait
de la désinformation.
M. Chevrette: Absolument pas. Vous avez donné trois
réponses différentes, M. le premier ministre; à laquelle
dois-je m'accrocher? Est-ce que je dois m'accrocher au fait que, d'abord, ce
sont des avocats du ministère de la Justice qui ont dit à M.
Chamberland: Ceci n'est pas correct, et M. Chamberland vous a écrit en
disant: Voici ce que les avocats nous disent. J'aimerais savoir si c'est M.
Chamberland qui a écrit. Lequel?
M. Bourassa: J'ai répondu, M. le Président. J'ai
répondu qu'il y avait eu des communications entre le ministère de
la Justice, le ministère de l'Éducation et le secrétariat
générai, qu'il y avait eu des discussions appropriées,
qu'on en avait parlé au caucus, qu'on en avait parlé au Conseil
des ministres, et que tout ça avait abouti à la publication d'un
règlement dans la Gazette officielle. Qui a dit quoi? Quand? À
qui? Je crois que ce qui est important, c'est que le processus
législatif a été suivi, qu'il n'y a eu aucun accroc
à la tradition administrative. Ce qui est Important, c'est que le
jurisconsulte ait approuvé le règlement et que, finalement, on
entendra maintenant des représentations. C'est un débat
inutile.
M. Filion: M. le premier ministre, c'est un débat inutile.
Cela a été publié ce matin et le ministre refuse une
commission parlementaire, semble-t-il, si on se fie à ses
réponses de cet après-midi en Chambre. On invite à un
débat large et public. Vous parlez de désinformation, M. le
premier ministre. On est en train de vous demander l'avis du ministère
de la Justice sur la notion d'impact visuel et de la considération que
feront les tribunaux sur cette notion. On vous demande tout simplement l'avis
qu'a produit le ministère de la Justice au Conseil exécutif. On
vous demande de le déposer pour une information. Vous parlez de
désinformation. Je ne comprends pas. À quoi sert l'exercice, dans
les 60 prochains jours, si, selon ce que vous nous dites, le débat est
clos?
M. Bourassa: Non. Je veux dire en ce qui a trait à la
publication du règlement. Écoutez, le débat est clos du
côté du gouvernement. Il y a eu des discussions, on le sait. Je ne
dis pas que le débat est clos dans l'opinion publique. Je dis
qu'à l'intérieur de la machine gouvernementale, le débat
est clos; je ne dis pas que tout le monde était d'accord. C'est comme
dans n'importe quelle question, il y a différents points de vue qui sont
énoncés.
M. Filion: Je vous signale en passant que le ministre de
l'Éducation, ce matin, admettait, durant sa conférence de presse,
que le règlement devait être modifié.
M. Bourassa: Pour la publication d'un règlement, s'il y a
un délai de 60 jours...
M. Filion: D'accord.
M. Bourassa: ...c'est pour qu'il y ait des
représentations.
M. Filion: Pour l'enrichir.
M. Bourassa: On avisera le 3 juillet.
M. Filion: Pour enrichir ce règlement, M. le premier
ministre, êtes-vous prêt, d'abord, à faire en sorte qu'on
entende juristes et constitutionnalistes nous informer, nous, parlementaires,
du bien-fondé du projet de règlement et de la notion d'Impact
visuel qui sort triomphante du projet de règlement. C'est la notion
d'impact visuel qui est la plus retenue, et non pas la règle de deux
pour un qui ne crée qu'une présomption réfutable? Pour
enrichir ce débat, puisque le dossier n'est pas clos - tantôt,
vous me disiez qu'il était clos, là, vous me dites qu'il n'est
pas dos - pourquoi, tout simplement, ne pas rendre publique cette lettre,
à défaut, encore une fois, ' de faire entendre juristes et
constitutionnalistes pour qu'ils nous donnent leur point de vue sur ce projet
de règlement qui risque de devenir force de loi en plein mois de
juillet.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit que le débat
était clos à l'intérieur de la machine administrative; je
n'ai pas dit qu'il était dos dans l'opinion publique. Je suis
obligé de conclure que le député déforme mes
propos.
Je dis qu'à l'Intérieur de la machine administrative, les
ministres en ont discuté entre eux Quant au reste, le ministre a
répondu à l'Assemblée nationale cet après-midi.
M. Filion: Comment l'opinion publique peut-elle, M. le premier
ministre, rendre un jugement éclairé sur un projet de
règlement, sans avoir ces avis juridiques sur la légalité
et la constitutionnalité d'un projet de règlement? Je me limite
à l'aspect juridique et constitutionnel, encore une fois, je ne parle
pas de l'aspect politique. Pourquoi, à ce moment, ne pas instituer une
commission parlementaire? Vous parliez de désinformation tantôt.
Ça me surprend que vous ne vouliez pas prendre l'engagement de rendre
cette lettre publique. Ou il y a un débat ou il n'y en a pas. Vous
vouiez avoir le pouls de l'opinion publique ou vous ne voulez pas l'avoir. Si
vous voulez l'avoir, vous aimeriez que cette opinion publique ait un jugement
plus précis, j'en suis convaincu, comme premier ministre du
Québec. À ce moment, prenons les moyens pour avoir une opinion
publique bien Informée, et rendons public tout ce qu'on peut rendre
public ou, à iout le moins, ouvrons les portes du salon rouge pour
entendre des intervenants là-dessus. M. le premier ministre, en
matière linguistique, jouer en catimini, ça n'a pas l'air
à rapporter beaucoup de fruits. Il est encore temps. J'avoue que le
projet de règlement qui découle de la loi 178 n'est pas un
succès mais il est encore temps, au moins, pour avoir un
règlement qui se tienne un peu debout. SI on veut que la loi soit
observée et la loi comprend les règlements. (17 h 15)
M. Bourassa: J'apprécie le ton modéré et
intelligent des propos du député de Taillon. Malheureusement, je
ne partage pas sa conclusion.
M. Chevrette: M. le ministre, on pourrait peut-être parler
d'un autre sujet étant donné qu'il semble fatigué de
parler de celui-ci. Je prends note que la transparence...
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition a de l'intention.
Budget fédéral
M. Chevrette: Oui, merci. Je tiens pour acquis, par exemple, que
la transparence du premier ministre en prend pour son rhume, surtout dans un
secteur aussi contesté, sur le plan linguistique. Il me semble qu'il
aurait pu faire preuve de beaucoup de transparence et peut-être commencer
à se rebâtir une crédibilité dans ce secteur.
Pour ce qui est du budget fédéral, étant
donné que le premier ministre a - on le sait, c'est connu de tout le
monde - appuyé assez ouvertement le gouvernement de M. Mulroney aux
dernières élections, que le premier ministre, depuis le
début de son mandat, a favorisé des relations harmonieuses qui
lui ont valu, à certains moments, des reproches, à d'autres
moments, des caricatures assez comiques. C'est drôle, j'en ai
moi-même ri. Je vous avoue que ces relations harmonieuses, ces mamours
occasionnelles, comme certaines personnes les ont décrites, n'ont pas
rapporté grand chose au Québec depuis. Quand on pense aux
frégates, à l'agriculture, où on en est rendu à peu
près à 400 000 000 $ de manque à gagner par rapport
à ce qui a été versé dans l'Ouest; quand on pense
au centre bancaire qui a fondu de moitié; quand on pense au
développement régional où on est en dessous de 100 $ par
capita, l'Ouest, à 163 $ et les provinces de l'Atlantique ont 400 $ et
quelque; quand on pense aux contrats de recherche qui sont passés de 25
% à 10 %; quand on pense au fonds de développement
régional qui en prend pour son rhume et à M. Côté,
au chapitre de ses crédits au développement régional, qui
n'a même pas l'assurance formelle des fédéraux qu'il n'aura
pas des coupures dans le développement
régional; quand on pense à l'accès de 200 000 $ des
pêcheurs commerciaux, tout ça, c'est un fédéralisme
rentable épouvantable et les relations harmonieuses ne rapportent pas
grand-chose au Québec.
Je voudrais savoir ce que le Québec à l'Intérieur
de ces relations très harmonieuses, a défendu comme position?
Parlons d'abord de la fameuse taxe de vente imposée. On pourrait
l'appeler la TPS, il y en a d'autres qui l'appellent la TOC, appelons-la comme
on le voudra, la taxe de vente imposée par le fédéral.
Tout d'abord, quelle a été ta position du Québec au sujet
de cette taxe de vente au cours des deux années? La premier ministre se
souviendra que le 21 juin 1987, je crois, M. Wilson avait dit, avec ou sans le
Québec, je marche, avec ou sans les provinces, je marche. Il l'a
répété, je crois que c'est le 8 ou le 9 avril dernier et,
deux jours avant la publication du budget Wilson, le premier ministre et te
ministre des Finances, M. Levesque, sont surpris qu'Ottawa marche seul. Le
premier ministre a été obligé de changer - en bon
québécois - de "tape" parce qu'il voyait bien que cela n'avait
pas d'allure de continuer à maintenir une surprise qu'il cite depuis
deux ans et les avertissements sont clairs depuis deux ans. À part de
dire que c'était effrayant, qu'on perdait quelques dollars et qu'on
perdait beaucoup trop de dollars, on n'a jamais su ce que le Québec,
pendant deux ans, a défendu.
Prenons des exemples concrets. Est-ce que le Québec, par exemple,
était d'accord avec une taxe TVA? Est-ca qu'ii s rédamé
que ce soit une taxe neutre, en ce sens que cela n'aille pas surcharger le
contribuable québécois? On n'a pas entendu un mot de la bouche du
premier ministre ni du ministre des Finances. Est-ce qu'on a défendu le
fait qu'on ne voulait absolument pas voir dans le budget Wilson la taxe sur les
maisons neuves? On sait très bien que c'est régressif, même
dans le cadre d'une politique familiale. On va en parler un peu tantôt,
je l'espère, si on a le temps. Quel genre de crédit
d'impôts a-t-il réclamé pour les consommateurs dans ses
discussions? On ne sait rien. Surpris et, après cela, moins surpris et
déçus. Mais pendant deux ans... J'avais utilisé à
l'Assemblée nationale est-ce que vous dormiez sur la "switch"? Le
premier ministre a fini par dire que j'étais en forme. Mais là,
je suis dangereusement en forme pour avoir ses réponses au moins et je
suis prêt è lui poser des questions pendant quelques minutes.
Qu'avez-vous fait depuis deux ans, M. le premier ministre, vous et votre
équipe de supernégociateurs?
M. Bourassa: Je voudrais juste ajouter un mot à ce que
j'avais dit sur la clause "nonobstant". C'est dans Le Soleil du 22 avril
où il est clairement mentionné que quand je parlais des
modalités c'était, évidemment, après 1993. Donc, il
ne peut pas y avoir de contradiction, non seulement au sein du gouvernement
mais même avec l'Opposition. Je pense bien que l'Opposition ne peut pas
dire: En 1993, on va éliminer toute réflexion sur des
modalités.
M. Chevrette: Est-ce que vous pouvez nous montrer l'article parce
que, des fois, je me méfie du premier ministre? Il lit des petits bouts
et il oublie l'autre bout.
M. Bourassa: Non, c'est écrit.
M. Chevrette: Est-ce que je pourrais le voir?
M. Bourassa: De toute façon, c'est dans cinq ans. Cela
nous mène à 1993. Je cite...
M. Chevrette: Parliez-vous de la loi 178?
M. Bourassa: Non, de la clause "nonobstant*. Je pariais de la
clause "nonobstant* qui est incluse dans la loi 178.
M. Chevrette: Dans la loi 178, mais vous ne parliez pas de la
deuxième ronde constitutionnelle possible.
M. Bourassa: Je veux dire, M. le Président, si...
M. Chevrette: Vous ne parliez pas des discussions avec M. Lincoln
à ce moment-là, non plus.
M. Bourassa: Je conclus qu'on a le temps d'y
réfléchir, il reste à voir... Il ne peut pas y avoir de
discussions avec M. Lincoln. On a le temps, il reste à voir... Voyez la
modestie, M. le Président.
M. Chevrette: Très caractéristique chez vous.
M. Bourassa: ...il reste à voir si on sera encore
ià à ce moment. Voyez-vous, quand même, la modestie de ma
part.
M. Chevrette: Cet après-midi-là, elle ne vous
étouffait pas. Est-ce qu'on peut avoir la copie, M. le premier
ministre?
M. Bourassa: Je vais en faire faire une autre copie et je
vais...
M. Chevrette: D'accord.
M. Bourassa: Ce que je veux dire, c'est que les reproches du chef
de l'Opposition ne sont pas fondés. Lui-même, je pense, si on lui
demandait en 1993, est-ce que vous êtes prêt à discuter les
modalités du renouvellement de la clause "nonobstant", cela
m'étonnerait qu'il dise qu'il n'en sera jamais question.
M. Chevrette: Sûrement. On peut vous dire tout de suite,
nous autres, qu'on va réclamer les pouvoirs exclusifs du Québec
en matière linguistique.
M. Bourassa: Mais vous allez être...
M. Chevrette: Pour cela II n'y a aucun problème. On ne se
trompera jamais et le discours va être pareil avant, pendant et
après.
M. Bourassa: Vous avez changé d'idée dans...
M. Chevrette: Non, en n'a pas changé d'idée.
L'exclusivité des pouvoirs en matière linguistique, on n'a jamais
changé d'idée.
M. Bourassa: Vous dites que votre fondateur a changé
d'idée au sujet de la langue. Il a dit que trois jours
après...
M. Chevrette: Vous êtes encore en train, voyez-vous, de
vouloir embarquer sur un autre sujet pour noyer le poisson sur les questions
que je vous ai posées.
M. Bourassa: Non.
M. Chevrette: Ne dormez pas sur la "switch" et répondez
à mes questions claires sur le budget.
M. Bourassa: Je veux vous dire, donc, que cela clarifie la clause
"nonobstant".
M. Chevrette: Pas à notre point de vue. Pas du tout, mais
en tout cas...
M. Bourassa: Évidemment, je n'attends pas une admission de
votre part. Le budget ou les relations fédérales-provinciales, je
pense que je pourrais citer toute une série de dossiers où cela a
bien marché. Je ne dis pas que c'est le cas dans tous les dossiers et je
ne blâme pas le chef de l'Opposition. C'est le moins qu'on puisse lui
demander, tenant compte de la thèse de son parti, de mettre en relief
les choses qui ne marchent pas dans le fédéralisme. Je ne
m'attends pas à ce que le chef de l'Opposition fasse l'éloge du
fédéralisme.
M. Chevrette: Dites-nous donc ce qui va dans le budget? On va
vous poser la question différemment d'abord.
M. Bourassa: Dans le budget, on doit admettre que la situation
financière du Canada est difficile. M. Parizeau le disait lui-même
dans sa conférence de presse. Un tiers des revenus va au service de la
dette. En Angleterre, c'est 10 %. Aux États-Unis, où le
déficit est considéré d'une façon presque
dramatique, c'est 16 %. Donc, il y a un problème d'endettement
accumulé. Cela dit, on donnera la réponse au discours sur le
budget. Le chef de l'Opposition me demande de dévoiler le contenu du
prochain discours sur le budget.
M. Chevrette: Non.
M. Bourassa: Cela revient à cela. La position sur les
relations.
M. Chevrette: Le premier ministre doit se rappeler... Si c'est de
vous en faire embrasser trop large, je vais y aîier par portion. M. le
premier ministre, étiez-vous d'accord, dans les discussions avec !e
fédéral sur la taxe de vente, du nouveau mode de taxation?
M. Bourassa: M. le Président, on était d'accord
pour en discuter avec eux en tenant compte des compétences provinciales.
Ce que l'on peut noter dans le budget et ce que j'ai noté le lendemain
du budget, c'est que non seulement on reporte aux provinces, on augmente le
fardeau des provinces dans le secteur des dépenses de la santé et
de l'éducation, mais on occupe de l'espace fiscal. Donc, on dit aux
provinces: Vous allez assumer davantage de dépenses et, pour financer
ces dépenses, on vous enlève de l'espace fiscal. Plus que
ça, les dépenses qu'on vous refile, ce sont des dépenses
en croissance élevée, comme la santé. Là, j'ai
trouvé que c'était une approche de la part du gouvernement
fédéral qui n'était pas réaliste.
M. Chevrette: Mais lorsque vous avez discuté avec le
fédéral pendant deux ans, je suppose que vous avez
discuté, vos hauts fonctionnaires se sont promenés
régulièrement à Ottawa, votre ministre des Finances
également. Est-ce que vous étiez d'accord sur la taxe telle que
présentée par M. Wilson? Sur le principe, vous pouviez être
favorable à une taxe neutre, avez-vous réclamé que le
nouveau mode de taxation ait un effet de neutralité par rapport au
fardeau fiscal des contribuables québécois?
M. Bourassa: On sait que l'application de la taxe commence le 1er
janvier 1991. Donc, le gouvernement n'avait pas établi
définitivement sa position sur les modalités de la taxe. C'est
cela, précisément qui était négocié avec le
gouvernement fédéral.
M. Chevrette: Mais sur le principe, M. le premier ministre. Vous,
qui vous faites fort de donner des leçons d'économie à peu
près à tout le monde qui bouge devant vous, est-ce que vous aviez
une idée du principe, quant à la taxe, la TVA par exemple, est-ce
que c'était un principe qui vous agréait quand vous êtes
allé discuter ou si vous n'aviez aucune idée du mode de taxation
que vous alliez réclamer ou défendre?
M. Bourassa: M. le Président, je crois avoir
répondu au chef de l'Opposition tantôt que ce
qui nous importe actuellement... les modalités des formules
envisagées, on pourra en discuter éventuellement, c'est que les
provinces aient un espace fiscal suffisant pour assumer leurs
responsabilités constitutionnelles, et là, on doit constater que
notre espace fiscal est rétréci. Quant au reste...
M. Chevrette: Étiez-vous pour le maintien... Dans vos
discussions, avez-vous défendu le maintien du statu quo par exemple, en
matière de taxe pour les manufacturiers?
M. Bourassa: Non; on admettait que le gouvernement
fédéral puisse modifier son point de vue.
M. Chevrette: Bon, vous êtes allés là sans...
Par exemple, on sait que tous les pays industrialisés, je pense,
à l'exception du Japon, ont une formule TVA, une taxe TVA. Est-ce que
vous êtes allés là comme gouvernement... Aviez-vous une
idée sur cela, avez-vous défendu le principe, qu'est-ce que vous
aviez comme discours? C'est ce que je veux savoir.
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition doit
se souvenir qu'il y a eu évolution du côté du gouvernement
fédérai. Au début, on envisageait une TVA avec un taux
inférieur impliquant la taxation des aliments et des produits de
nécessité. On a évolué par la suite. Donc, il n'y
avait pas de position définitive du côté
fédéral, et tant qu'il n'y avait pas de position
définitive, le gouvernement était prêt à examiner
les propositions du gouvernement fédéral. Mais tant qu'elles
n'étaient pas définitives, il ne pouvait pas arriver et dire:
Voilà toutes les modalités qui nous paraissent
préférables pour le Québec. On s'en tient actuellement
à une position de principe. On ne met pas un droit de veto sur une TVA.
Tout le monde admet que c'est une taxe qui est assez neutre.
M. Chevrette: L'effet pourrait être neutre,
effectivement.
M. Bourassa: Ce que l'on dit, c'est notre préoccupation
maintenant, et c'est ce à quoi travaille le ministre des Finances
jusqu'à son budget et dans les négociations éventuelles;
il s'agit d'avoir l'espace fiscal nécessaire pour assumer nos
responsabilités. Et là, nous sommes très
déçus du budget parce que non seulement on ajoute à nos
dépenses, mais on rétrécit nos possibilités de
revenus.
M. Chevrette: Mais depuis deux ans, vous saviez que le
fédérai était prêt à fonctionner seul.
M. Bourassa: Il a annonçé... (17 h 30)
M. Chevrette: Il l'avait clairement identifié au tout
départ, loin de moi de les défendre, mais dès le
départ, on savait qu'il avait affiché une volonté
politique, M. le premier ministre, de fonctionner seul. D'accord? Vous saviez
cela. Cela ne vous a pas empêché d'inciter les
Québécois d'appuyer assez massivement ce gouvernement qui pouvait
agir seul. Dans les faits, après les élections, il agit seul, en
plus. Vous dites, vous reconnaissez vous-même qu'il s'en vient occuper un
champ, par exemple. On pourrait peut-être s'exprimer ainsi: il vient
occuper le champ des services en ce qui concerne la taxation. Le champ des
services, automatiquement, si vous l'occupez en double, on vient d'avoir un
joyeux problème. Il rétrécit donc la possibilité du
Québec, il enlève tout un champ de taxation au Québec.
