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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le lundi 7 juin 1993 - Vol. 32 N° 46

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 93, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Charte des droits et libertés de la personne


Étude détaillée du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur les substituts du procureur général


Étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires


Journal des débats

 

(Quinze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Dauphin): Le quorum étant constaté, je déclare donc la séance de la commission des institutions ouverte, qui a pour mandat de procéder à l'étude détaillée des projets de loi suivants: le projet de loi 88, Loi modifiant la Loi sur les substituts du procureur général; le projet de loi 94, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires; le projet de loi 93, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Charte des droits et libertés de la personne, et le projet de loi 87, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bergeron (Deux-Montagnes) remplace M. Benoît (Orford).

Projet de loi 88

Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup.

Alors, nous souhaitons la bienvenue au ministre de la Justice. Je lui demanderais, s'il a des remarques préliminaires, de procéder à ses remarques préliminaires avant d'appeler l'article 1 du projet de loi 88.

Alors, concernant le projet de loi 88.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Je vous remercie, M. le Président.

M. le Président, me permettez-vous, tout d'abord, de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. J'ai à côté de moi, à ma gauche, Me Michel Bouchard, qui est sous-ministre associé aux affaires criminelles, au ministère de la Justice; à ma droite, Me Jacques Mercier, qui est légiste au ministère de la Justice; Mme Julienne Pelletier, qui est aussi à ma gauche, à mon extrême gauche, M. le Président, de mon cabinet, et Me Daniel Grégoire, qui est tout juste derrière moi, de la Direction générale des affaires criminelles et pénales.

J'ai aussi plusieurs personnes du ministère de la Justice qui m'accompagnent, M. le Président, parce que je veux toujours, comme ministre de la Justice, qu'on puisse discuter de ces projets de loi au-delà de toute question de partisanerie politique et avec les meilleures informations possibles. Alors, je veux pouvoir répondre à toutes les questions que cette commission pourrait se poser, pour qu'on puisse prendre les décisions les plus judicieuses en fonction de ces projets de loi, qui sont essentiellement dans l'objectif de rendre la justice plus accessible et plus humaine, de la meilleure qualité possible.

Alors, M. le Président, le premier projet de loi de ces quatre projets de loi que je présente à cette session-ci, le projet de loi 88, que nous étudions aujourd'hui, est un projet de loi qui vise à remplacer les appellations de procureur-chef et de procureur-chef adjoint par celles de substitut en chef et de substitut en chef adjoint.

C'est un projet de loi qui vise également à remplacer le mode actuel de nomination des substituts occasionnels, suivant lequel ces personnes sont nommées par décret du gouvernement par un processus de nomination ministérielle. C'est un projet aussi, M. le Président, qui vise à remplacer l'interdiction générale à tout substitut de se livrer à une activité politique quelconque par un régime déterminant les activités politiques auxquelles un substitut peut s'adonner et celles qui lui sont interdites.

Alors, M. le Président, ce projet de loi a essentiellement pour objectif de rendre la justice la plus transparente possible. Il s'agit, pour moi, M. le Président, que je puisse m'assurer, comme ministre de la Justice, que non seulement la justice est rendue, mais qu'il y a aussi apparence de justice à tous les niveaux. Parfois, M. le Président, on peut être sensibles, de ce côté-ci, comme politiciens, à certains arguments ou à certaines façons de faire auxquelles la population n'est pas particulièrement sensible. Mais, parfois, c'est le contraire. Parfois, pour nous, il y a des choses qui vont de soi, mais, pour la population, c'est quelque chose qui peut être plus difficile à accepter. Lorsqu'on parle de justice, lorsqu'on parle des substituts, on parle des représentants du Procureur général. Donc, ce n'est pas du ministre de la Justice, mais du Procureur général, ceux qui décident de poursuivre. Par conséquent, il faut prendre toutes les mesures possibles pour qu'ils puissent être au-dessus de tout soupçon de partialité tout en respectant leur droit le plus fondamental en démocratie, c'est-à-dire de participer aux débats politiques, mais conservant leur neutralité.

Alors, voilà, M. le Président, l'objectif du projet de loi que je propose à cette commission, le projet de loi 88, Loi modifiant la Loi sur les substituts du procureur général.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre de la Justice, et bienvenue encore une fois à vos collaborateurs et collaboratrices.

Maintenant, je vais reconnaître M. le député d'Anjou pour qu'il procède également à ses remarques préliminaires, toujours sur le projet de loi 88.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. Permettez-moi de vous saluer, de saluer les membres de cette commission et les invités qui accompagnent

M. le ministre. Il me fait plaisir, moi aussi, de participer à l'étude de ce projet de loi qui va porter sur les dispositions touchant la Loi sur les substituts du procureur général. Je sais que c'est un dossier que tient à coeur le ministre. Il a maintes fois vanté les mérites de ces substituts, et je suis certain que, dans ce projet de loi, toute cette estime va se retrouver. Nous pourrons, à ce moment-là, y voir la concrétisation de cette façon de penser.

Maintenant, j'aimerais, dans un premier temps, avoir des commentaires de la part du ministre relativement à un article qui est paru en fin de semaine dans La Presse, qui faisait part d'une déclaration de l'Association des substituts du Procureur général, qui constataient certaines contraintes qui leur étaient imposées suite aux coupures budgétaires qui, on le sait, touchent tous les ministères, dont le ministère de la Justice. Les substituts, finalement, craignaient, dénonçaient certaines situations de crise qui sont à prévoir et qu'ils sentent présentement, principalement dans 2 villes.

En particulier, dans cet article de La Presse du 5 juin, on parlait d'un problème à la ville de Trois-Rivières, où on avait eu un stagiaire à la couronne qui, dans une journée, avait dû traiter 150 dossiers à lui seul, alors que, comme on le sait, le stagiaire, il n'est pas encore avocat reconnu par le Barreau. Donc, on peut facilement imaginer — un stage étant de 6 mois — que ce stagiaire avait entre 1 à 5 mois, maximum 5 mois et quelques semaines d'expérience, et on lui a demandé de toucher et de traiter 150 dossiers. (15 h 20)

On parle, dans cet article, d'une situation encore plus explosive relativement à la ville de Hull. Là, je lis l'article: «C'est à Hull que la situation est la plus explosive. C'est tellement sur le point de sauter que les avocats de la défense et autres intervenants du monde judiciaire se sont joints aux procureurs de la couronne pour alerter les autorités gouvernementales.»

Alors, là, je ne pense pas qu'on parle uniquement de craintes théoriques, je pense que c'est vraiment... C'est une appréhension qui est partagée par l'ensemble des représentants du système judiciaire, au moins dans la ville de Hull. Alors, j'aimerais savoir ce que le ministre... Quels sont les commentaires du ministre relativement à cet article?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre de la Justice.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: M. le Président, le député d'Anjou a bien raison de dire que je considère que les substituts font un travail remarquable. Partout au Québec, j'ai eu l'occasion de travailler en étroite collaboration avec les substituts en chef, pour améliorer la façon dont on peut travailler pour rendre la justice la plus humaine possible. C'était un objectif que nous poursuivions tous ensemble. J'ai pu constater — ça fait 5 ans que je suis ministre de la Justice — M. le Président, à quel point les substituts font un excellent travail. J'aime toujours donner, comme exemple de l'appréciation du travail qui se fait par les substituts, le nombre de juges qui sont nommés, qui ont été nommés dans les 5 dernières années et qui viennent des substituts. Ça démontre fort bien l'expertise et la compétence des substituts.

Dans ce contexte-là, M. le Président, j'ai pris connaissance de cet article publié dans le journal La Presse de samedi dernier, intitulé «Les coupes budgétaires précipitent la Justice dans le fouillis». Je peux vous dire, M. le Président, que j'ai considéré cet article comme se référant à des faits que j'ai fait vérifier et qui m'apparaissent tout d'abord des faits incomplets et erronés. Incomplets parce qu'on ne parle pas, M. le Président, dans cet article, de toutes les mesures qu'on est à mettre en place pour rendre la justice plus accessible en matière pénale, en matière criminelle et aussi pour la rendre la plus humaine possible.

Je reviens sur ce qualificatif parce qu'on y travaille beaucoup présentement; entre autres, lorsqu'on parle des cours municipales. Il est vrai que nous sommes à travailler, à signer des protocoles d'entente avec plusieurs municipalités. On en a signé, jusqu'à présent, je pense, 38 ou 40 — M. le sous-ministre me corrigera — on va en signer encore plusieurs dans les prochaines semaines et les prochains jours. L'objectif, c'est de faire en sorte que les cours municipales, souvent, qui ont déjà eu ces responsabilités, puissent les retrouver. Elles auront, à ce moment-là, la possibilité d'avoir une justice plus près des gens et de s'occuper de ce qu'on appelle la Partie XXVII du Code criminel, sur poursuite sommaire. Donc, on va dégager d'autant plus les substituts du Procureur général.

Autre chose, M. le Président, que ne comprend pas cet article, c'est la non-judiciarisation, c'est-à-dire faire en sorte que, pour un premier crime, des crimes, évidemment, de moindre importance — par exemple, un vol à l'étalage, un petit vol à l'étalage, pour la première fois; une agression simple, pour la première fois — ces crimes pourront être réglés, avec l'accord de la victime, à l'extérieur du système judiciaire normal aussi. Dans ce contexte-là, ça pourra désengager aussi les cours de justice.

Alors, il y a un processus, M. le Président, global, que nous avons mis en place, qui nous amène de plus en plus à décentraliser l'administration de la justice et à responsabiliser le citoyen. On a fait un Sommet de la justice sur le thème «La justice: une responsabilité à partager». M. le Président, le juge en chef de la Cour suprême du Canada a dit que c'était l'événement du siècle en matière judiciaire au Québec. Ce n'est pas pour rien, c'est parce que tous les participants ont convenu, à la suite de ces quatre journées et demie de discussion, à ce forum exceptionnel qu'a été le Sommet de la justice, qu'il fallait qu'on responsabilise le citoyen, qu'on fasse en sorte que le citoyen soit conscient de ses devoirs comme de ses droits.

Par conséquent, M. le Président, ce que ça veut dire en matière de justice, c'est qu'en matière civile, par exemple, nous favorisons la médiation, la conciliation,

l'arbitrage. En matière pénale, nous favorisons tous les mécanismes de possibilité de consultation directement avec la victime, dans les cas criminels, pour rendre la justice encore plus humaine et plus accessible à l'ensemble de la population.

Dans ce contexte-là, M. le Président, j'ai eu l'occasion, par exemple, de faire vérifier, en ce qui regarde la ville de Hull et le contentieux de Hull, les substituts à Hull. J'y suis allé à Hull, il y a peut-être quelques mois. J'y suis allé parce que je vais dans les palais de justice à l'improviste. J'arrive et puis je vais dans les palais de justice. Je visite les palais de justice, juste pour vérifier. Je ne joue pas à l'inspecteur qui arrivait à la dernière minute, mais, quand je suis dans un endroit, puis que j'ai quelques minutes, à un moment donné, ça se porte bien. Alors, je vais au palais de justice, puis je vais voir ce qui se passe. Je vais voir les procureurs, je m'assois. Je suis allé à Chicoutimi, il y a 2 semaines, où j'ai passé un bon moment avec les substituts, et j'ai parlé avec eux. D'ailleurs, j'ai appris des choses, puis on va travailler à améliorer les choses.

J'étais à Hull, il y a quelques mois — Hull qui est ma ville natale — et j'ai discuté avec eux. Je connais certains de leurs problèmes. On a vérifié ce matin, M. le Président, et je peux vous dire que c'est faux de parler d'une situation explosive à Hull, complètement faux, complètement faux. Chacun doit faire ses efforts, c'est évident, parce que le gouvernement demande à l'ensemble de la population du Québec de faire des efforts. C'est évident qu'à la Justice, comme dans tous les autres ministères, on doit faire nos efforts. Nous sommes un ministère de services. Par conséquent, on doit comprendre qu'on n'a pas les mêmes contraintes que lorsqu'on est dans un ministère de production. Mais ce que nous fournissons comme services, nous devons apprendre à le faire de la façon la plus rationnelle possible.

Or, M. le Président, le sous-ministre responsable des affaires civiles et pénales est avec moi. Il peut répondre, il peut compléter ma réponse si le député d'Anjou a besoin d'avoir des compléments de réponses plus spécifiques. Pour ma part, j'ai envoyé aujourd'hui une réponse à cet article au journal La Presse. Je l'ai envoyée, parce que je ne peux pas me permettre qu'il y ait des titres comme ça dans les journaux et que ça touche l'administration de la justice. Pour l'ensemble des citoyens, peu importent les tendances politiques qu'on peut avoir, les pensées qu'on peut avoir, il faut que notre système juridique et notre système judiciaire, notre système de justice, d'une façon générale, reflète le plus possible notre société de démocratie et de liberté. Alors, quand un article comme celui-là, avec un titre comme celui-là, amène à des conclusions aussi erronées, c'est mon devoir, comme ministre de la Justice, comme Procureur général, d'y répondre. C'est ce que j'ai fait. L'article va être envoyé aujourd'hui, et ça dépend de l'éditeur de décider quand il le fera paraître, s'il veut le faire paraître.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le minis- tre de la justice.

M. le député d'Anjou.

Discussion générale

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président.

Je peux comprendre le ministre un peu de reprocher le fait que, dans cet article, on ne fait pas mention de certaines choses qu'il a promises au Sommet de la justice, mais je pense qu'il faut comprendre aussi que ces choses, comme quand on parle de déjudiciarisation, quand on parle d'entente avec les cours municipales, ces choses-là ne sont pas en vigueur encore. En tout cas, elles ne sont pas en application. Est-ce que ça se fait présentement?

M. Rémillard: Ah oui! ça se fait présentement.

M. Bélanger (Anjou): La majorité de ces choses-là ne se font pas présentement.

M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger (Anjou): Elles sont en opération, appliquées dans des cours, présentement? Il y a eu des transferts d'effectifs qui se sont faits?

M. Rémillard: Bien oui! Il y a des protocoles d'entente qui sont signés.

M. Bélanger (Anjou): Oui, qui sont signés, mais est-ce qu'ils sont effectifs? Est-ce qu'on les voit sur le terrain, en application?

M. Rémillard: Us sont signés.

M. Bélanger (Anjou): C'est une chose d'avoir des ententes, c'est une chose d'avoir des négociations.

M. Rémillard: Ah oui!

M. Bélanger (Anjou): Je comprends qu'il y a du travail qui s'est fait, on en a parlé lors de l'étude des crédits.

M. Rémillard: Alors, c'est fait. C'est fait. Puis, actuellement, les cours municipales le font parce que le transfert des amendes ne se faisait pas avant.

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: Là, maintenant, il se fait. Donc, ils ont les moyens financiers pour administrer leur cour.

M. Bélanger (Anjou): Bon. (15 h 30)

M. Rémillard: Alors, ça se fait. Je pourrais demander au sous-ministre s'il veut me donner le nombre de protocoles qu'on a signés à date et qu'on s'ap-

prête à signer. Mais on va en signer et on essaie d'en signer le plus possible.

M. Bélanger (Anjou): Donc, si je comprends bien, au fur et à mesure...

M. Rémillard: Une cinquantaine, on est rendu à une... On m'informe qu'on a une cinquantaine de protocoles de signés.

M. Bélanger (Anjou): Donc, si je comprends bien, au fur et à mesure que ces protocoles sont signés, ils s'appliquent dans les municipalités qui ont adhéré. C'est ça?

M. Rémillard: Ils peuvent... C'est ça.

M. Bélanger (Anjou): Ou est-ce qu'on attend que toutes les villes aient adhéré avant de l'appliquer?

M. Rémillard: Non, non, non. Au fur et à mesure que les villes signent le protocole, c'est à elles, ensuite, de prendre les moyens pour l'appliquer.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que les villes de Hull et Trois-Rivières ont signé?

M. Rémillard: Oui, Hull est en négociations... M. Bélanger (Anjou): Donc, Hull, ce n'est pas... M. Rémillard: ...et Trois-Rivières aussi.

M. Bélanger (Anjou): On n'applique pas présentement ces 2... On n'applique pas ça, présentement, à Hull, donc?

M. Rémillard: Alors, on est en train... Il y a des négociations et des protocoles pour Aylmer, qu'on me dit, et Gatineau aussi.

M. Bélanger (Anjou): Donc, le ministre admettra avec moi que...

M. Rémillard: Le député de Chapleau...

M. Bélanger (Anjou): ...présentement, dans Hull, ces mesures ne sont pas encore appliquées, puisque c'est encore en négociations. Donc, ça ne s'applique pas encore.

M. Rémillard: Bien, c'est un peu ça, mais à Hull même... Par contre, c'est signé à Hull, on a un protocole. La Cour municipale... On a signé avec la Cour municipale de Hull. On va le faire vérifier.

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Est-ce qu'à Trois-Rivières ça a été signé?

M. Rémillard: À Trois-Rivières? Je vais deman- der l'information.

M. Bélanger (Anjou): Ça n'a pas été signé?

M. Rémillard: Alors, je vais demander au sous-ministre, si vous voulez, de donner des réponses à ces questions bien techniques.

Le Président (M. Dauphin): Le sous-ministre, M. Michel Bouchard.

M. Bouchard (Michel): Oui. M. le Président, M. le député. Vous excuserez mon timbre de voix, là, j'ai une grippe qui ne veut pas me laisser.

Vous posiez la question pour Trois-Rivières, j'imagine, pour faire référence au nombre de dossiers dont fait mention La Presse ce matin. Il faut comprendre qu'il ne s'agit pas de salles, de dossiers qui sont entendus dans des salles réservées à des fins d'enquête préliminaire ou de procès au fond. Il s'agit d'une cour à volume.

M. Bélanger (Anjou): Des comparutions.

M. Bouchard: Une cour à volume, c'est des comparutions et la cour de pratique. Dans plusieurs des dossiers, il peut s'agir de fixation de dates. Maintenant, quant à la référence que c'est un stagiaire, c'est quand même une personne qui est diplômée en droit, et les stagiaires se voient confier ce genre de tâche. Manifestement, si ses supérieurs en venaient à la conclusion que l'individu n'a pas le bagage juridique nécessaire pour traiter des dossiers compliqués, ces dossiers ne seraient pas référés au stagiaire. Personnellement, j'ai été stagiaire et j'ai conduit des salles à volume, au-dessus de 100 dossiers, et, toujours, ça a été fait... D'abord, il faut comprendre que le stagiaire prend connaissance des dossiers bien avant de se présenter dans cette salle. Comme je vous le disais tout à l'heure, il ne s'agit pas de traiter de sentences au fond, ni de points de droit excessivement complexes. Il s'agit de fixer des dates, quelquefois de faire des enquêtes préliminaires sans témoin.

M. Bélanger (Anjou): Oui, des enquêtes sous caution aussi?

M. Bouchard: II y a des enquêtes sous caution, mais il faut comprendre que les enquêtes sous caution, la plupart sont traitées pour demander à l'individu de se prêter à certaines conditions de remise en liberté. C'est un travail que le stagiaire est en mesure d'accomplir sous la supervision d'avocats, et c'est ce qui se passe dans tous les districts du Québec.

M. Bélanger (Anjou): Mais vous comprendrez, M. le sous-ministre, que, quand même, dans le cas d'enquêtes sous caution, il y a déjà eu, dans le passé, des bavures. Je comprends que l'erreur est humaine. Je ne cherche pas à dire de quelle façon on aurait pu néces-

sairement éviter ça, mais dans le cas d'une enquête sous caution, on a déjà eu des gens qui ont été remis en liberté, tout simplement parce qu'il y avait un trop grand volume dans cette salle. Ça s'est déjà vu. Alors, ça s'est déjà vu, ça s'est déjà vu. C'est déjà... Il y a eu des cas, déjà, de ça.

M. Bouchard: Mais...

M. Bélanger (Anjou): Alors, moi, c'est ce qui m'inquiète, parce que, quand même, 150 de volume... J'en conviens avec vous. Moi aussi, j'ai été stagiaire. J'ai fait du droit criminel pendant les premières années de ma pratique. Moi, j'étais de l'autre côté, j'étais à l'aide juridique. Je faisais ça au niveau de l'aide juridique, et je me souviens, le volume, le va-et-vient continu dans ces salles à volume, comme on dit. C'est vrai que certaines choses peuvent prendre 2 ou 3 minutes. C'est tout simplement «non coupable» avec une date, tout simplement. Mais 150 dossiers, vous conviendrez avec moi que c'est beaucoup de dossiers.

M. Bouchard: Oui, mais...

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que vous avez vérifié si, effectivement, il y a eu 150 dossiers pour une journée particulière? C'est assez facilement verifiable, d'après les plumitifs informatisés. Les stagiaires ont des codes très spéciaux, ça apparaît dans le dossier de...

(Consultation)

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, même si on peut le vérifier... Quelqu'un qui est stagiaire, évidemment, son travail doit être vérifié après. Alors, normalement, celui qui est en charge, dans ces dossiers, ça doit être vérifié. C'est des cas comme le député d'Anjou vient de le mentionner.

Maintenant, il y a eu des cas déplorables — c'est très vrai, ça — sous caution, comme il y a eu des cas déplorables lorsqu'on a remis en liberté des gens qui étaient présumés avoir commis des crimes ou des infractions. Lorsqu'il y a eu la fameuse décision de la Cour suprême sur les délais, on s'est aperçu, tout à coup, qu'on avait peut-être agi trop rapidement, à certains niveaux, et qu'on avait procédé, au niveau de la magistrature. Là, c'est devant la Cour d'appel, la Cour suprême, et on verra. La Cour suprême elle-même a dit: Écoutez, attention! Il faut prendre cas par cas. Alors, dans ce cas-là, s'il y a eu quelques maladresses qui ont été faites, M. le Président, ça a toujours été d'une façon très isolée, et on agit en conséquence pour que ça ne se produise plus. Quand on a pu corriger l'erreur, elle a été corrigée. Alors, il faut voir cette situation en fonction de toutes les mesures qu'on prend pour rendre la justice plus près des gens. Entre autres, je parle de non-judiciarisation comme je parle des nouvelles responsabilités des cours de justice au niveau municipal. Ce sont 2 éléments qui sont très importants.

Le Président (M. Dauphin): Juste avant, M. le député de Chapleau m'a demandé la parole, tantôt.

M. Kehoe: Oui, j'aimerais ça, juste donner un complément de réponse à ce que le ministre a dit. Durant 25 ans, j'ai pratiqué le droit à Hull. Je suis au courant de la situation à Hull. Je connais la plupart des avocats de la couronne ainsi que de la défense. Quand je lis, dans cette lettre... Jean-Paul Charbonneau a écrit cet article, sans mentionner aucun nom, puis d'aller jusqu'au point de dire que «le Conseil du trésor et son président — écrit dans un communiqué l'Association — en décrétant arbitrairement des coupures de postes...» Ce n'est pas vrai, ça. La seule chose qui arrive, à Hull, c'est un agent de bureau qui n'est pas remplacé. Ça se peut fort bien qu'elle prenne sa retraite ou qu'elle parte. C'est un poste, seulement. Il n'y a aucun professionnel qui est coupé, à Hull. Au complet, il n'y a aucune coupure de professionnel, à Hull, du tout.

Les procureurs de la défense... Je retourne dans le comté toutes les fins de semaine, puis je suis en contact constant avec eux. Les procureurs de la couronne, ils m'appellent souvent concernant certaines difficultés qu'ils ont. Ils ne m'ont jamais parlé de ces affaires. Certainement qu'il y a un problème à Hull. Le fait que c'est tout près d'Ottawa, que les bars puis les différents endroits où ils vendent la boisson, en Ontario, ferment à minuit, puis que ça ferme à 3 heures, à Hull... Il y a beaucoup de problèmes sur la «main» à Hull à cause de ça. Les gens, les jeunes de l'Ontario viennent à Québec, puis il y a beaucoup de délits mineurs qui sont commis. C'est vrai qu'il y a beaucoup plus d'ouvrage, plus de travail, plus de causes parce qu'on est une ville frontalière, puis que les gens de l'Ontario viennent prendre de la boisson après minuit. Ça cause beaucoup de problèmes, ça c'est certain, puis il y a beaucoup de dossiers.

Mais, comme le ministre a dit, dès que l'affaire sera réglée, ces causes vont aller toutes devant la Cour municipale. Puis, c'est en train de se faire, si ce n'est pas fait à l'heure actuelle. Il y a une cour municipale à Hull, il y a une cour municipale à Gatineau, il y a une cour municipale à Aylmer, puis à Buckingham, tout autour. Aussitôt que l'affaire est réglée, l'entente, puis c'est sur le point de l'être... Moi, le problème, à Hull... Je pense qu'il y a quelqu'un qui a dit que nous sommes sur un volcan. L'article au complet, c'est une exagération magistrale, puis la situation à Hull... Je ne sais pas, à Trois-Rivières, ce que c'est, mais je sais pertinemment bien qu'à Hull... Je retourne, je vais au palais de justice sur une base régulière. Comme je vous dis, j'ai pratiqué le droit là, puis je suis encore membre du Barreau de Hull. Je suis au fait de la situation à Hull. Puis, ce qui est décrit dans cet article, comme le ministre l'a dit, c'est totalement faux.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le député de Chapleau.

M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Oui, merci, M. le Président.

Tout à l'heure, le ministre a parlé d'une cinquantaine de municipalités qui avaient signé l'entente. Est-ce que ce serait possible d'avoir une liste préliminaire de ces municipalités qui ont adhéré? Je comprends qu'elle est partielle, qu'elle est à compléter.

Maintenant, j'aimerais juste réagir aux propos, tout à l'heure, du ministre, à l'effet qu'il y avait une vérification qui se faisait. C'est vrai qu'il y a un maître de stage, au niveau du criminel, sauf que le ministre comprendra qu'à partir du moment où une décision est prise... On peut vérifier, à la fin de la journée, les décisions qui ont été prises, mais, des fois, ce n'est pas réparable. Si on a remis en liberté quelqu'un qu'on n'aurait pas dû remettre en liberté, on ne peut pas dire: Bon, bien, vous n'auriez pas dû le remettre en liberté. On va courir après. C'est ce qui m'inquiète un peu, au niveau du criminel. Pour l'avoir vu, justement, à quelle vitesse — même si ces décisions prennent peu de temps; ce sont des fois des décisions de routine — le stagiaire doit prendre une décision. C'est assez, des fois, je vous dirais... Ça fait peur, des fois, surtout dépendamment de l'expérience qu'a ce jeune procureur. Je comprends qu'on ne peut pas éviter toutes les bavures. Il y en aura tout le temps, peu importe le système qu'on peut mettre en place. Mais je pense qu'en mettant une pression indue à certains endroits ou dans certains secteurs, alors, à ce moment-là, on met une situation à problèmes. Alors, moi, ça m'inquiète. Quand je vois 150 dossiers, je trouve que c'est beaucoup. Alors, je m'attendais à ce qu'une vérification soit faite, à savoir s'il est arrivé quelque chose, si, effectivement, il y a eu un jeune stagiaire qui a eu 150 dossiers dans une journée.

Maintenant, je voulais savoir, par rapport à Trois-Rivières, est-ce qu'il y a eu une coupure de poste? Est-ce qu'il va y avoir des coupures de postes de procureur à Trois-Rivières, ou de stagiaires? (15 h 40)

Le Président (M. Dauphin): M. Bouchard.

M. Bouchard: Effectivement, à Trois-Rivières, il y a eu une compression, c'est-à-dire un objectif de compression qui a déjà été rencontré par le départ d'un procureur de la couronne dans la région de Trois-Rivières. C'est la question dont vous parliez... Trois-Rivières? Mais il n'y a pas eu de congédiement d'effectué au niveau des substituts à Trois-Rivières. L'individu a donné sa démission pour aller pratiquer en pratique privée, et le poste n'a pas été comblé, parce que l'objectif de compression pour Trois-Rivières était d'un poste, à cet endroit.

M. Bélanger (Anjou): Donc, il ne sera pas remplacé. C'est ça?

M. Bouchard: II ne sera pas remplacé.

M. Bélanger (Anjou): Sur combien de procureurs? Il y a combien de procureurs, présentement, à Trois-Rivières?

M. Bouchard: II faut comprendre que le substitut en chef de Trois-Rivières gère également la région de Shawinigan, où il y a 3 substituts; La Tuque, où il y a 1 substitut; Drummondville, où il y a 2 substituts, et Trois-Rivières, si mon souvenir est bon, qui est de 9 substituts avec 1 adjoint — 10 — et le chef — 11.

M. Bélanger (Anjou): Celui qui quitte, est-ce qu'il était affecté à un poste en particulier?

M. Bouchard: II était surtout affecté au traitement des dossiers de nature pénale, c'est-à-dire les dossier du Code de la sécurité routière ou des choses du genre. La réaffectation des tâches est déjà faite à Trois-Rivières, pour que ces dossiers-là soient traités par d'autres procureurs.

M. Bélanger (Anjou): Avec votre expérience, Me Bouchard, est-ce qu'il est courant qu'un stagiaire puisse avoir 150 dossiers dans une journée?

M. Bouchard: Je l'ai fait, M. le député, dans mon stage. Comme je vous le dis...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Bouchard: Vous savez aussi, pour avoir pratiqué, qu'on se prépare beaucoup plus lorsqu'on est stagiaire que lorsqu'on est un avocat d'expérience où les dossiers deviennent de la routine. Dans ce cadre-là, nous pensons que les stagiaires que nous engageons, qui ont été sélectionnés parmi plusieurs candidates et candidats, rencontrent les exigences de la fonction, d'une certaine façon, se préparent bien et reçoivent un appui plus que satisfaisant de leurs supérieurs. On ne les envoie pas, comme ça, à l'abattoir, avec 150 dossiers qui pourraient comporter des difficultés complexes, si je vous fais part de mon expérience.

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Donc, d'après vous, selon votre expérience toujours, le stagiaire qui aurait accompli 150 dossiers serait un stagiaire quand même pas en début de stage, qui aurait une certaine expérience.

M. Bouchard: Tous les stages débutent en même temps. Ils ont débuté leur stage il y a environ 6 à 8 semaines — si ma mémoire est bonne, c'est vers la fin avril, début mai. Mais, comme je vous le disais, ils reçoivent leurs dossiers suffisamment à l'avance pour les étudier. Lorsqu'ils voient ou entrevoient dans les dossiers une certaine difficulté, ils se réfèrent à leurs supérieurs, mais je vous dis qu'il est impossible qu'on ait fixé 150 dossiers au fond, dans une salle d'audience. Vous le savez pour avoir pratiqué.

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui. Ça, c'est sûr.

M. Bouchard: Donc, il y en a probablement 75 à 80 qui sont des comparutions pour fixer des dates.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...je vais essayer d'avoir plus d'explications, comme le sous-ministre d'ailleurs, sur les 150, là. Mais on ne m'a pas... On sait très bien que, physiquement, ce n'est pas possible. On ne fait pas 150 plaidoiries devant le tribunal dans une journée, ça ne se fait pas. Alors, il y a des choses automatiques, sans conséquence, puis on dit: Bien, au 6 janvier ou au 3 décembre, bon, etc.. Si c'est ça, c'est autre chose, M. le Président.

En matière pénale, strictement en fonction de l'application de nos lois... J'espère que cet article — j'en suis convaincu, d'ailleurs, M. le Président — n'a pas des considérations qui peuvent se situer au niveau des relations de travail, c'est-à-dire que je crois que tous les gens qui travaillent, tous les substituts qui travaillent ont premièrement à coeur l'administration de la justice, avec tout ce que ça signifie, et qu'il n'y a pas de relations là avec les négociations concernant les relations de travail.

Le Président (M. Dauphin): Merci. M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Relativement à Hull, est-ce que vous pourriez me confirmer l'information que vient de nous donner le député de Chapleau, à l'effet qu'il y aurait uniquement un agent de bureau qui ne serait pas remplacé. Aucun procureur ou substitut ne serait cou-pé?

M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger (Anjou): C'est ça?

M. Rémillard: C'est ce que je peux vous confirmer.

M. Bélanger (Anjou): Dans le même article, on fait référence au fait que la situation qui prévaut présentement à Hull avait été dénoncée aux autorités gouvernementales. Est-ce que ça a été dénoncé soit au député de Chapleau, au ministre de la Justice ou est-ce que...

M. Rémillard: J'ai eu l'occasion d'en parler, évidemment, avec le député de Chapleau, qui est aussi adjoint parlementaire du ministre de la Justice, et je me suis rendu directement à Hull. Je suis allé, j'ai rencontré les procureurs de la couronne. Je me suis assis avec eux, et pendant au moins 1 heure, si ma mémoire est bonne, j'ai discuté avec eux des différents problèmes qu'ils pouvaient avoir. On a, je pense, trouvé des solu- tions à plusieurs problèmes et, à ma connaissance, les principaux problèmes sont résolus. C'est résolu.

M. Bélanger (Anjou): C'étaient des problèmes d'effectifs ou des problèmes de volume?

M. Rémillard: II y avait des problèmes d'effectifs, il y avait des problèmes... Évidemment, à Hull... Le député de Chapleau, tantôt, disait que Hull est une ville, donc, sur la séparation — je ne veux pas prendre le terme «frontière»; vous comprendrez, M. le député — à la séparation de l'Ontario et du Québec...

M. Bélanger (Anjou): On comprendra. M. Rémillard: Vous comprendrez? M. Bélanger (Anjou): On comprendra.

M. Rémillard: Alors, Québec et Ontario. L'attrait, aussi, souvent, du gouvernement fédéral, qui paie des salaires plus élevés que, nous, nous pouvons payer pour nos substituts, ça aussi, ça fait en sorte que certains de nos substituts ont décidé de continuer leur carrière du côté fédéral. À un moment donné, ça a causé certaines difficultés, mais on a réajusté. On a fait du recrutement, on a fait du très bon recrutement. Alors, à partir de là, tous les problèmes sont réglés.

Il y a un effort à faire à Hull comme il y a un effort à faire à Trois-Rivières. Il y a une effort à faire dans toutes les villes du Québec et dans tous les palais de justice du Québec. C'est ce qu'on va faire.

M. Bélanger (Anjou): Ça, j'en...

M. Rémillard: Certains nous ont suggéré, à un moment donné, M. le Président, d'aller plus loin. Des gens nous suggèrent même de faire appel au secteur privé pour du droit pénal. Revenons, pour le droit pénal, pas le droit criminel mais le droit pénal, au secteur privé. Faisons des appels d'offres et voyons des bureaux d'avocats qui veulent faire du droit pénal.

M. Bélanger (Anjou): Comme pour la médiation aux petites créances.

M. Rémillard: Ah non! Ça, c'est différent. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Non, non. Là, c'est différent. La médiation, aux petites créances... Je suis content que le député d'Anjou soulève cette question-là, et il sait à quel point je l'ai à coeur. Pour les petites créances, ce seront des avocats et des notaires — à la suite d'un appel que nous avons fait — qui vont être reconnus, qui acceptent d'être médiateurs. Par conséquent, ils vont faire une médiation et seront payés 75 $ la médiation, fixe.

M. Bélanger (Anjou): Tarif forfaitaire?

M. Rémillard: Tarif forfaitaire, ouvert aux avocats et aux notaires.

Pour la médiation familiale, ça sera la même chose, mais ouvert à tous les médiateurs dûment accrédités comme tels. Alors, on est en train de faire le règlement pour que ce soient des accréditations qui conviennent en fonction de l'Association des médiateurs, des normes du Barreau, de la Chambre des notaires, etc.

M. Bélanger (Anjou): Quand vous disiez, tout à l'heure, que, pour Hull, vous aviez eu une rencontre, que vous aviez trouvé des remèdes à la majorité des problèmes qui vous avaient été soumis, vous avez parlé que vous avez fait du recrutement. Donc, je dois comprendre qu'il y a eu de l'embauche qui a été faite à Hull, pour des nouveaux postes qui ont été créés comme procureurs de la couronne?

M. Rémillard: Oui, il y a 1 an. C'est ça, il y a 1 an. Il faut dire qu'il y a 2 substituts qui ont été nommés juges.

M. Bélanger (Anjou): Ah! c'est bien.

M. Rémillard: Oui, 2 substituts de Hull: M. Chevalier et Valmont Beaulieu.

M. Bélanger (Anjou): Valmont Beaulieu? Ah bon! D'accord.

M. Rémillard: Alors, les 2 qui ont été nommés, ça démontre la grande qualité.

M. Bélanger (Anjou): Ils ont été remplacés?

M. Rémillard: Un à Hull, M. Chevalier. C'est son père, le juge Chevalier, qui était de Hull, aussi. Il reste à Hull.

M. Bélanger (Anjou): Ah bon! D'accord. M. Rémillard: Ils ont été remplacés, bien sûr. M. Bélanger (Anjou): Parfait.

M. Rémillard: Mais ils sont irremplaçables! Je veux dire, il y en a d'autres qui sont venus prendre leurs postes.

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui. On apprend, même en politique, qu'il n'y a personne d'irremplaçable. C'est la première chose que j'ai apprise.

Maintenant, quand le ministre parlait, tout à l'heure encore, du Sommet de la justice, il parlait de son intention d'humaniser le plus possible le processus pénal. Moi, je reviens toujours au commentaire que j'ai déjà fait, à savoir: Comment humaniser plus avec moins de monde? Pour moi, humaniser, c'est mettre plus de ressources humaines, surtout que — je pense que vous en conviendrez avec moi, M. le ministre — certaines des dispositions qu'on avait prises pour humaniser davantage le système, comme le système de poursuites verticales, font appel à plus de ressources. Justement, on n'est pas capable encore de le mettre en application à Montréal, parce que ça demanderait trop de ressources pour pouvoir réellement l'appliquer à Montréal.

Alors, je me demande comment le ministre va réussir ce tour de force d'humaniser davantage notre système. Je comprends qu'on va en envoyer dans des cours municipales. Ça, je comprends ça, qu'on va déju-diciariser certaines choses et que ça va enlever un peu de volume. Mais, encore là, je me demande: Comment va-t-on réussir à humaniser davantage? Surtout, on sait aussi à quel point le ministre est préoccupé par le traitement des victimes de crimes, des témoins. On le sait comme quoi les témoins se sentent souvent trimballés d'un procureur à l'autre, tout au long d'un dossier. Alors, j'ai beaucoup de difficultés, parce que, justement, il y avait eu des efforts considérables. Je l'ai dit dans mon discours, lors du dépôt du projet de loi, qu'il y avait eu des efforts — quand même, je pense qu'il faut les souligner — faits pour augmenter les effectifs à la couronne. Il y avait eu, dans le passé, aussi, des efforts faits pour améliorer leurs conditions de travail. Puis là on a l'impression, un petit peu, qu'avec les coupures qui sont imposées encore par le Conseil du trésor tout ça va être comme annulé. On retourne à la case départ. Surtout, je pense à certaines équipes spéciales qu'on avait mises sur pied pour la lutte contre la drogue, la violence conjugale. (15 h 50)

Alors, toutes ces choses-là... Moi, je me demande comment le ministre va réussir à garder ces acquis-là! Puis, je pense que c'était... En tout cas, ça avait été salué par tous les intervenants, ces mesures-là. Puis, là, maintenant, avec ces coupures, ces coupures de postes... Puis, tout le monde était d'accord pour dire que les effectifs qui avaient été, à ce moment-là, augmentés, ces mesures qui avaient été prises étaient vraiment essentielles. Maintenant, je ne sais pas comment on va pouvoir maintenir ces acquis-là. Le ministre a peut-être une alternative ou une...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, plusieurs commentaires, M. le Président. Tout d'abord, je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure en ce qui regarde les cours municipales et la non-judiciarisation. Dès que le projet de loi C-90, au fédéral, va être en application, on va procéder à la non-judiciarisation. Ça, c'est quand même beaucoup, beaucoup d'aspects criminels et pénaux qui pourront être tressés d'une façon non judiciaire. Au départ, c'est donc considérable.

