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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le vendredi 16 juin 1989 - Vol. 30 N° 69

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 140 - Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne concernant la Commission et instituant le Tribunal des droits de la personne


Journal des débats

 

(Onze heures cinquante-cinq minutes)

Le Président (M. Kehoe): À l'ordre, s'il vous plaît !

La commission des institutions reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de la commission, soit d'étudier le projet de loi 140, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne concernant la Commission et instituant le Tribunal des droits de la personne.

Je comprends, Mme la secrétaire, qu'il n'y a pas de remplacement.

La Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.

Plaintes (suite)

Le Président (M. Kehoe): Lorsque nous avons ajourné nos travaux hier, nous en étions à l'article 4, sous-article 74.

M. Filion: En plein ça, M. le Président. Et on avait discuté...

Le Président (M. Kehoe): Bon! On a commencé les discussions...

M. Filion: C'est ça, on était toujours dans les discussions quand l'heure tardive nous a arrêtés, M. le Président. Finalement, je pense qu'on peut être plus précis dans nos propos. Je vais donner des exemples. Ce qui est en cause, actuellement, c'est ceci: Qui peut porter plainte à la Commission et de quelle façon? C'est surtout: De quelle façon? "Peut porter plainte à la Commission toute personne qui se croit victime... Peuvent se regrouper... La plainte peut être portée, pour le compte de la victime ou d'un groupe de victimes, par un organisme voué à la défense des droits..." Mais comment doit-on porter plainte pour qu'une enquête soit déclenchée par la Commission, non pas de sa propre initiative, mais à partir d'une plainte? Il y a une distinction importante entre les deux. Une enquête de la propre initiative de la Commission ne peut jamais, par définition, se retrouver devant le Tribunal parce qu'il n'y a pas de plaignant.

M. Rémillard: Vous me permettez? M. Filion: Ah, c'est important !

M. Rémillard: Je pense que oui, mais je vais demander à M. Lachapelle.

M. Lachapelle (Jacques): Bien oui, effectivement, en cours de route, il faudra qu'il y ait des victimes. Je comprends que même s'il n'y a pas de plainte écrite, à partir du moment où la

Commission fait enquête de sa propre initiative, elle va recueillir des faits, mais dès qu'elle aura ces faits et des victimes - parce que, bien sûr, on ne peut pas à tout hasard...

M. Filion: Oui, c'est ça.

M. Lachapelle: ...aller porter une action devant le Tribunal si on ne réclame des dommages et intérêts pour personne, cela ne va pas, alors il faudra avoir des victimes.

M. Filion: Bon! Il y a quand même une distinction, malgré ce qu'on me dit parce qu'on me souligne, avec justesse, que l'accès à la Commission, avec les amendements qu'on étudiera, pourra être permis à un plaignant dont on refuse de prendre fait et cause. Mais lorsqu'il n'y a pas de plaignant comme tel, évidemment, on ne peut pas refuser, si c'est une enquête de la propre initiative de la Commission et s'il n'y a pas de plainte... Alors, on voit les conséquences au Tribunal.

Cela étant dit...

M. Rémillard: Excusez-moi.

M. Filion: Oui.

M. Rémillard: Pouvez-vous recommencer ça?

M. Filion: Regardez, s'il y a un plaignant, une plainte écrite, signée, identifiée, à ce moment-là, la Commission fait enquête sur la base de cette plainte qui est écrite, dans laquelle il y a des victimes identifiées.

Si c'est une enquête de la propre initiative de la Commission et que la Commission agit pour chercher des faits et qu'elle décide que non, elle ne va pas plus loin, à ce moment-là, il n'y a pas de plainte écrite au départ, ni en cours de route, donc il ne peut pas y avoir accès au Tribunal, par définition. Vous saisissez? Donc, il y a une petite nuance.

M. Lachapelle: On pourrait penser à l'hypothèse que des personnes, voyant l'enquête de la Commission en cours de route, se disent: Oui, maintenant, je vais aller porter une plainte formelle...

M. Filion: Oui.

M. Lachapelle: ...vu l'enquête de la Commission. Là, on revient dans le processus de l'article 74. Si la Commission refuse, il pourrait toujours aller devant le Tribunal.

M. Filion: D'accord. Alors, cette nuance étant faite, quel est le problème? C'est: Comment la plainte procède? C'est par écrit et elle doit

être - ce n'est pas dit comme tel - faite par des personnes bien identifiées, qui portent des noms.

Le problème... Je vais vous donner un exemple. Dans les cas de discrimination dans l'emploi, sur la catégorie d'emploi, supposons que l'employeur crée des catégories d'emploi; à l'intérieur de ces catégories d'emploi, la discrimination peut être subtile, on peut prendre une catégorie d'emploi où il y a, disons, 90 % de femmes et 10 % d'hommes et une autre catégorie d'emploi où il y a 90 % d'hommes et 10 % de femmes et décider que ces deux catégories d'emploi ne sont pas équivalentes sur le plan salarial. C'est subtil. Mais est-ce qu'on peut parler à ce moment-là de victimes? C'est l'ensemble de l'opération des catégorisations d'emploi qui crée une situation discriminatoire. À l'intérieur du même corps d'emploi, on ne peut pas dire que les femmes sont discriminées avec les hommes. C'est ta même chose partout, mais la discrimination vient d'une opération qui est la catégorisation d'emploi.

M. Rémillard: Est-ce qu'on peut demander à M. Lachapelle s'il a déjà fait face à une situation semblable?

M. Lachapelle: C'est le cas classique de discrimination à l'article 19. Ce sont des catégorisations d'emploi. Évidemment, le cas est plus subtil que ce qu'on a déjà vu. Ce sont souvent des catégories d'emploi sexuées; il y en a de moins en moins. Actuellement, les corps d'emploi sont mixtes et on peut constater que, dans un corps d'emploi à prépondérance féminine, les salaires sont effectivement plus bas, comme le prétendent certains syndicats actuellement. Il y a des victimes identifiées. Un certain nombre de personnes, de femmes, dans un corps d'emploi peuvent s'identifier de façon claire et précise.

