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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 18 mai 1989 - Vol. 30 N° 61

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 123 - Loi modifiant le Code de procédure civile


Étude détaillée du projet de loi 129 - Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

M. Doyon: Mme la Présidente, est ce que vous pourriez nous expliquer ce qui vient de se passer, la scène à laquelle on vient d'assister, pour que ce soit consigné au Journal des débats? Je le demande à la présidente qui est neutre là-dedans.

La Présidente (Mme Bleau): On a rencontré la candidate qui se présente pour le Parti québécois contre notre cher ministre de la Justice.

M. Doyon: Ah, et cela s'est passé très civilement!

La Présidente (Mme Bleau): Très civilement.

M. Doyon: Très gentiment. Il faut le souligner parce que très souvent on pense qu'on est à couteaux tirés en politique et je pense que le Journal des débats témoignera... Je voulais que ça soit au Journal des débats, Mme la Présidente.

Une voix: C'est organisé avec le gars des vues.

M. Rémillard: On va envoyer ça à Cannes.

La Présidente (Mme Bleau): Je tiens à vous rappeler le mandat de la commission qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 123, Loi modifiant le Code de procédure civile, et du projet de loi 129, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires.

Maintenant, est-ce que M. le ministre a des remarques préliminaires?

M. Filion: Quel projet de loi appelez vous?

Projet de loi 123

La Présidente (Mme Bleau): Le projet de loi 123, d'abord.

M. Filion: Le projet de loi 123, bon.

M. Rémillard: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais tout d'abord vous présenter deux personnes qui m'accompagnent, Me Jacques Mercier, du ministère de la Justice, et Me Céline Cyr, de mon cabinet.

Les deux projets que nous avons à étudier ce matin, Mme la Présidente, sont des projets de loi techniques, certes, mais qui seront de grande utilité pour l'administration de la justice et pour développer encore l'accessibilité à la justice. Mme la Présidente, je pense que nous pouvons aborder dès maintenant l'étude article par article de ces projets de loi

La Présidente (Mme Bleau): Le porte-parole de l'Opposition.

M. Filion: Non, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bleau): Vous n'avez pas de remarques.

M. Filion: ...je n'ai véritablement rien à ajouter à ce qui a déjà été dit lors des discours de deuxième lecture, sauf peut-être pour signaler, puisque le ministre parle d'accès à la justice dans ses remarques préliminaires, qu'en ce qui concerne les critères d'admissibilité à l'aide juridique nous sommes rendus à la mi-mai et nous n'avons toujours pas vu le début, le commencement d'une ombre de hausse ou de réforme de ces critères d'admissibilité. Je ne sais pas si le ministre va faire ces annonces-là durant l'été ou avant.

La Présidente (Mme Bleau): Je dois rappeler au député de Taillon que ce n'est pas tellement pertinent, mais, M. le ministre, si vous avez des bonnes nouvelles, je vous laisse les annoncer.

M. Rémillard: Mme la Présidente, je veux dire au député de Taillon que j'ai reçu un rapport très intéressant de la Commission des services juridiques sur la situation de l'aide juridique. Nous sommes à étudier ce rapport. J'ai annoncé qu'il y aurait un groupe de travail qui serait formé pour étudier l'ensemble des problèmes que pose l'aide juridique. Quand je parle des problèmes de l'aide juridique, je ne pense pas simplement au seuil d'admissibilité, mais aussi à des situations où un défendeur ou un demandeur a la possibilité de bénéficier de l'aide juridique alors que l'autre ne l'a pas. Cela fait une situation aussi difficile. Bref, dans plusieurs situations, il y a des questions importantes auxquelles nous devons apporter des réponses.

Ensuite, en ce qui regarde la rémunération des avocats, nous avons obtenu un mandat de négociation du Conseil du trésor et les premières offres ont été faites. Le Barreau nous a fait parvenir des contre-offres. Les discussions sont en cours, ça se négocie et ça discute très bien. J'espère qu'on pourra en arriver à une entente le plus tôt possible. Je serai en mesure, je l'espère bien, dans les prochaines semaines d'annoncer des mesures très concrètes qu'on devrait prendre pour faire le point sur ces questions touchant l'aide juridique.

Mme la Présidente, et je termine sur cela, il faudrait aussi penser à la situation du citoyen à moyens revenus qui est défavorisé par notre système et qui a de moins en moins les moyens de revendiquer un droit, parce qu'un procès, ça coûte extrêmement cher. C'est difficile à reven-

diquer un droit lorsqu'on n'a pas les moyens suffisants pour se présenter devant les cours de justice, avec tout le processus que ça peut demander.

Mme la Présidente, à la question du député de Taillon, je répondrai que j'espère, dans un avenir très prochain, dans les prochaines semaines - je sais que nous serons très occupés par les nombreux projets de loi que nous avons à étudier - pouvoir annoncer au moins la formation du groupe de travail.

La Présidente (Mme Bleau): Je vous remercie, M. le ministre.

J'appelle maintenant l'article 1 du projet de loi 123.

De la rétractation de jugement à la demande d'un tiers, ou tierce opposition

M. Rémillard: Mme la Présidente, cet article a un double objectif. Tout d'abord, la demande pour permission d'appeler pourrait être présentée à un juge de la Cour d'appel aussitôt que possible après la signification et la production de la requête et non plus obligatoirement dans les 30 jours du jugement de première instance.

Au deuxième point que nous retrouvons dans ce premier article, l'inscription en appel est supprimée pour les appels sur permission. Le jugement qui autorise l'appel tiendra dorénavant lieu de l'inscription en appel.

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Taillon.

M. Filion: Une question en ce qui concerne la deuxième partie de cette modification, à savoir que, lorsqu'une requête ou une permission d'en appeler est accordée, la requête en elle-même équivaut à l'inscription. J'ai eu l'occasion de le dire dans mon discours de deuxième lecture, en fait, pour moi, c'est le gros bon sens, cela aurait dû être fait avant. Mais pourquoi ne pas l'appliquer dans d'autres secteurs? Je pense que des appels existent à la Cour provinciale.

M. Rémillard: À la Cour du Québec. M. Filion: À la Cour du Québec, oui. M. Rémillard: Sur permission. M.Filion: Sur permission.

M. Rémillard: De décisions venant d'un tribunal administratif.

Si vous le permettez, je pourrais demander à M. Mercier de répondre.

M. Filion: Oui.

M. Mercier (Jacques): C'est en vertu de lois sectorielles et non pas suivant le Code de procédure civile. Ces lois ne relèvent pas nécessairement du ministre de la Justice. Il y en a un certain nombre. Il faudrait faire des consultations, à tout le moins.

M. Filion: Oui, je pense qu'il serait intéressant de faire ces consultations. Le principe est bon, évidemment, pour la Cour d'appel qui entend des litiges plus importants, objectivement parlant, en termes de juridiction, mais si le principe est bon pour la Cour d'appel, il devrait l'être pour la Cour du Québec qui entend des requêtes pour permission d'en appeler et qui reçoit, à mon point de vue, des inscriptions en appel de plusieurs organismes judiciaires ou quasi judiciaires. Quant au principe, il n'y a pas de doute, il doit être salué. Cela concerne la deuxième partie.

Pour ce qui est de la première partie, vous avez dit dans votre discours, M. le ministre, que c'était pour alléger un peu le fardeau à la Cour d'appel parce qu'elle ne siégeait pas toujours dans les 30 jours, n'est-ce pas?

M. Rémillard: Oui. Puis, quand arrive la période estivale ou qu'il y a des difficultés... Alors, c'est pour rendre ça plus accessible. Ça faisait un report; on devait reporter ensuite l'audition et revenir en cour. C'est ça.

M. Filion: Oui. Bon. Est-ce que vous avez mentionné certains chiffres en ce qui concerne les délais à la Cour d'appel?

M. Rémillard: Non. Sur les délais actuels à la Cour d'appel, je n'ai rien mentionné.

M. Filion: Ils sont quelque chose!

M. Rémillard: Je n'ai pas été informé des délais. Parlant de la Cour d'appel, il faut saluer les nouvelles nominations, en particulier celle du professeur Jean-Louis Baudoin qui, comme vous le savez, vient d'être nommé.

M. Filion: C'est !a seule nomination. Vous dites "les". Est ce qu'il y en a une autre?

M. Rémillard: Éventuellement, il devrait y en avoir d'autres dans un avenir prochain.

M. Filion: Oui? D'accord. Pour les délais à la Cour d'appel, M. le ministre, je vais vous dire qu'ils sont...

M. Rémillard: On me donne ici les chiffres. On nous dit qu'au 31 décembre 1986, les délais d'audition à la Cour d'appel étaient de 27 mois. En 1988, ils sont maintenant de 21 mois.

M. Kehoe: Pour le district judiciaire de Montréal? Pour Montréal ou Québec ou les deux?

M. Rémillard: Non. Les deux districts, Québec et Montréal.

M. Kehoe: Savez-vous spécifiquement quel est le délai pour Montréal maintenant? Est-ce que c'est plus de deux ans?

M. Rémillard: Pour Montréal en particulier, je n'ai pas les chiffres. On les a d'une façon générale, mais ça devrait être à peu près la même chose.

M. Kehoe: Près de deux ans.

M. Rémillard: II y a une diminution de six mois.

M. Filion: Cela, c'est pour les appels au mérite, n'est-ce pas, ou si c'est toute...

M. Rémillard: Cela comprend tous les appels. C'est, d'une façon générale, tout ce qui regarde les appels à la Cour d'appel. Si vous inscrivez un appel, du moment de l'inscription au moment de l'audition, on m'informe présentement qu'en 1988 le délai est de 21 mois.

M. Filion: Est-ce que c'est pour le jugement ou pour l'audition?

M. Rémillard: C'est pour l'audition. M. Filion: Pour l'audition?

M. Rémillard: Oui. Ensuite, le jugement pourra être rendu. Ensuite, après l'audition, quel est le délai entre l'audition et le jugement qui est rendu? Je ne sais pas si on a ces chiffres.

M. Kehoe: Cela n'a pas d'importance.

M. Filion: Des fois, les juges rendent jugement sur le banc, mais d'autres fois ils doivent prendre un an.

M. Rémillard: J'ai un chiffre ici. Je le dis sous toute réserve. On me dit, en moyenne 2,7 mois par appel en 1988. C'est une bonne moyenne.

M. Kehoe: Ce sont des gros dossiers.

M. Rémillard: Un délai de 2,7 mois, c'est une bonne moyenne.

M. Filion: En somme, ça prend deux ans.

M. Rémillard: Normalement, si aux 21 mois, de l'inscription à l'audition, actuellement, vous ajoutez 2,7 mois...

M. Filion: Ça donne deux ans.

M. Rémillard: ...vous avez à peu près deux ans en moyenne, de l'inscription au jugement.

M. Filion: Est-ce que ça comprend, à la fois, les appels de jugements interlocutoires et les appels de jugements au fond?

M. Rémillard: C'est la moyenne générale.

M. Filion: Je ne sais pas si vous l'avez, mais je serais curieux de voir le chiffre pour les appels au fond, uniquement, sans compter les appels interlocutoires.

M. Rémillard: Je ne sais pas si les chiffres sont disponibles. Si le député de Taillon veut qu'on s'informe, on peut s'en informer.

M. Filion: J'aimerais ça.

M. Kehoe: Dans le projet de loi 129, le fait d'augmenter de 16 à 19 le nombre de juges va venir aider énormément la Cour d'appel. Les délais devraient baisser substantiellement. Ça fait combien d'années que le nombre de juges n'a pas été augmenté? Il a été augmenté de 13 à 16, il y a...

M. Rémillard: La dernière fois, c'était en 1977.

M. Filion: C'est ça.

M. Kehoe: Ça veut dire que ça fait déjà 12 ans.

M. Filion: Pour passer de 13 à 16, je pense. M. Kehoe: Et là, c'est de 16 à 19.

M. Filion: II ne faut pas oublier - on y reviendra tantôt parce qu'on n'en est pas à étudier cet article-là, mais ce n'est pas grave - qu'actuellement je pense qu'il n'y a que 14 juges nommés à la Cour d'appel. Il y a 2 postes vacants parmi les postes autorisés.

M. Rémillard: Deux postes sont vacants, ils vont être comblés.

M. Filion: On reviendra là-dessus. M. Rémillard: Oui, parce que là... M. Filion: Ça va, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Filion: Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): Adopté. J'appelle l'article 2.

