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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 22 mars 2000 - Vol. 36 N° 54

Consultation générale sur le projet de loi n° 99 - Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Roger Bertrand, président
M. Joseph Facal
M. Benoît Pelletier
M. Jacques Côté

Journal des débats


(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je constate que nous avons le quorum. Sur ce, la commission des institutions entreprend et poursuit ses travaux relativement à la consultation générale et aux auditions publiques dans le cadre du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Aucun remplacement. Donc, à l'ordre du jour, nous avons d'abord une rencontre avec M. Gilles Vandal, avec une période d'une heure, suivie d'une deuxième rencontre avec M. Rodrigue Leblanc, et nous ajournons, en principe, à 11 heures. Est-ce que ce projet d'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. Nous allons donc procéder avec notre premier invité. J'ai le plaisir d'inviter M. Vandal. Bon, vous êtes déjà installé. Très bien. Je vous souhaite donc la bienvenue au nom des membres de la commission. Nous avons réservé une période d'une heure pour cette rencontre, donc une vingtaine de minutes – vous connaissez, je pense bien, la formule – pour la présentation proprement dite, et nous passerons ensuite aux échanges. Vous avez la parole.


M. Gilles Vandal

M. Vandal (Gilles): M. le Président, MM. les députés, je vous remercie de me permettre d'exprimer aujourd'hui quelques-unes de mes idées et préoccupations concernant l'avenir du Québec dans le cadre de la présente consultation générale sur le projet de loi n° 99. D'entrée de jeu, il m'apparaît essentiel que tous les partis politiques du Québec appuient le projet de loi n° 99. J'interpelle donc particulièrement, dans mon mémoire, le Parti libéral du Québec pour une simple raison, c'est que c'est le seul parti jusqu'à date qui n'a pas indiqué son intention d'appuyer ce projet de loi là. Et donc dans ce cadre-là, je vais essayer de justifier un peu la démarche que je propose. Je vais le faire dans des termes assez généraux. Je ne lirai pas donc mon mémoire mais faire référence à des éléments qu'on a là.

Les idées que je vais vous exposer aujourd'hui, je les ai déjà exprimées de différentes façons au cours de la dernière année. Et ces idées partent d'un constat de base bien simple. C'est qu'au fond je constate que depuis 30, 35 ans les relations Québec-Canada sont dans une impasse. Au Québec, les différents partis, les différents gouvernements en place ont cherché différentes avenues pour faire débloquer cette impasse-là. Pourquoi il y a impasse? C'est que d'abord on assiste à l'émergence, au fond, au Canada, de deux visions de ce que le Canada devrait être. On est, au fond, confronté à deux nationalismes: le nationalisme canadien, d'une part; le nationalisme québécois, d'autre part. Cependant, l'impasse provient aussi... c'est qu'il n'y a pas consensus au Québec sur la façon de répondre à l'émergence d'un nouveau Canada auquel on a assisté au XXe siècle. Et, comme les partis politiques ne sont pas capables de s'entendre, on a eu... Le mouvement nationaliste québécois, en d'autres mots, a eu deux grands porte-parole, le Parti libéral, et on a eu ensuite l'émergence d'un porte-parole souverainiste avec le Parti québécois. Ces deux partis-là ont proposé des solutions différentes, mais, comme ils n'ont pas été capables de s'entendre, ça a amené régulièrement que, dans la population, on n'a pas été capable de proposer une solution qui aurait fait consensus.

Un autre élément qui crée l'impasse, c'est le fait qu'on assiste entre-temps à la polarisation des opinions publiques au Québec, c'est-à-dire entre les partis politiques, dans le sens que, comme le gouvernement fédéral propose sa vision et comme au Québec on est divisé, on n'est pas capable de prendre une position, on a tendance à radicaliser de part et d'autre la position qu'on veut défendre. Entre-temps cependant, c'est que l'opinion publique au Québec, elle, elle se situe beaucoup plus au centre, entre ces deux projets-là, et chacun des deux partis présente sa solution et on rejoint quelque chose comme 40 % des gens, mais on ne fait pas le plein du consensus. Et cela amène quoi, donc? On assiste depuis une trentaine d'années à des échecs répétés dans la situation. Et avec chacun de ces échecs-là, on assiste aussi à un recul du Québec.

Quand le Parti libéral propose une solution, qu'est-ce qu'on constate en termes pratiques? C'est que, comme cette solution-là ne fonctionne pas, à Ottawa, on retourne comme si rien ne s'était passé. Comme on dit, en anglais, «business as usual». Par contre, quand le Parti québécois propose un référendum et que ce référendum-là n'est pas accepté par la population, chaque fois, à quoi on assiste? C'est qu'il y a un assaut sans précédent du gouvernement fédéral. Rappelons-nous, en 1982, le rapatriement et, présentement, regardons avec ce qui est maintenant la loi C-20 qui a été adoptée à Ottawa.

Donc, dans ce contexte-là, qu'est-ce qu'on voit? C'est que la polarisation à laquelle on assiste au Québec joue au détriment du Québec et ne lui permet pas d'établir le rapport de force dont il a besoin. D'ailleurs, le débat qu'on a entre la loi C-20 et le présent projet de loi révèle assez bien cette polarisation-là et ces deux visions auxquelles on assiste. Donc, dans ce cadre-là, pour moi, il est important que tous les partis politiques appuient le projet de loi n° 99, si ce n'était que pour répondre à la loi C-20.

(9 h 40)

Il y a trois éléments dans la loi C-20, selon moi, et qu'on retrouve à différentes parties dans mon texte, qui sont importants et c'était simplement pour cette raison-là qu'il faudrait rajouter. D'abord, la loi C-20 est inacceptable parce qu'elle nie au peuple québécois le droit de décider seul de son avenir. Et ici il faut bien comprendre. Si on adopte C-20, il y a une première raison: d'abord, c'est suite à la perte du référendum de 1995. À Ottawa, on a jugé à propos de contre-attaquer, ça a été la ligne dure qu'on a adoptée. L'autre élément qui joue ici, c'est que, au Canada anglais, ils ont particulièrement... Puis là je ne veux pas généraliser, je comprends très bien les nuances qu'il peut y avoir en utilisant l'expression «Canada anglais». Mais c'est que, dans le reste du Canada, comme on eu peur de perdre le Canada, on a décidé en ayant le projet de loi et la loi C-20... Donc, c'est de rendre plus difficile le choix que le Québec pourrait faire de son avenir, particulièrement s'il choisissait la souveraineté. Donc, la loi C-20 fait ni plus ni moins la décision de choisir un jour la souveraineté... une course à obstacles pour l'empêcher. L'autre élément qui joue, c'est que la loi C-20 est inacceptable parce qu'elle nie les prérogatives de l'Assemblée nationale. Et déjà, juste pour cette simple raison-là, donc tous les partis devraient appuyer la loi n° 99 pour réaffirmer ces principes-là.

Donc, au fond, avec la loi C-20, le gouvernement fédéral s'arroge le droit de désaveu des lois du Québec et du droit du Québec de décider par lui-même, ce qui était auparavant un droit que le gouvernement fédéral avait mais qui était devenu désuet depuis le début du XXe siècle. Donc, on donne aussi un droit de veto à des députés hors Québec sur le choix que le Québec pourrait faire. Mais ce qui est le plus important, selon moi, encore, la loi C-20, elle cherche à polariser les opinions publiques au Québec, polariser les partis politiques et, dans ce cadre-là, au fond, elle permet au gouvernement fédéral de ne pas respecter, de ne pas remplir les promesses de renouveau du fédéralisme qu'il avait faites en 1995. Donc, dans ce cadre-là, on rend presque impossible toute proposition de réforme. Non seulement donc on ne veut pas permettre au Québec d'accéder à la souveraineté, mais on veut aussi même minimiser, réduire les possibilités que le Québec pourrait avoir de proposer des changements qui pourraient répondre à ses besoins.

