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(Onze heures quarante-neuf minutes)
Le Président (M. Filion): Je déclare la
séance de la commission des institutions ouverte. Je
répéterai notre mandat d'aujourd'hui, qui est double. Nous
procéderons, d'abord, à des consultations particulières et
tiendrons des auditions publiques sur le projet de loi 140, Loi modifiant la
Charte des droits et libertés de la personne concernant la Commission et
instituant le Tribunal des droits de la personne et, à la suite de nos
consultations, nous procéderons à l'étude
détaillée dudit projet de loi. Je rappellerai que la motion pour
les consultations a été adoptée par notre commission le 12
juin 1989, ce qui explique, évidemment, que les communications n'ont pas
été toujours faciles et aisées pour tenir cette
consultation. Je demanderais à la secrétaire d'annoncer les
remplacements, s'il y a lieu.
La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Filion): Merci. Je fais la lecture rapide
de notre ordre du jour. Nous entendrons, d'abord les représentants de la
Ligue des droits et libertés. Je salue M. MacKen-zie, son
président, et à M. Paradis, son directeur général,
qui ont déjà pris place à la table des invités;
à midi quinze, la Centrale de l'enseignement du Québec; à
15 heures, le Barreau du Québec; à 15 h 45, le groupe Action
travail des femmes; à 16 h 30, SOS Racisme et, à 17 h 15, la
Confédération des syndicats nationaux. En ce qui concerne les
remarques préliminaires, je pense, M. le ministre, que nous
étions convenus, de part et d'autre, que nous pourrions les
escamoter.
M. Rémillard: Si vous me permettez, j'aimerais tout
simplement souhaiter la bienvenue à M. MacKenzie, président, et
M. Paradis, directeur général, représentant le premier
groupe, qui sont avec nous, leur dire qu'il nous fait particulièrement
plaisir de les accueillir et les remercier d'avoir accepté, à si
bref avis, de venir nous faire part de leurs commentaires sur un projet de loi
qui se veut capable d'améliorer encore plus l'accès à la
justice, en ce qui regarde les droits et libertés fondamentales. Nous
sommes bien conscients que nous pouvons améliorer le projet de loi
déposé. Nous avons déjà des amendements, mais Je
suis convaincu qu'avec les témoignages de ces groupes que nous allons
entendre, nous pourrons encore faire un pas de plus. Je veux simplement dire
que tout commentaire qui nous paraîtra capable d'améliorer le
projet de loi, vous pouvez être certains qu'il va être retenu.
Le Président (M. Filion): À mon tour, encore une
fois, j'aimerais remercier les intervenants d'avoir pu réagir à
si court délai. Nous avons été heureux que le ministre se
rende à l'argumentation de l'Opposition pour que nous puissions tenir
ces quelques consultations particulières sur une matière
éminemment importante et cruciale pour l'ensemble des citoyens du
Québec, d'où peut-être encore une fois la chaleur de notre
bienvenue, ce matin, M. MacKenzie et M. Paradis. Alors, sans plus tarder,
j'inviterais nos invités à nous présenter leur point de
vue sur le projet de loi 140.
Auditions Ligue des droits et libertés
M. MacKenzie (Gérald): Je vous remercie, M. le
Président. On voudrait remercier la commission de nous avoir
convoqués, parmi les groupes, à cette simple petite
journée, comme dit l'éditorialiste du journal Le Devoir de
ce matin. Selon nous, la création d'un Tribunal des droits de la
personne est tout à fait fondée et correspond aux attentes de
nombreux organismes qui ont critiqué l'inefficacité et les
entorses aux règles de justice naturelle, dans le traitement des
plaintes de discrimination, de la Commission des droits de la personne du
Québec. Tout en réglant ces problèmes, un Tribunal des
droits de la personne devrait permettre de développer une jurisprudence
favorable, alors que les tribunaux de droit commun font plutôt une
interprétation civiliste et restrictive de la charte
québécoise. De plus, les décisions de ce Tribunal seraient
exécutoires.
La création d'un Tribunal des droits de la personne au
Québec, en permettant de résoudre une ambiguïté
fondamentale dans le mandat actuel de la Commission des droits entre le
rôle de promotion des droits, qui implique un parti pris, et celui de
trancher des litiges, qui implique l'impartialité, pourrait signifier
une amélioration importante dans le traitement des plaintes de
discrimination. De plus, des mesures dans le projet de loi permettent
l'amélioration des procédures de la Commission, entre autres pour
le rôle de l'enquêteur, qui est chargé actuellement de
missions contradictoires. En effet, l'enquêteur fait enquête et est
chargé de faire la médiation entre les parties.
Nos commentaires critiques porteront sur trois aspects qui
représentent, selon nous, des failles importantes dans le projet de loi.
D'abord, l'accessibilité au Tribunal, que nous voudrions la plus large
possible, puis les règles de confidentialité, qui sont pour nous
trop larges et injustifiées, et, enfin, nous avons une
préoccupation majeure en ce qui concerne les garanties
d'indépendance et d'impartialité du Tribunal. Pour étayer
ces trois commentaires, ces trois criti-
ques, j'inviterais André Paradis à poursuivre, et on
pourra préciser...
M. Paradis (André): Pour parler d'abord de la question de
l'accessibilité, le projet de loi prévoit que seuls la Commission
des droits de la personne ou les employeurs à qui le Tribunal a
déjà imposé un programme d'accès à
l'égalité pourront amener des plaintes au Tribunal. Notre point
de vue, c'est que toutes les victimes de discrimination ou tous les organismes
de défense des droits, finalement ceux qui ont un intérêt
suffisant devraient pouvoir apporter une plainte au Tribunal, à
l'exception, bien sûr, des plaintes frivoles qui pourraient être
écartées par ce Tribunal.
Il nous semble de toute façon Illogique que les employeurs qui se
sont vu imposer un programme d'accès à l'égalité
soient les seuls qui puissent avoir un recours pour faire réviser ce
programme devant le Tribunal. Il nous semble que ceux qui sont affectés
par le programme, par exemple, devraient bénéficier du même
droit, soit les 'discriminés", ceux qui sont victimes de discrimination
systémique et ceux qui sont impliqués dans la défense des
victimes de discrimination systémique. Mais, plus
généralement, il nous semble que, sous le principe de la plus
grande accessibilité possible à la justice, il est souhaitable
que l'accès soit élargi. Il nous semble aussi que la perception
de la Commission des droits, dans divers milieux à l'heure actuelle, ne
permet pas de lui donner ce rôle de filtrage presque absolu des plaintes
et de ne pas avoir d'autres voies qui permettent d'amener des plaintes au
Tribunal. Il risque, dans ces conditions, à l'heure actuelle, d'avoir de
nombreux recours devant la Cour supérieure pour contester la
décision de la Commission de ne pas acheminer une plainte au
Tribunal.
Ce sont les principaux arguments qui fondent notre point de vue visant
à réclamer, finalement, que toute personne victime de
discrimination et tout organisme qui s'occupe de la défense des droits
puissent apporter une plainte au Tribunal.
Sur la question des règles de confidentialité, les
articles 92 et 93, ça nous semble des règles injustifiées
dont la portée est très large. Ces règles viennent
remplacer l'article 71 qui, déjà, garantit qu'on peut
protéger l'identité d'un plaignant pendant l'enquête.
D'autre part, dans la charte, l'article 83 interdit les représailles
contre ceux qui participent à une enquête de la Commission. Il
donne à la Commission les moyens d'intervenir auprès d'un
tribunal pour prendre les mesures nécessaires afin de mettre fin
à ces représailles.
Il nous semble que les arguments pour s'opposer à la
portée très large des articles actuels, proposés dans le
projet de loi 140, ont déjà été donnés, pour
l'essentiel, par la Commission d'accès à l'information. Celle-ci
disait qu'il serait plutôt aberrant que l'organisme même qui est
chargé d'appliquer la charte soit soustrait à l'application de la
loi sur l'accès à l'information, qui met en oeuvre des droits
fondamentaux reconnus dans la charte. Ce qui est en jeu, c'est la transparence
des organismes publics, la capacité du public d'exercer la surveillance
la plus complète possible sur la Commission comme sur tout autre
organisme administratif. C'est également la capacité des
organismes de défense des droits d'informer le public des dossiers de
discrimination dont est saisie la Commission.
Les articles de loi, tels que formulés, pourraient amener
à donner une protection même au discriminant, alors que l'article
de loi ne garantit pas la protection du plaignant au-delà de
l'étape de l'enquête, c'est-à-dire lorsqu'il
comparaît devant le Tribunal. Les restrictions concernant les programmes
d'accès à l'égalité nous semblent
particulièrement injustifiables, si on compare à ce qui se passe
au niveau fédéral, par exemple, depuis 1986, depuis la Loi
concernant l'équité en matière d'emploi, où toutes
les données relatives à l'emploi dans des organismes de secteurs
de compétence fédérale doivent être soumises
à la Commission de l'emploi et de l'immigration et, par cette voie,
à la Commission canadienne des droits de la personne. Ces données
sont d'accès public et elles peuvent même être
utilisées pour des recours devant les tribunaux. Je pense que même
la Commission des droits de la personne reconnaît que, dans une large
mesure, les données qui concernent le traitement des cas de
discrimination n'ont pas à être soustraites à la loi
d'accès à l'information. (12 heures)
Nous allons plus loin en disant que, pour les données concernant
l'élaboration ou l'implantation des programmes d'accès à
l'égalité, il n'est pas justifié qu'on les écarte
du regard public, qu'on les rende inaccessibles. Cela veut même dire, tel
que formulé dans le projet de loi, que ces données ne pourraient
pas être utilisées, ne pourraient jamais être
dévoilées à un tribunal. Je pense que la petite phrase qui
dit que les données, les renseignements transmis par et pour la
Commission ne pourraient être utilisés devant un tribunal met
pratiquement à l'abri des poursuites les employeurs sur la base des
données fournies à la Commission concernant les programmes
d'accès à l'égalité.
Tout au plus, ce qu'on serait prêt à envisager, c'est que
la protection donnée par l'article 71 actuel soit étendue aux
témoins dans les procédures relatives aux plaintes de
discrimination. Mais, pour le reste, il nous semble véritablement que
les articles 92 et 93 ne sont pas Justifiés. Peut-être que c'est
vouloir pousser tout à fait au bout la logique des programmes
d'accès à l'égalité sur une base volontaire. Il
faut dire que la Ligue des droits et libertés s'était
opposée à ça et avait demandé que ce soit une
obligation faite aux employeurs de mettre en place des programmes
d'accès à l'égalité, il y a plusieurs
années. On n'est pas en mesure, à
l'heure actuelle, de faire un bilan véritable de l'implantation
des programmes d'accès à l'égalité, mais il nous
semble que ce serait une logique difficile à suivre que celle qui
voudrait qu'on protège du regard public encore davantage qu'on ne
protège maintenant les données fournies par les employeurs. La
question de l'implantation des programmes d'accès à
l'égalité est une question d'intérêt public, et il
me semble que les personnes qui travaillent dans les entreprises doivent
sûrement pouvoir avoir accès à toutes les données
qui concernent la main-d'oeuvre, toutes les données qui ont trait
à la mise en place des programmes d'accès à
l'égalité. Sinon, c'est priver les victimes de discrimination
systémique de la possibilité éventuelle de recours devant
les tribunaux.
L'autre point Important de notre critique concerne les garanties
d'indépendance et d'Impartialité du Tribunal. L'article 23 de la
charte garantit à toute personne le droit à l'audition publique
impartiale de sa cause par un tribunal indépendant. Il nous semble que
le projet de loi ignore pratiquement la réflexion critique qui se
mène depuis plusieurs années sur l'indépendance des
tribunaux administratifs et que le rapport Ouellette, entre autres, a
synthétisée et analysée de façon assez approfondie.
Les membres du Tribunal sont à vacation, excepté le
président, et sont amenés à siéger sur appel du
président. Il y a là le risque de conflit
d'intérêts, d'autant plus que le projet de loi ne fixe pas de
balises à cet égard, c'est-à-dire concernant le cumul de
tâches qui est éthique ou déontologique et ce qui ne l'est
pas compte tenu des fonctions que les membres du Tribunal exerceraient.
Il y a le risque de considérations étrangères aux
principes et règles de justice, aussi, qui est là, lié au
fait que le juge administratif pourra hésiter à rendre une
décision qui déplaît et qui ferait qu'il ne serait pas
appelé souvent à siéger.
SI on ajoute que le mandat est un mandat court, d'au plus trois ans, que
la possibilité d'une préoccupation indue avec le renouvellement
de ce mandat existe aussi et qu'il n'y a pas de procédure de
renouvellement qui existe pour ce tribunal administratif, pas plus que pour
n'importe quel tribunal administratif actuellement, iI y a là aussi une
porte ouverte à l'introduction de considérations qui ne sont pas
liées directement aux principes de justice.
Il nous semble que des procédures et des normes rigoureuses pour
la sélection des candidats et le renouvellement de leur mandat sont une
nécessité. À l'heure actuelle, le projet de loi
prévoit des consultations auprès des différents organismes
- le Barreau, la Commission des droits de la personne, les organismes de
défense des droits - mais il n'y a aucun mécanisme contraignant,
ce qui fait qu'en fin de compte on pourrait se retrouver avec des nominations
politiques ou des nominations de personnes Incompétentes et même
de personnes qui sont opposées aux principes contenus dans la
charte.
Ce ne sont pas des spéculations tout à fait abstraites.
Pas plus loin qu'en 1987, la Ligue des droits et libertés a
participé à la coalition des droits humains à
l'échelle canadienne pour critiquer les nominations politiques aux
tribunaux de la Commission canadienne des droits de la personne. C'était
rendu que le principal critère de nomination était d'avoir
été un bon militant du Parti conservateur. Ce ne sont pas des
spéculations tout à fait abstraites quand on sait que dans
certaines commissions des droits il y a déjà eu des commissaires
qui étaient opposés à certains principes contenus dans la
charte concernant, par exemple, les programmes d'accès à
l'égalité.
Il y a donc dans le mode de nomination la nature du mandat,
c'est-à-dire à vacation, le fait que les juges ne sont pas tenus
à une règle d'exclusivité, c'est-à-dire qu'ils ne
travailleront pas uniquement pour ce Tribunal des droits de la personne, le
fait que le renouvellement de leur mandat est laissé tout à fait
à l'arbitraire, il y a là effectivement des possibilités
d'atteinte à l'indépendance et à l'Impartialité de
ce Tribunal. Si les juges administratifs de ce Tribunal ne sont pas
indépendants et impartiaux, le Tribunal ne peut pas l'être.
À cet égard, on recommande que le projet de loi soit
modifié pour que les membres qui y sont nommés le soient à
temps plein et qu'il y ait une règle d'exclusivité, qu'ils
s'occupent exclusivement des devoirs de leurs fonctions; que le mandat soit
à tout le moins un mandat de cinq ans et possiblement plus long
jusqu'à sept ans; que la nomination des membres du Tribunal soit faite
par l'Assemblée nationale, de la même façon que sont
nommés les commissaires à l'heure actuelle; qu'il y ait des
procédures de nomination et des normes plus rigoureuses de
sélection. On serait tout à fait d'accord avec le genre de
proposition mise de l'avant dans le rapport Ouellette, de la création,
par exemple, d'un comité de sélection avec les normes habituelles
de connaissances, de capacité, de jugement, d'intégrité,
etc. Aussi, il faut absolument retrouver parmi ces critères de
nomination le critère de l'implication reconnue dans l'avancement des
droits et libertés.
Si une des raisons de créer ce Tribunal, au-delà de
résoudre les contradictions structurelles de la Commission des droits de
la personne, est de développer une jurisprudence favorable, il nous
semble que les personnes qui doivent composer ce Tribunal doivent être
des personnes en mesure de faire une interprétation libérale de
la charte, comme d'ailleurs le souhaitent les instances juridiques les plus
élevées, c'est-à-dire une interprétation
libérale des chartes.
Il nous semble tout à fait approprié de ramener ici cette
réflexion critique sur les tribunaux administratifs que le rapport
Ouellette, le comité de travail sur les tribunaux administratifs, avait
mis à jour il n'y a pas tellement longtemps. On a presque eu envie
finalement de
déposer ici comme document le rapport du comité de travail
sur les tribunaux administratifs. Comme le disait le rapport - je veux juste
faire une petite citation et terminer rapidement ensuite - depuis une vingtaine
d'années au moins des personnes expérimentées ont
réclamé une réforme en profondeur, un remaniement de notre
système de droit administratif. Le Barreau du Québec disait dans
son mémoire au comité Ouellette: "Nous croyons qu'une telle
réforme a plus de chance de réussir si elle s'effectue de
façon graduelle." Nous autres, on poserait la question: Pourquoi ne pas
commencer avec le Tribunal des droits de la personne?
Enfin, une dernière question - c'est vraiment une question - on
s'interroge sur les limites données à la juridiction du Tribunal.
On serait tentés de dire que le Tribunal devrait s'occuper de toutes les
questions de discrimination. Je sais qu'il y a tout un débat
constitutionnel sur l'attribution des compétences à un tribunal
de cette nature. Malheureusement, on n'a pas pu amener les juristes qui nous
ont servi de conseillers dans ce dossier à cause des délais
très courts. Mais de petites recherches ont été fartes de
notre côté aussi et il nous semble que le fait que les
décisions du Tribunal des droits de la personne soient soumises de toute
façon à la possibilité d'appel en Cour d'appel permettrait
que le Tribunal des droits de la personne puisse s'occuper de tous les cas de
discrimination. Voilà pour l'essentiel. Je me ferai un plaisir
peut-être de compléter lors des questions et commentaires.
Le Président (M. Filion): Je remercie M. MacKenzie et M.
Paradis. Je donne la parole à M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: D'abord, M. le Président, je tiens
à remercier la Ligue des droits et libertés pour sa
présentation. M. MacKenzie et M. Paradis, vous venez de nous faire une
présentation d'une façon particulièrement claire, qui
m'apporte beaucoup d'éléments de réflexion, je dois vous
le dire. Nous recherchons tous ici les mêmes objectifs, les mêmes
buts.
Nous avons pensé à ce Tribunal, si je prends tout d'abord
cette critique, que nous proposons dans la loi en fonction de
différentes considérations. Tout d'abord, nous voulons qu'il y
ait un accès le plus complet possible à ce Tribunal et, d'une
façon générale, un accès le plus complet possible
à la sanction, si vous voulez, de toute atteinte en matière de
discrimination, en matière d'égalité.
Dans ce cadre-là, on a dit: La Commission est là et la
Commission va faire enquête lorsqu'une plainte est portée à
la Commission. La Commission analyse cette plainte, voit si elle est frivole,
si elle est réelle et, si elle est réelle, si elle prend fait et
cause pour cette personne qui porte plainte, elle pourra proposer... Il y aura
peut-être aussi de la médiation, de la conciliation possible,
comme la Commission peut le faire, mais, si tout cela ne fonctionne pas, elle
pourra proposer un système d'arbitrage. On a pensé à
l'arbitrage parce qu'on a dit. Cela nous permet d'offrir des
spécialistes dans certains domaines, cela nous permet d'offrir un moyen
encore plus rapide et de développer cette accessibilité. Il y
aurait donc une liste de spécialistes, une liste de personnes qui ont
démontré leur intérêt pour les droits fondamentaux
et, parmi ces personnes qu'on propose comme arbitres, les parties pourraient
choisir un arbitre. Mais cela est facultatif. Si l'une des parties dit: Moi, de
l'arbitrage, je n'en veux pas. À ce moment-là, reste le Tribunal.
Mais il y a toujours ce couloir, par la Commission, pour aller au Tribunal. Si
la Commission décide de ne pas aller au Tribunal, selon l'actuel projet
de loi, on n'irait pas. Vous, vous dites: II faut ouvrir cela beaucoup plus
grand et une personne qui a une plainte qui n'est pas frivole pourrait aller
devant le Tribunal. Moi, je vais vous dire que je trouve votre argumentation
intéressante et on l'avait en tête. On va y
réfléchir très sérieusement avec toutes les
modalités administratives que cela peut vouloir signifier. Mais dans ce
cas-là, si on fait cela, II faudra bien comprendre qu'à ce
moment-là la Commission ne prendrait pas fait et cause pour la personne,
c'est-à-dire que l'avantage d'aller au Tribunal avec la Commission,
c'est que vous n'avez pas à payer des frais judiciaires ou d'avocats.
Tout est payé par la Commission; c'est la Commission qui vous
amène au Tribunal.
Si la Commission dit. Écoutez, nous avons regardé cette
plainte-là et on trouve qu'il n'y a pas de raison d'aller au Tribunal
avec cette plainte-là, on pourrait dire à ce moment-là:
Très bien, les personnes qui veulent y aller, peuvent y aller quand
même, mais à leurs frais. Et là il faut qu'elles s'engagent
un avocat, il faut qu'elles fassent d'autres déboursés qu'il
pourrait y avoir, mais ce serait à leurs frais. Cela serait
peut-être un premier point sur lequel on pourra réfléchir
et voir les avantages et les inconvénients des deux
côtés.
En ce qui regarde l'indépendance de ce Tribunal, vous avez raison
de souligner qu'il faut que ce Tribunal soit le plus indépendant
possible. Ce n'est pas un tribunal administratif parce que ce n'est pas un
tribunal qui juge de certains cas mettant en cause les administrés avec
l'administration. Ce n'est pas un tribunal administratif parce que cela porte
sur des cas qui mettent en cause des citoyens entre eux. Mais iI faut qu'il y
ait la plus grande indépendance possible. C'est pour cela qu'on a
demandé, qu'on a fait en sorte dans le projet de loi que ce soit un juge
de la Cour du Québec. Le juge est indépendant, il est là
et préside le Tribunal. (12 h 15)
Quant aux autres membres du Tribunal, vous suggérez que ce soient
des membres nommés à temps plein. Là encore, c'est
certainement une idée intéressante. Le problème est de
savoir
combien on aura de causes au début. Est-ce qu'on en aura assez
pour occuper les personnes? Il faut absolument que ce soit un banc de trois
personnes. Est-ce qu'on est capables de créer un Tribunal des droits
avec un nombre suffisant de causes pour occuper ces gens? C'est la question
qu'il faut se poser.
C'est comme ça qu'on en est venus à penser à
l'expertise qu'on devrait avoir à ce genre de Tribunal. Il est
intéressant d'avoir à un tribunal comme ça une expertise
particulière. C'est comme ça qu'on en est venus à penser
que si on a des arbitres qui sont des gens sensibles au respect des droits et
libertés, nommés selon un processus... Je vais y revenir tout
à l'heure. Je pourrais en parler tout de suite. La nomination de ces
arbitres pourrait se faire en fonction d'un processus plus serré, en
fonction de critères de sélection très précis. On
pourrait le faire. Ces arbitres qui seraient aussi membres du Tribunal nous
permettraient, d'une part, de nous ajuster quant au nombre de causes qu'on peut
avoir et, d'autre part, d'avoir accès à un bassin d'expertise
important. C'est le but qui est derrière ça. Est-ce qu'on y
gagnerait à avoir trois - il faut en mettre un peu plus parce que ce
sont des bancs de trois - quatre ou cinq personnes à temps plein pour
former le Tribunal? Est-ce qu'on est capables de faire ça? Il faut
l'évaluer correctement. Est-ce que, si on change les méthodes de
nomination des arbitres, qu'on le fait en fonction de normes très
précises, avec un jury de sélection qui choisirait ces arbitres,
et que ces arbitres formeraient le Tribunal à la demande du
président qui formerait des bancs... Même si ces arbitres ne sont
pas à temps plein, ne gagnerait-on pas - je vous le demande en toute
sincérité - d'une part, à avoir des gens
Indépendants par la sélection qu'on mettrait en place et, d'autre
part, à avoir leur expertise, à pouvoir nous ajuster au fur et
à mesure qu'on va progresser dans l'existence de ce Tribunal sur le
nombre de cas?
Voilà, si vous voulez, le tableau. J'aimerais avoir votre
réaction sur ce que je viens de vous proposer, entre autres sur la
nomination.
M. Paradis (André): Sur la question des membres à
temps plein ou permanents, il nous semble qu'il y aurait suffisamment de cas
pour les occuper. Je regarde des instances comme la Commission d'accès
à l'information qui s'occupe de choses différentes, mais
où il y a trois membres à temps plein qui occupent exclusivement
cette fonction. L'année passée, ils ont reçu 216 demandes
et rendu 136 décisions motivées. Cela semble les avoir tenus
occupés vraiment toute l'année. La création même du
Tribunal signifierait sans doute que davantage de personnes pourraient s'y
adresser.
Il n'y a pas de doute que devant les lenteurs actuelles des
procédures de la Commission - ce n'est pas un cas unique, c'est la
même chose à la Commission canadienne - il y a des gens qui
décident de ne pas porter plainte pour discrimination. Ils savent fort
bien que, s'ils vont devant dans des tribunaux de droit commun dans les cas de
discrimination, Us ont peu de chance d'être entendus favorablement. Il me
semble que cette considération est aussi à retenir. Concernant la
question...
M. Rémillard: Me permettez-vous, M. Paradis, de vous poser
une question?
M. Paradis (André): Oui.
M. Rémillard: Je veux vraiment saisir votre pensée.
Je veux simplement vous dire ceci. Le choix qu'on aurait à faire serait
de dire: On a un président qui est un juge de la Cour du Québec
et un vice-président juriste. On forme des bancs - il faut que ce soit
des bancs de trois - à partir d'une liste de personnes qui servent aussi
d'arbitres et qui sont choisies par un comité de sélection
complètement indépendant, complètement à
l'extérieur du gouvernement, comme on choisit maintenant les juges de la
Cour du Québec, ou par une prodédure semblable. Je veux vous
entendre là-dessus. Il faut bien comprendre les enjeux qu'on a. Le
système qu'on pourrait envisager avec ce bassin de personnes qui
seraient aussi des arbitres, c'est l'expertise qu'on peut aller chercher, c'est
aussi la mobilité. Vous savez, si on avait 50 causes dans une
année, c'est ce qu'on me dit à la Commission, ce serait un
maximum. Est-ce que ce plan ne pourrait pas être Intéressant face
à l'autre solution qu'on peut envisager, que vous semblez nous exposer,
qui est celle de nommer trois juges permanents? On se prive d'une expertise
à ce moment-là. On a un juge et deux autres membres du Tribunal
qui sont permanents, qui entendent toutes les causes, mais c'est figé
à ce niveau. Ce que j'essaie de voir, c'est ce qui serait le mieux pour
que les droits soient reconnus. On cherche juste ça. Quand vous faites
la comparaison avec la Commission d'accès, 8 faut faire attention, c'est
un tribunal administratif ayant un bassin de causes complètement
différentes de celles du Tribunal.
M. Paradis (André): Mais il y a toutes sortes de tribunaux
administratifs. Il y en a une panoplie très très longue et il y a
eu une discussion assez longue, je dirais, sur ce qu'est un tribunal
administratif et ce qu'il n'est pas.
Par quelle loi va être régi le Tribunal qui sera
créé? Est-ce que c'est une "Court of Justice" ou si c'est un
Tribunal"?
M. Rémillard: Si vous me le permettez, ce sur quoi je
voudrais vous entendre, voulez-vous nous dire ce que vous
suggérez...
M. Paradis (André): Oui, j'arrive à votre question.
Il me semble, en tout cas, que la compétence, l'impartialité et
l'indépendance des
membres de ce Tribunal sont mieux garanties par des membres permanents
qui s'occupent exclusivement de leur fonction. Pour ce qui est du volume de
travail, je n'ai pas de doute que quatre ou cinq juges à temps plein
dans ce Tribunal seraient occupés complètement. Il y a beaucoup
moins de possibilités de conflits d'intérêts. Tout ce que
j'ai expliqué précédemment, c'est-à-dire qu'il n'y
a pas de cumul de tâches... Les membres du Tribunal, à moins qu'il
ne soient occupés à temps plein, vont devoir travailler ailleurs.
Si ce sont des gens qui sont reconnus pour leur compétence ou leur
implication dans les droits et libertés, ils risquent de se retrouver
dans des dossiers similaires lorsqu'ils accompliront leur autre travail. Il y a
là un risque de conflit. Il y a le fait qu'ils seront, d'une certaine
façon, soumis davantage au bon vouloir où à la perception
que le président du Tribunal aura d'eux, alors que des membres
permanents ne siègent pas sur appel du président.
M. Rémillard: M. Paradis, simplement là-dessus, sur
les conflits d'intérêts, vous savez qu'il est toujours possible,
avec un code de déontologie, avec des règles très
serrées concernant les conflits d'intérêts...
M. Paradis (André): II n'y en a pas dans le projet de loi.
Il n'y a aucune balise concernant par exemple... Il n'y en a pas dans ce projet
de loi, il n'y en a aucune pour les tribunaux administratifs du Québec,
il n'y a aucune balise concernant les conflits d'intérêts
possibles, le cumul des charges, quelles charges sont permises et lesquelles ne
le sont pas. À ma connaissance dans le projet de loi, je ne vois pas
de...
M. Rémillard: Oui, à l'article 106, à la
page 14du projet de loi.
M. Paradis (André): Oui.
M. Rémillard: C'est l'article 106 de l'article 15 du
projet de loi qui se lit comme suit: "Le président s'occupe
exclusivement des devoirs de ses fonctions" et, entre autres, au
troisième paragraphe "édicter un code de déontologie et
veiller à son respect". Peut-être que ça vous avait
échappé.
M. Paradis (André): Oui, ça m'avait
échappé, effectivement.
M. Rémillard: Vous savez que c'est un point important.
L'évaluation que je vous demande, c'est important que vous me la
donniez. Je veux vraiment que vous compreniez que nous voulons prendre en
considération ce que vous nous dites, ce matin. C'est très
important pour nous, pour essayer de faire le projet le mieux possible, mais je
veux vraiment que vous donniez votre opinion en prenant en considération
les deux aspects.
Vous me dites: On aime mieux des gens permanents à un tribunal,
et on veut que ces gens là ne fassent que ça. Je veux bien
prendre ce que vous me dites en considération, mais je voudrais
simplement vous dire qu'on se prive, à ce moment, d'une expertise
Importante. Si votre crainte concerne simplement des questions de conflits
d'Intérêts... Je vous donne un exemple. Il y a des juges
municipaux qui sont avocats et qui continuent leur pratique d'avocat, et il y a
des règles de déontologie très sévères en ce
qui regarde les conflits d'intérêts. C'est dans la loi ou dans les
normes établies par règlement, et on peut éliminer les
conflits d'intérêts. Je voudrais tout simplement vous dire, M.
Paradis, qu'il ne faudrait peut-être pas éliminer pour nous la
possibilité d'une expertise que je trouve importante dans le domaine des
droits et des libertés pour la simple question du conflit
d'intérêts, si on peut régler cette question de conflit
d'intérêts.
M. Paradis (André): En tout cas, même avec un code
de déontologie, il nous semble qu'il y a beaucoup moins de place
à l'introduction de considérations autres que celle des principes
de justice, si ce sont des membres qui se consacrent à temps plein et de
façon exclusive à leur travail, comme à ce Tribunal.
M. MacKenzie: Quant au nombre de causes, évidemment, il ne
faut pas oublier qu'on aimerait bien que d'autres personnes que la Commission
puissent s'adresser au Tribunal.
M. Rémillard: M. MacKenzle, je peux vous dire que si vous
avez une oreille attentive, moi, j'en ai deux.
M. MacKenzle: En tout cas, c'est sûr que si la Commission
fait le couloir et, comme vous le disiez tout à l'heure, filtre ce qui
est frivole et ce qui ne l'est pas, ça va peut-être réduire
le nombre de causes. Mais, si les citoyens et les citoyennes ont le moyen de
s'adresser directement au Tribunal, vous pouvez être certain que...
M. Rémillard: Vous êtes conscient que ça
serait à leurs frais, à ce moment?
M. Paradis (André): Oui.
M. MacKenzie: C'est toujours à nos frais, en
général, à moins de... Comme vous le disiez, iI faut que
les citoyens y aient accès. J'imagine que vous allez aussi prendre
d'autres mesures sur le plan de la justice qui feront que les citoyens auront
plus accès aux tribunaux en général par l'aide juridique.
En fait, on s'entend là-dessus, vous êtes disposé à
rendre plus accessible l'ensemble de la Justice. C'est dommage que ce soit tout
le temps à nos frais, mais on espère que ça va être
ajusté aussi de ce côté.
M. Rémillard: Oui, vous avez raison. C'est ce qu'on va
faire d'ailleurs. Maintenant, Je veux vous dire aussi que dans le projet de loi
on prévoit même des possibilités de récusation. Il y
a des règles pour qu'un membre du Tribunal puisse se récuser. Je
comprends bien qu'entre un Tribunal qui comprendrait un juge à temps
plein, membre de la Cour du Québec, et d'autres membres qui ne seraient
pas à temps plein, et la possibilité que ces autres membres
viennent d'un groupe de personnes nommées par un comité et qui
sont des arbitres, vous préférez avoir trois membres permanents
au Tribunal.
M. Paradis (André): Trois, quatre ou cinq, selon les
besoins.
M. Rémillard: Bien sûr qu'on pourrait en mettre une
douzaine, mais il faut voir les besoins.
M. Paradis (André): Selon les besoins. On peut commencer
avec trois, mais l'expérience montrera le volume de travail que ce
Tribunal aura à assumer. Cela nous semble préférable, oui,
pour autant, comme vous le disiez tout à l'heure, qu'il y ait une
procédure et des normes rigoureuses de sélection de ceux qui
seraient nommés à ce Tribunal, parce que tout se tient
là-dedans.
M. Rémillard: SI vous me le permettez, sur cette question,
je crois qu'il y a eu une suggestion - je ne sais pas si ça provient de
la Ligue - à savoir qu'ils devraient être nommés par
l'Assemblée nationale, il faut bien comprendre que les gens de la
Commission peuvent être nommés par l'Assemblée nationale,
mais il faut comprendre le rôle de la Commission. La Commission doit
même critiquer le gouvernement. Elle est complètement
indépendante parce qu'elle critique le gouvernement. Cela s'est
déjà vu, on s'en souvient, et ça se verra encore,
probablement; c'est son rôle de le faire. En ce qui regarde les membres
de ce Tribunal, il s'agit de juger des cas qui impliquent les citoyens entre
eux et les règles devraient être les mêmes que pour nommer
des juges. Or, les juges ne sont pas nommés par l'Assemblée
nationale. Ils sont nommés par un comité de sélection avec
des normes bien précises de sélection complètement en
dehors de l'action du gouvernement. (12 h 30)
M. Paradis (André): II nous semble que c'est aussi
marquer, en plus du fait que dans le projet de loi actuel il n'y a pas de
critères ni de mesures rigoureuses de sélection... C'était
une façon, à tout le moins peut-être plus acceptable, de
pallier ça que les membres soient nommés par l'Assemblée
nationale, ce qui implique finalement les deux tiers de l'Assemblée
nationale. C'était une façon de pallier ça et, d'autre
part, il me semble que c'est marquer un peu la valeur qu'on accorde à
l'application de l'article qui est la pierre angulaire dé la charte
québécoise, l'arti- cle 10.
Le Président (M. Filion): Ça va? Je voudrais vous
remercier de la précision de vos commentaires. Vous savez, finalement,
les faits saillants de vos représentations écrites et verbales
rejoignent en bonne partie les points forts des critiques qui ont
été faites à l'égard du projet de loi 140. D'abord,
en ce qui concerne l'accessibilité trop limitée, je n'y
reviendrai pas. Je pense que le ministre de la Justice vient peut-être de
nous mettre l'eau à la bouche en ce qui concerne les amendements qui
pourront être déposés à la suite de cette
consultation, de même qu'en ce qui concerne les mesures d'accès
à l'information que nous aurons l'occasion de débattre amplement
et, finalement, en ce qui concerne la nécessaire indépendance ou
impartialité des membres de ce Tribunal.
D'abord, en ce qui concerne le volume de causes, je pense que vous avez
tout à fait raison de signaler que le volume de causes peut être
de 50 si on prévoit que ça passe par la Commission. Mais,
à partir du moment où l'accessibilité est plus grande, on
peut concevoir que, les citoyens pouvant s'y adresser directement, ce volume de
causes peut être plus important que ce qui a d'abord été
envisagé.
Deuxièmement, et c'est là-dessus que j'aimerais
peut-être que vous réagissiez, le ministre nous mentionne le code
de déontologie, les procédures de sélection, etc., mais
devant le Tribunal des droits de la personne, s'il y a un endroit où
l'on ne doit pas retrouver des interrogations sur les conflits
d'intérêts possibles, par définition, c'est bien
celui-là. Je veux bien qu'il y ait une procédure de
récusation, mais, entre vous et moi, imaginons un débat devant le
Tribunal des droits de la personne où le début du débat
est occupé par une procédure de récusation. Ça
vient en quelque sorte entacher un petit peu l'ensemble des activités du
Tribunal.
Surtout en ce qui concerne le volume de causes, on a acquis au fil des
années un certain nombre de statistiques sur les activités de la
Commission des droits de la personne et sur le nombre de causes qui
étaient portées devant les tribunaux de droit commun de
façon générale, mais tout ce volume tenait compte de la
structure actuelle qui était peu invitante. Il faut quand même se
le rappeler. C'est une des conclusions de la commission que j'ai eu l'honneur
de présider. Est-ce que vous êtes d'avis, finalement, qu'à
partir d'une réforme qui reprendrait les grands principes contenus dans
le projet de loi 140, en y ajoutant évidemment les amendements qui
pourront être apportés en commission, on pourrait prévoir
qu'à ce moment-là toute la procédure d'application de la
Charte des droits sera en quelque sorte plus invitante, entre guillemets, plus
accessible de façon générale, c'est-à-dire mieux
connue, mieux accessible et qu'à ce moment-là on peut, d'ores et
déjà,
prévoir que le volume des causes pourrait être plus
important que ce qu'on prévoit aujourd'hui?
M. Paradis (André): En tout cas, vous soulevez une
question Importante, c'est-à-dire que ce Tribunal doit Jouir, dès
le point de départ, de la crédibilité la plus
complète qui soit. Il faut donc prendre toutes les mesures pour assurer
non seulement l'impartialité, l'indépendance des juges et du
Tribunal, mais aussi l'apparence d'impartialité et, si on crée un
Tribunal des droits de la personne, c'est pour pallier un manque qui existe
à l'heure actuelle et solutionner des problèmes très
importants. Il faut que le Tribunal, dès le départ, ait la plus
grande crédibilité qui soit.
Alors, le mode de constitution de ce Tribunal, le choix de ses membres,
leur mandat, leur statut doivent être irréprochables à tous
égards et cela Implique un ensemble de mesures, une sélection
rigoureuse par une autorité indépendante, etc. Cela implique des
membres qui exercent exclusivement les fonctions de leur charge, cela implique
aussi tout ce qu'on disait précédemment.
Le Président (M. Filion): D'accord. Une dernière
question. J'aimerais beaucoup avoir votre opinion là-dessus. Je suis
peut-être en conflit d'intérêts, mais la présence de
non-juristes m'a frappé. Bien qu'étant membre du Barreau et ayant
une formation juridique, il ne m'est jamais arrivé dans le passé
d'embarquer dans cette espèce de galère où ça prend
des avocats partout. Au contraire, c'est peut-être la première
fois où j'ai l'occasion de signaler qu'à mon point de vue il
faudrait avoir une formation Juridique. Mais, pour être bien sûr
que mon point de vue est tout à fait impartial, j'aimerais beaucoup
avoir le vôtre à ce sujet. Dans votre communiqué, vous n'en
parlez pas, sauf erreur. Est-ce que vous croyez que la formation juridique est
nécessaire comme qualité, et quand je dis qualité je veux
dire comme caractéristique, pour faire partie de ce Tribunal?
M. Paradis (André): Bien, on va peut-être vous
décevoir un petit peu...
Le Président (M. Filion): Non. Soyez sans crainte.
M. Paradis (André): ...dans le sens que s'il nous
paraît important que le président du Tribunal et, sans doute, le
vice-président aient une formation juridique, il nous parait aussi
Important que ce Tribunal ne soit pas formé juste d'avocats. Si on veut
finalement une procédure souple et accessible, il faut
déjudiciariser, dans la mesure du possible, le Tribunal. Alors, il nous
semble que des personnes qui sont impliquées depuis de nombreuses
années dans des luttes pour l'avancement des droits développent
une grande expertise. C'est sûr que la dimension juridique des droits et
libertés est tout à fait essentielle, mais les droits et
libertés, ce n'est pas d'abord et avant tout une question de droit.
Le Président (M. Filion): Cela ne me déçoit
pas, parce que J'ai posé la question, donc, votre réponse ne
risquait pas de me décevoir. Est-ce que d'autres membres de la
commission voudraient intervenir?
Mme Bleau: Moi, j'aurais une question à poser.
Le Président (M. Filion): Oui
Mme Bleau: Comment arriver à la négociation d'un
règlement si la Commission doit taire l'identité de la victime,
comme l'article 71 actuel le permet et comme la loi sur l'accès le
permettrait?
M. Paradis (André): Je n'ai pas compris votre question.
Excusez-moi.
Mme Bleau: Comment arriver à la négociation d'un
règlement si la Commission doit taire l'identité de la victime,
comme l'article 71 actuel le permet et comme la loi sur l'accès le
permettrait?
M. Paradis (André): Comment en arriver à un
règlement?
Mme Bleau: À la négociation d'un règlement,
si on doit taire l'identité de la victime?
M. Paradis (André): Bien, Je suppose qu'il s'agit de taire
aux yeux de tierces parties. Ça ne peut pas être pour la personne
qui est mise en cause ni pour la Commission. Si une plainte est portée
contre, je ne sais pas, M. X, cette personne doit connaître
l'identité du plaignant. Je pense que la portée de l'article 71
n'est pas de taire l'identité à la personne mise en cause, mais
à d'autres personnes qui pourraient vouloir avoir accès à
ces informations.
Mme Bleau: Alors, ça veut dire que, dans les médias
et tout ça, il faudrait taire l'identité de tout ce qui est en
dehors de la cour?
M. Paradis (André): Comme on l'a dit tout à
l'heure, la portée actuelle des articles 92 et 93 qui viennent remplacer
l'article 71 est très large et ces mesures sont largement
injustifiées. D'ailleurs, même la Commission s'oppose à ce
que, ou, en tout cas, n'est pas d'accord que, dans le traitement des plaintes
de discrimination, il y ait des règles aussi larges. Nous, nous
considérons la même chose dans le cas des programmes
d'accès à légalité. On trouve ça
inacceptable, vraiment inacceptable, cette mesure. C'est avec raison que la
Fédération des femmes du Québec et beaucoup d'organismes
qui sont
tout à fait concernés par l'Implantation de programmes
d'accès à l'égalité ont dénoncé cette
mesure et s'y opposent de façon absolue.
Le Président (M. Filion): Une dernière question. On
sait que le projet de loi prévoit une procédure d'arbitrage.
Est-ce que vous réagissez positivement ou négativement au fait
que cette procédure d'arbitrage ne portera pas uniquement sur le quantum
d'un correctif qui pourrait être apporté à une situation
discriminatoire, mais portera également sur l'interprétation des
droits et leur portée? À ce moment-là, peut-être que
cela risque de créer une jurisprudence arbitrale qui, par
définition, est beaucoup moins précise, serrée qu'une
Jurisprudence où l'interprétation des droits est laissée
à un tribunal? Est-ce que ça vous a effleuré?
M. Paradis (André): Je ne voudrais pas, encore une fois,
sembler ignorer le contenu du projet de loi, mais une façon de
solutionner ce problème, éventuellement, serait que les
règlements d'arbitrage soient aussi supervisés par des
commissaires.