M. Filion: C'est un article de concordance, me semble-t-il.

M. Rémillard: C'est ça, c'est un article de concordance, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Y a t il des remarques, M. le député de Taillon?

M. Filion: Non, il n'y a pas de remarques.

La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que l'article 2 est adopté?

Des voix: Adopté. M. Filion: Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): Adopté. J'appelle l'article 3.

De certains recours extraordinaires

M. Rémillard: Mme la Présidente, il s'agit d'une modification qui a pour but de permettre au juge de la Cour d'appel saisi d'un jugement de la Cour supérieure relatif à un recours extraordinaire d'ordonner le sursis des procédures non seulement au tribunal qui a rendu la décision faisant l'objet d'un recours extraordinaire, mais également au tribunal chargé d'exécuter la décision. C'est une modification qui est là pour respecter les droits des individus qui se présentent devant la Cour en appel et pour protéger la possibilité que le jugement rendu par la Cour d'appel ait toute sa signification. (10 h 30)

M. Filion: C'est bizarre parce que l'ancien article 850, à cause de sa rédaction, laissait entendre que le juge de la Cour d'appel - d'ailleurs, ça le disait - "peut, en tout temps, après le dépôt d'une inscription en appel, ordonner au tribunal qui avait d'abord été saisi de l'affaire portée en évocation de surseoir à toute procédure". Moi je trouve ça curieux qu'on ait pu... En tout cas, c'est de l'interprétation jurisprudentielle. Il faut la respecter. Si on donne à un tribunal le soin, le pouvoir de décider au mérite de toute la cause, on devrait, bien sûr, accorder à ce tribunal la capacité d'émettre une ordonnance pour surseoir à l'exécution partielle ou totale d'une partie du dispositif du jugement. Mais était-ce une jurisprudence unanime, M. le ministre, qui disait que la Cour d'appel ne pouvait pas?

M. Rémillard: C'est une décision de la Cour d'appel elle même.

M. Filion: De la Cour d'appel elle-même?

M. Rémillard: Eh oui. Alors on veut rendre les choses très claires. Trop fort ne casse pas.

M. Filion: Deuxièmement, on l'étend à toutes les sortes de recours extraordinaires. C'est ça, n'est-ce pas? Ce n'est pas uniquement comme c'était.

M. Rémillard: On l'étend et aussi on parle du tribunal chargé d'exécuter la décision autant que du tribunal qui a rendu la décision.

M. Filion: Voilà! D'accord.

La Présidente (Mme Bleau): L'article 3 est-il adopté"?

M. Filion: Adopté

La Présidente (Mme Bleau): Adopté. J'appelle l'article 4.

M. Rémillard: Mme la Présidente, l'article 4, c'est la suppression de l'article 850. C'est une question de concordance, tout simplement.

M. Filion: Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): Adopté. J'appelle l'article 5 "La présente loi entre en vigueur le 1er juillet 1989."

M. Filion: C'est ça qui est écrit?

M. Rémillard: Oui, c'est ce qui est écrit.

M. Filion: Si c'est vous qui le dites, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Alors, l'article 5 est adopté. Est-ce que le titre est adopté?

M. Filion: Adopté. C'est un bon titre.

La Présidente (Mme Bleau): Adopté. Est-ce que le projet de loi 123 est adopté?

M. Filion: Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): Adopté. Nous allons passer maintenant au projet de loi 129, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires. Est-ce qu'il y a des remarques préliminaires, M. le ministre?

Projet de loi 129

M. Rémillard: Mme la Présidente, ce ne sera pas bien long. Il s'agit d'une loi qui augmentera le nombre de juges de la Cour d'appel, qui portera le nombre de juges de la Cour d'appel de 16 à 19 et celui des juges de la Cour supérieure, de 140 à 143. Alors, je n'ai pas d'autres commentaires à faire, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Est ce que l'Opposition officielle a des remarques préliminaires?

M. Filion: Mme la Présidente, j'ai déjà eu

l'occasion de faire certains commentaires à l'occasion du discours de deuxième lecture; je n'ai pas l'intention de les reprendre.

De la Cour d'appel

La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 1 du projet de loi 129.

M. Rémillard: Oui, Mme la Présidente. L'article 1 porte de 16 à 19 le nombre de juges de la Cour d'appel et le nombre de juges surnuméraires est augmenté par concordance. Voilà, Mme la Présidente. C'est l'objet de...

La Présidente (Mme Bleau): M. le député de Taillon.

M. Filion: J'aimerais ça qu'on fasse le point, d'abord, pour éclairer ma lanterne. Les juges surnuméraires sont les juges qui peuvent siéger ad hoc pendant une certaine période ou selon les besoins?

M. Rémillard: Non, pas tout à fait. Ce sont les juges qui ont atteint l'âge de la retraite et qui peuvent demeurer quand même en fonction, lorsqu'il y a besoin qu'ils le demeurent.

M. Filion: Au moment où l'on se parle, est-ce que la Cour d'appel du Québec comprend ces 19 juges surnuméraires?

M. Rémillard: Actuellement, il y a 4 juges surnuméraires à la Cour d'appel qui, en pratique, sont à peu près à demi-temps. C'est à peu près ça, M. Mercier?

M. Mercier: Oui.

M. Rémillard: C'est à peu près à demi-temps. Il y a 4 juges surnuméraires actuellement à la Cour d'appel.

M. Doyon: Ils sont nommés de quelle façon, M. le ministre? Est-ce qu'ils sont choisis par...

M. Rémillard: C'est sur la recommandation du juge en chef qui fait une recommandation en disant: Tel juge arrive à l'âge de la retraite. Cependant, étant donné son expertise et les besoins de la cour dans certains domaines ou dans certaines circonstances, on a besoin de le garder. On demande donc au gouvernement de le nommer juge surnuméraire et, en pratique, cela fait une charge de travail d'environ 50 %.

M. Filion: Mais pourquoi les augmente-t-on de 16 à 19 dans la loi, puisqu'il y en a juste 4 et que c'est uniquement un nombre - vous comprenez - qui est très petit?

M. Rémillard: C'est une question à laquelle je vais laisser à M. Mercier le soin de répondre.

M. Mercier: Depuis 1977, toutes les fois qu'on a haussé le nombre de juges à la Cour d'appel, on a aussi haussé le nombre de juges surnuméraires. C'est toujours la même chose. En plus de ça, cela nous a été demandé par le juge en chef Bisson.

M. Filion: Mais une fois qu'on a dit tout ça, pourquoi les augmenterait-on automatiquement? Parce que les juges surnuméraires, c'est juste une petite partie de l'effectif de la magistrature sur le banc de la Cour d'appel. Actuellement, il y en a quatre, me dit le ministre. Si on avait laissé cela à 16, on aurait...

M. Rémillard: C'est une possibilité. M. Filion: Oui.

M. Rémillard: D'abord, II y a la question de l'âge des juges et il y a aussi la question qu'un juge surnuméraire, c'est une situation exceptionnelle. Normalement, lorsqu'il a atteint l'âge de la retraite, un juge la prend. Cependant, à la demande du juge en chef, il peut y avoir des cas exceptionnels. Dans quatre cas présentement, le juge a été invité à continuer quand même ses activités, même s'il a dépassé l'âge de la retraite. Comme vient de le dire M. Mercier, il existe une coutume d'augmenter les possibilités de juges surnuméraires au même moment où on augmente le nombre de juges puînés, de juges choisis. C'est ce qu'on fait présentement. Il y a une possibilité de 19 juges surnuméraires parce qu'il y a 19 juges. Tous les juges, en théorie, pourraient être juges surnuméraires quand ils arrivent à la retraite. En pratique, c'est une situation exceptionnelle. Ce se fait à la demande du juge en chef. Il s'agit, bien sûr, d'une demande qui est faite du côté fédéral parce que la Cour d'appel, comme vous le savez, relève de la juridiction du gouvernement fédéral en ce qui concerne les nominations. L'administration de la justice concerne le gouvernement du Québec. Mais on a une situation qui peut être aussi un peu semblable à la Cour du Québec, avec des juges surnuméraires.

M. Filion: Si je comprends bien, cela donne une place à tout le monde ou à peu près.

M. Rémillard: Cela donne la possibilité... M.Filion: La possibilité, c'est cela.

M. Rémillard: Maintenant, il y a l'élément discrétionnaire.

M. Filion: Cela enlève la compétition, oui. Maintenant, au moment où l'on se parle, comme on le disait tantôt, il y a quatorze juges qui sont en poste à la Cour d'appel. On pourrait faire le point là-dessus. Quels sont les quatre

juges surnuméraires, quels sont les quatorze juges actuellement en poste? Avez-vous...

M. Rémillard: ...leur nom? M. Filion: Oui.

M. Rémillard: Je pourrais déposer cette liste-là. Je ne sais pas si je l'ai présentement. Je ne l'ai pas, mais, si vous me le permettez, je peux la déposer aujourd'hui, c'est très facile à obtenir.

M. Filion: D'accord. Peut-être pour faire le point un peu là-dessus.

M. Rémillard: Oui.

M. Filion: Cela fait un bout de temps qu'il y a des postes vacants à la Cour d'appel, M. le ministre. C'est sur ce point que je veux attirer votre attention.

M. Rémillard: Et moi, je n'aurai d'autre choix que d'attirer l'attention du gouvernement fédéral.

M. Filion: Voilà, c'est ce que j'allais dire. À quand remonte le dernier contact du ministre de la Justice du Québec avec le gouvernement canadien, en particulier avec son homologue fédéral? Les juges ont beaucoup de travail, sont débordés et, de mémoire, cela fait un bon bout de temps qu'il y a des postes vacants. Quand je dis un bon bout de temps, je parle d'au-delà de six mois. Plus il y a des postes vacants à la Cour d'appel... Je comprends que le gouvernement fédéral a eu beaucoup de problèmes à remplir les vacances à la Cour suprême, il n'a peut être pas eu le temps de s'occuper de notre petite Cour d'appel du Québec, mais là il faudrait qu'on bouge un peu, d'autant plus que votre collègue, le député de D'Arcy McGee, est particulièrement fringant à l'aube d'une campagne électorale, après avoir exécuté un mandat à titre de Procureur général et de ministre de la Justice. Lui aussi, je pense, a pris tous les chapeaux: Solliciteur général etc. Le député de D'Arcy McGee est particulièrement anxieux, disons, dans les couloirs du parlement. Non seulement y a-t-il deux vacances, mais il y a trois postes additionnels, ce qui veut dire qu'il y a cinq nominations à faire par le gouvernement fédéral.

M. Rémillard: Une nomination vient d'être faite, Mme la Présidente - je me permets de le souligner - c'est le professeur Jean Louis Baudoin qui vient d'être nommé à la Cour d'appel. C'est un civiliste de très grande renommée qui a beaucoup participé à la réforme du Code civil et qui vient d'accepter de présider un comité "aviseur" que j'ai formé pour m'aider à faire le point sur la réforme du Code civil, en tenant compte des recommandations que nous avons eues de tous les intervenants qui se sont présentés devant nous. Comme vous le savez, dans la réforme du Code civil, nous recherchons ce juste équilibre qu'on doit établir entre le commerçant, le client, le fabricant, l'utilisateur. Bref, c'est un équilibre qu'on doit rechercher.

Des inquiétudes ont été exprimées dernièrement à savoir si le ministère de la Justice a toujours cette distanciation qui lui permet d'apprécier tous les commentaires qui ont été faits. Le Barreau a fait ses commentaires, d'autres organismes, notamment des groupes de constructeurs et de consommateurs, ont aussi fait les leurs. Je dois rendre hommage aux gens du ministère de la Justice, un groupe tout à fait exceptionnel qui a fait un travail remarquable et qui continue à faire un travail remarquable, puisque nous avons des réunions régulièrement et, ensemble, nous revoyons tous les commentaires qui ont été faits concernant le Code civil, pour en arriver à faire notre choix, à prendre des décisions.

Cependant, j'ai jugé qu'il serait intéressant d'avoir un comité "aviseur" qui pourrait faire le point, avec un éminent juriste à sa tête. M. le juge Jean-Louis Baudoin doit me confirmer officiellement, dans les prochaines heures, la réponse officieuse qu'il m'a donnée. On aurait donc la possibilité d'avoir un éminent juriste, qui est déjà Impliqué dans la réforme du Code civil, qui a le titre de juge à la Cour d'appel, qui présiderait ce comité "aviseur" qui comprendrait des gens représentatifs du monde juridique, des avocats et des notaires, de même que différents autres intervenants à déterminer.

