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(Onze heures cinquante-cinq minutes)
Le Président (M. Kehoe): À l'ordre, s'il vous
plaît !
La commission des institutions reprend ses travaux. Je rappelle le
mandat de la commission, soit d'étudier le projet de loi 140, Loi
modifiant la Charte des droits et libertés de la personne concernant la
Commission et instituant le Tribunal des droits de la personne.
Je comprends, Mme la secrétaire, qu'il n'y a pas de
remplacement.
La Secrétaire: Aucun remplacement, M. le
Président.
Plaintes (suite)
Le Président (M. Kehoe): Lorsque nous avons ajourné
nos travaux hier, nous en étions à l'article 4, sous-article
74.
M. Filion: En plein ça, M. le Président. Et on
avait discuté...
Le Président (M. Kehoe): Bon! On a commencé les
discussions...
M. Filion: C'est ça, on était toujours dans les
discussions quand l'heure tardive nous a arrêtés, M. le
Président. Finalement, je pense qu'on peut être plus précis
dans nos propos. Je vais donner des exemples. Ce qui est en cause,
actuellement, c'est ceci: Qui peut porter plainte à la Commission et de
quelle façon? C'est surtout: De quelle façon? "Peut porter
plainte à la Commission toute personne qui se croit victime... Peuvent
se regrouper... La plainte peut être portée, pour le compte de la
victime ou d'un groupe de victimes, par un organisme voué à la
défense des droits..." Mais comment doit-on porter plainte pour qu'une
enquête soit déclenchée par la Commission, non pas de sa
propre initiative, mais à partir d'une plainte? Il y a une distinction
importante entre les deux. Une enquête de la propre initiative de la
Commission ne peut jamais, par définition, se retrouver devant le
Tribunal parce qu'il n'y a pas de plaignant.
M. Rémillard: Vous me permettez? M. Filion: Ah,
c'est important !
M. Rémillard: Je pense que oui, mais je vais demander
à M. Lachapelle.
M. Lachapelle (Jacques): Bien oui, effectivement, en cours de
route, il faudra qu'il y ait des victimes. Je comprends que même s'il n'y
a pas de plainte écrite, à partir du moment où la
Commission fait enquête de sa propre initiative, elle va
recueillir des faits, mais dès qu'elle aura ces faits et des victimes -
parce que, bien sûr, on ne peut pas à tout hasard...
M. Filion: Oui, c'est ça.
M. Lachapelle: ...aller porter une action devant le Tribunal si
on ne réclame des dommages et intérêts pour personne, cela
ne va pas, alors il faudra avoir des victimes.
M. Filion: Bon! Il y a quand même une distinction,
malgré ce qu'on me dit parce qu'on me souligne, avec justesse, que
l'accès à la Commission, avec les amendements qu'on
étudiera, pourra être permis à un plaignant dont on refuse
de prendre fait et cause. Mais lorsqu'il n'y a pas de plaignant comme tel,
évidemment, on ne peut pas refuser, si c'est une enquête de la
propre initiative de la Commission et s'il n'y a pas de plainte... Alors, on
voit les conséquences au Tribunal.
Cela étant dit...
M. Rémillard: Excusez-moi.
M. Filion: Oui.
M. Rémillard: Pouvez-vous recommencer ça?
M. Filion: Regardez, s'il y a un plaignant, une plainte
écrite, signée, identifiée, à ce moment-là,
la Commission fait enquête sur la base de cette plainte qui est
écrite, dans laquelle il y a des victimes identifiées.
Si c'est une enquête de la propre initiative de la Commission et
que la Commission agit pour chercher des faits et qu'elle décide que
non, elle ne va pas plus loin, à ce moment-là, il n'y a pas de
plainte écrite au départ, ni en cours de route, donc il ne peut
pas y avoir accès au Tribunal, par définition. Vous saisissez?
Donc, il y a une petite nuance.
M. Lachapelle: On pourrait penser à l'hypothèse que
des personnes, voyant l'enquête de la Commission en cours de route, se
disent: Oui, maintenant, je vais aller porter une plainte formelle...
M. Filion: Oui.
M. Lachapelle: ...vu l'enquête de la Commission. Là,
on revient dans le processus de l'article 74. Si la Commission refuse, il
pourrait toujours aller devant le Tribunal.
M. Filion: D'accord. Alors, cette nuance étant faite, quel
est le problème? C'est: Comment la plainte procède? C'est par
écrit et elle doit
être - ce n'est pas dit comme tel - faite par des personnes bien
identifiées, qui portent des noms.
Le problème... Je vais vous donner un exemple. Dans les cas de
discrimination dans l'emploi, sur la catégorie d'emploi, supposons que
l'employeur crée des catégories d'emploi; à
l'intérieur de ces catégories d'emploi, la discrimination peut
être subtile, on peut prendre une catégorie d'emploi où il
y a, disons, 90 % de femmes et 10 % d'hommes et une autre catégorie
d'emploi où il y a 90 % d'hommes et 10 % de femmes et décider que
ces deux catégories d'emploi ne sont pas équivalentes sur le plan
salarial. C'est subtil. Mais est-ce qu'on peut parler à ce
moment-là de victimes? C'est l'ensemble de l'opération des
catégorisations d'emploi qui crée une situation discriminatoire.
À l'intérieur du même corps d'emploi, on ne peut pas dire
que les femmes sont discriminées avec les hommes. C'est ta même
chose partout, mais la discrimination vient d'une opération qui est la
catégorisation d'emploi.
M. Rémillard: Est-ce qu'on peut demander à M.
Lachapelle s'il a déjà fait face à une situation
semblable?
M. Lachapelle: C'est le cas classique de discrimination à
l'article 19. Ce sont des catégorisations d'emploi. Évidemment,
le cas est plus subtil que ce qu'on a déjà vu. Ce sont souvent
des catégories d'emploi sexuées; il y en a de moins en moins.