Autre chose, M. le Président, c'est que, dans le but d'avoir le traitement le plus humain possible pour les victimes... On sait qu'on applique — où c'est possible de le faire, et on le fait de plus en plus — la poursuite verticale... Je mentionnais que j'étais à Chicoutimi

dernièrement, et je le vérifiais, là-bas, avec les substituts, qui me disaient à quel point c'était intéressant pour les victimes, pour les avocats aussi, pour les procureurs et pour la défense. Pas juste pour la poursuite, pour la défense aussi. Alors, ça, c'est un des aspects qui simplifient beaucoup. Mais ce qui simplifie aussi beaucoup, c'est que, depuis le Sommet de la justice, il y a le dévoilement de la preuve. Alors, la couronne dévoile sa preuve, le substitut dévoile toute sa preuve. Ça, ça aide énormément. Ça limite considérablement les situations de surprise et les longs procès qui ont eu lieu, comme on avait auparavant.

En plus, nous sommes actuellement à discuter, comme le député d'Anjou le sait très bien, toute la question de l'enquête préliminaire. Devrait-on garder l'enquête préliminaire ou laisser tomber l'enquête préliminaire? Je suis allé à Montréal récemment, au palais de justice. J'avais quelques minutes. Je suis allé m'asseoir dans une salle d'audience, et c'étaient les enquêtes préliminaires. J'ai vu ça passer devant moi. J'ai demandé la permission. Je demande toujours la permission au juge avant, pour ne pas qu'il arrive, tout à coup, il voit le ministre de la Justice, tout à coup, il dit: Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui arrive? Je demande la permission au juge. Je vais là, puis je m'assois bien discrètement à l'arrière. Je voyais toutes ces enquêtes préliminaires. J'ai parlé ensuite avec les substituts, qui étaient là ce matin-là, et avec les juges, qui me disaient: Ah bien! il faut y penser, mais il faut faire attention quand même, parce que l'enquête préliminaire fait partie de notre système judiciaire pour garantir les droits des accusés à une présomption d'innocence.

Par contre, dans certains cas, on se rend compte que ce n'est plus utile. C'est 2 procès qui se suivent. Souvent, ça ne peut servir que pour des délais, puis répéter des processus qui devraient être faits devant le tribunal au moment du procès et non pas de l'enquête préliminaire, parce que le but de l'enquête préliminaire, c'est essentiellement de voir la preuve qui devrait être présentée. Ce n'est pas de se prononcer sur la preuve elle-même, mais de voir la preuve qui est présentée.

Alors, dans la mesure où on dévoile la preuve, est-ce qu'on ne pourrait pas laisser tomber ces enquêtes préliminaires, dans plusieurs cas, en tout cas? C'est ce qui est étudié présentement, et qui devrait nous amener à prendre des décisions dans un avenir quand même assez prochain, au début de l'automne prochain.

Alors, on m'apporte une note, ici, M. le Président, du substitut en chef de Trois-Rivières: Déplore ce qui est indiqué dans La Presse. Cent dossiers au stagiaire, c'est une situation normale. Dossiers simples de comparution. Substitut d'expérience avec... C'est comme ce qu'on disait. Ça n'ajoute absolument rien à ce qu'on disait tout à l'heure. C'est strictement, pour en revenir à Trois-Rivières, un processus qui est beaucoup plus une routine devant le tribunal que des décisions qui pourraient remettre en cause des droits des victimes ou des droits des accusés.

Donc, je reviens à la question du député d'Anjou, M. le Président, pour lui dire que, ce que nous allons mettre, ce que nous avons déjà mis en place et qui porte fruit, et ce que nous allons continuer à mettre en place, entre autres, avec la non-judiciarisation... J'ai toujours cette question, à savoir: Est-ce que le privé ne pourrait pas s'occuper du pénal? C'est l'application de nos lois, par exemple, provinciales dans le domaine du Code de la route. M. le sous-ministre parlait du Code de la route, par exemple. Est-ce qu'on ne pourrait pas demander...

Une voix: Ils l'ont déjà fait.

M. Rémillard: Ça s'est déjà fait. Ça s'est déjà fait comme ça. Alors, dans le domaine strictement... Je ne dis pas dans tous les domaines, je ne dis pas dans le domaine criminel. Je parle du domaine pénal, et je ne dis pas que la décision est prise. Je dis bien que c'est quelque chose qu'il faut envisager, qu'il faut regarder, les avantages, les inconvénients, puis prendre la bonne décision qui s'impose. Mais est-ce qu'on ne pourrait pas demander, à un moment donné, à des bureaux d'avocats de faire des offres et de procéder? Ça serait peut-être aussi une méthode. Je ne sais pas ce qu'en pense le député d'Anjou et les membres de cette commission. Ça serait une façon de voir les choses. Il faut regarder ça aussi.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): J'en conviendrai avec le ministre que c'est un débat qui est fort intéressant. Je dénote cependant, encore, cette même philosophie que j'avais trouvée à l'aide juridique, à savoir que c'est toujours meilleur marché au privé que d'y aller par la fonction publique, par ses fonctionnaires qui sont en place, qui sont aussi compétents. Je remarque que, souvent, on prend pour acquis qu'en sollicitant le privé ça va être meilleur marché. Puis, j'ai donc hâte de voir les études qui vont me prouver ça. Je regarde, au niveau de la médiation... Tout à l'heure, on parlait de la médiation aux petites créances. Encore là, vous savez, certaines personnes avancent des chiffres, puis disent qu'on ne peut pas arriver en bas de ce que ça coûte présentement avec les fonctionnaires qui font le travail, puis qui ont un taux de réussite de plus de 80 %. Encore là, je me demande si ça va être un peu comme à l'aide juridique, c'est-à-dire un vase communicant, dans le sens que ce qui n'est pas fait par le fonctionnaire, c'est quelqu'un de la pratique privée qui le fait, mais ça ne coûte pas nécessairement meilleur marché. En tout cas, je cherche toujours cette démonstration, parce que, si ça avait été un remède miracle, peut-être que, bien auparavant, on l'aurait appliqué.

En tout cas, ça peut être un débat intéressant, mais il faudra le faire avec des chiffres, avec des études approfondies pour démontrer réellement quel est le coût d'un dossier traité dans la fonction publique versus un par la pratique privée. Moi, j'ai une crainte relativement à ça, parce que je connais présentement la situation en

pratique privée, chez les avocats, qui est désastreuse — chez les notaires aussi. Je pense que le ministre en conviendra avec moi, les 2 professions, notariat et barreau, sont en crise. J'ai peur qu'on profite un peu de cette situation-là, de jeunes avocats qui sont prêts à prendre—je l'ai vu, je l'ai vu de mes yeux vu — n'importe quoi pour n'importe quel prix, pour tout simplement payer les comptes. Je me demande jusqu'à quel point on ne cherche pas un peu à profiter de ce marché qui est très déprimé présentement au niveau de la main-d'oeuvre professionnelle des avocats et de la Chambre des notaires. Puis, pour le citoyen...

En tout cas, moi, en tant que porte-parole de la Justice, ça m'inquiète un petit peu de voir le traitement réservé aux citoyens, le gage de fiabilité qui peut être fait à un tel système. En tout cas, je pense que ça peut être intéressant. Moi, je pense que c'est très intéressant comme débat. Je pense qu'à un moment donné il va falloir le faire d'une façon concrète, avec des chiffres, avec des études. Puis, on va peut-être avoir des surprises. Ça va peut-être coûter meilleur marché dans la fonction publique que dans le privé. Je ne le sais pas, moi. Mon hypothèse est peut-être aussi bonne que celle d'un autre, puisqu'on n'a pas de chiffres, qu'on n'a jamais réellement fait le débat.

Je voudrais savoir, pour le projet de loi C-90, est-ce qu'on a une idée quand il va être mis en vigueur? À peu près, au fédéral?

M. Rémillard: Bien, on a étudié... Avant de prendre la décision, par exemple, en ce qui regarde la médiation pour les petites créances ou la médiation pour la loi sur la médiation familiale, on a regardé les chiffres. Il faut faire attention. Il y a des gens qui vont nous dire: Vous prenez le salaire d'un fonctionnaire, vous le divisez par un nombre de dossiers, puis vous allez savoir combien vous coûte un dossier. Ce n'est pas tout à fait comme ça. Ce n'est pas tout à fait comme ça. Il faut voir, la gestion, ce que ça signifie; il faut voir les avantages, etc., etc. (16 heures)

II faut voir aussi ce qui ne se calcule pas toujours d'une façon instantanée, c'est les avantages de la concurrence. Quand on fait appel au privé et qu'on fait appel à la concurrence, ça signifie que vous avez des gens qui vont soumissionner d'une façon plus basse que l'autre. Là, vous allez me dire: Attention, parce qu'on peut prendre avantage d'une situation qui est présentement difficile chez les avocats et notaires pour avoir des gens à très, très, très bon prix. Oui, peut-être bien, peut-être bien, mais on en est rendu là. Le problème est que l'État doit vivre selon ses moyens, et, si on peut aider ces jeunes avocats ou même des seniors à passer à travers une période difficile, bien, pourquoi on ne le ferait pas? Si on me dit: Bien, vous allez avoir des avocats de première année, deuxième année de pratique, troisième année de pratique, ce n'est pas des gens de beaucoup d'expérience, oui, mais ces gens-là sont avocats ou ils ne le sont pas. S'ils sont avocats, il y a une corporation professionnelle qui est là, corporation pro- fessionnelle qui a juridiction sur la qualité du travail des avocats comme des notaires.

D'ailleurs, vous parlez de la situation difficile des avocats et des notaires. Il faut se poser la question: Est-ce qu'il est encore pertinent d'avoir 2 corporations professionnelles, 1 pour les avocats, 1 pour les notaires? Est-ce qu'il n'est pas temps qu'on regarde toutes les possibilités d'associer ces corporations concernant les 2 pratiques, dans un premier temps? Mais voyons les possibilités qui peuvent être faites pour associer des avocats et des notaires. C'est incroyable que des avocats ne puissent pas s'associer à des notaires, et vice versa, dans un même bureau, par exemple. C'est digne du Moyen Âge, ça.

M. Bélanger (Anjou): Entièrement d'accord avec vous sur ce dernier point.

Maintenant, pour la question de la mise en vigueur du projet de loi C-90, est-ce qu'on a une idée quand ce projet de loi pourra être passé?

M. Rémillard: J'en ai parlé avec M. Blais, qui me dit que le mécanisme est en cours, que ça pourrait être fait avant la fin de la présente session.

M. Bélanger (Anjou): Avant la fin de la présente session.

M. Rémillard: Ça veut dire que ça pourrait être... On me donne un chiffre, ici, M. le sous-ministre m'informe. On me dit: À Sherbrooke, avec l'entrée en vigueur du transfert de certaines responsabilités à la Cour municipale, 1200 dossiers ont été traités par la Cour municipale, et ça correspond à la tâche de 1,5 procureur de la couronne. Ça commence, ça, 1,5 par année. Alors, c'est là qu'on voit ce que ça peut apporter. Ce qui est intéressant des cours municipales, c'est qu'elles siègent, la moitié de leur temps, après 18 heures.

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui.

M. Rémillard: Ça, pour moi, c'est important. Je veux que la Cour municipale de Montréal puisse siéger aussi après... Je dois parler au maire Doré, justement, dans quelques minutes. Je veux lui en parler, que sa cour municipale, à Montréal, qui a une charte spéciale, comme celles de Laval et de Québec, puisse siéger le soir; que les gens qui veulent contester un billet de stationnement...

M. Bélanger (Anjou): Ne perdent pas une demi-journée de travail.

M. Rémillard: ...ne perdent pas une demi-journée de travail pour aller contester un billet de stationnement. ça n'a pas d'allure. quand on est arrivé avec la réforme des cours municipales et qu'on a dit qu'elles siégeraient 50 % du temps après 18 heures, on a dit: c'est épouvantable, c'est effrayant, ce n'est pas possible. on l'a

quasiment imposé. l'opposition était d'accord avec le gouvernement. on était d'accord, tout le monde à la commission, pour dire: ii faut qu'elles siègent 50 %... on a eu des protestations. maintenant, ça va très bien. est-ce qu'on entend des protestations? absolument pas. ça va très bien.

Pourquoi les cours municipale de Montréal et de Laval ne feraient pas la même chose? À Québec, de plus en plus, ils le font parce qu'ils réunissent d'autres cours municipales qui viennent s'adjoindre à Québec. De la façon que j'ai négocié, j'ai dit: Très bien, à Québec, vous allez vous associer d'autres cours autour. Très bien, mais à la condition que vous respectiez le 50 % ouvert le soir. Alors, c'est comme ça qu'ils vont, à Québec, ouvrir 50 % du temps le soir.

M. Bélanger (Anjou): Dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je semble concevoir que les différentes avenues, les différentes mesures de déju-diciarisation provoquent naturellement un désengorge-ment qui va permettre, si je comprends bien les propos du ministre, de procéder à des coupures sans affecter la qualité des services. Je suis un peu perplexe, maintenant, vis-à-vis de la réaction du ministre, parce que la première fois qu'on en avait parlé, que la nouvelle était sortie à propos de ces coupures-là, j'avais senti — corrigez-moi si je me trompe — chez vous un genre de résignation. Ça ne faisait pas vraiment votre affaire, cette coupure-là. Maintenant, vous semblez être d'avis que, vu — comment je pourrais dire — les mesures qui ont été prises pour déjudiciariser et désengorger, ça se fait tout naturellement. Est-ce que ma perception, qui était la première, était fausse?

M. Rémillard: Disons que votre impression était probablement fausse au départ. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est que la récession économique sévère que nous avons nous pousse peut-être plus rapidement, pour certains aspects, à faire ce qu'on avait prévu faire, mais dans un laps de temps un peu plus lointain. On le fait maintenant plus rapidement, on met les efforts d'une façon plus pressante, mais c'est toutes des choses qu'on avait décidé de faire depuis un bon bout de temps, déjà annoncées au Sommet de la justice. Là, il faut prendre une décision sur l'enquête préliminaire. Ce n'est pas simplement moi qui suis concerné comme ministre, il faut que le Code criminel soit changé. Donc, ça prend une loi fédérale. Il faut faire attention, il ne faut pas mettre en cause les droits des accusés, mais il faut prendre une décision pour qu'on arrête d'avoir ces enquêtes préliminaires qui prennent un temps fou, qui servent à certains avocats pour avoir simplement des délais et qui ont moins de raison d'être, dans plusieurs cas, parce qu'on a le dévoilement de la preuve maintenant.

Alors, ça, c'est une décision qui doit être prise. Moi, je pousse sur le gouvernement fédéral et je dis: Écoutez, il faut que vous ayez une loi là-dessus. Il faut qu'on se décide, puis marchez. Ça, c'est important. Alors, dans ce contexte, disons que la récession économique nous pousse à agir plus rapidement, dans certains cas, que prévu.

M. Bélanger (Anjou): Où en sommes-nous rendu au niveau de ces travaux, sur la remise en question d'enquêtes préliminaires? Est-ce qu'on est sur le point d'en arriver à une décision, d'arriver à quelque chose, ou si ça peut encore prendre un certain temps?

M. Rémillard: On a eu la Conférence des ministres de la justice, dernièrement, et c'est un sujet qui a été abordé, mais très rapidement, parce que c'était juste une rencontre de prise de contact. Au mois d'août, il y aura un document, qui nous est préparé pour la Conférence, sur l'uniformisation des lois. À Edmonton, on aura une rencontre sur ce sujet, qui devrait nous amener à prendre une décision...

M. Bélanger (Anjou): Parfait.

M. Rémillard: ...pour qu'il y ait un projet de loi.

M. Bélanger (Anjou): Merci.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

Merci, M. le député d'Anjou.

On appelle l'article 1? Alors, j'appelle l'article 1. M. le ministre.

Étude détaillée Dispositions générales

M. Rémillard: M. le Président, la Loi sur les substituts du procureur général est modifiée par l'insertion, avant l'article 1, de ce qui suit: «Section I, Dispositions générales». Alors, il s'agit d'une modification de concordance avec l'article 7 du projet de loi, qui insère une nouvelle section dans la Loi sur les substituts du procureur général.

Le Président (M. Dauphin): Questions, commentaires?

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'on peut m'expli-quer exactement en quoi correspond... Quel est le changement relativement à la nouvelle disposition par rapport à l'ancienne?

(Consultation)

M. Rémillard: M. le Président, je peux demander à Me Jacques Mercier, s'il vous plaît, légiste, de répondre à la question du député d'Anjou.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Me Mercier.

M. Mercier (Jacques): À l'article 7, le projet de loi présente les articles 9.1 jusqu'à 9.10...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Mercier: ...qui traitent des activités politiques, sous le titre de la section II. Alors, les articles qui précèdent ces articles 9.1 et autres, il fallait les regrouper. C'est la nouvelle section I, Dispositions générales.

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Ça va. Le Président (M. Dauphin): Ça va? M. Bélanger (Anjou): Oui. Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté. J'appelle l'article 2.

Mode de nomination des substituts occasionnels

M. Rémillard: M. le Président, l'article 1 de cette loi est remplacé par le suivant: «1. Les substituts du Procureur général sont nommés, conformément à la présente loi, parmi les avocats autorisés en vertu de la loi à exercer leur profession au Québec.»

Alors, il s'agit, M. le Président, d'une modification de concordance résultant de la modification introduite par l'article 3 du projet de loi. Alors, suivant l'article 3 du projet de loi, les substituts occasionnels ne seront plus nommés par décret du gouvernement, mais plutôt par le Procureur général. Selon la loi actuelle, M. le Président, les substituts occasionnels sont nommés par décret du gouvernement. Alors, le décret fixe également leur rémunération.

M. Bélanger (Anjou): Si je comprends bien, cette disposition va permettre d'engager plus facilement des occasionnels.

M. Rémillard: Oui, d'une façon plus rapide.

M. Bélanger (Anjou): D'une façon plus rapide. Justement, je regardais, au niveau de... J'en avais parlé lors de mon discours. Alors qu'on annonce des coupures, j'ai vu qu'en même temps au mois de mai on annonçait l'embauche de 4 nouveaux substituts occasionnels. Est-ce qu'on pourrait m'expliquer ça? Est-ce que c'est pour combler des postes?

M. Rémillard: Oui. Alors, je vais demander à M. le sous-ministre, M. le Président, de répondre. Il s'agit de combler des postes, surtout en ce qui regarde les congés de maternité. Je vais demander à M. le sous-ministre Bouchard de répondre à la question, avec votre permission, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. Bouchard. (16 h 10)

M. Bouchard: M. le Président, M. le député. Effectivement, il s'agit de l'embauche d'avocats qui, essentiellement, sont amenés à remplacer des procureurs permanents qui doivent quitter, soit pour congé de maternité prolongé ou pour des congés sans solde. Par exemple, un congé sabbatique, etc. Malgré les compressions, il faut quand même remplacer ces gens-là, qui, eux, occupaient des postes permanents. C'est pour que les districts puissent rencontrer les échéanciers au niveau des plaidoiries, etc. Donc, il ne s'agit pas d'engager des occasionnels après avoir congédié des permanents. Il s'agit d'engager, pour une période limitée, des occasionnels pendant que les permanents sont en congé sans solde.

M. Bélanger (Anjou): J'ai, devant moi, une directive du 16 mars 1993, qui donne, je pense, des pouvoirs plus grands au sous-ministre pour embaucher des substituts, ou si c'est pour des mandats particuliers? Est-ce que je me trompe? Oui, pour des projets spéciaux, projets spécifiques, et tout ça, là.

M. Rémillard: Oui, dans les cas ad hoc, les projets spéciaux, le sous-ministre peut agir. Ensuite, ça vient au ministre, au Procureur général.

M. Bélanger (Anjou): Ça, c'est une nouvelle directive, je pense? C'est ça?

M. Rémillard: Oui, pour pouvoir agir rapidement.

M. Bélanger (Anjou): Auparavant, les sous-ministres n'avaient pas cette latitude-là?

M. Rémillard: Non, non.

M. Bélanger (Anjou): Ça devait toujours passer par le Procureur général?

M. Rémillard: Par le Procureur général. M. Bélanger (Anjou): Donc, c'est...

M. Rémillard: Ça passe par le Procureur général, peut-être, après, mais, quand ils doivent agir rapidement, très rapidement, dans des cas bien spéciaux, ils peuvent agir directement.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'on pourrait considérer le groupe de lutte contre la drogue comme étant un de ces projets spécifiques, ou c'est encore plus spécifique que ça, là?

M. Rémillard: Du tout, du tout. C'est vraiment... Je vais demander à M. le sous-ministre de préciser.

Le Président (M. Dauphin): M. Bouchard.

M. Bouchard: M. le député, M. le Président, il arrive des cas où les procureurs permanents ne peuvent pas occuper dans un dossier, par apparence de conflit d'intérêts. Alors, à ce moment-là, nous allons confier un dossier en particulier à un procureur qui est nommé ad hoc. Pour les fins de ce dossier uniquement, il agira au nom du Procureur général. Je ne sais pas si vous...

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui. Il va être pris, en général, dans la pratique privée ou...

M. Bouchard: Effectivement, au tableau de l'ordre.

M. Bélanger (Anjou): ...dans une liste?

M. Bouchard: II sera rémunéré suivant la réglementation en vigueur, qui est émise au niveau du Conseil du trésor, à un tarif horaire qui dépend de ses années d'expérience.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'il y a des listes de réserve qui sont faites, à la couronne, pour ce genre de choses là, ou si c'est pris... À chaque fois, il y a un appel d'offres?

M. Bouchard: On regarde essentiellement — il n'y a pas de liste établie — la nature du dossier à être confié. S'il s'agit d'un dossier qui requiert une expertise particulière, dans un domaine précis, on va, à ce moment-là, aller sur le marché des avocats et vérifier, selon les disponibilités et les compétences de chacun. Il n'y a pas de liste et on n'a pas à choisir parmi une liste.

M. Bélanger (Anjou): Parfait. Ça va. Merci.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'article 2 est adopté.

J'appelle l'article 3.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 5 de cette loi est modifié: 1° par le remplacement, dans la quatrième ligne du deuxième alinéa du paragraphe 1, des mots «et aux autres conditions» par les mots «ainsi qu'aux avantages sociaux et aux autres conditions de travail»; 2° par le remplacement du paragraphe 2 par le suivant: «2. Les substituts occasionnels sont nommés par le Procureur général. L'acte de nomination fixe leur rémunération, conformément aux règles, normes et barèmes que le gouvernement peut déterminer par règlement, sur la recommandation du Procureur général. «Ce règlement peut également prévoir des règles, normes et barèmes applicables à la nomination, aux avantages sociaux et aux autres conditions de travail des substituts occasionnels.» m. le président, la modification proposée au paragraphe 1 est de concordance avec la terminologie employée au paragraphe 2. or, selon le paragraphe 2, les substituts occasionnels seront dorénavant nommés par le procureur général et non plus par décret du gouvernement. alors, les règles concernant leur nomination, leur rémunération, leurs avantages sociaux et leurs autres conditions de travail seront déterminées par règlement du gouvernement.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): J'ai été un petit peu étonné quand j'ai vu, dans le projet de loi, qu'on passait directement à l'article 5, parce que j'avais entendu dire, par certaines personnes travaillant à la couronne, qu'on s'attendait à ce que l'article 4 soit modifié; l'article 4, alinéa a, justement, relativement à... C'est une certaine réserve qui est faite à l'effet que certaines poursuites doivent être autorisées par le Procureur général lui-même et non pas par ses substituts. On m'a indiqué aussi que le sous-ministre, Me Bouchard, était lui-même favorable à l'amendement de cet article 4, afin de donner ce pouvoir-là à ses substituts. Est-ce que je pourrais savoir pourquoi, finalement, on ne l'a pas modifié, ou est-ce qu'on a cru bon de le laisser tel quel?

M. Rémillard: Après une analyse plus approfondie, M. le Président, et consultation approfondie avec nos substituts, nos substituts en chef, nos substituts en chef adjoints, on est arrivé à la conclusion qu'une modification législative ne serait pas adéquate et qu'une délégation administrative aux 35 substituts en chef et adjoints est préférable. Alors, c'est comme ça qu'on est arrivé à la conclusion qu'il ne fallait pas toucher à l'article 4, mais je peux demander à M. le sous-ministre Bouchard d'apporter un complément de réponse, avec votre permission, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Avec plaisir. M. Bouchard.

M. Bouchard: M. le Président, M. le député, effectivement, il nous est apparu, après examen des dispositions, que la délégation administrative pouvait rencontrer les fins que pourrait rechercher une modification à la loi. De même, cette délégation administrative permet un meilleur encadrement et un contrôle sur certaines accusations que le législateur fédéral a cru bon réserver au seul consentement du Procureur général. Donc, les substituts en chef, qui gèrent les 300 et quelques substituts permanents, sont habilités par délégation administrative à autoriser, au nom du Procureur général, ces poursuites qui, essentiellement, sont des poursuites particulières, et dont la fréquence est peu nombreuse, en fait. Il s'agit d'articles du Code qui sont utilisés, mais de façon parcimonieuse.

M. Bélanger (Anjou): Comme l'incitation à la haine; par exemple, un document qui incite à la haine? Je sais, pour l'avoir vu récemment. C'est un des articles, justement, je pense, où toute poursuite ne peut être autorisée que par le Procureur général.

M. Rémillard: Strictement.

M. Bouchard: Une des infractions, effectivement, qui est de fomenter volontairement la haine — l'article 319 du Code criminel — ferait l'objet d'une autorisation, au même titre que la corruption d'enfant, la nudité. Essentiellement, il s'agit d'infractions qui sont peu fréquentes mais qui méritent un examen particulier. C'est pour ça que le législateur fédéral, dans le Code criminel, a prévu un consentement du Procureur général avant que les poursuites ne soient intentées.

M. Bélanger (Anjou): Donc, de facto, présentement, ce n'est pas le Procureur général qui autorise ces poursuites, c'est le procureur-chef...

M. Bouchard: Par délégation administrative...

M. Bélanger (Anjou): Par délégation administrative. Ça se fait depuis combien de temps, cette délégation administrative? Depuis un bout de temps ou...

M. Bouchard: Je pense que c'est à la fin janvier 1993 qu'une délégation administrative a été faite aux substituts en chef.

M. Bélanger (Anjou): Donc, jusqu'en janvier 1993, c'était encore le Procureur général lui-même qui autorisait ces... Non?

M. Rémillard: Non, du tout, pas en pratique.

M. Bélanger (Anjou): Si la délégation se faisait plus haut?

M. Rémillard: Pas en pratique. En fait, il faut bien comprendre que le Procureur général apprend par les journaux les poursuites qui sont prises. Ne viennent sur mon bureau, comme Procureur général, que les cas exceptionnels qui impliqueraient, par exemple, des membres de l'Assemblée nationale, des gens avec une autorité spéciale, qui demandent qu'on puisse analyser certains aspects particuliers.

M. Bélanger (Anjou): Au niveau diplomatique, des choses comme ça.

M. Rémillard: Diplomatique, des cas vraiment exceptionnels, mais j'apprends par les journaux les poursuites qui sont prises...

M. Bélanger (Anjou): D'accord.

M. Rémillard: ...dans la très, très, très grande majorité des cas. Quand j'ai des cas plus particuliers, plus difficiles, ce que j'ai toujours fait, c'est que j'ai demandé une préenquête par un juge avant de décider de faire les accusations.

M. Bélanger (Anjou): Parfait. Ça va. Quant à moi, il n'y a pas de...

Le Président (M. Dauphin): L'article 3 est adopté.

J'appelle l'article 4.

Modification des appellations

M. Rémillard: M. le Président, l'article 4 se lit comme suit:

L'article 6 de cette loi est modifié par le remplacement, dans les deuxième et troisième lignes, des mots «procureurs-chefs ainsi que des procureurs-chefs adjoints» par les mots «substituts en chef ainsi que des substituts en chef adjoints».

Alors, M. le Président, la modification remplace l'appellation de «procureur-chef» et de «procureur-chef adjoint» par celle de «substitut en chef» et de «substitut en chef adjoint». La nouvelle désignation est davantage conforme aux autres dispositions de la loi et à la pratique actuelle.

M. Bélanger (Anjou): Ça va, quant à moi.

Le Président (M. Dauphin): L'article 4 est adopté.

J'appelle l'article 5.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 5 se lit comme suit:

L'article 7 de cette loi est modifié par le remplacement, dans la première ligne, du mot «permanent» par les mots «autre que celui désigné conformément à l'article 9».

M. le Président, suivant la modification proposée, les substituts occasionnels devront s'occuper exclusivement du travail et des devoirs de leur fonction, comme c'est déjà le cas pour les substituts permanents. Il faut dire peut-être, M. le Président, que cette obligation se retrouvait déjà dans le règlement sur les substituts occasionnels. Ce n'était pas dans la loi. Là, on le met dans la loi.

M. Bélanger (Anjou): Ça va.

Le Président (M. Dauphin): Ça va pour l'article 5.

J'appelle l'article 6. (16 h 20)

M. Rémillard: L'article 8 de cette loi est abrogé.

M. le Président, l'article 8 de la Loi sur les substituts du procureur général est abrogé par concordance avec l'article 7 du projet de loi, qui insère une nouvelle section relative à l'exercice de certaines activités politi-

ques par les substituts permanents.

M. Bélanger (Anjou): Je dois comprendre, M. le ministre, que c'est suite au jugement de la Cour suprême dans l'arrêt Tremblay, je pense. Pardon?

M. Rémillard: La Cour supérieure.

M. Bélanger (Anjou): En Cour supérieure, dans l'affaire Tremblay — c'est ça, hein? — qui avait, je crois, trouvé invalide cette disposition, déclaré inconstitutionnelle... C'est ça?

M. Rémillard: En très grande partie, oui.

M. Bélanger (Anjou): En très grande partie. C'est ça. Alors, l'article 8 est remplacé et c'est 9.1 et suivants qui vont maintenant... D'accord. Ça va.

Le Président (M. Dauphin): Si je comprends bien, l'article 6 est adopté et on vient d'aborder l'article 7. On vient de parler un peu de l'article 7.

J'appelle l'article 7, qui insère, effectivement, une nouvelle section. Alors, on va les prendre un par un. On va commencer avec l'article 9.1.

Dispositions relatives à certaines activités politiques

M. Rémillard: M. le Président, l'article 7 se lit comme suit:

Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 9, de ce qui suit: «Section II, Dispositions relatives à l'exercice de certaines activités politiques».

Alors, M. le Président, la section II regroupe les nouvelles dispositions relatives à l'exercice de certaines activités politiques par les substituts permanents.

Le Président (M. Dauphin): Oui. Article 7, 9.1. Nous allons les prendre un par un.

M. Rémillard: Alors, l'article 9.1, M. le Président. «9.1 Un substitut permanent ne peut, tant qu'il conserve le statut de substitut, se porter candidat à une élection fédérale, provinciale, municipale ou scolaire. «Il ne peut non plus être membre d'un parti politique, verser une contribution à un parti politique, à une instance d'un parti politique ou à un candidat à une telle élection, ni se livrer à une autre activité de nature partisane en faveur ou contre un parti politique ou un candidat à une telle élection.»

M. le Président, l'article 9.1 reconnaît, à l'égard des substituts permanents, le principe de l'incompatibilité de l'engagement politique partisan avec leur statut de substitut du Procureur général. Il ne peuvent donc se porter candidats à une élection fédérale, provinciale, municipale ou scolaire, être membre d'un parti politique, verser une contribution à un parti politique ou se livrer à une autre activité de nature partisane.

M. le Président, tout à l'heure, à l'article 9.2, nous verrons quelles sont les activités politiques qui ne sont pas considérées de nature partisane.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je comprends que... Je regardais la réaction. J'ai eu une lettre du Barreau, une copie d'une lettre du Barreau qui a été adressée au ministre, suite au dépôt de ce projet de loi. En tout cas, ce qui semble être la réaction, même par rapport à certaines personnes qui travaillent à la couronne, qui m'ont fait part de leur réaction, c'est que c'est quand même une amélioration. Auparavant, c'était la destitution pure et simple de quelqu'un qui était substitut du Procureur général et qui voulait se présenter comme candidat à une élection scolaire, municipale ou provinciale. Maintenant, c'est un reclassement. Je dois comprendre, à ce moment-là, qu'il reste avocat, mais il peut être muté dans n'importe quel autre département de la fonction publique — c'est ça? — mais il ne sera plus procureur...

M. Rémillard: Oui, mais à un même niveau.

M. Bélanger (Anjou): II va rester au ministère de la Justice ou...

M. Rémillard: Oui. Au ministère de la Justice, et à un même niveau.

M. Bélanger (Anjou): Au même niveau?

M. Rémillard: C'est ça. Alors, il va être juriste, même niveau de juriste. Il ne perdra pas de salaire, mais il ne sera pas procureur.

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Maintenant, une autre chose aussi que j'ai remarquée dans les réactions...

M. Rémillard: Le substitut, excusez-moi.

M. Bélanger (Anjou): C'est ça. Dans les réactions, suite à ce dépôt de projet de loi, c'est que tout le monde semble comprendre... Quelqu'un qui se déclare candidat, c'est juste et équitable qu'il soit reclassé. Maintenant, quand je regarde, cependant... Je sais que, plus tard, dans 9.2, on va y aller plus en détail quant aux gestes qui sont considérés comme des gestes de nature partisane, mais est-ce que le... Le seul fait de verser une contribution à un parti politique, d'accord, sans en être membre, est-ce que ça, ça justifie un reclassement?

M. Rémillard: Moi... Pas...

M. Bélanger (Anjou): Là, je me demande si ce n'est pas un peu... La sanction, je me demande si la sanction n'est pas un peu disproportionnée.

M. Rémillard: Alors, il faut bien comprendre que l'objectif, M. le Président, du projet de loi est de donner au substitut la situation la plus impartiale possible. Le premier cas, c'est lorsqu'il décide de se présenter lui-même à un poste électif. Ça, c'est évident pour tout le monde. Très bien.

Lorsqu'il fait une contribution. On a un système, M. le Président, de contribution financière aux programmes politiques, aux partis politiques, dis-je, dont on peut être fier au Québec. C'est des contributions qui sont publiques. Par conséquent, même si vous n'avez pas votre carte d'un parti politique mais que vous contribuez, vous donnez de l'argent, vous apportez donc votre soutien au parti politique. Vous êtes de la même idéologie qu'un parti politique, vous êtes partisan sur le plan politique.

Ce que ça signifie, c'est que, dans bien des poursuites, vous pourriez être en conflit avec des personnes qui auraient oeuvré dans un autre secteur que vous. Je ne parle pas simplement de l'élection, au niveau provincial, des membres de cette Assemblée nationale, je pense au niveau municipal, je pense au niveau scolaire aussi, M. le Président. Alors, à un moment donné, vous vous êtes présenté et vous devez poursuivre ou vous avez à décider si vous devez poursuivre quelqu'un qui a oeuvré, oeuvre toujours pour un parti qui est à l'Opposition ou qui est au pouvoir, ou je ne sais pas trop quoi, mais qui est en conflit, qui pourrait être en conflit avec le parti auquel vous avez contribué, donc une possibilité de toucher à l'impartialité du substitut. Alors, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait enlever cette possibilité.

Il faut dire que j'ai eu beaucoup de lettres d'individus, de personnes qui sont poursuivies. Des gens m'écrivent et me disent: Le substitut, je le connais. Son père, c'était un libéral; son père, c'était un péquiste; son père s'est présenté maire; sa mère a été conseillère. Il m'a poursuivi parce que, dans le temps... Vous savez... Bon. Ça, on met ça de côté. Ce n'est pas ça, c'est de l'exagération. Sans tomber de ce côté, il reste qu'il faut trouver le juste milieu. Il me semble, M. le Président, qu'un substitut qui contribue financièrement à un parti politique — sur le plan provincial, fédéral, municipal ou scolaire — par conséquent, est d'allégeance de ce parti politique, sur le plan idéologique, du moins, et partisan. Ça peut le mettre dans une situation difficile par rapport à certaines poursuites qu'il doit décider de prendre.

M. Bélanger (Anjou): Mais je pense que le ministre conviendra avec moi que... Comme je vous dis, moi, je n'ai pas de problème avec le fait que quelqu'un se présente candidat. Je reviendrai par la suite. J'aurais aimé qu'il y ait quelque chose, qu'il y ait une disposition qui existe dans le projet de loi relativement à la réintégration. Ça, c'est une autre chose.

M. Rémillard: On en parlera.

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Je pense qu'il n'y a pas de problème par rapport à ça, mais, par rapport au financement, le ministre conviendra avec moi que quelqu'un qui veut donner à un parti... Si j'étais substitut du Procureur général, mon mari ou ma femme — bien, ma femme, pas mon mari — pourrait donner à ma place. Alors, ma femme pourrait donner à ma place, et, à ce moment-là, je pourrais tout à fait contourner l'objet de la loi. Puis, vous savez, moi, je me demande jusqu'à quel point, finalement, on enlève un avantage fiscal aux substituts. C'est quand même vrai. Beaucoup de gens... Vous savez, s'il n'y avait pas l'avantage fiscal, bien des gens ne donneraient peut-être pas à nos partis. Vous seriez étonné, M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, mais, là, écoutez. Moi, je pense qu'il faut aller au-delà de ça. Si c'est la femme qui donne, ou si c'est l'homme qui donne et que c'est la femme qui est substitut, parce qu'il y a des substituts féminins... Il y en a beaucoup de substituts féminins...

M. Bélanger (Anjou): Voilà!

M. Rémillard: On me dit presque le tiers, et il y en a de plus en plus. On s'en réjouit. Par conséquent, qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que c'est l'expression, simplement, de l'autonomie d'une personne. Ce n'est pas parce qu'on vit en couple, d'une façon mariée ou non mariée, qu'on ne doit pas avoir d'autonomie, chacun de son côté, au point de vue de liberté de penser...

M. Bélanger (Anjou): Je comprends.

M. Rémillard: ...et d'agir. Il faut concilier tout ça pour continuer à vivre ensemble, remarquez.

M. Bélanger (Anjou): Mais, moi, ce que je trouve un petit peu... Je trouve ça un petit peu... Comment je pourrais dire? Je ne sais pas, mais c'est tellement illusoire, dans le sens que, même si vous n'êtes pas en couple, ça peut être votre frère, ça peut être votre soeur qui va donner pour vous au parti politique. Ça peut être n'importe qui, à vrai dire. Alors, je me demande pourquoi mettre une telle disposition. Surtout, vous savez, qu'il y a des gens qui donnent aux 2 partis. Alors, à ce moment-là, vous savez que ça ne veut pas dire grand-chose. C'est pour ça que je me demande... En tout cas, moi, je n'ai pas de difficultés par rapport à quelqu'un qui se présente comme candidat. Mais, pour le simple fait de contribuer à un parti politique, je me demande jusqu'à quel point ce n'est pas un peu démesuré comme sanction, le reclassement. (16 h 30)

M. Rémillard: Mais, on ne peut pas...

M. Bélanger (Anjou): C'est disproportionné.

M. Rémillard: Oui, mais on ne peut pas aller jusqu'à dire que la conjointe ou le conjoint ne peuvent pas contribuer. On ne peut pas aller jusqu'à dire que le «mononcle» et la «matante», le frère et la soeur, le papa et la maman ne peuvent pas contribuer. Je pense qu'il n'en est pas question. Mais, lorsqu'on parle de la personne, du substitut lui-même ou elle-même, je crois qu'on ne doit pas permettre qu'il y ait une contribution financière de sa part à un parti politique. Ça vient de la philosophie que l'objectif de la loi, le substitut, ne doit pas être, politiquement parlant, partisan. Par conséquent, il y a le grand geste d'être à l'élection, candidat à l'élection, ça c'est une chose, mais il y a les gestes de soutien. Tout geste de soutien public, à mon sens, est quelque chose qui est insouhaitable, qui n'est pas souhaitable dans le travail d'un substitut du Procureur général.

