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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 28 mars 2000 - Vol. 36 N° 56

Consultation générale sur le projet de loi n° 99 - Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Roger Bertrand, président
M. Henri-François Gautrin, vice-président
M. Joseph Facal
M. Michel Morin
M. Marc Boulianne
M. Benoît Pelletier
M. Jacques Côté
M. Roger Paquin
M. Geoffrey Kelley
*M. Alonzo LeBlanc, RRS
*Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons quorum, alors nous allons débuter dès à présent. La commission des institutions est réunie afin de procéder et poursuivre cette consultation générale et ces auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, à l'ordre du jour proposé nous avons d'abord une rencontre avec MM. Gérald Larose et André Tremblay, suivront M. Robert Dôle, M. Michel Seymour. Nous suspendons nos travaux en principe vers 12 h 30. Nous reprenons à 15 heures avec M. Denis Monière, suivront M. Bernard Cleary, M. Patrice Fortin. Et nous terminerons avec le Regroupement des résolument souverainistes, pour ajourner en principe à 18 heures. Est-ce que cette proposition d'ordre du jour est adoptée?

Des voix: Adopté.


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Adopté. J'ai donc le plaisir d'accueillir au nom des membres de la commission MM. Gérald Larose et André Tremblay. Nous avons réservé une période d'une heure pour la présente rencontre, donc une vingtaine de minutes pour la présentation proprement dite, et par la suite nous passerons aux échanges. Vous avez la parole.


MM. Gérald Larose et André Tremblay

M. Larose (Gérald): Merci, M. le Président. Vous avez devant vous deux simples citoyens, honnêtes par ailleurs, qui sont intéressés par la conduite des affaires de la cité mais qui ont une préoccupation particulière du côté des éléments structurants de la conduite des affaires de la cité.

Je voudrais vous rappeler d'abord que, fin octobre 1995, ils ont entendu le bruit d'un boulet leur siffler le long des oreilles, ils en ont surtout senti le souffle chaud, ils n'ont jamais eu aussi peur de leur vie, la trouille, la chienne, comme dirait mon grand-père. Et, passé le moment de stupéfaction, la décision a été prise de venger l'humiliation, d'éradiquer le problème et de faire la guerre, et faire la guerre à tous les niveaux.

Au niveau économique, jamais le Québec n'aura été autant desservi par les deniers du fédéral, tant au niveau des biens et services courants qu'au niveau des immobilisations et investissements, qu'au niveau des subventions aux entreprises, qu'au niveau de la recherche et du développement, qu'au niveau du financement des équipements collectifs. Au niveau budgétaire, les transferts ont fondu au Québec plus qu'ailleurs. C'est 35 milliards de moins. Au niveau des coupures à l'assurance emploi, qui a fait plus mal au Québec qu'ailleurs, en nous transférant des dépenses additionnelles à la sécurité du revenu.

Au plan juridictionnel également, depuis 1995, c'est une invasion sans précédent dans tous les domaines, particulièrement dans les domaines sensibles de l'éducation, de la culture, de l'identitaire, mais aussi, au niveau politique, une guerre continuelle visant à affaiblir l'Assemblée nationale, à étouffer le rayonnement international du Québec. On a vu ce qui s'est passé au Mexique, en Argentine, ce qui se passe quotidiennement aux États-Unis.

Mais la guerre la plus féroce, ils nous la mènent sur l'identitaire: un soin très particulier à l'accueil de nos nouveaux compatriotes, l'unifolié partout où il y a un poteau; déshabillé: des programmes visant plus particulièrement les jeunes, concernant les stages; une visibilité maladive avec une multiplicité de sous-traitants. Et nous avons hâte de voir ce qu'il y a derrière tout ça, et c'est pire que ce qui s'est passé au DRHC.

L'exploitation des personnages historiques. On verra Champlain, maintenant découvreur de Port-Royal, précédant la découverte de Québec. L'exploitation éhontée de tout ce qui est événement de type national. La partie visible, c'est 477 millions; ici même, à Québec, et seulement à Québec, 25 salariés à plein temps au Bureau d'information Canada. La guerre identitaire est la plus grosse des offensives menées par le fédéral. Nous sommes en guerre, mais les seuls qui se croient en paix, c'est les Québécois et les Québécoises.

Et pourtant rien n'est improvisé. Ils n'en sont d'ailleurs pas à leur première offensive. Depuis le XVIIIe siècle, à plusieurs reprises ils se sont essayés, mais cette fois-ci, c'est encore plus dangereux parce qu'ils ont d'abord constitué un trésor de guerre en saignant les provinces, en étouffant les chômeurs, un trésor de guerre qui va les amener à avoir la capacité de s'acheter un pays à défaut de s'en construire un, notamment par le déploiement de l'union sociale.

Et, comme dans toute guerre, ils nous trompent, ils nous mentent, ils essaient de nous faire peur, de nous intimider. Ils nous méprisent, soudoient des gens, les divisent, tendent des pièges, se camouflent, encerclent, envahissent. La stratégie du «nation building» est à l'oeuvre, mais on devrait se rappeler un adage: Si ça bouge, tire, mais si ça tire, bouge. Je crois que ça tire beaucoup. Et donc, il nous faudrait bouger. Quoi faire? D'abord, avoir une ligne de défense et aussi procéder à des offensives systématiques. Nous vous proposons un plan d'action en cinq points.

D'abord, l'adoption de la loi n° 99 qui doit être un départ, un point de départ et non pas un point d'arrivée. Et la loi n° 99 doit être le résultat d'une volonté de tout le personnel politique du Québec de se porter à la défense du Québec. Et il serait insensé que des partis, des composantes politiques du Québec ne se portent pas à la défense du Québec. Donc, premier élément, l'adoption de la loi n° 99.

Deuxième élément, refaire les comptes nationaux. Depuis 1995, ce n'est plus un déficit que nous connaissons, c'est un puits innommable de ressources dont nous sommes privés. Donc, il faut refaire les comptes nationaux, les publier et faire le débat.

Troisièmement, ouvrir trois chantiers. Le premier, sur l'état des juridictions et des compétences et leur respect conforme à la Constitution canadienne. Deuxième chantier, ouvrir un chantier sur la constitution du Québec, la constitution interne du Québec, notamment pour y débattre d'un certain nombre de questions, de juridictions québécoises, et sur laquelle nous devrions avoir une réelle prise. Troisième chantier, un chantier sur la loi référendaire. Il nous apparaît important de faire un débat public sur le rapport de force démocratique sur une question aussi capitale que l'avenir de ce pays et qu'il soit clair que, si le rapport de force doit être inéquitable, il faut que ce soit non seulement su, mais il faut se donner des poignées pour pouvoir contrer ce rapport de force. Nous ne pourrons pas tolérer davantage les millions qui multiplient par quatre et par cinq les sommes d'argent consacrées aux parties, aux camps qui doivent faire le débat.

(9 h 40)

Quatrième élément du plan d'action, conduire des offensives. Trois nous viennent à l'esprit. La première, elle est dans le journal ce matin: on devrait se payer. À partir du moment où nous contrôlons un certain nombre de ressources, les sommes qui nous sont dues devraient être retenues. Nous sommes d'accord pour que le Québec se paie le 2 milliards qu'il n'a pas reçu pour l'harmonisation de la TPS. Deuxième offensive, l'assurance chômage. Nous estimons que l'assurance chômage telle que conçue et amendée constitutionnellement au début des années quarante n'est plus l'assurance chômage, c'est devenu une pompe à argent neuf pour le gouvernement fédéral. Il faudrait que le Québec récupère l'ensemble de la juridiction de l'assurance chômage pour aménager un programme intégré à l'ensemble des autres programmes concernant le soutien à l'emploi, le développement de la main-d'oeuvre. Et la troisième offensive, une offensive identitaire. Nous estimons qu'il faut vaincre la frilosité que nous avons comme Québécois de se rendre visibles partout sur le territoire. Nous avons un réseau comme aucun n'a d'institutions de la santé, d'éducation, de fonction publique. Minimalement, il faudrait effectivement, à la guerre comme à la guerre, savoir s'identifier.

Il faudrait aussi apporter un soin particulier pour accueillir nos nouveaux compatriotes. Si vous saviez le soin particulier que le fédéral apporte pour accueillir les nouveaux compatriotes. Ça devrait être le Québec qui les accueille avec pompe, avec fierté. Alors, il y a une offensive à mener sur l'identitaire pour cesser d'être ou de se comporter comme des timorés à ce chapitre.

La dernière offensive, c'est une offensive au niveau international. Ça bavasse. Ça salit. Ça dit n'importe quoi, partout, dans les médias, sur la planète. On n'est pas foutu d'être équipé d'avoir un commando pour répondre systématiquement. Ce n'est pas des milliards de dollars qu'on doit mettre là-dedans. J'ai toujours profondément admiré le peuple israélien qui en a bavé plus que quiconque et que jamais il ne tolère qu'on dise du mal de lui dans aucun média autour de la planète. Y aurait-il moyen qu'on en fasse 2 %? Pour qu'effectivement on cesse de se faire salir au plan international il faudrait mener une offensive pour que le Québec soit respecté au plan international.

Alors, M. le Président, le message principal que nous voulons laisser à cette commission, c'est qu'il y a un état de guerre symbolique, identitaire, culturel et que le Québec n'a pas le droit de laisser se tirer dessus. Il doit repasser à l'offensive en utilisant tous les moyens qui sont à sa disposition pour que le vrai débat se fasse et que les vraies décisions se prennent. Merci, M. le Président. Je vais demander maintenant à mon collègue Me André Tremblay d'élaborer sur les autres points.

M. Tremblay (André): M. le Président, je souscris entièrement aux propos de mon collègue Gérald Larose. Et, ce matin, je vais souligner deux aspects de son message: premier aspect, adoption de la loi n° 99 et, le deuxième aspect, les pouvoirs de l'Assemblée nationale.

Adoption de la loi. Tous les partis de cette Assemblée, selon nous, doivent réaliser l'ampleur de l'offensive contre les pouvoirs du Québec et réaliser l'importance de l'indispensable front commun pour défendre l'intégrité des pouvoirs de l'Assemblée nationale.

Tous les partis, libéral, Parti québécois, Union nationale, que ce soit durant leurs années d'opposition ou durant leur mandat à la direction du gouvernement ont toujours défendu avec vigueur l'intégrité des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Le Parti libéral l'a fait dans l'opposition, le Parti québécois l'a fait dans l'opposition, et ils ont tendu la main au gouvernement. Ils ont réalisé l'union sacrée, l'union contre ceux et celles qui attaquaient les pouvoirs de l'Assemblée nationale.

Et ce que nous vous demandons, M. Larose et moi, ce matin, nous demandons à tous les partis politiques de voter à l'unanimité la loi n° 99. Et c'est le temps, donc, de tendre la main au gouvernement et de voter le projet de loi à l'unanimité. Quand le Québec se divise sur des questions ou sur des enjeux aussi fondamentaux, il sort affaibli, et, quand il est affaibli, le fédéral en profite pour réduire nos pouvoirs.

Deuxième point de mon intervention – je prends quatre minutes, M. le Président, maximum: les pouvoirs. M. Larose l'a dit clairement, il faut les défendre, il faut les revendiquer et ensuite il faut se reconstruire un pouvoir de négociation, les défendre avec agressivité, avec vigueur, dans le cadre d'un plan qui évite toute espèce d'immobilisme et de sur-place. Il faut reprendre les combats intergouvernementaux sur tous les fronts, résister, prendre tous les moyens à notre disposition pour contrer les attaques sur nos pouvoirs et au besoin aller à la cour, c'est le minimum.

Les revendiquer, bien sûr il est opportun de revoir les revendications traditionnelles du Québec. Il serait opportun de les actualiser et de les mettre à jour, et probablement de faire l'exercice publiquement.

Et aussi, il faut refaire notre pouvoir de négociation. Et à cet égard nous suggérons l'opportunité de renouer le contact avec des documents comme ceux de Jean Allaire, des documents comme ceux de Campeau-Bélanger. Ce qui est important, c'est d'avoir, bref, un plan mobilisateur qui rassure, qui associe, qui inclut et qui permet à tous les partis politiques d'éviter l'affaiblissement. Il faut un véhicule, et rapidement le véhicule que nous avons en tête pourrait être une seconde commission Campeau-Bélanger qui fasse l'exercice publiquement, et commission Campeau-Bélanger qui pourrait se transformer, à court terme ou à moyen terme, en constituante pour que le Québec se dote d'une véritable constitution à sa mesure. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Merci, M. Larose, merci, M. Tremblay. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie, messieurs pour votre participation aux travaux de notre commission.

(9 h 50)

Comme d'autres avant vous, vous insérez d'abord C-20 dans une stratégie à multiples facettes du gouvernement fédéral. Vous ajoutez ensuite qu'il serait – je reprends votre propre mot – insensé que des partis politiques authentiquement québécois ne se portent pas à la défense de la démocratie québécoise en appuyant 99. La chose est d'autant plus juste qu'au moment où nous nous parlons l'opposition officielle est toujours incapable de nous dire quels articles précisément lui posent problème dans 99 ni même de suggérer quelque amendement que ce soit. Je suis donc en parfait accord avec toute la trame générale de votre mémoire.

Je veux simplement vous entendre un peu plus particulièrement sur certains éléments de ce plan d'action que vous proposez. Vous savez que nous avons dit que 99 pouvait se concevoir comme une sorte d'amorce d'une charte des droits collectifs du Québec et vous nous proposez d'ouvrir le chantier de la constitution du Québec. J'aimerais vous entendre un peu plus sur cette mécanique-là. Vous dites: Une réédition de Bélanger-Campeau débouchant en l'assemblée constituante. J'ai comme l'impression que vous avez davantage réfléchi à cela que ce que vous avez à peine eu le temps d'esquisser devant nous, là. J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Tremblay (André): M. le Président, il nous apparaît important, à M. Larose et à moi, que dans un exercice de cette envergure, tous les partis politiques présents à l'Assemblée nationale s'y retrouvent. L'exercice que nous proposons, c'est un exercice pour le Québec, ce n'est pas un exercice de parti politique ou un exercice partisan. À la fin de l'exercice, tous les partis peuvent dire: Si nous devenons un jour le gouvernement, nous n'avons rien perdu, nous sortons grandis. Le Parti libéral, par hypothèse, venant au gouvernement, verra dans l'exercice des bénéfices notables intéressants.

Nous avons envisagé dans notre présentation l'hypothèse de Campeau-Bélanger. L'hypothèse de Campeau-Bélanger au fond est une commission parlementaire élargie, beaucoup de parlementaires ici présents connaissent cet exercice, et ça a été un des exercices les plus démocratiques, les plus intéressants que nous ayons connu dans les 10 ou 15 dernières années. Et on sait que l'exercice Campeau-Bélanger est tombé à plat, on sait que les résultats de Campeau-Bélanger ont été pour ainsi dire laissés sur les tablettes.

Pourquoi ne pas revenir à l'esprit mobilisateur, à l'esprit de jonction, de solidarité, de démocratie de Campeau-Bélanger? Et pourquoi ne pas concevoir un plan à l'intérieur d'un exercice public piloté par ce Parlement, qui associe des membres ou des représentants de la société civile? Pourquoi ne pas concevoir un plan? Et ce plan peut être un plan qui porte sur des offres que nous ferons au Canada anglais. Et si ces offres que nous pourrions soumettre éventuellement à l'approbation populaire, conformément à l'esprit de Campeau-Bélanger, ne sont pas agrées par l'autre partie canadienne, eh bien, nous tirerons notre révérence. M. Larose, peut-être, veut ajouter des choses.

M. Larose (Gérald): Peut-être seulement la précision suivante. On prend pour acquis que tous les représentants à l'Assemblée nationale au minimum – et je dis: Le plancher minimum, c'est la Constitution canadienne – ont fait le pari que, si on faisait la recension du réel appliqué de la Constitution canadienne, tous les partis politiques à l'Assemblée nationale vont se mettre à l'offensive pour faire respecter la Constitution canadienne. Alors ça, c'est une proposition ouverte. Ça n'emprisonne personne. Mais au minimum il faut avoir une ligne de défense qui serait que, non, ce n'est pas vrai que le Parlement fédéral ou que le palier fédéral, qui est la création des provinces, va se faire, je dirais, réduire... ou que le palier fédéral va réduire les pouvoirs de l'Assemblée nationale. On pense que ça ne se peut pas, là. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on a réfléchi.

M. Facal: J'aimerais vous entendre, messieurs, sur l'objection que l'on oppose le plus fréquemment et qui est à mon sens l'objection la plus forte que l'on oppose aux divers scénarios d'offres québécoises au reste du Canada. Cette objection, c'est l'objection que j'appellerais celle de la bonne foi. Ces thèses se heurtent toujours à une argumentation du style: toute démarche de ce genre auquel serait partie prenante un parti ou un gouvernement souverainiste serait une démarche dont celui-ci souhaiterait l'échec pour créer le ressac anti-Québec que nous avons connu au lendemain de Meech; quelle crédibilité peut-on accorder à quelqu'un qui se ferait le porteur d'une démarche dont il aurait l'intérêt objectif qu'elle échoue?

Comment répondez-vous à cette objection, qui est forte, il faut en convenir?

M. Larose (Gérald): On peut contrer cette argumentation et cette objection en regardant les faits tels qu'ils sont. Si on ne fait rien, on se fait rentrer dedans, on se fait affaiblir nos pouvoirs, on se fait envahir nos compétences. Ça là, c'est si on ne fait rien. On prend pour acquis que personne n'est d'accord avec ça. S'ils sont d'accord avec ça, il faudrait qu'ils le disent. Il s'en trouve au Québec qui sont d'accord avec ça, un certain nombre, mais à mon avis l'immense majorité n'est pas d'accord avec ça.

Donc, la vraie question, c'est: Comment on assure notre ligne de défense? Bien, moi, je pense que c'est le test de la bonne foi précisément qu'il faut poser. Proposons de revoir la Constitution canadienne et proposons qu'elle soit respectée. Pour les souverainistes, ça ne handicape rien. Je dirais, ils partent de moins loin si on respecte la Constitution canadienne. Moi, je ne demande pas aux souverainistes d'abandonner leur projet, mais au minimum je demande aux souverainistes de défendre pouce par pouce ce qui est nos pouvoirs et nos compétences et je demande à ceux qui sont fédéralistes québécois de défendre pouce par pouce nos pouvoirs, nos compétences. Là-dessus, il me semble que le test de bonne foi. Il est posé de l'autre bord; c'est à eux autres de répondre.

J'avoue, quand je regarde notre propre histoire puis surtout l'histoire récente, comprendre des gens qui éprouvent quelque doute sur la bonne foi. Moi, je suis prêt à faire le test. S'ils ne répondent pas, bien, je dirais, il y a deux... Alors, c'est là qu'on dit, Bélanger-Campeau l'avait dit lui-même: Là, le peuple, il décidera. Mais, s'ils répondent, bien, moi, je pense que tout le monde devrait applaudir, parce qu'au moins on aura restauré les pouvoirs et les compétences, et ça ne handicape rien de l'objectif des souverainistes. Alors, moi, c'est que... le test, là, de bonne foi, c'est pour ceux qu'on a en face, je dirais, de l'autre bord de la rivière. Ce n'est pas de notre bord.

(10 heures)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Nicolet-Yamaska. Oui, M. Tremblay, en complément.

M. Tremblay (André): Je suis d'accord avec l'idée du test de bonne foi. S'il y a un plan adopté par l'Assemblée nationale, s'il y a un plan mobilisateur, ce plan-là sera respecté d'autant que l'Assemblée nationale sera impliquée. Les objectifs que nous mentionnons sont des objectifs tout à fait légitimes, ce sont des objectifs de défense de l'intégrité des pouvoirs de l'Assemblée nationale, des pouvoirs du Québec, et nous sommes persuadés que l'exercice peut être fait sans encourir de risques de déboires, c'est-à-dire d'affaiblissement. Ce que nous recherchons, c'est le renforcement des pouvoirs du Québec.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin: Oui. Merci, M. le Président. M. Larose, M. Tremblay, bonjour. M. Larose, tantôt, dans votre présentation, vous avez parlé de conduire des offensives puis vous avez divisé ces offensives-là, dont une particulièrement m'a intéressé, c'est l'aspect identitaire. Et je vous cite, là, vous avez parlé de «vaincre la frilosité des Québécois» par certaines peurs que nous avons, la peur de s'identifier comme tels, comme Québécois. Ce que je vous demande, finalement, c'est: Comment allons-nous essayer de vaincre cette frilosité-là sans chatouiller ou choquer, des fois, la sensibilité des Québécois et des Québécoises, qui nous reprochent peut-être ou qui pourraient nous reprocher de dépenser des sous? X montant équivaut à un lit d'hôpital – puis là je ne discute pas du domaine de la santé – ou x montant équivaut à 10 emplois. Comment nous conseillez-vous de faire pour vaincre cette frilosité-là tout en rassurant nos compatriotes qu'on ne dilapide pas les fonds publics quand on veut s'identifier?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Larose.

M. Larose (Gérald): Je vous dirai que je n'ai pas de pilule contre la démagogie. C'est clair, moi, je pense que ça prend un minimum de courage, au sens où, si on décide de mettre... Moi, je ne demande pas qu'on exagère, je demande rien que qu'on accote. Moi, si on me mettait 477 millions... Ça c'est la partie visible, je vous soumets, là, parce que, en dessous de ça, il y a des milliards, mais je vais me contenter de la partie visible. Si on veut accoter le fédéral, 477 millions pour, je dirais, l'affirmation visuelle, culturelle de notre identité, moi, je pense qu'on est équipés pour faire le débat. On est équipés pour faire le débat.

Je verrais bien, moi, qu'on vienne m'écoeurer là-dessus. Ah! il y a quelques faiseux d'opinion qui se permettent des fois de rire de Mme Copps, mais ils sont bien d'accord avec elle, par exemple. Mais, tu sais, ils essaient de la mépriser. Elle est efficace, la mère... Mme Copps. Elle est efficace en saint-simonac, je vais vous dire ça! Elle a des idées claires et puis elle est systématique. Bien, moi, je veux l'accoter. Alors, oui, on devrait systématiquement... que le drapeau du Québec soit partout, là où on paie, hein.

Et puis, moi, j'ai une préoccupation particulière des nouveaux arrivants. Je ne sais pas si c'est parce que j'en ai marié une. Mais, moi, je trouve qu'on fait rural. Je m'excuse pour ceux qui sont en campagne – j'ai une maison de campagne aussi. Mais, tu sais, vraiment, là, ils arrivent au Québec, y aurait-u moyen de les recevoir aussi bien que mon oncle? Y aurait-u moyen de faire en sorte qu'ils se sentent accueillis dans le peuple québécois?

Y aurait-u moyen qu'on ait aussi, je dirais, des facilités pour qu'on puisse fêter? 60 % du budget de la fête nationale du Canada sont dépensés au Québec. 60 %! Moi, j'aimerais ça qu'on accote. On va être tout seuls à payer? On paierait le 60 % puis on accoterait la fête du Canada? Je vous dirais que ça swignerait dans la ville. Ça swignerait, quelque chose de rare! Mais on me dit que ce n'est même pas réglé, ces affaires-là.

Alors, il faut arrêter d'être quétaine. On est un peuple, eh bien, on a le droit de l'affirmer pas plus que les autres, rien qu'autant que les autres. Puis celui qu'on peut imiter, c'est le Canada. Moi, ce serait comme ça que je goalerait le débat publiquement. On n'en met pas plus qu'eux autres, on en met rien qu'autant.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci. Bienvenue, M. Larose, M. Tremblay. Est-ce que je comprends bien ce que vous dites, c'est un renouvellement de la fédération canadienne? Est-ce que c'est ça que vous nous dites, que vous proposez? Parce que vous parlez de blocage, vous parlez d'impasse, de marasme constitutionnel puis, à un moment donné, vous proposez de se baser sur la bonne foi, ce qui a déjà été essayé, vous parlez de pouvoirs. Est-ce que vous pouvez préciser là-dessus?

M. Larose (Gérald): Rien que pour qu'on soit clairs, nous, notre préoccupation, c'est de sortir du terrier. On est en guerre, ça nous tire dessus, on est cachés. Nous, on pense qu'on a ramassé nos munitions, on est prêts à repasser à l'offensive. Pour repasser à l'offensive, avant de gagner la guerre, on pense qu'on pourrait peut-être remettre en route un certain nombre de préoccupations qui sont largement partagées par tout le monde. Rien que les comptes nationaux, là, ça vaudrais-tu la peine de faire ça, à cette heure qu'on en a 35 milliards de moins là, à cette heure qu'ils ont tout décrissé le régime d'assurance chômage? Moi, j'aimerais ça savoir comment on en retire, là. J'ai l'impression qu'on est en train de financer un surplus qui, lui, vise à nous passer dans le «cruncher».

Alors, on propose de refaire les comptes nationaux. Si on faisait la recension de toutes les compétences, rien que pour savoir où est-ce qu'on en est: Est-ce qu'au niveau des compétences le Québec est plus fort ou s'il est plus faible? Est-ce qu'on pourrait faire un consensus pour qu'au minimum on oblige et on force le fédéral à respecter ces affaires-là? Autrement dit, se remettre en route. Alors, on propose de le faire avec les parlementaires, la société civile. On aurait trois chantiers qu'on pourrait mettre en route. Ça pourrait culminer dans une commission élargie.

Puis même on vous propose de finir ça avec une constituante, une constituante qui serait ouverte. On commencerait par la constitution du Québec interne. Moi, j'aimerais ça qu'on débatte du lieutenant-gouverneur. Moi, ça m'intéresse. Depuis qu'ils avaient nommé Jean-Louis Roux qui, lui, arrivait ici avec un seul objectif, c'est de ne pas signer des lois. Moi, ça me pose un problème comme démocrate. Ça me pose un très, très, très grave problème. Je trouve qu'il s'est autodynamité un peu trop tôt, celui-là, parce que j'aurais aimé ça qu'on discute des pouvoirs de l'Assemblée nationale par rapport à la volonté d'un fanatique qui s'appelle Jean Chrétien qui avait planté un gars qui était là pour faire une job de bras. Moi, je trouve que ça vaut la peine, à un moment donné, qu'on discute des éléments structurants de la démocratie. Ça a passé bien vite, là, c'est parce qu'il avait fait une folie de jeunesse, etc. On n'a pas fait le débat de fond. Si on faisait une réflexion sur la constitution interne du Québec, je pense qu'on se poserait une couple de vraies questions. Donc, c'est dans ce sens-là. Et puis ça ne ferme aucune hypothèse. Ça ne ferme aucune hypothèse.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, M. Tremblay, en complément. Nous passerons ensuite à la période réservée à l'opposition.

