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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 7 mars 2000 - Vol. 36 N° 49

Consultation générale sur le projet de loi n° 86 - Loi sur la police


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Roger Bertrand, président
M. Marc Boulianne, président suppléant
M. Serge Ménard
M. Jacques Dupuis
M. Jacques Côté
M. Yvon Vallières
M. Roger Paquin
M. Henri-François Gautrin
*M. Daniel Langlais, ADPPQ
*M. Tony Cannavino, APPQ
*M. Robert Castiglio, idem
*M. Denis Allaire, MRC du Val-Saint-François
*M. Guy-Lin Beaudoin, idem
*M. Mike Doyle, idem
*M. Gerald Badger, idem
*M. Alain Simoneau, FPCUM
*M. Louis Monette, idem
*M. Dan Philip, La Ligue des Noirs du Québec
*M. Édouard Narcisse, idem
*M. Bernard Morin, Fédération des cégeps
*M. Michel Nicolas, idem
*Mme Marie Gagnon, idem
*Mme Louise Gagnon-Gaudreau, IPQ
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la présente séance ouverte. La commission des institutions est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police.

À ce moment-ci, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Pelletier (Chapleau) est remplacé par M. Vallières (Richmond).

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Je rappelle le menu de la journée. À l'ordre du jour, donc, nous rencontrons successivement, à partir de maintenant et pour des périodes d'une heure pour chaque groupe, d'abord l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec; ensuite l'Association des policiers provinciaux du Québec; et la municipalité régionale de comté du Val-Saint-François; nous suspendons nos travaux à 12 h 30, pour reprendre à 14 heures avec des représentants de la Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal; de La Ligue des Noirs du Québec; de la Fédération des cégeps; et nous terminerons avec un dernier groupe, les représentants de l'Institut de police du Québec, pour ajourner vers 18 heures. Est-ce que ce projet d'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. J'ai donc le plaisir d'inviter à s'asseoir à la table les représentants de l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec, et notamment son président, M. Daniel Langlais.

Je rappelle, M. Langlais, que nous avons à notre disposition une période d'une heure et qu'une vingtaine de minutes sera consacrée – enfin, une limite de 20 minutes – à la présentation de votre mémoire. Par la suite, nous passerons aux échanges. J'aimerais à ce moment-ci vous inviter à prendre la parole en nous présentant également les personnes qui vous accompagnent.


Association des directeurs de police et pompiers du Québec (ADPPQ)

M. Langlais (Daniel): M. le Président, M. le ministre, Me Dupuis, mesdames, messieurs, collègues directeurs qui nous accompagnent pour cette présentation. Mon nom est Daniel Langlais. Je suis directeur du Service de police de la Haute-Saint-Charles et président de l'Association des directeurs de police du Québec. C'est à ce deuxième titre que je m'adresse à vous ici aujourd'hui. Je suis accompagné pour la circonstance de notre directeur général, M. Audy, et de Me Lili-Pierre Trottier-Lapointe, conseillère juridique.

L'Association que nous représentons regroupe plus de 500 cadres qui proviennent de plus de 130 organisations policières au Québec. À nous se joignent plusieurs membres d'organisations partenaires. L'Association fêtera en 2001 son 75e anniversaire. Notre mission consiste essentiellement à représenter nos membres dans l'amélioration de la sécurité publique, de l'évolution de la profession ainsi que de l'organisation policière. Cette présentation est faite au nom des directeurs de police des quelque 130 corps de police municipaux au Québec. Le SPCUM, la Sûreté du Québec et la GRC, quoique faisant partie de l'Association, ont décidé soit de se représenter eux-mêmes ou soit de s'abstenir de déposer un mémoire.

C'est non seulement avec plaisir, mais aussi avec fierté que l'Association des directeurs de police du Québec profite de l'opportunité qui lui est offerte de participer encore une fois à l'avancement de la fonction policière. Le document que nous présentons aujourd'hui est le fruit d'une réflexion collective et reflète non seulement l'opinion des directeurs de police, mais aussi leurs principales préoccupations. En effet, malgré le peu de temps à notre disposition, nous avons lancé une vaste consultation à la grandeur du Québec afin que tous puissent s'exprimer à travers ce mémoire.

Comme vous avez sûrement pu le constater, notre objectif aurait été non seulement de bonifier le projet de loi n° 86, mais aussi d'amorcer avec nos membres une réflexion plus globale. Nous n'avons pas aujourd'hui l'intention de reprendre notre mémoire dans les moindres détails. Nous aborderons surtout les grands principes de même que nos préoccupations les plus importantes qui feront l'objet de notre exposé, ce qui vous permettra d'avoir le maximum de temps pour explorer plus à fond notre document.

Dans un premier temps, permettez-nous de résumer en quelques mots le contenu de la réflexion que nous avons produit. Il se compose de trois parties: la première partie constitue en quelque sorte un rappel historique des étapes charnières de l'évolution de l'organisation policière au Québec. Pour bien comprendre les différents enjeux et défis qui nous attendent aujourd'hui au niveau de l'organisation policière, il est intéressant de se situer dans le contexte historique dans lequel s'inscrit le projet de loi n° 86. Le présent exposé effleurera évidemment certaines de ces questions, mais, pour plus de détails, nous vous référons directement à la première partie de notre mémoire.

Dans la deuxième partie du mémoire, nous y allons de nos recommandations plus spécifiques relativement au projet de loi n° 86. Sans être une analyse article par article, c'est quand même une analyse très spécifique des sujets traités par le projet de loi. Dans cette partie, l'Association présente donc ses commentaires et suggestions de modifications relativement aux sujets et aux articles qui sont apparus à ses membres comme étant les plus importants. Ici encore, plutôt que de reprendre le mémoire que vous avez tous sous les yeux mot par mot, nous avons plutôt choisi de mettre l'accent sur les points que nous jugeons les plus essentiels.

Enfin, en troisième partie de notre mémoire, vous retrouverez deux propositions que l'Association des directeurs de police du Québec souhaitent soumettre au gouvernement. Ces deux propositions sont, selon nous, de véritables conditions préalables qui sont nécessaires afin que les mesures prises par le projet de loi n° 86 puissent répondre aux attentes et rencontrer les objectifs visés.

À l'aube de l'an 2000, nous sommes conscients plus que jamais des problèmes mis en lumière par les récents rapports Bellemare, Corbo et Poitras. À quels problèmes devons-nous répondre aujourd'hui? D'une part, il y a la solidarité syndicale qui semble avoir pris racine au sein de certains corps de police et qui, aux dires du ministre, est directement visée par le projet de loi n° 86. D'autre part, il y a la formation policière dont les lacunes ont été longuement soulevées par les rapports Bellemare et Corbo. Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier les problèmes relatifs aux relations professionnelles parfois tendues entre les gestionnaires, les représentants de l'employeur et les autorités syndicales à l'intérieur de certaines organisations.

Enfin, un grand absent du projet de loi: l'équilibre entre l'indépendance policière et le contrôle politique, cette indépendance qui assure aux citoyens un traitement impartial. Ce sont les problèmes auxquels le projet de loi n° 86 se doit de répondre. Et comment le projet de loi entend effectivement corriger ces problèmes?

(9 h 40)

En fait, le projet de loi n° 86, c'est d'abord l'amalgamation de la Loi de police et de la Loi sur l'organisation policière. On prend deux lois, on les a raboutées et on en fait ainsi une seule loi. Parallèlement à ça, il y a un effort considérable de reformulation qui a été entrepris. La nouvelle loi est mieux divisée, plus facile à comprendre, plus actuelle. Mais, pour ce qui est des véritables changements qui sont supposés apporter une réponse aux préoccupations et aux problèmes soulevés par les directeurs de police, on sent une certaine timidité.

En fait, il y a certaines recommandations formulées dans les rapports Bellemare et Poitras qui sont insérées, mais surtout des recommandations du rapport Corbo sur la formation policière. Ces changements au niveau de la formation sont certainement souhaitables et accueillis très positivement par l'Association des directeurs de police du Québec, mais ils sont à notre avis insuffisants. À eux seuls, ces changements ne pourront pas relever les défis qui nous préoccupent tant.

Par le biais d'une nouvelle obligation de dénonciation, on entend régler le problème de la loi du silence. L'Association des directeurs de police considère que ce n'est certainement pas à coups de 200 $ d'amende qu'on va réussir à changer cette culture, cette mentalité qui est derrière le phénomène de la solidarité syndicale.

Évidemment, il y a aussi la destitution automatique d'un policier reconnu coupable d'un acte criminel qui est prévue par le projet de loi. Il est bien certain que cette destitution automatique est rassurante pour le public. Mais, dans les faits, il faut être conscient qu'elle n'apporte pas grand-chose de nouveau, puisqu'elle ne fait que codifier une pratique disciplinaire qui est déjà bien établie de toute façon dans bien des organisations.

Afin de mieux contrôler l'organisation policière, le projet de loi prévoit que les corps de police devront fournir une série d'informations au ministre de la Sécurité publique: le nombre de mandats de perquisition demandés ou le suivi des dossiers disciplinaires en cours, par exemple. L'Association des directeurs de police n'a rien contre le fait de devoir transmettre ces documents. Par contre, on s'interroge sur l'utilisation qui pourra en être faite.

Évidemment, il y a aussi la nouvelle obligation pour les villes d'adopter un code de discipline qui est prévu pour mettre un frein à la déviance et à la loi du silence. À ce sujet, l'Association des directeurs est d'avis que l'adoption d'un code disciplinaire est une chose, mais que l'efficacité du système disciplinaire en est une autre. Qu'est-ce que le gouvernement entend faire d'une municipalité qui s'ingérerait indûment dans le système disciplinaire en infirmant des décisions prises par les autorités disciplinaires à l'égard de policiers?

Il faut garder à l'esprit qu'une faute n'a pas besoin d'être déontologique au sens de la Loi sur l'organisation policière pour être grave. C'est le directeur, de concert avec la municipalité, qui est responsable de la discipline au sein de son corps de police. Pour qu'il puisse s'acquitter de ce mandat efficacement, il est primordial qu'il bénéficie de l'indépendance nécessaire, et le projet de loi est justement complètement silencieux quant à cette indépendance qui est pourtant nécessaire au bon accomplissement des tâches des directeurs.

Ce qui est important pour protéger l'indépendance, c'est qu'il existe un équilibre entre le pouvoir politique et le pouvoir policier. En d'autres mots, c'est d'avoir l'assurance que le pouvoir politique ne puisse interférer dans l'action légitime de la police. Il faut s'assurer qu'aucune menace ne plane sur le directeur qui accomplit son travail. Ceci n'empêche pas l'obligation de rendre compte.

Pour s'assurer que les motifs qui sont derrière une réduction de traitement ou une destitution d'un directeur sont des motifs valables qui justifient la sanction imposée et non pas des prétextes qui cachent une culture d'ingérence et de contrôle politique sur le directeur de police, le gouvernement a prévu un droit d'appel devant trois juges de la Cour du Québec. Le directeur destitué ou dont le traitement a été réduit peut faire réviser les motifs de la municipalité devant un tribunal indépendant. La Cour doit alors se demander si nous sommes en présence de motifs valables qui justifient véritablement une destitution ou une réduction de traitement ou si, au contraire, nous faisons face à une municipalité qui tente de se débarrasser élégamment de son chef de police.

Dans le courant de la dernière année, la Cour suprême a rendu une décision dans le dossier Fernand Gagnon versus la ville de Chambly. Pour plus de détails sur l'effet de cette affaire de même que sur les motifs de la décision, je vous réfère aux pages 36 et suivantes de notre mémoire. Essentiellement, la Cour suprême a décidé que le directeur ne bénéficiait pas de droit d'appel en cas de non-renouvellement de son contrat de travail. En fait, le législateur, à l'article 79, parle de destitution, or un non-renouvellement, selon la Cour suprême, ne serait pas une destitution.

Cependant, la Cour mentionne que le législateur pourrait amender la loi pour préciser le contraire s'il l'estime approprié. L'Association des directeurs de police est d'avis qu'il est non seulement approprié de le faire, mais qu'il est également nécessaire et urgent de procéder à ces modifications. En fait, le problème, c'est que, depuis la décision de la Cour suprême, de plus en plus de municipalités pourraient être tentées d'engager leur chef pour une courte période et n'auraient besoin d'aucun motif à invoquer pour mettre fin à l'emploi.

L'Association estime que les deux moyens les plus appropriés pour rétablir l'indépendance policière seraient, d'une part, d'obliger les municipalités à faire signer un contrat d'une durée déterminée d'une période d'au moins cinq ans ou encore d'ouvrir le recours à l'article 97 du projet de loi non seulement aux cas de destitution et de réduction de traitement, mais également aux cas de non-renouvellement de contrat. En consacrant l'indépendance policière de cette façon, personne n'y perd. En fait, si les motifs de non-renouvellement sont valables, la Cour confirmera la décision de la ville. Dans le cas contraire, le chef pourra être réintégré dans ses fonctions.

L'Association des directeurs de police ne saurait trop insister sur la nécessité de réagir et de modifier le projet de loi de façon à protéger le principe de l'indépendance policière. Avoir des mécanismes efficaces qui permettent de consacrer l'indépendance, c'est assurer que la justice est la même pour tout le monde, c'est un équilibre qui est nécessaire.

Par contre, pour résoudre le problème de la loi du silence et de la déviance, le projet de loi prévoit essentiellement l'obligation de la dénonciation, la destitution automatique pour les policiers reconnus coupables d'actes criminels, l'obligation pour les villes d'adopter un code de discipline et l'obligation pour les corps de police de fournir certaines informations au ministre. Nous l'avons vu, ces moyens ne sont pas mauvais en soi mais sont-ils suffisants?

Pour ce qui est des relations professionnelles tendues entre les autorités syndicales et les directions, le projet de loi est silencieux; silencieux également quant à l'indépendance policière.

Dans ce contexte, l'Association des directeurs de police est forcée de constater que les mesures envisagées ne sont pas suffisantes à elles seules pour répondre aux grands problèmes de l'organisation policière. Selon nous, c'est une réforme globale qui devrait être envisagée. Il faut arrêter de voir le contrôle de l'organisation policière comme un ensemble de mesures disparates et décousues sans lien les unes aux autres. Il faut arrêter de chercher des solutions à la pièce. Il faut plutôt revoir l'ensemble de l'organisation policière et ses mécanismes de contrôle comme un tout intégré, cohérent et homogène.

Et, pour ça, l'Association est d'avis qu'il convient d'abord de revenir au modèle d'un organisme multifonctionnel unique et véritable spécialisé en matière policière; un seul organisme où seraient regroupés les principaux mécanismes de contrôle de l'activité policière, un organisme permettant au pouvoir politique de garder une distance qui lui permet d'avoir plus de recul face à certains dossiers.

Évidemment, cette suggestion n'est pas sans rappeler la défunte Commission de police du Québec. D'ailleurs, récemment, je feuilletais les transcriptions des commissions parlementaires qui entouraient la création de la Commission de police, et on mentionnait que M. Gérard Tobin, alors président de l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec, témoignait devant la commission de l'époque et félicitait le gouvernement pour son heureuse initiative de mettre sur pied une commission de police réclamée depuis tant d'années.

En 1968, la nouvelle Commission de police était une garantie qui venait combler la nécessité de protéger le public face à un pouvoir policier. En même temps, ce modèle constituait une espèce de sécurité additionnelle qui permettait aux policiers d'accomplir leur travail sans crainte de pression indue. Cette institution indépendante permettait à cette époque de protéger et de préserver la séparation des pouvoirs policiers et des pouvoirs politiques.

Évidemment, pour toutes sortes de raisons, après 1968, la fameuse Commission de police a dû faire face à bien des critiques. Entre autres, on lui reprochait de n'avoir que des pouvoirs de recommandation. Cette situation entraînait des risques de contradiction entre ses recommandations et les décisions des arbitres de griefs. On reprochait aussi à la Commission de police de jouer un double rôle d'enquête et de décision qui soulevait de nombreux conflits d'intérêts. On se souvient, par exemple, de directeurs qui ont été congédiés par leur ville à la suite d'une recommandation de la Commission de police et qui n'avaient d'autre choix, s'ils voulaient contester la décision, que d'en appeler devant la même Commission.

En plus de ça, dans les années qui ont suivi, on a assisté à une duplication des pouvoirs de la Commission de police avec ceux accordés à la Direction générale de la sécurité publique et au Procureur général. Nous ne reviendrons pas là-dessus; je vous réfère plutôt à la première partie de notre mémoire. Mais ce qu'il faut retenir par contre, c'est que cette duplication des pouvoirs affaiblissait considérablement la Commission de police. En fait, malgré tout ce qu'on a pu lui reprocher, c'est la structure de la Commission et les pouvoirs non exécutoires qui lui étaient accordés par le gouvernement qui ont fait en sorte qu'elle n'était pas en mesure de bien remplir son mandat.

(9 h 50)

Évidemment, en analysant l'évolution des modifications législatives qui ont éventuellement mené à son abolition, on ne peut pas s'empêcher de noter la politisation croissante du contrôle de l'activité policière. Cette politisation évidente allait directement à l'encontre des objectifs mêmes qui ont guidé le gouvernement dans la mise sur pied d'une Commission de police. En 1988, la Commission était donc abolie.

Aujourd'hui, après avoir applaudi à sa mise sur pied puis – il ne faut pas se le cacher – avoir réclamé son abolition, on se présente devant vous pour suggérer de vous orienter à nouveau vers un modèle similaire. J'espère qu'en l'an 2030 un de mes successeurs ne se présentera pas ici à nouveau pour en demander l'abolition... qu'on vous réclame aujourd'hui. Mais, plus sérieusement, ce qu'on vous propose, c'est loin d'être un retour en arrière.

En 1988, certains qu'un changement s'imposait, l'abolition de la Commission de police n'a peut-être pas été la meilleure des solutions. Avec du recul, la solution qui aurait dû être retenue, à notre avis, plutôt que de l'abolir, on aurait pu faire avec elle, d'une part, lui donner des pouvoirs exécutoires et, d'autre part, lui assurer une structure qui permette de la mettre à l'abri des conflits d'intérêts. À la place, on a choisi de l'abolir.

Pour ce qui est des pouvoirs de la Commission, certains ont disparu, ce qui a laissé un vide inquiétant. On peut penser au mandat général de la prévention du crime, au pouvoir d'établir des procédures de normes en matière policière, normes d'embauche. On se souvient que, à l'époque, la Commission fournissait un service pour l'évaluation des directeurs de police, pour la sélection des directeurs de police. On peut penser également au mandat de faire enquête sur le crime organisé ou même à l'inspectorat. Pour ce qui est d'autres pouvoirs, ils sont dispersés entre les organismes de déontologie policière, la Cour du Québec, le gouvernement et le ministre de la Sécurité publique. En fait, aujourd'hui, le contrôle de l'activité policière, c'est presque uniquement le système de déontologie policière.

Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, l'organisme que nous proposons et que nous pourrions appeler Conseil de la sécurité publique devrait pouvoir bénéficier de véritables pouvoirs exécutoires et exercer son mandat parallèlement à la structure de déontologie déjà en place. Et, pour éviter tout conflit d'intérêts quant à son rôle d'enquête et d'inspection, le droit d'appel dévolu aux cadres policiers devrait demeurer la compétence de la Cour du Québec. Tous les autres pouvoirs de contrôle de l'activité policière lui reviendraient. Cet organisme indépendant spécialisé en matière policière pourrait également assumer des fonctions de support aux corps de police, qui, tant sur le plan technique, administratif que juridique, sont bien trop souvent laissés à eux-mêmes.

La deuxième recommandation que nous désirons formuler, c'est la mise sur pied de commissions de sécurité publique dans le contexte de regroupement des services policiers du Québec. En d'autres mots, l'Association des directeurs de police du Québec est d'avis que, si les services de police comptaient des effectifs plus importants et qu'ils étaient soumis à des commissions de sécurité publique locales composées d'élus de plusieurs municipalités, les garanties d'indépendance, d'impartialité seraient bien plus grandes qu'elles ne le sont à l'heure actuelle.

Pour répondre à ces objectifs, ces commissions locales devraient chapeauter des services policiers de dimension importante et ne devraient en aucun cas être composées d'élus d'une seule municipalité. Il est bien évident que, s'il y a juste une ville, c'est difficile d'avoir des élus de plusieurs villes, de là l'importance de la commission qu'on vous proposait tout à l'heure.

En fait, les membres d'une telle commission devraient nécessairement bénéficier d'une indépendance politique qu'un ensemble d'élus d'une seule municipalité n'a pas toujours. Évidemment, cette recommandation implique que les regroupements tant attendus se concrétisent enfin. Pour cette raison, l'Association des directeurs de police du Québec questionne la pertinence de faire précéder la réorganisation de la carte policière par le projet de loi n° 86, une réforme de la loi avant même d'avoir décidé des orientations majeures sur des points aussi fondamentaux que la carte policière.

En terminant, nous n'avons surtout pas la prétention de croire que les deux changements structurels que nous proposons sont une panacée qui va régler tous les maux. L'Association des directeurs de police du Québec est plutôt d'avis que ces changements structurels jumelés aux solutions avancées par le projet de loi, sur le plan comportemental, sont une véritable combinaison gagnante.

Les mesures proposées par le gouvernement qui s'attaquent aux faiblesses de la culture policière sont nécessaires, mais, à elles seules, elles sont insuffisantes. Il faut en rechercher les causes. Pour avoir des chances d'apporter les résultats escomptés, les mesures proposées par le projet de loi doivent être appuyées par un changement significatif de la structure organisationnelle policière. Nous ne saurions trop insister sur le fait que la rédaction législative d'une telle loi n'a pas intérêt à être opérée en vitesse. L'enjeu est énorme.

L'Association des directeurs de police du Québec a donc la ferme conviction que le travail doit être poursuivi afin de faire de la législation encadrant le travail policier un tout cohérent animé du même esprit et de la même volonté d'équité, d'efficacité, de modernité et d'intégration. Et, dans la poursuite de ce travail majeur, le gouvernement peut certainement compter sur l'Association des directeurs de police du Québec. En fait, ce que nous souhaitons, c'est d'occuper notre habituelle position de collaborateurs, de partenaires du gouvernement pour ainsi mettre à contribution notre expertise dans la formulation d'orientations fondamentales en la matière.

L'Association des directeurs de police entend agir de concert avec les différents intervenants élus et syndicats, main dans la main, pour donner à nos concitoyens des forces policières transparentes, ce qui ferait en sorte que nous conserverons cette confiance du public essentielle à notre légitimité. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Langlais. Alors donc, je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. Alors, M. le ministre.

M. Ménard: Je vous remercie beaucoup, M. Langlais. Évidemment, j'attendais le rapport de votre Association avec beaucoup de... Enfin, je lui accorde beaucoup d'importance parce que, dans le passé puis encore aujourd'hui, votre Association a toujours fait preuve d'un réel souci d'améliorer la fonction policière au Québec. Je n'ai jamais senti nulle part, dans aucune de vos représentations, quelque corporatisme que ce soit, et j'ai toujours remarqué que les suggestions que vous nous faites sont inspirées du souci de servir l'intérêt public. C'est pourquoi j'attendais un rapport d'une grande qualité et je pense que c'est ce que nous avons eu.

Je suis sensible à certains des éléments importants que vous avez soulevés. C'est que, évidemment, j'avais l'impression d'avoir une grosse, grosse réforme sur laquelle il y a plusieurs aspects. Et je pense que, si j'avais attendu d'être prêt sur tout, il aurait fallu demander un autre mandat.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Et on n'aurait peut-être pas réalisé les choses.

M. Dupuis: ...

M. Ménard: Tant que les remarques partisanes sont juste à ce niveau, je suis convaincu qu'on peut quand même conserver la collaboration sous laquelle nous avons entrepris cette commission d'enquête pour le fond. Parce que nous sommes tous deux conscients que la réforme est nécessaire et qu'elle doit survivre à plusieurs gouvernements et plusieurs ministres. Bon.

Donc, je voudrais aller quand même dans le vif du sujet tout de suite. C'est évident que je partage entièrement vos préoccupations sur la politisation...

Le Président (M. Boulianne): Je m'excuse, M. le ministre, mais on a un problème de micro. Je ne sais pas si vous...

M. Ménard: Bien, c'est peut-être parce que j'ai tellement de documents que je ne réussis pas... En tout cas. Bon. Ça va, là?

Le Président (M. Boulianne): C'est beau?

M. Ménard: Une de vos préoccupations a trait à la politisation. Mais je comprends cependant, par les suggestions que vous faites à la fin comme d'ailleurs par les citations que vous donnez, par exemple, du livre de M. Tardif – il y a d'autre chose dans votre rapport – que votre inquiétude sur la politisation vient presque exclusivement, sinon – est-ce que ça marche encore? merci – même exclusivement, des petits corps de police. Est-ce que je me trompe? Je vous dis ça parce que je vois que vous faites beaucoup de recommandations sur la régionalisation des corps de police. Ce qui, je vous le dis tout de suite, est un de mes objectifs mais que je ne pouvais livrer avant la réforme municipale, qui, de toute façon, si elle n'allait pas au bout de ce qui est annoncé, sera faite en matière policière.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le ministre. M. Langlais, est-ce que vous voulez répondre, s'il vous plaît?

M. Langlais (Daniel): Oui. En partie, oui, mais il y a quand même des organisations, à un moment donné, d'une certaine dimension auxquelles ça pourrait arriver. Et, quand on réfère au document de M. Tardif, de l'époque, c'est que l'article 79 actuel permettait de garantir une certaine garantie d'impartialité ou, en tout cas, d'indépendance. L'article 79, avec la décision de la Cour suprême, risque – c'est bien sûr que, dans une grande organisation, ça peut être plus compliqué – qu'on resombre à un moment donné dans ces mêmes habitudes qu'il y avait à l'époque, qui étaient citées dans le cas de M. Tardif. Mais, effectivement, dans une organisation des fois qui est plus structurée, où le directeur n'est pas seul, ou avec un adjoint, c'est sûr que c'est peut-être plus facile d'appliquer la discipline. Probablement.

(10 heures)

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre.

M. Ménard: Bon. C'est parce que la solution à laquelle vous cherchez à nous amener équivaudrait pratiquement à nommer un chef de police, sur la bonne conduite, jusqu'à sa retraite. Bon. Est-ce que vous reconnaissez que l'on peut parfois... Et c'est légitime pour les autorités politiques de vouloir un changement de philosophie, par exemple si vous avez un chef qui est un excellent chef de police mais qui ne croit pas dans les vertus de la police communautaire, mais que vous en voudriez un autre. Est-ce que vous reconnaissez que, à la fin de son contrat, même si la personne ne s'est montrée coupable d'aucune... mais au contraire, que ce n'est pas le rôle... ou, enfin, c'est dans la juridiction ou un choix politique légitime que de vouloir mettre quelqu'un qui serait plus orienté vers la police communautaire, ou, par exemple, voyant des problèmes de gestion, avoir quelqu'un qui aurait une formation en gestion, qui apparaîtrait aux autorités politiques comme un meilleur gestionnaire?

M. Langlais (Daniel): Oui. C'est pour ça que dans notre mémoire on parle d'équilibre. Il faut absolument en fait que les municipalités puissent être en mesure de le remplacer si on a un chef de police qui n'a pas la compétence nécessaire. Et ce qu'on souhaite, c'est un équilibre entre les deux, de ne pas avoir un chef nommé nécessairement à vie qui ne correspondrait plus aux attentes du milieu, mais, pour ça, il y aurait peut-être moyen de trouver une façon de déterminer ça sans que ce soit... On signe des contrats dans le moment, on en voit de deux ans, on en voit trois jours-semaine, on en voit... C'est préoccupant.

M. Ménard: Alors, bon. On en revient à ça. Alors, si on avait la politique du minimum de cinq ans, déjà on aurait un énorme progrès. Mais je comprends de votre mémoire que ce ne serait pas absolu.

M. Langlais (Daniel): Ce n'est pas absolu. Il faut éviter qu'il y ait une épée de Damoclès qui soit au-dessus de la tête d'un directeur de police. Je pense que, comme citoyen, on a besoin d'avoir des chefs de police qui sont à l'aise dans leur travail et on ne peut pas faire de pression indue en fin de mandat. C'est bien sûr que, moi, je pense que ce serait, en mesure, prouvable que notre chef ne correspond pas à un modèle moderne de police, qu'il n'a pas mis de l'avant, qu'il ne s'est pas formé. Il faut laisser une place pour être en mesure de le faire. Ça, on en convient, là, très, très, très bien.

Mais il faut faire attention pour éviter... Et je pense que c'est de la responsabilité du gouvernement de décider, oui ou non, de le faire, de garder cette indépendance-là. Nous autres, on pense que c'est votre rôle de bien le cerner et de prendre les mesures nécessaires pour que le directeur de police, en fin de mandat, n'ait pas cette pression qui pourrait indûment lui faire poser des gestes qu'il n'aurait pas posés en temps normal. Mais il faut préserver l'équilibre effectivement.

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre.

M. Ménard: On nous a signalé aussi, quant aux mandats de courte durée, que c'est parfois le désir des autorités qui supervisent le corps de police de demander à un chef de police de venir faire un travail ponctuel qui peut durer un an ou deux. Je vous signale qu'à la Sûreté du Québec M. Gagné a demandé lui-même, dans ce cas-ci, de faire deux ans et demi et non pas cinq ans, comme c'était prévu à la loi. Qu'est-ce que vous pensez de cette possibilité?

Le Président (M. Boulianne): M. Langlais.

M. Langlais (Daniel): Oui. Écoutez, dans ce genre d'affaires là, c'est sûr qu'on peut avoir des cas particuliers, on peut amener des exemples très, très particuliers. Mais, de façon générale, on pense qu'un service de police a besoin d'une certaine continuité, de bâtir des choses, et bâtir des choses dans un an, deux ans, c'est très, très, très difficile. Le cas particulier que vous nous citez, c'est effectivement un cas très, très particulier où on a demandé à quelqu'un... Il y aura toujours des cas d'exception dans ce genre d'affaires là, effectivement.

M. Ménard: Je vous fais une suggestion à brûle-pourpoint. S'il y avait un minimum de cinq ans, sauf autorisation du ministre, est-ce qu'on atteindrait là l'équilibre que vous cherchez?

M. Langlais (Daniel): Ça pourrait effectivement avoir une incidence importante sur cette indépendance-là et cet équilibre-là, effectivement.

M. Ménard: O.K. Maintenant, je comprends que, si, effectivement, vous relevez de comités de sécurité publique régionaux où siègent plusieurs élus et non d'une seule municipalité, les risques de politisation sont presque disparus?

M. Langlais (Daniel): Tout à fait, M. le ministre. On a des exemples de municipalités où l'ensemble des élus ont été changés, il ne reste que le maire et un directeur de police qui est là depuis de nombreuses années, où on n'en avait jamais entendu parler. Tout à coup, on entend des conseillers municipaux à la radio et le chef, tout à coup, n'est plus bon. On se demande d'où ça vient. Le maire supporte son directeur, mais le maire est seul de son côté. Ça fait que ça politise le débat.

Si on parle des régies intermunicipales, souvent les villes ne sont pas en élection au même moment. Donc, le conseil ne change pas au complet. Effectivement, c'est une solution d'abord qu'on soulève et qu'on propose. Donc, on pense que c'est effectivement efficace, ou ça le serait.

M. Ménard: O.K. Maintenant, sur un autre sujet qui est celui de l'obligation de dénoncer: la dénonciation d'un comportement criminel, évidemment, chez un policier, mais aussi, même allant plus loin, des comportements qui enfreignent les droits des individus et même qui constituent des infractions déontologiques importantes. Je comprends que vous trouvez la chose tellement importante qu'une simple amende ne vous apparaît pas comme une sanction suffisante dans les cas les plus graves.

M. Langlais (Daniel): On préférerait procéder par voie disciplinaire, effectivement.

M. Ménard: Est-ce que l'un empêche l'autre? Est-ce qu'on ne pourrait pas...

M. Langlais (Daniel): En tout cas, ce qu'on craint par là, c'est qu'éventuellement ce sera la municipalité qui paiera pour défendre le policier en question. Si on regarde les conventions collectives, si on regarde... ça va être les municipalités encore qui devront assumer la défense, probablement, des policiers là-dedans et peut-être, dans certains cas, payer l'amende, rendus en bout de ligne. Je ne le sais pas. Tout dépend des conventions collectives. Ça fait qu'on pense qu'au niveau disciplinaire ce serait beaucoup plus approprié qu'une amende de 200 $.

M. Ménard: Y a-t-il des conventions collectives qui prévoient qu'on paie les amendes?

M. Langlais (Daniel): Non, pas nécessairement, mais...

M. Ménard: Bon. On va avoir l'occasion de poser la question.

M. Langlais (Daniel): Dans les conventions collectives, on doit assumer les frais de défense, souvent, de nos...

M. Ménard: Oui, mais je pense bien qu'il faut, au départ, présumer la personne innocente et donner à tout innocent potentiel les moyens de se défendre. C'est que, vous comprenez, nous sommes quand même, dans la constitution actuelle, limités à des fonctions pénales qui ne sont pas criminelles, puisque tout ce qui serait criminel relève de la juridiction fédérale. Mais, en tout cas, dans l'obligation de dénoncer, je n'ai pas saisi exactement vos suggestions. Je pense que votre suggestion, c'est de l'enlever de dans la loi mais de le mettre dans la discipline. Mais j'ai compris que le raisonnement, c'est que, dans la discipline, ce serait traité plus sévèrement que dans la loi.

M. Langlais (Daniel): On se demande ce qui serait le plus dissuasif entre les deux: une amende ou une mesure disciplinaire. C'est là la plus grande interrogation. Qu'est-ce qui est plus dissuasif, quelqu'un qui risque d'être rétrogradé ou d'avoir une amende de quelques centaines de dollars?

M. Ménard: O.K. Alors, dans les cas graves, il faudrait que ce soit ajouté, que ça puisse aller jusqu'à la destitution ou à tout le moins jusqu'à la suspension.

M. Langlais (Daniel): Probablement, oui.

M. Ménard: Mais l'importance de le placer dans la loi, c'est que la loi est quand même au-dessus de tout, des conventions collectives, et ça indique aussi l'importance que la société accorde à cette obligation dont vous reconnaissez le bien-fondé, je pense.

M. Langlais (Daniel): Tout à fait.

(10 h 10)

M. Ménard: D'ailleurs, j'ai cru remarquer que les associations syndicales les reconnaissent aussi, faisant valoir que ça existe déjà. Bon. Ça, on pourra certainement apporter des améliorations de ce côté-là.

Maintenant, quant aux condamnations pour acte criminel, évidemment vous avez vu le durcissement. À l'embauche, il ne faut pas de dossier criminel, ni acte criminel ni infraction poursuivie par voie sommaire. Mais, dans le cours de la carrière, comme on le fait maintenant, là on se laisse une certaine discrétion quant aux poursuites par voie sommaire. Comme beaucoup d'autres, vous signalez que la décision d'aller par voie sommaire ou d'aller par acte criminel est une décision qui peut être arbitraire, quoiqu'elle soit balisée en pratique par les directives du Procureur général et que, si un procureur de la couronne, localement, ne respectait pas ces directives, je pense que l'association qui représente le policier pourrait certainement s'adresser au ministère de la Justice pour avoir les explications.

Mais, malgré cela, vous aussi, vous êtes inquiets du fait que le sort d'un policier pourrait dépendre entièrement d'une décision qui vous apparaît arbitraire. Est-ce que la solution ne serait pas, dans le cas des infractions hybrides, lorsqu'on a procédé par acte criminel, de laisser à un comité de discipline le soin de voir si ça mérite destitution, mais cependant qu'il y ait automatiquement une audition dans laquelle on va envisager la destitution ou une mesure plus sévère?

Le Président (M. Boulianne): M. Langlais.

M. Langlais (Daniel): Oui. Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'Association des directeurs de police ne souhaite pas garder dans les corps de police des gens qui commettraient des gestes qui sont répréhensibles. On parle toujours d'équilibre, et la suggestion que vous faites me semble, en tout cas, être une avenue intéressante.

M. Ménard: O.K.

M. Langlais (Daniel): Ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait un équilibre et que, demain matin, par des situations, comme on l'a mentionné, qui mettraient en jeu... sans qu'on ait regardé toutes les circonstances entourant le geste qui a été posé. Et, à ce moment-là, une suggestion comme celle dont vous parlez là, je pense que c'est de quoi qui mériterait d'être examiné de très, très, très, très près, et ça nous permettrait, comme ça, de prendre des décisions qui sont justes et équitables envers les justiciables qui sont ces gens-là, à ce moment-là.

M. Ménard: Bon. Une dernière question. Vous nous faites remarquer que des obligations de dénonciation, il y en a déjà dans la discipline. Alors, pouvez-vous expliquer pourquoi il y a si peu de dénonciations? Ou, en tout cas, c'est la perception publique.

M. Langlais (Daniel): Oui, c'est la perception. Ça fait une trentaine d'années que je suis dans le milieu, et, à tous les cinq ans, j'entends parler des nouveaux policiers: Nous sommes des nouveaux policiers. Dernièrement, vous étiez à une émission de télévision où il y a un jeune policier ou un futur policier qui, lui, disait: Il n'y a pas de problème avec lui, parce que, lui, il est dans le programme communautaire. Et je me suis dit: Bon, il y a cinq ans, j'ai entendu la même affaire; il y a cinq ans, j'ai entendu la même chose.

Si ces situations existent encore, il doit y avoir des causes à quelque part, puis je pense – et on le mentionnait dans notre présentation – qu'il va falloir les rechercher à un moment donné et les trouver. Vous savez, les contrôles, que ce soit pour contrôler l'action policière ou dans n'importe quel organisme, ça a ses limites à un moment donné; ça atteint une certaine forme de limite où, quand bien même on en ajouterait, on n'obtiendra pas nécessairement les résultats escomptés. Donc, il faut rechercher ces causes-là, pourquoi ça se perpétue, si ça se perpétue.

Je me souviens, dans les années soixante-dix, où il y a eu l'avènement des gens qui provenaient du cégep, on a dit: Nos problèmes sont réglés. Vingt-cinq ans plus tard, on a encore les mêmes problèmes ou, en tout cas, on vit encore, à l'occasion, ces problèmes-là: On va rajouter de la formation, on va «upgrader» la formation et on n'aura plus ces problèmes-là. J'imagine que, dans 25 ans, on va peut-être en parler encore.

Ça fait qu'il faut aller chercher les causes profondes de ça pour tenter de les régler. Mais, pendant ce temps-là, on est d'avis qu'il y a l'obligation du gouvernement de faire en sorte que les citoyens soient protégés contre d'éventuels abus. Mais, de façon générale, on pense que nos policiers, au Québec, et nos policières sont des gens responsables. Il faut cibler la cause de ce dont on parle là pour être en mesure de le prévenir et d'arriver tantôt et d'avoir des services de police qui seront à l'image qu'on souhaite qu'ils soient.

M. Ménard: Peut-être que la cause, elle est dans la nature humaine elle-même...

Le Président (M. Boulianne): Il vous reste une minute, M. le ministre.

M. Langlais (Daniel): Peut-être, oui. Ha, ha, ha!

M. Ménard: ...et que – Ha, ha, ha! – comme le Code criminel n'a jamais empêché la commission de crimes...

M. Langlais (Daniel): Oui.

M. Ménard: ...mais il faudra toujours la combattre. O.K.

Il y a une dernière chose que je reçois favorablement – et je vous demanderais, si vous avez une suggestion écrite, de nous la faire parvenir – c'est que, dans la description de la mission, il y a quelque chose sur la police communautaire.

M. Langlais (Daniel): D'accord.

M. Ménard: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Langlais. Merci, M. le ministre. Alors, nous passons à M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Mme Trottier-Lapointe, bonjour. M. Audy, je suis content que la commission parlementaire vous donne l'occasion de revoir le ministre, que vous n'avez peut-être pas vu depuis un certain temps et avec qui vous avez été associé plus particulièrement. Je vous salue. M. Langlais, bonjour.

M. Langlais (Daniel): Bonjour.

M. Dupuis: Je ne veux pas vous obliger à faire de la politique, je sais que vous n'aimez pas ça. Je vous connais assez bien pour le savoir.

Cependant, vous savez, M. Langlais, quand on prend un mémoire comme le vôtre qui est très, très bien fouillé, qui est très bien fait et qu'on sait qu'on va avoir 20 minutes pour vous interroger, il y a une espèce de sentiment de frustration qu'on a parce qu'on n'a pas le temps de couvrir tous les sujets qu'on aimerait couvrir, il faut aller choisir. Le ministre a choisi d'y aller de façon plus pointue avec vous; moi, je choisis d'y aller de façon un petit peu plus large. Encore une fois, je ne veux pas vous obliger à faire de la politique, mais c'est un peu difficile pour nous autres d'éviter ce piège-là.

La première chose que je voudrais savoir de vous, c'est: Vous vous plaignez, dans le mémoire, du caractère tardif de la consultation, mais, moi, je comprends que la seule consultation à laquelle on vous a invités, c'est celle à laquelle vous participez aujourd'hui, c'est exact?

Le Président (M. Boulianne): M. Langlais.

M. Langlais (Daniel): Oui. Écoutez, nous autres, on respecte les choix qui sont faits. On aurait peut-être aimé participer, comme bien d'autres groupes, à l'élaboration des textes et de ses composantes. D'un autre côté, pour nous autres, à l'intérieur de cette loi-là, il n'y a pas de surprise parce qu'on y retrouve le rapport Corbo, on y retrouve le rapport Poitras et le rapport Bellemare. Les seules surprises qu'on pouvait avoir, c'est sur le ton que ça pouvait avoir.

Mais il est bien évident que le temps des fêtes étant ce qu'il est, le bogue de l'an 2000, il a fallu prendre le peu de temps qu'on avait pour consulter notre monde à travers le Québec. On n'est pas une organisation, on est une association où il y a 130 services de police et plus qui en font partie. Donc, on avait cette contrainte-là de temps.

M. Dupuis: M. Langlais, vous me faites mentir. J'ai dit tantôt que nous n'aimiez pas ça, faire de la politique, je me rends compte que vous n'haïssez pas ça tant que ça en faire.

M. Langlais (Daniel): Bon. Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Ma question, c'était la suivante: Vous déplorez dans votre mémoire qu'il n'y ait pas eu de consultations plus approfondies avec le ministre avant qu'il dépose le projet de loi n° 86, c'est ça que je comprends, c'est exact?

M. Langlais (Daniel): Oui.

M. Dupuis: Bon. Très bien. C'est parce que j'en ai déjà fait, moi aussi, de la politique, ça fait qu'on est capable d'en faire tous les deux. Moi, je lis bien dans votre mémoire, et j'aimerais ça vous entendre là-dessus: «L'ADPPQ ne peut que se réjouir de la volonté gouvernementale d'adopter des mesures propres à relever les grands défis de l'organisation policière. En ce sens, l'ADPPQ partage certainement les préoccupations du gouvernement relativement aux problèmes identifiés par les rapports Bellemare, Corbo et Poitras. Cependant – cependant – aux termes de son analyse critique des moyens proposés par le gouvernement pour y parvenir, l'ADPPQ est forcée de poser un constat – l'ADPPQ est forcée de poser un constat. À eux seuls, les moyens proposés n'ont que très peu de chance de parvenir à relever les défis qui nous attendent.»

Alors, vous prenez la peine de mentionner... Je ne suis pas choqué contre vous, là, j'essaie juste de savoir un petit peu, M. Langlais. Moi, je comprends que le projet de loi va assez loin dans les suites à donner au rapport Corbo, on va s'entendre là-dessus, ça parle de formation policière. Vous, vous avez l'air d'être un petit peu déçus – vous avez l'air d'être un petit peu déçus – de ce avec quoi le ministre arrive en relation avec le rapport Corbo, c'est-à-dire la formation policière...

Une voix: ...

M. Dupuis: Deux petites secondes, M. Langlais, je vais juste finir ma question, je vais vous laisser aller après. Vous avez l'air d'être un petit peu déçus. Mais vous avez l'air d'être beaucoup, beaucoup, beaucoup déçus, par exemple, de ce dont le ministre a abouti, a accouché en relation avec ce qui a été déterminé dans le rapport Bellemare, le fonctionnement des enquêtes criminelles, et le rapport Poitras. J'aimerais ça que vous me disiez en quoi vous êtes déçus du gouvernement, du ministre.

M. Langlais (Daniel): Si je vous ramène à notre document, on apporte des solutions. Quand on dit qu'on est déçu, on aurait souhaité qu'une réforme globale de l'organisation policière au Québec soit faite avant de procéder au projet de loi n° 86. C'est notre principale préoccupation qu'on avait là-dedans. On l'a soumise. On a dit: Écoutez, nous autres, on aurait voulu que la réforme de la carte policière, de l'organisation policière précède la loi n° 86. Bon. C'est un autre choix qui a été fait. À partir de là, nous autres, c'est ce qu'on a exprimé. Dans le fond de notre mémoire, c'est ça. Mais on apporte quand même des solutions à chacun des items pour lesquels on s'est prononcé.

M. Dupuis: Mais, M. Langlais, au-delà de la politique partisane que, nous autres, on peut faire – je parle de ce côté-ci de la table par rapport à l'autre côté – au-delà de ça, il y a un intérêt dans nos débats qui est primordial, qui est au-dessus de tout, qui est au-dessus des couleurs, qui est au-dessus de la politique, c'est l'intérêt de la population, l'intérêt des gens. O.K.