Plus encore, il coupe substantiellement, comme vous le dites en
éducation, dans les transferts d'éducation eî de
santé où les montants connaissent une escalade assez rapide. Les
dépenses connaissent une escalade plus rapide que dans d'autres
secteurs. Quelle position avez-vous défendue depuis deux ans? C'est ce
que je ne comprends pas. Quand on ne veut pas qu'un champ soit occupé,
on le dit, on le crie fort. Et quand on nous l'impose unilatéralement,
on se bat comme Jean Lesage se battait ou comme Duplessis l'a fait, si vous
vouiez réveiller, un peu plus loin. Là, on a une surprise, une
déception et bingo, on présentera un budget, très
prochainement, à Ottawa. Aux Québécois, on
présentera un budget et on dira: C'est la faute du
fédéral, on était surpris et déçus, donc, on
paie. Cela fait tout un violent combat pour rapatrier nos droits. Cela fait
tout un combat pour défendre les consommateurs québécois
et les intérêts des Québécois. Ne trouvez-vous pas,
M. le premier ministre, que c'est un peu mou comme attitude pour ne pas dire
plus? Je vais m'arrêter là.
M. Bourassa: M. le Président, d'abord, le chef de
l'Opposition se réfère à la dernière campagne
électorale. Le chef de l'Opposition...
M. Chevrette: En passant, je voudrais saluer Mme la sous-ministre
et fui demander si elle a apporté la lettre de M. Chamberland.
M. Bourassa: Elle n'est pas au ministère de la
Justice.
M. Chevrette: Elle a le même "boss", le même
ténor.
M. Bourassa: Ce que je dis, c'est quand il dit que j'ai
appuyé le gouvernement conservateur, on sait que j'ai toujours
mentionné ma neutralité durant la campagne électorale.
M. Chevrette: Ha, ha, ha! Lès rires seront inscrits, il y
aura des ha, ha, ha.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai répondu
aux questions en Chambre parce que l'Opposition,
systématiquement, évitait de me poser des questions sur le
libre-échange dans les semaines cruciales qui précédaient
la date de l'élection, au point où plusieurs vous ont
soupçonnés de souhaiter la victoire des ennemis du
libre-échange.
M. Chevrette: Je vous ai même proposé une motion que
vous avez refusée.
M. Bourassa: M. le Président...
M. Chevrette: Un petit peu de décence si vous n'avez pas
de modestie cet après-midi.
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition a
proposé une motion qu'il savait inacceptable. Il n'a pas voulu accepter
des amendements qui auraient permis...
M. Chevrette: C'était Inacceptable de connaître la
position des partis politiques avant la fin de l'échéance
électorale. Imaginez-vous!
M. Bourassa: Aucune question sur l'effet du libre-échange
sur les programmes sociaux. On se serait attendu normalement, dans les semaines
qui précédaient l'élection, qu'il y ait au moins une
question de posée à Mme Lavoie-Roux, ministre de la Santé
et des Services sociaux, sur l'impact du libre-échange. Pas une question
de l'ancien ministre n'a été posée pour ne pas permettre
au gouvernement de clarifier la situation là-dessus. Alors, je crois que
lui n'a pas de leçon à donner ni à faire
d'interférence.
M. Chevrette: On ira chercher la question posée par mon
collègue Brassard et on va vous la rapporter. D'habitude, vous vous
souvenez de la date et de l'heure. Je suis surpris que vous ayez des trous de
mémoire.
M. Bourassa: M. le Président, on l'attendait tous les
Jours cette question et elle ne venait pas.
M. Chevrette: Vous l'avez eue.
M. Bourassa: On attendait une question sur les programmes sociaux
parce qu'il se faisait beaucoup de démagogie sur les programmes sociaux.
On se disait: Comment se fait-il que le
Parti québécois ne pose pas de question
là-dessus?
M. Chevrette: Comment se fait-il que vous n'ayez pas voulu
répondre à la question les 15 ou 16 novembre, je peux me tromper
d'une journée? Vous l'avez eue votre question les 15 ou 16 novembre.
M. Bourassa: Pas sur les programmes sociaux.
M. Chevrette: Oui, allons donc la chercher. M. Bourassa:
Non.
M. Chevrette: On va lui transmettre cela. Nous autres, on va
avoir la transparence.
M. Bourassa: J'ai hâte de voir si je m'excuserai
auprès du chef de l'Opposition.
M. Chevrette: C'est à Mme Lavoie-Roux de Brassard, si ma
mémoire est fidèle. On va vous la donner.
M. Bourassa: Non, Mme Lavoie-Roux était absente. Quand
elle est revenue, elle attendait la question pour qu'on puisse rassurer
l'opinion publique devant la démagogie qui avait été faite
là-dessus.
M. Chevrette: On va aller la chercher.
M. Bourassa: Alors, on s'est dit: Est-ce qu'il ne souhaite pas
secrètement...
M. Chevrette: Cela va prendre moins de temps que d'aller la
chercher au ministère de la Justice.
M. Bourassa: ...la victoire des ennemis du libre-échange,
par la façon dont il procède? Alors, c'est pour cela que
là-dessus, le chef de l'Opposition est mal placé pour dire que
j'ai interféré dans la campagne fédérale.
M. Chevrette: Le premier ministre a du culot cet
après-midi. Marc-Yvan Côté, son grand organisateur, faisait
campagne pour les ennemis du libre-échange. Mme Lavoie-Roux dans des
pamphlets s'affichait contre les ennemis du libre-échange. Plusieurs de
ses ministres s'affichaient avec les ennemis du libre-échange. Et
'û vient essayer d'Insinuer qu'on pouvait vouloir que ies ennemis du
libre-échange...
M. Bourassa: Bien oui, mais...
M. Chevrette: Écoutez, M. le premier ministre, un petit
peu de modestie. Vous en avez parlé tantôt, bien tâchez donc
d'en prendre un petit peu.
M. Bourassa: Ce n'est pas une question de modestie, M. le chef de
l'Opposition, c'est que ça démontre précisément que
le gouvernement était neutre...
M. Chevrette: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: ...si les ministres partageaient leurs
allégeances, qu'il y avait une liberté d'expression chez les
ministres. Je voulais Juste clarifier ça, parce que le chef de
l'Opposition
dit: Bon, il a aidé le gouvernement à se faire
élire, il aurait dû recevoir davantage depuis
l'élection.
M. Chevrette: La question, ce n'est pas ça, c'est:
qu'est-ce que vous avez fait depuis deux ans dans vos pourparlers? On n'a pas
eu l'ombre du début d'une réponse. On n'est pas à la
période de questions, là. Qu'est-ce que vous avez
réclamé depuis deux ans? C'est cela que je vous demande. Vous
devez être capable de me dire si vous y êtes allé souvent,
d'abord. Combien de fois M. Rémillard y est-il allé? On va
peut-être savoir au moins le nombre de fois qu'il y est allé. De
quoi a-t-il parlé? Était-il pour la TVA en principe?
Était-il en faveur d'une nouvelle forme de taxe de vente? A-t-il
réclamé une taxe neutre sans effet pour les contribuables
québécois? A-t-il fait des interventions en ce sens? S'est-il
fait appuyer par le Conseil des ministres? Avez-vous réclamé
l'occupation de quelque champ de taxation nouveau? Il me semble qu'on peut
répondre à cette question, que ce n'est pas un
mystère.
Êtes-vous intervenu par écrit, avez-vous avisé M.
Mulroney par écrit que vous n'accepteriez pas l'envahissement d'un champ
de taxation? Je ne sais pas, moi, montrez-nous que vous avez fait quelque
chose, je vous en offre l'occasion.
M. Bourassa: M. le Président, il y a eu, de la part du
ministre des Finances et de moi-même... Nous maintenons la position
traditionnelle du Québec là-dessus. Je comprends que le chef de
l'Opposition ne peut pas être au courant de toutes les prises de
position, il y en a des dossiers dans les relations
fédérales-provinciales. La taxe de vente est l'un des 50 ou 55
dossiers qui sont actuellement ouverts. Alors, ce que je dis, c'est qu'on an a
parlé au Conseil des ministres et que la position du Québec est
que nous voulons un partage des ressources fiscales. On n'a pas d'objection de
principe à ce que le gouvernement fédéral puisse modifier
sa fiscalité indirecte ou la fiscalité pour remplacer ou modifier
la loi dans le secteur manufacturier, mais la position du Québec est que
nous voulons avoir les ressources fiscales, nous voulons conserver notre
autonomie fiscale et nous voulons avoir les ressources fiscales qui
correspondent à nos compétences constitutionnelles. C'est
ça. Le gouvernement fédéral n'a pas pris position sur les
modalités de la taxe.
M. Chevrette: Vous avez dit...
M. Bourasse: On ne connaît pas le taux.
M. Chevrette: Non, non.
M. Bourassa: L'assiette évolue. Bon!
M. Chevrette: Mais une affaire est certaine, le champ des
services est occupé...
M. Bourassa: C'est-à-dire que le gouvernement
fédéral a décidé en principe de modifier sa taxe.
Nous verrons... Cela n'entre pas en vigueur avant le 1er janvier 1991. On est
le 3 mai 1989, on doit recevoir à l'automne peut-être plus
d'informations sur les modalités, nous verrons, à ce
moment-là, mais je vous dis que notre position est claire au sujet des
principes.
M. Chevrette: Mais le tout est connu.
M. Bourassa: Ne nous demandez pas... Le taux est connu au sujet
des...
M. Chevrette: C'est 9 %.
M. Bourassa: Oui, d'accord, mais ne nous demandez pas...
M. Chevrette: Non, mais vous avez dit tantôt que le taux
n'était pas connu.
M. Bourassa: Non, non.
M. Chevrette: Le taux est connu, le champ des services est
connu.
M. Bourassa: Le champ a évolué, parce qu'au
début on parlait de...
M. Chevrette: Mais le champ des services est connu.
M. Bourassa: M. le Président...
M. Chevrette: Dans le document budgétaire.
M. Bourassa: On me dit que ce n'est pas un projet de loi, c'est
un document d'information avec les grandes orientations.
M. Chevrette: Non, non, mais, M. le premier ministre...
M. Bourassa: Ce que je dis, c'est que...
M. Chevrette: ...je suppose que vous êtes même mieux
informé que l'Opposition là-dessus...
M. Bourassa: Oui, je le sais.
M. Chevrette: ...et que vous savez que le champ des services va
être envahi.
M. Bourassa: Oui, on parle du champ des services, mais ce que je
dis, M. le Président, c'est que la position du gouvernement du
Québec là-dessus, et elle sera explicitée dans le discours
sur le budget, c'est d'avoir un partage des ressources qui respecte nos besoins
et qui respecte également notre autonomie fiscale.
M. Chevrette: Mais, M. le premier ministre...
M. Bourassa: Mais, le ministre des Finances du gouvernement
fédéral n'a pas encore déposé son projet de
loi.
M. Chevrette: M. le premier ministre, ce n'est pas dans le budget
qu'on doit connaître les orientations ou la défense du
gouvernement du Québec, c'est une position politique, ça. Je ne
peux pas concevoir que ce soit... J'ai beaucoup de respect pour M.
Gérard D. Levesque dont c'était la fête hier, d'ailleurs,
et j'ai appris ça aujourd'hui, je lui souhaite bonne fête par le
perroquet.
M. Bourassa: Je vais lui transmettre cette aimable
pensée.
M. Chevrette: Je dois vous dire ceci. M. le premier ministre,
vous savez bien que c'est une position gouvernementale.
M. Bourassa: Oui, mais on vous la donne, là.
M. Chevrette: Vous n'avez pas réagi, à part de dire
que vous étiez surpris et déçu. Quelle est la position du
gouvernement du Québec par rapport à l'envahissement du champ des
services? Est-ce que le gouvernement du Québec s'y oppose? A-t-il
l'intention de faire la lutte? Va-t-il contester juridiquement ou s'il va se
battre politiquement? Il me semble que c'est tout à fait naturel pour
une Opposition de vous demander quelque chose d'aussi simple que cela. Ce n'est
pas M. Gérard D. Levesque qui, par la voix d'un budget, va nous
répondre: II me manquait 200 000 000 $, donc je vais chercher 200 000
000 $, ou bien: J'aurais réduit mon déficit de 200 000 000 $,
mais je ne peux pas, parce que le fédéral est venu chercher 200
000 000 $. Quelle est la position? Est-ce une position d'acceptation et de
transposition budgétaire que vous faites, ou si c'est une position
politique d'un gouvernement qui veut se tenir debout, qui veut exiger son
dû, et qui trouve que l'envahissement est tout à fait irrationnel,
inacceptable, et que vous entendez vous battre avec tous les moyens du bord
pour défendre les intérêts du Québec et des
Québécois et que vous n'acceptez pas l'envahissement des champs
de services? Vous n'acceptez pas que les maisons neuves soient taxées
à 9 %, que c'est antifamilial, antiproductif. Je ne vous al pas entendu
dire ça. Vous êtes surpris, et vous êtes déçu,
mais bon Dieu! comme gouvernement, vous devez avoir un ressort politique, vous
devez avoir un discours politique à tenir, vous devez avoir des opinions
sur la conduite du dossier. Cela semble une acceptation. C'est comme si vous
étiez en coulisse, en accord avec tout ce qui se passe. Cela n'a pas de
bon sens.
M. Bourassa: Si je comprends bien le chef de l'Opposition, il dit
qu'on devrait s'opposer avec tous les moyens du bord. Mais est-ce qu'il veut
dire que je devrais déclencher une élection avant minuit ce
soir?
M. Chevrette: C'est votre prérogative exclusive, M. le
premier ministre. Je que je veux vous dire, ce n'est pas de savoir ce que moi
je vous demande, je vous demande ce que vous avez à dire à cet
égard? Vous êtes premier ministre du Québec, c'est
sérieux comme question.
M. Bourassa: Mais ce que je dis, c'est ce que M. Parizeau disait
avant-hier: Pas d'élection, M. Bourassa n'est pas Justifié de
faire une élection là-dessus. D'ailleurs M. Brassard, le whip,
député de Lac-Saint-Jean, disait la même chose, le premier
ministre n'est pas justifié de faire une élection sur la clause
"nonobstant", parce qu'il dit qu'elle est dans le texte. M. Parizeau dit: M.
Bourassa n'est pas justifié de faire une élection sur le budget
fédéral. Je comprends que vous n'êtes pas trop
désireux d'avoir une élection, mais est-ce que le chef de
l'Opposition représente la position de son parti, est-ce qu'il veut une
élection le 19...
M. Chevrette: M. le premier ministre, vous allez prendre la
question au sérieux D'abord, s'il avait fallu qu'il y ait des
élections chaque fois que vous vous êtes fait avoir par le
fédéral, on aurait été en élection tous les
trois mois depuis que vous êtes là, parce que vous vous êtes
fait avoir littéralement sur les frégates, sur les contrats de
recherche, sur à peu près tout ce qui bouge.
Mais je suis sérieux, je vous pose la question. Qu'est-ce que
vous avez à répondre à la question suivante: Quel est le
discours politique, la stratégie politique, non pas budgétaire,
ce que vous défendez, considérez-vous qu'on est dans une position
illégale par rapport à la constitution canadienne? Parce que vous
avez prétendu dans une de vos réponses que même si
l'article 91,3 donnait le pouvoir de taxer, que l'article 92 vous donnait la
prérogative de lutter juridiquement, allez-vous avoir une lutte
juridique seulement? Allez-vous avoir uns lutte politique? Est-ce que vous
renoncez au combat ou vous laissez-vous avoir purement et simplement? C'est ce
que je veux savoir. C'est à vous de le dire, ce n'est pas à
moi.
M. Bourassa: M. le Président, je ne comprends par le chef
de l'Opposition de diminuer l'impact d'un discours sur le budget, qui est
peut-être l'un des documents les plus Importants de l'année. Son
propre chef très souvent, dans les discours sur le budget,
énonçait des politiques dans les relations fiscales avec le
gouvernement fédéral. Je pense que c'est le document
idéal, plus que des discussions de crédits, pour
parler des modalités sur le plan des politiques fiscales. Je dis
que la position de principe du gouvernement, pour la nième fois, est de
dire au gouvernement fédéral, c'est pour cela qu'il n'y a pas eu
accord. D'ailleurs, si le gouvernement du Québec ne s'était pas
défendu, le ministre fédéral n'aurait pas
été obligé de procéder unilatéralement. La
preuve qu'on a défendu les intérêts du Québec, c'est
que le ministre fédérai a décidé de procéder
unilatéralement. Les intérêts du Québec, Je vous ai
dit tantôt que ça signifiait un partage des ressources qui tienne
compte de nos responsabilités.
M. Chevrette: M. le Président, en ce qui concerne le
discours sur le budget, vous allez faire le constat que le
fédéral vous est rentré dans le corps pour 200 000 000 $
ou à peu près.
M. Bourassa: D'après ce que vous dites, ce n'est pas
beaucoup.
M. Chevrette: Non, non. Ce n'est pas ce j'ai dit.
M. Bourassa: M. Parizeau a dit ça avant-hier.
M. Chevrette: Ce n'est pas ce que je dis maintenant. Je dis:
C'est 200 000 000 $ minimum ou à peu près. Je dis ceci: Le
fédéral vous est rentré dans le corps pour 200 000 000 $.
Vous voulez attendre le discours sur le budget pour dire: Voici comment je
comble ce manque à gagner. C'est ça que fait un budget; il
définit les nouvelles règles du jeu dans la taxation, dans les
impôts. Il dit: J'ai un manque à gagner de 200 000 000 $ que le
fédéral m'a imposé, mais c'est peut-être plus de 200
000 000 $. Vous avez dit vous-même qu'en éducation et en
santé, l'escalade est très rapide. Ce que je veux savoir c'est:
Acceptez-vous ça? Allez-vous vous revenger exclusivement par le budget,
possiblement, sur les contribuables québécois ou allez-vous
essayer de faire porter exclusivement l'odieux de cette nouvelle taxation que
vous imposerez sur le gouvernement fédéral au lieu de livrer le
combat politique qui s'impose quand un gouvernement se tient debout? C'est ce
qu'ont fait les gouvernements précédents sous M. Lesage, M.
Johnson ou M. Duplessis. En fait, tous les gouvernements ont toujours
livré bataille, en particulier face à l'invasion des champs
fiscaux, tous les gouvernements ont réagi avec beaucoup de
spontanéité et même avec beaucoup d'énergie, pour ne
pas dire d'agressivité, face à l'envahissement
fédéral. Ici, depuis une semaine, c'est la surprise et la
déception. Il n'y a pas de discours politique, il n'y a pas de position
politique, il n'y a pas de positionnement du tout du gouvernement. On ne sait
même pas, au moment où l'on se parle, si, juridiquement, vous
allez essayer de contester, en vertu de l'article 92, le droit que le
fédéral prétend avoir en vertu de l'article 91. On ne sait
rien. On est surpris et vous verrez que dans quinze jours, on va se battre en
Hérode, on va dire que c'est sa faute. Ce n'est pas ça que je
veux savoir. Je veux savoir si le gouvernement a une colonne vertébrale
là-dessus, s'il entend aller chercher son dû et s'il entend se
battre pour ne pas laisser envahir les champs de taxation qui sont
traditionnellement dévolus aux provinces. C'est ça que je veux
savoir, M. le premier ministre et je suis loin de faire des farces
là-dessus. Je suis très sérieux. (17 h 45)
M. Bourassa: M. le Président. Je n'ai pas d'objection
à ce que le chef de l'Opposition interprète la
réalité à sa façon, mais quand il dit qu'on n'a pas
défendu les intérêts du Québec, qu'on n'a pas fait
preuve de fermeté dans les négociations fiscales, qu'il se
souvienne des déclarations qui ont été faites sur le
fédéralisme prédateur à l'occasion du partage
fiscal. Je crois qu'il devrait faire preuve d'un peu plus de mémoire. Le
gouvernement du Québec actuel est aussi ferme et peut-être
davantage que d'autres gouvernements. Il y a eu des discussions. La position de
principe du gouvernement du Québec est claire et nette là-dessus.
On l'a affirmé, je l'ai dit et le ministre de la Justice l'a dit en
réponse à des questions du chef de l'Opposition, il y a quelques
jours à peine, qu'on ne laisserait pas envahir des champs qui nous sont
nécessaires. Il y a eu des discussions, pendant deux ans, de nature
technique surtout, pour voir si on pouvait harmoniser les besoins provinciaux
et les besoins fédéraux, pour ce qui est de la taxe de vente.