M. Tremblay (André): C'est une question importante. Je pense que ce que nous proposons, ce n'est pas une démarche par laquelle vous allez renoncer à vous-même. Vous allez renoncer à vos objectifs les plus importants pour vous. La démarche que nous proposons, c'est une démarche pour renforcer, refaire le plein du pouvoir de négociation du Québec. Et nous proposons une démarche démocratique, publique et qui associe les autres parties, et qui pourrait se faire dans un cadre qui ressemble à celui de Campeau-Bélanger. C'est ce que nous mettons sur votre table, ce matin.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le porte-parole de l'opposition officielle.

(10 h 10)

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. M. Larose, M. Tremblay, merci de votre présentation, merci d'être ici à l'Assemblée nationale. Je dois vous dire que certains des objectifs que vous avez énoncés sont aussi des objectifs que je partage. L'idée de renforcer les pouvoirs du Québec et l'idée de renforcer le Québec lui-même, c'est sans aucun doute un objectif majeur. L'idée de défendre les pouvoirs du Québec, les compétences du Québec et d'exiger le plein respect de la Constitution canadienne, ça me semble aussi être quelque chose d'extrêmement important. Il en est de même pour l'idée de chercher le meilleur moyen pour reconstruire le pouvoir de négociation du Québec. Ça, ça me semble aussi quelque chose de vital. Évidemment, c'est sur les moyens de parvenir à ces objectifs-là que je veux vous entendre, comme vous l'avez fait au cours des dernières minutes, mais avec un certain nombre de questions précises de ma part.

Dans un article publié dans La Presse , ce matin, vous affirmez vouloir, donc, contester devant les tribunaux le projet de loi qu'on appelle le projet de loi sur la clarté, le projet de loi C-20 du fédéral. Or, à la fin de l'article, on retrouve l'affirmation suivante sur laquelle je vais vouloir avoir vos commentaires. À la fin de l'article, on lit ceci: «Déjà, Alliance Québec a annoncé que, dès l'adoption du projet de Québec – on parle ici du projet de loi n° 99 – il serait contesté en cour. Le projet de loi n° 99 est très vulnérable devant les tribunaux, convient-on rapidement du côté souverainiste. Il est plein de choses correctes politiquement, mais qui, sous l'angle juridique, s'appuient difficilement sur la Constitution actuelle.» Alors donc, l'article se termine avec une affirmation où on semble dire que, dans le projet de loi n° 99, celui de l'Assemblée nationale, il y a des choses qui, en fin de compte, ne passeraient pas l'épreuve d'un examen par les tribunaux, seraient illégales ou du moins seraient inconstitutionnelles et qu'il y a des risques que le projet de loi n° 99 soit lui-même contesté devant les tribunaux.

Alors, à cet égard je voulais vous poser une question qui a deux volets. Le premier volet, c'est le suivant: Ne croyez-vous pas qu'en contestant devant les tribunaux le projet de loi fédéral vous invitez justement certains groupes à contester devant les tribunaux le projet de loi n° 99? Et ne croyez-vous pas que, s'il y a une contestation devant les tribunaux du projet de loi n° 99, celui-ci ou du moins certaines des dispositions de ce projet de loi là seront carrément menacées parce que étant inconstitutionnelles ou illégales?

M. Larose (Gérald): D'abord, je vais vous dire que ce qui est dans l'article sur ce volet-là n'est pas mis dans ma bouche, à tout le moins. Le journaliste n'identifiera peut-être pas ses sources, mais c'est un avis que je ne partage pas. Mais, de toute manière, la question principale n'est peut-être pas à ce niveau-là. Alliance Québec n'a pas besoin de notre contestation de la Loi C-20 pour contester la loi n° 99. De toute manière, ils ont le fric, ils ont des provisions pour faire toutes les contestations, alors peu importe notre comportement, ils vont contester, ça, c'est très clair, parce que, là-dedans – ça aussi, il faut le savoir – ce n'est pas la dimension de la contestation qui est importante pour eux autres, c'est le fait qu'en contestant ils peuvent continuer à mobiliser, etc. Donc, la décision que, nous, on va prendre de contester, ça n'a rien à voir avec le comportement qu'Alliance Québec pourrait prendre. J'ai perdu la deuxième question. C'était quoi, la deuxième question?

M. Pelletier (Chapleau): La deuxième question, c'est: Ne croyez-vous pas que le projet de loi n° 99, s'il était contesté devant les tribunaux, serait justement exposé à des déclarations d'invalidité ou d'inconstitutionnalité, du moins certaines dispositions du projet de loi n° 99?

Une voix: Lesquelles?

M. Pelletier (Chapleau): Un instant, je n'ai pas à répondre aux questions. Moi, je les pose. Vous devez le savoir, on cite les souverainistes ce matin dans le journal.

M. Larose (Gérald): Alors, moi, je ne suis pas constitutionnaliste, mais, si vous voulez, ma réponse, c'est que, moi, je n'ai aucune information ou je n'ai aucun argument qui pourrait justifier que la loi n° 99 peut être contestée devant les tribunaux. Ça, c'est ma position.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Tremblay.

M. Tremblay (André): M. le Président, moi, je dois dire tout de suite que je suis rentré de l'extérieur du pays hier soir, alors mes communications avec les journalistes de la presse étaient inexistantes. Par ailleurs, sur C-20, nous avons, M. Larose et moi, pris position, et nos positions n'ont pas changé par rapport à la position que nous avons prise à Ottawa. Nous avons dénoncé le projet de loi C-20, à Ottawa. Ici, ce n'est pas le forum, mais, si nous devions en parler, nous ferions la même dénonciation. Et nous nous sentons d'attaque, Larose et moi, pour faire le voyage aux tribunaux. Je n'ai pas dit qu'on va le faire, mais éventuellement ceci pourrait se faire.

Deuxièmement, en ce qui regarde 99, M. le Président, quand j'ai lu votre projet de loi, je n'ai fait aucune crise d'urticaire. Je suis encore en bonne santé, après avoir lu le projet de loi n° 99. Et ce projet de loi n° 99, c'est un projet de loi qui, comme le dit le ministre, peut inspirer pour des débats ultérieurs en vue de donner au Québec la constitution dont parle mon collègue Larose.

M. Pelletier (Chapleau): Est-ce qu'on peut savoir plus précisément quels sont vos motifs de contestation du projet de loi C-20? Parce que, dans cette commission, nous abordons aussi le projet de loi C-20, qui est un peu, si on veut, enfin, le corollaire du projet de loi n° 99 ou le pendant, mais enfin, du côté fédéral.

M. Larose (Gérald): Alors, c'est prématuré, parce qu'il y a des gens qui travaillent sur ce volet-là, alors je ne pourrais pas vous soumettre l'ensemble de l'argumentation.

M. Tremblay (André): M. Larose dit que c'est prématuré, mais on peut certainement, mon cher Larose, répéter ce qu'on a dit il y a un mois. On peut certainement dire, M. le Président, que C-20 menace l'intégrité des institutions démocratiques et parlementaires du Québec.

M. Pelletier (Chapleau): J'aimerais revenir sur l'affirmation qui a été faite précédemment, qu'il faudrait, au Québec, reconstituer le grand consensus de la commission Bélanger-Campeau et éventuellement peut-être même tenir un référendum sur les revendications traditionnelles du Québec ou, enfin, un certain nombre de demandes qui seraient adressées au reste du Canada.

Je reviens là-dessus parce que justement, dans le journal La Presse du 16 février 2000, encore une fois, dans un article de M. Denis Lessard, on trouve l'affirmation suivante à l'égard de laquelle je vais vouloir vous entendre. Et je vais vouloir vous entendre soit pour confirmer, soit pour rectifier le tir si les commentaires du journaliste ne sont pas exacts. Mais on retrouve l'affirmation suivante: «Pour le constitutionnaliste André Tremblay, il faut "revisiter" le grand consensus de la commission Bélanger-Campeau, une thèse qui "ressemble beaucoup à ce que propose Jean-François Lisée", expliquait-il hier [...]. Comme Gérald Larose, Me Tremblay soutenait, la semaine dernière, que son idée n'était pas faite, bien que le mémoire déposé à la commission réclamait un référendum "sur les revendications traditionnelles du Québec. Un tel référendum devrait recevoir l'adhésion des péquistes, des souverainistes et des nationalistes québécois; cela peut être gagnant", soutient Me Tremblay.» Et le titre de l'article, c'est Le PQ va se mettre au gradualisme . Bon.

(10 h 20)

Alors donc, dans cet article, vous semblez soutenir que finalement votre proposition d'offre au Canada anglais, entre guillemets, ressemble beaucoup à ce que propose Jean-François Lisée. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Tremblay (André): M. le Président, je crois que je dois revenir sur l'essentiel de notre proposition de ce matin. Ce matin, nous avons un objectif essentiel: refaire notre pouvoir de négociation et le renforcer. Et nous proposons à cette Assemblée une démarche. Nous proposons une démarche publique et une démarche parlementaire. Et cette proposition est adressée à cette commission, et la commission en disposera. Et c'est à l'intérieur d'un exercice public que nous pourrons faire les constats de situation, que nous pourrons fixer des objectifs et établir les modalités. Loin de nous l'idée, à M. Larose et à moi, de vouloir proposer un livre de recettes tout à fait détaillé, emprisonnant, encadrant l'essentiel. Et là je pense que M. Larose pourrait peut-être ajouter quelque chose là-dessus.

M. Larose (Gérald): Pour bien se faire comprendre et pour être très clairs, nous n'excluons pas que, dans le processus, l'hypothèse Lisée puisse se poser. On refuse, nous, de ne pas envisager toutes les hypothèses. Mais on n'est pas rendus là. On pense qu'il faut refaire un certain nombre de travaux. Et, si, dépendant, je dirais, du rapport de forces global dans le Québec, on doit procéder autrement, on procédera autrement. Alors, dans ce sens-là, ça vient colorer, je dirais, notre propos le plus important, c'est qu'on se remette en route, à l'offensive, qu'on obtienne au minimum le respect de ce que sont nos responsabilités, nos pouvoirs, nos compétences et vraisemblablement, parce que ça a été aussi la position traditionnelle du Québec, l'élargissement de nos pouvoirs et de nos compétences. Ça a été ça.

Alors, si, disons, on avait devant nous du monde parlable, qui effectivement est prêt à reconnaître au Québec un espace national et à le reconnaître comme tel, avec différents attributs, moi, je vais vous dire, j'ai toujours été un gars parlable, et je n'exclus pas ça. Mais je ne voudrais pas qu'on discute de cette question-là et qu'on la fasse précéder avant d'avoir fait tout le travail qu'on a proposé de faire ce matin.

M. Pelletier (Chapleau): Est-ce que j'interprète bien vos propos si je comprends que ce serait, à votre point de vue, une dernière chance au Canada?

M. Larose (Gérald): Ça fait usé en simonac, hein!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Larose (Gérald): Ça fait usé! Non, non, non, ce n'est pas une dernière chance, là. On a les idées claires. On va d'abord se donner des idées claires, nous autres, où est-ce qu'on s'en va, et on va le décider. Il faut une volonté politique pour dire: C'est là qu'on s'en va. Alors, oubedon vous venez pour attacher ça, oubedon, effectivement, on va vous régler ça autrement. Alors, chance ou pas chance, là, je peux-tu vous dire, tant qu'à moi, c'est nous autres qui allons nous mettre en route et puis ils s'ajusteront.

M. Pelletier (Chapleau): M. Parizeau, lorsqu'il est venu témoigner devant cette commission, a affirmé ceci, il a dit: Depuis le référendum de 1995, le Québec est terriblement affaibli. Et il demandait qu'en conséquence donc il y ait une réaction de l'Assemblée nationale ou, enfin, des acteurs politiques québécois. Mais il semblait dire que, enfin, le Québec se trouvait actuellement dans une position d'extrême faiblesse. Il avait d'ailleurs eu la formule fort étonnante: Quand le premier ministre du Québec est faible, le Québec en entier est faible. Et il avait conclu que le Québec était faible actuellement, ce qui, si j'en crois sa logique, voulait dire qu'à son avis le premier ministre du Québec l'était tout autant. Alors, croyez-vous que le Québec actuellement soit réellement en position de faiblesse? Et, si oui, quelles sont les causes contemporaines, les causes récentes de cette situation?

M. Larose (Gérald): Moi, je ne crois pas que le Québec est faible.

M. Pelletier (Chapleau): Non?

M. Larose (Gérald): On a décidé qu'on ne faisait pas la guerre. Pourtant, on a des munitions comme on n'en a jamais eu. Alors, go! on y va! Puis, curieusement, je pense qu'on en a amplement les moyens. Et effectivement, si on décide de se mettre à l'offensive, moi, je pense qu'il va se passer des affaires très, très rapidement. On dirait au fédéral: Le 2 milliards, on le garde; l'assurance chômage, on s'excuse, mais l'assurance chômage qu'on paie, là, les employés du secteur public qui n'y toucheront jamais, on va organiser ça autrement. Je peux-tu vous dire que ça brasserait dans la cabane et puis qu'ils prendraient peut-être la 401 en sens inverse pour venir voir s'il n'y aurait pas moyen de régler une couple d'affaires.

Il faut arrêter un plan stratégique pour passer à l'offensive. Et, je vous dis, il y a des volontés populaires qui sommeillent. Il ne suffit pas de grand-chose pour que ça se lève. Et, s'il y a quelqu'un qui décide de sonner la charge, moi, je ne doute pas que le Québec n'a pas les forces à revendre pour aller chercher ses propres affaires.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Tremblay.

M. Tremblay (André): M. le Président, je dois saluer la préoccupation de mon collègue et professeur de droit, préoccupation concernant l'éventuelle faiblesse du Québec. Ce que nous avons dit ce matin, c'est que le Québec ne peut pas se permettre, en aucune circonstance, devant des interventions de l'ampleur signalée par mon collègue Larose, interventions fédérales, d'être faible. Et notre message à l'Assemblée nationale est le suivant. C'est avec le concours, avec la main tendue par l'opposition au gouvernement, c'est par la solidarité de l'opposition et du gouvernement que le Québec évitera la faiblesse.

M. Pelletier (Chapleau): Messieurs, quand M. Facal est allé comparaître devant la commission sur le projet de loi C-20, à Ottawa, M. le ministre Facal, il a dit: Écoutez – et j'espère bien traduire ses paroles – peu importe ce que contient le projet de loi C-20, si le Québec s'oriente dans le sens de la souveraineté et si le Québec tient un référendum, le Québec fera ce qu'il veut, le Québec fera ce qu'il souhaite et, en d'autres termes, finalement le Québec va tout simplement se foutre du projet de loi C-20. Si tel est le cas...

M. Facal: C'est ça.

M. Pelletier (Chapleau): C'est ça, M. le ministre? Habituellement, je prends beaucoup de soin à traduire fidèlement les propos et les paroles...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Facal: Dans ce cas-là, c'est réussi.

M. Pelletier (Chapleau): Merci. Et, si tel est le cas, donc, pourquoi cette volonté que vous avez d'amener le projet de loi C-20 devant les tribunaux, alors que, de toute façon, le Québec va faire ce qu'il veut?

M. Larose (Gérald): D'abord, je salue le ministre. S'il a dit ça, je suis bien content, parce que c'est vrai qu'à partir du moment où il y aurait une décision majoritaire pour qu'on vole de nos propres ailes il n'y a plus une loi C-20 qui va tenir, tout va sauter, disons. Alors, là-dessus, on se fait des peurs pour rien, d'une certaine manière, parce que ce n'est pas un problème juridique, contrairement à ce que dit Stéphane et puis une couple de juges, il n'y a pas là de problème juridique, c'est un problème essentiellement politique. Alors, C-20 ne résistera pas.

(10 h 30)

Mais je ne hais pas ça, moi, prendre le contre-pied de quelqu'un qui se drape dans des mots vertueux de clarté, de liberté, etc., puis lui mettre le nez dans le caca, surtout quand c'est un de ses juges qui va le faire. Disons que je trouve que c'est bon pour l'ego, et puis ce n'est pas mauvais pour les Québécois non plus.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Sur ce, il me reste à remercier M. Larose et Me Tremblay pour leur contribution à nos travaux, au nom des membres de la commission.

M. Larose (Gérald): Merci.

M. Tremblay (André): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je vais donc inviter maintenant M. Robert Dôle à bien vouloir s'avancer et prendre place, toujours dans le cadre de cette consultation générale et de ces auditions sur le projet de loi n° 99.

Je rappelle donc que la commission est réunie afin de procéder à cette consultation générale et ces auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, avec la collaboration de nos invités et de notre collègue député de Verdun. J'inviterais donc M. Dôle à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En se rappelant que nous avons consacré une période d'une heure pour la présente rencontre, la formule est bien connue, une vingtaine de minutes maximum pour la présentation et, par la suite, nous passerons aux échanges. Alors, M. Dôle, vous avez la parole.


M. Robert Dôle

M. Dôle (Robert): M. le Président, mesdames, messieurs. Le mouvement nationaliste québécois se trouve actuellement dans un cul-de-sac. Les sondages révèlent que la grande majorité des Québécois ne veut pas un autre référendum. En outre, le Parlement d'Ottawa essaie de se donner le droit de déterminer à l'avance la clarté ou le libellé de la question référendaire pour laquelle il serait prêt à négocier. Par contre, la Cour suprême a déclaré que les Québécois ont le droit de décider seuls de leur avenir constitutionnel.

Après que le Parti québécois eut gagné la dernière élection en 1998, Lucien Bouchard a promis de tenir un référendum dans des conditions gagnantes. Il est très difficile d'imaginer ce qu'il veut dire par conditions gagnantes ou comment il vise à les créer. Il serait certainement plus raisonnable d'envisager une question gagnante pour le prochain référendum. Je propose la question suivante: Voulez-vous que le Québec se dote du statut de province française autonome du Canada?

Les hommes politiques du Québec doivent se rappeler que la plupart des Québécois souhaitent que le Québec ait un statut spécial à l'intérieur du Canada. Il s'agit du nouveau modèle de fédéralisme asymétrique. Les Québécois ont certainement raison en insistant que la Constitution canadienne reconnaisse explicitement les spécificités linguistiques et culturelles du Québec, qui est, comme nous le savons tous, le seul pays français des Amériques. J'imagine donc que le vote pour le Oui à ma question se chiffrerait entre 70 % et 80 %.

Le Québec aurait assez d'autonomie politique pour assurer la survie de la langue et de la civilisation française en Amérique du Nord, et l'unité essentielle du Canada ne serait pas compromise. Afin d'obliger le gouvernement fédéral à négocier sérieusement ce nouveau statut constitutionnel pour le Québec après la victoire inévitable du Oui, on pourrait inclure une deuxième question pour le référendum qui serait la suivante: Si, après cinq ans de négociations avec le gouvernement fédéral sur le nouveau statut de province française autonome du Canada, le Québec ne réussit pas à obtenir les conditions qu'il souhaite, voulez-vous qu'il fasse une déclaration unilatérale d'indépendance?

Le nouveau statut du Québec aura l'effet d'une loi au Québec. Au moment où le Canada acceptera d'amender la Constitution canadienne afin de reconnaître la législation québécoise proclamant ce nouveau statut, le Québec signera la constitution, et le Canada aura enfin la paix constitutionnelle.

Le modèle de cette solution est évidemment l'Espagne. Depuis la mort, combien heureuse, de Franco, en 1975, la Catalogne jouit du statut de région autonome à l'intérieur de l'Espagne. La langue officielle est le catalan, et les Catalans se sentent vraiment maîtres chez eux. Les patriotes catalans sont contents parce qu'ils vivent dans une région autonome, et les patriotes espagnols sont contents parce que l'unité essentielle de l'Espagne n'est pas compromise.

Ce nouveau statut pour le Québec serait beaucoup plus solide que le concept de société distincte proposé lors des négociations du lac Meech mais moins dérangeant pour les Canadiens que la souveraineté-association proposée lors du référendum de 1980. Il reste à négocier les détails politiques du statut de province française autonome du Canada. Le rapport Allaire, qui recommande le transfert au Québec de 22 domaines gouvernementaux, pourrait servir de départ.

Le succès du projet souverainiste dans sa forme traditionnelle dépend de la non-existence du patriotisme canadien. Au lendemain d'une victoire du Oui sur une question proposant l'indépendance du Québec, le Québec aurait le problème des milliers de Canadiens français, anglais, autochtones et immigrants qui ne voudront simplement pas vivre dans ce Québec indépendant. Plusieurs d'entre eux partiront, d'autres se résigneront, et d'autres encore auront probablement recours à la violence pour exprimer leur mécontentement.

L'historienne américaine Barbara Tookman est arrivée à la conclusion que la cause de la chute des grandes nations a toujours été le manque de magnanimité de la part de la classe dominante. La classe dominante au Canada est évidemment composée de Canadiens anglais. La triste histoire des relations entre les deux peuples fondateurs du Canada est malheureusement celle du manque de magnanimité de la part des Canadiens anglais envers les Canadiens français. Si le Canada refuse de négocier le nouveau statut de province française autonome pour le Québec, il continuera sa tradition de manque de magnanimité et précipitera probablement la chute du pays.

En 1830, l'historien français Alexis de Tocqueville écrivait que le Canada se compose de deux nations ennemies. Si l'une de ces nations essaie de détruire l'ensemble, l'autre nation réagira. Les Canadiens se sont battus à deux reprises pendant le XXe siècle afin de défendre l'Angleterre et la France contre les Allemands. Pourquoi devraient-ils être moins loyaux envers leur propre pays qu'envers leurs deux mères patries?

Les Québécois n'ont pas le droit de penser que les Canadiens sont le seul peuple du monde à être dépourvu de sentiments patriotiques. Lorsque les patriotes voient leur patrie menacée, ils perdent normalement le contrôle de leurs émotions. Il existe au Québec et au Canada anglais énormément de haine au sein de certains segments de la population. Étant moi-même un Américain francophile, j'ai trop souvent été la victime de l'impatience de certains Canadiens parce que je parlais français lorsqu'ils voulaient que je parle anglais ou parce que je parlais anglais lorsqu'ils voulaient que je parle français. Si j'avais été unilingue, j'aurais eu tendance à détester l'autre groupe linguistique du Canada. Étant polyglotte, je ne peux détester personne.

Je vivais à Dublin, en Irlande, en 1968. À ce moment-là, personne ne prévoyait les 30 ans de violence qui allaient transformer l'Irlande du Nord en un véritable enfer. Je vous rappelle que 3 500 Irlandais ont perdu la vie à cause de la haine qui existe entre certains catholiques et protestants irlandais. Les Québécois n'ont pas le droit de penser, comme ils le pensent souvent, que les patriotes canadiens sont plus angéliques que leurs cousins de Belfast. Le risque de violence sinon de guerre civile est trop réel si on ne trouve pas un compromis qui satisfasse tout le monde. La question pour le prochain référendum que je propose est un pas dans la bonne direction.

(10 h 40)

Mon pays d'origine – cela veut dire les États-Unis – a été victime d'une guerre civile qui a duré cinq ans et dans laquelle plus de soldats américains ont perdu la vie que dans toutes les autres guerres de notre histoire. La cause de cette guerre était la tentative des États du Sud de devenir indépendants. La guerre civile semble être le résultat normal lorsqu'une partie d'un pays essaie de mettre fin à l'unité de l'ensemble. Les récentes guerres au Kosovo et en Tchétchénie en sont des exemples. Le démembrement pacifique de la Tchécoslovaquie représentait un événement rarissime dans l'histoire. Évidemment, la Tchécoslovaquie, c'était un pays artificiel qui a été créé après la chute de l'empire austro-hongrois.

Quel patriote canadien permettrait que le Canada devienne un nouveau Pakistan, divisé entre le Canada occidental et le Canada oriental, et qui finira par transformer les provinces maritimes en Bengladesh de l'Amérique? Ma génération d'Américains a été totalement traumatisée par la guerre du Viêt-nam. Dans l'esprit de beaucoup d'Américains, si on tuait pas assez de communistes au Viêt-nam, les plages de la Californie seraient envahies dans un proche avenir par les communistes. Je vous dis cela pour montrer jusqu'à quel point les hommes peuvent être irrationnels lorsqu'ils se sentent menacés.

Pour parler à titre personnel, je suis un membre actif de l'Église unie du Canada. Je me permets de rappeler aux juifs et aux chrétiens du Canada que la réconciliation entre les peuples du monde est une valeur fondamentale des religions judéo-chrétiennes depuis 3 000 ans. Ce n'est pas en démembrant les pays que l'on peut faire avancer la cause de la réconciliation des peuples.

J'ai publié cette idée, de la solution catalane comme modèle pour le Québec dans Le Devoir du 2 décembre 1998. C'est la solution autonomiste. Quelques semaines plus tard, Jacques Parizeau exprimait son intérêt pour cette nouvelle idée lors d'une entrevue à la télévision avec Pierre Morissette. Trois mois plus tard, Lucien Bouchard a fait une visite en Catalogne. Selon l'édition du Devoir du 9 février 2000, entre guillemets – je cite: «Le cabinet Bouchard a jonglé avec l'idée de tenir un référendum sur autre chose que la souveraineté.» Cela veut dire qu'il a jonglé avec mon idée. Dans son dernier livre intitulé Sortie de secours , Jean-François Lisée défend ma position, sans admettre qu'elle vient de moi.

Si le Québec accepte ma proposition pour la question du prochain référendum, le Québec pourra obtenir l'autonomie constitutionnelle qu'il souhaite sans offusquer les patriotes canadiens qui verraient dans l'indépendance totale du Québec la destruction du Canada. La grande majorité des Québécois ne souhaitent pas détruire le Canada. Personne ne veut la violence, qui est presque inévitable lorsqu'un peuple heurte les sentiments patriotiques d'un autre peuple. Par contre, la survie de la langue et de la civilisation françaises au Québec requiert une reconnaissance constitutionnelle du fait français au Québec. La sagesse consiste toujours à chercher des compromis. Vive le Québec, province française autonome du Canada! Vive le nouveau Canada! Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Dôle, pour votre présentation. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie, M. Dôle, pour votre participation à nos travaux. Je vous propose d'emblée de laisser de côté les spéculations sur les délibérations du Conseil des ministres et de laisser également de côté les discussions visant à savoir à qui revient la paternité de telle ou telle idée.

Fondamentalement, vous souhaitez que le Québec s'affirme, qu'il avance, et de cela je me réjouis. Mais le chemin que vous préconisez me laisse perplexe, et vous allez devoir clarifier pour moi un certain nombre d'éléments. Prenons la question référendaire que vous soumettez, dans son premier volet: Voulez-vous que le Québec se dote du statut de province française autonome du Canada? Vous savez, il est facile de concevoir une question si large et si vague que n'importe qui répondrait oui. Mais dans le monde réel il faut se poser la question: Une fois dégagée cette majorité de oui, il se passe quoi? Vous proposez à ce moment-là l'ouverture de négociations ne devant pas durer plus de cinq ans. Mais qu'est-ce qui serait négocié? À la page 2, vous proposez le modèle catalan, mais un peu plus bas, dans cette même page 2, vous proposez les 22 pouvoirs du rapport Allaire. Alors, je ne suis pas sûr de comprendre, dans cet autre scénario de dernière chance au fédéralisme, quelle serait la position des négociateurs québécois? On irait demander quoi au juste?