(10 h 20)

Alors, moi, quand je lis, dans votre mémoire, que les moyens proposés par... on va-tu s'entendre ensemble, M. Langlais? Il y a actuellement, entre la police en général – je ne veux pas la qualifier – entre les policiers et la population, ce que, moi, j'ai appelé une crise de confiance, ce que d'autres appellent un malaise, mais il y a très certainement, entre la population et les policiers – sans qualifier les corps de police, là, je ne veux pas embarquer là-dedans – un malaise, là. Vous êtes d'accord avec moi là-dessus?

M. Langlais (Daniel): Pas entièrement, Me Dupuis. Je pense qu'il y a un paquet d'organisations au Québec qui vont très, très bien et...

M. Dupuis: M. Langlais...

M. Langlais (Daniel): ...non, non, excusez, vous me dites qu'il y a un malaise entre la population et les services de police. Moi, je vous dis que, si je regarde dans plusieurs communautés, de façon générale, les retours qu'on a des gens qu'on représente, on pense que le malaise n'est pas si profond. Ce qu'on veut, c'est améliorer. On veut améliorer la qualité de services, nous autres aussi, aux citoyens et c'est là-dessus qu'on s'est prononcé. Je pense qu'on le mentionne en fin de présentation, d'améliorer la qualité des services policiers au Québec, et c'est là-dessus que l'Association se prononce depuis de nombreuses années.

M. Dupuis: M. Langlais.

M. Langlais (Daniel): Oui.

M. Dupuis: Je ne suis pas en train de dire là – puis j'ai pris la peine de dire que je ne voulais pas qualifier – que les organisations policières ne sont pas bonnes. Je suis simplement un observateur de la scène, et actuellement je vous demande: Est-ce que vous constatez, comme moi... c'est-u juste moi qui vois ça puis c'est-u juste moi qui comprends ça, qu'il y a un certain malaise, pour ne pas aller plus loin que ça, entre la population et ce que la population voit du point de vue des corps policiers en général?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député.

M. Dupuis: Allez-vous nier qu'il y a un certain malaise entre la population et les policiers?

Le Président (M. Boulianne): M. Langlais.

M. Langlais (Daniel): Je pense que... Moi, j'ai le goût de vous ramener sur ce qu'on dit dans notre mémoire. Là, vous parlez de perception de la population.

M. Dupuis: Bien oui.

M. Langlais (Daniel): Nous autres, on se prononce sur comment est-ce qu'on voit l'organisation policière au Québec, comment est-ce qu'on voit son encadrement pour régler d'éventuels problèmes qu'il peut y avoir entre les citoyens, effectivement. Je mentionnais tout à l'heure qu'il appartenait au gouvernement de s'assurer de la protection des citoyens devant d'éventuels abus de la part des policiers, s'il y en a et quand il y en a, et Dieu sait qu'il peut y en avoir et qu'il y en a eu.

Donc, à partir de là, notre mémoire porte là-dessus, Me Dupuis, de dire: Voici comment est-ce qu'on conçoit, nous autres, l'organisation policière au Québec. On dit: Elle doit être révisée de façon importante. On est d'accord que la police doit se faire de façon transparente, le plus transparent possible. Vous me parlez de perception, population versus police, je ne me suis pas prononcé là-dessus dans le mémoire.

M. Dupuis: M. Langlais, M. Langlais, je ne vous parlerai pas de perception, là, je vais vous dire que, moi, je déduis de votre mémoire que vous avez lu le rapport Bellemare. Je déduis ça de votre mémoire. Vous avez déjà lu ça, vous. Je déduis aussi de votre mémoire que vous avez lu le rapport Poitras. Je déduis ça de votre mémoire. Je déduis de votre mémoire que vous avez lu le rapport Corbo. J'ai raison là-dessus?

M. Langlais (Daniel): Tout à fait.

M. Dupuis: Très bien. Je déduis de votre mémoire que vous avez trouvé des choses, là-dedans, pertinentes: dans le rapport Bellemare, dans le rapport Poitras puis dans le rapport Corbo. On s'entend là-dessus?

M. Langlais (Daniel): Oui.

M. Dupuis: Et je perçois de votre mémoire que vous êtes déçus de la réponse du ministre aux choses pertinentes que vous avez trouvées dans le rapport Bellemare, Poitras et Corbo. Je termine en vous disant: La population est d'accord avec vous là-dessus. La population aussi, elle est au courant de ces rapports-là. La population aussi, elle a perçu des choses puis la population aussi, elle s'attendait à ce que le ministre arrive avec quelque chose d'un petit peu plus musclé. Puis la population est comme vous, elle est déçue. On s'entend là-dessus? Vous êtes déçus.

M. Langlais (Daniel): Bien, écoutez...

M. Dupuis: Bon. Très bien.

M. Langlais (Daniel): Notre mémoire est là, Me Dupuis. Vous l'avez lu.

M. Dupuis: Oui, oui, c'est ça. C'est pour ça...

M. Langlais (Daniel): Vous l'interprétez comme vous le jugez à propos.

M. Dupuis: Oui, oui, c'est ça. Et l'une de vos préoccupations majeures, tout au long de votre mémoire... Puis je ne suis pas choqué contre vous, M. Langlais, là, je suis véhément. Les juges me disaient ça: Êtes-vous choqué? Je disais ça: Non, je suis véhément, ce n'est pas la même chose, c'est passionné...

M. Langlais (Daniel): J'imagine.

M. Dupuis: On se comprend?

M. Langlais (Daniel): Ha, ha, ha!

M. Dupuis: On se connaît de toute façon.

M. Langlais (Daniel): Mais oui, pas de problème.

M. Dupuis: O.K. Vous êtes comme ça, vous aussi d'ailleurs.

M. Langlais (Daniel): Ah! je ne sais pas, peut-être. Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Si vous étiez assis à ma place puis si j'étais assis à la vôtre, on aurait le même genre d'échanges, j'ai l'impression.

M. Langlais (Daniel): Peut-être, je ne sais pas.

M. Dupuis: Une de vos grandes préoccupations, c'est l'ingérence politique et l'indépendance policière. On s'entend là-dessus?

M. Langlais (Daniel): ...

M. Dupuis: Vous avez lu le projet de loi, vous avez constaté que le ministre y crée, pour la Sûreté du Québec, ce qu'il a appelé, lui, un conseil de surveillance, un conseil de surveillance de cinq personnes, cinq, nommées par lui et dont les mandats sont donnés par lui. Est-ce que ce genre d'organisme là revêt le caractère d'indépendance nécessaire?

M. Langlais (Daniel): Me Dupuis, vous avez remarqué que, dans notre mémoire, on n'a touché d'aucune façon les recommandations qui touchaient la Sûreté du Québec.

M. Dupuis: Donc, vous ne voulez pas parler de ça.

M. Langlais (Daniel): Ça a été volontaire; on l'a exclue de notre...

M. Dupuis: O.K.

M. Langlais (Daniel): On a discuté des directeurs de police, leurs préoccupations et non celles de la Sûreté du Québec.

M. Dupuis: Donc, vous ne voulez pas porter de commentaires là-dessus.

M. Langlais (Daniel): Je ne porte pas de... Tout à fait.

M. Dupuis: O.K. Dans la partie du projet de loi, M. Langlais, qui parle de formation policière, le ministre indique qu'il va y avoir, si l'École est créée, trois diplômes qui vont être donnés par l'École: un diplôme de patrouille-gendarmerie, un diplôme d'enquêteur et un diplôme de gestion policière. On s'entend là-dessus?

M. Langlais (Daniel): Oui.

M. Dupuis: Formation de base. Mais, moi, je comprends du projet de loi qu'il veut séparer les trois formations. O.K.?

Dans votre esprit, à vous – et là je fais appel évidemment au président de l'Association des directeurs de police, mais je fais appel aussi au policier, à celui qui connaît bien le milieu – est-ce que c'est réaliste de penser qu'on peut former des patrouilleurs, point, et qu'on peut former, d'un autre côté, dans un autre diplôme, des enquêteurs, point, ou est-ce qu'il ne faudrait pas fondre ces deux enseignements-là? Et là je ne fais pas référence aux enquêtes spécialisées, M. Langlais, mais à la base d'enquêteur. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Langlais (Daniel): Écoutez, il est bien évident qu'un patrouilleur, de toute façon...

M. Dupuis: À Val-Bélair, là...

M. Langlais (Daniel): Pardon?

M. Dupuis: À Val-Bélair, là, dans un corps de police, la Haute-Saint-Charles, dans d'autres corps de police que je connais, est-ce qu'il est réaliste de penser qu'il y a des gens qui ne posséderaient que la qualification de patrouilleur, que cette qualification-là?

M. Langlais (Daniel): Pas tout à fait. Ils auraient de la difficulté parce que, dans bien des corps de police... tout dépend du modèle qu'on tente de développer. Il est bien évident que nos patrouilleurs ont besoin d'un rehaussement de leurs qualifications à bien des égards, ne serait-ce qu'en enquêtes criminelles, parce que, de toute façon, un patrouilleur, il fait des enquêtes. Quand il arrête quelqu'un sur le bord de la rue, il fait une enquête. Donc, il recueille des faits, et ces choses-là. Tout dépend du niveau et de l'organisation policière qui est dans l'organisation, dans la ville en particulier.

Mais, effectivement, que ce soit à l'École ou que ce soit sur le terrain, il y a une connexion qui doit se faire à quelque part. Jusqu'à quel niveau? Il faut savoir le déterminer, jusqu'à quel niveau on va faire faire des enquêtes par des patrouilleurs. Est-ce que, dans les futurs modèles de services de police qu'il va y avoir au Québec, les patrouilleurs vont continuer à en faire? Moi, je pense que c'est souhaitable, si on regarde ce qu'on a dégagé à certains endroits. Mais, à partir de là, si on regarde la formation de l'IPQ, il peut y avoir une jonction qui se fait à quelque part, évidemment, oui. Je suis à l'aise avec ça.

M. Dupuis: Sur la carte policière, sur l'organisation policière au Québec, vous vous déclarez également, dans le mémoire, être extrêmement déçus du fait que le ministre – là, c'est mon expression à moi, ce n'est pas la vôtre, c'est mon expression à moi, ce n'est pas la sienne – ait mis la charrue avant les boeufs. C'est-à-dire que vous auriez préféré, vous – c'est votre opinion – qu'on règle la question de la carte policière ou qu'on discute de la question de la carte policière et de l'organisation policière. C'est exact? Bon.

M. Langlais (Daniel): Oui, exact.

M. Dupuis: C'est exact. Je vous ferai remarquer, en passant, que les municipalités, elles, souhaiteraient avoir une entente fiscale avec le gouvernement avant qu'il pense à des regroupements, puis c'est ces discussions-là qui ont cours aujourd'hui.

Revenons à l'organisation policière, la carte policière. Vous souhaitez qu'il y ait des regroupements et qu'on fasse des services de police avec un personnel suffisant pour donner les services adéquats.

Dans votre esprit à vous, le plus que 5 000, moins que 5 000, est-ce que ça a encore sa raison d'être, ça, dans votre opinion à vous? C'est-u le bon critère en vertu duquel il faut établir la carte policière au Québec...

M. Langlais (Daniel): Oui.

M. Dupuis: avec les exceptions...

M. Langlais (Daniel): ...que la loi prévoit.

M. Dupuis: Oui.

M. Langlais (Daniel): Il y a quelques années, on a fait un colloque, les directeurs de police, à l'époque, de concert avec... c'était le colloque sur les services de base. Le ministère y avait participé et on était arrivé au constat où les corps de police de 5 000 et moins, à l'époque... La barre a été tirée là, à ce moment-là, pour les raisons de l'époque, que ça devait être 5 000 et moins.

Il est bien évident qu'aujourd'hui, en l'an 2000, les critères qui avaient été le choix, à ce moment-là, et aussi avec la loi n° 77, à l'époque, c'est des critères qui pourraient être révisés. Tout dépend des participants et des partenaires qu'il y aura dans les discussions. Mais des critères, c'est fait pour évoluer. Il pourrait y avoir une évolution dans ce sens-là, c'est bien évident.

M. Dupuis: Là, il y a une différence, M. Langlais, entre «il pourrait y avoir» puis «nous autres, on souhaite qu'il y ait», hein?

M. Langlais (Daniel): Oui.

(10 h 30)

M. Dupuis: Je pense que, dans votre mémoire, vous êtes pas mal plus affirmatif que vous l'êtes aujourd'hui là-dessus. On s'entend?

M. Langlais (Daniel): On parle de réorganisation.

M. Dupuis: Moi, je veux savoir, là.

M. Langlais (Daniel): Oui. On parle de réorganisation policière, on parle de regroupement. Ça fait que c'est bien évident qu'à partir de là les villes qui ont 5 000 habitants, je dirais, 5 000, 10 000, etc., s'il y a les regroupements... Prenons la région de Québec, où on est présentement. Il y a des villes de 15 000, il y a des villes de 80 000 habitants, à ce moment-là, qui risqueraient dans ce cas-là de faire partie de cet ensemble-là. Dans une autre région, ce sera autre chose, tout dépendamment. Quand on sort des grandes agglomérations, ce sera quoi, le critère? Ce sera quoi, l'équilibre entre les différents services de police qu'il y a au Québec? Il faudra en définir. Le 5 000, est-ce que c'est bon? Regardez, là, je ne suis pas sûr, moi, qu'un service de police de 5 000 peut donner l'ensemble des services de police qu'il a à donner.

M. Dupuis: Mais, dans le fond, M. Langlais, la vraie question qu'il faudrait se poser... Puis je pense qu'on doit se la poser, tout le monde, au premier chef le ministre, mais il a refusé de le faire. Mais, nous autres, on peut se la poser pareil, hein. Bon. Moi, je ne suis pas tenu aux questions qu'il se pose, lui, puis vous non plus. Je vous le suggère. Est-ce que d'établir des critères en fonction de la population pour déterminer les services de police adéquats et/ou le corps de police qui va la couvrir, c'est encore pertinent, ça?

M. Langlais (Daniel): Pas nécessairement.

M. Dupuis: O.K. C'est quoi, les vraies questions qu'il faudrait se poser pour établir la carte policière? C'est quoi qu'il faudrait se demander pour être capable ensuite... Tu sais, c'est quoi, les questions pertinentes qu'il faut se poser là-dessus?

M. Langlais (Daniel): On va avoir de la difficulté à régler ça ici aujourd'hui, j'imagine, dans le peu de temps qu'on a.

M. Dupuis: Non, mais j'aimerais ça, les entendre. Je ne vous dis pas qu'on va apporter des réponses.

M. Langlais (Daniel): Oui. Quand on a travaillé sur les services de base, on s'est réuni deux jours et on a discuté longuement sur quoi on devrait se baser. Ça fait que j'imagine que, si on parle de régionalisation tantôt, si on parle de réorganisation policière, on va s'asseoir puis on va discuter de critères. Il est bien évident que la population, c'est un critère parmi tant d'autres qu'il y a eu à l'époque. Ça n'a pas été nécessairement le critère qui a fait force de loi, parce qu'il faut se souvenir qu'il y a des villes de 5 000 et moins qui ont des corps de police encore aujourd'hui et qu'il y a des villes de 5 000 et plus qui sont desservies par la Sûreté du Québec. À partir de là, moi, j'imagine que, tous ensemble, on sera en mesure d'arriver avec l'ensemble des critères qui répondront aux besoins des gens dont on parlait tout à l'heure, au niveau des citoyens auxquels on veut donner la meilleure protection possible. Il est bien évident que le critère pur et simple de 5 000 habitants, ça laisse perplexe, c'est bien sûr.

M. Dupuis: O.K. Et est-ce que vous pensez que – en tout cas, moi, je déduis de votre mémoire que vous le pensez – c'est le temps de faire ça, là, de se poser les vraies questions à ce sujet-là?

M. Langlais (Daniel): Bien oui, on le suggère. Tout à fait, c'est ce qu'on mentionne dans notre mémoire.

M. Dupuis: O.K.

M. Langlais (Daniel): C'est tout écrit noir sur blanc.

M. Dupuis: Ça va. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, il me reste donc, au nom des membres de la commission, à remercier les représentants de l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec. Merci encore une fois.

Nous allons poursuivre nos travaux. J'inviterais les représentants de l'Association des policiers provinciaux du Québec à bien vouloir s'avancer et à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je rappelle que la commission des institutions est réunie afin de procéder à une consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. Nous avons eu, donc, le plaisir de rencontrer les représentants de l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec comme premier groupe ce matin, et nous poursuivons avec l'Association des policiers provinciaux du Québec, représentée par M. Tony Cannavino, son président.

M. Cannavino, je vous rappelle que nous avons réservé une période d'une heure, dont une vingtaine de minutes pour la présentation proprement dite, et, par la suite, nous passerons aux échanges. Alors, à ce moment-ci, je vous inviterais à prendre la parole, en nous présentant d'abord les personnes qui vous accompagnent.


Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ)

M. Cannavino (Tony): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés, je tiens à vous remercier, tout d'abord, de nous permettre de pouvoir présenter notre mémoire. Mon nom est Tony Cannavino, je suis le président de l'Association des policiers provinciaux du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de notre aviseur légal, Me Robert Castiglio; de notre vice-président, M. Michel Meunier; également vice-président à l'Association, M. Réjean Corriveau; et notre secrétaire général, M. Daniel Langlois.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Excusez-moi, mais je n'ai pas compris le nom de la première personne que vous avez présentée.

M. Cannavino (Tony): Me Robert Castiglio.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Merci.

M. Cannavino (Tony): Vingt minutes, c'est fort court, et nous allons traiter différents sujets de notre mémoire. Évidemment, il y en a d'autres que... Sûrement, lors de la période des questions, ça va nous permettre d'élaborer un petit peu plus sur le contenu. Il y a une partie que je vais présenter et il y a une autre partie, concernant l'éthique et l'aspect pénal, qui pourra être présentée par Me Castiglio.

Tout d'abord, je tiens à féliciter le ministre d'avoir pris les deux lois, la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police, et d'en faire une, tenter d'en faire une qui s'appelle Loi sur la police.

Concernant la formation, nous considérons louables les efforts du ministre de mettre de l'emphase sur la formation, car, depuis des années, l'Association des policiers provinciaux du Québec exige des programmes de formation structurés et adaptés aux besoins des policières et policiers de la Sûreté du Québec. Le projet de loi jette les grandes lignes sur la formation. Par contre, rien ne mentionne les budgets qui y seront alloués. Alors, pour nous, évidemment, c'est un point très, très important, c'est ce qui va donner un genre de gage; peut-être pas un gage de réussite, mais un gage de l'engagement à vouloir justement atteindre les objectifs visés par cette réforme. À la Sûreté du Québec comme ailleurs, tous prêchent la vertu. Par contre, nous savons fort bien que, dès qu'il y a des coupures budgétaires, la formation est toujours la première touchée. Donc, pour nous, l'obligation de résultat est essentielle.

Également, pour l'Association, il est important d'éviter la scission entre les deux grandes fonctions, c'est-à-dire la patrouille- gendarmerie et les enquêtes. Le cours de base, c'est-à-dire le cours initial, doit donner la formation en gendarmerie et la formation en enquêtes. Le patrouilleur est une ressource importante dans les organisations policières et, lors des différents événements, il est le premier sur les lieux et le premier à recueillir les éléments de preuve. Donc, au fil des années, autant le policier que le gestionnaire sont en mesure d'identifier les aptitudes du policier à se diriger dans le domaine des enquêtes. De plus, à la Sûreté du Québec, le patrouilleur a régulièrement comme tâche d'effectuer des enquêtes.

En 1998, nous avons mis en marche un projet-pilote d'entrées latérales. Ces candidats doivent obligatoirement passer par la patrouille. Déjà, nous avons obtenu des commentaires de leur part à l'effet qu'ils désirent prolonger leur séjour sur la patrouille dû à la complexité de la tâche et à l'expertise qu'ils doivent acquérir. Ce projet-pilote nous permettra de mieux évaluer les avantages et inconvénients de ce type d'entrée.

Ce lien de patrouilleur-enquêteur permet et encourage l'échange d'informations et évite que surviennent le clivage et des situations telles que, malheureusement, nous avons constatées dans l'affaire Dutroux en Belgique. Nous considérons donc que l'Association des policiers provinciaux devrait être consultée lors de l'élaboration des règlements, pour l'École nationale, sur les normes d'équivalence, sur les normes relatives aux activités de formation professionnelle, faire partie également de la commission de formation et de recherche; lors de l'élaboration des programmes de formation par le directeur général, que nous soyons également consultés pour déterminer les qualités requises pour exercer les fonctions d'enquête et de gestion.

En ce qui touche l'organisation policière, tout d'abord, permettez-moi, M. le ministre, d'exprimer mon inquiétude de constater que la Sûreté du Québec n'a pas produit de mémoire et que, de plus, elle ne sera pas entendue à cette commission. Donc, étant donné son absence, parlons-en un peu. La Sûreté du Québec, un corps de police national, offre depuis 130 ans des services de police dans toutes les régions du Québec. Elle a développé une expertise tant au niveau de la patrouille-gendarmerie qu'au niveau des enquêtes spécialisées.

Le projet de loi n° 86 reste muet sur le statut de la Sûreté du Québec. L'APPQ croit que cette volonté gouvernementale de faire de la Sûreté du Québec un corps de police national doit être reflétée dans la loi et que les mandats nationaux devraient être clairement identifiés et définis. L'Association estime qu'il est inconcevable de banaliser le rôle de la Sûreté du Québec, tel que l'actuel projet de loi le fait. À cet égard, il est essentiel que le premier article de la section portant sur la Sûreté du Québec débute par une disposition qui établit clairement et distinctement le statut de la Sûreté. À cet égard, à l'instar de ce qui est prévu à la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal et la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, un article introductif devrait se lire de la façon suivante: Un corps de police national ayant compétence sur l'ensemble du territoire du Québec est institué sous le nom de la Sûreté du Québec.

(10 h 40)

Je profite de l'occasion pour aller à l'article 54, qui est à la page 7 de notre mémoire. L'article 54 du projet de loi est tout à fait inadéquat. Puisque la Sûreté du Québec est un service de police national, l'Association exige que ce caractère soit non pas une déclaration vide de sens, mais une réalité sur l'ensemble du territoire du Québec.

En conséquence, il est essentiel que le sens de l'actuel article 40 de la Loi de police soit reproduit, à l'effet que, pour l'exercice des fonctions ou de la juridiction de la Sûreté, le territoire du Québec est partagé en districts, selon que le détermine le gouvernement. Une telle disposition assurerait véritablement la présence de la Sûreté du Québec sur l'ensemble du territoire. Est-il besoin d'ajouter que cette présence sur l'ensemble du territoire est la seule façon de maintenir les assises nécessaires pour une intervention efficace dans les situations qui l'exigent? C'est également la seule façon d'assurer le maintien de structures d'urgence efficaces, et ce, dans toutes les régions de la province.

L'article 51 du projet de loi. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, on observe une lente mais constante régression du territoire desservi par la Sûreté du Québec. L'introduction dans les lois 145 et n° 77 d'une tarification pour les municipalités desservies par la SQ dont le coût est établi en fonction de la richesse foncière uniformisée et du critère de la population a encouragé de nombreuses municipalités à se doter d'un corps de police ou à conclure une entente intermunicipale pour bénéficier de services policiers à moindre coût. L'équilibre que l'on observait au niveau de la répartition des effectifs et du partage des territoires entre les trois grands ensembles policiers avant l'adoption de la loi 145 est depuis rompu.

Je tiens à vous présenter quelques petites statistiques, ça ne sera pas tellement long. On sait à quel point, des fois, ça peut être ennuyeux. En effet, la population desservie par la Sûreté du Québec a chuté de 26,7 % qu'elle était en 1991 à 20 % en 1999, alors que celle desservie par les corps de police municipaux a grimpé de 47,5 % en 1991 à 54,5 % en 1998. Le SPCUM, de ce côté, desservait en 1991 25,8 % de la population contre 24,8 % en 1998.

En effet, en 1991, les effectifs policiers, au Québec, se répartissaient ainsi: 4 243 effectifs SQ, 4 435 effectifs SPCUM et 4 560 pour les corps de police municipaux. En 1998, les effectifs de la SQ ne sont plus que de 3 743, ceux du SPCUM à 4 157, alors que ceux des corps policiers municipaux sont maintenant à 4 853. Cette tendance ira en s'accentuant, puisque le gouvernement s'est engagé depuis 1996 dans une réforme sur la fiscalité municipale qui a conduit à la fusion de nombreuses municipalités. Résultat net: à ce jour, la SQ a perdu la desserte policière de plus de 35 municipalités.

En ce qui concerne les articles 71 et 72, l'APPQ considère que l'utilisation du mot «exceptionnellement» restreint le pouvoir ministériel dans ces deux dispositions et devrait être assouplie pour tenir compte de l'évolution des structures municipales, de l'organisation territoriale et de la nécessité de disposer d'organisations policières plus grandes et plus fortes. Le modèle de la loi ontarienne sur les services policiers pourrait nous servir d'exemple.

En effet, n'est-il pas permis de croire que la réforme du monde municipal amènera à plus ou moins long terme la disparition de petites municipalités de moins de 5 000 habitants? Le critère du seuil de 5 000 habitants pour définir de quel type de desserte une municipalité peut bénéficier nous apparaît comme étant un critère erroné et arbitraire. Qui plus est, dans un contexte de regroupement municipal, ce critère ne peut que favoriser l'éclatement de la carte policière par le glissement des territoires desservis par la SQ au profit des corps de police municipaux.

Par ailleurs, l'existence de 115 corps policiers municipaux desservant les municipalités de moins de 5 000 habitants – de ce nombre, 100 desservent des municipalités de moins de 30 000 habitants – contredit en quelque sorte le principe d'efficience et d'optimisation mis de l'avant par la loi n° 77. En effet, le Règlement sur les services policiers de base définit quatre niveaux de services policiers: les niveaux 1 et 2 s'adressent à l'ensemble des corps policiers; le niveau 3 concerne les corps policiers qui desservent des municipalités dont la population est supérieure à 15 000 et inférieure à 50 000; et le niveau 4 s'adresse aux corps policiers qui desservent des municipalités de plus de 50 000 habitants. Les services ultraspécialisés sont fournis par la SQ.

Donc, le ministère de la Sécurité publique a établi que les sûretés municipales desservant une municipalité de plus de 50 000 habitants doivent fournir à cette municipalité des services policiers qui correspondent au niveau 4. En établissant ainsi un niveau de responsabilités que doit garantir un corps de police à sa municipalité ou ses municipalités, le ministère de la Sécurité publique incitait les corps policiers municipaux desservant une municipalité de 50 000 habitants à une complète autonomie. Il est toutefois curieux de constater que, comme mentionné précédemment, un corps de police qui dessert plus d'une municipalité, même si la population totale qu'elle dessert atteint 50 000 de population, n'est pas tenu aux mêmes responsabilités.

L'APPQ propose que toutes les municipalités de 50 000 habitants et moins puissent être desservies par la Sûreté du Québec. Ainsi, le principe d'autonomie du corps policier en termes de fourniture de services serait garanti. Que la Sûreté du Québec desserve une municipalité ou plusieurs municipalités, via une entente avec une municipalité régionale de comté, la population bénéficierait d'un service policier unique, que ce soit pour la prestation de services policiers de base ou spécialisés. Par ailleurs, il convient de préciser qu'actuellement la Sûreté du Québec assure la desserte policière sur des territoires dont la population atteint près de 40 000 habitants, par exemple la MRC des Maskoutains.

L'avènement de la loi n° 77 a permis la régionalisation de la Sûreté du Québec sur l'ensemble du territoire québécois. La Sûreté du Québec a, en effet, signé 83 ententes pour la fourniture de services policiers avec les MRC sur un total de 85. Ces ententes sont d'une durée qui varie entre cinq et 10 ans. Dans plusieurs cas, on a dû procéder à un réaménagement ou encore à une relocalisation du poste; dans d'autres, on a dû construire un nouveau poste, le gouvernement a signé de nombreux contrats de location avec la SIQ. En 1997, près de 900 policiers ont été redéployés sur tout le territoire québécois.

Bref, la régionalisation de la Sûreté du Québec a déjà coûté plusieurs millions de dollars au gouvernement. Mais, maintenant, tout est en place pour faire de la Sûreté du Québec une police qui peut offrir ses services sur une base régionale, une police bien adaptée aux différents milieux qu'elle dessert. D'ailleurs, dans un récent sondage effectué auprès des MRC en mai 1999, le taux de satisfaction des citoyens envers les services de la SQ atteignait au-delà de 85 %. C'est donc dire que les MRC se sont bien adaptées, et la Sûreté du Québec également, au modèle de police de proximité mis de l'avant par la loi n° 77. Par ailleurs, si la SQ étend son territoire de desserte, elle permettra au gouvernement d'atteindre la stabilité monétaire qu'il recherche en allant chercher des revenus pour les services policiers qu'elle offre, revenus qu'elle perdrait tout autrement.

L'APPQ n'a aucune objection avec le libellé de l'article 77, en autant que l'on modifie considérablement la formule de tarification actuellement en vigueur. À ce sujet, l'APPQ suggère que le ministère de la Sécurité publique laisse tomber complètement les critères de la richesse foncière uniformisée et de population dans le calcul de sa facture. L'APPQ invite le ministère à s'inspirer du modèle de tarification ontarien, qui ne tient compte dans le calcul du coût qu'une municipalité doit payer pour la prestation de services policiers que des besoins réels de cette municipalité en matière de sécurité publique.

La méthode actuelle amène de nombreuses insatisfactions auprès des municipalités qui, dans bien des cas, se plaignent de payer plus que leur juste part, c'est-à-dire plus de 50 % du coût de la facture réelle. De plus, ce mode de tarification peut freiner le processus de regroupements municipaux que prône le gouvernement, puisque certaines municipalités craignent, une fois fusionnées, de voir leurs coûts de police augmenter considérablement, et ce, même si une période de neutralité financière a été prévue – augmentation de la population, la richesse foncière uniformisée bonifiée.

L'article 79 du projet de loi. Présentement, l'actuel Règlement sur les services policiers de base, même s'il a le mérite de vouloir améliorer la qualité des services policiers prescrits, est, à notre avis, encore trop vague, laissant la porte grande ouverte à l'émergence d'ententes de services policiers à rabais, mettant ainsi en péril le principe d'efficacité opérationnelle. La réglementation actuelle ne définit qu'un seuil minimum de responsabilités basées sur la population desservie par un corps policier, elle ne s'assure pas de la qualité des services offerts.

Ce flou réglementaire laisse beaucoup de latitude aux municipalités dans l'organisation de leurs services de police, notamment en matière de financement des ressources. Puisque le règlement ne reflète que les réalités sociogéographiques et économiques du milieu à desservir, les municipalités se tournent vers les corps policiers municipaux, dont la marge de manoeuvre quant à l'application du règlement semble plus souple.

L'article 81 du projet de loi. L'APPQ considère que la notion de services de police adéquats est très large et permet une interprétation trop grande. Il y aurait lieu d'en préciser la portée dans le Règlement sur les services policiers de base.

Donc, en conclusion, pour la partie de l'organisation du territoire, facturer à coût réel selon les besoins réels, établir les services de base obligatoires à tous, facturer les services supplétifs lorsque certains corps policiers régionaux ne répondent pas à leurs obligations. Évidemment, pour nous, ce qui est également important, c'est de connaître les intentions du ministre quant à la vocation de la Sûreté du Québec.

Évidemment, un point important pour nous, effectivement, c'est le Code du travail. Tout d'abord, je tiens à vous préciser que je n'ai pas l'intention de parler de la présente négociation. Mais la proposition que nous vous faisons, M. le ministre, est tout à fait à propos, à l'effet que nous devions, comme tous les policiers au Québec, être assujettis au Code du travail. Cela favoriserait les règlements pacifiques des différends qui surviennent à l'occasion du renouvellement du contrat de travail. À noter que c'est le même législateur qui a retiré le droit de grève aux policiers municipaux et qui leur a, par contre, accordé l'arbitrage exécutoire. Alors, dites-moi, si le législateur l'a considéré valable pour les instances municipales, pourquoi ne le serait-il pas pour le provincial? Je le répète, notre objectif est de trouver une méthode de règlement pacifique.

Question, également, de transparence, vous le savez, on offre notre collaboration à tous les niveaux, et, on l'a dit dès le dépôt du rapport Poitras et on l'a répété à plusieurs reprises, la transparence est importante.

L'escouade spéciale d'enquêteurs, communément appelée «la police des polices». Le ministère devrait être animé par le même souci de transparence qu'en matière de déontologie. Donc, si c'est important en matière de déontologie, nous estimons qu'elle est encore plus essentielle dans le cas où un policier est soupçonné d'avoir commis une infraction criminelle dans le cadre de ses fonctions.

Nous demandons au gouvernement d'enlever ce nuage gris et de mettre sur pied une escouade spéciale d'enquêteurs relevant du ministère de la Sécurité publique, une police des polices, quoi. Fini le doute sur l'objectivité de ces enquêtes lorsque ça vise un policier. On demande également – et nous en avons discuté, entre autres, avec le sous-ministre, Me Racicot – d'installer dans tous nos véhicules de patrouille des caméras vidéo.

En gros, M. le ministre, ce sont les volets que j'ai à traiter. S'il reste encore quelques minutes, je demanderais à Me Castiglio de compléter avec différents petits points.

(10 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il vous reste moins de quatre minutes.

M. Castiglio (Robert): Ha, ha, ha! Je m'y attendais, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mais on compte sur votre esprit de synthèse, bien sûr. Ha, ha, ha!

M. Castiglio (Robert): Oui, je n'en doute pas. Brièvement, donc, et peut-être les points les plus importants – je vous réfère aux pages 27 et suivantes du mémoire de l'APPQ – comme tel, sur l'obligation de dénonciation, l'Association n'a pas de désaccord fondamental avec l'idée d'une obligation qui serait dans la loi. On rappelle dans notre mémoire qu'il existe actuellement une obligation de dénonciation dans le règlement disciplinaire de la Sûreté du Québec, des membres de la Sûreté, et, comme telle, donc, que cette obligation soit renforcée par une présence dans la loi ne nous cause pas problème.

Cependant, si on veut en faire une infraction de type pénal, je pense qu'on a des obligations de la préciser. Actuellement, il y a des notions qui sont, à notre sens, beaucoup trop floues dans cette obligation-là. En l'occurrence, qu'est-ce qu'un comportement susceptible de remettre en cause le lien de confiance entre un employeur et son employé? Cette notion de lien de confiance là, je vous le rappelle, c'est une notion de droit du travail, et les arbitres ont à élaborer là-dessus. À peu près dans chaque cas de congédiement, on a à se demander si le lien de confiance est rompu entre l'employé et l'employeur, et on écrit des dizaines et des dizaines et des centaines de pages sur cette notion-là.

Alors, je ne pense pas qu'on peut demander à un policier, dans le feu de l'action, de dire: Regarde, tu as une obligation, puis, en plus, si tu ne la respectes pas, si tu te trompes dans ton jugement, tu vas faire l'objet d'une accusation pénale. Je pense que cette notion-là doit disparaître de toute obligation qui est punissable par une infraction de type pénal. C'est une notion trop floue, et je vous soumets, M. le ministre, qu'elle n'a pas sa place dans une obligation de type pénal.

De la même façon, un comportement susceptible de constituer une faute disciplinaire touchant la protection des droits du public... Qu'est-ce que c'est, la protection des droits du public? À notre avis, les interventions des policiers ont toujours trait à la protection des droits du public, à la limite, et, à mon sens, c'est une notion aussi qui aurait intérêt à être clarifiée si on veut, encore une fois, en faire une obligation punissable par infraction pénale.

Sur cette question-là également, nous vous suggérons – et je vous réfère toujours à la page 27, c'est important dans notre mémoire – que vous devez prévoir une exception à cette obligation-là en faveur des représentants syndicaux, parce que toute cette question-là doit en fait balancer les droits et obligations des policiers et, dans la recherche de cet équilibre-là, à mon sens, on doit exclure les membres policiers qui, dans le cadre de leur travail de représentant syndical, apprennent des choses d'un des policiers qu'ils sont appelés à défendre.

Je pense qu'on ne peut pas, si on veut respecter ce droit à une représentation – et je pense que ce n'est pas l'intention du législateur de remettre ça en cause – imposer au membre représentant syndical l'obligation de dénoncer ce qu'il a appris dans le cadre de son travail de représentant. Alors, à mon sens, ça doit être inclus. Nous vous avons donné un exemple: la loi et le règlement sur la Gendarmerie royale du Canada, qui contiennent de telles protections pour les représentants syndicaux; on ne les appelle pas «syndicaux» dans le cas de la GRC, pour les raisons qu'on connaît, mais pour les représentants des membres. Alors, je pense qu'on doit inclure cette protection minimale là dans la loi. Je ne sais pas s'il me reste encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): On peut vous donner...

M. Castiglio (Robert): Je m'aventure sur l'article 262...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En 30 secondes.

M. Castiglio (Robert): ... – en 30 secondes – parce que c'est important, ça vient modifier de façon fondamentale les obligations des témoins en matière d'enquêtes. Que ce soit criminel, disciplinaire ou déontologique, le type d'enquête, je pense qu'on doit donner des protections au policier témoin si vous voulez vraiment que cette réforme ait une chance de réussir. Si le policier qui est témoin de quelque comportement que ce soit, lorsqu'il se fait rencontrer par les enquêteurs, est obligé de signer une déclaration et que, par ailleurs, sa déclaration peut servir contre lui soit au criminel, soit en discipline, soit en déontologie, je vous soumets respectueusement que la réforme, à ce sujet-là, ne donnera rien, parce que les policiers vont craindre, en fait, de perdre leurs droits en répondant à des questions.

Alors, à mon sens, M. le ministre, vous devez réfléchir à cette question-là, parce que c'est la problématique... Vous savez, quand les Affaires internes arrivent dans un poste de police, les policiers, tout de suite, sont nerveux. Et, si, en plus, on leur dit: Tu as une obligation de faire une déclaration, mais on peut s'en servir contre toi, à mon sens, vous lancez un mauvais message, et ça va contribuer à un braquage que je pense que personne ne souhaite.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, vous aurez peut-être l'occasion de préciser des choses à cet égard ultérieurement dans la période d'échanges. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ménard: Bonjour. Je vous remercie de votre rapport. Je vois que, malgré les conflits que nous avons actuellement, vous avez fait un effort louable pour aborder le projet de loi dans une optique à long terme et apporter des améliorations dont, d'ailleurs, certaines que je vais prendre en considération. Il y en a beaucoup qui sont faites dans l'ensemble du rapport. On n'a pas le temps d'en discuter actuellement, mais... Alors, je vais me concentrer peut-être sur certaines choses qui nous apparaissent parmi les plus importantes.

Vous faites beaucoup état qu'un patrouilleur fait des enquêtes. Oui. Mais, dans la situation actuelle, n'y a-t-il pas des gens qui portent le titre d'«enquêteur»?

M. Cannavino (Tony): C'est exact, mais...

M. Ménard: Alors, vous réalisez parfaitement qu'il y a enquête et enquête. Je comprends qu'il y a, effectivement, des enquêtes d'une certaine banalité qui peuvent être faites par des patrouilleurs. C'est important aussi que les patrouilleurs sachent protéger les scènes de crime, de façon à ce que des enquêteurs plus spécialisés viennent. Mais, quand on parle de la formation des enquêteurs, on parle de cela, n'est-ce pas, on parle des moments où l'enquête prend une certaine envergure, au point de demander actuellement l'intervention de ce qu'on appelle les «enquêteurs», n'est-ce pas? Bon.

M. Cannavino (Tony): Vous savez, il faut faire la distinction. Quand on dit «enquêteurs», il ne faut pas absolument voir qu'on est capable d'en faire une scission rapidement. Le patrouilleur effectue des enquêtes; il y a ensuite un volet de concentration de travail qui se fait des enquêteurs de postes, entre autres; et, par la suite, vous avez les escouades de spécialisation – eux ont une vocation de spécialistes où ils sont concentrés sur un type de crimes. Mais, à la base, le développement du policier-patrouilleur... Il touche aux enquêtes dès ses premières journées. Dès ses premières journées de patrouilleur, tranquillement il touche à un volet d'enquête. Quasiment, je vous dirais, 80 % de ses interventions lors d'événements, c'est des constatations, c'est des observations, des témoins qui sont cherchés, des éléments de preuve à mettre en cause. Alors, ça, je peux vous dire que ce volet-là... Ce qui arrive, en plus...

M. Ménard: M. Cannavino, il ne faudrait pas s'ostiner trop longtemps pour dire la même chose.

M. Cannavino (Tony): Bien, c'est parce que le...

M. Ménard: On comprend parfaitement ça. Alors, si vous voulez... Non, mais je pense que vous comprenez que, quand on parle de la formation des enquêteurs, on parle de l'amélioration de la formation de ceux qui portent actuellement le titre d'enquêteur.

M. Cannavino (Tony): Ça, on ne peut pas être en désaccord avec ça, avec la formation.

M. Ménard: Bon! O.K. Donc, je veux dire, c'est ce niveau-là d'enquête. Moi, j'ai pris le terme «enquêteur» parce que c'est celui qui est utilisé actuellement dans la classe policière. Peut-être qu'il faudrait faire la distinction. Mais, à un moment donné, les organisations policières ont cru bon de distinguer des enquêteurs des patrouilleurs. Mais c'est à partir d'un niveau d'enquête, même si les patrouilleurs continuent.

À ce niveau-là, vous reconnaissez vous-mêmes qu'il faut une certaine formation et que, d'ailleurs, cette formation est de plus en plus exigeante. Là où on diverge d'idées – puis c'est là-dessus que je veux vous entendre – c'est que nous croyons que les organisations policières ne devraient choisir les personnes qui vont devenir enquêteurs que chez ceux qui ont été formés, alors que vous voulez le contraire, vous voulez qu'on les choisisse d'abord puis qu'on les forme ensuite. C'est ce que... Je vous comprends?

M. Cannavino (Tony): Mais c'est une...

M. Ménard: Bon. Oui.

M. Cannavino (Tony): Oui, mais où on s'entend ou on peut s'entendre également, c'est sur l'évolution et la mise à jour de la connaissance, parce que – ce que je vous disais tantôt, là – dès vos premières journées de patrouilleur, vous avez... Non, mais c'est important, parce que, entre ce qui est souhaitable... Je vous parle de la réalité, là, je vous parle de ce qui se fait. Les patrouilleurs, des fois, ça fait 10 ans, ils n'ont même pas de mise à jour de connaissances, et ce sont les premiers qui arrivent sur les événements; que ça soit des meurtres, que ça soit des vols à main armée, ce sont les premiers qui arrivent sur les lieux, ce n'est pas un enquêteur.

(11 heures)

Les éléments importants... une formation adéquate est importante. C'est certain que, pour nous autres, à partir de ces critères-là, à partir de cette formation-là, le suivi, le plan de développement du patrouilleur qui aspire à devenir enquêteur, ça aussi, c'est un plan de développement qui est important. Il y a un cheminement à être fait, il y a une expertise à être développée, il y a ses aptitudes également là-dedans. Et on se rejoint sur la question de la formation. Je vous dis par contre où il faut faire attention: ce n'est pas avant d'accéder aux enquêtes. Vous...

M. Ménard: De toute façon, dans la formation que vous envisagez, M. Cannavino, est-ce que vous envisagez que les gens qui vont recevoir cette formation vont devoir passer des examens?

M. Cannavino (Tony): Absolument.

M. Ménard: O.K.

M. Cannavino (Tony): Chez nous, c'est le cas. Je vais vous parler de la Sûreté du Québec, parce que, chez nous, à la Sûreté du Québec, il y a des examens et il y a des entrevues.

M. Ménard: O.K. Bon. Vous envisagez également que certains de ces enquêteurs devraient... Parce que vous savez que c'est dans le plan de... pas de rénovation, mais, en tout cas, le plan de...

M. Cannavino (Tony): De réorganisation? De renouvellement?

M. Ménard: ...renouvellement de la Sûreté du Québec, que, d'ici à un certain nombre d'années, les enquêteurs aient une formation universitaire.

M. Cannavino (Tony): Encore là, je vous dirais, M. le ministre, très respectueusement: On n'a rien contre la formation universitaire. On parle des fenêtres d'entrée comme policier, c'est le gouvernement qui a décidé que ça prenait une technique policière. Mais ce que je veux vous dire: Ce que ça nous prend, c'est une formation basée sur les besoins.

Que quelqu'un arrive à la Sûreté du Québec avec un Bac en droit, un Bac en crimino, ce n'est pas un gage de succès pour qu'il devienne un excellent policier, mais, par contre, avec une formation pertinente, qu'il développe, qu'il acquiert au fil des années, moi, je peux vous dire qu'à ce moment-là vous allez avoir... Il y a également aussi la reconnaissance de la formation qui est donnée à l'Institut de police depuis des années. Ça aussi, il y a une question d'équivalence ou de reconnaissance de valeur de formation qui devrait être faite.

M. Ménard: Bon. O.K. Le temps est limité, mais remarquez que j'ai quand même lu avec beaucoup d'attention votre mémoire et que je l'ai abondamment annoté. Et je pense que dans bien des endroits il fait preuve d'une très bonne qualité.

Maintenant, je comprends que vous auriez voulu qu'on parle de régionalisation. Tout le monde voulait qu'on parle de régionalisation, mais, à un moment donné, quand on mange une assiette, il faut prendre les bouchées une après l'autre sinon on va s'étouffer. Puis, deuxièmement, il faut que vous compreniez aussi que la régionalisation a des aspects qui proviennent d'autres ministères. C'est parce que ça relève beaucoup de l'organisation municipale. Donc, il faut marcher en parallèle, à un moment donné, puis après ça on va se rejoindre.