Écoutez, il faut comprendre le travail du substitut. Je vous disais tout à l'heure que, ce qui monte chez le Procureur général, c'est très peu de cas. On travaille ensemble et on donne des directives, c'est évident. Je travaille avec les sous-ministres, je travaille avec les substituts en chef — je les ai rencontrés encore récemment. On travaille sur des directives, des façons de procéder, mais les cas particuliers ne viennent pas sur mon bureau, excepté les cas très particuliers, comme je l'expliquais tout à l'heure. Même, souvent, le substitut en chef ne voit pas les décisions qui sont prises par les substituts de son bureau. M. le sous-ministre me corrige si je fais erreur, mais c'est comme ça que ça se passe. C'est comme ça qu'on l'a expliqué. Il faut que ça marche comme ça; sans ça, ça n'aurait pas de bon sens.

Alors, dans ce cas-là, c'est le substitut qui décide, lorsqu'il reçoit la preuve, de poursuivre ou de ne pas poursuivre. C'est toute une décision, ça. Alors, devant un tribunal, si vous avez un juge... Il agit quasiment comme un juge, c'est un juge. Il juge la preuve, et il décide — Je poursuis ou je ne poursuis pas — ce qui a énormément de conséquences dans la vie du citoyen. Quand vous êtes devant un juge, puis vous dites: Aïe! mon juge, ce juge-là, il est partial, parce qu'il connaissait mon père ou ma mère, il était comme ci et il était comme ça, vous avez une procédure pour faire récuser le juge. Ça existe dans notre Code de procédure civile. Mais, en ce qui regarde le substitut, vous n'avez aucune mesure, vous ne pouvez pas le récuser. À un moment donné, vous vous retrouvez et vous êtes poursuivi. Alors, il faut qu'il y ait le maximum d'impartialité, le maximum d'impartialité. Pour moi, ça, c'est un aspect qui est très important.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée.

Mme Caron: Merci, M. le Président.

Est-ce qu'il y a eu un avis qui a été demandé, ou est-ce qu'on a consulté le Directeur général des élections, M. Pierre-F. Côté, pour savoir ce qu'il considérait comme activité politique qui pouvait être acceptée ou non? Est-ce qu'on a eu des avis de ce côté-là, parce qu'on sait qu'au niveau du financement des partis politi- ques, au niveau des différentes activités, le Directeur général des élections, finalement, a un rôle extrêmement important. Est-ce qu'on l'a consulté? Est-ce qu'on sait ce qu'il pense sur ces activités-là?

M. Rémillard: Non, on ne l'a pas consulté. On ne l'a pas consulté parce qu'il nous apparaît comme évident... Ça nous apparaît... Pour moi, ça m'appa-raît... Je n'ai aucun doute, je n'ai vraiment aucun doute que, quelqu'un qui contribue à un parti politique, par le fait même, il se met dans une situation où il peut être vu comme partisan, et sa situation d'objectivité est remise en cause. Pour moi, ça m'apparaît vraiment évident. Je n'ai vraiment pas de doute, pas de doute là-dessus.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Le ministre conviendra avec moi qu'avant d'être invalidé l'article 8 aussi paraissait évident. Il n'y avait pas beaucoup de controverse non plus avant d'invalider cet article-là. Moi, la question que je me pose, c'est relativement à l'article 2b de la Charte. Est-ce que vous ne pensez pas que ça pourrait être encore déclaré inconstitutionnel? Est-ce qu'il y a eu des opinions juridiques qui ont été demandées là-dessus?

M. Rémillard: Oui, on l'a demandée, l'opinion juridique. Selon les opinions que nous avons, c'est tout à fait correct. Ça se justifie fort bien.

M. Bélanger (Anjou): Pour reprendre la question de ma collègue, la députée de Terrebonne, j'avais eu vent que Pierre-F. Côté, le Directeur général des élections, n'était pas favorable à une telle disposition et qu'il considérait cette disposition comme abusive, relativement à la limite qui était donnée aux droits démocratiques d'un citoyen.

M. Rémillard: Excusez-moi, quelqu'un me parlait.

M. Bélanger (Anjou): Ce n'est pas grave. Je disais tout simplement que j'avais eu vent que Pierre-F. Côté n'était pas d'accord avec cette disposition. Il jugeait que cette disposition allait trop loin quant à la limite qui était imposée aux droits démocratiques d'un citoyen: celui de voter, son droit d'éligibilité aussi.

M. Rémillard: Je n'ai jamais été mis au courant de ça.

M. Bélanger (Anjou): Vous n'avez pas eu de...

M. Rémillard: Moi, je n'ai pas été informé de ça.

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Comme je vous ai dit, je n'ai pas eu de confirmation comme telle, mais on m'avait dit que...

M. Rémillard: Non, je n'ai pas été informé de ça.

M. Bélanger (Anjou): Non?

M. Rémillard: J'avoue qu'on ne l'a pas consulté comme tel. Le projet est public, et le Protecteur du citoyen aurait pu envoyer son avis ou quoi que ce soit. Moi, je ne l'ai pas reçu, en tout cas. Je ne l'ai pas reçu.

M. Bélanger (Anjou): D'accord.

M. Rémillard: Notre objectif, c'est strictement que... Il ne faut pas exagérer, non plus. Je ne veux pas tomber dans une... Je ne veux pas exagérer. Je veux simplement trouver le moyen pour avoir la situation la plus objective possible. Déjà, on a des substituts qui ont été actifs dans les partis politiques, et c'est tout à fait normal. Ce n'est parce qu'on a été dans un parti politique qu'on ne peut pas...

M. Bélanger (Anjou): Même des juges.

M. Rémillard: Des juges ou n'importe quel... Ce n'est pas une tare que d'avoir été dans un parti politique, d'avoir fait partie d'un parti politique et, même, d'avoir été membre de l'Assemblée législative ou quoi que ce soit. Au contraire, ça devrait être un avantage, c'est une expérience de vie. Mais, quand on décide de faire ce travail-là, on le fait, on coupe tout, tu coupes tes liens. Alors, il s'agirait que quelqu'un qui a été dans un cabinet politique, par exemple, qui...

M. Bélanger (Anjou): On a eu des exemples. M. Rémillard: Hein?

M. Bélanger (Anjou): II y a eu des exemples, je pense.

M. Rémillard: Ah oui! Il y en a. Il y en a du côté péquiste, du côté libéral, puis ils sont de bons substituts, de part et d'autre.

M. Bélanger (Anjou): Non, non.

M. Rémillard: Je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas faire leur travail. Mais, si ces gens-là sont comme substituts et qu'ils continuent à contribuer à leur parti, je vais vous dire, c'est tannant, ça. Ça donne prise à des commentaires, à des difficultés. Tu sais, j'aime mieux... Il me semble que c'est plus acceptable de dire: Très bien, moi, j'ai été dans un cabinet politique, j'ai oeuvré en politique activement; là, j'accepte d'être substitut, je coupe la politique. Parce que la contribution financière, à ce moment-là, ce n'est pas coupé ça; c'est de continuer à être là et d'être attaché à un parti politique. Moi, je vais vous dire, je trouverais ça difficile qu'ils continuent à contribuer. Alors, vous ne pouvez pas dire: Parce que certains ont été impliqués avant, ils ne peuvent plus contribuer quand ils vont être substituts. Il fallait tracer une ligne. Moi, je crois qu'il faut laisser tomber toute contribution financière.

M. Bélanger (Anjou): Je cherche à justifier cette différence-là qu'on fait au niveau de la contribution à un parti politique, comme quoi c'est tellement important. Justement, la personne a beau, maintenant, être rendue juge, là, elle est supposée être impartiale, elle est impartiale. Mais vous serez d'accord avec moi que quelqu'un qui a oeuvré pendant de nombreuses années pour un parti politique garde quand même ses convictions.

M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger (Anjou): Mis à part certaines conversions, peut-être spontanées, mais qui ne doivent pas faire légion.

Alors, c'est pour ça, à ce niveau-là... Je me demande si on n'est pas un peu plus catholique que le pape.

(Consultation)

M. Rémillard: Ah oui! Il conserve son droit de vote.

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui. Le droit de vote, oui, oui.

M. Rémillard: II conserve son droit de vote.

M. Bélanger (Anjou): Avant, il n'avait pas le droit de voter. Je le sais.

M. Rémillard: Je fais attention parce qu'il y a peut-être des causes devant les tribunaux. Je fais attention à ce que je dis, là, mais il faut voir jusqu'où ça peut aller. Moi, je peux vous dire, de par l'expérience qu'on a tous eue, peu importent les partis politiques — comme Procureur général, comme ministre de la Justice, il y a des cas qui ont été soulevés — de par les lettres que nous recevons et, je pense, cette nécessité de conserver l'impartialité la plus totale, l'objectivité la plus totale au niveau de l'administration de la justice, je crois qu'il faut aller jusque-là. Je suis fortement, je suis profondément convaincu qu'il faut qu'on enlève toute possibilité de contribuer à un parti politique.

Vous allez me donner le cas, évidemment, d'une personne qui n'a jamais été active en politique et qui, elle, par exemple, est pour la souveraineté du Québec, pas péquiste, mais pour la souveraineté du Québec. Elle voudrait contribuer financièrement à un parti politique qui prône la souveraineté. Moi, je pourrais vous dire qu'ils vont contribuer pour les libéraux, parce qu'ils sont pour un autre objectif des libéraux, et un autre, au point de vue municipal ou fédéral. Mais ça ne marche pas de même tout le temps. Ce qui marche, c'est que vous êtes d'un côté ou vous êtes de l'autre et vous appartenez à un parti politique.

Mais, qui plus est, il y a tous ces gens qui ont été actifs politiquement et même très actifs, parce que — comme l'exemple que je vous donnais tout à l'heure — impliqués au niveau d'un cabinet politique, au niveau d'une organisation de comté, et qui sont procureurs. Ils font de très bons procureurs. Mais, s'ils continuaient de contribuer, ils entacheraient leur objectivité comme substituts. Moi, je suis profondément convaincu de ça. De par les lettres que j'ai, de par l'expérience de mes 5 dernières années, je suis convaincu de ça. (16 h 40)

M. Bélanger (Anjou): Donc, d'après vous, ça constituait vraiment un problème, parce que l'ancien article 8 était muet.

M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger (Anjou): II ne définissait pas le geste de faire une contribution comme étant un acte de nature politique. C'est ça?

M. Rémillard: ...politique partisane. Mais ça, c'est une politique partisane. Tu sais, c'est public. C'est inscrit aux contributions.

M. Bélanger (Anjou): Oui, en haut de 100 $.

M. Rémillard: C'est tant mieux. Bien oui, c'est tant mieux. On va voir tout à l'heure qu'on n'enlève pas la possibilité d'aller à un rassemblement politique pour être informé. Là, je trouve qu'on est juste à la limite. On est juste, juste sur la marge, parce que là, on dit: II y a la liberté d'information. On ne peut pas priver quelqu'un d'aller à un rassemblement péquiste, puis d'aller à un rassemblement libéral, puis de se faire une idée pour voter. Bon, ça se tient. Mais je vais vous dire, moi, personnellement, je trouve que c'est juste à la limite, juste à la limite, parce qu'un substitut qui se fait voir dans une assemblée partisane, à mon sens, c'est... Mais là, on m'a convaincu qu'on ne pouvait pas aller jusque-là, parce que c'était la liberté d'information.

Mais je ne vois pas un juge, par exemple, à une assemblée partisane. On pourrait appliquer le même raisonnement à un juge. On pourrait dire qu'un juge peut aller, à ce moment-là, à l'assemblée politique d'un parti ou d'un autre, parce qu'il veut se... Théoriquement, oui, mais, en pratique, je pense que... Il va l'écouter à la télévision. On n'est pas tous à la télévision.

M. Bélanger (Anjou): II n'y aurait pas eu lieu de trouver, peut-être, une autre sanction, outre le reclassement, dans le cas d'une contribution à un parti politique? Il n'y aurait pas d'autre possibilité, une gradation au niveau de la...

M. Rémillard: Si vous me permettez, là...

M. Bélanger (Anjou): Ce que vous voulez finalement, vous, c'est carrément qu'il n'y en ait pas du tout, parce que, finalement, avec une telle sanction, je pense qu'il n'y a personne qui va donner 100 $ pour risquer d'être reclassé dans la fonction publique. Je pense que c'est carrément ça.

M. Rémillard: Ce n'est pas... Oui, c'est le mot «sanction». Ce n'est pas une sanction. Ce n'est vraiment pas une sanction, et il ne faut pas que ce soit perçu comme une sanction. Ce n'est pas une sanction. C'est strictement un moyen pour vous mettre dans une situation où vous n'êtes pas en conflit, mais ce n'est pas une sanction. C'est strictement une évolution de carrière que vous décidez de vous attribuer. Ce n'est pas une punition, ce n'est pas une sanction. On ne vous punit pas parce que vous avez fait de la politique.

M. Bélanger (Anjou): Sauf que vous devez comprendre que, si vous voulez donner à un parti politique, vous allez changer d'orientation de carrière. Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Vous allez changer d'orientation de carrière. Bien oui, c'est ça!

M. Bélanger (Anjou): Veux veux pas...

M. Rémillard: Bien oui!

M. Bélanger (Anjou): ...c'est ça.

M. Rémillard: Tu sais, c'est ça. Ils peuvent avoir une brillante carrière aux plus hauts échelons.

M. Bélanger (Anjou): Que répondriez-vous, cependant, aux gens qui vous diraient que, bon, on enlève ce droit ou disons qu'on limite ce droit, cette possibilité — disons-le comme on veut — aux juges, mais qu'ils ont certaines, quand même, compensations financières par rapport aux procureurs, je veux dire, par rapport aux procureurs ou aux substituts du procureur de la couronne? Alors, qu'est-ce que vous pourriez répondre, à ce moment-là? Quelle compensation donnez-vous aux substituts pour ce droit-là, qu'ils n'ont plus maintenant ou qu'ils ont toujours, mais emportant, finalement, un changement de vocation de carrière? Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Oui, mais écoutez... De toute façon, un substitut ne peut pas être substitut et député en même temps. S'il se présente en politique, c'est évident. Ensuite, s'il contribue financièrement à un parti politique, je pense qu'il ne doit pas le faire pour avoir des avantages financiers non plus.

Par contre, contrairement aux juges, par exemple, un substitut peut être membre de certains conseils d'administration. Moi, je vais, jusqu'au niveau des juges, souhaiter que les juges ne fassent pas partie de conseils d'administration. Il y a eu très peu de juges qui l'ont fait, mais il y en a qui l'ont fait. On sait que le juge Gold était toujours au conseil d'administration de la Place des Arts. C'était son choix. Moi, j'ai toujours trouvé cela une situation difficile. J'ai toujours trouvé ça

difficile. J'ai un juge, ici, qui est demeuré... Il était président du conseil du Grand Théâtre au moment où il a été nommé juge, puis il a continué pendant quelques mois. Il a démissionné. Je ne trouve pas ça souhaitable, parce qu'on ne sait jamais quand il peut y avoir des poursuites, ce qui peut se faire. J'aime mieux que les juges gardent une distance face à ces conseils d'administration.

Alors, il n'y a rien dans la loi qui le défend, mais les juges s'imposent eux-mêmes cette façon de procéder, cette façon de faire. Les substituts, je ne pense pas qu'ils ont besoin d'aller jusque-là. Il ne faut quand même pas exagérer.

M. Bélanger (Anjou): La première réflexion que j'ai eue quand j'ai vu cet article-là, c'est que je me demandais si ça — puis, encore là, je vous dis, c'est une idée que j'ai eue tout simplement — n'aurait pas été mieux de prévoir un genre de mode de récusation? Finalement, ce qui est important, c'est l'image d'impartialité qui est attribuée aux substituts du Procureur général. Est-ce que ça n'aurait pas été possible, plutôt que de mettre quelque chose de si rigoureux, de si strict... Même si le substitut, lui, ne donne pas à aucun parti politique, qu'il n'est pas membre d'aucun parti politique, mais qu'il est étiqueté comme étant un bleu ou un rouge dans tout le comté, vous savez, je ne suis pas certain que ça va vraiment satisfaire, en tout cas, la personne qu'on veut satisfaire par ce projet de loi. Ça n'aurait pas été préférable de prévoir un genre de mode de récusation?

M. Rémillard: Écoutez, c'est ça. Le problème de la récusation... Quand ça se fait pour un juge, on le plaide devant le juge. Il faut qu'il y ait un cas vraiment clair de conflit d'intérêts. En ce qui regarde un substitut, le substitut regarde le dossier, puis, tout à coup, la personne pour laquelle on décide de porter des accusations — parce que, si on n'en porte pas, il n'y aura pas de problème, c'est si on en porte — alors, la personne dit: Écoutez, le substitut qui me poursuit, lui, cette personne-là, c'est un rouge, alors que, moi, je suis un bleu, etc., il faudrait qu'il soit récusé. Permettre la récusation, à ce niveau-là, ce serait ouvrir la porte à la récusation dans toutes sortes de choses. Administrative-ment, on ne voit pas comment ça pourrait être adminis-trable, comment on pourrait administrer ça. Comment, à chaque fois... Écoutez, il s'agirait qu'on ouvre la porte à ça... Imaginez-vous! Vous avez été dans la pratique, je l'ai été aussi. Les quelques cas —j'en ai fait très peu de cas, j'ai fait du droit professionnel, du droit pénal... S'il faut qu'il y ait de la récusation pour les substituts, ouf! je vais vous dire, jusqu'où ça va nous mener? Je ne vois pas comment, administrativement...

C'est une alternative qu'on a regardée. Comme c'est des juges qui jugent de la preuve — ils ne jugent pas du procès, ils jugent de la preuve — est-ce qu'il n'y aurait pas un moyen de récusation? On s'est aperçu que ce n'était pas facile. Administrativement, ce n'est pas possible. Puis, ça ne se fait pas ailleurs, hormis... Il y a des cas, il y a des cas vraiment flagrants où, vraiment, c'est évident. Bien là, écoutez, c'est le substitut en chef et, s'il faut, c'est le sous-chef qui prend la décision.

M. Bélanger (Anjou): Par rapport aux autres provinces... Est-ce que les substituts du Procureur général ont le droit de contribuer dans d'autres provinces? Est-ce que, vraiment, on fait jurisprudence à ce titre-là pour nos substituts?

M. Rémillard: Dans le projet de loi... Dans les autres provinces, souvent, c'est tacite, ce n'est pas explicite. Nous, c'est explicite, mais je vais demander qu'on me trouve les informations. Je pense qu'on a toutes les informations ici là-dessus.

(Consultation)

M. Rémillard: En Nouvelle-Ecosse, ils l'ont. Alors, en Ontario, aucune activité partisane. Je regarde ça... En Alberta, aussi. Le Nouveau-Brunswick, aussi; Terre-Neuve, aussi. La majorité des provinces.

M. Bélanger (Anjou): Mais elles ne définissent pas le fait de donner comme étant un acte de nature partisane. C'est un peu l'équivalent de l'article 8 qu'on a.

M. Rémillard: Oui, mais tout acte de nature partisane, ça va plus loin que nous autres. Nous, on laisse quand même... On a voulu les énumérer parce qu'on a voulu être explicite sur des choses qui pourraient être considérées comme partisanes, puis qu'on considère, nous, comme non partisanes. Tout à l'heure, je vous donnais un exemple, on va l'étudier à l'article 9.2. Je vous dis que c'est sur le bord. Participer à une activité, à un rassemblement politique — parce qu'on respecte le droit à l'information, on est juste sur la ligne — bien, dans les provinces anglophones du Canada, c'est quelque chose de partisan. (16 h 50)

M. Bélanger (Anjou): Ce pourquoi j'ai parlé tout à l'heure de récusation, c'est parce que je me demandais si elle n'aurait pas été un mécanisme intéressant pour pallier un autre problème. Quant à régler un problème des substituts, aussi bien régler celui-là, c'est-à-dire le fait que, dans les petites communautés, souvent — en tout cas, peut-être pas souvent, mais, moi, ça m'est arrivé une couple de fois — des gens se sentent un peu comme persécutés ou, disons, victimes d'un acharnement outre que la norme vis-à-vis, des fois, de certains individus. Je ne dis pas que c'est la norme, là, mais je l'ai vécu peut-être une fois en 10 ans, où quelqu'un sentait vraiment que la personne avait une dent contre lui. Alors, je me demandais si, pour ça, il n'aurait pas été possible, ce genre de processus là, s'il avait été encadré d'une façon... Je suis d'accord avec le ministre qu'il ne faut pas que ça devienne un genre de mouvement, un moyen dilatoire ou une procédure pour empêcher de tourner en rond, comme on dit. Mais c'était

pour ça; cette récusation-là, je la trouvais peut-être intéressante comme idée. Mais, si le ministre me dit, donc, que, d'après lui, ce n'est pas du tout envisageable comme recours et que, pour lui, ça ne lui sourit absolument pas d'envisager l'idée de récusation...

M. Rémillard: L'idée de?

M. Bélanger (Anjou): L'idée de récusation, le concept de récusation.

M. Rémillard: La récusation, ce n'est pas l'idée que ça ne me plaît pas, c'est l'idée que ce n'est pas applicable.

M. Bélanger (Anjou): Par vous, ce n'est pas administrable, là.

M. Rémillard: Ce n'est pas administrable. Tous mes gens... Je peux demander au sous-ministre. Parlez-nous donc de ça, M. Bouchard.

Le Président (M. Dauphin): M. Bouchard.

M. Bouchard: M. le Président, M. le député. Évidemment, nous avons tenté — non, je reprends — nous avons effectivement examiné toute autre alternative que celle de dire: Bon, l'individu doit être classé ou on ne peut pas lui permettre de continuer comme procureur de la couronne. Mais il faut comprendre que, dans certains districts, je n'ai qu'un seul substitut. Le ministère de la Justice n'a à son emploi qu'un seul substitut du Procureur général.

Administrativement, demander chaque fois qu'un dossier pourrait faire l'objet, non pas seulement de la part de ce substitut, d'un examen critique sur lui-même — Est-ce que je suis en conflit d'intérêts ou pas? — mais par apparence de conflit d'intérêts... Toutes les fois, les individus nous diraient: Est-ce que vous êtes sûr que cette plainte-là, que vous lui avez permis d'autoriser, il l'a autorisée sans avoir été biaisé politiquement? Dans les endroits où j'ai 2 ou 3 substituts, s'il y en a 1 qui choisit l'option...

Il faut comprendre que, si on permettait un mécanisme qui permettrait aux procureurs de la couronne d'être membres d'un parti politique, de s'inscrire, de contribuer ou même d'être candidats à une élection, c'est qu'on le donnerait à tout le monde, à l'ensemble des 330 procureurs. Si, dans un district, j'ai 3 substituts dont 2 sont étiquetés politiquement de partis politiques opposés ou qui ne partagent pas les mêmes idées, on fait quoi, administrativement? Est-ce qu'on le donne au troisième qui, lui, n'a pas sa carte de membre d'un parti? Mais ce troisième-là est-il l'ami de l'un des deux? Ils peuvent se consulter entre eux.

L'expérience nous dit qu'à chaque fois qu'un individu se sent persécuté, comme vous l'avez dit, ou harcelé, il y prête soit des motifs machiavéliques ou encore des motifs politiques. C'est souvent le cas. Heureusement, on peut, jusqu'à maintenant, dire et répondre à ces gens-là:

Politiquement, nos procureurs ne sont pas colorés. Ils ne peuvent pas s'inscrire à un parti politique. Donc, quelles sont les raisons qui vous font croire que cet individu-là a pris une décision de nature politique? Ce ne serait pas le cas si les procureurs avaient la permission d'effectuer des contributions politiques ou même d'assister, en tant que partisans, à une réunion politique.

Ils peuvent y assister, comme M. le ministre l'a dit tout à l'heure, pour se faire une idée, parce qu'ils conserveront leur droit de vote. Ils peuvent aller à une assemblée politique pour se faire des convictions intimes, mais s'afficher lors d'une assemblée publique comme partisan d'un parti politique, avec un macaron ou autre, lui serait défendu, justement pour empêcher les gens qui font l'objet d'accusation de dire: Bien, j'ai été accusé parce qu'il fait partie de tel parti politique ou pas. Alors, administrativement, c'est impensable. Même dans le district de Montréal, où nous avons 100 procureurs, il suffirait que quelques-uns seulement soient identifiés politiquement pour que tout le système soit menacé, parce que les gens prêteraient des intentions politiques aux procureurs de la couronne chaque fois qu'on prend des décisions importantes. On poursuit quand même un nombre appréciable de gens qui sont affiliés à des politiciens, qui sont des connaissances de politiciens ou qui sont même des politiciens, dans les cas d'abus de confiance comme, au cours des derniers mois, ça a été le cas. Il faut que ces études de dossier se fassent par des gens qui n'ont aucune attache politique, quelle qu'elle soit.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, l'article 9.1 est adopté.

J'appelle le suivant, l'article 9.2.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 9.2: «Ne constitue pas une activité de nature partisane le fait pour un substitut permanent d'exercer son droit de vote à une élection, de se porter candidat à une charge publique élective autre que celles visées à l'article 9.1 ou d'assister à une assemblée publique de nature politique.»

M. le Président, l'article 9.2 précise que ne constitue pas une activité de nature partisane pour un substitut permanent le fait de voter et le fait de se porter candidat à une charge publique élective autre qu'aux niveaux fédéral, provincial, municipal ou scolaire, et le fait d'assister à une assemblée publique politique.

M. le Président, les substituts permanents pourront, par exemple, être élus membres du conseil d'administration de centres hospitaliers, d'établissements scolaires ou de corporations professionnelles, mais les substituts permanents devront faire preuve de réserve dans la manifestation publique de leur opinion, selon l'article 11 de la Loi sur la fonction publique, qui est toujours, évidemment, en application dans ces cas-là.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Là, c'est drôle, mais, quant à être logique, pour moi, le fait d'assister à une assemblée publique de nature politique, c'est tout aussi partisan, c'est tout aussi, en tout cas, un geste partisan que le fait de donner à un parti politique. Je ne le sais pas, là, j'ai... Est-ce que le fait... Si j'ai bien compris tout à l'heure l'exemple donné par Me Bouchard, le fait d'assister à une assemblée et d'avoir, on va dire, un macaron, là, à ce moment-là, ça constituerait...

M. Rémillard: Là, c'est partisan.

M. Bélanger (Anjou): Donc, il faudrait que le procureur assiste, mais qu'il n'ait rien sur lui qui puisse l'identifier.

Le Président (M. Dauphin): II peut crier, mais pas de macaron! Ha, ha, ha!

M. Bélanger (Anjou): II peut crier, mais tant qu'il ne crie pas... Là, on arrive dans une zone vraiment grise. Est-ce que vous conviendrez avec moi que c'est vraiment gris comme zone?

M. Rémillard: On arrive à la limite. C'est la question du droit de vote.

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: Moi, écoutez, je vais vous dire, je me suis interrogé, puis on en a discuté longuement. C'est de savoir... Il y a un droit de vote. Donc, au droit de vote, il y a un droit de s'informer adéquatement.

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: Là, on est arrivé à la conclusion que... Mettons qu'il y a une réunion publique, qu'on veut parler d'un débat contradictoire, par exemple — M. le sous-ministre me suggère l'exemple d'un débat contradictoire — et qu'on voudrait pouvoir assister à ce débat contradictoire qui n'est pas télévisé, puis qui n'est pas radiodiffusé, pour avoir une meilleure idée pour voter, objectivement, on regarde ça, puis on dit: Bien, coudon! Oui, c'est vrai, il pourrait y aller. S'il arrive avec le macaron et puis...

M. Bélanger (Anjou): La banderole.

M. Rémillard: ...la banderole, puis... Alors, écoutez, à ce niveau-là, il y a quand même un problème. Mais, si c'est strictement pour participer aux assemblées en raison de son devoir de voter, par conséquent, on dit: On devrait le permettre. Mais je suis d'accord avec vous qu'on est à la limite, hein. On est à la limite. Si on empêchait ce droit, il me semble que, là, on pourrait aller trop loin. Moi, je n'avais pas d'hésitation, tantôt, pour la contribution financière, mais il me semble que, là, si on le décidait, on risquerait la Cour suprême. On peut demander au sous-ministre de faire un commentaire.

Le Président (M. Dauphin): M. Bouchard.

M. Bouchard: Merci, M. le Président.

M. le député, notre perception, partagée évidemment par les juristes qui ont travaillé sur le projet de loi, au gouvernement, c'est qu'empêcher un individu d'exercer un droit, d'assister à une assemblée politique publique pour se faire une idée sur quelle option politique il devrait livrer son vote, le soir des élections, pourrait constituer une entrave à la liberté des droits d'un citoyen. C'est pour ça, tout à l'heure, que j'expliquais que le fait d'y participer... À moins que — puis, encore là, je le dis avec une pointe d'humour — on ne soit convaincu que tous les gens qui assistent aux assemblées politiques sont déjà convaincus de leur option politique. Moi, j'ose croire que ces assemblées servent encore à se gagner de nouveaux adhérents. Si ce n'est pas le cas, on peut s'interroger sur l'utilité des assemblées politiques. Mais on ne peut pas dire, en théorie, d'un individu qui assiste à une assemblée politique, qui est publique, sur invitation d'un parti politique, qu'il a définitivement décidé que ce serait là l'option politique qu'il adopterait le soir des élections. Comme on doit laisser le droit de vote à un substitut, qu'il lui soit permis d'aller se faire une idée.

Maintenant, comme le soulignait le ministre, il doit respecter son obligation de réserve. Il ne peut pas se présenter avec la pancarte et le macaron et même monter sur l'estrade et encourager la foule en faveur d'un candidat ou d'un autre. On pense que c'est là une juste mesure qui, si elle n'était pas adoptée, pourrait conduire la loi, que cette Assemblée pourrait être amenée à voter, à constituer une entrave, et les tribunaux pourraient juger qu'on est allé trop loin.

M. Rémillard: Je me souviens de ce cas. C'était quelqu'un qui avait l'obligation de réserve, en fonction de la Loi sur la fonction publique, qui faisait du porte à porte avec un candidat et qui avait plaidé que c'était pour savoir les questions qui étaient posées au candidat et comment le candidat répondait aux questions. Ha, ha, ha!

M. Bélanger (Anjou): Ah bon! (17 heures)

M. Rémillard: II y a des situations, comme ça, je pense bien, qui sont assez faciles à trancher. Mais on est à la limite. Moi, il me semble qu'on a moins de chances de se tromper — puis M. le sous-ministre vient de parler des opinions juridiques que nous avions au niveau du ministère de la Justice — de le permettre, avec toujours la Loi sur la fonction publique, l'article 11, qui implique le droit de réserve, l'obligation de réserve.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Terrebonne. Ensuite, M. le député de Chapleau.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, j'ai beaucoup de réserve sur cette partie-là, M. le Président. Je n'avais pas non plus

de réserve concernant la contribution aux partis politiques. Moi aussi, ça m'apparaît que c'est un geste qui est très clair. Mais assister à une assemblée publique, c'est encore, pour moi, plus visible que de verser une contribution, parce qu'une contribution il faut que les gens fassent des recherches pour aller voir si effectivement la personne a donné une contribution, puis qu'ils vérifient dans les livres. Ils vont le voir si la personne a versé plus de 100 $, mais, si elle a versé moins, ils ne le verront pas. Mais assister à une assemblée publique de nature politique... Bon, quand il y a un débat contradictoire et qu'il n'y a pas de macarons, on peut toujours dire que c'est pour aller s'informer, mais, dans les assemblées politiques, on ne peut pas se cacher que les gens qui sont dans l'assistance sont là, que leur opinion est déjà faite et qu'il ne vont pas là pour aller chercher de l'information. Il vont tout simplement donner un soutien, un appui et démontrer leur adhésion. Alors, pour moi, c'est un geste encore plus visible que de verser la contribution, parce que la contribution, il y a très peu de personnes qui vont aller vérifier si on la donne, mais assister à une assemblée publique politique, c'est évident qu'il y a bien des gens qui voient la personne. Puis, même si elle n'a pas un macaron sur elle, pour eux autres, elle était là. Elle n'était pas là pour aller s'informer, elle était là parce qu'elle était d'accord avec le parti politique en place.

C'est sûr que c'est différent quand on se retrouve dans une assemblée contradictoire où — si on pense, par exemple, au referendum — ce n'est pas lié nécessairement à un parti politique, parce qu'il y a différentes coalitions qui sont un petit peu différentes. Mais, pour moi, je pense que c'est une activité de nature partisane, qui est très, très, très visible. Je pense, par exemple, aux directeurs des élections dans nos différents comtés ou à leur personnel, même, qui n'assistent pas à des assemblées de nature politique, ni pendant la période électorale ni entre les périodes électorales. Ils n'assistent pas du tout. Us ne font pas de contribution financière et n'assistent pas non plus, parce que, justement, leur présence à une assemblée politique, même non partisane... Même si on fait une célébration à un député, qui n'est pas reliée nécessairement à son parti, mais une manifestation pour célébrer, par exemple, un 15e anniversaire ou autre, ils n'assistent pas, parce que leur présence pourrait être associée à un parti politique.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je sais que le député de Chapleau a des commentaires, puis j'ai hâte de pouvoir les entendre, mais peut-être qu'il me permettra de simplement faire une intervention là-dessus. Je pense que la députée de Terrebonne situe le problème et pose aussi toute la difficulté du problème lorsqu'elle dit: Bien, je comprends que, si une personne vient pour un débat contradictoire, dans ce cas-là... Voyez-vous, c'est difficile, on fait toujours des exceptions. On dit: Dans le cas d'un débat contradictoire, pas dans d'autres.

Dans un cas comme celui-là, moi, il me semble, ce dont il faut être conscients comme parlementaires, c'est de dire: Si on décidait de le bannir, de l'enlever, est-ce qu'on ne ferait pas une erreur, compte tenu qu'il y a des exceptions comme celle dont vous venez de parler? En plus, il y a toujours la Loi sur la fonction publique, l'article 11. C'est toujours le droit de réserve qui est là, il ne faut pas l'oublier. Il n'y a pas juste cette loi-ci. Le fond de scène, si vous voulez, c'est quand même l'article 11, qui dit qu'il y a un devoir de réserve. C'est pour ça qu'il faut se garder, je pense, comme parlementaires, d'aller trop loin. Ça pourrait être plus dommageable que de ne pas aller assez loin, puisqu'il y a toujours la possibilité de faire appliquer l'obligation de réserve qui est là.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Je ne veux pas m'éterniser sur le problème, mais je pense que le mot «assister» est bien choisi. Si c'était le mot «participer», ce serait une autre affaire complètement, mais, avec le mot «assister»... Puis, comme le ministre l'a dit, il y a l'article 11 de la Loi sur la fonction publique. Ça restreint, ça met des cadres. On sait exactement ce que c'est qu'on cherche. «Assister» pour prendre des renseignements, bien sûr. Puis, c'est limité plus loin, quand on dit que c'est réservé dans la manifestation. Ils doivent faire preuve de réserve dans la manifestation publique de leurs opinions. Si vous assistez sans émettre une opinion... Le fait d'aller recueillir des informations, moi, personnellement, je ne vois pas de problème, parce que les substituts du Procureur général, ce sont des personnes bien renseignées dans le cours normal des affaires. Ils savent ce que c'est, la loi. Ils n'ont pas besoin d'y aller, mais, s'ils le décident, pour avoir une meilleure idée de la personnalité du candidat, pas seulement les rapports dans les médias ou ainsi de suite, je pense qu'ils devraient avoir le droit d'y assister, mais pas de participer. Le mot «assister» est bien choisi.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, moi, ce qui me préoccupe un peu plus relativement à cette question-là, ce n'est pas nécessairement le choix des mots, parce que le choix des mots... on peut leur faire dire pas mal n'importe quoi. C'est la gestion de tout ça, un peu. La même préoccupation, tout à l'heure, qu'avait le ministre relativement au système de récusation, moi, je l'ai par rapport à la gestion de ça. On n'aura pas un système de surveillance de nos substituts du Procureur général. Je suis certain que ça va prendre un cas assez frappant ou flagrant pour qu'il y ait action relativement à ça. Mais, à ce moment-là, comment va-t-on faire la gestion de tout ça?

Une personne peut applaudir très fort, vraiment être partisane sans rien avoir sur elle. D'un autre côté,

quelqu'un peut avoir un simple macaron et être très discret. C'est pour ça. Moi, c'est la gestion de tout ça qui me préoccupe un peu. Puis, quand même, dans l'ère des télécommunications où nous vivons, tout ça, il y a tellement d'autres façons d'obtenir de l'information sur des candidats, sur des positions constitutionnelles, ou peu importe. Il me semble, en tout cas, que, si on décide de limiter ce droit-là à l'information, on le limite d'une façon tellement partielle que je ne vois ce que ça pourrait changer quant à la constitutionnalité de la...

M. Rémillard: Pour l'application, ce ne sera pas plus difficile d'appliquer ça que d'appliquer l'article 11 de la Loi sur la fonction publique ou d'autres qui auraient le devoir de réserve.

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: C'est une question de situation. Si vous avez le cas de quelqu'un qui est poursuivi, que son avocat vient dire que le procureur qui est au dossier est partial, et qu'il l'a vu à l'assemblée portant un macaron et disant: Vive Bourassa! Vive Bourassa! Vive Parizeau! Vive Parizeau!

M. Bélanger (Anjou): La commission devient partisane. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Alors, dans ce cas-là, M. le Président, quitte aux tribunaux à l'apprécier, ce sera aux tribunaux à l'apprécier. Je ne sais pas si le sous-ministre a d'autres appréciations.

Moi, M. le Président, je veux bien qu'on soit clair, ici. Je n'ai pas la prétention d'avoir, dans ce domaine-là, ni dans d'autres domaines, remarquez, la science infuse. Mais, si tous les membres de la commission arrivent à la conclusion qu'il faudrait même enlever la participation à une assemblée partisane, moi, je suis bien prêt à regarder ça.

M. Kehoe: Mais c'est d'assister, pas de participer.

M. Rémillard: C'est d'assister.

M. Kehoe: Si c'était de participer, là, je serais réticent beaucoup. Mais le fait d'être là, je ne vois pas pourquoi un...

M. Rémillard: Je me dis... M. le Président, peut-être que d'autres membres de la commission veulent s'exprimer.

Le Président (M. Dauphin): Oui, il y a plusieurs députés qui veulent intervenir.