Actuellement, les corps d'emploi sont mixtes et on peut constater que, dans un
corps d'emploi à prépondérance féminine, les
salaires sont effectivement plus bas, comme le prétendent certains
syndicats actuellement. Il y a des victimes identifiées. Un certain
nombre de personnes, de femmes, dans un corps d'emploi peuvent s'identifier de
façon claire et précise.
M. Filion: Donc, pour l'application de l'article 19, la
rédaction à l'article 74 ne pose pas de problème, mais
elle permet, à votre avis, de considérer comme étant
victime n'importe laquelle des personnes que je viens de mentionner qui se
retrouveraient dans l'une ou l'autre des catégories d'emploi.
M. Pelletier (Gaston): Sinon, il n'y aurait pas de
discrimination.
M. Filion: Pardon?
M. Pelletier: Sinon, il n'y aurait pas de discrimination.
M. Filion: Oui, oui, c'est ça. Mais ce n'est pas toujours
aisé. Ce n'est pas une victime comme telle. Ce n'est pas à
l'intérieur d'une même catégorie d'emploi. C'est par
rapport à une autre catégorie d'emploi.
M. Lachapelle: Elle est victime dans le sens qu'elle a un
dommage, c'est-à-dire qu'elle n'a pas un salaire équivalent
à celui qu'on donnerait à un homme dans la même
situation.
M. Filion: Qu'en est-il des formulaires d'emploi? Supposons qu'un
employeur, dans son formulaire d'emploi - d'ailleurs, je pense que vous avez
étudié un peu cet aspect à la commission - adopte, par ses
questions, des critères qui sont discriminatoires, mais que personne ne
vient s'en plaindre comme tel, mais le formulaire est discriminatoire. Est-ce
que, à ce moment-là, la Commission considère que l'article
74 lui permet, vu qu'il n'y aurait pas de signature ni de victime
identifiée, d'agir de sa propre Initiative, mais de ne pas aller plus
loin? Est-ce qu'à ce moment-là la Commission accepterait, par
exemple, la signature d'un organisme?
M. Lachapelle: Non, on en reçoit tous les jours des
formulaires de cet ordre de la part de gens qui se plaignent qu'on leur a
demandé leur état civil, leur âge, etc. On intervient
auprès de l'entreprise et on lui signale que le formulaire n'est pas
conforme à la charte. Dans 99,999 % des cas, les gens corrigent le
formulaire, bien sûr. Là, ils ne peuvent pas se faire
poursuivre.
M. Filion: Supposons qu'un organisme, un syndicat ou n'importe
quel autre organisme représentatif veut se plaindre, au nom de
l'organisme, parce que les victimes comme telles ne sont pas connues, est-ce
que l'organisme peut signer le document et être considéré
comme un plaignant? On parle de consentement écrit dans le texte. "Le
consentement écrit de la victime ou des victimes est nécessaire".
Ce sont un peu toujours les mêmes mots.
M. Lachapelle: L'exemple que vous donnez est trop facile dans le
sens que les gens corrigent, alors on ne s'est jamais véritablement
posé la question sur les formulaires comme tels. Très souvent,
oui, des syndicats nous soulignent parfois ces formulaires; d'autres fois, ce
sont même des Individus qui ne veulent pas répondre à ce
genre de questions. Mais continuons l'hypothèse dans ce
cas-là.
M. Filion: Est-ce qu'un organisme pourrait signer la plainte?
M. Rémillard: Je me permets de souligner ceci. Il faut
aussi protéger les gens contre des poursuites qu'ils ne voudraient pas
intenter.
M. Filion: Oui, oui, je suis très sensible à
ça.
M. Rémillard: Cet aspect est là. Lorsqu'on dit que
le consentement écrit de la victime ou des victimes est
nécessaire, ce qu'on veut dire, c'est qu'on ne voudrait pas qu'un
organisme
quelconque prenne le flambeau, à un moment donné, d'une
bataille pour des droits et des libertés, alors que les victimes ne
veulent pas qu'il y en ait, parce qu'elles ne se croient pas victimes
elles-mêmes, ou pour d'autres motifs. En fait, c'est un des droits les
plus fondamentaux de décider soi-même de son sort en ce qui
regarde le respect de ses propres droits, de ses propres libertés. Il y
a cet aspect. Il y a la difficulté que vous soulevez, oui, mais je
voudrais quand même aussi qu'on tienne compte de l'aspect qu'on ne peut
pas poursuivre au nom de quelqu'un si cette personne n'est pas consentante. On
s'entend là-dessus, au départ.
M. Filion: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
D'ailleurs, la commission, à l'époque, quand je dis la
commission, c'est la commission des institutions, était très
sensible à cet aspect. Il ne s'agit pas de poursuivre si les victimes ne
veulent pas. Mais ce que M. le ministre suggérait à la
recommandation 39 de la commission des institutions, c'est, dans les cas
où il n'était pas possible d'identifier les victimes, de
permettre à un organisme d'oeuvrer. Cela pourrait s'appliquer dans deux
cas qui me viennent à l'esprit. Dans les cas de publicité
discriminatoire en général... Ça tombe bien, ce matin, on
voit dans les journaux que le Conseil du statut de la femme vient d'octroyer
ses prix Méritas et Déméritas, le prix
Déméritas allant aux Cours Mont-Royal, etc. On voit que
c'étaient des annonces qualifiées de sexistes par le Conseil du
statut de la femme. Je ne les ai pas vues. Je ne veux pas me prononcer. On n'a
pas beaucoup de temps pour regarder la télévision de ce temps-ci.
Mais, voilà un cas de publicité discriminatoire, dans le sens
générai. Ce n'est pas possible de dire: C'est vous, madame, qui
subissez un préjudice, etc. À ce moment, un organisme pourrait
faire le travail dans le cas de publicité discriminatoire,
également dans les cas de formulaires d'emploi ou dans les cas où
ce n'est pas possible d'identifier les victimes, d'où l'utilité
de la recommandation 39 de la commission des institutions. Mais peut-être
qu'il y a des problèmes à ce que cette recommandation se
transforme en loi et fasse en sorte, par exemple, qu'on écrive un
paragraphe qui dise: Dans tous les cas où un acte discriminatoire peut
avoir lieu sans qu'il ne soit possible d'en identifier la victime, alors un
organisme peut porter une plainte.