M. Filion: Donc, pour l'application de l'article 19, la rédaction à l'article 74 ne pose pas de problème, mais elle permet, à votre avis, de considérer comme étant victime n'importe laquelle des personnes que je viens de mentionner qui se retrouveraient dans l'une ou l'autre des catégories d'emploi.

M. Pelletier (Gaston): Sinon, il n'y aurait pas de discrimination.

M. Filion: Pardon?

M. Pelletier: Sinon, il n'y aurait pas de discrimination.

M. Filion: Oui, oui, c'est ça. Mais ce n'est pas toujours aisé. Ce n'est pas une victime comme telle. Ce n'est pas à l'intérieur d'une même catégorie d'emploi. C'est par rapport à une autre catégorie d'emploi.

M. Lachapelle: Elle est victime dans le sens qu'elle a un dommage, c'est-à-dire qu'elle n'a pas un salaire équivalent à celui qu'on donnerait à un homme dans la même situation.

M. Filion: Qu'en est-il des formulaires d'emploi? Supposons qu'un employeur, dans son formulaire d'emploi - d'ailleurs, je pense que vous avez étudié un peu cet aspect à la commission - adopte, par ses questions, des critères qui sont discriminatoires, mais que personne ne vient s'en plaindre comme tel, mais le formulaire est discriminatoire. Est-ce que, à ce moment-là, la Commission considère que l'article 74 lui permet, vu qu'il n'y aurait pas de signature ni de victime identifiée, d'agir de sa propre Initiative, mais de ne pas aller plus loin? Est-ce qu'à ce moment-là la Commission accepterait, par exemple, la signature d'un organisme?

M. Lachapelle: Non, on en reçoit tous les jours des formulaires de cet ordre de la part de gens qui se plaignent qu'on leur a demandé leur état civil, leur âge, etc. On intervient auprès de l'entreprise et on lui signale que le formulaire n'est pas conforme à la charte. Dans 99,999 % des cas, les gens corrigent le formulaire, bien sûr. Là, ils ne peuvent pas se faire poursuivre.

M. Filion: Supposons qu'un organisme, un syndicat ou n'importe quel autre organisme représentatif veut se plaindre, au nom de l'organisme, parce que les victimes comme telles ne sont pas connues, est-ce que l'organisme peut signer le document et être considéré comme un plaignant? On parle de consentement écrit dans le texte. "Le consentement écrit de la victime ou des victimes est nécessaire". Ce sont un peu toujours les mêmes mots.

M. Lachapelle: L'exemple que vous donnez est trop facile dans le sens que les gens corrigent, alors on ne s'est jamais véritablement posé la question sur les formulaires comme tels. Très souvent, oui, des syndicats nous soulignent parfois ces formulaires; d'autres fois, ce sont même des Individus qui ne veulent pas répondre à ce genre de questions. Mais continuons l'hypothèse dans ce cas-là.

M. Filion: Est-ce qu'un organisme pourrait signer la plainte?

M. Rémillard: Je me permets de souligner ceci. Il faut aussi protéger les gens contre des poursuites qu'ils ne voudraient pas intenter.

M. Filion: Oui, oui, je suis très sensible à ça.

M. Rémillard: Cet aspect est là. Lorsqu'on dit que le consentement écrit de la victime ou des victimes est nécessaire, ce qu'on veut dire, c'est qu'on ne voudrait pas qu'un organisme

quelconque prenne le flambeau, à un moment donné, d'une bataille pour des droits et des libertés, alors que les victimes ne veulent pas qu'il y en ait, parce qu'elles ne se croient pas victimes elles-mêmes, ou pour d'autres motifs. En fait, c'est un des droits les plus fondamentaux de décider soi-même de son sort en ce qui regarde le respect de ses propres droits, de ses propres libertés. Il y a cet aspect. Il y a la difficulté que vous soulevez, oui, mais je voudrais quand même aussi qu'on tienne compte de l'aspect qu'on ne peut pas poursuivre au nom de quelqu'un si cette personne n'est pas consentante. On s'entend là-dessus, au départ.

M. Filion: Je suis tout à fait d'accord avec vous. D'ailleurs, la commission, à l'époque, quand je dis la commission, c'est la commission des institutions, était très sensible à cet aspect. Il ne s'agit pas de poursuivre si les victimes ne veulent pas. Mais ce que M. le ministre suggérait à la recommandation 39 de la commission des institutions, c'est, dans les cas où il n'était pas possible d'identifier les victimes, de permettre à un organisme d'oeuvrer. Cela pourrait s'appliquer dans deux cas qui me viennent à l'esprit. Dans les cas de publicité discriminatoire en général... Ça tombe bien, ce matin, on voit dans les journaux que le Conseil du statut de la femme vient d'octroyer ses prix Méritas et Déméritas, le prix Déméritas allant aux Cours Mont-Royal, etc. On voit que c'étaient des annonces qualifiées de sexistes par le Conseil du statut de la femme. Je ne les ai pas vues. Je ne veux pas me prononcer. On n'a pas beaucoup de temps pour regarder la télévision de ce temps-ci. Mais, voilà un cas de publicité discriminatoire, dans le sens générai. Ce n'est pas possible de dire: C'est vous, madame, qui subissez un préjudice, etc. À ce moment, un organisme pourrait faire le travail dans le cas de publicité discriminatoire, également dans les cas de formulaires d'emploi ou dans les cas où ce n'est pas possible d'identifier les victimes, d'où l'utilité de la recommandation 39 de la commission des institutions. Mais peut-être qu'il y a des problèmes à ce que cette recommandation se transforme en loi et fasse en sorte, par exemple, qu'on écrive un paragraphe qui dise: Dans tous les cas où un acte discriminatoire peut avoir lieu sans qu'il ne soit possible d'en identifier la victime, alors un organisme peut porter une plainte.