M. Filion: Mme la Présidente, vous me permettrez de faire part au ministre d'une préoccupation que soulèvent ses propos. D'une part, je voudrais, bien sûr, saluer la nomination du professeur Jean-Louis Baudoin à titre de juge à la Cour d'appel du Québec. M. Baudoin a été mon premier professeur de droit. Il a acquis une réputation absolument gigantesque en matière de droit civil au Québec. II est respecté non seulement de tous ses anciens étudiants... Je pense bien que ses anciens étudiants doivent se compter par dizaines de milliers. Comme les anciens étudiants du ministre, ils sont nombreux dans le décor. Le professeur Baudoin est l'auteur de bon nombre de publications en droit civil. Il savait allier le jugement, le gros bon sens à une connaissance profonde des racines de notre droit civil. Cela donnait un cocktail très heureux au service des praticiens, au service des juges, au service de tous les juristes.

Ce qui me préoccupe dans les propos du ministre de la Justice, c'est que, bon, on a besoin de juges à la Cour d'appel. M. le professeur Baudoin est nommé juge et je suis heureux de voir, en même temps, que le ministre de la Justice cherche à apaiser les craintes des gens, notamment celles soulevées par le Barreau à l'occasion de son dernier congrès; même si je n'y

étais pas physiquement, mes oreilles y étaient. On m'a rapporté, évidemment, que les juristes étaient extrêmement préoccupés et, ma foi, J'ai vu passer le Code civil, comme le ministre. Il y a des choses sur lesquelles les juristes doivent se pencher, mais il n'y a pas de quoi partir en guerre. (10 h 45)

M. Rémillard: Ce n'est pas une révolution.

M. Filion: Ce n'est pas une révolution, je suis d'accord avec le ministre. Même si le Barreau est sur les charbons ardents, ma foi, il devrait concentrer ses représentations sur certains points et s'assurer d'être écouté. En ce sens, je suis heureux que le ministre ait senti le besoin, disons, d'une expertise qui serait un peu distante de celle du ministère. C'est une heureuse initiative pour apaiser les craintes du Barreau, les écouter, les vérifier, les légitimer, etc. Ce qui m'inquiète, c'est qu'on parle de la même personne. M. le juge Baudoin ne pourra pas à la fois siéger à la Cour d'appel, aider à alléger le rôle et présider à temps plein le comité que le ministre veut mettre sur pied. Il y a beaucoup de travail à faire là. C'est cela qui m'inquiète un peu. Tantôt, le ministre disait que c'était une confirmation officieuse. Je ne veux pas, non plus, que le ministre, si son lit n'est pas encore fait...

M. Rémillard: Ce que j'attends, c'est la confirmation officielle de la part de M. le juge Baudoin. Déjà, des contacts ont été établis avec M. le juge en chef Bisson. Quand je mentionnais, tout à l'heure, qu'il y avait eu une diminution considérable des délais entre l'inscription et l'audition en Cour d'appel, soit six mois, en l'espace d'un an.

M. Filion: De deux ans.

M. Rémillard: ...c'est quand même considérable. Cela montre que le juge Bisson fait un travail remarquable comme juge en chef, qu'il a la confiance et le respect de toute la magistrature. C'est particulièrement agréable de travailler avec le juge Bisson. Ce dernier accepterait que le juge Baudoin préside ce comité, car il se rend compte, d'abord, que le juge Baudoin connaît très bien la réforme du Code civil et, d'autre part, que c'est un spécialiste respecté de tous les intervenants. Le mandat ne devrait pas être à ce point long qu'il pourrait causer des inconvénients en ce qui a trait aux responsabilités du juge Baudoin quant aux auditions qu'il doit tenir comme juge de la Cour d'appel. Tout cela devrait être confirmé dans les prochaines heures, Mme la Présidente.

M. Filion: En deux mots, il pourrait faire - passez-moi l'anglicisme - les deux jobs.

M. Rémillard: II en aurait probablement la possibilité. C'est à vérifier.

La Présidente (Mme Bleau): Si vous me le permettez, on se rappelle combien il est dynamique. Je n'ai pas peur qu'il ne puisse pas remplir les deux rôles, quand on voit l'ardeur qu'il met dans ses discussions et dans ses présentations.

M. Filion: Le problème avec les gens dynamiques, c'est que, quand on leur en demande trop, des fois, ils peuvent le devenir moins.

La Présidente (Mme Bleau): Pas nécessairement, du moins je l'espère.

M. Rémillard: J'ai trois chapeaux, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): C'est à vous que je pensais, M. le ministre.

M. Rémillard: J'espère que vous ne mettez pas en cause mon dynamisme.

La Présidente (Mme Bleau): Surtout pas!

M. Filion: Je n'oserais pas prendre votre exemple, M. le ministre.

M. Rémillard: Non, mais je vous voyais...

M. Filion: On a tellement d'heures à faire ensemble jusqu'à la fin de la session.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion: Juste pour terminer l'étude de cet article, M. le ministre, on passe de 16 à 19 et il y a deux postes libres. Cela veut dire qu'il y a cinq postes libres à la Cour d'appel.

M. Rémillard: C'est cela.

M. Filion: Ils sont nommés en vertu de la loi fédérale sur les juges. C'est cela?

M. Rémillard: C'est cela. C'est la loi fédérale sur les juges qui s'applique. Et c'est à la discrétion du gouvernement fédérai, discrétion qui est quand même guidée par les recommandations d'un comité...

M. Filion: Ah oui?

M. Rémillard: ...qui reçoit des candidatures.

M. Filion: Ah! Je ne savais pas qu'il y avait un comité.

M. Rémillard: Même, en pratique, le juge en chef de la Cour d'appel, très souvent, va rencontrer quelqu'un qui aimerait être juge à la Cour d'appel. Il y a donc rencontre. Il peut y avoir discussion sur certains points. Bref, avec les modifications apportées par le gouvernement

fédéral II y a quelques mois maintenant, ce comité existe et il est là pour recevoir toutes les candidatures aux différents postes de la magistrature qui relèvent du gouvernement fédéral, entre autres, à la Cour fédérale et à la Cour supérieure, comme vous le savez.

M. Filion: II y a eu des modifications législatives? C'est cela?

M. Rémillard: Ce sont des modifications administratives...

M. Filion: Administratives.

M. Rémillard: ...sur les engagements. II y a un comité qui a été formé.

M. Filion: Un comité, évidemment, qui n'a aucun pouvoir de recommandations. C'est Juste un comité de réception des candidatures.

M. Rémillard: Non, le comité reçoit les candidatures et fait ses recommandations au ministre. Maintenant, écoutez, je suis ministre au Québec et non pas au gouvernement fédéral. Je ne peux pas vous répondre dans tous les détails, mais ce que je sais, c'est que c'est un comité qui reçoit toutes les candidatures pour la Cour supérieure, la Cour fédérale, la Cour d'appel, la Cour suprême et, je pense aussi, pour d'autres cours spécialisées qui peuvent exister. Il reçoit les candidatures et fait ses recommandations.

M. Filion: De qui est composé ce comité-là, M. le ministre?

M. Rémillard: Je ne pourrais pas vous apporter plus d'informations. Je ne le sais pas. Je pense qu'il y a un représentant du Barreau canadien. De tradition, comme vous le savez, le Barreau canadien et le Barreau québécois, si c'est une nomination au Québec, sont consultés, de même que le ministre de la Justice du Québec peut l'être, par le gouvernement fédéral. Par exemple, lors des dernières nominations à la Cour suprême, nous avons été informés du choix du gouvernement fédéral. Et on nous mentionne que, si on a à faire valoir certains commentaires, on peut le faire.

M. Filion: Maintenant, il y a deux... M. Rémillard: Mais vous savez... M. Filion: Oui, je vous en prie.

M. Rémillard: Excusez-moi. Vous savez, lorsque l'accord du lac Meech sera accepté, les juges de la Cour suprême qui viennent du

Québec, donc les trois juges, seront nommés par le gouvernement fédéral à partir d'une liste établie par le gouvernement du Québec.

M. Filion: C'est le cas actuellement. Vous n'avez pas besoin de l'entente du lac Meech pour faire entendre votre voix pour la nomination d'un juge québécois à la Cour suprême.

M. Rémillard: Non. En pratique, il peut y avoir des consultations, mais la, ça va beaucoup plus loin dans l'entente du lac Meech puisqu'il va y avoir la liste. Donc, l'initiative appartient au gouvernement québécois, mais la discrétion de la nomination relève toujours du gouvernement fédéral. C'est donc très complémentaire. C'est là le fondement de la philosophie de l'entente du lac Meech. C'est le fédéralisme coopératif.

M. Filion: Cela existait avant, M. le ministre. Est-ce que vous êtes en train de me dire que les nominations des Juges québécois à la Cour suprême du Canada, depuis que vous êtes là ou même à votre connaissance - vous avez des fonctionnaires autour de vous - ont été faites contre le gré du gouvernement du Québec ou ont été faites dans un sens autre que les volontés qu'il a exprimées?

M. Rémillard: Premièrement, je vous dirais que je ne commenterai pas quoi que ce soit des réactions du gouvernement du Québec concernant des nominations à la Cour suprême. Nous avons été informés, c'est très vrai, et on a toujours salué avec grand plaisir les nominations qui ont été faites par le gouvernement fédéral à la Cour suprême du Canada. Et je dois dire, entre autres choses, que, mercredi dernier, j'étais à la Cour suprême pour rendre hommage au juge Beetz qui prend sa retraite. C'était particulièrement un plaisir pour moi et un honneur de représenter le gouvernement du Québec pour rendre hommage à cet éminent juriste, un spécialiste, en matière constitutionnelle, en particulier, qui a exprimé ses vues concernant l'autonomie des provinces. Il faut se référer, entre autres, à sa grande dissidence de 1976 sur l'affaire anti-inflation où il a établi les paramètres qui ont été ensuite retenus en majorité par les juges dans bien d'autres décisions concernant l'utilisation de ce fameux pouvoir de légiférer pour la paix lors du bon gouvernement du gouvernement fédéral.

Donc, ce que je veux dire, c'est qu'il y a eu des nominations, qu'il y a toujours des nominations. Les dernières nominations, en particulier, ont été des nominations saluées par le gouvernement du Québec. Cependant, il est évident que ces nominations n'ont pas été faites à partir d'une liste que nous avons établie, ce que va permettre l'entente du lac Meech. Elle va donner l'initiative si le Québec établit sa liste. Et là, on peut penser à bien des mécanismes, à bien des possibilités - puisque la Cour suprême est là pour appliquer la Charte des droits et libertés en particulier - à bien des façons de dresser cette liste de juges qui peuvent être amenés à siéger à la Cour suprême. C'est un apport très intéressant de l'entente du lac

Meech.

M. Filion: Je vais terminer, car je ne veux pas reprendre le débat sur le lac Meech. D'abord, il faut faire attention à ce que dit l'entente du lac Meech actuellement. Si le gouvernement fédéral ne trouve intéressante aucune candidature ou aucune suggestion de candidature contenue dans la liste du Québec, moi, je vais vous dire qu'il ne nommera personne.

M. Rémillard: Oui.

M. Filion: Vous êtes d'accord avec cela?

M. Rémillard: Je suis parfaitement d'accord.

M. Filion: Ce qui veut dire qu'à mon point de vue, M. le ministre - je ne veux pas qu'on s'étende sur cela - il n'y a pas beaucoup de différence entre ce qui se passe actuellement et ce qui se passera éventuellement après l'adoption, qui a l'air de moins en moins probable chaque jour, de l'entente du lac Meech. Je ne veux pas prolonger là-dessus indéfiniment, mais, pour moi, avec les mécanismes actuels - le gouvernement fédéral n'est pas fou, M sait bien qu'on a un droit civil distinctif - quand il nomme un juge à la Cour suprême il connaît l'importance d'avoir des juges du Québec agréés par le gouvernement du Québec. Alors, il tient compte de tout cela...

M. Rémillard: II tient compte de tout cela.

M. Filion: ...et de l'histoire de notre fédéralisme bien avant l'arrivée du député de Saint-Laurent et du ministre actuel des Affaires intergouvernementales canadiennes. Il y a de l'eau qui a coulé sous les ponts et il y a toujours eu à ce niveau - comment dirais-je? - plus qu'une consultation. Alors, l'entente du lac Meech, là!