Le Président (M. Filion): C'est un point important.
M. Rémillard: Je pense que c'est un point important que le
président souligne. L'idée de l'arbitrage est là pour
essayer de rendre encore plus accessible la justice pour qu'on puisse
procéder le plus rapidement possible, en garantissant quand même
toutes les conditions pour avoir une audition impartiale. Si on dit qu'il y a
un droit d'appel au Tribunal ensuite, on vient de bloquer ça; ça
ne donne absolument rien.
Il faut bien comprendre que l'arbitrage se fait avec la volonté
des deux parties. On l'offre au deux parties et on dit. Si vous voulez, voici
une liste d'arbitres qui sont nommés par le gouvernement, par un
comité de sélection complètement indépendant -
comme pour les juges, on pourrait penser à quelque chose comme
ça. Ils sont là, à votre disposition. Il y a des experts,
des gens qui s'y connaissent dans différents domaines et, si vous
voulez, vous pouvez avoir affaire à ces gens-là. Imaginez-vous
que, si on dit que ces gens vont rendre leur arbitrage et qu'ensuite on peut en
appeler au Tribunal comme tel, on n'améliore pas notre affaire. On
complique ça et j'aime autant laisser tomber la possibilité
d'arbitrage. Mais si, à l'arbitrage, les gens s'entendent et disent que
l'arbitre doit rendre son point de vue et qu'on le respectera, ça c'est
une chose.
M. Paradis (André): Disons qu'il y a une chose qui n'a pas
été beaucoup mentionnée dans le débat, c'est qu'on
est d'accord en général, on l'a toujours été, avec
le fait que, dans le domaine des droits de la personne, dans les questions de
discrimination, on cherche autant que possible à régler les
différends par entente entre les parties, par médiation et,
éventuellement, par arbitrage. On trouve qu'il est essentiel que
ça se fasse de cette façon, mais il est sûr que ce n'est
pas suffisant. Il y a des cas où la seule façon de mettre
à raison des personnes qui exercent une discrimination, c'est de les
amener devant un tribunal. Il me semble qu'avec la création de ce
Tribunal il y en aura sans doute davantage qui vont y être
amenées.
Le Président (M. Filion): M. MacKenzie, M. Paradis, je
vous remercie de vous être déplacés à si bref avis
pour nous faire part de vos commentaires qui sauront, sans aucun doute,
enrichir les discussions qui auront lieu lors de l'étude
détaillée du projet de loi, c'est-à-dire après la
consultation.
M. Paradis (André): Merci. M. MacKenzie: Merci.
M. Rémillard: J'aimerais aussi vous remercier et vous dire
que vous n'êtes pas venus ici pour rien. On prendra en très bonne
considération ce que vous nous avez dit. C'était important pour
nous de vous entendre. On vous remercie d'être venus.
M. MacKenzie: Merci bien. (12 h 45)
Le Président (M. Filion): Sans plus tarder, je vols les
représentants de la CEQ qui sont déjà avec nous depuis
quelques minutes, je les invite à prendre place à la table des
invités.
M. Johnston, bienvenue. Je vous demanderais peut-être tout d'abord
de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et qui
représentent avec vous la Centrale de l'enseignement du Québec,
et également de nous faire part, par la suite, du contenu de vos
commentaires sur le projet de loi 140.
CEQ
M. Johnston (Raymond): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, à ma droite, M. Jean Marcel Lapierre,
employé-conseil à la Centrale, attaché à notre
service juridique; à ma gauche, Nicole Desève, également
employée-conseil à la CEQ, plus spécifiquement
attachée aux programmes d'accès à
l'égalité.
Je vais faire une présentation relativement brève de notre
position qui vous a été communiquée dans les grandes
lignes, M. le ministre et M. le porte-parole de l'Opposition. Je voudrais
reprendre ça point par point pour bien identifier le sens de nos
propos.
Dans le texte qu'on vous faisait parvenir le 9 juin, on faisait
référence à plusieurs articles du projet de loi qui, quant
a nous, posent certains problèmes. C'est à ces questions, . defaçon particulière, que je voudrais m'attarder.
On soulevait d'abord les risques de problèmes
générés par l'écriture des articles 62 et 63
à l'égard des droits syndicaux pour le personnel de la Commission
des droits de la personne. Je voudrais moduler ces propos à
l'égard de l'article 62. Là-dessus, on vous demanderait
d'être plus attentifs. Si jamais des représentations sont faites
par le ou les syndicats représentant le personnel de la Commission, on
ne se prononcera pas formellement sur le premier alinéa de l'article 62.
Mais on voudrait vous demander, à l'égard de l'article 63, de
tenir compte du fait que, même s'il s'agit de la reprise d'un article qui
existait auparavant, la situation a évolué depuis la constitution
de la Commission. Au moment où la Commission a été
constituée, bien sûr, le personnel n'était pas encore en
place, le personnel syndicale n'était pas syndique, il n'y avait pas de
convention collective. Nous croyons qu'aujourd'hui, dans la reprise de cet
article, il faudrait au moins avoir la précaution de réintroduire
une disposition qui autorise la poursuite de la négociation des
conditions de travail de ces personnels, donc la reconnaissance des droits
syndicaux à la négociation pour les personnels syndicales de la
commission.
La réécriture de l'article 63, dans le contexte actuel, ne
peut pas avoir la même portée que le texte initial de la loi. Il
nous semble qu'il y aurait certaines précautions à prendre pour
assurer le droit à la négociation.
Je vais aborder tout de suite les questions relatives à
l'indépendance de la Commission et à celle du Tribunal. Dans le
texte qui vous a été communiqué, nous faisions
référence aux problèmes que nous apréhendons
à l'égard de la nécessité de l'approbation par le
gouvernement des règlements de la Commission, notamment quant à
sa régie Interne - la référence n'est pas à
l'article 20, mais à l'article 70 - et aussi à la
nécessité de l'approbation par le gouvernement des règles
de confidentialité prévues à l'article 99.
Nous croyons que cette approbation nécessaire par le
gouvernement, dans les deux cas, risque d'entacher l'indépendance de la
commission. À cet égard, on voudrait vous souligner que dans la
loi canadienne des droits de la personne, à l'article 29, la Commission
canadienne a un pouvoir de réglementation, le pouvoir d'adopter des
règlements, mais les seules dispositions soumises à une
approbation sont celles à incidence financière. C'est l'article
29 de la loi canadienne. Nous croyons qu'il est nécessaire que le
pouvoir de réglementation de la Commission ne soit pas soumis, hors les
questions à incidence financière, à l'approbation du
gouvernement et encore moins à une possibilité de révision
par le gouvernement, comme il est stipulé à l'article 99.
Nous voulons aussi attirer votre attention sur le fait que la
sélection, la durée des mandats et le statut des membres du
Tribunal posent aussi des problèmes d'indépendance,
d'impartialité et de crédibilité. Comme les intervenants
qui nous ont précédés, d'une part, nous sommes d'avis
qu'il y aurait avantage à avoir un Tribunal constitué de
personnes qui occupent cette fonction à temps plein, mais, d'autre part,
nous pensons aussi qu'il y a un certain nombre de mesures qui doivent
être prises pour resserrer les dispositions du projet de loi, notamment
à l'égard de la sélection des membres du Tribunal et de la
durée de leur mandat.
Le premier élément que nous avons relevé, c'est
l'obligation que fait la loi de choisir le président du Tribunal parmi
les juges de la Cour du Québec. On a vérifié dans d'autres
lois et on a trouvé, notamment à l'égard de la
constitution du Tribunal du travail, une disposition qui ressemble presque
comme un frère jumeau à celle qui apparaît à
l'intérieur de cette disposition-là. Mais on sait que la pratique
au Tribunal du travail, c'est que les personnes qui y sont
désignées se voient octroyer le statut de juge de la Cour du
Québec et elles ne sont pas choisies parmi le bassin existant des juges
de la Cour du Québec.
Nous pensons qu'une approche de cette nature serait susceptible de
permettre la nomination de personnes qui ont une plus grande sensibilité
à la question spécifique des droits humains que des gens qui sont
habituellement appelés à disposer des causes qui sont entendues
par la Cour du Québec. Par ailleurs, à notre point de vue, le
président devrait, comme on le trouve dans plusieurs cas, avoir un
mandat de sept ans. Ce mandat-là ne devrait pas être l'objet de
prolongation discrétionnaire, mais il pourrait être renouvelable.
Nous pensons aussi qu'il faut organiser la sélection des membres du
Tribunal en assurant le plus possible une indépendance dans la
sélection et la désignation de ceux-ci à l'égard du
gouvernement. À cause du rôle particulier de ce Tribunal, mais
bien sûr comme pour d'autres tribunaux, c'est important qu'il y ait une
séparation apparente et réelle entre le pouvoir administratif et
les tribunaux qui peuvent être appelés à rendre des
décisions.
Nous avons proposé une formule de sélection qui serait
conçue à partir d'un comité de sélection
formé de personnes venant de groupes de défense des droits et
libertés, sélectionnées par un organisme
indépendant du gouvernement, lequel devrait être appelé
à établir des critères - quels sont les critères de
sensibilité aux droits humains? Comment apprécie-ton cela? -
à appeler des candidatures, à les apprécier, à
dresser une liste de candidatures admissibles éventuellement à
une nomination. Dans ce cadre-là, il pourrait y avoir un choix qui
serait fait à même une liste déterminée par un
comité de sélection indépendant.
Nous croyons aussi qu'il faudrait appliquer aux autres membres du
Tribunal une formule de mandat qui soit claire, qui ne permette pas d'avoir des
gens identifés ou identifiables comme étant possiblement en
conflit d'intérêts. donc,
eux aussi, à temps plein. Nous pensons à un mandat de cinq
ans sans prolongation discrétionnaire, mais avec possibilité de
renouvellement. Nous ne croyons pas opportun qu'il y ait un système de
vases communicants entre les arbitres et les membres du Tribunal.
Je veux aborder rapidement la question de la confidentialité qui
est traitée à partir de l'article 92 du projet de loi.
Après examen de ces dispositions sous à peu près toutes
les coutures, nous arrivons à la conclusion qu'il serait
préférable de ne maintenir dans l'article 92 qu'une disposition,
au premier alinéa, qui permettrait à la Commission, sur demande,
d'assurer la confidentialité de l'identité de la personne qui
porte plainte, à toutes les étapes de la plainte. Nous pensons
que le reste n'est pas vraiment nécessaire à l'article 92. Sauf
s'il était évalué après un examen plus attentif
que, pour permettre la confidentialité que nous suggérons autour
de l'identité du plaignant ou de la plaignante, il est nécessaire
de maintenir une quelconque disposition de la nature de ce qui apparaît
au dernier alinéa, nous croyons que cela devrait être la seule
disposition qui demeure à l'intérieur de l'article 92.
Nous pensons, et je voudrais insister sur ce point, qu'il peut
peut-être y avoir un intérêt incitatif à assurer la
condidentialité de la documentation fournie par un employeur à la
Commission, mais il y a des risques très importants. Il y a des risques
que les employeurs utilisent ce canal pour se mettre à l'abri à
la fois de plaintes devant la Commission et devant le Tribunal et qu'à
toutes fins utiles on se retrouve avec un horizon bouché parce que, pour
avoir voulu privilégier une approche incitative, on aurait en quelque
sorte érigé un mur à l'égard de la lutte à
la discrimination systémique. Nous croyons aussi que, dans ce contexte,
l'article 93 devrait être remis en question. (13 heures)
Quant à l'article 95, compte tenu de l'article 94 qui accorde
déjà une certaine protection aux personnes impliquées dans
la négociation d'un règlement, puisqu'il y aurait probablement
lieu d'appliquer la même protection à des personnes
impliquées dans la médiation même si cela n'aboutit pas
à un règlement, nous croyons que les dispositions de l'article 95
ne méritent pas d'être maintenues dans la forme actuelle.
Quant à l'article 99, nous pensons qu'il devrait y avoir des
modifications de concordance pour tenir compte des propos tenus sur les
articles 92 et 93. Et surtout, même si certaines des dispositions de
l'article 99 demeuraient, tel le dernier alinéa sur l'obligation
d'approbation par le gouvernement d'un règlement provenant de la
Commission avec possibilité de le modifier, cela risque... Je
répète ce que je disais tantôt, c'est une disposition qu'il
faudrait extirper. Finalement, c'est donner Indirectement au gouvernement un
pouvoir sur la Commission qui devrait être en mesure d'agir en toute
indépen- dance dans ces matières, dans la mesure où il en
reste.
Je n'insisterai pas très longuement sur la question de
l'accessibilité au Tribunal. Notre texte est assez explicite
là-dessus. Nous avons eu connaissance de la proposition acheminée
par la Commission des droits de la personne sur cette question. À notre
avis, ce texte serait probablement suffisant pour régler le
problème. Si vous croyez utile de maintenir une forme de tamisage, il
faudrait le limiter aux plaintes manifestement frivoles et permettre que le
Tribunal soit saisi à la fois par la Commission et par le plaignant ou
la plaignante de toute plainte appropriée.
Voilà, à grands traits, la présentation de notre
point de vue. Je vous signale que ce que nous recherchons, c'est un tribunal
efficace. Nous pensons que cela pourrait être un progrès
substantiel d'avoir un Tribunal des droits humains non pas à juridiction
exclusive, parce que les recours à d'autres tribunaux existent, mais il
faudrait, à notre point de vue, donner juridiction au Tribunal sur
toutes les matières de discrimination. Il nous semble, sans avoir
fouillé la question avec plusieurs constitutionnalistes, que les
problèmes d'ordre constitutionnel seront probablement
réglés du seul fait que dans le projet de loi il y a un appel
possible devant la Cour d'appel de toutes les décisions du Tribunal. La
conciliation des jurisprudences se fera probablement par ce canal. Je veux vous
dire que, pour nous, il est important de réaliser la réforme en
cours, mais M est Important de la réaliser avec toutes les
précautions requises pour que les objectifs visés soient
réellement atteints.
Le Président (M. Filion): Je voudrais vous remercier, M.
Johnston, pour cette présentation. Je le souligne encore une fois, comme
à tous les groupes, je voudrais vous remercier d'avoir pris le temps,
d'avoir trouvé les énergies nécessaires, à
l'intérieur d'un si court délai, pour nous présenter ce
mémoire d'une qualité hors de tout doute. Je laisse la parole
à M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: Merci, M. Johnston, Mme Desève et M.
Lapierre. Votre intervention était particulièrement
éloquente quant aux questions qu'on doit se poser. Je peux vous dire que
ce sont des questions qui nous ont fait beaucoup réfléchir, entre
autres, lorsque vous nous avez parlé du Tribunal et de son ouverture
à des causes qui ne viendraient pas nécessairement de la
Commission. Cela signifierait, comme je l'ai mentionné tout à
l'heure à la Ligue des droits et libertés, qu'il y aurait un
tamisage fait par la Commission en ce qui regarde simplement les causes
frivoles, comme vous dites, et qu'on pourrait aller au Tribunal. Donc, une
personne qui serait victime de discrimination passerait par la Commission
strictement pour la réception de la plainte, et pourrait aller
directement au Tribunal, mais à ce moment-là, bien sûr,
sans
que la Commission prenne fait et cause pour cette personne. La
différence serait que la Commission prendrait fait et cause dans le cas
où elle considère que la plainte est fondée et qu'elle
accompagne la personne jusqu'au Tribunal et même Jusqu'à la Cour
d'appel ou à la Cour suprême, 8'H le faut. C'est une remarque, je
peux vous le dire, qui retient beaucoup notre attention. Nous voulons essayer
d'avoir un tribunal le plus efficace possible et je pense bien qu'on va pouvoir
en discuter lorsqu'on étudiera le projet de loi article par article pour
essayer d'apporter une solution à ce sujet.
J'aimerais vous poser des questions sur le système d'arbitrage.
Vous savez dans quelle optique on a pensé à cet arbitrage pour
rendre encore plus accessible l'accès à la justice en ce qui
regarde les droits fondamentaux. J'aimerais avoir votre avis, je ne crois pas
l'avoir entendu très clairement, est-ce que, selon vous, c'est une bonne
chose que l'on ait ce système d'arbitres dans le projet de loi? On
pourrait avoir deux modèles, c'est-à-dire un tribunal où
nous avons un juge à temps plein, un juge de la Cour du Québec et
un vice-président qui soit un juriste. Tous les bancs de trois seront
formés avec une présidence d'un juriste. Selon vous, est-ce qu'on
devrait avoir un tribunal formé d'un juge permanent et de deux autres
personnes choisies à même le bassin d'arbitres qu'on a? On
pourrait revoir le processus de nomination des arbitres qui pourrait se faire
selon un comité de sélection semblable à celui pour la
nomination des juges, par exemple, avoir l'expertise de ces gens et pouvoir
s'adapter au nombre de plaintes qu'on aura. Ou bien, devrait-on avoir trois
juges à temps plein au tribunal, des juges fixes et se priver d'une
expertise? Ce sont deux modèles qu'on peut envisager. J'aimerais avoir
votre avis à ce sujet.
M. Johnston: II y a finalement deux questions disctinctes. La
première est à l'égard du maintien ou non de la
possibilité du recours à l'arbitrage et la deuxième est
sur l'utilisation possible des arbitres comme membres du Tribunal. Nous ne
remettons pas en question la possibilité de recours à une forme
d'arbitrage volontaire, tel que proposé dans le projet de loi. On croit
que, dans plusieurs cas, les personnes, les plaignants et plaignantes, peuvent
avoir intérêt à ce qu'une décision soit rendue
rapidement dans leur dossier, qu'elle ne traîne pas pendant très
longtemps et qu'il y ait donc une possibilité de réparation
réelle, ou à tout le moins une possibilité de restauration
rapide de leurs droits. Tant et aussi longtemps que le recours à
l'arbitrage demeure volontaire, il n'y a aucune objection, au contraire, parce
que, dans certains cas, la rapidité de la décision risque
dêtre aussi importante que les questions de droit que peut soulever une
telle décision.
Par ailleurs, sur l'autre élément, je vous avouerai, M. le
ministre, qu'on ne peut pas ne pas penser que choisir, à l'occasion, des
membres du Tribunal à même une liste de personnes qui agiraient
comme arbitres, cela peut entraîner deux types de conséquences. Le
premier, c'est que les arbitres se laissent conditionner dans leurs
décisions par la possibilité d'accéder au Tribunal. Le
deuxième, c'est que, par le choix de personnes différentes, on
puisse avoir une influence sur le type de décisions qui seraient
rendues. Par delà la mécanique, nous pensons qu'il y a plus de
chances d'arriver à une transparence et à une Impartialité
de la part du Tribunal, à une certaine forme
d'homogénéité des décisions, progressivement, et au
développement d'une pratique en matière de droits humains avec un
Tribunal qui soit plutôt stable qu'avec des personnes qui, selon les
dossiers, varieraient au sein du Tribunal.
Nous serions plutôt de l'avis exprimé tantôt par les
gens de la Ligue des droits et libertés sur cette question,
c'est-à-dire que nous favorisons objectivement un tribunal formé
de juges à temps plein pour disposer de ces questions, et nous
préférons que la liste des arbitres soit disponible pour disposer
des cas où les gens acceptent sur une base volontaire le recours
à cette formule.
M. Rémillard: Je vous remercie, c'est très
clair.
Le Président (M. Filion): Cela va? À mon tour de
vous remercier. Encore une fois, il est remarquable de voir comment le projet
de loi 140 est reçu par les différents intervenants, comment on
s'y retrouve rapidement dans ce qui pourrait être les faiblesses de la
réforme prévue par le projet de loi 140. A ce titre, vous
reprenez dans votre présentation verbale et, également, dans ce
que vous nous aviez fait parvenir un peu plus tôt cette semaine,
plusieurs des éléments sur lesquels beaucoup de personnes ont mis
le doigt en même temps. C'est plutôt rare. En tout cas, ça
me fascine dans le bon sens du mot et je suis heureux de le constater.
Maintenant, vous soulevez plusieurs points fort originaux. D'abord, en
ce qui concerne les règlements, à l'exception bien sûr des
règlements à incidence financière, qui devraient
être soustraits à l'approbation du gouvernement. J'en prends bonne
note et je pense que l'argumentation va de soi, une fois qu'on a compris le
sens de votre recommandation. Évidemment, tout le chapitre de
l'accès à l'information est extrêmement important,
également le système d'arbitrage, et vous avez soulevé
avec beaucoup d'à-propos les problèmes que pourraient engendrer
les vases communicants, pour reprendre votre expression, entre la liste
d'arbitres et les membres du Tribunal. Vous avez également
souligné - je trouve ça intéressant - le caractère
de stabilité du Tribunal qui est nécessaire et qui viendrait
renforcer en quelque sorte la crédibilité du Tribunal, pour
reprendre l'expression des inter-
venants précédents. (13 h 15)
J'aimerais vous poser quelques questions sur le début de votre
intervention et de vos notes écrites en particulier, quand vous
soulignez que certains aspects du projet de loi vous apparaissent comporter des
germes de promotion antisyndicaux et anti-accès à
l'égalité. D'abord, réglons le cas de l'article 63, si ma
mémoire est bonne, en ce qui concerne le statut un peu spécial
des membres de la Commission. C'est un débat qui date, il est quand
même toujours d'actualité, mais je pense qu'à peu
près tous les membres de cette commission ont déjà
été sensibilisés au statut un peu spécial et aux
conséquences du statut des membres de la Commission. Est-ce qu'il y a
d'autres aspects du projet de loi qui vous apparaissent mériter ce
qualificatif de potentiellement antisyndicaux ou même anti-accès
à l'égalité? Vous avez traité, évidemment,
de l'article 62, à ce chapitre-là, un peu rapidement. J'aimerais
vous entendre là-dessus.
M. Johnston: La conjugaison des effets potentiels de l'artide 63
dont on a parlé tantôt, et je vais vous rappeler que je fais la
distinction entra tes membres et le personne! de la Commission... Dans le
personnel de la Commission, il y a du personnel syndicable et il y en a qui ne
l'est probablement pas. Nos propos sont à l'égard du personnel
syndicable de la Commission; la protection des droits syndicaux pour ce
personnel ne nous semble pas suffisamment articulée à
l'intérieur de l'article 63. Je compléterai mon explication en
vous disant que la compréhension que nous avons de la protection de la
confidentialité de la documentation fournie à la Commission,
à l'article 92, est à lier à ce jugement. Nous faisons,
dans nos secteurs, beaucoup d'efforts pour arriver à développer
avec les employeurs des programmes d'accès à
l'égalité. Nous connaissons les résistances que nous
rencontrons directement avec les employeurs locaux et, à l'occasion,
même aux tables de négociation nationales avec les porte-parole du
gouvernement. Nous savons aussi que s'il y a moyen d'utiliser le cadre
législatif pour se mettre à l'abri d'une éventuelle
plainte de discrimination systémique, pour se mettre à l'abri de
l'utilisation de la documentation fournie à la Commission à
l'égard d'une plainte pour discrimination systémique, il n'y a
pas juste l'action de la Commission et l'action du Tribunal qui sont
bloquées, il y a l'action syndicale sur le terrain de l'accès
à l'égalité qui est bloquée et il y a l'action des
groupes de promotion de l'accès à l'égalité dans la
société qui est bloquée aussi.
C'est pour ça que, même avec la précaution qu'on a
prise, ça comporte des germes de - on ne porte pas un jugement
catégorique - ça veut dire que ça peut être
exploité dans cette perspective. Je ne dis pas que c'est l'intention du
législateur. Ce n'est sûrement pas l'intention du gouvernement.
Notre crainte est que ça soit utilisé dans cette perspective.
M. Rémillard: Si vous me permettez, M. le
Président. Je comprends votre crainte mais 'i faut comprendre que, vous
savez, par les autres moyens concernant d'autres poursuites devant les
tribunaux ordinaires, il est toujours possible d'avoir accès à
ces documents-là. Ces documents, même s'ils sont confidentiels par
la Commission, seront accessibles dans une poursuite judiciaire ou une cause
par les moyens légaux comme un duces tecum, par exemple. Alors, on ne
les met pas à l'abri. On les met simplement en confidentialité en
fonction de la cause qui a lieu, mais il y aura toujours possibilité, Je
veux qu'on soit très clair là-dessus, d'avoir accès
à ces documents devant les tribunaux ordinaires.
M. Johnston: Devant les tribunaux ordinaires.
M. Rémillard: Oui.
M. Johnston: Ce qui fart que le Tribunal des droits de la
personne que vous...
M. Rémillard: Y compris le Tribunal des droits, y compris
les tribunaux.
M. Johnston: il faudrait que vous nous expliquiez de façon
un peu plus formelle la portée que vous donnez à la conjugaison
des articles 92, 93 et 95.
M. Rémillard: Me permettez-vous de faire
référence... C'est possible, ici, à cette commission, de
demander à M. Pelletier d'expliquer?
Le Président (M. Filion): Certainement, M. le
ministre.
M. Rémillard: Alors, M. Pelletier est au ministère
de la Justice, c'est un point important...
M. Johnston: On n'a vraiment pas la même lecture.
M. Rémillard: ...il est l'un des juristes, avec M.
Lawrence Morgan, qui m'accompagnent ici. Alors, M. Gaston Pelletier pourrait
vous expliquer un peu ce point, j'aimerais bien que ce point-là soit
clarifié.
M. Pelletier (Gaston): Alors, je pense qu'il faut d'abord voir
que les articles 92 et 93 protègent la confidentialité des
documents qui ont été déposés à la
Commission de plein gré par un employeur, et ce ne sont que ces
documents qui sont mis à l'abri de ce sceau de confidentialité
pendant que l'employeur discute avec la Commission pour établir un
programme d'accès à l'égalité.
Dans cet aspect, la Commission agit comme consultant auprès des
employeurs. Lorsqu'une personne employée par cet employeur
déposera une plainte de discrimination à la Commission, lorsque
cet employeur sera poursuivi pour discrimination devant le Tribunal des droits
ou devant un tribunal de droit commun, tous les moyens mis à la
disposition d'une personne qui porte plainte ou qui dépose une action
seront alors utilisables.
L'article 93 ne fait que protéger les renseignements
déposés à la commission, il s'agira d'utiliser les
mandats, la contrainte, le duces tecum, pour faire en sorte d'avoir tous les
renseignements, y compris probablement ceux qui avaient été
confiés à la Commission pour faire son travail.
Le Président (M. Filion): Même pendant les
discussions entre la Commission et l'employeur?
M. Pelletier: Même pendant, c'est la contrainte judiciaire.
Les articles 92 et 93 sont dans un contexte purement administratif de relation
entre les employeurs et la Commission d'accès et dans ce rôle, je
le répète, de consultant qui est confié à la
Commission.
Le deuxième volet dont je parle, c'est le rôle
d'enquêteur, !e rôle, si vous me permettez l'expression, de
procureur de la couronne que désormais la Commission jouera en faveur
des particuliers.
M. Rémillard: Est-ce que ça répond à
votre question, M. Johnston? J'aimerais bien qu'on clarifie ça, si vos
conseillers veulent poser une question, j'aimerais que ça soit
clarifié comme situation.
M. Johnston: J'aimerais préciser deux choses.
Peut-être est-ce l'intention que vous aviez, peut-être que
l'intention de la rédaction c'est ce que vous dites, mais ii n'est
évident pour personne, à la lecture du texte, que ce soit la
véritable portée du texte. Même la Commission des droits,
je pense, vous amenait à assouplir cette disposition en prévoyant
la possibilité qu'il puisse y avoir éventuellement utilisation
sur bref d'assignation et, là-dessus, peut-être que Jean Marcel
Lapierre pourrait revenir.
Le Président (M. Filion): M. Lapierre.
M. Lapierre (Jean Marcel): En fait, notre compréhension de
l'article, c'est que, à partir du moment où un document a
été fourni à la Commission d'une manière
volontaire, la Commission ne peut plus l'utiliser lorsqu'elle prend un recours
devant le Tribunal des droits de la personne ou devant un autre tribunal, ce
qui veut dire que la Commission serait à ce moment-là
extrêmement limitée, même à la suite d'une
enquête qu'elle aurait faite sur une question de discrimination. Dans les
documents qu'elle pourrait produire, elle serait obligée de.. Il est
possible qu'elle puisse obtenir les documents en recourant au duces tecum, mais
vous comprendrez que ce n'est pas la même chose de préparer une
cause lorsqu'on est obligé rie recourir au duces tecum et lorsqu'on peut
produire les documents, les informations qu'on a obtenus librement au cours de
l'enquête. Je pense que ça solliciterait sans doute beaucoup de
zèle de !a part des entreprises, c'est-à-dire qu'il y aurait
beaucoup de documents fournis d'une manière volontaire, ce qui
permettrait de les mettre à l'abri par la suite. En tout cas, le texte
laisse l'ouverture à cette interprétation-là, à
notre avis.
M. Rémillard: Je prends bonne note de ce que vous nous
dites.
Le Président (M. Filion): Oui, M. Johnston, vous vouliez
ajouter quelque chose?
M. Johnston: Oui, M. le Président. De deux choses l'une,
ou bien on se dit que la lutte à la discrimination sytémique et
la recherche de l'accès à l'égalité sont devenues
des questions d'intérêt public, auquel cas il n'y a pas lieu de
jouer à la cachette, ou bien on se dit qu'on peut jouer avec cette
idée d'intérêt public, la moduler, avec tous les risques
que ça comporte. Nous pensons que cette matière ne mérite
pas d'être modulée. On pense que, s'il est vrai que c'est une
question d'intérêt public, il n'y a pas de raison, à moins
que les documents comportent des renseignements de type nominatif, ce qui est
une autre question, mais ce n'est pas ce qui est visé habituellement par
les dépôts de documents qui sont faits, il n'y a pas de raison
qu'on joue à la cachette avec des données qui concernent
l'ensemble de la société.
Le Président (M. Filion): Oui, Mme Desève, vous
voulle2 ajouter quelque chose?
Mme Desève (Nicole): Oui. J'aimerais juste ajouter, pour
les membres de la commission, pour avoir supervisé l'implantation des
programmes d'accès à l'égalité dans 19 commissions
scolaires, 7 universités et 12 cégeps, que partout, lorsque nous
avions dans nos conventions collectives la clause qui disait que l'employeur
porte à la connaissance des salariés l'ensemble des documents
pertinents à l'élaboration et à l'implantation, nous avons
rencontré un minimum de problèmes. Nous avons pu créer des
comités dans lesquels l'ensemble des parties, syndiquées ou non
syndiquées, la direction, les cadres, etc., donc, l'ensemble du
système d'emploi, des effectifs, des planifications de main-d'oeuvre et
des planifications de clientèles scolaires ont pu s'entendre sur une
stratégie d'implantation.
Par contre, dans nos conventions collectives où nous n'avions pas
pu faire entrer cette
clause, les employeurs, souvent, n'ont pas déposé les
documents pertinents et ce sont les commissions scolaires, les cégeps et
les lieux de travail où nous avons le plus de difficultés. Si,
pour les membres de la commission ici, implanter un programme d'accès
à l'égalité n'est que l'affaire de l'employeur et de la
Commission, je crois que vous faites fausse route. C'est l'affaire de
l'ensemble des salariés d'une institution scolaire, parce que c'est ce
qu'on a supervisé, c'est l'affaire de l'ensemble des personnels et,
à ce titre, sauf, comme l'expliquait M. Johnston, ce qui peut porter
préjudice à la conduite, disons, de l'administration, ces
documents doivent être d'intérêt public pour éviter,
justement, la remise en question du programme implanté. Un effet pervers
qui peut atteindre les programmes implantés, c'est la
non-crédibilité des personnes visées par rapport aux
programmes implantés, parce qu'elles n'auront pas été
mises au fait, au parfum, comme on dit, des documents déposés.
C'est une vigilance que vous vous devez de garder en mémoire parce que
l'expérience est très probante là-dessus. Merci.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie, Mme
Desève, M. Lapierre et M. Johnston, pour ces propos qui sauront nous
éclairer lors de nos débats.
M. Rémillard: M. le Président, je veux m'associer
à vous et les remercier très sincèrement et dire que nous
allons accorder la plus grande attention aux commentaires que vous venez de
nous faire.
Le Président (M. Filion): Nos travaux sont suspendus
jusqu'à 15 h 15.
(Suspension de la séance à 13 h 29)
(Reprise à 15 h 21)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît! Cette commission ouvre sa séance de l'après-midi.
Nous poursuivons nos consultations particulières et auditions publiques
dans le cadre du projet de loi 140, Loi modifiant la Charte des droits et
libertés de la personne concernant la Commission et instituant le
Tribunal des droits de la personne.
Notre horaire de cet après-midi est le suivant: d'abord, le
Barreau du Québec et nous constatons que ses représentants ont
pris place à la table des Invités. Le groupe Action travail des
femmes suivra, SOS Racisme également, et la Confédération
des syndicats nationaux, la CSN.
Donc, j'invite Me Jean Paquet, bâtonnier sortant de Québec,
à bien vouloir nous présenter la personne qui l'accompagne et,
également, à bien vouloir nous faire part de son point de vue
relativement au projet de loi 140.
Barreau du Québec
M. Paquet (Jean): M. le Président, je suis
accompagné de Me Marc Sauvé, du service de recherche de la
corporation professionnelle du Barreau. Je ne sais si l'erreur était
volontaire ou non, en ce qui concerne de Québec ou du Québec,
mais force m'est de vous dire que je ne suis pas insensible à semblable
erreur qui est remplie, à mon sens, de grandes promesses.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres, Mme la membre
de la commission, notre corporation professionnelle, dans une première
réaction, est un peu inquiète vis-à-vis des amendements
proposés dans le projet de loi 140, pour les raisons suivantes, il nous
apparaît, dans un premier temps, peut-être un peu audacieux, un peu
impétueux d'envisager le processus d'amendement d'une loi aussi
importante que la charte. Notre société s'est donné, il y
a quelques années, une charte des droits et libertés. Or, quand
vient le temps de jouer avec cette charte ou d'envisager de la modifier, nous
avons tendance à vous dire qu'il faudrait le faire, non seulement avec
beaucoup de circonspection, mais avec, à notre sens, une plus grande
réflexion, un plus grand processus de consultation peut-être, une
concertation plus élargie, si vous voulez. Nous sommes inquiets de la
rapidité avec laquelle nous devons nous pencher sur ces amendements
compte tenu de l'importance de la loi et compte tenu aussi de l'importance des
amendements proposés.
À cet égard, vous me permettrez de vous dire que le
nouveau bâtonnier du Québec, Me Gauthier, aurait bien aimé
être ici pour vous faire part de ses commentaires. Mais, encore une fois,
les délais rapides auxquels nous sommes tous confrontés et
auxquels, quant à nous du Barreau, nous sommes confrontés une
fois de plus font en sorte que c'est celui qui vous parle qui assume la
responsabilité de vous faire part: des inquiétudes du Barreau. Le
Barreau, par ailleurs, M. le Président, a le mandat de protéger
l'intérêt du public et d'être vigilant vis-à-vis de
cela. Or, le Barreau, pour remplir ce devoir et ces obligations, a, lui aussi,
besoin de réflexion, de temps et de concertation. Force m'est de vous
dire que, encore une fois, nous avons été un peu
bousculés. Je ne vous dis pas que nous sommes les seuls, mais je vous
dis que, compte tenu de l'importance des propos, compte tenu de l'importance de
ce qui est discuté, c'est toujours un inconvénient majeur. Je
voulais vous le signaler.
Vous avez tous en votre possession un document qui est adressé
à M. le ministre, daté du 5 juin 1989, qui reprend
essentiellement les premiers propos, les premières observations du
Barreau sur le projet de loi comme tel. Je n'ai pas l'intention de reprendre
d'une façon exhaustive ta lecture de ce document, mais vous me
permettrez de vous signaler ce qui nous apparaît comme étant des
points ou des volets plus
importants de ce document.
Le premier est celui que l'on retrouve dans la disposition de l'article
62. On nous parle d'un mécanisme nouveau qui est ceiui de l'arbitrage.
Voilà un outil intéressant. Ce que nous souhaitons que la
commission épouse vis-à-vis de ce mécanisme, c'est que,
compte tenu du fait que l'arbitrage comme tel permettra aux arbitres de
trancher des questions de droit importantes, puisqu'il s'agit des droits
fondamentaux issus de la charte - inutile de vous dire que ce n'est pas un
secret, vous devez vous y attendre aussi - il nous apparaît que ces
arbitres devraient être choisis parmi les membres de la profession des
avocats. C'est le premier commentaire que je voulais formuler sur l'article
62.
Quant à l'article 63, M. le Président, encore une fois,
compte tenu de l'importance que l'on veut donner à ce Tribunal, compte
tenu de l'importance de la charte comme telle, compte tenu de toutes les
questions à être discutées et aussi, dans mon esprit et
dans celui du Barreau, pour donner, je dirais, plus de
crédibilité à ce Tribunai que l'on veut former non
seulement auprès du public, ce qui est important, mais aussi
auprès de la communauté juridique, il me semble que l'exception
contenue dans l'article 68 n'a pas sa raison d'être.
Pourquoi ce Tribunal des droits, que l'on veut instaurer, ne pourrait-il
pas, lui aussi, faire l'objet de la responsabilité des gestes, des actes
ou des omissions qu'il pose dans l'exercice ou dans l'administration qu'il fera
quand il sera mis sur pied? Pourquoi ce Tribunal ne serait-Il pas assujetti,
comme tout le monde finalement. comme tous les autres organismes, à la
responsabilité? Il me semble qu'ainsi, aux yeux du public, on ne ferait
pas deux lois, deux mesures. Tout le monde serait assujetti aux mêmes
principes, aux mêmes obligations, à Sa même rigueur. Je
pense que, de cette façon, nous atteindrions des objectifs de
crédibilité. Nous servirions aussi d'exemple en adoptant ce
principe de responsabilité. On serait peut-être accessoirement
assurés d'un fonctionnement, je dirais, plus conscient, peut-être,
des obligations que cela engendrerait, donc, une garantie supplémentaire
de sérieux dans les préoccupations du Tribunal et dans son
administration.
Les articles 71, 76 et 77 nous parlent de prescription et de
délai pour agir ou refuser d'agir. L'idée d'interrompre la
prescription n'est certainement pas une mauvaise idée en soi, mais elle
engendre des conséquences qui nous apparaissent Importantes. Si aucun
délai n'est associé aux travaux de ce Tribunal, on risque de se
retrouver dans des situations où il pourrait arriver que l'on suspende
presque indéfiniment les recours si la Commission refusait d'agir ou si
elle tardait à agir pour toutes sortes de raisons, dans les situations
où des droits pourraient être compromis, où des droits ne
pourraient être discutés que tardivement, ce qui irait,
évidemment, à rencontre des objectifs que tout le monde a
tendance à vouloir rechercher, j'en suis convaincu, ici. Le fait de ne
pas respecter les délais que nous soumettons qu'il serait utile
d'adopter pourrait engendrer ces conséquences qui nous paraissent un peu
négatives. Si ces délais auxquels nous faisons
référence et sur lesquels nous souhaitons que la commission se
penche n'étaient pas respectés, pourquoi ne ferait-on pas en
sorte que, éventuellement, le justiciable puisse porter lui-même
sa demande devant le Tribunal, à la suite de travaux plus lents de la
Commission dans certains cas9
Il nous semble, à toutes fins utiles, que cela aurait encore une
fois l'avantage de donner pius de crédibilité à ce
Tribunal qui, à notre sens, doit s'élever au-dessus de beaucoup
d'autres, avec tout le respect qu'on doit aux autres, compte tenu encore une
fois de l'importance des sujets, des droits fondamentaux qui y sont
traités. Je pense que le justiciable y trouverait intérêt
et aurait une confiance accrue dans le processus. Le Tribunal lui-même
ainsi que la Commission y gagneraient en crédibilité
auprès de tous les intervenants.
Quand on parle de crédibilité, l'article 92 nous fait
formuler le commentaire suivant. Encore une fois, cet article 92 nous fait
constater de nouvelles exceptions à la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels. Je ne veux pas faire une diversion par rapport aux propos qui nous
occupent aujourd'hui, mais, encore une fois, nous constatons qu'il y a,
à tout le moins, une quarantaine de lois, une dizaine de
règlements qui constituent des exceptions à cette loi
d'accès. Pourquoi multiplier ces exceptions? Est-ce qu'il n'y aurait pas
moyen d'envisager qu'un mécanisme ou qu'un autre outil soit mis sur pied
pour décider si c'est public ou si ça ne l'est pas? Les
plaideurs, les avocats se retrouvent, tout comme le justiciable, le
contribuable, dans l'obligation presque d'envisager de faire un doctorat pour
tenter de décompartimenter tout ça pour finalement essayer de
trouver si c'est public ou pas. Alors, en vue de la crédibilité
que l'on veut donner à ces amendements et des objectifs qu'on retrouve,
je pense qu'on fait erreur en essayant de formuler de nouvelles exceptions de
semblable nature.
Le commentaire qui est formulé sur l'article 93 indique que
ça nous apparaît être un simple oubli. Je pense qu'il parle
de lui-même et je ne m'y attarderai pas. Je pense que la commission va
certainement comprendre l'objectif recherché par cela.
L'article 101, les membres du Tribunal. Comment se fait-il qu'on ait
envisagé de faire en sorte qu'à la Commission les membres soient
nommés par l'Assemblée nationale avec la majorité des deux
tiers et que, quand on parie du Tribunal, le processus de nomination serait
ceiui du lieutenant-gouverneur? Deux poids, deux mesures. Pourquoi cela? ii me
semble qu'encore
une fois le Tribunal gagnerait en crédibilité
auprès de la communauté juridique et des contribuables s! le
même processus de nomination pouvait être retenu pour les membres
du Tribunal. Il y a une divergence là qui nous apparaît sans
fondement et qui mérite très certainement qu'on lui accorde une
certaine attention. Ces membres du Tribunal devraient être nommés
aussi par l'Assemblée nationale avec la majorité des deux tiers.
Si c'est vrai, à toutes fins utiles, dans un raisonnement simple, pour
les membres de la Commission, encore plus pour les membres du Tribunal,
à notre sens.
Les principes suivants que l'on retrouve à la page 5 du document
qui vous a été transmis, M. le ministre, parlent de
l'indépendance et de l'impartialité de l'ordre judiciaire et de
l'inamovibilité et de la sécurité financière des
juges. Ce n'est certainement pas la première fois, M. le ministre, que
vous entendez le Barreau formuler de semblables commentaires, mais je pense que
le Barreau, encore une fois, a raison de soulever ces deux principes, il nous
apparaît important que l'on comprenne et que l'on démontre d'une
façon concrète, par des gestes concrets, par des dispositions
concrètes, que l'inamovibilité des juges ou des membres du
Tribunal est un principe reconnu, encore une fois, pour la
crédibilité du Tribunal vis-à-vis du public et
vis-à-vis de la communauté juridique.
Si vous me permettez un exemple, le projet de loi 141, tout
récemment, en son article 38, fait un grand pas en avant par rapport
à ce qu'on a constaté dans le passé en ce qui a trait aux
juges municipaux. On y dit: "Le juge municipal est nommé durant bonne
conduite. Les règles prévues par la Loi sur les tribunaux
judiciaires et relatives à la destitution d'un juge s'appliquent aux
juges municipaux." Voilà, à mon sens, un exemple concret d'un
effort particulier que nos décideurs ont fait dans le cas d'un projet de
loi qui est tout récent. Voilà un bel exemple qui pourrait
être retenu dans l'esprit du principe de l'inamovibilité auquel je
viens de faire référence pour les membres du Tribunal que nous
avons l'intention de créer.