M. Rémillard: Oui? Ah bon! Je vais laisser les députés...

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Moi, j'aurais une question, M. le Président, toujours dans l'esprit de se renseigner, comme on dit. Dans le cas d'un substitut qui est marié, que ce soit son époux ou son épouse, puis que son époux ou son épouse est partisan d'un parti politique, elle ou lui n'est pas substitut. À un certain moment, il arrive une campagne électorale, puis l'époux ou l'épouse veut s'afficher pour un parti politique, que ce soit en tant qu'individu ou même sur un balcon. Qu'est-ce qui arrive, à ce moment-là?

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...l'époux ou l'épouse d'un substitut est complètement libre de faire toute activité partisane que lui donne notre système démocratique.

M. Maciocia: Je comprends, M. le ministre, mais admettons que l'époux ou l'épouse décide de s'afficher sur le balcon, puis que l'adresse est la même pour les deux. (17 h 10)

M. Rémillard: Ah! Voici, le domicile conjugal, c'est le domicile de l'époux ou de l'épouse autant que de l'autre. Moi, je verrais tout simplement la possibilité — puis, je me ferai corriger par le sous-ministre avec plaisir là-dessus... Quand même! Dans la mesure où c'est l'expression d'un droit démocratique de l'épouse ou de l'époux, il me semble que, si on met une grande banderole devant la maison, que c'est une banderole qui est partisane et que c'est le domicile d'un substitut, ça cause une situation qui est difficile. Mais, lui, il n'a rien à faire là-dedans. Il faudrait peut-être qu'il mette une autre banderole pour dire: Je ne suis pas partisan.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dauphin): S'ils utilisent la même voiture, M. le ministre, et que la voiture a une banderole sur la fenêtre arrière?

M. Rémillard: Là, ça peut être différent, parce qu'il faudra faire la distinction s'ils sont tous les deux dans la voiture. Il peut dire: C'est la voiture de madame, ce n'est pas ma voiture. Si c'est lui qui conduit la voiture et qu'il est seul dans la voiture, là, il a des problèmes.

M. Gauvin: On pourrait peut-être ajouter... Dans les mêmes... Excusez, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député de Montmagny.

M. Gauvin: On pourrait peut-être ajouter, dans

les mêmes circonstances, M. le ministre, que, si la banderole est sur le balcon et que l'épouse prend un moment de repos à se bercer en arrière de la banderole, c'est toujours le domicile des conjoints.

M. Rémillard: Oui. On sait à quel point — chez nous, à Baie-Saint-Paul, on parle de se balanciner sur la galerie, prendre le frais — dans votre beau comté de Montmagny, on sait à quel point ça peut être agréable, mais... M. le Président, il y a un devoir de réserve qui est là, et, si c'est devant une banderole qui est nettement partisane, ce sera au substitut à l'apprécier, s'il peut se balanciner devant ou derrière la banderole. C'est des cas d'espèce. Ce que je veux dire, M. le Président, c'est qu'on pourrait sortir comme ça beaucoup de cas qui peuvent nous faire sourire, mais qui sont des cas qu'on peut retrouver dans la réalité des choses.

Moi, je me dis... Je ne voudrais pas qu'on prenne trop de temps là-dessus, mais je trouve que c'est un point important quand même... Je me dis que la décision qu'on a à prendre, c'est ou bien on va jusqu'à empêcher un substitut de participer à une activité de nature partisane, complètement... Là, on risque d'aller très loin. Tantôt, le sous-ministre nous disait que les avis juridiques que nous avons au niveau du ministère de la Justice nous amènent à croire que la Cour suprême pourrait considérer qu'on va trop loin pour brimer le droit à l'information, parce qu'il y a un droit de vote. Ou bien on le laisse comme c'est dans la loi et on se dit: De toute façon, il y a toujours en toile de fond l'article 11 de la Loi sur la fonction publique, qui oblige à un comportement non partisan, un droit de réserve, bonne conscience. Alors, il me semble, comme parlementaires, que ça devrait nous guider un peu, pour dire: N'allons pas trop loin, mais, quand même, c'est protégé par l'article 11.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'article 9.2 est adopté.

J'appelle l'article 9.3.

M. Rémillard: L'article 9.3: «Le substitut permanent qui entend se livrer à une activité politique visée à l'article 9.1 doit en aviser sans délai le sous-procureur général.»

Alors, M. le Président, cet article 9.3 fait obligation aux substituts permanents qui veulent se livrer à des activités politiques qui sont prohibées par l'article 9.1 d'en informer sans délai le sous-procureur général, c'est-à-dire le sous-ministre.

M. Bélanger (Anjou): Quelle est la sanction si on n'avise pas sans délai? Ah! c'est 9.7.

M. Rémillard: Alors, c'est l'article 11, à ce moment-là, qui s'applique.

M. Bélanger (Anjou): Ah! l'article 11.

M. Rémillard: De la Loi sur la fonction publique. L'article 11 de la Loi sur la fonction publique.

M. Bélanger (Anjou): D'accord.

M. Rémillard: II y a des sanctions disciplinaires qui peuvent être sérieuses, comme vous le savez.

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Le Président (M. Dauphin): Ça va? M. Bélanger (Anjou): Ça va.

Le Président (M. Dauphin): L'article 9.3 est adopté.

J'appelle l'article 9.4.

M. Rémillard: L'article 9.4: «Le sous-procureur général attribue à ce substitut permanent, en fonction de ses aptitudes, un nouveau classement dans une classe d'emploi de la fonction publique dont les conditions minimales d'admission sont équivalentes à celles à laquelle il appartient et dont le niveau de traitement est substantiellement équivalent. «L'attribution d'un nouveau classement est faite après consultation du substitut concerné.»

Alors, M. le Président, l'article 9.4 proposé prévoit que le substitut permanent qui entend se livrer à des activités politiques se voit attribuer un nouveau classement dans une classe d'emploi de la fonction publique d'un niveau équivalent à la classe d'emploi des substituts. Cette disposition préserve le lien d'emploi du substitut avec la fonction publique.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je me demandais... Pourquoi a-t-on prévu cette disposition de reclassement au lieu d'offrir ce qui est offert souvent dans la fonction publique, c'est-à-dire la possibilité d'un congé sans solde, sans reclassement, sans qu'on change de poste, finalement. La personne prend un congé sans solde de 1 an, si elle veut avoir une activité politique pendant 1 an, et, après, elle peut revenir exactement au même poste qu'elle avait auparavant. Pourquoi ne pas avoir fait ça plutôt que de prévoir systématiquement un reclassement?

M. Rémillard: C'est parce que l'objectif, à ce moment-là, qui est toujours de présenter une image objective, impartiale de la fonction du substitut... Si vous avez un substitut qui décide de se présenter comme candidat, de prendre 1 mois et demi, 2 mois de congé sans solde, puis de s'en aller faire campagne; il est défait, il revient à son poste de substitut immédiatement,

je vais vous dire que ça cause un problème.

M. Bélanger (Anjou): Mais c'est là que le système ne fonctionne pas, justement, parce que la personne, elle, qui était dans un cabinet politique...

M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger (Anjou): ...peut devenir substitut. Donc, on admet qu'elle peut changer sa façon de penser ou qu'elle peut être impartiale, mais on n'admet pas que la personne qui va faire un geste politique pendant un bout de temps puisse revenir aussi au même état d'esprit. Ça ne fonctionne pas, là; ça ne fonctionne plus.

M. Rémillard: Oui, mais celui ou celle qui a été dans un cabinet politique...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: ...ne l'a pas été d'une façon aussi, je dirais, visible, en première ligne, que celui qui se retrouve avec sa photo sur les poteaux de téléphone. Ce que je veux dire, c'est que vous vous retrouvez candidat, à un moment donné...

M. Bélanger (Anjou): Les anciens députés, qui sont devenus juges.

M. Rémillard: Bien oui! Mais ils n'ont pas le droit d'en faire, de la politique, c'est fini.

M. Bélanger (Anjou): Oui, mais...

M. Rémillard: Est-ce qu'il faudrait, à ce moment-là, qu'on dise que, quand vous avez été substitut et que vous avez fait de la politique, si vous êtes défait et que vous revenez, là, vous avez fini de faire de la politique, à vie?

M. Bélanger (Anjou): Non, ce n'est pas ça que je dis. Je dis tout simplement: Pourquoi ne pas avoir prévu, dans certains cas, la possibilité d'un congé sans solde? C'est ça que je dis.

M. Rémillard: Oui, mais ça ne répond pas à l'objectif. Voyez-vous, si vous donnez un congé sans solde de 2 mois...

M. Bélanger (Anjou): Ou de 1 an. Ça peut être de 1 an aussi.

M. Rémillard: Ah! il faudrait dire un minimum. M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: Parce que, ça peut être 2 semaines aussi.

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui.

M. Rémillard: Ça peut être une élection municipale de 2 semaines.

M. Bélanger (Anjou): On pourrait mettre un minimum, oui.

M. Rémillard: Mais, c'est parce que, si vous avez un congé sans solde, il reste qu'au bout de la ligne, si vous êtes défait... Donc, si vous revenez, c'est parce que vous êtes défait au départ. Alors, vous revenez dans vos postes. Je dis que vous revenez parce que vous êtes défait... ça dépend. Si c'est au niveau provincial, c'est du temps plein. Si vous vous êtes présenté au niveau municipal, ça peut être du temps partiel. Même si vous avez gagné, vous revenez dans votre poste. Comprenez-vous ce que je veux dire? Alors, il faudrait, à ce moment-là, prévoir des congés sans solde pendant tout le temps du mandat, à tous les niveaux — ça, c'est une chose — mais, en plus, si vous êtes défait et que vous revenez, il faudrait qu'on fasse... C'est parce que vous donnez l'exemple des juges. Il faudrait qu'on dise qu'à ce moment-là vous n'avez plus le droit, pour l'avenir, de faire de la politique. Le juge qui est un ancien député, un ancien ministre, qui revient dans les fonctions de juge, lui, il n'a plus le droit de faire de politique. Il ne peut plus demander un congé sans solde. Il est juge, il ne fait plus de politique. S'il décide de dire: Moi, je ne veux plus être juge, je me présente une autre fois député, pour revenir, il va falloir qu'il se représente à un concours. Il va falloir qu'il démissionne et qu'il revienne.

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: Alors, là, il faudrait... Là, ce qu'on dit, l'avantage, c'est que la personne ne perd pas son lien avec la fonction publique. Elle demeure quand même avec le lien de la fonction publique. C'est un avantage.

M. Bélanger (Anjou): Oui, mais, comme j'en parlais tout à l'heure, c'est que je n'ai rien vu là-dedans qui garantit une forme de réintégration de la personne à son poste qu'elle avait, de procureur, de substitut du procureur. Il n'y a rien là-dedans.

M. Rémillard: De fait, c'est vrai. Il ne sera pas procureur.

M. Bélanger (Anjou): II ne pourra plus jamais être...

M. Rémillard: II ne sera pas procureur. Je vais demander au sous-ministre de l'expliquer. (17 h 20)

M. Bouchard: II ne peut revenir, à la fin de son congé sans solde, comme procureur de la couronne. Il revient à l'emploi de la fonction publique, au statut de son reclassement, qui précède, lui, le congé sans solde. C'est-à-dire que la personne sera reclassifiée avant

d'obtenir son congé sans solde. Elle ne peut obtenir son congé sans solde avant d'être reclassifiée de substitut à juriste de l'État, par exemple, ou à un poste équivalent.

Prenons l'hypothèse souscrite par le ministre, tout à l'heure, où l'individu ne passe pas aux élections. Donc, après deux mois et demi de congé sans solde, il revient comme juriste dans la fonction publique, aux mêmes avantages sociaux, au même salaire et au même statut professionnel qu'un procureur de la couronne. Il ne peut pas revenir comme procureur de la couronne. Sans ça, tout le système échafaudé par le projet de loi n'a plus sa raison d'être. On ne peut pas non plus accorder des congés sans solde pour des durées de 48 heures, le temps d'assister à une assemblée politique partisane où il veut s'afficher avec un macaron. L'individu ne peut pas nous demander 48 heures sans solde pour monter sur la scène, faire de la politique partisane et revenir chez nous après. C'est tout le système qui s'écroulerait, à ce moment-là, de la neutralité politique qu'on demande aux procureurs. C'est pour ça que l'individu ne revient pas comme procureur de la couronne.

Vous avez dit «jamais». Ce n'est pas tout à fait exact. Il pourra, un jour, revenir comme procureur de la couronne s'il fait la démonstration qu'il n'a pas l'ambition politique de se présenter à une candidature. À ce moment-là, il pourra être reclassifié procureur de la couronne, s'il nous démontre qu'il est capable d'exhiber une neutralité politique ou d'offrir des garanties de neutralité politique.

M. Bélanger (Anjou): Mais vous ne posez pas la même exigence pour la personne qui a travaillé dans un cabinet politique et qui deviendrait substitut du procureur.

M. Bouchard: Bon. Cette personne-là, lorsqu'elle se présente chez nous, d'abord, doit réussir un examen, un concours, comme toute autre personne.

M. Bélanger (Anjou): Oui. D'accord.

M. Bouchard: Cette personne-là, si elle ne réussit pas l'examen, elle ne peut pas être choisie. Si elle se classe, si elle est déclarée apte à la fonction, cette personne-là, sa candidature est examinée au même titre que les autres candidatures. Il est bien sûr qu'avec ces personnes qui ont été identifiées politiquement dans le passé nous allons poser des questions beaucoup plus précises. Est-ce que vous avez l'intention d'occuper le poste de procureur de la couronne jusqu'aux prochaines élections ou bien si vous avez l'intention de cesser toute activité politique? Évidemment, si la personne veut réussir à cette question, elle doit répondre: Non, je n'ai pas l'intention de... Maintenant, nous prêtons foi à son engagement. Nous prêtons foi à son témoignage...

M. Bélanger (Anjou): Et rien ne l'empêchera de se représenter candidat.

M. Bouchard: Effectivement, parce qu'elle ne signe pas un contrat à vie, mais vous pouvez être assuré d'une chose: si cette personne voulait faire de la politique après un délai de 3 ans, nous allons la reclassifier, et la personne conservera son lien avec la fonction publique. Mais il est loin d'être certain que, 6 ou 7 ans plus tard, elle pourra réintégrer nos rangs, parce qu'elle nous aura fait la preuve que, la première fois, elle nous avait dit qu'elle voulait cesser toute activité politique et que ce n'était pas exact. C'est une question qui va être examinée chaque fois que la personne se présente. On ne peut pas faire une règle absolue de tout ça, mais la personne doit nous satisfaire à l'effet qu'elle n'a pas d'autre ambition politique pour l'avenir. Ce n'est pas une garantie qu'elle ne fera jamais de politique.

M. Bélanger (Anjou): Pourquoi ne pas l'avoir mise dans le projet de loi, la possibilité, justement... Je sais que, pour les avocats... Quand un avocat fait faillite — je prends un exemple — il peut réintégrer la profession s'il fait la preuve qu'il est en mesure de rencontrer ses obligations, qu'il est rendu solvable. Pourquoi ne pas avoir prévu, encore là, dans l'article de loi, que le substitut de la couronne pourrait revenir, mais en faisant la démonstration qu'il n'a plus l'intention de faire de politique. Pourquoi ne pas avoir prévu une réintégration, une possibilité de réintégration?

M. Rémillard: C'est implicite. C'est implicite, dans le sens qu'il peut toujours se présenter à un concours. Lui, il est réintégré dans un poste, au même niveau, mais, s'il y a un concours comme substitut, il va pouvoir se présenter. Dans le concours, il va expliquer que oui, il a fait de la politique; maintenant, c'est fini, c'est terminé. Si le jury du concours en arrive à la conclusion que, selon eux, il est devenu impartial et qu'il n'y a pas de problème, il pourra retourner dans son travail.

Ce qu'elle fait, la loi, c'est qu'elle dit qu'il va être reclassé dans un poste équivalent, au niveau d'un juriste, mais pas dans un poste de procureur. Ça ne veut pas dire qu'il ne redeviendra pas procureur. Il peut redevenir procureur quelques mois après ou quelques semaines après. Un poste s'ouvre, il veut appliquer... Ce qu'on veut, c'est que ce soit un jury qui puisse de nouveau se pencher sur la situation et décider s'il peut être apte à occuper ces fonctions en dehors de tout doute raisonnable quant à son impartialité.

M. Bélanger (Anjou): Moi, je suis vraiment d'avis qu'on aurait dû prévoir une modalité de réintégration, c'est-à-dire un test — même sans préciser les modalités de ce test-là — pour prévoir la possibilité, justement, du substitut qui veut retourner comme substitut après avoir fait un geste... Ça peut être un geste... Avec la définition qu'on a donnée, ce n'est pas nécessairement un candidat. Ça peut être quelqu'un qui a donné 100 $ et qui se retrouve, finalement... Le ministre me dit qu'il n'est pas barré à vie, mais on comprendra quand même... Je suis certain que ce ne sera pas évident pour un substitut de revenir à son poste de substitut

après avoir posé un geste de nature politique. Je suis certain que ça ne sera pas évident. Soyons réalistes, dans les faits, on va prendre toutes les mesures nécessaires, alors que la personne qui, elle, a travaillé dans un cabinet, elle peut avoir fait carrément un geste, avoir encore accès comme substitut et même se représenter par la suite.

M. Rémillard: Est-ce que le député d'Anjou suggère quelque chose comme: «L'attribution d'un nouveau classement est faite après consultation du substitut concerné», et d'ajouter quelque chose disant qu'il pourra retourner dans les fonctions de substitut après avoir passé de nouveau le concours de substitut, quelque chose comme ça? Je veux juste voir si, ce qu'il cherche, c'est quelque chose comme ça.

M. Bélanger (Anjou): Oui, moi, ce serait dans ce sens-là. Pas nécessairement le test d'aptitude, mais à l'effet qu'il n'a plus l'intention de retourner en politique, quelque chose comme ça. Moi, ce serait surtout ça.

M. Rémillard: Si on y va par ordre, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que le substitut qui décide de faire de la politique perd son poste pour l'immédiat, perd son poste de substitut?

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui. Ça, il n'y a pas de problème.

M. Rémillard: Ça, il n'y a pas de problème.

M. Bélanger (Anjou): Ça, il n'y a pas de problème.

M. Rémillard: S'il revient, est-ce que vous êtes prêt à dire qu'il ne revient pas dans son poste de substitut? C'est là qu'il faut le décider.

M. Bélanger (Anjou): D'après moi, je pense qu'il pourrait revenir.

M. Rémillard: C'est différent. Ça, c'était ma troisième question.

M. Bélanger (Anjou): II pourrait revenir dans son poste, mais on pourrait, à ce moment-là, préciser les modalités. On pourrait prévoir, peut-être, un temps minimum. Ça ne pourrait pas se faire avant x temps, ou il devra, à ce moment-là, prouver qu'il n'a plus l'intention. Je ne sais pas exactement, je vous dis ça comme ça, mais je pense qu'il faut prévoir une possibilité de réintégration pour le substitut qui voudrait revenir à son poste.

M. Rémillard: La question, c'est que, si on dit que le substitut, lorsqu'il revient, n'est plus dans son poste, au départ, là, il n'est plus dans son poste. Il est reclassé au niveau juriste — même chose, il ne perd pas de salaire — mais il est reclassé dans une autre fonction que juriste. Mais, si on ajoutait — on peut le considérer, là — qu'il peut revenir dans son poste de substitut dans la mesure où il démontre, dans le cadre d'un concours, qu'il n'a plus l'intention de faire de la politique ou qu'il n'est plus partisan...

M. Bélanger (Anjou): Voilà! Moi, je pense que ce serait...

M. Rémillard: Qu'il n'a plus l'intention, je pense qu'on ne devrait pas dire ça.

M. Bélanger (Anjou): Non. On ne peut pas renoncer pour l'avenir indéfiniment.

M. Rémillard: Non, non, on ne peut pas renoncer, mais qu'il n'est plus partisan.

M. Bélanger (Anjou): Moi, ce qui me préoccupe là-dedans, c'est que... Vous savez, le criminel et le pénal, c'est quand même des choix de carrière qui sont tellement différents, par rapport à d'autres éléments de la pratique du droit. Quelqu'un qui fait du droit criminel et qui en a fait pendant de nombreuses années, ce n'est pas évident de faire du droit civil et de faire du droit commercial. Alors, je pense que cette personne-là, il faut qu'elle ait une certaine garantie de pouvoir revenir au droit pénal, parce que lui imposer, l'envoyer dans un domaine qui est complètement différent, alors qu'elle a fait pendant 15 ans du droit pénal et du droit criminel, je vois difficilement comment... Ça peut faire le malheur de bien des gens.

M. Kehoe: C'est lui qui fait le choix d'y aller. Mais allez-vous lui demander qu'il ne se présente plus jamais?

M- Bélanger (Anjou): Non, pas plus jamais. De la même façon qu'on ne le demande pas...

Le Président (M. Dauphin): Si vous permettez, Mmes, MM. les députés, je pense qu'à ce moment-ci je me dois de faire part d'une communication que j'ai reçue, il y a 5 minutes, du Directeur général des élections, qui nous demande — les oreilles devaient lui ciller, tantôt — de se faire entendre ou de nous envoyer ses commentaires par écrit sur le projet de loi 88.

Alors, je vous signale qu'en vertu de l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, pour entendre quelqu'un comme ça, il faut que ce soit fait avant le début de l'étude détaillée. Alors, puisqu'on a déjà engagé l'étude détaillée, nous ne pouvons pas l'entendre, à moins que le consentement unanime des membres soit à l'effet qu'on l'entende. Il nous fait part qu'il aimerait nous faire parvenir ses commentaires par écrit, dans les plus brefs délais, concernant le projet de loi 88. Je vais vous en donner des copies, de sa lettre.

M. Rémillard: Moi, M. le Président, ma réaction là-dessus, d'abord, c'est de dire qu'on est devant un

projet de loi qui n'est absolument pas partisan par définition. Par conséquent, peu importe où on est rendu, je pense — de ce côté-ci, en tout cas — qu'il n'y aura pas de difficultés à avoir le consentement, pour qu'on puisse avoir un projet de loi qui est de la meilleure qualité actuelle possible. Ce qui veut dire que, moi, je suggère à cette commission, M. le Président, tout d'abord, qu'on reçoive les commentaires par écrit du Directeur général des élections et que, si cette commission juge de l'entendre, elle pourra en décider. Mais peu importent les articles qu'on a acceptés ou pas acceptés, je ne voudrais pas que la commission dise que ces articles sont acceptés et qu'on ne peut plus y revenir. Absolument pas, on pourra y revenir. (17 h 30)

Pour ma part, comme ministre responsable de ce dossier, je n'ai aucun problème là-dessus. Mais je suggère, M. le Président, que l'on reçoive par écrit les commentaires du Directeur, qu'on continue nos travaux et qu'à la lumière de ses commentaires par écrit, si on veut revenir sur des articles, si on veut entendre le Directeur, on le fasse.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. De toute façon, avec le consentement unanime, on peut toujours réouvrir des articles ultérieurement. Ça, je vous le confirme. Évidemment, il y a d'autres étapes, aussi du processus parlementaire — la troisième lecture et le rapport des commissions — où on peut toujours intervenir. Mais, si j'ai bien compris le ministre, il nous dit tout de suite que, suite à ces commentaires écrits, il y a toujours possibilité de réouvrir les articles.

M. Bélanger (Anjou): Sauf que je comprends qu'il faudrait recevoir ces commentaires-là avant d'avoir fini d'étudier le projet de loi. Il faudrait suspendre l'étude, attendre les commentaires et reprendre l'étude par la suite ou quoi?

M. Rémillard: Moi, ce que je suggère, M. le Président, c'est qu'on continue l'étude, article par article, et qu'on reçoive les commentaires. On va étudier, chacun de notre côté, les commentaires. On va revenir en commission, puis on va dire: Écoutez, oups! il y a un argument qui... On peut revenir et étudier tous les commentaires du Directeur général des élections et, si la commission décide que c'est mieux d'entendre le Directeur général des élections, moi, je n'ai aucun problème avec ça. Mais je trouve qu'on devrait continuer à faire notre étude du projet de loi.

M. Bélanger (Anjou): Donc, si je comprends bien, M. le Président, la proposition qui est faite par le ministre, c'est qu'on continuerait comme prévu, quitte à ce que — disons, d'ici la fin de la semaine — la commission se réunisse de nouveau pour réouvrir l'étude du projet de loi.

M. Rémillard: Moi, ce que je considère, M. le Président, c'est qu'à la suite de cette communication-là aucun projet de loi que nous accepterions ici ne le serait définitivement, tant qu'on n'aura pas vu les commentaires du Directeur général des élections et qu'on n'en aura pas disposé. Ce qui ne nous empêchera pas de continuer à travailler et à faire notre travail de parlementaires.

Le Président (M. Dauphin): Ça vous va? M. Bélanger (Anjou): Oui.

Le Président (M. Dauphin): La commission est souveraine. Moi, je suis prêt à...

M. Bélanger (Anjou): Moi, je suis d'accord avec ça.

Le Président (M. Dauphin): ...obtempérer à vos suggestions.

M. Bélanger (Anjou): Je suis d'accord avec ça.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? Il s'agirait juste de lui dire qu'il nous envoie ça le plus rapidement possible. Alors, je m'excuse. L'article 9.4, toujours?

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Dauphin): Adopté?

M. Bélanger (Anjou): Bien, c'est... Est-ce que le ministre serait prêt à considérer un amendement, dans le sens qu'on a parlé, sur la possibilité de...

M. Rémillard: Moi, je suis prêt à avoir un amendement. J'aimerais peut-être laisser M. le sous-ministre faire un commentaire. Moi, je suis prêt à voir les possibilités d'un amendement dans ce sens-là. C'est-à-dire que, si je comprends bien — et le sous-ministre me fera part de ses commentaires qui, je pense, mettront des bémols à ce que je vais dire — moi, ma perception des choses, c'est qu'on pourrait peut-être mettre plus clairement, dans l'article 9.4, la possibilité, pour le substitut qui a décidé de faire de la politique activement, de revenir éventuellement dans ses fonctions à la suite d'un concours où il aura démontré qu'il n'est plus partisan. Je vais laisser M. le sous-ministre...

Le Président (M. Dauphin): M. Bouchard.

M. Bouchard: Merci, M. le Président.

M. le député, rapidement... Évidemment, l'objectif n'est pas de rendre inhabile à la fonction de procureur de la couronne tout individu qui l'aurait été un jour et qui aurait sollicité ou qui se serait vu placé dans une situation où on aurait dû le reclasser et qu'il aurait dû nous demander un congé sans solde pour exercer d'autres fonctions que celle de procureur de la couronne. J'expliquais tout à l'heure qu'il devra revenir proposer sa candidature, dans le système que nous proposons, au même titre que tout autre candidat ou candidate.

Les conditions d'admissibilité à la fonction sont, d'abord, d'être membre du tableau de l'ordre. Donc, il faut s'assurer que l'individu a conservé durant ses années de vie politique son statut de membre du Barreau, aussi. On ne peut pas lui garantir dans un projet de loi qu'il va reprendre son statut de procureur de la couronne si, entre-temps, pendant sa carrière politique, il n'a pas continué de remplir les obligations que lui impose le Barreau.

Ainsi, notre idée a été de faire en sorte que l'individu puisse, en cheminant de la même façon qu'un autre candidat ou candidate, représenter sa candidature à un poste de procureur de la couronne, être identifié apte à la fonction, et, par la suite, recevoir du jury, ce que j'appellerais, moi, une «sanction», une définition de personne déclarée apte, et que son nom soit soumis au Procureur général pour que celui-ci le nomme procureur de la couronne ou substitut du Procureur général.

Maintenant, si le texte de loi avait avantage à être modifié pour qu'on précise que le fait, pour quelqu'un, d'être reclassifié parce qu'il veut faire une carrière politique ou s'adonner à une activité politique ne lui enlève pas son droit à jamais de devenir procureur de la couronne, je pourrais en parler avec le ministre et avec les légistes, surtout — parce que je ne suis pas un spécialiste de la rédaction des lois — et voir ce qu'on pourrait faire à ce niveau-là. Comme M. Rémillard vous l'a dit, nous sommes ouverts à cette idée, mais je ne sais pas si elle peut être concrétisée. Il faudrait voir avec les spécialistes, dont je ne suis pas.

M. Rémillard: Alors, à l'heure du dîner, M. le Président, entre 18 heures et 20 heures, où on doit ajourner, peut-être que nos légistes pourraient regarder ça et voir si on ne pourrait pas avoir un papillon qu'on pourrait étudier.

Le Président (M. Dauphin): Moi, ça me va. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, juste, peut-être, pour orienter la réflexion qui va se faire pendant l'heure du souper. La première chose qui m'était venue à l'esprit, c'était la possibilité d'un congé sans solde, mais avec une durée minimum, c'est-à-dire si on mettait un congé sans solde de 1 an à compter de la cessation de l'activité politique. Vous savez, mettre une durée minimum pour le congé sans solde. Pour moi, ça aurait été, en tout cas, une alternative envisageable assez pratique pour ça. Je ne le sais pas, ce sera à vous de regarder.

M. Rémillard: II y a peut-être un commentaire que me fait le sous-ministre qui, je pense, s'impose. C'est que, si vous donnez un congé sans solde, par exemple, de 1 an à quelqu'un qui en a juste besoin de 1 mois, vous lui donnez une pénalité.

M. Bélanger (Anjou): Oui, là, ça deviendrait une pénalité.

M. Rémillard: Je vais vous dire, on l'a regardé d'un bord puis de l'autre, et ce n'est pas facile la question des congés sans solde. On n'a pas été capable de trouver vraiment une solution là-dedans. Par contre, si on trouve l'amendement qui vous permettrait de rencontrer votre objectif et le nôtre, de lui permettre éventuellement de revenir dans des responsabilités de substitut dans la mesure où il démontre qu'il n'est plus partisan, à ce moment-là, peut-être qu'on rencontre les objectifs de tout le monde.

M. Kehoe: C'est un peu sur ça que je me demande... Serait-il possible d'exiger de lui une preuve quelconque qu'il n'est plus partisan? Mettons qu'il a déjà occupé un poste quelconque, qu'il a déjà été député, ou je ne sais pas, qu'il a occupé un poste partisan. Après ça, quand il revient, lui exiger une... De quelle façon, pratiquement, on peut exiger ça de lui?

Mme Caron: C'est pareil pour le personnel politique. Le personnel politique a le droit, lui, d'appliquer. C'est juste, dans le fond, pour respecter ce droit-là, autant pour le personnel politique que pour celui qui a déjà été substitut, finalement. Celui qui a été très affiché dans un cabinet a le droit d'appliquer à ce poste-là. Celui ou celle qui a été député ou ministre a le droit d'être juge après. Alors, pourquoi on serait plus sévère, finalement, avec eux qu'avec les autres qui ont eu des postes très affichés?

M. Rémillard: Mais il y a peut-être un élément aussi... Vous me permettrez d'ajouter, M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: S'il a été en congé sans solde pendant 1 an, 2 ans ou 3 ans et qu'il veut revenir, il faut un jury pour voir s'il a encore la capacité, la compétence en fonction des lois, et tout ça. Alors, c'est pour ça qu'il faut qu'il y ait un jury. Donc, l'amendement qu'on recherche, peut-être, pourra répondre aux objectifs que nous avons tous. Alors, laissons nos légistes travailler pendant que nous mangerons.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Alors, l'article 9.4 est suspendu.

J'appelle l'article 9.5, toujours sous l'article 7, évidemment.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Alors, l'article 9.5 se lit comme suit: «Le nouveau classement doit être attribué dans les meilleurs délais afin de permettre à la personne qui en fait l'objet d'exercer en temps utile les activités politiques visées à l'article 9.1.»

C'est une disposition qui vise à accélérer le processus d'attribution du nouveau classement.

M. Bélanger (Anjou): Ça va.

Le Président (M. Dauphin): Ça va. L'article 9.5 est adopté.

J'appelle le suivant, l'article 9.6.

M. Rémillard: L'article 9.6 se lit comme suit: «Dès que le nouveau classement lui est attribué, la personne qui en fait l'objet peut, conformément aux dispositions de la Loi sur la fonction publique, exercer les activités politiques visées à l'article 9.1.»

M. le Président, lorsque le nouveau classement lui est attribué, la personne qui en fait l'objet n'est plus soumise à la Loi sur les substituts. Elle peut donc demander un congé sans solde, conformément aux articles 24 et suivants de la Loi sur la fonction publique.

Le Président (M. Dauphin): Ça va?

M. Bélanger (Anjou): Je voulais savoir... Au niveau des avocats, justement, de l'État, est-ce qu'il existe des limites ou des contraintes relativement aux gestes partisans ou aux activités politiques qu'ils peuvent faire ou...

M. Rémillard: C'est la Loi sur la fonction publique. C'est l'article 11 qui s'applique.

M. Bélanger (Anjou): C'est la Loi sur la fonction publique, l'article 11. Droit de réserve, c'est ça?

M. Rémillard: C'est ça.

M. Bélanger (Anjou): Parfait.

Le Président (M. Dauphin): L'article 9.6 est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): J'appelle l'article 9.7.

M. Rémillard: L'article 9.7: «Dès qu'il en prend connaissance, le sous-procureur général attribue, conformément aux dispositions de l'article 9.4, un nouveau classement à tout substitut permanent qui, sans l'en avoir informé, s'est livré à des activités politiques visées à l'article 9.1.» (17 h 40)

M. le Président, l'article 9.7 prévoit l'attribution d'un nouveau classement aux substituts qui se livreront à des activités politiques prohibées sans en informer le sous-Procureur général. Ce dernier attribuera le nouveau classement lorsqu'il prendra connaissance qu'un substitut s'est livré à ces activités.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, quand on parle de classement, je voudrais savoir... Est-ce qu'il peut arriver le problème où il n'y a pas de poste disponible qui correspondrait aux qualifications de l'avocat? Qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? Est-ce qu'on va assister à ce qu'on appelle, en anglais, un «bumping»? Est-ce qu'il y aura du «bumping»? Un sous-procureur qui serait plus expérimenté qu'un avocat, dans un certain département, à ce moment-là, il prendrait sa place vu l'ancienneté? Est-ce qu'il peut arriver ce genre de conflit?

M. Rémillard: C'est une bonne question sur la plan administratif. M. le Président, je vais demander au sous-ministre, avec votre permission, d'y répondre.

Le Président (M. Dauphin): M. Bouchard.

M. Bouchard: Merci, M. le Président.

M. le député, évidemment, le souhait, en tant que responsable de la Direction générale des affaires criminelles et pénales, que je formule, c'est qu'en période d'élection je n'aie pas 50 ou 75 individus qui me demandent un congé sans solde suite à une reclassification, parce que, effectivement, ça poserait de sérieux problèmes d'avoir à reclassifier tout ce monde-là.

On pense qu'on est capable d'absorber, à même la Direction générale — absorber étant le terme que j'utilise, parce que je n'en vois pas de meilleur pour l'instant — les individus, quels qu'ils soient, qui auraient manifesté le désir de s'adonner à une activité politique qui les oblige à un congé sans solde, lequel doit être précédé d'une reclassification, et de les garder à l'emploi de la Direction générale pour des activités de juriste. Cela leur permettrait de nous fournir leurs précieux conseils, mais en dehors d'un statut de substitut du Procureur général.

Alors, si c'est dans un district moins populeux où il y a moins d'avocats, il est possible de reclassifier quelqu'un comme juriste, par exemple — je vous donne un exemple qui me vient à la tête — comme protonotaire dans un palais de justice ou un statut semblable. Si je n'avais que 2 ou 3 personnes dans cette situation à chaque élection, je pourrais, à même les postes qui sont consentis à la DGACP, les occuper à du travail qui ne les amènerait pas à prendre des décisions qui sont celles normalement réservées à un substitut du Procureur général, du travail de juriste ou l'équivalent.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que je dois comprendre qu'en vertu de 9.4, dans ce genre de reclassement, on ne garantit pas nécessairement au substitut du Procureur général le droit à un poste qui va faire appel à ses connaissances d'avocat?

M. Bouchard: Oui, oui, c'est...

M. Bélanger (Anjou): On pourrait le remettre dans un autre poste qui...

M. Bouchard: Non, non, non. Ce sera un poste d'avocat...

M. Bélanger (Anjou): Non? Oui, vraiment un poste d'avocat, de juriste?

M. Bouchard: ...de juriste, où il doit faire appel à des connaissances d'ordre juridique qu'il a acquises lors de son Barreau ou lors de son expertise à titre de procureur de la couronne.

M. Bélanger (Anjou): Ah bon! Ça, c'est protégé? Oui?

M. Bouchard: Oui, oui, il ne classera pas du courrier.

M. Rémillard: II pourrait se retrouver, par exemple, M. le Président, dans une situation où il va passer de substitut à avocat ou avocate dans le contentieux d'un ministère. Ça, ça serait possible.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? M. Bélanger (Anjou): Oui, oui.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'article 9.7 est adopté.

J'appelle l'article 9.8.

M. Rémillard: «L'attribution d'un nouveau classement peut être effectuée par une personne autorisée par écrit à cette fin par le sous-procureur général.»

M. le Président, l'article 9.8 prévoit que le sous-procureur général pourra déléguer l'exercice de ses fonctions en matière d'attribution d'un nouveau classement aux fins prévues par le projet de loi. Alors, c'est la capacité, simplement, du sous-ministre de pouvoir déléguer ses fonctions pour que ça se fasse le plus rapidement possible, pour permettre au substitut de prendre sa décision de se lancer en politique.

M. Bélanger (Anjou): Ça va.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? L'article 9.8 est adopté.

J'appelle l'article 9.9.

M. Rémillard: L'article 9.9, M. le Président: «L'attribution d'un nouveau classement conformément à la présente section ne peut entraîner une diminution du traitement régulier ni des avantages sociaux auxquels le substitut permanent avait jusqu'alors droit.»

C'est une disposition qui vise à préserver les droits du substitut. L'attribution d'un nouveau classement ne pourra entraîner une diminution du traitement régulier ni des avantages sociaux auxquels il avait jusqu'alors droit. Alors, ce n'est pas une sanction, ce n'est pas une pénalité. C'est juste une réorientation de carrière, qui peut être temporaire selon l'évolution des choses.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? L'article 9.9 est adopté.

J'appelle le suivant, l'article 9.10.

M. Rémillard: 9.10, M. le Président: «La présente section n'a pas pour effet d'écarter l'application des dispositions de la Loi sur la fonction publique relatives aux normes d'éthique et de discipline applicables en vertu de cette loi.»

Alors, M. le Président, cette disposition interprétative a pour objet de maintenir l'application des dispositions de la Loi sur la fonction publique relatives aux normes d'éthique et de discipline. On en a parlé beaucoup dans nos derniers commentaires, M. le Président.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que je dois comprendre par l'article 9.10 que cette loi-là s'applique en sus de la Loi sur la fonction publique, c'est-à-dire... C'est ça?

M. Rémillard: C'est que la Loi sur la fonction publique est la toile de fond, si vous voulez...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: ...et cette loi spécifique vient déterminer les précisions sur l'exercice des modalités. Mais, tout à l'heure, lorsqu'on a parlé, par exemple, d'activités partisanes, bien, pour ce qui est partisan, on doit se référer aussi à l'article 11 de la Loi sur la fonction publique pour déterminer ce qui sera partisan ou pas.

M. Bélanger (Anjou): Nulle part, dans le projet de loi, il n'a été mention que la Loi sur la fonction publique continuait de s'appliquer. En tout cas, il n'en est fait mention nulle part. C'est pour ça que...