M. Rémillard: Moi, non plus, je ne veux pas m'étendre sur ce sujet-là. On a d'autres choses à discuter, mais je me permets, tout simplement, de vous dire qu'il est extrêmement important que le Québec, en l'occurrence, en ce qui regarde ces trois juges, puisse établir lui-même la liste des juges qu'il souhaite voir siéger à la Cour suprême. Donc, il a l'initiative, mais, si le gouvernement fédéral dit: II n'y a aucun de ces juges qui fait notre affaire, ça ne se fait pas. C'est ça, le fédéralisme. C'est continuellement ce compromis qui est en évolution et en discussion pour en arriver à la solution.

Maintenant, brièvement, je veux dire au député de Taillon que l'accord du lac Meech, ça se fera, ça se signera et ça sera sanctionné en temps et lieu. Cela démontre à quel point il est important d'avoir cette entente, parce qu'après toutes ces discussions on n'a pu y voir aucune faille majeure. Finalement, tout le monde va s'y rallier. Quand je vois les commentaires dans les journaux de ce matin et ceux qu'on a pu y lire aussi dans les derniers jours en ce qui regarde, par exemple, la campagne au leadership du Parti libéral, je dis que, lorsqu'on veut devenir premier ministre du Canada - je pense que c'est tout à fait louable de vouloir devenir premier ministre du Canada - il est normal que l'on puisse s'exprimer sur les enjeux constitutionnels de ce pays. Et, en particulier en ce qui regarde la course au leadership des libéraux fédéraux, il m'apparaît nécessaire que l'on sache, de la part de tous ceux qui se présenteront à la chefferie du Parti libéral, donc, qui veulent devenir premier ministre du Canada, quelle est leur position concernant l'entente du lac Meech. Il est aussi nécessaire qu'ils montrent aux Québécois quelle place ils entendent défendre pour le Québec dans la fédération canadienne et quel est le genre de fédéralisme qu'ils veulent défendre. Ce sont simplement des principes de démocratie. Quant à moi, je peux vous dire que je vais suivre très attentivement ce débat. Dans la mesure où on mettra en cause l'entente du lac Meech, je serai là pour répondre à ces critiques. (11 heures)

M. Filion: Rapidement, deux choses, Mme la Présidente. Premièrement, quant à l'optimisme du ministre relativement à l'entente du lac Meech. Il y a une campagne électorale qui s'en vient, je pense que je vais lui faire envoyer une carte de membre du parti jovialiste optimiste. Bon! Il commence à faire partie de la minorité des gens qui croient que l'entente du lac Meech pourra être signée. Au début, quand cela a été fait, il y a déjà deux ans - que le temps passe vite - juin 1990 semblait très loin. Mais c'est dans un an. Dans un an expire le délai maximal à l'intérieur duquel les Législatures provinciales devaient entériner l'entente du lac Meech. Je ne suis pas dans le secret des dieux, vous vous en doutez bien, mais, si le ministre a maintenant sa carte de membre du parti jovialiste ou optimiste, tant mieux!

Deuxièmement, en ce qui concerne les candidats au titre de premier ministre canadien, je vous signale que, dans le cas de l'ancien député de Shawinigan aux Communes, je pense, c'est très clair. Pour lui, la clause "nonobstant-est plus importante que l'entente du lac Meech. C'est ce qu'il répétait pas plus tard qu'hier. Je suis heureux de voir que le ministre attache de l'importance à ce que les candidats à l'investiture libérale fédérale donnent l'heure juste aux citoyens sur leur point de vue constitutionnel, leur approche et leurs convictions au plan constitutionnel. Je vous signale, par exemple, qu'en ce qui concerne l'ancien député de Shawinigan aux Communes, c'est pas mal clair. Je ne sais pas si le ministre va garder son jovialime et son optimisme au fur et à mesure de la progression de la candidature de M. Chrétien à la

direction du Parti libéral fédéral.

M. Rémillard: Mme la Présidente, brièvement à ce sujet, en ce qui regarde la clause "nonobstant*, la clause dérogatoire et l'entente du lac Meech, ce sont deux sujets complètement différents. Le gouvernement du Québec a mentionné très clairement qu'il tenait à conserver la clause "nonobstant" intacte et que c'était, pour lui, une soupape de sûreté qu'on devait conserver.

En ce qui regarde l'entente du lac Meech, la reconnaissance du Québec comme société distincte, la reconnaissance de la dualité canadienne, c'est la reconnaissance des pouvoirs dont nous avons besoin dans bien des domaines et, par conséquent, il s'agit pour nous de ce dont nous avons besoin pour réparer l'injustice qui a été faite au Québec en 1981-1982. Peu importe le gouvernement qui aurait été en place à ce moment-là, ce rapatriement ne pouvait être signalé; il niait des droits essentiels, fondamentaux, historiques du Québec. Mais tout n'était pas mauvais en 1981-1982, avec le rapatriement. Les marmitons de la cuisine n'ont pas raté toute leur sauce; entre autres, celle concernant la Charte des droits et libertés est un principe très intéressant et, je pense, un aspect très positif, et même fondamental en ce qui regarde notre constitution.

L'article 36 concernant les disparités régionales et l'obligation pour le gouvernement fédéral de fournir aux différentes régions et provinces les sommes nécessaires pour que des services publics de même qualité soient offerts partout au Canada prend toute sa signification au lendemain de notre budget au Québec, en fonction de ce qui a été décidé dans le budget fédéral et à la suite des commentaires qu'on a entendus encore dernièrement de la part de certains ministres fédéraux et, entre autres, du ministre responsable de ces ententes que nous devrons signer avec le gouvernement fédéral sur le développement économique du Québec.

L'autre point que je me permets de souligner, Mme la Présidente, concerne l'argument voulant que l'entente du lac Meech, la société distincte en particulier, aille à l'encontre de la Charte des droits et libertés. Cela n'a pas de bon sens de prétendre une chose pareille parce qu'un droit, une liberté s'apprécient dans un contexte social, politique, économique, culturel. Bref, un droit, une liberté, ce n'est pas absolu; ce n'est pas dans les airs; c'est quelque chose qu'on apprécie en fonction d'une réalité. Cette réalité sera en fonction d'une règle d'interprétation puisque la société distincte, c'est une règle d'interprétation et cette règle d'interprétation viendra s'appliquer pour le Québec à l'ensemble de l'application de la charte

Mme la Présidente, cola me surprend et je me pose beaucoup de questions lorsque je vois que certaines personnes, qui ont fait en sorte, par exemple, qu'à l'article 27 de la Charte canadienne des droits et libertés on reconnaisse le multiculturalisme au Canada et qu'on dise que rien dans la Charte des droits et libertés ne doit porter atteinte au multiculturalisme au Canada, et, parce qu'on arrive avec un concept de société distincte, voudraient que ça n'ait aucune application sur la charte. Est-ce que le multiculturalisme est plus important que la société distincte ou la dualité? Je suis parfaitement d'accord pour que le multiculturalisme soit un élément particulièrement intéressant pour la fédération canadienne. Toutes ces communautés culturelles qui viennent d'un peu partout et qui participe à l'évolution de ce pays, c'est extrêmement intéressant pour nous. Il faut mentionner ce multiculturalisme dont on peut être fier. Mais il y a aussi une réalité qui est essentielle dans notre pays, c'est la dualité - deux peuples fondateurs ont fondé ce pays - et la reconnaissance du Québec comme société distincte. Les commentaires de certains qui reconnaissent le multiculturalisme dans la charte, mais qui refusent de reconnaître le critère de la dualité et de la société distincte, sont quand même difficiles à concilier.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je pense bien que...

M. Filion: Juste en terminant là-dessus, Mme la Présidente, car je pense que c'est important. D'ailleurs, on est en train de parler un peu des contacts entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral à l'occasion de la nomination des juges, donc de certains représentants du pouvoir judiciaire, et tout ça nous amène en plein coeur du fédéralisme. Je pense qu'on est tout à fait dans le sujet. Je vous dis ça pour vous rassurer. On est un peu au-dessus du sujet, mais on n'est pas à côté.

La Présidente (Mme Bleau): On est sur le bord.

M. Filion: Je ferai peut-être remarquer juste deux choses au ministre. Premièrement, la règle d'interprétation concernant la société distincte est une règle à double tranchant, en ce sens que c'est une règle qui décrit la réalité québécoise de la façon suivante: le Québec est le seul endroit au Canada où il y a une majorité de francophones, mais, en même temps, s'y retrouve une minorité qui constitue une majorité ailleurs au Canada. C'est une règle d'interprétation à double tranchant.

Deuxièmement, sauf erreur, me semble-t-il, vous me corrigerez d'ailleurs, l'entente prévoit que rien dans l'accord du lac Meech ne doit être considéré comme limitant la portée de l'article 27 sur le multiculturalisme. Je ne me trompe pas? II me semble bien, n'est ce pas? Je pense bien. Dans ce sens, tantôt vous faisiez une comparaison avec l'article 27 et la clause de la société distincte. Il me semble bien que l'article

27 est considéré comme ne devant être limité d'aucune façon par la règle d'interprétation contenant la clause de la société distincte, c'est-à-dire l'article 2 de l'entente. Qu'on ne se trompe pas!

C'étaient là mes deux remarques. Alors, vous voyez à quel point ça limite, quand même, un peu ce que vous disiez tantôt.

M. Rémillard: Mme la Présidente, la question du député de Taillon est très intéressante. Très brièvement, je voudrais simplement dire que la règle d'interprétation de la société distincte doit aussi se lire en fonction des autres règles d'interprétation que nous pouvons avoir, en particulier, en ce qui regarde l'autre règle d'interprétation que nous avons dans l'entente du lac Meech, qui est la dualité canadienne. La dualité canadienne, ce sont les deux grandes communautés linguistiques, francophone et anglophone, partout au Canada. De plus, c'est une règle obligatoire.

La société distincte, c'est le Québec comme élément social, culturel, politique, économique, différent du reste du pays.

C'est donc dire que ce sont deux règles d'interprétation qui sont obligatoires parce qu'on dit bien que les juges doivent en tenir compte. Elles sont obligatoires et doivent être interprétées l'une en fonction de l'autre.

Donc, lorsque le député de Taillon parle de couteau à deux tranchants, je vais simplement fui mentionner qu'il faut qu'il considère aussi - le juge est obligé de le faire, le texte est clair à cet égard - la règle de la dualité qui, elle, prévoit une réalité qui est l'Instance des deux communautés linguistiques. Donc, la société distincte doit signifier quelque chose d'autre qu'une réalité linguistique, quelque chose de plus que ça; c'est pourquoi nous n'avons pas voulu la définir. Le député de Taillon sait très bien que, finalement, le Conseil de la langue française nous a donné raison, disant: Vous avez bien fait de ne pas la définir, parce que nous sommes distincts non seulement par la langue, qui est le fondement de notre vie en communauté - le langage, c'est l'élément premier de communication entre les humains - mais, en plus, par notre façon d'être dans différents domaines de l'activité humaine. Il faut bien comprendre l'expression "un couteau à deux tranchants". Il faudrait voir comme l'un des tranchants, à ce moment-là, la société distincte, l'autre tranchant étant la dualité canadienne. Si quelqu'un veut se couper, c'est en fonction de la dualité ou en fonction de la société distincte.

Autre chose, en ce qui regarde le multiculturalisme et l'article 27. L'article 27 ne s'applique qu'à la charte, mais la société distincte et la dualité s'appliquent à l'ensemble de la constitution du Canada. Cela va s'appliquer autant à la constitution rapatriée de 1982 qu'à la constitution de 1867. C'est l'ensemble. Qu'on reconnaisse le multiculturalisme, je suis parfaitement d'accord avec ça, ça ne pose pas de problème. C'est un principe qui existe. C'est un principe qui est là et que nous sommes prêts à respecter, mais c'est un principe qui doit s'inscrire aussi dans le cadre d'une revendication légitime de la part du Québec de se faire reconnaître comme société distincte et de faire reconnaître ce pays fondé sur ta dualité des deux peuples fondateurs. C'est une réalité qui sera interprétée par les tribunaux, mais les tribunaux ne peuvent pas aller à l'encontre de ce qui est écrit.

M. Filion: On pourrait continuer longtemps. Je pourrais juste rappeler rapidement au ministre que, premièrement, ça reste une règle d'interprétation avec toutes les limites que cela comporte. Je serais curieux de voir à quel point notre belle société distincte... C'est encore une fois, une règle à double tranchant, qui peut être utilisée, qui peut être retournée comme une crêpe compte tenu des objectifs, c'est-à-dire compte tenu de l'opinion des juges qui auront à appliquer cette clause. J'aimerais ça voir, par exemple, ce que serait l'effet de notre petite règle d'interprétation, qui est déjà diminuée, eu égard, par exemple, à l'application de l'article 93 de la constitution canadienne. Je ne suis pas sûr qu'on Irait bien loin, parce que c'est une règle d'interprétation qui ne modifie pas les compétences législatives. Le ministre le sait. Elle ne modifie pas le droit substantif. Et, en ce sens, encore une fois...