Parce que le Québec et les autres provinces ont défendu leur
point de vue, finalement, il y a eu impasse et le ministre
fédéral des Finances a décidé de procéder
unilatéralement. On verra dans son projet de loi. Cela ne veut pas dire
qu'on ne doit pas préparer des modalités de politique ou essayer
de poursuivre une négociation avec d'autres provinces. Je crois que le
ministre des Finances, aujourd'hui, rencontre un collègue provincial.
Alors, cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres discussions, mais dire
que le gouvernement ne défend pas, dans ce secteur, l'autonomie fiscale
du Québec, c'est absolument faux. Dire que le discours sur le budget
n'est pas un document important pour faire valoir la position fiscale du
gouvernement, je ne pense pas que ce soit correct de faire une telle
affirmation.
M. Chevrette: Vous dites que vous voulez préserver la
possibilité du Québec d'occuper les champs traditionnels. Cela
veut dire quoi?
M. Bourassa: Pardon?
M. Chevrette: Qu'est-ce que ça veut dire pour vous?
M. Bourassa: On exerce actuellement nos compétences.
M. Chevrette: Est-ce que ça veut dire, par exemple, que le
fédéral pourrait se limiter à une taxe de 4 % et que vous
pourriez ajouter un 3 % par-dessus, ou est-ce que ça veut dire les
évincer complètement du champ? C'est quoi, pour vous? Qu'est-ce
que ça veut dire?
M. Bourassa: M. le Président, je disais tantôt qu'il
y a eu des discussions, pendant deux ans, sur ce genre de partage ou ce genre
de modalité et que ça a abouti à une impasse.
M. Chevrette: Sur le principe de l'occupation des champs, est-ce
que le premier ministre peut dire que son gouvernement avait une position
très claire, de principe, quant au non-envahissement par le
fédéral de certains champs?
M. Bourassa: Le fédéral est déjà
présent, avec sa taxe de vente, actuellement.
M. Chevrette: Oui, mais sur les services, il n'était pas
présent.
M. Bourassa: Ce que je dis, c'est que la position du gouvernement
du Québec - et on est prêt à discuter - est d'avoir
l'espace fiscal suffisant pour faire face à nos responsabilités
constitutionnelles.
M. Chevrette: Les espaces fiscaux, cela peut se traduire de deux
façons: ou bien vous vous gardez l'exclusivité de champs, ou bien
vous vous permettez de négocier un taux assez bas pour vous permettre
d'ajouter. Laquelle avez-vous préconisée?
M. Bourassa: M. le Président, je ne suis pas en mesure de
dévoiler publiquement aujourd'hui les conclusions du gouvernement du
Québec sur les modalités de notre fiscalité.
M. Chevrette: Pourriez-vous nous donner les possibilités
théoriques?
M. Bourassa: Je ne vois pas la distinction.
M. Chevrette: Sans dire que vous avez négocié telle
chose, pourriez-vous nous dire quelles étaient les possibilités
qui s'offaient au gouvernement?
M. Bourassa: Si je dis que je ne suis pas en mesure de dire
publiquement quelles sont les modalités qui pourraient nous satisfaire
parce qu'on est en négociation, je ne vols pas comment je peux parler de
possibilités théoriques.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez déposé des
scénarios?
M. Bourassa: II y a eu des discussions, M. le Président,
avec le ministre fédéral des Finances; Mme Wilhelmy vient de me
dire qu'il y a également eu des discussions avec les fonctionnaires.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez déposé
vous-même des positions?
M. Bourassa: II y a eu des documents ou des points de vue qui ont
dû s'échanger.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre peut me confirmer
s'il y a eu, de la part du Québec, des positions de principe de
déposées lors de ces négociations?
M. Bourassa: Pardon?
M. Chevrette: Est-ce qu'il y a eu des positions de principe
d'énoncées clairement, par le Québec, par exemple, sur
l'occupation des champs? Prenons spécifiquement sur le champ des
services. Est-ce que le Québec a accepté le champ des
services?
M. Bourassa: M. le Président, les positions de principe,
je les mentionne depuis trois quarts d'heure au chef de l'Opposition, sur le
respect de l'autonomie, sur des ressources suffisantes. Je pense que
c'est...
M. Chevrette: Les positions de principe, vous savez très
bien, M. le premier ministre...
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition dit lui-même que le
fédéral peut taxer dans tous les secteurs, mais nous...
M. Chevrette: Tout à l'heure je vous ai posé une
question sur l'article 91.3 - je vais m'interpréter moi-même. J'ai
dit que le gouvernement fédéral s'appuyait là-dessus pour
justifier son pouvoir de taxation et votre jurisconsulte m'a répondu
qu'en vertu de 92, il y avait des champs exclusifs. Est-ce que le champ des
services, pour vous, c'était propre au Québec? Si vous ne voulez
pas répondre à ma question, je vais y aller autrement. Selon
l'interprétation de votre jurisconsulte, est-ce que le champ des
services, en ce qui concerne la taxation, est exclusif au Québec?
M. Bourassa: M. le Président, le ministre de la Justice a
parlé de la légitimité constitutionnelle.
M. Chevrette: II a parlé spécifiquement de
l'article 92. Je vais aller chercher sa réponse.
M. Bourassa: Exactement, de l'article 92 qui parle de
compétences constitutionnelles.
M. Chevrette: II a parlé de la légalité
et
non de la légitimité.
M. Bourassa: II a parlé de la légitimité
constitutionnelle parce que nous avons des responsabilités.
M. Chevrette: Quand il s'est aperçu qu'il s'était
mis le doigt dans l'oeil avec la légalité, il a parlé de
légitimité. Mais, au départ, rappelez-vous, il a
parlé de légalité, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Non.
M. Chevrette: Oui, et on va vous le sortir. C'est un autre texte
que vous devez lire. C'est à la page 5708 des galées.
M. Bourassa: Apportez-moi le texte. Cela m'étonnerait que
le ministre de la Justice se soit trompé. Cela ne lui est jamais
arrivé, à ma connaissance.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Ce que je dis c'est qu'il a parlé de la
légitimité constitutionnelle. Dans ce sens-là,
évidemment, nous allons négocier.
Cela va? Avez-vous terminé sur l'aspect fiscal?
M. Chevrette: Non.
M. Bourassa: Je voudrais juste dire que les 15 et 16 novembre, il
n'y a eu aucune question sur les services sociaux.
M. Chevrette: On l'a. On va vous le fournir. Soyez sans crainte.
On ne vous laisse pas aller comme ça. On vous connaît et on va
vous donner les pages aussi. Cela commence à la page 3235, du Journal
des débats de l'Assemblée nationale, M. le premier ministre, le
jeudi 17 novembre. Quant à l'heure, on pourrait vous dire que
c'était à peu près à 14 h 40.
M. Bourassa: C'est le lendemain qu'un député
libéral m'avait posé la question.
M. Chevrette: C'est pour vous montrer que vous avez
affirmé quelque chose qui est faux.
M. Bourassa: C'est le lendemain que le député de La
Peltrie m'avait posé la question. Vous aviez dit: tant qu'à y
aller, on va être obligé d'y aller. C'est fait. Ecoutez, le petit
truc de stratégie...
M. Chevrette: Je voudrais savoir si l'unanimité des
provinces s'est faite contre le fédéral ou si c'était
seulement le Québec qui divergeait d'opinion sur la TVA?
M. Bourassa: Je ne peux pas parler au nom des autres provinces,
franchement.
M. Chevrette: Non, mais dans votre négociation, est-ce que
c'était une position unique du Québec? L'Alberta aussi,
sûrement.
M. Bourassa: Ce qu'on me rapporte, c'est que M. Buchanan a
manifesté de l'opposition ou des réserves, de même que
l'Alberta. Donc, il y a plusieurs provinces qui ont manifesté des
réserves.
M. Chevrette: Quels sont les points de divergence les plus
profonds entre le fédéral et le provincial là-dessus? Les
points précis de divergence.
M. Bourassa: Le point précis, c'est qui va pouvoir...
C'est la correspondance, si on peut dire, globalement parlant. Je ne peux
pas... Je n'ai pas participé aux réunions sur les aspects
techniques.
M. Chevrette: Mme Wilhelmy va vous renseigner. Elle était
là.
M. Bourassa: C'est la correspondance entre les
responsabilités et les ressources.
M. Chevrette: Je voudrais savoir, M. le premier ministre - je
vais étirer ma question pour vous permettre de me répondre -
quels sont les points précis sur lesquels les négociations ont
achoppé?
M. Bourassa: II y a eu des négocations, pendant deux ans,
sur le partage fiscal et, finalement, il n'a pas pu y avoir de consensus entre
le ministre fédéral des Finances et les ministres provinciaux. Le
fédéra) n'a pas déposé son projet de loi sur la
table pour qu'on le négocie.
M. Chevrette: Non, je sais comment ça marche. Mais quand
on arrive pour négocier, ordinairement, il y a quelqu'un qui demande et
il y a quelqu'un qui diverge d'opinion, parce qu'il a des principes
différents et des points de vue différents. Je voudrais savoir
quels sont ces points de vue différents. C'est donc bien dur de...
M. Bourassa: Eh bien!
M. Chevrette: Vous deviez savoir ce que vous alliez
négocier. Jamais je ne croirai que vous êtes allé
là, échevelé, en disant: Attention, mon coiffeur n'y est
pas, mais, là, il faut que je vous questionne. Voyons, cela n'a pas
d'allure! Vous alliez défendre quelque chose, M. le premier ministre.
Votre ministre des Finances allait se battre pour quelque chose. Il ne voulait
pas faire envahir des champs quelconques. Cela n'a pas de bon sens votre
affaire.
M. Bourassa: Je comprends que le chef de l'Opposition a de la
difficulté à être échevelé...
M. Chevrette: Oui, je n'en ai plus.
M. Bourassa: ...mais ce que je veux lui dire, c'est que le
ministre fédéral des Finances et le gouvernement ont dit
publiquement, à plusieurs reprises: II nous faut modifier la taxe de
vente parce qu'elle est préjudiciable aux exportations. Donc, les
provinces ne pouvaient pas dire: Non, on est contre le fait que vous envisagiez
d'apporter des modalités. C'est un peu comme pour l'autre question. Si
les gens disent; On voudrait discuter de changements de modalités, c'est
un peu intransigeant de refuser, même ce type de discussion. Alors, ils
se sont mis à discuter et, finalement, la discussion n'a pas
donné de résultats concluants et le ministre
fédéral des Finances a décidé de procéder -
à moins qu'il ne change d'idée - unilatéralement, à
compter du 1er janvier 1991. Mais il reste 18 mois avant d'arriver
là.
M. Chevrette: Est-ce à dire que vous n'avez même pas
demandé...
M. Bourassa: II n'y a pas eu d'entente sur le contrôle de
l'assiette, parce que c'est évident qu'il faut qu'on ait assez de
revenus pour faire face à toutes les dépenses qui s'ajoutent, aux
dépenses en croissance rapide.
M. Chevrette: Cela je le comprends et vous vous apprêtez
à aller en chercher dans le budget ou à vous donner les moyens
d'aller en chercher. Prenons, par exemple, un cas précis...
M. Bourassa: Qui vous a dit qu'il y aurait des augmentations de
taxe?
M. Chevrette: Je n'ai jamais dit ça. J'ai dit que vous
alliez prendre des moyens pour aller en chercher. Je sais qu'il y a des
stratégies qui visent à dire... Par exemple, dans le domaine des
garderies, vous pourriez très bien dire - comme c'est le cas d'ailleurs,
vous pourriez peut-être dévoiler ça - que...
M. Bourassa: Je vous écoute...
M. Chevrette: ...vous allez adopter une stratégie pour
chercher de l'argent au fédéral par une autre forme. Étant
donné qu'il ne veut pas subventionner les 32 000 000 $, vous allez vous
y prendre autrement.
M. Bourassa: Seriez-vous opposé à ça?
M. Chevrette: Je ne serais pas opposé à ça
pour autant que ça ne signifie pas la mort d'un type de garderie sans
but lucratif par exemple.
M. Bourassa: Alors, c'est la seule condition...
M. Chevrette: Non, mais vous savez très bien que vous
pouvez aller chercher habilement de l'argent. Si c'est ça, il n'y a
personne qui va s'opposer à ça, que vous soyez capable d'aller
chercher de l'argent.
M. Bourassa: J'en prends note.
M. Chevrette: Prenez note, par exemple, qu'on ne veut pas que
vous fassiez mourir un type de garderie qui est propre au Québec, qu'on
s'est donné et.qui a fait ses preuves aussi.
M. Bourassa: Mais vous ne seriez pas opposé, pour
remplacer l'argent qui ne vient pas...
M. Chevrette: Non, parce qu'on sait que les discussions sont dans
ce sens-là, au moment où l'on se parle, et vous le savez.
M. Bourassa: Cela n'est pas une raison pour être
d'accord.
M. Chevrette: Non, mais on est profondément d'accord quand
vous allez chercher de l'argent. Il s'agit même de réclamer une
partie qui nous est due et vous auriez dû crier très haut lorsque
vous l'avez perdu au lieu de vous dire simplement déçu. On
prétend que vous auriez pu crier pas mal plus fort. Vous vous êtes
fait rogner sans réagir. Je vous avoue que c'est assez surprenant,
merci, de voir que vous ne réagissez pas plus violemment devant
l'immense trou budgétaire que l'on vous crée présentement.
Parce que 200 000 000 $, ce sont des gros sous pour le Québec, c'est
clair ça. (18 heures)
M. Bourassa: II y en a qui disent que ce n'est pas beaucoup mais
je suis d'accord avec vous que c'est beaucoup.
M. Chevrette: J'ai toujours dit que cela peut être beaucoup
mais ce n'est pas nécessairement un prétexte d'élection,
parce qu'un montant de 3 500 000 000 $ pour les frégates, c'était
beaucoup plus.
M. Bourassa: Rassurez-vous donc; il n'y aura pas
d'élection avant le 19 juin.
M. Chevrette: Moi, j'étais prêt; je suis
prêt.
M. Bourassa: Est-ce qu'on passe à une autre rubrique? Cela
fait déjà trois heures, M. le Président.
Taxe sur les maisons neuves
M. Chevrette: En ce qui concerne les maisons neuves, tel qu'ils
vous l'ont présenté
dans leur dépliant - je suppose que vous vous êtes
informé - est-ce que vous êtes d'accord avec une taxe de 9 % sur
tout...
M. Bourassa: Cela remplace la taxe de 11 %, je crois,
d'après ce qu'on m'a dit là-dessus.
M. Chevrette: Une maison de 100 000 $, dorénavant, va
coûter 109 000 $?
M. Bourassa: Je ne le sais pas. On me dit que cela
remplace...
M. Chevrette: De plus, les frais de notaire vont être
taxés à 9 %?
M. Bourassa: Je ne pense pas que ce soit décidé
pour les frais de notaire. Du moins, je n'ai pas le projet de loi devant moi.
La taxe de 9 % remplace, d'après ce que j'ai lu moi-même et mes
conseillers me le confirment, la taxe de 11 %.
M. Chevrette: Je m'excuse, M. le premier ministre, mais les
matériaux, par rapport au coût global d'une maison, c'est 30
%.
M. Bourassa: Au lieu que chaque matériau...
M. Chevrette: Un montant de 30 000 $ à 11 %, cela fait
3000 $ et non 9000 $. Encore là, ce sont 6000 $ d'augmentation pour le
consommateur.
M. Bourassa: Cela dépend du contenu des matériaux.
En tout cas, je ne peux pas répondre. Je n'ai pas mon ordinateur
à mes côtés.
M. Chevrette: On taxe la main-d'oeuvre, M. le premier ministre,
dans l'annonce qui est faite. Vous avez accepté ça dans vos
négociations?
M. Bourassa: On n'a rien accepté dans le budget. On a
dénoncé le budget. On n'a rien accepté. Ce sont des
décisions...
M. Chevrette: On taxe même le consommateur sur le profit de
l'entrepreneur. C'est grave en maudit. Sur une maison de 100 000 $, si le
contracteur fait 15 %, cela veut dire que c'est une maison de 85 000 $ avec 15
000 $ de profit, cela fait 100 000 $ et on dit: 9 % au consommateur. Je vous
dis que c'est brillant comme budget.
M. Bourassa: On l'a dit nous aussi.
M. Chevrette: Je vous ai plutôt entendu dire que vous
étiez déçu, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Vous n'avez pas tout lu.
M. Chevrette: Vous devriez lutter avec toutes les énergies
pour défendre les intérêts des consommateurs
québécois.
M. Bourassa: Vous n'avez pas tout lu.
M. Chevrette: Et les frais de notaire vont être
taxés en plus.
M. Bourassa: Vous n'avez pas lu toutes mes
déclarations.
M. Chevrette: Je vous dis que vous allez passer à
l'histoire pour vos interventions vigoureuses là-dessus.
M. Bourassa: Vous n'avez pas lu toutes mes déclarations.
Vous avez simplement retenu mes propos sur l'assurance-chômage quand j'ai
contredit votre chef bien-aimé. J'ai critiqué le budget
très durement, plus que vous ne l'avez fait puisque vous avez
sous-estimé son impact sur le Québec.
M. Chevrette: Avez-vous analysé ou fait analyser l'impact
sur les mises en chantier de construction et sur l'industrie de la construction
en général, depuis le budget?
M. Bourassa: Depuis le budget, je n'ai pas eu de conclusions
d'études là-dessus. Il y a des études qui se font
constamment. Je crois que j'ai eu une réunion avec le ministre des
Finances et ses collaborateurs lundi. On révise tous les chiffres. On
révise l'impact du budget sur l'activité économique. Tous
les ministères font des révisions quant à l'impact
économique du budget ou à l'impact dans leur ministère,
mais je n'ai pas eu de résultats. On m'a donné peut-être un
chiffre. Non, cela concerne le budget. J'aime mieux ne pas en
révéler le contenu même si c'est assez connu. Je ne veux
pas me créer de problèmes.
M. Chevrette: La taxe doit entrer en vigueur le 1er janvier 1991.
Regardez les indices, dans la perspective de l'économie canadienne,
principaux indicateurs économiques 1988-1990, vous voyez. Mises en
chantier de logements 223 000 en 1988, 198 000 en 1989, 170 000 dans l'ensemble
du Canada, en 1990, et la taxe n'est pas là. Où s'en va-t-on?
M. Bourassa : En passant, vous m'enverrez votre affaire du 17,
parce que je ne vois rien ici.
M. Chevrette: On va tout vous envoyer et ma lettre aussi. On va
vous envoyer ça en échange de votre lettre de M. Chamberland.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: La question est la suivante. Vous voyez
déjà l'impact, la baisse catastrophique qui est prévue
dans Perspectives économiques
du Canada...
M. Bourassa: À la suite du budget? Non, avant le
budget.
M. Chevrette: C'était le document d'accompagnement du
budget.
M. Bourassa: D'accord. J'ai répondu en Chambre
là-dessus au chef de l'Opposition que je suis d'accord qu'il va y avoir
un impact, et on l'a dénoncé, mais, globalement pariant, il faut
dire qu'en 1989, il va y avoir, au Québec 16 % d'augmentation des
investissements, par rapport à 10 % pour la moyenne canadienne
M. Chevrette: Mais, pour les mises en chantier, là?
M. Bourassa: il y a un cycle à la baisse,
évidemment et...
M. Chevrette: Cycle à la baisse puis ça va jusqu'en
1990, et vous savez que la taxe est en 1991, M. le premier ministre.
M. Bourassa: II y a deux ans, il y avait 72 000 mises en chantier
et là, il y a eu une baisse depuis deux ans.
M. Chevrette: Mais les perspectives du Canada, 223 000 en
1988...
M. Bourassa: C'est ça, mais...
M. Chevrette: ...198 000 en 1989, 170 000 en 1990, et, le 1er
janvier 1991, la fameuse taxe, y compris sur les profits de l'entrepreneur. Il
faut le faire en maudit. C'est impossible qu'on ne dénonce pas ça
à tour de bras et qu'on ne s'organise pas pour faire casser ça
par tous les moyens possibles et imaginables.
M. Bourassa: On l'a fait; tout ce qui manque, c'est une
élection et vous n'en voulez pas.
M. Chevrette: Ah! une élection va vous faire casser
ça. On va sûrement parler aux Québécois de votre
fermeté dans la défense des intérêts du
consommateur.