Bon, ça pose le problème de ce qui va arriver, si la
plainte est reçue, quelle sorte de redressement cela va poser. On tombe
dans un problème de recours collectif ou je ne sais pas trop. En tout
cas, avez-vous réfléchi un peu à cette
possibilité?
M. Lachapelle: J'ai le cas tout à fait identique de SOS
Racisme qui s'adresse à nous, nous dénonçant une
publicité qui était dans La Presse, il y a quelques mois,
où on avait une photographie du métro de New York où on ne
voyait sur cette photographie que des gens des minorités visibles. On
disait: La violence dans le métro à Montréal. Cela
laissait entendre que la violence dans le métro était le fait
des...
M. Filion: Minorités.
M. Lachapelle: ...minorités visibles. Il n'y a pas de
victime identifiée. On ne reconnaît personne sur cette photo. Ce
sont des gens du métro de New York. Pourtant, cette annonce a un aspect
discriminatoire et est raciste.
M. Pelletier: Ceux qui en sont victimes, c'est ceux qui sont
allés voir M. Lachapelle avec le journal.
M. Lachapelle: C'est SOS Racisme. M. Jean-Bart et autres.
Qu'est-ce qu'on fait dans ce cas? Moi, je dénonce à La Presse
cette publicité. Je demande à La Presse de corriger.
On s'adresse au Conseil de presse pour dire: Apportez un blâme à
La Presse pour une telle publicité, etc.
M. Rémillard: Maintenant, il y a peut-être un autre
aspect aussi que j'aimerais souligner. Nous n'en sommes pas à
l'étape de confirmer les droits collectifs. Notre charte est une charte
de droits individuels, de droits et libertés de la personne. Cela peut
être malheureux, d'une certaine façon. Probablement qu'à un
moment donné, avec l'évolution des choses, on en arrivera
à des droits collectifs. Déjà, aux Nations unies, il y a
des pactes en matière politique, économique et sociale qui
impliquent des aspects de droits collectifs intéressants. Mais, nous,
nous n'avons pas dans nos documents, nos chartes, tant au niveau
fédéral que provincial, ce qu'on peut vraiment appeler des droits
collectifs, des droits qu'on réclame au nom d'une
collectivité.
Je fais une distinction en parlant des droits collectifs. Ce sont des
droits qu'on réclame au nom d'une collectivité et non pas des
droits qu'on réclame parce qu'on appartient à une
collectivité. L'article 23, par exemple, de la charte canadienne, qui
donne le droit à l'instruction dans la langue de la minorité, est
un droit qui est accordé parce qu'on fait partie d'un groupe. Alors, ce
ne sont pas des droits collectifs. C'est un droit qui est individuel,
exercé individuellement parce qu'on a une appartenance à un
groupe. Alors que le droit collectif, c'est un peu la discussion que nous avons
actuellement, c'est-à-dire un groupe de personnes ou un organisme qui
poursuit au nom d'une collectivité, d'un groupe. Et c'est un principe
qui n'est pas reconnu dans notre charte.
M. Filion: Je suis d'accord avec le ministre. Et, d'ailleurs, je
pense que ma suggestion ne va pas dans le sens d'ouvrir des droits collectifs.
Ma suggestion va plus dans le sens des cas où il n'est pas possible
d'identifier des victimes précises. Me Pelletier me soulignait: Dans le
cas,
par exemple, de l'annonce dans le métro de New York, c'est M.
Bart. Est-ce que ça veut dire que M. Bart est une victime? Si M. Bart,
parce qu'il est président d'un groupe... Je ne sais pas. Je trouve
ça un peu ténu comme...
M. Pelletier: C'est parce que c'est lui qui y est allé.
Donc, il a sorti quelque chose. Il a été victime dans ses
sentiments...
Une voix: Au nom de tous les Noirs de la communauté.
M. Pelletier: ...et le redressement, c'est que La Presse
fasse une excuse ou fasse une photo différente. Voyez-vous? Compte
tenu de l'ensemble du reste du projet de loi que nous verrons...
M. Filion: Oui.
M. Pelletier: ...il y a un redressement qui est attribué
à quelqu'un.
Le Président (M. Kehoe): L'article 74 est-Il
adopté?
M. Filion: C'est votre suggestion, M. le Président?
Le Président (M. Kehoe): Je vous pose la question.
M. Filion: Est-ce que c'est votre suggestion? Je trouve que c'est
une bonne idée.
Le Président (M. Kehoe): Libre à vous de
décider.
M. Filion: Je trouve que c'est une bonne idée. Je pense
qu'on a fait le tour.
Le Président (M. Kehoe): Adopté. J'appelle
l'article 75.
M. Rémillard: Article 75. M. le Président, la
disposition reprend l'actuel article 78 en précisant que le
dépôt d'une plainte du ressort de la Commission auprès du
Protecteur du citoyen a le même effet, notamment, quant à la
règle de suspension de la prescription prévue à l'article
76.
Le Président (M. Kehoe): M. le député de
Taillon.
M. Filion: II n'y a pas d'amendement à cet
article-là? Il y avait deux choses dans ce que le Protecteur du citoyen
a signalé dans sa communication du 2 juin. Il n'est pas sûr si
c'est utile de le mettre ou pas. Manifestement, vous avez jugé utile de
le mettre et j'aimerais savoir pourquoi. Et, deuxièmement, il dit: Si
vous décidiez de maintenir une telle disposition, il faudrait ajouter
"à moins que la personne ou le groupe qui l'a déposée ne
s'y oppose".
M. Rémillard: Vous voulez que je vous dise pourquoi on l'a
mis?
M. Filion: Pourquoi vous l'avez mis et pourquoi vous ne retenez
pas sa suggestion d'amendement.