M. Dôle (Robert): Alors, l'avantage de cette question d'abord, c'est qu'elle est certaine de gagner. Ça, c'est l'avantage. Ça veut dire, c'est une manière pour le peuple québécois d'insister sur le fait qu'il veut que la Constitution canadienne reconnaisse que le Québec est un pays français. Selon moi, comme j'ai dit à la commission Bélanger-Campeau – je suis linguiste: Toutes les langues minoritaires qui sont disparues de la planète terre ont été celles des peuples qui n'avaient pas la souveraineté et l'autonomie politique. Toujours, c'est toujours comme ça. Il y a 2 000 langues et dialectes qui sont disparus de la terre et qui ont été remplacés par l'anglais, et c'était toujours le cas des peuples qui n'avaient pas l'autonomie politique.

Alors, moi, je vise un projet qui peut donner au Québec assez d'autonomie politique pour assurer la survie de la langue française au Québec, parce que c'est ça, l'enjeu. L'enjeu principal de la constitution, du problème constitutionnel du Québec, c'est la survie de la langue française. Et c'est la mission historique du peuple québécois de survivre, et, survivre pour les Québécois, ça veut dire que le langue française survive au Québec. Et ça, c'est l'enjeu principal. Alors, si le Québec insiste pour que la Constitution canadienne reconnaisse que le Québec est un pays français, c'est un pas dans la bonne direction pour assurer la survie de la langue française, ici.

Je ne suis pas un politicien, je ne suis pas un historien. Je suis un linguiste. Et je suis aussi citoyen de l'Irlande. Ma grand-mère était irlandaise, et je connais l'histoire de la disparition de la langue irlandaise. En 1840, l'irlandais était la langue de la majorité en Irlande. Aujourd'hui, il n'y a que 20 000 Irlandais qui parlent irlandais comme langue maternelle. Alors, moi, je crois qu'il y a beaucoup, beaucoup de parallèles entre l'histoire de l'Irlande et l'histoire du Québec. Ça veut dire, en 160 ans la langue irlandaise est disparue, et une raison pour laquelle la langue irlandaise est disparue en Irlande, c'est parce que Dublin, la capitale, était toujours une ville anglophone. C'est une ville qui a été fondée par les Anglais. Ça s'appelait The Baile. Et Dublin était toujours une ville anglophone. Alors, lorsque le pays a la situation où la capitale du pays est anglophone, évidemment le reste du pays est obligé de parler en anglais avec la capitale.

Alors, à Montréal, maintenant. Montréal est en train de devenir une ville de plus en plus anglaise. Moi, j'ai fait un sondage à Montréal. Avec un étudiant, on a fait une enquête auprès de 604 passants à Montréal et on a découvert que c'est beaucoup plus facile d'obtenir une réponse en anglais à Montréal qu'en français. Alors, comme les démographes le démontrent, Montréal est en train de devenir de plus en plus une ville anglophone. Si ça continue, s'il est difficile de vivre en langue française à Montréal, s'il devient normal que les Montréalais se parlent en anglais, alors à l'intérieur de quelques générations la langue française disparaîtra du Québec.

Alors, moi, je propose quelque chose, une solution. C'est une idée, je vous lance une idée. Je ne suis pas un politicien, je suis un linguiste. Ma préoccupation principale est la survie de la langue française. Moi, je viens d'un quartier modeste de la ville de Washington, D.C. J'ai grandi dans les écoles avec des élèves noirs, les plus pauvres des États-Unis, qui venaient d'arriver du Sud, des champs de coton. Et là, dans mon enfance, dans la ville de Washington, j'ai développé un amour pour la civilisation française et, dans ma chambre à moi, j'imaginais la France comme étant un pays supérieur aux États-Unis, la culture française comme étant supérieure à la culture américaine. Je suis francophile depuis mon enfance, et c'est pour ça que je suis ici.

(10 h 50)

Je suis ici parce que ce qui m'inquiète le plus, c'est la disparition de la langue française au Québec et, si les tendances sociolinguistiques suivent le cours normal... Nous avons en sociolinguistique l'idée de la théorie du moindre effort qui dit que ça prend moins d'efforts de parler une langue que dans parler deux, et selon cette théorie – ça s'appelle aussi la théorie de l'économie linguistique – si un peuple est obligé de parler deux langues, c'est toujours la langue minoritaire qui disparaît, et la langue dominante devient la seule langue du pays. Ça, c'est l'histoire... l'histoire se répète partout.

Et maintenant, nous le savons tous, nous vivons dans un monde de globalisation. Ce monde de globalisation, ça veut dire un monde d'américanisation. C'est une autre manière de dire américanisation. La menace de l'anéantissement de cultures minoritaires est très réelle dans ce monde parce que le monde devient de plus en plus homogène. Ah oui, je crois qu'il faut faire quelque chose pour garantir la survie de la langue française, ici, au Québec. Et avec l'option traditionnelle, comme dit M. Lisée dans son livre...

La souveraineté du Québec, selon moi, est comme ce que disait Simone de Beauvoir du socialisme: c'est un rêve irréalisable. Comme le socialisme, c'est un rêve irréalisable. Alors, si les Québécois admettent que la souveraineté, dans sa forme traditionnelle, est irréalisable, ils doivent viser autre chose afin de garantir la survie de la langue française au Québec. C'est pour ça que je recommande cette question pour le prochain référendum.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le député de Dubuc, s'il vous plaît.

M. Côté (Dubuc): Merci, M. le Président. Alors, M. Dôle, bonjour, bienvenu. Lorsque vous dites votre question «Voulez-vous que le Québec se dote du statut de province française autonome du Canada?», alors vous savez combien, depuis plusieurs années, le gouvernement fédéral a toujours refusé de reconnaître les caractéristiques essentielles du Québec. Est-ce que vous avez pensé si votre question pourrait être considérée irrecevable par le gouvernement fédéral en vertu de la fameuse Loi C-20 qui est présentement...

M. Dôle (Robert): C'est ça. Alors, à mon point de vue, à moi, c'est que c'est une question gagnante. Alors, si on gagne un référendum, le gouvernement fédéral serait obligé de négocier, parce que jusqu'ici le mouvement nationaliste n'a pas gagné un référendum. Moi, j'aimerais voir la réaction d'Ottawa après que le Oui gagne au Québec. Est-ce que vous voyez mon point de vue? On va gagner une question, et puis le ballon sera dans la cour d'Ottawa parce que le Québec a parlé à Ottawa en disant nous avons gagné un référendum, voilà ce que veut le peuple québécois. La Cour suprême du Canada a déjà dit que le peuple québécois a le droit de décider de son avenir constitutionnel. Nous avons choisi d'avoir un statut spécial à l'intérieur du Canada, qui reconnaisse officiellement le statut français du Québec.

M. Côté (Dubuc): Oui, mais le fédéral pourrait vous répondre: Votre question n'était pas assez claire.

M. Dôle (Robert): Alors, j'espère que non. Mais on peut dire que c'est clair, parce que ça existe en Espagne et ça existe ailleurs dans le monde. Ça existe. Ce n'est pas si nouveau que cela.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Saint-Jean, je crois.

M. Paquin: Je vous ai entendu utiliser l'expression pour le Québec qu'il s'agit d'un pays français, et ce que vous suggérez, c'est que ce pays français, compte tenu que vous considérez que c'est un rêve irréalisable qu'il soit pleinement un pays au sens d'État nation, se pose à lui-même la question s'il doit être une province française à l'intérieur du Canada. C'est un petit peu ça?

M. Dôle (Robert): Province française autonome.

M. Paquin: Française autonome. J'aimerais ça que vous me précisiez ce concept-là.

M. Dôle (Robert): Ça veut dire qu'on prend le livre de M. Lisée et ce qu'il propose dans son livre pour le prochain référendum, moi, je suis totalement d'accord avec son livre, mais qu'on ajoute à sa question cette formulation, cette étiquette de province française autonome. Moi, j'ai lu le livre de M. Lisée. Je suis d'accord avec tout ce qu'il dit. Alors, le référendum aura ses idées plus la mienne, ça veut dire ce qu'il propose comme pouvoirs augmentés, accrus, pour le Québec au plan politique, mais avec une étiquette spéciale qui sera celle de province française autonome du Canada.

M. Paquin: J'ai combien de temps?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il reste huit minutes.

M. Paquin: Vous proposez donc une question qui va dans ce sens-là. Et puis, bon, on a déjà posé la question: Est-ce que ce serait recevable en vertu de C-20? Bon. On espère que ça l'est, disons. Et vous posez cette question-là et vous dites qu'il faut l'assortir d'une deuxième question.

M. Dôle (Robert): Ça, c'est juste pour donner de la force à la question.

M. Paquin: Oui, mais qu'est-ce qui se passe si on répond oui à la première et non à la deuxième?

M. Dôle (Robert): Ça serait embarrassant pour tout le monde, je suppose.

M. Paquin: C'est ça, c'est qu'à un moment donné, dans la faisabilité, vous dites: Ma question serait une question gagnante. Bon. Alors, faisons cette présomption-là. Et là on l'assortit d'une deuxième question dont l'objectif est de dire: Il y a une épée de Damoclès parce que, si jamais le fédéral refusait de discuter et de négocier de bonne foi avec un Québec qui aurait voté dans le sens de votre question, eh bien il serait sujet à ce moment-là à ce que la deuxième question s'applique. C'est ça dans votre idée. Alors, si on vote oui à la première et qu'on a posé cette question-là parce que justement on sait... Parce que votre hypothèse est la suivante, c'est: La souveraineté du Québec est un – et vous avez utilisé une expression...

M. Dôle (Robert): Un rêve irréalisable.

M. Paquin: Voilà. Alors, si ce n'est pas réalisable et que vous posez la deuxième question, vous posez aussi une question sur quelque chose qui n'est pas réalisable. Et à ce moment-là quelqu'un qui partagerait votre point de vue voterait oui à la première puis voterait non à la deuxième, et on se trouverait dans une situation où il n'y a pas d'épée de Damoclès.

M. Dôle (Robert): Oui, je suis d'accord avec vous, on va éliminer la deuxième question. On va éliminer la deuxième. Ha, ha, ha! Vous m'avez convaincu.

M. Paquin: Bien, en fait, si vous voulez être d'accord avec moi, il faut éliminer la première et conserver la deuxième.

M. Dôle (Robert): Vous voulez conserver la deuxième et éliminer la première?

M. Paquin: Oui, c'est ça.

M. Dôle (Robert): Ah bon.

M. Paquin: Bien, disons, que là-dessus je pense qu'on ne se rejoindra pas. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous passons à la période réservée à l'opposition officielle. M. le porte-parole.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Dôle. Par rapport à votre proposition, je dois dire qu'elle cherche à confirmer le fait français au Canada et je dois dire que, en ce sens-là en tout cas, c'est une proposition qui doit être examinée. Et j'ai été très, très intéressé par votre parcours personnel en tant que Américain francophile. Je dois dire que c'est quelque chose qui est en fait remarquable et qui est sans doute appréciable. Et je dois vous dire que, comme vous, je m'inquiète des grandes tendances sociolinguistiques du Québec. Je pense que n'importe qui qui est, disons, au courant du taux de dénatalité au Québec, des problèmes sociopolitiques que nous connaissons encore de différentes natures, ne peut qu'être inquiet par rapport à l'avenir de la francophonie en Amérique. Et je le suis, moi aussi.

Je dois vous dire qu'il y a deux affirmations dans votre texte sur lesquelles j'aimerais vous entendre. Je ne suis pas certain que je les saisis bien. La première affirmation est la suivante: «Ce n'est pas en démembrant les pays que l'on peut faire avancer la cause de la réconciliation des peuples.» Bon. Alors, comment est-ce qu'on doit comprendre cette affirmation-là dans le contexte justement d'une éventuelle et hypothétique indépendance du Québec?

(11 heures)

M. Dôle (Robert): Oui, c'est ça. Moi, je propose le statut de province française autonome du Canada pour éviter ce problème. Je veux éviter les réactions haineuses, qui sont normales lorsque les patriotes sont appelés à accepter la destruction de leur pays. Alors, moi, je suis un étudiant de la nature humaine et de l'histoire humaine et je sais que les gens sont irrationnels, les êtres humains sont irrationnels. Alors, on peut dire que la souveraineté du Québec, c'est une très belle idée, mais il y a des gens au Canada anglais qui n'acceptent pas l'idée de voir le Canada divisé. Ils n'acceptent pas cela, ils deviennent irrationnels.

Vous avez vu la réaction, lorsqu'on a nommé David Levine comme directeur général de l'hôpital à Ottawa, vous avez vu la réaction de ces patriotes canadiens-anglais: ils ont réagi comme des fous, ils ont perdu vraiment le sens de ce qui est normal. Et ça existe. Moi, je connais la mentalité anglaise, je viens d'une famille anglaise, je sais ce que c'est que la mentalité anglaise, et les Anglais, les Américains, les Canadiens anglais, ils sont des gens patriotes, ils ont des sentiments patriotiques, et certainement il y en a des extrémistes qui sont prêts à faire n'importe quoi. Moi, je crois vraiment que ça pourrait prendre une petite étincelle comme ça et le Québec pourrait devenir une autre Irlande du Nord.

M. Pelletier (Chapleau): Est-ce que c'est ce que vous voulez dire quand vous affirmez, ailleurs dans votre mémoire: Si l'une de ces nations essaie de détruire l'ensemble, l'autre nation réagira? Est-ce que c'est à ça que vous faites référence?

M. Dôle (Robert): ...c'est presque toujours comme cela. C'est l'histoire de l'humanité.

M. Pelletier (Chapleau): Dans quel sens? Parfois, ça peut être évité aussi, vous savez.

M. Dôle (Robert): Moi, je connais seulement deux exemples où ça a été évité: Singapour et la Tchécoslovaquie. Seulement deux exemples, dans l'histoire de l'humanité. Normalement, ça devient le chaos. Dans l'histoire de l'humanité, lorsque les gens sont appelés à accepter la fin de leur pays, ces gens-là deviennent fous.

M. Pelletier (Chapleau): Dans le cas de la Tchécoslovaquie, si je comprends bien, il y a eu une entente entre les Tchèques et les Slovaques.

M. Dôle (Robert): C'est ça, parce que ces gens-là, les Tchèques vivent dans la partie tchèque et les Slovaques vivent dans la partie slovaque, et c'étaient deux nations qui n'ont jamais été une vraie nation, c'étaient deux provinces de l'empire austro-hongrois, et puis ce pays existe, si ma mémoire est bonne, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Mais c'était un pays artificiel, qui a été mis ensemble après la Deuxième Guerre mondiale ou peut-être après la Première Guerre mondiale, ma mémoire n'est pas parfaite. Mais, de toute manière, il n'y avait pas de Slovaques vivant dans la partie tchèque et il n'y avait pas de Tchèques vivant dans la partie slovaque, alors c'était facile de faire la séparation des deux parties, parce que tous les Slovaques étaient dans la partie slovaque et tous les Tchèques dans la partie tchèque. Mais ici, au Québec, il y a beaucoup d'anglophones. Même, il y a beaucoup de Québécois francophones qui se considèrent canadiens, ça existe.

M. Pelletier (Chapleau): Dans le cas de Singapour, est-ce que vous vous souvenez des conditions d'accession à la souveraineté, à ce moment-là?

M. Dôle (Robert): C'était après la Deuxième Guerre mondiale. Singapour, comme vous le savez, est une ville chinoise. Alors, comme la grande majorité des gens vivant à Singapour était chinoise, c'était facile de faire la séparation de la Malaisie.

M. Pelletier (Chapleau): Je dois vous dire par ailleurs, en terminant, que, si le député de Dubuc vous demande quoi faire dans le contexte où un référendum porte sur votre question et où le fédéral considère que la question n'est pas claire, dites-lui tout simplement: On va s'en foutre, on va faire ce qu'on veut. C'est la réponse...

M. Facal: ...au député de Chapleau que nous ne poserons pas cette question-là. Ha, ha, ha!

M. Pelletier (Chapleau): Non? Ah, bon. Ha, ha, ha! Non, je faisais une blague en terminant, M. Dôle, parce que je faisais référence évidemment à des affirmations qu'avait faites M. le ministre sur le projet de loi C-20 à Ottawa. Vous étiez dans la salle tout à l'heure. Bon, voilà. Alors, moi, je dois vous dire que je prends bonne note de votre mémoire. Je ne me souviens pas d'avoir lu Le Devoir du 2 décembre 1998. Il y avait votre article à ce moment-là.

M. Dôle (Robert): Je dis la même chose qu'ici.

M. Pelletier (Chapleau): Alors, moi, je dois vous dire que je vais certainement me procurer l'article et je vais certainement le lire.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Dôle, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier pour votre contribution à nos travaux.

Et je pense que nous enchaînons immédiatement avec M. Seymour, que j'inviterais à s'avancer, s'il vous plaît. Tout en rappelant, à l'intention des personnes qui nous écoutent, que la présente commission est réunie afin de procéder à une consultation générale et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

Nous en sommes maintenant donc à recevoir notre troisième invité ce matin, M. Michel Seymour.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Seymour, nous avons réservé une période d'une heure pour la présente rencontre, selon la formule habituelle, c'est-à-dire que vous disposez d'un maximum de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire ou de votre point de vue, et, par la suite, nous passerons aux échanges. Alors, vous avez la parole.


M. Michel Seymour

M. Seymour (Michel): Merci beaucoup, M. le Président. Je dois dire d'emblée que j'interviens ici en mon nom personnel. Pour dire les choses franchement, je suis depuis quelque temps le président de la Commission de la citoyenneté au Bloc québécois, mais le texte que vous avez eu sous les yeux a été écrit bien longtemps avant d'être choisi à ce titre.

Alors, je propose de contribuer à la discussion entourant le projet de loi n° 99 en réagissant au projet de loi fédéral C-20 relativement à l'avis de la Cour suprême. Je me propose de concentrer d'abord et avant tout mon attention sur les écarts importants qui subsistent entre le projet de loi fédéral et l'avis de la Cour. Ce faisant, je fournirai un argument justifiant l'adoption de la loi déposée par le gouvernement québécois à l'Assemblée nationale. Inutile de dire que je vous lis une version fortement abrégée du document que j'ai déposé et qui fait 21 pages à simple interligne.

Alors, on pourra peut-être s'étonner de voir tant d'efforts consacrés à une démonstration qui peut sembler évidente. Pourquoi, en effet, est-il besoin de démontrer que le projet de loi C-20 va à l'encontre de l'avis de la Cour? Tout d'abord, il faut remarquer que le projet de loi est présenté explicitement par le gouvernement fédéral comme donnant effet à l'exigence de clarté définie dans l'avis de la Cour suprême du Canada sur le renvoi relatif à la sécession du Québec. Ensuite, d'éminents constitutionnalistes ont prétendu que la loi s'accordait pleinement avec l'avis. Il y en a trois, quatre de renom, à tout le moins, qui se sont avancés clairement en ce sens. Enfin, la loi C-20 fait consensus au Canada anglais. La population n'a pas pleinement pris conscience de la gravité du geste posé par le gouvernement fédéral. Telles sont donc les raisons qui me poussent à examiner en détail la loi C-20 et à montrer en quoi elle s'écarte de l'avis de la Cour suprême.

Premièrement, sous le couvert de donner effet à l'exigence de clarté, la loi C-20 est en réalité une tentative pour multiplier les obstacles sur le chemin des souverainistes. La majorité doit être élargie, la question référendaire doit faire état à une rupture radicale et on se réserve le droit d'intervenir pendant les débats à l'Assemblée nationale sur le libellé de la question. On doit ensuite consulter non seulement les provinces, mais aussi plusieurs autres intervenants. On annonce enfin d'ores et déjà une obligation de négocier les frontières dans le but de procéder à la partition du territoire québécois. Ce sont des obstacles inventés de toutes pièces par le gouvernement fédéral, des obstacles que l'on ne peut retrouver dans le texte de l'avis.

Deuxièmement, d'une manière générale, le projet de loi C-20 trahit aussi la volonté du gouvernement fédéral de se soustraire à l'obligation de négocier imposée par la Cour. Les obstacles mentionnés sont autant d'occasions de repousser la négociation. On cherche de cette manière à rendre impraticable et incertaine l'accession du Québec à la souveraineté. C'est d'ailleurs cette conclusion qui a été tirée par le premier ministre Chrétien et par le ministre Dion: C-20 met fin, selon eux, aux ambitions souverainistes du Québec.

Troisièmement, par son projet de loi C-20, le gouvernement fédéral s'octroie un droit de veto sur la décision du peuple québécois, il se dote d'un pouvoir de désaveu. Il s'agit ni plus ni moins d'une mise en tutelle du peuple québécois, comme le note Claude Ryan. En effet, en intervenant comme il se propose de le faire au moment où l'Assemblée nationale sera en train de délibérer sur le contenu de la question référendaire, le gouvernement fédéral ne traite même pas le gouvernement québécois comme un gouvernement provincial, il viole le principe du fédéralisme défendu par la Cour, ainsi que le fait remarquer Claude Ryan encore une fois.

(11 h 10)

Quatrièmement, le projet de loi C-20 va aussi à l'encontre de l'objectif de clarté recommandé par la Cour. On peut en effet s'interroger sur la constitutionnalité d'une clause sur la clarté de la majorité, comme celle qui apparaît dans le projet de loi C-20. On impose une clause qui est tellement ambiguë qu'elle peut être décrite comme étant affectée par un vice constitutionnel, comme l'a noté Patrice Garant.

Cinquièmement, j'en viens plus spécifiquement à la clarté de la majorité. Le projet de loi C-20 laisse entendre que la majorité requise lors d'un référendum ne peut être la majorité absolue. Le gouvernement fédéral affirme en effet explicitement qu'il prendra en considération, et je le cite, «l'importance de la majorité des voix validement exprimées en faveur de la proposition de sécession». Autrement dit, si les Québécois se prononcent en faveur de la souveraineté, il faut qu'un écart important subsiste entre le vote pour le Oui et le vote pour le Non. Cela revient à nier la règle de la majorité absolue. Le gouvernement fédéral peut-il prétendre qu'il se conforme à l'avis de la Cour en exigeant plus que la majorité absolue? Selon les ténors fédéraux, la Cour parle de majorité claire et non de majorité absolue. Si elle avait voulu parler de majorité absolue, disent-ils, elle aurait employé cette expression et non celle de «majorité claire». Toutefois, ce raisonnement implacable n'est pas appliqué à la conclusion inverse. La Cour n'a pas parlé non plus de majorité renforcée ou qualifiée. Si la Cour avait voulu parler de majorité renforcée ou qualifiée, n'aurait-elle pas employé ces expressions?

Le même raisonnement, utilisé pour discréditer l'interprétation selon laquelle la notion de «majorité claire» renvoie à celle de «majorité absolue», ne peut-il pas être employé pour réfuter l'opinion selon laquelle le mot «claire» voudrait dire «renforcée» ou «qualifiée»? Il est évident que la Cour n'a pas employé l'expression «majorité claire» dans le sens de «majorité renforcée», parce que, si elle avait voulu le faire, elle aurait employé ces expressions. Par conséquent, les ténors fédéraux ne peuvent prétendre qu'ils se conforment à ce qui a été dit par la Cour en affirmant qu'une majorité renforcée est requise. Selon le constitutionnaliste Henri Brun, le problème de la clarté du résultat référendaire renvoie à la question de savoir si la majorité absolue est réelle ou apparente. Cette interprétation est d'ailleurs partagée par le professeur Alain Pellet. «En parlant d'une majorité claire, les juges ne vont pas à l'encontre du principe de la majorité absolue, mais ils posent le problème de savoir s'il s'agit d'une majorité absolue réelle ou apparente. S'il y avait, par exemple, un nombre très grand de bulletins rejetés dans quelques comtés spécifiques, une majorité absolue serait alors acquise de justesse et pourrait apparaître comme n'étant pas véritable ou réelle. Si la participation populaire était extrêmement faible, on pourrait encore une fois peut-être questionner l'existence réelle d'une majorité absolue. Enfin, la majorité absolue peut n'être qu'apparente parce qu'il s'agit d'une majorité absolue en réponse à une question qui n'est pas claire. Dans tous les cas, la clarté ne va pas à l'encontre de l'interprétation du principe démocratique fondé sur la majorité absolue.»

Le seul passage où la Cour s'explique sur le sens à donner à l'expression «majorité claire», confirme d'ailleurs l'interprétation d'Henri Brun. La Cour précise qu'elle en parle au sens qualitatif, au paragraphe 87; elle n'en parle donc pas au sens quantitatif. Les ténors fédéraux ont toutefois une position de repli. Lorsqu'ils prétendent que le projet de loi s'accorde avec l'avis, ils s'appuient sur les remarques qui laissent entendre que l'interprétation de ce qu'est une majorité claire doit être laissée aux acteurs politiques, comme c'est écrit aux paragraphes 100 à 102. Or, c'est précisément ce que fait le gouvernement fédéral: il assume ses responsabilités en promulguant une loi sur la clarté.

Mais voyons de plus près ce que les acteurs politiques ont à dire. Les trois principaux partis politiques du Québec, représentant 99 % de la population, soutiennent que la seule règle acceptable est celle de la majorité absolue. Peut-on exiger un consensus plus large sur cette question? Les quatre partis d'opposition sur la scène fédérale, représentant 62 % de la population canadienne, ont soutenu le même principe. Ils ont défendu ouvertement la règle de la majorité absolue, et ce, même si certains d'entre eux ont en définitive choisi d'appuyer le projet de loi. Les acteurs politiques canadiens ont d'ailleurs toujours accepté cette règle. Les référendums de 1949, 1980, 1992 et 1995, tenus au Québec ou au Canada, se sont faits en conformité avec la règle de la majorité absolue. S'il faut donc s'en remettre aux acteurs politiques, force est de conclure que ceux-ci s'accordent pleinement avec la Cour suprême pour ne pas violer la règle de la majorité absolue. En sortant de la règle de la majorité absolue, sans se compromettre sur un chiffre précis, on cesse d'être clair. La règle de la majorité absolue est une règle claire. La règle vague que tente d'imposer le gouvernement fédéral n'est pas claire. La seule chose qui est claire est que le gouvernement fédéral s'octroie de cette manière un pouvoir discrétionnaire.