Concernant le développement régional, est-ce que vous vous
êtes enquis auprès des autorités canadiennes sur le fait
qu'on n'a même pas de certitude formelle qu'il n'y aura pas de coupures
à la suite de l'entente même qui a eu lieu sur le
développement régional? M. Côté nous a
certifié, lors de l'étude de ses crédits, qu'il n'avait
pas eu l'assurance formelle à ce stade-ci que le gouvernement
fédéral sabrerait également dans le fonds de
développement régional.
M. Bourassa: On n'a pas eu d'Indications précises sur des
coupures.
M. Chevrette: Ni l'inverse? Ni la certitude qu'il n'y en aura
pas?
M. Bourassa: On a fait une demande au gouvernement
fédérai pour avoir des chiffres. Le budget donne des chiffres
globaux et il paraît difficile de les interpréter.
M. Chevrette: ...par rapport à la demande signée,
c'est ça?
M. Bourassa: De voir s'il y a eu... Les régions ne sont
pas touchées. Dans le chiffre global sur le développement
régional, il est difficile d'identifier chaque province, et c'est ce
qu'on a demandé d'une façon officielle.
M. Chevrette: Non, mais étant donné que les per
capita sont nettement différents, si on prend l'Ouest, c'est 163 $, je
pense, si on prend les provinces de l'Atlantique, c'est 459 $, et si on prend
le Québec, c'est en bas de 100 $, c'est 86 $ per capita. Je comprends
qu'il peut être difficile de définir les sommes à l'oeil,
mais si la proportion des per capita est gardée, est-ce que ce n'est pas
une coupure qui est annoncée dans le développement
régional?
M. Bourassa: On a demandé des informations et je pourrai
répondre au chef de l'Opposition. Cela ne devrait pas être
tellement long pour avoir le montant précis. On ne peut pas tirer la
réponse des documents signés au budget.
M. Chevrette: Est-ce que vous considéreriez un irrespect
de l'entente si les sommes devaient être réduites?
M. Bourassa: C'est évident que si on ne nous donne pas ce
pour quoi on a signé, on ne peut pas dire que l'entente est
respectée.
M. Chevrette: A ce moment-là, quel serait le plan d'action
du gouvernement?
M. Bourassa: Pour l'instant, c'est de la pure
spéculation.
M. Chevrette: Même si vous n'avez pas de garantie d'un
côté ni de l'autre?
M. Bourassa: Bien, je crois qu'il y a eu...
M. Chevrette: Non, non, votre ministre lui-même nous a dit
hier ou avant-hier...
M. Bourassa: II n'y a eu aucune dénonciation. M.
Rémillard n'a reçu aucune dénonciation. Une rencontre doit
avoir lieu prochainement avec M. Harvie Andre.
M. Chevrette: Les priorités en matière de
financement et de programmation des régions seront établies dans
le cadre des ressources
disponibles... Je voudrais lire ça au premier ministre. Je
comprends que cela a l'air flou, mais vous allez voir que ça ne donne
pas une trop grande sécurité: Les priorités en
matière de financement et de programmation des régions seront
établies dans le cadre des ressources disponibles par les ministres
responsables de l'APECA, du MDEO et du ISTC - ça regroupe le
Québec précisément - y compris FEDNOR, en consultation
avec les autres ministres fédéraux et les gouvernements des
provinces.
Est-ce que vous pouvez dire que c'est basé sur... Vous n'avez pas
une grande sécurité non plus pour vous dire que les ententes
seront respectées. Si c'est basé sur les ressources disponibles
et qu'il coupe dans le budget de façon aussi draconienne, ça ne
peut pas vous donner une grande sécurité.
M. Bourassa: Ce qu'on me dit, c'est que l'entente était
pour cinq ans. On est dans la dernière année. Cela paraît
devoir être respecté. On attend la réponse de M. Andre qui
voit M. Rémillard, le ministre responsable, et les autres cinq ans sont
en négociations. Donc ce n'est pas signé.
M. Chevrette: Les garderies...
M. Bourassa: Les garderies. Vous avez une solution pour les
garderies d'après ce que vous disiez tantôt.
M. Chevrette: Non. Je voulais savoir si vous alliez vous ouvrir
un peu parce qu'on est au courant de l'information. C'est pour ça que...
On sait que ce sont 32 000 000 $ par année en manque à gagner; 32
000 000 $ cette année et qu'il y avait 16 000 000 $ rétroactifs
pour la demi-année l'an passé, je suppose, 1988-1989, c'est
ça? Est-ce que la politique québécoise en matière
de garderies est remise en question à la suite de cette ponction?
M. Bourassa: Malheureusement je n'ai rien à ajouter
à ce que la ministre a dit cet après-midi et cela me fait de la
peine. C'est en discussions très Importantes et très intensives
actuellement entre le ministre des Finances, la ministre responsable et
mol-même. Je ne peux rien...
M. Chevrette: Mais vous avez eu une rencontre hier?
M. Bourassa: Oui, il y a eu une rencontre hier. Il y en a tous
les jours de ce temps-ci.
M. Chevrette: Vous en avez discuté?
M. Bourassa: Oui, mais je ne peux pas vous en
révéler le contenu.
M. Chevrette: Est-ce que l'intention politique du gouvernement
est de remettre en question la politique sur les garderies?
M. Bourassa: Je ne peux rien ajouter à ce qui a
été dit cet après-midi par la ministre responsable.
M. Chevrette: Je ne parie pas au niveau budgétaire mais la
politique annoncée...
M. Bourassa: Non. Le gouvernement est en train d'examiner
l'impact du budget fédéral sur les finances publiques
québécoises.
M. Chevrette: Vous avez annoncé 8676 places en garderies
cette année. Est-ce qu'on peut dire aux familles
québécoises qu'elles auront leur 8676 places?
M. Bourassa: Tout cela sera dans le discours sur le budget.
Politique familiale
M. Chevrette: C'est parce qu'avant votre élection, en
1985, vous avez promis une politique de la famille. M. le premier ministre, je
regardais aujourd'hui la déclaration de Mme Thérèse
Lavoie-Roux qui disait que le gouvernement fédéral avait une
politique antifamiliale. Cela m'a fait penser à vos engagements. Je suis
allé fouiller dans les engagements que vous aviez pris, à savoir
que vous mettriez le paquet dans une politique familiale. On sait qu'il y a eu
un Conseil de la famille, et le premier avis émis hier, croyez-le ou
non, c'est la conciliation en cas de divorce - vous l'avez sans doute lu - du
Conseil de la famille québécoise. Le premier avis public et
officiel, à la demande de la ministre, c'est la conciliation en cas de
divorce. C'est un bon Conseil de la famille qui se soucie d'une politique
familiale cohérente, globale, intéressante. Je trouve ça
quétaine à mort.
Une voix: Quétaine?
M. Chevrette: Quétaine, oui. Deuxième chose: votre
fameux souci quant à la famille a été d'abolir la prime de
disponibilité pour les femmes au foyer. Vous avez
récupéré jusqu'à maintenant 200 000 000 $ dans les
poches des familles québécoises. Par rapport aux crédits
qui existaient antérieurement, vous avez 200 000 000 $ de moins.
Avez-vous l'intention de corriger la situation? Pas seulement de vous plaindre
du fédéral, mais de regarder dans votre propre cour, parce que
vous allez arriver avec les 3000 $ pour le troisième enfant, alors que
tous les démographes et les socio-politicoiogues vont vous dire que cela
aurait dû favoriser le premier et le deuxième enfant et non pas le
troisième, comme vous l'avez fait.
M. Bourassa: Le taux de natalité a augmenté, il est
passé de 1,39...
M. Chevrette: Cela n'a aucun rapport et vous le savez.
M. Bourassa: Oui, je le sais.
M. Chevrette: J'espère que vous savez que ça prend
neuf mois pour faire un petit. Vous devez toujours bien savoir que ce n'est pas
cela, M. le premier ministre. Voyons!
M. Bourassa: Cela fait onze mois que le budget est...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Cela n'a aucun impact. Vous savez que c'est de l'an
passé, vous le savez très bien.
M. Bourassa: Bien oui.
M. Chevrette: Vous allez le voir dans les nouvelles statistiques,
vous ne pouvez voir ça dans les dernières, elles ont
été faites avant même que vous n'arriviez avec votre
mesure. Voyons!
M. Bourassa: À chaque mois on me donne les statistiques.
Le taux de fécondité est nettement plus élevé
depuis, je ne dis pas que c'est à cause du budget, mais la hausse se
maintient.
M. Chevrette: Dans quel secteur, le troisième enfant, ou
le premier et le deuxième?
M. Bourassa: Le taux de fédondité global.
M. Chevrette: Vous regardez les statistiques, vous aimez les
citer. Est-ce que c'est pour le troisième enfant ou pour le premier et
le deuxième que le taux de fécondité a augmenté?
(18 h 15)
M. Bourassa: Je n'ai pas le détail des chiffres, parce que
ça prend quand même quelques semaines.
M. Chevrette: Ah, c'est ça! Vous allez voir que ce n'est
pas du tout pour le troisième enfant.
M. Bourassa: Attendez de voir les chiffres avant de tirer des
conclusions.
M. Chevrette: Oui, oui. En tout cas, je peux vous donner un
chiffre qui est précis, c'est... De 1980 à 1987, la diminution du
taux de fécondité était de 72 % et elle était due
aux premier et deuxième enfants. C'était 72 %; ce chiffre parlait
pas mal par lui-même.
M. Bourassa: Est-ce que je peux répondre à votre
question...
M. Chevrette: Oui.
M. Bourassa: ...sur la politique familiale? Vous n'avez pas
terminé?
M. Chevrette: Oui, on pourra continuer à échanger
des propos là-dessus. Oui, allez-y.
M. Bourassa: Ce que je voudrais signaler au chef de l'Opposition,
on vient de parler du budget, c'est qu'il y a eu des augmentations très
importantes dans le budget pour la famille en 1988. Il y a su des
réductions de taxes de 1 400 000 000 $ et des remboursements
d'Impôts, à cause de ça, qui sont considérables pour
les familles: 455 000 000 $ en avril... Je ne sais pas si le chef de
l'Opposition... Je parle de tout ce qui a été donné
à la famille, l'an dernier, qui se répercute par des
réductions, des remboursements d'impôts énormes: 455 000
000 $ en avril, 387 000 000 $ au mois de mal, 256 000 000 $ au mois de juin. Ce
sont tous des remboursements d'impôts qui sont dus, en partie, aux
réductions fiscales du ministre des Finances pour encourager la
famille.
M. Chevrette: Quel est le coût réel par rapport aux
bénéfices faits? Quelle est l'augmentation réelle pour la
famille par rapport à ce qui existait antérieurement, par rapport
aux gains faits, par les 219 000 000 $ provenant des primes de
disponibilité et de tous les programmes qui existaient.
M. Bourassa: On pourrait vous faire parvenir les chiffres.
J'avais des tableaux, je ne m'attendais pas à ce que vous me parliez de
budget aujourd'hui. Je pourrais vous faire parvenir des tableaux qui montrent
une augmentation spectaculaire par rapport à...
M. Chevrette: Prenez Juste un exemple. Vous pouvez aller dans les
chiffres qui font votre affaire, bien sûr, mais en 1987...
M. Bourassa: Vous ne faites pas ça.
M. Chevrette: ...vous avez fait une économie de 64 000 000
$ sur les allocations de disponibilité; en 1988, vous avez fait une
économie de 127 000 000 $; et en 1989, vous allez faire une
économie de 28 000 000 S, parce que cela a été
remplacé par un nouveau mode. C'est une économie totale de 219
000 000 $. Ce que je vous pose comme question: Quand vous parlez de vos
chiffres...
M. Bourassa: Oui mais, on a réduit les impôts de 1
400 000 000 $.
M. Chevrette: Quand vous parlez de chiffres... Je voudrais savoir
les chiffres nets que vous avez par rapport à tous les programmes
fondus... J'aimerais avoir les résultats nets sur
trois ans concernant la famille.
M. Bourassa: On pourra vous donner ça... M.
Chevrette: D'accord.
M. Bourassa: ...au moment opportun parce que je ne m'attendais
pas à cette question.
M. Chevrette: Non, mais je pense que ce serait intéressant
de voir...
M. Bourassa: C'est une bonne question.
M. Chevrette: ...jusqu'à quel point vous avez
financé vos nouvelles mesures...
M. Bourassa: Je vais demander au...
M. Chevrette: ...en abolissant des anciennes.
M. Bourassa: ...ministre des Finances de préparer une
réponse là-dessus. Claude, d'accord?
Une voix: Oui, ça va.
M. Chevrette: Avez-vous l'intention, éventuellement, de
nommer un ministre de la famille? Vous ne trouvez pas que cela aurait
été important avec tous les engagements que vous avez pris en
regard de la famille? Est-ce que vous ne pensez pas que cela aurait
été une façon de considérer la famille, au lieu de
vous contenter exclusivement de surcharger la ministre de la Santé et
des Services sociaux qui est déjà...
M. Bourassa: Bien non, on a nommé un ministre
d'État à la...
M. Chevrette: Non, non, la ministre déléguée
s'occupe de la loi 142, point.
M. Bourassa: Elle s'occupe de l'Office des
handicapés...
M. Chevrette: Je parle d'un ministre de la famille.
M. Bourassa: Ce que je vous dis... Quand vous dites que j'ai
surcharge la ministre responsable, il y a une ministre d'État qui a
été nommée et elle a libéré la ministre de
plusieurs dossiers.
M. Chevrette: Vous lui avez remis le dossier des ambulances et je
vous dis qu'elle n'a pas encore commencé à travailler
là-dedans. Vous allez vous en rendre compte. Si j'ai quelques minutes,
je vais vous en parler. Vous allez vous apercevoir que ça va
coûter cher tout à l'heure, vous le savez. D'ailleurs, en
passant... Ah non, je vais attendre, cela va être ma cerise,
celle-là, je vais vous parler de cerises dans quelques minu- tes.
M. Bourassa: Quelles cerises? Vous en avez plusieurs à
l'esprit?
M. Chevrette: J'en ai quelques-unes. J'ai l'intention de vous en
parler. En décembre 1987, le gouvernement, votre gouvernement, rendait
public l'énoncé des orientations et de la dynamique
administrative de la politique familiale. Imaginez-vous! Plus de seize mois
après cet énoncé du plan d'action en matière de
politique familiale, il n'est pas connu. Quand le connaîtra-t-on, ce plan
d'action?
M. Bourassa: II y a eu des changements, comme le chef de
l'Opposition le sait...
M. Chevrette: Non, non, mais le pian d'action.
M. Bourassa: Le plan d'action. Je vais m'informer. Vous n'avez
pas posé la question au ministre responsable?
M. Chevrette: Non, c'était votre préoccupation.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition sait que ma façon de
procéder, c'est d'envoyer des propositions d'abord aux différents
comités ministériels et, ensuite, ça vient au Conseil des
ministres. Donc le plan est à l'étude l'actuellement au COMPACS
le comité ministériel présidé par le ministre de
l'Éducation.
M. Chevrette: Mais 16 mois, pour un plan d'action... Le premier
ministre ne considère-t-il pas qu'il est temps que ça
accouche?
M. Bourassa: Cela ne nous a pas empêché d'agir,
notamment au niveau fiscal, avec des gestes sans précédent et
inédits dans toute l'Amérique du Nord. C'est la première
fois en Amérique du Nord, qu'il y avait des mesures fiscales aussi
importantes pour favoriser la politique familiale. La première fois.
M. Chevrette: Troisièmement, et vous avez diminué
les sommes sur le deuxième, sur les allocations.
M. Bourassa: Non, on a diminué les impôts pour ceux
qui ont des enfants également. Il y a eu des diminutions d'impôts
substantielles pour ceux qui avaient des enfants.
M. Chevrette: Vous avez même aboli les primes de
disponibilité.
M. Bourassa: Cela a été largement compensé
de beaucoup...
M. Chevrette: Largement compensé, M. le
premier ministre, elles viennent d'être mises en vigueur cette
année. Cela fait trois ans que vous sabrez dans les allocations de
disponibilité.
M. Bourassa: Vous allez voir. Je vais vous répondre et
vous serez confondu.
M. Chevrette: Vous ne pouvez pas me répondre. J'ai la
réponse. Vous avez sabré... Je vous ai donné les chiffres
tantôt. 219 000 000 $ qui se répartissent... Donnez-moi donc, s'il
vous plaît le détail des 219 000 000 $. Je vais lui rappeler.
M. Bourassa: Je veux féliciter le chef de l'Opposition
pour son courage quand il parle de cette question. Quand on pense que c'est son
collègue, M. Duhaime, qui a taxé les allocations familiales, la
fameuse récupération, le coup de hache sur l'universalité
des allocations. Je ne sais pas s'il se souvient du budget de M. Duhaime, pour
lequel j'ai beaucoup d'estime et de respect.
M. Chevrette: Ce n'est pas vous qui l'avez mis en application?
Est-ce que vous pourriez répondre à cette question?
M. Bourassa: M. le Président, ce que je dis au chef de
l'Opposition...
M. Chevrette: Est-ce que c'est vous qui l'avez mis en
application?
M. Bourassa: Ce que je dis au chef de l'Opposition c'est que
c'est un ministre, M. Duhaime, accueillant allègrement l'héritage
du chef actuel du Parti québécois qui a été
obligé de taxer les allocations familiales pour la première fois,
brutalement.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre peut maintenant
répondre à ma question? Est-ce que ce n'est pas lui qui l'avait
mis en application?
M. Bourassa: M. le Président, on a fait l'inventaire de
la gestion précédente et au budget de l'an dernier on a
réduit les impôts de 1 400 000 000 $.
M. Chevrette: Après avoir récupé
combien?
M. Bourassa: Abolition des déductions pour garde d'enfants
dans le cas d'enfants de moins de 6 ans. J'ai toute une liste d'horreurs.
M. Chevrette: "Abolition", avez-vous dit?
M. Bourassa: L'abolition, ce n'est pas nous, évidemment,
c'est votre politique familiale. Mais je ne veux pas parler du
passé.
M. Chevrette: Le programme APPORT. Cela devait couvrir combien
de familles? 44 000 familles devaient être touchées. Savez-vous
combien de familles ont été touchées? 3308.
M. Bourassa: On va tout vérifier ça.
M. Chevrette: C'est ça, vous parlez de vos merveilles, vos
annonces au départ. C'est comme la Baie James, 12 500 mégawatts
et ça fond à 3500. C'est comme les 17 000 000 000 $, ça
fond à 2 000 000 (XX) $.
M. Bourassa: On va en parler de ça.
M. Cherette: On va en parler certainement. Vous savez
qu'après une nouvelle taxe TVA, M. le premier ministre...
M. Bourassa: Si vous voulez parler de la Baie James, on va en
parler.
M. Chevrette: Je suis très inquiet parce qu'il
paraît que toute nouvelle imposition d'un nouveau système de taxe
enclenche un mouvement inflationniste. Comme vous avez l'inflation verbale
assez courante, j'ai peur en maudit. Cela va être épouvantable.
Les projets de 1 000 000 $ vont devenir 100 000 000 $. Vous avez le don de
grossir un peu les choses. On va en parler tantôt bien sûr, si j'ai
le temps. Hydro-Québec, c'est sur ma liste, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Donnez-moi du temps un peu pour la Baie James.
M. Chevrette: Si ça ne vous dérange pas, je vais
suivre le rythme que je me suis donné, s'il vous plaît, avec tout
le respect que j'ai pour vous et en toute modestie, c'est à l'Opposition
à imposer son rythme. Vous avez déjà été
dans l'Opposition.
M. Bourassa: Je me soumets.
M. Chevrette: Merci bien. Garderies, cela va. Au sujet des
garderies, vous n'ouvrez pas aujourd'hui. Vous vous en tenez à ce que
votre ministre dit: "En temps et lieu". C'est la ministre des temps et lieu.
Cela fait trois ans que je l'entends répondre "en temps et lieu".
M. Bourassa: Je prends note des suggestions qu'a faites le chef
de l'Opposition.
M. Chevrette: J'espère que vous n'avez pas à
prendre note de votre devoir d'être assez habile pour aller chercher le
maximum. J'espère que je ne vous apprends rien.
M. Bourassa: Non, mais j'en prends note quand même. J'ai le
droit.
M. Chevrette: J'espère que vous allez nous garantir ainsi
les 147 000 000 $ qui étaient
prévus pour les garderies au Québec pour l'année
1989-1990.
M. Bourassa: Je prends note des remarques du chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Je vous rappellerai aussi qu'il y a 600 000 enfants
qui ont besoin de garde au Québec et que malgré la ponction
du...