M. Rémillard: D'accord. Tout d'abord, il faut bien
comprendre que le Protecteur du citoyen et la Commission ont des rôles un
peu proches. Le Protecteur du citoyen est là pour recevoir des plaintes
des citoyens en ce qui regarde leurs relations avec l'administration publique
et parapublique dans certains cas pour faire en sorte que leurs droits soient
respectés. Il a un pouvoir d'autorité morale et il peut faire
enquête. On connaît ses pouvoirs. Ça peut être des cas
de discrimination. (12 h 15)
La Commission a son rôle de conseiller aussi, tout ce rôle
qu'on vient de voir, pour pouvoir enquêter. Et ce qui nous apparaît
important, c'est que la plainte de discrimination qui est reçue par le
Protecteur du citoyen soit transmise à la Commission pour qu'on respecte
les responsabilités de chacun des organismes. Et ce que nous voulons
aussi, c'est qu'à la date de son dépôt auprès du
Protecteur du citoyen cette plainte vienne déterminer le temps,
l'arrêt de la prescription. Ce sont deux points qui nous apparaissent
importants pour le respect des juridictions des deux organismes et le respect
des droits des individus dans les domaines qui peuvent être à un
moment donné très près l'un et l'autre. Pour ma part,
lorsqu'il y a un cas de discrimination, je crois nécessaire que le
Protecteur du citoyen en fasse la communication à la Commission; la
Commission enquête et la Commission a accès aux tribunaux. Le
Protecteur du citoyen n'a pas accès au tribunal.
Cela ne veut pas dire que le Protecteur du citoyen doive s'abstenir de
toute action dans ce domaine. Ce que je veux dire, c'est que nous avons un
organisme et, en plus, nous allons avoir un système d'arbitrage et un
Tribunal. C'est donc dire que le rôle de la Commission va être
très Important, d'où, pour nous, cet article 75 et l'Importance
de cet article.
M. Filion: Oui. Et le deuxième volet de ma question?
M. Rémillard: Qui était? Excusez-moi.
M. Filion: Le Protecteur du citoyen suggère d'amender
l'article 75 pour y mentionner, "à moins que la personne ou le groupe
qui l'a déposée ne s'y oppose "
M. Rémillard: Écoutez, ça signifierait que
le protecteur fasse des enquêtes de discrimination.
J'aimerais avoir la règle selon laquelle, lorsque la plainte
arrive chez le protecteur, celui-ci la communique à la Commission et la
Commission enquête. On a un organisme qui est là, qui est un
organisme qui va être spécialisé dans l'enquête, qui
est une porte vers un système d'arbitrage, vers un Tribunal. Il me
semble que c'est dans ce contexte que doivent être traités une
preuve de discrimination et l'élément de discrimination.
Cela n'enlève pas une juridiction au Protecteur du citoyen en ce
qui regarde une plainte qui pourra lui être faite de discrimination dans
l'emploi. Il peut servir de médiateur parce que c'est
véritablement un médiateur. Le Protecteur du citoyen est un
médiateur et même un conciliateur. C'est ça, son devoir.
Son devoir, c'est de pouvoir régler les problèmes et de
suggérer à un ministère ou à un organisme de
régler le problème quand il trouve que c'est fondé. Si ce
n'est pas réglé, il peut même venir ici à
l'Assemblée nationale et dénoncer un ministère,
dénoncer un organisme administratif pour dire: Vous ne respectez pas la
charte, vous ne respectez pas les droits des citoyens. C'est un conciliateur,
c'est un médiateur, alors que ce que nous avons avec la Commission, ce
sont des enquêteurs qui sont la porte ouverte sur un système
judiciaire pour faire respecter des droits. Dans ce contexte, on veut faire
respecter les juridictions de l'un et de l'autre.
M. Filion: Je vais mettre ça pratiquement pour qu'on
puisse se comprendre au-delà des généralités. Un
Individu s'adresse au Protecteur du citoyen en toute confiance et lui expose
son cas qui relève de la compétence de la Commission des droits.
Ce que dit l'article 75 que nous nous apprêtons à adopter, c'est
que le Protecteur du citoyen doit transmettre à la Commission la plainte
du citoyen. Or, ce que je soumets comme cas, c'est le cas où le citoyen
s'y oppose. On vient juste de voir dans l'article précédent que
le consentement de la victime était important. Le cas que nous
soulève le Protecteur du citoyen dans sa lettre du 2 juin 1989, ma foi!
n'est pas dénué de fondement, il disait: "à moins que la
personne ou le groupe qui l'a déposée ne s'y oppose." La victime
ne veut pas. Ce qu'on disait il y a cinq minutes est encore bon maintenant.
M. Rémillard: Oui. C'est parfaitement juste. M. Filion:
N'est-ce pas? Il me semble. M. Rémillard: Oui.
M. Filion: À moins qu'il n'y ait une raison quelque part
qui... Parce que, autrement, je vais vous dire, il y a l'aspect confiance.
C'est en toute confiance qu'on fait appel au Protecteur du citoyen.
M. Rémillard: M. le Président, est-ce à
dire que le député de Taillon suggérerait qu'on dise
qu'une plainte reçue par le Protecteur du citoyen et relevant de la
compétence d'enquête de la Commission lui est transmise à
moins qu'il n'y ait opposition du plaignant?
M. Filion: Voilà! Quelque chose comme ça. M.
Rémillard: Oui? M. Filion: Oui.
M. Lachapelle: C'est ce que M. Jacoby suggère.
M. Filion: Oui, c'est ce que M. Jacoby suggère.
M. Rémillard: À ce sujet-là, je pense que
c'est tout justifié.
M. Filion: C'est cela que je mentionnais au début. M.
Jacoby avait deux suggestions, l'une, ce n'était pas nécessaire
de la mettre, mais vous avez jugé nécessaire de la mettre pour
donner de l'emphase.
M. Rémillard: Je pense que M. Morgan a... M. Filion:
...l'amendement.
M. Rémillard: ...un point important. Je pense que cela
vaudrait la peine qu'il nous le mentionne, si vous voulez.
Le Président (M. Kehoe): Pouvez-vous vous identifier, M.