Bon, ça pose le problème de ce qui va arriver, si la plainte est reçue, quelle sorte de redressement cela va poser. On tombe dans un problème de recours collectif ou je ne sais pas trop. En tout cas, avez-vous réfléchi un peu à cette possibilité?

M. Lachapelle: J'ai le cas tout à fait identique de SOS Racisme qui s'adresse à nous, nous dénonçant une publicité qui était dans La Presse, il y a quelques mois, où on avait une photographie du métro de New York où on ne voyait sur cette photographie que des gens des minorités visibles. On disait: La violence dans le métro à Montréal. Cela laissait entendre que la violence dans le métro était le fait des...

M. Filion: Minorités.

M. Lachapelle: ...minorités visibles. Il n'y a pas de victime identifiée. On ne reconnaît personne sur cette photo. Ce sont des gens du métro de New York. Pourtant, cette annonce a un aspect discriminatoire et est raciste.

M. Pelletier: Ceux qui en sont victimes, c'est ceux qui sont allés voir M. Lachapelle avec le journal.

M. Lachapelle: C'est SOS Racisme. M. Jean-Bart et autres. Qu'est-ce qu'on fait dans ce cas? Moi, je dénonce à La Presse cette publicité. Je demande à La Presse de corriger. On s'adresse au Conseil de presse pour dire: Apportez un blâme à La Presse pour une telle publicité, etc.

M. Rémillard: Maintenant, il y a peut-être un autre aspect aussi que j'aimerais souligner. Nous n'en sommes pas à l'étape de confirmer les droits collectifs. Notre charte est une charte de droits individuels, de droits et libertés de la personne. Cela peut être malheureux, d'une certaine façon. Probablement qu'à un moment donné, avec l'évolution des choses, on en arrivera à des droits collectifs. Déjà, aux Nations unies, il y a des pactes en matière politique, économique et sociale qui impliquent des aspects de droits collectifs intéressants. Mais, nous, nous n'avons pas dans nos documents, nos chartes, tant au niveau fédéral que provincial, ce qu'on peut vraiment appeler des droits collectifs, des droits qu'on réclame au nom d'une collectivité.

Je fais une distinction en parlant des droits collectifs. Ce sont des droits qu'on réclame au nom d'une collectivité et non pas des droits qu'on réclame parce qu'on appartient à une collectivité. L'article 23, par exemple, de la charte canadienne, qui donne le droit à l'instruction dans la langue de la minorité, est un droit qui est accordé parce qu'on fait partie d'un groupe. Alors, ce ne sont pas des droits collectifs. C'est un droit qui est individuel, exercé individuellement parce qu'on a une appartenance à un groupe. Alors que le droit collectif, c'est un peu la discussion que nous avons actuellement, c'est-à-dire un groupe de personnes ou un organisme qui poursuit au nom d'une collectivité, d'un groupe. Et c'est un principe qui n'est pas reconnu dans notre charte.

M. Filion: Je suis d'accord avec le ministre. Et, d'ailleurs, je pense que ma suggestion ne va pas dans le sens d'ouvrir des droits collectifs. Ma suggestion va plus dans le sens des cas où il n'est pas possible d'identifier des victimes précises. Me Pelletier me soulignait: Dans le cas,

par exemple, de l'annonce dans le métro de New York, c'est M. Bart. Est-ce que ça veut dire que M. Bart est une victime? Si M. Bart, parce qu'il est président d'un groupe... Je ne sais pas. Je trouve ça un peu ténu comme...

M. Pelletier: C'est parce que c'est lui qui y est allé. Donc, il a sorti quelque chose. Il a été victime dans ses sentiments...

Une voix: Au nom de tous les Noirs de la communauté.

M. Pelletier: ...et le redressement, c'est que La Presse fasse une excuse ou fasse une photo différente. Voyez-vous? Compte tenu de l'ensemble du reste du projet de loi que nous verrons...

M. Filion: Oui.

M. Pelletier: ...il y a un redressement qui est attribué à quelqu'un.

Le Président (M. Kehoe): L'article 74 est-Il adopté?

M. Filion: C'est votre suggestion, M. le Président?

Le Président (M. Kehoe): Je vous pose la question.

M. Filion: Est-ce que c'est votre suggestion? Je trouve que c'est une bonne idée.

Le Président (M. Kehoe): Libre à vous de décider.

M. Filion: Je trouve que c'est une bonne idée. Je pense qu'on a fait le tour.

Le Président (M. Kehoe): Adopté. J'appelle l'article 75.

M. Rémillard: Article 75. M. le Président, la disposition reprend l'actuel article 78 en précisant que le dépôt d'une plainte du ressort de la Commission auprès du Protecteur du citoyen a le même effet, notamment, quant à la règle de suspension de la prescription prévue à l'article 76.

Le Président (M. Kehoe): M. le député de Taillon.

M. Filion: II n'y a pas d'amendement à cet article-là? Il y avait deux choses dans ce que le Protecteur du citoyen a signalé dans sa communication du 2 juin. Il n'est pas sûr si c'est utile de le mettre ou pas. Manifestement, vous avez jugé utile de le mettre et j'aimerais savoir pourquoi. Et, deuxièmement, il dit: Si vous décidiez de maintenir une telle disposition, il faudrait ajouter "à moins que la personne ou le groupe qui l'a déposée ne s'y oppose".