Mais, ceci étant dit, ce n'est pas parce que la réforme municipale n'est pas complétée que je n'ai pas une vision claire de ce que j'espère, et je voudrais savoir si on la partage: on pourrait cesser de concevoir l'organisation policière sur une base de municipalité et la concevoir sur une base de région plus grande, comme les MRC. Est-ce que cela vous conviendrait?

M. Cannavino (Tony): Jusqu'à maintenant, je peux vous dire que, pour avoir fait le virage avec la loi n° 77, nous nous sommes adaptés, la Sûreté du Québec, à ce type de police. D'ailleurs, j'appréciais la réflexion de M. Langlais, tantôt, qui parlait d'une possibilité qu'on s'assoie et qu'on puisse justement, peut-être, élaborer et participer à l'élaboration d'une carte qui ferait en sorte qu'il y aurait une cohésion dans l'action policière. Nous sommes ouverts à ces discussions-là. L'objectif, c'est que ça soit cohérent et de s'assurer de la sécurité des citoyens.

M. Ménard: Puis, moi, je peux dire que je partage votre objectif, que l'équilibre devrait être à peu près d'un tiers, un tiers, un tiers.

M. Cannavino (Tony): C'est exact.

M. Ménard: Mais le problème, c'est de voir comment, s'étant entendus sur la carte policière, est-ce que nous allons l'appliquer. Parce qu'il faut quand même tenir compte de ceux qui vont payer une partie importante de la facture, les municipalités, aussi. Il faut tenir compte de leur point de vue, pas juste le régler entre nous, ministères et organisations policières.

Pour les enquêtes à l'intérieur des corps policiers, vous apportez quelques bonnes suggestions. Si on avait les dispositions que l'on trouve dans le règlement sur la GRC quant au statut des représentants, beaucoup de vos objections tomberaient.

M. Castiglio (Robert): Oui, si vous me permettez, M. le ministre. De fait, oui, ce qu'on cherche à obtenir, M. le ministre, c'est qu'il y ait une protection et un encadrement à cette collaboration obligatoire des témoins. J'ai assisté à plusieurs journées d'auditions à la commission Poitras, et un des problèmes qu'on identifiait – et, je vous le soumets, c'est le cas dans toutes les enquêtes, M. le ministre: lorsque les affaires internes arrivent à brûle-pourpoint dans un corps de police, le sentiment d'inquiétude qui s'empare des policiers est tel que, même si vous avez une obligation de collaboration, il y a une paralysie de tout le monde.

Ce qu'on vous suggère, par exemple, et ce n'est pas des choses très compliquées: avisez, donnez un avis de 48 heures avant que les policiers arrivent. Écoutez, on n'est pas sur une scène de crime, il n'y a pas de sang, généralement, qui coule, M. le ministre, quand on fait une enquête sur un comportement policier d'il y a un mois ou deux mois. Généralement, il n'y a pas d'excuse qu'on arrive, qu'on descende et que ça ait l'air d'une perquisition d'un groupe d'intervention. Moi, je vous soumets que ça contribue à geler tout le monde. Deuxièmement, que les policiers aient le droit de consulter les rapports opérationnels.

M. Ménard: Oui. Mais vous comprenez que, pour le public en général, quand une enquête doit être faite dans un milieu qui connaît bien les enquêtes puis qui connaît bien les dispositions, des fois la rapidité a une certaine importance.

Mais, si je m'en tiens quand même à vos deux choses que vous nous suggérez, M. Castiglio – puis je reconnais que ce n'était pas les suggestions de la commission Poitras, mais elle ne nous en a pas fait beaucoup, hein, là-dessus, puis alors il a fallu en inventer nous-mêmes: si je mets les dispositions du règlement sur la GRC quant aux représentants et si je mets, selon vous, la protection contre l'incrimination personnelle, alors là je dégèle pas mal les témoins des incidents sur lesquels on est en train d'enquêter. Parce que, là, il n'y a plus beaucoup d'excuses de ne pas collaborer.

M. Castiglio (Robert): Vous mettez toutes les chances, M. le ministre, pour que l'obligation de collaboration veuille dire quelque chose.

M. Ménard: O.K. Puis je peux rajouter – je ne sais pas si c'est vous qui avez fait la suggestion ou si c'est un autre corps, parce que j'en ai eu tellement depuis quelques jours – la connaissance personnelle, que l'obligation soit sur... Est-ce que c'est vous qui avez fait ça aussi?

M. Castiglio (Robert): Oui, c'est exact, M. le ministre. Vous savez, on dit souvent qu'un corps de police, c'est une grosse machine à rumeurs, entre autres. Alors, effectivement, si on veut imposer des obligations, je pense que ça doit se limiter au policier qui est témoin d'un comportement et non pas au policier qui a entendu dire par un de ses collègues qui, lui, l'a entendu dire de quelqu'un d'autre, parce qu'il faut quand même qu'il y ait une ambiance travaillable dans le corps de police, aussi. Et, à mon sens, l'obligation doit être limitée à celui qui constate le comportement.

M. Ménard: Alors, trois mesures concrètes qui permettraient de faire des progrès dans les enquêtes.

M. Castiglio (Robert): Je le pense.

M. Ménard: O.K. Ça va. Une dernière chose, bien accessoire, parce que... je ne le sais pas, je vous poserai une autre chose pour savoir quel sondage vous aviez. Mais je vais laisser mes collègues quand même poser quelques questions. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Bienvenue à la commission. Moi, je voudrais revenir sur la déontologie et la discipline. Vous avez dit tout à l'heure: La déontologie, c'est les rapports avec le public; la discipline, c'est avec ses corps policiers. Et, en tout cas si j'ai bien compris, vous dites que, si un policier a une citation en déontologie, on ne voudrait pas qu'il y ait une mesure disciplinaire. C'est ça que ça dit. Et, si on prend, dans d'autres corps de professions, un médecin, un avocat, alors il y a une mesure disciplinaire, il y a aussi des citations en déontologie qui sont poursuivies. Alors, pourquoi ça serait différent pour les policiers?

M. Castiglio (Robert): Lorsque la Loi sur l'organisation policière a été adoptée, elle a été précédée de consultations – auxquelles on avait participé d'ailleurs. À notre sens, il n'a jamais été l'intention du législateur de faire en sorte qu'un policier soit poursuivi à la fois en déontologie et à la fois en discipline pour le même comportement. D'ailleurs, vous remarquerez que, dans le Code de déontologie des policiers du Québec, il y a une disposition qui prévoit que les dispositions de déontologie qui se retrouvaient dans les codes de discipline devaient être abrogées pour être remplacées par le Code de déontologie. En tout cas, c'était la compréhension des associations policières – on était tous ensemble à cette époque-là – qu'il n'y ait pas une duplication de processus.

Or, actuellement, on s'est rendu compte que, pour le même comportement, le policier va faire l'objet d'une citation ou de plusieurs citations déontologiques, ça va prendre des mois avant que ça débouche sur un jugement final, et par la suite, dépendant des circonstances, il va être accusé en discipline pour exactement le même comportement, exactement la même faute.

(11 h 10)

Alors, ça, je pense qu'on aurait dû, à notre point de vue, dans cette réforme, profiter de l'occasion pour se questionner sur comment assurer une étanchéité entre le processus déontologique et le processus disciplinaire, éviter que le policier soit puni deux fois pour le même comportement et aussi, évidemment, faire en sorte que les règles, qui sont des fois contradictoires parce que les règles en déontologie ne sont pas les mêmes qu'en discipline... Et on l'a vu à la commission Poitras, dans l'affaire Matticks, lorsque les policiers font l'objet d'une enquête qui est à la fois administrative, disciplinaire, déontologique et criminelle, bien là, évidemment, les obligations et les droits de chacun dans ces différents domaines là s'affrontent, et ça donne des situations plutôt chaotiques.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député.

M. Boulianne: Est-ce qu'on doit comprendre aussi que vous considérez qu'un acte criminel ne doit pas conduire automatiquement à la destitution mais qu'il doit y avoir une opération à l'interne?

M. Castiglio (Robert): M. le député, nous, on n'a pas trouvé... Puis je ne dis pas que ça n'existe pas, là, mais je dis respectueusement: On n'a pas trouvé, dans la législation québécoise ni même dans la législation fédérale, de destitution automatique. Alors, que ce soit la Loi sur les juges, que ce soient d'autres lois, il y a toujours un mécanisme qui permet à la personne qu'on veut congédier, dont on demande la destitution, d'être entendue. Que ce soit devant un tribunal impartial, devant un comité interne, il y a toujours une procédure qui précède les destitutions. Alors, on s'objecte à toute notion de destitution automatique.

Que ce soit pour des situations de fonctions incompatibles après six mois ou que ce soit pour la condamnation à un acte criminel, on pense qu'il doit y avoir une audition et, évidemment, que le policier doit pouvoir contester par voie de grief toute forme de mesure disciplinaire. Il appartiendra à l'arbitre de décider des circonstances et de décider si, en l'occurrence, il y a des circonstances atténuantes qui font en sorte que la destitution n'est pas la mesure appropriée. Je pense qu'on ne doit pas empêcher qu'il y ait une audition là-dessus, et on doit laisser aux tribunaux spécialisés en la matière de décider du sort du policier qui a été condamné.

M. Boulianne: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: MM. Meunier, Corriveau, Langlois, Me Castiglio, bonjour. M. Cannavino aussi, mais on va se parler, nous deux, plus que les autres, alors je salue les autres pour avoir le temps de leur parler deux secondes avant de commencer.

M. Cannavino, je vais commencer mon intervention en vous citant une phrase du mémoire de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec. Je vais vous demander si vous êtes d'accord avec cette phrase-là, puis ensuite on pourra développer, si vous voulez. À la page 61 de son mémoire, la Fédération des policiers dit: «Ce projet de loi se veut la réponse aux critiques accablantes suscitées par certains événements qui ont marqué le milieu policier au cours des dernières années. Malheureusement, le problème en était un d'encadrement, et, au lieu de viser la structure organisationnelle, le projet de loi vise chaque policier individuellement par des mesures de répression hors du commun.»

Êtes-vous d'accord avec cette assertion que fait la Fédération des policiers dans son mémoire?

M. Cannavino (Tony): Je vous dirais qu'en partie je suis d'accord, c'est vrai. Il faut dire que le rapport Poitras mentionnait justement que c'était une question d'encadrement qui faisait défaut, plus que ce qui se passait à la base. Mais ça...

M. Dupuis: O.K. Moi, vous savez, M. Cannavino, depuis plusieurs mois, je reproche au ministre que sa réponse au rapport Poitras n'est pas assez musclée, est trop timide. Je lui reproche en outre, depuis plusieurs mois, M. Cannavino, le fait qu'il n'ait pas, dès la publication du rapport Poitras, suscité, avec l'APPQ, que vous représentez, des discussions. Et je vais vous dire pourquoi je le lui reproche depuis plusieurs mois: parce que la première personne que j'ai entendue dès la publication du rapport Poitras, en janvier 1999, après le ministre, c'est vous. Et je vous ai entendu dire à plusieurs reprises que vous étiez, premièrement, en accord, pas totalement mais en accord, avec le diagnostic qui avait été posé par la commission Poitras. Et là je ne vous fais pas injustice, M. Cannavino, je dis que vous avez dit que vous étiez en accord en partie avec le diagnostic. Je pense que je reflète bien votre pensée là-dessus. C'est exact?

M. Cannavino (Tony): En partie?

M. Dupuis: Oui. Je pense que je reflète bien votre pensée?

M. Cannavino (Tony): En partie. Il faudrait s'entendre sur quelle partie, là, mais...

M. Dupuis: À l'effet que vous étiez en accord en partie avec le diagnostic du rapport Poitras. On s'entend là-dessus?

M. Cannavino (Tony): C'est une partie.

M. Dupuis: O.K. Et, deuxièmement, vous avez surtout dit que vous étiez en accord avec le fait qu'il devait y avoir ce que j'appellerai pour les fins de la discussion une réforme ou, enfin, une réorganisation à la Sûreté du Québec. Et je me suis appuyé d'ailleurs sur cette déclaration-là à plusieurs reprises pour reprocher au ministre, encore une fois, de ne pas avoir, avec vous, engendré des discussions sur une réforme possible.

Je n'ai jamais prétendu, M. Cannavino, bien sûr, que l'APPQ devait elle-même faire la réforme, ce n'est pas ça que j'ai dit. Mais j'ai toujours prétendu, par contre, que l'APPQ devait donner son opinion, et je vais vous dire pourquoi. Parce qu'il m'apparaît, M. Cannavino, qu'il ne peut pas y avoir une réforme souhaitée par tout le monde à la Sûreté du Québec si l'APPQ n'y participe pas. Mais, moi, j'ai compris du paysage policier depuis un certain nombre de mois que vous n'avez pas été consultés sur les réformes apportées à la suite de la publication du rapport Poitras. J'ai raison là-dessus?

M. Cannavino (Tony): Si vous me permettez, il y a quelques points. Tout d'abord, concernant la consultation, c'est vrai que ça a été excessivement difficile, la consultation, à l'interne. Moi, j'imagine qu'au départ, suite au dépôt du rapport Poitras, ça aurait dû débuter avec une consultation à l'interne à la Sûreté du Québec. Et vous avez raison de dire que, dès le dépôt, l'Association s'est montrée très ouverte à une réforme et je peux vous dire que ça fait quand même assez longtemps qu'on la demande. On avait d'ailleurs déjà débuté une certaine réforme lors du mandat de M. Coulombe. Mais, pour ceux qui trouvent que le projet est timide et non musclé, je vais vous dire de quoi: Il faut être à l'interne, puis réaliser, puis prendre connaissance de ce qu'il y a dans ce projet de loi là. Il faut voir qu'il n'est pas si timide que ça.

Il y a des pistes, il y a des solutions qu'on peut apporter. Il y a des suggestions qu'on amène là-dedans justement pour être certain que la réforme se fasse mais de la bonne façon. Sauf que, dès le départ, comme on l'a dit, on n'a pas été consulté à l'interne, puis ça a pris des efforts considérables par l'Association pour contraindre à amener la direction à s'asseoir avec nous autres.

M. Dupuis: M. Cannavino, entre vous et moi, juste un petit exemple: Un comité de surveillance de cinq membres nommés par le ministre, exclusivement par lui, son choix à lui, à qui il donne ses mandats à lui, c'est ça que vous appelez musclé, vous? Appelez-vous ça musclé?

M. Cannavino (Tony): Notre façon de voir le comité de surveillance... Nous avons suggéré d'ailleurs dans notre mémoire d'y aller plutôt avec une commission parlementaire – ici, déjà, le Parlement a ces institutions-là – la commission parlementaire avec évidemment son secrétariat, etc., des élus à qui la Sûreté du Québec aurait à répondre. Et ça, on est d'accord avec ça, la Sûreté du Québec a à répondre aux citoyens, aux élus qui représentent les citoyens.

Déjà, on le fait, à l'étude des crédits. Donc, déjà il y a une institution qui est en place. On considère, nous, qu'une commission parlementaire sur la Sûreté du Québec, et qu'elle soit permanente, on n'a aucun problème avec ça. Des élus qui s'adjoignent des personnes-ressources, des experts, à raison de une, deux, trois ou quatre fois – vous déciderez du nombre de fois par année où on doit être convoqué devant cette commission-là – on n'a aucun problème à vivre avec ça.

Ce que ça permettrait également, c'est une certaine distance. Vous nous entendez souvent parler de cette distance-là entre le politique et les organisations policières. Ce n'est pas sur les politiques organisationnelles, mais c'est sur les opérations policières où on est toujours un petit peu plus inquiété.

M. Dupuis: Alors donc, on s'entend, vous et moi, pour dire que ce que le ministre suggère... Je comprends quand vous dites: Ce n'est pas un projet de loi qui est timide, c'est un projet de loi qui est musclé; il est musclé sur les mesures de répression à l'endroit des policiers individuellement, et vous en avez fait part largement dans votre mémoire. Mais, moi, je parle d'un projet de loi qui veut s'attaquer aux vrais problèmes qui ont été révélés par la commission Poitras. Ça, ça s'attaque en partie aux problèmes qui ont été révélés par Poitras. Mais, dans la structure organisationnelle de la Sûreté et surtout sur la surveillance des activités de la Sûreté, le conseil de surveillance que le gouvernement met en place et celui que vous suggérez n'auraient pas la même force. Est-ce qu'on s'entend là-dessus? Le vôtre a pas mal plus de force. Votre suggestion a pas mal plus de force.

(11 h 20)

M. Cannavino (Tony): À nos yeux, la force de la convocation et des comptes à rendre, ce serait, quant à nous, plus solide, plus transparent, plus objectif. Et, comme je vous disais tantôt, quand on parle d'encadrement, l'encadrement est important et il n'est pas imputable actuellement. C'est facile de surtout lancer la pierre à la base, mais les opérations policières ou l'organisation de la Sûreté du Québec, bien, écoutez, c'est les officiers.

Chez nous, on a un processus. On demande et on semble... Et vous l'avez sûrement lu tout au long de notre mémoire: on veut être consulté, on veut participer. La raison pour laquelle on veut participer, si c'est possible, M. le ministre, dans l'élaboration des règlements, non pas pour mettre des bâtons dans les roues; au contraire, pour vous dire exactement ce qui se passe partout, à la base, quelle est la réalité et comment on peut aider ou faciliter, justement enlever des embûches.

Mais simplement le système de promotion ou de sélection d'enquêteurs chez nous, écoutez: des examens, des entrevues. Promotion aux grades de caporal et sergent – parce qu'ils sont syndiqués chez nous, les caporaux et les sergents: chez nous, ils passent par des examens, des entrevues. Quand c'est rendu au niveau des officiers, c'est fini, c'est disparu, ils n'ont plus ces critères-là. Vous voyez à quel point la structure est importante dans un certain niveau et, après cela, ça disparaît, alors qu'on considère, nous, que c'est aussi important, aussi valable d'être en mesure de justement se qualifier adéquatement à des postes d'encadrement de niveaux intermédiaire et supérieur. Ça en est un, exemple, où on veut s'impliquer.

M. Dupuis: Bien, effectivement, M. Cannavino, moi, ce que je comprends de vos représentations... Il n'y a pas seulement vous qui dites ça, là: On aurait aimé ça être consultés avant que le projet de loi ne soit déposé. L'Association des directeurs de police le dit, vous l'avez dit, la Fédération des policiers le dit aussi, puis à peu près tous les intervenants qui viennent en commission disent: On aurait aimé ça être consultés avant que le projet de loi ne soit déposé. Pourquoi? Parce que, quand on n'est pas consulté avant que le projet de loi soit déposé, il peut y avoir des problèmes de déconnexion avec la réalité.

Les gens qui connaissent mieux le milieu, bien sûr, c'est les directeurs de police, mais c'est aussi les policiers eux-mêmes; bien sûr, c'est les différentes directions de corps de police, mais les policiers eux-mêmes. Si le ministre, au moment où le rapport Poitras a été publié, avait engendré avec vous une consultation, sans s'attacher les mains... C'est lui, le ministre, on ne veut pas lui attacher les mains. Mais, s'il avait engendré une consultation avec vous, vous lui auriez dit quoi, qui ne se retrouve pas dans le projet de loi, sur la structure organisationnelle à la Sûreté? Y a-tu des affaires qui ne sont pas dans le projet de loi que vous auriez aimé y voir ou alors des choses qui y sont mais qui ne sont pas, outre les questions de discipline, en relation avec la réalité qui se vit dans le milieu policier?

M. Cannavino (Tony): C'est comme je vous disais tantôt: L'avantage d'une consultation, si, déjà à l'interne, l'exercice avait été fait d'une façon volontaire et objective et que, par la suite, l'employeur et le représentant des employés, nous avions pu aller faire des recommandations au ministre sur des besoins ponctuels, sur une réalité qui se vit à, je vais vous parler de la Sûreté du Québec, mais je suis quand même conscient que la question...

Prenons juste la question de formation, la question de plan de développement de ressources humaines, c'est primordial. Je vous l'ai dit tantôt: Je suis heureux de voir qu'on veut mettre de l'emphase sur la formation. Finalement, ça semble vouloir bouger. On voit juste des grandes lignes. On aimerait ça pouvoir remplir un peu d'espace là-dedans puis participer justement à cette élaboration-là, pour que ça reflète vraiment les besoins actuels et ponctuels, entre autres. Parce que des réformes puis des projets de loi, il n'y en aura pas à toutes les années, puis à tous les deux ans, puis à tous les trois ans. Si on manque le bateau cette fois-ci...

Moi, je me souviens que, au dépôt du rapport Poitras, on parlait d'un plan de renouvellement où il était question d'investir, d'injecter 100 000 000 $. Du 100 000 000 $, on a vu que ça a fondu à 60 000 000 $, à 30 000 000 $. Là, on parle de 6 000 000 $ à même les budgets de la Sûreté du Québec. Je sais que ce n'est pas évident. Je sais que l'argent ne pousse pas dans les arbres. Mais, autant c'est essentiel et c'est important d'investir dans la santé, d'investir dans l'éducation, la sécurité des citoyens, là, est aussi importante.

M. Dupuis: J'ai un autre sujet, M. Cannavino, là: les enquêtes criminelles qui sont effectuées sur des policiers qui sont soupçonnés d'avoir eu un comportement criminel. On voit que le projet de loi... Vous n'allez pas me dire que le projet de loi, il est musclé, sur cette question-là, hein? Le projet de loi, sur cette question-là, il ne prévoit même pas que l'enquête se fasse par un autre corps de police. On s'entend là-dessus, là? C'est ça qu'il dit, le projet de loi. Il ne dit rien là-dessus. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?

M. Cannavino (Tony): Oui, mais...

M. Dupuis: Bon. Ça, ce n'est pas trop musclé, hein?

M. Cannavino (Tony): Quand on me parle de musclé puis de timide, c'est comme je vous disais tantôt, il faut faire un constat. Il y a des parties du projet qui sont intéressantes, il y a des parties du projet également qui devraient être développées.

D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous venons ici, en commission, pour pouvoir justement vous donner notre opinion, pas simplement par la lecture du mémoire, pour vous exprimer également certains besoins.

On vous parlait tantôt de la police des polices. Parce qu'il y a des fois où on parle d'une escouade spéciale. Ici, on vous parle d'une police des polices. Ça va faire quoi? C'est la perception par les citoyens. On parle souvent, souvent de la perception des corps policiers par la population. Moi, je vous dis que... On en a un, sondage, entre autres, qui parlait d'un taux de satisfaction d'au-delà de 85 % par les citoyens. Quand on parle de la question de la transparence et de l'objectivité des enquêtes, on sait fort bien que ces enquêtes-là sont faites avec beaucoup d'intégrité et d'objectivité. Sauf que la perception, elle inquiète.

Si on avait justement cette police des polices qui enquêtait, moi, je peux vous dire que, dès le départ, avec la collaboration des policiers... Parce que, avec ce qu'on vous disait tantôt sur la façon de procéder, moi, je peux vous dire une chose: Il y a une garantie de succès là-dedans sur la perception par les citoyens, mais, quant à la façon d'enquêter, je peux vous dire qu'il n'y a pas de faveur qui se fait. Lorsqu'un policier est enquêté, il n'y a pas de faveur. Je peux vous le garantir, ça.

M. Dupuis: Mais il n'y a pas de doute que le fait d'avoir un corps d'enquêteurs complètement indépendant de toute espèce d'appartenance à quelque corps policier que ce soit ajoute à la garantie d'indépendance – on s'entend là-dessus – ajoute à la garantie de protection.

M. Cannavino (Tony): Et à la perception par les citoyens.

M. Dupuis: Et à la perception. Ça, on s'entend sur la perception, il n'y a pas de doute. Alors donc, quand le projet de loi refuse de parler de cette matière-là, c'est-à-dire enquête criminelle sur des présumés comportements criminels de la part de policiers, vous n'allez pas me dire, M. Cannavino, que vous trouvez qu'il est musclé à ce sujet-là?

M. Cannavino (Tony): Et c'est la raison pour laquelle on suggère fortement la création d'une police des polices.

M. Dupuis: O.K. Moi, là, je vais vous dire bien franchement, je lis l'article sur la délation – l'obligation du policier de dénoncer le comportement criminel d'un collègue, comportement qui pourrait donner lieu à une faute de nature déontologique ou disciplinaire – et je trouve ça complètement irréaliste. J'ai-tu raison ou j'ai tort? Moi, je pense que ça ne change rien, cet article-là. J'ai-tu raison ou j'ai tort?

M. Cannavino (Tony): Bien, écoutez, je ne suis pas d'accord, en partie, avec ce que vous dites.

M. Dupuis: O.K. Expliquez-moi pourquoi.

M. Cannavino (Tony): Parce que la question de la délation, dès le départ...

M. Dupuis: Moi, les gens, chez nous, dans le bureau de comté, ils me parlent de ça puis ils me disent: Ça ne change rien, ça. Convainquez-moi que ça va changer quelque chose. Mais, moi, ils me disent, mes gens: Ça ne changera rien. Il n'y en aura pas plus, de délation. Il n'y en a pas aujourd'hui puis c'est dans le règlement; il n'y en aura pas demain plus. Comment on pourrait s'assurer que ça donne quelque chose?

M. Cannavino (Tony): Tantôt, Me Castiglio vous a donné des façons, il a émis des suggestions pour s'assurer que la personne qui a justement à s'exprimer ou à dénoncer puisse le faire d'une façon où elle va être encadrée, où elle va être sécurisée. Non pas contre les représailles de ses confrères, au contraire. Les policiers ne travaillent pas, ils ne veulent pas travailler, ils ne toléreront pas de travailler avec un policier véreux. Ça, c'est clair. O.K.? C'est clair.

Mais, à un moment donné, il faut arrêter de penser qu'un corps policier, c'est plein de policiers véreux, là. On a l'impression, à un moment donné, qu'on veut mettre une emphase terrible puis on veut essayer de chercher, s'assurer qu'il y a des policiers et des criminels dans les organisations policières. Et ça, il faut faire attention, à un moment donné, dans la perception des citoyens. On a tous une responsabilité. Autant les élus que les directeurs, on a une responsabilité sur l'image qu'on projette.

Mais je peux vous dire une chose: Si on met autant d'emphase dans la lutte à la criminalité, au crime organisé qu'on semble vouloir en mettre à chercher des poux dans les corps policiers, je pense qu'on va avoir plus de chances de succès.

M. Dupuis: Alors, dans le fond, M. Cannavino, ce que vous dites, c'est: Si on donne une protection à la personne qui fait la dénonciation ou une protection de témoin, à ce moment-là on va avoir des effets.

(11 h 30)

M. Cannavino (Tony): C'est lorsque c'est fait en bonne et due forme, selon les règles de l'art. Quand vous voyez un groupe des affaires internes arriver comme si c'était un groupe d'intervention qui s'en va arrêter des criminels, le policier se pose des questions. Le policier, ce n'est pas un criminel. Il y a des façons. On lui enseigne comment procéder, comment intervenir, comment intercepter quelqu'un, un citoyen, ou comment arrêter un criminel et quels sont ses droits. Mais je pense qu'il y a un minimum de décence, également. S'il est témoin ou s'il est visé par une accusation, écoutez, il ne se sauvera pas, le policier, là. Comme Me Castiglio disait tantôt, le sang ne coule pas, là. Il y a une façon de faire ça en démontrant du professionnalisme et en démontrant également un respect envers les policiers. Et je peux vous dire qu'à ce moment-là la collaboration se fait, et ça va de soi.

Ce n'est pas une question de solidarité, qu'on semble prétendre, ou de loi du silence. Je l'amène, ça n'a pas été mentionné, mais je l'amène. Question de solidarité, ce n'est pas dans ce sens-là. Et la solidarité, il n'y a rien de négatif là-dedans, parce qu'on entend parler d'une solidarité dans les organisations des ordres professionnels, on entend parler de solidarité ministérielle ou des lignes de partis, et ça, c'est tout à fait normal et logique. Il y a même un ministère d'Emploi et de Solidarité du citoyen.

M. Dupuis: M. Cannavino...

M. Cannavino (Tony): Comprenez-vous?

M. Dupuis: ...il ne nous reste malheureusement pas beaucoup de temps...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Une minute.

M. Dupuis: ...mais je pense qu'on va s'entendre tous les deux pour se dire que, lorsque la commission Poitras parlait de loi du silence, elle ne parlait pas de ce genre de solidarité là, on va s'entendre là-dessus. Celle que vous venez d'évoquer, avec laquelle je suis tout à fait d'accord...

M. Cannavino (Tony): Merci.

M. Dupuis: ...mais ce n'est pas de ça que la commission Poitras parlait. D'accord?

M. Cannavino (Tony): Écoutez, ils ont peut-être regardé plus de films que d'autres.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, cet échange met fin à cette partie de nos travaux. J'aimerais remercier M. le président Cannavino de même que les personnes qui l'accompagnent, pour leur contribution à nos travaux.

J'inviterais tout de suite les représentants de la municipalité régionale de comté du Val-Saint-François à bien vouloir prendre place, et nous serons prêts dès après la suspension de quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

(Reprise à 11 h 34)

Le Président (M. Boulianne): Alors, je demanderais au responsable de la municipalité régionale de comté du Val-Saint-François de s'approcher. Alors, je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale, de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. Bienvenue, M. Denis Allaire. Est-ce que vous voulez nous présenter votre équipe et présenter votre mémoire?


Municipalité régionale de comté du Val-Saint-François

M. Allaire (Denis): Merci, M. le Président, M. le ministre. Alors, je suis accompagné de M. Mike Doyle, maire de la municipalité de Saint-Denis-de-Brompton; de M. Gerald Badger, maire du canton de Cleveland; et de M. Guy-Lin Beaudoin, directeur général de la MRC du Val-Saint-François.

Je tiens d'abord à vous remercier de nous permettre d'exposer notre point de vue devant vous aujourd'hui. Nos commentaires sont de deux ordres: premièrement, spécifiques, et, en deuxième lieu, généraux.

Nos commentaires spécifiques. Le commentaire 1 est relié aux articles 115 et 116 du projet de loi n° 86. La MRC du Val-Saint-François tient à rappeler qu'au début des négociations du pacte fiscal du gouvernement le gouvernement s'était engagé formellement à ne pas transférer de nouvelles charges aux municipalités sans leur fournir les dotations financières reliées aux charges additionnelles. Tout en reconnaissant que la protection de police soit déjà, en partage avec le provincial, de compétence municipale, ce projet de loi vient imposer un mode de fonctionnement qui risque de s'avérer plus onéreux pour les municipalités.

Le pouvoir du gouvernement d'imposer des conditions supplémentaires d'admissibilité pour les policiers et les constables spéciaux et de déterminer les qualités requises pour exercer les fonctions d'enquête ou de gestion dans un corps de police ainsi que pour exercer une fonction ou obtenir un grade dans un corps de police autre que la Sûreté du Québec peut constituer un remaniement des modes de fonctionnement pouvant se solder par une hausse des dépenses municipales affectées à la sécurité policière. La MRC incite donc le ministre à aborder la rédaction du texte réglementaire dans un souci d'optimiser la relation coûts-bénéfices. Selon nous, il faut garder à l'esprit les contraintes logistiques et financières des collectivités.

Commentaire 2 relié aux articles 3 et 83 du projet de loi n° 86. Nulle part dans le projet de loi nous ne trouvons de définition du terme «directeur». Est-il possible pour un civil, un non-policier, de devenir directeur de police? Nous avons en tête le cas de M. Coulombe, un non-policier, qui a restructuré la SQ.

Commentaire 3 relié aux articles 10 et 11 du projet de loi n° 86. Il est, selon nous, capital que l'École soit à l'écoute des besoins des policiers des municipalités locales. Nous recevons souvent des commentaires des chefs de police qui se plaignent que la formation donnée aux jeunes policiers ne colle pas à la réalité et aux besoins quotidiens d'une force policière municipale: application des règlements, niveaux et moyens d'intervention, rédaction des rapports d'infraction. Et on pourrait peut-être rajouter même au niveau d'une police communautaire.

Commentaire 4 relié à l'article 43 du projet de loi n° 86. Le gouvernement du Québec et les municipalités appliquent de plus en plus des tarifs basés sur le principe d'équité utilisateur-payeur. Pour la MRC, ce principe devrait s'appliquer pour l'École nationale de police. Par ailleurs, en tant que partenaire-payeur, nous demandons de connaître les coûts de fonctionnement et d'opération de ladite École. Ainsi, le ministre de la Sécurité publique devrait dévoiler les chiffres reliés aux coûts réels et les mettre à la disposition des collectivités pour analyse et commentaires.

Dans un contexte de restructuration policière – mise à la retraite des agents de la SQ, création de plus de corps de police locaux et régionaux – le ministère a-t-il analysé des scénarios d'économie des coûts reliés à la baisse des effectifs de la SQ? Puisque le ministre vise le concept du un tiers des effectifs policiers municipaux, un tiers des effectifs policiers SQ et un tiers des effectifs de la Communauté urbaine de Montréal comme schéma d'établissement policier pour toute la province, dans ce scénario, a-t-il analysé les impacts financiers sur les coûts de l'École qui devront être assumés par les municipalités? Par ailleurs, ces changements auront-ils un effet zéro sur le contribuable-citoyen qui, peu importent nos décisions, se retrouve à être la personne assumant l'ensemble des coûts?

Dans un autre ordre d'idées, la loi oblige les employeurs à affecter 1 % de la masse salariale à la formation de tous les employés et non seulement au service de police. Étant donné qu'il est souhaitable de permettre aux corps de police, en fonction des critères québécois, de moduler leur formation aux besoins du milieu, il nous apparaît souhaitable également d'inclure dans le calcul dudit 1 % imputé aux coûts de l'ENPQ toute formation équivalente prise dans un autre établissement reconnu. En outre, dans le calcul dudit 1 %, il faudrait tenir compte des coûts reliés à la mise à niveau des policiers en matière légale, suite aux arrêts des tribunaux – analyse des effets de la jurisprudence – aux changements aux lois et aux règlements, etc.

(11 h 40)

Commentaire 5 relié aux articles 71 et 72 du projet de loi n° 86. Il est de commune renommée dans le milieu juridique que le mot «peut» est attributif d'un pouvoir discrétionnaire pour le ministre. Il nous semble pour le moins anachronique d'y accoler l'adverbe «exceptionnellement». Ainsi, il est de notre prétention que le pouvoir discrétionnaire du ministre s'en trouve trop limitativement réduit. Dans une perspective d'ouverture au concept de police régionale et de services policiers adaptés aux besoins d'une collectivité, nous vous demandons de modifier le libellé des articles 71 et 72 en enlevant l'adverbe «exceptionnellement» des alinéas 2 et 1 desdits articles.

Dans le même ordre d'idées, nous souhaitons que le libellé de 71 et 72 soit modifié pour permettre aux municipalités, qu'elles aient plus de 5 000 habitants ou moins de 5 000 habitants, de faire des ententes intermunicipales pour la création d'un corps de police répondant aux exigences des services de base.

En ce qui a trait à l'alinéa 2 de l'article 72 in fine: «Lorsque des circonstances particulières le justifient, l'entente peut être conclue directement avec la municipalité locale», il nous semble peu respectueux de vos partenaires MRC. En effet, une MRC comme la nôtre, qui a refusé de signer l'entente avec la SQ, pourrait se voir contourner, dans sa volonté claire et dans sa vision des services policiers régionaux, par des ententes prises avec les municipalités locales. Si on croit véritablement dans l'établissement d'une carte policière cohérente, on doit conserver le pouvoir des MRC relatif à la signature d'une entente de services policiers avec la SQ.

Commentaire 6 relié à l'article 73 du projet de loi n° 86. Nous nous opposons à l'alinéa 2 de l'article 73, qui est, selon nous, une ingérence dans notre pouvoir de gouverne. En effet, il est extrêmement difficile pour les municipalités d'intégrer les policiers dans un autre corps de police local ou de procurer un emploi au sein de la municipalité, advenant la dissolution d'un corps de police régional.

Si le ministre accorde l'abolition du corps de police, il nous apparaît absurde d'obliger les municipalités à faire plus pour une catégorie d'employés que le régime général des lois du travail. Si le ministre donne sa permission pour l'abolition du corps, c'est qu'il y a des raisons justes et suffisantes de le faire. Le lien d'emploi des policiers et autres personnes reliées au service de police doit se terminer de facto. L'addition par le gouvernement d'une série de mesures extraordinaires – comité de reclassement, etc. – et le recours à l'arbitrage prévu dans les conventions collectives enlèvent toute marge de manoeuvre nécessaire à une saine gestion des services publics.

Commentaire 7 relié à l'article 74 du projet de loi n° 86. Le libellé in fine de l'alinéa 1 de l'article 74 peut être interprété de deux façons: 1° l'entente intermunicipale ne peut se renouveler si une seule municipalité manifeste son désir d'y mettre fin; ou 2° l'entente intermunicipale se renouvelle uniquement pour les municipalités qui n'ont pas manifesté leur désir d'y mettre fin.

Dans un contexte de cohérence d'établissement des cartes policières, nous souhaitons que le libellé de l'alinéa 1 soit clarifié pour que la deuxième façon de lire l'article soit la bonne. Certes, nous n'avons pas à élaborer sur l'antinomie que la première façon d'interpréter l'article contient; ce serait d'un ridicule consommé! Dans le même ordre d'idées, le droit de retrait des municipalités devrait être encadré pour éviter qu'un retrait d'une entente ne soit fait que pour de viles considérations personnelles ou politiques.

En outre, nous nous inscrivons en faux contre l'alinéa 2 de l'article 74. Cet alinéa a des effets pervers tant au niveau de la saine gestion que des coûts à être supportés par les collectivités locales. Par exemple, dans notre MRC, c'est uniquement la ville de Windsor qui a plus de 5 000 habitants.

Commentaire 8 relié aux articles 86 et 112 du projet de loi n° 86. La lecture de l'alinéa 1 de l'article 86 et de l'alinéa 2 de l'article 112 nous démontre que le gouvernement se réserve un droit de regard sur la gestion de l'achat des équipements. Des prescriptions gouvernementales adaptées à l'ensemble des corps policiers, relatives à l'achat d'équipements, peuvent entraîner des coûts importants et ne pas correspondre aux réalités et aux besoins du milieu. C'est pourquoi il est important de respecter le pouvoir de réglementation du milieu local prévu au paragraphe 1° de l'article 86.

La MRC incite donc le ministre à aborder la rédaction du texte réglementaire de l'article 112 dans un souci d'optimiser la consultation des corps de police touchés par ledit article – voir également le commentaire 13.

Commentaire 9 relié à l'article 115 du projet de loi n° 86. Notre propos porte sur le paragraphe 5° de l'article 115. Ainsi, le libellé de ce paragraphe irait comme suit: être diplômé de l'École nationale de police du Québec ou satisfaire aux normes d'équivalence établies par règlement du gouvernement du Québec. L'École ne serait pas ainsi juge et partie.

Commentaire 10 relié aux articles 280 et 281 du projet de loi n° 86. Dans un esprit de transparence et d'«empowerment» du citoyen, il convient de prévoir un libellé plus englobant pour l'article 281 qui pourrait aller comme suit: Le ministre mandate une personne pour faire enquête sur tout corps de police, à la demande d'une municipalité qui reçoit les services d'un corps de police ou d'un groupe de citoyens d'une municipalité recevant les services d'un corps de police.

Cette ouverture aux demandes d'enquête serait tout à fait acceptable dans le cadre d'une desserte policière digne du XXIe siècle.

En commentaires généraux, nous avons le commentaire 11. Le projet de loi que nous avons analysé peut être qualifié de «Vert Sûreté du Québec». «Vert», on pourrait peut-être l'écrire de deux façons, c'est «vers» ou «vert». En effet, il nous semble que le projet de loi ne favorise pas les ententes intermunicipales ni les projets de police régionale par desserte en fonction du territoire des MRC. Y a-t-il ouverture pour un corps de police régional en fonction des territoires des MRC?

Commentaire 12. Il faudrait prévoir un mécanisme de résolution des conflits lorsque les négociations de signature d'entente entre une MRC et la SQ achoppent.

Le dernier commentaire, le commentaire 13. Plusieurs réglementations gouvernementales en matière de police ont des effets pécuniaires très importants. Il est de notre prétention qu'il faut concevoir un mécanisme de consultation des corps de police touchés par la réglementation gouvernementale avant que cette dernière ne soit adoptée – peut-être une commission parlementaire sur le sujet – afin de déterminer la portée de la réglementation, ses effets positifs et négatifs, le tout en fonction d'objectifs réalistes qui tiennent compte des caractéristiques du milieu touché.

Voilà donc, M. le ministre, M. le Président, nos commentaires.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Allaire. Est-ce que vous avez quelqu'un qui continue? C'est beau? Vous avez terminé?

M. Allaire (Denis): Non, ça va aller.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le préfet de la MRC du Val-Saint-François. Nous allons procéder à la période de questions. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ménard: Alors, d'abord, je vous remercie beaucoup de vous être présentés devant nous. C'est évident que les MRC, quelle que soit leur grandeur, sont pour nous un élément extrêmement important de l'organisation policière au Québec. Et il est important pour nous d'en avoir une qui s'est donné la peine de venir, de préparer un mémoire et de venir nous en parler.

D'ailleurs, je commencerai peut-être tout de suite là-dessus. Vous semblez favorables à des ententes intermunicipales sur la base de la MRC. Pourquoi vous n'en avez pas une?

Le Président (M. Boulianne): M. Allaire.

M. Allaire (Denis): Je vais laisser M. le directeur général, qui a fait les discussions avec...

Le Président (M. Boulianne): Oui. Est-ce que vous voulez vous présenter, s'il vous plaît?

M. Beaudoin (Guy-Lin): Oui, tout à fait. Guy-Lin Beaudoin, directeur général de la MRC du Val-Saint-François.

Le Président (M. Boulianne): Merci.

M. Beaudoin (Guy-Lin): Alors, M. le ministre, M. le Président, MM. les membres de la commission, la raison pour laquelle on n'a pas d'entente régionale présentement... C'est cela?

M. Ménard: Oui. Pourquoi vous n'avez pas considéré de vous organiser sur la base de la MRC pour donner le service de police?

M. Beaudoin (Guy-Lin): Nous l'avons fait il y a trois ans. Nous avons embauché une firme, Chartrand, Laframboise, qui avait déterminé un mode d'opération policière pour l'ensemble du territoire MRC, et, à l'époque, il y a deux municipalités qui se disaient un peu fragiles vis-à-vis de ce dossier-là, et ça avait achoppé. Présentement, le dossier est sur la table de la MRC. On a un comité ad hoc de police, puisque, comme vous le savez, on n'a pas de comité de police étant donné qu'on n'a pas signé l'entente avec la Sûreté du Québec. On a fait un comité ad hoc formé de sept maires, comprenant les trois municipalités plus quatre maires de municipalités rurales, et présentement on analyse la possibilité d'avoir une police régionale avec desserte de territoire MRC. Ça a été une discussion qui a été assez longue.

(11 h 50)

La raison pour laquelle on a mis également ce projet-là en veilleuse, c'est qu'on a une MRC voisine, la MRC de Memphrémagog, qui avait eu une fin de non-recevoir, dans le sens que, à leurs yeux, ça avait été une fin de non-recevoir du gouvernement par rapport à leur projet de police régionale. Je sais que vous êtes venu en Estrie, vous avez rencontré les directeurs généraux, et les gens qui s'occupent un peu de police également, et les vrais chefs des polices, les bleus comme les verts. Et vous nous aviez, à l'époque, dit que vous étiez favorable au concept de police régionale par territoire de MRC. Forts de votre appui, qui était un appui symbolique extrêmement important pour nous, on a relancé la discussion, et le débat est reparti de plus belle.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Beaudoin. M. le ministre.

M. Ménard: Je comprends que ce n'est pas un obstacle législatif qui vous a empêchés de le faire, c'est le fait que les municipalités aient été hésitantes et puis aient pris du temps, finalement, à donner leur opinion avant. Je pense qu'il y avait un moratoire aussi qui avait été établi par mon prédécesseur, et puis c'est ça qui a nui. C'est évident que j'aurais préféré – puis, même, je pense que ça aurait été mieux pour vous – que vous vous joigniez à une MRC voisine, parce que, quand même, la totalité de votre MRC, c'est quand même juste 20 000 habitants.

M. Beaudoin (Guy-Lin): La totalité de la MRC, c'est 28 680 habitants, effectivement.

M. Ménard: Ah bon!

M. Beaudoin (Guy-Lin): Oui. Vous parlez d'intervention législative, c'est très intéressant. C'est qu'on ne voyait pas de grande ouverture dans la Loi de police, parce qu'on disait: Si t'as 5 000 habitants et plus, tu peux avoir ton corps de police. On aurait aimé, par rapport au projet de loi qui a été déposé – et ça, ça ressort d'une façon implicite du mémoire – qu'on parle directement, utilisant la terminologie «police régionale» au lieu de «police intermunicipale».

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Beaudoin. M. le ministre.

M. Ménard: Oui. Vous parlez aussi d'un mécanisme de résolution des conflits lorsque les négociations échouent entre la MRC et la Sûreté du Québec. Est-ce que vous avez des suggestions sur le type de...

M. Allaire (Denis): Je vais laisser mon confrère, M. Mike Doyle.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Est-ce que vous voulez vous identifier, s'il vous plaît, pour répondre?

M. Doyle (Mike): Oui. Mike Doyle, maire de Saint-Denis-de-Brompton. Disons que, quand on regarde les services de police présentement dans notre municipalité, c'est desservi présentement par la SQ. Et puis, justement – juste pour revenir un petit peu en arrière – on était la municipalité cible pour l'application des règlements municipaux et puis pour la première expérience en vue d'évaluer ce genre de services SQ vis-à-vis de la balance de la MRC. Et puis, justement, on trouvait très lent le processus dans l'établissement de ce nouveau programme. Ça a pris au-dessus de quatre ans pour arriver à ce point-là.