M. Rémillard: Mais tous les procureurs de la couronne sont soumis à la Loi sur la fonction publique, au départ.

M. Bélanger (Anjou): En partant.

M. Rémillard: Oui, oui, ce sont des fonctionnaires qui sont soumis à la Loi sur la fonction publique, au départ. Alors, ici, on la considère donc comme la toile de fond, et vous avez un article qui le précise directement.

M. Bélanger (Anjou): Ça va, adopté.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? L'article 9.10 est adopté.

J'appelle l'article 8.

M. Rémillard: L'article 8: Tout substitut permanent qui le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi) exerce des activi-

tés politiques visées à l'article 9.1 de la Loi sur les substituts du procureur général, édicté par l'article 7 de la présente loi, doit, sans délai, cesser ces activités et en informer le sous-procureur général ou, s'il entend les poursuivre, se conformer aux dispositions de la section 2 de cette loi.

M. le Président, il s'agit d'une disposition transitoire visant les substituts permanents qui sont engagés dans des activités politiques lors de l'entrée en vigueur de la loi. L'article 8 leur permet de préserver leur statut de substitut à la condition de cesser sans délai leurs activités politiques. S'ils veulent poursuivre ces activités, ils devront sans délai obtenir un nouveau classement.

M. Bélanger (Anjou): Qu'est-ce qui arrive...

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): ...dans le cas de quelqu'un qui vient de donner à un parti politique et puis... Donc, dans l'année financière, là...

M. Rémillard: II a donné.

M. Bélanger (Anjou): II a donné, oui.

M. Rémillard: Mais il ne donnera plus.

M. Bélanger (Anjou): Ah! il ne donnera plus. Mais il n'a pas à aviser comme quoi il a donné? Est-ce qu'il va avoir à aviser qu'il a déjà donné?

M. Rémillard: La loi n'était pas en vigueur. Alors, ça ne s'applique pas.

M. Bélanger (Anjou): La loi n'était pas en vigueur.

M. Rémillard: Elle n'est pas rétroactive.

M. Bélanger (Anjou): On ne regardera pas l'année financière du...

M. Rémillard: Non, non. Ce qui était permis était permis. Maintenant, c'est pour l'avenir.

M. Bélanger (Anjou): II n'existait absolument aucune directive relativement à ça, même si la loi, l'article de loi...

M. Rémillard: La Loi sur la fonction publique, le fameux article 11, je pense...

Le Président (M. Dauphin): Ça va?

M. Bélanger (Anjou): Oui, ça va. Adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'article 8 est adopté.

J'appelle l'article 9.

M. Rémillard: Les disposition de la présente loi entrent en vigueur le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi), à l'exception de celles de l'article 3 qui entreront en vigueur à la date fixée par le gouvernement.

M. le Président, cette disposition prévoit que la loi entrera en vigueur lors de la sanction, sauf l'article 3 qui est relatif à la nomination des substituts occasionnels.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'article 9 est adopté.

Tout ce qu'il nous reste à adopter, c'est 9.4 de l'article 7, qui a été suspendu, si je comprends bien. C'est bien ça?

M. Bélanger (Anjou): C'est ça.

Le Président (M. Dauphin): Voulez-vous aborder le projet de loi 94 ou si vous voulez suspendre jusqu'à 20 heures?

M. Rémillard: On va suspendre.

Le Président (M. Dauphin): Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 49)

(Reprise à 20 h 19)

Projet de loi 94

Le Président (M. Dauphin): La commission des institutions reprend ses travaux. Nous abordons maintenant le projet de loi 94, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires.

M. le ministre, si vous avez quelques remarques à faire avant d'appeler l'article 1.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Oui, M. le Président, très rapidement. C'est pour vous dire que je suis accompagné des mêmes personnes qui étaient avec moi pour le précédent projet de loi. Je dois vous dire que ce projet de loi propose des modifications à la Loi sur les tribunaux judiciaires, en prévoyant l'adoption d'une tarification plus élevée pour les personnes morales que pour les personnes physiques, en matière civile, comme ce sera le cas à la division des petites créances, suite à l'entrée en vigueur de la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant le recouvrement des petites créan-

ces — projet de loi 50, adopté le 21 décembre 1992. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. (20 h 20)

M. le député d'Anjou, avez-vous des remarques préliminaires à faire sur ce projet de loi?

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger (Anjou): Très brèves, M. le Président. C'est tout simplement pour dire que je suis accompagné, pour faire l'étude de ce projet de loi, de la re-cherchiste de l'aile parlementaire de l'Opposition officielle, Me France Thériault. C'est un projet de loi qui est assez court. Alors, ce seront mes brèves remarques préliminaires.

Étude détaillée

Le Président (M. Dauphin): D'accord. M. le ministre, j'appelle l'article 1 du projet de loi.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 224 de la Loi sur les tribunaux judiciaires (L.R.Q., chapitre T-16), modifié par l'article 11 du chapitre 20 des lois de 1991, est de nouveau modifié par l'insertion, dans la deuxième ligne du premier alinéa et après «tarif,», des mots «prévoir des frais et des droits différents selon qu'ils sont exigibles d'une personne physique ou d'une personne morale ou».

M. le Président, cette disposition modifie la Loi sur les tribunaux judiciaires afin d'autoriser le gouvernement à établir, en matière civile, des frais judiciaires et des droits de greffe différents, selon qu'ils sont exigibles d'une personne physique ou d'une personne morale. Alors, il faut dire, M. le Président, que c'est une approche semblable qui a été adoptée récemment en matière de recouvrement des petites créances.

Le Président (M. Dauphin): Questions, commentaires sur l'article 1?

M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre a un projet de règlement relativement à la grille de frais qui va être proposée relativement... Comme aux timbres judiciaires, la différence qu'il va y avoir pour les personnes morales et les personnes physiques, est-ce qu'on a une idée, à peu près?

M. Rémillard: C'est en préparation. On y travaille présentement. Ce n'est pas encore disponible. On travaille là-dessus, M. le Président.

M. Bélanger (Anjou): Si je regarde les frais qui ont été annoncés pour le recouvrement des petites créances, on peut dire, dans certains cas... Si je regarde pour le montant d'une créance qui va jusqu'à 1000 $, c'est du simple presque au double; 1000 $ à 2000 $, c'est une augmentation uniquement de 65 $ à 80 $; plus de 2000 $, c'est de 65 $ à 100 $. Est-ce que je pourrais savoir quels sont les genres de critères qui servent, finalement, à évaluer la différence entre le montant qu'une personne physique et une personne morale doivent payer?

M. Rémillard: D'abord, dans le cas des petites créances, ça, on se référait aux coûts de première instance, au niveau de la Cour du Québec, et on essayait évidemment d'avoir des tarifs moins élevés. Les petites créances, ça comprend aussi la possibilité d'avoir une médiation partout, sur tout le territoire du Québec. Alors, finalement, on vise à ce qu'on — autant que faire se peut; je ne dis pas que c'est le principe qui nous guide dans tous les services judiciaires, mais autant que faire se peut — puisse autofinancer les services qu'on offre. Alors, dans ce cas-ci, c'est ce qui nous guidait: essayer de trouver des tarifs acceptables. On compare aussi avec les autres provinces, si on est dans les normes pour les autres provinces. Alors, c'est à peu près ce qui nous guide aussi pour les tarifs qui sont établis à tous les niveaux.

Maintenant, la différence entre le corporatif et le privé. Une corporation a des moyens que n'a pas une personne pour, par exemple, déduire de ses impôts les dépenses faites dans un processus judiciaire. Aussi, normalement, elles ont des moyens. Elles ont un comptable qui s'occupe déjà de la compagnie, qui peut être mis à contribution — souvent, un avocat — même si ce ne sont pas de grandes corporations. Alors, il y a des possibilités matérielles que n'ont pas les personnes qui sont seules, qui agissent individuellement. C'est en fonction de ça qu'on essaie de trouver les meilleurs tarifs possibles, mais toujours en fonction des services qu'on offre.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'on a une évaluation des sommes qu'on cherche à obtenir? Quel est l'objectif financier qui est visé quant aux sommes à aller chercher par cette modification des tarifs? Est-ce qu'on a un but: tant de millions pour la première année, tant de millions pour la deuxième année?

M. Rémillard: Ça dépend de tous les services qu'on est à mettre en place et ça va dépendre de l'argent qu'on doit aller chercher. Ça dépend aussi... On est en discussion avec le Conseil du trésor sur bien des projets afin de voir comment on peut trouver l'argent nécessaire pour financer ces projets de développement.

M. Bélanger (Anjou): Je comprends, tout à l'heure, que le ministre a parlé d'autofinancement. Pour les instances régulières des tribunaux, est-ce qu'il cherche ou s'il vise encore l'autofinancement pour...

M. Rémillard: Pas dans l'ensemble des cas... M. Bélanger (Anjou): Non? C'est ça. Oui?

M. Rémillard: ...ce n'est pas possible. Par exemple, si on me disait qu'il faut qu'à la Cour du Québec on en arrive, par les tarifs judiciaires, à faire payer le salaire des juges, les frais de justice à tous les niveaux, non, parce que la justice est un service public qui est essentiel. C'est un des 3 grands piliers de la société au point de vue services publics, avec la santé et l'éducation. Alors, dans ce contexte-là, on ne peut pas demander d'autofinancer le service de la justice, ce n'est pas possible. Ce n'est pas ça qu'on cherche. Mais, dans des services spécifiques...

M. Bélanger (Anjou): Comme les petites créances.

M. Rémillard: ...comme tels, comme les petites créances. Une médiation familiale, par exemple. J'ai insisté pour avoir une médiation et que la médiation soit offerte gratuitement. On aurait pu dire: Bien, ceux qui veulent avoir de la médiation vont avoir à la payer. Je ne voulais pas en arriver à cette conclusion, parce que je voulais qu'il y ait la médiation dans toutes les causes de séparation et de divorce qui posent problème. Si tout le monde s'entend, il n'y a pas de difficultés, il n'y a pas besoin de médiateur. Mais, dès qu'il y a une difficulté, qu'il y ait une médiation. Par conséquent, comme c'est demandé par le tribunal, il ne fallait pas que ce soit une des parties qui paie pour ça ou les 2 parties. Donc, c'est un service qui coûte cher. Alors, on s'organise pour essayer de trouver des moyens pour financer un service comme celui-là. Dans ce cas, ça veut dire qu'on doit faire en sorte que l'argent demandé puisse en arriver à payer ces services.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, le... Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Le ministre en conviendra avec moi, le problème qu'on a toujours un peu avec les personnes morales, c'est qu'il y a plusieurs classes de personnes morales. On peut avoir des personnes morales, comme une compagnie à actionnaire unique, administrateur unique, où c'est très difficile de faire la différence entre la personne physique et la personne morale, puisque c'est uniquement une simple fiction, finalement, la personne morale, puis ça ne change rien quant aux moyens de l'individu qui est derrière le voile corporatif. Moi, je me demandais...

On arrive un petit peu au même problème qu'on avait eu, à un moment donné, quand on avait parlé de l'introduction de la notion de personne morale pour la loi des petites créances. À un moment donné, on se disait... Bon, je sais que le ministre avait décidé, quant à lui, de retenir le critère de 5 employés ou moins pour définir la taille de la personne morale. Je lui avais fait remarquer, à ce moment-là, qu'on peut avoir des compagnies qui n'ont aucun employé, puis qui ont des revenus de millions de dollars, c'est-à-dire des compagnies qui font la gestion d'immobilier.

Alors, moi, je me demandais... Est-ce que, pour les personnes morales, ça va être un tarif unique, ou est-ce qu'on pourrait avoir des classes de tarifs pour les personnes morales? Si on a une multinationale qui est demanderesse dans une cause, va-t-elle payer le même timbre judiciaire ou les mêmes frais que l'actionnaire unique, je veux dire, la compagnie à actionnaire unique?

M. Rémillard: C'est parce qu'il faut faire attention. Vous avez raison en disant qu'avec certains critères on en arrive parfois à trouver une différence d'application, qui peut être énorme, dans certains cas. Mais il n'y a aucun critère qui va vous assurer que son application va être uniforme et que tous les cas vont être touchés d'une façon uniforme. Ça ne se peut pas. Lorsqu'on a dit 5 employés et moins, on aurait pu dire qu'une petite compagnie c'est 7 et moins. On aurait pu dire que c'est 3 et moins. On l'a fixé à 5, parce qu'on parle de S dans la loi sur la langue. On parle de S dans plusieurs lois. Industrie et Commerce établit que les petites et moyennes entreprises à 5 employés et moins, c'est une norme qu'on rencontre à tant de pour cent. Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais c'est une norme qu'on rencontre très régulièrement dans les petites et moyennes entreprises.

Alors, qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'on a pris 5 employés, mais vous avez raison en disant qu'il peut y avoir une personne dans une compagnie qui a un chiffre d'affaires beaucoup supérieur à quelqu'un qui a une compagnie avec 50 employés. Mais c'est quand même des exceptions. Si je commence à essayer de couvrir toutes les exceptions, le problème, c'est que la gestion... On pourrait faire, par exemple, un système d'imposition qui pourrait être en fonction du chiffre d'affaires. Mais là, ça voudrait dire contrôler le chiffre d'affaires, vérifier le chiffre d'affaires, demander des déclarations, des vérifications, l'opposition qu'on pourrait faire sur le chiffre d'affaires parce que ce n'est pas le bon chiffre d'affaires, etc. C'est que ça va tellement être lourd comme administration qu'on ne voit pas comment on pourrait s'en tirer.

Alors, pour nous, le critère le plus simple, c'est de dire — parce qu'il faut avoir l'administration la plus simple, pour qu'on puisse limiter les frais: Vous êtes incorporé? Bon, très bien. À ce moment-là, ça coûte un peu plus cher. D'ailleurs, ce n'est pas énorme. Ce n'est pas énorme comme coût, ce n'est pas beaucoup, beaucoup plus. C'est plus — il y a une différence — mais ce n'est pas significatif au point de causer des préjudices à l'accessibilité à la justice. Si c'était au niveau des personnes, ce serait plus inquiétant. Mais, au niveau des compagnies, coudon, il me semble que c'est plus acceptable. (20 h 30)

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, ce pourquoi je faisais cette remarque, aussi, c'est un peu parce que... L'argument que donnait le ministre à propos du fait qu'une personne morale peut déduire des frais qu'elle a engagés, comme pour faire une poursuite, c'est aussi vrai pour une personne physique, si ces frais ont

été engagés dans le but de faire un revenu. M. Rémillard: Un profit.

M. Bélanger (Anjou): Un profit. Ou pour des personnes, des sociétés civiles non enregistrées. Alors, c'est pour ça, donc, ce critère-là... Plusieurs personnes physiques jouissent déjà de cet avantage fiscal. Alors, c'était...

M. Rémillard: Si le député d'Anjou me le permet... Comme il vient de le dire, pour la personne privée, individuelle, c'est strictement en fonction d'un investissement qu'on a voulu faire. Par conséquent, la perte ou les coûts, vous pouvez les déduire. En ce qui regarde une personne morale, les possibilités de déduction sont beaucoup plus grandes — ça peut regarder la gestion de l'entreprise — c'est beaucoup plus large comme tel.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que le ministre a une idée quand ces nouveaux tarifs vont entrer en vigueur, pour les personnes physiques et les personnes morales?

M. Rémillard: Oui. Il faut que ça entre en vigueur, M. le Président, pour l'automne prochain? Pour l'automne? Pour octobre, on me mentionne octobre prochain.

M. Bélanger (Anjou): Allez-vous, par la même occasion, en profiter pour augmenter les tarifs pour les personnes physiques, ou s'ils vont rester inchangés?

M. Rémillard: II y a un petit rajustement prévu.

M. Bélanger (Anjou): Encore là, on n'a pas de pourcentage, d'approximation?

M. Rémillard: Non, mais comme on l'a déjà fait, ça ne sera quand même pas très élevé.

(Consultation)

M. Rémillard: Alors, on m'informe, M. le Président, que, de fait, la réévaluation au niveau individuel va être très limitée. Puis, au niveau familial, entre autres, on ne touche pas à ça.

M. Bélanger (Anjou): Donc, au niveau familial, on ne touchera pas. Pour les autres, il va y avoir faible majoration.

M. Rémillard: Faible majoration.

M. Bélanger (Anjou): Quand on parle de faible majoration, est-ce qu'on peut s'engager? En haut de 10 %? En bas de...

M. Rémillard: Je ne pourrais pas vous le dire.

M. Bélanger (Anjou): Vous n'avez pas d'idée?

M. Rémillard: C'est encore en évaluation, c'esi des hypothèses de travail. Mais ça devrait être faible.

M. Bélanger (Anjou): II me semble que ça ne fait pas longtemps que ça a été modifié pour les personnes physiques. La dernière fois...

M. Rémillard: Oui, ça a été modifié il y a environ, je pense, 6 mois, 8 mois, faiblement. Là, ça le serait pour permettre l'ensemble des projets. Un petit peu, mais faiblement.

M. Bélanger (Anjou): Maintenant, je regardais... Je viens de penser à ça, au niveau des dépens... Finalement, une personne physique, qui va se voir condamner suite à une demande faite par une personne morale, va voir son mémoire de frais passablement augmenter si la personne morale, quant à elle, a payé des frais, des timbres judiciaires beaucoup plus élevés. Est-ce que vous avez pensé un peu à cet impact-là?

M. Rémillard: Oui, et c'est le juge qui a la discrétion. Alors, il sera possible à la personne privée de plaider qu'elle est condamnée aux dépens, mais condamnée en fonction d'un prix comparable à ce qu'elle a payé, aux dépens.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'il va y avoir une modification particulière à l'article qui prévoit cette discrétion-là?

M. Rémillard: Actuellement, il y a une discrétion qui est prévue, et c'est quelque chose qui est étudié. Mais, présentement, la discrétion est là, dans le projet de loi.

M. Bélanger (Anjou): Oui, parce que je peux vous dire... Je ne sais pas si la disposition a changé récemment, mais c'est assez rare que les juges vont réévaluer les dépens. En tout cas, ça se voit, mais ça prend des circonstances assez...

M. Rémillard: Oui, mais ce n'était pas plaidé. Là, si c'est plaidé, si les gens peuvent le plaider... Les avocats sont habitués de le plaider.

M. Bélanger (Anjou): Quel article, ça? C'est dans...

M. Rémillard: L'article 477. Alors, c'est: «La partie qui succombe supporte les dépens». J'aime beaucoup ces expressions-là, M. le Président. Quand on va refaire le Code de procédure civile, c'est une phraséologie qu'on va changer: «la partie qui succombe»!

M. Bélanger (Anjou): Je constate que cette disposition n'a pas été modifiée depuis...

M. Rémillard: Longtemps, oui.

M. Bélanger (Anjou): ...en tout cas, depuis le temps que je la plaidais. Puis, la norme, c'est que les dépens sont tels quels, sauf motifs qu'on pourrait invoquer.

M. Rémillard: C'est ça, «ou n'en ordonne autrement».

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de modifier cet article, justement, pour bien faire sentir qu'une partie ne devrait pas payer plus cher, au niveau des dépens, que si elle était poursuivie par une personne physique ou quelque chose comme ça? Ce ne serait pas bon de prévoir un certain paramètre à ce niveau-là?

Si on ne modifie pas la disposition telle quelle, j'ai bien l'impression que ça va être assez exceptionnel, le fait que ça va être plaidé, cette chose-là. Peut-être que, nous, on pourrait faire un débat d'initié là-dessus, mais je ne suis pas certain que ça va être vraiment...

M. Rémillard: Moi, je prends bonne note de la remarque du député d'Anjou, parce que je pense qu'elle est pertinente, très pertinente. Mes légistes m'assurent que la disposition de l'article 477 est assez large pour le plaider et demander au tribunal de décider. Est-ce qu'on laisse la jurisprudence procéder avant de modifier la loi, parce qu'il y a quand même là «ne les compense ou n'en ordonne autrement»?

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: Je peux demander à Me Jacques Mercier de nous donner des commentaires à ce niveau-là. Comment il le voit, lui, l'article 477?

M. Mercier: Je pense que la jurisprudence pourra l'interpréter très largement, effectivement, alors que, si on en fait plutôt presque une règle automatique, ça peut arriver, en bout de compte, à certains résultats pervers qu'on n'attend pas. Je pense que, dans ce genre de choses là, c'est mieux qu'on s'en remette toujours à de la discrétion.

M. Bélanger (Anjou): Oui. Mais... Je pense que oui.

M. Mercier: La discrétion du... C'est le juge qui tranchera, cas par cas. C'est ce qui est le plus souple après tout, plutôt que d'en faire une règle automatique dans tous les cas.

M. Bélanger (Anjou): Je comprends, mais, comme je vous le dis, comme je le faisais remarquer au ministre, c'est que... La norme, c'est que... À moins, vraiment, qu'il y ait argumentation de la part du procureur, c'est assez rare — vous me corrigerez si vous avez des statistiques à cet effet-là — que le juge va modifier les dépens. En général, le genre de critères qui sont retenus par le juge, quand il va modifier les dépens, c'est soit le comportement des parties... Si on va dire qu'il y a une des parties qui a fait vraiment des procédures dilatoires, des choses comme ça, à ce moment-là, il peut décider de sabrer dans les dépens, ou encore, des fois, quand le montant en capital, qui est en jeu au niveau de la réclamation, est tellement, à un moment donné, proche du montant des dépens que, pour ne pas, finalement, enlever tout effet au jugement, on décide, bon, tout simplement: Écoutez, on va couper dans les dépens, sinon ça ne sert à rien même d'avoir fait ce procès-là.

Alors, c'est pour ça que, moi, je suis loin d'être convaincu — même, je suis convaincu du contraire. Les gens ne penseront pas de plaider cette chose-là. Finalement, cette disposition-là, c'est qu'on veut obtenir plus d'argent des personnes morales qui s'adressent aux tribunaux de droit commun. Je ne pense pas qu'on veuille pénaliser les personnes physiques qui vont être poursuivies par les personnes morales.

M. Rémillard: Absolument pas.

M. Bélanger (Anjou): Je pense que c'est ça, l'esprit de la loi.

M. Rémillard: Oui, vous avez raison.

M. Bélanger (Anjou): Hein? C'est d'obtenir plus d'argent de la part des gens qui en ont, en moyenne, plus, c'est-à-dire les personnes morales. Alors, moi, je me demande justement si, à ce niveau-là, on ne devrait pas mettre une protection pour les personnes physiques, pour ne pas avoir, finalement... Dans des dépens, s'il y a plusieurs timbres judiciaires et des frais de saisie qui ont été encourus, il peut y avoir un effet multiplicateur, au niveau des personnes morales, d'avoir payé plus.

M. Rémillard: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: On essaie de regarder ça des 2 côtés. Faisons le scénario suivant. Si vous avez une corporation — une petite corporation, qui paie donc plus cher que la personne individuelle — que cette corporation-là poursuit et qu'elle a gain de cause, alors, elle, elle a payé des frais plus chers que l'individu et elle a gain de cause. Donc, le juge condamne aux dépens la partie qui a succombé — pour prendre les termes du Code de procédure. Alors, si la compagnie ne récupérait pas ses droits d'inscription, est-ce que ça ne serait pas de la pénaliser parce qu'elle a gagné? Elle ne serait pas la pénalisée, par rapport à la personne qui a perdu, parce qu'elle a été trouvée en défaut? Alors, il y a ça aussi à prendre en considération — voyez-vous? — si on veut trouver toujours le juste équilibre. (20 h 40)

M. Bélanger (Anjou): Ce n'est pas évident, mais

le ministre conviendra avec moi qu'à un moment donné on doit choisir qui on pénalise: la personne morale ou la personne physique.

M. Rémillard: Bien, ce n'est pas «pénaliser». Oui, mais, regardez bien. Je pense que ce n'est pas une question de pénaliser. C'est une question, strictement... Disons, en justice — si on regarde les principes de justice — on a des droits et on a des obligations. Il y a quelqu'un qui poursuit, parce qu'il considère qu'il a des droits et que quelqu'un a manqué à ses obligations. La personne qui a manqué à ses obligations doit payer les frais de cour, elle est condamnée aux dépens. Ces dépens, c'est ce que ça a coûté à la personne qui a gagné. Si c'est une personne morale, ça lui a coûté plus cher pour poursuivre, mais elle était dans son droit. Est-ce que ça n'est pas correct...

M. Bélanger (Anjou): Oui, mais elle jouit d'une déduction fiscale.

M. Rémillard: ...sur le plan de la justice, qu'elle récupère? Hein?

M. Bélanger (Anjou): Elle jouit d'une déduction fiscale, elle, alors que la personne physique, pas nécessairement.

M. Rémillard: Oui, mais sa déduction fiscale, attendez. Si elle gagne et qu'elle peut récupérer ce qui lui revient... Vous prenez des exemples de très grosses compagnies. Prenons aussi des plus petites compagnies.

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: Des plus petites compagnies qui récupèrent ce qui leur est dû. Écoutez, c'est ça aussi qu'il faut voir. Est-ce que l'équité, autant que la justice, ne commande pas que quelqu'un qui perd doit, au moins, payer les dépens, tel que ça a coûté à la personne qui a poursuivi et gagné? Ou la personne qui a gagné, pas nécessairement poursuivi, mais qui a gagné? Il me semble que c'est équitable. Il me .semble que c'est équitable.

M. Bélanger (Anjou): Mais, encore là, M. le Président, tout va dépendre des fameux tarifs ou frais qui vont être accordés aux personnes morales. Encore là, ça ne sera pas terrible.

M. Rémillard: Ce n'est pas énorme. C'est parce que c'est une petite différence, et on voulait avoir la possibilité législative de faire cette différence. Ça nous permet, pour les individus, quand même, de le garder le plus bas possible, parce que je ne veux pas que... Je veux qu'on puisse assurer l'accessibilité au niveau des individus. Ça ne sera pas énorme. Malheureusement, M. le Président, on n'est pas encore rendu assez loin pour que je puisse parler ici de ces tarifs, mais ça ne sera pas énorme. En matière familiale, entre autres, on n'y touche pas, comme tel.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, sauf que le ministre conviendra avec moi qu'à partir du moment où on va avoir, comme on le fait présentement, introduit cette distinction entre personne morale et personne physique, les prochains — ou vous-même — ministres de la Justice pourront jouer avec cette notion de personne morale et personne physique et pourront faire varier aussi cet écart, peut-être, entre personne morale et personne physique. Alors, c'est pour ça que je me demandais si ça ne serait pas bon de pouvoir, justement, mettre un élément de protection pour les personnes physiques, pour ne pas se retrouver pénalisé avec ça. Comme je l'ai dit, on ne veut pas pénaliser. Je comprends qu'on ne veut pas pénaliser. On veut obtenir de la personne qui, en moyenne, a le plus les moyens de le faire, le plus d'argent possible, sans pour autant limiter son accès à la justice. Alors, c'est pour ça que je me demandais si... En tout cas, je sais que, dans plusieurs cas, on limite les dépens, comme ça, pour certaines personnes, pour ne pas qu'elles préjudicient, je pense, au niveau des petites créances.

M. Rémillard: Mais il y a toujours l'article 477 qui est là...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: ...qui peut être plaidé. Moi, il me semble que c'est au tribunal, finalement, si vraiment il y a iniquité, pour des petites sommes...

M. Bélanger (Anjou): Ça, c'est...

M. Rémillard: C'est une petite somme. Dans la très grande majorité des cas, ça va être une petite somme. Si c'est une somme, parce que c'est une action en dommages de plusieurs milliers de dollars, je ne sais pas, des centaines de milliers de dollars, et que la somme peut être beaucoup plus considérable, je pense que c'est là que l'article 477 va jouer et qu'on va pouvoir demander au tribunal d'utiliser sa discrétion. Mais est-ce qu'on doit marquer expressément, lorsque les dépens sont à la charge d'une personne, que ces dépens ne doivent pas être en fonction du tarif payé par la corporation? Je trouve que ce serait difficile d'aller jusque-là, de mettre ça comme règle. Ça enlèverait la discrétion.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, la question que je me posais, c'est: Est-ce que cette distinction va être aussi appliquée pour tous les autres frais comme — je prends un exemple — les frais de sténographe, qui sont de tant de dollars la page? Est-ce que ces frais de sténographe vont être aussi différents pour une personne morale que pour une personne physique? Là, ça peut avoir vraiment un effet multiplicateur, quant aux dépens, qui peut être considérable, qui peut, après ça, avoir une influence considérable. Je pense uniquement à

des notes sténographiques qu'on peut faire faire pour une journée de procès. Je me souviens, à un moment donné, j'avais eu une facture de 800 $, 900 $ de frais de sténographe, pour une journée de procès, pour une personne. Là, il n'y avait pas de distinction entre une personne physique et une personne morale. Alors, si on commence à pouvoir mettre cette distinction-là, personne morale et personne physique, avec des tarifs différents, on pourrait obtenir un effet multiplicateur, au niveau des frais, assez important.

M. Rémillard: Non, M. le Président. Non, ça ne s'applique pas.

M. Bélanger (Anjou): Ça ne s'applique pas? M. Rémillard: Non.

M. Bélanger (Anjou): Parfait. Ça va être uniquement relié à ce qu'on appelle les timbres judiciaires?

M. Rémillard: Habituellement, les timbres, maintenant, on les appelle simplement les droits d'inscription.

M. Bélanger (Anjou): Les droits d'inscription, c'est ça.

Le Président (M. Dauphin): Adopté? M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'article 1 est adopté.

J'appelle l'article 2.

M. Rémillard: La présente loi entre en vigueur le (indiquer ici la date de la sanction de la présente loi).

Cet article prévoit que la loi entrera en vigueur à la date de sa sanction.

Le Président (M. Dauphin): Ça va, M. le député?

M. Bélanger (Anjou): Juste pour être certain que j'ai bien compris, au niveau de la tarification. D'ici l'automne, on devrait avoir tout ça? Ça devrait être en vigueur ou ça devrait...

M. Rémillard: D'ici octobre.

M. Bélanger (Anjou): D'ici octobre, au plus tard. Parfait. Adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'article 2 est adopté.

Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté.

Est-ce que l'ensemble du projet de loi est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté.

J'appelle maintenant le projet de loi suivant, c'est-à-dire le projet de loi 93, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Rémillard: M. le Président, est-ce que je pourrais demander un ajournement de quelques minutes? J'aimerais pouvoir discuter quelques minutes avec les légistes, une dizaine de minutes.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Juste avant de suspendre, je vais demander au député de Viger de me remplacer comme président. J'ai une petite intervention à faire en haut.

M. le député de Viger, l'honorable député de Viger.

M. Rémillard: C'est comme un médecin qui s'en va opérer, M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): Mais on suspend. (Suspension de la séance à 20 h 47)

(Reprise à 21 h 8)

Projet de loi 93

Le Président (M. Maciocia): La commission reprend ses travaux. M. le ministre en est aux remarques préliminaires du projet de loi 93.

Remarques préliminaires M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Ce projet de loi 93, Loi modifiant le Code de procédure civile et la Charte des droits et libertés de la personne, a pour objectif de modifier le Code de procédure civile afin de prévoir certaines règles qui visent à améliorer l'administration de la justice en vue, premièrement, de réduire les longs délibérés en matière civile et, deuxièmement, de réduire les délais à la Cour d'appel. Alors, M. le Président, c'est un projet de loi qui prévoit aussi d'atténuer la portée de la règle du huis clos en matière familiale, en permettant la présence des journalistes. C'est pour favoriser la liberté d'expression.

Alors, voilà, M. le Président, la situation générale que je peux donner à ce projet de loi.

Le Président (M. Maciocia): Merci, M. le ministre.

M. le député d'Anjou, avez-vous des remarques préliminaires?

M. Bélanger (Anjou): Non, M. le Président. On peut passer directement à l'étude article par article.

Étude détaillée

Le Président (M. Maciocia): Alors, j'appelle l'article 1.

M. le ministre.

Code de procédure civile

Restriction du huis clos en matière familiale

M. Rémillard: M. le Président, il y aurait un amendement de proposé au projet de loi.

Le Président (M. Maciocia): Est-ce qu'on pourrait l'avoir?

M. Rémillard: Je ne sais pas si tout le monde a l'amendement. Oui? Alors, M. le Président, l'amendement se lit comme suit:

Remplacer l'article 1 du projet de loi par le suivant: 1. L'article 13 du Code de procédure civile (L.R.Q., chapitre C-25) est modifié par le remplacement du deuxième alinéa par le suivant: «Cependant, en matière familiale, les audiences de première instance se tiennent à huis clos, à moins que, sur demande, le tribunal n'ordonne, dans l'intérêt de la justice, une audience publique. Tout journaliste qui prouve sa qualité est admis, sans autre formalité, aux audiences à huis clos, à moins que le tribunal ne juge que sa présence cause un préjudice à une personne dont les intérêts peuvent être touchés par l'instance. Le présent alinéa s'applique malgré l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., chapitre C-12).»

Alors, M. le Président, cet amendement est d'ordre technique. Il a pour objet de préciser la portée de la clause dérogatoire à l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne. C'est, en effet, la totalité du deuxième alinéa de l'article 13 du Code de procédure civile, tel que modifié par l'article 1 du projet de loi, qui s'applique, malgré la règle des audiences publiques prévue à l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne.

M. le Président, l'actuel deuxième alinéa de l'article 13 du Code de procédure civile prévoit que, en matière familiale, les audiences de première instance se tiennent à huis clos, et la modification proposée par l'article 1 du projet de loi a pour but de permettre aux journalistes d'assister à ces audiences à huis clos afin de respecter davantage la liberté de presse. (21 h 10)

Le Président (M. Maciocia): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le Président.

Je regardais la lettre qu'a envoyée le Protecteur du citoyen au ministre de la Justice, le 19 mai dernier, et relativement à cette modification, à cette disposition, le Protecteur du citoyen émettait quelques interrogations, les mêmes interrogations, d'ailleurs, que j'ai reprises dans mon discours, lors du dépôt du projet de loi. Je comprends que c'est suite à une décision, je pense, des tribunaux, qui considéraient que c'était une atteinte au droit de presse ou au droit d'information, qu'on a cru nécessaire de présenter une telle disposition.

Alors, maintenant, moi, je me demandais jusqu'à quel point il ne faudrait pas mieux baliser ce droit à l'information. Je sais que, dans ses remarques préliminaires, dans son discours qu'il avait fait lors du dépôt du projet de loi, le ministre de la Justice avait dit qu'il existe présentement des dispositions, dans le Code de procédure civile, qui limitent le droit de diffusion des renseignements, le droit, finalement, à la diffusion de l'information que peut faire un journaliste qui assisterait à une audience en matière familiale. Ma compréhension de ces dispositions, c'est que c'est uniquement dans des cas où il y a des mineurs qui sont impliqués. À ce moment-là, le journaliste se doit de ne pas donner de renseignements qui pourraient permettre l'identification des parties. Est-ce bien ça ou est-ce que c'est en général, pour toute cause que vous avez en matière familiale? C'est ça?

M. Rémillard: C'est en général.

M. Bélanger (Anjou): Ça, c'est l'article, je pense...

M. Rémillard: On peut s'y référer à 815.4.

M. Bélanger (Anjou): Parce que la rédaction de cet article n'est pas très heureuse. Si on regarde l'article 815.4: «Aucune information permettant d'identifier une partie à une instance ou un enfant dont l'intérêt est en jeu», ce n'est pas...

M. Rémillard: C'est les deux.

M. Bélanger (Anjou): Ah! il faut à la fois...

M. Rémillard: C'est les deux. C'est interprété très clairement par la jurisprudence.

M. Bélanger (Anjou): Ah oui? D'accord. M. Rémillard: C'est les deux.

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Donc, à ce moment-là, on pourrait se demander ce qu'un journaliste pourrait vraiment rapporter. Uniquement un cas de droit? Il pourrait rapporter un cas de droit ou...

M. Rémillard: C'est-à-dire qu'il ne parle pas des

noms des personnes, mais qu'il peut relater le cas. Et il peut être là pour voir que justice est rendue. Alors, il y a certaines circonstances, parfois, qui font que des cas de divorce ou de séparation peuvent attirer l'attention des médias, et, par conséquent, ils sont soucieux de voir si ça se passe, dans ce cas-là, comme ça devrait se passer pour tout le monde, par exemple, ou si ça se passe, dans ce cas-là, pour respecter les droits des enfants. Il y a plusieurs questions qu'il peut se poser.

Alors, quand c'est à huis clos et qu'on ne permet pas à la presse de pouvoir être présente, ça peut causer des difficultés. Des journalistes vont dire: Écoutez, nous, notre métier, c'est de couvrir, par exemple, les instances judiciaires. Je comprends que, pour respecter l'intimité de la famille, on n'ait pas à parler des noms, mais on peut au moins voir comment ce cas-là va se régler, et si justice est rendue, et s'il y a apparence, aussi, de justice, dans le sens qu'on peut être présent au moment où la justice s'applique. Alors, c'est dans ce cas-là. Mais on ne peut pas parler des noms qui sont en cause.

M. Bélanger (Anjou): Donc, finalement, si je comprends bien, la préoccupation du Protecteur du citoyen relativement à cette disposition-là n'est pas réellement bien fondée. Il n'a pas à s'inquiéter relativement aux informations qui pourraient être divulguées par un journaliste qui assiste à une cause en matière familiale.

M. Rémillard: On pourrait être soucieux de ce problème-là dans bien d'autres cas, mais, à un moment donné, je pense qu'il faut voir les principes qu'on veut favoriser. Il faut, je crois, qu'on puisse rendre la justice, qui est publique. Au départ, la justice est publique. C'est ça qui est le principe: La justice doit se rendre publiquement. Ça, c'est le principe, c'est la règle de base. On fait des exceptions, on fait une exception en matière familiale, et je pense que ça se justifie fort bien. Mais cette exception, on dit, en ce qui regarde un autre grand principe qui existe dans notre droit, c'est-à-dire la liberté d'être informés au niveau des médias, la liberté de presse, qu'on accepte qu'ils soient présents avec une exception, c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas divulguer un renseignement qui pourrait amener à l'identification des personnes.

Il peut toujours y avoir, à un moment donné, quelqu'un qui écrit des choses qui permettent l'identification. Ça s'est passé et on ne peut pas garantir que ça ne se passera pas. Ce n'est pas supposé. À ce moment-là, on peut prendre des procédures, même d'outrage au tribunal. Alors, je ne veux pas dire que l'inquiétude du Protecteur du citoyen n'est pas une inquiétude qui se manifeste dans un contexte familial qui est le nôtre, oui, mais je crois quand même qu'on a pris toutes les balises nécessaires pour assurer un maximum de sécurité.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je crois que le Protecteur du citoyen aurait préféré qu'on donne un pouvoir supplémentaire au juge de pouvoir limiter, le cas échéant, les renseignements qui pourraient être divulgués ou pas. C'est-à-dire que, à un moment donné, un juge pourrait, en cours d'instance, dire aux journalistes: Écoutez, ce que vous venez d'entendre, je ne veux pas que ce soit rapporté, des choses comme ça. Est-ce que le ministre n'a pas pensé ou évalué cette possibilité-là?

M. Rémillard: II y a une disposition... À l'article 815.4, le dernier alinéa, on dit: «En outre, le juge peut, dans un cas particulier, interdire ou restreindre, pour le temps et aux conditions qu'il estime justes et raisonnables, la publication ou la diffusion d'informations relatives à une audience du tribunal.» Il me semble que c'est là.