Donc, la loi C-20 vise ultimement à confronter les Québécois, à les réduire à un seul choix: choisir soit le Canada tel qu'il est ou la séparation. Ça serait simplement les raisons, c'est par réaction. Mais ce qui est le plus important, je pense que tous les partis politiques devraient appuyer la loi n° 99 pour une raison bien simple. C'est que, selon moi, dans le cadre actuel, le projet de loi n° 99 représente la seule solution, la seule réponse possible à l'action d'Ottawa. Mais ça va plus loin. C'est que ça permettrait aussi, en adoptant cette loi-là, d'adopter ni plus ni moins ce qu'on pourrait appeler un genre de charte démocratique, une façon que le Québec a de fonctionner et la loi n° 99 pourrait très bien devenir, comme en 1975, la Charte des droits, qu'on avait adoptée à l'époque. Mais ici, dans le cadre du fonctionnement démocratique de la société québécoise, la loi n° 99 pourrait avoir une ampleur assez importante. Et dans ce cadre-là, je trouve qu'il est important que tous les partis politiques fassent consensus autour de ce projet de loi là.

Et ce projet de loi est important aussi parce que – la façon que je l'ai compris, que je l'ai lu – il est impartial en... il n'est pas partisan. Au fond, c'est qu'il permet, d'une part, aux Québécois de choisir librement, s'ils le désirent, la souveraineté, mais il va plus loin. Au fond, il permet aussi aux Québécois, s'ils le jugent à propos, de choisir librement de rester dans le Canada. Donc, avec le projet de loi n° 99, qu'est-ce que l'Assemblée nationale, en adoptant ce projet de loi là, ferait? C'est qu'elle réaffirmerait... au fond, elle assurerait aux Québécois que toutes les options sont ouvertes et qu'ils vont pouvoir choisir librement l'option qui leur convient le mieux. Donc, pour moi, le projet de loi n° 99 représente une première étape. Ensuite, dans le rétablissement d'un rapport de force face à la stratégie fédérale, on répond puis on dit: Voici maintenant, c'est nous qui contrôlons les règles du jeu, voici comment nous allons réagir.

La deuxième étape consisterait à exercer ce droit-là. Une fois que l'Assemblée nationale s'est mise d'accord pour le projet de loi n° 99, qu'est-ce qu'on arrive... Les jeux ne sont pas fermés, on n'arrête pas là. Selon moi et dans ma réflexion personnelle au niveau politique de l'avenir du Québec, ce qui a changé beaucoup, c'est que je crois fortement qu'on a assisté à l'émergence d'une nouvelle donne depuis 1998, ce qui n'existait pas avant. C'est que le gouvernement fédéral, après le référendum de 1995, a demandé à la Cour suprême de donner son avis sur le droit du Québec d'accéder à la souveraineté et comment il pourrait le faire. Or, contrairement aux attentes, selon moi, l'avis de la Cour suprême a été positif pour le Québec, elle a ouvert le jeu. Et c'est pour ça d'ailleurs... Quand on regarde pourquoi Ottawa a répliqué avec la loi C-20, c'est qu'au fond l'avis de la Cour suprême ne le satisfaisait pas. Il a voulu durcir la position. Il s'est aperçu que l'avis de la Cour suprême pouvait donner des outils au Québec pour définir plus clairement son avenir. L'avis de la Cour suprême, qu'est-ce qu'il fait? Il a fourni au Québec un élément fondamental pour établir un rapport de force en affirmant que le gouvernement fédéral et le reste du Canada auraient l'obligation de négocier à la suite d'un référendum où le peuple québécois se serait prononcé clairement.

Donc, dans ce cadre-là, l'avis de la Cour suprême donne aux revendications traditionnelles du Québec une force que ces revendications-là n'avaient pas auparavant. Auparavant, quand le Québec exprimait ses revendications, c'était soit le gouvernement ou c'était une résolution de l'Assemblée nationale et on essayait d'aller négocier. Qu'est-ce qui se produit maintenant avec l'avis de la Cour suprême? Elle dit qu'au fond – ça l'était déjà dans la Constitution de 1982, mais ça l'est encore plus fortement – toute province peut initier des demandes, et, si on va en référendum et que ces demandes-là sont appuyées par la population, il y a une obligation morale des autres parties de négocier. Et dans ce cadre-là, ici on a ouvert toute une nouvelle porte qui permet au Québec, s'il veut prendre ce chemin-là, d'aller beaucoup plus loin. Et, si le Québec donc formulait des demandes qui étaient ratifiées par la population, au lieu de s'entre-déchirer entre Québécois, on demanderait au reste du Canada de répondre.

Et je prends simplement un exemple. Prenons, en 1987, si l'accord du lac Meech avait été ratifié par la population, ça serait devenu beaucoup plus difficile pour le reste du Canada ensuite de rejeter l'accord de Meech. Parce que, au fond, ça n'aurait pas été seulement au gouvernement du Québec ou à l'Assemblée nationale qu'on aurait dit non, on se serait retrouvé à dire non aussi au peuple du Québec. Et c'est dans ce cadre-là que ça amènerait donc... Dans le cadre d'un référendum où le Québec présenterait ses demandes traditionnelles et que ce serait appuyé par la population, selon moi, il y aurait des chances de succès beaucoup plus grandes d'une telle opération, parce que le reste du Canada comprendrait véritablement les enjeux. Et donc, avec ça on aurait réellement rétabli un rapport de force. Ce que je dis, c'est que le Québec n'est plus confronté simplement à deux enjeux maintenant s'il choisit cette voie-là, mais il y a trois possibilités. On peut se résigner au statu quo ou on peut dire: La seule solution à l'impasse est la souveraineté. Mais il y a une troisième voie possible qui a été entrouverte, laquelle on pourrait utiliser, et ça serait de présenter donc des offres au reste du Canada à partir des demandes traditionnelles que le Québec a développées au cours des 30, 40 dernières années.

Je suis bien conscient que ce n'est pas tous les partis politiques qui peuvent adhérer à une telle approche. J'en ai fait l'expérience d'ailleurs au cours des derniers mois, quand j'ai essayé de faire avancer cette idée-là au sein du Parti québécois. Mais, en même temps, il en arrive quand même qu'il y a une solution. Il y a une possibilité que je crois qu'on n'a pas, à l'heure actuelle, véritablement explorée, qui permettrait donc de faire débloquer la présente impasse. Et les sondages nous démontrent qu'une telle approche obtiendrait à peu près 70 % des appuis dans la population. Dans les derniers mois, ça a peut-être baissé, là, si je me fie au livre de M. Lisée, mais quand j'avais écrit mon article, en janvier 1999, les sondages que j'avais à l'époque, c'était à 70 %.