Morgan, pour le Journal des débats
M. Morgan (Lawrence): Lawrence Morgan. Le dépôt de
la plainte chez le protecteur a pour effet de suspendre la prescription d'un
recours civil. Cela affecte le tiers qui peut être visé par un tel
recours. Si, évidemment, les mécanismes de la Commission ne sont
pas mis en marche, visant éventuellement le mécanisme de
règlement, le mécanisme d'arbitrage ou l'accès au
Tribunal, le tiers pourra en subir un préjudice. Donc, la plainte, parce
qu'il y a opposition du plaignant à ce qu'elle aille à la
Commission des droits et qu'elle doit demeurer chez le Protecteur du citoyen,
si, dans ce cas-là, on acceptait une telle modification, il serait sans
doute opportun qu'on suspende et qu'on annule l'effet de la suspension de
prescription pour ne pas poser de préjudice au tiers.
M. Filion: Donnez-moi donc un cas concret où le tiers
pourrait subir un préjudice?
M. Morgan: Actuellement, le dépôt d'une plainte qui
va chez le Protecteur du citoyen, mais qui est de la compétence
d'enquête de la Commission...
M. Filion: Oui.
M. Morgan: On s'entend bien là-dessus? a pour effet de
suspendre...
M. Filion: Oui.
M. Morgan: ...la prescription d'un recours civil que le plaignant
pourrait avoir contre le mis en cause.
M. Filion: Ouf.
M. Morgan: Si, évidemment, cette plainte est
traitée par le Protecteur du citoyen, elle ne pourra pas aboutir
éventuellement à l'arbitrage ou au Tribunal parce qu'on n'aura
pas fait jouer les mécanismes d'enquête prévus dans la
charte, et on va rester avec la suspension de prescription
indéfiniment.
M. Filion: Donc, if faudrait faire une concordance.
M. Morgan: Voilà.
M. Filion: II faudrait faire une concordance à ce
moment-là. Sinon... En deux mots, ce que vous dites, c'est que si la
prescription était interrompue...
M. Morgan: Voilà.
M. Filion: ...sine die...
M. Morgan: ...c'est l'effet secondaire qui...
M. Filion: ...c'est-à-dire indéfiniment. Oui, il
faudrait voir... C'est pour cela que je suggère qu'on suspende si on
s'entend sur le principe et de voir la portée de l'amendement pour
être sûr que cela vise les cas qu'on veut viser et non pas plus que
cela et non pas moins, mais...
M. Rémillard: M. Pelletier aimerait vous poser une
question pour saisir...
M. Filion: Oui.
M. Pelletier: Est-ce que je comprends bien que quelqu'un qui -
d'après ce que le protecteur suggère - ne veut pas aller à
la Commission, donc veut que ce soit le protecteur qui fasse l'enquête,
accepte de ne pas avoir tout le bénéfice du projet de loi qu'on
est en train de faire?
M. Filion: C'est bien évident. M. Pelletier:
D'accord.
M. Filion: Si le gars ne veut pas que sa plainte soit
traitée par la Commission, c'est parce qu'il ne veut pas que tous les
mécanismes mis en place et dont la Commission dispose soient
utilisés. C'est bien évident...
M. Rémillard: Bien oui.
M. Filion: ...qu'il doit s'y opposer. C'est la même chose
que ce qu'on vient de voir à l'article précédent. Si la
victime ne veut pas, elle ne veut pas.
Le Président (M. Kehoe): Si je comprends bien, on va
suspendre l'étude de l'article 75 et il y aura un amendement. M. le
député de Taillon. M. le ministre, on va suspendre l'étude
de l'article 75 parce qu'il va y avoir un amendement
M. Rémillard: Oui, suspendons. S'il y a un amendement...
Disons que nous reviendrons avec le résultat d'une cogitation.
Le Président (M. Kehoe): D'accord.
M. Filion: C'est cela. Vous suspendez avec le problème et
s'il y a des raisons qui font que... Mais cela m'apparaît quand
même important. Notamment, pensez à la relation de confiance qui
doit exister entre le citoyen et le Protecteur du citoyen. Si le Protecteur du
citoyen utilise un canal de transmission qui met en branle un processus auquel
le citoyen ne veut pas consentir, là...
M. Rémillard: L'argument est majeur. M. Filion:
Oui.
M. Rémillard: On ne peut pas... M. Filion: On ne
peut agir .
M. Rémillard: ...poursuivre si les gens ne veulent
pas...
M. Filion: C'est cela. C'est ce qu'on dit depuis
tantôt.
M. Rémillard: C'est évident. M. Filion:
C'est donc suspendu.
Le Président (M. Kehoe): L'article 75 est suspendu.
J'appelle l'article 76.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il s'agit d'une
modification. C'est la modification de l'actuel article 70.1 et cela vise
à établir la durée de l'interruption de la prescription de
tout recours civil, c'est-à-dire généralement du
dépôt de la plainte auprès de la Commission jusqu'à
l'avènement de l'une ou l'autre des éventualités
énumérées.
M. Filion: La loi actuelle - vous me cor-
rigerez - à l'article 70.1, dit: "Une demande d'enquête,
à compter du moment où elle est adressée à la
Commission, suspend la prescription de tout recours civil visant le même
objet pour une durée d'une année..." Il y avait comme une
espèce de délai maximal à la suspension.
M. Rémillard: II existe une disposition comme celle-ci
dans la loi sur la commission canadienne.
M. Filion: Oui. Ici, l'idée, c'est de faire
disparaître le délai maximal de la suspension. Pour faire quoi?
Pour faire en sorte que tout se passe dans un délai raisonnable.
M. Rémillard: C'est ça. Au lieu d'être un an,
ici, c'est en fonction des événements qui sont
énumérés dans les quatre paragraphes: la date d'un
règlement entre les parties; la date à laquelle la victime et le
plaignant ont reçu notification que la Commission soumet le litige
à un tribunal; la date à laquelle la victime ou le plaignant a
personnellement introduit l'un des recours prévus aux articles 49 et 80
et, finalement, la date à laquelle la victime et le plaignant ont
reçu notification que la Commission refuse ou cesse d'agir.