Vous savez, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de
la commission, que, pour un tribunal de semblable importance, en passant,
à la lumière de ce que j'ai pu constater, on prévoyait que
seuls son vice-président et son président seraient membres de
notre corporation professionnelle. Cela sous-entend que d'autres qui ne
seraient pas membres de la corporation professionnelle pourraient devenir
membres de ce Tribunal. Force m'est de constater et de vous dire encore une
fois que cela m'apparaît peu souhaitable, non seulement pour cette
raison, mais aussi parce qu'on envisage de ne pas donner de caractère
permanent aux membres de ce Tribunal. On pourrait donc se retrouver dans la
situation un peu particulière où quelqu'un arrondirait ses fins
de mois en étant, dans un premier temps, gérant d'une salle de
bowling et membre à temps partiel quand le président le
convoquerait à venir siéger au Tribunal que l'on veut
créer. Vous comprendrez, M. le Président, M. le ministre, que je
n'ai rien contre les gérants de salle de bowling, mais, encore une fois,
pour une question de crédibilité, il m'apparaît plus
sérieux, plus conforme aux nobles objectifs que vous recherchez, que ces
membres soient des avocats, membres en règle du Barreau, et surtout
qu'ils puissent être des membres permanents dudit Tribunal, il serait un
peu curieux qu'on se retrouve dans la situation où des membres de ce
Tribunal seraient des gens à temps partiel. Encore une fois, il me
semble que ça manque de sérieux et que ça ne fait pas
crédible, surtout pour un tribunal de semblable nature.
Au sujet de l'article 111, le commentaire que vous y voyez en page 6, M.
le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, madame,
porte sur la rédaction afin d'éviter certaines erreurs possibles
d'interprétation.
En conclusion, M. le Président, le message que nous voulons vous
véhiculer en est un de prudence. Il nous apparaîtrait un peu
impétueux d'envisager de procéder à ces amendements
à la sauvette, bien que je sois convaincu du sérieux des travaux
et des réflexions de la commission. Ces amendements méritent,
à mon sens, une plus grande réflexion, une plus grande
consultation et surtout un consensus plus général de tous les
intervenants sensibles à la création de ce Tribunal. Enfin, si
malgré cet appel à la prudence, la volonté politique
faisait en sorte que l'on adopte ce projet de loi plus rapidement, je voudrais
que vous soyez conscients et que vous sachiez que les commentaires que nous
vous formulons et Ses principes que nous vous véhiculons sont empreints
d'un esprit de positivisme qui a pour principal but que les amendements
suggérés permettent d'atteindre des objectifs de
crédibilité pour tous les intervenants du milieu judiciaire. Et
quand je parle de ce milieu judiciaire, je ne parle pas seulement des avocats,
de tous ceux qui y travaillent, mais je parle aussi des juges qui auront
à interpréter les amendements ou les textes de loi
proposés, et aussi, évidemment, du public qui pourra avoir une
confiance sans limite et surtout un grand respect pour ce Tribunal des droits
de la personne.
Notre première réaction, M. le Président, a
été un peu celle-ci. Quand les plaideurs sont confrontés
à des problèmes de la nature de ceux soulevés ou de ceux
qui peuvent être discutés vis-à-vis des droits fondamentaux
des personnes, des droits et libertés, un des premiers réflexes
est de se dire: Est-ce que c'est la charte fédérale qui
s'applique? Est-ce que c'est la Commission des droits qui va se pencher
là-dessus? Est-ce que c'est le Tribunal des droits de la personne?
Qu'est-ce qu'on va faire? Finalement, la solution qui est toujours
envisagée et qui va peut-être vous faire sourire, c'est la bonne
vieille Cour supérieure. On va s'adresser à la
vieille Cour supérieure en qui on a foi et on a encore confiance
pour régler semblable chose, alors que la première
réaction devrait être celle que vous recherchez tous. Je sais que
le ministre, pour l'avoir entendu à plusieurs reprises, est sensible,
cela l'honore aussi, à l'accès du contribuable à la
justice. En créant un mécanisme nouveau de semblable nature, je
pense qu'il cherche à atteindre cet objectif qui est noble en soi, mais
encore faut-il que cet outil ou ce mécanisme que l'on veut créer
soit à la hauteur des objectifs que vous recherchez. C'est ce que nous
souhaitons.
Nous vous réitérons et nous vous répétons,
M. le Président, M. le ministre, qu'avant de procéder à
ces amendements nous devrions chercher à atteindre un consensus plus
général et cela dans le meilleur intérêt,
évidemment, à la fois des contribuables et de tout le milieu
juridique. C'est ce que je voulais vous soumettre au nom du Barreau du
Québec, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Merci, Me Paquet et Me
Sauvé, pour ces commentaires fort à propos. Merci
également d'avoir pu, à l'intérieur d'un si court
délai, vous présenter ici aujourd'hui pour nous faire part
verbalement de vos préoccupations à l'égard du projet de
loi 140. Cela étant dit, je voudrais laisser la parole à M. le
ministre de la Justice.
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Merci, M. le
bâtonnier et Me Sauvé, pour votre témoignage. Merci de vous
être déplacés et d'avoir accepté de venir
témoigner devant nous. Je sais qu'on vous a peut-être un peu
bousculés dans le temps, vous l'avez bien mentionné. Vous me
permettrez simplement de dire, cependant, que ce projet de loi fait suite
à du travail, à une consultation de la commission des
institutions qui a duré près de deux ans. Pendant deux ans, cette
commission a entendu des groupes, des personnes et des experts. Le Barreau a
été invité. Est-il venu témoigner? On me dit que
oui, il est venu aussi témoigner. Il n'est pas venu témoigner.
Bon alors, le Barreau a été invité, mais il ne serait pas
venu témoigner. C'est ça, M. le Président, puisque vous
avez vous-même présidé cette commission?
La Président (M. Filion): Voilà, de mémoire,
me semble-t-il, le Barreau avait été invité, mais il ne
s'était pas présenté.
M. Rémillard: Le Barreau n'a pas voulu se présenter
et venir témoigner. D'autre part, nous vous avons fait parvenir une
copie de notre projet de loi et, dès le 26 avril, si ma mémoire
est bonne, j'ai reçu une lettre du Barreau avec vos commentaires. C'est
donc dire que nous vous avons demandé de venir témoigner pour
qu'on puisse discuter et vous poser des questions en fonction de la lettre que
nous avons reçue le 26 avril. J'espère que vous avez cette lettre
que vous nous avez envoyée. Dans ce contexte, les points que vous
soulevez sont particulièrement importants et vous avez raison d'attirer
notre attention sur ces points, en particulier, en ce qui regarde le
système d'arbitrage et la composition même du Tribunal. Vous
soulevez des points importants, entre autres, en ce qui regarde l'arbitrage.
Vous mentionnez que vous aimeriez que les arbitres soient des avocats. Est-il
nécessaire pour un arbitre d'être avocat? Est-ce qu'il n'y a pas
avantage à avoir des arbitres qui peuvent avoir d'autres formations et
apporter leur expertise lorsqu'on en a besoin pour régler des cas, des
litiges concernant des cas spécifiques de discrimination? C'est une
question qu'on peut se poser et, pour notre part, le choix qu'on a fait, c'est
de dire que dans un cas d'arbitrage, nous croyons qu'il est intéressant,
en particulier dans le domaine des droits et libertés, d'avoir
différentes expertises comme nous avons des arbitres dans d'autres
domaines qui ne sont pas des avocats. L'arbitrage, tel que reconnu par notre
Code civil, se réfère à des gens qui exercent cet
arbitrage en fonction d'une volonté des parties impliquées.
En ce qui regarde le Tribunal lui-même, vous soulignez aussi que
vous aimeriez qu'il soit composé d'avocats exclusivement. Je vous dis:
Ne faudrait-il pas prendre en considération aussi ce désir
d'expertise? Mais vous mentionnez aussi le principe de l'inamovibilité.
Est-ce que ce sont des membres d'un tribunal inamovibles à vie dont vous
vouiez parler ou s'ils peuvent être inamovibles pendant un mandat
mentionné? Nous parions d'un mandat de cinq ans. J'aimerais
peut-être que vous précisiez sur cette première question.
Vous pouvez aussi me répondre sur la question de l'arbitrage, mais, en
particulier, en ce qui regarde l'inamovibilité, est-ce que vous en
parlez en fonction d'un mandat à vie ou si on peut la considérer
à l'intérieur d'un temps limité? (15 h 45)
Parlez-nous aussi de la procédure de nomination qu'on pourrait
utiliser pour nommer ces membres du Tribunal et de la relation qu'on peut faire
entre les arbitres et la possibilité qu'ils soient appelés
à être sur le banc, comme membres du Tribunal des droits et des
libertés. Alors, j'aimerais vous entendre sur ces points-là, si
vous voulez.
M. Paquet: M. le ministre, je voudrais que les membres de la
commission comprennent bien que nous ne voyons aucun inconvénient, bien
au contraire, à ce que des expertises de toute nature viennent servir de
ressources au Tribunal qui va être appelé à rendre des
décisions sur les cas qui lui seront soumis. Bien au contraire, je pense
que ces expertises et toutes ces ressources sont indispensables pour permettre
de mieux rendre la justice. Ces ressources pourraient être un apport
heureux et très positif pour ceux qui sont appelés à
décider. Je dis, cependant, que
compte tenu de l'importance des questions traitées - on ne parie
pas de l'administration d'une loi ordinaire ou plus ordinaire; on parle de ce
qu'il y a de plus essentiel dans notre société, on parle de notre
charte, on parle des droits fondamentaux, on parle des droits et
libertés des personnes; c'est sur cela que ce Tribunal sera
appelé à rendre des décisions - compte tenu des
conséquences juridiques que cela peut entraîner, il faudrait que
ces décisions soient prises, que les questions soient tranchées
par des gens ayant une formation juridique, mais sans exclure la
possibilité qu'ils soient aidés dans leur réflexion, M. le
ministre, par des expertises de toute nature et par des gens qui auraient
d'autres formations. C'est dans ce sens-là qu'il faut comprendre
l'intervention du Barreau et c'est la réponse, M. le ministre, au
premier volet de votre question.
Quant au deuxième, quant à l'inamovibilité des
juges ou, enfin, des membres qui seraient appelés à siéger
au Tribunal, d'abord, je pense que, dans le projet de loi tel qu'il nous est
soumis ici, il est prévu un mandat de cinq ans pour le président
seulement et, quant aux autres membres, on parle d'un mandat de trois ans. Cela
nous apparaît nettement insuffisant. Maintenant, l'exemple que je vous
donnais tout à l'heure était celui de l'article 38 du projet de
loi 141. Sans parler de mandat à vie qui, enfin, idéalement ou en
théorie, pourrait atteindre les objectifs qu'on soulève, mais
qui, de façon concrète pourrait engendrer d'autres
difficultés, il me semble que vous avez, à l'article 38 du projet
de loi 141, le respect du principe véhiculé et une garantie
meilleure qu'avec un mandat aussi court que de trois ans. Vous risquez, de
cette façon, M. le ministre et M. le Président, à mon
sens, de placer les membres de ce Tribunal dans une situation très
difficile. Quand le mandat achèvera, s'il n'y a pas de garantie,
malgré le processus de renouvellement possible, comment les gens de ce
Tribunal vont-ils se comporter? Comment vont-ils se sentir dans
l'administration de leurs dossiers? Ils vont être obligés de
penser à leur avenir, à ce qu'ils feront après, d'autant
plus qu'ils risquent, si les prétentions ou les propos de notre
corporation n'étaient pas retenus, à savoir qu'à notre
sens ils devraient occuper ces fonctions à plein temps, de se retrouver,
du jour au lendemain, exerçant deux professions à la fois, avec
des mandats où ils pourraient être en situation de conflit
d'intérêts. Je pense que le compromis véhiculé par
l'article 38 est une belle démonstration d'une compréhension du
principe que nous préconisons depuis déjà de nombreuses
années quant à l'inamovibilité des juges de ce
Tribunal.
Mon confrère, Marc Sauvé, du service de recherche,
aimerait ajouter quelques mots en réponse à vos questions, M. le
ministre, si vous le lui permettez.
M. Rémillard: Si vous le permettez avant,
Me Sauvé, si c'était cinq ans pour tous les membres du
Tribunal, cela pourrait-il vous satisfaire?
M. Paquet: Je ne le crois pas, M. le ministre. Je ne le crois pas
parce que cinq ans, ça me paraît encore beaucoup trop court.
M. Rémillard: Donc, c'est à vie que vous
voulez?
M. Paquet: Idéalement, ce que je vous ai dit en toute
franchise et en toute spontanéité, M. le ministre, c'est que, si
on veut respecter ce principe, c'est la conclusion à laquelle on devrait
arriver. Mais nous pensons qu'il y a moyen, au lieu d'arrêter dans le
temps des mandats comme tels, de prévoir d'autres mécanismes. Je
vous sensibilisais à l'effort particulier qui avait été
fait pour les juges municipaux à l'article 38. Ça satisferait, M.
le ministre, la corporation professionnelle si ce principe ou cette disposition
se retrouvait dans le projet de loi.
M. Rémillard: Mais les juges municipaux, maintenant, M. le
bâtonnier, sont à vie. Donc, vous voulez que les membres du
Tribunal des droits soient nommés à vie?
M. Paquet: Idéalement, oui, M. le ministre.
M. Rémillard: Mais, entre l'idéal et la pratique,
qu'est-ce que vous nous suggérez?
M. Paquet: II faut s'élever au-dessus de... Je vais
laisser mon confrère Sauvé répondre d'une façon
plus complète, si vous voulez, à la question.
M. Sauvé (Marc): M. le ministre, avant de répondre
à vos deux questions, vous avez mentionné qu'il y avait eu des
consultations pendant deux ans à peu près, consultations qui ont
donné lieu au projet de loi qu'on connaît actuellement. Pour ce
qui est du Tribunal des droits de la personne, est-ce qu'on en a discuté
pendant deux ans ou n'est-ce pas quelque chose d'assez récent?
M. Rémillard: Si vous le permettez, je vais poser la
question au président qui était là, qui présidait
la commission des institutions.
Le Président (M. Filion): Je pense que j'ai
déjà eu l'occasion de replacer dans le cadre exact la
consultation qui a été faite. La consultation était la
résultante d'un mandat que s'était donné la commission
d'examiner la Commission des droits de la personne. C'est dans le cadre de cet
examen que nous avons entendu plusieurs groupes et que plusieurs
hypothèses ont été examinées, dont
l'hypothèse d'un tribunal. Dans ce sens, le ministre a un peu raison et
vous aussi, personne n'a tort. Ce n'est pas uniquement
la question du Tribunal qui a été évoquée,
bien que plusieurs intervenants l'avaient soulevée de différentes
façons, directement ou indirectement.
M. Sauvé: D'accord. Pour revenir aux deux questions qui
ont été posées par le ministre, à savoir le statut
d'avocat des membres de ce Tribunal, j'aimerais seulement citer
l'ex-bâtonnier du Québec, Me Ménard, qui, dans Le journal
Barreau, avait rédigé un article où il disait
qu'une décision n'est pas plus humaine parce qu'elle est rendue par un
non-juriste. Elle a bien des chances, au contraire, d'être plus
arbitraire. Il n'y a pas de juge plus dangereux que celui qui joue à
l'avocat sans formation. Dans cette perspective, nous recommandons donc la
participation de non-juristes, spécialistes dans une autre discipline
que le droit, et que cette participation soit maintenue quand la nature des
litiges le justifie, mais qu'elle demeure de nature consultative. Cela a
toujours été la position du Barreau qui, à mon avis, va
dans le sens de l'intérêt public.
En ce qui concerne la deuxième question, à savoir si on a
des juges à vie ou non, je pense que c'est une question de
crédibilité. Le Tribunal des droits de la personne aura à
se pencher sur des questions qui sont fondamentales. On ne parle pas de
n'importe quoi; on parle de la Charte des droits de la personne et je pense que
ces juges, les membres de ce Tribunal doivent avoir le même
caractère d'inamovibilité que l'on retrouve parmi les autres
membres de tribunaux judiciaires. C'est une question de
crédibilité. C'est bien sûr qu'en demandant ça, on
va au-delà des règles minimales, mais, justement, compte tenu de
l'importance des questions qui seront tranchées par ce Tribunal, si on
ne veut pas avoir un tribunal de seconde classe, un tribunal dont la
crédibilité pourra être mise en doute, je pense que c'est
la solution à adopter.
M. Paquet: M. le ministre, dans le même esprit et sur le
même sujet, ce Tribunal que l'on a l'intention de créer doit
s'élever au-dessus de tous les autres, dans une certaine mesure. Il doit
être, dans sa constitution et dans ses activités, à l'abri
de toute critique, compte tenu de l'importance des questions qu'il aura
à traiter. C'est dans cet esprit que nous vous recommandons cela et que
notre réflexion s'est portée. La Charte des droits et
libertés de la personne est une loi d'une grande importance, une loi
à part. Le Tribunal des droits de la personne qu'on veut créer
doit être à l'abri de toute critique, quelle qu'elle soit. C'est
inspirés de cet objectif que nous vous tenons ces propos.
Le Président (M. Filion): Je voudrais vous remercier,
encore une fois, de votre mémoire. Vous soulevez, évidemment,
plusieurs problèmes qui ont déjà fait l'objet de
discussions dans cette consultation et qui ont fait l'objet de
réflexions, notamment au chapitre de l'accès à
l'information. À juste titre, vous soulevez la question des articles 92
et 93. Vous soulignez également de façon originale certaines
parties, certains articles du projet de loi qui avaient fait l'objet
peut-être d'un peu moins de discussions. Je pense ici à l'article
68. Je pense également à vos commentaires fort pertinents en ce
qui concerne, aux articles 76 et 77, le cas où la Commission
déciderait de ne pas agir - alors, qu'en est-il du délai si la
Commission décide de ne pas ester pour le citoyen devant le Tribunal? -
et également en ce qui concerne l'article 111.
Maintenant, ma question porte sur ce Tribunal et son caractère
impartial, son caractère indépendant que nous recherchons tous.
Je suis très bien votre raisonnement à savoir que les membres de
ce Tribunal devraient être inamovibles pour lui assurer une
crédibilité à toute épreuve, une
crédibilité analogue à celle qu'a la charte par rapport
aux autres lois. Mais vous nous suggérez aussi un processus de
nomination à travers l'Assemblée nationale, sauf erreur, et je
vois mal comment on peut concilier les deux. Les gens qui sont nommés
par l'Assemblée nationale, c'est une nomination qui est, en somme, faite
par le pouvoir politique, par le pouvoir législatif, cela s'applique
dans le cas du Vérificateur général, du Protecteur du
citoyen, etc., à cinq ou six postes. Mais ici on parle d'un juge, donc
de l'exercice d'un pouvoir judiciaire qui est Indépendant du pouvoir
législatif et du pouvoir exécutif. Je vois mal comment on peut
concilier les deux. À partir du moment où c'est
l'Assemblée nationale qui le nomme, il a justement un caractère
temporel. D'ailleurs, toutes les personnes que nous nommons, à
l'Assemblée nationale, ont des mandats. C'est remarquable de le
constater. Ici, vous suggérez une nomination qui, idéalement,
nous dites-vous et j'en suis, devrait être faite ni plus ni moins
à vie, sauf pour des motifs de destitution sérieux. Vous faites
une comparaison intéressante avec les juges des Cours municipales qui,
effectivement, d'ailleurs bien avant le projet de loi 141 - sauf erreur, c'est
avec le projet de loi que nous avions adopté en décembre -
avaient acquis ce caractère que le projet de loi 141 vient confirmer.
J'aimerais peut-être vous entendre si vous avez des commentaires à
faire là-dessus parce qu'il me paraît y avoir une certaine
contradiction entre ces deux voies. Me Paquet ou Me Sauvé, comme vous le
désirez.
M. Sauvé: Vous avez probablement raison. Je dois dire
d'abord - peut-être vous en êtes-vous aperçus - que je ne
suis pas un expert en matière de droit constitutionnel ou de droits
fondamentaux. Les six pages qui sont là constituent, en fin de compte,
une première réaction à ce projet de loi. Ce qui m'avait,
disons, surpris, c'est de voir que les membres de la Commission étaient
nommés par l'Assemblée
nationale, ce qui leur conférait, quand même, un certain
statut, un certain prestige, une crédibilité, tandis qu'on
réservait autre chose de moins spectaculaire aux membres du Tribunal des
droits de la personne. C'est surtout ce qui m'avait frappé, mais je suis
conscient, maintenant que vous avez attiré mon attention
là-dessus, qu'il peut y avoir une contradiction, effectivement.
Le Président (M. Filion): Cela va. À ce
moment-là, ma dernière question découle des propos de Me
Paquet que je trouvais bien intéressant tantôt, quand il disait:
Les praticiens vivent, évidemment, des situations pratiques et ont
à prendre position, à se former un jugement sur des situations
fort pratiques qui leur sont amenées par leurs clients. Tantôt,
vous avez dit: Les avocats, on pourrait, des fois, être tentés de
retourner devant cette bonne vieille Cour supérieure, sachant qu'il y a
deux chartes également, la charte canadienne et la charte
québécoise. Je trouve cela intéressant, ayant
moi-même déjà mentionné dans mon discours de
deuxième lecture qu'il ne faudrait pas, absolument pas, se retrouver
dans une situation où il y a deux chartes: la grande et la petite. Pour
la grande, on va en Cour supérieure avec tout le tralala et, pour la
petite, on a un mécanisme d'arbitrage et des auditions devant un
tribunal, comme vous l'avez souligné à juste titre, dont !es
membres siégeraient peut-être, selon le projet de loi, à
temps partiel, etc. Cela fait un peu deuxième voie. Il faut quand
même être très précis et dire qu'une des
préoccupations des membres de cette commission à l'époque
était de rendre le processus souple, accessible et expéditif, non
pas dans le sens péjoratif du mot, mais dans le sens réel du mot.
J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus nous faire part de
vos commentaires comme praticien ou, en tout cas, comme vivant dans la
réalité, eu égard au projet de loi 140.
M. Paquet: M. le Président, c'est toujours empreint des
mêmes préoccupations que je vous proposais ça tout à
l'heure. Je pense que, quand on entend de la Douche même du
président, la grande charte, ou la charte fédérale, et la
petite charte, force nous est de constater qu'il y a là une
espèce de symptôme d'une charte qui doit encore gagner, je pense,
dans l'esprit de plusieurs, enfin de ceux qui travaillent au processus de
l'administration de la justice, ses lettres de noblesse. C'est pour cela que
tous les propos que nous vous tenons aujourd'hui ont pour but d'aider cette
charte et d'aider ce Tribunal à s'élever et à devenir ce
qu'ils devraient être, si vous voulez. On vous disait, tout à
l'heure, M. le Président: Si on a des membres d'un tribunal qui
travaillent à temps partiel, cela ne fait pas sérieux.
Quand on parle de procéder à des amendements à la
charte, ce que l'on fait d'une façon très régulière
pour ce qui est de la nôtre, s'il m'était permis de faire une
comparaison avec la charte fédérale, personne n'ignore qu'il est
question, par les temps qui courent, d'amendements à cette charte
fédérale et vous voyez le tollé de protestation et les
réactions très vives que l'on entend ou que l'on voit un peu
partout, alors que nous, ici, dans une certaine mesure, on irait triturer,
amender à qui mieux mieux, sans consensus général et sans
plus de concertation. Cela fait perdre un peu de crédibilité
à cette charte qui, à mon sens, devrait être tout aussi
importante que l'autre.
Or, le réflexe du praticien ou le réflexe du contribuable
est purement normal: c'est celui d'aller là où on pense que
ça va se régler, là où on pense qu'il y a du
sérieux, là où on pense que c'est hors de toute critique,
là où on pense qu'on va être bien jugé, à
tout le moins, en apparence, selon nos droits et nos prétentions. C'est
une chose que de vouloir favoriser l'accès à la justice et
à cette justice en particulier et nous nous rejoignons tous d'une
façon pleine et entière là-dessus, j'en suis convaincu.
Mais encore faut-il que l'on ait envie d'y aller et que l'on ait envie de se
faire traiter par un tribunal qui va atteindre ces objectifs, qui ne sera pas
un tribunal de deuxième ordre.
Les propos que je tenais tantôt, M. le Président,
étaient en fonction de ça. Donnons-nous des garanties
sérieuses que ce Tribunal va décider, pas à temps partiel,
mais à temps plein, pas par des gens qui seront nommés pour deux
ou trois ans ou pour cinq ans pour son président, mais par des gens qui
vont être nommes là à vie. Que l'on oblige aussi la
Commission à justifier les retards qu'elle aurait dans l'administration
de ses dossiers. Que l'on donne la possibilité au contribuable, quand
une décision sera rendue par la Commission, de demander à cette
Commission pourquoi elle n'a pas retenu les prétentions que le
contribuable avait. Donnons-nous des éléments, des garanties que
cela sera sérieux. Donnons-nous des garanties que ce Tribunal, que cette
Commission gagneront le respect de tous les intervenants dans le milieu
judiciaire, de tous les contribuables. C'est ça que ce Tribunal, c'est
ça que cette Commission devraient respirer. C'est dans cet esprit que
nous Intervenons, c'est dans cet esprit que nous vous tenons ces propos.
Le Président (M. Filion): Quant à moi, je vous
remercie donc de vos commentaires verbaux et également de votre
présentation écrite.
M. Rémillard: Je vous remercie, M. le bâtonnier, M.
Sauvé, d'avoir accepté de venir témoigner devant nous. On
va réfléchir très sérieusement à vos propos.
Je suis certain qu'ils pourront nous inspirer.
M. Paquet: Merci, M. le Président, M. le ministre. Merci,
messieurs et madame les membres de la commission.
Le Président (M. Filion): On va suspendre nos travaux pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 7) (Reprise à 16 h
14)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission des institutions reprend ses travaux.
Mémoires et documents
déposés
Je voudrais, avec la permission des membres de cette commission,
procéder tout d'abord au dépôt de certains documents qui
vont être des documents de la commission. Il s'agit de mémoires,
de correspondance, de commentaires relativement, bien sûr, au projet de
loi 140. Donc, les commentaires de la Ligue des droits et libertés, sous
la cote 1M, ceux de !a Centrale de l'enseignement du Québec, sous la
cote 2M, le Barreau du Québec, sous la cote 3M; la Commission
d'accès à l'information, sous !a cote 4M; !e Protecteur du
citoyen, sous la cote 5M, la Conférence des membres de tribunaux
administratifs du Québec, sous la cote 6M, le communiqué du
Centre de recherche-action sur les relations raciales, sous la cote 7M;
également une correspondance de l'Association du Québec pour
l'intégration sociale, en liasse 8M; le Comité lavailois des
requérantes et requérants de HLM, sous la cote 9M; l'ACES de
Laval, sous la cote 10M; l'Institut d'éducation populaire des
Bois-Francs, sous la cote 11M; le mémoire du groupe Action travail des
femmes, sous la cote 12M, qui est appuyé par toute une série
d'organismes dont le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail inc., Échange entre femmes de Saint-Laurent inc.,
Solidarité populaire Québec, etc., donc en liasse les lettres
d'appui à votre mémoire, Mme Novak.
Mme Novak, du groupe Action travail des femmes, a pris place à la
table des Invités. Sans tarder, je lui demanderais de bien vouloir nous
présenter ses commentaires sur le projet de loi 140.
Action travail des femmes
Mme Novak (Liza): Bonjour. Merci de nous avoir Invités
pour cette consultation particulière. Nos commentaires, en fait, sont
que le projet de loi 140, à notre avis, crée un tribunal de
deuxième classe pour les victimes de discrimination.
Le 15 mai dernier, le ministre de la Justice, M. Gil Rémillard, a
déposé le projet de loi 140, Loi modifiant la Charte des droits
et libertés de la personne, concernant la Commission et instituant le
Tribunal des droits de la personne.
Bien que le ministre affirme vouloir élargir
l'accessibilité des citoyens à leurs droits en vertu du principe
de l'égalité, le projet de loi n'assure nullement un recours
accessible, rapide et efficace en matière de discrimination, tel que
revendiqué par Action travail des femmes appuyée par 50
organismes voués à la défense des droits.
Je voudrais aussi soumettre la liste des 5G organismes. En fait, ce sont
53 organismes qui ont appuyé nos critiques à la suite du rapport
de la commission des institutions qui portait sur le fonctionnement de la
Commission des droits de !a personne. Je voudrais souligner que cette
consultation, comme vous l'avez dit précédemment, portait
principalement sur le fonctionnement de la Commission. Quelques groupes qui
sont intervenus ont demandé !a création d'un tribunal. Action
travail des femmes n'avait pas parlé de cette question à
l'époque et aucun des 53 groupes listés n'a, en fait, soumis un
mémoire sur la création d'un tribunal comme tel ou sur un projet
de loi qui porterait sur la création d'un tribunal. Alors, ces
organismes, avec nous, revendiquent l'accès direct à un tribunal
autonome qui soit rapide et efficace. Je voulais juste l'inclure et
clarifier.
Le Président (M. Filion): Permettez-moi peut-être de
déposer à ce moment-ci la liste des groupes qui appuient les
révendications d'Action travail des femmes sous la cote 13M.
Poursuivez, je vous en prie, Mme Novak.
Mme Novak: Or, le projet du ministre Rémillard ne
répond nullement à nos attentes. D'une part, le projet
crée un tribunal de deuxième classe qui ne rencontre pas les
exigences de la charte. D'autre part, il rend confidentielles et Inadmissibles
devant le Tribunal les données statistiques essentielles à la
preuve de la discrimination en emploi. Loin d'être un pas en avant, le
projet de loi, tel que déposé, constitue un net recul en
matière d'accès à l'égalité. Nous
réclamons que ce projet de loi soit retiré et qu'un nouveau
projet de loi soit présenté pour lequel le gouvernement
prévoira une véritable consultation avec des délais
raisonnables. Nous faisons cette demande, également, au nom de tous les
organismes qui n'ont pas été invités à
présenter leur point de vue, à réagir sur le projet de
loi, de tous ceux qui ont envoyé des télégrammes et des
lettres à M. Rémillard et au premier ministre, M. Bourassa,
réclamant le retrait du projet de loi 140 et dont vous avez
déposé copie tantôt.
Pour ce qui est du projet de loi 140 plus spécifiquement, les
organismes voués à la défense des droits de la personne
dénoncent la façon dont la Commission dispose des plaintes de
discrimination qui lui sont adressées depuis des années.
Dernièrement, Me Andrée Côté et Lucie Lemonde ont
démontré le bien-fondé de ces critiques à partir
d'une étude exhaustive de 174 plaintes de discrimination traitées
par la Commission. Leur étude, intitulée "Discrimination et la
Commission des droits de la personne" a été publiée par
les Éditions Saint-Martin, il y a un
an.
À la suite de la publication de cette étude confirmant
l'inefficacité du recours devant la Commission, les organismes
voués à la défense des droits de la personne ont
revendiqué la mise sur pied d'un Tribunal des droits de la personne
comme alternative au recours à la Commission. Je répète:
comme alternative.
Nous étions étonnées d'apprendre que l'article 111
du projet de loi prévoit que seuls la Commission et les employeurs
à qui le Tribunal a déjà imposé un programme
d'accès à l'égalité pourront s'y adresser. Nous
réclamons un amendement au projet de loi qui permettrait
également à des victimes de discrimination et à des
organismes de défense des droits de la personne de s'adresser
directement au Tribunal: il est d'autant plus essentiel d'avoir un accès
direct au Tribunal étant donné que les changements
apportés par l'article 71 du projet de loi exempteront la Commission du
respect des principes de justice naturelle lors de ces enquêtes. Une
plaignante pourra donc voir sa plainte rejetée après
enquête sommaire, sans jamais obtenir une audition.
Un tribunai ni indépendant ni impartial. Selon le projet de loi,
le nouveau tribunal sera composé d'au moins six membres. Nommés
par le gouvernement, après diverses consultations, pour un mandat de
trois ans, les membres du Tribunal seront rémunérés
à vacation pour siéger à trois sur une base ad hoc au
Tribunal ou pour agir comme arbitres devant la Commission à sa
demande.
Le ministre de la Justice a donc adopté, presque sans
modification, le modèle fédéral. Or, depuis
l'arrivée au pouvoir du gouvernement conservateur à Ottawa, nous
avons eu une démonstration éloquente des lacunes de ce
système. En 1986, le gouvernement Mulroney a remplacé la grande
majorité des membres du Tribunal fédéral des droits de la
personne nommés par le gouvernement précédent. À
leur place, if a nommé des partisans du Parti conservateur dont
plusieurs n'avaient aucune connaissance dans le domaine. Ces nominations ont
sapé la crédibilité du Tribunal et ont semé le
cynisme chez les organismes voués à la défense des droits
de la personne. Pourquoi le Québec prendrait-il cette voie?
En effet, nous ne croyons pas que le législateur
québécois puisse adopter le projet de loi tel que proposé
à moins d'écarter les droits fondamentaux garantis par la charte
québécoise à l'article 23: Toute personne a droit, en
pleine égalité, à une audition publique et impartiale de
sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas
préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits
et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre
elle."
Que veut dire "une audition publique et impartiale de sa cause par un
tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé"? Dans la
décision Valante contre la reine rendue en 1985, la
Cour suprême a défini les notions d'indépendance et
d'impartialité à l'égard d'une disposition semblable de la
charte canadienne. La Cour conclut que, pour satisfaire aux exigences de la
charte, un juge doit être inamovible, en plus d'avoir la
sécurité financière et l'Indépendance
Institutionnelle. Il doit également être perçu comme
impartial.
Sur la foi de la décision Vaiente, la Cour supérieure a
décidé, en 1988, que les juges des Cours municipales
québécoises n'étaient ni indépendants, ni
impartiaux. Ce jugement se fonde sur le fait que les juges des Cours
municipales n'ont pas de sécurité financière et ne restent
en poste que selon le bon vouloir du gouvernement. De plus, la Cour souligne
que les juges à temps partiel sont susceptibles de vivre des conflits
d'intérêts à cause de leurs autres engagements
professionnels. Ils ne sont donc pas impartiaux.
Or, c'est justement le cas des membres du nouveau Tribunal des droits de
la personne. Mis à part le président, qui sera nommé par
les juges de la Cour du Québec dont la jurisprudence en matière
de discrimination est plus que décevante, les membres ne jouiront
d'aucune indépendance, ni d'aucune sécurité. Ils seront
rémunérés à vacation et travailleront sur appel
comme des travailleurs et des travailleuses d'hôpitaux. En supposant
qu'un membre rende une décision qui déplaît, il risquerait
de ne pas être rappelé souvent. Puisqu'il ne pourra pas être
sûr de siéger, il devra avoir du travail ailleurs. Dans ce cas, il
courra des risques de conflit d'intérêts mettant en doute son
impartialité.
De surcroît, le mandat des membres du nouveau Tribunal est d'une
durée de trois ans et le gouvernement peut décider à son
gré de ne pas le renouveler. Les victimes de discrimination feront-elles
confiance à l'impartialité de ce Tribunal? Il est permis d'en
douter quand on sait que le gouvernement est le plus grand employeur et
pourvoyeur de services au Québec et qu'il risque fort de se trouver
assez souvent sur le banc des accusés.
Pour remédier à ce manque d'indépendance et
d'impartialité et pour mettre le nouveau Tribunal à l'abri de
toute influence politique, nous réclamons les changements suivants:
Que les membres du Tribunal des droits de la personne soient
nommés par l'Assemblée nationale, comme le sont actuellement les
commissaires des droits de la personne;
Que les membres du Tribunal soient nommés à temps plein
pour un mandat de sept ans;
Que le projet de loi précise que le Tribunal soit composé
de membres ayant des connaissances et une implication dans la défense
des droits de la personne, reconnues par les milieux concernés et soient
choisis pour représenter la diversité de la société
québécoise.
Une Commission des droits de la personne secrète. La partie IV du
projet de loi s'intitule "Confidentialité". Elle accorde à la
Commission des pouvoirs exorbitants, la mettant à l'abri de
toute surveillance du public. S'agit-il de la solution que le
gouvernement préconise pour mettre fin aux critiques dont !a Commission
fait l'objet depuis des années?
En vertu de l'article 92, la Commission dos droits de la personne serait
exemptée, en ce qui concerne les cas de discrimination, de l'application
de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics.
De surcroît, la Commission aurait carte blanche, et nous citons,
pour "interdire ou restreindre la divulgation, la publication ou la diffusion
d'un renseignement ou d'un document qu'elle spécifie relativement
à un cas de discrimination". Aussi étonnant que cela puisse
paraître, la Commission aurait donc le pouvoir d'empêcher les
organismes voués à la défense des droits de la personne
d'informer le public des cas de discrimination dont ils saisissent la
Commission. Elle pourrait également refuser de divulguer les
résultats de ses enquêtes aux parties intéressées en
dépit des règles de justice naturelle. Or, aucune autre loi sur
les droits de la personne en Amérique du Nord ne contient une telle
disposition! Nous réclamons donc que Sas articles 92 et 93 soient
retirés.
Des programmes d'accès à l'égalité bidon. De
surcroît, !'article 92 du projet de loi rend confidentiels les
renseignements fournis par les employeurs dans le cadre d'un programme
d'accès à l'égalité. Dorénavant, ces
renseignements concernant le nombre de femmes, de minorités visibles et
de handicapés, ainsi que leur situation dans l'entreprise seront
voilés et ce, nonobstant la loi sur l'accès à
l'information.
Pire encore, l'article 93 prévoit qu'une fois confiés
à la Commission ces renseignements ne pourront pas être
révélés par ou pour la Commission devant le Tribunal,
à moins que l'employeur n'y ait consenti. C'est donc dire qu'à
partir du moment où l'employeur confie de son propre gré les
renseignements nécessaires à la preuve de la discrimination
systémique à la Commission, II est à l'abri de poursuites.
Devant une telle incitation, un grand nombre d'employeurs verront sans doute
l'intérêt de faire appel aux services de la Commission pour mettre
sur pied des programmes d'accès à l'égalité!
Toutefois, étant à l'abri des poursuites, les employeurs
n'auront aucune raison de consentir à des mesures de redressement
efficaces. Ainsi, privée de la possibilité de faire la preuve de
la discrimination devant les tribunaux, la Commission sera contrainte
d'endosser des programmes d'accès à l'égalité
bidon. Le tout, bien sûr, dans le plus grand secret car les groupes
victimes de discrimination, pourtant les premiers concernés, n'auront
aucun droit de prendre connaissance de ces programmes d'accès à
l'égalité. (16 h 30)
Par ailleurs, comment la Commission réagira-t-elle devant une
plainte de discrimination à l'encontre d'un tel employeur? Comment
pourra-t-elle amener la plainte devant le Tribu- nal, ayant déjà
endossé le programme d'accès à l'égalité du
même employeur? C'est une situation classique de conflit
d'intérêts qui ne tardera pas à miner totalement la
crédibilité de la Commission aux yeux des groupes victimes de
discrimination.
Par contre, le législateur fédéral a pris une tout
autre voie en adoptant, en 1986, la Loi concernant l'équité en
matière d'emploi. Cette loi s'applique, entre autres, à Bell
Canada, aux banques à charte et aux compagnies de transport
interprovincial etc. Elle impose à ces employeurs, sous peine maximale
de 50 000 $ d'amende, de déposer, une fois par année, un rapport
statistique détaillant la situation et !a présence des groupes
discriminés au sein de l'entreprise. Ces rapports déposés
à la Commission fédérale des droits de la personne et au
Parlement sont publics. Les données qu'ils contiennent sont admissibles
comme preuves dans les poursuites devant les tribunaux et ceci incite
probablement à des efforts de redressement qui ne seraient pas faits si
ces données étaient confidentielles et inadmissibles.
C'était, du moins, la prétention de Mme Flora MacDonald, ministre
responsable, à l'époque, de l'adoption de la loi.
Action travail des femmes préconise l'approche adoptée par
le législateur fédéral à ce sujet et demande donc
le retrait des articles 92 et 93 du projet de loi qui ont pour effet de faire
un secret d'Etat de la discrimination.
Des changements s'imposent. À la lumière de son analyse du
projet de loi 140, Action travail des femmes réclame les changements
suivants:
Que l'article 111 soit amendé pour permettre aux victimes de
discrimination et aux organismes voués à la défense des
droits de la personne de s'adresser directement au Tribunal des droits de la
personne, Que les membres du Tribunal des droits de la personne soient
nommés par l'Assemblée nationale comme le sont actuellement les
commissaires des droits de la personne;
Que les membres du Tribunal soient nommés à temps plein
pour un mandat de sept ans;
Que le projet de loi précise que le Tribunal soit composé
de membres ayant des connaissances et une implication dans la défense
des droits de la personne, reconnus par les milieux concernés, et soient
choisis pour représenter la diversité de la société
québécoise;
Que les articles 92 et 93 soient supprimés pour que la Commission
des droits de la personne soit assujettie à la loi sur l'accès
à l'information;
Que le projet de loi rende accessibles au public et admissibles devant
les tribunaux les données nécessaires à la preuve de la
discrimination.
Je vous remercie.
Le Président (M. Filion): C'est moi qui vous remercie, Mme
Novak, de votre mémoire, ainsi que de votre présentation verbale
et de votre
présence ici à l'intérieur d'un si court
délai.
M. le ministre de la Justice, la parole est à vous.
M. Rémillard: Merci, Mme Novak, d'avoir accepté de
venir témoigner devant nous aujourd'hui et merci de vos commentaires qui
témoignent de votre souci de pouvoir assurer le plus possible cette
accessibilité à tous les Québécois et
Québécoises pour le respect de leurs droits et de leurs
libertés. Vous avez, de fait, touché à la majorité
des points qui, je pense, méritent qu'on s'interroge concernant notre
projet de loi. On n'a pas Sa prétention de dire qu'un projet de loi est
parfait comme ça, mais je crois qu'avec des amendements, à la
suite des commentaires que vous nous faites et que les autres groupes vont nous
faire, on va pouvoir le bonifier et en faire un très bon projet de loi.
Vous savez, si on décidait de ne pas procéder
législativement maintenant, je me demande quand on pourrait
procéder pour avoir un tel tribunal. Il faut partir des fondements que
nous avons, comme votre témoignage le démontre fort bien, parce
que, si vous nous avez dit au départ que vous aimeriez qu'on retire
complètement le projet de loi, ensuite, vous êtes revenue avec des
critiques fort à point, devrais-je dire, dans le sens qu'elles
étaient bien articulées, bien étudiées sur les
différents aspects du projet de loi qui méritent qu'on les
remette en question. Je vous remercie des commentaires que vous nous avez
faits.
Présentement, le système que nous avons fonctionne comme
ceci: une plainte concernant la discrimination est faite par un citoyen, une
citoyenne. Cette plainte est faite à la Commission des droits. Je dis
présentement en fonction du projet de loi tel que déposé.
C'est donc fait à !a Commission des droits. La Commission examine si la
plainte est recevable. Elle peut faire de la médiation, bien sûr,
mais, ensuite, si elle prend fait et cause pour ce citoyen, cette citoyenne,
elle peut décider de recommander qu'on soumettre le tout à un
arbitrage. SI les deux parties sont d'accord, il peut y avoir arbitrage. Si les
parties aiment mieux aller au Tribunal des droits de la personne, le Tribunal
serait là. Mais, ça passe donc obligatoirement par la
Commission.
Vous nous suggérez, si j'ai bien compris, qu'il puisse y avoir
tamisage par la Commission dans le sens qu'il n'y ait pas de plaintes
farfelues, tout comme ça se fait pour la police qui reçoit des
plaintes et qui fait enquête et qu'ensuite ça puisse aller
directement à ce Tribunal. Même si la Commission décidait
de ne pas procéder estimant que cette plainte n'est pas fondée,
que la personne puisse aller directement au Tribunal. Bien sûr, cela
signifierait que cette personne le fasse à ses frais. La Commission ne
prendrait pas fait et cause et ne paierait pas les frais, ne fournirait pas
d'avocat comme ça se fait lorsqu'elle décide de procéder
en prenant fait et cause pour les personnes. Si j'ai bien compris, vous voulez
avoir une ligne directe entre le citoyen, la citoyenne et le Tribunal. Est-ce
que je vous al bien compris?