(9 h 50)

Donc, en conclusion, et là je retourne où j'interpelle davantage le Parti libéral, c'est que le Parti libéral a entrepris une vaste réflexion qui doit aboutir à une révision de son option constitutionnelle à l'automne 2000. Le Parti libéral est à la croisée des chemins. Les choix qu'il fera seront déterminants non seulement pour son avenir, mais aussi pour celui du Québec. En appuyant le projet de loi n° 99, il indiquerait son intention de s'inscrire en continuité avec son héritage historique. Et, même sur une base très partisane, je dirais, il aurait même avantage à le faire. Bon.

Finalement, permettez-moi de terminer mon exposé avec une proposition. Il s'agira de voir comment on peut la formuler, là. Ma proposition consisterait à ce qu'on ajoute un amendement au projet de loi n° 99, qui ferait en sorte qu'aucun gouvernement ne puisse signer la Constitution canadienne, donner son accord à des modifications importantes à cette dernière ou décider tout autrement de l'avenir politique du Québec sans avoir préalablement consulté le peuple québécois par voie référendaire. Je sais que cette proposition-là a déjà été soumise par d'autres, mais c'est simplement de dire que, pour moi, elle est en conséquence avec tous les propos que j'ai tenus aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Merci, M. Vandal, pour votre présentation. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie, M. Vandal, pour votre participation aux travaux de notre commission. Je salue vraiment votre remarquable contribution à nos travaux. J'ai lu avec beaucoup, beaucoup d'intérêt votre mémoire. Vous dénoncez évidemment C-20 et vous dites appuyer le projet de loi n° 99, tout en notant que le projet de loi n° 99 fait tout ce qu'il peut – et, je crois, réussi largement – pour être impartial, non partisan. Je ne reviens pas là-dessus. Vous appelez aussi, dans un deuxième temps, l'opposition officielle à appuyer le projet de loi n° 99. À cet égard, vous savez que beaucoup de groupes et d'individus sont venus nous suggérer des amendements au projet de loi n° 99. Pour notre part, nous attendons toujours que, sans perdre cet espoir, l'opposition officielle se décide finalement à soumettre des amendements constructifs au projet de loi n° 99. Et finalement vous concluez par une proposition de votre cru pour débloquer l'impasse actuelle dans les rapports entre le Québec et le Canada.

J'aurais quelques questions. Allons, si vous voulez, du particulier vers le général. En ce qui a trait aux amendements au projet de loi n° 99, en effet, vous êtes de ceux qui, à l'instar d'autres personnes, suggèrent d'ajouter un article additionnel qui dirait que tout changement de statut politique ou constitutionnel du Québec, y compris une éventuelle adhésion à la Constitution de 1982, devrait nécessairement faire l'objet d'une consultation par voie référendaire au Québec. Fort bien.

Y a-t-il d'autres suggestions d'amendement à 99 que vous auriez voulu voir ajouter?

M. Vandal (Gilles): Globalement, le texte me semblait répondre, donc je n'en voyais pas de plus précise.

M. Facal: Très bien. O.K. Maintenant, vous dites aussi que théoriquement le Parti libéral du Québec – théoriquement – serait, et je vous suis entièrement, le mieux placé pour porter un projet de renouvellement du fédéralisme. Il est un parti fédéraliste. Et je sais, et je voudrais être bien sûr de ne pas être mal compris, que le député de Chapleau, notamment, est un de ceux qui, avec la meilleure bonne foi du monde, cherchent légitimement une façon de réconcilier les aspirations du Québec et du Canada et je lui en sais gré.

Si on regarde cependant les choses dans une perspective historique, avec davantage de recul, on s'aperçoit, en examinant les positions constitutionnelles successives du Parti libéral du Québec, en partant, disons, du livre beige, en passant ensuite par les positions de M. Bourassa lors de l'épisode Meech, en excluant cette parenthèse que fut le rapport Allaire, en retrouvant ensuite Reconnaissance et interdépendance puis en voyant les dernières propositions en voie d'élaboration, on constate, dans le fond, que ce qui est demandé par l'opposition officielle au reste du Canada est toujours à la baisse.

Comment expliquez-vous cette difficulté qu'ont des gens assurément de bonne foi à trouver quelque chose qui satisfasse à la fois Québécois et Canadiens? Comment l'expliquez-vous? Moi, l'hypothèse que je fais, c'est que le Canada d'aujourd'hui n'est plus le Canada d'il y a 20 ans, 30 ans, 50 ans, que le Canada est en train de changer de nature profonde, qu'en fait, le Canada d'aujourd'hui est un Canada qui est passé à autre chose et qu'il n'y a plus, dans le reste du Canada, une volonté réelle de procéder à une réforme constitutionnelle en profondeur et encore moins sur la base d'une proposition québécoise. On sent comme une mutation dans le Canada d'aujourd'hui qui rend de plus en plus inconciliables les aspirations autonomistes du Québec et la réalité sociologique du reste du Canada. C'est là-dessus que je voudrais vous entendre.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Vandal.

M. Vandal (Gilles): Bon. D'abord, pour expliquer, à mon humble avis, là, les hésitations du Parti libéral, je les comprends très bien dans le sens que, compte tenu des échecs qu'il a eus en 1971 et ensuite quand on regarde avec l'échec de Meech et de Charlottetown, bien, avec raison, il a peur d'un nouvel échec et les conséquences que cet échec-là pourrait avoir.

Cependant, quand on regarde l'histoire, on s'aperçoit aussi qu'il y a eu – et ça a été principalement le Parti libéral qui a été porteur de cette idée-là – dans les années soixante, avec Jean Lesage, on est en train de développer, de mettre en place un fédéralisme asymétrique. Dans les années quatre-vingt, avec un Robert Bourassa et autour de Meech, on cherchait de nouveau à mettre sur pied un fédéralisme asymétrique. Et avec l'avis de la Cour suprême, il n'y a rien qui nous dit... En tout cas, entre le statu quo – et je ne pense pas que le Parti libéral est prêt à se cloisonner complètement dans le statu quo – et les demandes qui pourraient répondre au Québec, il y a quand même... avec l'avis de la Cour suprême, il y aurait une possibilité de rétablir un rapport de force et voire même de faire accepter le reste du Canada. En tout cas, le reste du Canada, à l'heure actuelle, on évite le problème, tandis que, là, en tenant un référendum sur les demandes du Québec, c'est qu'on confronterait le reste du Canada. Il aurait à choisir. À l'heure actuelle, comme je disais tantôt, on fonctionne, après un échec, «business as usual». Donc, on fait comme si rien ne s'était passé. Tandis que, là, on dirait: Le reste du Canada, bien, vous avez le choix, là. Qu'est-ce que vous voulez? Acceptez-vous vraiment que le Québec ait une place particulière dans le Canada qui n'est pas comme... Même s'il y a des variations entre les autres provinces, le Québec est différent. Et là, si le reste du Canada, vraiment, refuse, bien là le Québec saura c'est quoi, les deux véritables choix qu'il a: il reste dans le Canada, il se fond dans le moule canadien ou bien il choisira la souveraineté.

M. Facal: Mais, M. Vandal, ce que vous proposez, dans le fond, c'est ce qu'on appelle traditionnellement le «fédéralisme asymétrique». Mais vous reconnaîtrez avec moi qu'il n'y a pas, dans le Canada d'aujourd'hui, d'héritier spirituel de Pearson. Il n'y a pas d'hommes, de femmes ou de groupes politiques crédibles, significatifs, avec des perspectives de pouvoir qui, dans le reste du Canada, portent l'idée de fédéralisme asymétrique.