M. Filion: Très bien. Est-ce qu'il y avait un
problème à ce que "un an" soit quand même Inscrit
là?
M. Lachapelle: Ce qui arrive, c'est que, très souvent, les
négociations de règlement sont longues; deuxièmement, il y
a souvent des parties qui nous disent: Écoutez, je suis devant une autre
instance, devant la Commission des normes du travail, etc., pourriez-vous
suspendre mon dossier? Tout à coup, ils reviennent de la Commission des
normes du travail, les délais sont passés...
M. Filion: Oui.
M. Lachapelle: ...l'année est passée. Et là
on a un problème parce que devant les autres instances, des fois, c'est
long.
M. Filion: Cela va.
Le Président (M. Kehoe): L'article 76 est adopté.
J'appelle l'article 77.
M. Filion: Juste une petite seconde, M. le Président, ce
ne sera pas long.
Ce qui a été évoqué par le Barreau, c'est
qu'il s'inquiétait du fait qu'en enlevant "un an", en faisant
disparaître le délai maximal d'un an, la Commission se retrouvait
dans la position, n'ayant plus de délai maximal, qu'elle pouvait prendre
des habitudes de lenteur. Là-dessus, on nous signale à juste
titre que, finalement, il y a le rôle de contrôle et de
surveillance des tribu- naux et qu'il y a des termes de fixés, en vertu
du deuxième paragraphe de l'article 99, sur la durée des
enquêtes qui viennent un peu répondre à ce risque que la
Commission prenne un délai énorme pour traiter les dossiers.
Je pense bien que ce n'est pas le but de l'amendement, c'est
plutôt de favoriser carrément la victime dans les cas où,
comme l'a expliqué le président, elle attendrait le
dénouement d'autres sortes d'interventions, d'autres sortes de
procédures. C'est bien ça? Cela va.
Le Président (M. Kehoe): Adopté? M. Filion:
Adopté.
Le Président (M. Kehoe): J'appelle l'article 77.
M. Rémillard: "La commission refuse ou cesse d'agir
lorsque..." Voici les commentaires, M. le Président. La disposition
établit les cas où la Commission refuse ou cesse d'agir,
c'est-à-dire lorsque la victime ou le plaignant en fait la demande et
lorsque la victime ou le plaignant exerce personnellement devant un tribunal un
recours qui vise à trancher le litige au mérite. Elle
établit également les cas où la Commission peut refuser ou
cesser d'agir, c'est-à-dire lorsque la plainte a été
déposée tardivement, lorsque la victime ou le plaignant n'a pas
un intérêt suffisant et lorsque la plainte est frivole ou lorsque
la victime ou le plaignant exerce personnellement, devant un tribunal, certains
recours visant une mesure d'urgence accessoire ou conservatoire. (12 h 30)
Le Président (M. Kehoe): Des commentaires, M. le
député de Taillon?
M. Filion: Oui.
M. Rémillard: M. le Président, est-ce qu'on va
jusqu'à 13 heures?
M. Filion: Comme je vous l'ai demandé un peu plus
tôt cette semaine...
M. Rémillard: Je voulais seulement le confirmer.
M. Filion: ...j'apprécierais qu'on puisse terminer
à midi trente et peut-être finir l'étude de l'article 77,
qui est quand même important.
M. Rémillard: D'accord.
M. Filion: C'est rare que les députés de
l'Opposition ont des obligations du type de celle qui m'envoie à
Montréal cet après-midi.
M. Rémillard: Je vous en rends hommage, d'ailleurs. Je
l'ai déjà eue quand j'étais professeur.
La Président (M. Kehoe): Pas pour la même
raison.
M. Rémillard: Pour des motifs valables.
M. Filion: Allons-y. Le premier paragraphe, c'est 'elle doit".
"La Commission doit refuser ou cesser d'agir lorsque la victime ou le plaignant
en fait la demande, sous réserve d'une vérification par la
Commission du caractère libre et volontaire de cette demande." Je ne
saurais trop insister sur l'importance de cette mention et le fait que notre
commission avait entendu des représentations d'intervenants qui ont
vécu des situations parfois troublantes dans leurs demandes. Il y a
toutes sortes d'influences et de pressions qui s'exercent. Le caractère
libre et volontaire, c'est très bien. Le deuxième paragraphe:
lorsque la victime s'est prévalue elle-même directement des
recours. Les articles 49 et 80 sont les recours de droit commun.
M. Pelletier: ...des droits aussi, mais dans ce cas-ci ce sera un
tribunal de droit commun.
M. Filion: Et le recours au Tribunal des droits aussi, cela va de
soi.
Elle peut refuser ou cesser d'agir lorsque la plainte est
déposée plus d'un an après le dernier fait pertinent qui y
est rapporté. C'est drôle. Est-ce qu'on va dire... On dit: fait
pertinent. On ne dit pas: dernière communication. C'est drôle un
petit peut
M. Rémillard: L'aspect important, M. le Président,
c'est la discrétion qu'on retrouve. Il y a deux cas. Les deux premiers
paragraphes se réfèrent à une obligation, alors que les
quatre autres paragraphes que nous avons, en fonction du deuxième
alinéa, font référence à une discrétion.
C'est quelque chose qui se retrouve dans la loi fédérale sur la
commission et qui m'apparaît intéressant. Ce sont quand même
des dispositions qui laissent une marge de manoeuvre à la commission en
particulier en ce qui regarde la plainte qui a été
déposée plus d'un an après le dernier fait pertinent qui y
est rapporté. Le critère de pertinence... Est-ce qu'on perd un
droit parce que treize mois se sont écoulés depuis un
événement majeur, mais des conséquences ont pu suivre...
Bref, il y a une appréciation qui peut être faite.
Deuxième critère. La victime ou le plaignant n'a pas un
Intérêt suffisant. Il faut donc aussi qualifier
l'Intérêt suffisant. Qu'est-ce qu'un intérêt
suffisant? Il y a déjà une Jurisprudence à la Commission.