Mme Novak: Oui, effectivement, je crois qu'on vous a fait
transmettre... En fait, les 53 appuis que j'ai soumis venaient des organismes
qui appuient cette proposition dont on vous a fait part au début de
l'année.
M. Rémillard: Maintenant, Mme Novak, présentement
le projet de loi prévoit un juge et cinq autres membres qui en feront
partie pigés à même une banque ou une liste d'arbitres, qui
pourraient être choisis de la façon prévue par le projet de
loi, mais on pourrait aussi imaginer d'autres façons. La question que je
voudrais vous poser est celle-ci: Est-ce que vous croyez qu'il serait possible
d'avoir un tribunal avec un seul juge qui entendrait la cause ou si, selon
vous, il faut un banc de trois juges, c'est-à-dire trois membres?
Mme Novak: N'étant pas juriste, un banc composé de
trois juges permet quand même, pour des questions de droit en ce qui
concerne la charte, qui est un domaine très important, vital, d'avoir la
position de différentes personnes. Je dirais donc que, oui, il faudrait
avoir au moins trois juges sur un banc. Ce serait préférable.
M. Rémillard: Même si vous avez la
possibilité d'aller à la Cour d'appel qui, elle, est
composée d'un minimum de trois Juges? Vous savez qu'il y a un droit
d'appel de ce Tribunal à la Cour d'appel du Québec.
Mme Novak: Vous me posez cette question. Comme je vous l'ai dit,
je ne suis pas juriste. Je vous réponds comme ça, je n'avais pas
prévu cette question; on n'en a pas discuté au sein de
l'organisme. Je ne sais pas quelles sont les implications s'il n'y a qu'un
juge.
M. Rémillard: D'accord, je ne veux pas vous embêter.
C'est simplement parce qu'on essaie de voir, en fonction des commentaires qu'on
reçoit, toutes les implications et tous les modèles qui
pourraient se présenter.
Mme Novak: Par contre, l'important pour nous, c'est que la
personne qui siège soit une personne à temps plein, qu'il y en
ait une ou trois, et qu'elle soit là pour une durée, quand
même, suffisamment longue pour ne pas être influencée par
les partis politiques ou le parti au pouvoir. Il faut minimiser cette
influence.
M. Rémillard: Très bien. En ce qui regarde la
possibilité d'arbitrage, est-ce que vous avez réfléchi
là-dessus? Est-ce que vous pensez que c'est intéressant ou
non?
Mme Novak: Oisons que notre position et
nos propositions suggèrent de passer par-dessus tout ce processus
qui est très long et qui, souvent, risque d'être une perte de
temps. Dans la recherche publiée par Lucie Lemonde et Andrée
Côté sur 174 dossiers, il y en a eu huit qui ont eu un
règlement favorable et un qui a été judiciarisé. Le
projet de loi prévoit un mécanisme qui, selon nous, va
occasionner des délais. On n'est pas sûres que ça va
être juste pour les victimes de discrimination. On a des doutes qui
reposent sur la pratique actuelle de la Commission quant au traitement des
plaintes. Nous, on voudrait passer par-dessus tout ce processus, ce qui
impliquerait de réduire considérablement le service des
enquêtes de la Commission et de réinvestir cet argent pour le
fonctionnement d'un tribunal, cela n'empêcherait pas la Commission de
maintenir son contentieux et peut-être même de faire des
enquêtes de sa propre initiative. Rien ne l'empêcherait de faire
ça, mais on voudrait passer par-dessus ce processus.
M. Rémillard: Mme Novak, est-ce que vous réalisez
que l'arbitrage n'est pas obligatoire? C'est strictement facultatif. Lorsque la
plainte est reçue par la Commission, elle peut très bien dire:
Très bien, monsieur, madame, vous pouvez, si vous le voulez, aller en
arbitrage. Mais si les personnes disent qu'elles ne veulent pas y aller, elles
vont au Tribunal. On n'est pas obligé de passer par l'arbitrage, vous
savez.
Mme Novak: Je comprends ce que vous dites. Comme on n'est pas
obligé de faire une médiation dans le cas des enquêtes
actuelles. Les parties peuvent dire qu'elles ne sont pas
intéressées à faire des médiations. Ça ne
change rien, non plus, aux délais et à la qualité des
enquêtes, surtout que ce seront des enquêtes non contradictoires.
Il n'y a rien qui assure que toutes les Québécoises et tous les
Québécois ont accès à ce Tribunal. C'est le point
qu'on voudrait signaler.
M. Rémillard: Simplement pour qu'on s'entende, vous avez
la possibilité d'avoir un arbitrage, c'est-à-dire que vous allez
avoir une liste d'arbitres et, aux personnes qui se plaignent de discrimination
et aux personnes qui sont intimées, la Commission pourra dire: Si vous
le voulez, vous pouvez aller à l'arbitrage. Or, on sait que l'arbitrage,
habituellement, c'est plus rapide, plus simple, cela prend moins de temps. Ce
serait une décision qui serait prise en toute liberté par les
deux parties et, si elles acceptent l'arbitrage, la décision de
l'arbitre est finale. On s'en tient à l'arbitrage. Ne croyez-vous pas,
Mme Novak, qu'en ayant un tel système on pourrait régler bien des
cas, entre autres, en matière de discrimination, par l'arbitrage, au
lieu de procéder devant le Tribunal qui, lui, prendra du temps? Il y a
un rôle, il faut attendre son tour, avec tout le formalisme
qu'amènent les plaidoi- ries devant un tribunal formel. C'est parce que
vous parlez d'accessibilité.
Mme Novak: Qand vous parlez du processus d'arbitrage, j'avoue
que, dans le projet de loi, selon moi, quand je l'avais étudié,
ce n'était pas clair que la décision de l'arbitre était
une décision exécutoire finale. J'imagine que c'est par une
entente, un règlement qui est signé entre les parties. Autrement
dit, on a deux paliers de droit, deux paliers de décision
exécutoire par lesquels il faut passer.
M. Rémillard: Non, c'est l'un ou l'autre.
Mme Novak: C'est ce que je voulais dire, mais vous avez deux
paliers.
M. Rémillard: Si vous décidez d'aller à
l'arbitrage, vous allez à l'arbitrage mais vous vous engagez à
respecter la décision de l'arbitre. Si vous décidez d'aller au
Tribunal, vous allez au Tribunal et, là, vous avez un droit d'appel
à la Cour d'appel du Québec. (16 h 45)
Mme Novak: Mais si on prend la voie de l'arbitrage, il n'y a rien
qui assure qu'il y a eu une enquête qui respecte les principes de justice
naturelle pour les victimes de discrimination, alors que, si on prend la
décision d'aller directement devant le Tribunal, les règles de la
preuve sont beaucoup plus rigides que celles qu'on confie à la
Commission.
M. Rémillard: Donc, vous ne voyez pas d'utilité
à ce qu'on mette l'arbitrage. Vous voulez qu'on l'enlève de la
loi?
Mme Novak: Absolument.
M. Rémillard: Alors, je prends bonne note que vous voulez
qu'on enlève l'arbitrage de !a loi.
Le Président (M. Filion): En ce qui concerne l'arbitrage,
pour poursuivre dans cette veine, est-ce que vous craignez que la Commission
refuse de prendre ou, en tout cas, soit influencée par la
décision des parties quant à l'arbitrage pour prendre une
décision sur le fait de savoir si, oui ou non, la Commission prendra
fait et cause, pour cette personne devant le Tribunal?
Mme Novak: Non. Moi, je n'ai jamais porté de cause devant
un arbitre. Comme je vous l'ai dit, vous me posez des questions avec lesquelles
je ne suis pas assez à l'aise. D'accord? Nous, nous constatons, en
termes pratiques, au sujet de l'effet sur les victimes et les groupes victimes
de discrimination - et c'est le point de vue sur lequel je m'exprime - que le
projet de loi rallonge le processus. Vous dites non, mais, nous, nous le
constatons, parce qu'il est bâti sur le
modèle fédéral. La prescription est suspendue au
moment où on dépose une plainte. Notre expérience dans des
cas comme ça, c'est qu'une enquête peut durer deux, trois, quatre
ou cinq ans avant même qu'il y ait une décision, une
recommandation ou une proposition, appelons-la comme on voudra. Alors, c'est
dans cette procédure-là que nous voyons un danger. On ne veut pas
être obligé de passer par la Commission dans ce processus. On
voudrait avoir l'accès direct à un tribunal avec des
décisions exécutoires où on fera la preuve directement
devant un, deux ou trois juges.
Le Président (M. Filion): À plusieurs reprises dans
votre mémoire et dans votre présentation, vous avez parlé
d'un tribunal autonome, d'un tribunal indépendant. Alors, dans
l'hypothèse où il y aurait accès direct des citoyens au
Tribunal des droits de la personne et où il y aurait également la
possibilité pour la Commission de prendre parti pour un individu, une
personne, un groupe d'individus ou de personnes, et de se présenter
également devant le Tribunal, est-ce que cela vous sourirait?
Mme Novak: Effectivement, si la Commission veut mener des
enquêtes de sa propre initiative pour amener elle-même des gens
devant le Tribunal, je crois que personne n'aurait d'objection à
ça, à part ceux sur qui l'enquête va porter. Moi, je
voudrais juste clarifier que le tribunal autonome auquel nous voulons avoir
accès directement est gratuit dans notre proposition.
Le Président (M. Filion): II est gratuit?
Mme Novak: II est gratuit, il est déjudiciarisé,
c'est-à-dire qu'on, n'est pas obligés non plus d'avoir un avocat
pour se présenter devant ce Tribunal. Je voulais juste ajouter cette
précision: il est gratuit.
Le Président (M. Filion): Quand vous dites gratuit, vous
voule2 dire que ça ne coûte absolument rien, qu'il n'y a pas de
frais, d'aucune façon, et qu'on, se présente devant le Tribunal
un petit peu comme devant la Cour des petites créances, même pas
parce qu'il y a là certains frais, sauf erreur, je pense, de 5 $ ou 10
$, mais en tout cas...
Mme Novak: II pourrait y avoir des frais d'inscription minimaux.
Oui, effectivement, ce serait gratuit, parce qu'un des obstacles aux recours en
justice, c'est précisément la question de ne pas avoir
suffisamment de ressources financières et M. Rémillard l'a
déjà soulevé.
Le Président (M. Filion): Malgré le fait qu'il
existe. un système d'aide juridique, etc., vous ne considérez pas
ça comme...
Mme Novak: Si on veut que le Tribunal impose des frais, il
faudrait aménager le système juridique pour que beaucoup plus de
gens puissent y avoir accès et, là-dessus, on a soumis des
recommandations précises. À ce moment, nous réclamons
encore plus fortement la mise sur pied d'un fonds d'aide financière pour
que les victimes de discrimination puissent y avoir accès, si on a
l'intention que le Tribunal ne soit pas gratuit.
M. Rémillard: Mme Novak, je voudrais simplement vous
mentionner que vous voulez avoir un accès gratuit. C'est un aspect
important. Avoir un droit, c'est une chose et pouvoir l'exercer aussi, en ce
qui regarde les droits fondamentaux, c'est important. Pariant
d'accessibilité, de gratuité, il faut comprendre, Mme Novak, que
l'arbitrage est un service gratuit. L'arbitrage ne coûte rien. C'est
rapide. Vous n'avez pas besoin d'avocat si vous n'en voulez pas, pas plus que
devant une cour de justice, remarquez. Le système d'arbitrage -
là, vous me dites: On n'en veut pas - avait été
imaginé et mis dans le projet de loi justement en fonction des objectifs
que vous déterminez vous-même.
Mme Novak: Si je comprends bien, pour se rendre à
l'étape de l'arbitrage, il faut passer par un processus d'enquête
à la Commission des droits de la personne qui déciderait,
à l'intérieur de ce processus, si une plainte est recevable. Il y
a eu beaucoup de critiques même en ce qui concerne la recevabilité
des plaintes. Donc, plusieurs plaintes n'ont même pas été
acceptées. Toutes ces personnes n'auraient pas accès à ce
processus. En plus, il faudrait passer par un processus d'enquête qui est
non contradictoire, autrement dit inquisitoire. Donc, on n'est pas assujettis
à respecter les principes de justice naturelle qui garantissent que les
droits des parties ont été pleinement respectés. Comment
peut-on s'assurer de ça si tout est fait derrière? De plus, le
projet de loi n'oblige pas la Commission à soumettre les
résultats de son enquête aux parties.
M. Rémillard: Non, il faut que la Commission puisse
soumettre les résultats de son enquête aux parties parce qu'elle
décide de prendre fait et cause ou non. Donc, elle va être
obligée de le faire.
Mme Novak: Oui, mais présentement le projet de loi ne
garantit pas cette voie. Si on prend les 174 dossiers qui ont été
étudiés et fermés en 1986 à la Commission, comme je
vous l'ait dit, il y en a huit qui se sont rendus à une étape
où on pourrait dire qu'ils étaient recevables à
l'arbitrage. Il y a un dossier qui a été judiciarisé. Il
resterait environ 164 dossiers. Que ferait-on avec ces 164 autres dossiers? Je
prends un exemple hypothétique.
Le Président (M. Filion): Mme Novak, je pense qu'on a
déjà eu l'occasion d'en discuter un petit peu ensemble à
la commission des institutions. Le projet de loi contient quelque chose de
fondamental. La Commission des droits de la personne n'aura plus de double
mandat. Elle pourra prendre parti carrément dans un dossier pour une
personne ou un groupe de personnes, ce qui ne correspond aucunement à la
situation actuelle où, à cause de son double mandat, la
Commission se doit de garder parfois une certaine neutralité. Est-ce que
vous saisissez cette partie importante du projet de loi? J'ai l'impression, en
vous entendant, que vous vous référez à la future
Commission des droits de la personne comme si elle devait être ce qu'elle
était avant le projet de loi. En somme, est-ce que vous voyez du bon
à ce que la Commission des droits de la personne puisse faire la
promotion des droits, puisse enquêter avec un préjugé
favorable à une partie si elle le juge à propos dans les faits,
à ce que la Commission, en somme, puisse exercer un rôle qui ne
soit pas entravé par son rôle quasi judiciaire actuel?
Mme Novak: Quand je compare le projet de loi 140 avec la charte
actuelle, en termes de rôle, en fait, au lieu de faire une
recommandation, la Commission fait une proposition. On a transformé les
mots. Peut-être qu'une proposition est moins forte qu'une recommandation
et a des implications distinctes, puisqu'elle n'est pas obligée de dire
si une plainte est fondée ou non. Je comprends ça. Mais il reste
qu'au bout du compte elle doit faire une proposition et prendre une
décision. Est-ce qu'elle amène ce dossier devant un tribunal ou
non? Cela reposera sur la force du dossier, de part et d'autre. À ce
moment-là, on ne peut pas présumer d'une espèce de
neutralité. Il n'y aura pas de neutralité dans les faits.
Sur les rôles conflictuels, je ne partage pas votre opinion. Nous,
à Action travail des femmes, ce n'est pas notre conclusion. La
Commission sera quand même en conflit d'intérêts dans son
service des programmes d'accès à l'égalité
volontaires, par exemple, ou dans d'autres services. Faire la promotion par
l'éducation en aidant les employeurs, en collaborant avec eux pour
mettre sur pied volontairement des programmes d'accès à
l'égalité, tout en recevant des plaintes et en menant des
enquêtes sur les mêmes employeurs avec qui on collabore, un
étage plus loin, à mettre sur pied des programmes d'accès
à l'égalité, nous considérons que c'est toujours
contradictoire. Il y a toujours une situation de conflit
d'intérêts.
M. Rémillard: Mme Novak, très brièvement, je
veux simplement vous souligner qu'à l'article 77 du projet de loi on dit
bien que la décision de la Commission "est motivée par
écrit et elle indique, s'il en est, tout recours que la Commission
estime opportun; elle est notifiée à la victime et au plaignant.
Sur cet aspect, je veux vous rassurer, il y a vraiment information en fonction
du dossier qu'a ouvert et suivi la Commission.
Mme Novak: Comme c'est le cas présentement.
M. Rémillard: C'est nouveau. C'est spécifique dans
le projet de loi.
Mme Novak: Excusez-moi, je ne sais pas si j'ai bien compris, mais
vous me dites que la
Commission, à l'heure actuelle, avise les parties quand il y a
une plainte.
M. Rémillard: Elle n'est pas obligée de se
justifier. Là, il y aura obligation de justifier sa décision.
Mme Novak: D'accord.
M. Rémillard: C'est bien spécifié au projet
de loi, à l'article 77.
Le Président (M. Filion): Cela va. Merci, Mme Novak. Vous
vous êtes aperçue que la qualité de vos propos était
proportionnelle au temps que nous y avons mis. On a dépassé
'largement l'enveloppe de temps qui vous était consacrée. Je dois
dire que cela a été extrêmement productif et fructueux de
vous entendre. Au nom des membres de cette commission, je vous en remercie.
Mme Novak: Je vous remercie beaucoup moi aussi.
M. Rémillard: Merci, Mme Novak. On a beaucoup
apprécié vous entendre et on prend bonne note de ce que vous nous
avez dit.
Le Président (M. Filion): Je demanderais aux
représentants du groupe SOS Racisme de bien vouloir prendre place.
M. Jean-Bart (Alain): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Filion): Merci.
M. Jean-Bart: M. le ministre, mesdames et messieurs de la
commission, c'est avec une rapidité extrême qu'on a pu, nous un
groupe de pression démuni de tout...
Le Président (M. Filion): Est-ce que vous pourriez vous
identifier, s'il vous plaît, pour le bénéfice des membres
de la commission et également pour le Journal des
débats?
SOS Racisme
M. Jean-Bart: Alain Jean-Bart. Je suis
président de SOS Racisme. Je disais donc que c'est avec une
rapidité extrême qu'on s'est rendus à Québec avec un
certain nombre de propositions qui, nous le pensons, devraient bonifier le
Tribunal des droits de la personne. Je commencerai par dire que la mise en
place d'un Tribunal des droits de la personne est un plus par rapport au statu
quo. (17 heures)
Cela dit, trois points ont particulièrement retenu notre
attention. Le premier, vous vous en doutez - j'ai entendu plusieurs groupes le
reprendre régulièrement, Action travail des femmes l'a fait tout
à l'heure - c'est la question de ta nomination, de la compétence,
de la sensibilité des personnes qui vont être nommées. On
comprend qu'il y aurait un juge à temps plein. Là où le
bât blesse - c'est qu'on voudrait avoir une explication - c'est qu'il y a
cinq autres personnes qui seraient, selon le texte de la loi, vacataires, donc
appelées à siéger selon les besoins alors que, dans
d'autres commissions ou tribunaux administratifs fonctionnant à peu
près dans les mêmes cadres, il y a, justement, des personnes qui
sont nommées à temps plein.
Une deuxième remarque quant à ces nominations, c'est la
durée, il est important que la durée ne soit ni trop longue ni
trop courte nécessairement et que des risques de conflits, avec le
pouvoir politique en place, du fait que ces gens sont vacataires etc., ne
soient pas perçus. M. le ministre, Je l'ai écouté
attentivement, disait qu'il faudrait que justice soit rendue et qu'il y ait
aussi apparence que justice est rendue. Il y a un risque avec les mandats
proposés dans l'actuel projet de loi, cinq ans pour le juge, trois pour
les autres personnes. Nous proposons, nous, que ce soit sept ans.
Un autre point qui nous chicote un peu - on me dit que c'est difficile,
mais possible; ce n'est pas parce que quelque chose est difficile que ce n'est
pas possible - c'est la représentativité. Il faut que la
diversité de toutes les composantes de la société
québécoise soit représentée dans cette Commission.
Vous savez que ce Tribunal aura à se pencher sur des cas de
discrimination raciale, notamment en matière de logement, en
matière d'emploi. Sans préjuger de la compétence que
peuvent avoir ou qu'ont les gens de notre société, le fait qu'il
y ait dans ce Tribunal un "input", un intrant de personnes qui ont une
sensibilité à ces problèmes, donc qui font partie de la
diversité de notre société, a pour nous une importance
capitale.
Enfin, la connaissance est en lien étroit non seulement avec la
compétence, mais avec des gens qui ont démontré par le
passé qu'ils ont une sensibilité particulière aux
problèmes que va soulever, justement, ce Tribunal en matière de
droits humains. C'est un des cinq ou six points sur lequels nous insisterions
concernant les nominations.
Pour ce qui est de l'accessibilité, dans l'état actuel du
projet de loi. nous comprenons que la Commission des droits de la personne a
développé et pourrait continuer à développer, dans
sa nouvelle formule, une expertise en matière de droits humains, mais il
reste que, si la Commission refusait de présenter un cas qui lui a
été soumis devant le Tribunal, il faudrait que les personnes
puissent être à même de porter directement leur cas de
discrimination ou autre devant le Tribunal.
Pour ce qui est de la confidentialité, dans l'actuel projet de
loi, concernant un programme d'accès à l'égalité,
par exemple, où n'apparaissent pas nécessairement des noms mais
le nombre de personnes d'origine, le nombre d'ingénieurs sans
nommément citer les titres des spécialités, nous
comprendrions très mal que l'on ne puisse pas, justement pour donner non
seulement des arguments, mais une façon d'intervenir, à la
personne ou à des groupes, leur donner la possibilité d'avoir un
certain nombre de renseignements. D'ailleurs, la Commission d'accès
à l'information s'est prononcée là-dessus. Nous voyons
avec beaucoup de réticence, et je dirai que c'est un des points majeurs
de notre réticence actuelle, qu'il n'y ait pas de possibilité
d'obtenir, finalement, les mêmes renseignements - je donne souvent le cas
des programmes d'accès à l'égalité - que pourrait
obtenir la Commission pour les personnes qui se présenteraient
éventuellement devant le Tribunal. Alors, ces trois points particuliers
pourraient bonifier le Tribunal des droits de la personne. Mais je
répète, comme je l'ai dit au début, que nous croyons que
ce Tribunal est une nécessité impérative et qu'il doit
absolument être mis en place dans les plus brefs délais.
Le Président (M. Filion): Merci, M. Alain Jean-Bart. Je
donne la parole à M. te ministre de la Justice.
M. Rémillard: Merci, M. le Président. M. Jean-Bart,
merci de venir témoigner devant nous. Je sais à quel point vous
avez dû faire vite. On apprécie d'autant plus votre intervention
qui a été très directe et très éloquente.
Vous avez soulevé trois points majeurs qui touchent de fait des aspects
du projet de loi qui nous amènent à nous poser des questions pour
avoir le meilleur projet de loi possible, capable d'assurer le mieux possible
l'accessibilité que nous voulons pour des gens qui se croient
lésés dans leur droit à l'égalité.
Vous avez fait certains commentaires en ce qui regarde la nomination des
membres de ce Tribunal. Il y aura un juge de la Cour du Québec. Je crois
qu'à ce niveau ça ne cause pas de problème. Mais vous vous
interrogez sur la nomination des autres membres de ce Tribunal qui seraient
à vacation, vous vous interrogez sur le mandat de trois ans - vous
aimeriez que ce soit un mandat plus important - et sur le processus de
nomination aussi. Vous voudriez que ce soit un processus qui puisse garantir
l'in-
dépendance des membres.
Vous me permettrez de vous Interroger sur un aspect que vous n'avez
peut-être pas soulevé, c'est la question de l'arbitrage. Nous
avons tenu à garder, quand même, une possibilité
d'arbitrage, c'est-à-dire que la plainte sera reçue par la
Commission et que la Commission pourra suggérer aux personnes en cause
de se soumettre à un arbitrage. Si les deux parties, la personne qui se
croit lésée et la personne intimée, sont d'accord, elles
pourront s'en remettre à la décision d'un arbitre et ce serait
une décision finale. Si elles ne veulent pas l'arbitrage, elles peuvent
aller évidemment, directement au Tribunal. Est-ce que vous croyez que ce
système d'arbitrage peut apporter quelque chose?
M. Jean-Bart: Je vous répondrai carrément. Je crois
que c'est un plus que d'avoir ces deux possibilités, l'arbitrage et la
possibilité d'aller devant le Tribunal.
M. Rémillard: Je vois que vos réponses sont
très claires. Cela va me permettre de vous poser plus de questions. En
ce qui regarde l'accès direct que vous voulez avoir, je pense que c'est
une demande qui est très légitime. Vous demandez donc qu'on ne
passe pas par la Commission, directement, que la Commission décide si
elle prend fait et cause, mais que l'on puisse passer directement par le
Tribunal. Mais il faudrait comprendre, a ce moment-là, M. Jean-Bart, que
la Commission aurait, quand même, un certain rôle d'enquête,
tout comme, par exemple, la police doit enquêter. Si la police
reçoit une plainte, elle va enquêter pour savoir s'il y a vraiment
matière à poursuivre quelqu'un devant le Tribunal. Alors, je
suppose que vous accepteriez que la Commission fasse, quand même, cette
enquête pour qu'il n'y ait pas de plaintes farfelues et qu'elle
possède un minimum d'information sur ce cas avant de se présenter
devant le Tribunal lui-même.
M. Jean-Bart: Mon organisme serait d'autant plus d'accord avec
cette procédure que les groupes victimes de discrimination actuellement
sont les plus démunis en termes d'expertise, entre guillemets, pour
détecter des attitudes, des comportements. La commission commence, avec
un certain nombre de lacunes, à développer une certaine expertise
pour faire la preuve dans des cas de discrimination raciale, d'attitudes de
comportements, de façons de faire. Moi et l'organisme que je
représente, nous verrions d'un bon oeil que cette expertise soit
apportée par la Commission, c'est-à-dire que, dans un premier
temps, la Commission puisse faire l'inventaire de ce en quoi consiste une
discrimination quelconque et que la personne puisse être à
même, si elle le veut, d'aller ou de ne pas aller devant le Tribunal.
M. Rémillard: Très bien.
Le Président (M. Filion): Mme la députée de
Groulx.
Mme Bleau: M. Jean-Bart, est-ce que vous verriez d'un mauvais
oeil que les membres du Tribunal soient choisis parmi les arbitres?
M. Jean-Bart: Je n'ai pas pensé à faire la
distinction entre arbitre et membre du Tribunal. Je l'ai entendu, tout à
l'heure. Je faisais une confusion; je pensais même que, quand on pariait
d'arbitre, c'était un membre du Tribunal. Si je comprends bien, c'est un
autre corps séparé, arbitre et membre du Tribunal?
M. Rémillard: Me permettez-vous de vous donner cette
explication?
M. Jean-Bart: Oui, M. le ministre.
M. Rémillard: II y aura une liste d'arbitres nommés
et on pourra déterminer que ces arbitres sont nommés d'une
façon tout à fait impartiale, un peu sur le modèle des
juges. Ces arbitres pourront faire l'arbitrage lorsque les deux personnes en
cause le voudront bien. Mais, en ce qui regarde la composition du Tribunal,
c'est donc dire que vous auriez un juge à temps plein, qui serait un
juge de la Cour du Québec, un vice-président et quatre autres
membres qui seraient pris à même cette liste d'arbitres.
Il y aurait des bancs de trois personnes, formés soit du
président ou du vice-président, pour que ce soit un juriste, et
de deux autres personnes pour avoir une expertise, parce que, souvent, dans les
cas de discrimination, il faut qu'il y ait l'expertise de certaines personnes
de différents milieux. Ces arbitres pourraient présenter une
expertise très intéressante. Si on puisait dans cette liste pour
former le Tribunal, selon les besoins, ça pourrait nous amener à
avoir cette expertise pour les cas de discrimination.
C'est donc dire qu'il y a les arbitres, c'est une chose, et le Tribunal.
Cependant, la liste d'arbitres pourrait servir à former les bancs du
Tribunal.
M. Jean-Bart: En matière de discrimination raciale, il y a
très peu d'expertise au Québec, actuellement. Les tribunaux ont
débouté régulièrement la Commission de police
concernant des cas de racisme, en tout cas de perception de propos Injurieux
à caractère racial. Nous verrions d'un bon oeil que, dans ce
groupe d'arbitres qui développent de plus en plus une expertise, soient
pris des membres du Tribunal.
Par contre, attention! Ce que je ne sais pas, c'est si,
simultanément, un arbitre devient membre du Tribunal. Si c'est le cas,
non. Si ce n'est pas le cas, mais qu'il soit choisi parmi ce nombre d'arbitres,
nous dirions oui.
Le Président (M. Filion): Cela va? M. Jean-Bart, de mon
côté, je voudrais également vous remercier. Je pense que
vous avez mis le doigt sur trois des problèmes fondamentaux que
soulève le projet de loi: la composition du Tribunal, son mode de
nomination, la question de l'accessibilité, l'accès à
l'Information. Ce sont là trois des points majeurs qui retiendront
l'attention des parlementaires lors de l'étude détaillée
du projet de loi qui suivra cette consultation. Pour ma part, j'aimerais
peut-être vous demander votre avis sur la question de
l'accessibilité au Tribunal. Comme beaucoup de représentations
que nous recevons traitent du fait que, lorsque la Commission refuse de porter
le dossier devant le Tribunal, la partie qui se sent lésée par
cette décision peut le faire elle-même, est-ce qu'à votre
avis, M. Jean-Bart, cet accès direct au Tribunal devrait avoir lieu
uniquement après que la Commission aura étudié le dossier
et aura pris une décision ou si la personne pourrait avoir accès
directement, sans passer par la Commission, au Tribunal?
M. Jean-Bart: Notre position, c'est qu'il faudrait passer avant
par la Commission des droits de la personne. Il y a deux raisons majeures
à cela. L'une des raisons actuelles, c'est qu'il y a une liste d'attente
- je vois le visage du président de la commission en arrière -
qui s'échelonne entre 6 et 18 mois, je ne sais, on va peut-être me
corriger; ça, c'est une chose. D'autre part, sans sacraliser ce Tribunal
qui devrait être assez flexible, je crois qu'il ne faudrait pas engorger
ce Tribunal avec des plaintes, des allégations qui pourraient
être, je ne dis pas toujours, mais parfois, farfelues. Donc, la
Commission des droits de la personne devrait jouer son rôle qui est
d'éduquer, etc., mais devrait comprendre ce qui se passe et permettre
éventuellement à ses autres mandats d'évoluer aussi, par
contre, là-dedans. Mais je voudrais, premièrement, qu'il y ait
une présence de la Commission sur le plan de la connaissance du dossier
et, ensuite, que la personne puisse pouvoir porter son cas devant le
Tribunal.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie. Mme la
députée de Groulx.
Mme Bleau: Je veux bien comprendre. Si la Commission
décide que ça ne va pas au Tribunal, mais que la personne
lésée croit en son droit et veut aller au Tribunal quand
même, vous voyez très bien à ce moment la personne aller
directement au Tribunal?
M. Jean-Bart: Absolument. C'est l'un des deux points concernant
l'accessibilité que nous avons signalés. Il faudrait qu'on
modifie le projet de loi pour que cette personne puisse aller devant le
Tribunal. Dans l'état actuel du projet de loi, ce n'est pas
possible.
Mme Bleau: Parfait!
Le Président (M. Filion): Cela va. Au nom des membres de
cette commission, M. Jean-Bart, je voudrais vous remercier de vos commentaires
clairs, nets et précis, surtout que vous avez eu peu de temps pour vous
y préparer.
M. Jean-Bart: Merci.
M. Rémillard: Si vous me le permettez, M. le
Président, moi aussi, je veux vous remercier M. Jean-Bart. J'ai
été très impressionné par la précision, la
clarté de vos arguments. Vous avez vraiment touché les points
importants du projet de loi. Je vous en remercie.
M. Jean-Bart: Merci.
Le Président (M. Filion): Très bien. En attendant,
pour permettre aux représentants de la Confédération des
syndicats nationaux de prendre place à la table des invités, on
peut peut-être suspendre pour une ou deux minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 19)
(Reprise à 17 h 33)
Le Président (M. Filion): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous reprenons nos travaux avec les représentants de la
Confédération des syndicats nationaux. Pour les fins du
Journal desdébats, est-ce que vous pourriez vous
identifier?
M. Fortin (Yves): Oui, M. le Président. Yves Fortin,
premier vice-président du Conseil central de la CSN pour la
région de Québec et, en même temps, représentant de
la Confédération pour l'occasion.
M. Bibeau (Louis): Louis Bibeau, coordonnateur du service
juridique de la CSN.
Le Président (M. Filion): C'est bien. M.
Fortin ou Me Bibeau, je vous inviterais à nous présenter
vos commentaires sur le projet de loi 140.
CSN
M. Fortin (Yves): M. le Président, M. le ministre, MM. et
Mmes de la commission, j'aimerais, dans un premier temps, vous remercier pour
l'occasion qui nous est offerte de pouvoir présenter nos positions,
somme toute, très sommaires à cause du court délai entre
le dépôt et l'adoption du projet de loi. Cela nous étonne,
quand même. C'est une première remarque, le court laps de temps.
C'est, comme je le disais, très sommaire dans le sens qu'il n'y a pas
d'analyse approfondie par rapport à chacun des points. Ce sont des
réactions inspirées des
positions qu'on a toujours eues. Sur la mécanique, je laisserai
le soin à Me Bibeau de faire connaître nos réactions et nos
commentaires. Mol, dans un premier temps, je vous présenterai des
remarques d'ordre plus général.
On pourrait commencer avec le document, à la page 2. Nous
appuyons, en fait, l'esprit de la loi qui vise à instituer un tribunal
spécialisé en matière de discrimination. Ce sont des
positions qu'on défend depuis longtemps. Cependant, la loi doit
être rédigée de manière qu'il n'y ait pas de
confusion dans ses pouvoirs. De plus, son indépendance doit être
assurée. Finalement, l'accessibilité à ce Tribunal doit
être élargie. Nous sommes d'accord avec le rôle que la loi
réserve à la Commission. Cependant, nous nous opposons au
caractère confidentiel des informations qu'elle détiendrait,
notamment dans le cadre des programmes d'accès à
l'égalité. Je laisserais Me Bibeau continuer pour ce qui est des
critiques plus spécifiques.
Le Président (M. Filion): Me Bibeau.
M. Bibeau: Merci. MM. et Mmes les membres de la commission, M. le
Président, M. le ministre, dans un premier temps, bien sûr, je
vais présenter notre position sommaire, encore une fois, sur la question
de la confidentialité et, ensuite, nous toucherons plus
spécifiquement la question des pouvoirs de la Commission et sa
composition. Également, nous ferons quelques commentaires sur le
rôle des cours supérieures dans toute cette affaire.
Sur la confidentialité, essentiellement, nous appuyons largement
la position du groupe Action travail des femmes, notamment quant aux articles
92 et 93, également quant à la clause "nonobstant" pour la loi
sur l'accès à l'information. Nous trouvons plutôt curieux
de constater que la Commission ne pourrait pas se servir, même devant les
tribunaux, d'informations qui seraient divulguées volontairement par un
employeur sur la situation des groupes discriminés dans son entreprise.
Il y a là une espèce d'immunité qui, à notre point
de vue, risque fort de contrevenir aux objectifs de la charte. Nous croyons que
même les informations obtenues volontairement de la part de la
Commission, devraient pouvoir, minimalement, être divulguées
devant le tribunal compétent. De plus, nous croyons essentiel de pouvoir
permettre, au moins aux représentants des groupes discriminés
dans l'entreprise, de consulter les Informations ainsi obtenues par la
Commission. Je n'Insisterai pas davantage sur cet aspect, puisque notre
position, disons, se rapproche essentiellement de celle du groupe Action
travail des femmes.
Sur la composition du Tribunal comme tel, nous avons également de
sérieuses réserves. Nous trouvons plutôt curieux de
constater que les membres de la Commission sont nommés aux deux tiers
des membres de l'Assemblée nationale, alors que les membres du Tribunal
qui adjugent des plaintes de cette même Commission sont nommés par
le gouvernement. Il y a là, à notre point de vue, un
déséquilibre dont on ne comprend pas très bien la logique.
Le même traitement devrait être réservé aux membres
du Tribunal des droits de la personne, à savoir qu'ils soient
nommés aux deux tiers de l'Assemblée nationale, sur
recommandation du premier ministre.
Nous croyons également, à l'instar des autres groupes qui
se sont présentés devant vous aujourd'hui, que le premier
ministre, avant de faire ses recommandations, devrait consulter les groupes
mentionnés à l'article 62 du projet de loi 140. On devrait
également s'assurer que les membres de ce Tribunal sont reconnus en
fonction de leur expertise en matière de droits et libertés de la
personne et en fonction de leur implication notoire dans ces matières.
Nous appuyons également les autres revendications des groupes qui se
sont présentés devant vous quant au mandat fixe de sept ans qui
devrait être établi pour les membres du Tribunal des droits de la
personne.
Au surplus, nous croyons qu'il n'est pas opportun de limiter aux seuls
juges de la Cour du Québec la fonction de la présidence. Cela
n'exclut pas que ce soit un juge de la Cour du Québec, mais nous croyons
que cela devrait être beaucoup plus large. Le critère primordial
devrait être celui de l'expertise et de l'implication en matière
de défense des droits et libertés de la personne.
Nous touchons maintenant la question des pouvoirs du Tribunal. Nous
trouvons plutôt hasardeuse la technique rédactionnelle retenue
dans le projet de loi quant à la définition des pouvoirs qu'on
retrouve à l'article 111. La raison en est que cet article se
réfère aux demandes qu'on peut faire au Tribunal. Si on regarde
les articles 80 à 82, on se rend compte qu'on précise
différents types de demandes qui peuvent être faites à "un
tribunal". D'ailleurs, il y a des amendements un peu partout dans le projet de
loi où on exclut la mention "le Tribunal" pour Inclure la mention "un
tribunal". Il y a là une confusion juridictionnelle sur laquelle nous
reviendrons.
Compte tenu de la jurisprudence que la Cour suprême a
développée ces dernières années, notamment depuis
l'affaire Blanco, l'affaire Banque nationale du Canada et, tout
récemment, l'affaire de la commission scolaire régionale de
l'Outaouais, nous croyons important que le législateur définisse
de façon précise les pouvoirs que le Tribunal aura. Est-ce que ce
Tribunal a le pouvoir d'émettre des ordres de faire, de ne pas faire ou
de cesser de faire? A-t-il le pouvoir de condamner un contrevenant à la
charte à des réparations supérieures à 15 000 $?
Nous croyons que ce sont des éléments que nous devrions retrouver
dans une définition précise des pouvoirs du Tribunal en question,
au lieu de faire référence aux demandes qu'on peut
présenter devant l'un ou l'autre des tribunaux compétents.
On reviendra là-dessus tout à l'heure. Une espèce
de description non limitative des pouvoirs de la Commission devrait se
retrouver à l'article 111 plutôt que par référence
aux demandes possibles aux articles 80 à à 82.
Il y a là, à notre point de vue, une source
d'insécurité juridictionnelle qui pourrait amener des recours
extraordinaires devant les tribunaux supérieurs quant à la
compétence du Tribunal d'émettre différents ordres. La
confusion juridictionnelle vient, justement, du fait que - je l'ai
mentionné tout à l'heure - on mentionne à plusieurs
reprises dans la loi "un tribunal". Et même cette mention, "un tribunal",
s'adresse également à la Commission qui a pourtant le monopole
d'accessibilité au Tribunal des droits de la personne. Pourquoi avoir
mentionné "un tribunal" à l'article 80? Sur quelle base va-t-on
pouvoir s'adresser à la Cour du Québec, au Tribunal des droits de
la personne, à ta Cour supérieure? Il y a là, à
notre point de vue, une source de chicanes Juridictionnelles entre les
tribunaux qui devrait être clarifiée par le législateur. Ce
sont les victimes qui vont souffrir de cette confusion juridictionnelle. Ce
sont les victimes de discrimination qui vont assurément en souffrir,
à notre point de vue, à cause des délais
occasionnés par les contestations judiciaires fondées sur les
excès de compétence, etc.
Un autre exemple qu'on pourrait mentionner, c'est la
référence qu'on fait aux programmes d'accès à
l'égalité. Si vous regardez les articles 5, 6, 7 et 8 du projet
de loi 140, on fait encore référence à "un tribunal". Ce
sont des amendements aux articles 86.3, 86.5 et 86.6, dont la
numérotation est également modifiée par le projet de loi,
qui deviennent les articles 87, 89 et 90. À qui s'adresse-t-on pour
imposer un programme d'accès à l'égalité? Est-ce
qu'on s'adresse à la Cour supérieure? Est-ce qu'on s'adresse
à la Cour du Québec? Est-ce qu'on s'adresse au Tribunal des
droits de la personne? il y a là, encore une fois, une source de
conflits juridictionnels importants, à notre point de vue. Nous croyons
nécessaire de donner les pleins pouvoirs au Tribunal des droits de la
personne sur l'ensemble des matières qui sont développées
dans les articles 10 et suivants de la Charte des droits et libertés de
la personne. À ce moment-là, ce serait clair pour tout le monde.
Il y aurait un seul tribunal où s'adresser pour disposer de ces
questions et ce serait le Tribunal composé de membres
spécialisés en la matière qui développerait la
jurisprudence en matière de discrimination et d'exploitation interdites
par les articles 10 et suivants. Nous croyons qu'il n'y aurait pas de
problème de constitutionnalité à l'établissement
d'un tel Tribunal.
Maintenant, quelques petites remarques, encore une fois sommaires, sur
la procédure. Nous ne comprenons pas pourquoi le législateur
permettrait l'intervention d'une tierce personne jusqu'à
l'exécution d'une décision. Je vous donne l'exemple du
deuxième paragraphe de l'article 82, qui laisse la possibilité au
Tribunal de donner un délai pour exécuter une décision,
suite à la décision. Par exemple, la réintégration
dans un logement à l'intérieur de trois mois. On donnerait la
possibilité à une tierce personne d'intervenir avant même
l'exécution de cette décision. (17 h 45)
Nous croyons, à cet égard que le pouvoir de
révision est déjà suffisant pour couvrir le genre de
situation d'une partie qui n'aurait pas pu être entendue. Pourquoi lui
permettre d'intervenir de plein droit avant l'exécution d'une
décision? Elle devrait plutôt intervenir par la voie de la
révision et expliquer lus motifs qui justifient, finalement, le fait
qu'elle n'a pas pu être entendue. Les pouvoirs d'intervention d'une
partie, à notre point de vue, devraient être limités
jusqu'à la décision du Tribunal et non pas quant à
l'exécution de la décision.
Les délais de convocation prévus à l'article 120,
également, nous paraissent inutilement courts: avec trois jours francs
pour comparaître devant le Tribunal des droits de la personne, on va
assurément se retrouver avec une fouie de remises. Nous croyons que ce
délai est beaucoup trop court. Cela va provoquer soit des remises ou des
recours extraordinaires, si le Tribunal refuse la remise.