(10 heures)

Hier, nous avons eu droit à une présentation du Parti réformiste qui nous a dit que c'était vraiment l'égalité des provinces et qu'il n'en démordrait pas. Quant à M. Chrétien, je ne voudrais pas faire de l'ironie facile, mais trois fois plutôt qu'une il a dit à l'opposition officielle que le magasin était fermé. Alors, qui, dans le reste du Canada, pourrait faire écho à ce genre de proposition si elle venait du Québec? Qui? Je ne vois que des universitaires comme vous, qui disent: Oui, ce serait en théorie une façon de. Mais je ne vois pas d'acteurs politiques prêts à entendre cet appel-là.

M. Vandal (Gilles): Je dirais, d'une part, M. Chrétien n'est pas éternel. Donc, il peut avoir...

M. Facal: Lui le pense.

M. Vandal (Gilles): Et l'autre élément aussi, c'est que, pour voir l'émergence de personnes qui pourraient être d'accord avec une telle approche, il faut aussi que le Québec propose quelque chose. Ce qu'on pratique un peu, je dirais, depuis une dizaine d'années, peu importe les raisons, c'est un peu la chaise vide. On ne propose rien au Canada, donc le Canada n'a pas à répondre, tandis que, si, nous autres, on prenait l'avance puis on disait: Voici c'est quoi, voici les conditions, voici à quelles conditions on est prêt à rester dans le Canada, là, on interpellerait le Canada, on l'obligerait à nous répondre. À l'heure actuelle, je ne vois pas pourquoi des politiciens se lèveraient dans le reste du Canada pour dire: On vous aime bien puis on va vous accorder un statut différent, particulier, ou peu importe.

M. Facal: Mais, M. Vandal, je vous donne un exemple appliqué dans le cas de l'union sociale. Nous avons pris un grand respir et, en tant que gouvernement du Québec, nous avons décidé pleinement, de bonne foi, de jouer le jeu et plusieurs mois d'avance, avant l'issue finale, nous nous sommes joints à un consensus des autres provinces. Nous n'avions pas une position particulière. Nous étions à bord du train. Nous avions la même position que l'Ontario, l'Alberta, à peu près toutes les autres provinces et nous allions loin. Nous allions loin parce que, en nous accrochant à la perspective d'un droit de retrait avec pleine compensation financière, nous reconnaissions aux autres provinces la possibilité, si elles le souhaitent, d'adhérer à une initiative fédérale, et donc presque un peu implicitement et du bout des lèvres nous faisions cause commune avec d'autres provinces qui, elles, reconnaissent une légitimité aux interventions du gouvernement fédéral dans le domaine social et à son pouvoir fédéral de dépenser.

Et pourtant, entre le dimanche où nous quittons Victoria et le mercredi, trois jours plus tard, où M. Chrétien invite les gouvernements des provinces à luncher au 24, Sussex Drive – il faut se méfier des invitations à dîner de M. Chrétien – en trois jours les autres provinces changent leur fusil d'épaule et le Québec se retrouve tout seul. Et, nous, à partir du moment où nous avons joint ce front commun des provinces, nous n'avons pas changé notre position d'un iota. Nous avons fait le pas en avant, et c'est les autres qui sont descendues du train. Alors, quand le Québec fait un pas, qui lui répond dans le reste du Canada?

M. Vandal (Gilles): Ici, l'exemple que vous prenez nous démontre très bien au fond les limites que tout accord administratif ou de lois qu'il pourrait y avoir. Et c'est pour ça que dans la proposition que, moi, j'avance, c'est que c'est le peuple québécois qui doit parler, et il doit parler fort, puis il doit parler par référendum, et faire inscrire dans la Constitution ses demandes. Autrement, on va toujours être... Et je prends, par exemple si Meech avait été adopté, avait été ratifié en 1990, le droit de dépenser. À l'heure actuelle, on assiste à toute une série d'envahissements d'Ottawa, année après année, que ce soit pour les garderies, l'aide à l'enfance, et ainsi de suite, tandis que, si on avait eu Meech, Ottawa, n'ayant plus le droit de dépenser, ne pourrait plus créer de nouveaux programmes. Ça donne un exemple que...

M. Facal: Oui. Je vous suis entièrement sur les limites des ententes administratives, hein. On peut les rouvrir pratiquement selon son bon vouloir, et dans le fond tous les gens qui se font les chantres des ententes administratives en arrivent là parce qu'ils voient bien que la voie constitutionnelle, elle est bloquée. C'est un pis-aller, se rabattre sur les ententes administratives.

Maintenant, vous dites: Pour débloquer l'impasse actuelle, il faudrait un référendum au Québec sur ce qu'on appelle les demandes historiques du Québec. On voit à peu près ce que pourrait contenir ce bouquet de demandes. Vous dites – et je ne m'attends pas à ce que vous approfondissiez cette question – que vous avez vous-même, dont les vues sont bien connues, tenté de faire avancer cette idée au sein d'une formation politique; vous vous êtes heurté à un refus poli de la part de la base.

Est-ce que cela veut dire que, à votre avis, c'est maintenant le Parti libéral qui doit, dans sa prochaine plateforme constitutionnelle, proposer la tenue d'un référendum sur des pouvoirs accrus pour le Québec?

M. Vandal (Gilles): Selon moi, les options sont encore ouvertes. Il n'y a pas juste le Parti libéral. Et là je pousse la... Même, je dirais, le Parti québécois en tant que gouvernement pourrait aussi adopter une position de même. Et il est bien sûr... J'étais l'auteur de la proposition de Sherbrooke. Dans la proposition de Sherbrooke, ce qu'on disait au fond ce n'était pas nécessairement d'aller et de proposer un renouveau du fédéralisme, ça pouvait aussi y aller par points. Il y a tel problème qui se pose, et on peut essayer de le solutionner par voie référendaire. Dans ce cadre-là, donc, le Parti libéral peut faire sien... Et, ce je dis dans mon mémoire, si le Parti libéral faisait sienne cette position-là, il interpellerait le gouvernement et il l'amènerait à se poser de sérieuses questions, en tout cas par rapport à son option, selon moi.

M. Facal: Maintenant, vous dites: Cette proposition-là n'aurait pas qu'à être portée par le Parti libéral, et ici vous renvoyez le Parti québécois à ses devoirs. Parlons-en juste un instant. C'est vous, en février 1999, je crois, qui, le premier, avez articulé cette proposition qui depuis a été reprise par d'autres. Cette proposition a fait l'objet, fait encore l'objet d'un débat public large au Québec, et à cette proposition on oppose toujours une objection forte, et c'est là-dessus que je veux vous entendre.

Bien des gens disent: Oui, mais, si un gouvernement souverainiste, si un parti souverainiste endossait ce genre de proposition, quelle crédibilité aurait-il, puisque, de deux choses l'une, ou bien il renonce à son idéal de souveraineté ou bien il dit: Non, non, je demeure souverainiste, mais, en attendant d'avoir tous les pouvoirs, j'en demande une première série. Ce qui automatiquement ouvre la porte à l'objection indéniable.

Voyons donc! Vous ne voudriez pas que ça fonctionne, vous n'avez aucun intérêt objectif à ce que ça fonctionne. Vous feriez semblant pour créer un ressac. Avouez que c'est une objection forte. La thèse peut sembler séduisante, mais, quand on essaie de l'opérationnaliser et de voir comment ça se passerait, inévitablement on aurait à faire la démonstration qu'on voudrait que ça réussisse et que dans le fond on ne souhaite pas réellement un échec.