M. Bourassa: Je le sais. On sait tout ça, ce n'est pas
nouveau, mais avec l'héritage que vous nous avez laissé...
M. Chevrette: Oui, mais c'est une chose que vous aviez dite le 11
novembre vers 11 h 10 du matin: Jamais je ne me servirai de l'expression "c'est
la faute de l'ancien gouvernement" pour justifier mon inaction. Et votre
cassette vous l'avez oubliée parce que vous nous la servez tous les
jours. Pourtant, venant du premier ministre, je pensais qu'au moins
là-dessus vous tiendriez parole, mais pas plus. C'est toujours la faute
de l'ancien gouvernement.
M. Bourassa: Je ne pouvais pas tenir compte... Il y a des choses
cachées qu'on a trouvées.
M. Chevrette: Des choses cachées qu'on a trouvées.
Imaginez ce qu'on a trouvé lorsque vous êtes partis en 1976.
Des voix: Ha, ha,ha!
M. Chevrette: Cela n'avait pas d'allure. Je vais vous en donner
des héritages que vous avez obtenus. De 1976 à 1981, le taux de
développement des places en garderies se situait à une moyenne de
20,9 %.
M. Bourassa: Vous savez que 20,9 % ça ne veut rien dire
quand on part de zéro. Si on part de cinq garderies...
M. Chevrette: Je vais vous en donner des chiffres, si vous en
vouiez.
M. Bourassa: Non, mais pas des pourcentages.
M. Chevrette: De 1982 à 1986, 16 %; de 1986 à 1989,
ça vous ressemble, 11,9 %, et ce qui est prévu de 1989 à
1994 dans le pian de Mme la ministre en temps et lieu, c'est 13,4 %. Donc, je
pourrais maintenant prendre la santé. On a une moyenne de 1000 lits par
année, même en crise économique, dans les centres
d'accueil. Cela fait trois ans que vous êtes là et vous avez 400
lits en tout. Ce n'est pas des farces.
M. Bourassa: On va répondre à tout ça.
M. Chevrette: Ce que je veux dire c'est que si vous voulez parler
d'héritage, je vais vous parler du musée des horreurs de 1976.
C'était épouvantable. On n'en dormait pas pendant des nuits. Ce
n'est pas un problème. On s'enfargeait dans tout ce que vous savez.
Une voix: On partait de zéro parce qu'on partait de
Bourassa.
M. Chevrette: Ha, ha, ha! Je ne dirai pas ce qu'elle m'a dit.
M. Bourassa: Les taux de croissance en pourcentage, le chef de
l'Opposition sait fort bien que quand on part de zéro...
M. Chevrette: Oui, mais nous sommes partis de zéro; nous
sommes partis exactement de votre bilan, M. le premier ministre.
M. Bourassa: C'est facile d'augmenter.
M. Chevrette: Que voulez-vous que je vous dise? Je ne voulais pas
vous dire la réponse mais à force de courir après, vous
allez l'avoir. Si on est partis de zéro, on est partis de vous en 1976
et on a bâti à 30 %, pas avant. Donc, n'ouvrez pas les portes
aussi larges. Je suis tout petit, je rentre dans une fente.
M. Bourassa: C'est mon gouvernement qui est le premier à
avoir eu un programme pour les garderies. Il n'y en avait pas avant.
M. Chevrette: Oui, mais les dépenses
budgétaires...
M. Bourassa: C'était la première fois depuis 1967
qu'il y avait un programme de garderies.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Bien oui, depuis 1967 et on a plongé dans le
zéro que vous aviez donné et nous sommes allés à 30
% et à 20 % et ce, en pleine crise économique alors qu'en pleine
période de prospérité économique dont vous vous
targuiez à tous les jours, vous ne faites que peu, moins et il faut le
souligner. Les dépenses gouvernementales dans votre temps augmentaient
de 18,6 %, vous le savez. Et c'était si peu que ça,
c'était zéro. Vous qualifiez votre propre bilan de zéro.
Vous partez de zéro. Je touve que vous êtes réaliste
vis-à-vis de votre bilan, mais vous n'êtes pas
généreux vis-à-vis de ce qu'on a fait.
M. Bourassa: Je prends note que le chef de l'Opposition joue son
rôle.
M. Chevrette: Je vous remercie, M. le premier ministre. C'est
d'ailleurs ce que je disais à mes électeurs: Le premier ministre
est d'accord avec moi. Et je vais leur dire dimanche.
Des voix: Ha, ha,ha!
M. Bourassa: Est-ce qu'on arrive à
Hydro-Québec?
Développement technologique
M. Chevrette: Pas tout de suite. Vous avez hâte de vous
faire mettre au courant. Développement technologique. On sait que le
Québec a institué le Fonds de développement technologique.
Vous avez nommé un ministre quasiment juste" là-dessus pour qu'il
puisse s'en occuper pleinement, lui qui a l'habitude d'un seul dossier, comme
la langue. Il vient de nous apprendre, par la voie des journaux, M. le premier
ministre... D'abord, c'est 300 000 000 $ pour cinq ans. (18 h 30)
M. Bourassa: C'est ça, 60 000 000 $ par année.
M. Chevrette: Comparativement à l'Ontario qui a 5 000 000
000 $ sur 10 ans?
M. Bourassa: Sauf que l'Ontario ne le dépense pas.
M. Chevrette: Vous autres non plus, et c'est justement ce dont je
veux vous parler.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Bourassa: On commence, là!
M. Chevrette: C'est exactement ce dont je veux vous parler. Votre
ministre nous apprend que le premier contrat ou le premier projet va aller
à la fin de l'année seulement; dixit Guy Rivard. Qu'est-ce qui se
passe dans ça? Est-ce que c'est de l'Incapacité chronique? Cela
me tente de vous parler de remaniement ministériel. D'abord, vous
n'allez pas en élection.
M. Bourassa: M. le Président, I y a plusieurs projets
mobilisateurs. Justement, je rencontrais M. Louis-Paul Allard...
M. Chevrette: Ce n'est pas mol qui parle, c'est votre
ministre.
M. Bourassa: Vous connaissez Louis-Paul Allard qui s'occupe de la
fondation de l'environnement...
M. Chevrette: Oui. À cours d'eau.
M. Bourassa: ...qui a d'excellentes idées. Je veux
féliciter M. Allard pour le travail extraordinaire qu'il fait.
M. Chevrette: Vous fartes bien, c'est un gars de notre
région, Lanaudière.
M. Bourassa: Oui, il n'est pas loin. Il m'a aussi parlé de
vous, récemment.
M. Chevrette: On s'entend bien.
M. Bourassa: On est d'accord, encore une fois, pour
féliciter M. Allard de son travail.
M. Chevrette: Sûrement.
M. Bourassa: II y a des projets, comme ça, qui sont
soumis, et ça prend quand même une période d'analyse des
projets. On ne peut pas... D'ailleurs, en Ontario, cela a pris trois ou quatre
ans avant de dépenser plus de 30 % ou 35 % du budget alloué.
M. Chevrette: M. le premier ministre, votre ministre dit qu'il
faut prendre le temps de bien asseoir ce fonds.
M. Bourassa: II me semble que c'est la sagesse.
M. Chevrette: Là, ils ont de la misère à
sortir de leur chaise. Il ajoute: Le premier ministre Bourassa avait
annoncé la création de ce fonds à la veille du Sommet
québécois de la technologie, an octobre dernier, y promettant d'y
investir 60 000 000 $. Un peu plus loin, il nous dit: Oui, mais ça va
aller a la fin de l'année. Ne trouvez-vous pas qu'un seul dossier...
Allez-vous périmer ces 60 000 000 $ ou si vous allez les projeter dans
une deuxième année, pour 120 000 000 $?
M. Bourassa: J'ai dit, le 14 octobre, qu'on prendrait la
décision à cet effet, s'il y avait des surplus qui pouvaient se
développer. Le discours sur le budget devrait donner des
modalités, en ce qui a trait au Fonds de développement
technologique.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre peut s'engager
à nous dire que 300 000 000 $, c'est déjà peu en
recherche? Il le sait.
M. Bourassa: C'est évident, mais on a beaucoup
d'autres...
M. Chevrette: Si c'est déjà peu, est-ce que le
premier ministre peut prendre l'engagement - comme premier ministre, il peut
prendre tous les engagements possibles - que ce Fonds de développement
technologique n'aura aucuns crédits périmés?
M. Bourassa: Je ne peux pas prendre l'engagement qu'il n'y aura
pas de crédits périmés dans aucun ministère.
M. Chevrette: Non, mais dans le Fonds de développement
technologique.
M. Bourassa: Je ne peux pas donner le calendrier des
acceptations. Les modalités seront connues dans le discours sur le
budget.
M. Chevrette: Je veux dire que vous pouvez périmer, une
année, 20 000 000 $, mais vous les remettez pour la deuxième
année, ce qui, au lieu de faire 60 000 000 $, fait 80 000 000 $. C'est
ce que je veux vous demander.
M. Bourassa: Je ne peux pas... Il faut que j'en parle au ministre
des Finances.
M. Chevrette: Vous ne pouvez pas prendre l'engagement de ne pas
périmer de crédits.
M. Bourassa: C'est une chose que je devrai discuter avec le
ministre des Finances.
M. Chevrette: Parlons de crédits périmés
pour 30 secondes.
M. Bourassa: Oui.
M. Chevrette: J'ai fait faire la compilation des crédits
périmés de tous les ministères, et on arrive à
quelque 642 000 000 $, alors que votre ministre a annoncé 873 000 000 $.
Si je fournissais la liste des crédits périmés dont on a
fait le total, est-ce que le premier ministre pourrait s'engager à nous
faire connaître la différence? Où sont les autres 100 000
000 $ ou 200 000 000 $ qui manquent?
M. Bourassa: II faudrait que j'en discute avec le Conseil du
trésor.
M. Chevrette: Vous ne pouvez pas annoncer publiquement qu'il y a
873 000 000 $ et que vous en donnez pour 642 000 000 $. Je suppose qu'il doit y
avoir assez de transparence pour dire où vous avez pris la
différence?
M. Bourassa: Êtes-vous sûr que vous n'en avez pas
oubliés à quelques endroits?
M. Chevrette: Je ne dis pas que ce n'est pas possible, mais on
l'a demandé à chaque ministère; partout où on a
passé, on a demandé combien de crédits
périmés.
M. Bourassa: Avez-vous de bons recherchistes?
M. Chevrette: Oui. Très bons. Très jeunes, à
part ça.
M. Bourassa: Compétents?
M. Chevrette: Extrêmement compétents.
M. Bourassa: On va voir, dans ce cas, si...
M. Chevrette: D'ailleurs, vous auriez avantage à avoir les
yeux sur quelques-uns; ça pourrait améliorer votre personnel.
M. Bourassa: Après les élections? M.
Chevrette: Après. Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Chevrette: Après, parce qu'on sera là, nous
autres. Dans l'Opposition, ils font un excellent travail. C'est ce que j'ai
dit. Il y a une affaire dont je ne suis pas sûr: Le personnel voudra-t-il
passer? J'en suis moins sûr. Je pense qu'ils vont vouloir rester avec
nous autres, au pouvoir.
M. Bourassa: Au pouvoir.
M. Chevrette: Prenez-vous l'engagement de nous donner la
différence?
M. Bourassa: Oui. J'ai des gens, en arrière, qui doivent
prendre des notes.
M. Chevrette: Je le suppose.
Une voix: Ils sont même partis en courant.
M. Chevrette: Effectivement, on a totalisé... Je ne dis
pas qu'il n'y a pas d'erreur, je ne veux pas l'affirmer, mais il manque des
chiffres véritables, par rapport à l'annonce faite...
M. Bourassa: Quand le chef de l'Opposition arrive avec des
chiffres précis comme 873 000 000 $ ou 642 000 000 $, ou je ne sais
pas...
M. Chevrette: 642 000 000 $ versus 873 000 000 $.
M. Bourassa: Quand il est précis comme ça, je le
prends au sérieux.
M. Chevrette: Dorénavant, je vous donnerai l'heure de vos
propres déclarations, M. le premier ministre.
M. Bourassa: 18 h 35.
M. Chevrette: Oui, mais j'ai le droit jusqu'à 19 h 30.
M. Bourassa: On ne peut pas négocier un peu?
M. Chevrette: Cela dépend.
M. Bourassa: Si je fais un petit aveu, est-ce que cela va couper
d'une demi-heure?
M. Chevrette: Se mettre d'accord.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Se mettre d'accord, M. le Président. Un
petit aveu?
M. Bourassa: Oui, si je fais une...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Sur quoi auriez-vous menti?
Des voix: Ha, ha, ha!
Sommet de Dakar
M. Chevrette: Est-ce que je pourrais savoir quelles sont les
priorités du premier ministre pour le sommet de Dakar?
M. Bourassa: II y a plusieurs sujets qui vont être
discutés. C'est une conférence très importante pour nous
parce que c'est le seul forum international où le Québec peut
jouer un rôle distinct On sait que j'ai fait des propositions à
cet égard en 1986 sur les surplus alimentaires et sur la dette en 1987.
Donc, le gouvernement du Québec a quand même joué son
rôle lors de ce sommet. On va discuter de la question de l'environnement
- c'est une question importante, une question du jour - de la question
culturelle, de la question des communications et de la question de la
formation. Je dois rencontrer mes collaborateurs prochainement pour
préparer la position du Québec à cet effet. Donc,
l'environnement sera l'une des principales préoccupations du
gouvernement. Il y a la...
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre veut ajouter quelque
chose?
M. Bourassa: La question des communications, c'est,
évidemment, l'extension de TV5.
M. Chevrette: Combien y a-t-il de personnes en France qui
bénéficient de cela, 30 000 ou 60 000?
M. Bourassa: En France, il n'y en a pas beaucoup.
M. Chevrette: 30 000? Est-ce que cela pourrait être le
chiffre?
M. Bourassa: Quand j'ai vu M. Rocard, il disait:
Évidemment, c'est une... On a noté que par rapport à ici
où c'est énorme, c'est considérable, en France, c'est
quelque dizaines de milliers. Donc, on compte qu'avec la
câblodistribution, cela augmentera en France.
M. Chevrette: Est-ce que vous allez parler d'énergie?
M. Bourassa: Oui, il y a un rapport qui se fait de l'institut
d'énergie, il y a un rapport qui doit se faire là dessus.
M. Chevrette: Est-ce que le premier ministre pourrait prendre
l'engagement de proposer de débloquer le fonds de défense du
Liban, 1 500 000 $, qui sont gelés? Est-ce que le premier ministre
pourrait prendre cet engagement?
M. Bourassa: Je suis bien prêt. C'est moi qui avais pris
l'initiative, au dernier sommet, de créer ce fonds à ta demande
de M. Gemayel. On connaît les événements au Liban avec le
remplacement... L'Impossibilité pour M. Gemayel d'avoir un
président...
M. Chevrette: Vous ne pouvez pas proposer qu'il soit
transformé en aide humanitaire ou quelque chose du genre?
M. Bourassa: Sûrement. Demain soir, à
Montréal, je vais rencontrer des gens du Liban. Je pense que le
Québec a un rôle à jouer. La France joue un rôle
à cet égard. Je pense qu'on peut féliciter le gouvernement
français et le Président de la République
particulièrement d'avoir fait preuve d'une initiative très
valable vis-à-vis du Liban. Comme j'étais celui qui avait
proposé ce fonds, après discussion avec les Suisses, les Belges
et les Français, sûrement que je vais voir ce qu'on peut faire au
prochain sommet. La suggestion est...
M. Chevrette: Est-ce que vous avez envisagé la
possibilité d'offrir aussi de l'aide directe du Québec?
M. Bourassa: Je veux dire que s'il y a un fonds qui existe
où on a contribué 350 000 $ je crois, si ma mémoire est
bonne - on peut voir si le fonds ne peut pas rester le même
véhicule. Mais on me signale qu'il y a une résolution à
cet égard qui va être présentée à la
conférence de Dakar pour aider le Liban.
M. Chevrette: Provenant de qui?
M. Bourassa: II y a une réunion des sherpas, les
fonctionnaires qui préparent la conférence. Elle va provenir de
cette réunion, donc, du sommet dans l'ensemble.
M. Chevrette: La première garantie, c'est qu'on demande de
débloquer le montant de 1 500 000 $ et, selon les besoins accrus, on
pourra envisager une aide additionnelle, si je comprends bien.
M. Bourassa: C'est cela. Je pense qu'il ne devrait pas y avoir de
problème. Il y a toujours, évidemment, certains pays qui
préfèrent agir d'une façon bilatérale mais cela
n'empêche pas, également, une collaboration
multilatérale.
Jeux de la francophonie
M. Chevrette: En Chambre, la semaine dernière, le premier
ministre s'est dit satisfait de l'entente sur les Jeux de la
francophonie...
M. Bourassa: Est-ce que J'ai dit que j'étais
satisfait?
M. Chevrette: ...des négociations et de la position du
Québec, de ce qu'il a négocié avec Ottawa pour les Jeux de
la francophonie, un drapeau en berne, dans l'ombre, en arrière et 120
athlètes québécois; les 120 autres, on ne sait pas quelle
langue ils parleront. Vous avez comparé ça aux avantages qu'on
avait lors de la CONFEJES ou de la CONFEMEN. Je m'excuse, mais on
n'était pas dans l'ombre à la CONFEJES et à la CONFEMEN,
on était sur une rangée avec notre drapeau bien devant nous et
avec un droit de parole complet, pas taillé à moitié. On
n'était pas limités dans nos interventions par rapport au Canada
et ce n'était pas une intervention à deux. Au contraire, je peux
vous dire que le Québec, et je le dis avec fierté, a
habituellement un très grand leadership dans ce domaine sur l'ensemble
canadien; on sait très bien que, dans certains cas, par exemple, le
ministre de la jeunesse ne parle même pas français. On se
retrouvait souvent avec un francophone du Nouveau-Brunswick qui
représentait le Canada et le Québec était toujours
là et assumait un leadership à la CONFEJES et à la
CONFEMEN.
Je suis surpris que le premier ministre du Québec se contente
d'une place à l'ombre dans les Jeux de la francophonie. Vous savez, si
cela avait été autre chose que les Jeux de la francophonie,
j'aurais peut-être compris que le Canada voulait négocier quelque
chose de modéré avec le Québec qui participe
financièrement, mais, là, écoutez, le seul endroit au
Canada où il y a une majorité de francophones, où un
peuple travaille pour sa survie, s'il y a eu des échanges avec les pays
francophones et que le Québec a toujours été là,
c'est parce qu'une volonté sans équivoque a toujours
émané du Québec et, tout à coup, aux Jeux de la
francophonie, on va avoir le drapeau du Québec à
l'arrière, seulement 120 athlètes émanant du Québec
cherchant à établir des liens avec les pays francophones. Ne
trouvez-vous pas que c'est vous contenter de peu, que c'est faire fi de toute
la fierté et de tous les pas qu'on a franchis avec les pays
francophones, et que c'est se retrouver ratatinés un peu,
rapetissés dans un événement qui sera sans doute
publicisé dans le monde, les Jeux de la francophonie, où le
Québec n'aura plus la place qui lui revient de droit?
Il me semble que, là-dessus, le premier ministre se contente de
peu. Je suis personnellement déçu de la position du
Québec, qu'il n'ait pas exigé que, si le Canada veut y aller
à tout prix, qu'il y aille avec son équipe, mais que le
Québec y soit avec une équipe québécoise
représentant un peuple majoritairement francophone et qu'il participe de
plein droit à toutes les conférences dans le domaine de la
francophonie, de l'éducation et de la jeunesse et des sports. Je n'en
reviens pas.
M. Bourassa: J'ai mentionné tantôt qu'aux sommets de
la francophonie, en 1986 et en 1987, le Québec a joué un
rôle très important et remarqué. J'ai moi-même, comme
premier ministre, fait des propositions sur le plan de l'économie
internationale. Il faut quand même constater qu'on est un État
membre d'une fédération, mais j'ai pu faire des propositions qui
n'impliquaient pas le Québec personnellement, je parlais des surplus
alimentaires de l'Europe pour l'Afrique qui en avait besoin. Même chose
à l'occasion...
On a tenu le sommet à Québec. Le Québec
était l'État hôte avec le gouvernement
fédéral pour le sommet. On a obtenu que le sommet se fasse
à l'Assemblée nationale. C'est quand même important. Aux
yeux du monde francophone entier, cela s'est tenu ici même, à
l'Assemblée nationale. Cela a été une victoire
diplomatique extraordinaire, peut-être l'une des plus grandes.