J'en viens maintenant à la clarté de la question. Le projet de loi C-20 stipule que la question référendaire ne permettrait pas à la population de la province de déclarer clairement qu'elle ne veut plus faire partie du Canada dans les cas où elle porterait essentiellement sur un mandat de négocier ou dans les cas où elle offrirait, en plus de la sécession, d'autres possibilités, notamment un accord politique ou économique avec le Canada. Or, on ne retrouvera nulle part dans l'avis une quelconque indication à l'effet que la question référendaire ne devrait porter que sur la sécession. Nulle part pourra-t-on lire que la question référendaire devrait exclure toute référence au partenariat. La Cour exige une question claire et qui porte sur la sécession. Or, tous les acteurs politiques raisonnables devraient reconnaître qu'une question portant sur la création d'un état souverain est une question qui porte sur la sécession. Et tout acteur politique raisonnable admettra qu'il est possible de poser une question claire portant sur le partenariat, ergo on peut poser une question claire portant sur la souveraineté avec une offre de partenariat.

On peut même aller jusqu'à dire que la proposition de partenariat répond d'emblée à des exigences de la Cour. Selon la Cour, en effet, et je la cite, «il serait naïf de penser que l'objectif principal, la sécession, pourrait être distingué aisément des détails pratiques d'une sécession. Les écueils, dit la Cour, résident dans les détails.» Paragraphe 91. Or, c'est justement ce que fait la proposition de partenariat. Cette proposition lie étroitement la question de la souveraineté du Québec aux détails pratiques liés à sa réalisation. Ensuite, selon la Cour, les négociations qui suivront un vote favorable à la souveraineté devront porter, et je cite, «sur l'acte potentiel de sécession et sur ses conditions éventuelles». Au paragraphe 151. Or, la proposition de partenariat permet aux souverainistes de proposer justement de tenir compte de la sécession et de ses conditions éventuelles devant découler de l'accession du Québec à la souveraineté.

Ensuite, la Cour soutient que la satisfaction du principe démocratique n'est pas suffisante pour permettre au Québec de devenir souverain. Même si la règle de la majorité absolue est la seule interprétation valable du principe démocratique, le principe démocratique, selon la Cour, n'est pas suffisant. La Cour soutient qu'il faut en plus satisfaire les principes de la protection des minorités, de la primauté du droit et du constitutionnalisme ainsi que du fédéralisme, aux paragraphes 90 et 91. On peut tenir compte du principe de la protection des minorités, du principe du fédéralisme et de la primauté de l'État de droit en établissant un partenariat dans lequel tous – le gouvernement canadien, les provinces, le Québec – peuvent y trouver leur compte. Le Québec n'a pas besoin d'ailleurs de se soumettre de quelque façon que ce soit à l'avis de la Cour pour se conformer à ces principes. Tout cela se trouve déjà dans son offre de partenariat.

(11 h 20)

La Cour a également statué que toute négociation faisant suite à un vote favorable portant sur la souveraineté devrait se traduire par l'obligation de négocier les conditions de la sécession, mais elle a aussi insisté sur la nécessité de tenir compte, pendant les négociations, de l'union économique, aux paragraphes 42 et 96; de la dette, au paragraphe 96; des intérêts du gouvernement fédéral et du Québec, au paragraphe 92; des minorités linguistiques et culturelles, au paragraphe 80; des intérêts des provinces, au paragraphe 96; et des peuples autochtones, au paragraphe 139. Or, l'offre de partenariat que pourraient proposer les souverainistes pourrait tenir compte de l'union économique, des droits des minorités linguistiques et culturelles, des droits des peuples autochtones, des intérêts des provinces, du Canada et du Québec. La proposition de partenariat pourrait tenir compte de tout cela. Et c'est la raison pour laquelle elle occupe d'ailleurs une place centrale dans l'argumentaire souverainiste.

Par conséquent, le gouvernement du Québec s'accorde, sans avoir à s'y conformer, pleinement avec l'avis de la Cour suprême en faisant une offre de partenariat. Cette offre traduit, de la part des souverainistes, une volonté de gérer de façon responsable le processus devant conduire à la souveraineté du Québec. En s'y opposant, le gouvernement fédéral va à l'encontre de l'avis. Certes, on ne peut extraire de l'avis de la Cour une quelconque obligation de s'entendre sur quoi que ce soit. La seule obligation qui existe est celle de négocier. Et il n'y a pas non plus obligation de négocier un modèle particulier de partenariat, qu'il s'agisse d'une union économique, de partenariat politique sectoriel ou d'un model confédéral avec institutions supranationales. Il n'y a pas d'obligation de négocier de telles structures particulières de partenariat.

Mais, si la proposition de partenariat que fera le Québec inclut une référence au partage d'une dette commune, d'une monnaie commune, d'une union douanière, d'un marché commun et d'ententes diverses concernant les peuples autochtones et les minorités nationales entre les deux pays, le Canada aura une obligation constitutionnelle de négocier le partenariat. La différence entre l'attitude de la Cour et celle du gouvernement fédéral ne saurait par conséquent être plus claire. La Cour cherche à éviter les ruptures brutales. Elle cherche à baliser le processus d'accession à la souveraineté en demandant aux négociateurs de tenir compte des liens tissés tout au long de l'histoire. Le gouvernement fédéral cherche, au contraire, à souligner la rupture, la coupure radicale, la séparation.

J'en viens finalement à un dernier point, qui me semble devoir être mis en évidence pour bien illustrer l'écart qui subsiste entre le projet de loi fédéral et l'avis de la Cour. Avec la loi C-20, le gouvernement fédéral aurait l'obligation de négocier notamment les frontières du Québec souverain. La Cour suprême prétend-elle vraiment que les négociations devront porter sur les frontières de la province? Il existe deux passages de l'avis dans lesquels cette question est abordée. Il s'agit des paragraphes 96 et 139. Les neuf juges font état de la longue liste des éléments qui devront figurer dans les discussions. Parmi l'ensemble des sujets de discussion, la Cour mentionne certes les frontières territoriales, mais en précisant qu'il s'agit, et je cite, «d'une question qui a été invoquée devant les neuf juges». Paragraphe 96.

Contrairement aux autres questions qui sont mentionnées comme devant faire l'objet des négociations, la question des frontières territoriales est considérée seulement comme une requête qui a émané d'un tiers. On ne peut donc conclure que la Cour demande à ce que cette question fasse partie des négociations. Plus loin, la Cour ajoute: «Nul ne peut sérieusement soutenir que notre existence nationale...

Le Président (M. Gautrin): M. Seymour, je m'excuse. Pouvez-vous terminer ou envisager...

M. Seymour (Michel): Il me reste deux pages à lire.

Le Président (M. Gautrin): Parfait. Mais je vous dis seulement que votre temps est écoulé. Mais, si vous pouviez penser à conclure, ça nous aiderait.

M. Seymour (Michel): Très bien. Je conclus dans quelques instants.

Le Président (M. Gautrin): Merci.

M. Seymour (Michel): La Cour ajoute plus loin, au paragraphe 96, que: «Nul ne peut sérieusement soutenir que notre existence nationale, si étroitement tissée sous tant d'aspects, pourrait être déchirée sans effort selon les frontières provinciales actuelles du Québec.» S'agit-il cette fois-ci d'une recommandation expresse à discuter des frontières? La Cour semble soutenir au contraire seulement qu'il sera difficile de déchirer notre existence nationale sans que les frontières du Québec ne soient modifiées.

Puis, dans le paragraphe 139, la Cour n'invoque rien de plus que la possibilité d'une négociation revendiquée par les peuples autochtones et non une obligation de négocier la redéfinition des frontières. Telle est d'ailleurs l'interprétation défendue par Alain Pellet dans l'avis juridique qu'il a produit à ce sujet. Selon Alain Pellet, on ne peut extraire de l'avis une quelconque obligation à ce que soit négociée la redéfinition des frontières du Québec. On peut tout au plus parler d'une reconnaissance par la Cour de la possibilité qu'il y ait des négociations sur le sujet.

Alors, j'en arrive à ma conclusion. Le gouvernement fédéral s'éloigne sensiblement des directives énoncées dans l'avis. J'en énumère sept, celles que je viens de mentionner. Il dresse tout d'abord, d'une manière générale, des obstacles qui ne sont pas dans l'avis de la Cour. Deuxièmement, il cherche à se soustraire à l'obligation de négocier, qui est prescrite par la Cour. Troisièmement, il va à l'encontre du principe du fédéralisme en s'immisçant dans la discussion autour du choix de la question. Quatrièmement, il propose une règle de majorité qualifiée, ambiguë, qui ne donne pas suite à l'exigence de clarté. Cinquièmement, contrairement à la Cour suprême, le gouvernement fédéral impose aux souverainistes un score favorable à la souveraineté devant dépasser la majorité absolue des voix. Ce faisant, il s'isole par rapport à l'ensemble des acteurs politiques. Sixièmement, il cherche à imposer une accession à la souveraineté, prenant la forme d'un processus brutal conduisant à une indépendance totale et à la rupture de tous les liens avec le Canada. Or, cela aussi va à l'encontre des recommandations de la Cour suprême, qui suggère, au contraire, un processus à l'occasion duquel les intérêts des uns et des autres seraient pris en considération. Septièmement, enfin, le gouvernement fédéral cherche à provoquer la peur en attisant la flamme partitionniste. Mais, comme on l'a vu, la Cour suprême n'impose d'aucune façon l'obligation de négocier les frontières du Québec.

Alors, dans le contexte d'une démarche fédérale illégitime, puisqu'elle ne peut se fonder sur l'avis de la Cour suprême, il importe que le gouvernement québécois réagisse rapidement par l'adoption de la loi n° 99. Cette loi doit être appuyée par tous les Québécois, fédéralistes ou souverainistes. La loi fédérale doit être contrecarrée par une loi qui réaffirme les prérogatives du peuple et de l'État du Québec.

Le Président (M. Gautrin): Merci, M. Seymour. Je vais maintenant demander au député de Fabre et ministre des Relations intergouvernementales canadiennes de commencer les échanges.

(11 h 30)

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie beaucoup, M. Seymour, pour votre contribution à nos travaux. Votre mémoire est un des plus solides, un des plus sérieux, un des plus fouillés que nous ayons entendus jusqu'à maintenant. Il est, à mon sens, extrêmement convaincant et dépourvu d'obscurité. Vous avez entièrement raison, selon moi, de dire que C-20 travestit grossièrement l'avis de la Cour, et vous le démontrez de façon implacable. Je note que votre mémoire est un des rares à avoir mis en lumière l'interprétation vraiment superficielle et ironique que font la plupart des commentateurs de ce que la Cour a réellement écrit sur la question des frontières du Québec. Et je note aussi que votre mémoire est un des rares à avoir noté le sens tout à fait inusité que la Cour donne à l'expression «sécession unilatérale». C'est en effet le paragraphe 86 de la Cour qui est souvent passé sous silence. La Cour écrit, je cite: «Ce qui est revendiqué comme droit de faire unilatéralement sécession est plutôt le droit de procéder à la sécession sans négociations préalables avec les autres provinces et le gouvernement fédéral.» Or, les souverainistes ont toujours soutenu que des négociations devaient avoir lieu avant la déclaration de souveraineté.

Donc, j'ai assez peu à dire sur votre mémoire, qui vraiment emporte la conviction. Je veux simplement savoir, à votre avis, dans la mesure où nous avons toujours dit que 99 était bonifiable, parce qu'il ne comporte que 11 articles sur trois courtes pages, s'il y a des principes ou des valeurs fondamentales dans 99 qui, si on le conçoit comme l'amorce d'une charte et de droits collectifs, manquent et devraient être ajoutées par le biais d'amendements?

Le Président (M. Gautrin): M. Seymour.

M. Seymour (Michel): Je pense à une chose en particulier. Je vous avoue que le travail qui a été le mien jusqu'à présent, et c'est ce qui continue à être fait... Je suis rendu maintenant à un texte de 32 pages, simple interligne. Je rassemble d'ailleurs les arguments que je recueille à gauche et à droite et en lisant.

Dans le cas de l'argument concernant la sécession unilatérale, j'ai puisé dans le texte de M. Parizeau à cet effet, qui a été l'un des premiers, dans Le Devoir d'ailleurs, à soulever l'incongruité. Et je pense qu'on pourrait creuser ça davantage pour révéler le caractère politique de ce que la Cour suprême a fait. D'ailleurs, j'ai un long préambule à cet effet dans mon mémoire, qui fait état des gestes politiques. Alors, j'ai surtout mis mes efforts de réflexion là-dessus.

Et je salue l'ouverture qu'on trouve dans ce projet de loi à l'égard de la notion des droits collectifs. Malheureusement, la reconnaissance, en théorie, du droit – d'ailleurs, il y a des constitutionnalistes ici même qui pourront me corriger ou me confirmer – est très souvent d'avoir des résistances à l'égard de la notion de droits collectifs. Je pense qu'on a tort, mais qu'il ne faut pas craindre de s'inscrire en marge du droit officiellement reconnu, bien qu'il y ait des droits collectifs à travers le monde, même aux Nations unies.

La légitimité, du point de vue, je dirais, philosophique, des droits collectifs n'est pas toujours acquise. Et d'ailleurs vous pouvez être certains que ceux qui vont aller contester à la Cour suprême ou ailleurs le projet de loi n° 99, la loi n° 99, ce sera justement d'invoquer le caractère problématique de ces droits collectifs qui – je prévois déjà les choses à l'avance – va à l'encontre des libertés fondamentales de l'individualisme qui caractérise nos sociétés libérales. Alors, on va entendre ça à répétition.

Moi, je me permets de dire que la théorie libérale la plus officielle, la plus reconnue à travers le monde entier maintenant, c'est la théorie de John Rawls, le plus grand philosophe américain qui ait réfléchi là-dessus, qui a une réputation mondiale. Et Rawls vient de publier un ouvrage qui porte sur le droit des peuples. John Rawls n'est pas un individualiste. On peut être un libéral et ne pas être un individualiste. Je termine ma remarque de philosophe là-dessus.

Et je réponds plus directement à votre question en disant que ce qui me semble peut-être mériter l'examen à tout le moins, c'est que toute réforme... On pourrait inclure dans le projet de loi que toute réforme éventuelle du fédéralisme, si jamais elle devait être adoptée par quelque parti que ce soit, toute réforme constitutionnelle, tout changement constitutionnel ne pourrait être fait sans que la population du Québec ait été consultée. Et il faudrait préciser les choses suffisamment pour que ce soit clair que, dans l'hypothèse où une question référendaire porterait sur un mandat de négocier, dans ce cas-là, il faudrait une seconde question référendaire pour entériner le résultat. Parce qu'il ne faut pas être ambigu si on ajoute quelque chose comme ça dans le texte de la loi. Une simple obligation de passer par la voie référendaire serait insuffisante, si on précisait les choses aussi vaguement que ça, parce que ça permettrait à certains d'imaginer la possibilité de consulter sur un mandat de négocier, de négocier à la baisse comme ce n'est pas permis et de dire qu'on a répondu à l'attente du projet de loi. Alors, il faut absolument préciser que, dans l'hypothèse où il y a un changement constitutionnel important, il faut non seulement que cette question soit soumise à l'électorat par voie référendaire, mais que, si elle porte sur un mandat de négocier, il faut appuyer le résultat de la négociation par un appui référendaire, comme on avait procédé en 1980, dans le respect le plus grand de la démocratie. Je vois surtout ça comme principal amendement.

Le Président (M. Gautrin): Merci. M. le député de Fabre.

M. Facal: Non, ça va.

Le Président (M. Gautrin): Vous avez terminé. M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Bienvenu, M. Seymour. Justement, pour enchaîner, la question de 1995, qui faisait référence à un partenariat, a été dénoncée et même contestée par plusieurs porte-parole fédéraux, disant qu'elle n'était pas claire parce qu'elle faisait référence à un partenariat. Alors, vous n'êtes pas d'accord avec ça. Est-ce qu'une question comme ça est claire? Et est-ce que c'est compatible avec l'avis de la Cour suprême?

Le Président (M. Gautrin): M. Seymour.

M. Seymour (Michel): Je pense que la question de 1995 était parfaitement claire. Je pense aussi que les éléments qui peuvent donner l'impression, quand on la lit cinq ans plus tard, de ne pas être clair sont des éléments qui visaient précisément à la clarifier, c'est-à-dire les références au projet de loi n° 1 et la référence à l'entente de juin 1995, surtout quand on lit ça maintenant, hors contexte. Le ministre Dion s'empresse constamment de s'amuser avec ça. Il la lit au complet, sortie de son contexte, avec des références à des documents qui commencent à être loin dans l'esprit de la population et il se convainc, de cette manière, que la question n'est pas claire. En réalité, ces deux références qui semblent alourdir et compliquer la question de 1995 visent à la clarifier. Donc, c'est assez odieux de se servir de ces éléments-là pour dénoncer le caractère obscur de la question de 1995.

Maintenant, il faut dire aussi que la conjoncture change. Moi, j'ai travaillé sur cette question. Je dois dire aussi, pour être parfaitement transparent, que j'ai été à l'origine d'un des rapports d'un des quatre chantiers pour le Bloc québécois, le chantier qui portait sur le partenariat. Et j'ai proposé, à cette occasion, une nouvelle stratégie. Je pense que, d'une certaine façon, avec une proposition assez précise et arrêtée portant sur une structure supranationale très précisément formulée, les souverainistes se sont un petit peu, en 1995, comportés comme en 1973, si je ne m'abuse, avec le budget de l'an un. On s'est compromis complètement, avant que des négociations ne débutent, sur une structure que les fédéralistes se sont ensuite amusés à démantibuler.

Alors, il faut laisser la chance à la négociation et ne peut-être pas s'aventurer autant à l'avance sur une structure particulière que devrait prendre l'éventuel partenariat. C'était l'objet d'une de mes recommandations dans le chantier sur le partenariat. Cette recommandation a été entérinée par le Bloc québécois, elle fait maintenant partie de la proposition principale. Et les échos que j'ai eus de la proposition adoptée par les jeunes péquistes me permettent de dire que ça ne semble pas aller à l'encontre de cette idée, à savoir: on laisse le cours à la négociation.

Et j'ai soumis aussi, à cette occasion, toujours dans le même rapport, que, dans l'hypothèse où il est clairement admis par tous qu'il y aura une obligation de négocier les modalités de mise en place de la souveraineté du Québec qui tiendront compte de l'union économique et des autres choses, dans la mesure où c'est admis par tous les acteurs politiques, y compris le gouvernement fédéral et les autres provinces, on pourrait alors se permettre de faire référence au partenariat dans un éventuel préambule à une question référendaire, donc de faire référence, pas à des structures particulières, parce que cela dépend du résultat de la négociation, mais de faire référence au partenariat dans le préambule de la question.

Et j'ai été heureux de lire, jusque dans les 360 premières pages de l'ouvrage de M. Lisée, un argumentaire intéressant qui allait en ce sens. Et en particulier, la question qu'il propose, bien qu'elle soit probablement beaucoup trop longue, elle faisait référence au partenariat, à des éléments pouvant faire l'objet d'une entente de partenariat sans se compromettre dans une structure particulière et elle y faisait référence dans le préambule de la question. Alors, l'esprit de la longue, trop longue question de Jean-François Lisée va dans le sens de ce que je verrais, moi, comme possibilité pour ce qui est d'une éventuelle question référendaire.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Frontenac, avez-vous terminé?

M. Boulianne: Non. J'ai une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Selon vous, quel est l'intérêt du gouvernement fédéral, l'intérêt politique à empêcher, par exemple, le gouvernement du Québec de proposer un partenariat politique économique?

M. Seymour (Michel): On veut que le Québec n'adopte pas une politique de la main tendue. On veut que le Québec se réfugie dans une position d'intransigeance. On veut que le Québec ait l'air, aux yeux de la population, d'être gouverné par des dirigeants qui veulent l'orienter dans une position radicale. On ne veut pas que le mouvement souverainiste paraisse respectable, avec une politique de la main tendue soucieuse de gérer adéquatement le passage à la souveraineté.

(11 h 40)

Du point de vue souverainiste, l'offre de partenariat n'est pas, contrairement à ce que l'on dit et on entend, même dans les cercles souverainistes, une tentative de demander, de quémander quelque chose au fédéral. C'est, au contraire, une attitude responsable, soucieuse des intérêts de l'autre.

Les Québécois, avec une offre de partenariat, tiennent compte des intérêts des Canadiens, qui veulent maintenir un espace politique et économique d'un océan à l'autre. Le Québec peut devenir un pays indépendant tout en maintenant des liens politiques et économiques qui tiennent compte de ce besoin d'unité des Canadiens. Donc, il y a une attitude responsable qui tient compte des besoins de l'autre et qui prouve hors de tout doute que les souverainistes sont dans une politique de la main tendue, une attitude moralement irréprochable dans leur comportement et qu'il est aussi avantageux d'avoir, de toute façon, pour obtenir la reconnaissance internationale.

Face à une position intransigeante comme celle du gouvernement fédéral, face à un refus de négocier une offre d'ouverture inscrite dans la mouvance contemporaine des États qui acceptent d'être en même temps souverains et interdépendants, face à une offre de partenariat, le Québec est en position avantageuse pour se faire reconnaître internationalement.

Alors, à la fois pour enlever la culpabilité dans l'esprit des Québécois, pour tenir compte des Canadiens et pour penser à notre reconnaissance internationale, que le Canada dise non au partenariat ou pas, ça n'a pas d'importance, il demeure pertinent de maintenir une offre de partenariat parce que ça montre la flexibilité, le caractère raisonnable et moralement irréprochable du mouvement souverainiste.

M. Boulianne: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin: En fait, M. Seymour vient de compléter un peu la question que je voulais aborder à propos du référendum de 1995. Mais juste peut-être un autre élément qui pourrait me renseigner plus. Quand vous dites qu'il y avait une offre de partenariat avec une limite de négociations si, au bout d'une année... À ce moment-là, il y avait une proclamation unilatérale. Vous, vous avez dit tantôt qu'il y aurait peut-être possibilité de faire une ouverture pour que, dans la même question, il y ait une autre question. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Seymour (Michel): Je disais juste...

Le Président (M. Gautrin): M. Seymour.

M. Seymour (Michel): Je m'excuse, M. le Président. Je disais juste que, dans le projet de loi n° 99, pour se prémunir contre tout éventuel gouvernement, quel qu'il soit, qui voudrait procéder à des changements constitutionnels importants sans consulter la population du Québec par voie référendaire, il conviendrait peut-être de considérer la possibilité de mettre un amendement dans le projet de loi n° 99, un projet d'amendement qui dirait que tout changement constitutionnel, effectivement, doit passer par voie référendaire, avec la précision additionnelle que, s'il s'agit d'une question référendaire sur un mandat de négocier quoi que ce soit, il y ait la nécessité de revenir à nouveau devant la population pour qu'elle entérine le résultat des négociations. Si la question référendaire ne porte pas sur un mandat de négocier, c'est une autre question.

M. Morin: On s'entend.

M. Seymour (Michel): L'esprit de 1980 était un esprit correct et soucieux de la démocratie.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Nicolet-Yamaska, vous avez terminé?

M. Morin: Ça va.

Le Président (M. Gautrin): Est-ce que, parmi les députés ministériels, vous avez encore quelques questions? Il vous reste quelques minutes. Dans ces conditions-là, je passerai la parole au député de Chapleau et porte-parole de l'opposition officielle. M. le député de Chapleau.

M. Pelletier (Chapleau): Bonjour, M. Seymour. Merci pour votre présentation, merci aussi pour votre mémoire, qui est quand même un mémoire substantiel, avec plusieurs affirmations qui sont faites et références au renvoi de la Cour suprême. D'ailleurs, j'ai lu le mémoire avec attention, j'ai lu aussi le résumé que vous avez distribué.

Je voulais vous entendre surtout sur un ou deux points, parce que déjà le parti ministériel vous a posé plusieurs questions qui vous ont amené à préciser votre pensée. Vous dites, dans votre mémoire, à la page 6, que la majorité absolue peut n'être qu'apparente parce qu'il s'agit d'une majorité absolue en réponse à une question qui n'est pas claire. Or, dans le contexte où il y aurait une question référendaire où le partenariat ne serait pas défini, est-ce qu'on ne pourrait pas dire que la question n'est pas claire, et, ce faisant, donc, cette question non claire minerait le résultat référendaire?

Le Président (M. Gautrin): M. Seymour.

M. Seymour (Michel): Oui. La question devrait porter sur une offre de partenariat, une offre de partenariat qui pourrait être précisée comme étant à caractère économique et politique, mais qui serait aussi identifiée comme un élément devant faire l'objet de négociations. Donc, ce qui est clair, c'est que la question concernerait l'accession du Québec à la souveraineté, à laquelle se trouverait associée une offre de partenariat politique sur des matières politiques et économiques qui pourraient être énumérées, comme c'est le cas dans le préambule de la question Lisée, de telle sorte que la population sait clairement qu'en votant oui elle souscrit au processus d'accession du Québec à la souveraineté associée à une offre faite généreusement à l'égard du Canada qui tient compte d'un ensemble de questions spécifiques à caractère économique et à caractère politique. La population sait alors très clairement que ce dont il s'agit, c'est une offre qui va clairement être négociée et dont le résultat final sera le point d'aboutissement de la négociation. Et elle sait pertinemment que, quel que soit le résultat de cette négociation, au terme d'un processus d'un an, le Québec déclarera cette souveraineté. Donc, ces éléments-là sont clairs.

Dès lors qu'on cherche à être plus clair, on va se faire reprocher de ne pas l'être, précisément pour la raison que j'ai dite tantôt. Quand le ministre Dion prétend que la question 95 n'était pas claire, c'est qu'il y a dans la question une obscurité incroyable. On fait référence à un projet de loi, un, que les gens n'ont peut-être pas lu et on fait référence à un accord survenu en juin 1995 que les gens n'ont peut-être pas lu. Et ça devient obscur, quand on lit le libellé de la question en tant que telle, ça alourdit que de faire référence à des textes, des textes qui vont contenir des expressions qui ne seront pas entièrement claires. Bref, plus on cherche à être clair, plus on se fait reprocher de ne pas l'être assez.

Alors, je crois que, pour sortir de ce dilemme, il convient d'être très clair à l'effet qu'il s'agira d'une offre, d'une offre de partenariat portant sur des thèmes économiques et politiques qu'on peut énumérer, offre qui sera faite de négocier avec le gouvernement fédéral et les autres provinces pendant une certaine période de temps, qui va donner des résultats éventuels et que, quels que soient ces résultats, il sera clair dans l'esprit de la population qu'au terme de ces négociations le Québec va déclarer sa souveraineté. Je crois que tout cela peut être parfaitement compris par la population et parfaitement clair sans qu'on se soit aventuré sur la détermination du genre d'union économique à la Maastricht avec principe de subsidiarité, que la population ne comprendra jamais. Dès qu'on entre dans les structures, ça devient obscur aux yeux de la population.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Chapleau.

M. Pelletier (Chapleau): C'est ça. Alors, si on se comprend bien, dans l'entente tripartite du mois de juin qui accompagnait le projet de loi sur l'avenir du Québec, il y avait une description du partenariat que l'on voulait avoir, enfin, que les souverainistes voulaient avoir avec le reste du Canada. Vous, vous proposez qu'une telle description ne figure pas éventuellement dans un projet souverainiste.