Maintenant, d'autres remarques techniques sur la question de
l'exécution des jugements du Tribunal des droits de la personne, aux
articles 130 et 131. Il y a là également une possibilité
de confusion, à notre avis, notamment à cause de la
rédaction de l'article 131 qui vise manifestement un ordre de faire ou
de ne pas faire, ou de cesser de faire qui serait passible d'outrage au
tribunal, en cas de contravention à cet ordre. Or, si vous le remarquez,
à l'article 131, on nous dit: II ne faut pas que ce soit une
décision qui soit homologable, en vertu de l'article 130. Qu'est-ce qui
se passe si le Tribunal des droits, dans une même décision,
condamne l'intimé à payer 10 000 $ et, en même temps, lui
ordonne de réintégrer la personne dans son emploi? Cette
décision devra être homologuée pour exécuter
l'aspect financier du jugement, mais, une fois homologuée, on ne
pourrait plus faire exécuter l'ordonnance de réintégration
parce qu'elle aura été homologuée. Est-ce que, à ce
moment-là, le Tribunal devrait rendre deux décisions: une
décision pour l'ordonnance de faire et une décision pour la
condamnation? il y a peut-être quelque chose à préciser,
à notre point de vue, à ce sujet pour permettre, justement, qu'on
puisse faire exécuter valablement ces décisions.
Maintenant, quant au pouvoir de surveillance des cours
supérieures, nous nous interrogeons sur l'opportunité de
maintenir, à l'article 109, je crois, la possibilité
d'évoquer une décision du Tribunal devant la Cour
supérieure, étant donné qu'il existe un droit d'appel
à la Cour d'appel, sur permission. Si vous le remarquez, à
l'article 109, c'est une clause privative classique
depuis les arrêts Crevier et Farrah, c'est-à-dire que, sauf
sur une question de compétence, il n'y a pas de recours extraordinaire
possible. On va donc pouvoir recourir à la Cour supérieure sur
une question de compétence d'une décision du Tribunal des droits.
Pourquoi ne pas tout simplement faire une clause privative totalement
étanche qui empêcherait l'intervention de la Cour
supérieure, puisqu'il y a une autre cour supérieure, à
savoir la Cour d'appel du Québec, qui peut, justement, exercer le
pouvoir de surveillance des cours supérieures sur les décisions
du Tribunal des droits de la personne par l'exercice de l'appel sur permission,
puisque j'Imagine que l'appel sur permission pourrait également porter
sur une question de compétence du Tribunal des droits de la personne?
À notre point de vue, cela éviterait le double recours possible
contre une décision du Tribunal des droits, à savoir soit par
l'évocation ou le mandamus, soit par !a permission d'appeler.
Finalement, dernière remarque sommaire - ça ne veut pas
dire qu'il n'y en aurait pas d'autres si on avait eu plus le temps de regarder
tous les aspects de la question et, notamment, la question de l'arbitrage qu'on
n'a pas vraiment regardée; disons qu'on a plus de questions
là-dessus - on pense important, évidemment, à l'instar des
autres groupes, d'élargir l'accès au Tribunal des droits de la
personne à toutes les victimes et, également, aux groupes qui les
représentent. Nous ne sommes pas d'accord avec la recommandation de la
Commission des droits de la personne sur ce sujet à savoir qu'on devrait
d'abord passer par la Commission et, si la Commission en vient à la
conclusion qu'elle ne poursuit pas les procédures devant le Tribunal,
à ce moment-là, la victime aurait un droit de recours devant le
Tribunal des droits. Nous croyons, justement, que la victime ou ses
représentants devraient bénéficier du loisir de piloter
leur dossier devant le Tribunal des droits de la personne, surtout lorsqu'ils
ont une bonne cause. On vous remercie.
Le Président (M. Filion): M. Bibeau et M. Fortin, je vous
remercie de nous faire part, presque à pied levé, de ces
commentaires. Je donne la parole à M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Je veux
remercier, tout d'abord, M. Bibeau et M. Fortin pour avoir acccepté de
venir témoigner devant nous. Je sais qu'ils ont eu peu de temps. Je fais
toujours référence aux audiences que la commission des
institutions a tenues pendant deux ans où on a pu avoir bien des points
de vue. Mais, en ce qui regarde ce projet de loi, j'apprécie beaucoup
que vous ayez accepté de vous déplacer pour venir
témoigner devant nous. Vous avez, en plus, soulevé des points
techniques très précis et vous avez su vraiment mettre le doigt
sur des problèmes juridiques importants. Je veux vous dire, Me Bibeau,
que certains points vont être revus en fonction de vos commentaires.
Sur certains autres, je peux immédiatement vous apporter des
réponses, en ce qui regarde, entre autres, l'article 80, lorsque vous
mentionnez que nous parlons d'"un tribunal" au lieu de dire le Tribunal des
droits de la personne", c'est que nous avons voulu garder, quand même, la
possibilité pour la Commission de s'adresser aux tribunaux de droit
commun. Et ça, c'est une recommandation de la commission des
institutions, la recommandation 17 justement, où on demande qu'il y ait
toujours cette possibilité d'aller devant les tribunaux ordinaires, que
ce soit la Cour supérieure ou la Cour du Québec, peu importe,
mais qu'on ait toujours cette possibilité. Et le projet de ici veut
respecter cette possibilité. Cela m'amène à parler,
peut-être, des dernières remarques que vous avez faites en ce qui
regarde la question de l'accessibilité, la relation qu'on peut faire
avec les autres tribunaux, le droit d'appel que nous avons à la Cour
d'appel et le fait de mettre une clause privative plus étanche. C'est
une politique du Comité de législation, pour le moment, de s'en
tenir à ce genre de clause, mais vous savez que le projet de loi
prévoit un appel à la Cour d'appel du Québec. Donc, une
décision rendue par le Tribunal des droits de la personne pourra
être portée en appel à la Cour d'appel du Québec.
C'est bien précis.
En ce qui regarde la composition du Tribunal et l'accès à
ce Tribunal, vous nous recommandez que l'on puisse passer directement à
ce Tribunal. C'est une recommandation que les autres groupes nous ont faite
aussi. Je peux vous dire que l'on est particulièrement sensibles
à cette recommandation que vous nous faites. Dans le cadre du
système que nous avons pensé dans le projet de loi qui est
là, vous avez aussi un arbitrage. Alors, c'est donc dire comment cela
fonctionnerait.
Si j'acceptais votre recommandation, en ce qui regarde l'accès,
cela pourrait se situer comme ceci. Une personne fait une plainte à la
Commission concernant un cas de discrimination. La plainte est
étudiée par la Commission, celle-ci essaie de faire une
médiation, une conciliation. Ça ne marche pas. Elle pourrait
offrir, à ce moment-là, l'arbitrage, puisqu'il y aurait une liste
d'arbitres nommés de façon impartiale, sur un principe qu'on peut
déterminer en ce qui regarde la nomination des juges. Si les deux
parties sont d'accord, il pourrait y avoir arbitrage et cet arbitrage serait
final. Mais si l'une des parties ou les deux parties décident: Non, on
veut aller devant le Tribunal, on va devant le Tribunal.
Ce que vous nous suggérez, c'est que même si la Commission
décidait de ne pas prendre fait et cause pour la personne, cette
personne pourrait aller directement au Tribunal, avec un droit d'appel
même à la Cour d'appel. La composition de ce Tribunal, comme vous
le savez, c'est un juge de la Cour du Québec, un vice-
président juriste. Ensuite, les autres membres viennent de cette
liste d'arbitres qui est établie. J'aimerais avoir votre opinion sur ce
plan. Prenant en compte ce que vous nous suggérez pour avoir un
accès, c'est donc dire que la Commission ne ferait que l'enquête
et si elle disait: Nous, on prend fart et cause pour cette personne ou on ne
prend pas fart et cause pour cette personne, peu importe, cette personne
pourrait avoir un accès direct au Tribunal. Alors, si on acceptait cette
recommandation, est-ce que vous considérez que le système
d'arbitrage devrait quand même être maintenu? La composition du
Tribunal, en se référant pour partie à des membres qui
viendraient de ces arbitres pour avoir de l'expertise - notre but, c'est de
pouvoir avoir l'expertise nécessaire - est-ce que ça vous
apparaît acceptable?
M. Bibeau: Quant à nous, comme je vous l'ai indiqué
dans ma présentation, on n'a pas eu le temps, si vous voulez, de
réfléchir tellement sur la question de l'arbitrage. On a
peut-être surtout des questions là-dessus. On se demandait si, par
exemple, un arbitre aurait le pouvoir d'interpréter la charte. Est-ce
que l'arbitre aurait le pouvoir, par exemple, d'ordonner la
réintégration d'un employé dans ses fonctions? Ce n'est
pas indiqué.
M. Rémillard: Me Bibeau, on se réfère aux
dispositions du Code de procédure civile sur l'arbitrage.
M. Bibeau: Dans le Code de procédure civile, M. le
ministre, avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas qu'on
mentionne qu'un arbitre a juridiction, par exemple, pour émettre un
ordre de faire ou de ne pas faire ou de cesser de faire ou même un ordre
de réintégration d'un employé. C'est un pouvoir assez
exorbitant qui, à notre point de vue, doit être
précisé dans la loi, si on veut donner à l'arbitre cette
juridiction.
M. Rémillard: Dans le Code de procédure civile, on
parle d'un différend. Les pouvoirs de l'arbitre vont se
référer, en fonction du différend, plus à la loi
que nous avons lorsque nous donnons juridiction.
M. Bibeau: Vous remarquerez que, dans toutes les lois où
un tribunal a compétence pour réintégrer quelqu'un dans
ses fonctions, la loi le précise de façon claire. Je prends
l'exemple que je connais le mieux, évidemment, c'est le Code du travail.
Vous avez également la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles qui prévoient ça aussi. Vous avez la
Charte de la langue française qui fait référence au Code
du travail. On n'est pas certains qu'un arbitre serait investi de ces pouvoirs.
On ne voit rien dans le projet de loi qui nous permettrait de croire
raisonnablement qu'un arbitre nommé par la Commission en fonction de la
liste dressée par le gouvernement aurait ce pouvoir et qu'il aurait
aussi, comme je vous le mentionnais, le pouvoir d'interpréter la loi.
Vous savez, il y a beaucoup de jurisprudence plutôt confuse, à
l'heure actuelle, sur la possibilité même pour l'arbitre de griefs
d'interpréter une loi malgré le texte pourtant assez clair de
l'article 100.12 du Code du travail qui permet à l'arbitre
d'interpréter une loi. Il y a des tribunaux supérieurs qui... Je
pense, notamment, au juge Denis Lé-vesque, de la Cour supérieure,
qui prétend et qui a déjà décidé que cette
disposition ne permettait pas à l'arbitre, par exemple, de se tromper
lorsqu'il interprétait une loi.
M. Rémillard: Si vous me le permettez, il faudrait quand
même faire attention pour ne pas confondre l'arbitrage obligatoire du
Code du travail avec l'arbitrage conventionnel que nous proposons. Étant
donné que les deux parties sont d'accord pour l'arbitrage, elles
acceptent, par le fait même, la décision de l'arbitre et elles
acceptent de la mettre en application. Alors, c'est tout l'aspect consensuel
qui se dégage de cette décision, qui se reflète dans les
pouvoirs de l'arbitre en fonction du Code de procédure civile. Mais,
j'aimerais vous entendre. Avec des explications comme celles-là, comment
réagissez-vous au plan qu'on vous propose?
M. Bibeau: Disons que nos interrogations demeurent quant aux
pouvoirs du tribunal d'arbitrage. Même si, par exemple, dans une
convention collective, vous avez un tribunal d'arbitrage et que les parties
peuvent définir des pouvoirs, si l'arbitre déroge à la
convention collective ou rend une ordonnance non prévue à la
convention collective, il y a un excès de compétence.
M. Rémillard: Je vais vous poser une autre question.
Est-ce que vous aimeriez mieux qu'on enlève l'arbitrage?
M. Bibeau: Je vous avoue qu'on n'a pas vraiment
réfléchi à la question. (18 heures)
M. Rémillard: Donc, vous ne vous prononcez pas sur
l'arbitrage. Que pensez-vous de la composition du Tribunal?
M. Bibeau: Comme on vous l'a effectivement mentionné, pour
ce qui est de la composition du Tribunal, on préférerait que les
membres du Tribunal soient choisis en fonction de leur expertise et de leur
implication en regard des droits et libertés de la personne, et que le
processus de nomination soit le même que pour les membres de la
Commission.
M. Rémillard: M. Bibeau, vous le savez, vous avez
justement fait référence tout à
l'heure, dans votre présentation, à la nomination des
membres de la Commission, mais les membres de la Commission sont nommés
aux deux tiers de l'Assemblée nationale, justement parce que la
Commission a un rôle de conseiller, mais aussi de critiquer le
gouvernement. C'est pour ça que vous avez des membres nommés par
l'Assemblée nationale, pour qu'ils soient indépendants du
gouvernement. Dans ce cas-ci, le rôle d'un Tribunal est de
déterminer des droits, des obligations entre les citoyens. Ce n'est
même pas un tribunal administratif; c'est entre les citoyens que
ça va se passer. Est-ce à dire que tous les juges qu'on nomme
devraient être nommés par l'Assemblée nationale? Je sais
que peut-être M. le Président reviendra sur cette question.
L'argumentation qu'il a fournie tout à l'heure était
particulièrement éloquente sur ce point.
M. Bibeau: Quant à nous, s'il est vrai que la Commission a
un rôle de conseiller et, même, de critiquer le gouvernement, le
rôle de juger le gouvernement est d'autant plus important. Le
gouvernement peut être, effectivement, partie à un litige devant
le Tribunal des droits de la personne. Nous croyons important, à ce
moment-là, qu'il y ait une certaine indépendance des membres du
Tribunal par rapport au gouvernement.
M. Rémillard: Vous savez, M. Bibeau - ce sera ma
dernière remarque - il est très très rare que ça
implique le gouvernement.
M. Bibeau: Je connais un cas particulièrement important
qui est actuellement devant la Commission, sur la question de
l'équité salariale. C'est un des gros dossiers. Il implique la
CSN et, également, le Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec.
M. Rémillard: Qu'on soit devant la Cour supérieure
ou la Cour d'appel, ces gens sont aussi nommés par le gouvernement et
ils jugent le gouvernement.
M. Bibeau: Par le gouvernement fédéral, pour la
Cour supérieure.
M. Rémillard: Prenez la Cour du Québec, si vous
voulez.
M. Bibeau: À la Cour du Québec, dépendamment
du montant réclamé.
M. Rémillard: Oui, mais ils jugent le gouvernement
aussi.
M. Bibeau: Oui.
M. Rémillard: Faudrait-il qu'ils soient nommés par
l'Assemblée nationale, selon vous?
M. Bibeau: On aura peut-être l'occasion de revenir un Jour
sur la nomination des membres des autres tribunaux. Je dois d'ailleurs vous
dire qu'on n'a pas vraiment eu le temps d'élaborer une position; on aura
peut-être l'occasion de revenir sur les nominations des juges des autres
cours. Mais pour le projet de loi qui est devant nous, comme on a, justement,
l'occasion de se prononcer à ce sujet, c'est notre recommandation.
M. Fortin (Yves): Peut-être un petit commentaire
également. Je pense que toute la crédibilité de cette cour
reposera, entre autres, sur la reconnaissance, la notoriété des
gens qui vont y être nommés, qui auront à intervenir dans
ces dossiers, donc, elle est liée un peu à leur compétence
à ce niveau. Je pense que la meilleure façon de la
reconnaître publiquement, c'est par la reconnaissance de
l'Assemblée nationale, des élus du peuple à ce niveau. Je
pense que !a question de leur crédibilité est importante. On
rattache toujours les nominations à la partisanerie politique, iI faut
tasser ça de ce champ. On propose également une période de
sept ans pour leur mandat. Ils survivront alors au mandat d'un gouvernement. Je
pense que ça va de soi, à cet égard.
Le Président (M. Filion): Dans la même
foulée, si vous me le permettez, pourquoi sept ans, finalement? Comme
les juges municipaux et les autres juges, pourquoi ces gens qui
siégeraient au Tribunal ne seraient-ils pas nommés, sauf motif de
destitution, indéfiniment, jusqu'à leur retraite?
M. Bibeau: La suggestion de sept ans nous apparaît comme un
minimum. Si c'était dix ans, on verrait peut-être ça d'un
bon oeil aussi, mais sept ans nous apparaissent comme un mininum. Pour ce qui
est des nominations à vie, nous avons un problème sérieux
avec ça. Disons que les nominations à vie ne nous conviennent pas
du tout.
Le Président (M. Filion): Un peu dans la même
problématique de la composition du Tribunal, est-ce que je dois
comprendre, de vos propos, que vous favorisez qu'une partie des membres de ce
Tribunal n'aient pas une formation juridique?
M. Bibeau: Quant à nous - d'ailleurs, ça a toujours
été notre position en matière de relations du travail -
nous avons toujours vu d'un bon oeil que ce ne soit pas nécessairement
des avocats ou des gens ayant une formation juridique qui siègent aux
différents tribunaux. Nous voyons d'un très bon oeil que ce ne
soit pas nécessairement des avocats qui soient membres du Tribunal des
droits de la personne. Je pense que d'autres personnes, qui ne sont pas
nécessairement des avocats, peuvent apporter une excellente contribution
au Tribunal des droits de la personne.
Le Président (M. Filion): J'essaie de comprendre. Par
exemple, au Tribunal du travail, ce sont des juges.
M. Bibeau: Je pense surtout aux arbitres de griefs et aux
commissaires du travail.
Le Président (M. Filion): Oui, d'accord, aux commissaires
du travail qui ne sont pas nécessairement des avocats, aux arbitres qui
ne sont pas nécessairement des avocats.
M. Bibeau: Non.
Le Président (M. Filion): À partir du moment
où c'est un tribunal, ne croyez-vous pas qu'un tribunal doit être
formé de juges, en fait, donc, d'avocats?
M. Bibeau: Cela dépend un peu des matières à
juger. Prenez, par exemple, la Commission des affaires sociales ou la
Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. C'est
un tribunal qui adjuge, finalement, des droits à des personnes qui se
présentent devant lui. Comme le commissaire du travail est aussi un
tribunal finalement, on a beau l'appeler commissaire, ça demeure quand
même un tribunal. Finalement, ça dépend de la
matière qui est décidée. Dans ce sens, étant
donné qu'il s'agit d'une question de droits et libertés de la
personne, qu'il y a des questions d'ordre philosophique qui entrent en ligne de
compte, nous croyons que ça ne doit pas être nécessairement
réservé aux juristes.
Le Président (M. Filion): Sur la question de
l'accessibilité, à la suite de la discussion avec le ministre, le
fait que la personne à qui la Commission refuse de porter son dossier
devant le Tribunal, ait accès au Tribunal, je pense que c'est une
idée qui chemine. Vous suggériez plutôt, si je vous ai bien
compris, qu'elle puisse avoir un accès direct au Tribunal, sans
même avoir affaire à la Commission, sans que la Commission
déblaie le dossier, l'examine et juge de l'opportunité de porter
la cause devant le Tribunal. Est-ce que vous ne craignez pas, devant cette
hypothèse, qu'il puisse y avoir un volume de dossiers qui deviennent
finalement un empêchement direct à un des objectifs du projet de
loi qui est de faire en sorte que ce Tribunal puisse être rapide, puisse
fonctionner à l'intérieur de délais qui soient tout
à fait raisonnables? Même si la cause est, à ce
moment-là, frivole, il faut que le Tribunal l'entende. Il faut qu'il
applique la règle audi alteram partem. Il faut qu'il aille au fond des
choses. Est-ce que vous ne croye2 pas, en somme, que le travail de la
Commission dans la structure mise sur pied par le projet de loi que nous
étudions, finalement, puisse aider à faire en sorte que le
Tribunal soit efficace?
M. Bibeau: Effectivement, il est plutôt dif- ficile de
baliser, si vous vouiez, le volume de dossiers dont le Tribunal va être
saisi. De deux choses l'une: ou c'est la Commission qui va être
engorgée ou c'est le Tribunal, si on tient pour acquis qu'un volume de
dossiers Impressionnant sera présenté devant le Tribunal ou
devant la Commission. D'ailleurs, il y avait une suggestion là-dessus
qui disait que la personne devrait passer, d'abord, par la Commission et si la
Commission décide que, finalement, il n'y pas lieu de poursuivre, bien
souvent, c'est parce qu'elle considère elle-même que la plainte
est frivole ou peu Importe. À ce moment-là, ça voudrait
dire que ce sont seulement les gens qui ont des plaintes frivoles qui auraient
le droit de s'adresser directement au Tribunal. Là, vous allez avoir
quand même votre problème d'engorgement au Tribunal, en fonction
de la suggestion présentée, je pense, par la Commission des
droits de la personne.
M. Fortin (Yves): On ne peut pas limiter ce droit d'accès,
d'une façon ou d'une autre. Si la personne a le droit, elle l'a. La
frivolité, comme M. Bibeau vient de le dire, le Tribunal aura à
en juger, d'un côté ou de l'autre. Mais on ne peut pas limiter
l'accès. C'est un droit fondamental qui est mis dans la loi.
Le Président (M. Filion): Quant à moi, je vous
remercie de tous ces commentaires. Je dois vous dire que, quant à la
procédure aux articles 120 et à d'autres articles, vous avez
soulevé beaucoup de points qui m'avaient échappé. Je vous
en remercie plus particulièrement, mais, de façon
générale, pour l'ensemble de votre présentation.
Dépôt d'un document de la Commission des
droits de la personne
M. Rémillard: Je me joins au président pour vous
remercier. Vous avez su, de façon très précise, relever
des points très intéressants. Je peux vous assurer qu'on en prend
bonne note et qu'on va y réfléchir très
sérieusement.
Le Président (M. Filion): Je vous remercie. Avant que nous
suspendions nos travaux jusqu'à ce soir, je voudrais déposer,
sous la cote M14, un extrait du procès-verbal de la 329e séance
de la Commission des droits de la personne qui nous fait part de ses
commentaires. Ce document est accompagné de la liste des groupes
invités à une rencontre. Je vous remercie. À ce soir, 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 12) (Reprise à 20 h
17)
Projet de loi 140
La Présidente (Mme Bleau): À l'ordre, s'il
vous plaît! La séance de la commission des institutions est
ouverte pour l'étude article par article du projet de loi 140, Loi
modifiant la Charte des droits et libertés de la personne concernant la
Commission et instituant le Tribunal des droits de la personne. Avez-vous des
remarques préliminaires, M. le ministre?
Remarques préliminaires M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Oui, Mme la Présidente. Nous avons eu
l'occasion d'entendre des groupes, cet après-midi. Cela
complétait des consultations qui ont été faites d'une
façon spécifique sur ce projet de loi, mais aussi qui ont
été faites pendant deux ans par cette commission sur toute la
question du rôle de la Commission des droits de la personne, laquelle
Commission conclut à la nécessité de créer un
Tribunal des droits.
Plusieurs commentaires reçus cet après-midi, Mme la
Présidente, nous ont fait réfléchir. Nous avions
déjà reçu beaucoup de ces commentaires. Nous allons
présenter, au fur et à mesure de notre étude, des
amendements pour essayer de répondre le plus possible à cette
perception d'un Tribunal des droits de la persone que se font les principaux
intervenants du milieu.
Pour nous, il s'agit d'avoir un tribunal compétent, accessible,
indépendant qui pourra faire en sorte que non seulement les
Québécois et les Québécoises auront des droits de
garantis dans leur charte en fonction de leur droit à
l'égalité, mais qu'ils pourront les exercer le plus pleinement
possible.
En fonction de ces remarques, Mme la Présidente, je suis
prêt à commencer notre étude article par article.
La Présidente (Mme Bleau): M. le député de
Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. Une couple
de choses me frappent, à ce moment-ci de nos travaux, et je voudrais en
faire part aux membres de la commission. On sait que le ministre de la Justice
a procédé, le 15 mai, au dépôt de six projets de
loi. Sauf erreur, aucun de ces six projets de loi n'a été
appelé en deuxième lecture avant le 2, le 3 ou le 4 juin, en tout
cas, au début du mois de juin, de sorte qu'on se retrouve aujourd'hui,
encore une fois, victimes d'une mauvaise planification des travaux
législatifs. Nous avons, au sein de cette commission, déjà
étudié quatre projets de loi importants pour des segments de la
population et, même, pour la totalité de la population. Nous avons
eu l'occasion d'étudier la curatelle publique, la Loi modifiant la Loi
sur la protection de la jeunesse, la Loi sur les cours municipales, la Loi sur
les huissiers également. Je ne sais pas, si on faisait le total des
heures qu'on a consacrées depuis quelques semaines à l'ensemble
de ces travaux législatifs, on arriverait à un total assez
sérieux, étant donné que les députés que
nous sommes avons d'autres activités. Le député de
Jean-Talon a des activités ministérielles, en plus de ça,
mais, bien sûr, il a une équipe pour l'assister, etc. Il demeure
quand même que sur le plan législatif nous avons fait un excellent
boulot et assez colossal. Mme la Présidente, l'impression que j'ai un
peu, ce soir, c'est qu'après avoir ingurgité trois ou quatre
filets mignons on m'en présente un autre, un peu plus gros, d'une
certaine façon, que les autres parce que ce plat touche les droits
fondamentaux et l'exercice des droits fondamentaux.
C'est encore une fois - et je pense qu'objectivement, autour de la
table, on pourrait juste s'en rendre compte, le résultat d'une absence
de planification intelligente et raisonnable de nos travaux législatifs
par le gouvernement. Uniquement dans ce dossier-ci, nous avons
procédé aujourd'hui à une consultation particulière
intéressante qui nous a permis de mettre le doigt sur certaines lacunes
possibles du projet de loi 140. Ma foi, véritablement, ce que je retire
le plus ce soir, c'est que cela en fait pas mal épais, vu que,
maintenant, il appartient aux parlementaires que nous sommes de fixer dans sa
forme définitive le projet de loi 140 et d'en faire un instrument
viable, efficace, raisonnable pour les citoyens et les citoyennes du
Québec qui voudraient s'en prévaloir.
Cela dit, c'est sûr, Mme la Présidente, que, du
côté de l'Opposition officielle, nous investirons nos meilleures
énergies à bien ingurgiter ce dernier plat de résistance;
nous y apporterons le meilleur de nous-mêmes, en tenant pour acquis que
le ministre a choisi de continuer dans sa volonté d'adopter
immédiatement le projet de loi 140. Est-ce que le ministre - et c'est
peut-être ma première question à son endroit - a finalement
en main toutes les garanties qui le satisfont, indiquant que nous faisons ici
un travail correct, dans des conditions correctes, pour que le projet de loi
que nous amènerons en troisième lecture, de l'autre
côté, améliore et bonifie les mécanismes qui
permettent l'exercice de droits fondamentaux? Je le tiens un peu pour acquis,
mais j'aimerais l'entendre du ministre tantôt, quand j'aurai
terminé mes remarques préliminaires. Encore une fois, si le
ministre est d'avis que tout cela est raisonnable, qu'il a en main tous les
éléments nécessaires pour que la ponte soit
adéquate... C'est le rôle de l'Opposition de travailler, de
suivre, d'améliorer, d'apporter des commentaires, de critiquer. C'est ce
que nous ferons toujours dans l'attitude qui nous anime dans ces projets de loi
qui, soit dit en passant, ne sont nullement à teneur politique et n'ont
aucune touche de partisanerie.
Cela étant dit, sur le projet de loi lui-même maintenant,
des choses me frappent. Ce qui me frappe énormément, c'est le
consensus important
et général sur deux aspects fondamentaux du projet de loi.
Premièrement, un nouveau rôle de la Commission. On en parle peu,
du côté des intervenants, dans les treize ou quatorze
mémoires que j'ai eu l'occasion de parcourir, mais c'est parce qu'on le
tient pour acquis. On est heureux, en quelque sorte, de voir que la Commission
aura un nouveau rôle à jouer et que ce nouveau rôle pourra
s'exercer sans les contraintes du pouvoir d'adjudication qu'elle devait exercer
dans le passé.
Deuxièmement, consensus à peu près aussi
étendu pour la nécessité de la création d'un
Tribunal. C'est aussi très important. Il reste des modalités,
mais on a, à la base... Je pense qu'on n'erre pas et que ça va
dans le sens du rapport de la commission des institutions que nous avions
produit. Quant à ressentie! des structures, je pense qu'on peut dire, en
toute connaissance de cause, qu'on ne se trompe pas: Commission libre,
débarrassée, qui jouera un rôle, cependant, de tamisage,
d'étude, d'enquête, qui offrira des services d'arbitrage, de
médiation et qui, dans certains cas, présentera les dossiers
devant le Tribunal.
M. Rémillard: Est-ce que je pourrais avoir, à un
moment donné, la permission qu'on suspende dix minutes, à 21
heures, pour que je puisse aller au Comité de législation?
La Présidente (Mme Bleau): Certainement, M. le ministre.
À 21 heures, nous suspendrons quelques minutes. Il faudrait peut
être, à ce moment-là, essayer d'étudier
sérieusement article par article dans les plus brefs délais, si
on ne veut pas aller se coucher trop tard. (20 h 30)
M. Filion: On fera le mieux de ce qu'on a à faire, Mme la
Présidente.
Donc, consensus important sur ces deux aspects fondamentaux. Que reste
t-il? Restent finalement certains aspects que j'ai divisés,
peut-être pour les fins de ces remarques préliminaires, en quatre
blocs. Certains appelleront ça des modalités. Pour moi, ça
demeure des modalités mais, vu que ça touche à l'exercice
de droits fondamentaux, en n'ose pas dire que ce sont uniquement de petites
modalités; ce sont des modalités importantes, disons.
J'ai divisé cela en quatre blocs. Il y a de petits
problèmes mineurs, mais qui peuvent se régler et dont on peut
discuter lors de l'étude du projet de loi. Il y a quatre
problématiques de fond. Premièrement, l'arbitrage. Je pense que
le ministre a interrogé là-dessus, moi aussi, il y a des points
de vue pour et contre. Je ne veux pas entrer dans le fond, je veux juste
exprimer ce que sont les ordres de problèmes: l'arbitrage,
l'accessibilité au Tribunal, la composition du Tribunal et
l'accès à l'information. Il y a peut-être des choses
importantes qui ont été mentionnées mais qui, pour moi,
peuvent se régler assez aisément dans le cours de l'étude
détaillée du projet de loi.
À ce moment-ci, selon la réponse à la
première question que je posais tantôt au ministre, j'aimerais lui
en poser une seconde, qui est la suivante: En présupposant une
réponse affirmative à la première, à savoir s'il
est raisonnable de continuer dans la voie que nous nous étions
fixée, ne serait-il pas plus à propos, dans le cadre de nos
travaux, de discuter de ces quatre blocs pour se comprendre, quitte à
prendre le nombre d'heures requis pour le faire? À la suite de
ça, il peut y avoir des décisions qui doivent être prises.
À ce moment-là, on aborderait les articles du projet de loi, un
par un. Cela ne me fait rien, remarquez. Appelez l'article 1 et on va y
arriver, on peut arriver à l'article 6 et bloquer. Je ne sais pas si,
comme façon de travailler, ce ne serait pas un petit peu plus pratique
et intelligent d'aborder ça de cette façon. Je peux
détailler les quatre blocs, si le ministre le veut. J'ai à
l'esprit les tenants et les aboutissants de chacun des problèmes, mais
je panse, à ce niveau, que j'aimerais plutôt adresser ces deux
questions au ministre. Premièrement, est-ce qu'il est raisonnable de
poursuivre nos travaux, étant donné que nous approchons de la fin
de la session et que la loi qui doit être produite doit être la
meilleure possible? J'aurais une sous-question. Est-ce que le ministre,
après avoir goûté à la petite consultation
particulière que nous avons eue, n'est pas d'avis qu'on devrait
généraliser cette consultation? Est-ce que la commission est
suffisamment informée? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'attendre, avec
les inconvénients que ça implique, six mois ou peut-être
plus, je ne sais pas, pour analyser à nouveau ce projet de loi qui
pourrait être déposé à nouveau? Il ne faut pas se
leurrer, s'il y a des élections cet automne, la 33e Législature
dans laquelle on est sera terminée, on va commencer une autre
Législature, avec un autre... Je posa cette première question au
ministre. Encore une fois, je veux bien qu'il sache que l'Opposition n'a aucune
réticence à suivre un rythme intelligent; il nous reste pas mal
d'heures, il faut que ça demeure un travail intelligent, quand
même. Donc, je lui pose cette première question et s'il
répond oui, deuxièmement, de quelle façon va-ton aborder
les problèmes?
M. Gil Rémillard (réplique)
M. Rémillard: Mme la Présidente, si je
répondais à la première question du député
de Taillon en disant que je pense qu'il faut retirer le projet de loi, je suis
convaincu que le député de Taillon serait un des premiers
à être très fortement déçu...
M. Filion: Oui.
M. Rémillard: ...parce qu'il tient au respect des droits
fondamentaux, comme j'y tiens personnellement. Je sais qu'il est prêt a y
travailler,
comme Je suis prêt à y travailler. Mais je comprends le
sens de sa question, à savoir si j'ai en main tous les
éléments nécessaires pour m'amener à faire un
projet valable. Je peux vous dire oui.
Quand vous dites qu'on arrive avec un projet qu'on a, de fait,
présenté le 15 mai dernier, s'il y a un coupable dans ça,
c'est moi, ce n'est pas le gouvernement, dans le sens que je suis arrivé
avec huit projets de loi dont six majeurs, très importants. Je dois
rendre hommage à tous ceux qui, dans mon ministère, ont fait un
travail colossal et je peux vous dire très sincèrement qu'on ne
pouvait pas faire autrement. Le choix qu'on avait à faire,
c'était ou bien de laisser tomber et ça Ira je ne sais pas trop
quand... Personnellement, je ne sais même pas si je serai ministre sous
le prochain gouvernement, c'est au premier ministre de décider
ça.
M. Filion: C'est à la population avant. Gardons le frisson
démocratique.
M. Rémillard: Vous avez parfaitement raison. D'abord, je
ne sais même pas si je serai député. Vous avez parfaitement
raison, je ne sais pas si je serai député. Ce que vous appelez le
frisson de la démocratie, je veux le respecter.
Je veux vous dire, par conséquent, que ce que nous avons en main
est, je pense, un bon projet de loi avec les amendements que nous allons vous
proposer, que nous allons vous soumettre le plus tôt possible et qui
portent essentiellement sur les quatre points que vous avez très bien
identifiés, en ce qui regarde l'arbitrage, entre autres, le mode de
nomination des arbitres. Le principe de l'arbitrage semble faire consensus.
C'est peut être une exception, mais je ne pense pas que ce soit vraiment
fondé parce qu'il y a peut-être une mauvaise perception de
l'arbitrage. Par contre, il y a des critiques sur la nomination des arbitres.
Ensuite, il y a l'accès au Tribunal. Là encore, on a un
amendement à vous proposer. Cela va rejoindre tout le monde. Je pense
qu'on a la solution à cela. Il y a la question de l'accès aux
documents, celle de la Commission d'accès et tout ce qui regarde
l'aspect confidentiel. On arrive avec des modifications aussi et je pense qu'on
va rejoindre un bon consensus.
Il y a un problème sur lequel on aura probablement à
discuter et à essayer de trouver une solution dans la mesure de nos
possibilités, c'est la composition du Tribunal. À part cela, on
va prendre tous les problèmes les uns à la suite des autres et on
a des solutions. En fonction de tout ce qu'on a entendu, de tous les
commentaires qu'on a reçus, on va apporter des solutions et cela va
être, je pense, très bon.
Il va nous rester un problème à discuter, c'est la
composition du Tribunal. On peut avoir deux, trois options possibles et il va
falloir, en toute conscience, essayer de prendre celle qui nous apparaît
la meilleure en fonction des possibilités que nous avons à
offrir. Votre offre de procéder par ces points-là avant le reste,
c'est une proposition qui est intéressante. Cependant, ma crainte est la
suivante: Si on y va par morceau, est-ce qu'on ne risque pas de perdre
l'ensemble? Je veux dire que, si on procède article par article, c'est
qu'il y a une logique de nos légistes. On procède étape
par étape, ce qui devrait nous amener, à un moment donné,
à une compréhension globale de l'ensemble de la loi. Si on
procède morceau par morceau en fonction de ces quatre sections qui
posent problème, est-ce qu'il n'y aurait pas danger de se retrouver dans
une situation difficile et de ne pas voir les interrelations parce qu'on n'a
pas suivi le plan de la loi? C'est mon interrogation. Je suis convaincu - je
vais terminer là-dessus, je ne veux pas prendre trop de temps, Mme la
Présidente - qu'on a un problème de fond qu'il nous reste
vraiment à régler et c'est la question de la composition du
Tribunal.
La Présidente (Mme Bleau): Bien.
M. Filion: Mme la Présidente, déjà il y a un
problème Le ministre dit qu'il y a un problème, moi, j'en vois
quatre, c'est à-dire que quatre problématiques importantes vont
mériter des discussions...
M. Rémillard: Oui.
M. Filion: importantes.
M. Rémillard: Oui, oui.
M. Filion: Je comprends que le ministre a des amendements.
Maintenant, il serait peut être important, à ce stade-ci... Est-ce
que vous ne voudriez pas nous déposer vos amendements pour que nous
puissions...
M. Rémillard: Dès que possible.
M. Filion: ...en prendre connaissance?
M. Rémillard: Est-ce que les amendements ont
été déposés?
Une voix: J'ai deux cahiers à vous remettre.
M. Rémillard: Oui. Alors, on va les remettre
immédiatement.
M. Filion: Vous avez des cahiers aussi, comme la dernière
fois, comme pour les autres projets de loi. À ce moment-là,
prenons. . Je n'ai pas d'objection, je le soulevais comme possibilité.
Si le ministre préfère travailler article par article comme tel,
ça me va, on prendra les problèmes un par un. Si un article, par
exemple, pour en faire une discussion intelligente, appelle un autre article
qui fait partie d'une problématique...
M. Rémillard: On va y aller.
M. Filion: ..là il ne faudrait pas se surprendre si la
problématique est discutée.
M. Rémillard: Ah oui, oui! Non, non, il ne faut pas... Je
ne pense pas qu'on soit rigide à ce point-là, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Bleau): Je suis certaine que non.
M. Rémillard: ...mais c'est strictement pour qu'on puisse
suivre un certain ordre logique, se fiant à la logique de nos
légistes, entre autres, M. Gaston Pelletier, M. Lawrence Morgan et M.
Jacques Lachapelle, le président de la Commission des droits de la
personne, qui est ici avec nous pour nous fournir son expertise.
La Présidente (Mme Bleau): Alors, est-ce que nous sommes
prêts à étudier l'article 1 ou si vous avez d'autres
remarques?
M. Filion: Non, non. J'ai terminé mes remarques.
Laissez-nous quelques minutes, par exemple...
La Présidente (Mme Bleau): Avec plaisir.
M. Filion: ...juste pour prendre connaissance rapidement des
amendements et mettre de l'ordre dans nos papiers.
M. Rémillard: Hormis que j'aille tout de suite à
mon Comité de législation...
M. Filion: Oui, c'est à 21 heures que vous avez un
Comité de législation.
La Présidente (Mme Bleau): Oui, une très bonne
idée.
M. Rémillard: Oui, mais admettons que je partirais tout de
suite...
M. Filion: Bien oui, ce serait excellent. La Présidente
(Mme Bleau): Alors, je... M. Filion: Excellent. M.
Rémillard: Bon!
La Présidente (Mme Bleau): Alors, je suspends pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 41)
(Reprise à 20 h 56)
La Présidente (Mme Bleau): Je déclare la
séance rouverte et j'appelle l'article 1 du projet de loi 140.
M. Rémillard: Un grand moment, Mme la
Présidente.
M. Filion: II est juste 21 heures. Des voix: Ha,ha, ha! M. Rémillard: Ça y est!
M. Filion: Une question qui devrait se poser à ce
stade-ci, M. le ministre. Nous avions recommandé à
l'époque de diviser les deux parties de la charte de la façon
suivante: premièrement, les droits fondamentaux d'un côté
et, deuxièmement, la procédure, les modalités d'exercice
dans une autre loi. Et ce, pour la raison suivante: on peut modifier les
modalités d'exercice - d'ailleurs on le fait présentement - sans
modifier les droits fondamentaux. Ce qui est important, c'est
l'énoncé des droits fondamentaux. Ce sont eux qui, finalement,
exercent une primauté sur l'ensemble de nos lois. La procédure
c'est une procédure, c'est la meilleure possible. On la change
là, on va peut-être la changer encore dans cinq ans ou dans dix
ans selon le vécu du nouveau rôle de la Commission et du Tribunal,
etc. Alors, j'ai de la difficulté à saisir pourquoi on n'a pas
choisi de diviser ainsi la charte comme - m'a-t-on informé d'ailleurs -
ça existe ailleurs, si ma mémoire est bonne, en tout cas,
à l'époque. J'aimerais ça que le ministre nous explique
ça.
M. Rémillard: il y a deux motifs principaux. Le premier,
c'est que selon le bureau de législation, si est de beaucoup
préférable de l'avoir dans la même Soi parce que c'est plus
facile pour le repérage. C'est plus facile de repérer les
différents éléments lorsqu'on a à se situer dans le
projet de loi. Deuxième motif, c'est parce qu'on accorde aux
mécanismes d'application la même primauté qu'aux
règles d'application de la charte elle-même. Alors, ce sont les
deux motifs qu'on nous donne pour nous dire qu'il faut tout mettre dans un
même ensemble.
M. Filion: Si le ministre me permet, avec tout le respect, comme
on dit, pour l'opinion contraire, la charte, on l'envoie aux citoyens, etc. La
charte est vécue, elle doit être vécue par les citoyens. Ce
n'est pas tout le monde qui a à résoudre des litiges
découlant de la charte, mais c'est tout le monde qui devrait avoir la
charte, qui devrait l'avoir lue une fois à l'école, une autre
fois au cégep, etc. Je parie de la lire, non pas de la connaître
par coeur. Vous dites que c'est plus facile à repérer. Eh bien,
c'est une loi, s'il y en a un qui veut exercer ses droits, à ce
moment-là, il se réfère à la loi et la charte reste
là comme, d'ailleurs, la plupart des autres chartes. Dans la charte on
énonce des droits. Cela c'est sur le premier motif.
Sur le deuxième motif, je dois dire que je suis d'avis contraire,
mais enfin. Ce qui a le caractère de primauté, ce sont les droits
par rapport aux autres droits énoncés dans d'autres lois. Pour
nous, les modalités 3ont toujours des mécanismes. Ce sont
toujours des mécanismes. Pour moi, c'est un peu de la plomberie. Je ne
serais pas prêt à dire que la plomberie a la primauté sur
d'autres droits contenus dans d'autres lois. D'ailleurs, la preuve, c'est qu'on
les change. On les change sans qu'il y ait de révolution nulle part.
Alors, à ce moment-là, je pense qu'il aurait été
plus cohérent, à mon point de vue - mais je ne veux pas en faire
un plat - de profiter du projet de loi 40 pour diviser carrément la
charte, énoncer les droits et ensuite voir à l'exercice. Je ne
sais pas si le ministre veut ajouter quelque chose mais, quant à nous,
ses arguments ne sont pas convaincants là-dessus.
M. Rémillard: Mme la Présidente, quant au premier
argument, très souvent, quand on fait la publication de la charte pour
l'envoyer aux citoyens, par exemple, on va mettre les 38 premiers articles et
on ne mettra pas le reste, mais il est important aussi que les gens connaissent
les mécanismes d'application. La tuyauterie fait partie de la maison
mais il y a une certaine argumentation qui, je l'avoue, peut certainement nous
faire réfléchir. Cependant, il serait aussi dangereux... À
mon sens, le deuxième argument est de poids. Il est important qu'on
puisse accorder aux mécanismes d'application la même
primauté qu'on accorde aux règles d'application de la charte.
Quand on fait une seule loi avec un ensemble, les règles
d'interprétation vont donc donner cette primauté de la charte
tant dans ses mécanismes d'application que dans les droits qu'elle
consacre. Pour moi, c'est un argument majeur. Dans la mesure où mes
légistes me confirment ce point-là d'une façon unanime, je
peux vous dire que c'est l'argument qui me fait pencher en fonction d'une seule
loi pour l'ensemble.