M. Chevrette: Pourquoi ne pas avoir continué sur cette
lancée et vouloir entrer dans l'ombre ensuite?
M. Bourassa: Dans les Jeux de la francophonie, il y a eu des
négociations. M. Lucien Bouchard que connaît bien le chef de
l'Opposition, avec qui il a travaillé plusieurs années - il le
connaît bien, c'est un ami intime possiblement...
M. Chevrette: Cela ne veut pas dire que je partage toutes ses
Idées quand il s'agit de mettre le Québec dans l'ombre. (18 h
45)
M. Bourassa: Non. Je ne dis pas qu'il partage toutes les
idées de Lucien Bouchard, et c'est probablement réciproque, mais
ce que je dis, c'est que nous avons négocié et, finalement, le
résultat de la négociation a été celui que
connaît le chef de l'Opposition et qu'il décrit avec un peu de
pessimisme.
M. Chevrette: Avec pessimisme? Écoutez, comme
Québécois, en 1984-1985, je crois, on s'est permis d'aller aux
jeux de la Côte-d'lvoire, je m'en souviens très bien.
M. Bourassa: Vous étiez le ministre...
M. Chevrette: C'est moi qui les avais organisés, mais
c'est M. Brassard qui m'a remplacé....
M. Bourassa: À Abidjan.
M. Chevrette: ...quand je suis passé à la
Santé. En Côte-d'IvoIre.
M. Bourassa: À Abidjan.
M. Chevrette: C'est cela. Je n'étais pas là. Je
sais qu'il y avait eu une discussion...
M. Bourassa: Ah bon! Cela voyageait! Cela voyageait!
M. Chevrette: Oui, mais cela ne coûtait pas aussi cher que
pour Mme Robic.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: N'ouvrez pas les portes. M. le premier ministre,
quand on ne veut pas se faire parler de quelque chose, on n'ouvre pas les
portes.
M. Bourassa: On peut comparer le coût.
M. Chevrette: Québec n'a pas "seiné" de
participation à personne. Il est allé aux jeux de l'Afrique
francophone avec sa délégation, son équipe. Comment se
fait-il qu'on peut faire cela comme gouvernement provincial et qu'on arrive aux
Jeux de la francophonie et là, le drapeau est en berne, en
arrière, cache-toi, fais de l'ombre un peu, et on n'est même pas
capable d'assurer pleinement une délégation de francophones?
Expliquez-moi donc cela.
M. Bourassa: C'est une nouvelle institution. Il ne faut pas
comparer des oranges avec des pommes. Je pense que le chef de
l'Opposition...
M. Chevrette: Non. La Côte-d'Ivoire et le
Sénégal, ce sont deux pays francophones qui nous ont
invités et on est allés.
M. Bourassa: Ce n'est pas du tout la même chose.
M. Chevrette: On n'a pas "seiné" II y avait des
ambassadeurs qui nous traînaient sur les talons. C'est nous qui l'avons
organisé.
M. Bourassa: Là, il y a un sommet francophone et c'est un
contexte tout à fait différent. Je regrette de devoir diverger
d'opinion avec le chef de l'Opposition sur cette question.
M. Chevrette: Et vous considérez que c'est une place
raisonnable qu'on a obtenue.
M. Bourassa: Je dis qu'on a négocié et que le
résultat de la négociation a été...
M. Chevrette: Ne considérez-vous pas que c'est une recul
vis-à-vis de la place que le Québec a pris dans les organismes
francophones?
M. Bourassa: C'est la première fois. Le sommet
francophone, c'est une nouvelle institution. Les Jeux de la francophonie, c'est
une nouvelle participation du Québec à une activité
internationale, donc c'est nouveau. Ce n'est pas un recul, c'est la
première étape.
M. Chevrette: Donc, on fait partie des demi-peuples de la
francophonie.
M. Bourassa: Non. J'ai eu l'occasion de dire tantôt au chef
de l'Opposition...
M. Chevrette: Des demi-places.
M. Bourassa: ...que j'avais pu jouer un rôle distinct et
remarqué, à ce qu'on m'a dit, aux deux derniers sommets.
Services ambulanciers
M. Chevrette: M. le premier ministre, quelques mots sur l'une des
réformes que, sans doute, vous regrettez d'avoir faite, non pas sur les
objectifs, les objectifs de vouloir scolariser, instruire, rendre plus
compétents nos techniciens ambulanciers du Québec, je trouve cela
noble, je trouve cela correct. Vouloir améliorer les services
ambulanciers au Québec, je trouve cela correct. Je suis un peu inquiet
parce que selon mes informations, d'abord, la RAAQ ne veut pas payer,
contrairement à votre décret du mois de décembre. La RAAQ
ne verse encore aucun sou au moment où l'on se parle. Vous auriez
demandé aux détenteurs de permis et aux propriétaires de
véhicules de payer 35 000 000 $ de la facture, alors qu'ils ne
représentent que 8 % des voyages; c'est quelque chose comme 25 000
voyages sur les 400 000 qui se font au Québec dans le domaine
ambulancier. Vous demandez aux détenteurs de permis et aux
propriétaires de véhicules de payer 40 % de la facture alors
qu'ils ne représentent que 8,5 % des risques. Le ministre
Côté m'a répondu qu'il ne paierait que les coûts
réels sans facturer la RAAQ, ce qui va à l'encontre du
décret ministériel de décembre, que l'intégration
des personnels n'est pas encore faite, qu'elle était prévue pour
le 1er mai, qu'il y a une menace de grève de M. Cotton. Selon mes
Informations, c'est reporté en juin à la suite des discussions
entre M. Lamarche et un peu tout le monde.
M. Bourassa: Ce sont vos amis, M. Cotton, M. Lamarche.
M. Chevrette: Je pense qu'ils se sont rapprochés pas mal
plus de vous que de moi depuis l'adoption de la loi. Je ne sais pas ce que vous
en pensez. Cela ne m'a pas trop chatouillé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Vous n'avez pas de peine.
M. Chevrette: Si cela peut vous intéresser, vous pourriez
peut-être le garder. J'ai à vous dire ceci. En soi, la
réforme n'assure pas une équité des services, à mon
point de vue. Plus encore, il y a des coûts disproportionnés qui
s'en viennent. Je voudrais d'abord vous demander si vous avez l'intention de
corriger votre décret ministériel, parce que le décret
demandant à la RAAQ de payer 35 000 000 $, c'est un décret du
Conseil des ministres, c'est signé par votre secrétaire
général. L'aide sociale et la RAAQ paient la facture. Je vous
avoue que, personnellement, je suis inquiet parce que des employés, de
bonne foi, seront peut-être amenés à poser des gestes de
grève à part ça, à ce qu'on me dit, et il n'y a pas
d'argent pour les payer. Tout s'en va par des avances. Le CRSSS est
obligé de payer la nouvelle corporation qui est sur pied. Cela a
été fait à bric-à-brac, cette affaire-là, M.
le premier ministre; vous le savez, je vous en ai parlé à une
couple de reprises. J'ai prédit plusieurs choses, vous allez rester
surpris. Les clés des véhicules sont à la veille de vous
arriver sur le bureau, maintenant que le monopole est acquis. Vous allez voir
que la tôle va vous revenir vite. Je ne voudrais pas être
prophète de malheur, mais c'est ça qui va vous arriver; avec la
demande des KKK, les clés vont vous arriver sur le bureau. Vous aurez
contribué à créer le monopole, un monopole syndical dans
le domaine ambulancier.
Le Fonds de développement coopératif est rendu à 5
300 000 $ de prêts aux coopératives et ce sans
intérêt pour les deux premières années.
M. Bourassa: Pourquoi ne peut-on pas prêter aux
travailleurs?
M. Chevrette: Non, non, tant mieux. Laissez-moi finir...
M. Bourassa: D'accord.
M. Chevrette: ...vous allez voir ce que je veux vous dire.
M. Bourassa: On prête à des entreprises et on ne va
prêter aux travailleurs?
M. Chevrette: Je suis entièrement d'accord. M.
Bourassa: Ah bon! M. Chevrette: D'accord.
M. Bourassa: Vous n'étiez pas parti comme ça.
M. Chevrette: Là où je ne suis plus d'accord - j'ai
le droit de le dire, je pense - c'est qu'innocemment, je pense, on a
assisté à une réforme sans savoir où on allait et,
aujourd'hui, on n'a plus l'argent pour permettre à cette structure de
fonctionner. Est-ce que vous avez l'intention de donner aux gens... même
votre décret pourrait être illégal, M. le premier ministre,
parce qu'il demande à la RAAQ de payer 35 000 000 $, alors que l'article
45 de la Loi sur la Régie de l'assurance automobile dit que la RAAQ doit
payer la personne. Le décret gouvernemental de décembre est
même Illégal, à mon point de vue. Le ministre
Côté me confirme qu'il ne veut payer que les frais réels.
Je voudrais savoir ceci: Quand allez-vous régler ce dossier, pour
éviter qu'à Montréal on se ramasse, aux mois de mai ou
juin, avec une grève des ambulanciers et que, cette fois-ci, ayant un
monopole employeur, qu'on se ramasse avec une grève sans aucun service?
Il reste un entrepreneur privé sur toute l'île de Montréal,
tout le reste appartient à des coopératives CSN. Je voudrais
savoir comment vous allez faire pour répondre à cette situation
qui peut devenir alarmante d'une journée à l'autre, parce que la
menace de grève a été faite. Je sais qu'il y a des gens
qui sont allés rencontrer... Je sais que M. Lamarche est allé
rencontrer les syndicats pour essayer de négocier un report de date de
grève, mais avec M. Cotton on ne rit pas trop trop. Là, il est
dans le dossier des garderies; vous allez le trouver aussi pesant là que
dans le secteur des ambulances.
M. Bourassa: Alors, pour ce dossier qui fait partie,
évidemment, de l'héritage du chef de l'Opposition comme ministre
des Affaires sociales...
M. Chevrette: Ce n'est pas un héritage, ça. Ce
n'est pas moi qui ai fondé ça. C'est de l'inédit, ce que
vous faites.
M. Bourassa: Non, mais je veux dire le dossier...
M. Chevrette: Vous demanderez à vos députés,
il y en a les trois quarts qui sont d'accord avec moi.
M. Bourassa: La complexité... Bien, Us ne me l'ont pas
dit.
M. Chevrette: Non? Bien, Us ont manqué une belle chance de
vous faire voir qu'ils étaient francs.
M. Bourassa: La complexité du dossier... Là, j'ai
lu des commentaires là-dessus, notamment de M. Francoeur du Devoir, qui
est certainement l'un des éditorialistes les plus respectés dans
les questions sociales qui parlait d'une augmentation du coût de 70 $
à 1500 $. Je pense que...
M. Chevrette: C'est le coût du passage...
M. Bourassa: Oui, oui.
M. Chevrette: ...de chaque transport.
M. Bourassa: Ce qu'on me dit et J'ai toute raison de le croire,
je le dis parce que M. Francoeur a...
M. Chevrette: Non, non, c'est votre propre décret, M. le
premier ministre.
M. Bourassa: Non, non...
M. Chevrette: M. Francoeur ne fait que rapporter votre
décret.
M. Bourassa: Le coût réel est de 1087 $. Avant la
réforme, c'était 1087 $.
M. Chevrette: Non, non, mais qu'est-ce que payait...
M. Bourassa: La différence était assumée par
le ministère de la Santé. Donc, ce n'est pas 70 $, c'est 1087 $.
C'est important parce que... Le chef de l'Opposition s'est occupé de ce
dossier. Le montant de 70 $ était purement symbolique, c'était un
montant...
M. Chevrette: Pourquoi, dans ce cas-là? Je comprends
l'information que vous donnez.
M. Bourassa: On passe de 1087 $ à 1500 $, donc on ne passe
pas de 70 $ à 1500 $. Donc, je pense qu'il s'agit de rétablir les
faits là-dessus.
M. Chevrette: On va les rétablir à nouveau.
Qu'est-ce que la RAAQ payait avant, M. le premier ministre?
M. Bourassa: Mon chef de cabinet me dit que pour ce qui a trait
au décret, ainsi que le secrétaire
général...
M. Chevrette: La RAAQ payait quoi? M. Bourassa:
Pardon?
M. Chevrette: La RAAQ payait quoi avant la réforme?
Combien? Elle payait 70 $ du voyage. Vrai ou faux? La Régie de
l'assurance automobile, combien les détenteurs de permis payaient-ils
avant? 70 $, vrai ou faux?
M. Bourassa: Non, mais le coût réel...
M. Chevrette: Le deuxième voyage, ils payaient 30 $.
M. Bourassa: Le coût réel. On parle du coût
réel là. On ne parle pas de...
M. Chevrette: Je parle du coût réel payé par
la Régie de l'assurance automobile avant.
M. Bourassa: Non, non. C'était assumé par le
ministère de la Santé, ce n'est pas la même chose.
M. Chevrette: Bon, alors pourquoi, un employeur dans une usine
où il y a un accident, vous le facturez à 70 $ dans votre
nouvelle réforme et que vous facturez un détenteur de permis
à 1500 $?
M. Bourassa: Et mon chef de cabinet et le secrétaire
général ont été mêlés dans ce dossier
jusque là, alors, je vais leur demander de...
M. Bertrand (Mario): Même un peu jusqu'Ici, dans mon
cas.
M. Chevrette: J'en sais quelque chose.
M. Bertrand: La loi sur la CSST prévoit
spécifiquement que les coûts ambulanciers ne peuvent pas
être intégrés. Alors il faudrait également modifier
la Loi sur la CSST. Le secrétaire général travaille
actuellement avec les gens de la RAAQ pour apporter les modifications
législatives nécessaires.
M. Chevrette: Oui, mais c'est l'employeur qui paie le premier
voyage dans le domaine de...
M. Bertrand: La CSST dit spécifiquement qu'elle n'assume
pas ces coûts.
M. Chevrette: Bon, mais comment pouvez-vous décemment
continuer à demander à un employeur de ne payer que 70 $, alors
que le propriétaire d'un permis ou d'un véhicule va payer 1500 $?
Pourquoi faire porter à une régie qui est une mutuelle... C'est
une mutuelle d'assurance, la Régie de l'assurance automobile, ce sont
des gens qui paient des cotisations. Pourquoi est-ce que ce seraient eux qui
assumeraient le risque, par exemple, des chantiers en forêt? Pourquoi
est-ce que ce seraient eux qui assumeraient le risque d'un gars dans une usine
qui ne fait peut-être même pas attention à la
sécurité de ses travailleurs, qui ne paiera que 70 $ et que,
tôt ou tard, l'augmentation... L'administration annuelle
représente 4,7 % du coût, les 35 000 000 $. Tôt ou tard, il
y aura encore une augmentation des primes d'assurance auto et des primes pour
les permis. Est-ce normal d'accepter cette situation? C'est une question de
principe que je pose dans ça. Si les risques doivent être
assumés pour l'ensemble des Québécois, ils doivent
l'être dans un fonds général ou autre chose, mais pas par
des clientèles qui paient des cotisations et qui se volent d'ailleurs,
à plusieurs reprises, amputées de plusieurs millions et qui
devront payer des augmentations alors que ces gens ne représentent
même pas plus de 8,5 % des risques. C'est ce que je veux dire. Allez-vous
corriger votre décret?
M. Bertrand: Le décret est en révision
actuellement.
M. Chevrette: Donc le décret était reconnu
illégal.
M. Bertrand: Non, le décret n'est pas reconnu
illégal. Les conseillers Juridiques...
M. Chevrette: Non, non. Vous allez amender la loi pour la
rendre... imaginez-vous, vous êtes en train de me dire que vous allez
amender la loi pour rendre votre décret légal. Entre vous et moi,
vous me faites rire. Cela ne prend pas un avocat qui a fait dix ans de
pratique.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition...
M. Chevrstte: SI la loi doit être amendée pour
rendre un décret légal, c'est parce que le décret actuel
est illégal par rapport aux lois existantes.
M. Bourassa: Non, non. Mais laissez-nous le temps de
compléter notre réponse.
M. Morin (Benoît): Nous avons effectivement
l'interprétation de la Justice à l'effet que le décret est
légal. Ce que M. Bertrand vous soulignait tout à l'heure, par
ailleurs, c'est que la loi relative à la CSST, la Loi sur les accidents
du travail, ne permet cependant pas d'imputer à la CSST les
montants.
M. Chevrette: C'est l'article 45 de la RAAQ qui ne permet pas que
vous payiez. Je vais vous la dire, la réponse, moi. J'ai appris, et
comme il faut à part ça.
M. Bourassa: Voulez-vous un poste au cabinet?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Non, mais vous ne me remplirez pas. Vous ne me
remplirez pas, personne ici. L'article 45 de ta Loi sur la Régie de
l'assurance automobile du Québec vous oblige à verser des
indemnités à l'accidenté. Vrai ou faux? Et vous voulez que
la RAAQ prenne de l'argent et l'envoie à un CRSSS pour payer. C'est
là qu'est votre illégalité, vous le savez.
M. Morin: II y a un autre article, l'article 12, qui permet
effectivement à la RAAQ de payer des tiers qui sont appelés
à...
M. Chevrette: Non, c'est sur l'assentiment écrit du
bénéficiaire. Ce que vous dites n'est pas encore correct. J'ai
l'interprétation de la RAAQ elle-même.
M. Morin: Oui, mais vous parlez de l'article 45, M.
Chevrette.
M. Chevrette: Troisième alinéa, c'est ce que vous
dites.
Une voix: À partir de l'article 12 de la loi en question,
la justice...
M. Chevrette: Ah! Ne nous endormez pas. Vous corrigez vos lois
pour rendre vos bebelles légales.
M. Bourassa: Pour 30 secondes, au chef de l'Opposition, j'ai le
président du Conseil du trésor...
M. Chevrette: Mais si c'était ça, juste 30
secondes, je veux finir sur le sujet.
M. Bourassa: D'accord.
M. Chevrette: Si c'était ça, pourquoi ne
poursuivez-vous pas la RAAQ qui n'a pas versé un cent depuis
décembre, M. le secrétaire général?
M. Morin: II y a des discussions qui...
M. Chevrette: Si vous étiez légal, pourquoi
faites-vous...
M. Morin: ...se poursuivent avec la RAAQ pour l'amener à
payer.
M. Chevrette: Ah! Et il n'y a aucune mise en demeure? Pourquoi?
Parce que vous n'avez même pas consulté au départ, vous le
savez très bien.
M. Bertrand: II s'agit d'harmoniser le décret avec les
lois.
M. Chevrette: Ha, ha, ha! L'harmonie! Savez-vous à quoi
cela me fait penser? À ta lettre de M. Chamberland tantôt. La
machine vous dit: Cela n'a pas d'allure, ce que vous faites. Vous le faites
quand même et vous vous retrouvez devant des aberrations. (19 heures)
M. Bourassa: On pourra déposer le coût de la
réforme de l'Ontario et celle du Québec.
M. Bertrand: Celle du Québec, après ta
réforme de la loi 34 va en coûter...
M. Chevrette: Comme information, il n'y a pas de
problème.
M. Bertrand: II va en coûter 160...
M. Chevrette: On ne dépose pas, mais on permet de
distribuer, je pense, selon les règles.
M. Bertrand: II faudrait le faire photocopier.
M. Chevrette: C'est correct.
M. Bourassa: Cela montre que c'est encore plus économique,
je pense, au Québec.
M. Chevrette: Je vous le souhaite pour l'an prochain, M. le
premier ministre. J'ai parlé aux fonctionnaires de votre réforme
et, si j'étais vous, je serais prudent dans mes avancés. Ils ne
sont même pas capables de nous dire combien cela va coûter en temps
supplémentaire. Au cas où vous n'auriez pas ces informations, je
vais vous en donner quatre, cinq.
M. Bourassa: Je sais quee vous êtes le grand expert du
transport en ambulance...
M. Chevrette: Cela devrait assurer la stabilité de la
main-d'oeuvre en région à cause de la fusion en une seule
compagnie. Ces gens ont été obligés d'aller chercher 100
techniciens ambulanciers en région. Ils commencent à vider les
régions des techniciens. Cela devait assurer une stabilité.
Deuxièmement, en temps supplémentaire, vous n'êtes
même pas capable de vous prononcer sur le quantum. M. Louis-Philippe
Langlois nous répondait à l'étude des crédits. J'ai
posé beaucoup de questions là-dessus à l'étude des
crédits. Vous auriez peut-être intérêt, M. le premier
ministre, à lire les questions posées à votre ministre, M.