Le Président (M. Gautrin): M. Seymour.

M. Seymour (Michel): Disons que, effectivement, ça, c'est un changement d'orientation dans la démarche souverainiste qu'effectivement j'ai proposé dans le document au terme du chantier sur le partenariat pour le Bloc québécois. La proposition a cheminé, elle a été entérinée au congrès, il y a quelques mois, par les membres du Bloc québécois. Et, malgré ce que l'on a dit de la proposition des jeunes péquistes, et c'est sous toute réserve de ce que j'ai entendu de son nouveau président de l'Association des jeunes péquistes, j'ai l'impression que l'esprit qui est le leur est exactement celui-là. On propose de biffer des références à des structures supranationales, dans l'article 1 du programme du Parti québécois, non pas parce qu'on ne veut pas de partenariat politique, mais parce qu'on ne veut pas s'aventurer à l'avance sans laisser la chance à la négociation d'examiner toutes sortes de modèles, y compris un modèle de structure supranationale.

(11 h 50)

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Chapleau.

M. Pelletier (Chapleau): Dans le contexte où vous proposez que, si on parle d'un mandat de négocier, il y ait un double référendum, un au début pour accorder le mandat de négocier et un à la fin pour ratifier le résultat de la négociation, donc dans le contexte où, si on parle d'un mandat de négocier, vous proposez un double référendum, ne devrait-il pas en être de même lorsqu'on offre de négocier un partenariat?

Le Président (M. Gautrin): M. Seymour.

M. Seymour (Michel): Je défends l'idée que c'est très différent si on demande à la population un mandat de négocier une réforme particulière du fédéralisme et si on demande un mandat de négocier la souveraineté-association, dans le cas de l'hypothèse souverainiste. Quand on demande un mandat de négocier, je pense qu'à ce moment-là il convient de revenir effectivement pour présenter le résultat de la négociation. Mais, si la question qui est posée, c'en est une qui concerne tout d'abord: Voulez-vous devenir un État souverain, et qu'elle inclut en plus l'idée d'une offre de partenariat qui est rendue clairement et explicitement comme étant une démarche de politique de main tendue sans préciser en quoi consiste le modèle particulier, en laissant la chance à la négociation, dans cette hypothèse-là, il me semble que ce n'est pas du tout la même question que la question sur le mandat de négocier.

Maintenant, il n'y a rien qui empêche, au moment où nous allons adopter une constitution, d'inclure dans le résultat de nos discussions pour la constitution d'un Québec souverain les éléments de partenariat, ce qui ferait qu'on pourrait effectivement souscrire à quoi que ce soit qui est le résultat de la négociation au moment où on a à se prononcer sur la constitution du Québec souverain. Donc, ça ne s'oppose pas.

Le Président (M. Gautrin): Excusez-moi. M. le député de Chapleau.

M. Pelletier (Chapleau): Prenons l'hypothèse où il y a une question qui porte sur la souveraineté du Québec, enfin, le fait que le Québec devienne un pays – ou peu importe l'expression qui est choisie – accompagnée d'une offre de partenariat, mais que l'offre de partenariat elle-même n'est pas définie, comme vous le proposez, n'est-il pas alors logique que, suite aux négociations entourant le partenariat, il y ait un autre référendum?

Le Président (M. Gautrin): M. Seymour.

M. Seymour (Michel): À mon avis, ce qui est logique... ce qui est important, c'est que l'offre de partenariat soit suffisamment précise pour qu'il soit très clair aux yeux de la population quels sont les éléments que l'on veut soumettre sur la table de négociations. Je n'ai pas d'opinion particulière sur la stratégie que pourrait vouloir adopter le gouvernement quant à la nécessité d'entériner le résultat parce que je crois que, de toute façon, le résultat réapparaîtrait, s'il est substantiel, dans la constitution d'un Québec souverain, et cette constitution, me semble-t-il, devrait obtenir l'assentiment populaire, de telle sorte que je réponds à votre requête de cette façon-là.

Si le résultat est moins que substantiel, si le résultat ne donne rien, je ne pense pas qu'on doit retourner devant la population pour dire: Écoutez, le résultat de la négociation est nul, par conséquent, est-ce que vous nous accordez, encore une fois, une réponse favorable à la question à laquelle vous avez déjà répondu? Bref, on sort clairement de la stratégie du trait d'union, qui était celle de 1980. Et je pense que, dans l'hypothèse où les négociations échouent, on peut aller de l'avant avec la souveraineté. Et, dans l'hypothèse où les négociations n'échouent pas puisqu'elles donnent lieu à une entente de partenariat, celle-ci va faire l'objet, d'une manière ou d'une autre, d'un appui nécessaire de la population au moment d'être inscrite dans la constitution du Québec souverain.

Le Président (M. Gautrin): M. le député de Chapleau.

M. Pelletier (Chapleau): Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président. J'ai compris votre point de vue. Merci.

Le Président (M. Gautrin): Alors, M. Seymour, au nom des membres de la commission, je tiens à vous remercier pour votre participation à nos travaux, de nous avoir éclairés. Ceci étant, je suspends les travaux de la commission jusqu'après les affaires courantes, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

(Reprise à 15 h 34)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): La commission des institutions réamorce ses travaux dans le cadre de la consultation générale et des auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

Nous avons comme premier invité cet après-midi M. Denis Monière. M. Monière, je vous inviterais à bien vouloir vous installer, s'il vous plaît, en rappelant que nous avons réservé une période d'une heure pour la présente rencontre, donc 20 minutes maximum pour la présentation de votre mémoire et par la suite nous passerons aux échanges. Alors, M. Monière, vous avez la parole.


M. Denis Monière

M. Monière (Denis): Merci, M. le Président. Je suis heureux d'intervenir cet après-midi à titre de citoyen préoccupé par l'avenir politique du Québec et ce faisant je me prévaux du Bill of Rights de 1690 qui accorde à tout citoyen la liberté d'opinion. Cet après-midi, je voudrais principalement résumer les points saillants du mémoire que j'ai envoyé à la commission et qui s'intitulait Un peuple et son destin .

L'analyse que j'ai faite de la loi C-20, la loi dite sur la clarté, m'amène à deux constats. D'une part, cette loi a pour objectif d'encadrer les modalités d'un éventuel référendum au Québec, et deuxièmement à mon avis il y a aussi un objectif implicite qui est plus sournois et qui vise à construire un agenda où en quelque sorte on dit à l'opinion publique, à travers l'institution parlementaire, qu'il n'y a qu'un pouvoir suprême au Canada capable de représenter le peuple. Je pense qu'implicitement dans cette loi on affirme qu'il n'y a qu'un seul peuple au Canada, que l'Assemblée nationale du Québec ne peut prétendre être sur un pied d'égalité et que les pouvoirs de l'Assemblée nationale sont subordonnés et dépendent d'un palier de gouvernement supérieur.

Ce faisant, le gouvernement fédéral nie la souveraineté du peuple québécois et ne lui reconnaît pas le droit à la libre disposition. Je pense que cette loi porte atteinte aux pouvoirs de l'Assemblée nationale, en particulier en matière référendaire, puisque, jusqu'à présent en tout cas, le Québec, qui a déjà tenu trois référendums, n'avait pas été contesté quant aux modalités d'organisation et quant au déroulement de ce référendum. À ces trois occasions, il n'a jamais été question de contester le principe qui veut qu'il y ait un vote par électeur, et on n'a jamais exigé de majorité qualifiée. Donc, le gouvernement canadien a décidé par cette loi C-20 de remettre en cause la logique des précédents.

Le respect des règles du jeu est un principe de base dans toute société démocratique car il garantit le traitement équitable des différentes forces politiques et empêche l'arbitraire des gouvernants lorsque leur pouvoir est contesté. C'est ce qui différencie les sociétés de droit des sociétés autoritaires. Or, il semble bien, à la lumière en tout cas de cette loi, que cette logique ne prévaut pas au Canada lorsqu'il s'agit de préserver l'unité nationale.

Exiger une majorité qualifiée dans un scrutin où des individus expriment leur volonté politique est contraire à la logique démocratique qui institue l'égalité des droits entre les personnes. Cette égalité implique que le choix d'un électeur ne doit pas peser plus lourdement qu'un autre sur le choix collectif. En démocratie, toutes les opinions ont la même valeur. Et ce principe d'égalité assure que le citoyen acceptera la décision prise même si elle est contraire à son opinion. La majorité qualifiée va à l'encontre de ce principe, car elle impose la logique du deux poids, deux mesures. Elle confère en quelque sorte une prime au statu quo en exigeant une proportion plus grande de votes pour changer le système politique que pour le maintenir. Elle institue l'inégalité des droits.

Cette loi canadienne dite sur la clarté manifeste aussi dans sa logique intrinsèque une certaine condescendance, le législateur canadien se donnant pour mission de protéger les Québécois contre leur inconscience et leur ambivalence en définissant ce que sera une question claire. Il est bien connu que les parlementaires canadiens ont le monopole du sens de la clarté et que les institutions canadiennes sont des modèles à cet égard. On n'a qu'à penser au partage des compétences pour s'en convaincre. En l'occurrence, le législateur canadien se prétend plus éclairé que les citoyens pour juger de ce qu'est une question claire. Il ne se formalise pas d'être à la fois juge et partie dans ce débat, probablement parce qu'il s'estime immunisé contre les biais interprétatifs. Lorsqu'on se proclame le meilleur pays au monde, cela vous donne bien quelques vertus cognitives qui pourront éclairer ceux qui commettent l'erreur de ne pas partager vos convictions.

(15 h 40)

On sait bien qu'en matière de choix politique la clarté ne peut être univoque, elle est polysémique, c'est-à-dire qu'elle est sujette à interprétation en fonction des valeurs et des intérêts des protagonistes. Dès lors, une partie à un conflit ne peut en toute bonne foi imposer sa conception de ce qui est clair et de ce qui ne l'est pas. En se proclamant maître de la clarté, le gouvernement canadien prend le contrôle du positionnement stratégique de tous les partis politiques québécois, car il enferme le sens de la clarté dans le corridor étroit d'une question qui devra être formulée en termes sécessionnistes. Le gouvernement canadien a donc verrouillé la porte légale à la fois de la souveraineté et du fédéralisme asymétrique. Tout référendum portant sur un accroissement des pouvoirs législatifs du Québec sera considéré comme étant une question qui n'est pas claire.

Dans ces circonstances, évidemment j'appuie fortement la proposition de loi n° 99 pour affirmer que l'Assemblée nationale est la seule dépositaire de la souveraineté du peuple et qu'elle seule peut assurer le libre exercice de cette souveraineté. Mais je pense qu'ici l'enjeu dépasse nettement les positions partisanes et que tous les partis représentés à cette Assemblée seront à l'avenir soumis à l'encadrement fédéral. En quelque sorte, il faut considérer que le gouvernement canadien s'est servi de ses pouvoirs législatifs pour imposer un carcan au Québec et renforcer l'unité, l'identité canadienne. Dans ces circonstances, le gouvernement québécois doit lui aussi se servir du pouvoir législatif pour renforcer l'unité québécoise et l'identité québécoise.

À mon avis, cette loi 99 est un pas dans la bonne direction. Cette loi est indispensable, mais je la juge insuffisante. Et je crois que le gouvernement du Québec doit prendre l'initiative. À trop attendre, on risque d'affaiblir le Québec pour l'avenir. Comment sortir de l'impasse où nous nous trouvons sur le plan constitutionnel et comment reprendre l'initiative dans les relations entre le Canada et le Québec? La recommandation que je fais à cette commission, c'est de confier à la commission des institutions le mandat de préparer la convocation d'une assemblée constituante, élue au suffrage universel, qui redonnerait au peuple québécois l'occasion d'exercer sa souveraineté et de fixer les balises de son avenir politique. La constituante devrait être instituée par une loi de l'Assemblée nationale, ce qui lui conférera un statut légal et décisionnel.

L'assemblée constituante agirait en quelque sorte comme une deuxième chambre élue et aurait un pouvoir codécisionnel avec celui de l'Assemblée nationale sur la définition de l'avenir constitutionnel du Québec. Afin de favoriser la plus large représentation des options en présence – et nous savons qu'au Québec il y a plusieurs options qui sont présentées dans ce débat – la loi devrait prévoir l'élection de quatre constituantes par circonscription électorale, et l'élection de la constituante devrait se faire selon les règles fixées par le Directeur général des élections conformément à la loi des élections au Québec.

Cette assemblée constituante siégerait pendant un maximum de deux ans et aurait deux missions, deux mandats: définir les pouvoirs constitutionnels nécessaires à l'affirmation politique du peuple québécois et adopter les principes régissant la future constitution du Québec. À la fin de ces travaux, le gouvernement du Québec disposerait d'un projet constitutionnel qu'il pourrait alors présenter au reste du Canada.

Ce parcours offre plusieurs avantages: il met d'abord la volonté populaire au centre du processus; il redonne au Québec l'initiative dans le dossier constitutionnel; il permet aux trois partis représentés à l'Assemblée nationale de faire valoir leurs positions respectives sans nuire à leur travail parlementaire; il élargit le débat à des intervenants qui n'ont pas de préoccupation électorale et qui auront une plus grande liberté d'expression; il ouvre une perspective inédite en liant le débat sur les pouvoirs constitutionnels aux principes devant régir la constitution future du Québec.

Le processus constituant offre aussi l'avantage de s'étaler dans le temps et d'être moins déchirant qu'un référendum, qui limite le débat, on le sait, à deux options. Il permet d'élargir le champ de la réflexion à des questions beaucoup plus complexes que celles posées dans un référendum. Il permettrait, par exemple, de traiter de problèmes qu'on a vécus récemment comme le mode de scrutin. L'autre problème qui est posé à la société québécoise, c'est celui de la représentation des régions. Donc, ces questions pourraient être largement débattues dans le cadre d'une constituante, en plus bien sûr de tous les principes fondamentaux qui font partie d'une constitution.

Il a à mon avis surtout, ce processus constituant, le grand avantage de stimuler la participation et la délibération à la base en donnant la parole aux citoyens, ce qui malheureusement ne se produit pas durant les campagnes électorales et dans les référendums où la parole publique est monopolisée par les dirigeants des partis. La convocation d'une assemblée constituante serait un exercice d'autodétermination, car nous pourrions dire collectivement ce que nous voulons être et quels sont les pouvoirs et les institutions qu'il nous faut pour assurer notre destin politique. Cette démarche pourrait restaurer la cohésion qu'il nous faut pour relever les défis de l'avenir. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Monière, pour votre présentation. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et député de Fabre.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie infiniment, M. Monière, pour votre contribution à nos travaux. Je suis en parfait accord avec ce que vous dites sur C-20. Aussi, ce qui m'intéresse, c'est davantage l'avenue que vous proposez aux Québécois pour sortir de l'impasse actuelle. Vous dites qu'à une loi il faut riposter par une autre loi mais pas seulement par une autre loi. Et vous proposez la mise sur pied d'une assemblée constituante qui élaborerait un projet d'entente constitutionnelle à soumettre au Canada, qui pourrait éventuellement déboucher sur un nouveau statut politique pour le Québec. En cas d'échec de cette démarche, à ce moment-là il y aurait un référendum portant sur l'accession du Québec à la souveraineté. C'est une proposition qui ressemble à certaines autres qui circulent en ce moment.

Et je veux vous entendre sur l'objection que l'on oppose systématiquement à toutes ces propositions et qui est, ce que j'en suis venu à appeler, l'objection de la bonne foi ou l'objection de la crédibilité. On dit toujours, on entend: Si un gouvernement souverainiste prenait l'initiative d'une telle démarche, ne se retrouverait-il pas dans la position d'implicitement souhaiter l'échec de cette démarche afin de créer le ressac post-Meech, qui favoriserait l'émergence d'une majorité souverainiste? Quelle crédibilité donc accorder à quelqu'un qui demande quelques pouvoirs alors que secrètement il a toujours dit et continue à espérer de les avoir tous un jour?

Comment surmonte-t-on cette objection?

M. Monière (Denis): Merci. D'abord, rien ne dit qu'il s'agira de demander quelque pouvoir, au sens limitatif du terme. On ne peut présumer des résultats d'une assemblée constituante. Ces travaux pourraient nous amener à conclure qu'il faut le statu quo politique au Québec, qu'il faut plus de pouvoirs, cinq, six, 10 nouveaux pouvoirs, ou qu'il faut un statut de souveraineté-partenariat. Une constituante, c'est un processus délibératif où tous les enjeux, toutes les options seront débattues. Donc, de ce point de vue là, on ne peut présumer de l'aboutissement des travaux. C'est un processus, une constituante. Rien n'est décidé d'avance.

L'idée derrière une constituante – et là vous allez peut-être me trouver très dur envers le système des partis – c'est de désenclaver la question nationale de la logique partisane, sortir ce débat des états-majors des partis et redonner – c'est ce que c'est la souveraineté – le choix de l'avenir aux citoyens. Je pense que les logiques partisanes amènent à une cristallisation des positions et à une impossibilité de trouver une avenue de consensus.

Dans une constituante, les partis représentés à l'Assemblée nationale pourraient bien sûr chercher à faire élire des constituants, mais ils n'auraient pas la capacité de contrôler l'assemblée constituante, celle-ci étant élue par circonscription, quatre représentants par circonscription. Ce serait assez difficile de contrôler l'élection de quatre constituants par un parti.

(15 h 50)

Donc, le gouvernement du Québec se retrouvera avec les résultats de ces travaux, et, je le rappelle, ces travaux impliquent la définition du statut politique du Québec: Qu'est-ce qu'il nous faut comme société, comme pouvoirs pour progresser et affronter l'avenir? Et, deuxièmement, quel type d'institutions voulons-nous pour le Québec de demain? Je pense que ça aussi, c'est une question importante pour l'avenir du Québec. Jusqu'à présent on a des constitutions en ce sens où on a une multitude de textes qui vont dans toutes les directions, on n'a pas, comme ça doit se faire en démocratie, un texte dans lequel le citoyen puisse identifier quels sont les droits, quelles sont les responsabilités des différentes instances de la société.

Donc, le gouvernement du Québec va se retrouver avec un projet de statut politique et il a la responsabilité de le présenter aux autorités canadiennes et de le négocier. Je vois très mal comment un gouvernement... N'oubliez qu'il s'agirait d'une constituante élue au suffrage universel ayant la même légitimité que, vous, messieurs – messieurs, pour cet après-midi – de l'Assemblée nationale, et je ne vois pas comment le gouvernement pourrait aller contre les desiderata manifestés par une assemblée constituante de 500 personnes élues au suffrage universel.

On est dans un processus qui est aussi démocratique que l'élection d'un député à l'Assemblée nationale. Mais ces gens qui sont chargés de définir l'avenir politique du Québec n'ont pas les préoccupations électorales que vous avez, n'ont pas les clivages. Quand on vous voit agir en assemblée délibérante ici, on sent bien que c'est un jeu. Il y a des conflits, mais c'est des conflits structurés par la logique du pouvoir; ce n'est pas le but ni l'ambition d'une constituante. Une constituante, c'est un mandat qui est fixe, c'est un mandat qui se termine dans le temps, et il n'y a pas d'avenir pour les constituants en termes politiques, si on veut.

M. Facal: Visiblement, vous avez réfléchi beaucoup plus à la question de la constituante que bien d'autres intervenants qui aussi la proposent mais s'enferrent très rapidement dans les questions de logistique. En effet, à partir du moment où elle serait élue au suffrage universel, ça change radicalement la donne par rapport à des mécanismes de cooptation, là, qui nous ont été soumis par d'autres intervenants. Il reste que, pour que ce genre de volatile puisse décoller, il faut que prévale, dans notre société, une sorte de climat d'union nationale, d'union sacrée au-dessus des partis, et je ne sens évidemment pas en ce moment le genre de climat propice à cela.

Le projet de loi n° 99 contient des énoncés que, à mon sens, à peu près n'importe quel premier ministre du passé au Québec aurait endossé sans peine, et pourtant, même là, sur quelque chose d'aussi «self-evident» que les énoncés contenus dans 99, même là-dessus l'Assemblée nationale ne réussit pas à avoir l'unanimité. Même sur une agression aussi caractérisée que C-20, l'opposition officielle se contente de juger C–20 inutile, inopportun, sans se prononcer sur l'illégitimité de C–20.

Pensez-vous qu'en ce moment, au Québec, puissent être réunies les conditions objectives qui permettraient à ce genre d'exercice de se déployer?

M. Monière (Denis): Il est nécessaire évidemment d'avoir une volonté politique, et ceux qui sont au gouvernement sont les premiers concernés par la volonté politique. L'opposition joue son rôle de loyale opposition de Sa Majesté, et dans cette fonction il est normal qu'elle n'adhère pas d'emblée à un projet qui vient du parti adverse. Je ne veux pas évidemment parler au nom de l'opposition officielle, mais je vois mal comment on pourrait justifier, aux yeux de l'opinion publique, de refuser de trouver une voie de sortie pour le Québec. Comment peut-on refuser de trouver une solution à l'avenir politique du Québec? Je pense que tout le monde désire qu'on finalise cette ambition qui a été partagée par tous les partis au Québec de l'Union nationale au Parti libéral au Parti québécois, à savoir faire exister le Québec comme peuple, nation ou société distincte. Donc, tous les partis s'entendent là-dessus. Comment le Parti libéral pourrait dire: Bon, nous, on fait blocage, on s'oppose à ce qu'on mette sur pied un mécanisme qui peut nous amener vers une porte de sortie, qui peut nous sortir de l'impasse où on se trouve actuellement? Et ça ne met nullement en cause ni l'option du Parti québécois ni l'option du Parti libéral, puisque le Parti libéral pourra peut-être faire valoir ses positions à la constituante. C'est peut-être la vision du Parti libéral qui l'emportera. Qui sait?

Mais je ne vois pas en quoi cette idée de constituante peut mettre en cause ou mettre en jeu les intérêts des différents partis qui sont en conflit ou en concurrence, pour employer un terme plus parlementaire, au Québec. C'est le Québec qui va y gagner. C'est sûr que les partis comme tels devront faire acte de modestie et de sagesse, et dire: Bien, laissons le processus constituant opérer et par la suite nous allons, nous, nous faire les véhicules de ce qui sortira de ce forum national, de cette convention nationale des Québécois.

M. Facal: Pour l'instant, ça va.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Oui, M. le député de Dubuc.

M. Côté (Dubuc): Sur le même sujet, M. Monière. Bonjour, tout d'abord.

M. Monière (Denis): Bonjour.

M. Côté (Dubuc): Lorsque vous dites que vous voulez désenclaver la partisanerie ou le politique en nommant certains représentants par le vote universel, comment pouvez-vous dire que ces personnes-là vont être d'une neutralité politique lorsqu'on sait si bien que, si, par exemple, dans un comté on décide de choisir au vote universel des personnes qui feraient partie de la constituante, c'est qu'on sait que le parti au pouvoir ainsi que l'opposition officielle vont présenter probablement des candidats, et on aura encore là une lutte entre le parti au pouvoir et le parti de l'opposition? Et dans certaines régions, bien ça reflétera exactement l'ensemble de la carte électorale tandis que dans d'autres régions ou dans d'autres parties on aura la carte qui sera les représentants de l'opposition. Alors, moi, j'ai de la misère à saisir le fait que vos représentants de la constituante seraient un petit peu impartiaux, comme vous le dites.

M. Monière (Denis): Je ne prétends pas que les constituants seront neutres politiquement. Au contraire, ceux qui vont se présenter à la constituante le feront avec un projet national précis, avec leur conception, et c'est ce qu'ils vont défendre dans le processus électif: quelle est leur conception de l'avenir politique du Québec. Et il y aura des indépendantistes qui vont se présenter, il y aura des souverainistes-partenariat, il y aura des fédéralistes qui veulent le renouvellement de la Fédération canadienne, puis il y aura des gens qui seront favorables au statu quo. Donc, il y aura probablement des gens qui proviennent de tous les horizons.

Mais je crois que les partis politiques ne pourront pas contrôler le processus, pour deux raisons. Évidemment, je n'ai pas reçu de mandat de la commission des institutions pour faire une étude fouillée des mécanismes ou de l'opérationnalité de ce processus constituant, mais il y a deux raisons qui contreviennent ou qui contrediraient votre vision des choses.

La première, c'est l'élection de quatre personnes par circonscription. Ça veut dire qu'un citoyen aurait en principe 15, 20, 25 candidats devant son choix. Il va choisir les personnes qui, à son avis, sont les plus aptes, les plus compétentes. Il y a une question d'expertise, de compétence, d'intérêt aussi, pour concevoir et élaborer une constitution pour un pays, c'est quand même quelque chose qui exige beaucoup intellectuellement. Donc, il y a cette valeur personnelle des candidats qui va jouer dans le choix et ensuite il y a la position constitutionnelle de chaque candidat.

Donc, chaque électeur... Ça on n'a jamais eu cette possibilité, dans notre mode de scrutin, dans notre société, de panacher nos choix. Nous, on vote: c'est rouge ou c'est bleu, c'est oui ou c'est non. Mais ça ne sera pas comme ça, dans un processus constituant. Parce qu'un individu va pouvoir voter pour un indépendantiste qu'il pense être très efficace et très compétent, et peut-être un représentant du Parti québécois, ou peut-être même un fédéraliste très nationaliste, comme certains sont venus témoigner devant vous aujourd'hui. Donc, il aura quatre possibilités, et il pourra donc dessiner son portrait de constituants idéal à travers ces quatre choix. Ça, c'est une première restriction ou contrôle que les partis pourront jouer. Ce n'est pas les partis qui vont contrôler, c'est les citoyens qui vont contrôler la composition de la constituante.

(16 heures)

Deuxième mécanisme – là je m'y avance avec un peu plus de réserve – c'est concernant le déroulement d'une campagne pour une élection constituante. Là, il y a des règles qui sont un peu différentes d'une élection. Par exemple, une des règles qu'on pourrait établir et qui empêcheraient l'ingérence des partis ou le contrôle des partis, c'est l'interdiction de toute publicité, à la télévision, à la radio, dans les journaux, une campagne de terrain où chaque candidat fait des assemblées publiques organisées avec des fonds publics et sollicite les individus. C'est une approche qu'on appelle «grass-roots», c'est-à-dire face à face, et chacun va aller convaincre le maximum d'électeurs qu'il sera le meilleur candidat à la constituante.

S'il n'y a pas d'argent impliqué dans le processus électif, à ce moment-là, les partis vont avoir beaucoup de difficultés à contrôler les individus. Ce qui fait que les partis ont beaucoup d'emprise sur les individus, dans notre système électoral, c'est qu'ils contrôlent la caisse du parti, c'est eux qui ont les ressources. Donc, si vous éliminez ce facteur, à mon avis, on limite l'emprise que les partis auront. Mais, que les partis aient de l'emprise sur certains candidats, pourquoi pas? Il n'y a pas de mal à avoir une étiquette partisane. Mais il faut éviter qu'on s'enlise dans une rivalité interpartisane qui bloque le destin national.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Chapleau.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Monière.