M. Bélanger (Anjou): Donc, ça existe déjà. M. Rémillard: Ça existe déjà. M. Bélanger (Anjou): D'accord.

M. Rémillard: On ne voit pas comment on pourrait mettre une balise supplémentaire comme telle. Moi, je participe aux préoccupations du Protecteur du citoyen, mais, là, je pense que...

M. Bélanger (Anjou): Toutes les balises sont là, d'après vous.

M. Rémillard: ...toutes les balises sont là.

Le Président (M. Maciocia): Ça va? Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Maciocia): Est-ce que l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Maciocia): J'appelle l'article 2.

Hausse du seuil pécuniaire de l'appel de plein droit

M. Rémillard: Alors, M. le Président, l'article 2 se lit comme suit:

L'article 26 de ce Code, modifié par l'article 176 du chapitre 57 des lois de 1992, est de nouveau modifié: 1° par le remplacement, dans la troisième ligne du paragraphe 1, du montant de «10 000 $» par le montant de «15 000 $».

Alors, M. le Président, actuellement, le paragraphe 1 de l'article 26 du Code de procédure civile énonce que les jugements finals de la Cour supérieure et de la Cour du Québec peuvent faire l'objet d'un appel de plein droit, sauf dans les causes où la valeur de l'objet du litige en appel est inférieure à 10 000 $. Le paragraphe premier de l'article 2 du projet de loi a pour objet

de porter le seuil pécuniaire de l'appel de plein droit de 10 000 $ à 15 000 $, ce qui correspond approximativement à l'indexation du seuil pécuniaire de l'appel de plein droit fixé en 1982 à 10 000 $ à partir de l'indice annuel des prix à la consommation depuis cette date jusqu'au 31 décembre 1992. L'indexation représente, pour cette période, une augmentation de 153 %.

Mentionnons, M. le Président, que, en 1990, 1991 et 1992, le nombre des appels qui est porté dans les districts d'appel de Montréal et de Québec et dont la valeur monétaire variait de 10 000 $ à 15 000 $ représente un peu plus de 5 %, c'est-à-dire 5,6 % de l'ensemble des causes portées en appel.

Le Président (M. Maciocia): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. le ministre vient de dire que les jugements qui seraient visés par cette disposition-là, ça représenterait 5 % des causes en appel?

M. Rémillard: 5,6 %.

M. Bélanger (Anjou): 5,6 %. parce que le protecteur du citoyen, dans sa lettre, lui, parlait de 7 % à 8 % approximativement.

M. Rémillard: Nous, les chiffres, ici, on est bien placés pour les avoir, c'est 5,6 %. (21 h 20)

M. Bélanger (Anjou): Si je comprends biens... Parce que, maintenant, la Cour du Québec, la compétence est jusqu'à 15 000 $, c'est ça? À la Cour du Québec, les jugements de première instance, c'est ça?

M. Rémillard: C'est ça.

M. Bélanger (Anjou): Alors, maintenant, c'est pour faire en sorte que tous les jugements de la Cour du Québec seront appelables uniquement sur permission, c'est ça?

M. Rémillard: Exactement.

M. Bélanger (Anjou): Maintenant, je reprends encore certaines préoccupations du Protecteur du citoyen, qui prend en considération le fait que, quand même, bon, quand on arrive à des montants de 10 000 $ à 15 000 $, ce sont des montants qui ne sont pas négligeables pour un individu ou même pour une petite compagnie, et là on se demande si vraiment c'est justifié d'augmenter le montant des jugements ainsi qui vont aller en appel sur permission d'appeler, surtout que cette permission d'appeler, encore là — je parle pour l'avoir vérifiée, puis je pense que vos légistes pourront vous le dire — ça prend des motifs assez sérieux pour obtenir une permission d'appeler d'un jugement de la Cour du Québec. Ce n'est vraiment pas la norme, ça prend des motifs vraiment sérieux, puis il faut vraiment rencontrer des critères très spéciaux pour pouvoir obtenir cette permission d'appeler. est-ce que le ministre a pris en considération le fait que, devant des tribunaux administratifs, je prends un exemple, la régie du logement, la csst, la majorité de ces tribunaux administratifs, il y a des appels de plein droit presque automatiques dans une foule de cas — c'est la norme, en tout cas, l'appel de plein droit — et que, maintenant, quand on arrive devant un tribunal de droit commun pour des montants quand même jusqu'à 15 000 $, cet appel de plein droit là, finalement, ce que ça veut dire dans les faits, c'est que ça va arrêter en première instance dans la très grande majorité des cas? est-ce que le ministre a pris ça en considération? je comprends qu'on veut chercher à désengorger la cour d'appel, mais est-ce qu'il n'aurait pas été meilleur de chercher une autre façon de désengorger la cour d'appel plutôt que de se rabattre sur cette... c'est quand même facile, on vient de régler peut-être 7 %, 5 % ou 8 % des cas dépendamment comment on évalue le nombre de dossiers, mais est-ce que c'est la bonne façon, vraiment?

M. Rémillard: deux commentaires, m. le président. tout d'abord, de porter de 10 000 $ à 15 000 $, c'est strictement une indexation à partir de 1982. ça, c'est strictement ce que nous avons subi avec 153 % d'augmentation durant cette période de plus de 11 ans.

Maintenant, en ce qui regarde certains tribunaux administratifs qui font appel directement à la Cour d'appel, il n'y en a plus beaucoup, M. le Président. On me donnera la liste, là, mais il y a maintenant une règle que nous faisons, qu'il n'y a plus d'appel d'un tribunal administratif directement à la Cour d'appel. Ça va à la Cour du Québec.

M. Bélanger (Anjou): C'est un appel pareil, c'est une forme d'appel.

M. Rémillard: C'est un appel, mais c'est à la Cour du Québec. Pourquoi? Parce que le quasi-judiciaire doit, à un moment donné, en ce qui regarde un tribunal quasi judiciaire... Je ne dis pas lorsqu'il s'agit simplement d'un simple conseil ou d'une commission qui ne serait pas un tribunal. Alors, pour nous, un tribunal, c'est ce qui entend déjà en appel d'une décision rendue d'une façon quasi judiciaire. Alors, souvent, dans ces cas spécifiques qui sont difficiles, accorder un permis, par exemple, en ce qui regarde des régies qui accordent des permis, on a besoin d'avoir un appel sur le droit et non pas sur les faits pour s'assurer que le droit est respecté et protéger les droits de ceux qui se présentent devant le tribunal quasi judiciaire, le tribunal administratif.

Alors, dans ce cas-ci, on se retrouve devant une cour de justice où le processus formel est assuré. Le tribunal administratif, le processus formel d'audi alteram partem, il est respecté, sans cela, ça serait ultra vires, mais il demeure qu'il n'est pas susceptible d'être aussi

formel et de présenter, peut-être, l'ensemble des garam ties qu'on peut retrouver devant une cour normale de justice. On retrouve plus l'expertise spécifique à un domaine qu'on retrouve le formalisme de nos cours de justice. Alors, c'est comme ça qu'il peut y avoir un appel pour le tribunal administratif, alors que, dans ce cas-ci, on limite à 15 000 $, donc au-delà de la juridiction de la Cour du Québec.

Le Président (M. Maciocia): M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Oui, M. le Président. Pour les tribunaux administratifs, justement, l'exemple que j'ai donné tout à l'heure, c'était la Régie du logement. Automatiquement, quelqu'un qui obtient jugement de la Régie du logement peut aller en appel devant la Cour du Québec. Justement, c'est la Cour du Québec. CSST ou Régie de l'assurance automobile, je pense, ce sont surtout des appels administratifs. C'est révision et puis...

M. Rémillard: CSST, évidemment, c'est...

M. Bélanger (Anjou): ...jusqu'à la Commission des affaires sociales, éventuellement.

M. Rémillard: D'une part, mais c'est aussi la CALP.

M. Bélanger (Anjou): La CALP, Commission d'appel en matière de lésions professionnelles.

M. Rémillard: C'est la CALP, oui.

M. Bélanger (Anjou): Oui, c'est vrai. Ça va.

Le Président (M. Maciocia): Ça va? M. le ministre.

M. Rémillard: Oui. Alors, l'article 3, M. le Président.

Le Président (M. Maciocia): Est-ce que l'article 2 est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Maciocia): On appelle l'article 3..

M. Rémillard: Alors, M. le Président, l'article 3 se lit comme suit:

L'article 27 de ce Code est modifié par l'insertion, dans la troisième ligne, après le mot «instance», des mots «de même que de l'indemnité visée à l'article 1619 du Code civil du Québec».

Alors, M. le Président, l'article 3 du projet de loi a pour objet de préciser qu'il doit être tenu compte, pour déterminer la valeur de l'objet du litige en appel, aux fins de l'article 26 du Code de procédure civile, non seulement des intérêts courus à la date du jugement en première instance, mais, également, de l'indemnité additionnelle.

M. le Président, cette disposition consacre une règle jurisprudentielle, puisque celle-ci a déjà reconnu que la valeur de l'objet du litige en appel comprenait non seulement des intérêts, mais, également, les indemnités additionnelles. Actuellement, l'indemnité additionnelle est prévue aux articles 1056c et 1078 du Code civil du Bas Canada, qui seront remplacés par l'article 1619 du Code civil du Québec.

Le Président (M. Maciocia): M. le député. M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Maciocia): Adopté. J'appelle l'article 4.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 4 se lit comme suit:

L'article 28 de ce Code est abrogé.

Le Président (M. Maciocia): M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi l'article 28 de ce Code... Quelle est la motivation qui a poussé l'annulation de l'article 28?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. C'est que l'article 4 est de concordance avec la modification apportée par le paragraphe troisième de l'article 2 du projet de loi.

M. Bélanger (Anjou): Ah oui! D'accord.

M. Rémillard: On sait que cet article propose l'abrogation de l'article 28 du Code de procédure civile.

M. Bélanger (Anjou): D'accord.

M. Maciocia: Est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Oui. Ça va.

Le Président (M. Maciocia): J'appelle l'article 5.

M. Rémillard: M. le Président, il y a un amendement à l'article 5. Cet amendement se lirait comme suit, M. le Président.

Le Président (M. Maciocia): Oui, M. le ministre.

Modification du délai pour rendre jugement

M. Rémillard: À l'article 5 du projet de loi: 1° remplacer, dans les première et deuxième lignes du deuxième alinéa de l'article 465 proposé, les mots «une décision» par les mots «un jugement»;

2° remplacer le troisième alinéa de l'article 465 proposé par le suivant: «Le juge en chef ou, à sa demande, le juge en chef associé exerce personnellement les attributions conférées au juge en chef par le présent article.»; 3° remplacer le deuxième alinéa de l'article 466 proposé par le suivant: (21 h 30) «II doit disposer des dépens, y compris ceux relatifs à l'enquête et audition originales, en tenant compte des circonstances et peut, en outre, prendre toute autre mesure qu'il considère juste et appropriée.»

M. Bélanger (Anjou): On m'a expliqué, M. le Président, que...

Une voix: Est-ce que c'est un vote? Une voix: On va vérifier.

M. Bélanger (Anjou): On m'a expliqué, M. le Président, que cette modification s'est avérée nécessaire à cause de la division administrative qu'il y a entre le juge en chef et ses juges en chef associés de Montréal et de Québec. Je pense que c'est ça.

M. Rémillard: Montréal et Québec. Parce qu'il y a un juge en chef associé à Québec...

M. Bélanger (Anjou): À Québec.

M. Rémillard: ...qui a l'autorité semblable au juge en chef à Québec, bien qu'il soit toujours sous l'autorité du juge en chef. Il peut y avoir, donc, une délégation du juge en chef pour ce genre de responsabilité là, mais le projet de loi veut bien que ce soit une responsabilité du juge en chef. Alors, c'est pour ça qu'on mentionne «à sa demande», mais c'est exercé personnellement par le juge en chef.

Le Président (M. Dauphin): Alors, si vous me permettez, on va suspendre quelques minutes pour le vote, et nous reviendrons tout de suite. Alors, on suspend strictement pour la durée du vote.

(Suspension de la séance à 21 h 31)

(Reprise à 21 h 45)

Le Président (M. Dauphin): Nous sommes toujours à l'article 5 auquel cas on discute d'un amendement, sous l'alinéa 465.

M. Bélanger (Anjou): Je pense que, quant à l'amendement, on avait fini le débat. Maintenant, on pourrait peut-être faire le débat sur l'article tel qu'amendé.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'amende- ment est adopté, c'est ça? Normalement, on dispose de l'amendement en premier?

M. Bélanger (Anjou): Oui.

Le Président (M. Dauphin): L'amendement est adopté, si je comprends bien?

M. Bélanger (Anjou): C'est parce que je me demandais si je faisais le débat sur l'article tel qu'amendé ou pas. Dans l'amendement qui est proposé, M. le Président, c'est relativement aux dépens qui vont être accordés suite au... Non, je préfère faire le débat sur l'article tel qu'amendé. On va disposer de l'amendement.

Le Président (M. Dauphin): Alors, si je comprends bien, en adoptant l'amendement, on adopte l'amendement à 466 aussi. C'est ça? C'est parce qu'on parle de 466 aussi, dans l'amendement.

M. Bélanger (Anjou): Ah oui! C'est là que ça ne fonctionnera pas. On amende à la fois...

M. Rémillard: Mais vos remarques... M. Bélanger (Anjou): Oui, oui, d'accord.

M. Rémillard: ...je pense que ça ne pose pas de problème.

M. Bélanger (Anjou): D'accord. C'est le même article, de toute façon.

M. Rémillard: Ça peut faire, globalement aussi, pas de problème.

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui. Ça va. Le Président (M. Dauphin): Ça va? M. Bélanger (Anjou): Oui, ça va.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'amendement est adopté. Est-ce que l'article 465, tel qu'amendé, est adopté? Et c'est là-dessus que vous voulez faire le débat.

M. Bélanger (Anjou): C'est ça, 465...

M. Rémillard: Est-ce que vous devez appeler l'article 5 ou l'article 465?

Le Président (M. Dauphin): Normalement, on appelle l'article 5...

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Dauphin): ...et on appelle aussi les articles individuellement, par après.

M. Rémillard: Qui sont amendés. Très bien, M. le Président.

M. Bélanger (Anjou): Oui. Relativement à toute cette question, je sais que, comme j'en avais fait part dans mes remarques déjà, et puis je pense que le ministre est tout à fait d'accord avec moi, il y avait un problème sérieux au niveau des délais que certains juges prenaient pour rendre jugement. Je pense qu'on en conviendra tous que ce qui est arrivé, à un moment donné, c'est que les juges en chef, constatant leur impuissance pour discipliner leurs juges, en étaient venus, finalement, à la seule chose qu'ils pouvaient faire, c'était de divulguer ou de laisser couler, finalement, les noms des juges retardataires et d'y aller par la pression publique pour faire avancer les choses. On en conviendra tous que cette façon de procéder n'est rien pour donner du crédit à notre système judiciaire, et je pense qu'il fallait trouver une solution à ça.

D'ailleurs, j'ai eu plusieurs personnes qui sont venues à mon bureau, justement, pour me faire part de cas quand même assez graves, où on attend, des fois, des jugements pendant des périodes, des fois, allant de 2 à 3 ans avant d'obtenir justice. Il est arrivé que, dans certaines occasions, quand, finalement, le jugement a été rendu, ce jugement ne donnait absolument plus rien pour la personne qui en était le bénéficiaire puisque le délai était trop long.

Maintenant, je me demande si... Premièrement, est-ce qu'on a des statistiques, à savoir combien de juges, à peu près, délinquants, si vous me permettez l'expression, combien de juges retardataires pourrait-on avoir, relativement au nombre de juges qu'on a?

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...j'ai un tableau, ici, que je pourrais déposer à cette commission, et c'est en date du 4 juin 1993. On dit que, à la Cour du Québec, il y aurait 80 dossiers de plus que 180 jours et, à la Cour supérieure, 28 dossiers. Ça, c'est en date du 4 juin 1993, donc c'est très, très récent, M. le Président. Alors, je peux déposer ce tableau: 80 à la Cour du Québec et 28 à la Cour supérieure.

Document déposé

Le Président (M. Dauphin): Alors, j'autorise le dépôt de ce tableau, et nous en ferons quelques photocopies pour les membres, à moins que, M. le député d'Anjou, vous ne vouliez le voir tout de suite. (21 h 50)

M. Bélanger (Anjou): Oui, s'il vous plaît. Je constate que, dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, on a, comme à la Cour du Québec, 23 cas de plus de 180 jours de délibérés, alors que, pour la région de Montréal, qui, quand même, je pense, doit avoir pas mal plus de dossiers, on en a 41. Est-ce qu'on a pu identifier quel était le problème au Saguenay—Lac-Saint-Jean par rapport à Montréal? Comment expliquer ça?

M. Rémillard: Ce sont des cas toujours... Vous savez, dans ce projet de loi là, je fais toujours bien attention parce que je veux respecter l'indépendance de la magistrature et la marge de manoeuvre des juges en chef qui ont la responsabilité de l'administration des cours de justice. Ce n'est pas la responsabilité du ministre de la Justice. Alors, je rencontre souvent les juges en chef, soit en tête à tête, soit à différentes occasions, et, parfois, ils ont l'amabilité de m'en parler, mais je ne vais pas dans les détails. Mais j'ai eu l'occasion de me rendre compte, M. le Président, que, quelquefois, dans des régions, comme je crois que c'est le cas au Saguenay—Lac-Saint-Jean, il peut y avoir des incapacités pour maladie, incapacités des juges d'être sur le banc. Il y a des décès, aussi et, donc, des remplaçants qui ont pris le temps de remplacer des juges.

Alors, il peut y avoir des situations comme ça, ce qui explique... Parce qu'il n'y a pas une région où ils sont plus lents que d'autres. C'est strictement, à un moment donné, les circonstances qui peuvent faire que, dans une période de temps, il peut y avoir quelqu'un... Je sais que, par exemple, au Lac-Saint-Jean, il y a un juge qui est tombé en bas d'une échelle en changeant un châssis double. Je sais que, une autre fois, il y a eu autre chose. C'est malheureux, remarquez. Il s'est rétabli, il est bien rétabli, maintenant. Je l'ai rencontré, il est bien rétabli, et c'est un excellent juge, d'ailleurs, mais, pendant qu'il ne peut pas siéger, il ne peut pas siéger.

M. Bélanger (Anjou): C'est parce que je regarde... En tout, je pense qu'on a à peu près 80 cas...

M. Rémillard: À la Cour du Québec.

M. Bélanger (Anjou): ...à la Cour du Québec seulement. Pour la Cour supérieure, on en a 28. C'est ça?

M. Rémillard: Vingt-huit.

M. Bélanger (Anjou): Vingt-huit. D'accord. Parce que, là, on n'a plus les tableaux devant nous. Est-ce que pour... Par rapport au nombre total de causes, c'est quand même assez minime, là.

M. Rémillard: C'est minime.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que ça justifiait comme telle cette médecine...

M. Rémillard: Je l'ai fait avec beaucoup de réflexion, après discussion avec les juges en chef. Au départ, je vous avoue que j'aurais aimé que ce soit strictement les juges en chef qui puissent régler la question sans intervention législative, mais, après discussion,

on est arrivés à la conclusion que vaudrait mieux qu'on ait un projet de loi qui se réfère à l'autorité du juge en chef, mais que le projet de loi soit là puis qu'il établisse la règle du 6 mois. Alors, c'est à titre préventif surtout. Mais ce projet de loi là est fait avec l'accord, le consentement des juges en chef. Je voulais absolument qu'il y ait cette règle du 6 mois, comme ministre de la Justice. Il aurait pu y avoir un engagement des juges en chef, mais, avec un texte législatif, c'est plus clair, c'est plus évident, et ce sera plus facile pour le juge en chef, aussi, de travailler en conséquence.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, quand j'avais eu connaissance de ce problème, je dois vous avouer que ma première réaction avait été de le voir avant tout comme un problème déontologique. C'est-à-dire que plutôt que de voir, justement, le ministre suggérer un délai de 6 mois comme étant la norme, quant à moi, ce qui vient me confirmer un peu mes premières réactions, c'est que c'est un nombre infime de dossiers qui représente des problèmes. D'accord, on en entend parler, et ceux-là qui viennent nous voir sont souvent des cas qui sont pathétiques, mais ce sont quand même des cas marginaux par rapport à l'ensemble des dossiers que, présentement, on a devant nos tribunaux. Alors, je me demandais s'il n'aurait pas été préférable, justement — même, je pense, que ça aurait peut-être été moins une intervention de la part du système législatif dans le système judiciaire — de donner plus de pouvoir aux juges en chef pour pouvoir discipliner uniquement les juges récalcitrants par rapport à l'imposition d'un délai de 6 mois, comme ça, étendu à l'ensemble des causes.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, quant à la discipline des juges, avec l'autorité du Conseil de la magistrature, du juge en chef qui a l'autorité de soumettre certains cas au Conseil de la magistrature, c'est là que c'est véritablement un domaine qui relève de la juridiction exclusive des juges en chef, et on n'a pas à s'immiscer dans ce domaine administratif. Ça pourrait être considéré comme inconstitutionnel.

M. le Président, avec votre permission, j'aimerais qu'on puisse entendre les commentaires de Me Madeleine Aube, qui est de la section du droit constitutionnel au ministère de la Justice, la Direction du droit constitutionnel, et qui pourrait nous expliquer la marge de manoeuvre que nous avons sur le strict plan du droit constitutionnel.

Le Président (M. Dauphin): Alors, Me Aube.

Mme Aube (Madeleine): Merci, M. le Président.

J'aimerais souligner d'abord un... Nous avons regardé jusqu'à quel point on pouvait, finalement, prévoir certaines sanctions face aux juges retardataires, et ça pose plusieurs problèmes au niveau constitutionnel, dont le premier en est un de partage des compétences. Évidemment, on sait que les juges de la Cour supérieure, en vertu de l'article 96 de la loi constitutionnelle de 1867, relèvent du gouvernement fédéral, et c'est certain que l'administration de la justice, par contre, est provinciale, mais, quand on vient parler de sanctions disciplinaires, on touche carrément, là, à la compétence fédérale sur les juges. Évidemment, ça vaut pour les juges de la Cour supérieure, ce que je dis là, ce n'est évidemment pas pour les juges de la Cour du Québec, qui relèvent de la juridiction provinciale.

Mais, tant pour les juges de la Cour supérieure que les juges de la Cour du Québec, il demeure un problème de dépendance, parce que la Cour suprême a reconnu, dans l'arrêt Beauregard, que l'indépendance d'adjudication était au coeur même de l'indépendance judiciaire, c'est-à-dire que des mesures, des sanctions pourraient affecter la liberté des juges d'instruire et de juger. Et qu'on parle de délais ou qu'on parle de la façon dont les juges le font, tout ça se retrouve au coeur même de l'indépendance d'adjudication des juges, ce qui fait que, tant pour les juges de la Cour supérieure que pour ceux de la Cour du Québec, on a encore un problème au niveau de l'indépendance d'adjudication.

Il y a aussi, quand on pensait aux sanctions face à une plainte au Conseil de la magistrature, un problème sur l'immunité des juges relative à leur contraignabilité à témoigner et à aller s'expliquer devant un forum sur, finalement, leur indépendance d'adjudication, sur les raisons, en fait, du retard, parce que, si on portait plainte au Conseil de la magistrature, il faudrait qu'ils viennent expliquer les retards.

Ce sont les 3 problèmes qui avaient été relevés par notre direction.

M. Bélanger (Anjou): Donc, si je comprends bien, Me Aube, le problème quant au partage, en tout cas, au niveau constitutionnel, c'est surtout uniquement relativement à la Cour supérieure. À la Cour du Québec, il n'y aura pas de problème pour faire ça.

Mme Aube: Non, mais il demeure le problème...

M. Bélanger (Anjou): Oui, de l'indépendance d'adjudication.

Mme Aube: ...de l'indépendance d'adjudication.

M. Bélanger (Anjou): Sauf que, quant à moi, imposer un délai de 6 mois... Ce n'est pas — en tout cas, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus — un petit peu une interférence aussi, dans l'indépendance de l'adjudication, de leur imposer un délai de 6 mois?

Mme Aube: C'est-à-dire que le délai de 6 mois comme tel, le juge en chef va devoir aviser le juge comme tel. Par contre, on ne parle pas de sanction directement automatique. C'est là qu'on a un problème au niveau constitutionnel. Il faut que le juge puisse rendre des comptes à son juge en chef, mais on ne doit pas s'immiscer carrément en disant: On doit obliger le juge en chef à porter plainte, par exemple, au Conseil de la magistrature, on doit obliger le juge en chef à

prendre certaines mesures, directement s'immiscer, là, dans la sanction même, dans la discrétion qui appartient au juge en chef.

M. Bélanger (Anjou): Est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec moi que la façon dont ça va être interprété par les juges, en général, c'est que ça va être une pression très forte qui va leur être imposée de rendre jugement dans les 6 mois, dans les faits, là, tout ça? Vous ne pensez pas?

Mme Aube: Bien, quand on avait regardé ça au niveau...

M. Bélanger (Anjou): La façon dont ça va être perçu par les juges eux-mêmes, les 6 mois, ils vont sentir une pression, même si, comme vous dites, il n'y a pas automatiquement sanction. C'est une pression.

Mme Aube: Nous autres, notre mise en garde était beaucoup sur l'obligation qui doit être faite avec des sanctions, quand ça arrive au niveau de la sanction disciplinaire. Notre mise en garde était plus à ce niveau-là. Il est certain que des mesures législatives inciteront le juge en chef, mais il aura pleinement discrétion pour décider si, oui ou non, les raisons pour lesquelles le juge est en retard sont ou non des bonnes raisons. Et là il n'y aura rien dans la loi qui obligera le juge en chef à prendre des sanctions.

M. Bélanger (Anjou): Sans pour autant passer par le Conseil de la magistrature, est-ce qu'il aurait été possible de donner uniquement des pouvoirs au juge en chef, à lui-même, relativement à pouvoir discipliner ses propres...

Mme Aube: II doit demeurer une discrétion du juge en chef, à notre sens.

M. Bélanger (Anjou): Oui.

Mme Aube: C'est de faire par la loi... Parce que, regardez...

M. Bélanger (Anjou): Mais, quand on parle de... Oui.

(22 heures)

Mme Aube: Je pense que je vais reprendre l'extrait de la Cour suprême sur l'indépendance. La Cour suprême, dans Beaurégard, dit: Historiquement, ce qui a généralement été accepté comme l'essentiel du principe de l'indépendance judiciaire a été la liberté complète des juges, pris individuellement, d'instruire et de juger les affaires qui leur sont soumises. Personne de l'extérieur, que ce soit un gouvernement, un groupe de pression, un particulier ou même un autre juge ne doit intervenir en fait ou tenter d'intervenir dans la façon dont un juge mène l'affaire et rend sa décision. Cet élément essentiel continue d'être au centre du principe de l'indépendance judiciaire.

C'est certain qu'on a conféré certains pouvoirs au juge en chef...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

Mme Aube: ...mais il a ses limites. On ne pourrait pas, par un projet de loi, venir dire: Écoutez, il y a telle, telle et telle sanction et vous devez... enlever l'espèce de discrétion qui existe présentement... Ça revient au juge en chef.

M. Bélanger (Anjou): Mais ne pensez-vous pas que, quand on prend un dossier des mains d'un juge et qu'on le donne à un autre juge, et que cet autre juge rend jugement à la place du premier juge, on interfère dans la façon de juger du premier juge?

Mme Aube: Là, ce n'est pas là-dessus que portait notre opinion juridique. Ha, ha, ha! Je ne sais pas si...

M. Bélanger (Anjou): Parce qu'on va arriver à ça dans le deuxième article, là.

M. Rémillard: Oui, mais attention. Ce que nous dit Me Aube, c'est que, pour respecter la décision de la Cour suprême, il faut respecter la discrétion. Alors, le juge, on le verra tantôt à l'autre article, le juge en chef demeure quand même l'autorité pour décider s'il demande au juge, s'il arrive à la conclusion qu'il y a des circonstances qui font que le juge peut prendre plus de 6 mois, première des choses, si c'a pris plus de 6 mois, de rendre son jugement le plus tôt possible dans les circonstances ou, troisièmement, de lui dire: Bien, très bien, j'enlève ce dossier de vos mains et je le confie à quelqu'un d'autre. Or, il y a la discrétion qui appartient au juge en chef, et, parce qu'on protège cette discrétion, on remplit les conditions établies par la Cour suprême du Canada.

M. Bélanger (Anjou): Moi, tout le problème que je vois là-dedans, c'est que, dans tout ce projet de loi là, puis, en tout cas, je regarde par rapport aux contraintes qui nous sont imposées par la Cour suprême, moi, je ne voudrais pas d'aucune façon que les parties se retrouvent préjudiciées — puis là je ne dis pas que c'est la faute du juge nécessairement — par le retard indu qu'un juge peut prendre avant le jugement. Je ne vois rien dans le projet de loi, ou même encore dans les pouvoirs qui appartiennent au juge en chef, comme pouvoir de pouvoir discipliner ses juges. Qu'arrive-t-il si un juge, malgré le fait qu'on lui retire d'une façon régulière ses dossiers parce qu'il prend trop de temps... Qu'arrive-t-il de ce juge-là? Il n'aura rien, finalement, il n'y aura aucune sanction, il n'y aura aucune mesure possible? Parce que je ne pense pas que, en tout cas, ce n'est pas prévu dans la loi... Le fait pour un juge de retarder fréquemment, est-ce que ça peut constituer une infraction qui pourrait le rendre passible d'une infraction devant le Conseil de la magistrature ou quelque chose comme ça? Il n'y a rien.

M. Rémillard: C'est là qu'on ne pouvait pas aller.

M. Bélanger (Anjou): On ne peut pas aller plus loin que ça? Il n'y a rien à faire?

M. Rémillard: Non, selon l'avis que j'ai de la Direction du droit constitutionnel, et c'est ce que Me Aube vient de nous dire, on n'aurait pas pu aller aussi loin que de dire: Lorsqu'un juge prend plus de 6 mois sans raison valable, le juge en chef doit faire une plainte au Conseil de la magistrature. On ne pourrait pas dire ça. Là, ça irait à rencontre de l'arrêt Beauregard, définitivement. Or, ce qu'on peut dire simplement, c'est qu'on établit la règle du 6 mois et on donne au juge en chef une responsabilité, mais une responsabilité basée sur une discrétion en fonction de son appréciation de chaque cas, et, selon l'avis que nous avons, à ce moment-là, c'est constitutionnel. Mais la marge de manoeuvre est quand même assez mince. Ça ne veut pas dire que le juge fautif ne pourrait pas être contraint à faire face au Conseil de la magistrature, peut-être bien, mais ça dépendra vraiment du juge en chef de prendre cette décision-là. Il peut prendre la décision de lui donner un nouveau délai parce que c'est des circonstances exceptionnelles ou bien il peut aussi prendre la décision de lui enlever le dossier carrément et de le confier à un autre juge. Mais c'est la discrétion, et c'est pour ça que, là, on respecte, à ce moment-là, la décision Beauregard de la Cour suprême du Canada.

Le Président (M. Dauphin): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Juste une question, M. le ministre. Lorsque le juge en chef confie le dossier à un autre juge, est-ce qu'il faut recommencer... On ne recommence pas le procès. À ce moment-là, il prend des notes sténographiques, puis, à partir de là, là... C'est-à-dire que, pour les parties impliquées, il n'y aurait pas de frais additionnels d'aucune sorte?

M. Rémillard: II n'y a pas de frais additionnels. On va le voir tantôt, il y a un article précisément là-dessus, sur les dépens, par exemple, là, pour ne pas que les parties soient pénalisées, non plus, par tout ce processus-là. On va le voir, je pense que c'est l'article suivant, Me Mercier? C'est l'article suivant.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je pense que le ministre vient de dire que le fait, pour un juge, de retarder fréquemment pourrait, éventuellement, être un motif qui pourrait amener ce juge-là devant le Conseil de la magistrature. Est-ce que ça n'aurait pas été bon de le préciser dans le projet de loi et de dire que le fait, pour un juge, de retarder fréquemment ou de se faire dessaisir fréquemment de ses dossiers pourrait constituer une infraction? Ça n'aurait pas été bon de le mettre?

M. Rémillard: Selon l'opinion juridique que nous avons de la direction des affaires constitutionnelles, on ne pouvait pas.

M. Bélanger (Anjou): On ne peut pas le faire.

M. Rémillard: On ne peut pas le mettre. Cependant, c'est implicite, c'est là, ça fait partie de l'administration de la Cour. Parce que le juge en chef peut toujours, sur une question d'éthique, s'en remettre au Conseil de la magistrature. Donc, c'est là, et c'est l'une des façons de faire qui nous protège face à une attaque sur le plan du respect avec l'arrêt Beauregard.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire si les juges en chef lui ont fait part que, d'après eux, cette façon de procéder, cette disposition va leur permettre de régler les problèmes qu'ils ont présentement relativement aux délais? Est-ce qu'ils pensent que ça va être une mesure incitative assez forte pour discipliner leurs membres?

M. Rémillard: Oui, c'est ça. M. Bélanger (Anjou): Oui?

M. Rémillard: J'ai vu ça avec eux et, pour eux, c'est des dispositions qui vont leur permettre de discipliner leurs membres. Au début, j'avoue, M. le Président, que ça a soulevé des questions. Quand j'ai exprimé mon intention de légiférer sur 6 mois, il y a eu des discussions au niveau de la magistrature, disant: Écoutez, ce n'est pas au ministre à venir se mêler de nos affaires. Alors, on a discuté et on est arrivé à la conclusion que ce que nous faisons, c'était en respect des limites juridictionnelles des uns et des autres, fonctions executive, législative et judiciaire, et, par conséquent, que ce qu'on voulait, comme intention du législateur, c'était de leur donner des possibilités de faire respecter des délais raisonnables, délais dont ils conviennent, les juges en chef.

M. Bélanger (Anjou): Alors, M. le Président, quant à moi, tout le problème que je vois dans cette disposition-là, comme je l'expliquais tout à l'heure, c'est que je ne vois pas beaucoup de pression sur un juge en particulier. Finalement, le seul fait, pour un juge, de ne pas rendre jugement pourrait même l'aider, dans certains cas, quand il est embêté à rendre jugement. Il n'aurait qu'à attendre tout simplement un certain délai et que le juge en chef vienne lui retirer le dossier, quand c'est des dossiers qui l'embarrassent ou dans lesquels il se sent vraiment coincé. Non?

M. Rémillard: En pratique,' M. le Président, je suis certain que le député d'Anjou, dans sa pratique du droit et sa connaissance de la magistrature, il va se

rendre compte que, si un juge, par décision du juge en chef, parce qu'il n'a pas respecté la règle du 6 mois, perd un dossier, c'est-à-dire qu'on lui enlève la responsabilité d'un dossier, c'est une sanction qui est très sévère, très sévère dans le contexte de la magistrature. Si vous voyez les titres des journaux, à un moment donné, avec: Tel juge perd la direction d'une cause ou d'un délibéré parce qu'il n'a pas respecté les 6 mois, je vais vous dire que ce juge-là, il va trouver ça difficile, comme situation, très difficile, très difficile. Les juges qui ont été nommés dans les journaux à la suite de délibérés longs, très longs, je ne pense pas qu'ils aient considéré ça comme un hommage qu'on leur rendait.

M. Bélanger (Anjou): Non, je ne le crois pas, moi non plus. Maintenant, tout à l'heure, Me Aube a donné son opinion sur l'aspect discrétionnaire, mais j'aurais voulu l'entendre sur l'ingérence. Est-ce que, d'après elle, le fait d'imposer ou de parler d'un délai de 6 mois, ça ne constitue pas une ingérence? Elle avait parlé, tout à l'heure, que, pour elle, pouvait constituer une ingérence le fait...

M. Rémillard: Avec votre permission, M. le Président, on peut demander à Me Aube de répondre à cette question.

Le Président (M. Dauphin): Me Aube.

Mme Aube: Je m'excuse. Est-ce que vous pouvez répéter votre question? J'étais...

M. Bélanger (Anjou): Oui. Je me demandais si le fait de... Est-ce que vous avez évalué le cas de savoir... Est-ce que justement... Je sais que le ministre est très préoccupé par le fait qu'il ne veut pas que le pouvoir législatif vienne faire ingérence sur le pouvoir judiciaire, mais est-ce que vous avez une opinion à l'effet que... Le fait d'imposer un délai de 6 mois, est-ce que ça ne constitue pas une certaine ingérence?

Mme Aube: Bien, c'est-à-dire que... Ça ne veut pas dire que le législateur ne pourra jamais, de quelque façon, encadrer, finalement, tout le processus d'adjudication qui appartient au juge. Mais ce qui nous inquiétait, au niveau constitutionnel, finalement, ce n'est pas qu'il y ait des balises, c'est qu'il n'y ait plus de discrétion, qu'on vienne s'immiscer dans tout le processus judiciaire. Puis, quand on impose... L'opinion portait sur, finalement, l'imposition de sanctions, et là on vient, finalement, carrément s'immiscer dans la liberté d'adjudication des juges. Le juge est redevable devant son juge en chef. Il n'est pas redevable autrement que par ça, et c'est là qu'il doit expliquer. Ce qui fait que, fixer un délai, c'est une balise que l'on met. Ça ne veut pas dire que jamais le législateur ne pourra donner certains guides, mais il ne peut pas s'immiscer, et enlever, et créer des obligations, à ce moment-là. C'est dans ce sens-là. Je ne sais pas si vous saisissez la nuance. (22 h 10)

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Oui, oui. D'accord, merci.

Je regardais, M. le ministre, les...

Le Président (M. Dauphin): Merci, Me Aube.

M. Bélanger (Anjou): Merci, Me Aube.

M. le Président, je regardais la lettre du Protecteur du citoyen, qui, lui, préconisait que... Pour lui, le défaut d'un juge de décider dans le délai imparti ou prolongé par le juge en chef devrait automatiquement entraîner le dépôt d'une plainte par ce dernier devant le Conseil de la magistrature. Alors, je dois en comprendre, en tout cas, de par les échanges qu'on a faits, que ça serait tout à fait impossible...

M. Rémillard: C'est impossible.

M. Bélanger (Anjou): ...d'après les contraintes constitutionnelles que nous avons. C'est ça?

M. Rémillard: C'est ça.

M. Bélanger (Anjou): Je vois aussi que le Protecteur du citoyen avait un peu les mêmes appréhensions, c'est-à-dire que certains juges — encore là, je ne veux prêter aucune intention à un membre de la magistrature — pourraient peut-être être tentés d'utiliser cette disposition pour, disons, ne pas avoir à juger des affaires fort complexes dans lesquelles ils seraient embêtés. Encore là, vous ne partagez pas cette appréhension.

M. Rémillard: Du tout. Absolument pas. C'est complètement irréaliste, et il n'y a pas un juge en chef qui la partage, non plus, cette opinion. C'est complètement irréaliste.

M. Bélanger (Anjou): Parfait.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'article 465, tel qu'amendé, est adopté.

On poursuit toujours sur l'amendement avec 466. C'est ça?

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 466 du Code de procédure civile, proposé par l'article 5 du projet de loi, établit certaines règles applicables au juge appelé à continuer une affaire qui lui a été confiée ou à entendre une cause remise au rôle. Le premier alinéa de cette disposition prévoit que celui-ci peut, quant à la preuve, s'en tenir à la traduction des notes sténographi-ques, s'il obtient le consentement des parties. Toutefois, même dans ce dernier cas, le juge pourra rappeler un témoin ou requérir toute autre preuve, s'il considère que les notes sténographiques sont insuffisantes.