Côté, et à Mme Lavoie-Roux avant de vous prononcer trop
allègrement sur la réforme. J'ai l'impression que vous allez
avoir de petites surprises. Vous allez être pris de court comme le
fédéral.
M. Bourassa: Admettons que c'était l'un des dossiers les
plus difficiles. Je sais que chef de l'Opposition le connaît.
M. Chevrette: Je ne souhaite pas de grève. Je vous dis que
si on ne prend pas les précautions pour assurer une gestion rapide, on
risque de se ramasser encore avec de la perturbation à très court
terme.
M. Bourassa: Je suis d'accord et j'apprécie
l'intérêt du chef de l'Opposition. J'apprécie son accord
sur les prêts qu'on a fait aux travailleurs. On fait assez de prêts
sans intérêt aux grandes entreprises, quand je vois qu'on peut en
faire à des travailleurs, je ne vois pas pourquoi. Le président
du Conseil du trésor va juste répondre à la question sur
les...
M. Chevrette: 873 000 000 $.
M. Bourassa: C'est cela. 873 000 000 $.
M. Chevrette: On on totalise 642 000 000 $.
M. Bourassa: Je lui ai demandé de venir exprès. Le
chef de l'Opposition ne peut pas se plaindre du traitement qu'il a cet
après-midi. Il était en réunion urgente sur le budget et
il a décidé d'Interrompre sa réunion pour venir donner des
chiffres.
M. Chevrette: Je ne saurais comment vous remercier.
M. Boursssa: Cela entrea dans ma négociation pour ne pas
terminer trop tard.
Le Président (M. Filion): M. le président du
Conseil du trésor.
M. Johnson: Le chef de l'Opposition dit que nous parlons de 873
000 000 $ ou de 863 000 000 $, en l'occurrence, et qu'il parle plutôt de
667 000 000 $ $, je crois. De toute évidence, on ne parle pas de la
même chose. Il y a un document qu'il me fera extrêmement plaisir de
distribuer aux membres de la commission et qui réconcilie en grande
partie les chiffres évoqués. En grande partie, je dis bien, selon
les dates auxquelles on peut avoir examiné quelles étaient les
dépenses probables par opposition aux crédits. Je pense qu'on a
trois documents devant nous qui n'ont pas la même date. A quelques
semaines près, cela compte en fin d'année, quand on ferme les
livres. Donc, ce document, qui indique des crédits périmés
de 863 000 000 $, en 1988-1989, s'explique, quant à 305 000 000 $, par
des anticipations de dépenses qui ont été faites à
l'occasion du discours sur le budget, et permet d'arriver à presque 100
000 000 $ en bas des 667 000 000 $ mentionnés par le chef de
l'Opposition. Il faudrait prendre poste par poste les chiffres du chef de
l'Opposition ou alors l'inviter à consulter son collègue de
Lévis, M. Jean Garon...
M. Chevrette: Oui, je l'ai consulté.
M. Johnson: ...à qui j'ai remis...
M. Chevrette: Mais comment pouvez-vous...
M. Johnson: ...ces documents il y a déjà un
mois.
M. Chevrette: On a demandé par programme et par
ministère, vous avez dit: Vous poserez des questions. Comment
pouvez-vous justifier que 305 000 000 $ de paiements par anticipation puissent
constituer pour vos fins à vous des crédits
périmés? Comment justifiez-vous ça? En vertu de quoi, de
quelle politique?
M. Johnson: Pour la bonne et simple raison que le livre des
crédits est constitué pour l'année qui débute le
1er avril. Il est déposé en mars et, quelques semaines plus tard,
tu ministre des Finances vient faire son discours sur le budget et annonce,
entre autres, qu'il a des revenus plus élevés que prévu
l'an dernier et se sert de ces revenus pour payer à l'avance pour
l'an dernier des dépenses qui apparaissent dans le livre des
crédits qui vient a peine d'être déposé. Donc, on
peut déjà prévoir que dès ce moment il y a au moins
ce montant de 305 000 000 $ en 1988-1989. Comme le ministre des Finances l'a
dit en Chambre, c'est un montant de 305 000 000 $ qu'on n'envisageait plus
dépenser en 1988-1989. Il n'y a rien de bien sorcier
là-dedans.
M. Chevrette: Donc, ce ne sont pas des paiements d'avance,
d'abord.
M. Johnson: Pardon? Ce sont des dépenses
anticipées.
M. Chevrette: Si je comprends bien, les revenus étant plus
hauts que ceux escomptés...
M. Johnson: En 1987-1988.
M. Chevrette: Oui, plus hauts que ceux escomptés...
M. Johnson: On sait que le ministre des Finances anticipe
certaines dépenses en 1988-1989 certaines dépenses grâce
à des revenus plus élevés en 1987-1988. En
conséquence, dans la mesure où les dépenses sont
déjà payées, alors que l'année commence à
peine - notamment au titre des régimes de retraite, il y en avait pour
225 000 000 $ - nous pouvons dès lors périmer ces montants.
M. Chevrette: Cela veut donc dire que si on additionne les
crédits périmés tels que dévoilés par chacun
des ministères en ajoutant les 305 000 $ payés par anticipation
par le ministre des Finances.
M. Johnson: On arriverait à 800 000 000 $ ou 900 000 000
$. Cela dépend des dates, comme je le disais tout à l'heure,
à partir de quel document a été constituée votre
liste des dépenses probables de 1988-1989...
M. Chevrette: Est-ce que vous pourriez nous déposer les
deux ou trois documents pour qu'on voit clair?
M. Johnson: Je vais en déposer un.
M. Chevrette: Pourquoi? Dans les autres, est-ce qu'il y a autant
de différences en si peu de temps?
M. Johnson: Ce ne sont pas les mêmes dates, ce sont des
explications encore plus complètes, y compris des notes que j'ai prises
pour les fins de notre discussion et je n'ai aucunement l'intention de les
déposer. Je peux vous les dire, mais je ne vous permettrai pas de les
lire.
M. Chevrette: Bien, dites-les donc.
M. Johnson: En l'occurrence, depuis trois ans, les montants de
crédits périmés étaient de plus ou moins 600 000
000 $, lorsqu'on redresse ça. C'est dans l'ordre des choses et cela
reflète à peu près l'envergure des crédits
périmés nets qui apparaissent dans les états financiers du
gouvernement du Québec depuis plusieurs années. On peut remonter
à une dizaine d'années. Si on fait le décompte, par
exemple, des crédits supplémentaires... On se comprend, les
crédits supplémentaires, étant donné qu'on vote les
crédits programme par programme, visent à pourvoir des
activités dans différents ministères, mais dans la mesure
où on respecte des objectifs de dépenses ou qu'on tente de le
faire, on doit en périmer ailleurs dans d'autres activités. C'est
la règle normale. On remonte ici à une quinzaine d'années,
ma foi, il y a toujours eu un minimum de 400 000 000 $, et c'est
déjà allé jusqu'à 800 000 000 $ ou 900 000 000 $,
de crédits supplémentaires dont une bonne partie était
autofinancée par des crédits périmés autrement
dégagés dans d'autres programmes.
M. Bourassa: Je remercie le président du Conseil du
trésor d'avoir satisfait aux questions du chef de l'Opposition et de
s'être rendu disponible. Cela révèle son respect pour
l'institution parlementaire et le poste qu'occupe le chef de l'Opposition, de
même que pour la personne elle-même du député de
Joliette.
M. Chevrette: Cela, ne le lui demandez pas parce qu'il ne le dira
pas. Je suis sûr qu'il ne dira pas ça.
La Président (M. Filion): il y a deux documents de
déposés, un sur le coût global des services d'ambulance et
un autre sur les crédits périmés en 1988-1989.
Secrétariat à la jeunesse
M. Chevrette: Rapidement, j'ai plusieurs petits sujets, M. le
premier ministre. Concernant le Secrétariat à la jeunesse et le
plan d'action 1989-1990 du Secrétariat, on est à même de
constater que la vaste majorité des mandats provient des
ministères et des organismes. Est-ce que vous pourriez nous dire si vous
considérez que le rôle du Secrétariat est de
répondre exclusivement aux ministères et aux organismes publics,
plutôt qu'aux besoins des jeunes comme tels?
M. Bourassa: II faut faire la distinction entre le
Secrétariat à la jeunesse et le Conseil permanent. Le
Secrétariat à la jeunesse est un sous-comité du Conseil
exécutif qui fait la coordination entre les différents
ministères. Le Conseil permanent reçoit des propositions de
toute la province. Je signale au chef de l'Opposition qu'on a
nommé au Conseil permanent Mme Isabelle Courville qu'a bien connue le
chef de l'Opposition quand il faisait la navette entre Louise Harel et Mme
Courville dans des...
M. Chevrette: Vous, vous êtes à la veille de le
faire entre Mme Bacon et M. Lincoln!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: N'ouvrez pas la porte! Que voulez-vous! Nous
prenez-vous pour des nonos? Pensez-vous qu'on ne vous répondra pas? M.
le premier ministre...
M. Bourassa: Vous lisez trop.
M. Chevrette: ...la conspiration aujourd'hui... M. Thuringer, M.
Marx et M. French considèrent qu'il y a de la conspiration contre M.
Goldbloom de ta part de Mme Bacon.
M. Bourassa: Non, non, non.
M. Chevrette: Vous en avez assez dans votre cour
présentement...
M. Bourassa: Ce n'est pas ce qu'ils ont dit.
M. Chevrette: ...sans vous mêler des nôtres.
D'accord?
M. Bourassa: Non, non, ce n'est pas ce qu'ils ont dit. Le chef de
l'Opposition a mal lu la déclaration.
M. Chevrette: J'ai lu que les circonstances semblent se liguer ou
conspirer contre un individu. Voulez-vous que je vous cite le mot à mot?
On l'a.
M. Bourassa: Non, je crois que c'est de la pure
spéculation.
M. Chevrette: Trouvez-les donc. On va les lire. Les
événements conspirent contre M. Goldbloom.
Une voix: Ces circonstances.
M. Chevrette: Circonstances? Bon. On l'a trouvé.
M. Bourassa: La ministre n'est aucunement mise en cause dans ce
communiqué, aucunement.
M. Chevrette: Ah! C'est le gouvernement, je suppose?
M. Bourassa: Je demanderais au chef de l'Opposition de lire
attentivement le communiqué.
M. Chevrette: Bien sûr! On le lira. Mais vous aurez
peut-être à faire la navette entre Mme Bacon et M. Lincoln. Vous
pourriez peut-être faire la navette...
M. Bourassa: Le communiqué fait l'éloge de
l'intégrité...
M. Chevrette: Oubliez le communiqué.
M. Bourassa: ...et du dévouement de M. Goldbloom. Je pense
que tout le monde sera d'accord pour souligner l'intégrité et le
dévouement de M. Goldbloom durant...
M. Chevrette: Cela lui a valu d'être mis à la
porte.
M. Bourassa: ...sa carrière. Son mandat n'est pas
renouvelé. M. Goldbloom a convenu d'un mandat de deux ans, étant
donné qu'il n'a pas l'âge du chef de l'Opposition. Il termine son
mandat. Tout le reste est interprétation et bavardage.
M. Chevrette: Tous les secrétariats, pour revenir au sujet
dont je vous parlais... C'est vous qui avez fait la digression; le bavardage
vient de vous, il ne vient pas de moi. C'est vous qui avez commencé.
M. Bourassa: Je pariais de Mme Courville. M. Chevrette:
Oui, mais c'est vous...
M. Bourassa: Je ne pariais pas du Dr Goldbloom.
M. Chevrette: ...qui faites les digressions et, après
ça, vous reprochez aux autres de faire du bavardage. Écoutez
bien.
M. Bourassa: On pariait du Conseil permanent de la jeunesse et on
s'est...
M. Chevrette: On va en parler du Secrétariat. Je vous ai
parlé du Secrétariat. Je vous ai Interrogé sur le
Secrétariat et vous m'avez répondu sur le Conseil.
M. Bourassa: Parce que vous confondiez les deux.
M. Chevrette: De quoi voulez-vous que je vous parle pour que vous
me répondiez sur le Conseil? Cela va être plus simple.
M. Bourassa: Mais vous confondiez les deux et j'ai fait la
distinction pour l'information...
M. Chevrette: Vous voulez finir rapidement là. Est-ce
correct?
M. Bourassa: D'accord. Le chef de l'Opposition a raison.
M. Chevrette: Merci. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Tous les autres secrétariats donnent des
services à la population. Le Secrétariat à la jeunesse
semble être devenu un organisme voué aux ministères et aux
organismes. N'est-il pas temps que vous changiez ça et que vous donniez
des budgets pour qu'on puisse véritablement, en région, continuer
à servir la population, comme cela a déjà
été le cas? Vous avez coupé des postes en région,
rappelez-vous.
M. Bourassa: II y a plusieurs secrétariats, le chef de
l'Opposition le sait.
M. Chevrette: Non, mais la majorité des
secrétariats rendent des services à la population.
Par exemple, le Secrétariat à la condition
féminine.
M. Bourassa: Non.
M. Chevrette: Le Secrétariat à la famille.
M. Bourassa: Oui, mais il y a, par exemple, le Comité de
développement économique...
M. Chevrette: Les Autochtones.
M. Bourassa: ...le Comité des affaires sociales, le
COMPACS, le Comité de l'aménagement.
M. Chevrette: Le COMPACS. Vous parlez des comités
ministériels.
M. Bourassa: Non.
M. Chevrette: M. le premier ministre, c'est vous qui êtes
dans les carottes. Vous comparez quoi? Le COMPACS, c'est une réunion de
ministres. Voyons!
M. Bourassa: Mais il y a des secrétariats dans chacun de
ces comités.
M. Chevrette: Oui, le Secrétariat à
l'aménagement, je le sais, j'ai connu ça. Je vous dis que les
secrétariats à la jeunesse, à la condition
féminine, à l'adoption internationale rendent des services
à la population. Le Secrétariat à la jeunesse est devenu
un organisme pour servir les ministères.
M. Bourassa: L'an dernier...
M. Chevrette: Vous avez coupé des postes en région.
Pourquoi?
M. Bourassa: Juste pour faire gagner du temps au chef de
l'Opposition, l'an dernier, il a posé les même questions
là-dessus... M. Chevrette: Non.
M. Bourassa: ...et je lui ai répondu que le
Secrétariat à la jeunesse, par le biais de
Communication-Québec, offrait des services à la population.
M. Chevrette: La jeunesse était la priorité
nationale du premier ministre en 1985. Ne considérez-vous pas que vous
lui enlevez un instrument en région qui rend service à la
jeunesse? C'est ce que je vous dis.
M. Bourassa: On a fait toute la discussion là-dessus et je
peux dire tout ce qu'on a fait pour les jeunes: aide aux jeunes agriculteurs;
prêts et bourses aux étudiants, 52 000 000 $; la loi 119 pour
permettre aux jeunes de travailler dans le secteur de la construction; le
contrat de 25 000 000 000 $ qu'on a signé à New York, qui
permettra aux jeunes d'avoir des revenus...
M. Chevrette: 2 500 000 $, une fois que l'inflation verbale est
passée.
M. Bourassa: Non, non, M. le Président. On peut en
discuter.
M. Chevrette: À part ça, 2000 postes promis dans la
fonction publique et vous en avez coupé 1400. Vous avez promis 25 000
000 $ en bourses d'études et vous avez transformé ça en
crédits pour endetter les étudiants de 100 000 000 $ de plus.
M. Bourassa: Non, 52 000 000 $.
M. Chevrette: Les effets bénéfiques des plafonds,
en 1990, après les élections. Ce n'est pas un engagement, c'est
une plate-forme.
M. Bourassa: Je n'accepterai pas de débat
télévisé avec le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Je vous tiendrais tête, c'est sûr, et
vous ne m'empliriez pas, c'est sûr.
M. Bourassa: Est-ce que vous faites confiance à M.
Parizeau pour le débat télévisé?
M. Chevrette: Oui, monsieur.
M. Bourassa: Vous baissez les yeux en disant ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: SI vous voulez que je vous regarde, CKAC vous en a
offert un et vous avez refusé.
M. Bourassa: Quand même...
M. Chevrette: Au sujet d'Hydro-Québec.
M. Bourassa: ...je lui ai offert de siéger à cette
Assemblée dans le comté d'Anjou...
M. Chevrette: Je ne baisse pas les yeux. Je vous regarde en
pleine face. Avez-vous refusé, oui ou non?
M. Bourassa: ...ha, ha, ha!
M. Chevrette: À CKAC?
M. Bourassa: Je lui ai offert de siéger sans opposition
à l'Assemblée nationale.
M. Chevrette: Vous avez refusé NTR aussi.
M. Bourassa: Non, non, pas NTR.
(19 h 15)
M. Chevrette: Vous n'avez pas hâte de lui faire face.
M. Bourassa: Vous verrez.
Jeunes volontaires
M. Chevrette: On verra. Le programme Jeunes volontaires.
M. Bourassa: Oui.
M. Chevrette: M. le premier ministre, avez-vous l'intention
d'imposer votre volonté politique pour que ce programme continue? Vous
savez à quel point il est apprécié. Vous voulez le
modifier. Qu'est-ce que vous allez faire?
M. Bourassa: II n'y a pas de modification, M. le
Président. Les budgets sont maintenus pour l'année en cours.
M. Chevrette: Jusqu'au mois d'août?
M. Bourassa: II y a consultation pour les années
subséquentes.
M. Chevrette: Oui, mais à partir d'août?
M. Bourassa: La réponse a été donnée
lors de l'étude des crédits, mais je peux la
répéter. Il n'y a pas de changement, le programme est maintenu
pour l'année.
M. Chevrette: C'était un programme dont l'esprit pouvait
aller jusqu'à permettre une planification de l'emploi, etc. Est-ce qu'il
sera réduit seulement au dépannage de l'aide sociale?
M. Bourassa: Le programme est maintenu.
M. Chevrette: Est-ce qu'il sera administré par le
réseau scolaire?
M. Bourassa: Le programme est maintenu pour l'année en
cours. Il y a des consultations pour les années subséquentes.
M. Chevrette: Pour l'année en cours, cela veut dire
jusqu'en 1990?
M. Bourassa: Jusqu'au 1er avril 1990.
M. Chevrette: Et non pas jusqu'en août, comme prévu.
Picotte nous a dit jusqu'au 1er août 1989.
M. Bourassa: On va vérifier ce qui a étédit aux crédits et je pourrai répondre au chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Donc, il n'y aura aucune orientation nouvelle avant
le 1 er avril 1990.
M. Bourassa: C'est ce qui a été dit à
l'étude des crédits par le ministre responsable.
M. Chevrette: Ce ne sont pas les informations que j'ai eues.
M. Bourassa: On va confronter nos Informations.
M. Chevrette: Les Informations que j'ai eues, c'est que M.
Picotte ne savait même pas par qui ce serait géré.
M. Bourassa: Est-ce que je peux faire venir le ministre
responsable du dossier.
M. Chevrette: Ce n'est peut-être pas nécessaire.
M. Bourassa: D'accord.
M. Chevrette: Je voudrais savoir aussi si cela sera réduit
aux seuls bénéficiaires de l'aide sociale ou non.
M. Bourassa: C'est en consultation.
M. Chevrette: Donc, cela ne changera pas avant le 1er avril.
M. Bourassa: On va essayer de vous répondre.
Société d'Investissement
Jeunesse
M. Chevrette: D'accord. Est-ce que vous pourriez me donner les
statistiques de création d'emplois de la Société
d'Investissement Jeunesse?
M. Bourassa: Oui, à l'instant, M. le Président.
C'est une réalisation dont nous sommes fiers.
M. Chevrette: M. le premier ministre, en passant, le temps de
chercher votre réponse, on vous avait demandé de nous transmettre
l'organigramme de l'organisme, incluant les objectifs poursuivis. On vous avait
donné une liste de ce qu'on voulait avoir et vous ne nous l'avez pas
envoyée.
M. Bourassa: Ah? On va vous faire parvenir cela.
M. Chevrette: On dirait que c'est de votre...
M. Bourassa: II y a eu 200 emplois la première
année...
M. Chevrette: ...secteur qu'on a le moins de services.
M. Bourassa: ...et 291 cumulatifs. M. Chevrette: Combien?
Répétez donc. M. Bourassa: 291 emplois
créés. M. Chevrette: Depuis le début?
M. Bourassa: Oui. Investissement total, 4 040 000 $; nombre
d'entrepreneurs bénéficiaires, 54; nombre d'entreprises, 28.
M. Chevrette: Quel est le nombre de projets
présentés et acceptés?
M. Bourassa: Nombre d'entreprises, 28; nombre d'entrepreneurs,
54.