M. Monière (Denis): Bonjour.

M. Pelletier (Chapleau): Merci de votre présentation. Je soulignerai, à la blague, et je pense que vous me le permettrez, que tout à l'heure vous avez identifié quatre catégories, les indépendantistes, les souverainistes-partenariat, les fédéralistes en faveur de la fédération renouvelée, les gens qui sont pour le statu quo. Il ne faudrait pas oublier non plus les gens de l'Action démocratique du Québec, qui sont maintenant à la fois souverainistes et fédéralistes, bien entendu.

Cela étant dit, je voulais vous entendre sur deux points. D'abord, quand vous parlez de l'interdiction de toute publicité, moi, l'impression que j'ai, dans un contexte d'élection qui porterait sur la constituante, moi, la compréhension que j'ai, c'est que ça ne passerait pas, ça, le test de la Charte canadienne des droits et libertés, la liberté d'expression de l'article 2. Déjà, il y a une jurisprudence de la Cour suprême du Canada en la matière, liberté d'expression dans les processus électoraux, référendaires. Et je ne vois pas comment on pourrait en venir à une interdiction de publicité dans un processus électoral. Alors, je voulais vous entendre là-dessus. Puis, après ça, je poserai, si vous le voulez, ma deuxième question.

M. Monière (Denis): J'ai dit que j'avançais sur ce terrain avec beaucoup de réserve. J'aurais peut-être besoin d'un mandat de la commission des institutions pour étudier à fond la question. Il y a des sociétés très démocratiques où la publicité télévisée est interdite, vous le savez comme moi. Ce n'est pas une norme universelle, ça, la publicité télévisée. On pourrait permettre à chaque candidat un montant fixe pour sa publicité, par exemple 1 000 $, ça pourrait être une somme, mais il faut, je pense, éviter...

Et vous allez voir pourquoi. C'est une raison pratique. Et vous pourriez aller en cour avec ça, devant la Cour suprême, je pense que les juges diraient: Oui, vous avez raison. Si vous avez, disons, 12 000 candidats qui ont des postes qui ont des capacités de dépenses budgétaires illimitées, il va y avoir un tel engorgement que ça n'a pas de bon sens, je veux dire, les médias vont craquer, crouler sous le poids des messages publicitaires, puis ça va être la cacophonie publique.

Évidemment, si vous pensez en termes d'élection, je vous donne raison. Mais là on n'est pas en termes d'élection d'une Assemblée nationale ou d'une Chambre des communes, c'est l'élection de constituants et, en plus, il peut y avoir 10, 20, 30, 40 candidats par circonscription, il n'y a pas de limite au nombre de candidats. Il n'y a pas de partis, donc c'est ouvert. C'est pour ça que, techniquement, je ne vois pas comment ou pourrait permettre la publicité.

Mais, ceci dit, il faut respecter le principe de la liberté d'opinion et il faut donc prévoir les mécanismes pour tenir des assemblées publiques. Parce que l'idée de la constituante, c'est de remplacer, enfin, de substituer à la démocratie de représentation classique une démocratie de délibération publique, c'est d'ouvrir l'espace public à un débat. Et, donc, prévoir des assemblées publiques à des fréquences déterminées durant la campagne, ça m'apparaît être un bon moyen d'animer le débat de société qu'on doit avoir pour déterminer quel sera l'avenir politique du Québec.

Alors, je suis ouvert, moi, à toute suggestion. Pour moi, c'est des questions de plomberie. Je pense qu'il est plus intéressant d'aborder le principe, parce que l'intendance va suivre, comme disait l'autre.

M. Pelletier (Chapleau): Oui, mais, en tout cas, je voulais seulement soulever la problématique, parce qu'elle est réelle et puis, bon, elle mériterait sans aucun doute un examen en profondeur...

M. Monière (Denis): D'être approfondie.

M. Pelletier (Chapleau): ...notamment à la lumière de l'affaire Libman de la Cour suprême, mais aussi d'autres arrêts de jurisprudence sur la question.

Je veux également vous poser une seconde question. Cette fois-ci, elle porte sur une affirmation que vous faites à la page 7 de votre mémoire, où vous dites ceci, en référant à C-20: «Le gouvernement canadien s'apprête donc à verrouiller la porte légale et de la souveraineté et du fédéralisme asymétrique. Tout référendum portant sur un accroissement des pouvoirs législatifs du Québec sera considéré comme lettre morte à Ottawa.»

Or, lorsque je regarde le projet de loi C-20, particulièrement l'article 1, je vois que ce sur quoi C-20 porte, c'est sur un projet de sécession d'une province du Canada et non pas sur un projet d'aménagement du fédéralisme canadien.

M. Monière (Denis): Ce que C-20 dit, il pose le principe de la clarté d'une question référendaire sur la sécession du Québec ou d'une province. Ce qui est à l'origine de C-20, ce n'est pas l'idée d'un référendum sur la sécession. Stéphane Dion sait très bien qu'un référendum sur la sécession n'a pas de chance de gagner. Ce n'est pas ça, son problème. Son problème, ce sont les fédéralistes nationalistes, ceux qui sont prêts par un vote stratégique à appuyer une formule de souveraineté pour s'en servir comme structure ou mode de négociations d'un nouveau fédéralisme.

M. Pelletier, j'ai déjeuné pendant 10 ans avec Stéphane Dion tous les midis, je connais ses obsessions. Son obsession, c'est le Parti libéral du Québec, ce n'est pas tellement les indépendantistes. Ce qu'il craint, c'est que les actions du gouvernement canadien poussent les fédéralistes ou les nationalistes mous vers la souveraineté. Et, donc, vous demanderez à M. Dion si une question, dans un référendum, portant sur l'accroissement des pouvoirs du Québec sera considérée comme claire, et je suis persuadé qu'il va vous répondre: Non, ce n'est pas ça, une question claire.

L'opacité est définie comme étant toute question qui n'est pas relative à la sécession. La clarté est définie par rapport à une question qui est posée en termes sécessionnistes. C'est bien ça, la logique dichotomique qu'on trouve chez Stéphane Dion. Posez-lui la question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pelletier (Chapleau): J'aurai peut-être l'occasion un de ces jours. Je vais vous dire ceci. Vous soulevez vous-même une problématique qui est extrêmement intéressante, que je vais analyser. A priori, bien entendu, je remarque que le projet de loi, quand même, C-20 porte sur un projet de sécession. Ça, on s'entend là-dessus. Maintenant, vous, vous nous dites: C'est dans le but de stopper à l'avance ceux qui voudraient utiliser la sécession comme arme de négociations dans un contexte de renouvellement du Canada. Est-ce que je vous comprends bien là-dessus?

M. Monière (Denis): Pas l'arme de la sécession, parce que...

M. Pelletier (Chapleau): Non?

M. Monière (Denis): Non. C'est la souveraineté-partenariat, c'est dans ce contexte-là, donc interdire toute question qui est en deçà de la sécession. À partir de souveraineté-partenariat, fédéralisme renouvelé à 20 pouvoirs, à 18 pouvoirs, à 15 pouvoirs, à cinq pouvoirs, c'est ça que Stéphane Dion veut éliminer du portrait, autrement dit, réduire la dialectique à deux termes: sécession d'un côté, statu quo de l'autre ou avec aménagement administratif, tout ça. Depuis 40 ans on parle, au Québec, et tous les partis confondus, d'une redistribution du pouvoir. Ça, ce n'est pas dans les cartons du ministre Dion.

(16 h 10)

M. Pelletier (Chapleau): Oui, mais je dois vous dire que, là-dessus, en tout cas, a priori toujours, je ne peux pas vous suivre parce que, quand je regarde même l'article 4, alinéa b, du projet de loi C-20, le fédéral, en fin de compte, s'objecte à l'avance à une question qui porterait, en plus de la sécession de la province du Canada, sur une possibilité d'accord politique ou économique. Donc, eux, ce qu'ils ne veulent pas, c'est qu'il y ait une question qui porte sur la sécession et en plus sur le partenariat. Mais, si vous avez une question qui porte sur un nouveau partenariat sans sécession, ce n'est pas visé par le projet de loi C–20 actuel, cependant.

M. Monière (Denis): Ah! non, mais M. Dion va vous répondre que ce n'est que mettre un pied dans la porte. C'est ce qu'il a répondu à M. Lisée dernièrement, que c'était tout simplement pour obtenir un refus du fédéral. Et pourquoi la proposition de M. Lisée recevrait-elle un refus du fédéral? Si le fédéral, comme vous dites ou vous semblez le présupposer, est ouvert à une question référendaire portant sur le fédéralisme renouvelé, il ne s'opposerait pas à ce que M. Lisée soumette sa question et accepterait de dire que cette question est claire. Or, M. Dion n'a pas du tout soutenu ça. Il a dit, au contraire, que c'était une entreprise de maquillage. C'est une nouvelle astuce, voilà le terme qu'il a utilisé. Bon. Alors, si, ça, c'est une nouvelle astuce, l'avenir n'est pas rose. Pour les gens qui veulent un statut politique aménagé à l'intérieur du Canada dans le cadre fédéral, ce n'est pas rose.

M. Pelletier (Chapleau): Je me vois contraint bien malgré moi de donner raison à M. le ministre, qui depuis un certain temps nous dit que cette proposition-là de fédéralisme renouvelé venant d'une personne qui se dit à l'avance souverainiste pose une question majeure de crédibilité.

M. Monière (Denis): Je suis d'accord avec vous aussi.

M. Pelletier (Chapleau): Et c'est probablement ce qui explique la réaction du fédéral. Maintenant, prenez une instance plus crédible à Québec, la réponse du fédéral pourrait être tout autre.

M. Monière (Denis): Ah! bien, ça, on a vu ça dans le passé, vous savez. En 1992, on a vu comment ça s'est déroulé. Il y a eu un projet de réforme constitutionnelle, c'était un Parti libéral glorieux qui était au pouvoir à l'époque, et ça a échoué.

M. Pelletier (Chapleau): En 1992, dites-vous? En 1992...

M. Monière (Denis): Tous les partis du Québec ont échoué à institutionnaliser une réforme du fédéralisme canadien accordant des pouvoirs substantiels au Québec. Le Parti libéral du Québec a échoué. L'Union nationale a échoué. Le Parti québécois a échoué. M. Bourassa a échoué en 1992. M. Lévesque a échoué en 1980. M. Parizeau a échoué en 1995. Et puis M. Johnson a échoué en 1968. Donc, il faut prendre ça quand même pour acquis, les 30 ans ou 40 ans d'histoire derrière nous nous indiquent, je pense, clairement qu'il va falloir créer un rapport de force exceptionnel, différent de ce qu'on a connu jusqu'à présent.

Si on continue à faire la même chose, à fonctionner dans le même cadre institutionnel et à penser qu'on va se sortir, avec un référendum... que le référendum, c'est le coup de baguette magique qui ouvre tout, je pense que, là, on fait une erreur stratégique. Il faut reconstruire un rapport de force, reconstruire une dynamique québécoise et permettre aux citoyens de reprendre le contrôle de leur destin politique.

M. Pelletier (Chapleau): O.K. Très bien. J'ai compris votre point de vue. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le ministre.

M. Facal: Ah! je ne veux pas prendre la totalité de notre temps. C'est simplement pour faire gentiment remarquer au député de Chapleau, qui parlait tout à l'heure d'instances plus crédibles, que, quand M. Chrétien a, en pleine campagne électorale, dit que le magasin général était fermé, c'était à M. Charest qu'il répondait, pas à l'actuel gouvernement du Québec.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, il me reste...

M. Pelletier (Chapleau): J'aimerais répondre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il vous reste du temps. Allez-y, M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Tout le monde sait que les systèmes évoluent au-delà des gens en présence, et heureusement d'ailleurs, puisque le manque de leadership du gouvernement du Québec actuellement dans le dossier des relations fédérales-provinciales amène en bonne partie l'impasse dont se plaignent la grande majorité de nos invités. Et c'est justement ce leadership-là qui changerait si nous avions la responsabilité des affaires intergouvernementales, ce qui ne saurait tarder, d'ailleurs. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce qu'il reste des questions à adresser à notre invité. M. Monière? Oui, M. le ministre.

M. Facal: Simplement pour dire très gentiment que, si on nous accuse de ne pas faire preuve de leadership pour ce qui est du renouvellement du fédéralisme, je plaide coupable.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Monière, au nom des membres de la commission, j'aimerais vous remercier pour votre participation à nos travaux. Merci.

Nous allons poursuivre, étant donné le retard que nous enregistrons déjà par rapport à l'horaire, en invitant M. Patrice Fortin, s'il vous plaît, à bien vouloir s'avancer.

Une voix: M. Cleary. M. Bernard Cleary.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oh! pardon! M. Bernard Cleary, je m'excuse, oui, effectivement.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Cleary, excusez-moi pour l'erreur. Je vous inviterais donc à vous avancer, si vous voulez, M. Cleary.

Je rappelle que la commission des institutions est réunie afin de procéder aux consultations générales et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

Nous avons donc le plaisir d'accueillir M. Bernard Cleary pour une période de 45 minutes, dont une quinzaine de minutes, M. Cleary, pour la présentation de vos propos, et nous passerons immédiatement après aux échanges. Vous avez la parole.


M. Bernard Cleary

M. Cleary (Bernard): Est-ce que c'est nécessaire que je fasse une petite présentation, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ce n'est pas indispensable. Si vous préférez que nous passions immédiatement aux échanges, nous pouvons le faire.

M. Cleary (Bernard): O.K. Une courte présentation. Je suis Montagnais de Mashteuiatsh, négociateur autochtone. J'ai travaillé évidemment une grande partie de ma vie dans le domaine des communications et je suis très impliqué ou j'ai été impliqué dans ce dossier-là des négociations depuis une bonne quinzaine d'années. Donc, je crois vraiment que mon origine d'abord, mes réflexions et cette vie active m'ont bien préparé à participer à cette commission parlementaire.

Ce débat public est, quant à moi, extrêmement important pour l'exercice actuel et à venir des droits fondamentaux des habitants de ce coin de terre d'Amérique et des prérogatives du peuple québécois et des peuples autochtones. Il n'est aucunement question, dans ce commentaire liminaire, que je nie l'article 3 de ce projet de loi. Cet article souligne, et je cite, que «seul le peuple québécois, par l'entremise des institutions politiques qui lui appartiennent en propre, a le droit de statuer sur la nature, l'étendue et les modalités de l'exercice de son droit à disposer de lui-même».

Permettez-moi d'abord de vous faire découvrir, en guise de clé d'interprétation, la partie de la Proclamation royale de 1763 que la Cour suprême du Canada, la Commission royale sur les peuples autochtones du Canada et les premières nations considèrent comme le fondement des droits ancestraux des autochtones, et je cite: «Attendu qu'il est juste, raisonnable, essentiel pour notre intérêt et la sécurité de nos colonies de prendre des mesures pour assurer aux nations ou tribus sauvages qui sont en relation avec nous et qui vivent sous notre protection la possession entière et paisible des parties de nos possessions et territoires qui ont été ni cédées ni achetées et ont été réservées pour ces tribus ou quelques-unes d'entre elles comme territoire de chasse.» Fin de la citation.

Dans le domaine de la reconnaissance des droits ancestraux des premières nations par le Québec, on est bien loin de la coupe aux lèvres. Après quelques 15 ans de camouflage juridique et d'hypocrisie de la part de certains hauts fonctionnaires, les 15 principes du premier ministre René Lévesque en 1983 et la résolution de l'Assemblée nationale en 1985 sortent du dessous de tapis. Ils prennent un sens réel par une première politique claire qui devrait orienter les prises de position gouvernementales du Québec face aux revendications des premières nations.

En réactualisant dans sa politique la résolution du 20 mars 1985, le gouvernement du Québec fonde donc ses négociations futures sur la reconnaissance de droits et non pas sur l'extinction. Cette résolution, intitulée – et je cite – Motion portant sur la reconnaissance des droits des autochtones est encore aujourd'hui la base des relations du Québec avec les autochtones.

Pour sa part, le ministre délégué du Secrétariat aux affaires autochtones, Guy Chevrette, dans une déclaration qu'il a faite récemment au quotidien Le Devoir , a reconnu les droits ancestraux des Indiens du Québec. Il a encore été plus loin en déclarant, et je cite, que son «gouvernement se dit d'ailleurs déterminé à respecter les jugements des tribunaux dans les dossiers des droits ancestraux autochtones en démontrant sa bonne foi par le truchement de la négociation». Cette déclaration contredit clairement les gestes posés par le ministère de la Justice du Québec.

Maintenant, en se braquant d'une manière aussi ex cathedra en faveur de la position discutable que le Québec est indivisible, les leaders politiques actuels du Parti québécois se peinturent royalement dans le coin. Ils ne se sont laissés aucune porte de sortie. En plus, ils font fi d'un élément primordial de toute démocratie digne de ce nom, le droit à l'autodétermination.

(16 h 20)

Les tenants de l'intégrité du territoire à tout crin n'ont pour toute justification et démonstration que les prétentions de certains juristes spécialistes. Or, c'est un secret de Polichinelle que, pour une poignée de dollars ou pour toute autre considération, de nombreux juristes renommés vont défendre d'une manière tout aussi compétente la position inverse. Les leaders politiques du Parti québécois sont ainsi devenus vraiment suspects et vulnérables en privant les autres d'un droit sacré dans ce nouveau pays qui aurait acquis son indépendance, celui à l'autodétermination. Ces ténors de l'indépendance exigent pourtant du Canada cette reconnaissance et pratiquent, ce faisant, la règle condamnable du deux poids, deux mesures.

Il est, quant à moi, incontestable que le gouvernement du Québec doit reconnaître clairement le droit à l'autodétermination dans un futur Québec indépendant. Toutefois, il faut que la future constitution du Québec assortisse la reconnaissance de ce droit d'un processus d'application. Cet enchaînement ordonné rendrait illégitime le fait qu'un petit groupe de dissidents ou d'une partie d'un village, d'une ville ou d'une région refusent de respecter cette décision collective, surtout qu'ils le fassent le lendemain du résultat majoritaire d'un vote démocratique de tous les Québécois pour l'indépendance. Ne pas prévoir cette façon de procéder conduisant à l'autodétermination serait, de la part du gouvernement du Québec, inconséquent et irresponsable. Plus encore, un tel geste pourrait conduire in extremis à l'éclatement d'une guerre civile au Québec.

Pour nous, membres des premières nations du Québec, il est évident que ce droit à l'autodétermination existe toujours. L'histoire, même biaisée, de cette partie d'Amérique et la signature de nombreux traités de nation à nation avec la France, la couronne britannique et la couronne du Canada l'ont démontré amplement. La Commission royale sur les peuples autochtones du Canada prétend même que ce droit inhérent, qui n'a pas été éteint par un geste juridique sérieux avant 1982, ne peut plus être éteint depuis que la Constitution du Canada reconnaît les droits ancestraux, à l'article 35.1.

La très grande majorité des 2 000 juristes de l'État du Québec ont la tranquille certitude que les Amérindiens n'ont aucun droit collectif ou que le gouvernement doit immédiatement les éteindre, au cas où. Ces ultra-conservateurs du ministère de la Justice du Québec ont réussi à étouffer les engagements avant-gardistes du Parti québécois dans un programme politique accepté et voté par les militants en 1994. Ils avaient d'ailleurs fait de même pour les politiques autochtones du Parti libéral du Québec fondées sur des vastes consultations auprès des Québécois et des autochtones par une pluie d'avis anonymes négatifs à chacun de leur ministre; la tempête du siècle, disaient alors en riant certains hauts fonctionnaires.

Actuellement, la peur maladive d'une définition, et je cite, «libérale et généreuse» – fin de la citation – des droits ancestraux des autochtones prônée par la Cour suprême du Canada dans la majorité de ses jugements concernant ces derniers est manifeste parmi les juristes de l'État. À titre d'exemple, il n'est pas du tout question à ce moment-ci que le gouvernement québécois aborde simplement aux tables de négociations le sujet controversé à l'interne de la définition de potentiels droits inhérents à l'autonomie gouvernementale.

Pourtant, en 1986, au cours de la ronde constitutionnelle de discussions sur les droits des autochtones, à laquelle j'assistais, le ministre des Affaires internationales d'alors, Gilles Rémillard, affirmait que le Québec accepterait la reconnaissance de ce droit inhérent. Le ministre Rémillard avait alors déclaré qu'il parlait au nom du premier ministre du gouvernement libéral du Québec d'alors, Robert Bourassa. Ce dernier posait cependant comme condition expresse de négocier l'application de ce droit entre les parties: les premières nations, le gouvernement du Québec et celui du Canada. C'est exactement ce que prévoit la politique fédérale de l'ex-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Ron Irwin.

Ce gouvernement prend des risques inestimables pour suivre les sirènes qui le conduisent aux écueils politiques acérés et remplis de conséquences risquées pour sa reconnaissance internationale comme futur pays souverain. Ce geste inconsidéré et à courte vue pourrait devenir un empêchement sérieux à des appuis nécessaires pour une nation qui croit avoir la stature d'un État, comme on le verra plus loin en détail dans la conclusion.

Le peuple québécois ne doit plus tolérer que le ministère de la Justice du Québec continue à soutenir en cour, envers et contre tous, la position indéfendable qui veut que les droits autochtones n'existent plus. Le jugement de la Cour suprême Delgamuukw a reconnu ces droits. Et je vais passer toute la partie, j'ai l'impression que vous l'avez assez lue. Comme il me reste cinq minutes, je voudrais aller ramasser dans les éléments qui m'apparaissent les plus importants.

Souhaitons que les plus sages, ceux qui recherchent la paix sociale au Québec, réussiront à convaincre les leaders du gouvernement du Québec de changer de voie sans avenir. Ces Québécois éclairés doivent faire en sorte de convaincre les décideurs politiques de favoriser l'avenir prometteur du nouveau contrat de société négocié d'égal à égal en toute justice.

Bien naïvement, j'ai cru qu'à l'occasion du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, le gouvernement Bouchard en profiterait pour tendre les bras aux peuples autochtones. Il avait une occasion en or, par un retour d'ascenseur historique, d'ouvrir la porte à la reconnaissance des droits fondamentaux des premiers peuples. Plus encore, il aurait pu, en inscrivant cette reconnaissance de droits fondamentaux des peuples autochtones dans une loi de l'Assemblée nationale, en profiter pour les inviter à faire partie d'une future assemblée constituante. Cette participation à la construction de ce nouvel État du Québec leur permettrait de faire partie des 12 peuples fondateurs, de faire reconnaître et de protéger leur distinction, leur culture, leur langue et leur mode de vie. C'est ce qu'a d'ailleurs préconisé le Forum paritaire québécois autochtone dans son manifeste.

Non, il a plutôt préféré nier l'existence réelle des peuples autochtones du Québec et réaffirmer, encore une fois, sa domination amenée par le nombre. Le projet de loi n° 99 souligne du bout des lèvres seulement, dans le troisième considérant, et je cite, le «respect des droits et libertés [...] de la communauté anglophone et des nations autochtones du Québec». Fin de la citation.

Ce serait bien le bout du bout que l'on prive les autochtones de leurs droits et libertés. De quels droits parle-t-on ici? De simples droits d'une minorité qui passe bien après celle de la minorité anglophone ou de celles qui représentent plus de votes au référendum?

D'ailleurs, plusieurs observateurs sensés du dossier autochtone croient que le gouvernement actuel du Québec doit faire en sorte d'associer le plus tôt possible les premières nations du Québec au processus conduisant à la rédaction de la constitution de l'État du Québec. Le gouvernement doit les convaincre de faire partie des peuples fondateurs de ce nouvel État ou, tout au moins, dit-on égoïstement, de ne pas faire campagne contre le Québec sur la scène internationale après que les Québécois auront choisi démocratiquement le statut politique de ce pays indépendant.

N'oublions jamais que la France et l'Angleterre ont une dette importante envers les Indiens du Québec, l'endroit des premières pas des colonies françaises et anglaises en Amérique. Ces pays auraient sans aucun doute beaucoup de difficultés à refuser une reconnaissance réelle des droits ancestraux des Amérindiens par le gouvernement du Québec, d'autant plus qu'ils l'ont fait comme colonisateurs dans des traités d'alliance et d'amitié que reconnaît aujourd'hui la Cour suprême du Canada. Pour eux, d'ailleurs ce ne sont pas des vieux papiers sans signification, comme le prétendent certains Québécois. Au contraire, ce sont des engagements réels de leurs nations respectives, et jamais ils ne voudront les renier.

(16 h 30)

Et les Québécois reprocheraient aux peuples autochtones de rappeler à ces nations européennes qu'ils ont reçu leurs ancêtres les bras ouverts, qu'ils les ont nourris et qu'ils les ont soignés. Ces mêmes Québécois leur reprocheraient d'exiger de la France et de l'Angleterre de ne pas appuyer ce nouveau pays qui renie leur propre engagement comme peuples colonisateurs. Voyons, cela n'a aucun sens. Il s'agira alors de notre seule défense, puisque le gouvernement du Québec n'aura pas su, avec magnanimité, faire une place réelle à ces premières nations. À cause de son attitude inexplicable, il sera alors incapable de soutenir le débat sur la scène internationale. Et vous pouvez êtres sûrs que, personnellement, je le favoriserai et j'y participerai avec autant d'énergie que je l'ai fait ici, au Québec, au cours des 35 dernières années.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Cleary, je vous inviterais à conclure.

M. Cleary (Bernard): Oui, ça ne sera pas long, il me reste un petit bout, à peu près quatre ou cinq paragraphes. Si, pour leur part, les peuples autochtones refusaient cette main tendue uniquement parce qu'ils sont bêtement inféodés au gouvernement fédéral, ils auraient à en porter la responsabilité. Puisque leur intérêt ne va pas nécessairement dans le sens du meilleur pour eux, ils auront à faire la démonstration que ce choix est le meilleur pour l'avenir de leurs nations. Ils devront aussi démontrer pourquoi ils ne sont surtout pas prêts à en débattre honnêtement. Enfin, ils auront aussi à faire la preuve que leur mission est de protéger envers et contre tous l'union canadienne intégrale et centralisatrice préconisée par le gouvernement fédéral actuel.

Une chose est malheureusement certaine, cependant, ils donneront ainsi les meilleurs arguments possible au gouvernement du Québec pour démontrer à la face de la terre qu'il a fait tous les efforts nécessaires pour associer avantageusement les peuples autochtones à son projet de société. Le Québec pourra aussi, comme argument massue, souligner qu'aucun pays colonisateur n'est allé aussi loin dans la reconnaissance des droits fondamentaux des premiers peuples avant lui. Il améliorera alors sa position face à une reconnaissance des peuples de la terre ou, tout au moins, il pourra clore le bec de pie jacasseuse qui raconte n'importe quoi à l'étranger.