Quand on est embarqué avec la SQ pour discuter du comité de police, au départ, c'est justement quand on est arrivé à l'offre de services qu'on a reçue de la SQ qu'on a posé des questions, simplement pour savoir comment... pour répondre à nos questions. Justement, si on a une solution spécifique dans la structure, contrairement à qu'est-ce que vous pensez, moi, je n'ai pas clairement, à ce moment-ci... à moins qu'il n'y ait quelque chose de plus défini et établi dans la hiérarchie des gens de SQ.

Toutefois, on réalise que c'est important, évidemment, que chaque municipalité ait un service de police. Ça, c'est vrai. Une fois ça établi, c'est à chaque municipalité d'établir ses besoins. Par la suite, s'il y a besoin d'une collaboration avec la MRC, ils établissent un besoin pour la région.

Alors, qu'est-ce qu'il faut faire à partir de ça? Établir des critères, qu'est-ce qu'on doit avoir, exiger d'un service de police. Puis je pense que c'est ça qu'il faut éviter, qu'ils nous imposent leur police. Puis, après ça, on établit les services qu'on veut avoir. Je pense que c'est notre but, d'essayer d'établir nos besoins. Une fois que ça, c'est fait, on doit être en mesure de trouver quel est le meilleur service de police, que ce soit un service intermunicipal, comme ça peut être un service de la Sûreté du Québec, comme ça peut être un service d'un corps policier régional. Alors, à partir de ça, c'est important que, une fois ça établi, on établisse le règlement dans lequel on peut avoir des mesures de contrôle sur les coûts, l'application sur l'administration et tous les autres facteurs.

On fait un peu à l'envers présentement: on l'a imposé; après ça, arrangez-vous avec. J'aimerais bien partir de l'autre bord: montrer que c'est nous autres qui établissons nos besoins, en dedans de la Loi de police, évidemment, mais c'est nous autres qui allons être en mesure d'établir des normes pour les services de police.

Pour revenir à la question «anciennement», justement, on est une des municipalités qui étaient contre, parce que c'est une réaction très rapide qui a été faite pour répondre dans une certaine limite de temps imposée par votre prédécesseur, et puis on aurait à «backer» avec une sûreté régionale qui n'aurait pas été adéquate parce que nos besoins n'auraient pas été établis. C'était plutôt en contre-réaction pour trouver une autre solution rapidement.

Alors, c'est pour ça, pour aller avec qu'est-ce que M. Beaudoin a dit. Notre idée, c'est de partir avec un établissement de nos services de police, mais de ne pas être limité par la loi dans laquelle on serait obligé d'accepter le choix de police fait pour nous. Puis ça va revenir à dire comment on va régler le problème d'une impasse dans les négociations. On vient de l'éliminer dans le sens où c'est nous autres qui allons établir nos besoins et un corps de police qui peut nous offrir les services dont on a besoin.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Doyle. M. le ministre.

M. Ménard: Oui. J'ai regardé la présentation de votre MRC, j'ai constaté, à la page 9, que vous aviez trois corps de police dans la MRC: Windsor, Valcourt et Richmond. Je me souviens, vous avez des remarques à propos de... vous vous inquiétez de savoir qu'est-ce que ça prend pour être directeur d'un service de police. Ces trois directeurs – enfin deux directeurs puis une directrice – est-ce qu'ils sont à temps plein?

M. Allaire (Denis): Chez nous, à l'heure actuelle, à Valcourt, où je suis directement impliqué, on a un directeur nouvellement nommé qui est là depuis janvier, début février. Il est engagé à trois jours par semaine pour faire une job administrative. Il est disponible 24 heures sur 24, à l'heure actuelle, à n'importe quel temps.

M. Ménard: O.K. Est-ce que c'est un policier?

Le Président (M. Boulianne): Allez-y.

M. Allaire (Denis): Oui, c'est un policier. C'est un ancien policier de la CUM.

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre.

M. Ménard: Puis les deux autres, Windsor et Richmond, ils sont à temps plein?

M. Beaudoin (Guy-Lin): À temps plein. Ils sont à temps plein, effectivement.

M. Ménard: O.K. Maintenant, je suis curieux: Vous avez combien de centres de détention quand vos policiers arrêtent quelqu'un puis qu'ils doivent le détenir?

M. Allaire (Denis): On a définitivement des centres de détention locaux, qui sont temporaires, et aussitôt qu'on a une chance on s'en va à Sherbrooke directement.

M. Ménard: À la prison de Sherbrooke?

M. Allaire (Denis): Oui.

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre.

M. Ménard: C'est ça. Puis savez-vous combien vous avez d'ivressomètres?

M. Allaire (Denis): Bien, disons que, chez nous, j'en ai deux, mais, dans les autres corps, je ne le sais pas.

M. Ménard: Vous ne pensez pas que ça vous coûterait moins cher si vous pouviez centraliser ça dans la MRC?

M. Allaire (Denis): Effectivement, on a commencé à faire des discussions à ce niveau-là.

M. Ménard: Alors, les centres de détention...

M. Allaire (Denis): Entre Richmond et Valcourt, présentement, on a une entente au niveau des ivressomètres. Il y a des discussions qui se font. C'est pour ça d'ailleurs que notre projet régional, pour nous, est important.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Allaire. M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Ménard: Oui. Vous êtes très préoccupés des coûts de la police – je le vois, ça revient à plusieurs reprises dans ce que vous... – et notamment vous parlez des coûts que risque d'entraîner la formation, etc. Je ne sais pas si vous réalisez que les obligations réglementaires que le ministère vous donne sont, en fait, des conditions qui sont imposées par l'évolution de la jurisprudence et par une certaine évolution aussi de la criminalité, de sorte qu'on exprime en termes de besoins clairs de formation ou d'organisation des besoins qui sont réels dans la chose.

Parce que, si vous avez des mauvais enquêteurs puis qu'ils font des enquêtes d'une façon qui n'est pas professionnelle, qu'ils n'ont pas reçu des cours de droit, bien, ils risquent de perdre leur cause puis ce n'est pas très, très utile pour lutter contre la criminalité que de ne pas poursuivre adéquatement les criminels. Alors, ce n'est pas vraiment un transfert de responsabilités ou de coûts, c'est quelque chose que... Alors, de toute façon, ayant réalisé ça, je suis quand même curieux de voir pourquoi, dans votre cas, vous n'avez pas trouvé avantageux d'être couverts par la Sûreté du Québec?

Le Président (M. Boulianne): M. Allaire, si vous voulez répondre.

(12 heures)

M. Allaire (Denis): Personnellement, au départ, c'est évident que j'ai rencontré les gens de la Sûreté du Québec et je leur ai donné, moi, personnellement, mon règlement municipal. Vous comprendrez que Valcourt, c'est une petite population qui est quand même une concentration en plein coeur d'une campagne où on a un employeur qui emploie entre 2 800 et 3 000 employés, ce qui fait une circulation quand même assez dense.

M. Ménard: Oui, c'est quand même une des fiertés du Québec.

M. Allaire (Denis): Oui, absolument, je ne le nie pas. Ce qui fait que, à un moment donné, on a une particularité un peu différente, si vous voulez, d'une municipalité normale. On a donné notre règlement municipal aux dirigeants de la SQ puis je leur ai demandé d'identifier ce qu'ils ne pouvaient pas faire respecter chez moi. Et je n'ai jamais eu de réponse et ça fait déjà un mois de ça, que je leur ai donné le règlement. Mais c'est sûr qu'ils ne peuvent pas faire respecter mes règlements municipaux à 100 %, et, pour moi, ça a quand même un certain impact.

M. Ménard: Là, ça dépend de quoi on parle. Je ne sais pas si vous avez des règlements sur l'hygiène dans les restaurants.

M. Allaire (Denis): Non, absolument pas, mais on a des règlements généraux comme, par exemple, les chiens ou les chats, ou ce que vous voudrez, qu'ils ne veulent pas toucher du tout.

M. Ménard: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): M. le ministre.

M. Ménard: Merci. C'est correct, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Boulianne): Ça va? M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Oui. Bonjour, M. Allaire, bonjour, messieurs. Vous dites dans votre mémoire qu'il est capital pour vous que l'École nationale de police soit à l'écoute des besoins des policiers des municipalités locales. Pourtant, à l'article 18 du projet de loi, on inclut trois élus municipaux, qui feront partie du conseil d'administration, trois personnes provenant des associations représentatives des policiers, un directeur de corps de police municipal. Est-ce que vous ne croyez pas que ça répond à votre demande, la nomination de ces personnes-là?

M. Allaire (Denis): O.K. Je vais laisser M. Beaudoin...

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Dubuc. Oui, M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Guy-Lin): Je vous remercie, M. le député. À vrai dire, les commentaires qu'on a eus des corps de police locaux, chez nous, c'était que la formation reliée à une intervention dans un milieu restreint n'était pas nécessairement adaptée à leurs besoins en fonction de ce que vous offrez au niveau de l'École.

Ce qu'on proposait, c'est qu'il y ait une sorte de consultation plus élargie pour voir les besoins des polices locales, les polices régionales, et des polices qui sont plus de type supralocal, comme la CUM, la CUQ et la police nationale qui est la Sûreté du Québec. Lorsqu'on regarde les gens qui sont là, c'est un bon pas en avant, sauf que ce serait bien qu'il y ait des gens du milieu qui puissent faire des commentaires sur la formation. Est-ce que ça répond...

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Beaudoin. M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Ça va. Merci.

Le Président (M. Boulianne): C'est beau. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté ministériel?

M. Beaudoin (Guy-Lin): Est-ce que vous me permettez?

Le Président (M. Boulianne): Oui, allez-y.

M. Beaudoin (Guy-Lin): Parce qu'il y a eu deux questions intéressantes tout à l'heure. La première, c'était le mode de résolution. C'est entendu qu'on ne s'attend pas à ce que vous adoptiez un décret nous forçant à signer une entente. Cependant, si on regarde la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, il y a les articles 149 et suivants où on dit que, quand le gouvernement veut faire des interventions sur le territoire, il dépose son projet à la MRC, on regarde ça et on dit si ça va à l'encontre du schéma ou non. Si ça ne va pas à l'encontre, très bien. Si ça va à l'encontre, bien là on rentre dans un processus qui fait appel à la Commission municipale et même le ministre à la fin peut nous forcer à changer notre schéma. Donc, il y a un mode de résolution de conflits qui nous semble intéressant aux articles 149 et suivants de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Après ça, bien, vous pouvez adopter un décret, bien entendu, pour forcer toute signature.

Il y a un point que vous avez abordé, mais ce n'était pas lors de notre rencontre, c'était plutôt avec nos prédécesseurs, c'était le sondage de satisfaction à 85 %. Ce serait intéressant de savoir quelle a été leur méthodologie, les MRC qui ont été sondées, de quelle façon. Est-ce qu'il y aurait un moyen de l'avoir étant donné que ça a été inclus dans un mémoire?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Beaudoin. Ça va? M. le député de Saint-Laurent, vous avez la parole.

M. Dupuis: MM. Allaire, Badger, Beaudoin, Doyle, je vais pour l'instant me contenter de vous saluer, de vous féliciter pour l'excellent travail que vous avez fait puis la présentation. J'ai demandé, comme vous pouvez le constater, au député de Richmond de se présenter. Je lui ai dit que vous veniez cette semaine. Il a insisté pour être là. Il est parti de Danville ce matin, qui est dans une autre MRC – pour certains – pour venir discuter avec vous. Alors, je vais lui donner la priorité si vous le permettez.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Alors, je donne la parole au député de Richmond.

M. Vallières: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord, de façon particulière, saluer les maires, et M. Beaudoin également, qui sont de l'Estrie, qui sont ici ce matin et les féliciter, comme l'a fait le ministre avant moi, pour la qualité de leur mémoire. C'est la seule MRC, je pense, qui aura eu l'occasion de présenter un mémoire devant la commission. Alors, je pense que c'est très bien qu'il en soit ainsi, d'autant plus que la Fédération des municipalités du Québec, je pense, ne sera pas présente non plus pour faire part de son point de vue, un point de vue qui, à mon sens, prend une dimension très importante.

Étant moi-même en contact permanent avec les maires de mon comté – une trentaine – c'est une préoccupation très forte du milieu municipal, des élus municipaux, que ce projet que le ministre a déposé, et je pense qu'il est de bon aloi que la MRC du Val-Saint-François, par le biais de son comité de police, nous fournisse son point de vue.

Je remarque que votre mémoire est un mémoire très terre-à-terre. C'est un mémoire qui vise vraiment l'application de certaines mesures qu'on rencontre à l'intérieur du projet qui nous est présenté par le ministre.

Évidemment, à partir du moment où, dans notre propre région, on a eu une expérience plutôt malheureuse avec la MRC de Memphrémagog, ça prenait des gens assez courageux, permettez-moi l'expression, pour s'étirer le cou pour dire: On va peut-être regarder, nous autres aussi, la possibilité de se former un corps de police régional, alors qu'une MRC, dans la même région, a déjà été refusée. Faut-il rappeler que ce n'est pas des empêchements législatifs à ce moment-là? C'est vraiment circonstancié au moment où, à ce moment-là, le ministère, je pense, ou le ministre avait refusé que ça se passe. Mais je pense que c'est peut-être partie remise pour Memphrémagog aussi. Compte tenu de la législation qui est présentée actuellement, je pense bien que ces gens-là vont, eux autres aussi, récidiver dans leurs intentions.

Mais, ceci étant dit, vous me permettrez de vous poser quelques questions sur votre mémoire qui porte sur plusieurs articles. Il est sous-tendu tout le long dans le mémoire la question réglementaire qui va accompagner le projet de loi, qui, au moment où on se parle, n'est pas connue. On sait qu'il y aura des règlements. Vous dites toujours: Bien, ces règlements-là, nous, on a des craintes. On pense que ça pourrait avoir des incidences pécuniaires importantes.

Dans votre commentaire 1, vous dites que la MRC incite le ministre à aborder la rédaction du texte réglementaire dans un souci d'optimiser la relation coûts-bénéfices. Ça, c'est pour l'ensemble du projet de loi. Mais c'est qu'il n'y a pas de précisions, il n'y a pas d'articles que vous avez visés comme tels, si ce n'est qu'en dernier du mémoire vous nous dites: S'il y a règlements, il y aura règlements. Vous aimeriez les connaître avant puis qu'il y ait discussion autour de ces règlements-là avant qu'ils ne soient imposés et que, par la suite, vous receviez les conséquences qui souvent se traduisent par des coûts additionnels pour les municipalités locales qui ont à contribuer au service de police régional s'il y en a un.

Alors, j'aimerais peut-être vous entendre sur quelle formule vous voudriez privilégier. Parce que, même le législateur, nous qui sommes ici, le ministre ne nous donnera pas nécessairement ses règlements, et souvent, au moment de la présentation du projet de loi, les règlements ne sont pas complétés. Donc, il y a comme une étape que le législateur fait d'adopter sa loi avant que les règlements soient publiés.

Est-ce que, pour vous autres, c'est une condition qui est très importante pour l'acceptation de ce qu'on retrouve dans les conditions, parce que les règlements vont venir poser des balises aux municipalités? Est-ce que c'est une condition sine qua non pour vous autres pour accepter ce projet de loi là que les projets de règlements soient soumis pour consultation au préalable?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Richmond. Alors, M. Beaudoin, M. Allaire? M. Beaudoin?

M. Beaudoin (Guy-Lin): Oui.

Le Président (M. Boulianne): Alors, allez-y, on vous écoute pour la réponse.

(12 h 10)

M. Beaudoin (Guy-Lin): Oui, tout à fait. Lorsqu'on a écrit la relation coûts-bénéfices, on pensait à deux choses. La première chose, c'est qu'on doit, en vertu d'une autre loi, faire un schéma de couverture d'incendie. En vertu d'une autre loi, on doit également faire un schéma de sécurité civile, et on se disait: À force d'avoir de nouvelles choses à faire, comme ça, qui engagent des dotations financières et humaines, ce serait bien que, en matière réglementaire, dans ce projet de loi là, on ait la possibilité de se faire entendre.

Je sais que c'est déjà arrivé au moins une fois pour les normes minimales en matière d'épandage, où le gouvernement les avait déposées en commission parlementaire, puis, je me souviens, l'Association des aménagistes régionaux et d'autres intervenants étaient venus, et les MRC, on avait eu la chance, là, de les voir, de discuter et de se faire entendre là-dessus.

Comme on le disait tout à l'heure, c'est toujours – et le ministre l'apportait très bien – le citoyen qui, en bout de ligne, a à payer. Donc, ça serait important de voir que l'ensemble de l'intervention législative et réglementaire soit vu comme un tout global qu'on puisse analyser ici même, en commission parlementaire.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Beaudoin. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. Vous faites allusion à la sécurité incendie. Vous savez qu'il y a un avant-projet de loi, là, qui est devant l'Assemblée nationale et qui sera l'objet de discussions. Et, là aussi, il y a des règlements qui vont venir fixer des balises et on fait référence dans cet avant-projet de loi à une école nationale des pompiers où une tarification attend aussi, une possibilité de tarification pour les frais de scolarité, là. Et c'est sûr que ce type de règlement imposé au monde municipal peut se traduire, définitivement, par des coûts qui sont, au moment où on se parle, difficilement prévisibles par les municipalités. Et le sens de votre intervention, je la vois comme étant un des éléments essentiels pour vous autres, pour vous positionner par rapport à ce qui vous est présenté ici.

Alors, le ministre parlait tantôt, entre autres, de certains équipements. Je comprends que la réglementation pourrait fixer des équipements minimums pour l'ensemble des corps de police pour être capable de former... Au même titre que pour la formation on dit: Pour être un policier, ça prend une formation x. Alors, c'est sûr que tout ça peut représenter des coûts en bout de piste. Et votre proposition, votre recommandation, là, commentaire 3, nous indique que ce que vous craignez, dans le fond, c'est que ça ne colle pas à la réalité, quand on parle de règlements aussi qui pourraient suivre, et que même la formation qui est donnée... Et j'ai compris tantôt de votre réponse que même ce qui est recommandé, ce qu'on retrouve dans le projet de loi actuel, la présence de représentants du monde municipal sur les gens qui vont s'occuper de l'École de police comme telle, ça ne semble pas suffire pour vous autres comme garantie qu'on tiendra en compte le point de vue du monde municipal. Est-ce que je me trompe ou pas?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député. M. Allaire, oui.

M. Allaire (Denis): Oui, c'est exact. Je pense qu'il faut tenir compte, à un moment donné, du milieu, là, où l'on vit et des exigences du milieu. Je veux dire, on a une population – on l'a identifiée tantôt – qui est de 28 000 avec un territoire qui est immense. Je pense que les besoins ne sont pas les mêmes à ce moment-là que la communauté urbaine, où il y a une concentration de population énorme, et les problèmes ne sont pas les mêmes. Le taux de criminalité dans notre région n'est définitivement pas le même non plus que dans ces grandes régions là. Et c'est pour ça qu'on voudrait qu'on ait un petit aparté à l'intérieur des lois ou des règlements qui nous dise... On aimerait qu'on nous écoute pour savoir nos besoins à nous à l'intérieur de ça.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Allaire. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, M. le Président. À votre commentaire 5, j'aimerais peut-être vous entendre sur le point que vous soulevez, parce que, fin de votre commentaire 5, vous indiquez: «Une MRC comme la nôtre qui a refusé de signer l'entente avec la SQ pourrait se voir contourner, dans sa volonté claire et dans sa vision des services policiers régionaux, par des ententes prises avec une municipalité locale. Si on croit véritablement dans l'établissement d'une carte policière cohérente, on doit conserver le pouvoir des MRC relatif à la signature de toute entente de services policiers avec la SQ.»

Ce que vous dites là, c'est que l'alinéa 2 de l'article 62 ne répond pas à vos attentes. Est-ce qu'on peut dire que c'est généralisé dans le monde municipal ou si c'est un phénomène qu'on rencontre, là, plus particulièrement dans la MRC du Val-Saint-François?

Le Président (M. Boulianne): M. Allaire ou M. Beaudoin? Qui est-ce qui va répondre? Oui.

M. Beaudoin (Guy-Lin): Oui, tout à fait. C'est difficile de répondre pour l'ensemble des municipalités. Cependant, lorsqu'on regardait ça au niveau du Val-Saint-François, lorsque des circonstances particulières le justifient, l'entente peut être conclue directement avec la municipalité locale.

Le cas qu'on a vécu chez nous – et le ministre demandait «pourquoi vous n'avez pas signé avec la Sûreté du Québec?» – c'est qu'on est entré dans un long processus avec la Sûreté du Québec où l'inspecteur qui était en poste à l'époque, lorsqu'on lui posait des questions bien précises en fonction de la loi, en fonction de nos attentes, ce qu'on se faisait répondre, c'était: Oui, il n'y a pas de problème. Sauf qu'il remontait dans le ministère puis il revenait: Bien, oui, il y a un problème, on ne peut pas faire ça.

L'application réglementaire. On a fait travailler notre greffière avocate là-dessus pour qu'il y ait un même règlement pour l'ensemble des municipalités. On l'a déposé devant les gens de la SQ en leur disant: Voici, est-ce que ça peut s'appliquer? Oui, pas de problème. C'est remonté jusque dans le ministère, c'est redescendu: On ne peut pas, c'est impossible en vertu de nos codes informatiques, ta, ta, ta, ta, ta. Ce qu'on a dit: Si on modifiait le tout pour que ça soit conforme à vos codes informatiques, est-ce que c'est possible? Oui. Ça a remonté, ça a redescendu. C'était un va-et-vient comme ça, c'était: Oui, oui au niveau local – local s'entend au niveau des MRC en vertu de la nouvelle Loi sur le ministère des Régions où une MRC, c'est le niveau local maintenant – et ça remontait au niveau national, c'était non. C'était un oui-et-non constant qui a amené un grand blocage.

Donc, ça répond en partie au terme «pourquoi». Et on se disait à ce moment-là: Si le gouvernement avait eu la possibilité d'aller – parce qu'il ne faut pas se le cacher, il y a au moins deux municipalités dissidentes – signer avec les autres municipalités, ça aurait affaibli notre position MRC qui était de dire: Si on veut une carte cohérente, on ne signe pas avec une municipalité; à tout le moins, on signe avec un groupe de municipalités qui ont le même territoire d'appartenance, surtout pour une MRC comme la nôtre qui est en courtepointe, où les gens sont en appartenance à Richmond, en appartenance à Valcourt, en appartenance à Windsor. Donc, on se dit: Si on est de vrais partenaires, qu'on soit traités en partenaires, c'est-à-dire avec respect, et qu'on ne passe pas par-dessus la tête de son partenaire pour infléchir sa décision. Et on voyait un risque au niveau de ce libellé-là. En tout respect.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Beaudoin. M. le député de Richmond.

M. Vallières: À l'article 73 du projet de loi n° 86, vous avez porté un jugement assez sévère sur l'intention du gouvernement d'intervenir dans ce que vous qualifiez comme étant de l'ingérence dans votre pouvoir de gouverne. Je pense que c'est un point important, parce que, à partir du moment où le ministre acceptait d'abolir un service de police ou d'en réduire l'effectif, il y a toute une série de conditions qui seraient imposées au niveau régional, au niveau local, et vous nous dites qu'il s'agira d'ingérence dans le pouvoir de gouverne.

Et vous dites que, si le ministre accorde l'abolition du corps de police, il vous apparaît absurde d'obliger les municipalités à faire plus pour une catégorie d'employés que le régime général des lois du travail. Vous dites: «L'addition par le gouvernement d'une série de mesures extraordinaires – comme un comité de reclassement – et le recours à l'arbitrage prévu dans les conventions collectives enlèvent toute marge de manoeuvre nécessaire à une saine gestion des services publics.»

J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est peut-être un des points les plus sévères que vous avez à l'endroit du projet du gouvernement, et vous parlez même d'ingérence. Alors, je pense que ça vaut la peine que vous nous indiquiez comment vous pourriez vivre un pareil article à l'intérieur du projet de loi.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. le député. M. Allaire.

M. Allaire (Denis): Oui, bien sûr. Écoutez, c'est évident que c'est difficile de rester à l'intérieur d'une règle semblable parce qu'on trouve que c'est non seulement une ingérence, mais, face aux autres employés d'une municipalité où on peut mettre quelqu'un dehors avec une justification valable, qu'on n'est pas obligé de reclasser ou de lui trouver un emploi, on crée un créneau bien spécifique au niveau des polices où on dit: Il nous faut faire un gros reclassement ou faire quoi que ce soit, ce qui fait qu'à un moment donné c'est l'argent des citoyens qu'on est obligé de replacer dans le système, on trouve, nous autres, que c'est exagéré, complètement exagéré.

M. Beaudoin (Guy-Lin): Surtout si...

Le Président (M. Boulianne): Merci. Oui, M. Beaudoin, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Beaudoin (Guy-Lin): Oui. Surtout si on lit l'article 73 en conjonction avec l'article 74, le deuxième alinéa, où on dit: «Les dispositions qui régissent le partage de services policiers doivent comporter des mesures propres à assurer, lorsqu'il prendra fin, que les policiers dont le poste est touché par la fin du partage seront affectés ou reclassés, selon le cas, au sein des corps de police des municipalités de 5 000 habitants et plus concernées.» Chez nous, la problématique qu'on a, c'est qu'il y a deux corps de police dans des municipalités qui ont moins de 5 000 habitants, ce qui fait que ça serait toute la ville de Windsor qui aurait le poids, énorme pour une municipalité de 5 600 habitants, du reclassement.

(12 h 20)

Donc, pour nous, c'est sûr que c'était absurde, là. On le voyait même comme un découragement à aller du côté de la police régionale. C'est que, si jamais il y a une municipalité qui veut se retirer ou que le corps de police régional tombe, surtout qu'il n'y a pas de droit de retrait entouré et bien encadré – une municipalité peut sortir sans qu'elle ait véritablement à donner des raisons, à moins que je me trompe – à ce moment-là, pour nous, ça devenait d'une absurdité totale. Dans notre contexte. Ça ne veut pas dire qu'à l'ensemble du Québec ces situations particulières là vont se répéter souvent. Mais, chez nous, c'est absurde.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Beaudoin. M. le député de Richmond, vous avez encore quelques minutes.

M. Vallières: Je tenais absolument à vous entendre préciser ça. Et je voyais le ministre hocher de la tête; je pense qu'il a compris qu'une disposition comme celle-là peut vraiment, dans votre cas précis, faire problème. Il y a certainement d'autres MRC qui sont aux prises avec des problèmes similaires. Je pense à la MRC d'Asbestos, chez nous. Il y a une seule ville qui a plus de 5 000, qui est la ville d'Asbestos.

Peut-être ma dernière question, M. le Président, je pense bien, sur le sujet. Vous faites allusion au commentaire 11, vous dites: «Le projet de loi que nous avons analysé peut être qualifié de "Vert Sûreté du Québec". En effet, il nous semble que le projet de loi ne favorise pas les ententes intermunicipales ni les projets de police régionale par desserte en fonction des territoires MRC.» Celle-là, ce n'est pas une mince chose, là, parce que, si c'est ça que ça donne comme interprétation que vous avez, ce n'est pas l'objectif que la loi suit. Je pense bien que, à moins que le ministre nous dise le contraire, c'est plutôt le contraire, comme objectif, l'intention législative.

Donc, ça, c'est bien important de savoir, quand on prépare un projet de loi comme ça, comment ça se traduit dans la réalité, dans le quotidien des gens chez qui ça va s'appliquer. Donc, le message que vous laissez ici m'apparaît très important, plus particulièrement à l'endroit du ministre et de tous nos collègues de l'Assemblée nationale, que peut-être les objectifs qu'on poursuit comme législateur – en tout cas, vous autres, la perception que vous avez – c'est que ce n'est pas ça qu'on va arriver. Et ce que vous voyez là-dedans, c'est vraiment une intention du gouvernement du Québec de privilégier la Sûreté du Québec et non pas l'implantation de corps policiers régionaux.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Richmond. Alors, est-ce que vous voulez répondre, M. Allaire ou M. Beaudoin?

M. Allaire (Denis): Étant donné qu'on a fait ça en équipe, je vais laisser M. Gerald Badger répondre à cette question.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Est-ce que vous pourriez vous présenter, s'il vous plaît, pour les besoins de la commission?

M. Badger (Gerald): Gerald Badger, maire de la municipalité du canton de Cleveland. À notre analyse, le comité de police trouvait qu'on faisait beaucoup référence à la Sûreté et aux structures de la Sûreté et c'est pour cette raison qu'on qualifie le règlement, c'est-à-dire la loi, comme étant «Vert Sûreté». Nous, on favorise un tiers, un tiers, un tiers, c'est-à-dire un tiers municipal, un tiers régional et un tiers Sûreté. Et, pour avoir connu le milieu policier moi-même, je peux vous dire que ça amène une harmonie au niveau de la population. Qu'il vous arrive des conflits de travail dans un tiers, bien, vous avez deux tiers disponibles. Et c'est le problème qui peut survenir par le fait qu'on favorise plus un versus un autre.

Je dois dire que, oui, la Sûreté a des choses qu'elle doit valoriser, étant le corps national. Moi-même, pour y avoir participé pendant 26 ans, je suis d'accord qu'il y a une place, mais je pense qu'ils n'ont pas la place dans son ensemble. Et c'est pour ça que, nous, on ne voit pas ressortir les deux autres tiers. On voit surtout un tiers vert qui ressort dans l'ensemble.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, M. Badger. M. le député de Richmond, je m'excuse, c'est terminé. Alors, M. Allaire, M. Badger, M. Beaudoin, M. Doyle, on vous remercie beaucoup. Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions poursuit son mandat relatif à la consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. Alors, j'en appellerais à la collaboration des collègues de même qu'à celle de nos invités.

Nous allons recevoir, comme premier groupe, les représentants de la Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal représentée notamment par son président, M. Alain Simoneau. M. Simoneau, je rappelle que nous avons une heure de réservée pour notre rencontre, dont une vingtaine de minutes maximum pour la présentation, après quoi nous passerons aux échanges. À ce moment-ci, je vous cède la parole en vous invitant à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.


Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal inc. (FPCUM)

M. Simoneau (Alain): Bonjour, M. le Président. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Louis Monette, qui est à ma gauche, qui est le coordonnateur des relations de travail à la Fraternité; à ma droite, M. Martin Roy, qui est le directeur des relations de travail à la Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal; et, à mon extrême gauche, M. Philippe Roy, qui est à côté de M. Monette, qui est adjoint au directeur des communications et de la recherche.

La Fraternité des policiers et policières de la CUM remercie la commission des institutions pour lui donner la possibilité d'exprimer ses commentaires et opinions relativement au projet de loi n° 86. La Fraternité est un syndicat professionnel représentant les 4 000 policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal salariés au sens du Code du travail. Elle a entre autres comme devoir et comme mission celui de défendre les intérêts sociaux, moraux et économiques de ses membres. De ce fait, la Fraternité a toujours démontré un grand intérêt sur toutes les questions touchant les affaires policières.

Notre analyse du projet de loi n° 86 est la suivante. Je vais débuter par la formation qualifiante. Cette disposition prévoit que le policier désirant accéder à une fonction d'enquête au sein d'un corps de police devra au préalable suivre une formation qualifiante le rendant habile à exercer la fonction d'enquêteur.

Le législateur n'a pas cru bon de définir ce qu'est une formation qualifiante et ce qu'elle implique. Nous aurions souhaité qu'une telle définition ainsi que les paramètres de la formation qualifiante en matière d'enquête apparaissent au projet de loi. Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne nous permet pas de nous prononcer en toute connaissance de cause.

Au service de police de la Communauté urbaine de Montréal, le candidat à une telle fonction doit réussir un examen de sélection lui permettant d'être placé sur une liste d'éligibilité au grade de sergent-détective. Une fois promu, le candidat devra se soumettre à une formation de trois semaines et, par la suite, pendant l'année de sa promotion, il sera soumis à une période probatoire d'un an avant de se voir confirmer dans son grade.

Ce que nous proposons, c'est que la formation initiale inclue la formation qualifiante en patrouille-gendarmerie ainsi qu'une formation initiale en enquête. Nous croyons que le travail policier nécessite cette formation complète afin que le policier, dès le début de sa carrière, puisse déjà commencer à développer une expertise d'enquête. Le législateur fait une erreur s'il dissocie patrouille, gendarmerie et enquête. Au contraire, l'expérience nous démontre que le patrouilleur est le premier maillon de l'enquête, et, à ce titre, il joue un rôle essentiel dans les premières étapes de l'enquête. La formation d'enquête, dès la phase de la formation initiale, assure à un patrouilleur l'acquisition, tout au long de sa carrière, d'une expérience le préparant éventuellement aux fonctions d'enquête.

Il faut se rappeler que les systèmes de promotion et d'accession aux fonctions sont des matières largement couvertes par les conventions collectives et que le législateur devrait prendre grand soin de ne pas bouleverser notre régime de relations de travail.

Par conséquent, nous recommandons que la formation initiale dispensée à l'École nationale de police inclue la formation qualifiante en patrouille-gendarmerie ainsi qu'à l'enquête. De plus, nous recommandons que la sélection des enquêteurs, la mise à jour des connaissances et la période de probation continuent de se faire selon le mode actuel et, finalement, que la formation qualifiante de gestion ne soit exigée que pour ceux désirant accéder à des postes de haute direction.

Nous considérons inacceptable que le législateur accorde au directeur le pouvoir exclusif de formuler un plan de formation. Encore une fois, rappelons que l'élaboration du plan de carrière est une matière largement couverte par nos conventions collectives et que, en confiant aux directeurs le pouvoir exclusif de décider unilatéralement du développement et du choix de carrière des policiers, le législateur risque de créer beaucoup de problèmes. Au Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, l'employeur et la Fraternité ont depuis longtemps mis en place des mécanismes afin d'assurer un cheminement de carrière qui réponde tant aux aspirations des membres et policiers qu'aux aspirations et aux besoins de notre organisation. Ce que nous recommandons, c'est que nous proposons plutôt que le plan de formation soit élaboré de concert avec l'employeur et notre syndicat dans le respect des règles existantes au niveau des conventions collectives.

(14 h 10)

J'aimerais apporter aussi une recommandation concernant l'article 16 de l'École nationale, qui peut établir des normes. Nous croyons que les associations syndicales représentant les policiers devraient être consultées avant l'adoption de toute réglementation, notamment en matière de formation.

Concernant l'article 115 des conditions d'exercice de la profession, les changements proposés à l'article 115 viennent modifier substantiellement le régime prévu par l'article 3 de la présente Loi de police en matière de conditions d'obtention d'emploi. Actuellement, toute personne déclarée coupable d'une infraction au Code criminel qui, selon la dénonciation, a été poursuivie au moyen d'un acte d'accusation ne peut pas être embauchée comme policier. Par contre, une personne déclarée coupable d'une infraction poursuivie par voie sommaire ne serait pas inhabile à la carrière du seul fait de sa condamnation.

Si l'article 115 était adopté tel que libellé dans ce projet de loi, la personne reconnue coupable d'une infraction au Code criminel, et cela peu importe le mode de poursuite, deviendrait inéligible à la fonction policière. Nous nous interrogeons sur les raisons qui incitent le législateur à modifier une disposition aussi importante de la Loi de police. Il nous apparaît peu judicieux de modifier une disposition qui exclurait des hommes et des femmes qui auraient été déclarés coupables d'infractions que le ministère public ne considérait pas suffisamment graves pour justifier une procédure par voie de mise en accusation.

Nous nous interrogeons aussi sur la validité de cette nouvelle disposition eu égard aux dispositions de l'article 18.2 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ce que nous recommandons, c'est que la troisième condition d'embauche, prévue à l'article 115, n'inclue pas les infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité. Aussi, ce que nous recommandons, c'est que ce soit une condition d'obtention d'emploi et non une condition de maintien d'emploi.

Concernant l'article 116 sur les conditions d'exercice de la profession, cet article suscite beaucoup d'interrogations pour notre organisation notamment sur le sens à donner à l'expression «Qualités requises pour exercer les fonctions d'enquête et de gestion dans un corps de police». L'imprécision dans la formulation du texte laisse place à de multiples interprétations. Encore une fois, le législateur vient s'immiscer dans le domaine qui se situe au coeur même du régime des relations de travail, particulièrement en matière de mutation, de promotion, de plan de carrière, sans tenir compte du volet des définitions et de l'accessibilité aux fonctions policières.

Nous nous interrogeons aussi sur la dernière partie de l'article 116, notamment sur la possibilité pour le gouvernement de réglementer l'exercice d'une fonction ou l'obtention d'un grade. Les juristes en droit de travail vous diront que l'expression «fonction» est au coeur de plusieurs des conventions collectives et que, depuis toujours, ces matières ont fait l'objet de négociations entre les parties. Nous verrions d'un très mauvais oeil que le gouvernement, par voie réglementaire, vienne modifier les dispositions négociées de longue date, au prix parfois de compromis importants pour notre syndicat.

En ce qui concerne le régime de promotions, nos commentaires iront dans le même sens. Les règles en vigueur ont été librement négociées par les parties. Voilà pourquoi nous ne croyons pas qu'une intervention du législateur soit appropriée dans notre système de promotion.

Concernant l'article de l'incompatibilité des conditions d'exercice de la fonction, c'est-à-dire l'article 117, le Code de discipline des policiers de la Communauté urbaine de Montréal renferme une disposition similaire relativement aux emplois dits incompatibles. Toutefois, en ce qui concerne les permis de la Régie des alcools, notre Code de discipline n'interdit que les permis pour la consommation sur place.

Dans sa forme actuelle, l'article 117 interdirait à un policier d'avoir un intérêt dans un dépanneur, ce qui actuellement ne lui est pas interdit par notre Code de discipline. Nous comprenons mal la logique législative qui, d'une part, incite et même oblige les municipalités à adopter un règlement visant la discipline interne et, d'autre part, légifère sur des matières qui manifestement devraient se retrouver à l'intérieur de ces mêmes codes de discipline, et donc de la juridiction des municipalités.

Nous nous questionnons également sur la notion d'intérêt indirect que nous retrouvons à ce même article. Que pourrait être considéré un intérêt indirect pour un policier? Est-ce que le simple fait pour la conjointe ou le conjoint d'un policier d'être propriétaire d'un établissement licencié constitue pour le policier un intérêt indirect si l'on estime que les revenus de l'établissement contribuent à l'amélioration du niveau de vie du couple? Si telle est la compréhension des responsables chargés de l'application de la loi, nous croyons qu'une telle disposition verrait sa constitutionnalité attaquée très rapidement. Ce que nous recommandons, c'est que l'article 117 soit retiré du projet de loi et que cette matière relève des codes de discipline internes.

En ce qui concerne l'article 119 concernant les incompatibilités aux conditions d'exercice de la profession, cet article vient chambarder le régime juridique auquel sont soumis les policiers depuis de très nombreuses années. Actuellement, l'article 3 de la Loi de police établit les règles d'éligibilité à l'exercice de la fonction policière. Rappelons-nous que la personne désirant être policier ne doit pas être déclarée coupable d'une infraction poursuivie par voie de mise en accusation. Par contre, si elle a déjà été trouvée coupable d'une infraction poursuivie par voie sommaire, cette déclaration de culpabilité ne la rend pas inhabile à devenir policier.

Depuis de très nombreuses années, l'article 3 a été interprété comme une condition d'obtention d'emploi et non comme une condition de maintien d'emploi, c'est-à-dire que le policier déclaré coupable d'une infraction poursuivie par voie de mise en accusation ne devient pas automatiquement inhabile à exercer ses fonctions de policier. Cette interprétation a été retenue tant par les employeurs que par le comité de déontologie des policiers du Québec.

Toutefois, tant les employeurs que le comité de déontologie ont parfois congédié des policiers reconnus coupables d'actes criminels. La règle observée a toujours été d'évaluer les circonstances de chaque événement et de déterminer si la conduite du policier justifiait sa destitution. Nous avons aussi connu des cas où le policier a été acquitté en Cour criminelle et, par la suite, congédié par l'employeur sur la base des mêmes faits. Il faut aussi réaliser que, en matière disciplinaire, ces décisions de l'employeur sont soumises à la juridiction des arbitres de grief et, en matière déontologique, à la Cour du Québec.

L'élimination de l'article 119 ne garantit pas l'immunité des policiers visés mais laisse plutôt aux directeurs de police, en vertu de leurs codes de discipline et du Code de déontologie, le soin d'évaluer chaque cas qui leur serait présenté au mérite et de décider des sanctions appropriées dans les circonstances.

Nous ne croyons pas que le policier trouvé coupable d'un acte criminel devrait être automatiquement destitué. Nous croyons plutôt que chaque cas devrait être étudié au mérite. Le bon sens et la pratique antérieure devraient continuer à nous guider dans ces dossiers.

D'ailleurs, il est intéressant de rappeler les articles 111 et 113 de la Loi sur le Barreau qui prévoient les obligations des avocats. Ainsi, l'avocat trouvé coupable d'un acte criminel, qui peut faire l'objet d'une poursuite uniquement par voie de mise en accusation, se verra traduit devant le comité de discipline du Barreau et pourra se voir imposer des sanctions en fonction de l'article 113.

Deux distinctions s'imposent ici. Premièrement, l'acte criminel doit être par voie de mise en accusation seulement, ce qui exclut tout acte mixte; deuxièmement, cette condamnation ne mène pas à une radiation ou destitution automatique. Nous comprenons mal pourquoi les policiers sont soumis à des règles plus sévères, c'est-à-dire la destitution automatique, alors que les officiers de justice se voient imposer des sanctions qui tiennent compte des circonstances.

Il faut aussi se rappeler que le choix de procéder soit par voie de mise en accusation ou par voie sommaire appartient à la couronne. Techniquement, pour la même infraction, un policier pourrait être poursuivi par voie de mise en accusation et un autre policier, poursuivi par voie sommaire avec les conséquences que l'on connaît. Les policiers, dans ces circonstances, verraient leur carrière dépendre d'une décision administrative. Ce que nous recommandons, c'est que l'article 119 soit retiré du projet de loi.

L'article 256 qui vise la discipline interne. Considérant que la Communauté urbaine de Montréal a déjà adopté un règlement prévoyant la discipline interne en vertu de l'article 169 sur la Loi de l'organisation policière, nous ne pouvons qu'être en accord avec cette disposition. Cependant, nous croyons que l'occasion est toute désignée pour le législateur de préciser les balises entre l'infraction de nature déontologique et l'infraction de nature disciplinaire. Nous sommes à même de constater qu'actuellement certains policiers doivent répondre devant les instances déontologiques et disciplinaires pour les mêmes faits et pour des infractions de même nature.

(14 h 20)

Certains employeurs utilisent des directives internes pour s'accorder une juridiction dans un domaine où le comité de déontologie s'est déjà prononcé. Prenons, par exemple, le cas où un policier serait trouvé coupable et sanctionné par un comité de déontologie pour usage de langage inapproprié et qui, par la suite, serait accusé en discipline par son employeur en vertu d'une directive interne sur la politesse. L'intention du législateur lorsqu'il a mis le système de déontologie n'était certainement pas que le policier soit sanctionné à deux reprises pour la même faute.

Un autre exemple est celui où le commissaire n'exerce pas sa juridiction, faute de plainte du citoyen, et où l'employeur, s'arrogeant une juridiction concurrente, accuse le policier en discipline sur une matière où, clairement, le comité de déontologie devrait en être appelé à trancher.

Ce que nous recommandons, c'est que le législateur établisse des balises claires entre les fautes de nature disciplinaire et déontologique afin que cessent les situations de double poursuite.

En ce qui concerne le respect de l'éthique, l'article 260 crée l'obligation pour le policier, sous peine de sanction pénale, de dénoncer à son directeur tout comportement d'un autre policier susceptible de constituer une faute déontologique ou disciplinaire, ou tout manquement qui pourrait constituer une infraction criminelle. Le règlement de la discipline interne des policiers de la CUM propose déjà une série de dispositions visant les mêmes fins. Quoique nous comprenions tous l'objectif du législateur dans cette disposition, la rédaction, dans sa forme actuelle, mènera, à notre avis, à des débats juridiques sur l'interprétation de l'article 260.

Dans un premier temps, rappelons que la sanction prévue à l'occasion d'un manquement à cet article en est une de nature pénale, conduisant à l'imposition d'une amende au policier trouvé coupable. Les tribunaux ont eu souvent l'occasion de se prononcer en matières pénales sur l'imprécision de certaines dispositions. Les tribunaux ont, à plusieurs reprises, rappelé que le justiciable devrait être en mesure de connaître avec précision les obligations que la loi lui impose. À notre avis, l'article 260, dans sa forme actuelle, ne respecte pas cette exigence. Selon l'article 260, le policier doit dénoncer tout comportement susceptible de constituer une faute disciplinaire ou déontologique touchant la protection des droits et la sécurité du public.

Il est prévu, à l'alinéa 2 de l'article 260, que le policier doit participer ou collaborer à l'enquête relative à un tel comportement. Nous comprenons mal l'objectif poursuivi par le législateur, surtout lorsque l'on considère les obligations du policier prévues à l'article 262. Nous sommes particulièrement inquiets des impacts de cette disposition pour les représentants syndicaux qui, dans le cadre de leurs fonctions, pourraient être appelés à défendre des policiers devant des instances quasi judiciaires et qui, dans le cadre de leur travail de représentants du policier, pourraient se voir confier des informations les plaçant dans une situation où, selon la loi, ils devraient informer leur directeur des manquements possibles de leur collègue.