M. Chevrette: Non, mais il doit y avoir des projets qui ont
été présentés... Ce n'est pas automatique, cela.
28, sur combien?
M. Bourassa: On va faire le calcul. Si vous avez d'autres
questions en attendant.
M. Chevrette: Tantôt, je vais vous remettre une liste des
informations qu'on avait demandées. Vous pourriez peut-être nous
les envoyer...
M. Bourassa: Avec plaisir
M. Chevrette: ...en toute transparence, en même temps que
la lettre de M. Chamberland.
M. Bourassa: Comme d'habitude. Non! Qu'est-ce que vous dites?
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: C'est dit.
Une voix: Vous avez demandé l'organigramme.
Une voix: On l'a ici.
M. Bourassa: On va vous donner tout cela, du moins ce à
quoi on s'était engagé.
M. Chevrette: Je vous avais envoyé une liste pour qu'on
ait cela pour l'étude des crédits.
M. Bourassa: D'accord.
M. Bertrand: La Société d'Investissement Jeunesse
n'est pas un secrétariat ou un organisme rattaché au Conseil
exécutif. C'est un organisme autonome. De fait, on n'a pas...
M. Chevrette: La RAAQ est un organisme autonome avec un ministre
tuteur. Qui est tuteur de la Société d'Investissement Jeunesse?
De qui relève-t-elle?
Une voix: Cela n'a rien à voir. Une voix: C'est un
transfert.
M. Chevrette: Vous devez être capable d'exiger
l'information.
M. Bourassa: C'est une compagnie présidée par Paul
Desmarais.
M. Chevrette: Écoutez, quand on demande le nombre de
projets, M. le premier ministre...
M. Bourassa: D'accord, si c'est juste cela. Mais vous demandez un
dépôt. Pour le nombre de projets, cela va.
M. Chevrette: Ce à quoi vous ne pourrez pas
répondre, vous nous direz au moins pourquoi.
M. Bourassa: D'accord. On va répondre à tout ce
qu'on peut.
M. Chevrette: Ce serait au moins plus acceptable que de rien
répondre.
M. Bourassa: Je suis tout à fait d'accord pour
faire...
M. Chevrette: Merci.
M. Bourassa: ...la preuve d'un maximum de transparence.
M. Chevrette: Concernant les organismes communautaires...
M. Bourassa: Oui.
M. Chevrette: ...est-ce qu'on peut s'attendre à ce que les
maisons d'hébergement jeunesse, les maisons de jeunes, trouvent
écho dans le budget? Vous savez très bien qu'il y en a qui se
meurent.
M. Bourassa: C'est en discussion, M. le Président.
M. Chevrette: Dans le budget?
M. Bourassa: J'en al parlé... Je ne sais pas quel va
être le résultat, mais c'est actuellement considéré,
c'est en discussion. Je ne peux pas donner de réponse parce que la
dernière fois que j'en ai discuté avec le ministre des Finances,
c'était avant...
M. Chevrette: Vous nous aviez dit, l'année passée,
que la ministre travaillait à une politique de financement.
M. Bourassa: C'est ça, c'est en discussion.
M. Chevrette: Cela fait trois ans, bonne mère!
M. Bourassa: Mais là, espérons qu'il y aura quelque
chose. Le ministre des Finances examine ça, comme je le disais
tantôt.
M. Chevrette: Quand présentez-vous votre budget?
M. Bourassa: Le ministre des Finances m'a demandé de ne
pas divulguer la date parce qu'il craint que cela puisse stimuler certaines
activités pour ce qui a trait à une transparence
précipitée.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Ce sera vraisemblablement au mois de mal.
Protection de la jeunesse
M. Chevrette: Je vais peut-être demander à un
journaliste de vous suivre.
Juste un dernier point sur les jeunes, en particulier sur la fameuse lof
sur la DPJ. Présentement, le manque de crédits est scandaleux. On
a congédié des personnes dans certaines régions, M. le
premier ministre...
M. Bourassa: On en est conscients, c'est comme dans le cas
de...
M. Chevrette: Non, non, mais je veux donner un cas
précis.
M. Bourassa: ...l'Institut de cardiologie. Oui.
M. Chevrette: Vraiment, ça me scandalise que, depuis
septembre, dans une région, il n'y ait plus une maison d'accueil
d'ouverte, depuis septembre, à la suite de mesures administratives. Cela
n'a pas de bon sens. Des listes d'attente d'au-delà de 700 dans la seule
région des Laurentides-Lanaudière; des dépouillements
artificiels de listes, dos directives de baisser les listes à 65 % ou
à 55 personnes dans certains cas - c'est un non-sens - le
congédiement de huit personnes pour fins d'équilibre
budgétaire, alors que le nombre de cas augmente. Il n'y a rien dans les
familles d'accuel depuis septembre. C'est inacceptable. On a une des plus
belles lois sur la protection de la jeunesse que je connaisse, mais la
façon dont on l'applique présentement, M. le premier ministre,
est scandaleuse. Il y a des jeunes agressés sexuellement en instance de
placement et qui ne peuvent être placés parce que, depuis
septembre, le ministère de la Santé et des Services sociaux coupe
les vivres et qu'il n'y a pas une maudite maison d'accueil d'ouverte pour eux.
Cela n'a pas de bon sens, c'est inacceptable.
M. Bourassa: On en est bien conscients, on en a parlé
aussi...
M. Chevrette: Oui, mais la conscience et l'action, ce sont deux
paires de culottes différentes.
M. Bourassa: Je le sais, mais on n'annonce pas des crédits
comme ça.
M. Chevrette: Depuis le mois de septembre... Vous ne faites pas
un show dans un budget avec la protection de la jeunesse.
M. Bourassa: Non, je le sais.
M. Chevrette: II y a 700 cas qui ont été
signalés dans Laurentides-Lanaudière et qui sont en attente de
placment Cela n'a aucun bon sens. Il y en a 3000 dans tout le Québec. Il
y a des cas d'agressions sexuelles, comme je le disais tantôt...
M. Bourassa: Oui, on est au courant.
M. Chevrette: ...il y a d'autres cas très graves, vous le
savez. Depuis septembre, au contraire, les directives... Je pourrais vous
parler d'une directive émanant du ministère de la Santé et
des Services sociaux dans laquelle il est dit: Dorénavant, vous avez un
déficit anticipé de 2 000 000 $, c'est de valeur, mais vous le
couperez; vous avez un déséquilibre budgétaire de 200 000
$, congédiez du monde pour le faire. Ce n'est pas la faute du PQ, c'est
votre gouvernement qui a fait ces gestes-là, c'est votre
ministère. Dans le domaine de la protection de la jeunesse, M. le
premier ministre, au-delà des beaux engagements budgétaires, il
m'apparaît qu'il y a une action immédiate à entreprendre,
d'autant plus que le Québec s'est doté d'un outil
extrêmement Important et qu'on se doit, pour cette clientèle... En
particulier, il y a de tout jeunes enfants dans ça et vous le savez...
J'ai vu des cas à mon bureau de comté, de jeunes
âgés de quatre et cinq ans. C'est inacceptable.
J'aimerais que le premier ministre cesse de me dire chaque fois qu'on en
parle: On y pense et on y réfléchit. Dans ce secteur, la
réflexion devrait être faite et il devrait y avoir des directives
fermes de ne pas laisser faire des choses comme il s'en fait
présentement. Cela n'a pas de bon sens. C'est le message que je voulais
vous passer.
M. Bourassa: D'accord.
M. Chevrette: Je trouve ça tout à fait aberrant et
socialement inacceptable.
M. Bourassa: Le message est entendu.
Hydro-Québec
M. Chevrette: Merci. J'espère que l'action va venir.
Rapidement le cas d'Hydro-Québec. Je sais que vous auriez
aimé en parler longuement, mais je voudrais...
M. Bourassa: Là, vous me prenez à la toute fin.
M. Chevrette: Oui. C'était mon choix. Premièrement,
à la suite des nombreux problèmes qu'on a vécus, d'abord,
vous deviez obtenir un premier rapport. L'avez-vous eu?
M. Bourassa: Oui, je pense que le ministre l'a eu.
M. Chevrette: Oui, mais c'est vous. C'est vous qui deviez obtenir
un rapport.
M. Bourassa: C'est ça, on l'a donné au
gouvernement. Le ministre l'a eu. J'ai vu le président, hier, et il m'a
dit: Le rapport est complété, mais je n'ai pas eu le temps
de...
M. Chevrette: Êtes-vous d'accord pour qu'il soit rendu
public?
M. Bourassa: II y a des éléments là-dedans,
si c'est public...
M. Chevrette: Vous aviez dit que c'était public.
M. Bourassa: Non, j'ai dit qu'on verrait...
M. Chevrette: C'est votre ministre qui a dit qu'il voulait
l'épurer. C'est différent.
M. Bourassa: II y a des éléments de
compétition. Si Hydro fait part de certains montants pour certains
travaux, cela peut inciter des entrepreneurs à utiliser ces
sommes-là pour faire des soumissions.
M. Chevrette: En compétition avec qui? Un rapport sur la
fiabilité du réseau et un rapport sur...
M. Bourassa: Non, non. Dans les investissements pour la
fiabilité du réseau, il y a des montants qui peuvent être
impliqués. Si Hydro donne les montants et que cela aide à faire
des soumissions... Je ne sais pas si le chef de l'Opposition me suit.
M. Chevrette: Oui, je sais qu'une partie est faite en
régie et une par des sous-traitants. Je suis d'accord. Il y a même
un problème entre les sous-traitants et Hydro.
M. Bourassa: C'est ça.
M. Chevrette: Une chicane de contrats.
M. Bourassa: Cela fait partie de l'héritage.
M. Chevrette: Ce n'est pas qu'une question d'héritage,
cela a toujours été une tradition pour Hydro-Québec
d'avoir des sous-traitants. Que je sache, qui veut casser la clause? C'est vous
autres.
M. Bourassa: Quelle clause?
M. Chevrette: La clause qui accorde un pourcentage de
sous-traitance.
M. Bourassa: Cela fait partie des négociations qui se
renouvellent.
M. Chevrette: C'est de l'héritage, les
négociations? C'est encore la faute du PQ, imaginez-vous! Vous
êtes à court d'arguments.
À la suite des problèmes majeurs de tarification et
à celui de la fiabilité du réseau... En passant, M. le
premier ministre, je voudrais vous dire que le poste le plus fiable a
lui-même sauté. À la suite de tous les problèmes
d'ampérage, vous allez avoir des surprises, on vient d'apprendre que la
baisse fréquente de l'ampérage à la suite des nombreuses
pannes provoque des torts considérables, entre autres, aux appareils
électriques. À la suite de tout ça, est-ce qu'il y a
moyen, en toute transparence, d'interroger les représentants
d'Hydro-Québec à une commission parlementaire, de prendre le
temps nécessaire pour Interroger à fond les experts et que le
gouvernement cesse de s'improviser expert au bout d'une table, durant une
heure, à des études de crédits, et qu'on prenne le temps
de vider correctement ce dossier-là?
Après tout, je rappellerai au premier ministre que les
actionnaires d'Hydro-Québec, ce sont des Québécois, tous
et chacun d'entre nous, et qu'on a le droit de savoir, en particulier par le
moyen d'une commission parlementaire, les tenants et aboutissants de tous les
aspects qui ont jeté à bon droit à part ça, un
discrédit sur Hydro-Québec. La crédibilité
d'Hydro-Québec en
a pris pour son rhume au cours des derniers mois. Je pense qu'on est en
droit, comme actionnaires d'Hydro-Québec, d'interroger tes
autorités, les spécialistes d'Hydro-Québec sur l'ensemble
de ces problèmes dont je vous fais part. Le premier ministre m'a dit que
ma suggestion était intéressante, mais que, pour l'instant, il ne
la retenait pas. Mais là, je voudrais vous demander s'il n'est pas temps
de nous dire oui maintenant.
M. Bourassa: Mais est-ce que le ministre n'a pas répondu
à ça la semaine dernière?
M. Chevrette: Écoutez, ce n'est pas en trois heures
d'étude de crédits, surtout...
M. Bourassa: II y a eu neuf heures d'étude et non pas
trois.
M. Chevrette: Môme s'il y avait eu 17 heures, tu lui
demandes un papier et cela prend trois heures avant d'aller le chercher.
Voyons! Vous savez très bien que votre réponse n'est pas
sérieuse.
M. Bourassa: Non, mais le chef de l'Opposition s'est rendu
lui-même; je devais y aller finalement...
M. Chevrette: Je me suis rendu moi-même...
M. Bourassa: Oui, en personne.
M. Chevrette: J'ai posé des questions et j'attends encore
les réponses. Ce sont des bouts de réponses qui ne tiennent pas
compte... Vous savez très bien ce que je veux dire.
M. Bourassa: Est-ce que je peux prendre connaissance de ces bouts
de réponses avant de répondre au chef de l'Opposition?
M. Chevrette: Ne considérez-vous pas que c'est important
que le public connaisse véritablement les détails? Ne
considérez-vous pas que c'est important?
M. Bourassa: Non, non, je ne dis pas que ce n'est pas important.
Je dis que j'aimerais consulter le ministre pour connaître exactement son
point de vue là-dessus. Je vais voir le rapport en question. On verra ce
qu'on peut...
M. Chevrette: La rentabilité de vos contrats, on pourrait
en discuter longuement.
M. Bourassa: Bien oui! Comment se fait-il que vous n'avez
pas...
M. Chevrette: M. Guevremont, par exemple, vice-président
d'Hydro-Québec...
M. Bourassa: 22 %, oui.
M. Chevrette: ...nous dit que le fameux contrat que vous avez
signé à New York va rapporter entre 250 000 000 $ et 50 000 000
$.
M. Bourassa: Non, c'est faux, complètement faux.
M. Chevrette: C'est lui qui a dit cela à la
télévision, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Au-delà du revenu de 13 %.
M. Chevrette: II a dit cela à Pascau et à la
télévision, je l'ai entendu de mes oreilles.
M. Bourassa: Non. Écoutez, c'est tellement facile
de...
M. Chevrette: Laissez-les répondre, ce sont des
spécialistes.
M. Bourassa: Là-dessus, j'ai répondu en termes
simples. On peut compliquer cette question à l'infini. Par exemple,
Hydro-Québec...
M. Chevrette: Juste une question technique, mais directe. Vous
aimez cela quand c'est pointu et technique. 13 %, est-ce que cela ne
représente pas exactement le montant nécessaire pour rembourser
les emprunts et les intérêts?
M. Bourassa: Non. Le rendement, c'est 13,5 %. Je dis au chef de
l'Opposition que, d'abord, Hydro-Québec a annoncé 47 000 000 000
$ d'investissements dans les douze prochaines années en dollars
courants, pour tous les besoins québécois. Nous, on va chercher
un contrat de 25 000 000 000 $ juste avec New York, en dollars courants
également. Il faut comparer des oranges avec des oranges. Si, dans un
seul contrat, on va chercher la moitié de tous les investissements
d'Hydro-Québec pour tout le Québec au cours des dix ou douze
prochaines années, je pense que c'est un contrat avantageux. Le chef de
l'Opposition va m'entendre encore sur ces questions.
M. Chevrette: Ah oui! Et nous, on va vous questionner parce que
vous souffrez d'inflation verbale, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je vais lui...
M. Chevrette: Et vos "ballounes" se dégonflent...
M. Bourassa: Non.
M. Chevrette: ...assez vite.
M. Bourassa: Non. Au contraire, on est parti pour 17 (XX) 000 000
$ et on est revenu
avec 25 000 000 000 $.
M. Chevrette: Oui. Et quand des gens qui s'y connaissent en
chiffres font des calculs précis, ils arrivent à 2 500 000 000 $.
Le vice-président d'Hydro-Québec dit: Cela va rapporter quelque
chose entre 250 000 000 $ et 500 000 000 $. C'est de sa bouche même.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition tombe dans son
penchant...
M. Chevrette: Et tl dit: Si tout va bien... M. Bourassa:
...c'est de la désinformation.
M. Chevrette: ...on ne tient pas compte du taux de change...
M. Bourassa: On va chercher la moitié de tous les
investissements d'Hydro-Québec dans un seul contrat de 1000
mégawatts. Les investissements d'Hydro-Québec sont toujours en
dollars courants. Les augmentations de taxes de M. Parizeau, en 1982
étaient en dollars courants. Autrement, on ne parlerait pas de 1 200 000
000 $. On dirait que M. Parizeau, après l'élection, a
augmenté les impôts de 3 000 000 000 $. Je ne sais pas si le chef
de l'Opposition me suit.
Une voix: Ha, ha. ha!
M. Chevrette: Je vous suis. Vous êtes tellement dans les
carottes, M. le premier ministre. Vous faites abstraction de toutes les
dépenses inhérentes.
M. Bourassa: Ce que je veux dire, M. le Président, en
terminant...
M. Chevrette: Ce n'est pas grave. On voudrait discuter avec des
experts d'Hydro-Québec.
M. Bourassa: Est-ce que je peux conclure? Des périodes de
questions, il en reste quelques-unes. On pourra répondre au chef de
l'Opposition. Je veux juste conclure sur le nombre d'employés dans les
cabinets. Le 31 décembre 1988, il y avait 485 employés à
temps plein qui coûtaient 17 900 000 $. Le 17 octobre 1985, il y en avait
591 qui coûtaient 19 900 000 $ en dollars courants.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Je ne sais pas si le chef de l'Opposition me suit.
Je veux lui dire que la rigueur financière s'est également
appliquée au personnel politique du gouvernement.
Je veux remercier le chef de l'Opposition de toutes ses questions fort
pertinentes. J'ai apprécié son dynamisme qui est resté
intact après quatre heures. C'est la bonne nouvelle de la
Journée. Il est resplendissant de santé. On peut s'associer tous
les deux pour souhaiter au club Canadien de gagner la joute de ce soir.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Chevrette: II pense que je suis figé. Non je ne le suis
pas. M. le Président, j'ai pu constater que le style n'a pas
changé, que les réponses se font rares. Cela dit, cela semble
être le style du premier ministre de ne pas répondre sur le fond
même de nos questions. Ma grande déception, c'est de voir que le
Québec n'avait pas de position à défendre face au budget
fédéral, au mode de taxation, à la nouvelle taxe
imposée. On n'a pas réussi à savoir ce que le
Québec a défendu depuis deux ans. Je vous avoue que je suis
très inquiet. Cela confirme également le fait qu'il n'y a pas de
leadership dans les négociations fédérales-provinciales
et, qu'au contraire, il semble même y avoir une absence quasi totale de
volonté politique pour défendre les intérêts du
Québec. Je ne comprends pas qu'on n'ait pas réclamé, par
exemple, une taxe neutre, tout en étant favorable à un changement
du mode de taxation. Je ne peux pas arriver à comprendre qu'on ait
laissé le fédéral aller dans des champs de taxation. Cela
me dépasse. Là-dessus, je n'ai pas plus de lumière que
j'en avais.
Quant au lac Meech, je constate que le premier ministre est resté
accroché à un espoir, à ce qui ressemble de plus en plus
à une veilleuse de passage qu'à une lumière au fond d'un
tunnel. On se rend bien compte que le Canada anglais semble se liguer de plus
en plus, même s'U a eu les OK de plusieurs provinces... Reconnaître
une phrase vide, sans pouvoir exclusif de se distinguer, quand on regarde le
statut d'une société distincte, et voir le comportement du Canada
anglais vis-à-vis de ça, cela offre peu de perspectives d'avenir
pour le Québec dans la fédération canadienne.
Je lui dirai que je souhaite aussi que le Canadien gagne ce soir et que
le premier ministre puisse aller prendre son verre de lait avant...
Adoption des crédits
Le Président (M. Filion): Oui, mais en attendant, si vous
ne voulez pas perdre quatre à trois, il faudrait adopter chacun des
programmes.
J'appelle donc le programme 1 du Conseil exécutif.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Filion): Adopté. J'appelle le
programme 2 du Conseil exécutif.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Filion): J'appelle l'ensemble des
crédits budgétaires du ministère du Conseil
exécutif pour l'année financière 1989-1990.
Une voix: Adopté.
M. Chevrette Adopté
Le Président (M. Filion): Adopté.
M. Bourassa: Je veux remercier les fonctionnaires, M. le
Président, qui ont travaillé...
M. Chevrette: Moi aussi, je remercie mes recherchistes qui ont
fait un excellent travail.
M. Bourassa: Sans oublier la présidence. Des voix:
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Filion): J'ajourne nos travaux sine
die.
(Fin de la séance à 19 h 37)