C'est, quant à moi, bien mal préparer cet avènement du rêve de certains Québécois qui est de bâtir ce nouvel État du Québec que d'écraser sans réfléchir, avec les gros pieds de ses propres droits de dominant, les droits fondamentaux des peuples autochtones. Je ne crois surtout pas que les Québécois vont grandir leurs droits fondamentaux en rapetissant ceux des autres. Évidemment, il n'est pas question d'aucune façon que je nie les droits fondamentaux des Québécois de vouloir un État différent, pas plus d'ailleurs que je devrais nier celui que le Québec devienne indépendant, à l'image de la volonté exprimée clairement dans un projet de société de tous les Québécois. Oui, pour moi, il est évident que le Québec peut disposer de lui-même et a le droit à son autodétermination dans ce Canada d'aujourd'hui.

D'ailleurs, c'est le cas aussi des peuples autochtones du Canada d'un océan à l'autre. Ils possèdent, eux aussi, ce droit fondamental même si le fédéral est bien silencieux sur cette question et si les groupes autochtones font bien attention de lui poser clairement la question. Enfin, il faut cependant constater qu'affirmer est une chose pour le gouvernement du Québec, alors que respecter en est une tout autre quand ça concerne les premières nations. Les mots, dans les résolutions de l'Assemblée nationale, dans les déclarations des politiciens, dans les programmes politiques et même dans les politiques gouvernementales, sont là, mais les gestes concrets brillent par leur absence.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Cleary. M. le ministre.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie beaucoup, M. Cleary, pour votre contribution à nos travaux. Votre mémoire est, pour l'essentiel, une critique globale et très sévère de la politique autochtone du gouvernement du Québec. Je ne vous suivrai pas sur ce terrain que vous connaissez infiniment mieux que moi et qui, de toute façon, ne relève pas de mes attributions immédiates. Vous êtes aussi d'une égale sévérité à l'endroit du gouvernement fédéral.

Ce qui me concerne peut-être davantage, c'est d'essayer de voir comment on pourrait concrètement bonifier par des amendements le projet de loi n° 99. À cet égard, vous dites qu'on y trouve une référence très insuffisante aux nations autochtones dans le préambule. Vous faites référence au troisième considérant qui se lit:

«Considérant que le Québec a constamment affirmé son respect des droits et libertés de la personne ainsi que des droits de la communauté anglophone et des nations autochtones du Québec.»

Ce qui, si je vous comprends bien, vous agace dans ce considérant, c'est évidemment, dites-vous, sa faiblesse, son caractère vague et le fait que les nations autochtones sont ici associées à l'idée des droits et libertés de la personne.

Mais vous aurez peut-être noté qu'il est fait référence ailleurs, dans 99, aux nations autochtones. À l'article 9, on dit, je cite: «L'État peut aménager, développer et administrer ce territoire et plus particulièrement en confier l'administration déléguée à des municipalités ou d'autres entités mandatées par lui, le tout conformément à la loi, y compris dans le respect des droits des nations autochtones du Québec.»

Je vous pose la question: Quel genre de formulation, quelles sont les idées, les valeurs fondamentales que vous voudriez que l'on trouve précisément dans 99 pour le rendre acceptable à vos yeux?

M. Cleary (Bernard): Quant à moi, je pense que le projet de loi n° 99 est là pour reconnaître le peuple québécois dans toute sa dignité, dans toute sa grandeur. Les autochtones, depuis presque une éternité, veulent faire reconnaître leur nation d'égal à égal avec les gouvernements, comme ça se passait aux premiers temps de la colonie lorsque les traités se faisaient entre des Européens plus faibles et des autochtones plus forts. Le temps a fait en sorte que cette nation-là s'est amenuisée, pour presque disparaître, quand les Européens étaient plus forts et les autochtones plus faibles. La recherche des groupes autochtones, depuis presque toujours, va dans le sens d'une forme de souveraineté, quant à moi, interne – mais vous pourriez avoir d'autres débats – d'une souveraineté qui ferait en sorte que les peuples autochtones seraient reconnus dans toute leur splendeur. Et la Commission royale a longuement élaboré sur cette question-là de redonner aux peuples autochtones leur importance.

Pour moi, vous aviez une occasion en or, à partir de ce dossier-là, qui est extrêmement important pour les peuples québécois, de reconnaître les peuples autochtones. Évidemment, ce n'est pas une question de nombre, ce n'est pas dans l'esprit... c'est dans l'esprit que les peuples autochtones... et ça, on l'a fait. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion, à un moment donné, de feuilleter le manifeste du Forum paritaire québécois-autochtone, qui était bâti avec les forces vives du Québec et des autochtones, on est arrivés à cette conclusion-là qu'on devait reconnaître – et on l'a fait dans ce manifeste-là – 11 peuples au Québec dans une future constituante. Donc, moi, ce que je me dis: Ça aurait été magnanime – prenons le terme de magnanimité – de la part du gouvernement du Québec de profiter de la circonstance qui était donnée par le projet de loi n° 99 pour rehausser la valeur des nations autochtones ou des peuples autochtones.

Ceci étant dit, ça aurait, quant à moi, amené ce qui aurait dû être fait dès les tout débuts de la colonie, que les autochtones, au même titre que les autres peuples, soient des fondateurs de ce Canada-là et de ce Québec-là. C'est l'esprit, moi, je pense, qu'on aurait pu trouver, et les autochtones ont besoin, de la part du gouvernement du Québec, de cette reconnaissance-là pour, à mon sens, faire en sorte que leur considération puisse être presque totale, dans le sens qu'ils pourront être tantôt un apport à la société québécoise de demain.

(16 h 40)

Donc, les notions que vous exprimiez dans le paragraphe 9, à mon avis, doivent évidemment se retrouver dans toute formule d'autonomie qui pourra être développée au fur et à mesure que l'on avance dans le développement. Donc, moi, j'aurais cru – et je croirais encore parce qu'il y a toujours des possibilités, là – que cet élément de reconnaître les peuples autochtones permettrait fort probablement d'améliorer les relations avec les Indiens du Québec et le gouvernement du Québec et peut-être, sait-on jamais, de trouver des formules qui feraient en sorte que la cohabitation sur le territoire serait une cohabitation encouragée, choisie et améliorée. Donc, l'esprit de la reconnaissance des peuples autochtones, à mon avis, est important, mais il est aussi pour les autochtones un intérêt évident dans l'esprit que les peuples étaient souverains et qu'ils négociaient avec les groupes européens, dans le temps, des traités d'égal à égal. Évidemment, l'égalité, elle s'exprime différemment. Il n'a jamais été question que les peuples autochtones ou que les nations autochtones soient au même niveau que les Québécois dans les développements, mais, au niveau de la reconnaissance de leurs droits, il se pourrait, quant à moi, d'une façon facile, etc.

L'autre élément, on sait pertinemment que le gouvernement – et je le souligne un petit peu dans ce mémoire-là – du Québec a un intérêt si jamais il y avait un référendum – et ça, ça a été dit à maintes et maintes reprises – à ce que les autochtones ou les Indiens du Québec ne se promènent pas à travers le monde pour dénoncer cette nouvelle nation, ce nouvel état qui ne respecterait même pas ses autochtones. Donc, l'esprit que je veux laisser – j'espère que ça sera – c'est qu'il faut que vous reconnaissiez les droits autochtones. Et, d'ailleurs, j'ai été agréablement surpris du contenu de la récente entente qu'il y a eu avec les Montagnais de Mamuitun où un des éléments était un élément de reconnaissance de droits au lieu d'un élément d'extinction de droits, ce qui a toujours été dans tous les traités. Donc, ça, c'est ce genre de pas par en avant qui va faire en sorte qu'un jour ou l'autre les Montagnais et les Québécois vont redevenir ce qu'ils étaient auparavant. Donc, c'est ce que, moi, je crois qu'il serait intéressant, au niveau des autochtones, de retrouver dans un projet de loi ou dans une loi, et ça accréditerait la force évidente aussi de la reconnaissance des peuples autochtones.

M. Facal: Vous avez évoqué aussi, comme d'autres avant vous, l'idée d'une assemblée constituante. Est-ce que je dois comprendre par là qu'indépendamment de la manière dont se conclurait le débat sur l'avenir politique du Québec et indépendamment ou parallèlement aux discussions actuellement en cours sur d'éventuelles ententes administratives, selon vous, il serait important que dès maintenant soient amorcés des travaux, une sorte de chantier sur les fondements constitutionnels de l'État du Québec qui seraient le véhicule pour une reconnaissance plus approfondie des nations autochtones? Est-ce que c'est ça que vous dites...

M. Cleary (Bernard): Oui, exactement.

M. Facal: ...que ça doit commencer maintenant, ça?

M. Cleary (Bernard): Oui, oui, exactement. Quel que soit l'avenir du statut juridique du Québec, quel que soit cet avenir-là, que ce soit un Québec à l'intérieur d'un Canada ou que ce soit un Québec dans un véritable État dans une véritable confédération, etc., ça a peu d'importance. Je pense que le Québec se doit maintenant d'élever le statut des autochtones à l'intérieur du Québec, de créer une synergie au niveau politique et à tous les niveaux de façon à ce que cette synergie-là consacre la reconnaissance des nations autochtones et développe avec les nations autochtones un partenariat qui ne fera que nous grandir tous comme gens de ce coin de terre.

Donc, pour moi, lorsque je parle de constituante, je pourrais parler de forme d'états généraux, je pourrais parler de toutes sortes... Ça dépend, là, il y a toutes sortes de notions. Pour moi, c'est beaucoup plus d'asseoir à une même table les autochtones avec le gouvernement du Québec et possiblement d'autres groupes pour créer une synergie qui va faire en sorte que les peuples autochtones vont se sentir impliqués dans le devenir du Québec quel qu'il soit.

Là, l'impression que l'on a lorsqu'on regarde ce qui se passe, c'est qu'on n'est pas dans la game, on n'est pas là. Je comprends qu'on n'a jamais été là, mais, de plus en plus, par la reconnaissance plus solide des droits par la Cour suprême du Canada, par aussi la Commission royale, qui est quand même remplie de choses intéressantes pour le développement d'une société qui est là pour rester, c'est fini, le temps de penser que les Indiens vont disparaître. Je pense que c'est une utopie qu'il ne faut plus avoir en tête. Donc, il faut travailler à faire en sorte que les Indiens sortent des marasmes sociaux qu'ils connaissent et se développent dans une forme d'autonomie qui va faire en sorte qu'ils vont être des plus à la société au lieu d'être à la remorque.

Donc, ça commence là aussi et on sait – puis je pense qu'on n'a pas à se cacher de ça – que les groupes autochtones, à ce moment-ci, sont – j'allais dire «aversion», mais c'est un terme peut-être un peu fort – suspects face au gouvernement du Québec, et ça ne s'explique pas uniquement en fonction du gouvernement comme tel. Qu'il soit libéral, péquiste ou n'importe quoi, ça a peu d'importance, c'est que dans l'histoire les autochtones, à cause des fameux traités, ont toujours été près de la couronne. Ils ont toujours été près, ils ont toujours négocié et signé des choses avec la couronne. Donc, la couronne, elle a été française, elle a été britannique, elle est canadienne, elle pourrait peut-être, demain, être québécoise, ça a peu d'importance. Ce n'est pas ça qui est important, ce qui est important, c'est que les autochtones se sentent impliqués.

Vous savez, quand on entend – en tout cas, moi, ça me choque toujours ou ça me blesse – que les Indiens ne font pas partie des peuples fondateurs de ce coin de terre là, ça fait drôle. Tu sais, tu dis: Seigneur! on était là les premiers, depuis des millénaires, on n'a pas réussi à nous inviter à faire partie du développement de ce pays-là, de nous impliquer comme nation importante, comme peuple fondateur, il y a quelque chose qui sonne drôle dans ma tête.

Donc, quel que soit le futur, au niveau de ce qu'on est en train de travailler au Québec, moi, je pense qu'il doit y avoir une place beaucoup plus importante pour les autochtones même si au départ ça peut être difficile d'y arriver. Il ne faut surtout pas que les gouvernements lâchent parce que c'est difficile. Moi, je pense que – et c'est pour ça que je reviens à cette reconnaissance de peuples – la reconnaissance de peuples aurait été un élément qui aurait rendu de plus en plus fiers les peuples autochtones et aurait fait de ces peuples reconnus par le gouvernement du Québec un élément intéressant pour leur devenir.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous en venons à la partie réservée aux députés de l'opposition. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue, M. Cleary. Je veux enchaîner sur la question de comment améliorer un genre de forum ou de mettre plus en évidence la question de... C'est une question que... cette commission s'est penchée sur la question comment mettre en évidence les dossiers autochtones et les relations avec le gouvernement du Québec peu importe l'avenir constitutionnel. Ça, c'est un débat pour une campagne référendaire ou autre, mais est-ce que vous vous êtes penchés sur comment organiser un forum? Parce que c'était proposé à l'époque par M. Sirros devant l'Enquête royale des peuples autochtone dans le document de M. Chevrette il y a deux ans. On propose un genre de forum, mais avez-vous réfléchi sur comment on peut mettre ça en place? Parce que je suis complètement d'accord que c'est très loin de la Grande Allée à Kuujjuaq ou à Pointe-Bleue, et comment est-ce qu'on peut mettre ces situations et cette réalité en évidence ici, à Québec?

M. Cleary (Bernard): Oui, oui, évidemment, j'y ai pensé à maintes et maintes reprises, parce que, à chaque fois qu'un gouvernement tendait la main pour essayer de trouver une solution pour un forum quelconque, ça avortait à chaque fois. Et ça, malheureusement, c'est dû à la grande division des groupes autochtones. Et c'est une réalité qui n'est ni rose pour nous autres ni rose pour tout le monde, mais c'est une réalité qui est existante, et cette réalité s'explique par l'histoire. Qu'est-ce que vous voulez, le ministère des Affaires indiennes travaillait de communauté à communauté, donc ça ne pouvait qu'arriver à ces résultats-là. Et des groupes nomades vivaient par petites familles, ça ne pouvait qu'arriver à ça.

(16 h 50)

Donc, ma réflexion, quant à moi, c'est que les groupes autochtones, jadis – j'ai en tête surtout les Hurons – lorsqu'ils voulaient faire des alliances avec les autres nations, envoyaient une espèce de délégation de personnes qui allait rencontrer les groupes autochtones, qui discutait avec eux et qui cherchait une façon avec eux, groupe après groupe, nation après nation, comment pouvoir être capable de travailler ensemble, bon, pour toutes sortes de raisons. Moi, je pense que, après les échecs, ça vaudrait la peine qu'il y ait cette forme de mission – je ne sais pas trop comment on pourrait l'appeler – où il y aurait des Québécois, qui ne serait pas nécessairement politique, pas uniquement politique, qui pourrait aller voir nation après nation et discuter avec elles pour savoir dans quel contexte pourrait s'établir une forme de relation nouvelle. Donc, si je prends mon raisonnement, que le Québec reconnaisse, à supposer, comme peuple les peuples autochtones, que le Québec aille voir ces peuples-là et discute avec chacun de ces peuples pour voir comment ça pourrait se constituer, cette relation-là, et dans quel contexte, etc. Et c'est à partir de ça qu'il pourrait sortir une forme de forum, forum quelconque, où, là, s'établirait une relation qui deviendrait fort probablement plus intéressante les uns envers les autres. Moi, je pense que c'est la façon de regarder.

M. Kelley: Oui. Et j'ajouterais à ça un moyen, que les élus et les autres représentants du gouvernement du Québec puissent se déplacer plus souvent vers... Moi, je me rappelle quand j'ai travaillé au ministère de la Sécurité publique, il y avait un litige sur la juridiction sur la route qui traverse la communauté crie de Waswanipi, et c'est beaucoup plus facile de parler de cette situation après avoir vu ça et de voir à quel point c'est un obstacle dans la communauté et le manque de contrôle sur... Entre autres, le trafic de camions a causé des problèmes majeurs.

Sur le même ordre d'idées, si jamais il y a une autre période de changements constitutionnels dans la fédération canadienne, d'une façon concrète, comment assurer que les droits des autochtones soient respectés et qu'ils soient partie participante dans une autre soit ronde de discussions constitutionnelles, un autre référendum? Je sais que plusieurs des nations ont tenu leur propre référendum en 1995, c'est quoi, le statut qu'il faut accorder aux nations qui ont choisi d'avoir ces exercices référendaires autonomes qu'ils ont gérés avec leurs propres questions? Et c'est quoi, l'importance qu'il faut accorder aux résultats de ces exercices?

M. Cleary (Bernard): Moi, à mon sens, ces référendums-là ont été faits dans un contexte. Il y avait une période, il y avait une conjoncture, etc., donc il y avait un contexte d'opposition des fédéralistes versus les indépendantistes, mettons. Donc, ce contexte-là a influencé. Je suis moralement convaincu que les autochtones ne veulent pas une forme de séparation du Québec. Ils n'en veulent pas, ce n'est pas leur volonté. Si tu leur demandes vraiment, ils vont te dire: Non, il n'en n'est pas question, ce n'est pas ce que l'on veut. Pour nous, on a un attachement au Canada, etc.

Mais, un coup que tu as dit ça, l'attachement que tu as envers le Canada, comment il va s'exprimer? Et, tant et aussi longtemps que le Québec est là, dans le Canada, il peut influencer énormément à exprimer cette relation-là. Donc, c'est pour ça que je vous disais tantôt: Quels que soient les résultats de l'avenir du Québec, le fait de travailler ensemble à se rapprocher et à créer quelque chose qui serait durable, au-delà des événements que l'on connaît sporadiquement, au-delà de ça, m'apparaîtrait, moi, une démarche.

Mais il faut que vous ayez en tête comme gouvernement que ça ne sera pas si facile que ça. Ce n'est pas parce qu'il y a une volonté politique d'y arriver que, demain matin, ça va arriver comme ça. Il y a une espèce... j'emploie le terme «vente», là, il y a une vente à faire auprès des autochtones pour bien se sentir. Un exemple, la reconnaissance des droits de chasse et de pêche au Québec a toujours été un problème majeur. Pourquoi les autochtones ont une réaction négative au niveau du gouvernement du Québec? Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas autre chose qui ne va pas bien face aux autochtones. Un exemple, les langues sont mieux protégées, il y a moins de gens en prison, etc. Les conditions autochtones au Québec sont meilleures qu'ailleurs, à bien des endroits, sauf qu'il y a ce problème-là qui n'a jamais été réglé, c'est le pouvoir de lobbying des fédérations sportives de chasse ou de pêche qui ont toujours été assez influentes, qui ont toujours réussi à éteindre, ou à tasser, ou à aller avec moins de générosité dans le sens de la reconnaissance des droits ancestraux de chasse et de pêche. Bon, bien il y a ces éléments-là qui doivent être domptés avant de penser qu'on va pouvoir arriver à quelque chose d'intéressant.

Il y a un élément d'apprivoisement des uns des autres, de confiance des uns des autres qui n'est pas là. Quand les gouvernements sont venus nous voir, c'est parce que... Un exemple, j'ai en tête la Baie-James, quand ils sont venus discuter avec les gens de la Baie-James, ce n'est pas parce qu'ils les aimaient, c'est parce qu'ils aimaient leur rivière. Donc, les gens le savent. Quand on entend parler qu'un des objectifs voulus de la négociation pour la Basse-Côte-Nord, c'est le Labrador, c'est les chutes de Churchill Falls, bien tu sais, je veux dire, ce n'est pas comme ça, à mon avis, qu'on va réussir à s'apprivoiser. Ça ne veut pas dire que les Indiens doivent être un frein au développement. Ce n'est pas du tout ça que je veux dire, mais, quand il y a une approche de négociation beaucoup plus intéressante, c'est que le pouvoir de négociation s'est amélioré pour les autochtones à partir d'un élément comme ça, de développement. Donc, ce n'est jamais dans un sens de mieux se connaître, de mieux s'apprécier, de mieux ci, de mieux ça. Et ça, ce que, moi, je pense qui doit se faire à partir d'aujourd'hui, qui devrait, quant à moi, se faire à partir d'aujourd'hui, c'est de trouver d'autres champs différents qui pourraient permettre qu'on se rapproche puis qu'on crée des affaires ensemble, puis qu'on fasse, puis qu'on soit partenaires et qu'on développe des éléments.

Développer le Grand Nord, pourquoi on le développerait par des Québécois? Il y a des autochtones qui sont là qui ne demandent pas mieux que de le développer, ce territoire-là. Pourquoi on ne travaillerait pas vraiment avec ces groupes-là pour développer ces endroits-là? Ils sont chez eux, les gens sont bien dans ce coin de terre là, alors que tu es obligé d'amener des gens de l'extérieur qui deviennent des passagers. Aussitôt que la mine est finie, ils s'en vont. Puis, aussitôt que le bois est coupé, ils disparaissent. Puis aussitôt que ci, puis aussitôt que ça... Donc, pourquoi on ne bâtirait pas sur les peuples autochtones?

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, M. Cleary, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous remercier pour votre présentation et votre participation à nos travaux.

M. Cleary (Bernard): Merci. Au revoir.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Nous en sommes maintenant à la troisième étape de notre après-midi avec M. Patrice Fortin, que j'inviterais à bien vouloir s'avancer. Je crois qu'il est accompagné de M. Ronaldo Boulanger et de M. Jean Lapointe.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je rappelle que la commission est réunie afin de procéder aux consultations générales et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.

M. Fortin, nous avons réservé une période de 45 minutes pour la présente rencontre. Sur ces 45 minutes, 15 minutes sont réservées à la présentation proprement dite, et ensuite nous passerons aux échanges. Donc, je vous cède la parole en vous invitant bien sûr à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.


MM. Patrice Fortin, Ronaldo Boulanger et Jean Lapointe

M. Fortin (Patrice): Alors, bonjour, M. le Président. Mon nom est Patrice Fortin. Je suis accompagné... À ma gauche, c'est M. Jean Lapointe; et, à ma droite, M. Ronaldo Boulanger. J'ai emmené avec moi aussi des membres du Conseil patriotique du Québec parce que ça regarde avant tout les citoyens, tu sais. Ça fait que j'ai décidé que j'allais emmener des citoyens avec moi pour montrer un peu, le processus démocratique, comment ça fonctionne.

Alors, citoyens et citoyennes, mesdames, messieurs, je remercie cette Assemblée de me permettre de m'exprimer à l'occasion de cette consultation générale relativement au projet de loi n° 99. Je dois cependant vous faire remarquer que le court laps de temps permis pour la réalisation et la production de ce mémoire n'était pas, selon moi, suffisant pour produire un mémoire vraiment bien documenté et répondant à chacune des questions dans les moindres petits détails. C'est pourquoi je vais tenter de faire cet exercice avec le plus de précision possible.

En premier lieu, est-il nécessaire de vous rappeler que c'est le 10 décembre 1999 que le premier ministre du Canada, le très honorable Jean Chrétien, déposait l'avant-projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le renvoi sur la sécession du Québec au Parlement canadien afin d'encadrer le processus référendaire au Québec.

(17 heures)

Le 15 décembre suivant, le premier ministre du Québec, l'honorable Lucien Bouchard, en réplique à M. Chrétien, déposa à son tour l'avant-projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, afin de réagir à l'initiative du gouvernement canadien.

Suite au dépôt de l'avant-projet de loi venant d'Ottawa, M. Bouchard a décidé de convoquer une commission parlementaire afin de permettre aux citoyens de venir émettre leurs singulières opinions relativement à cet avant-projet de loi censé être la réplique à celui venant d'Ottawa. Je considère plutôt paradoxal que le gouvernement du...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Fortin, excusez-moi, est-ce que vous pourriez parler peut-être plus directement vis-à-vis du micro, qu'on puisse vous entendre clairement?

M. Fortin (Patrice): Oui. Il faut que je parle plus fort?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui.

M. Fortin (Patrice): O.K. Je considère plutôt paradoxal que le gouvernement du Québec ait décidé de réagir aussi rapidement sans, au préalable, élaborer une véritable riposte un peu plus stratégique, puisque, à mon avis, il s'agit d'un avant-projet de loi plutôt qu'une constitution dans le cas du Québec. C'est pourquoi j'ai décidé d'intervenir, car il ne faudrait pas que les citoyens soient aveuglés par l'unique formule des conditions gagnantes qui, pour moi, ne veulent rien dire tant et aussi longtemps que le fameux projet de société ne sera pas défini à l'intérieur d'une constitution ainsi que la question de séparation des pouvoirs, point à la ligne. Mais la parole d'un simple citoyen pèse-t-elle vraiment dans la balance?

Pourtant, lorsqu'il fut décidé par Me Guy Bertrand de porter, par le biais d'un pourvoi devant la Cour suprême du Canada, la question à savoir si le Québec pouvait faire sécession du Canada, j'ai, à cette occasion, décidé d'intervenir dans ce débat par le biais d'une demande écrite au Procureur général du Canada pour lui indiquer que la présente cause me tenait à coeur et que j'aurais aimé être entendu, mais que, pour plusieurs raisons, il me serait plutôt difficile d'intervenir, ce à quoi ce dernier m'a répondu être sensible à mes préoccupations sans toutefois pouvoir intervenir, ce qui m'amenait de nouveau à répliquer par le dépôt d'un mémoire contenant certaines observations que j'ai fait parvenir, tout de même, à plusieurs intervenants, sauf à la Cour, car il était déjà trop tard. Mais, un fait demeure, ceci prouve au moins une chose, et c'est tout l'intérêt que je porte à cette question depuis le début de mon implication en politique.

Par ailleurs, je suis aussi intervenu à l'occasion de la commission parlementaire relativement à la question qui fut, elle aussi, portée devant la Cour suprême du Canada, et c'est celle relative à la loi sur les consultations populaires du Québec que l'ex-chef du Parti Égalité, M. Robert Libman, avait pour cette occasion décidé d'en contester la teneur, et le tout a finalement fini par aboutir en commission parlementaire où, à cette occasion, j'ai déposé, au nom de l'organisme que je dirige, c'est-à-dire le Conseil patriotique du Québec, et aussi à titre d'individu qui en était à sa troisième intervention afin d'être entendu relativement à des modifications qui touchaient de près et de loin la Loi électorale ainsi que la loi sur les consultations populaires du Québec, un mémoire assez éloquent relativement à la question qui nous concerne, c'est-à-dire de la simple question du 50 % plus un ou la question claire, et dont la principale proposition était l'élaboration d'une loi-cadre sur les consultations populaires.