Tant la Loi sur l'organisation policière, le Code de discipline des policiers de la CUM que les règles de représentation en matière d'arbitrage de griefs permettent à une personne telle qu'un représentant syndical qui n'est pas avocat de représenter un policier devant ces instances. Le droit du policier à une défense pleine et entière doit prévoir la possibilité, pour lui, de pouvoir confier des informations à la personne appelée à assurer sa défense sans crainte que cette personne soit appelée à témoigner par la suite contre lui.

Ce que nous recommandons, c'est que l'obligation d'informer soit limitée aux infractions criminelles et seulement lorsque le policier en est témoin, que la violation de la disposition ne soit pas une infraction de nature pénale et que les membres représentant les associations policières soient exclus de ces obligations.

En terminant, M. le Président, il y a encore d'autres... particulièrement les articles qui visent l'éthique dont nous sommes disposés à discuter lors de la période des questions. Mais, en conclusion, certaines dispositions contenues au projet de loi nous font craindre le pire et inquiètent tout particulièrement les policiers et policières que nous représentons. Le recours à la destitution automatique sans possibilité d'être entendus équitablement nous laisse pour le moins perplexes quant au souhait du législateur de protéger les droits les plus élémentaires d'une catégorie de ses citoyens. Les policiers et policières plus que quiconque sont conscients des devoirs et responsabilités qui leur incombent par la position qu'ils occupent dans la société.

De plus en plus, les citoyens exigent des policiers, avec raison d'ailleurs, un comportement digne du respect qu'ils sont en droit de recevoir. Mais nous devrons bientôt réaliser que, comme n'importe quel autre individu, les policiers ne sont pas infaillibles et qu'occasionnellement ils commettent des erreurs. Ce que nous déplorons, c'est qu'actuellement chaque erreur devient une bavure, chaque omission, une machination ou une dissimulation. Les policiers et les policières de la CUM ne craignent pas de devoir expliquer leurs actions. Tout ce qu'ils souhaitent, c'est que ceux qui devront juger de leur comportement puissent le faire à l'abri de la démagogie qui trop souvent empoisonne le climat dans lequel se déroulent ces événements.

Nous espérons que ces nombreux commentaires relativement au projet de loi à l'étude sauront aider la commission et le gouvernement à faire des choix judicieux. La Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal réaffirme son intention de travailler de concert avec les autres intervenants du milieu policier afin que la population du Québec soit desservie par des services de police efficaces et de très grande qualité. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Simoneau au nom de la Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ménard: Je vous remercie beaucoup. Votre mémoire était attendu et il est d'une très grande qualité. Je peux vous dire qu'il va nous aider à apporter les changements qui vont bonifier le projet de loi. Je peux vous dire aussi, puis je vous le dis bien franchement, que les dernières paroles que vous avez prononcées, sur la démagogie, l'erreur et les omissions qui ne sont pas nécessairement des tentatives de camouflage, l'interprétation qui en est donnée parfois, je partage entièrement votre opinion, vous le savez, et ce, depuis longtemps. D'ailleurs, comme homme politique, je n'ai jamais été nager dans ces eaux. Mais cependant j'ai quand même, comme vous, une opinion très élevée de la fonction policière, et je vous demanderais, d'entrée de jeu: Est-ce que vous n'acceptez pas que l'on demande une moralité plus grande aux policiers qu'aux citoyens ordinaires?

M. Simoneau (Alain): Présentement, ce qu'on sent, c'est qu'on demande une moralité plus grande, et il est tout à fait justifié de demander une moralité plus grande aux policiers, dans le sens que nos policiers doivent démontrer, étant donné qu'ils desservent le public, une transparence et une efficacité hors de tout doute. Ça, j'en suis très conscient.

M. Ménard: Oui, mais l'efficacité, c'est une question technique; mais la moralité, c'est d'un autre ordre. Bon. C'est parce que c'est la moralité qui inspire les dispositions sur ce que l'on fait lorsqu'il y a commission d'un acte criminel, sur les obligations de dénoncer aussi les comportements fautifs dont on est témoin chez des confrères ou des consoeurs. O.K.

Je comprends que vous admettez que l'on vous crée des obligations plus grandes qu'aux citoyens. Par exemple, le citoyen n'est pas obligé de dénoncer un comportement criminel qu'il constate, mais le policier, lui, on lui demande que oui, puisque c'est sa fonction.

M. Simoneau (Alain): En ce qui concerne la dénonciation, bien là c'est prévu à notre mémoire; nous le mentionnons. La Fraternité ne s'oppose pas au fait qu'un confrère dénonce un autre confrère en ce qui concerne un acte criminel. Pour ce qui est...

M. Ménard: O.K. Ce dont vous avez peur, c'est de la rumeur, c'est d'être obligé de rapporter toutes les rumeurs qui circulent.

M. Simoneau (Alain): Non, pas tout à fait. Ce n'est pas une crainte. Nous, ce qu'on dit, c'est que, d'entrée de jeu, nos policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal sont déjà régis par un code de discipline, une réglementation prévue présentement par l'employeur qui fait en sorte que, si le policier constate une anomalie, que ce soit au niveau de la discipline, déjà le policier a un devoir, via ce Code de discipline, de dénoncer – excusez l'expression – son confrère, de faire rapport d'une dérogation au Code de discipline interne à son supérieur.

M. Ménard: Donc, ça ne change pas la vie des policiers et des policières de la Communauté urbaine de Montréal que d'avoir cette obligation dans la loi, mais ça peut changer pour d'autres policiers qui ne l'ont pas dans leur code de discipline.

(14 h 30)

M. Simoneau (Alain): Au niveau du criminel, tel que nous l'avons mentionné, M. le ministre, nous n'avons aucune résistance au fait – ce qui est apporté à la loi – de dénoncer un confrère qui commet une action criminelle, et ça, il est mentionné à notre mémoire présentement. Ce qu'on dit, c'est que, déjà, chez nous – et c'est un pouvoir qui est donné au niveau du Code de discipline – les policiers ont cette obligation visée à l'intérieur même du Code de discipline.

M. Ménard: O.K. On va l'étudier comme il faut, le Code de discipline de la Communauté urbaine dans ça, et puis peut-être qu'on reviendra avec des...

M. Simoneau (Alain): D'ailleurs, au mémoire, M. le ministre, il est mentionné les articles précis visés par le Code de discipline.

M. Ménard: Je les ai lus. Merci. Mais, comme je veux quand même utiliser au maximum le temps que nous avons, quelle est, d'après vous, la... Vous proposez, vous, que tous les policiers reçoivent une formation qualifiante en enquête, si je comprends bien.

M. Simoneau (Alain): Effectivement.

M. Ménard: Bon. Cette formation qualifiante en enquête, elle devrait durer combien de temps?

M. Simoneau (Alain): Au départ, nous avons intégré la formation qualifiante en enquête déjà dans le stage de formation de base que le projet de loi qualifie de patrouille-gendarmerie, et, pour nous, c'est mentionné qu'on ne devrait pas faire une distinction entre la notion de gendarmerie et la notion d'enquête. Il faut éviter que le législateur fasse ce genre de clivage entre les deux réalités policières que nous vivons parce que l'une ne va pas sans l'autre.

D'ailleurs, on le vit présentement à la Communauté urbaine de Montréal. On voit que, présentement, il y a un clivage au niveau des enquêteurs et au niveau de la gendarmerie. Et ce qui rend le travail des gendarmes plus difficile, c'est de ne pas avoir intégré ces notions d'enquête, et ce qui rend le travail des enquêteurs... c'est le fait que, justement, nos policiers et policières n'ont pas ce «coaching» – excusez l'expression – au niveau de l'enquête pour faire en sorte de donner un bon suivi à l'enquête.

Alors, nous, ce qu'on désire, c'est que, dès la formation initiale du policier à l'École nationale, il y ait une formation qualifiante autant au niveau de l'enquête... Et d'ailleurs l'efficacité – moi, je vais vous parler d'efficacité – au niveau de la carrière policière et l'efficacité au niveau du service aux citoyens vont être encore meilleures du fait que nos policiers et policières auront reçu initialement autant une formation en enquête qu'une formation en patrouille-gendarmerie, parce qu'il ne faut pas dissocier ces deux éléments.

M. Ménard: Oui. Mais, d'après vous, de combien d'heures, de jours ou de semaines est-ce que ça devrait allonger la formation qui est donnée actuellement au cégep et ensuite à l'Institut de police?

M. Simoneau (Alain): Je ne peux pas vous dire exactement, au niveau des collèges, ce qui se donne en formation au niveau des enquêtes. Naturellement, il y a tout l'aspect juridique, l'aspect jurisprudentiel, qui d'ailleurs est un outil de travail pour nos enquêteurs et pour nos policiers. Mais, selon nous, une formation de quatre à six semaines, au niveau de l'enquête, en formation qualifiante dans un programme de base, ce serait très approprié.

M. Ménard: De plus que ce qui se donne actuellement?

M. Simoneau (Alain): De plus que ce qui se donne actuellement.

M. Ménard: Bon. Maintenant, vous avez quand même vécu, avant la police communautaire, le plan du chef Duchesneau, une époque où il y avait des enquêteurs avec des patrouilleurs. Reconnaissez-vous que, à ce niveau d'enquête, ça requiert plus qu'une formation de quatre à six semaines, en plus de patrouille-gendarmerie?

M. Simoneau (Alain): Mais ce qu'on mentionne, M. le ministre, c'est que, déjà avec l'acquisition de connaissances de base et la progression, justement, à la carrière policière en gendarmerie, ça fait en sorte que le policier ou la policière va poursuivre son travail et va être plus curieux au niveau de certaines notions.

Je vous donne un exemple au niveau des scènes de crime. Il est bien évident qu'il faudrait toujours prendre en considération l'aspect de «coaching» et de référence d'un enquêteur qui est, dans le temps, si on veut, avant la police communautaire, ou du moins avant la police de quartier... Parce que, selon moi, on faisait de la police communautaire aussi avant de la police de quartier. L'aspect «coaching», l'aspect d'encadrement qu'on donnait au jeune policier était dévolu à l'enquêteur-poste, l'enquêteur-relève, qu'on appelait, qui, dans le fond, cheminait avec la même équipe de travail.

Alors, il y avait un enquêteur ainsi que des gendarmes qui patrouillaient pendant un quart de travail et, dans le fond, il y avait une complicité sur l'ensemble des interventions qu'il y avait, par exemple une scène de crime à couvrir, une accusation à porter. Et il y a aussi l'élément très important à mentionner, c'est l'échange d'informations. Un ne va pas sans l'autre. Si les enquêtes n'ont pas l'information de la gendarmerie, je veux dire, on vient d'amputer une partie de notion d'efficacité d'enquête, c'est bien évident.

M. Ménard: Je vais passer plus rapidement, si vous voulez, au plan de formation personnel. L'un des reproches qui sont souvent faits ou qu'on entend souvent sur les plans de formation, l'intervention du milieu syndical dans les plans de carrière ou les plans de formation, c'est que l'élément syndical ne valorise qu'une seule chose, c'est la séniorité, c'est le temps. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. Simoneau (Alain): Bon. Ce que je réponds, M. le ministre...

M. Ménard: Je ne dis pas nécessairement que c'est mon opinion, mais je suis sûr que vous l'avez déjà entendu ou lu.

M. Simoneau (Alain): Justement, dans un premier temps, il faut prendre en considération que, dans la sélection initiale – exemple dans un examen de promotion – il n'y a pas d'ancienneté qui prévaut. C'est un test de connaissances pour une panoplie de policiers qui s'y présentent. C'est le premier élément. Alors, on ne fait pas de distinction si un policier plus vieux va avoir – excusez l'expression – un «by» pour passer quoi que ce soit. Tout le monde est dans la même marmite pour passer l'examen de promotion.

En ce qui concerne l'ancienneté, et là je veux être... Regardez les dispositions de notre convention – je vais parler au nom de la Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal – les critères d'ancienneté, de plus en plus, en ce qui concerne le domaine de l'enquête, sont de moins en moins existants. De plus en plus, dans des sections spécialisées, on se retrouve avec des ratios de 50 % d'ancienneté-50 % de qualification, et il y a même une certaine section présentement, chez nous, d'enquête plus spécialisée où est-ce que l'ancienneté ne prévaut pas.

Alors, de dire qu'on condamne les syndicats par rapport à un critère d'ancienneté sur l'accessibilité à certaines fonctions, et plus particulièrement au niveau des fonctions d'enquête... En tout cas, chez nous, présentement, au niveau de l'enquête, on a retiré beaucoup ce critère d'ancienneté là.

M. Ménard: O.K. Vous êtes quand même le plus grand corps de police du Québec et certainement l'un des mieux organisés. Ce n'est pas nécessairement le cas partout. Mais je suis certain que M. Prud'Homme, qui vous a précédé dans le poste que vous occupez, pourra nous éclairer tout à l'heure sur l'utilité... pour les autres corps policiers. Mais allons à d'autres choses rapidement.

M. Simoneau (Alain): ...un commentaire.

M. Ménard: Oui.

M. Simoneau (Alain): Je voudrais juste faire un commentaire, M. le ministre. Quand vous dites qu'on est un des plus gros corps de police au Québec, nous sommes le plus gros corps de police municipale au Québec. Et, quand vous dites qu'on est un des mieux organisés, je pense que, dans l'organisation et dans l'efficacité du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, notre organisation syndicale a un mot à dire, et j'en suis convaincu, de ça.

M. Ménard: Et puis vous en tirez un certain crédit. C'est ça?

M. Simoneau (Alain): J'en tire un certain crédit.

M. Ménard: Vous voulez qu'on vous en reconnaisse un certain crédit. Volontiers. Ha, ha, ha!

M. Simoneau (Alain): Notre organisation en tire un certain crédit, c'est un fait.

M. Ménard: Moi aussi, j'ai beaucoup de difficultés, parfois, dans la pratique, à distinguer le disciplinaire du déontologique, malgré que je sois bien conseillé. Ha, ha, ha! Je ne vous demande peut-être pas de le faire tout de suite, mais, si jamais vous pouviez nous envoyer par écrit quelques balises qui nous permettraient de distinguer l'un et l'autre... Je vois qu'il y a des députés aussi qui ne sont pas... Ça, là-dedans, on a, c'est vrai, une certaine difficulté. Je sais qu'il y a une différence. Entre autres, la déontologie implique toujours un citoyen. Alors, ça, évidemment, c'est une situation... Tandis que la discipline n'implique pas nécessairement toujours le citoyen. Mais, si jamais vous voulez nous envoyer des...

M. Simoneau (Alain): J'inviterais mon confrère Monette juste à faire un commentaire relativement à vos interrogations.

M. Ménard: Oui.

M. Simoneau (Alain): M. Monette.

M. Monette (Louis): Pour reprendre un peu votre commentaire, M. le ministre, lorsque vous dites que, lorsqu'il y a un citoyen qui est impliqué, c'est nécessairement la déontologie, on a eu un problème récent là-dedans où un policier a commis un geste qui était un geste répréhensible au sens du Code de déontologie mais où la personne n'a pas voulu porter plainte au Commissaire à la déonto. Et, un peu comme on parlait tantôt dans notre mémoire, l'employeur s'est arrogé une juridiction concurrente et lui a accusé le policier de ce manquement-là.

Évidemment, les cas de discipline ne sont pas aussi précis que les autres législations, et le policier a été accusé d'avoir eu un comportement de nature à nuire au prestige ou à l'efficacité du Service. Et, même si c'était clairement une infraction de nature déontologique et que, si le plaignant s'était rendu au Commissaire, le Commissaire aurait trouvé la plainte recevable, l'employeur s'est arrogé cette juridiction-là. C'est ça, cette espèce d'ambiguïté qu'on vit actuellement, d'une part.

(14 h 40)

D'autre part, il y a certaines occasions où le policier a été sanctionné par le Comité de déontologie et, par la suite, l'employeur, pour les mêmes faits et pour sensiblement la même accusation, là... Le policier qui serait impoli avec un citoyen, ce serait une contravention à l'article 5 du Code de déontologie. Mais, si l'employeur, lui, d'autre part, a une directive interne sur la discipline, bien, pour le même juron ou pour la même insulte, le policier va avoir deux sanctions et deux accusations différentes. C'est ça qu'on veut éliminer, pas que le policier ait une passe gratuite, c'est qu'il soit sanctionné adéquatement et justement par une instance, et pas par deux, pour les mêmes faits et le même manquement.

M. Ménard: O.K. Dans les infractions qui amèneraient la destitution, moi, je comprends avec vous qu'on doit distinguer trois types de comportement criminel: les infractions qui sont punissables uniquement par poursuite, par acte criminel; celles qui sont hybrides et qui maintenant sont beaucoup, c'est-à-dire que la couronne a le choix du mode de poursuite, soit par acte criminel soit par voie sommaire; et celles qui sont poursuivables par voie sommaire.

On constate que les deux extrémités sont rendues bien petites, surtout voie sommaire. Je pense qu'il n'en reste presque plus, à part troubler la paix en criant ou altérer la monnaie, des trucs comme ça. Il y en a 12, paraît-il. Bon. Il en reste plus dans les actes criminels. Dans le cas des actes criminels, je pense qu'on peut tous reconnaître qu'il s'agit là de quelque chose d'assez grave pour que ça amène une destitution.

M. Monette (Louis): Vous parlez d'infractions poursuivables seulement par acte criminel.

M. Ménard: Seulement par acte criminel.

M. Monette (Louis): Vol qualifié, voie de fait grave, homicide évidemment. Ça évidemment, M. le ministre, chaque fois que des policiers ont été accusés de crime grave, lorsqu'on allait devant les arbitres – je pense que, dans votre pratique d'avocat, vous avez vécu ces expériences-là – les policiers étaient systématiquement congédiés. D'ailleurs, tout ce qui touchait la probité, je ne sais pas si... Il y a eu plusieurs dossiers, dans le passé, de vol à l'étalage. Moi, j'ai eu des cas de policiers accusés d'un vol à l'étalage d'un filet de poisson chez Provigo, et l'arbitre l'a congédié.

M. Ménard: O.K. Maintenant, vous seriez satisfaits si, dans le cas des infractions hybrides, on obligeait un traitement disciplinaire, mais la sanction serait laissée à une évaluation.

M. Monette (Louis): Mais ce qu'on recommande, M. le ministre, c'est que le système demeure en place...

M. Ménard: Mais il faudrait que ce soit clair que, justement dans les cas de probité... Parce que j'ai peine à garder en service un policier qui se serait rendu coupable de fraude ou de vol et qui démontrerait...

M. Monette (Louis): Mais ça, M. le ministre, la jurisprudence est constante là-dedans, les arbitres ont toujours maintenu les congédiements. On en a eu quelques-uns, puis la jurisprudence rapportée... Sauf un cas, si vous vous rappelez, où la Cour suprême est intervenue. Mais là il y avait une question de maladie là-dedans.

M. Ménard: En tout cas, il reste une chose, parce que, quand même... Mais remarquez que j'ai quand même abondamment annoté votre mémoire. Puis il n'y a rien qui empêche qu'on se consulte de façon informelle. Dans le cas des représentants, vous êtes au courant des dispositions dans la GRC?

Une voix: Oui.

M. Ménard: Je comprends que celles-là vous conviendraient.

M. Simoneau (Alain): Absolument.

M. Ménard: Ça va. Il y a aussi une suggestion qui a été faite par l'ADPPQ, que je n'ai pas relevée ce matin mais qui est assez bonne, quant à l'incompatibilité. Ils suggèrent qu'on ajoute, eux: une activité susceptible de mettre en conflit l'intérêt personnel du policier et les exigences reliées à son statut d'agent de la paix ou de diminuer son rendement pendant les heures de travail.

M. Simoneau (Alain): Chez nous, ça existe déjà, M. le ministre.

M. Ménard: Bon. Alors là vous auriez quelque chose de plus précis.

M. Simoneau (Alain): Oui.

M. Ménard: Je peux vous dire que c'est toujours ce que, moi, quant à moi, j'ai poursuivi quand j'ai toujours dit que j'étais contre le double emploi. Quand on emploie un policier, on ne l'emploie pas uniquement pendant ses heures de travail. Si on lui donne du loisir, c'est pour qu'il se repose et qu'il soit parfaitement maître de lui pendant qu'il est en devoir parce qu'il peut rencontrer des circonstances où il a besoin de toutes ses capacités physiques et intellectuelles et morales pour répondre dans une fraction de seconde. Alors, ce qui me fait énormément peur dans le double emploi, c'est que justement le double emploi préoccupe le policier pendant qu'il est à son travail ou affecte son rendement. Bon. Ça va pour ça. Je pense que j'ai à peu près tout.

M. Monette (Louis): Juste là-dessus, M. le ministre.

M. Ménard: Oui, puis, de toute façon, c'est le temps qu'on a. Merci.

M. Monette (Louis): Juste sur le dernier point, M. le ministre...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): On aurait le temps pour une brève réponse, M. Monette.

M. Monette (Louis): On a déjà une disposition, nous, qui dit qu'en dehors de ses heures de travail, bon, exploiter un commerce ou diminuer son rendement... Sauf que, évidemment, nous, on a énormément de réserve à ce que le législateur vienne réglementer les heures de loisir. Moi, M. le ministre, à l'époque où je travaillais comme policier, j'enseignais au cégep Ahuntsic à des futurs policiers. Je ne suis pas sûr que j'aurais aimé que le législateur vienne me dire: Bien, t'as le droit à une charge de cours cette session-ci, pas à deux, là.

Je comprends, là... Puis on l'a même dans notre Code de discipline depuis des années. Et, si jamais il y avait des excès ou que le policier n'était pas capable de remplir adéquatement ses fonctions lorsqu'il est appelé à le faire, que l'employeur ait le pouvoir d'intervenir, ça existe déjà. Mais que le législateur vienne légiférer sur mes heures de loisir, ça, on a un peu de difficultés, M. le ministre, parce que ça ouvre la porte à toutes sortes d'interprétations.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien, M. Monette. On aura peut-être l'occasion de poursuivre sur cette lancée-là. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: M. Simoneau, M. Roy et M. Monette, bonjour. On va discuter, si vous voulez, du cas plus particulier de la Communauté urbaine de Montréal. Mais j'aurais une question préliminaire avant ça à vous poser sur les critères de sélection.

On a dit que le métier de policier avait évolué de façon considérable dans les dernières années – vous allez être d'accord avec ça. D'ailleurs, vous autres, au fond, qui avez été les premiers à appliquer cette espèce de nouvelle forme de police – pour employer une expression – qui est la police de quartier ou la police communautaire, je pense qu'au premier chef vous savez que le métier de policier a évolué et qu'on est de plus en plus exigeant envers les policiers. Vous le savez, surtout à la Fraternité, c'est certain.

On est plus exigeant envers les policiers, d'une part, puis, d'autre part, effectivement, objectivement parlant, il y a plus d'exigences maintenant pour le métier de policier particulièrement en raison de leur rôle de premier plan sur la première ligne, lors de l'appel, où vous devez jouer – je l'ai dit, moi, en introduction, tout le monde est d'accord avec ça – de temps en temps un rôle de négociateur, de psychologue, de travailleur social, de juriste. Enfin, il faut avoir un certain nombre de connaissances.

Le gouvernement s'attaque beaucoup à la formation qualifiante de base, à la formation continue. Et, moi, je suis tout à fait d'accord avec ça, j'ai eu l'occasion de le dire. Mais on n'a pas parlé encore, M. Simoneau – et j'aimerais ça avoir votre opinion comme spécialiste syndical de ces questions-là – des critères de sélection des étudiants qui s'inscrivent en technique policière ou qui s'inscrivent au diplôme d'attestation d'études collégiales.

Selon vous, est-ce qu'on devrait mettre de l'accent et qui devrait? C'est peut-être les collèges qui devraient le faire, c'est peut-être au niveau du système de l'éducation qu'il faudrait le faire. Mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de s'interroger sur les critères de sélection des étudiants? On a dit qu'il y avait plein d'étudiants qui font application, un sur 12, je pense, qui fait application en technique policière. Il y a beaucoup d'appelés, ça intéresse beaucoup de jeunes, il y a de plus en plus d'applications, donc on a le choix.

Alors, dès le départ, pour rencontrer correctement les exigences du métier de policier, est-ce qu'on devrait améliorer les critères de sélection des étudiants qu'on admet en technique policière? Est-ce qu'on devrait le faire?

M. Simoneau (Alain): Je ne connais pas présentement les modalités d'accessibilité au niveau des collèges. Je ne peux qu'appuyer vos dires en disant que, effectivement, le travail est de plus en plus exigeant, les citoyens sont de plus en plus exigeants, et nous sommes une entreprise de services pour les citoyens et citoyennes sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Je crois que, préalablement, on devrait dresser un profil de ce qu'on s'attend d'un candidat qui va poursuivre des études au niveau du collège et naturellement, par conséquent, aller à l'École nationale et, par la suite, exercer une fonction pour les 25, 30 prochaines années. Et je pense qu'au préalable il serait important de dresser ce profil-là avec les qualités requises pour devenir un candidat.

(14 h 50)

M. Dupuis: Dites-moi donc, M. Simoneau, si vous aviez, vous... Puis je ne veux pas vous mettre sur la sellette, je ne veux pas vous obliger à faire ça sous les caméras, à brûle-pourpoint, sans que vous ayez été préparé, mais, moi, il m'apparaît qu'actuellement la sélection... Il y a des examens d'admission, mais il m'apparaît que la sélection se fait beaucoup en fonction des résultats qu'on a eus au secondaire, hein, les plus forts, etc. C'est le critère d'admission le plus connu.

Donc, il m'apparaît, je peux me tromper mais il m'apparaît qu'on évacue tout le champ de est-ce que c'est quelqu'un qui a du jugement, est-ce que c'est quelqu'un qui a des qualités d'honnêteté, de probité, etc. Tu sais, toute cette espèce... Il y a des tests pour ça. Objectivement parlant, on peut essayer. Ce n'est jamais un gage de succès, mais on peut essayer. Et, selon vous, quelles seraient les qualités primordiales qu'on devrait retrouver chez quelqu'un qui cherche à devenir un policier, outre évidemment le fait qu'il a bien réussi ses études au secondaire?

M. Simoneau (Alain): Moi, je crois que la première qualité pour être policier, c'est l'altruisme, c'est de vouloir venir aider. Nous avons un rôle de relation d'aide principalement. Et il faut tenir compte aussi de qu'est-ce qu'il fait en termes de formation, il faut tenir compte un peu du modèle qu'on a implanté, qu'on n'a pas inventé mais qu'on a implanté, en fonction des relations citoyens-policiers. Je crois qu'il faut de plus en plus démystifier le travail d'intervention directe – excusez, encore là, l'expression – des «flashers», des guns, des holdups, etc., et vraiment conscientiser nos candidats policiers dès le cégep, ou même au préalable au collège, de dire: Le travail est de plus en plus axé sur un travail de partenariat avec les citoyens.

Ça, je pense qu'il faut focusser cette dimension et dire: Voici maintenant ce que les citoyens attendent de nous. Il y a un rôle répressif à jouer, et on le jouera en tout temps, quand on aura à le jouer, dans les circonstances où on aura à le jouer. Mais, au-delà de ça, il y a un travail de relation avec la communauté à faire, et c'est de ça qu'il faut de plus en plus conscientiser nos candidats dès le cégep. Et ça, c'est de nature...

Encore là, les gens sont confrontés par rapport à une publicité quand on regarde la télévision, etc., où c'est encore un peu – excusez-moi l'expression, encore là – du «law and order». On a encore l'image du policier américain, etc., alors que maintenant je pense qu'on a beaucoup socialisé et humanisé la police au fil de années.

M. Dupuis: Mais convenez-vous, M. Simoneau, pour passer tranquillement vers des questions qui seraient plus spécifiques sur la Communauté urbaine de Montréal... Bon. Vous autres, vous avez implanté, vous n'avez pas inventé, comme vous avez dit, mais vous avez implanté ce qu'il a été convenu d'appeler le «modèle de police communautaire», police de... Vous, vous aimez mieux l'expression «police de quartier». Je n'ai pas d'objection à employer la vôtre si vous vous sentez plus à l'aise avec.

Mais j'ai senti tantôt, en réponse aux questions de M. Ménard, que vous aviez, sur le modèle de police communautaire, par rapport à ce qui se fait dans les enquêtes qui suivent les arrestations, certains commentaires à faire à ce sujet-là. J'aimerais ça les entendre, vos commentaires là-dessus, là. Le clivage, je pense que vous avez employé l'expression «clivage» entre gendarmerie et enquête. J'aimerais vous entendre plus spécifiquement là-dessus. Je sens que ça commencerait à être le temps qu'on regarde ce modèle-là, de police communautaire, par rapport aux enquêteurs, si vous voulez, puis qu'il y a peut-être des ajustements à faire, là.

M. Simoneau (Alain): Bon. Il faut, au préalable, dire que le modèle de police communautaire, le modèle de police de quartier, dans sa philosophie et dans ses composantes, fait en sorte qu'on a des valeurs organisationnelles, que ce soit le partenariat, la responsabilité géographique pour les policiers à l'égard d'un quartier, etc. Les décisions qui ont été prises en ce qui concerne ce fameux clivage des enquêtes versus la gendarmerie ne sont pas collées à un modèle de police communautaire. C'est une décision organisationnelle, à ce moment-là, et ce n'est pas lié au modèle de police de quartier ou du moins au modèle de police sociocommunautaire.

M. Dupuis: Je ne veux pas vous interrompre, M. Simoneau, mais je veux juste qu'on ait un échange pour qu'on se comprenne bien, pour ne pas qu'on aille trop loin. Moi, j'ai compris que vous dites – corrigez-moi si je n'ai pas raison: Le problème, ce n'est pas le modèle de police de quartier, s'il y a un problème, c'est l'implantation, c'est-à-dire que c'est la façon dont on l'a fait.

M. Simoneau (Alain): C'est structurellement parlant qu'on a eu, on peut dire, ce que j'appelle le clivage qui, selon moi, est inefficace...

M. Dupuis: Oui. On a séparé, on a...

M. Simoneau (Alain): Ce clivage entre l'enquête et la gendarmerie n'a pas porté bénéfice pour l'ensemble des dimensions des fonctions policières.

M. Dupuis: On se comprend parfaitement.

M. Simoneau (Alain): Ça, c'est bien évident.

M. Dupuis: Je pense qu'on se comprend parfaitement. Il y a eu, évidemment, un gros accent qui a été mis sur l'intervention de première ligne, le partenariat avec les citoyens, la compréhension, la négociation, etc. La résolution des situations pénibles en première ligne, ça, c'est les agents qui font ça, les constables, la police de quartier, les patrouilles, on s'entend là-dessus, la gendarmerie.

M. Simoneau (Alain): Absolument.

M. Dupuis: Et là, après ça, là, moi, mon impression, c'est qu'on a mis tellement d'importance sur cet aspect-là des choses, et je pense que c'était correct de le faire, que malheureusement, aujourd'hui, on est obligé de se rendre compte qu'on a négligé – je n'aime pas le mot, M. Simoneau, si vous en avez un meilleur que le mien, vous prendrez le vôtre – l'aspect répressif, l'aspect arrestation, enquête, traduction des délinquants devant les tribunaux, condamnation, etc. Ça, là, on a fait vraiment une séparation entre les deux, puis là aujourd'hui on commence à se rendre compte de ça, il y a des retards, etc. Je pense qu'on constate ça.

M. Simoneau (Alain): Mais, quand ça a été fait, la structure...

M. Dupuis: Je ne critique pas personne, là.

M. Simoneau (Alain): Non, non, absolument pas, mais je ne pense pas que ça a été fait consciemment parce qu'on a réalisé, à certains égards, que, effectivement, il y a eu une baisse d'arrestations, une baisse de poursuites devant les tribunaux, etc. Mais je suis convaincu que ça n'a pas été fait consciemment, cette espèce de mode non répressif là ou de mettre trop d'aspects sur le mode non répressif. Je pense que c'est un concours de circonstances.

Ce que, nous, on dénote, c'est l'espèce de manque, maintenant, de «coaching» pour les gendarmes qui vont faire de l'intervention. Ça vient, ensuite de ça, paraître au niveau de la rédaction des rapports, le fait qu'ils n'ont pas un «coaching» qui dit: Moi, ça me prend tel élément essentiel pour pouvoir poursuivre mon enquête, ça me prend tel élément essentiel pour pouvoir aller voir ce qui se passe au niveau des témoins. Alors, c'est ça qui nous manque présentement. Et ça fait partie de l'enquête, c'est une première étape à l'enquête d'aller rencontrer les témoins, de... Autrement dit, le rapport, pour un enquêteur, est le portrait de l'événement qui s'est produit.

Maintenant, trois ans plus tard, avec les nouveaux policiers qui arrivent depuis les trois dernières années, qui n'ont pas ce «coaching» au niveau de l'enquête, cette connaissance au niveau de la scène de crime, ça fait en sorte... Et c'est pour ça, d'ailleurs, qu'on appuie notre recommandation de donner une formation qualifiante d'enquête, c'est de faire en sorte de dresser ce portrait-là parce qu'on n'a plus l'encadrement et le «coaching» des enquêtes.

M. Dupuis: Mais, M. Simoneau, moi, je dirais, là, que c'est pire que ça, mais... Moi, je le dirais, mais je ne suis pas assis à la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal, je ne le sais pas. Mais je dirais – c'est une impression, sauf que mes impressions sont toujours un peu teintées de ce que j'entends de la population, c'est notre rôle à nous autres – que c'est pire que ça, M. Simoneau. Je dirais que vous avez votre intervention par... Puis là, là, je ne critique pas la qualité des policiers ni le travail des policiers, mais le système, il est fait comme ça, on est obligé de le constater.

Vous avez vos gendarmes, vos patrouilleurs, vos gens qui exercent... qui sont les premiers répondants qui arrivent sur les lieux, qui rédigent un rapport, avec les défauts que vous y voyez, avec l'espèce de manque de «coaching» que vous déplorez, puis là, là, ça, ça s'en va au centre opérationnel, puis là il y a une espèce de délai, je pense que tout le monde est conscient du fait qu'il y a des délais avant que les dossiers soient traités au centre opérationnel.

M. Simoneau (Alain): Tout est en fonction des priorités, là.

M. Dupuis: Oui, c'est ça, en fonction des priorités, mais il y a sûrement des dossiers d'enquête dans lesquels il y a des délais, quand même, relativement longs avant qu'ils soient traités. Vous convenez de ça, M. Simoneau, là?

M. Simoneau (Alain): Il n'y a pas rien que des problèmes de structure, chez nous, on a des problèmes de ressources, aussi.

M. Dupuis: O.K.

M. Simoneau (Alain): Ça, il faut en être très conscient.

M. Dupuis: Mais ça, ça veut dire que l'enquêteur qui est au centre opérationnel, qui prend un dossier qui a été débuté par des patrouilleurs puis qui va regarder ça, là, des fois, il n'y a pas grand-chose à comprendre parce qu'il a manqué de «coaching» dans la rédaction du rapport, puis on n'est pas capable d'aller bien, bien plus loin dans l'enquête. Est-ce qu'on se comprend là-dessus?

M. Simoneau (Alain): On va pouvoir y aller plus loin, sauf que ça va prendre une étape supplémentaire, le fait que l'enquêteur se déplace, aller rencontrer le policier qui a débuté le rapport, etc. Ça va nécessiter un déplacement supplémentaire. On va pouvoir l'avoir, l'information, sauf que, naturellement, dans la méthode de travail, ça va exiger...

(15 heures)

M. Dupuis: Bon. C'est ça. Et là, dans le fond, la conversation qu'on a, nous deux, elle peut bien intéresser beaucoup nous deux, mais, dans le fond, on la fait pour deux personnes, la conversation qu'on a ensemble: on la fait pour le ministre puis on la fait pour la population aussi.

Alors, dans le fond, ce que vous déplorez qui existe aujourd'hui, au niveau du clivage entre la patrouille et la fonction enquêteur, dans le modèle de police de quartier que vous vivez à tous les jours, vous, il est amplifié par le projet de loi si ce projet de loi là est adopté demain matin. Parce que, dans le projet de loi, on l'accentue, le clivage, on dit: Dorénavant, la formation qualifiante de base, ça va être un diplôme en patrouille-gendarmerie, puis un gars va pouvoir sortir de l'École de police avec ça. Et, s'il veut aller chercher un diplôme d'enquêteur, il va falloir qu'il fasse un diplôme d'enquêteur. Vous, vous dites: Tut, tut, tut! Joignons les deux, parce que ce n'est pas vrai que le patrouilleur, il ne faut pas qu'il ait des notions d'enquête. Au contraire, c'est peut-être plus important qu'il doive en avoir, au départ, le patrouilleur, des notions d'enquêteur. On se comprend?

M. Simoneau (Alain): On se comprend, puis ça va juste faire en sorte de mieux servir le citoyen.

M. Dupuis: Bon. Alors, ce que vous dites, moi, je veux que ça... Parce que, dans le fond, on a 20 minutes, M. Simoneau, c'est bien malheureux. On pourrait discuter de 100 000 affaires, mais ça, c'est important pour la population. Donc, est-ce que je comprends bien que ce que vous dites, c'est: Ne faites pas cette erreur-là. Nous autres, on vit, à la CUM, déjà un clivage entre les patrouilleurs et les enquêteurs. Ça dessert la population, et, si vous confirmez que ce clivage-là, c'est la loi dorénavant, vous n'allez qu'accentuer ce clivage-là et vous allez desservir la population. C'est ça que vous dites?

M. Simoneau (Alain): C'est la base de notre recommandation qui demande une formation qualifiante autant en enquête qu'à la patrouille-gendarmerie.

M. Dupuis: O.K. Moi, je comprends bien que, pour ce qu'il est convenu d'appeler les enquêtes spécialisées: la fraude, les stupéfiants, les enquêtes d'agression sexuelle, les enquêtes de vol qualifié, ça va prendre... Est-ce que, dans votre esprit, ça prend ça, une formation supplémentaire à ce que pourrait être la formation de base de patrouille-enquêteur?

M. Simoneau (Alain): Effectivement. Déjà, nos policiers qui sont au niveau des enquêtes spécialisées ont une formation supplémentaire de perfectionnement, de type de perfectionnement et non qualifiant, mais de perfectionnement. Alors, ils vont chercher cette formation-là, que ce soit au Collège canadien d'Ottawa, à l'Institut de police ou beaucoup de formation à l'interne chez nous.

M. Dupuis: O.K. Bon. Donc, dans votre esprit à vous – je veux juste conclure là-dessus parce que je voudrais aborder un autre sujet avec vous – pour qu'on se comprenne bien, si vous dites au gouvernement: Ne faites pas l'erreur de ne pas donner comme formation qualifiante de base – ne parlons pas de gestion policière pour l'instant – un diplôme qui serait un diplôme initial, qui serait un diplôme qu'on appellera pour les fins de la discussion, vous et moi, «patrouille-enquête»; enquête étant entendu qu'il s'agit d'un cours de base pour être capable de bien partir une enquête, dans le fond. N'est-ce pas?

M. Simoneau (Alain): Oui.

M. Dupuis: Ça va. Et qu'il pourrait y avoir, pour éventuellement des enquêteurs qui veulent accéder, pour des gens qui veulent devenir des sergents-détectives dans une escouade particulière au CUM, une formation qui serait une formation de perfectionnement.

M. Simoneau (Alain): Mais prendre en considération aussi que le policier qui a accessibilité à l'enquête a déjà, au préalable, eu une qualification à l'interne chez nous. Il y a eu un processus de qualification, à savoir: Est-ce qu'il a les connaissances, les qualités pour occuper la fonction d'enquêteur? Elle l'est déjà présentement. Il l'a.

M. Dupuis: O.K. Dites-moi donc une chose. Il me reste combien de temps? Deux minutes. Ah! Seigneur que ce n'est pas long! Dites-moi une chose: Avez-vous des relations, la Fraternité, avec le conseil de sécurité?

M. Simoneau (Alain): Si on a des relations?

M. Dupuis: Oui.

M. Simoneau (Alain): Non, on n'a pas de relations. Nous, on assiste aux audiences publiques de la Commission de la sécurité publique. Ce n'est pas sur invitation spécifique à la Fraternité. C'est qu'elles sont affichées, les audiences publiques, et on s'y présente.

M. Dupuis: O.K. Est-ce que, de temps en temps, le conseil de sécurité... Moi, je l'appelle le conseil de sécurité. Vous autres? On appelle ça maintenant la Commission de la sécurité publique?

M. Simoneau (Alain): C'est la Commission de la sécurité publique.

M. Dupuis: Celle qui est composée d'élus, là?

M. Simoneau (Alain): C'est ça.

M. Dupuis: Celle sur laquelle siègent des maires?

M. Simoneau (Alain): Oui.

M. Dupuis: O.K. Bon. Est-ce que, de temps en temps, vous êtes appelés par la Commission de la sécurité publique – il faut que je m'ajuste vite, là – à aller témoigner devant elle? Est-ce que, de temps en temps, ils vous demandent, à vous autres, la Fraternité, de venir – je n'aime pas l'expression, M. Simoneau, choquez-vous pas contre moi – rendre des comptes sur une situation particulière ou d'avoir des explications sur quelque chose en particulier? Est-ce que ça arrive, ça?

M. Simoneau (Alain): Nous sommes appelés, au même titre que n'importe quel citoyen, par appel d'offres, avis public. Alors, on se présente pour intervenir dans le cadre d'un mémoire ou quoi que ce soit, mais nous n'avons jamais de lien direct avec la Commission ou nous ne sommes jamais interpellés par la Commission. Nous, notre travail quotidien, c'est le partnership avec l'employeur, la direction du service sur les problématiques, mais jamais en contact direct avec la Commission, sauf sur des avis publics où on émet notre opinion.

M. Dupuis: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est tout, malheureusement. Il me reste donc, au nom des membres de la commission, à remercier les représentants de la Fraternité des policiers et policières de la Communauté urbaine de Montréal pour leur contribution. Merci, M. Simoneau, merci aux personnes qui vous accompagnent.

Alors, la commission des institutions poursuit ses travaux dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police. Nous allons entendre dans quelques instants les représentants de La Ligue des Noirs du Québec, représentée notamment par son président, M. Dan Philip, que j'inviterais à bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, je rappelle que nous avons réservé une période d'une heure pour cette rencontre avec les représentants de La Ligue des Noirs du Québec et qu'une vingtaine de minutes est réservée pour la présentation proprement dite de votre mémoire. Par la suite, nous passerons aux échanges. Alors, M. Philip, si vous voulez prendre la parole et nous présenter également la personne qui vous accompagne.


La Ligue des Noirs du Québec

M. Philip (Dan): Merci, M. le Président et membres du comité. Nous sommes très heureux d'être ici. M. Édouard Narcisse, qui est membre de notre conseil, va faire la lecture. Mais, premièrement, je dois dire que, avant de mettre un projet de loi comme le n° 86, nous devons regarder les rapports Bellemare, Malouf, Yarosky et Poitras. Pour moi, cette loi, basée sur, dit-on, la façon des formations des policiers, c'est minime, parce que nous avons vécu beaucoup de situations pénibles dans la communauté. Et je pense que, si vous allez mettre des lois en marche, c'est des lois avec des sanctions pour faire respecter les droits des citoyens et des citoyennes par les policiers. Mais, dans ce projet de loi, je ne vois pas ça. Pour moi, je suis très, très déçu, mais, en tout cas, nous sommes là et nous allons faire notre présentation. Merci. Édouard.

M. Narcisse (Édouard): Comme organisme qui promeut les droits de la personne, qui promeut aussi l'égalité des chances et le respect de tous les citoyens, nous sommes de plus en plus saisis des plaintes que les nombreux citoyens déposent contre les policiers, notamment en ce qui concerne les falsifications des preuves, les actes de brutalité policière, le non-respect des règles de déontologie ou, pire encore, le non-respect des droits de la personne. La violation incessante des droits des citoyens par les policiers est intolérable dans une société comme la nôtre.

Au cours des 20 dernières années, malgré les nombreux reportages des médias sur ce sujet, presque rien n'a changé. On lit encore quotidiennement dans les journaux des histoires d'horreur que font subir les policiers aux citoyens. Pire encore, on en arrive à des situations où les policiers exercent leur libre arbitre pour arrêter innocemment des citoyens et relâcher ceux qui sont réellement coupables. Ces cas d'abus de pouvoir sont de plus en plus connus et dénoncés. D'ailleurs, La Presse du mardi 23 novembre 1999, page A3 et page A11, en a fait mention.

(15 h 10)

Dans ces conditions, nous nous posons la question: Les policiers suivent-ils réellement et scrupuleusement les règles d'éthique auxquelles ils sont tenus et soumis? Devant l'ampleur des actes malsains des policiers, nous ne pouvons que répondre non, comme le fait la Gazette dans son édition du 26 novembre 1999, pages A1, A2 et B2. Dans une telle situation, il y a lieu de s'inquiéter que de plus en plus de pauvres, de défavorisés, de Noirs, de personnes sans défense, cibles privilégiées des policiers, subissent de plus en plus leurs comportements discriminatoires et irrévérencieux. Et pourtant la mission première des policiers est de protéger ces groupes de citoyens et l'ensemble de la population, sans distinction ni traitement préférentiel.

Nous avons, au cours des dernières années, interpellé la Commission de déontologie policière du Québec, nous avons aussi interpellé les différents ministres de la Justice et de la Sécurité publique, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec et différents autres acteurs institutionnels sur cette question. On n'a vu aucun changement. Les policiers s'enfoncent de plus en plus dans une sous-culture interne où ils mettent d'abord de l'avant leur intérêt à se couvrir mutuellement, à violer systématiquement les droits des citoyens plutôt qu'à défendre ces derniers. Tous ces actes de brutalité, de non-respect des droits de la personne et des lois sont malheureusement faits au détriment de leurs victimes.