Je voudrais juste signaler au ministre que, même à l'intérieur du concept de la société distincte, ce qu'on entend de plus en plus dans les milieux constitutionnalistes qui écrivent d'une façon un peu plus détachée qu'ils ne le faisaient il y a deux ans - je pense que la poussière commence à retomber pas mal - c'est que je l'ai dit tantôt, en dehors de la question de la dualité canadienne et de tout ça, un juge serait possiblement bien-fondé à dire: Écoutez, le Québec est une société distincte parce qu'il y a une minorité d'anglophones au Québec qui luttent pour leur survie.

M. Rémillard: Ha!

M. Filion: Non, non, non. Écoutez, ce que je dis là, c'est l'interprétation qui a cours dans une bonne partie des milieux constitutionnalistes canadiens. C'est une interprétation qui a cours à Ottawa. C'est une interprétation qui est véhiculée par des hommes politiques importants à travers le Canada. C'est une opinion qu'on retrouve également au Québec. Une société distincte va être là pour venir protéger la minorité anglophone au Québec et non pas pour servir de base de promotion et de protection de la majorité francophone au Québec. Moi je vous dis... Je ne le sais pas, nous ne serons pas juges, du moins pas nous, demain matin. Peut-être le député de D'Arcy McGee pourrait-il, lui tomber dans les bonnes grâces du ministre de la Justice

du Québec et, par la suite, son nom pourrait glisser dans le fil téléphonique qui mène jusqu'à Ottawa. (11 h 15)

II faut comprendre qu'une règle d'interprétation est là pour être interprétée. M. le ministre, qui aurait dit, il y a cinq ans, que la liberté d'expression allait comprendre l'expression commerciale? Ils n'étaient pas nombreux, les juristes qui avaient prévu cette tangente-là que prendraient les cours; l'opinion majoritaire qui circulait dans les universités et dans les milieux où l'on réfléchissait à ces questions là était à l'effet contraire. Qui aurait pu prévoir que la Cour d'appel du Québec considérerait, par exemple, que la loi destinée à protéger les enfants de la publicité commerciale était pour être jugée contraire au droit exprimé dans la charte et, deuxièmement, contraire à ce qui est raisonnable dans une société libre et démocratique? Ce n'était pas facile à prévoir, ça. C'est ce que je veux souligner au ministre. Tout ça n'est pas facile à prévoir. Le ministre peut nous dire quelque chose aujourd'hui, mais dans dix ans, quand les savants juges vont se prononcer sur la clause de la société distincte... Si lui a sa carte de membre du parti jovialiste optimiste, j'aime mieux être réaliste et suivre l'avis du Conseil de la langue française et dire: Si cela veut dire quelque chose, meublez-le Quand vous citez l'avis du Conseil de la langue française, il ne faut pas oublier qu'il vous dit de le meubler, de donner de la chair à ce concept-là. Alors, je ne veux pas m'étendre, mais, quand même, les réflexions du ministre amenaient les miennes.

M. Rémillard: Mme la Présidente, le député de Taillon nous fait valoir tous ses talents de juriste, que je reconnais, pour pointer du doigt les questions de fait qu'il se pose et que bien des gens se sont posées concernant l'entente du lac Meech et, en particulier, sous certains points concernant la société distincte. Je me permettrais simplement de dire ceci. Il fait référence à l'article 93, et c'est une référence intéressante. Cet article a été inscrit dans la constitution en 1867 par les Pères de la Confédération pour faire en sorte qu'en ce qui regarde le Québec, et il y a aussi la question de l'Ontario, il y ait des districts scolaires protégés en fonction de la religion protestante ou catholique. Le principe c'est que les provinces sont compétentes en matière d'éducation, mais qu'il y a une protection en ce qui regarde les protestants et les catholiques en fonction des districts protégés.

C'est un article qui devrait disparaître, à mon sens, de la constitution. On devrait en arriver à un consensus et faire disparaître cet article qui a moins de raison d'être maintenant, mais il est là et c'est un article qui démontre fort bien que le concept de société distincte existe depuis les débuts de cette fédération. Pourquoi a-t-on une fédération au Canada? Parce qu'en très grande partie c'est George-Étienne

Cartier, qui a été un bon négociateur pour le Québec, et les délégués du Québec qui ont exigé qu'il y ait une fédération au Canada. John A. Macdonald l'a dit - je ne dis pas Johnny parce que je le connais intimement, c'est John A. Macdonald - à plusieurs reprises: Nous aurions préféré un État unitaire et il y a eu une fédération. Quand on regarde la constitution de 1867, on s'aperçoit qu'il y a plusieurs articles, en particulier l'article 92 13°, 'la propriété et les droits civils", relèvent de la compétence des provinces et non pas du gouvernement fédéral. C'est une mini-clause résidualre. On sait que cette clause a été mise là parce que les délégués du Québec voulaient avoir compétence sur le droit civil. Il y a beaucoup d'autres éléments, je pourrais en nommer, mais je ne veux pas faire perdre le temps de cette commission.

On a eu des exemples comme ça même en 1982, lors du rapatriement de la constitution. Dans la Loi constitutionnelle de 1982, on voit des dispositions qui ont été faites strictement pour le Québec, entre autres, l'article 23 sur les droits linguistiques. Le critère de la langue maternelle ne s'applique pas au Québec sans l'application de l'article 59, donc par discrétion du gouvernement, de l'Assemblée nationale qui décide d'appliquer le critère de la langue maternelle. Toutes les autres provinces doivent appliquer le critère de la langue maternelle. En pratique, ça veut dire beaucoup. Cela veut dire qu'un anglophone qui vient d'Angleterre comme immigrant au Canada, s'il s'établit ici au Québec, doit envoyer ses enfants à l'école française. Il n'a pas le droit d'envoyer ses enfants à l'école anglaise. S'il s'en va dans une autre province canadienne, il n'y a pas de problème, bien sûr. Un Français de France qui vient immigrer et s'en va s'établir en Alberta pourra envoyer ses enfants à l'école française en Alberta. On mentionne s'il y en a, a juste titre. Je devrais dire: Oui, s'il y en a. Mais le droit est là et, maintenant, on tente de le mettre en application. Avec le principe de la dualité, on pourra le mettre en application plus rapidement.

Mais ce que je veux dire, c'est que le concept de la société distincte, on le voit dans la constitution. Et il y a le droit de retrait qu'on a également inclus dans la constitution concernant l'amendement constitutionnel. On a dit qu'en matière de culture et d'éducation il y a une compensation financière lorsqu'une province se retire d'un amendement constitutionnel. Cela a été inclus par le ministre de la Justice de l'époque, M. Chrétien, et par le premier ministre d'alors, M. Trudeau, pour reconnaître la spécificité du Québec en matière de culture et d'éducation.

Alors, le principe est là. Ce que nous en faisons de ce principe maintenant, nous en faisons une règle d'interprétation qui sera obligatoire pour les tribunaux.

Je terminerai en disant ceci, Mme la Présidente. Il est vrai que l'entente du lac

Meech protège la minorité anglophone du Québec. Elle la protège, comme elle protège les minorités francophones hors Québec, par la règle de la dualité canadienne, c'est-à-dire qu'on reconnaît, pour la première fois, qu'il y a deux communautés linguistiques, francophone et anglophone, au Canada et que chaque province et le gouvernement fédéral ont le devoir de protéger cette réalité. Donc, il y a une protection des anglophones et on n'a pas besoin de ça pour protéger les droits de nos anglophones au Québec. Mais le critère de société distincte - je l'ai mentionné tout à l'heure - doit être lu en fonction du critère de la dualité. Le constituant ne s'est pas exprimé pour ne rien dire, bien au contraire. Le constituant s'est exprimé très clairement. La société distincte n'a pas été définie, justement, et pour cause.

Dans ce contexte, je dirai tout simplement ce que je disais tout à l'heure. S'il y a couteau à deux tranchants, c'est parce que l'un des tranchants est la dualité et l'autre, la société distincte. Normalement, cela devrait être assez coupant pour qu'on puisse trancher les questions épineuses qui naissent des ambiguïtés de la constitution, que ce soit en fonction de l'article 93, que ce soit en fonction de l'article 23 sur les droits linguistiques ou de toute autre disposition de la constitution canadienne.

M. Filion: II faut en terminer là-dessus, parce que... De toute façon, on aura peut-être l'occasion d'en...

La Présidente (Mme Bleau): Je vous le demande!

M. Filion: Cette fois, je vais vous donner raison. On aurait pu continuer. Juste pour revenir à notre article, M. le ministre, avez-vous communiqué récemment avec le gouvernement fédéral pour combler ces deux ou trois postes de plus?

M. Rémillard: Oui. Mme la Présidente, nous savons que ces postes devraient être comblés dans un avenir prochain. Maintenant, nous n'avons pas à agir pour le gouvernement fédéral. Je sais qu'il y a d'excellentes candidatures qui vont permettre à la Cour d'appel de confirmer la qualité qu'on lui connaît.

M. Filion: Quand vous dites: Je sais qu'il y a d'excellentes candidatures, est-ce que le Québec a quand même soumis lui-même une série de suggestions?

M. Rémillard: Le Québec n'a pas à en soumettre, comme tel...

M. Filion: Bien, il n'est pas obligé, mais il n'y a rien qui l'empêche de le faire.

M. Rémillard: ...mais dans les discussions qu'il peut y avoir entre les deux niveaux de gouvernement, des noms peuvent circuler et nous pouvons être amenés à faire des commentaires. C'est ce que nous avons fait.

M. Filion: Rien ne vous empêche de le faire, M. le ministre. Vous me saisissez bien!

M. Rémillard: Ah, vous savez...

M. Filion: Rien ne vous empêche de faire des suggestions et de dire: Je pense qu'Untel, Untel, Untel seraient des bons candidats.

M. Rémillard: II y a des possibilités de ce côté-là. On peut le faire, certainement. On peut le faire...

M. Filion: Est-ce que vous l'avez fait?

M. Rémillard: ...mais on n'a pas la discrétion quant au choix.

M. Filion: Non, je le sais.

M. Rémillard: Mais dans les discussions que nous pouvons avoir en fonction d'une réalité que j'ai mentionnée tout à l'heure, ce comité qui existe et qui conseille le gouvernement fédéral, dans ce cadre, respectueux du partage des compétences législatives... Quand nous nommons des juges de juridiction provinciale, nous n'avons pas à avoir l'intervention du gouvernement fédéral.

M. Filion: Ce serait bien le restant.

M. Rémillard: Alors, dans ce contexte, il reste que nous faisons valoir nos points de vue en fonction des intérêts du Québec.

M. Filion: II y a deux façons de faire valoir son point de vue. On peut réagir à ce qu'on nous propose ou on peut proposer des noms. Avez-vous utilisé les deux méthodes? C'est ça, ma question.

M. Rémillard: Nous discutons d'une façon générale. Ces discussions peuvent nous amener à suggérer des noms et à faire des propositions, de part et d'autre, dans un esprit strictement de respect de la juridiction fédérale. Mais, pour nous, ce qui est important, c'est que la Cour d'appel puisse accueillir des juges de grande compétence. Je suis certain que c'est ce qui va se faire dans un avenir prochain, de par les candidats de grande compétence qui sont déjà sur la liste.

La Présidente (Mme Bleau): J'aurais une question de plus pour clore sur cela: Est-ce qu'il y a des gens du Québec qui siègent à ce comité de sélection?

M. Rémillard: Des gens du Québec, oui, mais pas en tant que Québécois représentatifs de..

La Présidents (Mme Bleau): Oui, quand même. Oui, bien.

M. Filion: Qui sont-ils, à part le représentant du Barreau canadien, que vous avez mentionné?

M. Rémillard: II y a le représentant du Barreau canadien et il y a le Barreau du Québec qui, lorsqu'une nomination vient du Québec, peut être consulté aussi.

M. Filion: Oui, le Barreau du Québec devrait...

M. Rémillard: Les Barreaux locaux.

M. Filion: Vous avez dit que c'était un comité administratif, n'est-ce pas?

M. Rémillard: C'est un comité administratif, oui. Ce n'est pas un comité qui existe...

M. Filion: Bref, c'est une espèce de petite équipe autour du ministre de la Justice qui travaille à mettre des noms sur une liste.