On a aussi une jurisprudence avec nos tribunaux qui peut guider la Commission.
Mais il y a une discrétion importante.
La plainte est frivole, vexatoire ou faite de mauvaise fol. Là
encore, pour ces critères, il faut se référer à un
certain degré de discrétion. "La victime ou le plaignant a
exercé personnellement, pour les mêmes faits, un autre recours que
ceux prévus..." Là, il n'y a vraiment pas de discrétion,
en ce sens que c'est objectif, il s'agit de le constater et de voir, en
fonction des autres recours, si ce recours est incompatible avec le travail de
la Commission. À ce niveau, il peut toujours y avoir
discrétion.
M. Filion: Quelques questions. Quand on dit à 4° "la
victime ou le plaignant a exercé personnellement, pour les mêmes
faits, un autre recours que ceux prévus aux articles 49 et 80",
qu'est-ce que cela veut dire?
M. Pelletier: C'est un recours, par exemple, pour les mesures
d'urgence, qui est à l'article 81, ou un recours quant à des
représailles, qui est à l'article 82
M. Filion: D'accord. C'est que je craignais que...
Êtes-vous sûr que cela n'inclut pas, par exemple, un recours
à la Commission des normes du travail ou un recours à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, selon
les farts? De la façon dont c'est rédigé, il serait bon de
dire: Un autre recours en vertu de la présente loi. Et peut-être
même de les exprimer de façon spécifique parce que,
autrement, la façon dont le 4° est rédigé...
M. Rémillard: On pourrait peut-être, quitte à
consulter les légistes, dire: Un recours prévu par la
présente loi, autre que ceux prévus aux articles 49 et 80.
M. Filion: Oui, II faudrait être sûr que ce n'inclut
pas le recours à l'arbitrage.
M. Rémillard: II faut voir toutes les Implications, mais,
si c'est l'intention qui est derrière l'Intervention du
député de Taillon, je la partage et on peut essayer de mettre
plus de précision, c'est-à-dire il s'agirait de préciser
que ce sont des recours qui sont dans la loi.
M. Filion: II faudrait être sûr, dans la
rédaction, que ça n'inclut pas juste un simple recours à
l'arbitrage.
M. Pelletier: L'arbitrage est en vertu de l'article 80.
M. Filion: Oui, c'est ça. Excusez, pas l'arbitrage, la
médiation, supposons. Vous avez raison. C'est un recours, c'est
l'article 80.
M. Rémillard: II faut bien s'entendre, la médiation
n'est pas un recours.
M. Filion: Ce n'est pas un recours comme tel. Vous avez
raison.
M. Rémillard: C'est une fonction exercée par la
Commission lorsqu'une plainte est déposée.
M. Filion: En fait, on vise surtout l'article 82. Je pense que
c'est ça. C'est le cas de la
Commission qui va devant le tribunal. Quels sont les autres cas que vous
avez mentionnés?
M. Pelletier: Les articles 81 et 82. M.Filion:
C'est ça. La vie, la sécurité.
M. Rémillard: Derrière ce paragraphe, ce qu'il y a,
c'est la confiance qui doit exister de la part de la victime envers la
Commission. Si la victime n'a plus confiance dans le travail de la Commission
et qu'elle a pris action, qu'elle a pris un autre recours...
M. Filion: C'est clair, net et précis.
M. Rémillard: ...c'est clair qu'à ce
moment-là la Commission se désiste. Il y a cet
élément de confiance qui doit exister.
M. Filion: On se comprend bien sur le fond de l'article. C'est au
niveau de la rédaction; il faut être sûr parce qu'un autre
recours pourrait inclure un recours à une autre instance quasi
judiciaire, etc. Voulez-vous suspendre? Continuons la discussion quand
même parce que, lorsque viendra l'article, ça ira plus vite. Un
an. Pourquoi un an? Je donne souvent cet exemple parce que je le trouve
Incroyable: le cas de la femme qui est venue travailler ici sans papier
conforme de l'Immigration. Elle s'est fait exploiter par son employeur pendant
des années, physiquement et sexuellement. Évidemment, quand ses
papiers ont été en ordre, elle s'est retrouvée devant la
Commission. C'est juste le dernier fait pertinent. En deux mots, je trouve
qu'il y a des cas qui dépassent un an. Je trouve ça court un peu.
Il y a des gens qui peuvent prendre un an et demi pour se réveiller. Des
fois, ce sont les conseils; les gens vont rencontrer une personne qui va
écouter leur histoire et qui va leur dire: C'est épouvantable, ce
que tu as vécu, va à la Commission. Évidemment, il y a un
pouvoir discrétionnaire, c'est ce que le président
s'apprêtait à me dire. Mais pourquoi, quand même, limiter
à un an, même avec le pouvoir discrétionnaire?
M. Lachapelle: II y a des fois qu'il nous apparaît,
à la lecture du dossier - ce n'est pas nécessairement frivole et
vexatoire - qu'il y a vraiment une négligence de la part des personnes
à venir porter une plainte à la Commission. Le cas que vous
mentionnez, c'est évident qu'on ferait enquête. Dans d'autres cas,
on sent que les gens ont traîné, ça sent un peu la
vengeance après coup. Le cas n'est pas très clair. On n'a pas
à juger, évidemment, de la motivation des gens, ça n'a
rien à faire, parfois, on se dit: Si l'on avait eu un peu plus de
diligence pour porter plainte, il me semble que ça serait beaucoup plus
évident que les personnes ont véritablement voulu défendre
leurs droits.
Pourquoi un an? On pourrait bien mettre deux, trois ou cinq ans. J'ai eu
des cas de plus d'un an - deux, trois, quatre ans - de harcèlement
sexuel où on a enquêté pendant trente jours pour conclure
qu'il y avait peut-être du harcèlement sexuel, mais il n'y a pas
eu de poursuite parce que le recours était prescrit. Alors, un an peut
correspondre à une période de prescription. Quand les recours
sont prescrits et qu'on n'a plus de recours ensuite...