Comment, au plan intellectuel, au plan de la cohérence, on se déprend de cette objection qui est forte et qui est celle qui a amené le genre de réponse que vous avez vue?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et ce sera la dernière question du côté des ministériels.

M. Vandal (Gilles): Oui. Ma réponse va consister d'abord dans le plan que j'avais soumis en 1999, qu'on retrouve dans L'Action nationale . Il consistait à dire qu'au fond j'avais prévu cette objection-là, et j'avais ni plus ni moins deux réponses. Dans un premier temps, je disais que, si le gouvernement adoptait cette approche-là, il devait s'engager de bonne foi à dire qu'il mettait en veilleuse son option. C'est pour ça que dans ma conclusion je disais que c'était très difficile à faire avaler par les militants du Parti québécois, mais de dire qu'il s'engageait de bonne foi, et que, si on avait une réponse positive à nos demandes, bien là au fond à toutes fins pratiques on renoncerait à ce qu'on appelle la souveraineté classique.

(10 h 10)

L'autre élément que je disais pour s'assurer de cette bonne foi là, je reprenais le scénario de 1995 où il y aurait eu une commission indépendante de surveillance pour s'assurer qu'on négocie de bonne foi, que ce n'est pas une attrape qu'on fait face au reste du Canada, qu'on veut avoir simplement un refus, puis si ça ne marche pas, pour tout de suite retourner. C'était les deux réponses.

L'autre élément qu'il y a cependant, pour moi, c'est que, dans la polarisation à laquelle on assiste au Québec, les termes souvent deviennent porteurs beaucoup plus que qu'est-ce qu'ils sont. On polarise autour de souveraineté et de fédéralisme renouvelé et on oublie qu'au fond le Québec dans le Canada est en partie souverain. Quand on fonctionne...

J'écoutais M. Bouchard qui disait qu'il se satisferait très bien du modèle européen. Bien, dans le modèle européen, au fond les pays européens renoncent à une partie de souveraineté. Et, moi, j'avais été très surpris d'ailleurs, même le Canada face aux États-Unis, en 1962, lors de la crise des missiles, on assiste militairement. On apprend après coup que les Forces armées canadiennes sont mises dans un état d'alerte sans que le premier ministre du Canada soit au courant, seulement le chef d'état-major et le ministre de la Défense. Ça montre que même la souveraineté d'un pays comme le Canada avait ses limites. Donc, pour moi, la souveraineté totale, elle n'existe pas complètement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Vandal. J'ai trouvé votre présentation très intéressante. Je dois dire que d'abord vous interpellez le Parti libéral du Québec. Votre mémoire est essentiellement, je dirais, orienté sur une interpellation du Parti libéral du Québec. Et je pense que c'est très intéressant. Je pense que ça nourrit le débat non seulement au sein du parti, mais aussi dans l'ensemble de l'opinion publique – et je le pense sincèrement.

Par ailleurs, je constate que les idées que vous avez émises il y a un an ont beaucoup progressé, ont beaucoup évolué et font maintenant pleinement partie, elles aussi, du débat public. Bien entendu tout ça a été nourri par la récente publication du livre de M. Lisée. Mais vous avez vous-même contribué au débat depuis un an, et aujourd'hui les idées que vous avez à un moment donné, donc, avancées se trouvent à être en tout cas largement discutées dans certains secteurs de la vie sociale, dans certains secteurs de la vie publique. Et pour ça je vous en félicite puis je vous félicite pour votre ténacité, par ailleurs.

Je dois vous dire d'emblée que vous faites allusion dans votre mémoire à la tradition autonomiste du Parti libéral du Québec. J'en suis tout à fait conscient, de cette tradition-là. C'est à cause de cette tradition-là que j'ai joint le Parti libéral du Québec. C'est à cause de cette tradition-là que j'ai décidé d'être député à l'Assemblée nationale du Québec. Et je dois vous dire que nous entendons défendre la tradition autonomiste du PLQ au cours des prochains mois, des prochaines années. Nous entendons le faire fermement, nous entendons le faire clairement.

Déjà, nous avons annoncé un certain nombre de points de vue en ce qui nous concerne. Mais c'est la première étape de tout un processus qui, je pense, va rassurer ceux qui s'inquiéteraient du fait que le PLQ ne partage plus la tradition autonomiste qui l'a longtemps caractérisé. Cela est faux. Cela est une erreur. Au contraire, vous allez voir qu'on s'inscrit toujours dans cette même grande tradition de défense des intérêts des Québécois et des Québécoises et finalement de défense des intérêts du Québec dans un contexte de relations fédérales-provinciales.

Je vous dirai par ailleurs que je n'ai pas l'intention de revenir sur chacune des affirmations qu'a faites M. le ministre. Mais il y en a une sur laquelle cependant je veux à tout prix revenir, c'est lorsque M. le ministre dit que le Canada a changé depuis 30, 40 ans. C'est vrai que le Canada a changé mais dans un sens qui, dans le fond, est maintenant plutôt favorable au Québec, puisqu'on se rend compte qu'il y a un nombre croissant de provinces qui elles aussi sont autonomistes, qui elles aussi veulent voir leurs pouvoirs être mieux reconnus, respectés, être accrus même dans le contexte fédératif canadien. Je pense à l'Ontario, je pense à la Colombie-Britannique bien entendu, je pense à l'Alberta, qui sont maintenant des provinces qui s'affirment de plus en plus dans le contexte canadien. Je pense même à des provinces qui en soi ont une influence régionale manifeste, je pense au Nouveau-Brunswick, au niveau de l'Atlantique. Je pense à des provinces qui veulent se doter de leur propre régime fiscal comme l'a fait le Québec il y a plusieurs années: l'Ontario, l'Alberta, l'Île-du-Prince-Édouard, et j'en passe.

Donc, nous, nous décrivons cela comme étant un nouveau phénomène d'interprovincialisme, peu importe, on pourrait utiliser une autre expression dans la mesure où ça rejoint l'idée que de plus en plus les provinces s'affirment dans le contexte canadien, ont des préoccupations communes avec le Québec. Et il y a des points de convergence entre les intérêts du Québec et ceux d'un grand nombre de provinces canadiennes, et tout cela va amener et amène déjà une nouvelle dynamique dans le contexte fédératif canadien. Et, si justement le Canada a changé depuis 30 ou 40 ans – et tout régime change bien entendu, toute société évolue – ce que j'admets d'emblée, je pense que l'interprovincialisme qui émerge en est justement l'une des plus éloquentes manifestations, une des plus éloquentes illustrations.

Cela étant dit et pour mieux comprendre le sens de votre démarche et pour mieux comprendre l'esprit qui domine votre réflexion, je vais vous poser la question suivante. D'abord, vous me permettrez de faire une allusion à M. Lisée et par la suite, donc, ramener ça à votre cas personnel ou à votre situation personnelle. Si j'ai bien compris M. Lisée... D'abord, M. Lisée se dit encore souverainiste publiquement, j'imagine qu'il le fait aussi privément, je ne peux pas le constater, puisque je ne fais pas partie de son cercle privé. M. Lisée, donc, se dit encore souverainiste, propose une démarche où il y aurait un référendum avec une offre quelconque au reste du Canada, espère d'avance que le reste du Canada dise non, espère que cela provoque un ressac, comme le disait M. le ministre tout à l'heure, et qu'en conséquence ce ressac-là nourrisse le sentiment nationaliste au Québec et finalement alimente, donc, les possibilités qu'un oui gagne lors d'un référendum portant sur une question, disons, claire pour une fois. Je voulais savoir si vous vous situez exactement dans le même esprit.