M. Rémillard: Non, c'est plus que ça. C'est peut-être informel dans le sens que ce n'est pas prévu...

M. Filion: Oui.

M. Rémillard: ...dans un texte réglementaire ou de loi. C'est peut-être dans un texte réglementaire, je ne voudrais quand même pas induire la commission en erreur, mais M. Mercier me dit que non. Ce n'est même pas dans un texte de règlement ou de loi. C'est une disposition qui a été appliquée par le gouvernement fédérai depuis maintenant un certain temps, peut-être un an ou deux et qui semble bien fonctionner. Remarquez que je ne peux pas vous en dire plus parce que...

M. Filion: Oui, oui.

M. Rémillard: ...je n'en connais pas plus.

M. Filion: Alors, on devrait attendre ces nominations-là - ma foi — d'ici à septembre au plus tard, n'est-ce pas?

M. Rémillard: Vous savez que dans un régime parlementaire comme le nôtre, dans un régime fédéral, il est normal que les gens puissent se parler. Alors, prochainement, cela devrait...

M. Filion: II me semble que cela a beaucoup tardé. Cela va.

La Présidente (Mme Bleau): L'article 1 est il adopté?

M. Filion: Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 2 qui est de concordance, je pense.

M. Rémillard: Oui, Mme la Présidente.

M. Filion: C'est-à-dire que...

M. Rémillard: Bien, c'est...

M. Filion: c'est un type de concordance.

M. Rémillard: Cela précise que deux...

M. Filion: Cela va.

M. Rémillard: ...des nouveaux juges de la Cour d'appel doivent résider à Montréal et que le troisième doit résider à Québec ou dans ses environs.

M. Filion: Cela va.

La Présidente (Mme Bleau): L'article 2 est-il adopté?

M. Filion: Oui.

La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 3.

De la Cour supérieure

M. Rémillard: II s'agit vraiment d'une concordance, Mme la Présidente avec l'article 4.

Le nombre total de juges de la Cour supérieure est donc porté de 140 à 143

M. Filion: C'est ça.

La Présidente (Mme Bleau): L'article 3 est-il adopté?

M. Filion: Deux juges de plus à Montréal...

M. Rémillard: L'autre à Chicoutimi. C'est à l'article 4 qu'on parle de...

M. Filion: À Chicoutimi, n'est-ce pas? C'est ça.

M. Rémillard: Oui.

M. Filion: II manque des pages ici.

La Présidente (Mme Bleau): Désirez vous qu'on vous lise l'article 3?

M. Filion: "Par le remplacement, dans la deuxième ligne du premier alinéa du paragraphe

1°, du nombre "87" par le nombre "89". C'est pour Montréal, n'est-ce pas?

M. Rémillard: Oui, c'est ça, "87" par "89"; cela signifie deux juges de plus à Montréal.

M. Filion: II me manque la deuxième ligne du paragraphe 8. Ah, non! c'est correct, Chicoutimi.

M. Rémillard: En bas.

M. Filion: Oui. Pour la Cour supérieure, vous avez donné des chiffres sur les délais dans votre discours de deuxième lecture. Je ne sais pas si vous les avez sous la main, pas trop loin.

M. Rémillard: Pour les causes civiles, avec certificat d'état de cause, de deux mois qu'ils étaient en 1986, les délais sont passés à quatre mois en 1987 et, en 1988, cela a continué à augmenter pour atteindre 6,15 mois.

M. Filion: 6?

M. Rémillard: 6,15.

M. Filion: 6,15.

M. Rémillard: Oui, en moyenne.

M. Filion: D'accord.

(11 h 30)

M. Rémillard: Quinze sur 30 ou 31, selon le cas.

M. Filion: D'accord. Six mois et demi.

M. Rémillard: Oui. Pour les causes en matière matrimoniale, c'était trois mois, en 1986, et c'est passé à six mois en 1987, pour atteindre 7,53 mois en 1988. Il était temps qu'on fasse quelque chose.

M. Filion: Oui, mais ce n'est pas que ça. Ce ne sont pas trois juges de plus qui vont modifier une tendance aussi lourde.

M. Rémillard: Cela va certainement aider.

M. Filion: Cela ne peut pas nuire, mais..

M. Rémillard: II y a d'autres mécanismes.

M. Filion: Oui?

M. Rémillard: Le député de Taillon a raison, ce n'est pas simplement en ajoutant des juges qu'on va régler tous les problèmes d'engorgement de nos rôles et assurer l'accessibilité à la justice. Concernant les causes en matière matrimoniale, il y a toute la question de la médiation, par exemple. Le député de Taillon sait que nous avons une expérience de médiation. Ici, à Qué- bec, cette expérience est quand même limitée, mais, à Montréal, elle est complète. La médiation aide beaucoup à faire en sorte que ces causes soient entendues rapidement. On amène ainsi les parties à se parler, à trouver les compromis qui vont leur permettre de se séparer, dans les cas de séparation et de divorce, et ce, très souvent pour le mieux-être des enfants. Il est de l'intention du gouvernement d'étendre cette médiation à l'ensemble du Québec le plus tôt possible. Je suis présentement en discussion, à ce sujet, avec ma collègue, Mme Thérèse Lavoie-Roux, la députée de L'Acadie et ministre de la Santé et des Services sociaux. Ce serait donc un autre moyen pour permettre de diminuer le nombre et la durée des causes devant les tribunaux. L'arbitrage est très important aussi.

Un autre élément important sur lequel il faut insister, ce sont les conférences préparatoires. Le juge en chef Gold, qui est un éminent juriste et un excellent administrateur, insiste beaucoup sur ces conférences préparatoires pour régler les causes à ce niveau. Souvent, les causes ne sont pas entendues parce qu'on est parvenu à un règlement au moment de la conférence préparatoire ou bien, quand on est rendu à l'audition, on est mieux préparé et ça va plus rapidement. Ce sont des éléments, des mécanismes qui pourraient nous amener à limiter dans le temps l'utilisation que nous faisons de nos cours de justice et à débloquer nos rôles.

M. Filion: Le ministre nous sert une espèce de salade des différents systèmes, tels la médiation et les conférences préparatoires, qui existent déjà depuis un bon bout de temps. Il nous en fait une espèce de petite salade printanière pour le moins indigeste. Mais quelles sont les causes de l'augmentation de 300 % du délai depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral, en 1985? C'est ça qu'on est en train d'examiner.

M. Rémillard: Oui, mais... Une voix: II y en avait...

La Présidente (Mme Bleau): Voyons, ce n'est pas...

M. Filion: Oui, il y en avait avant, il y en a toujours eu.

M. Rémillard: Mme la Présidente, si on veut dire que c'est depuis que le Parti libéral est au pouvoir que les rôles sont surchargés, je l'accepterai volontiers, dans la mesure où on réalise - ce sont les résultats que nous avons de façon très objective - que c'est parce qu'il y a de plus en plus de contestation en fonction des chartes des droits et libertés qu'il y a encombrement des rôles, à cause de la complexité. Cela, je l'accepte volontiers, M. le député de Taillon, il n'y a pas de problème.

M. Filion: Le ministre est dans l'erreur, Mme la Présidente.

M. Rémillard: C'est le très grand nombre de causes que suscite l'application des chartes des droits et libertés, tant au fédéral qu'au provincial, qui fait qu'on a de plus en plus de causes difficiles, longues. Il y a aussi toute la question du droit familial en matière matrimoniale. C'est aussi un droit qui est en pleine évolution, en plein développement. Là encore, je me permets de dire que la loi sur les droits économiques des conjoints, qui sera présentée par ma collègue, Mme Monique Gagnon-Tremblay, devrait apporter des éléments de solution. Je pense qu'il y a là une philosophie...

M. Filion: Je n'ai pas demandé les remèdes, j'ai demandé les causes.

M. Rémillard: C'est ce que je vous dis. Dans les causes qu'on nous donne, il y a la charte...

M. Filion: La charte, c'est une très petite proportion, M. le ministre. Il faut se comprendre. D'abord, le Québec, c'est l'endroit au Canada où on plaide le moins les chartes. Vous savez ça? Il y a environ un mois, il y avait une bonne étude là-dessus dans Le Devoir. Ne venez pas me dire que ce sont les chartes qui font en sorte que les délais ont augmenté de 300 % à la Cour supérieure. Voyons donc, ce n'est pas sérieux! Les chartes existent depuis 1975, il n'y a rien de nouveau là-dedans. Des chartes, cela ne se plaide pas plus ou moins. Il faut se comprendre, M. le ministre. Passer de deux mois à six mois dans les causes civiles... Je ne parie pas des causes matrimoniales. Comme si les gens divorçaient plus depuis deux ou trois ans... Non, les gens ne divorcent pas plus depuis deux ou trois ans.

M. Rémillard: Parce que le Parti libéral est arrivé au pouvoir.

M. Filion: Non, non. Les gens ne divorcent pas plus.

M. Rémillard: Je suis content de vous l'entendre dire. Vous faites un aveu, là.

M. Filion: Oui. Cela ne me fait rien de faire cet aveu-là.

M. Rémillard: Vous venez de faire un aveu important. C'est enregistré, ce que vous dites.

M. Filion: Cela ne me fait rien de faire cet aveu-là.

M. Rémillard: Vous venez de dire que, depuis que le Parti libéral est arrivé au pouvoir, les gens ne divorcent pas plus. On retient ça, Mme la Présidente, bien sérieusement.

M. Filion: La seule chose que je pourrais dire, c'est que trop de caucus rendent cocus. Mais cela a une influence trop indirecte sur le nombre de séparations et de divorces, n'en parlons pas. Je vous pose une question et, je vais vous le dire franchement, vous ne me donnez pas la réponse. Quelles sont les causes de l'augmentation de 300 % des délais d'audition en Cour supérieure depuis 1986? Parce que j'ai dit que depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral... Cela fait bien l'affaire du ministre des Finances de dire qu'il a pris le pouvoir le 2 décembre 1985 quand les statistiques sur l'emploi font son affaire. Personne ne s'insurge. J'ai dit qu'à peu près depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral les délais en Cour supérieure avaient triplé. C'était juste un fait. Je vous en demande les raisons et vous me parlez des chartes et du nombre de divorces. Franchement!

M. Rémillard: Mme la Présidente, je pourrai demander au juge en chef Allan B. Gold quelle relation il voit entre l'arrivée au pouvoir du Parti libéral et l'augmentation des causes à sa Cour. Il va certainement avoir une réponse à me donner.

M. Filion: Faites attention!

M. Rémillard: Je pourrai alors venir...

M. Filion: Faites attention!

M. Rémillard: ...la donner au député de Taillon pour que la réponse soit la plus précise possible. Une chose est certaine, de fait, on ne plaide pas beaucoup et on ne plaide pas assez les chartes. C'est pourquoi on va présenter ce projet de loi afin de créer un tribunal des droits et libertés de la personne, pour en faciliter l'accès, pour qu'on les plaide, ces chartes, et que les gens n'aient pas simplement des droits, mais qu'ils aient aussi la possibilité de les exercer. C'est un principe auquel je crois le plus sincèrement possible, et les projets de loi qu'on a déposés sont, en très grande partie, faits en fonction de ce principe que vous retrouvez dans l'ensemble des projets de loi.

Il y a aussi la complexité de plusieurs causes, par exemple, en ce qui regarde les recours collectifs. On est en train d'établir notre jurisprudence en matière de recours collectifs. Cola aussi, c'est un domaine qui est on train de se développer, de se confirmer. Il y a plusieurs domaines comme celui-là, très spécialisés, qui font que les juges ont maintenant à délibérer sur des points de droit qui sont très complexes et sur lesquels, très souvent, ils ont à faire jurisprudence parce qu'il n'y a pas de précédent. Alors, nos juges travaillent très fort. Je veux rendre hommage à notre magistrature et je voudrais vous dire à quel point les juges, à tous les niveaux, font un travail tout à fait excep-

tionnel. À mon avis, comme ministre, le premier élément que nous devons retrouver dans notre justice, c'est la qualité. Une justice de qualité se réfère à des gens compétents qui travaillent dans le système judiciaire, en particulier, aux juges. Nos magistrats font un travail remarquable et ils travaillent très fort. On n'a qu'à regarder la complexité des causes et aussi l'importance de leurs responsabilités, pour voir qu'il y a un travail colossal qui est fait par nos cours de justice.