M. Rémillard: Vous voulez que je vous dise pourquoi on l'a mis?

M. Filion: Pourquoi vous l'avez mis et pourquoi vous ne retenez pas sa suggestion d'amendement.

M. Rémillard: D'accord. Tout d'abord, il faut bien comprendre que le Protecteur du citoyen et la Commission ont des rôles un peu proches. Le Protecteur du citoyen est là pour recevoir des plaintes des citoyens en ce qui regarde leurs relations avec l'administration publique et parapublique dans certains cas pour faire en sorte que leurs droits soient respectés. Il a un pouvoir d'autorité morale et il peut faire enquête. On connaît ses pouvoirs. Ça peut être des cas de discrimination. (12 h 15)

La Commission a son rôle de conseiller aussi, tout ce rôle qu'on vient de voir, pour pouvoir enquêter. Et ce qui nous apparaît important, c'est que la plainte de discrimination qui est reçue par le Protecteur du citoyen soit transmise à la Commission pour qu'on respecte les responsabilités de chacun des organismes. Et ce que nous voulons aussi, c'est qu'à la date de son dépôt auprès du Protecteur du citoyen cette plainte vienne déterminer le temps, l'arrêt de la prescription. Ce sont deux points qui nous apparaissent importants pour le respect des juridictions des deux organismes et le respect des droits des individus dans les domaines qui peuvent être à un moment donné très près l'un et l'autre. Pour ma part, lorsqu'il y a un cas de discrimination, je crois nécessaire que le Protecteur du citoyen en fasse la communication à la Commission; la Commission enquête et la Commission a accès aux tribunaux. Le Protecteur du citoyen n'a pas accès au tribunal.

Cela ne veut pas dire que le Protecteur du citoyen doive s'abstenir de toute action dans ce domaine. Ce que je veux dire, c'est que nous avons un organisme et, en plus, nous allons avoir un système d'arbitrage et un Tribunal. C'est donc dire que le rôle de la Commission va être très Important, d'où, pour nous, cet article 75 et l'Importance de cet article.

M. Filion: Oui. Et le deuxième volet de ma question?

M. Rémillard: Qui était? Excusez-moi.

M. Filion: Le Protecteur du citoyen suggère d'amender l'article 75 pour y mentionner, "à moins que la personne ou le groupe qui l'a déposée ne s'y oppose "

M. Rémillard: Écoutez, ça signifierait que le protecteur fasse des enquêtes de discrimination.

J'aimerais avoir la règle selon laquelle, lorsque la plainte arrive chez le protecteur, celui-ci la communique à la Commission et la Commission enquête. On a un organisme qui est là, qui est un organisme qui va être spécialisé dans l'enquête, qui est une porte vers un système d'arbitrage, vers un Tribunal. Il me semble que c'est dans ce contexte que doivent être traités une preuve de discrimination et l'élément de discrimination.

Cela n'enlève pas une juridiction au Protecteur du citoyen en ce qui regarde une plainte qui pourra lui être faite de discrimination dans l'emploi. Il peut servir de médiateur parce que c'est véritablement un médiateur. Le Protecteur du citoyen est un médiateur et même un conciliateur. C'est ça, son devoir. Son devoir, c'est de pouvoir régler les problèmes et de suggérer à un ministère ou à un organisme de régler le problème quand il trouve que c'est fondé. Si ce n'est pas réglé, il peut même venir ici à l'Assemblée nationale et dénoncer un ministère, dénoncer un organisme administratif pour dire: Vous ne respectez pas la charte, vous ne respectez pas les droits des citoyens. C'est un conciliateur, c'est un médiateur, alors que ce que nous avons avec la Commission, ce sont des enquêteurs qui sont la porte ouverte sur un système judiciaire pour faire respecter des droits. Dans ce contexte, on veut faire respecter les juridictions de l'un et de l'autre.

M. Filion: Je vais mettre ça pratiquement pour qu'on puisse se comprendre au-delà des généralités. Un Individu s'adresse au Protecteur du citoyen en toute confiance et lui expose son cas qui relève de la compétence de la Commission des droits. Ce que dit l'article 75 que nous nous apprêtons à adopter, c'est que le Protecteur du citoyen doit transmettre à la Commission la plainte du citoyen. Or, ce que je soumets comme cas, c'est le cas où le citoyen s'y oppose. On vient juste de voir dans l'article précédent que le consentement de la victime était important. Le cas que nous soulève le Protecteur du citoyen dans sa lettre du 2 juin 1989, ma foi! n'est pas dénué de fondement, il disait: "à moins que la personne ou le groupe qui l'a déposée ne s'y oppose." La victime ne veut pas. Ce qu'on disait il y a cinq minutes est encore bon maintenant.

M. Rémillard: Oui. C'est parfaitement juste. M. Filion: N'est-ce pas? Il me semble. M. Rémillard: Oui.

M. Filion: À moins qu'il n'y ait une raison quelque part qui... Parce que, autrement, je vais vous dire, il y a l'aspect confiance. C'est en toute confiance qu'on fait appel au Protecteur du citoyen.

M. Rémillard: M. le Président, est-ce à dire que le député de Taillon suggérerait qu'on dise qu'une plainte reçue par le Protecteur du citoyen et relevant de la compétence d'enquête de la Commission lui est transmise à moins qu'il n'y ait opposition du plaignant?

M. Filion: Voilà! Quelque chose comme ça. M. Rémillard: Oui? M. Filion: Oui.

M. Lachapelle: C'est ce que M. Jacoby suggère.

M. Filion: Oui, c'est ce que M. Jacoby suggère.

M. Rémillard: À ce sujet-là, je pense que c'est tout justifié.

M. Filion: C'est cela que je mentionnais au début. M. Jacoby avait deux suggestions, l'une, ce n'était pas nécessaire de la mettre, mais vous avez jugé nécessaire de la mettre pour donner de l'emphase.