Parce que, si... Et c'est pour ça que je veux que vous vous sentiez bien à l'aise. Je n'ai jamais posé de questions sur les options personnelles des individus, ici, en commission, mais, pour comprendre l'esprit de votre démarche, est-ce que c'est le même esprit que celui de M. Lisée ou si vraiment vous êtes fédéraliste et vous êtes prêt finalement à endosser l'idée de la réforme du fédéralisme canadien?

M. Vandal (Gilles): Ma réponse consisterait plus à dire: Je suis d'abord un nationaliste québécois. Et là je vais expliquer ensuite. C'est que ce qui me préoccupe d'abord, ce que je constate, c'est que dans les 30 dernières années, on a reculé suite à chacun de nos échecs. Et, comme on n'a pas de solution pour régler l'impasse, on va continuer à reculer. Et, moi, où je suis très sensible, c'est pour ça que je suis nouveau dans le débat public, c'est parce que, ma spécialité, je suis en histoire américaine et plus particulièrement en histoire de la Louisiane, et j'ai vu dans mes études du XIXe siècle la disparition d'une communauté, graduellement. Et dans ce cadre-là je considère qu'au Québec, comme nationalistes, on a des valeurs à protéger qui sont fondamentales.

(10 h 20)

Et, dans ma démarche, moi, quand j'ai écrit le texte l'an dernier, et encore aujourd'hui, c'est de dire – je me situerais un peu comme dans le pari de Pascal: je suis prêt à faire... jouons franchement le jeu. Si ça marche et qu'on est capable d'obtenir au sein du Canada une réponse qui est satisfaisante, qui répond à nos besoins, bien on va cesser de se chicaner entre fédéralistes et nationalistes; au fond, le Québec va avoir obtenu ce dont il a besoin. Mais, si on n'est pas capable d'avoir une réponse positive, bien là il va rester toujours comme garantie, comme police d'assurance de dire: Bien, on va confronter les Québécois à l'autre possibilité: Est-ce que vous êtes prêts, dans ce cadre-là, à la souveraineté?

C'est pour ça que je ne veux pas me mettre une étiquette. J'ai déjà été très souverainiste. J'avais quitté le Parti québécois au milieu des années quatre-vingt quand il y a eu l'affirmation nationale. J'ai rejoint le Parti québécois lorsque M. Parizeau est revenu. C'est peut-être avec l'âge, la réflexion. Au fond, aujourd'hui j'en arrive avec le constat de l'impasse qu'on a, mais il faut avoir assez d'ouverture d'esprit pour essayer de dénouer cette impasse-là. Et c'est cette approche-là que j'ai.

M. Pelletier (Chapleau): Quand vous dites que le Québec pourrait, en tout cas, tenter d'obtenir ce dont il a besoin dans le contexte fédératif canadien, vous êtes prêt à tenter cela de bonne foi, tenter d'obtenir cela de bonne foi. Pourriez-vous nous dire selon vous – en gros ou en détail, peu importe, là – de quoi le Québec aurait besoin justement?

M. Vandal (Gilles): Bien, d'abord, il y a la reconnaissance de sa spécificité. Mais, si je regarde globalement, ce qu'on avait, le consensus du la commission Bélanger-Campeau selon moi répondait globalement aux demandes du Québec. Il est évident que depuis 10 ans le contexte a pu changer. Et c'est pour ça que dans ma proposition, dans mon plan de 1999, je proposais justement, avant la tenue d'un référendum, la tenue d'une telle commission qui aurait comme mandat, donc, de réviser les demandes du Québec et qui essaierait de créer un nouveau consensus. Ça ne serait pas seulement un parti politique qui dit: Voici c'est quoi, nos demandes, mais ça serait plus encore l'émergence d'un consensus québécois autour duquel les Québécois se rallient, et à partir de là on fait un référendum.

M. Pelletier (Chapleau): O.K. Mais donc vous avez identifié la reconnaissance de la spécificité du Québec. Est-ce qu'il y a autre chose qui vous vient à l'esprit, là, a priori?

M. Vandal (Gilles): Bien, il y a toute une série de pouvoirs, parce qu'à l'heure actuelle on s'aperçoit d'un... C'est pour ça, là, que, moi, je ne trouve pas que c'est mon devoir de tout énumérer, mais je regarde simplement le dédoublement qui survient dans toute une série de choses, au niveau de l'agriculture, au niveau de – juste comme je parlais, là – la petite enfance, et ainsi de suite. Et on ne sait toujours pas... Je regarde au niveau de l'université comment on est divisé encore. On a les nouveaux projets, les bourses du millénaire, ainsi de suite, d'Ottawa qui viennent empiéter et qui empêchent au fond le Québec... ça amène le Québec à réagir à des projets d'Ottawa au lieu de développer des politiques cohérentes.

M. Pelletier (Chapleau): C'est ça, donc meilleure clarification des rôles et responsabilités, et probablement limitation de pouvoir fédéral de dépenser aussi, j'imagine.

M. Vandal (Gilles): Je suis conscient, selon tel parti politique, bien, que, les demandes, on va les mettre plus basses, si c'est tel autre parti politique, on va mettre les demandes beaucoup plus hautes, et c'est dans ce cadre-là que, moi, je proposais plus qu'un grand débat public défini dans le cadre d'aujourd'hui quand on parle de mondialisation, de la nouvelle réalité, parce que, en 1990 encore, on n'était pas dans la situation où le Québec exportait plus aux États-Unis qu'il exportait dans le reste du Canada. La donne a changé. Et là il y a peut-être des ajustements à faire. En 1995 encore, on ne parlait pas de la possibilité qu'à un moment donné le Québec ou même le Québec indépendant ait le dollar américain ou que le Canada adopte d'ici une vingtaine d'années le dollar américain. On s'aperçoit qu'il y a des changements de conjoncture qui pourraient amener que ces demandes-là pourraient être révisées. Et c'est pour ça que, moi, le modèle que j'avais, c'était Bélanger-Campeau.

M. Pelletier (Chapleau): O.K. Bien, merci beaucoup de votre contribution, monsieur.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, j'aimerais donc, M. Vandal, au nom des membres de la commission, vous remercier de votre contribution à nos travaux. Nous allons passer sans plus attendre à notre deuxième invité, M. Rodrigue Leblanc. Je l'inviterais à bien vouloir s'avancer et à se préparer pour sa présentation.

J'en profite pour rappeler que la présente commission est réunie afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques dans le cadre du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

M. Leblanc, je rappelle que nous avons prévu une période de 30 minutes pour la présente rencontre, donc une dizaine de minutes réservées pour l'exposé de votre mémoire ou de votre point de vue, et par la suite nous passerons aux échanges. Vous avez la parole.


M. Rodrigue Leblanc

M. Leblanc (Rodrigue); M. le Président, mesdames, messieurs. Enfin le gouvernement du Québec passe à l'action pour contrer les nombreuses manoeuvres d'Ottawa pour restreindre les pouvoirs du Québec et de son Assemblée nationale, dont la principale fut le rapatriement unilatéral, en 1982, de la Constitution canadienne amendée sans son consentement.