Nous parlons de la Cour supérieure qui a des causes. Par exemple, nous pourrions citer la cause de la MIUF. Depuis combien de temps cela dure-t-il? Quatre ans, cinq ans? Ils sont encore en train de plaider. Ils n'ont pas terminé leurs plaidoiries, je pense. Ensuite, le juge pourra prendre ça en délibéré pour rendre son jugement. Ce sont des causes importantes car elles auront des conséquences très importantes pour beaucoup de consommateurs.

Et il y a d'autres causes sur d'autres aspects qui pourront être semblables à cette cause-là et d'autres décisions qui pourront être prises. Je regarde des décisions qui ont été prises et rendues par la Cour suprême dernièrement, dans l'affaire de La Bastogne, à Beauport, où la jurisprudence est complètement renversée. Une nouvelle jurisprudence vient s'appliquer en matière de responsabilité des municipalités, cités et villes. C'est une jurisprudence tout à fait nouvelle. Alors, les juges devront composer avec cette réalité.

Le droit est de plus en plus complexe parce que le droit se fait en fonction de la légalité et de l'équité. Il s'agit là des deux éléments qui font que nous pouvons dire que nous vivons dans un système de liberté et de démocratie. En conséquence, Mme la Présidente, quand nous regardons la charge de travail de nos juges, tant de la Cour du Québec que de la Cour supérieure, on peut dire que ces gens ont une lourde charge de travail.

M. Filion: Mme la Présidente, je profite de l'éloge du ministre à l'égard de notre magistrature pour lui demander quand il déposera à l'Assemblée nationale le rapport Vincent alors que, à ma grande surprise, M. le ministre... D'abord, vous avez reçu ce rapport là il y a une couple de semaines. Il y a un délai de 30 jours mentionné dans la loi. Veut-on attendre d'être arrivé à ce maximum de 30 jours? Deuxièmement, on l'a lu dans les journaux. Je dois vous dire qu'on a adopté une loi, Mme la Présidente, disant que les rapports doivent être déposés à l'Assemblée nationale pour que les parlementaires puissent en être Informés. Quelle ne fut pas ma surprise de voir que le rapport Vincent, ou ses grandes lignes, était dans les journaux! Je me demande pourquoi le ministre n'a pas déposé ce rapport avant. Comme ça, on ne l'aurait pas retrouvé dans les journaux. Ce n'est pas une fuite à budget, mais c'est une marque d'indéli- catesse que je m'explique mal.

Premièrement, je voudrais savoir du ministre quand il va déposer le rapport du comité Vincent. Deuxièmement, il m'avait dit, à l'époque, qu'il commencerait à négocier aussitôt que le rapport serait déposé. Alors, j'aimerais bien savoir si ces négociations-là sont commencées avec les juges...

M. Rémillard: Mme la Présidente...

M. Filion: ...dont il faisait l'éloge - un éloge que je partage - il y a à peine une minute ou deux.

M. Rémillard: ...le rapport Vincent sera déposé en Chambre, à l'Assemblée nationale, cet après-midi. Puisque le député de Taillon le demande, il sera déposé cet après-midi.

La Présidente (Mme Bleau): D'accord. M. le ministre.

M. Rémillard: Je regrette très sincèrement la fuite qui a pu avoir lieu. De fait, c'est une indélicatesse dans le sens que le gouvernement n'est pas responsable de ces fuites. Vous comprenez que, lorsqu'on reçoit un rapport de cette envergure, il est normal qu'on le fasse étudier par les différents intervenants administratifs du gouvernement, que ce soit au ministère de la Justice ou au Conseil du trésor, qui en ont pris connaissance pour que nous puissions avoir les éléments qui le composent et toute sa problématique. Nous allons le rendre public cet après-midi. On pourra donc en discuter publiquement.

Pour ma part, je suis particulièrement sensible à ce que les juges du Québec puissent avoir des conditions de travail équitables qui leur permettent d'accomplir en toute compétence et dignité le rôle essentiel qu'ils accomplissent pour la société du Québec.

M. Filion: II y avait un deuxième volet à ma question. C'était: Quand allez-vous commencer les négociations? (11 h 45)

M. Rémillard: Le rapport sera étudié par le gouvernement et les différentes instances administratives. Il y a des implications à ce chapitre-là. Vous allez voir que le rapport... Déjà, vous avez appris, par les journaux, un peu les salaires, mais il y a d'autres aspects. Il y a seize grandes recommandations qui sont fartes dans ce rapport. Je veux saluer le travail qu'ont fait M. Jean-Denys Vincent, M. Charles-Albert Poissant et Me René Paquette qui ont accepté ce mandat du gouvernement. C'est un mandat que nous devions confier au comité triennal qui devait être formé par la Loi sur les tribunaux judiciaires. Ils étaient donc en droit de nous faire les recommandations. Ce sont des avis, ce n'est pas un comité qui oblige le gouvernement.

Le résultat de leur expertise n'est pas obligatoire, mais ce sont là des considérations très intéressantes pour le gouvernement qui pourra, ensuite, élaborer sa politique quant aux conditions matérielles des juges.

M. Filion: Le document doit être étudié comme vous le dites, par différentes instances administratives. Vous aviez dit que les négociations commenceraient dès après le dépôt du rapport. Vous ne changez pas d'idée là-dessus?

M. Rémillard: Si ma mémoire est bonne, les juges n'ont pas reçu d'augmentation en 1988. Je le dis sous toute réserve. Le comité devant se prononcer, je crois qu'au départ une discussion peut avoir lieu sur leur salaire de 1988.

M. Filion: Bon, Mme la Présidente, on va suivre ce dossier. Je crois comprendre que vous avez reçu le dossier il y a moins d'un mois.

M. Rémillard: On a l'obligation de le présenter dans les 30 jours.

M. Filion: Dans les 30 jours. D'accord, on va prendre connaissance de cela officiellement.

La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que l'article 3 est adopté?

M. Filion: Non.

La Présidente (Mme Bleau): Non.

M. Filion: J'avais posé une question au ministre. Je vais plutôt faire un commentaire sur la hausse des délais en Cour supérieure. Je voudrais signaler ceci au ministre bien simplement, il m'a dit qu'il était pour demander au juge en chef de lui donner des raisons. Je suis d'accord, ce serait une bonne chose. Savez-vous ce qu'il va vous répondre en partie? Un manque de ressources. Je vous l'ai dit, M. le ministre. Je regardais les derniers crédits que vous avez obtenus dans le dernier budget, il manque de sous de façon absolument criante, chronique, dangereuse et malsaine pour l'administration de la justice au Québec. Il manque de ressources en ce qui a trait aux palais de justice, à la magistrature, à l'administration de la justice pénale et criminelle, de la justice civile. Tout ça commence à montrer des cancers dans différents secteurs. En voilà un!

Vous me répondez: Écoutez, l'interprétation de la charte fait en sorte que ça passe de deux mois à six mois. Mais ça, il ne faut pas l'oublier, c'est après le certificat d'état de cause. Donc tout est absolument réglé, M. le ministre, à ce moment-là, tout est fait, le certificat d'état de cause avec tout ce que ça comprend. Vous vous en souviendrez c'est extrêmement précis. Je ne me souviens pas, il y a des numéros d'articles que j'ai oubliés, mais j'ai vécu le début de ces règles de pratique.

II y a un problème, M. le ministre de la Justice et je vais vous le formuler encore plus simplement. Vous avez de la difficulté à obtenir du Conseil du trésor l'argent qu'il faut pour la justice. Regardez le dernier budget livré par votre collègue, M. le ministre des Finances. Que l'on considère le financement des universités comme un problème, je suis d'accord, mais cela n'aurait pas été la fin du monde qu'on aille chercher une couple de millions de dollars pour l'aide juridique, pour vous permettre d'asseoir vos discours sur l'accessibilité à la justice sur des réalités. Cela n'aurait pas été la fin du monde.

Les magistrats, les juges, les procureurs, les notaires, les gens que nous rencontrons, M. le ministre - vous en rencontrez, vous aussi - nous le confirment: il y a un manque d'oxygène très sérieux dans l'administration de la justice. Je pourrais vous nommer des palais de justice où on est en train d'étouffer et d'écraser. Qui paie pour, en fin de compte? C'est le justiciable qui n'a pas de services, qui est obligé d'attendre ou qui n'a pas de réponse. Et sans compter le cas des détenus au palais de justice de Montréal; il y en a un par jour qui y tombe évanoui, saviez-vous ça? Je ne sais pas si je vous l'ai dit ou si on vous l'a dit, mais un détenu par jour tombe sans connaissance au palais de justice de Montréal, en bas, parce qu'il y a trop de monde. Les gens d'Urgences-santé viennent au palais de justice de Montréal de la même manière qu'ils vont prendre un café chez Dunkin Donuts. Ils reçoivent au moins un appel par jour. Même dans les nouveaux palais de justice, pour ne pas en nommer, on commence à sentir le poids, et ce sont les justiciables qui en paient le coût.

Je vous le dis bien simplement, M. le ministre de la Justice, vous avez de la difficulté à obtenir des sous du Trésor. Mais c'est important. Vos collègues, eux, vont chercher un peu d'argent. Comment se fait il que la justice soit devenue le parent pauvre des institutions au Québec? C'est ce que vous dira le juge en chef de la Cour supérieure, qu'il manque de ressources. Je comprends que ce n'est pas illimité, mais il faut aller en chercher. C'est incroyable à l'aide juridique. C'est incroyable, une erreur comme Provigo, M. le ministre. On prend votre parole quand vous nous dites: II n'y a pas eu de poursuite contre Provigo parce que c'est une erreur humaine. Mais, en même temps, qu'est-ce qu'on a appris? On a appris que 42 avocats avaient 55 000 dossiers à traiter durant l'année et çà, ce n'est pas dans les palais de justice, c'est au ministère de la Justice. C'est un cas qui a été porté à notre connaissance, M. le ministre de la Justice. Vous nous demandez de prendre votre parole. On la prend, votre parole. Provigo, c'est une erreur humaine, mais causée par quoi, par exemple? Il faut se poser la question. On ne peut pas juste dire errare humanum est et ça

finit là. C'est dû à quoi? C'est dû à un manque de personnel. Si on veut que la justice et l'administration de la justice soient au-dessus de tout soupçon, est-ce que les titulaires de l'autorité gouvernementale ne doivent pas prendre les mesures pour que l'administration quotidienne de cette justice sort à l'abri de tout soupçon et, donc, fonctionne d'une façon ordonnée, raisonnable et avec des ressources humaines suffisantes? Je ne demande pas la fin du monde. Vous les connaissez, vos crédits. Avant vous, évidemment, l'ancien ministre de la Justice... Vous n'êtes quand même pas responsable des trois années et demie, mais, depuis que vous êtes là, on manque d'argent. Je vous le dis très simplement, publiquement aussi, sans ambages: On manque de sous. Vous avez de la difficulté avec les Finances et le Trésor, M. le ministre.

Je regarde vos projets de loi. C'est une belle ponte législative, il faut l'admettre. C'est un beau travail effectué par le ministère, par votre équipe, etc., pour arriver avec autant de projets de loi qu'on pourra, je l'espère, étudier au maximum. Mais je regarde les sous, l'argent et il n'y en a pas pour l'administration de la justice. L'argent n'est pas là et cela donne, encore une fois, des choses comme Provigo qui font mal à votre sous-ministre qui a écrit une lettre aux journaux pour essayer de corriger le tir, mais c'est la crédibilité de la justice qui en prend un coup, quand même.

L'aide juridique, cela n'a pas de sens. Je ne sais plus comment vous dire que cela n'a pas de sens. Vous me dites: On va nommer des gens à un comité d'étude, mais on n'en est plus au stade du comité d'étude, M. le ministre. Si cela continue, les bénéficiaires de l'aide sociale ne seront plus admissibles à l'aide juridique. Ce sera une véritable honte pour la justice au Québec si on attend encore, si on fait un autre comité, un autre rapport et une autre rencontre avec le Trésor. Ce sera une honte. Je le dis un peu à la blague, mais est-ce que le ministre attend que les bénéficiaires de l'aide sociale n'aient plus accès à l'aide juridique? On s'en va vers ça si on ne fait pas attention parce qu'on n'a pas rectifié les critères d'admissibilité. Je ne sais plus comment vous le dire, M. le ministre.