Nous sommes désolés que, après tous ces efforts, le projet de loi n° 86 sur la police ne va rien changer. Nous sommes d'avis que beaucoup de réglementations basées sur les programmes de formation peuvent être adressées à la formation des policiers sans ce projet de loi comme tel. Nous sommes aussi d'avis que les policiers sont des agents de la cour et de la justice. Ils sont assermentés, ils sont engagés pour protéger les citoyens, ils sont engagés pour faire respecter la loi, défendre chaque citoyen dans toutes les circonstances. Ils sont payés par l'État pour faire cela. Et il nous paraît drôle, dans ce projet de loi, que le gouvernement va mettre en marche des dispositions pour demander à la police de faire ce qui est déjà son devoir.

L'État se sert des policiers pour appliquer ses lois. Cela sous-entend que l'État délègue aux policiers un certain pouvoir, ce qui n'est pas le cas de n'importe quel citoyen. C'est pour cela qu'il faut réglementer ce pouvoir pour qu'il n'y ait pas abus et surtout protéger les citoyens contre d'éventuels abus. La Charte québécoise et la Charte canadienne des droits et libertés nous ont heureusement toutes les deux donné cette protection et nous garantissent, à nous, à chaque citoyen et chaque citoyenne du Québec, le respect et la dignité.

Depuis la mort d'Anthony Griffin abattu par un policier de la CUM en 1987, nous avons continuellement demandé des changements dans le fonctionnement de la police. Pourtant, nous avons été confrontés à un mur de silence et d'indifférence. La loi n° 86 ne pourra pas changer grand-chose parce que cette loi est basée sur la formation sans tenir compte de la nécessité de sanctions contre d'éventuels actes que pourraient poser les policiers. La loi n° 86, nous le croyons fermement, ne changera rien, d'autant que ce sont des policiers qui seront chargés de faire des enquêtes sur d'autres policiers. Cela n'avait donné aucun résultat dans le passé et nous ne voyons pas comment cela pourra marcher aujourd'hui.

Nous demandons – comme beaucoup d'autres l'ont fait, comme beaucoup d'autres enquêtes l'ont révélé – que quelqu'un d'autre, en dehors de la culture policière, soit un juge, soit un citoyen crédible, soit un indépendant, prenne cette responsabilité d'enquête s'il arrive qu'un policier commet un acte répréhensible contre un autre citoyen. Nous demandons que la pratique de policiers qui enquêtent sur des policiers soit arrêtée immédiatement. Cela donnera confiance aux enquêtes quand un ou des policiers sont impliqués. Nous demandons également qu'il y ait une place ou un endroit où un citoyen, du moins une victime, puisse porter plainte en toute quiétude contre un acte criminel commis par un policier contre un citoyen.

Certes, on nous demande de porter nos plaintes à la Commission de déontologie policière. Devant cette commission, les enquêtes ne commencent toujours que huit ou neuf mois plus tard, le temps que les preuves s'altèrent ou que l'incident s'oublie. Cela n'est pas normal. Nous demandons aussi que dans ce cas le fardeau de la preuve soit sur le policier, non sur la victime. Nous constatons que c'est toujours la police qui accuse, alors que, dans certains cas, elle est agresseur et non victime. Donc, les victimes sont encore revictimes du système judiciaire.

Il y a aussi la loi du silence. Depuis plusieurs années, nous sommes confrontés à la loi du silence policière. Nous avons vu cela dans beaucoup de cas. Citons, entre autres, le cas de Martin Suazo. Après sa mort, les policiers témoins se sont réunis au local de la Fraternité des policiers juste pour classer cette affaire. Une forme de «causa nostra» policière.

Le cas de Jean-Pierre Lizotte. Même le chef de la police, 53 jours après l'incident, a dit devant les médias du pays qu'il n'était pas au courant. Où allons-nous donc? Il est impensable que des cas semblables arrivent en l'an 2000. Nous sommes très au courant de l'implication du syndicat de la police quand il y a des bavures policières. On ne peut pas être fier du résultat des enquêtes quand on n'a pas la constatation des faits, quand on n'a pas la protection de la scène du crime, quand on n'a pas l'interrogatoire des personnes présentes, la recherche des indices. Dans le cas de Jean-Pierre Lizotte, nous savons fort bien que ce sont les exigences d'un témoin qui ont fait la lumière sur cet incident.

La formation des policiers donne un pouvoir trop accru à la fraternité du syndicat des policiers. Il nous paraît difficile de faire quoi que ce soit dans l'intérêt du public. Il paraît très important pour nous de définir le rôle du syndicat dans l'administration de la police. Dans l'article 8, sur les rapports de la police, à titre d'officier qui constate ou est informé de la présumée commission, par un policier du service, d'un acte dérogatoire au Code de déontologie des policiers du Québec, omettre d'en informer sans délai et par écrit le directeur immédiatement... Selon le paragraphe 8 de ce Code-là, il nous est apparu étrange et dans un certain sens inquiétant, compte tenu de cet article, qu'aucune plainte ne vienne de l'interne concernant des comportements abusifs ou violents de la part des policiers.

Selon le rapport Poitras, dans le cas de Matticks, le policier a fabriqué des preuves pour piéger les gens qui sont accusés. Vous savez, les policiers ont tous les moyens et la protection de l'État quand ils commettent des erreurs ou des fautes. Et leur défense est quasiment automatiquement payée par l'État, alors que les victimes parfois n'ont pas le moyen de le faire. Il nous paraît étonnant que le ministère ait rejeté les recommandations les plus importantes que nous trouvons dans le rapport Poitras qui soulignait, entre autres, d'avoir des gens indépendants de la police pour superviser les actions des policiers. Ce même rapport demandait d'avoir également des enquêtes indépendantes. Le comité ne peut pas présenter une loi sans avoir examiné en profondeur le rapport Malouf, le rapport Bellemare, le rapport Poitras, le rapport Yarosky.

Selon le rapport Yarosky sur la mort de Marcellus François – nous soulignons les points suivants, à la page 34: «Le lieutenant Palacios demande qu'on amène Edson Ford, Carol Williams, Lisa Stouffer au poste de police.» Il savait qu'ils étaient innocents et qu'ils n'avaient rien à se reprocher. On les a quand même arrêtés. Nous soulignons, pour votre information, que la vie de ces gens-là a complètement basculé depuis lors. Aucune aide psychologique n'a été donnée ou fournie à ces pauvres victimes.

Ce même rapport dit, à la page 57: «L'opération qui a malheureusement occasionné la mort de Marcellus François n'était pas nécessaire. Cette opération est le résultat d'un manque flagrant de communication, d'un manque flagrant de partage des ressources disponibles, d'un manque flagrant aux niveaux des procédures d'enquête et d'opération, et, en plus de tout cela, d'une absence totale de supervision au sein du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal.»

Nous voulons souligner un autre point du rapport Yarosky, page 63, premier paragraphe. Il dit: «En d'autres termes, s'il est important que la vie des policiers ne soit pas indûment exposée au danger dans l'exercice de leurs fonctions, il est également important que les citoyens ne soient pas indûment exposés au risque d'être tirés par les personnes mêmes qui sont engagées pour les protéger.»

Après l'arrestation injustifiée par la police de ces gens-là, ils les ont relâchés alors qu'ils n'avaient ni argent ni chaussures dans leurs pieds, ils les ont mis dehors pour aller chez eux sans leur donner de moyen de transport. En examinant ce cas-là et beaucoup d'autres, comme celui d'Anthony Griffin, où sa mère n'a obtenu que 27 000 $ après 10 ans de litige à la cour, la population québécoise tout entière a crié à l'injustice et a soutenu tout entière cette mère endeuillée. Le gouvernement n'a rien fait pour donner justice. Contre cette forme d'injustice, nous crions que justice soit faite.

Nous avons aussi le cas de Martin Suazo et beaucoup d'autres cas. La justice se fait attendre encore. Nous ne pouvons pas tourner la page et prétendre que tout est correct, car il y a beaucoup de gens qui ne peuvent être ici aujourd'hui. Nous parlons au nom des pauvres, au nom des sans-abri, au nom des Noirs, au nom des communautés culturelles et au nom de tout l'ensemble des Québécois et Québécoises qui crient justice.

Nous soulignons, entre autres, qu'il y a toujours collusion entre les procureurs de la couronne et la police pour accuser les gens, et parfois cela sans preuve, surtout dans l'enquête sur Martin Suazo, où la coroner Anne-Marie David a tout fait pour blanchir la police.

Nous demandons à ce comité de présenter un endroit où les victimes accusées injustement peuvent présenter leurs doléances. Et c'est seulement en regardant ces gens-là avec toute leur dignité que nous pouvons recommander la présentation de lois qui vont être à la défense de tous les citoyens.

Nous reconnaissons certainement le travail que fait la police. Nous ne voulons pas dire que tous les policiers font des erreurs. Nous savons qu'il y a des policiers qui font de bonnes choses et du bon travail et nous apprécions cela. Toutefois, en tant que représentants de la communauté, nous demandons qu'au moins justice soit faite et que la police soit supervisée par des gens qui ne sont pas de la police. Merci.

(15 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Merci pour votre présentation. Nous passons aux échanges. M. le ministre.

M. Ménard: Comme vous l'avez dit, vous représentez les gens que personne ne représente, les plus pauvres, les plus démunis, ceux qui sont le plus victimes de préjugés, et c'est pourquoi votre mémoire est important pour nous. Mais je comprends que, malgré des lois, vous êtes convaincus que les policiers ne les respectent pas et que, quand même nous en écririons d'autres, ils ne les respecteraient pas non plus. Pour briser ce cercle vicieux, ne croyez-vous pas justement que la formation et la sensibilisation à la réalité moderne d'une société diversifiée sont importantes?

M. Philip (Dan): Bien, oui, M. le ministre, c'est toujours important, mais nous ne pouvons pas dire que c'est un manque d'information qui était responsable pour les abus qu'ont subis des gens comme Martin Suazo et aussi Jean-Pierre Lizotte et aussi Richard Barnabé. Ce que nous voulons, c'est que, dans cette loi-là, il y ait dedans des choses qu'on doive faire pour corriger ces abus-là, pour dire que, quand les policiers ont commis des actes semblables, nous allons mettre en place certaines mesures pour améliorer la situation.

Mais, si la situation reste comme elle est, on ne peut pas dire que nous avons avec la loi n° 86 quelques correctifs, là. Il n'y a nulle part, dans cette loi-là, où nous avons vu qu'il y a, dit-on, cette même... On ne peut même pas dire que cette loi, c'est un maquillage, c'est moins que ça. Mais, quand même, nous devons mettre des choses en place pour protéger les citoyens et les citoyennes contre des abus, pour mettre en place une certaine place où les gens qui sont victimes peuvent aller, et ensuite faire des rapports, et ensuite faire des suivis.

Nous ne pouvons pas accepter la Commission de déontologie comme l'institution qui fait tout. Même quand il y a des actes criminels comme tels, les gens n'ont pas d'endroit où ils peuvent aller pour dire: Voilà un acte criminel. Regardez, ça a fait des séquelles. Ils vont à la commission de déontologie. Huit mois après, quelqu'un va faire quelque chose, ensuite les gens sont victimes. Où vont ces gens-là quand il y a des actes criminels commis contre eux?

M. Ménard: Vous soulevez deux points distincts, là: les sanctions et un lieu pour recevoir les plaintes des citoyens. Les sanctions... Vous ne voyez pas que, à l'article 119, on prévoit justement la destitution d'un policier qui serait trouvé coupable d'un acte criminel? À part une sanction prévue au Code criminel, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse de plus comme sanction?

M. Philip (Dan): Nous avons vu ça, mais ce que je dis, c'est que, quand il y a... comme Malouf, j'espère que vous êtes très au courant des recommandations de Malouf. Il dit: Quand il y a des actes commis contre des citoyens, il faut apporter quelqu'un sur place, un juge ou peut-être un citoyen indépendant des policiers pour faire des enquêtes. Ensuite, ça ne va rien changer. Et, quand nous regardons le rapport Malouf, c'est quelque chose qui a été fait très profondément.

Ce que j'ai demandé: Pourquoi faire ces enquêtes-là si les gouvernements vont mettre toutes ces recommandations-là à côté et, ensuite, juste en quelques points, présenter maintenant la loi n° 86? Même le rapport Poitras allait profondément pour dire comment on peut avoir des changements. Cette loi-là ne va pas nous donner des changements. Les gens vont continuer d'être victimes de cette situation-là.

M. Ménard: Mais l'enquête Poitras ne suggérait pas des enquêteurs comme ceux dont vous parlez.

M. Philip (Dan): Mais ensuite le rapport Poitras a demandé qu'il y ait des gens pour superviser la SQ comme telle.

M. Ménard: Oui.

M. Philip (Dan): Vous n'avez pas mis ça dans votre loi n° 86.

M. Ménard: Oui, mais enfin, là, je ne crois pas que ça améliorerait ce que vous nous présentez ici. Enfin, ce n'est pas vraiment la question parce que, à mon avis, le rapport Poitras, pour ce que vous suggérez, suggérait un conseil à toutes fins pratiques de tutelle à la direction de la Sûreté du Québec. N'est-ce pas?

M. Philip (Dan): Mais c'est pour cette...

M. Ménard: Alors, moi, je préfère changer la direction que de lui donner une tutelle.

M. Philip (Dan): Oui, c'est pour cette raison que nous demandons qu'il y ait des enquêtes indépendantes, parce que les gens qui sont victimes, ils n'ont pas des places idéales. Pourtant, les policiers se moquent des gens, maintenant, quand ils sont victimes, ils vont leur donner des choses, des commissions de déontologie, aller déposer un rapport, faire un rapport, parce qu'ils savent très bien que ça n'a pas de valeur. Et ensuite nous ne pouvons pas avoir une société comme la nôtre et continuer de cette façon.

J'ai avec moi un livre écrit par Gabriella Pedicelli où il est dit: When Police Kill . Ensuite, elle a fait l'étude de tous les cas. Commençons avec Anthony Griffin. Et de la façon dont ce livre a été présenté, c'est pour dire que c'est dans l'intérêt des gouvernements – et, moi, je ne partage pas cette analyse-là – de ne pas faire rien, dit-on, pour bouger ou pour déséquilibrer les statu quo comme tels. Mais ça, c'est dommage pour les gens qui sont victimes.

M. Ménard: Je remarque que ça rejoint ce que vous disiez à propos de Lizotte, là, mais vous ne semblez pas réaliser, à la lecture de la loi, que l'article 290 du projet de loi vise exactement le type de cas dans Lizotte et dans les autres que vous signalez. C'est-à-dire, d'abord l'obligation qui précède d'informer le ministre de toute allégation de comportement criminel et la possibilité pour le ministre, à tout moment, de nommer un enquêteur de son choix plutôt que d'avoir un organisme dont vous direz ensuite qu'il prend huit mois à traiter les plaintes ou encore d'avoir un corps de police désigné dont vous direz que ce corps de police désigné est gentil à l'égard du corps de police qu'il enquête, parce que le corps de police qu'il enquête va enquêter sur lui plus tard. Bon. Alors, c'est pour ça qu'on a voulu justement que les corps de police ne sachent pas d'avance qui va les enquêter lorsqu'il y a une allégation de comportement criminel.

(15 h 30)

M. Philip (Dan): Mais ce que nous disons, M. le ministre, c'est que, quand il y a des cas comme ça, il faut avoir sur les lieux quelqu'un d'indépendant pour prendre soin, pour prendre cette chose en main, comme telle. Maintenant, c'est la même chose, c'est que, quand des policiers ont commis des actes, c'est d'autres policiers qui vont faire des enquêtes. Et, moi, je suis conscient de cette situation et je sais également que vous êtes au courant des situations. Même quand il y a des situations où les policiers commencent à faire des relations publiques comme telles pour commencer à dire: Ça s'est passé comme ça, ça s'est fait comme ça, et ensuite, au bout, nous trouvons que ce n'est pas vrai.

Quand les policiers ont cette responsabilité toujours de faire des enquêtes sur les policiers, nous allons être mal pris dans cette situation-là. Comme j'ai dit, nous n'avons pas vu de changements dans le projet de loi n° 86.

M. Ménard: Je voudrais vous demander: Est-ce que vous admettez qu'il est possible qu'un policier tue quelqu'un par accident?

M. Philip (Dan): Absolument. Absolument. C'est arrivé à New York où les gens avaient trouvé environ quatre...

M. Ménard: Est-ce que vous pouvez donner un exemple, dans les années passées, où c'est arrivé à Montréal?

M. Philip (Dan): Mais ce n'est pas moi qui fais les enquêtes. Ha, ha, ha! C'est ça qui est le problème. Mais je peux dire que le cas de Martin Suazo, ça s'est passé comme un accident, mais regardez...

M. Ménard: Mais vous croyez que ce n'en est pas un.

M. Philip (Dan): Négligence flagrante, à mon avis. Mais ensuite, c'est classé. C'est classé, M. le ministre. C'était classé à la Fraternité des policiers.

M. Ménard: Mais je vous comprends bien. Pour vous, même si ça a été l'opinion d'un coroner, cette coroner n'était pas indépendante et elle a classé ça comme un accident. Mais, vous, personnellement, vous êtes incapable de me donner un exemple, à Montréal, d'une mort causée par un policier par accident. Pour vous, ils sont tous criminels.

M. Philip (Dan): Non, non, non. Nous n'allons pas si loin, M. le ministre. Comme j'ai dit, nous reconnaissons des gens, des policiers qui font du travail merveilleux. Je n'aimerais pas que vous me mettiez dans cette boîte-là. Mais, quand même, je ne veux pas... Si je commençais à dire des situations accidentelles, je dois dire aussi ce que je pensais qui n'est vraiment pas un accident. Ce n'est pas des accidents. Ce que je dis, c'est que, quand il y a mort d'homme ou quelque chose qui est grave, comme des Malouf, c'est d'avoir des gens indépendants pour faire des enquêtes.

C'est important aussi...

M. Ménard: C'est pour ça que j'ai mis l'article 290 dans le projet de loi, M. Alexander.

M. Philip (Dan): Oui, oui. O.K.

M. Ménard: Peut-être que vous n'en comprenez pas maintenant la portée, mais, entre le choix d'une police des polices, dont vous savez qu'elle ne clarifie pas les choses comme à New York où il y a une escouade particulière, et le choix d'un corps de police désigné, c'est-à-dire de dire: Lorsqu'il y aura allégation de comportement criminel à Montréal, ce sera la Sûreté du Québec, et puis, lorsqu'il y aura allégation de comportement criminel à la Sûreté du Québec, bien, ce sera Montréal dans tel district, etc., nous avons voulu garder la possibilité au ministre de nommer quelqu'un qui va agir immédiatement. Voyez-vous? C'est ça, l'article 290.

M. Philip (Dan): Oui, mais ça ne se fait pas très souvent, M. le ministre.

M. Ménard: Bien, ce n'est pas encore force de loi. Alors, on ne l'a jamais fait.

M. Philip (Dan): O.K. Ça va faire...

M. Ménard: Mais j'essaie d'améliorer la situation, une situation où vous nous dites vous-même que les policiers ne respectent pas les lois, même si on écrit des lois. Et puis on a quand même, au Québec, quelque chose d'original que vous ne trouvez pas ailleurs. C'est le Commissaire à la déontologie policière. Vous dites que ça prend huit mois. C'est un délai trop long, je le reconnais. On essaie de l'améliorer. Mais ça n'existe pas ailleurs, n'est-ce pas?

M. Philip (Dan): Ha, ha, ha! Pour moi, je vais dire franchement, quand nous regardons les cas des commissions de déontologie policière et le temps que ça prend, nous avons constaté que, à certains temps, je pense que c'est quelque 1 400 cas, et ensuite c'est environ six à sept cas qui étaient...

C'est pour cette raison que je dis que la Commission de déontologie policière, ça ne vaut pas grand-chose pour nous autres. Et, pour l'ensemble de la population, ça ne vaut pas grand-chose. C'est pour cette raison que nous demandons qu'il y ait une place où, s'il y a des actes criminels, les gens peuvent aller pour déposer des plaintes. Nous pouvons mettre ça à côté, la Commission de déontologie policière, là.

M. Ménard: O.K. Maintenant, je comprends que vous êtes très critique à l'égard de la situation actuelle. Est-ce que vous pourriez nous indiquer un endroit, dans le monde ou en Amérique du Nord, dont nous pourrions nous inspirer, où vous estimez que la situation est meilleure?

M. Philip (Dan): Peut-être que nous pouvons aller regarder la façon dont les policiers font des enquêtes. Pour faire des comparaisons, il faut... Si je pense que nous devons faire ce travail-là, premièrement, nous voulons avoir une certaine ressource pour faire ça complètement et efficacement. Comme vous savez que nous travaillons bénévolement au nom de notre communauté... Et je suis d'accord avec vous, M. le ministre. Moi, je dois apporter des différents endroits et ensuite pour faire cette présentation plus complète pour vous. Mais nous avons certaines limitations, une grande limitation, je dirais. Et ensuite, ça, c'est la raison pourquoi je ne peux pas le faire dans ce rapport-là, apporter des comparaisons, et ensuite, pour faire ça, on peut être plus complet. Moi, je suis d'accord avec vous dans ce cas-là.

M. Ménard: Merci, monsieur... c'est Philip. Je vous ai appelé Alexander, je m'excuse, M. Philip.

M. Philip (Dan): Tous les Noirs se ressemblent, M. le ministre.

M. Ménard: Ah!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: M. Philip, M. Narcisse, bonjour.

M. Philip (Dan): Bonjour.

M. Dupuis: Avant qu'on discute plus à fond, est-ce que je dois comprendre, M. Philip, que ce que vous dites, c'est... Vous ne dites pas: Tous les policiers sont mauvais, tous les policiers sont menteurs, tous les policiers cherchent, dans votre cas particulier, à faire de la discrimination; vous dites que vous reconnaissez qu'il y a des policiers qui font un excellent travail. Ça, j'ai compris ça.

M. Philip (Dan): Absolument.

M. Dupuis: O.K. J'aimerais ça qu'on aille un petit peu plus loin là-dedans. Est-ce que, selon vous, c'est une... Vous, là, quand vous portez un jugement sur les policiers, est-ce que vous parlez surtout des policiers de la Communauté urbaine de Montréal ou vous portez un jugement sur l'ensemble des policiers? Quand vous parlez des policiers, c'est qui, dans votre tête?

M. Philip (Dan): Nous avons des cas, comme nous avons cité, Sûreté du Québec et aussi nous avons beaucoup de cas avec la Communauté urbaine de Montréal.

M. Dupuis: Est-ce que je me trompe, M. Philip, en pensant que la majorité des cas dont vous traitez sont des cas qui sont issus de la Communauté urbaine de Montréal?

M. Philip (Dan): Absolument.

M. Dupuis: C'est exact? O.K.

M. Philip (Dan): Absolument.

M. Dupuis: Alors, vous allez reconnaître avec moi que votre vision des choses est une vision plus montréalaise que du reste de la province.

M. Philip (Dan): Oui, oui, plus Montréal...

M. Dupuis: Ça va? O.K. C'est beau.

M. Philip (Dan): ...ensuite.

M. Dupuis: Alors, parlons de la police de Montréal, parlons de la police de la Communauté urbaine de Montréal. Est-ce que vous reconnaissez que la majorité des policiers à Montréal font du bon travail? Reconnaissez-vous ça?

M. Philip (Dan): Grande, grande, grande majorité.

M. Dupuis: O.K.

M. Philip (Dan): Oui.

M. Dupuis: Alors donc...

M. Philip (Dan): Nous avons quelques pommes pourries. Et le problème, c'est que, comme j'ai dit, nous parlons d'éliminer le silence quand les gens sont pris avec les pommes pourries, pour essayer de protéger les pommes pourries. Et, quand ça arrive, il paraît que tous les policiers sont les mêmes. Mais nous avons des policiers qui sont très, très honnêtes, très efficaces et nous avons une bonne force de police. Ce que nous demandons, c'est que, quand il y a des pommes pourries, il faut retirer ces pommes pourries parmi des policiers. C'est dans les avantages aussi parce que ça va donner au public et à l'ensemble des populations que nous avons des policiers qui sont très honnêtes, ou l'ensemble des policiers, sans avoir des pommes pourries pour affecter les autres.

(15 h 40)

M. Dupuis: O.K. À Montréal particulièrement, M. Philip, est-ce que – moi, j'ai l'impression, mais je peux me tromper, et je vous pose la question – vous reconnaissez que le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal a fait certains efforts pour améliorer l'accessibilité au métier de policier à Montréal à des gens qui sont issus des différentes communautés culturelles? Est-ce que vous reconnaissez qu'il y a des efforts qui ont été faits dans ce sens-là par la police de Montréal, la Communauté urbaine?

M. Philip (Dan): Il y a apparence des choses comme telles, mais, comme j'ai toujours dit, il faut que cette formation vienne juste en haut et...

M. Dupuis: Oui, mais on va y venir, M. Philip. Vous reconnaissez qu'il y a des efforts qui ont été faits ou vous dites: Non, ils nous disent qu'ils ont fait des...

M. Philip (Dan): Mais il y a des efforts sur papier comme tels, mais l'efficacité, c'est ça qui est problématique maintenant.

M. Dupuis: O.K. Regardez, est-ce que vous avez noté, vous, depuis qu'on cherche à engager plus de gens qui sont issus des différentes communautés culturelles au sein du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, une amélioration dans les relations entre les communautés et les policiers? Est-ce que vous avez noté une amélioration ou pas du tout?

M. Philip (Dan): Oui. Je pense que c'est très important pour avoir un certain équilibre, des gens des communautés culturelles et d'autres personnes. Ça va peut-être apporter, dit-on, conscience de l'appartenance des différents secteurs, des différentes communautés. Mais, pour dire, c'est très limité. C'est vraiment mince, les gens qui sont impliqués dans les communautés culturelles dans la police. Je ne pense pas que...

M. Dupuis: Le savez-vous, quel pourcentage ça représente, les gens qui sont des policiers issus des différentes communautés culturelles à Montréal? Le savez-vous? Non, mais peut-être que vous ne le savez pas, là.

M. Philip (Dan): Peut-être moins que 100 personnes. Moins que 100 dans...

M. Dupuis: On pourra demander de toute façon à des gens. M. Prud'Homme doit savoir ça par coeur.

M. Philip (Dan): Moins que 100.

M. Dupuis: O.K. Dites-moi une chose...

M. Philip (Dan): Je vais passer la parole à M. Narcisse.

M. Dupuis: Oui, M. Narcisse, allez-y.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Narcisse, vous avez la parole.

M. Narcisse (Édouard): Je peux dire que nous avons constaté, surtout dans la communauté haïtienne qui est à Montréal, une très grande amélioration dans les relations avec la police. Depuis qu'il y a la police de quartier, c'est plus ouvert, c'est plus communicatif, c'est plus compréhensible. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de frictions, parce qu'il y en aura toujours. Tant qu'on est des humains imparfaits, il y en aura toujours. Ce qu'on veut expliquer, c'est que la police de la Communauté urbaine de Montréal a fait beaucoup d'efforts et nous apprécions ça beaucoup. Avant, c'était distant, c'étaient des entités complètement à part. Maintenant, c'est vraiment une communauté. Nous apprécions ça et nous voulons le dire ouvertement.

Mais, par contre, pour l'embauche de policiers de la communauté, ça ne se fait pas au rythme où on aurait pensé que ça allait se faire. Ce n'est pas voulu. Peut-être qu'ils ne rencontrent pas les critères que la police exige, peut-être aussi... Puis, malgré tout, les prises de décisions ne se font pas au niveau des policiers tels quels, ça va plus haut que ça. Donc, ça peut s'améliorer. Il y a place à amélioration. C'est ça que nous voulons souligner.

M. Dupuis: J'aimerais qu'on parle ensemble de votre suggestion que, lorsqu'un policier est soupçonné d'avoir accompli un acte, vous dites dans votre mémoire «répréhensible», un mauvais acte, vous suggérez des méthodes pour enquêter sur ces choses-là. La première question que je veux vous poser, c'est: Dans votre esprit à vous autres, faites-vous une différence, quand vous dites «un acte répréhensible, un acte mauvais», entre un policier qui est soupçonné de commettre un acte criminel, un acte qui est contre le Code criminel, ou un acte qui est contre le Code de déontologie ou contre le Code de discipline? Faites-vous une différence dans votre esprit?

M. Philip (Dan): O.K. C'est là où nous avons des problèmes. Parce que, même quand il y a des actes criminels, les gens vont à la Commission de déontologie, et la Commission de déontologie prend ces rapports-là et continue de prétendre qu'elle peut faire quelque chose. Mais il faut avoir une différence entre les actes de déontologie et des actes répréhensibles où les gens doivent faire des rapports et, dit-on, que quelqu'un va prendre la responsabilité pour faire des enquêtes. Maintenant, c'est la Commission de déontologie qui fait tout.

M. Dupuis: M. Philip, j'aimerais ça qu'on recule juste un petit peu. Vous, vous me parlez des endroits où on peut porter des plaintes ou des accusations contre les policiers. Moi, je voudrais vous faire faire un pas en arrière. Je voudrais qu'on parle ensemble de qui va faire l'enquête sur l'événement. Vous savez bien que, avant de porter une plainte contre un policier au Comité de déontologie, avant de porter une plainte contre un policier au directeur de police en discipline, avant de porter une plainte contre un policier devant un tribunal criminel, devant la Cour du Québec, il faut faire une enquête, il faut que quelqu'un fasse une enquête pour connaître les faits.

Vous, là, dans votre vision, dans le cas d'un policier qui commettrait une infraction criminelle ou un acte criminel ou un comportement qui est contre le Code criminel, d'après vous, qui devrait faire l'enquête sur cette affaire-là?

M. Philip (Dan): Quelqu'un d'indépendant des policiers.

M. Dupuis: Ça, je l'ai lu dans votre mémoire, quelqu'un d'indépendant. Mais quelqu'un d'indépendant, ça peut être un juge, ça peut être un policier de la Sûreté du Québec, ça peut être... Qu'est-ce que c'est, plus précisément?

M. Philip (Dan): Nous parlons d'un juge ou un procureur en dehors de ce milieu de Montréal. Même comme le juge Malouf avait fait dans sa recommandation: c'est un juge ou un procureur en dehors de cette...

M. Dupuis: Alors, il faut que ça soit une instance, l'enquêteur... On verra tantôt c'est qui, l'enquêteur, mais il faut que l'enquêteur soit quelqu'un qui soit indépendant complètement du corps de police duquel est issu celui qui aurait commis l'acte criminel. On s'entend là-dessus?

M. Philip (Dan): Oui, oui.

M. Dupuis: O.K. Est-ce que votre exigence, c'est qu'il faudrait quelqu'un qui soit indépendant du pouvoir politique en général, aussi? J'imagine.

M. Philip (Dan): Non, non. La personne peut... Parce que la politique, ça couvre tout. On ne peut pas aller en dehors des responsabilités politiques. C'est que je vais continuer avec ce que le juge Malouf a demandé, qu'il faut avoir, dit-on, un juge ou quelqu'un, dit-on, procureur, en dehors de cet endroit-là. Mais, quand même, la personne qui est responsable pour faire les enquêtes, c'est quelqu'un qui doit être capable de faire des enquêtes. On ne peut pas mettre n'importe qui pour faire cette enquête-là. Ça peut être quelqu'un qui a une formation policière ou quoi que ce soit, mais c'est le juge ou le procureur qui va être responsable, la personne responsable pour cette enquête-là. Et ce n'est pas le corps policier qui va être responsable. Ensuite, nous allons avoir une certaine indépendance de ce mur du silence.

M. Dupuis: À Toronto, il existe le Special Investigations Unit qui est un corps qui est totalement indépendant de tous les corps policiers. Même si certains des enquêteurs qui sont là ont pu être d'anciens policiers, il est indépendant. C'est toujours ce corps-là qui enquête sur la conduite criminelle présumée d'un policier. On s'entend là-dessus, M. Philip? Êtes-vous au courant du SIU?

M. Philip (Dan): Oui, oui. Oui, oui.

M. Dupuis: Est-ce que ça, ça vous satisferait, un corps qui serait toujours le même, indépendant?

M. Philip (Dan): Oui.

M. Dupuis: Ce n'est pas le ministre qui nommerait un policier pour telle enquête, ce serait toujours ce corps qui prendrait...

(15 h 50)

M. Philip (Dan): Ça va être acceptable. Et ce Special Investigations Unit est attaché avec... je pense que c'est le procureur de Toronto. C'est lui qui a des responsabilités de ça. Mais, quand même, il y a the Special Investigations Unit qui est responsable quand il y a des cas malheureux comme on en a vécu au Québec et quelqu'un d'indépendant va venir pour faire les enquêtes.

M. Dupuis: O.K. Je pense que je saisis bien votre opinion là-dessus. Il me reste un peu de temps encore?

Une voix: ...

M. Dupuis: O.K. Moi, il y a une chose qui m'a un petit peu étonné, dans votre mémoire, je dois le dire, M. Philip, c'est particulièrement lorsque vous dites... Je vais le retrouver, au paragraphe 7 de votre mémoire, la fin de l'avant-dernier paragraphe. L'idée, c'est lorsqu'un policier est soupçonné ou accusé d'un geste répréhensible, d'un acte mauvais, et particulièrement un acte contraire à la déontologie, vous dites: «Nous demandons que, dans ce cas, le fardeau de la preuve soit résolu sur la police et non sur la victime.»

Ça, évidemment, moi, j'interprète ça de la façon suivante. Ce que vous dites, M. Philip, c'est: Lorsqu'un policier est accusé en déontologie d'un acte répréhensible, il faudrait que le fardeau de prouver qu'il n'est pas coupable et qu'il n'a rien fait de mauvais, ça soit sur ses épaules à lui.

M. Philip (Dan): Oui.

M. Dupuis: Vous vous rendez compte, j'imagine que ce que vous demandez là, ça serait extraordinaire de ce qui se fait en général devant tous les tribunaux de droit commun, les tribunaux quasi judiciaires, où on dit: Ce qui doit primer devant le tribunal, c'est la présomption d'innocence. Hein! Dans notre pays, aujourd'hui, quand quelqu'un est accusé de quoi que ce soit, en vertu des règles de justice naturelle, des chartes et tout ça, il est présumé innocent. Ce n'est pas à lui à prouver son innocence, c'est à ceux qui l'accusent de prouver sa culpabilité. Ce principe-là, est-ce que vous l'achetez, est-ce que vous l'admettez, ce principe-là?

M. Philip (Dan): J'ai accepté ce principe-là, mais...

M. Dupuis: Sauf pour les policiers?

M. Philip (Dan): Sauf pour les policiers et les gens dans l'armée.

M. Dupuis: Et les gens dans...

M. Philip (Dan): Les gens dans l'armée, des soldats, des gens qui ont des pouvoirs semblables parce que, quand quelqu'un a arrêté quelqu'un pour quoi que ce soit – la personne, dit-on, a commis des voies de fait contre la personne – c'est la personne qui doit venir pour dire que les policiers ont commis ces actes-là. Et, ensuite, s'il y a quelqu'un, disons, un médecin qui dit: Regardez, ça, c'est commis par quelqu'un qui a frappé la personne, c'est que nous trouvons que, quand il y a des policiers, les gens vont corroborer des policiers, pour corroborer des preuves pour dire: Lui, il n'a pas fait ça; lui, il est tombé, et tout ça.

Ensuite, quand il y a des gens qui ont des pouvoirs semblables – parce que ce n'est pas n'importe qui à qui nous donnons des pouvoirs d'arrestation, des pouvoirs de commettre des actes – pour avoir cette responsabilité des pouvoirs, il faut avoir une certaine responsabilité de ce que ces gens-là font, du moins durant le temps où ils exercent ce pouvoir-là. Et c'est pour cette raison que c'est important, parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont allés en cour et, ensuite, c'est la parole de la personne contre la parole des policiers. Et souvent les policiers sont deux, et, lui, il est très mal pris avec les mensonges des policiers.

M. Dupuis: Je ne veux pas, évidemment, prolonger la discussion trop sur ce sujet-là, M. Philip, mais il m'apparaît à moi – je vais faire une espèce de raisonnement par l'absurde, si vous voulez – qu'il y a des groupes dans le crime organisé qui sont mieux organisés que la police, qui ont une loi du silence qui est encore plus hermétique que celle que vous dénoncez, mais eux, tout de même, ont le droit à la présomption d'innocence. Vous ne pensez pas, M. Philip, entre vous et moi, que c'est un petit peu exagéré de demander que, juste pour les policiers puis les soldats, on dise: Non, vous autres, quand vous êtes accusés de quelque chose, vous êtes coupables, puis prouvez-nous que ce n'est pas vrai? Vous ne trouvez pas que c'est un petit peu exagéré? Bien, je vais vous laisser réfléchir là-dessus.

M. le Président, M. Narcisse voulait ajouter quelque chose. Je vais vous demander la permission de le laisser parler.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Narcisse, vous avez la parole.

M. Narcisse (Édouard): Je crois que ce que vous dites est juste: la loi doit être appliquée à tout le monde. La présomption d'innocence est pour tout le monde, même pour la police, même pour les soldats. Ce que M. Philip veut faire comprendre, c'est que, parfois, quand c'est la police qui le rapporte, la justice a plus tendance à croire ce que dit la police que de croire ce que dit un citoyen. Dans ces cas-là, les citoyens sont parfois victimes de ça. Ça peut arriver. Alors, moi, je partage votre point de vue, je crois que la police doit avoir la présomption d'innocence comme tout le monde.

M. Dupuis: C'est beau. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, il me reste à remercier les représentants de la Ligue des Noirs du Québec pour leur contribution à nos travaux, M. Dan Philip, président, et M. Narcisse, directeur. Merci encore une fois.

Nous allons suspendre cinq minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

(Reprise à 16 h 3)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous allons reprendre nos travaux. Je rappelle qu'il s'agit d'une consultation générale sur le projet de loi n° 86, Loi sur la police.

Nous aurons le plaisir de recevoir des représentants de la Fédération des cégeps, dont le porte-parole, je présume, est M. Morin. C'est bien ça?

Une voix: Pardon?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Enfin, on verra. M. Bernard Morin, directeur des études au collège Ahuntsic; Mme Marie Gagnon, professeure et coordonnatrice du programme des techniques auxiliaires de la justice; Mme Dominique Arnaud, conseillère en communication; et M. Michel Nicolas, professeur et coordonnateur des techniques auxiliaires de la justice au cégep Ahuntsic.

Alors, je rappelle que nous avons 1 heure; 20 minutes pour la présentation proprement dite. Alors, vous avez la parole. Si vous pouviez juste nous représenter les personnes, qu'on sache à qui l'on s'adresse.


Fédération des cégeps

M. Morin (Bernard): Oui. Alors, merci, M. le Président, M. le ministre, Mme, MM. les membres de la commission. Tout d'abord, oui, vous représenter les personnes qui m'accompagnent. Donc, d'abord, Mme Marie Gagnon, qui est professeure et coordonnatrice du Département des techniques auxiliaires de la justice au collège de Maisonneuve, département qui a, entre autres, la responsabilité du programme de techniques policières; et M. Michel Nicolas, qui est professeur et coordonnateur également du Département des techniques auxiliaires de la justice au collège Ahuntsic, cette fois, et, dans ce cas-là aussi, département qui a la responsabilité du programme de techniques policières; et Mme Arnaud, de la Fédération des cégeps qui est du service des communications.

Alors, d'entrée de jeu, je vous indique que Mme Gagnon et M. Nicolas pourront, bien sûr, répondre aux questions des membres de la commission, puisqu'ils ont été partie prenante de façon importante à la préparation de ce mémoire et que, bien sûr, ils disposent d'une longue expertise dans le domaine de la formation policière dans leur cégep respectif et dans le réseau. Donc, ils pourront répondre, bien sûr, aux membres de la commission. Alors, d'entrée de jeu, je vous indique que notre mémoire ne portera que sur l'organisation de la formation et sur la création de l'École nationale de police du Québec.

Alors, je voudrais d'abord vous présenter brièvement – je pense que les circonstances amènent l'importance de le faire – la Fédération des cégeps et vous situer la démarche dans laquelle s'inscrit donc notre mémoire. La Fédération des cégeps a été créée en 1969. Comme probablement certains le savent, c'est le regroupement des 48 établissements d'enseignement collégial publics du Québec. Elle a pour mission de promouvoir le développement de l'enseignement collégial et celui des cégeps, et elle agit comme porte-parole officiel de notre réseau sur toutes les questions qui les concernent, et donc c'est à ce titre que la Fédération se présente aujourd'hui devant vous.

Alors, je voudrais maintenant vous dresser un portrait rapide tout de même de la formation policière telle qu'elle est offerte dans les cégeps du Québec. En fait, les cégeps sont actifs dans le domaine de la formation policière depuis maintenant plus de 30 ans, soit depuis 1969. À l'heure actuelle, il y a neuf collèges publics et un collège privé qui offrent le programme qui conduit au Diplôme d'études collégiales, donc le D.E.C. en techniques policières, ce qui, bien sûr, rend la formation de policier-patrouilleur accessible partout ou à peu près sur le territoire du Québec et qui assure également l'uniformité importante et également une certaine standardisation de cette formation de niveau collégial. Or, certains collèges offrent également aussi une Attestation d'études collégiales dans le même domaine de techniques policières.

La formation en techniques policières attire beaucoup d'étudiants. Les demandes d'admission dépassent largement les places disponibles. Les collèges qui accueillent, année après année, environ 750 étudiants effectuent une sélection dont un des critères déterminants est la force, bien sûr, du dossier scolaire; ce n'est pas le seul nécessairement, mais c'est un critère important, ce qui constitue une garantie de la qualité des étudiants admis. Je vous signale en passant, nous sommes à compléter le premier tour d'admission dans les collèges à ce moment-ci au Québec, et, bon an, mal an, puisqu'il y a un contingentement qui est fixé par les ministères dans le cas des techniques policières, nous accueillons uniquement de 15 % à 18 % de l'ensemble des demandes d'admission que nous recevons qui se chiffrent annuellement à environ 4 500 dans l'ensemble du réseau québécois. Donc, il y a un taux de sélectivité extrêmement important. Et vous dire aussi que, depuis quelques années, c'est 50 % filles et 50 % garçons que nous admettons dans ce programme.

Comme tous les programmes conduisant à un diplôme d'études collégiales, la formation en techniques policières comprend deux volets: un volet de formation spécifique qui compte 1 605 heures de formation et un volet de formation générale qui compte 660 heures de formation.

Le volet de formation spécifique est caractérisé, entre autres, par sa polyvalence et sa multidisciplinarité. En effet, on y retrouve non seulement des cours sur l'intervention proprement dite dans le domaine policier – ce qui va de soi – mais aussi des formations dans des disciplines telles que le droit, la criminologie, la psychologie ou encore la sociologie.

Quant au volet de formation générale, en plus d'assurer l'acquisition des compétences intellectuelles de base, il prépare à l'exercice du rôle de citoyen responsable partageant avec d'autres un fond culturel commun au sein d'une société démocratique. On parle ici évidemment de la formation quand même de 660 heures en français, en philosophie et en éducation physique.

Or, les programmes conduisant au Diplôme d'études collégiales ou à l'Attestation d'études collégiales en techniques policières ont de plus été révisés selon l'approche par compétences, les compétences étant un ensemble intégré de connaissances, d'habiletés, d'attitudes et de comportements permettant d'accomplir une tâche, révision qui a été complétée récemment. Nous en sommes donc à nos premiers finissants depuis l'an dernier dans ce nouveau programme révisé.

Or, il faut savoir que le processus de révision des programmes selon l'approche par compétences fait très largement appel à la participation des représentants du monde du travail dans le domaine visé depuis l'étape de l'analyse de la situation de travail jusqu'à celle de la validation du projet de formation. Or, le respect de ce processus garantit que le programme correspond bien aux exigences et aux besoins du marché du travail. Dans le cas présent, la révision des programmes de formation en techniques policières, puisque l'A.E.C. a également été révisée, a reçu ou ont reçu un accueil très favorable des milieux concernés, et cette approche permet également de façon continue d'adapter, de mettre à jour ce programme, les contenus de ce programme de formation.

Il est d'ailleurs important de noter que les collèges ont établi des liens solides de partenariat avec les différents services de police du Québec, ce qui leur permet de bien répondre aux besoins de formation continue des corps policiers. Or, ces liens entre le milieu policier et le milieu de l'enseignement collégial sont d'autant plus forts qu'une partie importante, une majorité en fait, des membres du corps professoral en techniques policières vient de la pratique du droit, de la criminologie, de la psychologie ou de la sociologie, ou encore sont des spécialistes en exercice, des enquêteurs, des patrouilleurs et des superviseurs.

Je vous signale en passant que, lors de notre présentation devant le comité Corbo, on avait à ce moment-là fait un relevé qui montre qu'il y a 53 % des enseignants qui détiennent un diplôme de premier cycle et 47 % qui détiennent un diplôme de deuxième et de troisième cycles comme enseignants en techniques policières dans les collèges du Québec.

(16 h 10)

Ces liens s'illustrent aussi dans la collaboration étroite qui existe depuis longtemps entre les collèges et l'Institut de police du Québec; une collaboration qui s'est particulièrement traduite par la mise en place d'un comité de concertation qui réunit des représentants des collèges, de l'Institut de police du Québec, des différents services de police, du ministère de l'Éducation et du ministère de la Sécurité publique.