Le projet de loi n° 99, jusqu'à son adoption finale, est plus important que la commission Bélanger-Campeau, puisqu'il réhabilite le Québec et définit sans équivoque sa véritable identité, soit celle d'un État doté d'une Assemblée nationale au pouvoir inviolable. Il ne s'agit pas pour autant d'une déclaration unilatérale d'indépendance, puisque le Québec ne rompt d'aucune façon ses liens constitutionnels de 1867 d'avec les autres composantes canadiennes. Autrement dit, il s'agit plutôt de la souveraineté du Québec sans rupture d'avec le reste du Canada, option que nous avons proposée à Bélanger-Campeau et lors des audiences au référendum de 1995 de même que dans de nombreuses lettres ouvertes, publiées pour la plupart.

Une fois cette loi adoptée, la bataille pour le Québec ne sera pas finie pour autant, puisque plusieurs personnes et organismes la contesteront aussitôt devant les tribunaux jusqu'à la Cour suprême. Pour éviter un affrontement sans précédent entre le gouvernement du Québec et cette haute instance canadienne dans l'éventualité qu'elle répudierait cette loi, le gouvernement du Québec doit sans hésiter avoir recours à la clause «nonobstant» pour protéger son projet de loi durant le processus de son adoption et une fois promulgué.

Prétendre que politiquement ça ne serait pas rentable, c'est faux, et la population comprendra que pour le gouvernement il est préférable de consacrer ces argents que coûteraient ces longues batailles juridiques aux soins de santé. De plus, l'utilisation de la clause «nonobstant» n'est pas une acceptation pour le Québec de la Constitution rapatriée et amendée, sans son consentement, de 1982 mais la seule façon dans les circonstances de s'en soustraire.

Il n'en demeure pas moins que le gouvernement fédéral va tout mettre en oeuvre pour faire avorter le présent projet de loi, y compris le retrait de sa propre loi sur la clarté, ce qui n'a pas été fait, ou encore utiliser son pouvoir de désaveu, qu'on dit désuet, d'une loi provinciale que lui confère l'acte confédératif de 1867. Rien de tout cela ne devrait faire reculer le gouvernement du Québec. Il se doit de mener à terme cet historique et sans précédent projet de loi qu'aucun gouvernement qui lui succédera n'osera toucher.

Une fois que cette loi, ultime et constitutionnelle en quelque sorte, aura été adoptée, bien des choses changeront au Québec et au Canada. Le Parti québécois aura à revoir son option, puisque le partenariat économique et politique qu'il souhaite avec le reste du Canada sera chose faite. S'il n'en demeure pas satisfait ou qu'il ne peut l'améliorer, il n'aura qu'à prôner, comme Duplessis l'avait évoqué, la sortie du Québec de la Confédération canadienne.

Pour l'Action démocratique, ce projet de loi cadre bien avec son programme et le rapport Allaire. Pour le Parti libéral du Québec, son opposition au projet de loi risque à plus ou moins long terme de le faire disparaître de l'échiquier politique québécois. Pour les autres membres de la Confédération, ils n'auront d'autre choix que de s'accommoder de la position du Québec et à plus long terme l'imiteront peut-être, comme ils le font après 60 ans pour se doter de leur propre impôt sur le revenu. Pour les médias, il faudra bien qu'ils s'habituent à ne plus employer le vocable «province» en parlant du Québec.

(10 h 30)

Cette loi ne suffira pas pour contrer les intrusions du gouvernement fédéral dans les juridictions et compétences du Québec, qui ne visent, c'est bien connu, qu'à affaiblir ce dernier et à renforcer le pouvoir fédéral. Pour se prémunir contre les assauts, nous recommandions au premier ministre Bouchard, le 26 février dernier, de créer un programme national universel de sécurité du revenu englobant l'honteux programme de bien-être social et d'en confier l'administration au ministère du Revenu, qui est le mieux placé pour répartir équitablement les revenus entre citoyens. Ainsi, en faisant son rapport d'impôts, le citoyen québécois fera état de tous ses revenus, y compris ceux provenant des largesses du fédéral. Il réalisera alors que c'est le Québec qui est responsable des politiques sociales et non le fédéral, d'où l'importance de mettre sur pied ce programme le plus tôt possible avant qu'Ottawa en prenne l'initiative.

Noir sur blanc, je pourrais vous faire la démonstration d'être à l'origine de cette troisième voie, soit la souveraineté du Québec sans rupture d'avec le reste du Canada auquel il appartient de plein droit, qui trouve sa concrétisation dans la loi n° 99 du gouvernement du Québec. En effet, la loi n° 99, que René Lévesque aurait dû proclamer en 1982 suite à la «nuit des longs couteaux», ou Robert Bourassa après la mort de Meech, révèle par décret la véritable identité du Québec, soit celle d'un État souverain confédéré, c'est-à-dire sans rupture d'avec le reste du Canada de 1867, et non celui de 1982 auquel il n'a pas adhéré.

Beaucoup de Québécois, tant souverainistes que fédéralistes, y compris nombreux commentateurs politiques, n'ont pas encore compris que, si le Québec devait quitter la Confédération canadienne un jour, il ne ferait que s'assumer complètement en tant qu'État indépendant, puisqu'il aurait mis fin au partage de sa souveraineté de toujours avec le gouvernement central. Il ne s'agirait pas de la création de toute pièce d'un nouvel État, comme ce fut le cas pour Israël, par exemple.

De plus, nos dirigeants oublient que c'est depuis la Constitution imposée de 1982 que le Québec n'est plus libre de sa destinée, puisque, ayant perdu son droit de veto à ce moment-là, il dépend depuis ce temps de six provinces anglophones représentant 50 % de la population canadienne. C'est pour cette raison principalement et non uniquement à cause de la loi sur la clarté référendaire que l'Assemblée nationale du Québec, par sa loi n° 99, pourra ne pas tenir compte de tout jugement de la Cour suprême limitant les juridictions et pouvoirs du Québec.

Enfin, ce qui suit est fondamental, quoique non perçu par aucun éditorialiste, si compétent soit-il. C'est dans le contexte de 1982 que la loi n° 99 doit être proclamée sans référendum ni même sans l'unanimité de l'Assemblée nationale, quoique souhaitable, tout comme l'ont fait les provinces anglophones et le fédéral lors du rapatriement de la Constitution canadienne et son amendement en 1982, sans le consentement et la signature du Québec. Ce dernier ne pourra se libérer de ce piège mortel qu'à armes égales. J'irais même plus loin en disant que le Québec, grâce à sa loi n° 99, rétablit la dualité canadienne non pas des deux peuples fondateurs, mais de l'État du Québec et du reste du Canada. Douce revanche à la «nuit des longs couteaux».

Souverainistes, fédéralistes, nationalistes, rangez vos armes, car c'est mission accomplie. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Leblanc, pour votre présentation. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. Leblanc. Je vous remercie pour votre participation à nos travaux. Je note que vous êtes favorable au projet de loi n° 99, opposé au projet de loi C-20 et je m'en réjouis.