SI c'était dans le secteur des hôpitaux, il y aurait des gens devant le parlement. Les universités crient parce qu'elles ont des porte-parole pour crier. Des gens du milieu des affaires, des gens du milieu de l'éducation, des gens du milieu de la recherche crient aussi et ils vont chercher quelques dizaines de millions de votre collègue, le ministre des Finances. Mais ces 300 000 personnes qui auraient normalement accès à l'aide juridique et qui ne l'ont pas n'ont pas de porte-voix pour faire entendre leurs récriminations.

En terminant, Mme la Présidente, je considère que, si on s'interroge véritablement - je retourne un peu à mon point de départ - sur les délais, il y a un problème de manque de ressour- ces. Avec les conversations à bâtons rompus que le ministre a avec tous les intervenants qu'il rencontre dans une semaine ou dans un mois, je suis convaincu qu'il le sait. Je comprends que ce n'est pas illimité, mais je comprends, par exemple, que le rapport de forces entre la Justice, le Trésor et les Finances doit s'exercer. Je me dois de constater que depuis trois ans et demi, ce rapport de forces n'a pas servi les fins de la justice et qu'il doit y avoir un renversement dans l'état des choses non pas pour en arriver à taire pleuvoir des dizaines de millions dans le secteur de la Justice, ce n'est pas possible, mais il y a des besoins absolument criants qui ne souffrent plus de délais. Encore une fois, on a atteint presque le moment où, malheureusement, M. le ministre - je parle de l'aide juridique en particulier, mais on peut prendre d'autres secteurs - c'est presque devenu intolérable.

M. Rémillard: Mme la Présidente, le député de Taillon...

M. Filion: Je m'excuse de cette envolée, Mme la Présidente. En fait, ce n'était pas une envolée. Le ministre a parlé d'accessibilité à la justice trois ou quatre fois pendant nos travaux et je me devais de lui signaler cela le plus brièvement possible.

La Présidente (Mme Bleau): On va lui donner la chance de répliquer, s'il vous plaît.

M. Filion: Oui, oui.

M. Rémillard: Mme la Présidente, au départ, le député de Taillon met le doigt sur un problème réel. Je veux, quand même, situer les choses dans leur réel contexte mais il a mis le doigt sur un problème réel.

Ce que je veux dire, c'est qu'il s'agissait d'abord de mettre de l'ordre dans les finances publiques. En conséquence, pour nous, il y avait un déficit de 3 340 000 000 $ qu'il fallait réduire et notre philosophie quant aux finances publiques est de réduire le déficit, de ne pas surtaxer le citoyen et de garantir une gestion saine. C'est certain, Mme la Présidente, que si l'option est d'augmenter le déficit et d'augmenter les taxes, vous pouvez en régler des choses. Je lisais dans les journaux de ce matin, si j'ai bien compris, que c'est la position du Parti québécois, c'est son option. Mais, pour nous, il est inacceptable d'hypothéquer l'avenir de nos générations futures par une administration financière qui nous amènerait à augmenter le déficit budgétaire et les taxes.

Dans ce cadre-là, tous les ministères ont dû se serrer la ceinture et je peux vous dire que ça n'a pas été facile. J'ai été ministre des Relations internationales, je suis ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, ministre de la Sécurité publique et ministre de la

Justice et je peux vous dire que c'est difficile. Ce n'est pas facile d'aller au Conseil du trésor plaider tous nos dossiers, tous les projets de loi qui sont déposés, tous les projets de loi qui doivent être défendus au Conseil du trésor. Je dois rendre hommage à mon collègue du Conseil du trésor qui fait un travail qui n'est pas facile, un travail très difficile. On est là et on s'affronte. Je ne vous cache pas que, des fois, on a des affrontements coriaces, mais l'optique du gouvernement est de contrôler les dépenses publiques.

En ce qui regarde la justice, on a atteint le fond du baril définitivement. On a une bonne qualité de justice, on peut reconnaître cette qualité.

Le député de Taillon sait que je fais beaucoup de visites. Je visite des palais de justice, des bureaux d'enregistrement, des prisons, des centres de détention. Je me promène sur le terrain, je vois ce qui se passe. Je peux dire que, dans bien des cas, les fonctionnaires du ministère de la Justice, tous les gens qui travaillent dans les palais de justice font un travail remarquable avec les moyens qu'ils ont. On y trouve une bonne qualité de services. J'avais un problème ici au palais de justice à Québec. Je suis allé les visiter, on a regardé ce problème et on a apporté des solutions. J'avais un autre problème, la semaine dernière ou il y a deux semaines dans le Lac-Saint-Jean, dans le Saguenay, j'y suis allé et j'ai aussi réglé des problèmes. On est en train de les régler.

Bref, c'est vrai que des coupures budgétaires ont fait qu'on a dû composer avec une situation qui, dans bien des cas, n'était pas facile, mais, Mme la Présidente, nous sommes en négociation avec le Conseil du trésor sur un plan de redressement, pour un montant considérable. Je travaille avec le Conseil du trésor. Je suis ministre de la Justice depuis un an et, avec mon sous-ministre, M. Chamberland, qui fait un travail remarquable, on s'est assis à la table avec les gens du Conseil du trésor et on a dit: Écoutez, on va vous expliquer notre situation. On va prendre cela cas par cas. Vous voulez qu'on regarde la situation des palais de justice. On va la regarder. On va voir le travail des procureurs de la couronne, on va le regarder. Le travail des juges, on va le regarder. On va voir tout ça systématiquement. J'ai un plan de redressement, un plan de construction pour les centres de détention, un plan pour les palais de justice C'est là, on est au Conseil du trésor et c'est mon rôle comme ministre de démontrer les besoins.

Le député de Taillon mettait le doigt sur des besoins et je suis conscient, comme ministre, de ces besoins. Il ne faut pas les exagérer, mais il y en a. Une équipe de mon ministère et moi-même rencontrons régulièrement mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, président du Conseil du trésor. Le Conseil du trésor dit oui. de fait, à la Justice mais il faut s'asseoir et voir tout ça. On est en train de revoir tout ça. L'accessibilité, la qualité, l'universalité sont des principes qu'on va défendre. Je les ai défendus pour les projets de loi.

Vous avez aussi souligné le nombre de projets de loi qu'on apporte, M. le député de Taillon. Je veux ici rendre hommage aux fonctionnaires. Le ministre est là, oui, pour travailler et essayer d'animer, mais tous ces gens là ont fait un travail tout à fait exceptionnel Les fonctionnaires du ministère de la Justice sont d'une grande qualité. Ils travaillent souvent dans des conditions difficiles et font leur travail remarquablement bien. Tous les projets de loi que nous avons déposés, ne mettent pas en cause de grandes idéologies politiques dans le sens partisan du terme, mais ils s'inspirent et font la promotion d'idéologies que, j'en suis certain, le député de Taillon partage avec moi. Il reste à trouver la meilleure formule pour les appliquer et c'est ce que nous allons faire lorsque nous allons étudier ces projets de loi. Mme la Présidente, je voudrais dire en terminant que nous travaillons avec le Conseil du trésor et que nous allons en arriver, dans les prochains mois, à un plan de développement pour le ministère de la Justice qui va nous permettre d'assurer encore plus cette accessibilité à la justice.

Mme la Présidente, je voudrais ajouter ceci en ce qui regarde les normes d'accès à l'aide juridique. On pourrait bien augmenter l'aide juridique de 170 $ à 200 $ ou 210 $ pour une personne seule mais est-ce qu'on réglerait bien des cas? Je ne suis pas sûr de ça avec les statistiques qu'on me donne.

M. Filion: C'est 300 000.

M. Rémillard: Dans les statistiques, ce n'est pas tout à fait ça. La Commission des services juridiques vient de me fournir un rapport et ce n'est pas si évident. Comme je le disais, il y a des problèmes majeurs aussi en ce qui regarde l'accès à la justice pour le citoyen moyen. Celui qui gagne 170 $, celui qui en gagne 210 $, celui qui en gagne 250 $ ou 300 $, peut-il se payer un procès aujourd'hui? Absolument pas! Il faut absolument qu'on trouve les moyens pour pouvoir aider le citoyen à avoir accès à la justice en fonction des possibilités qu'il a Même si on augmente l'aide juridique à 200 $, 210 $ ou 220 $, si vous voulez, on ne réglera pas ce problème qui est réel. Il faut développer une mentalité d'arbitrage, de médiation, de conciliation, de conférences préparatoires dans un contexte bien particulier. II faut qu'on puisse travailler ensemble. Cela ne veut pas dire que je mets de côté ce qu'on veut faire pour l'aide juridique, mais ce que je veux dire au député de Taillon, c'est qu'il a raison de dire que cela n'a pas d'allure, 170 $ par semaine de salaire brut pour avoir droit à l'aide juridique, cela n'a pas de bon sens. Par contre, cela n'a pas plus de bon sens de voir des citoyens à revenus moyens

incapables de revendiquer leurs droits devant un tribunal parce que c'est rendu que cela coûte trop cher. Ce n'est pas la faute des avocats, ce n'est pas la faute des magistrats; c'est strictement que nous en sommes rendus à cette situation et il faut faire quelque chose.

Mme la Présidente, quand on veut faire un casse-tête, il faut avoir tout à côté, l'image de ce casse-tête. SI c'est un bateau en dessous du pont de Québec ou si c'est une vache dans le pré qui regarde passer le train, il reste quand même que, quand vous cherchez le petit morceau qui va venir compléter votre casse-tête, vous devez savoir si c'est le bout de la cheminée du bateau qui passe en dessous du pont ou si c'est le bout de la queue de la vache qui regarde le train passer. Parce que, si vous ne savez pas cela, si vous n'avez pas l'image à côté, vous risquez de trouver la petite pièce, d'essayer de forcer et de briser tout votre casse-tête.

Quant à moi, Mme la Présidente, ce que je cherche, ce sont des solutions qui seront durables en fonction des réels problèmes qu'on avait. M. le député de Taillon a mis le doigt sur des problèmes. Il a raison, oui. Ce que je lui dis, c'est. Attention, ne courons pas immédiatement aux solutions de facilité, essayons de régler les problèmes à leur racine même, et c'est ce que nous essayons de faire.

La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Peut-on adopter l'article 3?

M. Filion: Vous aimeriez cela, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bleau): J'aimerais passer à l'article 4.

M. Filion: Oui. Cela va.

La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 4, s'il vous plaît.

M. Rémillard: Mme la Présidente, il s'agit de la modification qui précise que deux des nouveaux juges de la Cour supérieure seront nommés à Montréal et que l'autre sera nommé à Chicoutimi.

M. Filion: Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): Adopté. J'appelle l'article 5.

M. Filion: Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 6.

Du Conseil de la magistrature

M. Filion: Adopté. C'est de la technique, cela?

La Présidente (Mme Bleau): Oui.

M. Rémillard: De la technique de concordance.

M. Filion: C'est cela.

La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 7.

M. Filion: Au début, j'avais réagi un peu après avoir lu cela, mais je m'aperçois finalement que c'est une amélioration par rapport à la situation actuelle.

M. Rémillard: Oui, définitivement.

M. Filion: Actuellement, le secrétaire est nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique. D'ailleurs, je pense que c'est M. Barrette qui occupait ce poste-là, sauf erreur, ou qui l'a occupé.

M. Rémillard: II l'a occupé pendant un bout de temps. M. Barrette a été là, oui, et c'est M. le juge Tellier qui est là maintenant par intérim. M. Barrette était là auparavant.

M. Filion: II est là par intérim. L'idée, c'est que: 1° ce sera un juge; 2° on donne un délai de trois ans.

M. Rémillard: Ce sera un mandat de trois ans.

M. Filion: C'est cela, excusez, ce sera un mandat de trois ans, oui. Cela va. Je pense que c'est une bonne chose. Cela va.

La Présidente (Mme Bleau): L'article 7 est-il adopté?

M. Filion: Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 8.

M. Filion: Les serments.

M. Rémillard: C'est de la concordance, Mme la Présidente.

M. Filion: C'est de la concordance. Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 9.

M. Filion: Adopté.

La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que le titre est adopté?

M. Filion: Le titre est aussi bon que dans l'autre projet de loi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bleau): Bien. Le projet de loi 129 est-il adopté?

Des voix: Accordé.

M. Filion: Adopté. Accordé avec dépens.

M. Rémillard: Mme la Présidente, on parle "d'accordé". Je croyais qu'on faisait référence aux violons.

La Présidente (Mme Bleau): Aux violons, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bleau): Cela n'a pas été si mal, M. le ministre.

Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 12 h 5)

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