De nombreux comités d'harmonisation entre l'IPQ et les collèges, où ce sont des enseignants des deux établissements dans la très grande majorité des cas, favorisent de plus un arrimage constant entre les deux volets de la formation initiale, soit celui qui est offert par les collèges et celui qui est offert par l'Institut de police du Québec. L'IPQ a d'ailleurs lui aussi révisé son programme par compétences, presque au même moment que les collèges.

Or, c'est donc à titre de représentants d'un réseau d'enseignement supérieur qui possède une grande expertise dans le domaine de la formation des policiers et une longue tradition de collaboration avec ses partenaires des milieux concernés que nous vous présentons les orientations qui, selon nous, devraient être privilégiées dans la future loi.

De façon générale, nous partageons les préoccupations du ministre en ce qui a trait à la consolidation de la formation des policiers et à la qualité de l'offre de formation et de perfectionnement. Nous sommes également en accord avec la création d'une école nationale de police et également de sa commission de la formation et de la recherche. Finalement, nous souscrivons à la volonté ministérielle de prévoir, pour tout directeur de corps policier, l'obligation d'établir un plan de formation et de le mettre à jour régulièrement.

En ce qui concerne l'organisation de la formation, nous sommes en accord avec la distinction des trois domaines de la pratique policière auxquels doivent correspondre des programmes de formation. La volonté de bien distinguer la formation initiale du perfectionnement professionnel et du perfectionnement de service reçoit aussi notre aval. Cependant, nous croyons qu'il faut lever certaines ambiguïtés contenues à notre avis dans le projet de loi, particulièrement en ce qui concerne la formation initiale.

En effet, le projet de loi définit la formation initiale comme étant celle qui permet d'acquérir les compétences de base dans un domaine donné de pratique policière, mais on ne fait allusion qu'indirectement au fait que la plus grande partie de la formation initiale en patrouille-gendarmerie est assumée par les collèges. Les collèges offrent en fait, sur un programme réparti sur six semestres – donc trois années de formation – 37 des 42 compétences nécessaires à l'exercice de la fonction de policier-patrouilleur, d'ailleurs compétences que vous avez en annexe très bien distinguées entre les collèges et, évidemment, l'IPQ. Ensuite, l'IPQ prend le relais des collèges en offrant aux diplômés de techniques policières une formation intensive d'une durée de 13 semaines qui assure l'acquisition des cinq compétences complémentaires.

Alors, la formation initiale est donc une responsabilité partagée des collèges et de l'Institut de police du Québec et elle comporte deux volets de formation intimement intégrés, offerts en totale continuité avec l'Institut de police du Québec. Or, l'article 10 de la section II du chapitre qui porte sur la mission et les pouvoirs de l'École indique que celle-ci a l'exclusivité de la formation professionnelle qualifiante initiale du personnel policier, exception faite, et je cite, «de la formation qui peut être acquise dans le cadre d'un programme conduisant à un diplôme d'études collégiales ou à une attestation d'études collégiales en techniques policières».

La lecture de cet article, à notre avis, pourrait donner à penser que l'École peut avoir la responsabilité exclusive de la formation initiale des policiers. Or, cette interprétation est renforcée, selon nous, par le premier paragraphe des notes explicatives du projet de loi, qui précise: «L'École a pour mission d'assurer la formation [...] de base dans le domaine de la patrouille-gendarmerie, de l'enquête et de la gestion policière.»

Alors, pour éviter cette ambiguïté, le texte du projet de loi devrait reconnaître que la formation offerte par les collèges, dans le cadre du Diplôme d'études collégiales et de l'Attestation collégiale, fait partie intégrante de la formation initiale conduisant à l'exercice de la fonction de policier-patrouilleur.

D'autre part, l'article 15 stipule que l'École peut offrir des programmes de formation professionnelle de niveau collégial. Or, les collèges ont développé, dans le domaine de la formation policière, une expertise largement reconnue, et la formation collégiale a favorisé le développement d'une pratique policière répondant à de très hauts standards de compétence.

De plus, les étudiants en techniques policières bénéficient dans les collèges de l'environnement d'une société civile diversifiée, donc ouverte, où se retrouvent une pluralité d'intervenants avec lesquels ils seront appelés à composer forcément dans l'exercice de leurs fonctions. Or, c'est pourquoi il nous apparaît important, même très important, que soit reconnue formellement dans la mission des collèges la formation professionnelle de base des policiers et qu'elle doit continuer à être assumée par les établissements – ce que d'ailleurs M. Corbo notait – d'enseignements collégiaux relevant du ministère de l'Éducation.

Par ailleurs, puisque les deux volets de la formation initiale sont, comme on disait tout à l'heure, étroitement intégrés et complémentaires, articulés l'un par rapport à l'autre, nous demandons que l'article 16 traitant des normes d'admission des étudiants à l'École nationale de police du Québec reconnaisse clairement – ce qui n'est pas le cas présentement – que le Diplôme d'études collégiales en techniques policières est une condition d'admission à l'École. D'ailleurs, à cet effet-là, le comité de concertation montre un très large consensus quant à cette disposition qui ferait partie de la loi ou encore de la réglementation qui en découlerait. Les corps policiers sont évidemment favorables, également les représentants des associations et des ministères.

En ce qui concerne maintenant la composition du conseil d'administration, donc pour articuler ce partenariat dont on vient de parler, cette responsabilité partagée, on considère que, la composition du conseil d'administration de la future École nationale de police du Québec, le réseau collégial en est absent. Or, étant donné l'importance du rôle joué par les collèges dans la formation initiale des policiers-patrouilleurs et à l'exemple, en fait, des conseils d'administration des cégeps sur lesquels siègent des représentants des établissements d'enseignement qui donnent la formation en amont, nous demandons qu'un gestionnaire du réseau collégial siège au conseil d'administration de l'École.

Finalement, étant donné également l'expertise qu'il a développée, compte tenu des ressources dont disposent également les collèges en formation policière au Québec, nous croyons que le réseau collégial, qui appartient, encore une fois, à l'ordre d'enseignement supérieur, devrait être représenté sur la commission de formation et de la recherche de l'École nationale de police du Québec. Or, nous demandons à ce que deux enseignants y soient nommés pour un mandat de trois ans, renouvelable une fois. Voilà pour l'essentiel.

En conclusion, nous espérons avoir fait partager notre souhait de voir la contribution du réseau collégial à la formation policière reconnue dans la loi, et il y a une profonde conviction, de par nos positions, qu'un partage renforci des responsabilités entre les collèges et l'École nationale de police du Québec est une condition essentielle à l'atteinte des objectifs, que nous partageons dans une très grande mesure, du projet de loi n° 86. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Morin, au nom de la Fédération des cégeps. M. le ministre.

M. Ménard: Alors, je vous remercie beaucoup de votre mémoire. Évidemment, c'est un échange de bons procédés parce que je pense que tout le monde reconnaît que la façon dont la formation des policiers est entreprise au Québec, et notamment par les cours de techniques policières donnés par les cégeps, nous distingue de façon positive par rapport à ce qui est fait ailleurs. Mais je pense que les 30 ans d'expérience en formation policière des cégeps sont vraiment au crédit du Québec.

(16 h 20)

C'est pour ça que je n'ai finalement pas beaucoup de questions à vous poser parce que je suis assez satisfait. Je reconnais que ce n'était peut-être pas la meilleure idée, d'exprimer votre rôle par la négative, ou comme une exception, alors qu'en fait vous êtes bien impliqués. Alors, je pense que c'est plutôt une question de rédaction que nous pourrons reprendre pour vous placer exactement à l'endroit où vous êtes, c'est-à-dire au début de la formation. Puis ensuite, plus tard, vous revenez dans cette formation, au cours de la formation permanente, lorsqu'elle est de niveau collégial. Donc, ça, ça pourra être corrigé.

Mais j'aurais quand même une certaine curiosité. J'ai remarqué que les élèves, finalement, que vous choisissez – je crois que c'est vous qui l'avez dit, j'ai lu tellement de choses ces derniers jours que des fois je me demande où j'ai pris l'information – je pense que vous me dites que presque tous les élèves ont un dossier scolaire qui est supérieur à 80 %, ceux qui vont en...

M. Morin (Bernard): Dans la très grande majorité des cas. Vous avez tout à fait raison.

M. Ménard: C'est ça. C'est vous qui avez donné cette information-là quand même. Non? Je ne me souviens pas où je l'ai lu. J'ai lu ça ce matin.

M. Morin (Bernard): En fait, il est assez rare qu'on accepte des élèves qui soient, en moyenne générale, en deçà, par exemple, de 80 % de moyenne.

M. Ménard: Bon. Je voudrais connaître aussi... Vous dites que les candidats sont choisis sur le dossier scolaire mais aussi sur d'autres critères. Est-ce que vous pourriez élaborer sur les autres critères?

M. Morin (Bernard): Écoutez, je vais lancer peut-être l'intervention et je vais demander à mes collègues d'intervenir aussi. En fait, c'est une question délicate que vous soulevez là. Ce que nous savons, c'est que le dossier académique – c'est vrai dans toute formation, en fait – la force du dossier académique, du dossier scolaire, est le meilleur «prédicteur» de la réussite. Maintenant, il y a toujours une zone où c'est difficile de dire que c'est nécessairement le meilleur «prédicteur». Il y a un certain nombre d'autres critères qu'on pourrait vouloir considérer, mais c'est tout le domaine de la sélection.

Jusqu'à maintenant, il y a différentes expériences qui ont pu être faites d'ajouter aux critères, au fond, du dossier scolaire dans les collèges pour procéder à la sélection sans nécessairement qu'il y ait eu des mécanismes véritablement arrêtés, compte tenu de plusieurs difficultés que posent la dimension psychométrique, la dimension de tests pour vérifier des attitudes, des comportements. Et d'autant qu'à l'embauche des policiers, également, il n'est pas toujours évident non plus que, à la sélection, on puisse faire une sélection qui soit totalement objective sur la base de critères, d'attitudes, de comportements, de valeurs, en plus des compétences qui sont démontrées au plan académique.

Oui, il y a certaines expériences qui peuvent être faites, mais le critère qui demeure le critère le plus important, qui occupe la place prépondérante, c'est celui du critère du dossier académique, de la force du dossier académique, effectivement. Là, peut-être que...

M. Nicolas (Michel): Oui. Si vous permettez, Michel Nicolas. Je pense qu'il faut être aussi très prudent sur les critères de sélection des élèves. Alors, pour les différents tests psychométriques ou autres, je pense qu'il faut absolument valider ces tests-là. Alors, on a fait un certain nombre d'expériences dans certains collèges, mais on n'a pas encore validé ces différents tests là.

Je voudrais peut-être attirer aussi votre attention que, tout au long de la formation, ça permet aussi d'évaluer les étudiants pas seulement sur des connaissances, sur des savoir-faire, mais aussi sur des attitudes et des comportements et sur des profils psychologiques. Alors, il faut être conscient de même qu'à l'entrée il y a très peu de temps pour faire cette évaluation-là.

Mme Gagnon (Marie): Si je peux me permettre, M. le ministre, M. le Président et MM. les membres de la commission, d'ajouter quelques précisions. C'est une question – puisque vous en avez tantôt parlé avec le président de la Fraternité – fort délicate, mais à laquelle nous sommes très, très, très sensibles, et cette question fait l'objet, depuis de nombreuses années, de discussions et nous en sommes encore à des discussions et à des expérimentations.

Lorsque nous voulons aborder cette question-là, il y a deux façons de l'aborder. Une première, c'est de définir quel est le profil type du policier ou de la policière idéale. Et ce n'est pas simple à définir. On consulte les organisations policières et ce n'est pas simple à définir, comme je le disais, pour deux raisons principales. D'abord, le policier ou la policière qui exerce sa profession à Senneterre, en Abitibi, doit posséder des atouts – on s'entend bien – qui sont quelque peu différents du policier ou de la policière qui exerce sa profession au centre-ville de Montréal. Donc, déjà là, on a un éventail d'atouts et d'attitudes dont on doit tenir compte.

Ensuite, la dualité de la fonction. On s'attend à beaucoup de choses du policier et de la policière. On voudrait que cette personne-là soit ferme mais humaine et souple. On voudrait qu'elle soit aidante mais en même temps répressive. On veut qu'elle soit communautaire mais en même temps qu'elle arrête des voleurs. Et on veut qu'elle soit très analytique, songée, avec discernement, mais en même temps on veut qu'elle soit très vive. Mais dans les...

M. Dupuis: Même chose que pour un député, Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie): Voilà! Alors, quand vient le temps de définir ce que l'on désire, disons que ça peut prendre quelques heures, et, encore là, on ne trouvera pas un profil.

M. Dupuis: Ce qu'on trouve plus de ce côté-ci que de l'autre. Mais là, là, je vous dis ça juste comme ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): C'est là que vous êtes hors d'ordre. Ha, ha, ha!

M. Dupuis: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Allez-y, madame.

Mme Gagnon (Marie): Enfin, nous, les professeurs, nous les avons, toutes et tous, mais enfin, voilà qu'il faut donc sélectionner les candidats. Lorsque nous le prenons de l'autre côté, il faut décider le profil que l'on ne veut pas. Alors là c'est plus facile. C'est plus facile d'identifier les attitudes que la population et que nous tous ne désirons pas retrouver chez la personne du policier. Et là les psychologues, y compris les psychologues qui travaillent dans les organisations policières, ne nous assurent pas la validité prédictive des tests lorsqu'on les administre à des candidats qui ont 17, 18, 19 ans, 20 ans, et ces candidats-là vont faire l'objet d'une formation qui est de trois ans et demi à quatre ans. On pense qu'on peut également modeler encore et influencer ces personnalités-là. Alors, ce n'est pas simple de trouver des traits de personnalité, à 18 ans, qui sont immuables et vraiment figés. Donc, enfin, dès qu'on introduit la subjectivité dans nos critères de sélection, on s'expose à des critiques très fortes et aussi, même, voire à des poursuites.

M. Ménard: Bon. Merci. Si je résume toutes ces qualités en un mot, je dirais: Équilibré, n'est-ce pas?

Mme Gagnon (Marie): Oui, mais c'est...

M. Morin (Bernard): Du jugement.

M. Ménard: Maintenant, on a parlé aussi, comme vous avez entendu, du plan de formation avec lequel vous êtes entièrement d'accord. Nous avons eu une discussion, vous avez pu voir, au début de l'après-midi, avec le rôle des syndicats dans les plans de formation.

Est-ce que vous pourriez nous en parler? Est-ce que vous êtes d'accord? Est-ce que vous craignez, comme peut-être j'en ai un préjugé, mais je suis prêt à les extirper, mes préjugés, que le syndicat va insister trop sur la séniorité seulement? Et puis ensuite le plan de formation m'apparaît quand même une chose personnelle. Comment voyez-vous l'interaction dans son élaboration entre le directeur et les policiers, surtout lorsqu'on est en présence de corps policiers d'un grand volume, d'une grande importance?

M. Morin (Bernard): Écoutez, je ne sais pas si nous sommes les mieux placés pour porter un jugement sur ce que vous soulevez, et là Michel et Marie pourront compléter aussi. En fait, nous sommes peu en présence, comme collège, de la dynamique au sein des corps policiers et des directions des corps policiers sur les rapports internes concernant la définition des besoins de formation.

Ce qu'on peut dire, par ailleurs, et, moi, comme directeur des études en établissement, je pense que c'est vrai dans l'ensemble du réseau, moi, je ne pense pas qu'on ait senti, honnêtement, par exemple dans la révision du programme qui a été faite ou encore dans les activités de formation auxquelles on a été associés comme collège, comme établissement, je ne crois pas, honnêtement, qu'on ait senti là une intervention qui ait pu, au fond, être soit discutable ou qui ait pu faire dévier, par exemple, la nature même du besoin de formation qui était à être satisfait pour les policiers en exercice et encore moins, je dirais, pour les policiers que nous formons, que nous contribuons à former.

Donc, les rapports internes des organisations policières, sur ces aspects-là des choses... D'autant qu'il faut bien voir que, nous, les programmes, le programme de D.E.C., le programme d'A.E.C. et même les programmes de perfectionnement ou de mise à jour auxquels nous sommes associés, lorsqu'ils sont développés, que ce soit par nous ou associés ou que ce soit par l'IPQ, entre autres choses, ces formations, elles sont développées à partir d'analyses concrètes de besoins identifiés, reconnus tant par les organisations policières que les corps policiers comme tels. Donc, cette dynamique-là, pour le moment en tout cas, je ne pense pas que, nous, on la vive de cette manière-là, c'est-à-dire influencés ou trop ou pas suffisamment influencés par la dynamique interne des directions des corps policiers, ou des corps policiers, ou des syndicats à l'intérieur des organisations et des services de police.

(16 h 30)

M. Nicholas (Michel): En tout cas, chose certaine, nous aimons bien recevoir le point de vue des différentes fraternités sur les formations qu'on peut offrir. Je pense qu'ils ont tout à fait des points de vue qui parfois peuvent paraître très particuliers, très pointus. Mais, je veux dire, à ce moment-là, on en tient compte dans la mesure du possible, et c'est l'échange qui est intéressant dans ces cas-là.

M. Ménard: Vous demandez un siège dans l'administration de l'École. Vous ne croyez pas que votre place est plutôt sur la Commission des études?

M. Morin (Bernard): Bon. Nous, on prétend que notre place est aux deux endroits. En fait...

M. Ménard: C'est parce que je ne voulais pas organiser un véritable sénat et je voulais avoir des conseils d'administration qui étaient représentatifs mais quand même fonctionnels aussi. Alors, on ne cherche pas à avoir plus... Quand on approche 20, là, ça commence à être gros.

M. Morin (Bernard): En fait, écoutez, la logique qu'on défend est basée sur l'aspect le plus important, je pense, qu'on veut faire ressortir du mémoire, c'est cette reconnaissance de ce partage de responsabilités extrêmement important au niveau de la formation initiale, formation qualifiante de base, au niveau du policier-patrouilleur ou gendarmerie. Et ce partenariat-là, à notre avis, compte tenu de l'harmonisation constante qui existe entre les établissements collégiaux et l'École, éventuellement, ou l'Institut présentement... Cette harmonisation nécessite qu'il y ait une voix directement au conseil d'administration de l'École. Et également en termes de développement éventuel de la formation, tel que d'ailleurs le préconise le projet de loi ou ce qu'on retrouvait aussi évidemment, essentiellement, dans le rapport Corbo. De cette façon-là, on considère que, donc, il y a une place de gestionnaire, compte tenu de ce partenariat, de cette responsabilité partagée au niveau du conseil d'administration.

Pour ce qui est de, au fond, la Commission, oui, de l'enseignement et de la recherche, il existe présentement un comité de concertation. Le projet de loi d'ailleurs laisse entendre que l'École aura la responsabilité de maintenir des éléments de concertation. Mais, effectivement, compte tenu de la nature des ressources qui sont dans les collèges, du développement des programmes de formation, la responsabilité que nous avons dans les programmes de formation, et d'autant que l'École aurait une responsabilité de se prononcer sur les programmes qui seraient développés et qui seraient de la responsabilité, par exemple, des établissements d'enseignement collégiaux, forcément, je vous dirais: Oui, on s'y voit.

On voit l'importance d'y être, à cette Commission-là. Il y a un apport important en termes d'enseignement, d'approche pédagogique mais aussi, je vous dirais, en termes, également, de potentialité de recherche, compte tenu, au fond, des qualifications de l'ensemble du corps professoral qui se retrouve dans les collèges, et il y a là des partenariats intéressants. Donc, oui, je pense que, là, on confirme l'intérêt d'y être, à cette Commission. Mais, pour des raisons de gestion partagée, on considère qu'il est également extrêmement important d'être au conseil d'administration de l'École comme tel également.

M. Ménard: Je vous remercie beaucoup. Je vais laisser mes collègues qui ont quelques questions à poser.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Sur les autres façons d'accéder à la fonction de policier, par exemple, des formations universitaires qui vont ensuite peut-être impliquer des passages en A.E.C. ou... Vous voyez ça comment, les autres façons d'entrer à la fonction policière que celle de la voie du cégep et de l'Institut?

M. Nicolas (Michel): Je pense qu'il faut replacer le modèle québécois, là, et le comparer avec d'autres modèles, ça peut peut-être nous aider à répondre à cette question-là. Alors, comme vous savez, le modèle québécois n'est pas le modèle traditionnel de formation policière dans lequel une académie de police a l'exclusivité de la formation, mais ce n'est pas non plus un modèle coopératif et interrelié dans lequel il y a des institutions civiles d'enseignement qui donnent une formation surtout portant sur des connaissances reliées à l'administration de la justice, bien sûr.

Mais, je pense, le propre du modèle québécois, c'est d'être un modèle tout à fait intégré. Et ça veut dire, ça, absolument, que, au niveau d'une institution civile, en tout cas, on va plus loin que simplement l'acquisition de la connaissance par l'étudiant, mais aussi on recherche, chez cet étudiant-là, l'acquisition d'habiletés, de comportements et d'attitudes adéquates. À ce moment-là, l'École de police ou l'Institut de police vise – c'est un processus continu entre la formation collégiale et l'École de police – l'intégration complète de toutes ces compétences-là acquises en formation collégiale. Et, pour répondre plus précisément à votre question, à l'heure actuelle il y a seulement la formation en techniques policières qui permet, qui est au coeur de ce processus, si on veut, continu de formation.

M. Paquin: Mais, au niveau des besoins réels, on a besoin de plus en plus de psychologues, de spécialistes en informatique, de criminologues, de gens de différentes formations universitaires. Actuellement, ils doivent faire une A.E.C. pour pouvoir aller à l'Institut. Est-ce que vous pensez que c'est la meilleure formule? D'abord, je ne dois pas comprendre de ce que vous avez dit précédemment que vous considérez qu'il n'y a pas d'espace pour de telles formations?

M. Morin (Bernard): Non, pas du tout. Au contraire, je pense qu'il faut qu'il y ait de l'espace. Je pense, là-dessus, les collèges, non seulement on ne s'est jamais objectés, mais on l'a fait valoir. Il n'y a pas de barrière. Au contraire, il faut qu'il y ait possibilité, pour des gens qui ont des formations universitaires dans des domaines spécialisés, d'accéder à des fonctions à l'intérieur de l'intervention policière. Ça, ça n'a fait aucun doute.

Par ailleurs, pour nous, il est important, pour reprendre un peu ce que Michel disait aussi, par contre, que la voie d'entrée concernant un ensemble de compétences qui se situent dans le domaine de l'intervention policière... Vous savez, peu importe la spécialité que nous ayons, si nous entrons dans des fonctions policières spécialisées, par exemple, d'enquêtes, pour reprendre un exemple dont on discute beaucoup, avec une formation de bachelier dans un domaine en particulier, il reste que c'est un policier qui aura à faire des interventions à caractère policier.

Le continuum de compétences d'intervention policière qui est prévu actuellement à l'intérieur de la formation soit du D.E.C. ou de l'A.E.C. – qui est quand même, dans le cas de l'A.E.C., modulé pour tenir compte aussi de ces entrées qu'on appelle souvent un peu «latérales» – il y a là un corpus de compétences, d'habiletés, en termes d'intervention policière, qui doit venir se compléter avec une formation plus spécialisée et qui fait partie globalement de l'intervention policière dans différentes fonctions.

Donc, l'idée, ce n'est pas de bloquer. Je ne pense pas qu'il faille bloquer, mais, en même temps, qu'on considère qu'il y a là quand même une porte d'entrée où il y a des compétences en intervention policière qui doivent être acquises, peu importe, à toutes fins utiles, la fonction, en quelque part, qui doit être exercée.

Mais, au contraire, il serait mal venu et non seulement il serait mal venu, mais il faut même favoriser, à certains égards, la formation universitaire dans le domaine policier, mais, en même temps, sur une base qui est une base de compétences particulières d'intervention policière, d'habiletés d'intervention qui fait partie actuellement du corpus qu'on retrouve au niveau du D.E.C. et de l'A.E.C. pour ceux qui viennent des milieux universitaires ou de certains autres milieux.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Brièvement, il nous reste moins d'une minute.

M. Paquin: Mais, en fin de compte, je me pose la question sur un continuum intégré au niveau de la formation entre le collégial et l'universitaire parce qu'il y a désormais de plus en plus de besoins et aussi de plus en plus d'intérêts pour des personnes en formation d'avoir des formations spécialisées de niveau universitaire avec une compétence policière, et je m'interroge. C'est parce que, au niveau des universités, certains nous disaient qu'ils avaient un problème à ce qu'il y ait une rétrogradation de quelqu'un qui a un bac pour retourner au collégial chercher une A.E.C., puis des choses comme ça, alors que l'avenir, une portion importante des gens qui vont aller dans la formation policière, ça sera des gens qui voudront se former pour effectivement avoir un niveau universitaire. Alors, pourquoi ne pas organiser un continuum intégré entre les deux niveaux? Je ne comprends pas cette barrière que je ressens des deux côtés.

M. Morin (Bernard): Bien, en fait, là où vous ressentez une barrière, nous, on ne voit pas cette barrière-là de cette façon-là. Si on parle de formation intégrée, il y aurait beaucoup de distinctions à faire entre des projets, entre autres, qui ont été évalués, à l'époque, par M. Corbo, que nous avons évalués aussi... Continuum de formation. Je pense que, nous, on se situe tout à fait dans la perspective d'un continuum de formation avec, encore une fois, la possibilité, pour des gens avec des spécialités universitaires, d'entrer dans ce continuum de formation. Il n'y a pas là de barrière, à notre avis. Il y a, de toute façon, dans plusieurs programmes de formation au niveau des collèges présentement, des passerelles de continuité avec plein de formations à caractère universitaire.

Dans ce cas-là, ce que nous reconnaissons, et d'ailleurs je pense que le mandat qu'on veut faire reconnaître à l'École nationale aussi, c'est précisément d'avoir un lieu, par contre, de coordination, de concertation, de ce continuum de formation en permettant, bien sûr, à des gens qui ont différentes formations d'y avoir accès, en même temps, bien sûr, que de favoriser ceux qui ont une formation de D.E.C., une formation de niveau collégial, de poursuivre dans le même sens.

Mais, nous, on a, en tout cas, comme vision des choses, que cette perspective-là n'apporte pas de barrière mais, au contraire, peut permettre effectivement de canaliser, puisque, encore une fois, quand on est dans le domaine policier, avec les caractéristiques de l'intervention, il y a un certain nombre de compétences qui, de toute manière, font partie de la formation, et il n'y a pas de rétrogradation...

Là, il faut faire bien attention aux termes qu'on utilise. Je les ai lus, moi aussi, dans certains propos qui ont été rapportés ici. Il n'y a pas de rétrogradation de formation. C'est une formation qui fait partie des compétences qui doivent être acquises pour intervenir dans le milieu policier.

(16 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Dupuis: M. Morin, M. Nicolas, permettez-moi de poser ma première question à Mme Gagnon qui m'a fait la faveur d'approfondir la question des critères de sélection.

Mme Gagnon, j'ai bien compris les réserves que vous avez faites en ce qui concerne la prolifération des critères de sélection. J'ai bien compris cette réserve-là. Mais est-ce que, néanmoins, ce que vous dites, c'est qu'il se fait du travail là-dessus pour voir ce qu'on pourrait ajouter dans les espèces de test qu'on ferait passer pour voir les aptitudes premières? Est-ce qu'il continue à se faire du travail là-dessus?

Mme Gagnon (Marie): Nous nous sommes entendus, les collèges, pour faire certaines expérimentations. À l'heure actuelle, je dirais que la majorité des collèges ont ajouté à leurs critères de sélection la condition physique. Alors, en ajoutant la condition physique à la qualité du dossier académique, on vient, déjà là, de sélectionner une catégorie d'individus qui présentent des caractéristiques de personnalité intéressante. Quand on maintient notre forme physique, quand on maintient la... ça va souvent avec l'équilibre et la santé de la personnalité. On a ajouté ce critère-là.

Au niveau de la personnalité, il y a des expérimentations qui se font. Entre autres, à l'heure actuelle, dans certains collèges, on fait des entrevues de sélection. Dans d'autres collèges, comme au collège de Maisonneuve, que je connais bien, on a expérimenté un test de motivation: Est-ce que la motivation de l'étudiant qui désire s'inscrire en techniques policières correspond bien à ses intérêts, que l'on a définis d'une certaine façon? Parce qu'il faut aussi aller sélectionner des candidats qui vont vouloir être policiers-patrouilleurs toute leur vie, mais il faut aussi aller sélectionner des candidats qui vont aspirer, un jour ou l'autre, à être enquêteurs, à être gestionnaires, à être maîtres-chiens. Alors, ça fait appel à des habiletés et des attitudes qui peuvent être aussi différentes.

Donc, oui, il y a des expérimentations qui se font. Il y a un collège qui a passé un test de personnalité à ses étudiants, un test objectif. Je ne me souviens plus si c'est le MMPI ou le 16 PF. Ils l'ont abandonné parce que ça ne donnait pas non plus énormément beaucoup plus d'informations que le résultat académique. Voilà.

M. Dupuis: Moi, ça me rassure, ce que vous dites. Je ne veux pas en discuter trop longtemps, mais ça me rassure, ce que vous dites. Je pense qu'effectivement il faut mettre un effort là-dessus. Je suis conscient aussi des réserves qu'il faille mettre. Maintenant, dans le fond, je pense qu'on ne peut pas réussir par des tests, comme vous l'avez dit, à l'entrée, à sélectionner des candidats qui seront tous parfaits. Je pense que vous avez raison de dire que, en cours de formation, il y a une espèce de sélection qui se fait, bien sûr; c'est normal. Il y a même des gens qui abandonnent parce qu'ils trouvent ça trop difficile, effectivement.

Moi, je me souviens que, lors de nos examens d'entrée en droit – ça fait très longtemps, n'est-ce pas, M. le ministre – il y avait tout de même des examens d'aptitude sur notre sens de la déduction, etc. Il y a des choses qui peuvent se faire, mais je suis conscient du fait que ça ne peut pas être parfait. Je vous remercie, madame... Oui, allez-y, madame.

Mme Gagnon (Marie): Est-ce que je pourrais rajouter une chose, M. Dupuis?

M. Dupuis: Avec la permission de M. le Président, oui, allez-y.

Mme Gagnon (Marie): M. le Président? Merci.

M. Dupuis: C'est parce qu'il m'a fait la remarque tantôt que... Des fois, je m'arroge le rôle de président, puis je ne veux pas. Je ne suis pas capable de faire ça.

Mme Gagnon (Marie): Je vais être brève, mais je voudrais dire que le taux d'échec ou le taux de mauvaises admissions, si on peut les qualifier comme telles, nous apparaît, sans être scientifique, relativement bas. Quand on évalue nos étudiants, après trois ans chez nous, quand on atteint 10 % de candidats que l'on ne verrait pas dans la police pour x raisons, c'est quand même très peu.

Je voudrais aussi ajouter l'exigence de la formation policière. Pour être au fait des exigences et des autres formations techniques au niveau collégial, les étudiants en techniques policières non seulement ils étudient 30 à 35 heures par semaine dans leur programme, mais ils doivent également travailler comme cadet policier au Service de police de Montréal. Ils sont sursollicités et même très sollicités pour participer à du bénévolat dans la communauté, que ce soit en sécurité, que ce soit pour du sociocommunautaire. Il n'y a pas de semaine où nous ne recevons pas d'appels pour fournir des étudiants en techniques policières comme bénévoles.

Alors, au-delà de la formation, pendant trois ans qu'ils sont avec nous, ils ont une implication et un travail dans la communauté qui font en sorte qu'on travaille beaucoup leur attitude et qu'on réitère l'importance des comportements compatibles avec la fonction. À cela s'ajoute également un encadrement pédagogique personnalisé qui nous permet aussi, de façon formative, de refléter à l'étudiant ses forces et ses faiblesses là-dessus. Voilà!

M. Dupuis: Merci, Mme Gagnon. Un autre sujet. En fait, toutes les associations de policiers que nous entendons nous disent: Le ministre a fait le choix de diplomation patrouille-gendarmerie, diplomation enquête et diplomation gestion policière. Les associations policières disent: C'est une erreur que de faire ça. Il faudrait, dans la formation qualifiante de base, donner une formation qui, bien sûr, amène vers la pratique du métier de policier, particulièrement en patrouille-gendarmerie, mais il faudrait aussi donner une formation intégrée en enquête, parce qu'un patrouilleur doit, nous disent-ils, absolument avoir des connaissances en matière d'enquête.

Au fond, c'est lui qui intervient le premier – là, je résume de façon peu subtile – dans plusieurs situations, c'est lui qui part l'enquête. Il faut que l'enquête soit bien partie. Il faut que les témoins soient rencontrés. Il faut que certaines déclarations soient bien prises pour que l'enquête parte comme il faut. Si ça ne part pas comme il faut, tout le travail d'enquête ensuite risque de s'en ressentir. Donc, ils plaident... Il devrait y avoir, dans la formation qualifiante de base, non seulement un diplôme de patrouille-gendarmerie, mais on devrait intégrer dans ce diplôme de base des notions d'enquête.

Moi, je note que vous avez fait la révision des programmes selon l'approche par compétences, et vous dites dans votre mémoire: «Entre autres, dans l'approche par compétences, on fait des analyses de situations de travail.» J'ai pris la peine de lire d'ailleurs les documents que vous avez produits en annexe de votre mémoire et, effectivement, j'y retrouve, dans certains cours qui sont donnés ou certaines situations qui ont été révélées, des situations qui sont carrément des situations auxquelles les enquêteurs doivent faire face.

Donc, eux – les associations de policiers – par l'expérience, par leur connaissance du travail, par leur connaissance du métier de policier quotidiennes, ils viennent dire au ministre: Vous faites une erreur si vous ne formez que des patrouilleurs-gendarmes. Il faut que vous formiez des patrouilleurs-gendarmes avec des notions d'enquête importantes. Eux, c'est par l'approche de l'expérience du terrain qu'ils en arrivent à cette conclusion-là.

Est-ce que j'ai raison de penser que vous en arriveriez aux mêmes conclusions mais par l'approche académique, par l'approche scientifique, à l'effet que vous diriez au gouvernement aujourd'hui: M. le ministre, faites attention! Ne faites pas l'erreur de ne valoriser que la formation qualifiante de base pour un diplôme de patrouille-gendarmerie, mais de grâce – de grâce – incluez dans cette formation qualifiante de base les notions d'enquête, c'est important?

M. Nicolas, je ne parle pas d'enquêtes spécialisées, là. C'est une autre affaire. Ça, c'est du perfectionnement de services, du perfectionnement de la formation continue. Mais je parle des notions d'enquête. Seriez-vous d'accord avec ça? Autrement dit, vous entendez-vous avec les policiers là-dessus?

M. Morin (Bernard): Écoutez, je ne vous dirai pas si on s'entend avec les policiers, là. Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Pardon?

M. Morin (Bernard): Je ne vous dirai pas nécessairement qu'on s'entend ou qu'on ne s'entend pas avec les policiers, là.

M. Dupuis: Non, là-dessus.

M. Morin (Bernard): Je pense qu'il faut être très attentif à ce que vous soulevez. Je vais laisser aux gens ici, aux collègues, de vous traduire concrètement ce que ça veut dire à l'intérieur du programme présentement.

Je veux simplement insister sur une chose que vous avez dite qui est très importante pour nous: la notion de besoins. Effectivement, quand on parle qu'il y a une correspondance entre peut-être justement notre vision des choses et celle des policiers, quand on fait des analyses de situations de travail, ce sont des vraies personnes qui exercent les fonctions de travail, qui sont présentes et donc qui nous traduisent les besoins. Ce qui fait que, dans le programme – le nouveau programme révisé – la dimension enquête de premier niveau a été effectivement intégrée dans différentes compétences, et là les gens pourront vous indiquer très, très concrètement ce que ça veut dire.

(16 h 50)

M. Dupuis: Je vous le promets, M. Nicolas, je me tais. Mais, moi, j'ai noté que, dans le cours qui est donné au cégep, il y a des notions de droit qui sont données, il y a un certain nombre de notions qui sont données qui sont des notions très, très, très utiles aux patrouilleurs mais aux enquêteurs aussi. Allez-y. Là, je me tais, M. Nicolas.

M. Nicolas (Michel): Alors, je peux vous rassurer. Dans le nouveau programme – donc selon l'approche par compétences – nous avons introduit une formation initiale qualifiante en enquête.

M. Dupuis: En enquête.

M. Nicolas (Michel): O.K. Alors, je peux vous dire plus spécifiquement dans quels cours: entre autres dans des cours qui portent sur la communication spécialisée, des cours qui portent sur la criminalistique, des cours qui portent sur l'intervention en matière d'événements criminels. Alors, je ne rentrerai pas dans le détail de ce que ça veut dire au niveau de la formation initiale en enquête. Je dois vous dire aussi, quand même, qu'il y a un certain nombre de formations qui s'appliquent aux patrouilleurs et qu'on peut transférer aussi à une formation en enquête, et ne serait-ce que de parler de l'importance de l'observation et des habiletés d'observation ou de l'exercice même des pouvoirs et devoirs, comme vous dites, de police.

M. Dupuis: Mais, dans le fond, ce que vous êtes en train de me dire... Mais je ne veux pas trahir votre pensée, M. Nicolas, mais vous êtes en train de me dire que tout ça est intimement lié et que ce qui est utile à l'enquêteur est utile au patrouilleur et que ce qui est utile au patrouilleur peut être utile à l'enquêteur, dans le fond.

M. Nicolas (Michel): Oui, tout à fait, et peut-être aller un petit peu plus loin: ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas un besoin de formation plus poussée des enquêteurs. Je pense que, un, on s'entend là-dessus.

M. Dupuis: Je pense qu'on s'entend là-dessus.

M. Nicolas (Michel): Parfait.

M. Dupuis: Moi, je ne prétends pas, M. Nicolas, qu'une personne qui sort de l'École de police – de ce que sera l'École de police dorénavant – pourrait devenir nécessairement un enquêteur en crimes économiques, par exemple, ou dans des enquêtes spécialisées. Mais je m'attendrais à ce que le patrouilleur, celui qui va aller s'asseoir dans la voiture de police, soit capable de faire face à n'importe quelles situations, de bien les comprendre, de bien les appréhender et, s'il y a des situations qui donnent lieu à des enquêtes criminelles, qu'il soit capable de bien les partir parce qu'il a les bonnes notions.

M. Nicolas (Michel): Tout à fait.

M. Dupuis: C'est ça que les associations de policiers disent, me semble-t-il. Ça va, on s'entend là-dessus?

M. Nicolas (Michel): Tout à fait.

M. Dupuis: Je m'en voudrais...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Maintenant... Oui?

M. Dupuis: Oui. Je m'en voudrais de ne pas laisser le député de Verdun, qui est un universitaire connu et reconnu, vous interroger un peu.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ha, ha, ha! Docteur. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Merci. Moi, je veux revenir sur la question... Il y a beaucoup de choses dans votre mémoire sur lesquelles je suis d'accord. Donc, je ne reviendrai pas sur les questions où je suis d'accord. Il y a, par exemple, l'importance du milieu de formation pour la formation d'un policier, l'importance aussi que vous soyez présents dans les commissions des études, dans les conseils d'administration de l'École de police. Je pense que, pour moi, c'est acquis.

Une question que je voulais soulever, c'est la question des passerelles qui a été abordée par mon collègue de Saint-Jean tout à l'heure. Et, dans la question des passerelles, vous avez répondu d'une manière beaucoup plus nuancée que ce que dit votre mémoire. Vous aviez eu l'impression de dire: Oui, il y a la place aussi pour une formation universitaire, avec un complément de formation collégiale, pour entrer à l'École de police. C'est ce que j'ai interprété dans votre discours, M. Morin.

Le texte que vous dites, et je fais référence à la page 9, 3.3, vous dites: La formation normale reste le D.E.C. et exceptionnelle pourrait être une formation universitaire avec une A.E.C. Et, dans votre intervention à la réponse à mon collègue de Saint-Jean, vous sembliez être beaucoup plus nuancé, disant: Il peut y avoir deux types de formation et loin de moi de vouloir refuser cette formation de caractère et de type universitaires.

M. Morin (Bernard): Oui. Bien, les nuances, encore une fois, je veux bien qu'on les apporte. Notre position est claire encore une fois. C'est qu'on souhaite qu'il y ait, en tout cas, une entrée contrôlée dans le domaine de la formation policière, ce qui, encore une fois, n'exclut pas, mais pas du tout, qu'il y ait des gens qui aient des formations universitaires. Et d'ailleurs je vous dirai que, présentement, l'A.E.C – c'est peut-être le mot «exceptionnellement» qui fait peur – ...

M. Gautrin: Oui.

M. Morin (Bernard): ...est dispensée de façon régulière. Majoritairement, c'est, dans les groupes plus récents, des personnes qui ont effectivement soit des formations de certificat ou même des formations universitaires de premier cycle qui viennent, après des identifications de besoins par les corps policiers, donc, compléter effectivement cette formation de base en intervention policière pour être ensuite à même de poursuivre une formation.

M. Gautrin: Donc, de votre point de vue, les deux formations pourraient être, un certain nombre, équivalentes dans la mesure où la formation universitaire est complétée...

M. Morin (Bernard): Tout à fait.

M. Gautrin: ...par la formation d'Attestation d'études collégiales pour les parties qui sont spécifiquement, disons, propres au pré-travail du policier.

M. Morin (Bernard): À l'intervention policière, à proprement parler. Vous avez tout à fait raison.

M. Gautrin: Alors, ma lecture du «exceptionnellement» était peut-être une hyperbole de style que vous aviez eu tendance à décrire dans un texte.

M. Morin (Bernard): Mais il reste, M. Gautrin, si vous permettez, que, pour nous, il était extrêmement important, par contre, de marquer aussi le fait qu'on veut que soit reconnu, à travers tout ça – ce qui n'est pas le cas dans la loi présentement – le fait que le Diplôme d'études collégiales et l'Attestation d'études collégiales, il y a un consensus extrêmement large auprès de tous les intervenants pour que ce soit la principale porte d'entrée dans l'exercice des fonctions policières, y incluant l'enquête. Mais il faudra toujours considérer... On ne peut pas fermer la formation, bien sûr, à des gens qui auraient des spécialités. Ce serait, je pense, contre-indiqué dans les circonstances.

M. Dupuis: En faisant référence et en continuant dans le même esprit que celui qu'a soulevé le député de Verdun, vous êtes au courant sûrement du fait que les universités, particulièrement l'Université de Montréal, si je me souviens bien, sont en train de développer ce qu'il est convenu d'appeler – ce qu'ils appellent, eux – le Bac en sécurité de police ou le Bac en sécurité intérieure, peu importe.

Une voix: Police et sécurité.

M. Dupuis: Police et sécurité. Oui, certains, c'est police et sécurité, d'autres, c'est sécurité intérieure, peu importe. Eux, évidemment, ont témoigné devant la commission. Je suis persuadé que vous avez suivi probablement les débats, et, eux, ils disent deux choses – les universités qui ont retenu mon attention – la première, c'est: Le Bac en sécurité et police que nous donnons devrait donner accès au métier de policier. Ils admettent que les gens qui auraient suivi le bac doivent passer par l'École de police. Ça, il n'y a pas de problème là-dessus. Tout le monde s'entend, tout le monde doit passer par l'École de police.

C'est peut-être parce que je n'ai pas porté attention, mais je n'ai pas saisi qu'eux étaient d'accord avec le fait que les gens qui suivaient le Bac en sécurité et police, en hypothèse, devraient passer ensuite par l'A.E.C. avant d'entrer à l'École de police. J'ai compris que ce qu'ils revendiquaient, c'est que les gens qui suivent ce cours-là puissent être admis à l'École de police. Ça, c'est la première chose. Et, la deuxième, ils ont dit: Pour être enquêteur, il faudrait absolument détenir un diplôme universitaire. Ça, c'est la deuxième chose qu'ils ont dite.

Je ne vous demanderai pas de répondre à ces deux choses-là en même temps parce que ce n'est pas possible, mais, quant à leur prétention sur le Bac en sécurité et police, quelle est votre réaction à ça?

M. Morin (Bernard): Bien, c'est évident qu'on diverge de positions. Je pense qu'on peut trouver intéressant et tout à fait approprié qu'il se développe, dans les universités, des formations de cette nature-là. Ça n'enlève pas, pour nous, en tout cas, le cadre dans lequel on pense que doit se maintenir la formation policière pour exercer une intervention policière. Et, encore une fois, oui, nous, on pense que ces gens-là devraient s'assurer de venir acquérir, à travers les compétences qui sont offertes, à travers, entre autres, l'Attestation d'études collégiales, les compétences, les habilités nécessaires pour être capables de poursuivre leur formation et leur intervention.

M. Dupuis: Juste une petite, rapidement: Moi, quand vous dites ça, M. Morin, j'ai l'impression que ce que vous êtes en train de me dire, c'est: Compte tenu du travail que les policiers ont à faire sur le terrain, nous, on pense que le D.E.C. est le bon diplôme à acquérir. On a l'impression... et c'est vous qui parlez. J'ai l'impression que vous me dites: Ceux qui font le Bac en sécurité et police, ils vont être surqualifiés. J'ai l'impression que c'est ça que vous nous dites. Non?

M. Morin (Bernard): Pas du tout.

M. Dupuis: Non?

M. Morin (Bernard): Non, il faut distinguer... Oui?

M. Gautrin: Est-ce que vous pourriez accepter un peu notre ignorance? Mais ce serait important pour notre compréhension du sujet. J'imagine que vous connaissez bien le programme de criminologie, sécurité et police. Qu'est-ce qui manque, à l'intérieur de ce programme-là, et qui est inclus dans l'A.E.C. qui est donné, par exemple, à Ahuntsic ou à Maisonneuve, qui n'est pas présent là mais qui est nécessaire, selon vous, pour l'entrée à l'École de police? Ça, c'est un élément qui serait... Peut-être pas aujourd'hui, mais nous le transmettre. C'est assez important pour nous. Vous comprenez ça?