M. Filion: M. le ministre, peut-être même à
partir d'exemples concrets, si on peut en figurer, quelle est la portée
de cotte primauté des mécanismes d'application des droits
fondamentaux? On dit: Les droits sont fondamentaux et les mécanismes
d'application le sont aussi. Cela veut dire quoi, finalement?
M. Rémillard: Dans les règles
d'interprétation, cela peut vouloir dire quelque chose. Cela commence
à se développer au niveau jurisprudentiel mais c'est la
quasi-constitutionnalité, c'est-à-dire qu'on va donner une
primauté quasi constitutionnelle, ce qui veut dire qu'au point de vue
des règles d'interprétation, par exemple, on va moins chercher
l'intention du législateur que la réalité sociale,
politique et économique dans laquelle s'applique un droit. Cela peut
être très important. Je crois que lorsque le Tribunal a à
interpréter une charte des droits, ce n'est pas l'intention du
législateur qu'il doit rechercher, comme il le fait normalement pour un
texte de loi, mais le droit qui s'adapte le mieux aux conditions d'une
société pour faire respecter l'esprit général qu'on
peut retrouver dans une charte de garantir les droits et libertés
fondamentales en fonction du respect de la dignité humaine.
Dans ce cadre-là, je ne voudrais pas m'étendre. C'est un
sujet que j'affectionne particulièrement. Je soupçonne d'ailleurs
le député de Taillon de vouloir me faire parler. Il sait
très bien, si on peut en arriver à donner à une charte
interne comme la nôtre une même application au point de vue des
règles d'interprétation, que la charte constitutionnelle, cela
pourrait apporter des éléments nouveaux dans l'application de
notre charte canadienne, mais surtout de la charte québécoise.
Dans ce contexte-là, nous n'en sommes pas encore rendus là et je
pense qu'il faudrait être particulièrement prudents, si on devait
diviser et l'application et les droits, que les droits aient ce
caractère quasi constitutionnel mais que l'application ne l'ait pas.
C'est cela, la grande question à se poser.
M. Filion: Cela va.
La Présidente (Mme Bleau): Alors, j'appelle l'article 1 du
projet de loi 140.
Étude détaillée Commission des
droits de la personne
M. Rémillard: Mme la Présidente, l'article 1, c'est
une modification visant à préciser la définition du mot
"tribunal" dans certaines dispositions dont le projet de loi propose l'ajout au
chapitre III de la partie II sur les plaintes et de la partie IV sur la
confidentialité.
M. Filion: Cet article précise-t-il le choix des recours
?
M. Rémillard: Si vous me le permettez, Je vais demander
à Me Pelletier de répondre à votre question.
M. Filion: Merci.
M. Pelletier: Si vous regardez le texte de l'article 56 tel qu'il
deviendra au milieu de la page, vous voyez que le mot "tribunal" est
interprété comme incluant un commissaire-enquêteur, un
commissaire sur les incendies, un coroner, une commission d'enquête. On
dit, dans les nouveaux chapitres que I'on ajoute, que lorsqu'on utilise le mot
"tribunal", cela comprend ce qui est à l'article 56.1.
M. Filion: D'accord. Cela va. Je vous suis là-dessus. Mais
en quoi est-ce que cela peut préciser le choix des recours qui peuvent
être exercés?
M. Pelletier: Si, par exemple, à l'article 80, on dit que
la Commission peut exercer un recours devant un tribunal, je vais à
l'article 56.1 et je vois ce qu'est un tribunal.
M. Rémillard: L'exemple est pertinent parce que c'est un
sujet qu'on a justement discuté cet après-midi, à la suite
du témoignage d'un des intervenants, la CSN, je pense, qui nous parlait
de cette définition de "tribunal". Alors, on a ici un
élément intéressant de compréhension de ce qu'on
entend par le mot "tribunal".
M. Filion: Ce n'est pas la note supplémentaire. Je
comprends très bien que le mot "tribunal" va s'appliquer aux nouvelles
parties qu'on s'apprête à adopter. Je ne comprends pas une note
supplémentaire.
M. Pelletier: C'est le recours par le citoyen, comme par la
Commission, devant le Tribunal des droits, devant un tribunal de droit commun
et devant ceux qui sont décrits à l'article 56.1.
M. Filion: II n'y a rien de changé.
M. Pelletier: On ajoute tout simplement...
M. Filion: C'est de la concordance parce qu'on inclut...
M. Pelletier: Voilà, avec ce qu'on ajoute par le projet de
loi, le chapitre sur les plaintes.
M. Filion: C'est ça.
M. Rémillard: Essentiellement, c'est de la concordance.
Mais cela précise vraiment que la Commission pourrait aller devant le
tribunal qui est le plus susceptible de se prêter à la solution du
litige, et c'est essentiellement une question de concordance.
M. Filion: Bon, on se comprend. C'est de la concordance
finalement, cet article-là. Parfait. Je voulais être sûr de
ne rien échapper. Mais cela me permet peut-être de poser une
question et vous me corrigerez. Dans cette structure que le projet de loi met
sur pied, si la Commission juge que la plainte d'un individu est
justifiée, qu'elle décide de prendre fait et cause pour cet
individu qui serait victime de manoeuvres de discrimination, elle peut aller
devant le Tribunal, mais elle peut aussi aller devant les tribunaux de droit
commun.
M. Rémillard: Oui, elle a cette possibilité et
l'article 80 est là pour la lui donner.
M. Filion: J'aimerais savoir à partir de quels
critèress, grosso modo, la Commission irait devant le Tribunal ou devant
les tribunaux de droit commmun?
M. Rémillard: Je peux référer votre question
à M. le Président de la Commission, M. Lachapelle.
M. Lachapelle (Jacques): Le Tribunal étant ouvert et
étant présent, évidemment la Commission a tout
intérêt à aller devant ce Tribunal des droits de la
personne puisque l'on pense que ce personne) et ces juges seront plus sensibles
aux dimensions des droits. C'est évidemment le seul critère, ce
n'est pas dans la loi qu'on retrouve ça. Puisqu'on crée un
Tribunal plus accessible, on imagine facilement que la Commission ira devant ce
Tribunal.
M. Filion: Voilà! Dans quels cas, à ce
moment-là, la Commission pourrait-elle juger utile d'aller devant les
tribunaux de droit commun?
M. Lachapelle: Dans les matières qui ne relèvent
pas de la compétence de ce Tribunal.
M. Filion: Oui, bien sûr. Mais à part ça?
M. Lachapelle: Tout ce qui n'est pas emploi, etc.
M. Filion: Évidemment, si le Tribunal n'a pas juridiction,
la Commission ne peut pas y aller, mais à part ça? Le projet de
loi ne dit pas que dans les... Je pense que vous saisissez ma question.
M. Lachapelle: Oui, je saisis. Je ne vois pas...
M. Filion: Le projet de loi ne dit pas: Voici le canal pour aller
au Tribunal, voici le canal pour aller aux tribunaux de droit commun.
M. Lachapelle: Non, non. Il n'y a effectivement pas de
critères dans la loi qui permettraient à la Commission de dire:
Je choisirais tel ou tel canal.
M. Filion: Mais vous avez voulu garder ouvertes les deux
possibilités dans les cas où elles existent.
M. Lachapelle: C'était d'ailleurs dans les recommandations
de la commission des institutions de conserver aussi le tribunal de droit
commun, n'est-ce pas?
M. Filion: Oui, oui, pour les citoyens.
M. Lachapelle: C'est ça.
M. Rémillard: II y a peut-être un exempte
intéressant en matière pénale. Si la Commission veut
prendre fait et cause et que c'est en matière pénale, il va
falloir que ce soit devant la Cour du Québec et non pas devant le
Tribunal.
M. Filion: Est-ce que la Commission peut prendre fait et cause
dans une matière pénale?
M. Rémillard: Regardant un cas de discrimination, oui,
dans la mesure où elle poursuit pour une infraction, par exemple.
M. Filion: Elle devient poursuivante à ce
moment-là.
M. Rémillard: Elle devient poursuivante en prenant fait et
cause.
M. Filion: Est-ce que c'est en prenant fait et cause ou
plutôt si elle ne devient pas tout simplement poursuivante
indépendamment de...
M. Rémillard: Elle devient comme la couronne, si vous
voulez.
M. Filion: C'est ça. Mais il n'y a plus de citoyen. Elle
devient poursuivante.
M. Lachapelle: Elle devient poursuivante. M. Filion: Elle
devient poursuivante.
M. Lachapelle: Oui, il y a une délégation de fait
et d'ailleurs, dans vos recommandations, vous avez également dit: La
Commission devrait aller plus souvent...
M. Filion: Oui, voilà!
M. Lachapelle:...devant le tribunal pénal.
Une voix: II a de la mémoire.
M. Lachapelle: Non, je l'ai surtout devant moi.
M. Filion: Bien, moi, je m'en souvenais fort bien. Oui, parce
que, en droit pénal, la Commission dépose une plainte, elle
devient, en quelque sorte, comme la couronne. Le citoyen disparait un peu du
décor dans ces cas-là.
M. Lachapelle: A l'article 89, actuellement, une poursuite
pénale en vertu de la présente loi est intentée par la
Commission.
M. Filion: Oui.
M. Lachapelle: ...par le Procureur général ou par
la personne qui l'autorise à cette fin.
M. Filion: C'est ça. Cela n'a jamais été
utilisé jusqu'à maintenant, n'est-ce pas?
M. Lachapeile: Nous avons deux ou trois poursuites en
matière de logement qu'on est en train d'intenter avec le Procureur
général, peut-être pas nécessairement de cette
façon. On l'a utilisé aussi dans le passé dans le domaine
du taxi à quelques reprises.
M. Filion: D'accord.
M. Lachapelle: Évidemment, c'est un fardeau de preuve qui
est assez lourd en matière de discrimination, n'est-ce pas?
M. Filion: Oui, c'est ça.
M. Lachapelle: Hors de tout doute raisonnable.
M. Filion: Hors de tout doute, oui, oui. Cela retourne en droit
pénal.
M. Lachapelle: ...c'est très lourd, n'est-ce pas?
M. Filion: Mais, en tout cas, c'est un choix voulu, cette
espèce de double possibilité pour la Commission elle
même.
M. Rémillard: C'est ça. M.Filion:
Cela va.
La Présidente (Mme Bleau): Alors, l'article 1 est-il
adopté?
M. Filion: Adopté, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 2.
M. Rémillard: Mme la Présidente, c'est un petit pas
pour l'humanité mais un grand pas pour nous.
Constitution
Article 2. Cette modification vise à dissiper une possible
ambiguïté et à assurer la concordance avec la modification
consécutive apportée au deuxième alinéa de
l'article 59 qui regroupe les règles relatives au traitement. La
règle relative à la durée du mandat est donc
regroupée dans la disposition qui régit la nomination des membres
par l'Assemblée nationale. (21 h 15)
M. Filion: Je vais vous adresser ma question, je serais un petit
peu gêné de la poser à Me Lachapelle. D'ailleurs, mes
questions s'adressent toujours au ministre. Actuellement, quelle
est la situation? Quelle est la durée du mandat du
président? Est-ce que c'est dix ans?
M. Rémillard: Non, je ne crois pas. Je vais laisser parler
M. Lachapelle.
M. Lachapelle: II y en a un premier de trois ans et un
deuxième de deux ans, qui prenait effet au mois de décembre 1987.
À titre d'information, dans le passé, les autres
présidents, dans le passé, étaient aussi nommés
pour trois ans et leur mandat renouvelé. Oui, M. Hurtubise, pour deux
ans.
M. Filion: Ce sont des délais qui sont courts.
M. Rémillard: Comme le disait un personnage
célèbre: "C'est un peu court, jeune homme."
M. Filion: Oui.
M. Lachapelle: Je ne sais pas si c'est court, mais je sais que
ça passe vite.
M. Filion: Mais on a l'occasion, ici, entre adultes très
consentants, de l'allonger.
M. Rémillard: Parce qu'il y a une possibilité de
dix ans.
M. Filion: Oui, c'est ça. Je sais qu'il y a une
possibilité de dix ans, mais on pourrait dire, par exemple, si le
ministre me permet une suggestion: pour un mandat n'excédant pas dix ans
mais d'au moins cinq ans.
M. Rémillard: Comme c'est nommé par
l'Assembiée nationale, lorsqu'il y aurait discussion pour nommer ce
nouveau président - ou pour un renouvellement de mandat, remarquez - on
pourrait peut-être en arriver à un consensus autour de
ça.
M. Filion: Oui, mais l'histoire nous enseigne que
l'Assemblée nationale se dirige plutôt vers des mandats de deux ou
trois ans.
M. Rémillard: Ce que je veux dire, c'est qu'il faut avoir
les deux tiers de l'Assemblée nationale. C'est nommé par
l'Assemblée nationale. Je suppose qu'il y aurait, à ce
moment-là, des discussions et qu'on pourrait penser en termes de cinq
ans. Il faudrait quand même en analyser toutes les implications. Si le
précédent gouvernement n'a pas voulu y toucher pendant les neuf
ans où il a été au pouvoir, c'est qu'il doit certainement
y avoir de bonnes raisons.
M. Filion: Le gouvernement précédent n'a pas
modifié... C'est-à-dire que oui, il a modifié la
charte...
M. Rémillard: Oui.
M. Filion:... mais pas à ce sujet. M.
Rémillard: En 1983.
M. Filion: Écoutez, ce ne serait pas quelque chose de
fatigant si on jugeait... On n'aurait qu'à dire: d'au moins cinq ans et
de pas plus de dix ans, et ce serait réglé. C'est
uniquement...
On l'a fait pour le Curateur public il y a un quinzaine de jours.
M. Rémillard: Pourquoi ne dirait-on pas cinq ans? Dix ans
c'est beaucoup. Pourquoi ne dirait-on pas, à ce moment-là, cinq
ans et un terme fixe? Ce que je n'aime pas dans ça - je vais vous
l'avouer...
M. Filion: Oui.
M. Rémillard: ...et je ne serais pas prêt à
dire ce soir: On devrait faire ça et peut-être qu'on y reviendra
un de ces jours - c'est de mettre un terme fixe. Laisser le soin de
déterminer entre un et dix ans...
M. Filion: Entre un mois et dix ans.
M. Rémillard: C'est une journée, si vous voulez.
C'est ça, théoriquement.
M. Filion: Non, mais c'est ce que ça dit.
M. Rémillard: Théoriquement c'est ça, entre
une journée et dix ans.
M. Filion: Théoriquement, ça pourrait être
d'une journée à dix ans.
M. Rémillard: Je ne trouve pas que c'est une formule
idéale, mais, vous savez que je veux revenir éventuellement - et
vous allez me manquer, je vous le dit tout de suite - si je suis toujours
député de Jean-Talon et si je suis ministre, avec une loi sur les
tribunaux administratifs, une loi à laquelle on travaille et qui n'est
pas tout à fait attachée et c'est un aspect qu'on va traiter. Ce
n'est pas la seule loi qui a cette disposition. On peut faire ça et on
peut toucher du bois.
M. Filion: Vous me corrigerez, mais avec le projet de loi 140 on
ne pourra plus parler de la Commission comme d'un tribunal administratif.
M. Rémillard: Non.
M. Filion: Est-ce que, dans votre esprit, on peut toujours en
parler? Je ne le crois pas.
M. Rémillard: À mon sens, ça n'a jamais
été un tribunal administratif. Remarquez que, si on s'entend sur
un tribunal administratif, un tribunal devrait entendre en appel, selon le
rapport Ouellette, ou même, selon un autre critère, juger
en fonction d'un litige opposant un citoyen à
l'administration.
M. Filion: De toute façon, j'ai compris que c'était
votre définition d'un tribunal administratif...
M. Rémillard: En fait, c'est ça.
M. Filion: C'était la mienne aussi, remarquez.
M. Rémillard: C'est à peu près ça si
on veut savoir, à un moment donné... La Régie du logement,
par exemple, ce n'est pas un tribunal administratif. C'est une cour
spécialisée, mais ce n'est pas un tribunal administratif.
M. Filion: C'est parce qu'on parlait du mandat des membres et du
président de la Commission des droits de la personne et vous m'avez
répondu avec la loi sur les tribunaux administratifs, comme si ça
répondait en partie à mes propos, mais comme la Commission ne
sera sûrement plus, sous aucun vocable possible, un tribunal
administratif, je me demande si on aura l'occasion de revenir là-dessus
pour donner une suite au principe voulant qu'on donne une certaine
stabilité aux membres de la Commission.
M. Rémillard: Je ne veux pas trop m'étendre
là-dessus. Ce que je peux vous dire, c'est que le problème que
nous avons, justement, dans notre loi sur les tribunaux administratifs, c'est
qu'on s'aperçoit qu'il ne faut pas toucher juste les tribunaux
administratifs - il peut y en avoir neuf, dix, onze ou douze - mais il faut
trouver un moyen de toucher tous les organismes quasi judiciaires dans leur
indépendance. Tout à l'heure, à l'article 1, on s'est
référé à la définition de "tribunal", et le
mot "tribunal" comprend "organisme ou personne quasi judiciaire". C'est de
là que vient tout notre problème pour la loi sur les tribunaux
administratifs.
M. Filion: De toute façon, finalement, l'amendement fait
en sorte que la durée du mandat, une fois fixée, ne peut
être réduite. II s'agit là, quand même, d'une
amélioration par rapport à la charte actuelle. Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): L'article 2 est adopté.
J'appelle l'article 3.
M. Rémillard: Mme la Présidente, l'article 3, en
plus de la concordance avec la modification proposée à l'article
58, vise à étendre à toutes les modalités possibles
de la rémunération la garantie dont bénéficie
déjà le traitement.
M. Filion: Adopté.
La Présidente (Mme
Bleau): L'article 3 est
adopté. J'appelle l'article 4, où nous avons un amendement.
M. Filion: Je vous suggérerais, Mme la Présidente,
d'appeler les alinéas un par un.
La Présidente (Mme Bleau): Vous aimeriez qu'on appelle un
autre article?
M. Filion: Non, 60, 61,62.
La Présidente (Mme Bleau): Bien, parfait.
M. Filion: Comme on l'a fait précédemment.
La Présidente (Mme Bleau): Alors j'appelle l'article 60 de
l'article 4.
M. Filion: C'est ça.
M. Rémillard: La modification du premier alinéa
vise à clarifier la possibilité qu'ont les membres de la
Commission de démissionner et à clarifier les effets de cette
démission. L'article 67 assure, par ailleurs, une permanence et une
continuité. La suppression du second alinéa s'explique dans le
contexte de déjudiciarisation des affaires de la Commission des droits
de la personne pour lesquelles le projet de loi propose plutôt un
régime qui ne requiert plus de saisine particulière.
M. Filion: C'est très clair dans mon esprit.
Peut-être que les autres membres de cotte commission ont des questions?
Je ne voudrais pas... C'est très clair dans !es deux alinéas.
La Présidente (Mme Bleau): L'article 60 est-il
adopté?
M. Filion: Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 61.
M. Rémillard: Cet article, dont le contenu est nouveau,
permet à la Commission de déléguer ses
responsabilités à l'égard des plaintes à un
comité des plaintes formé de trois membres qu'elle désigne
par écrit.
M. Filion: Excellente décision. Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): L'article 61 étant
adopté, j'appelle l'article 62, où il y a un amendement.
M. Rémillard: Mme la Présidente, tout d'abord, si
vous me le permettez, je vais situer l'article et j'apporterai ensuite
l'amendement pour qu'on puisse le situer dans son contexte.
M. Filion: D'accord.
M. Rémillard: Puisque le premier alinéa de
l'article 60 actuel parle des employés requis par l'application de la
présente charte, la modification permet d'assurer une distinction entre
le personnel de la Commission et celui du Tribunal proposé dont la
nomination relève du gouvernement. Elle permet aussi d'assurer une
concordance quant à la désignation du personnel de la Commission
ailleurs dans la charte où il est fait mention du personnel de la
Commission. Elle reconduit en partie l'actuel article 60 dont le volet
"rémunération" est maintenant proposé à l'article
63.
La modification proposée par le deuxième alinéa
régularise la portée de l'actuel article 75 en regard de
distinctions apportées entre les mécanismes d'enquête et
ceux de médiation tout en assurant un resserrement du suivi d'un tel
mandat. Et la disposition du troisième alinéa vise principalement
à assurer, pour les arbitres choisis hors du personnel régulier
de la Commission, un mode de recrutement et de sélection qui en favorise
à la fois la spécialisation, l'expertise et la
représentativité.
Mme la Présidente, voici l'amendement que nous voulons apporter:
Remplacer la première phrase du troisième alinéa de
l'article 62, proposé par l'article 4 du projet de loi, par la suivante:
"Pour un cas d'arbitrage, la Commission désigne un seul arbitre parmi
les personnes qui ont une expérience, une expertise, une sensibilisation
et un intérêt marqué en matière des droits et
libertés de !a personne et qui sont inscrites sur la liste
dressée périodiquement par le gouvernement suivant la
procédure de recrutement et de sélection qu'il prend par
règlement."
Les explications. La disposition vise à assurer, pour les
arbitres parmi lesquels sont également choisis le vice président
et les autres membres du Tribunal des droits de la personne, un mode de
recrutement et de sélection. Nous voulons assurer que ces arbitres
puissent être les plus indépendants possible. C'est donc dire que
la formulation qui a été retenue est semblable à la
formulation que nous retrouvons dans la loi sur nos tribunaux et qui permet,
par règlement, d'avoir un comité de sélection qui fait
recommandation au ministre qui recommande les nominations au gouvernement.
En résumé, cela veut dire que la nomination de ces
arbitres, dont certains feront partie du Tribunal, sera complètement
indépendante, comme les juges eux-mêmes sont
indépendants.
M. Filion: Allons-y peut-être alinéa par
alinéa. En ce qui concerne le premier alinéa, je ne sache pas
qu'il y ait problème. Quel est l'article qui donne naissance au fait que
le personnel de la Commission ne peut pas être transféré
à d'autres ministères, régies ou organismes? C'est
l'article 62?
M. Lachapelle: C'est l'article 60.
M. Filion: C'est l'article 60.
M. Lachapelle: Et ce sera l'article 62.
M. Filion: C'est l'article 60 que reprend l'article...
M. Lachapelle: "Les fonctionnaires employés et requis pour
l'application de la présente charte sont nommés par la
Commission."
M. Filion: En excluant la fonction publique. M. Lachapelle:
Voilà!
M. Filion: C'est par là qu'on... Donc, première
discussion là-dessus. Je pense que le ministre est au courant du
problème. Les gens qui travaillent pour la Commission n'ont pas la
même possibilité que les autres personnes qui travaillent à
d'autres endroits dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental, ce qui cause
certains problèmes, par exemple, sur le plan de la carrière pour
des gens qui, au bout de dix ans ou cinq ans, veulent se recycler ailleurs ou
veulent même, des fois, relever de nouveaux défis. Est-ce que le
ministre a considéré cette question? Manifestement, puisqu'on est
en train de modifier l'article. Est-ce que le ministre a fait le choix bien
précis de conserver la formule actuelle? Si oui, pourquoi refuser, en
quelque sorte, au personnel de la Commission des droits de la personne, cette
mobilité - entre guillemets -auprès d'autres ministères,
restes ou organismes qui sont autrement couverts par la fonction publique? (21
h 30)
M. Rémillard: Mme la Présidente, de fait, je suis
informé qu'il s'agit d'un sujet qui est discuté par les
employés de la Commission. Pour que cette Commission soit
indépendante, on sait qu'il faut qu'elle soit détachée de
l'appareil administratif. Cela va jusqu'à dire que ses employés
ne font pas partie de la fonction publique; l'article 60, qui sera maintenant
l'article 62, le stipule. Cela a des inconvénients et c'est un
inconvénient qui cause des problèmes dans l'évolution des
plans de carrière. À la Commission, après un certain
temps, les gens se retrouvent dans la situation où ils aimeraient faire
autre chose, et ils ont la compétence pour faire autre chose, et ils se
voient bloqués. Je sais qu'il y a eu des discussions qui ont eu lieu
entre le Conseil du trésor et la Commission; cela n'a pas abouti comme
tel. C'est un sujet que j'aimerais reprendre dans un avenir prochain pour voir
s'il n'est pas possible d'établir un pont administratif quelconque pour
qu'il y ait possibilité pour ces gens de poser leur candidature à
des postes qui sont ouverts dans la fonction publique, par exemple, avec
certaines dispositions administratives.
M. Filion: Je dois vous signaler qu'en
commission, à deux occasions je pense, nous avions
réfléchi un petit peu ou échangé des vues sur ce
problème. Effectivement, d'un côté, il m'apparaît
important de conserver une certaine indépendance des employés,
mais, de l'autre côté, c'est de les confiner à un isolement
qui n'est pas drôle, mais, à l'époque, on nous avait
confié qu'il y avait certaines ententes qui pouvaient être
signées, permettant d'ouvrir la voie à certains autres
emplois.
Ma question: Est-ce que ces ententes ont effectivement été
signées?
M. Rémillard: Elles n'ont pas été
signées. On a tenté de les négocier, à ma
connaissance, mais je peux demander à M. Lachapelle de vous
répondre.
M. Lachapelle: A plusieurs reprises, avec des collègues,
le Protecteur du citoyen et des gens de l'aide juridique ou autres, ou encore
avec la Commission de surveillance de la langue française, j'ai
tenté d'établir des échanges. Évidemment, ce n'est
pas facile, il faut vraiment que ce sort sur une base volontaire. Il faut que
ce soit, je dirais, donnant-donnant, échange pour échange; alors,
il faut, de part et d'autre, trouver des volontaires. Je dois vous dire que,
dans tous les cas, j'ai toujours trouvé des présidents
d'organismes très intéressés. Malgré la
volonté des employés de la Commission de changer d'organisme,
à certains égards, très souvent quand arrive le moment
fatal du changement d'organisme, les gens disent: Ah, savez-vous, dans le fond,
on n'est pas si mal à la Commission et on ne veut pas changer.
Alors, on s'est butés à toutes sortes d'obstacles du
genre. La suggestion que faisait M. le ministre tantôt, de tenter de
créer un pont beaucoup plus large d'accès des employés de
la Commission des droits de la personne à la fonction publique, ce
serait peut-être, finalement, un bassin beaucoup plus large
d'intérêts pour les employés de la Commission. Il faudrait
assurément reprendre cette question qui est très sérieuse,
bien sûr. Ça fait déjà treize ans que la Commission
existe; il y a beaucoup d'employés qui se disent. Je ne pourrai pas
être là encore pendant vingt ans.
M. Filion: Bien voilà! En attendant d'ouvrir
carrément avec toute la fonction pubiique, il y a peut-être
certains organismes - vous avez dû y songer - qui, de par leur nature,
ont quand même des analogies avec la Commission des droits de la
personne. On peut penser, par exemple, au Protecteur du citoyen, au bureau de
la curatelle publique qu'on a eu l'occasion d'étudier
récemment...
M. Rémillard: Celui du vérificateur.
M. Filion: ...et celui du vérificateur, etc. Même
avec ces organismes, ce n'est pas possible de signer une entente?
M. Lachapelle: On peut signer des ententes; de fait. Ils sont
tous volontaires.
M. Filion: Oui
M. Lachapelle: Sauf qu'encore une fois je pense qu'il faudrait
avoir peut-être une participation plus active du Conseil du
trésor, avec qui j'ai discuté, tout récemment encore, de
cette question. On devait nous présenter un projet un peu plus concret
et ça n'a pas encore abouti.
M. Filion: En attendant, l'article 60 devient l'article 62,
premier alinéa; la loi reste la même, c'est-à-dire que
l'isolement reste là. Je peux tout simplement transformer mes propos en
voeux et souhaiter que le ministre de la Justice trouve le temps,
peut-être, de sensibiliser son collègue, le président du
Conseil du trésor. Parce que - je pense que le président vient de
le signaler d'une façon très précise - ça fait
treize ans que !a Commission existe. Je pense que dans une couple
d'années on risque de se retrouver devant un phénomène,
peut-être pas de. désabusement, mais, en tout cas, de motivation
à la baisse, il y a la loi des rendements décroissants qui
s'applique dans nos travaux. Je pense que ça s'applique aussi dans une
carrière à un moment donné quand ça fait trop
longtemps qu'on fait le même travail. Alors, je transforme ça en
voeux pour le représentant de l'Exécutif qui siège
à cette table.
Sur le deuxième alinéa maintenant. "La Commission peut,
par écrit, confier à une personne qui n'est pas membre de son
personnel soit le mandat de faire une enquête, soit celui de rechercher
un règlement entre les parties, dans les termes des paragraphes 1 et 2
du deuxième alinéa de l'article 71, avec l'obligation de lui
faire rapport dans un délai qu'elle fixe" C'est le médiateur,
ça? On vise le médiateur ici. C'est ça? Bon. Dans la
charte actuelle, à l'article 81, on dit... Qu'est-ce qui arrive,
d'ailleurs, à l'article 81? Est-ce qu'il saute ? Non, il va rester
là. Il va être...
M. Rémillard: Toujours là.
M. Filion: À quel article du projet de loi est-ce que je
retrouve le nouvel article 81? Ah, mon Dieu, je viens de le trouver. Non. Ce
n'est pas ça.
M. Rémillard: Je l'ai ici. Non.
M. Filion: L'article 79 du projet de loi...
M. Rémillard: C'est l'article 79.
M. Filion: D'accord. L'article 81 dit ceci dans la loi actuelle:
"La Commission doit tenter d'amener les parties à régler leur
différend." Cela va disparaître. D'accord? Ce bout de
phrase-là va disparaître du projet de loi.
M. Rémillard: Oui, oui, ça disparaît. Mais ce
sont les articles 78 et 79 qui vont répondre...
M. Filion: D'accord. Elle favorise un règlement. C'est
l'article 71, deuxième paragraphe: "...favoriser un règlement
entre la personne..." C'est ça?
M. Pelletier: ...les fonctions de la Commission.
M. Filion: Les fonctions, c'est ça. Revenons maintenant
à l'article 62. Ça va. Je pense qu'on se comprend. Ce qui me
chicote un petit peu, c'est que lorsque c'est un membre du personnel de la
Commission qui tente d'amener les parties à un règlement,
à ce moment-là, les membres de la Commission étant
nommés par l'Assemblée nationale - là c'est un membre du
personnel - on a une certaine - comment dirais-je? - garantie que le
règlement recherché sera conforme à l'esprit de la charte.
Ici, à l'article 262, deuxième alinéa, on dit: "La
Commission peut" - là on confie cela à une personne à
l'extérieur qui n'est d'aucune façon, si l'on veut, soumise
à l'autorité des personnes qui ont reçu leur mandat de
l'Assemblée nationale. On dit carrément: Une personne de
l'extérieur qui doit rechercher un règlement entre las parties.
Mais on ajoute "dans les termes des paragraphes 1 et 2", remarquez.
M. Rémillard: II y a deux aspects importants.
M. Filion: Vous saisissez mon point de vue, là?
M. Rémillard: Oui. Il y a deux choses: Tout d'abord, il
est embauché avec un mandat, il doit recevoir un mandat de la Commission
pour faire cette enquête. Deuxièmement, il a l'obligation de faire
rapport dans un délai fixé par la Commission.
M. Filion: Pour le rapport, cela va. Ce serait plutôt en ce
qui a trait à son mandat. Quelle sorte de mandat va-t-il recevoir?
M. Rémillard: II a le mandat, plus le rapport. Alors, je
peux demander à M. Lachapelle d'expliciter.
M. Lachapelle: D'abord, je dois dire que dans l'histoire de la
Commission jusqu'à maintenant c'est peu fréquent, ce genre de
mandat. On en a quelques-uns actuellement. C'est un mandat précis de
faire enquête dans tel délai, dans tel dossier d'enquête,
des cas de discrimination. Dans tel dossier, de façon très
précise, vous devrez nous faire rapport dans tel ou tel délai.
Dans le cas présent évidemment, le mandat de faire un
règlement est ajouté. On ajoutera: et de négocier un
règlement et de faire rapport à la Commission de vos tractations
entre les parties. Encore une fois, on a peu d'expérience dans le
domaine parce qu'on en a donné peu.
M. Filion: Est-ce que la Commission a l'intention de confier plus
de mandats à des gens de l'extérieur?
M. Lachapelle: Non, ce n'est pas une expérience
très heureuse, je dois le dire.
M. Filion: Vous savez, il y a une différence quand on
confie un mandat à une personne pour rechercher un règlement
à tout prix - il faut que vous régliez; et l'esprit et les
objectifs de la charte; un règlement pour un règlement - ce qui
pourrait être le cas du mandat confié à des tiers, alors
que le personnel de la Commission est plus sensibilisé. Il n'ira pas
rechercher un règlement qui irait contre l'esprit de la charte ou contre
ses objectifs. Est-ce que cela vous...
M. Lachapelle: C'est curieux, je ne comprends pas votre
inquiétude. Il me semble qu'une personne à qui on confie un
mandat de négocier un règlement ou même de faire une
enquête, je ne sais pas pourquoi elle aurait moins
d'intérêt. Évidemment, on choisit les personnes en fonction
de leur compétence. Je ne saisis pas très bien votre
inquiétude, à savoir qu'on aurait à forcer un
règlement.
M. Filion: Non, mais que la personne de l'extérieur
pourrait avoir. Le médiateur qui reçoit un contrat aurait
beaucoup plus d'intérêt peut-être à trouver un
règlement à tout prix qu'une personne qui travaille
déjà au sein de la Commission.
M. Lachapelle: J'essaie de voir quel serait son
intérêt à vouloir négocier les règlements
à rabais?
M. Filion: Oui, c'est son mandat.
M. Lachapelle: D'abord, il faut que les parties s'entendent,
c'est bien sûr, c'est volontaire.
M. Filion: Oui, c'est bien sûr, mais un bon
médiateur fait du bon travail habituellement.
M. Lachapelle: Oui, mais...
M. Filion: J'ai déjà fait un peu cette
job-là dans les relations de travail, un règlement... Tous les
règlements sont bons, à la condition qu'il y en ait un. Mais ici
on parle de la charte des droits fondamentaux. Je vous donne un exemple. On
peut utiliser des fois la faiblesse d'une partie pour obtenir un
règlement rapide, ce que les membres de la Commission des droits vont
être
moins portés à faire. Un bon médiateur s'il veut
absolument dire à la Commission: J'ai rempli mon mandat, voici le
règlement... L'aveugle qui a été refusé dans un
restaurant, il a reçu 5 $ et il est content. C'est un peu dans cet
esprit-là que je m'interroge. Mais vous me dites que la Commission n'a
pas l'intention de faire plus affaire avec des gens de l'extérieur.
M. Lachapelle: Non, non, véritablement pas. Cela peut
permettre des soupapes dans certains cas.
M. Filion: Est-ce que le ministre... (21 h 45)
M. Rémillard: Moi, je vois comme moyen de contrôle
le rapport qui est là. !! y a deux moyens de contrôle. Il y a le
mandat qui est donné et le rapport. Dans la mesure où la
Commission reçoit le rapport et qu'il y a eu consentement entre les
parties sur un règlement. On ne peut pas faire un règlement qui
va à rencontre de la lettre de la charte. On doit faire un
règlement qui respecte la charte et ce règlement, s'il est dans
le milieu des intérêts dos parties parce qu'elles y ont consenti,
je dirais que, comme soupape de sûreté, on a toujours le rapport
qui est là et qui est fait à la Commission. En somme, je ne vois
pas d'inquiétude, pour ma part.
M. Filion: Mais cet article n'existait pas avant. C'est dans le
cadre du nouveau rôle de \a Commission que vous vouliez avoir...
M. Rémillard: L'article 75 était là.
M. Filion: Oui, c'était l'enquête. Ce n'était
pas ta médiation.
M. Rémillard: Oui, mais ce n'est pas la même
chose.
M. Filion: Mais il y avait de la médiation dans
l'enquête?
M. Rémillard: Bien oui.
M. Lachapelle: Oui, c'est ça. Avant, les deux rôles
étaient en même temps, alors que là on prend soin de les
diviser. C'est ça, l'idée.
M. Filion: D'accord. C'est pour ça que vous avez un
article plus précis sur la médiation, ce qui vient donner un peu
plus de muscle d'ailleurs au nouveau rôle de la Commission:
enquête, médiation, arbitrage possible, etc.
M. Rémillard: Ce qui est significatif de l'esprit du
projet de loi, c'est d'utiliser tous les mécanismes qu'on peut utiliser
avant d'en arriver au tribunal, accélérer le processus,
développer l'accessibilité.
M. Filion: Cela va. En ce qui concerne le troisième...
La Présidente (Mme Bleau): C'est le deuxième
paragraphe.
M. Filion: Oui, le deuxième alinéa. M.
Rémillard: Oui, le deuxième alinéa.
M. Filion: Le troisième alinéa pose le
problème de l'arbitrage.
La Présidente (Mme Bleau): C'est là qu'est... M.
Rémillard: Oui.
M. Filion: Je pense que dans mon discours de deuxième
lecture j'avais soulevé, de façon générale, ma
préoccupation. En tout cas, j'avais soulevé mes
préoccupations à cette époque là; elles sont
toujours actuelles. Mais, pour ce qui est de l'arbitrage, ma
préoccupation portait sur le fait d'arbitrer des droits fondamentaux et
de faire une espèce de petite charte, comme |e l'ai mentionné,
avec un petit arbitrage, et une grande charte avec la Cour supérieure et
de gros jugements.
Sur la nécessité de l'arbitrage, des intervenants nous
ont, je pense, donné un assez bon éclairage, un en particulier.
C'est une bonne chose, selon la plupart des intervenants. Je dois vous dire que
je suis à peu près gagné à la notion d'arbitrage.
C'est une bonne chose. Ce n'était pas évident, par exemple, quand
j'ai lu le projet de loi pour la première fois, mais, maintenant, ce
l'est peut-être un petit peu plus. C'est une bonne chose. C'est là
et c'est surtout volontaire. C'est archi-important. C'est volontaire, mais
ça lie les parties. C'est le prix qu'il faut payer.
Donc, je pense qu'il n'est pas nécessaire de s'étendre sur
la nécessité de l'arbitrage. Do toute façon, l'opinion du
ministre est faite, me semble-t-il. Il veut peut être en causer un
peu.
M. Rémillard: Non, je dois vous dire que c'est une
idée que j'ai amenée. Vous connaissez un peu mes dadas, et
l'arbitrage est l'un de mes dadas. En matière de droits fondamentaux, en
parlant avec le président et les gens de la Commission, avec les groupes
et les intervenants, je me suis aperçu qu'on n'est pas toujours dans les
questions de droit par-dessus la tête. Il y a bien des questions qui
impliquent des droits fondamentaux, mais qu'on peut régler par un
arbitrage dans la mesure où il y a consentement des deux parties et que
les parties s'entendent pour dire. On va respecter la décision de
l'arbitre.
C'est dans ce cadre-là que l'idée nous est venue d'avoir
un arbitrage et, comme vous le dites, c'est bien accueilli, quand on comprend
notre système, par l'ensemble des intervenants.
M. Filion: Mais le problème, c'est le suivant.
M. Rémillard: Oui.
M. Filion: Et ce n'est pas dans les lois qu'on le règle.
Cela concerne les attitudes. Je m'explique. La Commission est là, elle
reçoit le dossier et la plainte; elle enquête, ramasse un peu les
faits, nomme un médiateur, cela ne marche pas. À un moment
donné, les gens disent: Coudon, il faut régler. Voici
l'arbitrage. Une partie accepte et l'autre refuse. Il ne faudrait pas, d'aucune
façon - et cela concerne, encore une fois, les attitudes; on ne peut pas
écrire ça dans la loi - que le fait de refuser de se prêter
à un arbitrage puisse influencer directement ou indirectement la
décision de la Commission de porter ou non le dossier devant le
Tribunal.
M. Rémillard: C'est une grande question. M. Filion:
Une grande question?
M. Rémillard: Une grande question qui est très
importante.
M. Filion: Très Importante. C'est un ar-bitrage
volontaire qu'on peut... Quand le président va tomber un peu dans les
formules et qu'il va falloir mettre ça par écrit, j'aimerais bien
qu'on soit très précis pour... Entre nous, ça va, on se
comprend, on sait bien que, si le ministre ou moi on se ramasse devant la
Commission, on va comprendre vite qu'on peut l'accepter ou le refuser et
ça ne change rien au Tribunal. Mais il faudrait que les parties qui font
affaire quotidiennement ou occasionnellement avec la Commission puissent savoir
que cet arbitrage est offert comme un service sur une base volontaire mais avec
pouvoir décisionnel final, donc extrêmement important, et que la
décision d'aller ou non en arbitrage n'a aucun rapport avec la
décision qui est nécessairement subséquente de la
Commission de porter ou non la cause devant le Tribunal.
M. Rémillard: Votre question est très pertinente.
On se l'est posée, on en a beaucoup discuté. C'est d'ailleurs un
des arguments qui va faire en sorte que j'arrive avec une modification sur
l'accessibilité au Tribunal. Votre question est aussi reliée au
fait qu'il faut ouvrir l'accès au Tribunal sans nécessairement
toujours passer par la Commission d'une façon directe. On y
reviendra.
Ce qui m'apparaît important, c'est qu'il pourrait y avoir aussi
l'inverse. La Commission pourrait dire: Nous ne vous conseillons pas
l'arbitrage, nous voudrions aller devant le Tribunal parce que c'est une
question qu'on veut faire trancher par le Tribunal et, éventuellement,
par la Cour d'appel, etc. Puis, la personne dit: Je suis capable de
régler ça par l'arbitrage et je m'attends là-dessus... Je
ne veux pas aller passer un an et demi ou deux ans devant les tribunaux, je
veux régler ça. Les deux attitudes sont possibles. C'est
évident qu'on peut comprendre que c'est la première que vous avez
soulevée qui peut se poser le plus souvent. Là-dessus, comme vous
le dites, on ne peut pas le mettre dans le projet de loi. Tout ce qu'on peut se
dire, c'est que la commission devrait être très
sensibilisée au fait que les droits impliquent que c'est à la
personne de choisir d'aller ou non devant l'arbitrage et que ses droits
demeurent intacts pour aller au Tribunal des droits. C'est la seule chose qu'on
peut dire.
M. Filion: Oui. Me Dolbec me murmure à l'oreille qu'il ne
faut pas oublier qu'on est dans la vraie vie, par exemple. Cela fait 18 fois
que te gars appelle à ce sujet et le fonctionnaire, en tout cas, le
membre du personnel de la Commission des droits de la personne, commence
à être un peu tanné.
M. le ministre, quand je disais que, dans le fond, ça ne
s'écrit pas dans la loi, en le disant, je me suis dit que j'ai
déjà vu pire ou mieux dans les lois. Cela dépend du point
de vue où on se place. Qu'on s'entende bien. Quand on va arriver
à la décision de la Commission de porter ou non... Est-ce que
ça ne s'écrirait pas que la décision de la Commission ne
doit en aucune façon tenir compte du refus de la médiation ou de
l'arbitrage?
En disant tantôt que ça ne s'écrit pas, dans le fond
il y a des choses comme ça qui s'écrivent et qui ont une maudite
valeur symbolique. Je pose la question. Ce ne serait pas compliqué. Ce
serait peut-être un message important. Je pose la question.
M. Rémillard: L'idée est intéressante. Il
faudrait voir où ça peut aller. Évidemment, le projet de
loi dit bien que c'est facultatif, que c'est consensuel, donc, par le fait
même, la Commission doit respecter cette volonté. Cependant, il
serait probablement bon de mettre une disposition quelque part. Même si,
sur le strict plan de la technique législative, on n'en avait pas
besoin, il reste que pour le rappeler et l'exprimer clairement... Ce qu'on
pourrait faire, c'est demander à nos légistes de voir s'il y
aurait possibilité.