Un simple commentaire. Vous proposez que le gouvernement du Québec invoque la clause «nonobstant» pour mettre le projet de loi n° 99 à l'abri d'une éventuelle contestation par le gouvernement fédéral. À moins que je ne me trompe, la chose ne m'apparait pas possible. La clause «nonobstant», qui est, si je me rappelle bien, l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982, permet en effet de soustraire une législation à certaines dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés mais seulement les dispositions concernant principalement, je résume, les libertés fondamentales de conscience, de réunion ainsi que les principes, par exemple, de l'égalité des droits devant la loi. Je ne pense pas que la clause «nonobstant» pourrait être invoquée pour mettre à l'abri d'une contestation une loi portant sur les droits collectifs d'un peuple et sur la réaffirmation des prérogatives d'un État. Je ne crois pas qu'une telle chose soit envisageable. Je vous remercie tout de même pour votre contribution. Je crois, M. le Président, que mes collègues ont des questions vraiment plus précises, eux, à poser.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Alors, bonjour, M. Leblanc. Merci pour votre mémoire. Vous portez quand même un jugement sévère sur le Parti libéral du Québec en disant que son opposition au projet de loi risque à plus ou moins long terme de le faire disparaître de l'échiquier provincial. J'aimerais que vous me parliez de l'unanimité de tous les partis politiques à ce projet de loi. Est-ce que vous considérez cette unanimité comme essentielle, importante, nécessaire, ou si vous la considérez quand même plus ou moins...

M. Leblanc (Rodrigue): Oui, l'unanimité est toujours essentielle au gouvernement du Québec. Mais malheureusement le Parti libéral ne l'a pas compris, et c'est lui qui va en payer le prix un jour parce que la population du Québec va comprendre qu'il n'y a plus de place dans la Parti libéral pour l'aile nationaliste québécoise. Mais, lorsque je faisais allusion à 1982, n'oubliez pas qu'en 1982 l'unanimité de tous les partis n'était pas là lorsque le gouvernement fédéral a rapatrié la Constitution. Alors, aujourd'hui, pour régler ce fameux problème de 1982, l'unanimité de l'Assemblée nationale n'est pas nécessaire mais souhaitable. Et, si quelqu'un va en payer le prix, ça va être justement le Parti libéral du Québec.

M. Côté (Dubuc): Merci. Ça va, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Pas d'autres questions. Alors, nous passons au porte-parole de l'opposition officielle.

M. Pelletier (Chapleau): Bonjour, monsieur. Je vous remercie de l'intérêt que vous portez pour l'avenir du Parti libéral du Québec. Je m'en réjouis. Je partage évidemment la même préoccupation. Moi aussi, je suis très, je dirais, soucieux de faire en sorte que le Parti libéral du Québec ait une longue existence. Il faut quand même se souvenir que c'est le seul parti politique qui a traversé le XXe siècle au Québec, et je persiste à croire que c'est le seul qui traversera le XXIe.

Mais cela étant dit j'aimerais vous entendre sur la question de la clause «nonobstant». J'ai, comme M. le ministre, peine à comprendre quel pourrait être l'impact de la clause «nonobstant» ou l'utilité de la clause «nonobstant» dans le contexte du projet de loi n° 99. Évidement, ce dont il s'agit ici, c'est d'affirmation politique, d'affirmation en fin de compte des pouvoirs, des prérogatives des Québécois et Québécoises, de l'Assemblée nationale, du gouvernement du Québec. En quoi est-ce que la clause «nonobstant» pourrait vraiment être utile, enfin vraiment être nécessaire dans le contexte du projet de loi n° 99?

M. Leblanc (Rodrigue): Vous avez des gens qui ont présenté un mémoire ici puis qui ont dit qu'ils porteraient aussitôt la cause devant un tribunal du Québec, la Cour supérieure, je suppose. Et vous savez très bien que les avocats, les procureurs de ces personnes ou organismes vont prendre tous les moyens, utiliser tous les moyens pour passer cette première étape, et je suis convaincu qu'ils vont invoquer justement ces prérogatives de la Charte canadienne des droits, qui donnent à tout le monde cette possibilité de faire partie du Canada, par exemple. Et je pense qu'un juge de la Cour supérieure pourrait fort bien donner son aval à cela. Et ça va aboutir automatiquement à la Cour suprême.

(10 h 40)

Ça ne veut pas dire que ça passerait, mais ce sont de longues procédures que le gouvernement du Québec pourrait éviter en évoquant la clause «nonobstant», non pas comme un appui à la Constitution de 1982, mais la seule façon dans les circonstances de s'en soustraire.

M. Pelletier (Chapleau): Mais diriez-vous que le projet de loi n° 99 va à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés?

M. Leblanc (Rodrigue): Peut-être pas à l'encontre de la Charte comme telle parce que le Québec est très démocratique, mais il répond à la bavure de 1982. Il dit: Dorénavant, c'est fini, l'Assemblée nationale du Québec ne verra pas ses pouvoirs restreints par un autre Parlement. Ça suppose le gouvernement du Canada. Et qui défend le gouvernement du Canada? C'est la Cour suprême du Canada. Alors, vous voyez tout de suite un problème, une confrontation majeure. Mais le Québec a le droit de répondre au rapatriement unilatéral de 1982 de façon unilatérale, comme eux l'ont fait en 1982, et de mettre le Canada, le fédéral et la Cour suprême à leur place.

M. Pelletier (Chapleau): O.K. Alors, si je comprends bien, ce serait une espèce d'affirmation qui serait faite. La clause «nonobstant» deviendrait une réaffirmation du fait que le Québec ne souscrit pas à la Loi constitutionnelle de 1982.

M. Leblanc (Rodrigue): Puis ça pourrait permettre une confrontation moins grande.

M. Pelletier (Chapleau): Moins grande. O.K. Si je vous pose la question, c'est parce que j'ai une autre préoccupation, qui est la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Vous savez que très souvent, lorsque la Cour suprême rend des décisions, elle rend des décisions à la fois sur la base de la Charte canadienne de 1982 et, lorsqu'elle est invoquée – et elle l'est souvent, elle l'est de plus en plus – sur la base de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Alors, j'imagine que vous proposez que là aussi il y ait l'utilisation de la clause «nonobstant», qui est prévue à l'article 52 de la Charte du Québec, pour éviter que la Cour suprême ne déclare invalides les dispositions du projet de loi n° 99 eu égard à la Charte des droits et libertés de la personne de 1975-1976.

M. Leblanc (Rodrigue): Mais la loi n° 99 ne brime pas les droits des Québécois. C'est simplement par des subtilités juridiques qu'on pourrait invoquer qu'elle brime des droits. Je n'ai pas peur du tout que... Cette loi n° 99 est très démocratique et affirme les droits les plus fondamentaux du peuple du Québec. Je n'ai pas peur de ça du tout, qu'elle contrevienne à la Charte du Québec.

M. Pelletier (Chapleau): Bon, à ce moment-là, pourquoi invoquer la clause «nonobstant»?

M. Leblanc (Rodrigue): Je l'ai dit tantôt, c'est tout simplement pour éviter une longue guerre juridique avec Ottawa. Et, les juges étant ce qu'ils sont, un juge de la Cour supérieure, demain matin ou bien dans trois mois d'ici, pourrait dire: D'accord, elle viole la Charte. Et là ça irait jusqu'à la Cour suprême.

M. Pelletier (Chapleau): O.K. Alors, écoutez, M. le Président, je vous remercie. Merci, monsieur.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien, M. le porte-parole de l'opposition officielle. M. Leblanc, je vous remercie au nom des membres de la commission pour votre contribution à nos travaux.

M. Leblanc (Rodrigue): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, la commission des institutions ayant complété son ordre du jour quant aux audiences sur ce projet de loi n° 99, j'ajourne les travaux à demain, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 10 h 44)


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