M. Rémillard: Je pense que M. Morgan a... M. Filion: ...l'amendement.

M. Rémillard: ...un point important. Je pense que cela vaudrait la peine qu'il nous le mentionne, si vous voulez.

Le Président (M. Kehoe): Pouvez-vous vous identifier, M. Morgan, pour le Journal des débats

M. Morgan (Lawrence): Lawrence Morgan. Le dépôt de la plainte chez le protecteur a pour effet de suspendre la prescription d'un recours civil. Cela affecte le tiers qui peut être visé par un tel recours. Si, évidemment, les mécanismes de la Commission ne sont pas mis en marche, visant éventuellement le mécanisme de règlement, le mécanisme d'arbitrage ou l'accès au Tribunal, le tiers pourra en subir un préjudice. Donc, la plainte, parce qu'il y a opposition du plaignant à ce qu'elle aille à la Commission des droits et qu'elle doit demeurer chez le Protecteur du citoyen, si, dans ce cas-là, on acceptait une telle modification, il serait sans doute opportun qu'on suspende et qu'on annule l'effet de la suspension de prescription pour ne pas poser de préjudice au tiers.

M. Filion: Donnez-moi donc un cas concret où le tiers pourrait subir un préjudice?

M. Morgan: Actuellement, le dépôt d'une plainte qui va chez le Protecteur du citoyen, mais qui est de la compétence d'enquête de la Commission...

M. Filion: Oui.

M. Morgan: On s'entend bien là-dessus? a pour effet de suspendre...

M. Filion: Oui.

M. Morgan: ...la prescription d'un recours civil que le plaignant pourrait avoir contre le mis en cause.

M. Filion: Ouf.

M. Morgan: Si, évidemment, cette plainte est traitée par le Protecteur du citoyen, elle ne pourra pas aboutir éventuellement à l'arbitrage ou au Tribunal parce qu'on n'aura pas fait jouer les mécanismes d'enquête prévus dans la charte, et on va rester avec la suspension de prescription indéfiniment.

M. Filion: Donc, if faudrait faire une concordance.

M. Morgan: Voilà.

M. Filion: II faudrait faire une concordance à ce moment-là. Sinon... En deux mots, ce que vous dites, c'est que si la prescription était interrompue...

M. Morgan: Voilà.

M. Filion: ...sine die...

M. Morgan: ...c'est l'effet secondaire qui...

M. Filion: ...c'est-à-dire indéfiniment. Oui, il faudrait voir... C'est pour cela que je suggère qu'on suspende si on s'entend sur le principe et de voir la portée de l'amendement pour être sûr que cela vise les cas qu'on veut viser et non pas plus que cela et non pas moins, mais...

M. Rémillard: M. Pelletier aimerait vous poser une question pour saisir...

M. Filion: Oui.

M. Pelletier: Est-ce que je comprends bien que quelqu'un qui - d'après ce que le protecteur suggère - ne veut pas aller à la Commission, donc veut que ce soit le protecteur qui fasse l'enquête, accepte de ne pas avoir tout le bénéfice du projet de loi qu'on est en train de faire?

M. Filion: C'est bien évident. M. Pelletier: D'accord.

M. Filion: Si le gars ne veut pas que sa plainte soit traitée par la Commission, c'est parce qu'il ne veut pas que tous les mécanismes mis en place et dont la Commission dispose soient utilisés. C'est bien évident...

M. Rémillard: Bien oui.

M. Filion: ...qu'il doit s'y opposer. C'est la même chose que ce qu'on vient de voir à l'article précédent. Si la victime ne veut pas, elle ne veut pas.

Le Président (M. Kehoe): Si je comprends bien, on va suspendre l'étude de l'article 75 et il y aura un amendement. M. le député de Taillon. M. le ministre, on va suspendre l'étude de l'article 75 parce qu'il va y avoir un amendement

M. Rémillard: Oui, suspendons. S'il y a un amendement... Disons que nous reviendrons avec le résultat d'une cogitation.

Le Président (M. Kehoe): D'accord.

M. Filion: C'est cela. Vous suspendez avec le problème et s'il y a des raisons qui font que... Mais cela m'apparaît quand même important. Notamment, pensez à la relation de confiance qui doit exister entre le citoyen et le Protecteur du citoyen. Si le Protecteur du citoyen utilise un canal de transmission qui met en branle un processus auquel le citoyen ne veut pas consentir, là...

M. Rémillard: L'argument est majeur. M. Filion: Oui.

M. Rémillard: On ne peut pas... M. Filion: On ne peut agir .

M. Rémillard: ...poursuivre si les gens ne veulent pas...

M. Filion: C'est cela. C'est ce qu'on dit depuis tantôt.

M. Rémillard: C'est évident. M. Filion: C'est donc suspendu.

Le Président (M. Kehoe): L'article 75 est suspendu. J'appelle l'article 76.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il s'agit d'une modification. C'est la modification de l'actuel article 70.1 et cela vise à établir la durée de l'interruption de la prescription de tout recours civil, c'est-à-dire généralement du dépôt de la plainte auprès de la Commission jusqu'à l'avènement de l'une ou l'autre des éventualités énumérées.

M. Filion: La loi actuelle - vous me cor-

rigerez - à l'article 70.1, dit: "Une demande d'enquête, à compter du moment où elle est adressée à la Commission, suspend la prescription de tout recours civil visant le même objet pour une durée d'une année..." Il y avait comme une espèce de délai maximal à la suspension.

M. Rémillard: II existe une disposition comme celle-ci dans la loi sur la commission canadienne.

M. Filion: Oui. Ici, l'idée, c'est de faire disparaître le délai maximal de la suspension. Pour faire quoi? Pour faire en sorte que tout se passe dans un délai raisonnable.

M. Rémillard: C'est ça. Au lieu d'être un an, ici, c'est en fonction des événements qui sont énumérés dans les quatre paragraphes: la date d'un règlement entre les parties; la date à laquelle la victime et le plaignant ont reçu notification que la Commission soumet le litige à un tribunal; la date à laquelle la victime ou le plaignant a personnellement introduit l'un des recours prévus aux articles 49 et 80 et, finalement, la date à laquelle la victime et le plaignant ont reçu notification que la Commission refuse ou cesse d'agir.