Enfin, le dernier alinéa de cette disposition permet au juge, suivant les circonstances, de prendre toute autre mesure qu'il croit juste et appropriée.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je comprends que ça a dû être évalué, ça, par le ministre, cette façon de procéder, mais j'ai beaucoup de difficultés à évaluer comment un juge qui n'a pas entendu les témoins, qui n'a pas vu l'audition de la cause, uniquement sur la foi de la retranscription des notes sténographiques, pourrait rendre jugement. Je comprends que ça prend le consentement des parties pour qu'il procède de la sorte, mais j'ai de la difficulté à imaginer de quelle façon que, au niveau de la qualité des jugements, c'est souhaitable, ce genre de procédé là. Il n'y avait aucune autre alternative, finalement, qui était possible?

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, voici, M. le Président. Tout d'abord, rappelons, M. le Président, qu'il s'agit vraiment de cas isolés. Ce n'est pas dans beaucoup de cas. Si on prend en considération le nombre important de jugements, donc de délibérés par année qui sont pris au Québec à tous les niveaux en première instance, ce n'est pas beaucoup de cas qui peuvent dépasser les 6 mois, d'autant plus que ce projet de loi là, lorsqu'il sera promulgué, imposera la règle. La règle, elle n'existe pas, présentement. Alors, là, elle va exister.

Les autres alternatives qu'on aurait eues, M. le Président, ça serait de dire: lorsqu'un juge se voit enlever un dossier parce qu'il a dépassé les 6 mois sans justification, à ce moment-là, on recommence tout à zéro. Ça, c'aurait été une alternative. Je pense que c'était vraiment trop. C'était trop parce qu'on ne peut pas, quand même, obliger les parties à reconvoquer des experts. Souvent, ce sont des causes qui sont difficiles. C'est parce que, si elle prend tellement de temps dans les délibérés, on peut présumer qu'il y a des difficultés quelque part, souvent des batailles d'experts. Il y a des situations difficiles, donc, obliger à reprendre tout, du début à la fin, c'est vraiment exagéré comme situation.

L'autre situation, c'était de dire: Le principe, c'est que, sur la base des notes sténographiques de ce qui a été fait pendant l'instance, le juge y revient, avec le consentement des parties, en fonction strictement de ce qui est dans le dossier par notes sténographiques, et il pourra, à partir de là, faire son délibéré et rendre jugement.

Maintenant, M. le Président, l'article 466 permet au juge de rappeler des témoins et de requérir une preuve additionnelle. Alors, si le juge décide que, sur un point, ce n'est pas clair, qu'il veut avoir une preuve complémentaire additionnelle, s'il veut avoir un témoin expert, s'il veut avoir des témoins, des faits, il pourra faire venir ces témoins sans recommencer l'ensemble. Alors, ce que nous faisons dans cet article 466, M. le Président, c'est que nous établissons le principe que, avec le consentement des parties, le juge reprend le dossier, mais sur la base des notes sténographiques. Deuxième principe: il peut, à ce moment-là, dans ces circonstances, demander une preuve additionnelle, il peut demander à des témoins de venir retémoigner devant lui.

Alors, à partir de là, je pense, M. le Président, qu'on couvre toutes les circonstances et qu'on respecte l'objectif d'éviter d'autres délais, parce qu'il ne faut pas pénaliser non plus les parties avec un délai qui ferait en sorte qu'on aurait une autre procédure, avec tous les frais que ça occasionne, donc un délibéré qui pourrait être encore considérable.

Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.

Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. C'est simplement une question... Lorsque le ministre nous a présenté l'article 466, il nous a lu le deuxième alinéa: «II peut également, suivant les circonstances, prendre toute autre mesure qu'il considère juste et appropriée», alors qu'on avait déjà reçu un amendement qui nous disait de remplacer le deuxième alinéa de l'article 466 par: «II doit disposer des dépens...» Est-ce qu'on tient compte de l'amendement ou de la lecture du ministre?

M. Rémillard: Je m'excuse, M. le Président, c'est peut-être la façon dont on a procédé pour la discussion. J'ai fait une erreur, et je remercie la députée de Terrebonne de le soulever. C'est vraiment l'amendement que nous avons adopté tout à l'heure qui vient changer, donc, cette disposition.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Dauphin): Merci, Mme la députée et M. le ministre.

D'autres questions? M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, moi, ce qui me préoccupe dans tout ça, c'est les coûts additionnels qui vont être inévitablement apportés aux gens, aux parties impliquées dans un procès. Je me demandais... Est-ce qu'il y a une possibilité d'intervention des parties? Je comprends que les parties peuvent faire une requête et demander que le premier juge soit dessaisi du dossier, mais qu'arriverait-il dans le cas où un juge en chef décide de convoquer le juge, en tout cas, quant au délai de 6 mois qui est passé, mais que les parties, quant à elles, vu leurs ressources financières, ne désirent pas qu'il y ait des frais additionnels qui soient ajoutés et que, ces parties-là, elles seraient consentantes à, peut-être, attendre encore quelques mois, mais, de grâce, sans coûts supplémentaires? Est-ce qu'il y a une possibilité d'intervention des parties, à ce moment-là...

M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger (Anjou): ...pour demander à ce que

le juge puisse toujours conserver le dossier et attendre quelques mois?

M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger (Anjou): Parce que ce n'est pas vraiment exprimé dans le projet de loi, cette intervention-là, qu'on pourrait dire. (22 h 20)

M. Rémillard: Là encore, M. le Président, ce n'est pas exprimé expressément parce qu'on doit respecter la discrétion du judiciaire, donc des juges en chef, mais il y a 2 discrétions qui permettent d'en arriver au même objectif, au même résultat, dis-je. Il y a, tout d'abord, la discrétion en ce qui regarde la décision du juge de dire: Bien, écoutez, vous avez dépassé les 6 mois. Maintenant, prenez 2 autres mois, prenez 2 semaines, rendez jugement. Le juge peut faire ça, parce que, la discrétion, le juge en chef peut faire ça. Alors, il peut y avoir représentation des parties.

Parce que les parties, maintenant, avec cette loi, les parties vont calculer les 6 mois. Les parties vont dire: Écoutez, le délibéré, voici, on a terminé; à partir d'aujourd'hui, c'est 6 mois. Si, au bout de 6 mois, le jugement n'est pas rendu, les parties vont dire: Écoutez, on n'a pas de jugement encore. Qu'est-ce qui se passe? Et là ils peuvent avoir une réponse. Ils vont s'informer, la cour devra les informer, et l'avocat pourra toujours plaider, dire: Écoutez, nous, on voudrait que le juge conserve le dossier, qu'il prenne 3 semaines, qu'il prenne 1 mois.

Mais dans combien de temps va-t-il rendre son jugement? Il peut y avoir, comme ça, une situation. Il sera libre au juge en chef d'en juger; il peut voir. Si, manifestement, la cause ne se justifie pas en fonction d'un délibéré plus long, eh bien, le juge en chef prendra ses responsabilités. Donc, dans un premier temps, oui, c'est possible, selon le projet de loi que nous avons, que les parties, de consentement, disent tout simplement que c'est assez ou qu'elles sont prêtes à donner un temps un peu plus long. C'est possible.

Deuxièmement, en ce qui regarde les dépens, l'amendement que nous avons accepté se lit comme suit: «II doit disposer des dépens, y compris ceux relatifs à l'enquête et audition originales, en tenant compte des circonstances et peut, en outre, prendre toute autre mesure qu'il considère juste et appropriée.» Donc, il y a une latitude au niveau du juge pour apprécier les circonstances et faire en sorte que des parties ne soient pas pénalisées par ce qui s'est passé.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président... Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger (Anjou): ...je pense qu'il serait important — je pense que ce n'est pas prévu, ici, dans le projet de loi, tel qu'il est présenté — que, automatiquement, quand un juge en chef a à prendre ce genre de décision là, il y ait un avis qui soit envoyé aux parties afin que ces parties-là soient avisées que le juge en chef veut intervenir dans le dossier, soit, à ce moment-là, comme on dit, pour accorder un délai supplémentaire ou retirer le dossier des mains du juge. Je pense que ce serait important, parce que, si les parties ne sont pas au courant de toutes ces choses qui se font, le juge en chef pourrait rendre une décision, retirer le dossier des mains du juge, alors que les parties auraient voulu, justement, que le juge de première instance le conserve encore quelques mois. Comment les parties peuvent-elles être au courant? Je comprends qu'on peut computer le délai, mais...

M. Rémillard: M. le Président, 2 remarques... Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...parce que, finalement, il y a 2 façons de procéder. On aurait pu procéder dans le sens de dire 6 mois, puis, après 6 mois, par exemple, le juge en chef avertit les parties que, le délai étant dépassé, le juge n'est plus saisi du dossier, hormis représentation des parties, mais ça ne serait pas constitutionnel. Ce serait aller s'immiscer dans le processus. Alors, je pense que ce n'est pas ça qu'on veut. Ce qu'on voudrait, si je comprends le député d'Anjou, c'est que, dès que les 6 mois... Parce qu'il va y avoir un tableau au niveau du juge en chef, qui regarde les délibérés. Quand arrive les 6 mois et que le temps est dépassé, qu'on envoie aux parties un avis comme quoi ça fait 6 mois et, par conséquent, ils pourront faire des représentations au niveau du juge en chef. Si j'ai bien compris le député d'Anjou, ce serait un petit peu comme ça.

M. Bélanger (Anjou): Oui, ou encore, tout simplement, quand, de son propre chef, le juge en chef décide d'intervenir, qu'il avise les parties avant de prendre sa décision afin que les parties puissent faire des représentations.

M. Rémillard: Bon. C'est justement en fonction de ça que je vais faire le commentaire suivant. J'ai eu à discuter de ces aspects-là avec les juges en chef, et on m'a expliqué qu'il va de soi que le juge en chef ne peut pas enlever un dossier aussi important, rendu à l'étape du jugement après 6 mois de délibéré, à un juge sans prendre l'avis des parties parce que la décision va se référer au consentement des parties. Tout à l'heure, on a vu qu'on peut se référer aux notes sténographiques. On va se référer à la preuve déjà établie dans la mesure où il y a consentement des parties. Et ça, c'est un élément très important. S'il faut recommencer le jugement, recommencer le processus, dis-je, du début, là, on ne règle pas le problème des délais, on vient accumuler des délais. Alors, si le juge en chef veut s'assurer de toute l'ampleur de la situation, il doit, bien sûr, consulter les parties.

Alors, M. le Président, nous ne pouvions pas, dans le projet de loi, d'une façon explicite, aller aussi loin que d'obliger le juge en chef à avertir les parties

qu'elles fassent des représentations, mais nous savons que, en pratique, de par le consentement qui est impliqué au niveau de l'article 466, pour utiliser la preuve déjà établie au niveau de l'instance originale, le juge en chef doit consulter les parties avant de prendre sa décision.

M. Bélanger (Anjou): Sauf que nulle part dans le projet de loi il n'est fait mention de cette obligation du juge en chef de consulter les parties.

M. Rémillard: Non, mais ça existe dans les faits. Alors, comme ça, on est certains que, au point de vue constitutionnel, ça va être respecté.

M. Bélanger (Anjou): Dans les faits, vous faites référence à quoi? Dans la pratique?

M. Rémillard: Dans la pratique. Ce n'est pas possible qu'un juge en chef prenne une décision d'enlever un dossier à un juge parce qu'il a dépassé les 6 mois sans avoir consulté auparavant les parties à ce litige. S'il le faisait sans s'assurer de la volonté des parties, il pourrait se retrouver devant une situation où le nouveau juge arriverait dans le dossier et les parties ne donneraient pas leur consentement à se référer aux notes sténographiques, ce qui voudrait dire que le nouveau juge devrait recommencer tout le procès, du début.

Or, l'objectif que nous avons dans le projet de loi, c'est de limiter les délais, réduire les délais. Non seulement on ne pourrait pas atteindre l'objectif du projet de loi, mais, deuxièmement, on occasionnerait des frais considérables, considérables. Et il n'y a pas un juge en chef... Écoutez, il faut être conscients que les juges en chef, ce sont des gens qui sont là pour voir aux intérêts du public à la cour. Il n'y a pas un juge en chef qui va agir comme ça. Donc, en pratique, c'est ce qui va se passer. Nous, notre marge de manoeuvre sur le plan constitutionnel, pour reprendre les termes de Me Aube en fonction de l'arrêt Beauregard, on ne pouvait pas aller plus loin. Mais ça ne nous inquiète nullement parce que le juge en chef, en pratique, est obligé de consulter les parties.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, je ne sais pas si le ministre réalise que son projet de loi, si on le lit, le nouvel article 465 dit spécifiquement: «...le juge en chef peut, de lui-même [...] dessaisir ce juge de cette affaire et ordonner que celle-ci soit confiée à un autre juge ou qu'elle soit remise au rôle». Nulle part il n'est fait mention d'une obligation d'entendre les parties, de demander le conseil des parties, alors que partout dans le Code de procédure civile, normalement, on dit «après avis aux parties», «après avoir entendu les procureurs» ou encore «les parties peuvent intervenir par intervention de cette façon». Là, nulle part.

Et le ministre me dit: Dans les faits, c'est comme ça. Mais, dans les faits, ça ne s'est jamais vu encore, ce pouvoir-là du juge. Donc, on ne peut pas vraiment dire que, dans les faits, ça se fait comme ça. Je comprends, moi aussi, j'ai bien confiance au bon jugement des juges en chef, mais je pense que ça aurait été rassurant de donner l'obligation qu'avis doit être donné aux parties avant de prendre une telle décision.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...quand on fait la comparaison entre ce qui existe dans le Code de procédure... Et c'est vrai, le député d'Anjou a raison que, dans certains cas, on dit «après avoir entendu les parties», etc. C'est normal, c'est dans une instance judiciaire. Là, ici, ce n'est pas dans le cas d'une instance judiciaire, c'est dans le cas d'une sanction que le juge en chef doit prendre. C'est une sanction, c'est de la discipline, et, par conséquent, l'arrêt Beauregard est là pour établir les paramètres qui sont les nôtres. Alors, ce n'est pas comparable, ce n'est pas comparable. Le droit substantif, c'est une chose, et le droit disciplinaire, c'est autre chose. Le droit disciplinaire doit établir la distinction entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Et c'est là qu'on doit protéger le juge en chef, dans sa latitude de décider la sanction et de l'appliquer.

M. le Président, je crois que le député d'Anjou n'a pas besoin d'être préoccupé sur ce point-là. Ce n'est pas possible qu'un juge en chef en arrive à la conclusion qu'un juge doit être dessaisi d'un cas parce qu'il n'a pas rendu jugement à temps sans avoir consulté les parties. Ce n'est pas possible dans les faits. C'est évident.

Le Président (M. Dauphin): M. le député. (22 h 30)

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, cette crainte me vient du fait que, quand le consentement des parties est nécessaire, on le mentionne d'une façon spécifique. Comme à l'article 466, le consentement des parties est nécessaire si les parties veulent qu'on s'en tienne uniquement aux notes sténographiques, là...

M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger (Anjou): ...mais, à ce moment-là, le juge est déjà dessaisi. Alors, c'est pour ça que, moi, je me demandais si... Je comprends tout à fait l'argumentation du ministre à l'effet qu'on est en matière disciplinaire, mais, encore là, il y a des procédures qui existent en droit, comme certains droits de représentation qu'on a devant le juge en chambre, dans le cas de saisies, en particulier des procédures de saisies. Ce n'est pas en cours de pratique, il n'y a pas de plaidoirie comme telle, mais le juge peut, de lui-même, demander l'avis, appeler le procureur et dire: Écoutez, moi, je suis sur le point d'autoriser tel genre de saisie...

M. Rémillard: Oui.

M. Bélanger (Anjou): ...et je voudrais vous entendre avant. Même, ça peut se faire, comme on dit

en bon québécois, à la bonne franquette. Il existe quand même quelque chose, et ce n'est pas pour autant contraignant. Je comprends qu'il faut laisser toute latitude au juge en chef, et le but de mon propos n'est pas de limiter cette latitude, mais c'est de savoir... Moi, je pense que c'est primordial qu'on s'assure qu'aucune décision ne peut être prise sans qu'une partie, en tout cas, puisse se faire entendre. Parce que, moi, je suis certain que, dans bien des cas, les gens, épuisés après un premier procès — et ça, je l'ai vu combien de fois — ne veulent absolument pas rajouter des frais et qu'ils vont être prêts — pourtant, ce n'est pas pressé — à attendre 2, 3 mois ou 4 mois que le jugement soit rendu, plutôt que d'avoir soit à ce qu'un nouveau juge entende la cause ou qu'une décision soit prise, comme ça, qui pourrait rajouter des frais. Alors, c'est pour ça que ça me préoccupe un peu, parce que les gens ne sauront pas nécessairement quand le juge en chef va être sur le point d'intervenir.

M. Rémillard: M. le Président, je veux bien répondre à la préoccupation du député d'Anjou, et ce que je lui fais comme commentaire, c'est qu'il m'appa-raît évident, dans le sens, tout d'abord, premièrement, qu'on ne peut pas comparer, même dans les cas de saisies, dans les cas — il y a bien des cas de procédure civile qu'on pourrait utiliser dans nos exemples, comme exemple — où le juge entend les parties avant d'agir... Mais ce n'est pas la même chose. Ici, on est dans un cas disciplinaire. Il n'y a pas de loi pour nous guider. C'est la première fois qu'on arrive avec une disposition de ce genre-là. On arrive et l'arrêt Beauregard nous donne des dispositions.

M. le Président, qu'est-ce qu'il aurait fallu faire? Il aurait fallu dire que le juge prend sa décision après avoir consulté les parties et le mettre expressément? Ça voudrait dire que la discipline exercée par le juge en chef est soumise à l'approbation des parties. C'est ça que ça voudrait dire, en pratique. C'est ça que ça voudrait dire. Alors, c'est ça que l'arrêt Beauregard nous dit qu'on ne peut pas faire. C'est pour ça que, tantôt, Me Aube est venue plaider devant nous et est venue nous expliquer que l'arrêt Beauregard ne nous permet pas de faire ça. Mais, en pratique, ça doit se faire et ça se fera. Moi, je suis convaincu que jamais une décision d'une cour de justice — jamais, un politicien ne devrait jamais dire ça, remarquez... Ça serait très difficile pour un juge en chef d'en arriver à prendre une décision de dessaisir un juge d'un dossier sans avoir consulté les parties. Imaginez-vous la situation, les parties, tout à coup, recevant un avis disant: Maintenant, c'est le juge Untel qui a votre dossier parce que le premier juge n'a pas rendu son jugement à temps. Et les parties disent: Un instant! On ne veut pas recommencer ça, là, nous autres, mais on n'est pas prêts à accepter que les notes sténographiques servent de base. Alors, qu'est-ce qui arrive? On se retrouve dans une situation qui est préjudiciable, d'un côté comme de l'autre.

Alors, ce n'est pas ça qui va arriver. La pratique veut que le juge en chef communique avec les parties.

Ça m'apparaît évident, M. le Président. Ça m'apparaît vraiment évident. Mettre plus serait extrêmement dangereux, sur le plan du droit constitutionnel, et n'importe qui, de toute façon, qui lirait les notes en Chambre, ici, que nous faisons aujourd'hui, où Me Aube a fait son intervention, pourrait contester constitutionnellement le projet de loi, avec toutes les conséquences que ça apporte.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, une autre disposition avec laquelle je ne me sens pas très à l'aise, c'est quant au dépens. Pour moi, il est tout à fait... C'est une de mes préoccupations, finalement, que les gens, les parties se retrouvent avec des frais supplémentaires ou des dépens supplémentaires suite, finalement, au retard d'un juge qui, tout le monde en conviendra, ne leur est en rien attribuable. Je pense que c'est tout à fait inadmissible que les parties puissent, de quelque façon que ce soit, subir des frais supplémentaires relativement à ça.

Maintenant, je comprends... On m'a fait part que, de par l'amendement qui est proposé, on voudrait éviter que, dans le cas où il y a des procédures dilatoires présentées, ça ne soit l'État qui supporte les dépens qui seront occasionnés par le fait qu'un deuxième juge soit intervenu ou ait entendu le procès. Mais, d'après moi, la façon que devrait être formulé l'amendement, la règle devrait être que les dépens, ce ne sont pas les parties qui les supportent, sauf dans des cas exceptionnels. On pourrait prévoir que, dans des cas exceptionnels, quand le juge considère qu'il y a mesure dilatoire, à ce moment-là, donc, il peut imposer à une partie, peut-être, qu'elle ait à payer ces frais. Je pense que la règle devrait être que les parties ne doivent pas payer des dépens, ne doivent pas, d'aucune façon, subir un préjudice. On veut peut-être régler un engorgement ou un retard dans les jugements, dans la vitesse de rendre les jugements, mais je pense que — puis, là-dessus, je vais être ferme — il ne faut absolument pas que les parties, d'aucune façon, aient à payer des frais supplémentaires à cause de ça.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, d'abord je participe certainement à la préoccupation du député d'Anjou. Ça a été ma préoccupation, et j'en ai beaucoup discuté avec tous les gens, les juges en chef. Tout d'abord, la première des choses, c'est que l'amendement que nous avons accepté n'empêche évidemment pas le juge de faire supporter les dépens par l'État.

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui.

M. Rémillard: Le juge peut le décider, mais ce sera cas par cas, c'est possible. Mais faisons des scénarios. Prenons un scénario dans la pratique, comment ça va se passer. Un juge dépasse les 6 mois. Le juge en chef le voit et dit: Écoute, tu as dépassé 6 mois. Qu'est-ce qui se passe? Il va avoir une explication. Si le juge en chef s'aperçoit qu'il n'y a pas de circonstances exceptionnelles... De toute façon, les parties vont aussi

calculer les 6 mois, parce que c'est la règle maintenant. Les avocats sont au courant de la règle, qu'il va y avoir une loi.

Alors, le juge en chef va avoir à communiquer avec les parties, parce que les parties vont communiquer certainement, de toute façon, avec la magistrature, et il y aura une explication. Il y a 2 situations possibles: Ou bien c'est des circonstances exceptionnelles et le juge en chef décide, à ce moment-là, qu'il peut y avoir plus de temps d'accordé pour le délibéré — ça, c'est un premier scénario — ou — deuxième scénario — le juge dit: Écoutez, il n'y a pas de circonstances exceptionnelles, et il demande aux parties, à ce moment-là: Est-ce que vous voulez qu'on vous donne un nouveau procès ou un nouveau juge? C'est à ça que ça revient, parce que c'est le consentement des parties.

Alors, les parties disent: Nous, on est consentants, par exemple, à partir des notes sténographiques. À partir des notes sténographiques, le nouveau juge qui est saisi regarde le dossier. Tout à coup, s'il s'aperçoit qu'il a besoin d'une preuve supplémentaire ou qu'il a besoin qu'un témoin revienne témoigner, il peut le faire. Là, ça peut occasionner des frais supplémentaires, mais, dans tous les autres cas, il ne devrait pas y avoir de frais supplémentaires par le consentement des parties, c'est les notes sténographiques. S'il n'y a pas consentement des parties et que, là, il faut recommencer le tout du début, là, il peut y avoir une augmentation, et le juge, de par l'amendement qu'on a accepté, a la possibilité de dire que les dépens seront payés par l'État. C'est la possibilité. Ce n'est pas la règle, mais c'est la possibilité.

M. Bélanger (Anjou): C'est justement le but de mon propos. Pour moi, ça devrait être la règle, et l'exception devrait être, justement, le cas où, pour des circonstances exceptionnelles, le juge peut, à ce moment-là, l'imputer à une partie, s'il considère que la procédure est frivole. Ce qu'on veut, finalement, c'est ça. S'il y a une procédure frivole, et je suis entièrement d'accord avec ça, ce n'est pas à l'État de payer pour ça, de payer le retard indu. Mais, ce seront des exceptions, les procédures frivoles. Parce que, dans la majorité des cas, ça ne prendra pas 6 mois à un juge pour se rendre compte qu'une procédure est frivole, vous conviendrez de ça avec moi, je pense, M. le ministre.

Quand, justement, on en arrive au cas du consentement des parties, d'accord, le dossier est transféré à un deuxième juge, qui, à la vue des notes sténographiques, rendra un jugement, maïs le ministre, je pense, en conviendra avec moi, M. le Président, que, automatiquement, il va y avoir des frais additionnels, parce que c'est cher, des notes sténographiques. Je peux vous dire, pour en avoir payé, une journée de procès, c'est minimum 1000 $ de frais de notes sténographiques, 1000 $. (22 h 40)

M. Rémillard: II y a l'enregistrement maintenant, remarquez.

M. Bélanger (Anjou): Oui, mais ça dépend s'il le veut sténographiquement ou s'il veut l'entendre. Ça dépend comment il voudra le faire, mais, s'il y a un deuxième procès, même si les dépens, finalement, ne sont pas adjugés, il va falloir prendre en considération que, de toute façon, les parties vont repayer leur avocat pour un deuxième procès. Ça m'étonnerait que l'avocat veuille faire bénévolement le deuxième procès, donc, de toute façon, il va y avoir des frais déjà qu'elles vont avoir à supporter.

Donc, moi, je ne vois absolument pas pourquoi les dépens devraient tomber sur la tête des parties, qui, de toute façon, sauf dans les quelques cas frivoles qu'on pourrait avoir, n'avaient rien à voir avec le délai de plus de 6 mois que le juge a pris pour rendre jugement. Pour moi, la norme devrait être que les dépens ne devraient pas être assumés par les parties, sauf exception. Gardez le pouvoir au juge de dire: Écoutez, moi, je considère que c'est frivole, et vous allez payer les dépens. Je pense que le juge — je suis entièrement d'accord avec ça — doit avoir ce pouvoir, le pouvoir de décider que ce ne sera pas l'État qui va les payer et que les parties vont les avoir. D'après moi, ce doit être l'exception, et la règle doit être que ce n'est pas aux parties de payer les dépens pour les frais occasionnés.

M. Rémillard: M. le Président, l'amendement que nous avons, je pense, répond aux interrogations du député d'Anjou. Lorsqu'on voit l'amendement, qui se lit comme suit: «II doit disposer des dépens», c'est qu'il dispose des dépens. On ne dit pas «aux parties», on dit: «II doit disposer des dépens, y compris ceux relatifs à l'enquête et audition originales — donc pour les 2 — en tenant compte des circonstances — alors, il y a donc une discrétion très large — et peut, en outre, prendre toute autre mesure qu'il considère juste et appropriée.» Donc, c'est vraiment en outre, en plus, «toute autre mesure qu'il considère juste et appropriée». On a voulu que ce soit du cas par cas. C'est aux parties à le plaider, mais c'est au juge à apprécier. S'il voit que c'est simplement une mesure frivole, il va l'apprécier. S'il considère que c'est une situation qui est injuste, il va l'apprécier aussi. C'est vraiment faire confiance aux tribunaux, en respectant leur discrétion.

Moi, il me semble que cet amendement rencontre tous les objectifs qu'on poursuit. «Il doit disposer des dépens, y compris ceux relatifs à l'enquête et audition originales, en tenant compte des circonstances et peut, en outre, prendre toute autre mesure qu'il considère juste et appropriée.» Il me semble qu'il y a toute possibilité qui est là. En plus, nous le disons, ici, à cette commission parlementaire, que l'intention du législateur, c'est de faire en sorte que, cas par cas, le juge en arrive à établir des dépens qui peuvent être attribués à l'État, dans le cas où, manifestement, c'est la magistrature qui est en cause dans des délais indus, et que, par conséquent, les parties ne doivent pas être pénalisées. Ça m'apparaît que l'amendement que nous avons devant nous répond à ces considérations-là.

M. Bélanger (Anjou): Quant à moi, je trouve ça

tout à fait normal que le juge ait le pouvoir de, finalement, disposer des dépens quant à l'audition originale. Ça, pour moi, il n'y a pas de problème là-dessus, sauf que je soutiens encore que, quant aux dépens occasionnés par la deuxième audition ou encore par le jugement rendu sur la foi des notes sténographiques, on devrait affirmer que la norme prévoie que ce ne sont pas les parties qui doivent subir ces nouveaux dépens là. Pour moi, c'est important. Je comprends qu'on doive faire confiance à nos tribunaux, mais on a trop vu de fois des dispositions qui partaient d'une intention louable du législateur et, finalement, suite à l'interprétation juris-prudentielle qui en a été donnée, qui sont parties dans des sens complètement différents. Je pense que, en tant que législateurs, on se doit de, justement, éviter cette situation-là. On doit donner l'orientation claire pour, justement, que la jurisprudence aille dans ce sens-là.

Moi, c'est ma crainte à chaque fois. On peut avoir, nous, les meilleures intentions, on va dire qu'on est d'accord, mais, une fois que les tribunaux ont ça entre les mains... C'est un peu comme la Charte. Moi, je suis convaincu que, si les pères de la Charte canadienne et de la Charte québécoise des droits et libertés avaient imaginé dans quel sens ils allaient interpréter ces dispositions-là... Je pense qu'ils n'auraient jamais pensé que ça serait allé aussi loin.

M. Rémillard: M. le Président, est-ce que je pourrais demander qu'on ajourne 5 minutes pour discuter de ce point-là?

M. Bélanger (Anjou): Oui, il n'y a pas de problème.

M. Rémillard: Je voudrais juste demander avis à des experts sur certains cas.

Le Président (M. Dauphin): D'accord. Alors, nous suspendons pour 5 minutes.

(Suspension de la séance à 22 h 46)

(Reprise à 22 h 52)

M. Rémillard: Alors, M. le Président, après consultation avec les légistes et aussi spécialistes de droit constitutionnel, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il faudrait suspendre cet article, en fonction de 2 problèmes qui ont été posés, que le député d'Anjou a posés et que nous avons aussi posés à nos légistes. Tout d'abord, il ne faudrait pas que les parties... Le grand principe, c'est qu'il ne faut pas que les parties soient . pénalisées. Il faut établir la règle du 6 mois pour aider les parties, pas pour les pénaliser. Alors, si, tout à coup, le juge en chef décide qu'il doit dessaisir un juge et que ça pénalise les parties — il ne faut pas que ça pénalise les parties — les parties vont dire: Bien, écoutez, nous, on est bien prêts à prendre 2 mois, 3 mois de plus. Et, dans ce sens-là, moi, à première vue, le mot «exceptionnelles»...

Parce que, lorsqu'on dit que c'est seulement dans des circonstances exceptionnelles que le juge en chef peut permettre à un juge de continuer son délibéré au-delà du 6 mois, le mot «exceptionnelles» est peut-être un peu fort, M. le Président. Le mot «exceptionnelles», le juge en chef va dire: Écoutez, bien, la loi ne me laisse pas de latitude; elle dit «exceptionnelles». Donc, vous n'avez pas été malade, la cause n'est pas exceptionnellement difficile, ce n'est pas exceptionnel, donc je dois appliquer la loi. Je ne voudrais pas qu'on se retrouve dans une situation comme ça. Je ne vous dis pas nécessairement que le texte de loi amène cette conclusion-là, mais je vois un danger, et je voudrais que les légistes le regardent correctement.

Le Président (M. Dauphin): Alors, nous suspendons...

M. Rémillard: Deuxième...

Le Président (M. Dauphin): Ah! excusez-moi.

M. Rémillard: Deuxième aspect, M. le Président, c'est en ce qui regarde les dépens. Je crois que l'amendement répond à la question, à savoir qu'il ne faudrait pas que les parties supportent des dépens qui ne sont pas de leur faute, parce que le juge a pris trop de temps. Là-dessus, je pense que tous les membres de cette commission, on a les mêmes objectifs. Je crois que l'amendement y répondrait, mais je voudrais vraiment qu'on s'en assure. Alors, donc, pour plus de sûreté, M. le Président, avec votre permission, on suspendrait cet article pour y revenir plus tard.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Alors, nous suspendons l'article 466, ce qui veut dire, en pratique, que l'adoption de l'article 5 est suspendue.

J'appelle l'article 6.

Exercice du droit d'appel

M. Rémillard: Alors, M. le Président, l'article 6 se lit comme suit...

Une voix: II y a un amendement.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, il y a un amendement à l'article 6 du projet de loi, qui modifie l'article 494 du Code de procédure civile, à l'effet de remplacer, à la fin du paragraphe 1°, le mot «à» par les mots «au deuxième alinéa de».

Alors, M. le Président, l'amendement apporte une précision technique. Les appels sur permission, auxquels le paragraphe 1° de l'article 6 du projet de loi réfère, sont prévus au deuxième alinéa de l'article 26. Le premier alinéa de l'article 26 concerne les appels de plein droit.

M. Bélanger (Anjou): Quant à l'amendement, M.

le Président, il est adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'amendement est adopté.

M. Bélanger (Anjou): Maintenant, l'article 6, tel qu'amendé. C'est ça?

Le Président (M. Dauphin): L'article 6, tel qu'amendé, est adopté aussi?

M. Bélanger (Anjou): Non. Est-ce qu'on pourrait...

Le Président (M. Dauphin): Non?

M. Bélanger (Anjou): Est-ce qu'on pourrait m'expliquer quelle est la grande nouveauté qui est apportée à l'article 494?

M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, on va me donner l'article tel qu'amendé. Me Mercier, M. le Président, légiste au ministère de la Justice, pourrait nous donner plus d'explications sur cet article 6, tel qu'amendé.

Le Président (M. Dauphin): Très bien. Me Mercier.

M. Mercier: Le paragraphe 1 ° propose une modification de stricte concordance, c'est-à-dire que, actuellement, les appels dont on parle au paragraphe 4° de l'article 26 du Code de procédure civile, qui sont les appels sur permission, sont prévus plutôt au deuxième alinéa de l'article 26 proposé. Alors, c'est le but du paragraphe 1°. On remplace «au paragraphe 4 de» par le mot «à». Compte tenu de l'amendement dont on a parlé tantôt, il fallait plutôt lire: par les mots «au deuxième alinéa de» et non pas «à».

Le paragraphe 2° concerne l'énoncé détaillé.

M. Bélanger (Anjou): Oui, ça va.

M. Mercier: Le paragraphe 3°, c'est le contenu...

M. Bélanger (Anjou): De l'énoncé détaillé.

M. Mercier: C'est ça. Quant au paragraphe 4°, c'est une stricte concordance, compte tenu des nouveaux paragraphes du nouvel article 26 du Code de procédure civile.

M. Bélanger (Anjou): Par l'introduction de cette nouvelle notion d'énoncé détaillé — c'est nouveau, ça, l'énoncé détaillé...

M. Mercier: Oui.

M. Bélanger (Anjou): ...qu'est-ce qu'on vise à améliorer? C'est peut-être de mieux résumer, de mieux ramasser l'argumentation d'une façon concise. C'est ça?

M. Mercier: Présentement, tout ce que les parties doivent faire, c'est un simple énoncé...

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Mercier: ...très sommaire. Alors, ce qu'on exige désormais, c'est qu'il y en ait le plus possible. Et ici, ce dont on parle, il s'agit de l'énoncé détaillé qui va être contenu dans la requête pour permission. O.K.?

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Mercier: Alors, il faudra qu'on ait le plus de précision possible...

M. Bélanger (Anjou): D'accord.

M. Mercier: ...sur les différents moyens qu'on entend faire valoir en appel. En fait, ce que ça vise, c'est que les parties soient plus prêtes quand...

M. Bélanger (Anjou): Alors, si je comprends bien, c'est que vous voulez, finalement, faciliter la tâche aux juges pour pouvoir, justement, évaluer le bien-fondé ou pas des appels.

M. Mercier: Oui, c'est ça. M. Bélanger (Anjou): C'est ça.

M. Mercier: Pour qu'ils puissent avoir assez de détails pour décider s'ils permettent...

M. Bélanger (Anjou): Ou non la permission. M. Mercier: Voilà, c'est ça.

M. Bélanger (Anjou): D'accord, parfait. (23 heures)

M. Mercier: Alors qu'on peut considérer qu'ils n'ont presque pas d'information actuellement.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: J'avais une question, M. le Président, sur la quatrième modification. Vous dites: par le remplacement, dans la deuxième ligne du quatrième alinéa, des mots «des paragraphes 2 et 7» par les mots «du paragraphe 2». Puis dans l'article 494, c'est déjà du paragraphe 2.

M. Rémillard: C'est parce que, dans la loi d'application du Code civil, on a modifié cette loi-là. Alors, l'article 285, premier paragraphe de la loi d'application du Code civil, que nous avons étudié ensemble, vient donc modifier le paragraphe 2.

Mme Caron: O.K.

M. Rémillard: Alors, c'est là que se fait la concordance.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? M. Bélanger (Anjou): Ça va.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'article 6, tel qu'amendé, est adopté.

J'appelle l'article 7, notamment le premier, 495.1.

M. Rémillard: Oui, il y a un amendement, M. le Président, à l'article 7 du projet de loi. Cet amendement vise à remplacer l'article 495.1 proposé par le suivant: «495.1 Sans préjudice du droit d'interjeter appel en la manière et dans le délai prévus par les articles 494, 495 et 495.2, l'appel d'un jugement rendu dans une action en garantie ou récursoire doit être formé, en la manière prévue aux articles 494, 495 et 495.2, dans un délai de 10 jours à compter du dépôt au greffe du tribunal de première instance du jugement qui autorise l'appel du jugement dans l'action principale ou de l'inscription en appel du jugement dans l'action principale.»

Alors, M. le Président, cet amendement remplace l'article 495.1 qui est proposé au projet de loi, suite aux consultations effectuées auprès du juge en chef de la Cour d'appel et du Barreau du Québec. Cet article accorde 10 jours additionnels à compter du dépôt au greffe du tribunal de première instance du jugement qui autorise l'appel du jugement dans l'action principale ou de l'inscription en appel du jugement dans l'action principale pour en appeler d'un jugement rendu dans une action en garantie ou récursoire liée à une action principale.

Alors, M. le Président, je veux simplement rappeler que l'action récursoire, c'est une action que le défendeur peut intenter contre le garant après jugement rendu contre le défendeur dans l'action principale. Alors, cette poursuite est séparée de l'action principale, de la première action.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président. Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger (Anjou): Je me demandais, avant qu'on propose cet article-là: Qu'arrivait-il, justement, quand... J'ai déjà eu ce genre de dossier là, surtout, en particulier, en immobilier dans les actions pour vices cachés, où vous poursuivez votre vendeur et que votre vendeur poursuit son propre vendeur, qui poursuit son autre vendeur. Donc, vous avez une action principale et vous avez des fois 3 ou 4 actions en garantie. Qu'arrivait-il quand, justement, il y avait appel ou permission d'appeler pour l'action principale? Est-ce que, automatiquement, les actions en garantie allaient en appel ou il fallait... Quels étaient les délais pour porter en appel ces actions en garantie là?

M. Rémillard: L'accessoire suit le principal.

M. Bélanger (Anjou): Bien, c'est ça. C'était automatique.

M. Rémillard: C'est ça qui était le principe.

M. Bélanger (Anjou): Alors, maintenant, ça ne sera plus le principe. C'est ça?

M. Rémillard: Alors, maintenant, le principe, c'est que vous avez encore 10 jours de plus, mais il doit y avoir aussi...

M. Bélanger (Anjou): Inscription pour ces... M. Rémillard: L'inscription.

M. Bélanger (Anjou): Sinon, il pourrait arriver le cas où uniquement l'action principale va être portée en appel et toutes les actions en garantie ne suivront pas.