M. Filion: À l'article 78 ou à l'article 79?
M. Rémillard: On a pensé à l'article 78,
mais je ne suis pas certain que ça va vraiment là.
M. Filion: De toute façon, on est en train de voir
l'ensemble de la problématique de l'arbitrage.
M. Rémillard: Mais, si vous voulez, on retient
l'idée, pour essayer de voir où ça pour-
rait aller. Il y a une possibilité pour l'article 78, mais il y
aurait peut-être une possiblité ailleurs aussi. Dans notre
étude, peut-être que même demain on pourra arriver
avec...
M. Filion: Remarquez que je prends bonne note de ce que le
ministre a soulevé aussi. J'avais soulevé une possibilité,
je trouve que celle soulevée par le ministre est tout aussi bonne.
À un moment donné, le l'appelle le fonctionnaire, mais c'est un
membre du personnel de la CDP qui trouve que voilà une belle cause pour
aller devant le Tribunal. L'arbitrage, ou on a ça, mais... Vous savez
que ça pourrait être bon dans les deux sens de spécifier
que !a décision sur l'arbitrage ne doit influencer en aucune
façon l'autre décision, et vice versa. Ce sont des causes types.
C'est un peu ce que vous souleviez: l'idée de faire des causes types. Je
le sais, des avocats m'ont dit: Aïe, ça, c'est une bonne cause,
c'est la temps d'y aller. Enfin on a trouvé le bon client, avec la bonne
situation. Voilà!
M. Rémillard: Mme la Présidente, est ce qu'on suit
une coutume...
La Présidente (Mme Bleau): On vous laissait regarder
l'heure, M. le ministre. On espérait que vous ne la regarderiez pas.
M. Rémillard: Non? Si ça embête la
commission, on va s'en passer
La Présidente (Mme Bleau): Absolument pas, M. le
ministre.
M. Filion: Non, non, pas du tout.
La Présidente (Mme Bleau): Cela va nous permettre de nous
délier les jambes.
M. Rémillard: Si vous vouliez nous laisser quinze minutes,
on Irait...
M. Filion: D'accord.
La Présidente (Mme Bleau): Je suspends les travaux pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 58) (Reprise à 22 h
29)
La Présidente (Mme Bleau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons les travaux. Nous en étions à l'article 62,
troisième alinéa.
M. Filion: Mme la Présidente, le ministre et moi avons eu
l'occasion de voir des reportages sur la Chine et je pense qu'eux ne sont pas
tout à fait en train de s'interroger sur l'opportunité d'une
clause garantissant que le fait de l'arbitrage ne nuirait pas à la
décision de la Com- mission des droits de la personne d'aller devant le
tribunal d'appel. D'après ce qu'on a vu au bulletin de nouvelles, ils
sont plutôt en train de créer des tribunaux populaires et des
tribunaux militaires qui condamnent des gens à la mort. Cela nous aide
peut-être à relativiser le travail qu'on fait ici, mais dans le
sens d'aller plus loin et de prendre conscience qu'ailleurs, ce n'est pas
tellement jojo, on n'a pas le même niveau de préoccupations.
Sur le fond de l'arbitrage, je pense qu'on avait fart le point. Sauf
erreur, l'amendement fait disparaître toutes les consultations parce
qu'il y aura une procédure de recrutement et de sélection qui
sera fixée par règlement. II ne faut pas comprendre l'amendement
comme faisant nécessairement... Dans le texte du projet de loi, on dit:
"Pour un cas d'arbitrage, la Commission désigne un seul arbitre...
après consultation de la Commission, du Barreau du Québec, du
Conseil consultatif du travail..." Avec l'amendement, on dit qu'il y aura une
liste dressée par le gouvernement et que les personnes qui y seront
Inscrites auront été choisies par une procédure de
recrutement et de sélection.
M. Rémillard: Permettez-moi de dire que dans le rapport de
la commission la recommandation 18 était que les personnes soient
nommées par le gouvernement selon le processus normal de
sélection et de nomination des membres des tribunaux
administratifs...
M. Filion: À ce moment-là, le rapport Ouellette
était connu.
M. Rémillard: Oui. ... et que les membres de ce Tribunal
soient choisis selon des critères précis dont leur expertise,
leur intérêt marqué en matière de droits et
libertés - c'est ce qu'on a - en donnant la priorité aux
personnes appartenant à des groupes visés dans les programmes
d'accès à l'égalité.
M. Filion: Ma question était sur la consultation...
M. Rémillard: Oui
M. Filion: ...qui faisait partie du projet de loi et qui ne se
retrouve pas dans l'amendement.
M. Rémillard: Me Pelletier peut nous parler de cela.
M. Pelletier: Dans un prochain amendement consécutif
à celui qu'on propose, on prévoit le pouvoir réglementaire
du gouvernement pour établir le comité de sélection et
l'ensemble de la procédure. Dans cet amendement, il y a un petit bout
où on dit que le comité peut faire des consultations. Ce sera
dans le règlement.
M. Filion: À quel article ?
M. Pelletier: Ce sera l'article 13 qui modifie l'article
86.8.
M. Rémillard: Le problème, Mme la
Présidente, c'est qu'on ne peut pas créer un comité et, en
même temps, faire de la consultation.
M. Filion: Non, c'est ça.
M. Rémillard: Alors c'est comme ça qu'on a
trouvé le petit bout qui va raccrocher tout ça ensemble.
M. Filion: C'est une modification à l'article 13 du projet
de loi?
M. Pelletier: Oui.
M. Filion: C'est le pouvoir réglementaire, si ma
mémoire est bonne
M. Pelletier: Exactement. M. Filion: C'est ça.
M. Pelletier: Si vous allez au deuxième feuillet...
M. Filion: Oui.
M. Pelletier: ...le cinquième paragraphe.
M. Filion: "Ainsi que les consultations qu'il peut faire". C'est
ça?
M. Rémillard: En plus, nous incluons des critères
dans la loi par l'amendement que nous proposons. On dit bien "ont une
expérience, une expertise, une sensibilisation et un
intérêt marqué en matière de droits et de
libertés de la personne". Déjà, il y a des critères
qui sont là. De plus, des consultations peuvent être faites par le
comité de sélection.
M. Filion: Tantôt, le ministre citait la recommandation 18
de la commission. Je voudrais juste lui signaler que, quant à moi, nous
en sommes strictement au débat sur la façon de choisir les
arbitres. Je ne voudrais aucunement que le fait de m'apprêter à
entériner l'article 62 puisse être interprété par le
ministre comme un assentiment à la composition du Tribunal, ce qui fera
l'objet d'un long débat. On a choisi...
M. Rémillard: Non, non. On y va étape par
étape et...
M. Filion: C'est cela. On a choisi...
M. Rémillard: On a dit, à la première
étape, qu'on était d'accord sur l'arbitrage. On essaie de faire
l'arbitrage le mieux possible. Le Tribunal, on en discutera quand on y
arrivera.
M. Filion: Qu'envisage le ministre au sujet de cette liste? Par
exemple, à combien d'arbitres à peu près pense-t-on?
Voit-on quelque chose d'aussi large que le CCTMO où il doit bien y en
avoir, ma foi, plus d'une cinquantaine, ou si on voit quelque chose de plus
réduit?
M. Rémillard: Au départ, on pensait à une
dizaine d'arbitres.
M. Filion: Une dizaine d'arbitres. C'est écrit "liste
dressée périodiquement". Ce n'est pas annuellement. Qu'est-ce que
cela veut dire, périodiquement?
M. Rémillard: Si on réalise qu'on n'a pas assez de
dix arbitres, on peut lancer un autre concours et faire une autre liste avec
douze, quinze personnes, en ajouter. On peut en ajouter et en remplacer aussi,
si des gens décident de se retirer, ne sont plus
intéressés, etc. Périodiquement, on peut lancer un nouveau
concours.
M. Filions: Le règlement prévoira sûrement
une façon pour une personne de se retirer de la liste, mais est-ce qu'il
prévoira également la façon dont le gouvernement pourra
retirer un nom de la liste?
M. Rémillard: Non. Le gouvernement n'a pas le droit de
retirer quelqu'un de la liste. Justement, on nomme ces personnes d'une
façon indépendante et elles sont inamovibles.
Une voix: À moins d'une raison sérieuse. M.
RémillIard: Pour cause.
M. Filion: On verra cela d'un peu plus près quand on
étudiera l'article 13. Dites donc, en passant, M. le ministre,
peut-être que je me trompe, mais rien n'empêche deux parties de
choisir l'arbitrage en vertu du Code de procédure civile.
M. Rémillard: C'est là.
M. Filion: Cela veut dire que, finalement, ce qu'on leur offre
existe déjà ce matin.
M. Rémillard: Non. D'abord, ce qui existe, dans le Code
civil, c'est le principe. Mais, pour actualiser ce principe, il faut le mettre
comme ça. Par exemple, c'est bien beau, le principe du Code de
procédure civile, dans la mesure où vous et mot faisons un
contrat et que nous y stipulons qu'en cas de litige on prendra l'arbitrage. On
sait que ce n'est pas comme ça que ça se passe dans la vraie vie
en ce qui concerne les droits fondamentaux. On ne peut pas faire un contrat
avec tout le monde et dire: S'il m'arrive quelque chose, ce sera
réglé par arbitrage. C'est donc important qu'on actualise le
principe des droits
fondamentaux en l'encadrant de cette façon. Maintenant, en
fonction du Code de procédure civile, c'est à leurs frais, alors
qu'ici c'est tout à fait gratuit. C'est un service gratuit, ça ne
coûte pas un sou. C'est un aspect important.
M. Filion: Ce que je voulais signaler au ministre... Je ne parle
pas ici d'un contrat, parce qu'on peut choisir l'arbitrage en vertu du Code de
procédure civile, même sans contrat.
M. Rémillard: On peut décider...
M. Filion: On peut choisir consensuellement, deux parties peuvent
s'entendre. Au lieu d'exposer leur litige devant les tribunaux de droit commun,
elles peuvent s'entendre pour aller résoudre leur litige par
arbitrage.
M. Rémillard: Si on décide que c'est cet arbitre
qui va décider de notre droit et que ce sera une décision
finale...
M. Filion: Voilà. Dans ce sens-là...
M. Rémillard: ...mais sous toute réserve. Je ne
voudrais pas, quand même...
M. Filion: ...il me semble que l'arbitrage prévu au Code
de procédure civile.
M. Rémillard: II faudrait que je le revoie.
M. Filion: ...est assez large. Peu importent les
modalités...
M. Rémillard: Oui.
M. Filion: ...il reste que ce que la Commission va offrir comme
service existe. Il reste à vérifier les modalités du Code
de procédure civile, mais il existe déjà.
M. Rémillard: Le principe existe... M. Filion:
Oui.
M. Rémillard: ...c'est comme ça qu'on peut le
faire. Mais là, on l'actualise en fonction d'une expertise
particulière des arbitres, par exemple, dans le domaine des
droits...
M. Filion: Oui.
M. Rémillard: ...et en fonction d'un choix libre et
volontaire et qui ne coûte pas un sou. Si on le faisait selon le Code de
procédure, il faudrait payer cet arbitre. Mais là tout le
mécanisme, l'ensemble du processus ne coûtera rien.
M. Filion: Vous me corrigerez si je me trompe, mais il n'y a
aucune restriction à cette possibilité d'arbitrage,
c'est-à-dire qu'elle peut, dans tous les cas, être offerte aux
parties.
M. Rémillard: Les cas qui sont de la compétence
d'enquête de la Commission...
M. Filion: C'est ça.
M. Rémillard: ...peuvent être matière
à arbitrage.
M. Filion: En laissant l'arbitrage, il reste, finalement, juste
un élément, c'est le même qu'au début. Quant
à moi, je pense que la balance penche du côté de la
création de ce service d'arbitrage. Le danger, c'est l'arbitrage dans
des droits fondamentaux, une espèce de jurisprudence arbitrale qui, des
fois, va sûrement avoir tendance à déraper. Mais c'est
peut-être le risque qu'il faut courir. Je ne sais pas si le ministre a
des commentaires là-dessus parce qu'il sait fort bien qu'à partir
du moment où on parte d'arbitrage, quand même, on n'est pas sur un
terrain des plus sûrs. Il peut arriver n'importe quoi.
M. Rémillard: Nous sommes dans un cas de discrimination.
Et, comme on le mentionnait tout à l'heure, les cas de discrimination ne
sont pas toujours reliés à des grands principes juridiques qu'on
doit trancher au plus haut niveau des tribunaux de l'État. Je pense que
dans bien des cas ii s'agit de questions d'application très pratiques et
qu'un bon arbitrage pourrait régler aussi beaucoup de cas. Et comme le
député de Taillon vient de le dire, Mme la Présidente, si
on met d'un côté les avantages et de l'autre les
inconvénients, je pense bien que les avantages l'emportent très
fortement, haut la main.
M. Filion: Alors l'article 62, sauf erreur...
La Présidente (Mme Bleau): Auparavant, on va adopter
l'amendement si vous voulez bien.
M. Filion: Oui Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): Alors, l'amendement est
adopté. Est-ce que l'article 62, tel qu'amendé, est
adopté?
M. Filion: Ne bougez pas. là. Juste une dernière
vérification.
La Présidente (Mme Bleau): Je pense qu'il restait le
quatrième alinéa.
M. Filion: Je pense qu'on va parler d'homologation un petit peu
plus tard. Ça va revenir dans la discussion. Est-ce qu'il y aura un type
de ressources offertes aux arbitres pour leur formation, pour une espèce
de recyclage permanent, de formation permanente, des bibliothèques, des
volumes, etc? Est-ce que cela a été prévu? (22 h 45)
M. Rémillard: Dans la mesure où on a établi
des critères qui sont inscrits dans la charte, c'est-à-dire une
sensibilisation aux droits et libertés, une expertise, je pense que par
le fait même on tient pour acquis que ce sont des gens qui vont se tenir
à jour dans l'évolution de la jurisprudence et de la doctrine et
qui seront à même de parfaire leur formation. Je pense qu'il va de
soi qu'on n'a pas à se préoccuper de cette formation. Quant
à ce qu'il y ait des bibliothèques à leur disposition, il
y a certainement de bons volumes à la Commission et celle-ci pourra
ouvrir ses portes aux arbitres s'ils veulent consulter les livres et les
documents de la Commission.
M. Filion: Évidemment, cela n'a pas besoin d'être
des avocats.
M. Rémillard: Non, non.
M. Filion: Le ministre rejette-t-il cette
possibilité-là?
M. Rémillard: Oui, catégoriquement. M. Filion:
Sur quelle base?
M. Rémillard: Dans le sens que ce que nous recherchons,
c'est une expertise variée. Je ne crois pas que, dans ce cas-là,
il faille s'en remettre à des gens qui ont une expertise juridique
seulement. Bien sûr qu'il pourra y avoir des avocats, à peut y en
avoir plusieurs, mais pas exclusivement des avocats. Ces gens doivent
être choisis par un concours comme on l'a marqué en fonction des
critères qui sont dans la loi pour leur expertise, et une expertise en
matière de droits et de libertés n'est pas nécessairement
reliée à un exercice de la profession juridique, elle
peut-être reliée à d'autres exercices. Je pense que cela
peut être extrêmement valable dans des cas de discrimination
d'avoir des gens capables d'arbitrer des litiges, qui ont une expertise qui
n'est pas nécessairement celle d'un juriste.
M. Filion: Vous savez que les juges sont tous des avocats - ce
n'est pas à vous que je dois dire cela - et sans être experts, ils
entendent et ils vont entendre de plus en plus, d'ailleurs, des tas de causes
qui relèvent de l'application de la charte. Tout ce discours sur
l'expertise, vous savez, je prends cela avec un grain de sel. Je pense qu'il
faut avoir une sensibilité, oui, mais une expertise comme on nous le
suggérait aujourd'hui, c'est une implication. Je n'Irais pas jusque
là. Un intérêt, une sensibilité, cela va, mais une
expertise... Demandez donc aux sept juges de la Cour suprême s'ils
avaient une expertise en termes de charte avant de rendre le jugement, par
exemple, sur la loi 101? Non. Quelques-uns en avaient une, mais ce
n'était sûrement pas la majorité des juges de la
Cour suprême. De plus en plus, ils vont entendre des causes issues
des chartes. C'est la même chose à la Cour d'appel du
Québec et c'est la même chose à la Cour
supérieure.
M. Rémillard: C'est là que c'est
intéressant. C'est là que votre remarque devient
intéressante quand vous arrivez à la première instance. Il
ne faut pas comparer le travail de la première instance avec le travail
d'appel. C'est là qu'est toute la différence en fonction de
l'expertise.
M. Filion: Mais en Cour supérieure, on ne peut pas dire
que 50 % et plus des juges ont une expertise en matière de charte. Eh
non! Peut-être avant d'être juges, mais c'est une très
petite minorité des juges qui ont une expertise en matière de
charte avant d'être nommés à la Cour supérieure.
M. Rémillard: Non.
M. Filion: Pourtant, personne ne va mettre en cause... Bien au
contraire. On a écouté le représentant du Barreau cet
après-midi. Qui va dire: Je ne vais pas à la Cour
supérieure parce que les juges n'ont pas d'expertise? Je ne veux pas
dire que l'expertise n'est pas un facteur, mais il faudrait peut-être la
ramener à sa juste proportion et ne pas gonfler le ballon de
l'expertise, une expertise en discrimination raciale, une expertise en
discrimination fondée sur le sexe.
Il y a possibilité, à un moment donné, si on a un
intérêt pour une matière, de se développer une
expertise. Par contre, l'autre côté de ce que cela amène,
c'est le type de problème de droit que cela soulève. Ce n'est pas
facile à trancher, des fois, ces problèmes-là. Sur le plan
juridique, ce n'est pas facile à trancher. On pourrait vous citer des
causes dans l'excellent recueil des chartes des droits de la personne, de
Wilson et Lafleur, Je lis ça de temps en temps. Ce n'est pas facile
à trancher, en droit. Les arbitres, je veux bien que le ministre me
dise, d'ailleurs, que ce n'est pas nécessaire d'être avocat, mais
de là à dire que l'expertise vient remplacer
l'appréciation, l'interaction des articles de la charte un sur l'autre,
etc., ce n'est pas facile. Je vais vous donner un exemple bien simple. Qui
aurait pu prévoir que la Cour suprême nous dirait que l'expression
commerciale était comprise dans la libre expression? Il n'y a pas
beaucoup de juristes au Québec qui auraient pu prétendre
ça il y a huit ans, cinq ans ou trois ans. La Cour suprême en est
arrivée à cette conclusion. L'expression commerciale est comprise
dans la libre expression et, si un peuple veut adopter une loi comme la loi
101, vous savez que ce n'est pas raisonnable dans une société
libre et démocratique.
Je vous donne un exemple sur une autre partie de la charte, j'en
conviens, mais c'est pour montrer que tout ça, ce n'est pas facile.
Aux États-Unis, quand on est rendus dans la "reverse
discrimination", je vous le dis, attelez-vous comme il faut pour essayer de
saisir les jugements qui sont rendus là. Je ne veux pas dire que
l'expertise, ce n'est pas important, mais je veux juste ramener ça
à sa juste valeur. De dire que ce n'est pas important d'être
avocat, je veux bien, je l'ai souvent mentionné dans mon discours. C'est
la première fois, à l'Assemblée nationale, que je souligne
- je n'insiste pas, je ne dépose pas d'amendement - qu'on devrait
examiner de près les conséquences du fait de ne pas nommer des
avocats à des postes. Je ne suis pas un de ceux qui pensent que les
avocats devraient être partout, au contraire. Mais, dans ce
secteur-là, l'état de la jurisprudence actuelle qui ressemble
à un feu d'artifice... On n'a qu'à voir le jugement Andrews
où on dit que la citoyenneté canadienne n'est pas
nécessaire pour occuper la fonction de huissier de justice au
Québec ou ailleurs, peu importe. Les conséquences du jugement
sont celles-là, et j'appelle ça un feu d'artifice. Je pense qu'en
termes de droit et d'interprétation des droits actuellement, au Canada
comme au Québec, on n'a pas commencé encore à voir tout
à fait la portée véritable de la charte et, d'un autre
côté, on voudrait dire: Ce n'est pas important d'être avocat
si on est expert. Je mets un bémol.
M. Rémillard: Oui. Si vous me permettez, il faudrait
peut-être faire une distinction quant aux cas d'application de droits et
de libertés en fonction de l'interprétation d'un article d'une
loi ou d'un règlement qu'on considère discriminatoire. Il y a
l'interprétation législative, il y a des expertises juridiques
à bien des niveaux et on peut dire: Attention, là il faut
vraiment des juristes. Mais nous ne sommes pas dans ce domaine. Nous sommes
devant une situation où ce sont des arbitres qui vont trancher en
fonction de certains cas bien précis qui se sont passés, en
fonction de droits qui sont dans la charte.
D'autre part, je suis bien d'accord avec le vieux principe qui dit qu'on
n'a pas besoin de pondre un oeuf pour savoir ce que goûte une omelette.
Il reste quand même que, dans ce cas-ci, si vous me parlez de la Cour
suprême ou de la Cour d'appel, ce sont des tribunaux qui vont juger sans
enquête, c'est-à-dire que leurs expertises viennent des
témoignages, des factums et des plaidoiries écrites et verbales
qui leur seront faites par les avocats. Ils sont informés par les
avocats et eux-mêmes peuvent, à l'extérieur de ce qui est
plaidé, aller chercher le droit.
En première instance, comme vous le savez, c'est toujours une
question d'enquête et de recherche des faits qui vient s'ajouter au
travail du juge. Dans ce cas-ci, en ce qui regarde en particulier le domaine
des droits et des libertés, nous revenons donc à la situation de
l'arbitrage pour dire qu'il s'agit de gens qui vont se prononcer sur, souvent,
des faits et une réalité concrète. Ainsi, des gens qui ont
une expertise particulière vont avoir plus de sensibilité
à certaines réalités que d'autres personnes qui n'auraient
pas cette expérience particulière et, donc, ils seront plus
susceptibles de rendre la décision appropriée.
Maintenant, il faut comprendre, Mme la Présidente, que le
règlement qui sera fait déterminera un nombre d'avocats... Il y
aura des avocats qui seront arbitres et II sera toujours possible, pour les
personnes, de choisir un arbitre qui est avocat. Les personnes pourront dire:
Je veux avoir un juriste, et alors tel monsieur ou telle madame qui est parmi
les dix - je prends le nombre de dix - sur la liste des dix arbitres...
Voilà une dame, voilà un monsieur qui est juriste et je voudrais
l'avoir comme arbitre. Ce sera toujours possible de le faire. Mais on pourra
prendre aussi quelqu'un d'autre. Des gens qui sont intervenus ce matin
pariaient d'un gérant de bowling. Je vais vous dire, personnellement, il
n'y a rien qui empêcherait qu'un gérant de bowling se retrouve
dans nos listes d'arbitres.
M. Filion: On en a un à l'Assemblée nationale.
M. Rémillard: Je ne sais pas, à l'Assemblée
nationale, à quoi vous faites référence comme tel, je ne
connais pas ces éléments, mais ce que je peux vous dire c'est
qu'un gérant de salle de quilles peut très bien faire un bon
arbitre pour les droits fondamentaux. Mais ce sera toujours libre aux personnes
de choisir un avocat ou une avocate comme arbitre, ce sera toujours
possible.
M. Filion: Si on revient, finalement, au but de notre propos,
l'arbitrage, ce que je soulève encore une fois c'est un peu la
préoccupation constante que j'ai... Le ministre nous dit: On n'a pas
besoin de pondre un oeuf pour savoir ce que goûte une omelette. Je lui
dirais qu'on n'a pas besoin de manger tout un oeuf pour savoir s'il est bon ou
non. J'en ai vu des sentences arbitrales. Vous aussi, vous en avez vu et il y
en a qui n'étaient pas piquées des vers, en matière,
évidemment, de droit du travail où on en retrouve beaucoup. Et je
vous citais tantôt...
La Présidente (Mme Bleau): Peut-être, je ne sais
pas, avec mes petites expériences, mais pour les cas plus difficiles, si
vraiment dans les dix il y a des avocats chevronnés, les cas plus
difficiles pourraient leur être soumis. Mais il y a certainement des cas
moins difficiles où un arbitre qui a une certaine expertise, un
sentiment un petit peu plus aigu pour ces choses-là, pourrait
certainement... Je pense, entre autres, à un cas qui me revient, que M.
Lachapelle nous avait apporté durant notre enquête, le cas du
restaurateur qui ne voulait pas qu'un monsieur, un aveugle, puisse aller
s'asseoir dans son restaurant avec son chien. Je pense qu'on n'avait
pas besoin d'un avocat comme arbitre dans ce cas-là. Je pense
à des cas comme cela, simples. Dans les cas plus difficiles, je pense
bien qu'autant les clients que la Commission pourront juger si un avocat leur
est nécessaire.
M. Filion: En terminant, je veux vous citer quelques cas que les
arbitres vont avoir à trancher. Je les prends un peu au hasard, vous
allez voir que ce n'est pas simple. Je cite le recueil, page 279, très
rapidement: "La discrimination sexuelle interdite par l'article 10 peut
consister en du harcèlement sexuel." Je ne sais pas si on se comprend,
je veux juste faire le point là-dessus sur le plan juridique. Cela peut
être renversé par une autre décision jurisprudentielle,
comme ça a été le cas dans la cause de la Commission des
droits de la personne du Québec contre Aristocrat Apartment Hôtel,
1978, Cour supérieure 1073. "Il n'y a pas de discrimination
fondée sur le sexe quand une femme est congédiée parce
qu'elle est enceinte." On pourrait croire ça, mais non. "L'exclusion ou
la préférence fondée sur le sexe que défend
l'article 10 l'est par rapport au sexe masculin vis-à-vis le sexe
féminin et vice versa." intéressant. Il faut quand même
voir clair. Cela a été renversé, par exemple. C'est
important de suivre la jurisprudence, ça a été
renversé. Nye contre Burke, 1981, 2 CHRR, page 538: "Depuis, la
grossesse est devenue un motif de discrimination prohibée." Je ne sais
pas si ça vous donne un petit exemple.
Je vais vous en donner un autre. "L'absence d'intention discriminatoire
- ça, c'est la Commission des droits de la personne du Québec
contre le Collège de Sherbrooke, au début des années
quatre-vingt - dans l'embauche d'un homme plutôt qu'une femme pour
enseigner à un groupe de femmes ne constitue pas une défense
valable à l'accusation d'avoir agi contrairement à l'article 10.
En l'occurrence, le but recherché par le collège en embauchant un
homme plutôt qu'une femme était d'éviter que le groupe de
femmes à qui était destiné le programme d'enseignement se
retrouve dans un ghetto." (23 heures)
Ce n'est pas évident. J'ai beaucoup de respect pour cette
décision-là. En terminant, ce que je souligne bien simplement au
ministre, c'est qu'il faut suivre la jurisprudence comme dans le cas que j'ai
cité tantôt. C'est important de savoir qu'un jugement renverse un
petit peu... La grossesse était un motif de harcèlement sexuel,
alors que ce ne l'était pas. Je vous donne un exemple. Je ne veux pas
dire au ministre que ce doit nécessairement être des
avocats...
M. Rémillard: Mais on suit exactement ce que nous
suggère le député de Taillon, Mme la Présidente. Il
dit: Pas nécessairement tous des avocats. Mais c'est exactement
ça. Il y aura des avocats, mais ce ne seront pas tous des avocats.
M. Filion: Non, mais c'est dû au fait que l'arbitrage est
là, qu'il est institutionnalisé comme service. En matière
de charte des droits, est-ce qu'il n'aurait pas été
préférable d'être plus prudents. Écoutez, vous
savez, c'est un choix d'institutionnaliser l'arbitrage. Comme je l'ai dit
tantôt, on verra. Peut-être que, dans x années, cela sera
peu utilisé, pas utilisé, mauvaises décisions arbitrales,
et d'autres choix seront faits. Je voulais peut-être mettre en garde un
peu le ministre de ce côté-là, pour surveiller très
étroitement cette liste d'arbitres, pour surveiller très
étroitement, s'il en trouve le temps et le loisir, les premières
décisions qui seront rendues, analysées, etc.
Cela dit, je suis prêt à adopter l'article 62.
La Présidente (Mme Bleau): On avait déjà
adopté l'amendement. Est-ce que l'article 62 tel qu'amendé est
adopté? J'appelle l'article 63. L'article 62, tel qu'amendé,
est-il bien adopté, M. le député?
M. Filion: Pardon?
La Présidente
(Mme Bleau): L'article 62, tel
qu'amendé, est-il adopté?
M. Filion: Certainement.
La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 63.
M. Rémillard: Mme la Présidente, cette disposition
vise à doter d'un régime standardisé de relations du
travail non seulement le personnel de la Commission, mais également les
autres personnes que la Commission peut engager en vertu de l'article 62 .
proposé. Deuxièmement, cette modification précise que la
Commission assume ces coûts.
M. Filion: Quand on dit "de ses mandataires", est-ce qu'on veut
parler des médiateurs ici? C'est ça. Les gens qu'on a vus,
à contrat, mais ce sont les médiateurs essentiellement ou les
enquêteurs. C'était le cas avant, finalement, non? Cela a toujours
été le cas. On vient préciser. Cela va.
La Présidente (Mme Bleau): L'article 63 est adopté.
J'appelle l'article 64.
M. Rémillard: Cette modification vise à ajouter les
mandataires, les arbitres et les membres du personnel à la liste de ceux
qui doivent prêter serment avant d'entrer en fonction.
M. Filion: Ah! Ça, c'est intéressant. Les
médiateurs de l'extérieur dont on parlait tantôt vont
prêter le serment prévu à l'annexe I. On va la voir plus
loin; elle est à la fin de tout ça. Elle est à la fin de
la charte. Est-ce la même annexe? On ne la modifie pas?
M. Rémillard: C'est ta même chose.
M. Filion: Et le nouveau texte se retrouve où?
M. Pelletier: C'est la dernière feuille de votre
cahier.
M. Filion: Cela va.
La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que l'article 64 est
adopté? J'appelle l'article 65.
M. Rémillard: L'article vise à préciser
l'exercice exclusif de leurs fonctions par le président et le
vice-président.
M. Filion: Bon. Cela pose la question de la composition du
Tribunal.
M. Rémillard: Non. C'est le président et le
vice-président de la Commission.
M. Filion: Ah! pardon. Vous avez raison. Le président et
le vice-président de la Commission. Excusez-moi. C'est pour consacrer un
peu la stabilité de la Commission. Ce sont des dispositions qu'on
retrouve dans les autres lois similaires mais qui n'existaient pas pour la CDP.
C'est ça? Cela va.
La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que l'article 65 est
adopté?
M. Filion: Adopté.
La Présidante (Mme Bleau): J'appelle l'article 66.
M. Rémillard: Mme la Présidente, cette disposition
vise à préciser le rôle et l'imputabilité de la
direction de la Commission, tant sur le plan des fonctions que sur celui de
l'administration. Elle permet en outre une délégation
fonctionnelle par la Commission au président dans le cas où la
décision de la Commission est liée par la loi ou lorsque la
discrétion de la Commission n'est pas relative à la direction,
à la désignation ou à l'affectation de ressources
humaines.
M. Filion: C'est le droit nouveau, ça? C'est le droit
nouveau.
M. Rémillard: Oui, oui.
M. Filion: Je pense que ça vaudrait la peine, M. le
ministre, de spécifier les décisions qui sont concernées
par l'article 66, les pouvoirs qui peuvent être exercés par le
président.
M. Rémillard: II y a trois pouvoirs. Vous avez l'article
61 qui est la constitution d'un comité par le président;
l'article 62, confier des mandats d'enquête et de médiation,
désigner un arbitre; l'article 77, refuser ou cesser d'agir, soit
à la demande de la victime, soit lorsque la victime a exercé
personnellement un recours.
M. Filion: Ici, ce sont des pouvoirs exercés par
délégation. Donc, il doit y avoir délégation.
Dans les cas des articles 62 et 77, ça va, c'est l'article 61 qui
pose problème. Vu qu'il s'agit là d'un acte extrêmement
important, tous les Intervenants, en tout cas, on nous l'avait souligné
à la commission des institutions, le comité des plaintes, etc. .
Est-ce que véritablement il est opportun de permettre la
délégation pour un geste aussi fondamental et d'une
durée.. Quand le comité des plaintes est là, il est
là pour longtemps, alors qu'aux articles 62 et 77 ce sont un peu plus
des décisions ad hoc que le président peut prendre en lieu et
place de la Commission, parce qu'il y a une situation qui nécessite une
décision. J'aimerais qu'on se sente à l'aise, je sais qu'on est
en train...
M. Rémillard: Je vais demander à M. Lachapelle de
réagir.
M. Lachapelle: Ce sont des comités formés des
membres de la Commission, on s'entend.
M. Filion: Oui, oui.
M. Lachapelle: Effectivement, ce qui se produit
généralement c'est qu'on en a actuellement de ces comités,
sauf qu'ils ne sont pas décisionnels. C'est un peu le problème,
d'ailleurs. Il se produit un certain temps entre la décision des
comités et celle des commissaires. Do fait, Ils sont constitués
normalement par la Commission. C'est la Commission elle même qui les
nomme, mais on comprend qu'il arrive à un certain moment que la
Commission n'est pas réunie et tout à coup un des membres ne peut
pas être présent. Alors, dans ces cas-là, je prends sur moi
de désigner un remplaçant.
Actuellement, ce n'est pas dans la charte. On comprend qu'il existe de
ces comités d'enquête qui sont composés de trois membres.
C'est une espèce de comité filtre qui examine avec les
enquêteurs les plaintes et les dossiers d'enquête. Actuellement, ce
qui se passe c'est que ce sont les membres de la Commission qui
désignent ces comités, mais, encore une fois, par exemple, en
cours d'opération, en cours d'année, il peut fort bien arriver
qu'un de ces membres ne soit pas présent pour toutes sortes de raisons,
pour maladie ou autrement, alors je prends sur moi de les remplacer Je
comprends que dans ce cas là, si je n'avais pas ce pouvoir, ça
pourrait être embêtant à certains moments, à tout le
moins pour voir au remplacement de certains de ces membres. Je comprends que ce
sont des comités importants, mais il reste que tout de même c'est
assez balisé, c'est composé de membres de la Commission qui sont
déjà nommés par l'Assemblée nationale. Alors, on ne
sort pas beaucoup de
la dizaine de membres qui sont déjà nommés. C'est
bien Juste pour voir à la composition de ces comités.
M. Filion: Vous les mettez au pluriel: des comités.
Expliquez-moi donc ça, est-ce qu'il y en a plusieurs?
M. Lachapelle: Actuellement iI y en a trois. M. Filion: II
y a trois comités.
M. Lachapelle: Pour permettre à tous les membres de la
Commission d'oeuvrer dans ces comités et non pas que ce soit toujours
les trois mêmes membres.
M. Filion: D'accord. Je croyais qu'il n'y en avait qu'un, il y en
a trois.
M. Lachapelle: II y en a trois.
M. Filion: Selon la plainte, elle est acheminée vers tel
ou tel...
M. Lachapelle: Non, il y a un comité qui siège
à Québec, il y en a un à Montréal, un qui alterne,
qui entend les causes des régions. Ce n'est pas suivant... Quelquefois
on forme des comités ad hoc pour des dossiers très
spéciaux suivant une expertise particulière.
M. Filion: Généralement ces comités ont une
vie...
M. Lachapelle: D'une année.
M. Filion: Une année.
M. Lachapelle: Habituellement une année.
M. Filion: Mais, une fois qu'ils sont formés, ils
fonctionnent d'eux-mêmes. Le pouvoir prévu à l'article 61
c'est le pouvoir de former un comité qui serait bon pour un an.
M. Lachapelle: Oui. (23 h 15)
M. Filion: Vu que ce serait bon pour an, est-ce que la Commission
ne peut prendre cette décision elle-même?
M. Lachapelle: Généralement c'est ça, mais
on peut par délégation. On peut, on n'est pas obligé.
M. Filion: Ah!
M. Lachapelle: Généralement, c'est la Commission
qui le fait. Elle pourrait bien dire: On ne délègue pas ce
pouvoir-là au président.
M. Pelletier: ...ajouter un détail technique?
M. Filion: Oui, Je vous en prie.
M. Pelletier: À l'article 99 où il y a un pouvoir
de réglementation de la Commission, c'est à la Commission qu'il
appartient de déléguer les pouvoirs au comité et le
président, en vertu de l'article 66, pourra nommer des membres. Il
pourra désigner des personnes pour être membres.
M. Filion: S'il a lui-même reçu une
délégation.
M. Pelletier: Voilà.
M. Filion: Bon. C'est l'aspect que je soumets au ministre. Je
comprends très bien ce que nous dit Me Lachapelle. Vu que ça a
une durée d'un an, ce comité, alors que les articles 62 et 77
répondent, si on veut, à un certain critère ponctuel,
l'article 61 me paraît répondre moins à ce critère.
Je le dis au ministre.
M. Rémillard: L'expérience nous démontre,
Mme la Présidente, que le processus est un bon processus, que ça
va bien. Je pense qu'on n'a pas de raison de vouloir le modifier dans la
pratique. Le président de la Commission me le confirme.
M. Filion: Cela existe déjà? M.
Rémillard: Oui. M. Filion: Oh!
M. Lachapelle: La différence, c'est que, actuellement, ces
comités ne sont pas décisionnels parce qu'il n'y avait pas de
délégation. Ce qu'on dit dans la charte, c'est que la Commission
décide. Or, le problème, c'est que ça fait un processus
très long, bien sûr, à chaque fois, tous les cas viennent
devant la Commission.
M. Rémillard: Cela alourdit.
M. Lachapelle: Cela alourdit beaucoup.
M. Filion: Oui, ça va, cette partie-là. En somme,
c'est nouveau parce qu'on refait le système mais ça existe
déjà. Bon. Écoutez, ça me va. Il n'y à pas
de problème.
La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que l'article 66 est
adopté?
M. Filion: Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 67 et nous
avons un amendement.
M. Rémillard: Mme la Présidente, l'article
prévoit, en certaines circonstances, des remplacements temporaires du
président par le vice-président ou du vice-président par
un autre
membre de la Commission désigné par le gouvernement.
L'amendement, c'est: Remplacer, dans la dernière ligne de l'article 67,
proposé par l'article 4 du projet de loi, le mot "et" par les mots "ou
les". La raison, c'est que la modification vise la correction d'une erreur
d'ordre technique dans la version française du projet de loi.
M. Filion: Adopté, l'amendement.
La Présidente (Mme Bleau): L'amendement est
adopté.
M. Filion: C'est ça. Cela va pour l'article
amendé.
La Présidente (Mme Bleau): L'article 67 est adopté,
tel qu'amendé.
M. Filion: Voilà.
La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 68.
M. Rémillard: Le premier alinéa de l'article, Mme
la Présidente, vise à accorder une immunité relative,
c'est-à-dire pour les actes accomplis de bonne foi. Le deuxième
alinéa reconduit les pouvoirs et l'immunité d'enquête de la
Commission, en assurant son application également aux instances de la
Commission comme entité distincte des personnes qui les composent. La
modification écarte toutefois le pouvoir d'ordonner
l'emprisonnement.
M. Filion: Bon, le Barreau... Vous avez noté, cet
après-midi?
M. Rémillard: Oui.
M. Filion: Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Rémillard: Mme la Présidente, d'abord, il faut
comprendre que, si on parle d'immunité, si on parle du rôle de la
Commission en fonction de l'aide qu'elle peut apporter aux gens, ce rôle
d'aide et d'assistance fourni par la Commission est facultatif et tout à
fait gratuit. L'immunité que propose d'accorder la disposition n'est
qu'une prolongation de celle applicable dans la fonction publique et
généralement aux membres et au personnel des organismes. Lorsque
le Barreau nous propose le maintien de la responsabilité de la
Commission et de son personnel à l'égard des fautes commises
lorsqu'elle agit à titre de mandataire d'un justiciable, pour notre
part, nous croyons que nous devons établir le même principe qui
existe pour les autres fonctionnaires et parler, dans ce cas-ci, de bonne foi,
donc une immunité relative pour les actes accomplis dans le cadre de la
bonne foi.
M. Filion: Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): L'article 68 est adopté.
J'appelle l'article 71.
M. Rémillard: L'article 69.
La Présidente (Mme Bleau): L'article 69, excusez-moi. Je
regardais autre chose.
M. Rémillard: Oui. La disposition regroupe celles des
articles 63 et 65 actuels en assouplissant, d'une part, la désignation
du territoire du siège et du principal bureau de la Commission et en
assurant, d'autre part, une concordance au vocabulaire administratif courant
par le remplacement, dans la deuxième ligne du premier alinéa, du
mot "arrêté" par le mot "décret".
M. Filion: Où en est-on rendu, M. le ministre, dans le
dossier des bureaux régionaux?
M. Rémillard: C'est un dossier qui devrait progresser,
mais qui progresse lentement, de-vrais-je dire. Je vais demander au
président de la Commission de faire le point là-dessus.
M. Lachapelle: Actuellement, comme vous le savez, il y a quatre
bureaux régionaux dans les régions de l'Outaouais, de la
Côte-Nord, de l'Abitibi et de l'Estrie. Bien sûr, il nous faudrait
ouvrir des bureaux dans d'autres régions où il y a des demandes
quasi quotidiennes. On comprend que les bureaux qui ont été
ouverts à titre d'expérience pilote, bien sûr, fonctionnent
très bien. Il y a eu une augmentation extrêmement importante du
volume d'activités. Les autres bureaux sont encore desservis par une
ligne "Watt" entre Montréal et Québec. Ce sont les services que
nous offrons actuellement. C'est la situation actuelle.
M. Filion: Oui. J'ai déjà fait des
représentations assez nombreuses, assez substantielles, je pense,
auprès du ministre sur l'importance de ne pas discriminer dans
l'ensemble du Québec. Faire en sorte qu'il y ait des bureaux de la
Commission des droits de la personne très souples, des bureaux comme
ceux qui existent à Hull, dans l'Estrie, m'apparaît comme quelque
chose qui n'est pas sorcier. Je dois le dire exactement comme je le pense. La
première fois où j'ai parlé de cela au
député de D'Arcy McGee, prédécesseur du
député de Jean-Talon au poste de ministre de la Justice, je pense
que cela fait environ trois ans... Je pense que cela fait trois ans, M. le
ministre.
M. Rémillard: Quoi donc?
M. Filion: Vous n'étiez pas là. Cela fait trois ans
que l'Opposition officielle talonne le gouvernement pour faire en sorte non pas
d'avoir huit personnes dans la région des Bois-Francs, dans la
région du Saguenay, etc. Bien non! Tout ce qu'on demande depuis trois
ans, c'est d'avoir
à peu près la même chose qui existe à Hull et
dans l'Estrie, quelque chose de pas compliqué. Je pense que dans les
bureaux, dans bien des cas, on doit même partager les services d'un
secrétariat avec le Comité de protection de la jeunesse. C'est le
cas, n'est-ce pas?
M. Lachapelle: Oui. Les équipements également.
M. Filion: Les équipements, etc. Ce n'est quand même
pas sorcier, cela.
M. Rémillard: Je pense qu'il est vrai, Mme la
Présidente, que depuis trois ans le député de Taillon
demande au ministre de la Justice de procéder à une
régionalisation. Je dois dire aussi que mon prédécesseur,
le député de D'Arcy McGee, a fait la même chose lorsqu'il
était dans l'Opposition pendant au moins trois ans aussi.