M. Filion: Très bien. Est-ce qu'il y avait un problème à ce que "un an" soit quand même Inscrit là?

M. Lachapelle: Ce qui arrive, c'est que, très souvent, les négociations de règlement sont longues; deuxièmement, il y a souvent des parties qui nous disent: Écoutez, je suis devant une autre instance, devant la Commission des normes du travail, etc., pourriez-vous suspendre mon dossier? Tout à coup, ils reviennent de la Commission des normes du travail, les délais sont passés...

M. Filion: Oui.

M. Lachapelle: ...l'année est passée. Et là on a un problème parce que devant les autres instances, des fois, c'est long.

M. Filion: Cela va.

Le Président (M. Kehoe): L'article 76 est adopté. J'appelle l'article 77.

M. Filion: Juste une petite seconde, M. le Président, ce ne sera pas long.

Ce qui a été évoqué par le Barreau, c'est qu'il s'inquiétait du fait qu'en enlevant "un an", en faisant disparaître le délai maximal d'un an, la Commission se retrouvait dans la position, n'ayant plus de délai maximal, qu'elle pouvait prendre des habitudes de lenteur. Là-dessus, on nous signale à juste titre que, finalement, il y a le rôle de contrôle et de surveillance des tribu- naux et qu'il y a des termes de fixés, en vertu du deuxième paragraphe de l'article 99, sur la durée des enquêtes qui viennent un peu répondre à ce risque que la Commission prenne un délai énorme pour traiter les dossiers.

Je pense bien que ce n'est pas le but de l'amendement, c'est plutôt de favoriser carrément la victime dans les cas où, comme l'a expliqué le président, elle attendrait le dénouement d'autres sortes d'interventions, d'autres sortes de procédures. C'est bien ça? Cela va.

Le Président (M. Kehoe): Adopté? M. Filion: Adopté.

Le Président (M. Kehoe): J'appelle l'article 77.

M. Rémillard: "La commission refuse ou cesse d'agir lorsque..." Voici les commentaires, M. le Président. La disposition établit les cas où la Commission refuse ou cesse d'agir, c'est-à-dire lorsque la victime ou le plaignant en fait la demande et lorsque la victime ou le plaignant exerce personnellement devant un tribunal un recours qui vise à trancher le litige au mérite. Elle établit également les cas où la Commission peut refuser ou cesser d'agir, c'est-à-dire lorsque la plainte a été déposée tardivement, lorsque la victime ou le plaignant n'a pas un intérêt suffisant et lorsque la plainte est frivole ou lorsque la victime ou le plaignant exerce personnellement, devant un tribunal, certains recours visant une mesure d'urgence accessoire ou conservatoire. (12 h 30)

Le Président (M. Kehoe): Des commentaires, M. le député de Taillon?

M. Filion: Oui.

M. Rémillard: M. le Président, est-ce qu'on va jusqu'à 13 heures?

M. Filion: Comme je vous l'ai demandé un peu plus tôt cette semaine...

M. Rémillard: Je voulais seulement le confirmer.

M. Filion: ...j'apprécierais qu'on puisse terminer à midi trente et peut-être finir l'étude de l'article 77, qui est quand même important.

M. Rémillard: D'accord.

M. Filion: C'est rare que les députés de l'Opposition ont des obligations du type de celle qui m'envoie à Montréal cet après-midi.

M. Rémillard: Je vous en rends hommage, d'ailleurs. Je l'ai déjà eue quand j'étais professeur.

La Président (M. Kehoe): Pas pour la même raison.

M. Rémillard: Pour des motifs valables.

M. Filion: Allons-y. Le premier paragraphe, c'est 'elle doit". "La Commission doit refuser ou cesser d'agir lorsque la victime ou le plaignant en fait la demande, sous réserve d'une vérification par la Commission du caractère libre et volontaire de cette demande." Je ne saurais trop insister sur l'importance de cette mention et le fait que notre commission avait entendu des représentations d'intervenants qui ont vécu des situations parfois troublantes dans leurs demandes. Il y a toutes sortes d'influences et de pressions qui s'exercent. Le caractère libre et volontaire, c'est très bien. Le deuxième paragraphe: lorsque la victime s'est prévalue elle-même directement des recours. Les articles 49 et 80 sont les recours de droit commun.

M. Pelletier: ...des droits aussi, mais dans ce cas-ci ce sera un tribunal de droit commun.

M. Filion: Et le recours au Tribunal des droits aussi, cela va de soi.

Elle peut refuser ou cesser d'agir lorsque la plainte est déposée plus d'un an après le dernier fait pertinent qui y est rapporté. C'est drôle. Est-ce qu'on va dire... On dit: fait pertinent. On ne dit pas: dernière communication. C'est drôle un petit peut

M. Rémillard: L'aspect important, M. le Président, c'est la discrétion qu'on retrouve. Il y a deux cas. Les deux premiers paragraphes se réfèrent à une obligation, alors que les quatre autres paragraphes que nous avons, en fonction du deuxième alinéa, font référence à une discrétion. C'est quelque chose qui se retrouve dans la loi fédérale sur la commission et qui m'apparaît intéressant. Ce sont quand même des dispositions qui laissent une marge de manoeuvre à la commission en particulier en ce qui regarde la plainte qui a été déposée plus d'un an après le dernier fait pertinent qui y est rapporté. Le critère de pertinence... Est-ce qu'on perd un droit parce que treize mois se sont écoulés depuis un événement majeur, mais des conséquences ont pu suivre... Bref, il y a une appréciation qui peut être faite.