M. Rémillard: II se pourrait, mais, en pratique, je pense qu'on peut concevoir que ceux qui sont appelés en garantie vont avoir, évidemment, à suivre le principal. Alors, si on condamne le principal, probablement qu'il y aura, à la suite, la chaîne qui va s'ensuivre. Mais je vais demander à Me Mercier de compléter ma réponse.

Le Président (M. Dauphin): Me Mercier.

M. Mercier: C'est qu'on ne change pas les règles en cette matière. Le seul objectif poursuivi, c'est de consentir 10 jours additionnels pour porter en appel le recours en garantie. Parce que, actuellement, si, dans l'action principale, la personne qui en appelle tarde à l'inscrire en appel, disons, s'il y a 30 jours, par exemple, pour le faire et elle le fait le vingt-neuvième jour, sur l'appel en garantie, on risque d'être en dehors du délai pour pouvoir en appeler. Actuellement, dans un cas comme ça, il faut que les personnes concernées présentent une requête à un banc de 3 juges, en vertu de l'article 523. Dans la plupart des cas, c'est toujours oui. Ils consentent toujours, sauf que ça oblige toujours à présenter une requête à un banc, la signifier, etc., ce qui entraîne des frais. Et c'est juge en chef de la Cour d'appel qui nous proposait de dire: Ça va être 10 jours additionnels automatiquement, ce qui évitera des frais, des procédures inutiles. Mais, quant au reste, on ne change pas les règles de fond.

M. Bélanger (Anjou): Donc, c'est vraiment, comme vous dites, un délai additionnel, uniquement pour bénéficier...

M. Rémillard: Que sont les garanties. M. Mercier: Oui.

M. Bélanger (Anjou): ...à ceux qui ont des recours en garantie dans l'action principale.

M. Rémillard: II se peut fort bien que, comme je disais tout à l'heure, en garantie, ils n'aillent pas en appel, mais c'est invraisemblable, en pratique.

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui. D'accord. Ça va. Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'amendement est adopté. Donc, l'article 495.1 est adopté tel qu'amendé.

J'appelle le suivant, 495.2, toujours à l'article 7.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, je lis 495.2: «L'appel n'est régulièrement formé que si l'appelant ou son procureur fait signifier à la partie adverse ou à son procureur et produit au greffe du tribunal, dans les 45 jours suivant le jugement qui fait l'objet de l'appel ou, s'il s'agit d'un appel sur permission, dans les 15 jours suivant le jugement qui autorise l'appel, une attestation écrite par laquelle lui-même ou son procureur certifie avoir donné mandat à un sténographe de traduire les notes sténographiques. Le second alinéa de l'article 495 s'applique à la signification de cette attestation.»

Alors, M. le Président, cet article oblige l'appelant ou son procureur à produire, dans le délai qui est fixé, une attestation certifiant qu'il a donné mandat à un sténographe de traduire les notes sténographiques. M. le Président, cette attestation a pour but d'éviter que l'appelant ou son procureur néglige d'obtenir la transcription des notes sténographiques et retarde ainsi indûment la mise en état du dossier en appel. L'attestation évitera, de ce fait, les appels dilatoires. M. le Président, le défaut de produire l'attestation dans le délai imparti pourra donner ouverture à une requête pour rejet de l'appel, selon l'article 501 du Code de procédure civile.

Alors, c'est strictement pour empêcher, M. le Président, ces inscriptions en appel qui ne sont pas reliées à une véritable intention d'aller en appel ou bien qui prennent de longs délais qui retardent le travail de la Cour d'appel.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'article 495.2, adopté. Donc, l'article 7 est adopté tel qu'amendé.

J'appelle l'article 8.

M. Rémillard: M. le Président, il y a un amendement à l'article 8. À l'article 8 du projet de loi, il y a donc un amendement qui modifie l'article 496 du Code de procédure civile: 1° remplacer, dans la quatrième ligne du premier alinéa introduit par le paragraphe 2, les mots «L'inscription en appel» par le mot «II»; 2° remplacer, dans les troisième et quatrième lignes du deuxième alinéa introduit par le paragraphe 2, les mots «de l'énoncé détaillé des moyens dans le délai additionnel» par les mots «d'un énoncé supplémentaire dans le délai».

Alors, M. le Président, il s'agit d'un amendement d'ordre tout à fait technique, qui est présenté par souci de cohérence avec les modifications qui sont apportées par l'article 6 du projet de loi, et qui modifie l'article 494 du Code de procédure civile.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'amendement est adopté. L'article 8, tel qu'amendé, est adopté.

J'appelle l'article 9. (23 h 10)

M. Rémillard: M. le Président, l'article 9 se lit comme suit:

Ce Code est modifié par l'insertion, après l'article 496, du suivant: «496.1 Sauf disposition contraire, toute demande qui doit être présentée à la Cour doit être accompagnée d'un avis de la date de sa présentation et la signification doit en avoir été faite au moins cinq jours juridiques francs avant cette date, sauf au cas d'urgence où un juge de la Cour peut abréger le délai.»

Alors, M. le Président, le nouvel article 496.1 proposé par l'article 9 du projet de loi a pour objet de porter de 1 à 5 jours francs le délai minimal de signification pour la présentation des requêtes adressées à un banc de 3 juges de la Cour d'appel. Il s'agit d'une dérogation à la règle prévue à l'article 78 du Code de procédure civile qui fixe à 1 jour franc le délai de signification pour la présentation des demandes au tribunal.

M. le Président, cette modification donne suite à une demande du juge en chef de la Cour d'appel. Elle vise à donner au juge et à l'autre partie un délai suffisant afin de leur permettre de se préparer adéquatement pour l'audition et la requête. L'article 78 est d'application générale et il régit actuellement tant la Cour d'appel que la Cour supérieure et la Cour du Québec. Le délai de 1 jour franc prévu par cette disposition générale doit continuer à s'appliquer à la Cour supérieure, à la Cour du Québec et même aux requêtes qui doivent être présentées à 1 seul juge de la Cour d'appel. Par ailleurs, la règle générale prévue à l'article 78 relative à l'obligation faite aux parties de signifier leur acte de procédure à la partie adverse continuera de s'appliquer, même devant un banc de 3 juges de la Cour d'appel, à moins d'une disposition législative contraire.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'article 496.1, adopté. Par conséquent, l'article 9 est adopté.

J'appelle l'article 10, auquel cas il y a un amendement.

Une voix: Vous avez un amendement: les articles 9.1 et 9.2.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, il s'agit d'insérer, après l'article 9 du projet de loi, les articles suivants: 9.1 l'article 497 de ce code est modifié par l'insertion, dans la première ligne du premier alinéa, après le mot «ordonnée», des mots «et ceux où la loi y pourvoit»; 9.2l'article 500 de ce code est modifié: 1° par le remplacement, dans la deuxième ligne, de «et 495» par «495 et 495.2»; 2° par le remplacement, dans la septième ligne, du mot «sommaire» par le mot «détaillé».

Alors, M. le Président, l'amendement proposé par l'article 9.1 est de concordance avec la modification introduite à l'article 547 du Code de procédure civile par l'article 13 du projet de loi. L'amendement proposé par l'article 9.2 est de concordance avec les modifications introduites au projet de loi concernant l'attestation obligatoire que doit fournir l'appelant ou son procureur certifiant qu'un mandat à un sténographe a été donné ainsi que concernant les dispositions relatives aux énoncés détaillés.

M. Bélanger (Ai\jou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'amendement ajoutant les articles 9.1 et 9.2 est adopté. J'appelle toujours l'article 10.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 503 de ce Code est modifié par le remplacement, dans la première ligne, des mots «soixante-quinze» par les mots «cent vingt».

La modification porte de 75 à 120 jours le délai dans lequel l'appelant doit produire son mémoire au greffe et en signifier copie à l'intimé. Elle donne suite à une demande du Barreau et s'inscrit dans le contexte du resserrement des règles applicables en cas de défaut de produire conformément aux nouvelles règles. M. le Président, le nouveau délai procurera à l'appelant le temps nécessaire pour obtenir la transcription des notes sténographiques et pour rédiger son mémoire. L'article 11 du projet de loi prévoit un mécanisme propre à assurer le respect de ce délai.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'article 10 est adopté.

J'appelle l'article 11.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Ce Code est modifié par l'insertion, après l'article 503, des suivants: «503.1 Lorsque le mémoire n'est pas signifié et produit, dans le délai prévu par l'article 503, l'intimé peut signifier et produire au greffe du tribunal un avis de défaut sommant l'appelant de produire son mémoire ou de s'adresser, par requête, dans un délai de 30 jours, à l'un des juges de la Cour d'appel pour justifier de son retard et demander une prolongation de délai. «Lorsque l'appelant, après l'expiration du délai de 30 jours de la signification de l'avis de défaut, n'a pas signifié et produit un mémoire ou n'a pas présenté une demande de prolongation de délai ou lorsque celle-ci a été rejetée, le greffier de la Cour d'appel, sur demande verbale de l'intimé et sur production de la preuve de la signification de l'avis de défaut, constate le défaut et délivre un certificat attestant que l'appel est déserté avec dépens. «503.2 Lorsqu'une demande de prolongation de délai a été accordée par l'un des juges de la Cour d'appel, que le délai est expiré sans qu'un autre délai n'ait été accordé et que l'appelant n'a pas produit son mémoire dans le délai fixé par le juge, l'intimé peut faire constater le défaut et obtenir du greffier de la Cour d'appel un certificat attestant que l'appel est déserté avec dépens, mais sans qu'il soit nécessaire de signifier un nouvel avis de défaut. «503.3 Malgré les articles 503.1 et 503.2, le greffier de la Cour d'appel ne peut délivrer un certificat attestant que l'appel est déserté, lorsque les parties ou leurs procureurs ont déposé au greffe du tribunal un consentement signé par eux et fixant un autre délai pour la production du mémoire.»

M. le Président, les articles 503.1 et 503.3 prévoient un mécanisme pour assurer le respect des délais de production du mémoire de l'appelant. L'article 503.1 précise que, si l'appelant ne produit pas son mémoire dans les 120 jours de l'inscription en appel, l'intimé pourra lui signifier un avis de défaut le sommant de produire le mémoire dans les 30 jours ou de justifier son retard devant le juge de la Cour d'appel, qui pourra lui accorder une prolongation de délai. Si la prolongation de délai n'est pas accordée et que le mémoire n'est pas produit dans les 30 jours, le greffier pourra constater le défaut et déclarer l'appel déserté avec dépens contre l'appelant.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? Alors, on va les adopter, si vous me permettez, l'un après l'autre. Alors, l'article 503.1, adopté; l'article 503.2, adopté; l'article 503.3, adopté. Par conséquent, l'article 11 est adopté.

J'appelle l'article 12.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 12 se lit comme suit: L'article 505 de ce Code est remplacé par le suivant: «Lorsque l'intimé ne produit pas son mémoire dans les délais fixés, un juge de la Cour d'appel peut lui accorder, sur requête, un délai additionnel pour produire le mémoire et rendre les ordonnances appropriées. «En cas de défaut de production du mémoire par l'intimé dans le délai fixé, la Cour peut refuser de l'entendre.»

M. le Président, l'article 505 proposé adapte à l'intimé les nouvelles règles régissant la production du mémoire. La disposition prévoit que, lorsque l'intimé ne

produit pas son mémoire dans les 60 jours de la production du mémoire de l'appelant, un juge de la Cour d'appel peut lui accorder un délai additionnel. En cas de défaut de l'intimé de produire son mémoire dans le délai de 60 jours, ou dans le délai additionnel fixé par un juge, la Cour d'appel pourra refuser de l'entendre.

Le Président (M. Dauphin): Ça va? Donc, l'article 12 est adopté.

J'appelle l'article 13.

Exécution provisoire

M. Rémillard: II y a un amendement, M. le Président, de proposé à l'article 13. À l'article 13 du projet de loi, qui modifie l'article 547 du Code de procédure civile, il s'agit de remplacer le paragraphe troisième par le suivant: 3° par le remplacement du deuxième alinéa par les suivants: «De plus, le tribunal peut, sur demande, ordonner l'exécution provisoire dans les cas d'urgence exceptionnelle ou pour quelque autre raison spéciale, pour la totalité ou pour une partie seulement du jugement. «Dans les cas prévus au présent article, le tribunal peut, sur demande, subordonner l'exécution provisoire à la constitution d'une caution.»

M. le Président, cet amendement donne suite à une demande du Protecteur du citoyen. Il a pour objet de permettre au tribunal, sur demande, de subordonner l'exécution provisoire à la constitution d'une caution, non seulement lorsque c'est le tribunal qui ordonne l'exécution provisoire, mais également dans les cas où l'exécution provisoire a lieu par l'effet de la loi.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Donc, l'amendement est adopté. L'article 547 est adopté tel qu'amendé. Par conséquent, l'article 13 est adopté tel qu'amendé.

J'appelle l'article 14.

M. Rémillard: L'article 550 de ce Code est modifié: 1° par l'ajout, dans la deuxième ligne du premier alinéa, après le mot «été» des mots «ou qu'elle a été refusée»; 2° par l'ajout, dans la quatrième ligne du premier alinéa, après le mot «ordonnée», des mots «ou que la loi y pourvoit,».

M. le Président, il s'agit d'une modification de concordance avec l'article 13 du projet de loi.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'article 14 est adopté.

J'appelle l'article 15. (23 h 20)

Charte des droits et libertés de la personne

M. Rémillard: M. le Président, le troisième alinéa de l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., chapitre C-12) est abrogé.

M. Bélanger (Anjou): Alors, si je comprends bien, cet amendement maintenant est nécessaire suite à la permission qu'on donne aux médias d'être présents, aux journalistes d'être présents lors des huis clos en matière familiale. C'est ça?

M. Rémillard: M. le Président, c'est que le troisième alinéa de l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui est au même effet que l'actuel second alinéa de l'article 13 du Code de procédure civile, prescrit actuellement le huis clos lors des audiences de première instance en matière familiale. Or, le troisième alinéa de cette disposition est donc abrogé par l'article 15 du projet de loi afin de conserver intact dans la Charte le principe de l'audition publique. En effet, la présence des journalistes aux audiences de première instance en matière familiale, telle que le prévoit la modification introduite à l'article 13 du Code de procédure civile par l'article premier du projet de loi, ne doit pas devenir une règle générale et supérieure aux autres règles établies normalement par le législateur. C'est pourquoi il a été jugé opportun de simplement retirer de la Charte la règle prévue au troisième alinéa de son article 23.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'article 15 est adopté.

J'appelle l'article 16.

M. Rémillard: M. le Président, il y aurait un amendement. Il s'agirait d'insérer, après l'article 15, le suivant: «15.1 Les dispositions des articles 2 à 4 s'appliquent aux causes pendantes en première instance à la date de leur entrée en vigueur, mais non aux jugements déjà rendus à cette date et dont les délais d'appel ne sont pas expirés.»

Or, M. le Président, il s'agit d'une disposition transitoire qui prévoit la survie de la loi actuelle quant aux droits d'appel de plein droit aux causes pendantes dont le jugement a été rendu avant l'entrée en vigueur du projet de loi mais dont les délais d'appel ne sont pas expirés. Alors, les nouvelles dispositions relatives au droit d'appel s'appliqueront aux causes pendantes dont le jugement n'a pas été rendu lors de l'entrée en vigueur du projet de loi. C'est exactement comme il a été fait en 1982.

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Alors, l'amendement insérant l'article 15.1 est adopté.

J'appelle l'article 16.

M. Rémillard: M. le Président, il y a un amendement à l'article 16. À l'article 16 du projet de loi, remplacer, dans la troisième ligne «et 10 à 14» par «9.1 à 14 et 15.1».

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): L'amendement est adopté. Donc, l'article 16, tel qu'amendé, est adopté.

C'est ce qui met fin à l'étude de ce projet de loi, en tenant en ligne de compte, effectivement, que l'article 5 a été suspendu, plus précisément son deuxième article, l'article 466.

Est-ce que nous abordons le quatrième projet de loi, le projet de loi 87?

M. Rémillard: M. le Président, il y a 2 possibilités, il y en a même 3: On aborde l'autre projet de loi — je pense que ce n'est pas opportun — ou on peut regarder les substituts avec les commentaires du...

Le Président (M. Dauphin): Directeur général des élections.

M. Rémillard: ...Directeur général des élections, si les membres de cette commission ont eu le temps d'en prendre connaissance, ou bien nous ajournons le tout à une prochaine fois. Alors, M. le Président, je suis au service de cette commission, et selon les voeux des membres de cette commission, je suis prêt à procéder dans l'un ou l'autre des scénarios.

Le Président (M. Dauphin): Alors, si vous me dites que le projet de loi sur les substituts du Procureur général, qui est le premier projet de loi, ça n'occasionnerait pas des débats de plusieurs heures, on pourrait en disposer et l'adopter ce soir. Malheureusement, je n'ai plus ma feuille, mais...

M. Bélanger (Anjou): 88.

M. Rémillard: 88.

M. Bélanger (Anjou): Je pense qu'on pourrait disposer du projet de loi.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, je crois qu'il y aurait consentement des membres de cette commission pour que nous procédions avec le projet de loi sur les substituts en fonction des remarques que nous avons eues du Directeur général des élections.

Projet de loi 88

Dispositions relatives à certaines activités politiques (suite)

Le Président (M. Dauphin): Exactement. Alors, effectivement, c'est le projet de loi 88, et nous avions notamment suspendu l'article 7 à son alinéa 9.4.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, à l'article 7 du projet de loi... C'est l'article qui est en suspens, c'est ça? C'est le 7?

M. Bélanger (Anjou): Oui.

Le Président (M. Dauphin): Oui, c'est ça.

M. Bélanger (Anjou): C'est ça.

M. Rémillard: Pour faire suite aux commentaires, notamment exprimés par le député d'Anjou et d'autres membres de cette commission, M. le Président, et après discussion avec les légistes, je pourrais soumettre un amendement qui pourrait se lire comme suit:

À l'article 7 du projet de loi, ajouter, après l'article 9.10 proposé, l'article suivant: «9.11 Rien dans la présente section n'empêche la personne à qui un nouveau classement a été attribué, conformément aux dispositions de l'un des articles 9.4 ou 9.7 et qui a cessé les activités politiques visées à l'article 9.1, de poser sa candidature à un poste de substitut du Procureur général.»

Alors, on respecte l'objectif du projet de loi, M. le Président, et on confirme expressément qu'il est toujours possible de revenir dans un poste de substitut en posant sa candidature et lorsque les membres du jury, comme dans tous les autres concours, en arrivent à la conclusion que le candidat n'a pas l'intention... ne peut pas être partisan. Ce n'est pas une question d'intention. Il n'est plus partisan.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président.

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): J'ai un petit peu de difficultés avec cet amendement dans le sens que je conviens que c'est un pas dans la direction dans laquelle j'ai fait mes commentaires, mais, comme tel, poser sa candidature, rien n'empêche la personne de poser sa candidature. Ça ne veut pas dire qu'elle va être retenue. Poser une candidature, je peux la poser, moi aussi. Elle va être refusée parce que je suis député, mais dans le sens... Vous savez, je voudrais un petit peu plus que ça. Je pense qu'on devrait, pas garantir, mais prévoir le droit à un substitut de pouvoir revenir, à condition, cependant, qu'il satisfasse aux conditions. Comprenez-vous? Moi, je voudrais le voir, à quelque part, ce droit-là. Tout ce que ça dit, ça, c'est que ça ne doit pas empêcher quelqu'un de poser sa candidature, mais poser une candidature, ce n'est pas un gros droit, ça, qu'on lui donne. (23 h 30)

M. Rémillard: Je pense que vous minimisez l'impact de l'amendement proposé. L'objectif du projet

de loi, c'est de faire en sorte que le substitut ne soit pas partisan et ne donne pas l'impression d'être partisan. À partir de là, on dit: Si vous voulez être candidat à une élection, vous en avertissez le sous-procureur chef et vous êtes reclassé dans un poste équivalent, mais pas comme substitut, comme juriste. Cependant, vous pourrez revenir après 1 mois, 2 mois, 3 mois, peu importe. Vous pouvez revenir lorsqu'un concours est là. Vous vous présentez au concours, et le jury va vous poser des questions sur cette expérience politique et les conséquences sur la façon dont vous allez pouvoir vivre avec ça, comme l'objectivité. Et là, comme dans tous les concours, le jury va décider.

Sans ça, qu'est-ce que ce serait comme solution? Ce serait lui donner le droit de redevenir substitut après un laps de temps. Mais vous ne pouvez pas le faire, ça, après un laps de temps, parce que dans certains cas ça peut être 1 mois, dans certains cas ça peut être 2 semaines, dans certains cas ça peut être 1 an. Vous ne pouvez pas le déterminer. Ça va d'une élection municipale à une élection fédérale ou provinciale. Et on ne le met pas au niveau politique. Ce n'est pas le ministre qui décide, c'est un jury qui est là, dans la fonction publique, parce qu'il s'agit de fonctionnaires.

M. Bélanger (Anjou): À cet effet-là, peut-être, est-ce que le ministre...

Le Président (M. Dauphin): M. le député.

M. Bélanger (Anjou): ...pourrait me faire part de ses commentaires quant à la suggestion faite par Pierre-F. Côté, qui, lui, suggère: Au plus tard 2 ans après l'attribution du nouveau classement, la personne qui en fait l'objet peut choisir d'être intégrée dans ses fonctions de substitut permanent avec le classement qu'elle avait avant l'attribution de son nouveau classement. La réintégration du substitut permanent ne peut entraîner une diminution du traitement régulier ni des avantages sociaux auxquels il avait jusqu'alors droit.

M. Rémillard: Tout d'abord, 2 choses. Tout d'abord, en ce qui regarde les avantages et le rang, le projet de loi les garantit.

M. Bélanger (Anjou): Oui, il le garantit déjà.

M. Rémillard: Ça, il le garantit, il n'y a pas de problème là-dedans.

M. Bélanger (Anjou): D'accord.

M. Rémillard: Moi, je crois que notre façon de voir les choses est plus large et généreuse que ce que dit ici le Directeur général des élections, parce qu'il dit: au plus tard dans 2 ans. Nous autres, on ne met pas de date. Ça peut être dans 3 semaines, dans 1 semaine. Prenez l'exemple de quelqu'un qui se présente comme échevin dans une élection municipale. J'ai l'impression que le Directeur général des élections n'a vu que des élections fédérales ou provinciales, surtout des élections provinciales. Il n'a pas tenu compte que ça peut être aussi au niveau municipal ou à tout autre niveau, au niveau scolaire aussi. Ça peut être pour des activités partisanes, aussi. Il a fait son raisonnement, que je trouve valable — je ne dis pas que ce n'est pas valable, au contraire — strictement dans l'optique d'élections provinciales, alors que ça ne s'applique pas seulement dans ce cas-là, ça s'applique dans toute activité partisane.

M. Bélanger (Anjou): Mais c'est parce que... Je pense que le ministre conviendra avec moi que, quand on prévoit la possibilité de repostuler un examen, il n'est pas évident que l'examen qui pourrait... Premièrement, il n'y en a pas tout le temps des examens. Ça vient à fréquences, dépendamment des périodes d'embauché, des conjonctures économiques. D'après moi, il n'y aura pas beaucoup de concours pendant les prochains mois, vu les restrictions. Ce n'est pas non plus garanti que ce concours-là peut être dans le district judiciaire où la personne travaillera, en plus. Moi, je ne sais pas, si la personne était procureur de la couronne, je ne sais pas moi, dans la région de Rouyn, et 2 ans plus tard, elle décide qu'elle veut réintégrer et il n'y a pas de concours à Rouyn, il n'y a que des concours à Montréal et à Québec, je ne sais pas...

M. Rémillard: Oui, mais...

M. Bélanger (Anjou): Je comprends que le ministre ne veut pas vraiment s'engager à favoriser la réintégration de la personne à partir du moment... Je comprends la préoccupation du ministre à l'effet qu'on doit voir à ce que la personne remplisse toujours les conditions au niveau de la compétence, au niveau des qualifications, et aussi qu'on ait une certaine assurance qu'elle ne veuille pas faire de la politique. Ça, je suis entièrement d'accord avec ça. Mais c'est quand même, c'est juste cette façon...

M. Rémillard: Écoutez, ce n'est pas un projet de loi du ministre. C'est moi qui le pilote, mais je veux dire...

M. Bélanger (Anjou): Oui, oui, je comprends.

M. Rémillard: ...ça nous touche tous à l'Assemblée nationale et à bien des niveaux. J'essaie de trouver les meilleures solutions, je vous avoue. Je vois mal comment on peut mettre... Parce que la seule autre possibilité, ce serait de mettre des dates fixes, c'est-à-dire après 2 ans, comme dit, par exemple, le Directeur général des élections. Mais ça, c'est penser strictement en fonction d'une élection au niveau provincial ou encore fédéral. Ce n'est pas penser à ce qui peut se passer au niveau municipal, au niveau scolaire ou encore d'une simple activité partisane.

Moi, il me semble que c'est la meilleure garantie qu'on peut donner. Sinon, si on ne veut pas donner cette

garantie-là, que quelqu'un peut se représenter dans un concours et qu'un jury l'apprécie, comme dans n'importe quel autre concours, à ce moment-là, il faudrait dire qu'il est réintégré dans ses fonctions après un certain temps. Je pense qu'on ne peut pas faire ça. C'est ça, le problème. On l'a étudié, ça, d'un côté comme de l'autre. On a pris ça en considération. On a essayé de trouver une solution. Il n'y en a pas, de solution. La seule solution, c'est que ça peut... S'il y a un concours qui s'ouvre 1 mois après, 3 semaines après, et qu'il se représente, je dirais, 2 semaines après... Il a fait un acte politique. C'est évident que c'est un acte politique. Il revient et veut se représenter à un concours. Pourquoi on ne lui permettrait pas de le faire?

Dans un sens, je considère que, avec l'amendement qu'on apporte, c'est plus large, c'est plus généreux que ce qu'on proposerait avec un temps fixe.

M. Bélanger (Anjou): M. le Président, peut-être une information...

Le Président (M. Dauphin): M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): ...par rapport à la démarche de nos travaux. Puisque c'est le dernier article qu'il nous reste, et je pense que le ministre était d'accord que nous voulions peut-être échanger sur les propos contenus dans la lettre du Directeur général des élections, est-ce qu'on devrait faire l'échange et, après, adopter l'article? Ou on pourrait adopter l'article et continuer les échanges uniquement là-dessus.

M. Rémillard: M. le Président, ce que je vous suggère, c'est d'adopter l'article. J'ai proposé un amendement.

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: Si vous voulez, on peut adopter l'article tel qu'amendé. On discute des commentaires de M. Côté. Tout article accepté peut être revu.

M. Bélanger (Anjou): Bon, d'accord.

M. Rémillard: Aucun article accepté... Du consentement des membres de cette commission, M. le Président, on pourra revenir sur tout article si on juge à propos...

Le Président (M. Dauphin): C'était effectivement l'entente...

M. Rémillard: .. .de revenir sur un article.

Le Président (M. Dauphin): ...que nous avions prise...

M. Rémillard: C'est ce qu'on avait décidé.

Le Président (M. Dauphin): ...avant la relâche pour le dîner. Alors, on peut, si je comprends bien, adopter l'amendement qui prévoit un ajout, l'article 9.11, à l'article 7 du projet de loi. Alors, si je comprends bien, l'amendement est adopté, ajoutant l'article 9.11. Si vous me permettez, on avait suspendu 9.4. Nous devrions aussi adopter l'article 9.4. Alors, l'article 9.4 est adopté. Par conséquent, l'article 7 est adopté tel qu'amendé. Maintenant, libre à la discussion, et nous adopterons le projet de loi suite à nos discussions. Ça va?

M. Bélanger (Anjou): Oui, d'accord. M. le Président, relativement aux commentaires ou à l'opinion émise par le Directeur général des élections, je vois que certaines des préoccupations qui avaient fait l'objet de débat de notre part au début de l'étude du projet de loi sont partagées par le Directeur général des élections, en particulier le fait que le Directeur général des élections semble être d'avis que le fait d'interdire à un substitut du Procureur général d'être candidat à une élection va porter manifestement atteinte à l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. M. Côté même va plus loin en disant qu'il ne pense pas qu'une telle restriction serait jugée raisonnable par les tribunaux. Vous avez des opinions juridiques. Est-ce que vous seriez en mesure de les déposer?

M. Rémillard: Vous savez que ce n'est pas possible de déposer des opinions juridiques du ministère de la Justice, mais je peux faire témoigner, par contre... Vous pouvez venir témoigner, madame? Je peux demander...

M. Bélanger (Anjou): D'accord.

Le Président (M. Dauphin): Me Aube.

M. Rémillard: ...à Me Aube de venir témoigner. M. le Président, c'est à la lumière de la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Osborne. Nous sommes convaincus que les mesures proposées dans le projet de loi se justifient au regard de la Charte, mais je vais demander à Me Aube, donc, de voir les commentaires.

Le Président (M. Dauphin): Me Aube.

Mme Aube: Oui, effectivement, suite à... Il y a certainement une atteinte au droit démocratique prévu à l'article 3 de la Charte canadienne. Par contre, nous sommes d'avis, quant à nous, que cette atteinte-là pourrait être justifiée à partir de l'article premier de la Charte canadienne, puisque la Cour suprême, dans l'arrêt Osborne, a justement examiné les activités politiques de certains fonctionnaires et, dans sa décision, a dit que, finalement, on pouvait moduler selon les fonctions qu'exercent les fonctionnaires. C'est qu'on peut porter atteinte aux droits démocratiques, mais il fallait moduler ça en fonction du rôle joué par les fonctionnaires, qui ne pensaient pas qu'il y aurait une restriction complète pour ce qui est de tous les fonctionnaires, peu importe

le rang qu'ils occupent. Nous, nous estimons que, étant donné le rang occupé par les substituts du Procureur général, c'est une mesure qui est justifiable. (23 h 40)

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Maintenant...

M. Rémillard: Donc, vous ne partagez pas... Excusez-moi, M. le député, juste pour vérifier. Est-ce que vous avez lu les commentaires du Directeur général?

Mme Aube: Nous sommes d'avis, nous, qu'on aurait de bonnes chances de justifier l'atteinte.

M. Bélanger (Anjou): De bonnes chances?

Mme Aube: C'est-à-dire de bonnes chances, bien, qu'elles sont justifiables, mais je ne peux pas présumer de la décision des tribunaux, là, parce que ça pourrait être soumis aux tribunaux. Mais, d'après la décision Osborne, la Cour dit vraiment qu'on peut moduler l'atteinte selon les fonctions occupées. Puis elle disait qu'on ne devrait pas avoir les mêmes exigences pour quelqu'un qui occupe un poste d'agent de bureau que pour quelqu'un qui occupe des hautes fonctions dans la fonction publique. Nous sommes d'avis qu'être substitut du Procureur général, c'est occuper des fonctions qui nécessitent une neutralité. Dans ce sens-là, la preuve... Évidemment, je ne veux pas me substituer à ce que la Cour suprême pourrait décider. C'est dans ce sens-là que je dis que pourrait... Nous estimons, effectivement. ..

M. Bélanger (Anjou): D'accord. Mme Aube: ...que ce serait justifiable.

M. Bélanger (Anjou): Maintenant, M. le Président, le deuxième point — je vous remercie, Me Aube — c'est que M. Côté semblait être d'avis que le fait d'être membre d'un parti politique ou de verser une contribution à un parti politique ou à une instance d'un parti politique, que le fait de déclarer que c'est un geste de nature partisane, d'après Pierre-F. Côté, cette disposition va à rencontre de la Loi sur la fonction publique, en particulier l'article 12. Est-ce que vous avez fait une recherche relativement à ça? Est-ce que vous avez vérifié ce point-là?

M. Rémillard: Je vais demander à Me Mercier, si vous voulez, de venir commenter ce dernier point.

M. Mercier: II n'y a rien qui interdit, dans une loi particulière, de déroger à la Loi sur la fonction publique.

M. Bélanger (Anjou): II n'y a pas d'ordre public? C'est ça que vous voulez dire?

M. Mercier: On peut toujours déroger dans une loi particulière, ce qui est déjà prévu, de toute façon, dans la Loi sur les substituts, à l'article 5. Alors, la problématique des activités politiques prévues dans la Loi sur la fonction publique n'est pas la même que celle qu'on a ici. L'importance du but que l'on vise aujourd'hui constitue, je pense, ce motif raisonnable pour déroger aux principes généraux de la Loi sur la fonction publique, qui n'a pas de valeur prédominante en soi. C'est une loi normale, ordinaire. Ce n'est pas une charte, ici, là.

M. Bélanger (Anjou): Non, je comprends.

M. Rémillard: M. le Président, c'est que la Loi sur la fonction publique parle de l'ensemble des fonctionnaires. Or, ici, nous avons une catégorie de fonctionnaires particuliers visés par une loi en fonction d'une situation particulière quant à l'exercice de leurs fonctions. Alors, je ne crois pas que la remarque du Directeur des élections est pertinente, mais elle ne nous empêche pas, comme législateurs, de prévoir une situation particulière.

M. Bélanger (Anjou): Maintenant, un dernier point, M. le Président, que je trouve intéressant dans les interrogations que se pose Pierre-F. Côté relativement au projet de loi, c'est relativement au fonctionnement et au déroulement d'une élection, dans le sens qu'un substitut ne peut pas s'engager dans une activité politique tant et aussi longtemps qu'on ne lui a pas affecté un nouveau classement. Alors, il peut arriver des fois qu'une décision de se lancer en politique se prenne un peu à la dernière minute alors que l'élection vient d'être déclenchée. Alors, je pense, à juste titre, que M. Côté nous fait montre qu'il pourrait arriver... Ou, finalement, si ce classement tarde, la personne pourrait se voir brimée dans son droit de se porter...

M. Rémillard: C'est très rapide. C'est pour ça qu'on a insisté... Vous vous souvenez, dans nos discussions, on avait soulevé ce cas-là, justement. Dans 9.5, on dit: «dans les meilleurs délais».

M. Bélanger (Anjou): Oui.

M. Rémillard: Voyez-vous, c'est administratif. Écoutez, le substitut, il téléphone au sous-ministre, puis il lui dit: Moi, je veux me porter candidat, ou je veux faire telle activité politique. C'est rapide, c'est rapide. Ce n'est pas un processus, là, qui est compliqué, devant un juge, c'est quelques heures, quelques heures. Ce n'est pas compliqué, ça, c'est quelques heures. Ça peut être même quelques minutes, s'il le faut. Vous savez, le sous-ministre est là, et il prend une décision. C'est dans les meilleurs délais. Moi, je ne vois pas vraiment, là, d'inquiétude à ce niveau-là.

M. Bélanger (Anjou): Donc, si je comprends bien, M. le Président, c'est que, d'après les commentaires du ministre, en quelques heures, on peut procéder à

un reclassement de...

M. Rémillard: Ah! bien oui. M. Bélanger (Anjou): Ah oui?

M. Rémillard: Bien, en ce sens que... Attention, reclassement, c'est que, dans quelques heures, on dit: II sera reclassé. Maintenant, à savoir s'il va se retrouver juriste à l'Agriculture ou juriste ici, c'est fait en consultation. Il faut qu'on lui parle et qu'on dise ses intérêts, et tout ça.

M. Bélanger (Anjou): Mais ça lui enlèvera son interdiction de se présenter en politique.

M. Rémillard: C'est ça. Alors, lui, il peut se lancer en politique.

M. Bélanger (Anjou): Ah! d'accord.

Le Président (M. Dauphin): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Parmi les remarques du Directeur général des élections, moi, c'est le point 3 qui me questionnait. Lorsque le Directeur général des élections dit: L'article 9.2 va encore plus loin et laisse croire que le droit de vote est une activité de nature partisane. En effet, comme l'on précise que l'exercice du droit de vote ne sera pas une activité de nature partisane pour un substitut, cela implique nécessairement que le même droit de vote est en fait une activité de nature partisane pour les autres. Et là, effectivement, moi aussi, je me questionne, là. D'être obligé d'inscrire que ce n'est pas une activité de nature partisane, le fait d'exercer son droit de vote... Est-ce que c'est vraiment nécessaire de l'indiquer dans la série des activités?

M. Rémillard: Voici, M. le Président... Le Président (M. Dauphin): M. le ministre.

M. Rémillard: ...le Directeur général des élections, je crois que, à bon droit, veut être sûr que tout est conforme à l'esprit de la Loi électorale, et je reçois ses commentaires avec beaucoup d'intérêt, mais, là-dessus, il s'agit d'une technique de rédaction législative. Comme on avait établi une liste pour dire ce qui était partisan, on voulait s'assurer que certaines choses qui sont évidentes dans le système électoral ne seront pas considérées comme partisanes. Alors, on a parlé, à ce moment-là, du droit de vote. Mais ça ne veut absolument pas dire que le droit de vote, dans d'autres circonstances, pourrait être interprété comme un vote partisan, d'aucune façon. Moi, les légistes, ici, je peux demander à Me Mercier de compléter ma réponse, mais, pour moi, 9.2 n'est pas normatif mais interprétatif pour les fins de la présente loi. Mais je peux demander à Me

Mercier... Me Mercier, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Mercier: Non, je pense qu'il n'y a pas d'autre chose à ajouter que ça. Ça n'a pas de portée, ce n'est pas une norme qui a une valeur absolue en soi. Ce n'est qu'une simple disposition interprétative, pour les fins de notre projet de loi, sans plus. Donc, on ne peut pas lui prêter une portée normative, là, par rapport à d'autres, je ne pense pas.

M. Rémillard: Ça, c'est...

Mme Caron: Mais...

M. Rémillard: .. .votre conclusion comme légiste?

M. Mercier: Oui.

Mme Caron: Pourquoi est-ce que vous avez jugé important de l'ajouter? Ce n'est pas une activité de nature partisane, ça, d'exercer son droit de vote. Pourquoi est-ce que vous avez jugé bon de le repréciser?

(Consultation)

M. Rémillard: Alors, le danger, M. le Président, comme les légistes me le font remarquer, c'est que, à la liste énoncée à 9.1, les tribunaux puissent interpréter dans un sens plus large et en arrivent à dire que le droit de vote pourrait être, à ce moment-là, partisan. On voulait s'assurer qu'il n'y avait pas d'extension possible. Alors, c'est ce que j'expliquais tout à l'heure. Comme il y avait une liste d'établie, on voulait s'assurer que la liste était vraiment limitative.

Mme Caron: Je vous remercie. M. Bélanger (Anjou): O.K.

Le Président (M. Dauphin): Pas d'autres commentaires? Alors, ça va? On va...

M. Bélanger (Anjou): Parfait.

Le Président (M. Dauphin): Je me dois de vous demander d'adopter les sections du projet de loi. Adopté?

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté.

Est-ce que l'ensemble du projet de loi, tel qu'amendé, est adopté? (23 h 50)

M. Bélanger (Anjou): Adopté.

Le Président (M. Dauphin): Adopté.

Donc, le projet de loi 88 a été adopté; le projet de loi 94 est adopté; le projet de loi 93, nous avons un article en suspens et nous ferons la prochaine fois, évidemment, le projet de loi 87.

Alors, nous ajournons nos travaux sine die, c'est-à-dire jusqu'au prochain ordre de la Chambre. Merci beaucoup et bonne nuit.

(Fin de la séance à 23 h 51)

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