Mme Gagnon (Marie): Oui, aujourd'hui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme Gagnon.

M. Gautrin: Bien, ça dépend. Si vous pouvez le donner tout de suite, ce sera tout de suite. Sinon, bien, vous pouvez nous l'envoyer.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Marie): Bon. Alors, dans l'esprit du projet de loi, il est clair qu'il faut détenir un diplôme de l'École nationale de police pour devenir policier-patrouilleur.

(17 heures)

Nous, nous devons, nous avons la mission de répondre aux besoins des organisations policières, mais également de préparer nos étudiants et nos finissants à être capables de suivre le stage et de le réussir à l'Institut ou à l'École nationale de police.

À la lumière de ce que l'on connaît du Bac en police et sécurité – lorsqu'on regarde le stage à l'Institut de police, deux jours ou trois jours après l'arrivée à l'Institut, l'aspirant policier est placé dans une voiture patrouille et doit répondre à des appels – comment peut-on imaginer un finissant du Bac en sécurité et police placé dans une voiture patrouille deux jours après son arrivée, sans en avoir les compétences – nous, on appelle ça des compétences – ou les habiletés à faire des communications spécialisées, à intervenir en situation de crise, à maîtriser une personne violente, à intervenir selon des règlements municipaux?

Tantôt, on a fait l'intervention qu'on ne formait pas nos étudiants au niveau des règlements municipaux. Dans notre curriculum de formation, nous avons un 45 heures sur les lois du Québec et les règlements municipaux, ce que l'on ne retrouve pas dans le Bac en sécurité et police. On n'a aucune connaissance, pour les finissants du Bac en sécurité et police, au niveau du Code de la sécurité routière, sur comment intervenir lorsque arrive un accident routier. On n'a pas d'habiletés en observation. Alors, ce sont des...

M. Gautrin: Mais qu'est-ce qu'ils font, dans ce Bac-là?

Mme Gagnon (Marie): Je pourrais vous laisser analyser le contenu des cours, mais, en ce qui nous concerne, nous développons, nous enseignons, entre autres, les pouvoirs et les devoirs de la police, mais nous pratiquons à les exercer. Alors, dans notre formation, nous les préparons à suivre et à réussir le stage à l'Institut, parce que notre pédagogie est axée sur la contextualisation des habiletés et des connaissances qui doivent être acquises.

Je reprends mon exemple. On ne fait pas juste enseigner les pouvoirs de la police, ils sont quoi, mais on apprend à les exercer, par exemple, et à les appliquer. Alors, notre formation colle toujours au plus près à la réalité de la fonction, et nous avons donc la prétention de bien préparer nos étudiants à suivre et réussir le stage de l'Institut. Voilà.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Malheureusement, le temps qui nous était consacré est terminé. Est-ce que je peux vous inviter, sur cette dernière question, si vous avez une représentation écrite à faire – ça semblait être un point assez chaud – à bien vouloir nous la transmettre, s'il vous plaît?

M. Morin (Bernard): J'en prends bonne note.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, j'aimerais vous remercier, au nom des membres de la commission, pour votre contribution.

Toujours dans le cadre de cette consultation générale, nous allons recevoir maintenant les représentants de l'Institut de police du Québec. J'aimerais donc inviter Mme Louise Gagnon-Gaudreau à bien vouloir s'avancer avec les personnes qui l'accompagnent.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, j'en appellerais à la collaboration des collègues et des personnes à la table actuellement pour nous permettre de poursuivre nos travaux.

Alors, je rappelle donc que nous avons le plaisir de recevoir les représentants de l'Institut de police du Québec. Mme Gagnon-Gaudreau, vous m'excuserez d'avoir un peu abîmé votre nom tout à l'heure, mais il nous fait néanmoins plaisir de vous recevoir. Ha, ha, ha! Nous avons donc une heure de consacrée à cette rencontre, 20 minutes pour la présentation, je pense qu'on connaît bien les règles. Alors, Mme Gagnon-Gaudreau, vous avez la parole. J'aimerais également, bien sûr, que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent.


Institut de police du Québec (IPQ)

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Oui, M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition officielle, membres de la commission des institutions, je voudrais tout d'abord vous remercier de nous recevoir aujourd'hui et de nous donner l'opportunité de vous présenter notre vision de la future École nationale de police à travers ce qu'est devenu l'Institut de police du Québec au fil des ans. Nous profiterons également de l'occasion pour apporter un éclairage et vous fournir des précisions sur certaines préoccupations déjà exprimées sur la formation policière.

À titre de directrice générale de l'Institut de police du Québec, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: M. Paul Girard, directeur adjoint et directeur du développement de l'organisation, et Pierre Saint-Antoine, conseiller en communication.

Je vais me limiter à mon texte parce que le temps file très rapidement, sauf au tout début. Je voudrais juste faire un aparté. C'est qu'on risque, après 30 ans, de participer à un autre moment historique de la société québécoise en passant à l'École nationale de police, c'est-à-dire en faisant de l'Institut de police du Québec une école nationale de police.

J'aimerais vous rappeler qu'il y a 30 ans le gouvernement avait décidé, à la suite de longues études et réflexions, qu'il était temps d'avoir un Institut de police du Québec pour empêcher... On n'employait pas, à l'époque, le mot «éclatement» comme l'a employé M. Corbo, mais ça voulait dire la même chose. C'est-à-dire que les policiers arrivaient pour exercer leurs fonctions sans formation dans 41 % des cas, au moins. Il y avait la formation à la police de Montréal, à l'époque, à la police provinciale et dans certaines grandes villes du Québec, mais ailleurs... Et, même dans les grandes villes qui s'occupaient de former leurs policiers, on s'était aperçu que cette formation-là était extrêmement disparate tant au niveau des contenus que des durées de formation.

Je suis très fière aujourd'hui d'assister peut-être à ce nouveau moment historique de la société et aussi de souligner l'apport du D.E.C. en techniques policières, parce qu'il n'y a pas eu seulement l'Institut de police du Québec. Et on ne l'a pas assez dit ici, à cette commission parlementaire: On doit être fier, au Québec, d'avoir la formation policière que l'on a en termes de structures, de contenus et de philosophie de formation. Je ferme ma parenthèse.

Pour reprendre les propos de M. Claude Corbo et de ses collaborateurs, l'Institut de police du Québec se présente comme le candidat tout naturel au rôle de maître d'oeuvre de la formation professionnelle du personnel policier. L'Institut existe depuis un quart de siècle. Au fil des ans, il a accumulé une riche expérience et beaucoup d'expertises. Il dispose d'équipements fort spécialisés et parfois uniques au Québec. Il a assuré la formation professionnelle qualifiante de base d'une proportion très importante des policiers et policières présentement en exercice. Par ses activités nombreuses de perfectionnement professionnel et par ses activités de conseil aux divers corps de police, il est très présent dans le monde policier québécois et il jouit d'un capital de confiance et d'estime confirmé.

Il est le seul établissement québécois voué exclusivement à des activités de formation du personnel policier. Il a déjà établi des habitudes de collaboration avec des cégeps, des universités, des services de formation de corps policiers, de nombreux corps policiers et avec le ministère de la Sécurité publique. Il compte à son service un personnel engagé, motivé et dévoué. Il est capable d'adaptation, comme le montre son récent ajustement au nouveau programme collégial de techniques policières. Il a rendu déjà beaucoup de services, il a une tradition enracinée. Il constitue une présence institutionnelle au Québec. Je ferme la parenthèse des propos de M. Corbo.

Essentiellement, une organisation comme l'Institut de police du Québec est la résultante d'une équation complexe, faite d'orientations stratégiques permettant la réalisation d'une mission d'individus reflétant une mosaïque de spécialités, d'une structure de fonctionnement et de produits et services adaptés aux besoins de la clientèle. Pour évoluer positivement dans le temps, ces quatre composantes, qui, par une synergie, deviennent un tout, doivent être systématiquement entretenues et renouvelées.

L'Institut est reconnu comme un des leaders dans le domaine de la formation policière. Ses programmes, sa pédagogie et l'originalité de ses approches sociales font école dans le milieu. Cette renommée s'explique par des années à suivre les grands courants de changements et à s'adapter aux exigences sans cesse croissantes de la société et aux besoins des organisations policières québécoises. Au fur et à mesure des besoins, l'Institut développe l'expertise nécessaire et enrichit ses formations.

C'est en 1990 que l'Institut subit sa première grande transformation. Il devient une corporation dont la mission sera de contribuer à l'amélioration des services policiers au Québec par l'enseignement, la recherche et la consultation. Cette autonomie administrative lui permet dorénavant de conclure des associations avec ses partenaires: les organisations policières et les maisons d'enseignement.

(17 h 10)

En 1997, l'Institut retient de grands paramètres d'action centrés sur l'approche client et l'approche réseau. La mobilisation du personnel vers la satisfaction de la clientèle et le développement du sens du client sont privilégiés afin de favoriser une qualité de services et une performance durable de l'équipe. Dans cet esprit, l'Institut renforce les liens entre les principaux acteurs de la formation policière au Québec. Il se positionne comme charnière entre la formation de base en techniques policières offerte dans les collèges et les formations données dans les universités sur la base d'un continuum de services.

Pour relever les défis, l'Institut se donne également le mandat d'assurer un rôle de leadership en formation policière, tant par la qualité que par une fonction de vigie de la formation. Cette prédisposition valorise une surveillance attentive et soutenue à l'égard des stimulations émises par l'environnement dans le but d'y répondre le plus rapidement possible.

En 1998-1999, pour concevoir des produits qui répondent aux besoins et pour améliorer la mise en marché de ces services, l'Institut opte stratégiquement pour le renouvellement de sa structure organisationnelle.

Au fil du temps, on constate que l'Institut assume un leadership de plus en plus grandissant et devient un interlocuteur privilégié se taillant une place de choix. Concrètement, cette contribution à l'amélioration des services policiers se traduit notamment par la métamorphose du contexte de formation de la relève policière du Québec avec le lancement d'un programme novateur fondé sur l'approche par compétences. L'approche par compétences met l'accent sur l'identification des compétences requises pour accomplir une activité professionnelle.

Un programme de formation ainsi défini est pensé non plus en fonction de l'acquisition de connaissances, mais plutôt en fonction de leur intégration. L'apprenant doit réaliser l'activité visée par la compétence à acquérir. Il ne suffit plus de faire état de ses connaissances à l'égard de ladite activité, l'apprenant doit démontrer sa capacité à transférer les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être dans l'exercice de la tâche, ce que l'on appelle la trilogie des savoirs.

Le programme de formation de base est réalisé en partenariat avec les collèges de la province qui enseignent les techniques policières et origine d'une analyse de situation de travail du policier-patrouilleur. Celle-ci a permis d'identifier et de valider les tâches du policier-patrouilleur québécois. Les collèges assurent les fondements théoriques et pratiques afin de permettre aux apprenants l'acquisition de connaissances et d'habiletés générales et professionnelles. L'Institut, par la suite, fait un transfert des connaissances en faisant participer les aspirants policiers à différentes activités d'intégration au sein d'un service de police virtuel.

L'expérience et la compétence de l'Institut en matière de pédagogie ont permis de mettre en place une stratégie de formation unique en son genre. En fait, tout le programme de base repose sur l'intégration des aspirants policiers au sein d'un poste de police virtuel. Il s'agit d'un dispositif de formation novateur qui permet aux étudiants d'expérimenter, à travers différentes situations réalistes, ce que vivent les vrais policiers au quotidien.

Le poste de police Nicolet-IPQ fonctionne comme un vrai poste de police avec ses opérations, ses procédures, directives et sa hiérarchie. Les instructeurs sont devenus des superviseurs, comme dans un vrai poste de police. On les appelle des chefs d'équipe ou des coachs. Ils ont comme mission de faciliter l'apprentissage de leurs recrues en leur donnant tout le support nécessaire et en les orientant dans leurs choix d'intervention. Ces chefs d'équipe représentent les différentes organisations policières. Ils travaillent en interdisciplinarité avec des conseillers pédagogiques et juridiques, des psychologues, des spécialistes en tir, en conduite, en conditionnement et intervention physiques et avec les ressources du milieu et de la communauté.

Les assises du programme sont la police communautaire et le processus de résolution de problèmes. En plus de recevoir l'appui de leurs chefs d'équipe et d'exercer leurs compétences à travers les différentes activités policières au poste de police même, les aspirants policiers reçoivent également de la formation plus technique comme le tir, les techniques d'intervention physique, la conduite de véhicules d'urgence et des manoeuvres policières dans le contexte de l'encadrement de manifestations publiques ou d'émeutes. Tous s'entendent pour dire que le travail policier comporte de multiples facettes qui requièrent l'apprentissage de plusieurs compétences.

Face à de nouvelles réalités, les policiers doivent constamment adapter leurs façons de faire, d'agir et revoir leurs méthodes de travail. Selon les besoins liés à l'évolution de la tâche policière, des séminaires de formation s'ajoutent aux autres activités composant le programme. Ils ont pour objet de favoriser la standardisation de certaines techniques d'intervention dans différents domaines, alors: l'informatique, la problématique de l'emploi de la force, les pouvoirs et devoirs en matière d'arrestation, etc.

L'Institut, ne l'oublions pas, accueille, en continuité avec les collèges, 600 étudiants, dont la plupart sont sortis du secondaire avec une moyenne de 80 % et plus, comme nous le disait l'Université de Sherbrooke mardi dernier. Pour toutes ces considérations et pour accéder à la fonction policière au Québec, il faut aujourd'hui obtenir un diplôme d'études collégiales en techniques policières délivré par un des 10 collèges qui offrent le programme, s'inscrire à la procédure d'admission annuelle de l'Institut et, par la suite, réussir le programme de formation d'une durée de 13 semaines, ou détenir une promesse d'embauche d'un service de police du Québec, obtenir une Attestation d'études collégiales en techniques policières d'une durée de 24 semaines et, par la suite, réussir le programme de formation policière de base de l'Institut, qui est toujours de 13 semaines.

L'Institut offre également aux policiers en exercice, aux agents de la paix et à toute personne oeuvrant dans un domaine relié à la sécurité publique des cours de perfectionnement et des programmes de formation spécialisée qui leur permettent d'évoluer au sein de leur profession, d'actualiser leurs connaissances ou d'acquérir de nouvelles compétences. Pour ce faire, l'Institut mise sur des équipes de formateurs multidisciplinaires afin d'offrir une formation de qualité.

La Direction de la formation de l'Institut présente les modules qui correspondent aux six grands produits de formation: la diversité sociale et autochtone; les enquêtes criminelles; la patrouille; la sécurité routière; l'emploi de la force; la police contemporaine, gestion et communication. Les innovations pédagogiques initialement implantées au sein du programme de base ont graduellement gagné plusieurs produits de formation associés au perfectionnement des policiers.

Dans une perspective de formation professionnelle, les pratiques de l'Institut en matière de développement de programmes constituent désormais un véritable avantage concurrentiel. Somme toute, avant de mettre en marché un programme de formation, l'Institut respecte les étapes suivantes: analyse des besoins de formation et analyse de situations de travail.

Alors, pour toutes les fonctions exercées par un policier, on fait des analyses de situations de travail, on définit des buts de formation puis des compétences à développer, on valide ces objets de formation auprès de tables de validation sectorielles composées des organisations policières diverses, on définit des objectifs d'apprentissage et des critères de performance et on élabore un design pédagogique. Alors, c'est un processus méthodique en formation extrêmement important.

La formation universitaire. Alors, j'aimerais dire que, dans cette approche client et approche réseau, nous privilégions la formation universitaire pour les fonctions de travail d'enquêteur, de gestionnaire, et nous travaillons avec les universités depuis bientôt trois ans à mettre sur pied une table réseau. Et, sur l'ensemble des universités francophones québécoises, toutes, majoritairement, ont dit oui à cette table réseau. Il nous reste un partenaire, actuellement, à retravailler pour ramener à la table réseau, mais on pense que cela est du domaine du possible.

(17 h 20)

Alors, avec les universités, nous avons fait des programmes en éthique, des programmes en gestion, des programmes en gestion d'un bureau d'enquête, et nous sommes en train de travailler à l'élaboration d'un baccalauréat en sciences policières ou sécurité publique – il n'est pas encore appelé – pour répondre aux besoins des organisations policières et des individus policiers. Nous travaillons aussi en coopération internationale. Nous avons des visiteurs, et nous allons visiter, et, à chaque fois, nos visiteurs n'en reviennent pas de l'innovation pédagogique de l'Institut de police du Québec.

À l'aube du IIIe millénaire, le devenir de la formation policière spécialisée continue à l'Institut est fortement influencé par les récents ouvrages. À ce jour, nous plaçons au coeur de notre vision le statut d'École nationale, une formation policière de niveau universitaire en matière de gestion, d'enquête et d'éthique, les alliances et les partenariats permettant une approche réseau au regard de la conception des produits de formation, l'innovation et l'implantation de nouvelles approches corporatives, pédagogiques et policières et la déconcentration des activités de formation.

En fait, l'École, c'est un droit au chapitre en matière de formation policière pour tous les intervenants concernés, qui se reflète plus particulièrement dans la composition de son conseil d'administration; c'est la collaboration avec plusieurs partenaires; c'est la commission de formation et de recherche dont le rôle doit être vu comme celui des commissions d'étude qu'on retrouve dans les collèges et les universités et dont les avis contribueront à atteindre le niveau d'enseignement recherché; et c'est l'expertise de ses dirigeants, de ses employés, de ses instructeurs en prêt de services, en plus des policiers en exercice, qui agissent comme personnes-ressources.

En conclusion, la création de l'École nationale, loin de créer un monopole, outille, au contraire, le milieu et officialise ce qui s'est naturellement organisé au fil des ans, c'est-à-dire une étroite collaboration entre les différents partenaires en vue d'offrir une formation de qualité à l'ensemble des policiers du Québec. Elle représente une vision intégrée et ordonnée des activités de formation. L'École nationale de police est un carrefour naturel et un lieu de réseautage privilégié pour l'ensemble des intervenants policiers du Québec.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, Mme la directrice générale de l'Institut de police du Québec. Nous passons aux échanges. M. le ministre.

M. Ménard: J'apprécie que vous soyez restée ici depuis que nous tenons des audiences, et j'imagine que vous auriez bien des commentaires à faire sur certaines des remarques qui ont été passées. Je vais me diriger sur certains points, parce que, en fait, beaucoup de choses ici nous font comprendre le rôle de l'École, et je dirais aussi qu'on a encore vu cet après-midi la nécessité d'avoir un organisme, quelque part au Québec, qui perçoit les besoins de formation policière et qui s'assure qu'ils sont remplis le plus efficacement possible en utilisant les branches du réseau de l'éducation les plus appropriées pour donner cette formation.

Mais je voudrais que vous nous éclairiez sur votre vision du plan de formation personnelle que l'on demande de faire aux directeurs de police et, s'il y a lieu, du rôle du syndicat dans ce plan de formation personnelle puis aussi comment vous le concevez dans un grand corps de police qui a plus de 1 000 policiers.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Alors, sur le plan de formation – ça vient d'apparaître dans le projet de loi – on étudie plusieurs aspects, on essaie de se préparer sur plusieurs aspects. Et je pense que la meilleure façon sera de procéder comme on le fait habituellement, c'est-à-dire de le faire en collaboration et en concertation avec nos partenaires: les organisations policières, et, si les syndicats sont invités à la table, tant mieux.

Mais, au départ, ce plan de formation devrait être rattaché à un plan de développement de carrière dans les organisations policières qui va répondre aux besoins des organisations policières mais qui va répondre aussi aux besoins des individus policiers. Alors, le plan de formation devrait être constitué de façon telle qu'il soit un éclairage pour tout le monde, c'est-à-dire qu'un individu qui veut avoir des promotions, des assignations, des mutations dans son service de police ou dans sa carrière policière devra savoir à quoi se raccrocher. Alors, ça serait ce plan de développement de carrière.

Je peux vous dire qu'actuellement – même quand j'étais au cégep, parce que j'ai été quand même 20 ans dans l'enseignement collégial – une des plus belles conséquences de la formation collégiale, c'est de donner le goût aux finissants de poursuivre avec des études universitaires.

Comme professeur, et maintenant à l'Institut de police, souvent, nous recevons des téléphones de finissants de cégep ou d'institut de police qui nous demandent: Nous autres, là, on veut accéder à des promotions, on veut se professionnaliser puis on veut continuer notre formation, où est-ce qu'on doit aller? Les universités sont en train de développer des formations, dans les écoles de police on développe des formations, des firmes privées développent des formations, etc. Donc, c'était un milieu assez éclaté qui faisait en sorte que l'individu avait beaucoup de difficultés à se retrouver là-dedans. Et je pense qu'on devra travailler ensemble justement au plan de développement de carrière pour que le policier qui veut poursuivre sa formation universitaire se raccroche à un rationnel.

M. Ménard: Maintenant, on a beaucoup parlé avec ceux qui sont venus ce matin de la solidarité policière dans ses excès, dans ses conclusions au silence, et on nous fait valoir, certains, qu'il est inutile d'amender la loi, puisque déjà tout ça est défendu dans les règlements disciplinaires. Pourtant, on constate, encore ces dernières années, que le phénomène est bien présent. Qu'est-ce qu'il faut faire pour effectivement combattre cette solidarité? Parce que je suis convaincu que ce n'est pas le genre de solidarité que vous enseignez.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Non, pas du tout. Écoutez, il y a eu bien des analystes qui se sont penchés sur cette question et qui ont proposé des solutions. Je peux vous dire que donner un encadrement avec des valeurs organisationnelles, c'est un très bon départ. Si je me fie à ce qu'on fait à l'Institut, ce n'est certainement pas d'une solidarité malsaine que l'on veut.

Mais je pense que les aspirants policiers ont un pôle de référence, qui sont les valeurs de l'Institut, et on fournit l'encadrement pour atteindre ces valeurs-là. Et on dit à l'aspirant policier en arrivant à l'Institut que ce n'est pas seulement la direction de l'Institut qui est responsable de ces valeurs-là, mais d'abord et avant tout l'individu. Et je pense que le groupe, entre eux... Et on favorise, avec tout l'apprentissage à l'Institut, la responsabilisation de l'individu dans son groupe. On pense que ça doit d'abord se régler à la première étape. Si ça ne se règle pas là, là, il faut commencer à le dire à son chef d'équipe, et, s'il faut, ça remonte jusqu'à la direction, pour arriver, des fois, à une sanction qui ressemble peut-être à celle des organisations policières. Chez nous, c'est l'expulsion du programme.

Alors, on a eu quelques cas comme ça qui ont dérogé aux valeurs, des valeurs qui sont écrites. Nous, on travaille aussi avec les codes de déontologie, de discipline, on les met dans le guide de l'aspirant policier. On a nos propres valeurs. Et on dit aussi à l'aspirant policier que tout n'est pas écrit, que tout n'est pas nécessairement dans un code. Finalement, les valeurs éthiques, ça relève aussi de l'individu.

Alors, il faut toujours se poser la question: Est-ce que j'agis professionnellement? Et, si on pense que les gens n'agissent pas professionnellement, commençons à le dire. À le dire. Je préfère le mot «dire». On dit: Dire la violence, hein? C'est ce que les affiches sur la violence conjugale... Dire la violence. Alors, disons les actes antiprofessionnels, disons-le entre nous, puis après on verra, s'il faut que ça remonte plus loin, si les «agirs» cessent.

M. Ménard: Ce matin, vous avez entendu les représentations d'une petite municipalité régionale de comté. Dans leur commentaire numéro 3, ils disaient: «Il est selon nous capitale – avec un "e" – que l'École soit à l'écoute des besoins des policiers des municipalités locales. Nous recevons souvent des commentaires des chefs de police qui se plaignent que la formation donnée aux jeunes policiers ne colle pas à la réalité et aux besoins quotidiens d'une force policière municipale – application des règlements municipaux, niveaux et moyens d'intervention, rédaction des rapports d'infraction, etc.» Qu'est-ce que vous en dites?

(17 h 30)

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Écoutez, d'abord, ce n'est pas la première fois que j'entends ça, et, quand on a fait la réforme du programme en techniques policières, on a accordé une attention particulière à ces besoins-là. Alors, peut-être que ces messieurs ne sont pas encore au courant. D'ailleurs, je leur ai donné ma carte pour leur dire que je pourrais aller leur expliquer la formation qu'on donne à leurs policiers.

Mais soyez assuré que la réforme a tenu compte, autant au cégep qu'à l'Institut de police, de l'application de la police communautaire ou des interventions policières dans une petite communauté. Et je peux vous dire que, avec l'approche expérientielle qu'on a à l'Institut de police actuellement, Nicolet, ça doit bien ressembler à Valcourt, et c'est là que nos aspirants policiers interviennent. Et, dans leurs interventions, ils ont des simulations qui sont comparables à celles de n'importe quelle municipalité: alors les gens qui sont dérangés par des bruits, par exemple, et tout ça, ce qu'on appelle en général les règlements municipaux. Mais vous savez qu'on ne peut pas enseigner un code de règlement municipal parce qu'on serait taxé d'en choisir un alors qu'il y en a des centaines. Alors, il faut faire très attention.

Alors, le rôle de l'Institut, c'est d'écouter... le rôle des gens en formation policière est d'essayer de consolider tout ça pour, dans un temps requis de formation, répondre à l'ensemble des besoins des organisations policières, des élus politiques, de la société en général. Mais on a 13 semaines dans une école de police. Heureusement, nous sommes précédés de trois ans dans un cégep ou de 24 semaines, le D.E.C. ou l'A.E.C. Jamais on ne pourrait faire en 13 semaines ce qu'on fait à l'Institut de police si on n'avait pas cette formation préalable à l'entrée à l'Institut de police.

M. Ménard: Je pense que vous avez reçu aussi d'autres commentaires à l'effet contraire de bien des corps policiers. En fait, est-ce que vous ne me disiez pas, à un moment donné, quand je vous ai visités, que beaucoup de directeurs vous disaient que c'était comme s'ils avaient eu six mois d'expérience?

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Oui. Oui, avec la réforme à l'Institut, bien entendu, on sort un policier qui a plus confiance en lui, qui... Parce qu'une des lacunes de l'ancien programme – où on ressemblait à un D.E.C. assez classique et qui se rapproche peut-être davantage de la formation donnée à une université actuellement – les désavantages de cette formation-là, on disait: Les candidats policiers ont beaucoup de connaissances, mais ils ne savent pas les appliquer. Alors, on a écouté ça puis on a fait notre réforme de programmes, autant dans les cégeps qu'à l'École de police, pour faire appliquer, qu'ils soient capables d'intervenir le lendemain, là, quand ils deviennent policiers.

M. Ménard: Une dernière question que je vais poser, parce que je sais que j'ai des collègues qui en ont beaucoup à vous poser, mais on ne peut pas l'éviter, ça, après tout ce qu'on a entendu, particulièrement aujourd'hui: Pouvez-vous nous éclairer sur le degré de formation que doivent recevoir les patrouilleurs en enquête et le degré de formation que doivent recevoir les véritables enquêteurs?

Remarquez, là-dessus, je peux vous diriger un peu. Il y a quelque chose qu'on semble oublier, là, mais je pense que, quand on passe au stade des interrogatoires – mais ça n'est pas le seul aspect, n'est-ce pas, que je veux que vous traitiez – qui sont plus tard admissibles en cour ou pas admissibles, et de la façon de les conduire, des suspects, et à quel moment les faire, et ainsi de suite, on passe à un autre stage que ce qui...

Parce que, de toute façon, tout le monde sait que je ne suis pas partisan – ça, je l'ai dit dès le début – de la vision française de gendarmerie et de police judiciaire où, véritablement, il y a une dichotomie entre les enquêtes et la patrouille, parce que je suis parfaitement conscient que les patrouilleurs doivent avoir des notions d'enquête, de conservation de la preuve, d'intervention en flagrant délit, et ainsi de suite. Mais nous éclairer sur le niveau, là... Quand on parle de la formation qualifiante d'enquêteur, de quoi parle-t-on? Et puis distinguez ça des notions d'enquête que les patrouilleurs doivent avoir.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Bon. Après une analyse, je vous dirais, assez brève – parce qu'on a entendu ça ce matin, puis j'ai quelques instruments ici qui me permettaient d'analyser brièvement, et on pourrait aller un petit peu plus loin, si nécessaire – nous pensons qu'avec le nouveau programme qui a été basé sur une analyse de situation de travail du gendarme-patrouilleur, et, à l'entour de la table, il y avait des policiers de la Sûreté du Québec, du SPCUM et de l'ensemble des autres organisations policières qui sont venus décrire ce qu'ils faisaient, comme patrouilleurs... Et ils initient l'enquête. Ils font un travail préalable d'enquête et on pense que le programme, actuellement, soit au cégep ou à l'Institut de police, est conforme à ces demandes, à ces besoins de patrouilleur-gendarme qui fait de l'enquête, une petite base d'enquête.

Là où on a plus de misère, c'est l'enquêteur parce que: C'est qui, l'enquêteur? Qu'est-ce que ça fait, l'enquêteur? Quand est-ce qu'on est vraiment un enquêteur? Donc, on a fait une analyse de situation de travail de l'enquêteur. C'est tout frais. Alors, on a fait une analyse de situation de travail, et, d'après ce que les policiers-enquêteurs nous ont dit qu'ils faisaient, on a élaboré des compétences pour exercer ce travail-là. Il y en a sept et ça correspond à 405 heures de formation.

Maintenant, par la suite, s'ils veulent aller sur des escouades très spécialisées, comme les agressions sexuelles, le crime financier, l'incendie criminelle aussi, à ce moment-là ça va demander une formation très spécifique par rapport à ce type d'enquête. Mais actuellement les travaux nous indiquent que c'est un programme d'environ 405 heures qui serait nécessaire pour la formation d'un enquêteur. Et, bien entendu, cette formation-là, puisqu'il y a aussi des besoins de formation universitaire qui sont mentionnés, on a commencé à travailler en collaboration avec les universités pour savoir quelle part l'université pouvait donner, quelle part l'École nationale pouvait donner.

M. Ménard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Alors, Mme Gagnon-Gaudreau, bonjour. Monsieur, bonjour.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Bonjour.

M. Côté (Dubuc): J'aimerais revenir sur la formation, sur la question de M. le ministre, mais, moi, ma question va porter sur la formation continue. Dans votre mémoire, vous avez quand même un programme qui m'apparaît idéal en formation continue, sauf que je me dis: Vous avez quand même 600 étudiants. Le cours prend 13 semaines. Comment est-ce que votre formation continue auprès des policiers, vous la faites? Est-ce que vous la faites en région? Est-ce qu'il y a des cours qui sont donnés en région ou si cette formation-là est donnée seulement à l'Institut? Votre clientèle, comment vous allez la solliciter? Est-ce que vous faites des offres de cours de formation? Alors, j'aimerais que vous me donniez un petit peu plus de renseignements sur ça.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Bon. Alors, c'est aussi un travail en collaboration, entre autres, avec l'ADPPQ et quelquefois les syndicats, qui nous indiquent que les policiers ont besoin de tel type de formation. On a un répertoire de cours et de programmes, comme ça se fait dans les cégeps et les universités, qu'on envoie partout dans les organisations policières. Là, les organisations policières peuvent envoyer leurs policiers à l'Institut de police ou encore peuvent nous téléphoner puis demander à ce que la formation soit donnée en déconcentration, dans leur région.

M. Côté (Dubuc): Puis j'imagine qu'il y a des attestations, pour les cours qui sont suivis, qui sont données. J'imagine.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Oui.

M. Côté (Dubuc): Il y a des attestations qui sont délivrées. Ces cours-là, au point de vue formation professionnelle, quel est le budget de l'Institut, le pourcentage – je ne veux pas de chiffres – par rapport à l'ensemble du budget?

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Sur le perfectionnement?

M. Côté (Dubuc): C'est ça.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Écoutez, un chiffre grosso modo, c'est d'environ 2 000 000 $ qu'on retourne en perfectionnement, sauf qu'on peut dire que, sur la subvention qui nous est donnée par les organisations policières, le 1 % de la masse salariale entre autres, il y a 1 000 000 $ environ qui provient de cette subvention-là. L'autre million provient de l'hébergement à l'Institut. Alors, voyez-vous, plus on héberge à l'Institut, plus il y a un retour d'investissement sur la formation.

En plus, actuellement, on développe aussi de la formation pour d'autres clientèles qui veulent la formation: des clientèles, par exemple, du gouvernement ou des ministères, apparentées à l'enquête, par exemple, ou aux agents de la paix. Ces clients-là doivent payer entièrement la formation, puisqu'ils ne sont pas assujettis au 1 % de leur masse salariale. Donc, tous ces revenus sont envoyés en formation de perfectionnement.

M. Côté (Dubuc): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le porte-parole de l'opposition

M. Dupuis: Mme Gagnon-Gaudreau, M. Saint-Antoine, M. Girard, bonjour. Mme Gagnon, je vais commencer en me permettant de féliciter particulièrement M. Girard qui, comme vous le savez, est un ami personnel que j'ai connu dans une ancienne vie et dont je m'aperçois que le titre au sein de votre organisation, c'est directeur du développement de l'organisation, et je suis obligé de constater qu'il a réussi merveilleusement son mandat, puisque le gouvernement a décidé de vous donner un statut qui est extrêmement important dorénavant.

(17 h 40)

Je connais trop la chose politique et les fonctions parlementaires pour ne pas savoir que ce projet de loi va très certainement connaître un heureux dénouement, puisque nos adversaires d'en face – que je respecte, d'autre part – ont la majorité. Alors, je ne me pose pas trop de questions sur l'avenir de l'École de police. Je pense que l'École de police va devenir ce que le ministre veut qu'elle soit, puisqu'il a la majorité. Alors donc, je félicite M. Girard. Vous avez accompli un beau mandat, et je reconnais bien là la personne que j'aie connue dans mon ancienne vie, déterminée jusqu'à la réussite.

Il reste tout de même que vous avez assisté aux différentes présentations qui ont eu lieu devant la commission, particulièrement la semaine dernière, où on a discuté presque exclusivement de formation. Et, moi, j'ai cru qu'il serait important de vous entendre parce que je vous sais trop vigilante pour ne pas avoir entendu le point de vue des universités et des universitaires, le point de vue des gens des cégeps, cet après-midi, qui craignent, dans le fond – je suis persuadé que vous avez compris – que le nouveau statut de l'École fasse en sorte que ce qu'ils ont connu dans le système d'éducation à venir jusqu'à maintenant, c'est-à-dire l'espèce de devoir qu'ils accomplissent de diplomation, leur échappe en ce qui concerne la formation policière.

Moi, je vous dirais, Mme Gagnon, qu'il m'apparaît, à la suite de ce que j'ai entendu, que vous avez, je pense, un certain travail à accomplir auprès de ces institutions-là, qui vont très certainement, j'en suis persuadé, faire des représentations non seulement auprès du ministre de la Sécurité publique, mais très certainement aussi auprès du ministre de l'Éducation. Moi, je ne veux pas juger. Vous savez tout le respect que j'ai pour l'Institut de police. J'ai eu l'occasion d'assister à quelques reprises à des remises de diplômes, j'ai eu l'occasion de discuter avec vous, j'ai eu l'occasion de discuter avec M. Girard. Vous savez tout le respect que j'ai pour l'Institut de police. Et je ne veux pas juger de la pertinence ou non des représentations des universités et des cégeps. Mais il y a là très certainement un questionnement pertinent.

Dans le fond, ce qu'ils disent, ce qu'ils sont venus dire, c'est: Pourquoi l'École de police, celle qu'elle va devenir lorsque le projet de loi sera adopté, pourquoi devrait-elle avoir un statut particulier au Québec? Et, dans le fond, ils ont peur et ils craignent de perdre l'espèce de pouvoir de diplomation – les universités, entre autres, qui l'ont toujours eu – au profit d'une homologation, par l'École de police, de leur diplomation. Vous avez compris ça, je pense, et il m'apparaît que vous avez un travail de persuasion à faire auprès de ces institutions-là. Je suis persuadé que vous allez le faire.

Maintenant, vous vous souviendrez que, la semaine dernière, quand on les entendait et quand je les ai interrogés personnellement, je leur demandais de façon régulière: Au fond, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que vous n'avez aucune objection à ce que l'École de police devienne, soit la porte d'entrée ultime avant d'accéder au métier de policier. Et tout le monde s'est entendu pour dire: Non, on n'a pas d'objection à ça. En ce sens-là, je pense que vous êtes d'accord.

Mais on allait plus loin puis on disait: Dans le fond, ce que vous êtes en train de nous dire – et je vais arriver avec ma question, Mme Gagnon, là, je vous le promets – c'est que vous voudriez que l'école de formation devienne tellement compétente, soit tellement branchée sur les besoins des différents corps de police, sur les exigences du métier de policier, soit donc tellement compétente en relation avec ça que ce soit elle, l'École de police, qui – avouent les cégeps, avouent les universités – passe des commandes, fasse des demandes en formation que vous allez exécuter, vous, les universités ou les cégeps. Avez-vous un problème avec ça, Mme Gagnon? Dans le fond...

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Non, je n'en ai pas, M. Dupuis, parce que l'expérience nous a appris qu'on était capable de faire une excellente collaboration avec les cégeps, qui ont aussi leur autonomie, qui relèvent du ministère de l'Éducation, et tout ça se fait dans le respect des systèmes et c'est notre façon d'aborder les dossiers. Maintenant, il ne faut pas penser que toutes les universités ne sont pas d'accord, hein. Vous savez, je ne me souviens pas du nombre exact, mais au moins huit sur neuf sont d'accord avec la collaboration avec l'Institut de police. On n'est pas là pour s'ingérer dans l'autonomie des universités, ou des cégeps, ou des organisations policières; on est là pour travailler ensemble à créer un nouveau modèle de formation.

Le lendemain, je suis allée à la commission parlementaire sur l'éducation. Le débat se fait aussi là, hein. Est-ce que les universités doivent être au service des entreprises? Bon. C'est un peu ce débat-là qu'on fait en formation professionnelle, comme la formation policière. Moi, je reconnais à l'université de former des penseurs, des ouvertures d'esprit, de comprendre les grands phénomènes sociaux, criminels, etc., mais la police, c'est un métier qui s'apprend. Le policier doit intervenir, il doit être opérationnel le jour où on lui donne un uniforme puis qu'il s'en va patrouiller dans une voiture ou à pied. Moi, je suis criminologue. C'est peut-être la formation la plus collée ou la plus pertinente à la police actuellement. Je n'aurais jamais été capable, en sortant de l'École de criminologie, de devenir policier ou policière.

J'entendais monsieur tantôt. Ce n'est pas des psychologues qu'on embauche, ce n'est pas des comptables qu'on embauche. Dans les entrées latérales, pour aider le policier en fonctions civiles, peut-être que c'est ça dont on a besoin, mais c'est un policier qu'on embauche. Et le policier, pour moi, c'est un métier qui s'apprend, c'est un métier qui a évolué au rythme de la société, de la complexité de la tâche, mais c'est aussi un métier technique, une profession technique.

M. Dupuis: Mais ce n'est pas la seule profession technique. Je pense que ce qu'ils sont venus dire... C'est parce que, nous autres, on a des représentations après, Mme Gagnon. Moi, je ne suis pas contre vous, là, mais je veux être capable, dans mon bureau de comté, quand ils vont m'appeler éventuellement, quand le projet de loi va avancer en commission parlementaire à l'étude article par article... Ils vont nous appeler, ils vont continuer de nous appeler. Ils vont appeler mes collègues. Ils vont appeler mes collègues d'en face. Je veux être capable... Je veux savoir si je peux leur dire: Non, je pense que vous avez mal saisi ce que le gouvernement veut faire avec l'École de police. L'École de police ne cherche pas à s'ingérer dans vos affaires. Elle ne cherche pas non plus à bouleverser... C'est ça qui est important, Mme Gagnon.

Est-ce que je peux leur dire: Bien, non. Mme Gagnon, elle ne demande pas au ministre la permission d'aller bouleverser le système d'éducation au Québec; ce n'est pas ça qu'elle demande. Est-ce que je peux leur dire ça, moi? Est-ce que je peux leur dire que, le lendemain où le projet de loi va être adopté, notre système d'éducation n'aura pas été bouleversé par le statut de l'École de police? C'est ça que je veux savoir, Mme Gagnon, parce qu'on va me poser la question.

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Bon. Moi, je ne vous dirais pas de leur dire qu'on ne les bouleversera pas parce que effectivement on risque de bouleverser des pratiques. Mais on dit, les universitaires l'ont dit: Nous sommes dans une société en changement continu, en évolution constante. C'est bon pour la police, mais c'est bon aussi pour les universités.

Alors, nous, ce qu'on veut faire, c'est répondre aux besoins des organisations policières et des policiers. Puis, eux autres aussi, ils veulent la formation universitaire. Alors, on veut juste collaborer et s'arrimer. Si c'est ça, les bouleverser, bien, oui, on va les bouleverser. Mais c'est certain qu'on va être là pour regarder qu'est-ce qu'ils donnent. On le fait avec... Il y a des universités qui sont capables actuellement d'accepter ces bouleversements-là, c'est-à-dire des changements dans les façons de faire. On en vit, nous, à l'Institut de police; les universités aussi devront en vivre. Alors, dites-leur pas qu'on ne les bouleversera pas parce que ça se peut qu'on en bouleverse.

(17 h 50)

M. Dupuis: O.K. Sur un autre sujet, Mme Gagnon, vous avez entendu les associations de policiers – vous allez encore en entendre demain – dire, au sujet du diplôme de patrouille-gendarmerie: Il ne faut pas séparer les deux, ce que vous avez entendu et ce sur quoi le ministre vous a interrogée tantôt.

Moi, j'aurais tendance à penser que ce que vous avez donné comme réponse tantôt, c'est: Oui, nous, on estime – je parle pour vous, là, puis corrigez-moi si je ne vous fais pas justice – que, dans le diplôme de patrouille-gendarmerie, il va y avoir des notions d'enquête qui vont être enseignées. Quand un patrouilleur va recevoir son diplôme de patrouille-gendarmerie, oui, il va être capable d'initier une enquête et de bien l'initier parce qu'il va avoir reçu des notions.

Moi, je pense que la confusion vient du fait que l'appellation du diplôme, c'est patrouille-gendarmerie puis que là les gens disent: Ah bien! c'est ça, ils vont donner un cours de patrouille-gendarmerie sans aucune notion d'enquête. J'ai compris que ce que les associations policières disent, c'est: Si c'est un diplôme de patrouille-gendarmerie strictement et qu'on ne donne pas de notion d'enquête, ne faites pas ça, vous faites une erreur. C'est ça que j'ai compris qu'ils disaient.

Alors, dans votre esprit – et est-ce que vous allez aviser le ministre dans ce sens-là – est-ce qu'il est clair que, dans le diplôme de patrouille-gendarmerie – puis, si c'est ça, il faudrait le dire pour qu'il n'y ait pas de confusion – il va y avoir des notions de base d'enquête qui vont être enseignées?

Mme Gagnon-Gaudreau (Louise): Alors, oui, on dit la même chose que les syndicats, puisque ça a déjà été introduit comme notions de connaissances, d'habiletés et d'attitudes pour l'enquête initiale, sauf qu'on garde quand même l'appellation. Les syndicats nous disent: Oui, le policier-patrouilleur fait aussi de l'enquête. Si on regarde le policier-patrouilleur, il fait un ensemble de tâches, dont de l'enquête. L'appellation, à mon avis, elle est tout à fait correcte.

C'est quand on va un petit peu plus loin, là on va le définir ensemble. On a commencé à le définir avec les policiers qui effectuent des fonctions d'enquête. Alors, c'est quoi, un enquêteur, là? C'est-u quelqu'un qui est habillé en civil? C'est-u quelqu'un qui a cinq ans d'ancienneté, qui est allé sur des assignations ou des promotions de sergent? C'est tellement varié. Il faut aussi s'attarder à ça puis bien étudier la question.

On a commencé à le faire et on se dit: Quand ça va un petit peu plus loin, ça en prend d'autres, formations. La formation initiale qu'on a donnée ne suffit pas. Et encore plus, quand on donne une formation en compétences, il faut que cette formation soit transférée le plus rapidement possible dans l'intervention, sinon on oublie. Alors, le transfert rapide des notions, c'est très important. Donc, il faut qu'il exerce la fonction pour que la formation soit adéquate et ait des vrais résultats, soit efficace. Et non seulement il faut qu'il l'applique tout de suite, il faut qu'il l'applique fréquemment.

On parlait de concentration de criminels, je pense que c'est M. Cannavino qui disait que, bon, le patrouilleur-gendarme initie l'enquête, mais ce qui fait une distinction, c'est aussi quelqu'un qui s'en va travailler, donc, sur des concentrations de criminels, puis, après ça, il y a les escouades spécialisées en enquête. Donc, les concentrations criminelles, ça vient nous donner un indicateur qu'il y a une fréquence d'interventions en enquêtes, contrairement, peut-être, au policier-patrouilleur qui, d'après toutes les études, 80 % à 90 % de son intervention relève plutôt du psychosocial.

M. Dupuis: O.K. C'est beau.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, il me reste donc, au nom des membres de la commission, à remercier Mme Gagnon, à titre de directrice générale de l'Institut de police, de même que les personnes qui l'accompagnent, pour leur contribution. Merci encore une fois.

Sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain, 9 h 30, toujours sur ce même mandat. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 54)


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