Deuxième critère. La victime ou le plaignant n'a pas un Intérêt suffisant. Il faut donc aussi qualifier l'Intérêt suffisant. Qu'est-ce qu'un intérêt suffisant? Il y a déjà une Jurisprudence à la Commission. On a aussi une jurisprudence avec nos tribunaux qui peut guider la Commission. Mais il y a une discrétion importante.

La plainte est frivole, vexatoire ou faite de mauvaise fol. Là encore, pour ces critères, il faut se référer à un certain degré de discrétion. "La victime ou le plaignant a exercé personnellement, pour les mêmes faits, un autre recours que ceux prévus..." Là, il n'y a vraiment pas de discrétion, en ce sens que c'est objectif, il s'agit de le constater et de voir, en fonction des autres recours, si ce recours est incompatible avec le travail de la Commission. À ce niveau, il peut toujours y avoir discrétion.

M. Filion: Quelques questions. Quand on dit à 4° "la victime ou le plaignant a exercé personnellement, pour les mêmes faits, un autre recours que ceux prévus aux articles 49 et 80", qu'est-ce que cela veut dire?

M. Pelletier: C'est un recours, par exemple, pour les mesures d'urgence, qui est à l'article 81, ou un recours quant à des représailles, qui est à l'article 82

M. Filion: D'accord. C'est que je craignais que... Êtes-vous sûr que cela n'inclut pas, par exemple, un recours à la Commission des normes du travail ou un recours à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, selon les farts? De la façon dont c'est rédigé, il serait bon de dire: Un autre recours en vertu de la présente loi. Et peut-être même de les exprimer de façon spécifique parce que, autrement, la façon dont le 4° est rédigé...

M. Rémillard: On pourrait peut-être, quitte à consulter les légistes, dire: Un recours prévu par la présente loi, autre que ceux prévus aux articles 49 et 80.

M. Filion: Oui, II faudrait être sûr que ce n'inclut pas le recours à l'arbitrage.

M. Rémillard: II faut voir toutes les Implications, mais, si c'est l'intention qui est derrière l'Intervention du député de Taillon, je la partage et on peut essayer de mettre plus de précision, c'est-à-dire il s'agirait de préciser que ce sont des recours qui sont dans la loi.

M. Filion: II faudrait être sûr, dans la rédaction, que ça n'inclut pas juste un simple recours à l'arbitrage.

M. Pelletier: L'arbitrage est en vertu de l'article 80.

M. Filion: Oui, c'est ça. Excusez, pas l'arbitrage, la médiation, supposons. Vous avez raison. C'est un recours, c'est l'article 80.

M. Rémillard: II faut bien s'entendre, la médiation n'est pas un recours.

M. Filion: Ce n'est pas un recours comme tel. Vous avez raison.

M. Rémillard: C'est une fonction exercée par la Commission lorsqu'une plainte est déposée.

M. Filion: En fait, on vise surtout l'article 82. Je pense que c'est ça. C'est le cas de la

Commission qui va devant le tribunal. Quels sont les autres cas que vous avez mentionnés?

M. Pelletier: Les articles 81 et 82. M.Filion: C'est ça. La vie, la sécurité.

M. Rémillard: Derrière ce paragraphe, ce qu'il y a, c'est la confiance qui doit exister de la part de la victime envers la Commission. Si la victime n'a plus confiance dans le travail de la Commission et qu'elle a pris action, qu'elle a pris un autre recours...

M. Filion: C'est clair, net et précis.

M. Rémillard: ...c'est clair qu'à ce moment-là la Commission se désiste. Il y a cet élément de confiance qui doit exister.

M. Filion: On se comprend bien sur le fond de l'article. C'est au niveau de la rédaction; il faut être sûr parce qu'un autre recours pourrait inclure un recours à une autre instance quasi judiciaire, etc. Voulez-vous suspendre? Continuons la discussion quand même parce que, lorsque viendra l'article, ça ira plus vite. Un an. Pourquoi un an? Je donne souvent cet exemple parce que je le trouve Incroyable: le cas de la femme qui est venue travailler ici sans papier conforme de l'Immigration. Elle s'est fait exploiter par son employeur pendant des années, physiquement et sexuellement. Évidemment, quand ses papiers ont été en ordre, elle s'est retrouvée devant la Commission. C'est juste le dernier fait pertinent. En deux mots, je trouve qu'il y a des cas qui dépassent un an. Je trouve ça court un peu. Il y a des gens qui peuvent prendre un an et demi pour se réveiller. Des fois, ce sont les conseils; les gens vont rencontrer une personne qui va écouter leur histoire et qui va leur dire: C'est épouvantable, ce que tu as vécu, va à la Commission. Évidemment, il y a un pouvoir discrétionnaire, c'est ce que le président s'apprêtait à me dire. Mais pourquoi, quand même, limiter à un an, même avec le pouvoir discrétionnaire?

M. Lachapelle: II y a des fois qu'il nous apparaît, à la lecture du dossier - ce n'est pas nécessairement frivole et vexatoire - qu'il y a vraiment une négligence de la part des personnes à venir porter une plainte à la Commission. Le cas que vous mentionnez, c'est évident qu'on ferait enquête. Dans d'autres cas, on sent que les gens ont traîné, ça sent un peu la vengeance après coup. Le cas n'est pas très clair. On n'a pas à juger, évidemment, de la motivation des gens, ça n'a rien à faire, parfois, on se dit: Si l'on avait eu un peu plus de diligence pour porter plainte, il me semble que ça serait beaucoup plus évident que les personnes ont véritablement voulu défendre leurs droits.

Pourquoi un an? On pourrait bien mettre deux, trois ou cinq ans. J'ai eu des cas de plus d'un an - deux, trois, quatre ans - de harcèlement sexuel où on a enquêté pendant trente jours pour conclure qu'il y avait peut-être du harcèlement sexuel, mais il n'y a pas eu de poursuite parce que le recours était prescrit. Alors, un an peut correspondre à une période de prescription. Quand les recours sont prescrits et qu'on n'a plus de recours ensuite...