M. Filion: Vous avez raison, par analogie, c'est comme une
prescription. Mais c'est une très courte presciption.
M. Lachapelle: C'est pour nous permettre, justement dans les cas
où la prescription s'appliquerait, de dire: Écoutez, les faits
que vous nous présentez ne nous apparaissent pas très
sérieux et, d'autre part, c'est déjà prescrit. Si ce n'est
pas prescrit parce que c'est une prescription de deux ans, on regarde
l'ensemble des faits et on dit: Oui, il y a quand même là des
éléments et on enquêtera.
M. Filion: M. le ministre, vu qu'on parle quand même de
discrimination, de droits, d'ap-plication de la charte, je trouve ça
court un peu. Je serais porté, vu que l'article est suspendu, à
vous faire réfléchir; je mettrais deux ans. Disons qu'un an c'est
court, il y a des gens qui prennent... Les situations discriminatoires sont
parfois subtiles, les gens vivent dans une forme d'oppression et, des fois,
s'en sortir... Je serais porté à allonger ça un peu.
M. Rémillard: La Commission ne l'avait pas, avant, cette
disposition. C'est quelque chose de nouveau. Si la Commission peut vivre avec
deux ans, on favorise les droits des gens. Il faut rendre aussi les choses
administrativement possibles. Je vais simplement demander à M.
Lachapelle si deux ans, cela lui pose des embêtements majeurs.
M. Lachapelle: Évidemment, c'est très difficile
à évaluer, mais on peut vivre avec deux ans, c'est bien
sûr.
M. Filion: D'accord. Dernier point, à ce moment-là,
il resterait l'intérêt suffisant. C'est nouveau, ça, un
peu, parce que - vous me corrigerez - on a vu les mécanismes de la
plainte pour la victime...
M. Rémillard: À l'article 77, M. le
député, on mentionne bien "intérêt suffisant".
Présentement, il est déjà dans la loi.
M. Filion: Ah, il est déjà là? M.
Rémillard: Oui, oui.
M. Filion: D'accord. Le requérant n'a pas un
intérêt... Est-ce que ça s'applique, concrètement?
Oui? Donnez-moi un cas...
M. Lachapelle: Encore une fois, l'objectif, c'est de tenter de
régler le dossier. Le deuxième aspect, c'est: quand on ne
réussit pas à régler le différend entre les
parties, il faut poursuivre devant le tribunal. La première pierre
d'achoppement, on le sait, devant le tribunal, c'est l'intérêt. On
arrête rapidement, on dit: Écoutez, vous n'avez même pas
d'Intérêt dans ce dossier, comment voulez-vous qu'on poursuive?
C'est sûr que le recours à un tribunal, à ce moment, est
tout à fait illusoire.
M. Filion: Un exemple de personnes qui vont vous voir pour se
plaindre et qui n'ont pas d'intérêt?
M. Lachapelle: L'exemple de publicité. Est-ce que je
pourrais poursuivre pour M. Jean-Bart, pour prendre un exemple, dans le cas de
cette publicité dont je vous parlais tantôt? Il n'a pas
d'intérêt suffisant. La Cour d'appel l'a longuement dit, c'est
évident. Le recours collectif, disait M. le ministre, dans ce
cas-là, n'existe pas en droit québécois.
M. Filion: Je veux être sûr que lui ait un
intérêt suffisant, par exemple.
M. Lachapelle: Pour poursuivre? M. Filion: Oui.
M. Lachapelle: II ne pourrait pas poursuivre devant le tribunal
pour demander personnellement des dommages et intérêts à la
suite de la publication de cette annonce, à moins que ce soit sa photo
et qu'on ait écrit des choses sur la photo.
Une voix:...
M. Lachapelle: En vertu du droit, bien sûr.
M. Filion: Dans le fond, ce que ça ouvre comme discussion,
c'est un peu ce que le ministre évoquait tantôt. C'est la notion
de recours collectif qui existerait, vous me corrigerez si je me trompe. Est-ce
que, par exemple, M. Jean-Bart, pour continuer l'exemple de la
publicité, le même exemple que tantôt, pourrait exercer un
recours collectif devant les tribunaux de droit commun? Il me semble que
oui.
M. Rémillard: Dans ce cas, j'en douterais.
M. Filion: Dans ce cas, vous en douteriez? Comme
minorité...
M. Lachapelle: Pour exercer un recours collectif, il faut de
l'intérêt aussi.
M. Rémillard: J'en douterais fortement, en fonction
actuellement de notre jurisprudence.
M. Filion: Ça veut dire que ce qui s'adresse à tout
le monde en même temps, l'Intérêt suffisant est loin
d'être évident.
M. Rémillard: À ce moment-là, ça pose
des difficultés au point de vue de l'intérêt.
M. Filion: Ça pose des difficultés au point de vue
de l'intérêt. Ça nous amène dans une
réflexion que d'autres poursuivront un peu plus tard, comme
l'évoquait le ministre tantôt, au sujet des droits collectifs.
Le Président (M. Kehoe): Je comprends que l'étude
de l'article 77 est suspendue; II y aura des amendements, M. le ministre?
M. Rémillard: II y aura un amendement, je pense qu'on peut
dire dans ce cas-ci...
M. Filion: Un ou deux...
M. Rémillard: II y aura deux ans.
Le Président (M. Kehoe): L'article 77 est suspendu?
M. Rémillard: Suspendu, oui, il y aura amendement.
Le Président (M. Kehoe): Est-ce que les travaux de la
commission sont ajournés sine die?
M. Filion: Jusqu'à lundi, je pense.
Le Président (M. Kehoe): Lundi, mais pour le moment il n'y
a pas d'ordre de la Chambre encore.
M. Filion: C'est Important, ça, parce que la
période de questions est à 14 heures lundi, donc on se retrouve
directement ici à 10 heures.
Le Président (M. Kehoe): À 10 heures.
(Fin de la séance à 12 h 45)