M. Filion: Non, vous vous trompez, M. le ministre. Ne me servez
pas cela. Les quatre premiers bureaux régionaux ont été
ouverts sur une base expérimentale par le gouvernement du Parti
québécois vers le milieu de son deuxième mandat.
C'était exactement ça, on ouvrait quatre bureaux sur une base
expérimentale et ils sont toujours là. L'expérience est
terminée, elle est concluante, les bureaux répondent à un
besoin de la population. Mais rien n'a été fait par votre
gouvernement depuis qu'il est au pouvoir.
M. Rémillard: L'expérience...
M. Filion: Ne me servez pas l'argument que c'est la faute du PQ.
Vous n'avez pas fait mieux. Au contraire, l'ouverture des bureaux
régionaux de la Commission des droits de la personne a
précisément été faite par le gouvernement du Parti
québécois et c'était sur une base expérimentale,
c'est ça qu'on disait au début. L'expérience est
terminée depuis trois ans, elle est concluante, vous avez des rapports
de Hull qui vous disent qu'il y a eu une augmentation de 100 %, ou à peu
près, du nombre de dossiers et c'est la même chose partout.
L'idée était la suivante. Si on ouvrait des bureaux de la
Commission des droits de la personne un peu partout au Québec, il y
aurait plus de gens qui iraient, donc plus de gens qui feraient respecter leurs
droits. On pourra faire les discours qu'on veut, M. le ministre, franchement,
vous vous trompez royalement quand vous dites que ça aurait dû
être fait avant. Non, je regrette, mais vous passez complètement
à côté. Votre gouvernement, votre
prédécesseur avait promis de le faire. On se retrouve en juin
1989, à quelques mois d'une élection et il n'y a rien de fait.
Cela veut dire que la Commission des droits de la personne est
représentée là où il y a des bureaux, mais
là où il n'y en a pas, c'est bien de valeur, les gens ne peuvent
pas... Ne serait-ce que de voir l'enseigne "Commission des droits de la
personne", ça pourrait donner l'idée à des gens qui sont
victimes de discrimination dans leur emploi, peu importe où, d'aller
à la Commission des droits et de faire valoir leur point de vue. Je ne
comprends pas que vous me serviez... C'est peut-être parce qu'il est un
peu tard...
M. Rémillard: Cela aurait pu être fait avant, Mme la
Présidente, mais une chose est certaine, ce n'est pas fait encore,
ça devrait être fait. Pour ma part, ce que je peux vous dire - je
ne pense pas être meilleur que les autres - c'est que le dossier est sur
le dessus de la pile, j'ai une note devant moi, c'est un dossier prioritaire du
ministère de la Justice. On est présentement en discussion avec
le Conseil du trésor sur un plan de redressement de plusieurs millions
pour le ministère, et c'est un dossier qui est tout en haut de la liste.
J'espère pouvoir le régler.
M. Filion: Juste à côté de celui de l'aide
juridique?
M. Rémillard: Oui, l'aide juridique est tout en haut.
M. Filion: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Le député de Taillon rit, mais
c'est très vrai. Ce n'est pas facile. Comme ministre, je dois me battre
et ce sont des sujets qui sont en haut de ma liste. Je pourrais parler des
prisons, aussi; Parthenais, c'est en haut de ma liste aussi. Je ne suis pas le
premier ministre à dire que c'est en haut de ma liste, mais je vais
essayer de régler cela.
M. Filion: C'est donc bien difficile... M.Rémillard: Très difficile.
M. Filion: ...d'aller chercher un peu de sous pour les gens.
M. Rémillard: C'est difficile de réduire un
déficit.
M. Filion: Je vous ferai remarquer qu'il y a des millions qui se
promènent. Il y a des millions qui sont plus faciles à sortir que
d'autres, ici, on ne parle pas de millions.
M. Rémillard: Si vous en voyez, dites-le-moi.
M. Filion: II y a des millions qui sont plus faciles à
sortir que d'autres. Il y a un exemple que je cite souvent - les gens d'en face
n'aiment pas ça - ce sont les 25 000 000 $ à Blue Bonnets que
votre gouvernement a donnés il y a deux ans.
M. Rémillard: Oui, mais c'est 11 500 emplois
directs.
M. Filion: Oui, oui. Mais savez-vous une chose? Les emplois
existaient avant.
M. Rémillard: Mais si on enlève Blue Bonnets,
ça va toucher...
Une voix:...
M. Filion: Ah, ils s'en allaient? Vous pensez ça, qu'ils
s'en allaient?
M. Rémillard: On a déjà eu une ferme en
Floride pour nos poulains.
M. Filion: Vous pensez ça qu'ils s'en allaient? Les
maisons de jeunes n'ont pas eu de financement. Eux autres sont partis pour
vrai; les maisons de femmes aussi ont fermé leurs portes pour vrai.
Croire que Blue Bonnets aurait fermé ses portes! J'aurais
été le gérer, moi, Blue Bonnets. Si y en aurait des gens
pour le faire fonctionner et faire courir les chevaux parce qu'il y aura
toujours une partie de la population qui aime parler. Ma foi, les "odds", comme
on dit aux courses, sont bien meilleurs à Blue Bonnets qu'ils peuvent
l'être avec le 6/49.
M. Rémillard: Mme la Présidente, j'aimerais bien
parler de chevaux ce soir, mais je vais m'en abstenir.
M. Filion: Nonobstant les chevaux? Des voix: Ha,ha, ha!
M. Rémillard: Ils boitaient! (23 h 30)
M. Filion: Bref, c'est peut-être la dernière fois
que j'ai la chance de vous le dire, M. le ministre: Ouvrez donc des bureaux
régionaux, commencez avec une personne et du personnel. Comme le dit le
président, on met l'équipement en commun... Savez-vous ce qui
serait le mieux? Faites-le et allez chercher l'argent après. C'est une
technique qui a fonctionné. Faites-le et allez chercher l'argent
après. C'est une technique qui fonctionne de temps en temps. À ce
moment là, ça devient le dossier sur le dessus de la pile au
Conseil du trésor, et non pas au ministère, parce que c'est une
dépense qui est engagée. Il faut transférer quelques
dépenses comme ça, surtout en fin de mandat, M. le ministre. Il
n'y a personne qui va vous en vouloir trop, trop.
M. Rémillard: Je vais réfléchir à
ça.
M. Filion: Je n'ai jamais été ministre, mais j'ai
déjà oeuvré un petit peu dans l'appareillage, comme votre
adjointe, et je peux vous dire que ça s'est fait. Ce n'est pas ça
qui va mettre le gouvernement à terre. Le déficit... Les gens ne
chiâleront pas. Ouvrir quatre bureaux régionaux,
Je pense que c'est la suggestion qu'on avait retenue, quatre ou six de
plus. Six?
M. Lachapelle: Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent,
Québec-Sud, Bois-Francs, Laurentides, Montérégie,
Lanaudière, Laval, Nord-Ouest et vous avez oublié Chicoutimi.
M. Filion: Oui, mais en même temps je pense que j'ai lu
quelque part que vous aviez regardé ça et que le nombre pourrait
peut être être un petit peu moindre.
M. Lachapelle: Oui. Effectivement, il pourrait être de
quatre dans un autre temps.
M. Filion: II pourrait être de quatre. Bon, j'ai lu
ça quelque part mais je ne me souviens pas où.
M. Lachapelle: Les quatre autres...
M. Filion: Alors, à partir de ce moment-là, quatre,
ça ne coûte pas cher. Une centaine de mille piastres, ça
part et hop! c'est dans l'année et c'est parti. Sinon le budget de la
Justice ne s'accroîtra jamais, parce que, par définition, le
budget du ministère de la Justice n'est pas le plus rentable pour des
gens à préoccupations fortement économiques chez vous, et
Dieu sait qu'ils sont bien représentés au Conseil des
ministres.
La Présidente (Mme Bleau): Je voudrais juste poser une
question sur le même sujet.
M. Filion: Oui.
La Présidente (Mme Bleau): Quelqu'un des Bois-Francs,
entre autres, ou de la Gaspésie qui a vraiment besoin de vos conseils ou
encore de vos enquêtes peut téléphoner au bureau de
Québec. Est-ce qu'on peut, à ce moment-là, envoyer un
enquêteur sur place?
M. Lachapelle: Oui, on le fait à partir de Québec,
la région...
La Présidente (Mme Bleau): Alors, ils peuvent quand
même obtenir justice même si ça prend un petit peu plus de
temps?
M. Lachapelle: Oui.
M. Rémillard: C'est l'accessibilité qui est
réduite. Ce n'est pas comme s'ils avaient le bureau directement chez
eux.
M. Filion: N'oubliez pas non plus, Mme la Présidente -
vous savez, on a étudié ça ensemble - qu'il n'y pensera
pas. Bref, on ne s'étendra pas. On peut peut-être continuer un
petit peu. Ça ne me dérange pas de continuer un petit peu. Ah! Je
pensais qu'il était minuit. Ça
va.
La Présidente (Mme Bleau): L'article 69 est
adopté.
M. Filion: Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 70.
M. Rémillard: Cette modification du deuxième
alinéa de l'actuel article 64 en assure l'harmonisation à la Loi
sur les règlements.
M. Filion: On a reçu une représentation
intéressante de... Quel groupe nous a suggéré,
aujourd'hui, que les règlements de régie Interne, sauf ceux
à incidence financière, ne devraient pas être soumis
à l'approbation du gouvernement?
J'essaie de me souvenir quel groupe c'était, cet
après-midi.
La Présidente (Mme Bleau): La CEQ.
M. Filion: La CEQ. Quand ils m'ont dit ça, j'ai
trouvé ça intéressant. Est-ce que ça existe
ailleurs?
M. Pelletier: Je pense que c'est la situation au
fédérai.
M. Filion: La situation au fédéral?
M. Pelletier: L'exemple qu'on nous donnait, c'était dans
la loi fédérale.
M. Filion: L'exemple du gouvernement fédéral.
M. Rémillard: Ce n'est pas bête.
M. Filion: Ce n'est pas bête. C'est pour protéger un
petit peu l'autonomie.
M. Rémillard: Vous voyez la difficulté de savoir ce
qui est financier et ce qui ne l'est pas? Mais, si ça existe ailleurs,
s'ils sont capables de le faire...
M. Lachapelle: J'ai regardé le texte de la loi
fédérale. Il y a deux articles où on parle, par exemple,
de sommes d'argent... Déterminer les honoraires des membres, par
exemple. Alors c'étaient ça, les montants de...
M. Rémillard: Et tout le reste n'est pas soumis au
gouvernement.
M. Lachapelle: Tout le reste n'était pas soumis. On
comprend que le format des rapports d'enquête et toutes ces
modalités...
M. Filion: Au surplus, il faut rappeler, si vous avez des
objections au cours de vos con- sultations, que les membres de ta Commission
sont nommés par l'Assemblée nationale.
M. Rémillard: Ce serait intéressant qu'on puisse
enlever ça.
M. Filion: Oui.
M. Rémillard: On pourrait regarder l'exemple du
fédéral et...
La Présidente (Mme Bleau): Donc, on pourrait suspendre cet
article.
M. Rémillard: On pourrait suspendre cet article.
M. Filion: Oui.
M. Rémillard: ...et voir ce qu'on peut faire.
La Présidente (Mme Bleau): Alors, l'article 70 est
suspendu. J'appelle l'article 71, pour lequel il y a un amendement.
Fonctions
M. Rémillard: Oui. L'article 71 prévoit les
fonctions de la Commission en regroupant les actuels articles 66, 67, 73 et 85.
Il prévoit... Pardon?
La Présidente (Mme Bleau): Excusez-moi.
M. Rémillard: il prévoit également des
modifications de concordance et d'ordre technique. Particulièrement, le
premier alinéa mentionne que la Commission fait enquête selon un
mode non contradictoire et le deuxième alinéa, qu'elle favorise
un règlement entre les personnes concernées. L'amendement se
lirait comme suit...
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre, on pourrait
peut-être étudier l'article paragraphe par paragraphe, si M.
le...
M. Rémillard: Oui.
M. Filion: Oui.
La Présidente (Mme Bleau): ...et l'adopter paragraphe par
paragraphe. Je pense qu'on se comprendrait peut-être mieux.
M. Filion: Bien, pour l'adopter, ce n'est peut-être pas
nécessaire...
La Présidente (Mme Bleau): Non.
M. Filion: ...mais pour l'étudier.
M. Rémillard: On peut l'étudier...
La Présidente (Mme Bleau): Paragraphe par
paragraphe.
M. Rémillard: Je peux mentionner l'amendement qu'on
propose...
M. Filion: Lorsqu'on y arrivera.
M. Rémillard: ...à partir du premier
paragraphe...
M. Filion: C'est ça. Donc, le premier paragraphe reste le
même. Il n'y a pas d'amendement.
M. Rémillard: Au premier paragraphe, oui, il y a un
amendement.
M. Filion: Ah, il y a un amendement?
M. Rémillard: Oui. Alors, par le remplacement du
paragraphe premier du deuxième alinéa par le suivant...
M. Filion: Ah oui, c'est vrai, il y a un deuxième
alinéa.
M. Rémillard: Un deuxième alinéa, oui. M.
Filion: D'accord. Voilà.
M. Rémillard: "Faire enquête selon un mode non
contradictoire, de sa propre Initiative ou lorsqu'une plainte lui est
adressée, sur toute situation qui lui paraît constituer soit un
cas de discrimination au sens des articles 10 à 19, y compris un cas
visé à l'article 86, soit un cas de violation du droit à
la protection contre l'exploitation des personnes âgées ou
handicapées énoncé au premier alinéa de l'article
48."
Alors, l'explication de cette modification, Mme la Présidente,
est celle-ci. La modification du paragraphe premier du deuxième
alinéa vise à simplifier l'énoncé de la
compétence d'enquête de la Commission en matière de
discrimination systémique aux fins des programmes d'accès
à l'égalité. Cette discrimination est visée
à l'actuel article...
J'ai terminé mes commentaires, Mme la Présidente, mais je
voudrais reprendre la dernière phrase où il manquait un chiffre.
Je relis la dernière phrase: Cette discrimination est visée
à l'actuel article 86.1. Je n'avais pas mentionné le chiffre
86.1.
La Présidente (Mme Bleau): Dans vos explications.
M. Rémillard: Dans mes explications.
M. Filion: Juste avant, dans le premier alinéa, il y a une
modification par rapport au texte actuel. Dans le texte actuel, on dit "la
Commission doit promouvoir, par toutes mesures appropriées", etc. Ici,
on dit "la Commission assure le respect des principes contenus..."
Peut-être que ça ne cause pas de problème, mais "assure,
par toutes mesures appropriées", c'est plus fort que...
Une voix: C'est fort. M.Filion: C'est fort.
M.Rémillard: Bien oui.
M. Filion: Alors qu'est-ce qui... C'est tellement fort que je
vais prendre un cas d'actualité. Sans le nommer, pour mettre le
président et le ministre bien à l'aise, supposons qu'un ministre
présente un projet de loi à l'Assemblée nationale qui, de
l'avis de la Commission, va tout à fait contre le respect des principes
contenus dans la charte. La responsabilité qu'on donne à la
Commission, c'est d'assurer, par toutes mesures appropriées, le respect
des principes. C'est voulu, ça? Parce que ça va loin comme
responsabilité, "assure."
M. Rémillard: On a voulu mettre l'accent sur le rôle
de la Commission de promouvoir les droits fondamentaux. Alors, on parle
d'assurer. Évidemment, le mot "assurer", en termes de rédaction
législative, doit être compris en fonction des possibilités
d'action de la Commission. D'ailleurs, on dit bien "par toutes mesures
appropriées", mais reliées aux juridictions et aux
possibilités d'exercice de ces juridictions par la Commission. On a
voulu mettre l'accent sur cet aspect.
M. Filion: D'accord. Alors, c'est en toute connaissance de
cause.
M. Rémillard: Oui. Ça traduit bien d'une
façon éloquente l'esprit qui nous anime.
M. Filion: Mais quand ça ne marche pas, ça implique
que la Commission n'a pas rempli son rôle. Vous comprenez ce que je veux
dire?
M. Rémillard: II y a...
M. Filion: Elle a le devoir, c'est-à-dire qu'elle
assure... Alors, si ça ne marche pas.. Par exemple, pour continuer ce
que \a disais tantôt, supposons que le projet de loi en question est
adopté, la Commission n'a pas rempli son rôle. C'est dans ce sens
que je vous soumets ça. Je ne veux pas dire que l'intention... Je pense
que j'y participe pleinement, mais c'est la première fois que je vois -
peut-être que je me trompe - une espèce de responsabilité
aussi claire.
M. Rémillard: On va demander à notre
légiste, M. Morgan, de nous expliquer pourquoi il a choisi le mot
"assurer". M. Morgan, s'il vous plaît, pourriez-vous nous expliquer
pourquoi vous avez pris le mot "assurer"?
M. Morgan (Lawrence): C'est tout simplement une rédaction
qui permet de dynamiser la fonction de la Commission, alors que la simple
fonction de promotion apparaît un peu statique, et ça correspond
à des rédactions plus récentes ...
M. Filion: Ah oui?
M. Morgan: ...qu'on retrouve dans d'autres lois.
M. Filion: Ça va.
M. Rémillard: Merci, M. Morgan.
M. Filion: Au premier paragraphe, on dit qu'elle fait
enquête selon un mode non contradictoire, de sa propre initiative ou
lorsqu'une plainte lui est adressée, sur toute situation qui lui
paraît constituer, sort un cas de discrimination, sort un cas de
violation du droit à la protection contre l'exploitation des personnes
âgées ou handicapées, notammont dans l'emploi, dans les
secteurs de l'éducation ou de la santé et dans tout autre service
ordinairement offert au public. Ça me va.
La Présidente (Mme Bleau): Alors...
M. Rémillard: Le deuxième alinéa, si vous me
le permettez, Mme la Présidente...
M. Filion: Ça va aussi. C'est une fonction de
médiation. Le troisième alinéa aussi. Il y a un
amendement? (23 h 45)
M. Rémillard: Au troisième alinéa, oui. On
ajouterait: par l'insertion, après le paragraphe 2° du
deuxième alinéa, du suivant: "3° signaler au Curateur public
tout besoin de protection qu'elle estime être de la compétence de
celui-ci, dès qu'elle en a connaissance dans l'exercice de ses
fonctions." C'est intéressant, puisque nous faisons là la
relation avec la curatelle.
M. Filion: Oui. Cela va.
M. Rémillard: Le troisième amendement est pour la
renumérotation des paragraphes 3° à 8° du deuxième
alinéa qui deviennent les paragraphes 4° à 9°.
M. Filion: Si on prend 4°: "élaborer et appliquer un
programme d'information et d'éducation, destiné à faire
comprendre et accepter l'objet et les dispositions de la présente
charte," iI me semble que j'ai déjà lu cela quelque part. C'est
bon. "Diriger et encourager les recherches et publications sur les
libertés et droits fondamentaux," je pense que cela existait, oui.
"Relever les dispositions des lois du Québec qui seraient contraires
à la charte et faire au gouvernement les recommandations
appropriées." La Commission va s'assurer de prendre toutes les mesures
appropriées. On a modifié...
Il faut dire que l'analyse des lois du Québec en
général... D'abord, on a déjà adopté le
projet de loi 92. Deuxièmement, vous relevez les dispositions. Cela
va.
Le 9°, est-ce que c'est nouveau?
M. Rémillard: Oui, cela devient 9°.
M. Filion: Oui, mais avec l'amendement qu'on va adopter, cela
devient 9°. Est-ce que cela existait avant?
M. Pelletier: En partie.
M. Filion: 85, en partie. Ah! D'accord. Oui, voilà, ce
sont les infractions.
M. Rémillard: II faut faire la relation avec l'article
83.2.
M. Filion: L'article 83.2 actuel? M. Rémillard:
Oui.
M. Filion: L'article 83.2, c'est l'injonction civile? L'article
87, c'est l'infraction pénale? C'est cela? Le 9° va viser
l'infraction pénale.
M. Morgan: II accorde le pouvoir d'enquête qui était
nécessaire pour mettre l'article en application.
M. Filion: D'accord. Avec tout ça, je pense qu'on a une
Commission qui a un beau rôle.
M. Rémillard: Je pense que c'est une amélioration
considérable, dans le sens des propositions que la commission des
institutions avait faites.
M. Filion: Cela va.
La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que les amendements
à l'article 71 sont adoptés?
M. Filion: Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que l'article 71, tel
qu'amendé, est adopté?
M. Filion: Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 72.
M. Rémillard: Mme la Présidente, cet article
précise le devoir de la Commission, de ses membres, de son personnel et
de ses mandataires d'assister à la rédaction de tout document
utile au traitement des plaintes et différends ainsi que ceux concernant
des programmes d'accès à
l'égalité, il y a un amendement.
La Présidente (Mme Bleau): II y a un amendement à
l'article 72.
M. Rémillard: II y a un amendement, Mme la
Présidente, qui se lit comme suit: Remplacer l'article 72 proposé
par l'article 4 du projet de loi par le suivant: "La Commission, ses membres,
les membres de son personnel, ses mandataires et un comité des plaintes
doivent prêter leur assistance aux personnes, groupes ou organismes qui
en font la demande, pour la réalisation d'objets qui relèvent de
la compétence de !a Commission suivant le chapitre III de Sa
présente partie, les parties III et IV et les règlements pris en
vertu de la présente charte. "Ils doivent, en outre, prêter leur
concours dans la rédaction d'une plainte, d'un règlement
Intervenu entre les parties ou d'une demande qui doit être
adressée par écrit à la Commission "
Pourquoi cet amendement, Mme la Présidente? Pour viser à
distinguer le devoir générai d'assistance de la Commission et le
rôle particulier de cette Commission dans la rédaction
d'écrits essentiels au déploiement de ses fonctions.
M. Filion: Cela va.
La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que l'amendement
à l'article 72 est adopté?
M. Filion: Adopté.
La Présidente (Mme Bleau): Est-ce que l'article 72 est
adopté tel qu'amendé?
M. Filion: Adopté. J'ajouterais qu'il s'agit là
d'une précision tout à fart souhaitable et
bénéfique pour l'ensemble de la clientèle de la Commission
des droits de !a personne et pour la Commission elle-même,
évidemment, qui pourra y aller à fond de train dans son
rôle d'assistance.
La Présidente (Mme Bleau): J'appelle l'article 73.
M. Rémillard: Cet article, c'est une modification d'ordre
technique de l'actuel article 68 qui devient l'article 73. Ça vise une
concordance au vocabulaire administratif courant.
M. Filion: En commission, on avait certaines recommandations
relativement au contenu du rapport. C'étaient peut-être des
recommandations, finalement, d'ordre administratif. Rien n'empêche le
rapport de contenir un peu plus de données statistiques, etc. Cela
va.
La Présidente (Mme Bleau): L'article 73 est adopté.
J'appelle l'article 74.
Plaintes
M. Rémillard: La disposition reprend les actuels articles
69 et 70 en indiquant qui peut porter plainte à la Commission et
comment. Il s'agit de la personne qui se croit victime, d'un groupe de
personnes qui se croient victimes ou d'un organisme voué à la
défense des droits pour le compte d'une victime ou d'un groupe de
victimes.
M. Filion: Je ferai des remarques de deux ordres.
Premièrement, dans l'article 69 actuel, il y avait ceci de bon...
Évidemment, le nouvel article 74 va être l'article que va lire le
citoyen pour savoir ce qu'il doit faire lorsqu'il se croit victime d'une
violation de droit. À l'article 69, il y avait ceci de bon, c'est qu'on
mentionnait précisément les articles 10 à 19 et le premier
alinéa de l'article 48. Là, on les enlève en disant
"relevant de la compétence d'enquête" et le citoyen est
obligé d'aller chercher la compétence d'enquête de la
Commission. Ça revient au même, finalement, sauf que j'aime bien
la formulation actuelle parce qu'elle donne l'indication immédiate au
futur plaignant sur la compétence de la Commission. Est-ce que mon
analyse est bonne?
M. Pelletier: C'est un peu d'ordre technique. À l'article
71, paragraphe 1°, on définit la compétence de la Commission
de façon très claire, y compris les articles 10 à 19, 86
et 48. Ici, on définit qui peut porter plainte.
M. Filion: C'est ça.
M. Pelletier: C'est bien sûr que c'est dans les
matières. Je pense qu'il faut lire les deux articles en conjonction, le
premier sur la compétence et le deuxième, qui peut porter
plainte.
M. Filion: Moi, je vous suis très bien. Je n'ai aucun
problème avec ça. Je parle des gens qui doivent s'y retrouver,
alors qu'auparavant c'était relativement clair. Est-ce que la Commission
ne risque pas justement de devoir expliquer ça aux gens? Une loi, il
faut que ça soit accessible. Nous, on s'y retrouve vite. Je lis
ça et est-ce qu'ils vont penser à "la compétence
d'enquête de la Commission"? Les citoyens vont lire ça et vont
dire: La Commission des droit de la personne. J'ai un droit, je me sens
violé dans un de mes droits, je m'en vais à la Commission. Vous
comprenez ce que Je veux dire. Comme légistes, tous autant que nous
sommes, c'est correct, on se comprend. On sait ce que veut dire
"compétence d'enquête", mais pour les gens c'est la Commission des
droits de la personne, et on va la voir. Je ne sais pas si ça vous a
frappé. Je comprends. Comme juriste, il n'y a pas de problème,
mais c'est la charte. En deux mots, je ne détestais pas l'ancienne
formulation parce que le citoyen pouvait savoir, tout de suite, à
quoi s'en tenir. Ça ne change rien au droit et à tout
ça.
M. Rémillard: Donc, comment liriez-vous l'ancienne
formulation, selon vous?
M. Filion: Comme l'article 69 le disait.
M. Rémillard: if y avait peut-être des mots
différents dans l'ancien article. Toute personne qui a raison de
croire". Ici, on dit: Toute personne qui se croit victime".
M. Filion: Là-dessus, vous avez raison, par exemple. Vous
avez raison, M. le ministre, de souligner ça. C'est pour ça qu'au
fond il s'agirait juste d'ajouter les mots "reconnus aux articles 10 à
19" après le mot "droits", au premier alinéa, et enlever,
à ce moment-là, les mots "relevant de la compétence
d'enquête de la Commission". Je ne sais pas. Je ne veux pas entrer dans
le processus... Non, mais l'idée, c'est comme je l'ai
expliqué.
M. Rémillard: II n'y a pas de droits reconnus.
La Présidente (Mme Bleau): M. le député, il
est minuit. Avec un consentement, on peut finir cet article, mais ça
prend un consentement.
M. Filion: On va finir cet article.
La Présidente (Mme Bleau): D'accord.
M. Rémillard: Est-ce qu'ajouter les articles 10 à
19 peut apporter des éclaircissements nouveaux, parce que ce ne sont pas
des droits qui sont aux articles 10 à 19? Qu'est-ce que c'est?
(minuit)
M. Lachapelle: Pour les citoyens, les articles 10 à 19 ne
sont pas beaucoup plus clairs.
M. Filion: Là, au moins, ils vont voir. Ce n'est pas la
Commission qui va leur dire: Écoutez, ce n'est pas de ma
compétence.
M. Pelletier: Je pourrais vous faire une autre suggestion.
M. Filion: Oui.
M. Pelletier: On peut dire: "relevant de la compétence
d'enquête de la Commission en vertu de l'article 71".
M. Filion: Peut-être. En somme, j'essaie d'être
pratique, ce n'est pas la fin du monde, mais la compétence
d'enquête de la Commission... Pour les gens, la Commission, c'est la
Commission des droits de la personne, lis ne font pas la distinction dans les
articles 2 à 7- , dans les articles 2 à 9, etc. Je n'en fais pas
un plat, pensez à ça.
M. Rémillard: On va peut-être y penser, si vous
voulez.
M. Filion: Pensez à ça.
Maintenant, en ce qui concerne la représentation par organismes -
je suis en train de fouiller les recommandations de la commission des
institutions là-dessus...
M. Lachapelle: La 39e.
M. Filion: La 39e.
Quand vous dites, à l'article 74: "La plainte peut être
portée, pour le compte de la victime ou d'un groupe de victimes", est-ce
que les victimes qui sont dans un groupe ont besoin d'être
identifiées?
M. Rémillard: Je vais demander à Me Pelletier de
répondre à votre question.
M. Pelletier: De la même façon qu'une personne qui
se croit victime va à la Commission, dans un groupe de personnes qui se
croient victimes, chacune des personne se croit victime, et ce groupe pourra
aller à la Commission pour porter plainte.
M. Filion: Donc, elles doivent être identifiées.
M. Pelletier: Oui. Le troisième alinéa, c'est autre
chose, c'est lorsque l'organisme y va au nom ou pour le compte d'une
personne.
M. Filion: Pardon?
M. Pelletier: Le troisième alinéa est
différent. C'est lorsqu'un groupe y va au nom ou pour le compte d'une ou
d'un groupe de victimes.
M. Filion: C'est carrément pour le compte d'une
personne.
M. Pelletier: Oui, mais, que ce soit au premier ou au
deuxième alinéa, il y a toujours une victime.
M. Filion: D'accord, et elles ont besoin d'être
identifiées. L'organisme ne peut pas arriver, se présenter et ne
pas identifier les victimes.
M. Pelletier: Non.
M. Filion: Quand je dis "identifier", c'est identifier
nommément.
M. Pelletier: À la Commission. M. Filion: À
la Commission.
Vous sentez venir tout le problème. Dans les cas de
discrimination systémique, un des problèmes, c'est de voir qui va
porter l'étendard, qui va porter le flambeau, qui, dans le fond, risque
parfois de subir des représailles plus ou moins souterraines.
C'était là un peu le sens de notre...
M. Rémillard: M. Lachapelle pourrait peut-être,
à la lumière de l'expérience de la Commission, nous
apporter des éclaircissements.
M. Lachapelle: D'abord, d'une part, ce n'est pas facile de faire
une enquête parce qu'on a déjà eu des plaintes anonymes,
quelqu'un qui venait se plaindre contre une compagnie d'assurances. On a dit:
On va ouvrir une enquête, on va aller faire un tour à la compagnie
d'assurances. La compagnie d'assurances nous dit: Si on ne sait pas qui,
comment voulez-vous qu'on sache s'il y a eu discrimination sur son âge,
si c'est un cas de discrimination sur l'âge par une compagnie
d'assurances.
M. Filion: Cela va.
M. Lachapelle: On dit: écoutez, on a fait un bout
d'enquête, on ne s'est pas rendu tellement loin. Mais, le jour où
il faudra poursuivre devant le Tribunal, comment voulez-vous qu'on poursuive si
on ne peut pas identifier une victime?
En matière de discrimination systémique, je pense que la
deuxième phrase de l'article 74: "Peuvent se regrouper pour porter
plainte, plusieurs personnes qui se croient victimes d'une telle violation dans
des circonstances analogues" vise des situations de discrimination
systémique. Je comprends que certains groupes avaient demandé,
devant votre commission, de pouvoir porter plainte à la Commission, sans
identifier des victimes mais, encore une fois, on essayait de voir, chez nous,
comment on pouvait donner suite à ça, comment enquêter. On
ne connaît pas les victimes; on peut à peine...
M. Filion: Je vais vous donner un exemple concret. Supposons,
dans une entreprise, qu'il y a discrimination à l'égard du
personnel de sexe féminin et qu'un groupe veuille porter plainte. Est-ce
qu'il ne pourrait pas porter plainte au nom du personnel féminin de
l'entreprise, sans avoir à demander l'identification des...
M. Lachapelle: II y a deux hypothèses. La Commission peut
faire enquête de sa propre initiative, comme on l'a fait à GM, par
exemple. On n'a pas de victimes clairement identifiées comme telles,
mais on fait enquête sur une problématique de harcèlement
sexuel dans l'entreprise GM à Boisbriand, par exemple. C'est un cas
public, on peut le dire.
M. Filion: Quelle est l'autre hypothèse? Vous disiez deux
hypothèses.
M. Lachapelle: L'autre, c'est qu'ils peuvent se regrouper pour
porter plainte aussi. À ce moment-là, il n'est peut-être
pas nécessaire que... Évidemment, des personnes vont s'identifier
assurément et vont se regrouper. Mais, là. ce n'est pas une
personne nommément. Ce peut être l'association des femmes.
M. Pelletier: De cette façon, vous les identifiez aussi,
puisque vous parlez du personnel féminin de l'entreprise X.
M. Filion: Oui, mais il peut y avoir... En pratique, ça se
passe comment? Supposons que, dans un endroit de travail, il y a de la
discrimination. Prenons le même exemple à l'égard du
personnel féminin. À partir du moment où on doit mettre sa
signature au bas de la plainte, ça exige, dans bien cas, pour vous
dire... Si on prenait l'une des petites entreprises situées en bas du
boulevard Métropolitain, ça prendrait une bonne dose de courage
pour dire quelque chose contre son employeur. Bon. Là, on demande des
signatures. Comme vous le dites: Très bien. Il peut y en avoir rien
qu'une ou deux. C'est déclenché. Mais si un organisme pouvait
dire, par exemple: Voilà, on porte plainte à l'égard du
personnel féminin de l'entreprise.
M. Pelletier: La seule difficulté, à ce
moment-là, c'est de savoir qui est victime. Est-ce qu'il y a une
victime? Pourquoi saisit-on la Commission?
M. Filion: Ce pourrait être pour un motif de discrimination
salariale.
M. Lachapelle: À ce moment-là, il y a toujours
l'hypothèse de l'enquête de la propre initiative de la
Commission.
M. Filion: Oui, il reste ce cas. Il y a des causes où on
ne porte pas plainte juste pour le plaisir. Il faudrait aller plus loin dans
l'exemple que je vous donnais. Le personnel féminin dans l'usine peut
fort bien être payé moins cher que le personnel masculin, pour
prendre un exemple qui doit être encore relativement trop courant au
Québec. Cela répond peut-être à une partie de la
question. Il reste la réponse de Me Lachapelle qui nous dit que la
Commission peut agir de sa propre initiative.
La Présidente (Mme Bleau): Si vous agissez de votre propre
initiative, vous n'avez pas besoin de signature.
M. Lachapelle: Non.
M. Filion: Propre initiative, c'est...
M. Lachapelle: C'est encore là, à l'article 71, au
premier paragraphe qu'on a vu tantôt: "1° faire enquête selon
un mode non contradictoire,
de sa propre initiative ou lorsqu'une plainte lui est
adressée..."
La Présidente (Mme Bleau): À ce moment-là,
si un groupe - le même exemple - de femmes s'adressaient à vous et
disaient: Nous, on ne veut pas se nommer, si vous croyiez qu'a y a quelque
chose, vous pourriez prendre l'initiative de faire enquête, sans que
personne ne signe.
M. Lachapelle: Évidemment, encore une fols, ça a
des limites. À un moment donné, il faut peut-être aller
voir des cas particuliers. Si on dit que l'ensemble des femmes, dans telle
entreprise, ont un salaire qui serait différent de celui des hommes, on
n'a peut-être pas besoin d'avoir une victime identifiée. On n'a
qu'à prendre la masse salariale, le nom de chacune des femmes qui sont
là et comparer, bien sûr, à...
La Présidente (Mme Bleau): C'est ça. Bien. M.
Filion: Oui, mais...
M. Lachapelle: De fait, on a beaucoup de ce genre de plaintes. On
a eu, par exemple, les plaintes de la CSN; elles ne sont pas
Identifiées, on n'a pas le nom des femmes. C'est un collectif de femmes
de tel syndicat: physiothérapeutes, ergothérapeutes; bon, on
connaît ce genre de plaintes qui viennent à la Commission. Il n'y
a pas nécessairement de signature par des personnes. C'est une plainte
collective. On a fait enquête à partir de ces...
M. Filion: À ce moment-là, vous faites
enquête de votre propre initiative.
M. Lachapelle: On fait enquête de notre propre initiative,
mais il y a là une plainte qui nous semble suffisante. C'est une plainte
inscrite par un groupe et...
M. Filion: Donc, l'Identification n'est pas nécessaire
nommément?
M. Lachapelle: Elle n'est pas toujours nécessaire. Je vous
donnais le cas de la compagnie d'assurances, c'est une personne qui ne voulait
pas s'identifier parce que... Enfin, je ne raconterai pas le reste de
l'histoire, mais....
M. Filion: La compagnie d'assurances, c'est un cas.
M. Lachapelle: Oui, c'est quelqu'un qui voulait qu'on
enquête sur une discrimination sur l'âge. Encore fallait-il le nom
de la victime pour être capable d'Identifier son âge, pour dire:
Vous lui avez refusé une police d'assurance parce qu'il avait 75 ans et
plus, par exemple.
M. Filion: Ce ne sera pas tellement long, Mme la
Présidente.
En même temps, j'essaie de me placer vraiment dans le contexte de
notre commission, à l'époque. J'ajouterais peut-être
à cet élément tous les cas de publicité
discriminatoire, une publicité qui s'adresse à tout le monde en
même temps et à personne en particulier, mais nettement
discriminatoire. Un organisme, à ce moment-là, ne devrait-il pas
avoir la capacité de saisir la Commission non pas pour provoquer une
enquête de sa propre initiative, mais pour provoquer le début de
la procédure comme une plainte? Parce qu'il n'est pas possible d'en
identifier la victime. Avez-vous réfléchi un peu à cette
possibilité?
M. Lachapelle: Oui. Curieusement, cela ne m'apparaît pas
poser de problème. Encore une fois, l'article qui est là me
semblerait couvrir ça.
M. Filion: Oui.
M. Lachapelle: De fait, c'est l'article 11 de la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne: "Nul ne
peut diffuser, publier ou exposer en public un avis, un symbole ou un signe..."
C'est cela? Est-ce à cela que vous faites référence?
M. Filion: Dans ce cas...
M. Lachapelle: ...comportant...
M. Filion: ...de la publicité discriminatoire.
M. Lachapelle: ..."discrimination*. Oui.
M. Filion: Pour la publicité discriminatoire.
M. Lachapelle: Oui. On a eu, d'ailleurs, ce genre de...
M. Filion: À ce moment-là, comment cela
fonctionnerait-il?
M. Lachapelle: D'abord, en termes d'enquête, c'est
relativement simple n'est-ce pas?
M. Filion: Oui.
M. Lachapelle: L'affiche est là et c'est assez visible. Un
groupe peut porter plainte. Je pense que l'article 74, tel qu'il est
fait...
M. Rémillard: Un groupe peut porter plainte et ce groupe
n'a pas besoin d'être identifié.
M. Lachapelle: Non. Il n'est pas besoin d'avoir une victime
précisément identifiée...
M. Rémillard: Bien non.
M. Lachapelle: ...quand on dit: Noirs refusés dans cet
endroit. C'est assez clair.
M. Filion: D'accord. Si un groupe... M. Lachapelle:
Oui.
M. Filion: ...peut porter plainte, ça règle une
partie du problème, sans avoir besoin de...
M. Lachapelle: Moi aussi, j'essaie de faire un peu
référence à la commission des institutions. Je pense que
certains groupes, dans ces circonstances, voulaient, par exemple, qu'on puisse
intervenir, Je ne sais pas, dans le cas de caricatures, par exemple, qui
pouvaient être racistes ou avoir des connotations discriminatoires, mais
c'est une tout autre question, c'est toute la question de la Cour d'appel et
des.. C'est ça.
M. Pelletier: Cela devient presque une enquête publique de
la Commission, non pas une enquête de sa propre initiative.
M. Lachapelle: Cette cause en Cour d'appel, 'Les Fées ont
soif, et tout ça. Il n'y a pas de victime d'identifiée.
M. Rémillard: Si vous voulez, c'est un autre cas.
M. Lachapelle: Oui. C'est vraiment une dimension très
différente.
M. Filion: À l'article 74 du projet de loi, on dit, par
exemple: "Le consentement écrit de la victime ou des victimes est
nécessaire..." Cela me semble contredire un peu ce qu'on vient de
dire.
M. Rémillard: Pardon?
M. Filion: Cela me semble contredire un peu ce qu'on vient de
dire.
M. Lachapelle: Ce que M. le député ajoute, c'est
que le consentement écrit de la victime ou des victimes est
nécessaire.
M. Rémillard: Si on lit l'article 74 et qu'on regarde
aussi la pratique de la Commission, on se rend compte que, lorsqu'une plainte
est portée par un groupe de victimes, il n'est pas nécessaire que
toutes les victimes soient identifiées, absolument pas, parce que la
Commission, comme elle le fait déjà, peut décider
d'enquêter elle-même. Elle le fait de sa propre initiative, mais
parce qu'elle a reçu une plainte. Celle-ci provenait d'un groupe de
personnes, mais elles ne sont pas toutes identifiées.
Il faut faire bien attention. Dans notre souci de protéger
l'Identité, le respect des gens qui veulent porter plainte, M faut faire
attention de ne pas tomber dans une situation où tous les gens
pourraient porter plainte et où on se cacherait derrière
l'anonymat. C'est là que la
Commission entre en ligne de compte, regarde ça et peut
décider, si elle le juge à propos, de procéder sans qu'il
y ait identification des victimes. Pour elle, il est important qu'on puisse
Identifier, dans certains cas, les victimes, pour savoir si vraiment il y a eu
discrimination. Dans d'autres cas... On a, tout à l'heure,
mentionné le cas d'une affiche; on n'a pas besoin que ce soit
Identifié.
M. Lachapelle: On peut faire enquête de notre propre
initiative, dans ce cas.
M. Filion: Oui, parce que personne ne va signer.
M. Lachapelle: Toutes les personnes exclues, à toutes fins
utiles.
M. Filion: II n'y a pas de plainte comme telle, c'est une
enquête de la propre initiative de la Commission.
M. Rémillard: À la suite d'une plainte.
M. Lachapelle: Appelons ça une dénonciation, si
vous voulez.
M. Rémillard: Une dénonciation.
M. Filion: Je ne sais pas si on peut appeler ça une
plainte au sens de l'article 74. Laissons faire le cas de la publicité
discriminatoire, revenons à la discrimination dans l'emploi, dans la
catégorie d'emploi, en détermination des catégories
d'emploi. Si je comprends bien l'article 74, ça veut dire qu'il faut...
Je ne parle pas du cas qu'on a vu tantôt, mais si on prend l'article 74,
discrimination dans la détermination ou la fixation des
catégories d'emploi, ça prend une plainte par écrit, mais
la victime ou les victimes, ce sont des catégories d'emploi. C'est qui,
c'est quoi? Qui va signer?
M. Lachapelle: Dans les cas qu'on connaît actuellement, en
matière de parité salariale, d'égalité
salariale...
M. Filion: Oui.
M. Lachapelle: ...c'est le syndicat qui signe la plainte. La CSN,
pour et au nom des ergothérapeutes, tel corps d'emploi.
M. Filion: Et...
M. Lachapelle: Et on les considère comme des groupes
voués à la défense des droits.
M. Filion: Y a-t-il des gens qui signent pour consentir?
M. Lachapelle: Quelques personnes signent. J'ai vu des listes de
signatures. Est-ce que
toutes les personnes... Finalement, si la Commision en vient à la
conclusion qu'il y a disparité salariale, fa décision de la
Commission s'applique à tout le monde, à toutes les personnes qui
sont dans ce corps d'emploi, qu'elles aient ou non signé.
M. Filion: Mme la Présidente, il est minuit et vingt, la
loi des rendements décroissants vient de me frapper. Je voudrais
réfléchir un peu à l'article 74, dans le cadre de la
discrimination systémique. Je pense que ce ne serait pas trop demander
à cette commission de nous réserver quelques heures de sommeil
avant de reprendre nos travaux.
La Présidente (Mme Bleau): Alors, j'ajourne nos travaux
sine die.
(Fin de la séance à 0 h 21)