M. Filion: Vous avez raison, par analogie, c'est comme une prescription. Mais c'est une très courte presciption.

M. Lachapelle: C'est pour nous permettre, justement dans les cas où la prescription s'appliquerait, de dire: Écoutez, les faits que vous nous présentez ne nous apparaissent pas très sérieux et, d'autre part, c'est déjà prescrit. Si ce n'est pas prescrit parce que c'est une prescription de deux ans, on regarde l'ensemble des faits et on dit: Oui, il y a quand même là des éléments et on enquêtera.

M. Filion: M. le ministre, vu qu'on parle quand même de discrimination, de droits, d'ap-plication de la charte, je trouve ça court un peu. Je serais porté, vu que l'article est suspendu, à vous faire réfléchir; je mettrais deux ans. Disons qu'un an c'est court, il y a des gens qui prennent... Les situations discriminatoires sont parfois subtiles, les gens vivent dans une forme d'oppression et, des fois, s'en sortir... Je serais porté à allonger ça un peu.

M. Rémillard: La Commission ne l'avait pas, avant, cette disposition. C'est quelque chose de nouveau. Si la Commission peut vivre avec deux ans, on favorise les droits des gens. Il faut rendre aussi les choses administrativement possibles. Je vais simplement demander à M. Lachapelle si deux ans, cela lui pose des embêtements majeurs.

M. Lachapelle: Évidemment, c'est très difficile à évaluer, mais on peut vivre avec deux ans, c'est bien sûr.

M. Filion: D'accord. Dernier point, à ce moment-là, il resterait l'intérêt suffisant. C'est nouveau, ça, un peu, parce que - vous me corrigerez - on a vu les mécanismes de la plainte pour la victime...

M. Rémillard: À l'article 77, M. le député, on mentionne bien "intérêt suffisant". Présentement, il est déjà dans la loi.

M. Filion: Ah, il est déjà là? M. Rémillard: Oui, oui.

M. Filion: D'accord. Le requérant n'a pas un intérêt... Est-ce que ça s'applique, concrètement? Oui? Donnez-moi un cas...

M. Lachapelle: Encore une fois, l'objectif, c'est de tenter de régler le dossier. Le deuxième aspect, c'est: quand on ne réussit pas à régler le différend entre les parties, il faut poursuivre devant le tribunal. La première pierre d'achoppement, on le sait, devant le tribunal, c'est l'intérêt. On arrête rapidement, on dit: Écoutez, vous n'avez même pas d'Intérêt dans ce dossier, comment voulez-vous qu'on poursuive? C'est sûr que le recours à un tribunal, à ce moment, est tout à fait illusoire.

M. Filion: Un exemple de personnes qui vont vous voir pour se plaindre et qui n'ont pas d'intérêt?

M. Lachapelle: L'exemple de publicité. Est-ce que je pourrais poursuivre pour M. Jean-Bart, pour prendre un exemple, dans le cas de cette publicité dont je vous parlais tantôt? Il n'a pas d'intérêt suffisant. La Cour d'appel l'a longuement dit, c'est évident. Le recours collectif, disait M. le ministre, dans ce cas-là, n'existe pas en droit québécois.

M. Filion: Je veux être sûr que lui ait un intérêt suffisant, par exemple.

M. Lachapelle: Pour poursuivre? M. Filion: Oui.

M. Lachapelle: II ne pourrait pas poursuivre devant le tribunal pour demander personnellement des dommages et intérêts à la suite de la publication de cette annonce, à moins que ce soit sa photo et qu'on ait écrit des choses sur la photo.

Une voix:...

M. Lachapelle: En vertu du droit, bien sûr.

M. Filion: Dans le fond, ce que ça ouvre comme discussion, c'est un peu ce que le ministre évoquait tantôt. C'est la notion de recours collectif qui existerait, vous me corrigerez si je me trompe. Est-ce que, par exemple, M. Jean-Bart, pour continuer l'exemple de la publicité, le même exemple que tantôt, pourrait exercer un recours collectif devant les tribunaux de droit commun? Il me semble que oui.

M. Rémillard: Dans ce cas, j'en douterais.

M. Filion: Dans ce cas, vous en douteriez? Comme minorité...

M. Lachapelle: Pour exercer un recours collectif, il faut de l'intérêt aussi.

M. Rémillard: J'en douterais fortement, en fonction actuellement de notre jurisprudence.

M. Filion: Ça veut dire que ce qui s'adresse à tout le monde en même temps, l'Intérêt suffisant est loin d'être évident.

M. Rémillard: À ce moment-là, ça pose des difficultés au point de vue de l'intérêt.

M. Filion: Ça pose des difficultés au point de vue de l'intérêt. Ça nous amène dans une réflexion que d'autres poursuivront un peu plus tard, comme l'évoquait le ministre tantôt, au sujet des droits collectifs.

Le Président (M. Kehoe): Je comprends que l'étude de l'article 77 est suspendue; II y aura des amendements, M. le ministre?

M. Rémillard: II y aura un amendement, je pense qu'on peut dire dans ce cas-ci...

M. Filion: Un ou deux...

M. Rémillard: II y aura deux ans.

Le Président (M. Kehoe): L'article 77 est suspendu?

M. Rémillard: Suspendu, oui, il y aura amendement.

Le Président (M. Kehoe): Est-ce que les travaux de la commission sont ajournés sine die?

M. Filion: Jusqu'à lundi, je pense.

Le Président (M. Kehoe): Lundi, mais pour le moment il n'y a pas d'ordre de la Chambre encore.

M. Filion: C'est Important, ça, parce que la période de questions est à 14 heures lundi, donc on se retrouve directement ici à 10 heures.

Le Président (M. Kehoe): À 10 heures.

(Fin de la séance à 12 h 45)

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