En effet, ce que nous avons voulu soulever à cette occasion était plutôt à l'effet que le débat semblait polarisé dans deux seuls camps plutôt que de chercher une nouvelle formule qui aurait pu permettre, par exemple, la création d'un nouveau comité-parapluie du genre camp pour la constituante tout en profitant de cette occasion pour justement se questionner sur d'autres sujets tels que la séparation des pouvoirs, notamment en ce qui avait trait au fait que le Conseil législatif québécois, garanti par l'article 71 de la Loi constitutionnelle de 1867, la Constitution canadienne, comme un des droits des sujets du Bas-Canada du Québec, avait été aboli et pour lequel le ministre des Affaires internationales, M. Stéphane Dion, nous a répondu à ce sujet que le Québec était maître de ses institutions politiques sous réserve de certaines exceptions limitées, et ce, en prenant pour exemple l'abolition du Conseil législatif québécois en 1968.

Dans la réponse que je viens de citer de M. Stéphane Dion, il est assez difficile de trouver la bonne explication pour illustrer comment exactement s'effectue cette carence d'une méconnaissance chronique des citoyens du Québec des outils disponibles à l'intérieur de la Constitution canadienne, par exemple, ne serait-ce simplement de comprendre que présentement nous fonctionnons avec un système monocaméral et bipartiste au lieu d'un système bicaméral qui pourrait être réintroduit et/ou encore modifié et bonifié, assorti d'une véritable réforme de la Loi électorale qui pourrait permettre, par exemple, une forme de multipartisme qui serait beaucoup plus représentative que ce que nous subissons présentement, tout en demeurant à l'intérieur du cadre fédératif canadien dont justement ce dernier exemple illustre assez bien que les citoyens du Québec disposent d'outils législatifs dont ils ne se servent pas, puisqu'ils ne savent même pas qu'à ce niveau ils peuvent revendiquer le plein pouvoir de contrôler leurs affaires.

Le deuxième questionnement qui me vient immédiatement à l'esprit...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): ...je vous signale que vous avez franchi déjà le tiers du temps que vous avez pour la présentation et vous en êtes au dixième de votre mémoire.

M. Fortin (Patrice): Bien, je dois vous dire, M. le Président, que je me suis chronométré ce matin et j'arrive à 15 minutes piles. C'est ça qu'on m'a donné, moi, comme temps.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il vous reste 18 pages et 10 lignes.

M. Fortin (Patrice): Non, non, je ne lirai pas tout ça, j'ai fait un résumé.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Parfait. Merci.

M. Fortin (Patrice): Ne vous inquiétez pas, M. le Président, j'ai pensé à vous.

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): On vérifie si c'est un vote. Ça ne sera pas long. Deux secondes.

M. Fortin (Patrice): O.K. Je peux continuer, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui.

M. Fortin (Patrice): Bon. Le deuxième questionnement qui me vient immédiatement à l'esprit est le suivant: Comment se fait-il...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Bon. Alors, malheureusement, on doit suspendre nos travaux pour un vote en Chambre. Alors, nous allons donc suspendre et nous serons de retour dans quelques minutes, j'imagine.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprise à 17 h 33)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): La commission reprend ses travaux dans le cadre de la consultation générale relative au projet de loi n° 99. Nous avions avec nous M. Patrice Fortin. Il vous reste un peu moins de 10 minutes pour la présentation, et nous passerons aux échanges tout de suite après.

M. Fortin (Patrice): Alors, je reprends, M. le Président. Le deuxième questionnement qui me vient immédiatement à l'esprit est le suivant: Comment se fait-il que les Québécois et Québécoises sont maîtres de leurs institutions politiques à de multiples exceptions près et ne connaissent pas davantage le système constitutionnel dans lequel ils évoluent? Et, surtout, combien de Québécois et Québécoises se préoccupent de savoir s'ils n'auraient pas déjà des droits garantis au niveau législatif dans la présente Constitution canadienne qu'est la Loi constitutionnelle de 1967? Car il serait aussi pertinent que chaque Québécois et Québécoise puissent aussi savoir, comme minimum d'information, ce que contient la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi que le rapport de la Commission Gosford qui avait précédé la rébellion de 1837-1838, considérant que Lord Gosford, lui-même, avait en quelque sorte reconnu que l'électivité du Conseil législatif était l'équivalent, pour le Bas-Canada, d'une véritable indépendance sans pour autant lui donner son aval. Ceci est un exemple où je pense que nous nous trouvons mal préparés et qui fait en sorte qu'avant d'entreprendre de grands changements de nature constitutionnelle il serait temps, ne serait-ce que pour fins de comparaison, de pouvoir obtenir un minimum de clarté quant à la nature des éléments d'origine constitutionnelle.

Maintenant, pourquoi devons-nous nous questionner sur cet avant-projet de loi dont nous sommes appelés à débattre présentement? Quant à moi, la première raison est qu'il s'agit d'un avant-projet de loi plutôt que d'une constitution et ce simple fait est suffisant à lui seul pour en déduire qu'il s'agit d'un signe de faiblesse, car j'entretiens de sérieuses réserves sur l'idée d'avoir un jour à me prononcer par référendum uniquement sur une soi-disant question claire. Même dilemme quant au pourcentage requis, c'est-à-dire le fameux 50 plus un, car, pour moi, c'est plutôt le contenu que le contenant qui m'interpelle mais qui devrait aussi tous nous interpeller. Ce qui veut dire que, c'est bien beau de nous présenter un avant-projet de loi, mais cela, à mon avis, n'a pas la même portée qu'une déclaration constitutionnelle ou un acte constitutionnel assorti d'un véritable projet de constitution. De plus, je pense sérieusement que l'idée que le peuple soit embarré à double tour dans le piège d'avoir à voter à la fois uniquement sur une question claire ainsi que sur le pourcentage de 50 plus un, sans au préalable avoir à se prononcer sur un véritable projet de constitution, est une aberration indigne d'un véritable débat qui aurait pu permettre à la population de définir le rôle que leurs institutions pourraient avoir dans un Québec ayant un nouveau statut ou même en demeurant dans la fédération canadienne.

Pour ces raisons, il est essentiel que les vraies questions soient soulevées immédiatement, comme, par exemple: Aurons-nous à nous prononcer avant ou après le prochain référendum sur un projet de constitution? Ou encore: Est-ce qu'il y aura une assemblée constituante de convoquée et quelle en sera la composition? Je pense que les deux questions précédentes que je viens de soulever méritent de l'être dès maintenant, puisque, après la présente commission parlementaire, il sera trop tard. Cependant, je continue de croire qu'il aurait été avantageux que le gouvernement du Québec prenne le temps de réfléchir au fait que le peuple ne se fera plus prendre avec la formule du chèque en blanc ou avec un quelconque avant-projet de loi. C'est pourquoi, selon moi, il aurait été préférable que le Parti québécois, s'il est vraiment sérieux, commence immédiatement à travailler sur un projet de constitution.

Car souvenons-mous que, lorsque la reine Victoria suspendit la Constitution du Bas-Canada en 1838, les habitants du Bas-Canada perdirent en quelque sorte le droit de s'administrer eux-mêmes et dont la conséquence directe sera à mon avis génératrice d'une problématique qui à l'origine aurait pu être solutionnée, mais qui n'est toujours pas résolue, car les citoyens du Québec ne possèdent toujours pas une véritable connaissance des constitutions et aussi des véritables moyens de remédier aux vices qui pourraient miner nos institutions. Cependant, il ne faudrait pas oublier que lord Durham avait accordé la responsabilité ministérielle. Il avait même souhaité que ce soit fait à condition que l'on en fasse un bon usage. Souvenons-nous aussi que Lord Gosford avait aussi considéré que l'électivité du Conseil législatif serait pour le Québec l'équivalent d'une véritable indépendance. Qu'avons-nous hérité depuis? Nous avons hérité d'un simulacre de prétendus pouvoirs pour la population québécoise, c'est-à-dire un Protecteur du citoyen, un Vérificateur général, une loi d'accès à l'information et enfin un Directeur général des élections dépourvu de véritables pouvoirs, qui souvent sont comparables à un petit chihuahua, et le gouvernement continue à multiplier les structures gouvernementales. Parallèlement à cette tendance, le présent gouvernement nous parle de fusion avant même de faire un véritable ménage dans sa propre cour.

Pourtant, quand le gouvernement cache des sommes d'argent qui sont en sa possession ou encore quand le gouvernement nous endette à ne plus finir, peut-on dire que ceci ne ressemble en aucun point à ce que peut véritablement être un gouvernement responsable, comme l'avaient souhaité les patriotes, en 1837-1838, avec le projet officiel de la Constitution que constituaient les 92 résolutions, qui avait comme objectif de permettre à la population de réellement contrôler ses affaires? J'en doute.

Maintenant, j'aimerais aussi profiter de cette occasion pour faire un léger rappel. Les revendications historiques du Québec sont encore à ce jour évacuées du présent débat. En effet, il est plutôt démoralisant d'observer que le Parti québécois, qui nous a inscrit sur nos plaques automobiles la devise du Québec, Je me souviens , qui se veut en quelque sorte un rappel des patriotes de 1837-1838... Même chose pour la fête nationale des Québécois, la Saint-Jean-Baptiste, que Ludger Duvernay avait organisée en appui aux 92 résolutions présentées par Louis-Joseph Papineau comme le premier projet officiel de la Constitution du Bas-Canada... Car, après avoir mis sur pied un groupe de travail sur l'enseignement de l'histoire, je trouve curieux de constater que le présent gouvernement ne fait pas beaucoup d'efforts pour faire connaître à la population, comme minimum d'information, les principes qu'avaient défendus les patriotes de 1837-1838, c'est-à-dire le principe du gouvernement responsable.

C'est pourquoi il serait aussi intéressant de se rappeler que la formule que M. Louis-Joseph Papineau avait utilisée pour tenter d'obtenir un gouvernement responsable était la bonne, car, en plus d'être honnête, elle est toujours d'actualité et très méconnue. Rappelons-nous que l'honorable Louis-Joseph Papineau avait, par le biais du dépôt des 92 résolutions, contribué à s'attirer un vent de sympathie. En effet, les 92 résolutions furent présentées en Chambre une première fois et reçurent un premier vote favorable de 56 pour les 92 et 22 voix contre. Le tout fuit suivi d'une élection référendaire qui devait procurer une grande victoire pour M. Papineau, qui, à cette occasion, remportait 77 des 88 sièges disponibles. Les résolutionnaires reçurent donc 483 739 votes, alors que les contre-résolutionnaires ne reçurent que 28 278 votes.

Maintenant, qu'est-ce que Louis-Joseph Papineau, Thomas Jefferson et Benjamin Franklin avaient en commun, contrairement aux politiciens que nous subissons présentement? Un projet de constitution. Maintenant, qu'est-ce que Jean Lesage, René Lévesque, Thomas Chapais, le rapport Allaire, la Commission-Jeunesse du PLQ en 1991 et enfin la CEQ avaient aussi en commun? La même réponse. Ils s'accordent tous encore une fois, et ce, même de nos jours, sur le fait que nous devrions avoir un projet de constitution. Pourquoi en est-il ainsi? La réponse est bien simple, et c'est la suivante: C'est de la Constitution que tire l'origine même du système parlementaire dans lequel nous évoluons et qui est en constante et perpétuelle mutation, dont le seul moyen de démystifier le tout consiste simplement qu'à en faire un objet de pédagogie. C'est pourquoi mon mémoire a surtout porté sur la question de voir se rédiger une constitution non pas après le prochain référendum, mais avant le prochain référendum. Il est important que la population comprenne que je suis d'accord avec le 50 plus un, mais pas avec la question claire, car, à mon avis, le problème, c'est simplement le fait que le prochain référendum devrait porter sur une constitution, afin de garantir des droits réels plutôt que des droits formels aux citoyens et citoyennes du Québec, point à la ligne.

(17 h 40)

Maintenant, pour que ça change, il faudrait seulement comprendre que les citoyens sont tannés des référendums à répétition, qui ne sont pas le gage de grands résultats, alors que, si nous nous en tenions seulement qu'à essayer de mieux comprendre et de tenter de résoudre les problèmes les plus urgents, tels que la réduction de ce que j'ai appelé «la structurite aiguë», que j'ai introduite dans ce mémoire sous le nom de «rapport Fortin» et qui vous donne une assez bonne idée des structures qui ont été créées, dont il y aurait lieu de s'inspirer afin de commencer immédiatement à faire une réflexion et ensuite d'écrire dans une constitution quelle sera la taille de la structure de l'appareil gouvernemental québécois dans un Québec souverain.

Enfin, j'ai appris dernièrement que la Commission de la capitale nationale installera dans la ville de Québec deux nouveaux monuments, c'est-à-dire ceux de Jean Lesage et d'Adélard Godbout, et que, par la même occasion, on en profitera pour retaper la statue de René Lévesque, avec raison. Pourtant, quand je vois ce qui se passe avec le fait qu'il n'y a, à Québec, aucun signe visible pour se souvenir de l'honorable Louis-Joseph Papineau, ça me désappointe énormément. Et c'est pourquoi je profite de cette occasion pour faire une offre solennelle de vous offrir un immense socle avec une oeuvre statuaire que j'ai réalisée de M. Papineau afin qu'elle soit installée autour de l'hôtel du Parlement de Québec, afin de se souvenir que c'est en appui aux 92 résolutions que Ludger Duvernay avait organisée pour la première fête nationale des Québécois, la Saint-Jean-Baptiste, soit le 24 juin 1834, et que nous célébrons encore chaque année, car n'oublions pas que Louis-Joseph Papineau a aussi occupé un des plus longs mandats dans l'histoire du Québec, pour ne pas le dire. De plus, j'aimerais vous montrer un chèque symbolique de la fabuleuse somme de 200 $ que j'ai reçue en aide de subvention, mais que je n'ai pas eu la chance d'encaisser pour notre projet de faire un monument de Papineau. En tout cas, j'en discuterai avec vous, mais au moins c'est un bon signe qu'on a une bonne gestion au Conseil patriotique et je termine là-dessus, M. le Président.

En conclusion, je termine ce mémoire avec le souhait que la lieutenant-gouverneur ne sanctionne pas cet avant-projet de loi, puisque ce n'est pas une constitution, tout comme d'ailleurs le souhaite aussi le chef du Parti Égalité, M. Keith Henderson, et aussi plus près de nous, comme le disait si bien M. Paul Sauriol qui, dans le Bulletin de l'Assemblée nationale de décembre 1998, craignait de laisser à l'Assemblée nationale le seul pouvoir de modifier la Constitution du Québec: La Constitution de la province sera à la merci d'une décision de l'Assemblée. Il faut souhaiter que cette autorité de l'Assemblée ne se prolonge pas trop longtemps, écrivait-il en 1968. Et c'est dans cet esprit que je termine la présentation dans mon mémoire en espérant que le gouvernement du Québec et la population du Québec comprendront que je ne suis pas contre que le Québec accède à une certaine autonomie et/ou un nouveau statut. Cependant, je crois que cela devrait se faire selon les règles de l'art en définissant clairement à l'avance à l'intérieur d'une constitution quel sera le modèle québécois.

Mr. Speaker, I would like to finish my intervention in this Assembly by having a little word for the English speaking community of Québec, and it is that this document had to do with nothing else than asking our provincial Government that if there were to be held another referendum in Québec it would have to be on a constitution that would define our collective rights in a sovereign Québec, and it is a non negotiable condition that a constitution will also have to be written, before any temptation of trying to get more power for the Province of Québec. Therefore, I personally think for the moment that we have more important problems to solve, such as our health and education system, environmental problems, etc., with which every Quebecker has to deal in his everyday life. Thank you, ladies and gentlemen. «K8ay ai'tacan Kanatakion rotisken'nenkéhte», ce qui veut dire: Salut, mes frères patriotes porteurs de paix, dans la langue autochtone. Gracias, muchachas, muchachos, M. le ministre. Merci, mesdames, messieurs.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Fortin. M. le ministre.

M. Fortin (Patrice): Parce qu'on est aussi dans un cadre de l'ALENA avec le Mexique.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. M. Fortin, vous souhaitiez être entendu; vous l'avez été. Je crois que l'on peut résumer votre mémoire en trois propositions. Vous déplorez ce que vous appelez «la polarisation en deux camps». Vous dites que le contenu, c'est plus important que le contenant et vous dites enfin que, pour vous, travailler sur du contenu impliquerait que l'on commence à travailler sur la rédaction d'une constitution qui conférerait aux citoyens des droits réels plutôt que des droits formels.

Est-ce que ça résume à peu près votre point de vue?

M. Fortin (Patrice): Oui.

M. Facal: C'est un bel effort que j'ai fait. Il y avait beaucoup de choses dans votre mémoire. Je vous remercie, je crois que j'ai compris. Ça va.

M. Fortin (Patrice): Est-ce que je peux répondre?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, vous pouvez certainement, allez-y.

M. Fortin (Patrice): Oui, j'aurais un commentaire, M. le ministre. Premièrement, nous sommes ici et nous parlons de constitution, on s'entend là-dessus? Mais avons-nous, les citoyens, accès aux documents pertinents? À titre d'exemple, dans mon mémoire, vous avez sûrement vu, j'ai demandé d'avoir les documents principaux relatifs à la Constitution canadienne puis j'ai été incapable d'obtenir certains documents d'une très grande importance, puis là j'ai fait une demande par la loi à l'accès. D'ailleurs, j'ai des documents ici avec moi. On m'a même demandé, imaginez-vous donc, de me désister, là, et là je n'en reviens pas, parce que je me dis, à quelque part, M. le Président... On parle de la constitution, mais je me demande: Est-ce qu'on a vraiment les documents? Puis ça, je ne le faisais pas d'une façon... Ce n'est pas parce que je voulais mettre la pagaille. C'est parce que souvent, je vais moi-même des fois à la bibliothèque de l'Assemblée nationale, il y a des documents comme, par exemple, la commission Gosford, là. C'est des vieux documents, on n'est pas capable de les photocopier. Moi, je pense que ça serait bon si on pouvait faire un document qui inclurait les documents principaux constitutionnels, que les gens pourraient voir, puis au moins là on saurait de quoi on parle, comme l'Acte d'Union, le Traité de Paris, les principaux documents qui allaient avec la Constitution canadienne.

Puis j'irais plus loin que ça – puis c'est un souhait que je fais – ce serait qu'on fasse un tableau dans le hall du parlement pour mettre les constitutions de la province, vous savez, être patriotiques un petit peu. Comme quand tu passes aux douanes américaines, on toujours la déclaration de Thomas Jefferson, tout le kit, et avec les chartes des droits. Au moins, les gens, quand ils viendraient visiter notre parlement, bien, ils verraient au moins que ça existe, les constitutions. On se demande... On fait venir des papiers... Ça existe-tu? Comme là, j'attends toujours d'avoir une copie de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'est ça qui fait foi de constitution dans le moment. Bien, ça serait le fun, je pense, d'avoir ça. Et ma deuxième chose, j'aimerais aussi vulgariser un petit peu, pour les citoyens à la maison, qu'est-ce que c'est qu'une constitution? Parce que ça a l'air d'être difficile pour les gens chez eux, vous savez, ce qu'est rédiger une constitution. Bien, la façon de vulgariser ça, moi, j'aurais une manière très simple de vous le faire. Je vais vous donner deux exemples. J'ai tenu à les emmener avec moi pour mieux vous faire comprendre. J'ai acheté un véhicule dernièrement, du gouvernement du Québec. C'est un contrat, en fin de compte, une constitution, c'est comme on achète une maison, une auto. Je me suis fait prendre, c'est un vrai bazou. Bon. Là, j'ai écrit à M. Chevrette une lettre de huit pages. Puis ça me donne une bonne raison pour me dire: Faisons attention, faites-vous pas prendre comme moi, regardons avant.

Puis j'aimerais aussi montrer à M. Facal, par exemple, pour les personnes assistées sociales, les plus pauvres souvent dans la société, qu'est-ce que c'est. Moi, je demande à M. Bouchard: Faites-nous donc une constitution. Mais M. Bouchard, il sait-u c'est quoi, lui, la constitution d'un assisté social? Déjà qu'ils n'en ont pas une grosse. Regardez, on a un formulaire de huit pages à remplir, ça donne six pages. Il me semble, tu sais... Le minimum, on pourrait commencer à faire... D'ailleurs, je vous en ai même mis une belle copie de ma constitution, c'est un peu... qui évoquait le principe du gouvernement responsable, élu à tous les niveaux. C'était ça que M. Papineau défendait un peu à l'époque, pour donner un peu une idée.

Ensuite de ça, j'aurais une question aussi. Je ne sais pas si je peux me permettre de demander une petite question à M. Facal. Puis j'aurais le goût de demander à M. Facal: Que feriez-vous, vous, M. Facal, avec 133 millions de dollars? Là, vous allez vous dire: Je me demande pourquoi il me pose cette question-là? Imaginez-vous donc, M. Facal, qu'à date ça aurait l'air que ça nous a coûté ça en référendums au Québec. Je pense que les gens... on se dit: Mon Dieu, on pourrait-u faire des belles affaires avec ça, il me semble qu'on aurait d'autres choses et... Mais, moi, je pense que je reviens toujours à la question que ça devrait porter sur une constitution. Puis d'ailleurs je n'étais pas tout seul à le dire. Aussi, il y a M. Jacques-Yvan Morin qui était votre constitutionnaliste, qui le demandait. Il parlait, lui, de négocier ça d'avance. Alors, c'est plein de petits exemples que j'ai tenu à vous emmener.

Il y a aussi les fameux produits transgéniques. On veut-u savoir ce qu'il y a dans la canne de bines? Vous achetez une canne de bines, on voudrait... Bien, c'est le même exemple: Mme Alarie, qui m'a écrit ici. Bien, je me sers de ça, mais ça illustre un peu... On a peur de ça, les aliments transgéniques. Bien, la constitution, c'est pareil. On ne dit pas que vous n'êtes pas bons, là, on dit juste: Montrez-nous avant ce qu'on va avoir. Puis je pourrais même vous inviter, M. Facal, à comparer tout projet, comme l'avant-projet de loi de M. Parizeau, la «constitutionnette» à M. Turp. On appelle ça, nous autres, la «constitutionnette», parce que je pourrais même vous inviter à comparer ça avec la 84e résolution des 92 résolutions qui contenaient 16 griefs. Vous allez voir que c'est encore très d'actualité, ça. Je pense qu'il n'y a aucun projet de constitution qui arrive encore à la cheville avec ce que M. Papineau avait fait à l'époque.

Mais, moi, je vais vous dire une chose. Le vrai problème... Moi, je pense que, si vous ne faites pas de constitution puis qu'on ne le sait pas avant, on va avoir de la misère avec ça. Mais je pense qu'il y a des vrais problèmes. Moi, je voulais venir vous parler ici des vrais problèmes qu'on vit mais surtout dont on veut parler mais régler. Puis là, moi, je commencerais par vous dire que la structure gouvernementale, elle est trop lourde. D'ailleurs, j'ai fait un petit rapport que j'ai appelé le rapport Fortin. Je ne sais pas si vous l'avez dans mon mémoire. Tiens, je l'ai ici, là. J'ai mis toutes les structures gouvernementales qu'on a. Puis je comprends un peu M. Bouchard, des fois, il a de la misère. Je dis que le gars qui va faire le vrai ménage ici, il n'est pas encore né, quand on voit toutes les structures qu'on a créées. Puis M. Stéphane Dion même m'a dit, dans une lettre que j'ai mise dans le mémoire, que le Québec était maître de ses institutions politiques. On a vu toutes sortes de modifications, comme le Conseil législatif, on l'a aboli, on n'a pas eu besoin de demander à Ottawa. Demain matin, vous voulez créer un conseil des aînés: une autre structure. On a le Conseil de la famille, ça fait quoi, ça? C'est là qu'il faudrait faire un ménage, mais...

(17 h 50)

Une autre chose aussi, c'est que, quand on parle des fusions, ça, là, et je termine là-dessus... pour vous dire que j'ai emmené deux citoyens ici avec moi, qui brûleraient d'expliquer à M. le ministre Facal qu'est-ce qu'on va faire avec l'histoire des fusions. Parce que, tu sais, moi, quand je parle de faire un ménage dans la structure gouvernementale... je pense qu'avant de faire des fusions c'est là qu'il faudrait faire un ménage. Et M. Boulanger aurait justement des bons exemples, si vous permettez. Il brûle d'envie de vous donner des bonnes suggestions, M. le ministre.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): J'ai juste un problème de gestion de temps. Il nous reste moins d'une dizaine de minutes, là, au travail de la commission, et j'aurais souhaité auparavant peut-être donner l'occasion au porte-parole de l'opposition ne serait-ce que de vous poser une question à ce moment-ci, et par la suite vous pourrez intervenir.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Je renonce à ma question.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va? Ah, bon. O.K. Très bien, allez-y.

M. Fortin (Patrice): Alors, j'ai M. Boulanger qui aurait aimé donner un petit mot sur les fusions peut-être. Parce que, moi, je pense qu'on devrait discuter de ça avant même de faire une constitution. Ça, ça devrait être tout rentré dans un gros paquet qu'on devra se faire. Mais il y a aussi monsieur ici qui voulait vous parler des vrais problèmes que les jeunes vivent. Puis ça, c'est critique, là. Je pense qu'on a un situation aberrante. Alors, je laisse M. Boulanger vous donner un petit peu son opinion.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Boulanger, vous avez la parole.

M. Boulanger (Ronaldo): En introduction et en support avec ce que M. Fortin disait concernant qu'on ait un choix au préalable, c'est-à-dire une constitution, je pense qu'on n'est pas les premiers à le dire, ni lui ni moi. Et j'ai suivi les commissions en différé et c'est répétitif, et je pense qu'il commence à y avoir un consensus, si on fait le total. Et puis, M. Vastel, le 26 novembre 1999, justement sur le même sujet, pour comparer avec les fusions, il disait dans un encadré, dans son article, qui était dans Le Soleil , je crois, et M. Facal devrait retenir ça principalement: «Il suffit d'avoir un choix clair à proposer pour que le texte de la question devienne lui aussi limpide.» Alors, pour nous autres, ce que ça veut dire, pour que la question soit claire, au préalable, il faudrait avoir un texte de constitution sur lequel on pourra voter. Et vous poserez la question qui sera avec le texte et conforme à la constitution qu'on aura après avoir eu une assemblée constituante.

Et ma comparaison avec les fusions, qu'on est en train de se faire rentrer dans la gorge, pour ne pas dire plus loin, je fais le parallèle. Le gouvernement dépense beaucoup d'énergie. Il a des représentants, entre autres deux au Québec, qui sont les principaux: M. L'Allier, à Québec, et M. Bourque, à Montréal. Et, comme vendeurs, s'ils me vendaient une Cadillac, je ne l'achèterais pas parce que j'aime mieux aller à une autre marque. Parce que les autres municipalités, ce n'est pas la même marque de voiture, si on fait une comparaison.

Maintenant, le gouvernement, quand on parlait d'exemple tout à l'heure, de dégraisser sa machine, de rationaliser, je suis un ex-gestionnaire fédéral, je sais de quoi je parle. Je connais les deux côtés de la clôture: politique et administratif. Alors, je me dis à ce moment-là: Pourquoi le gouvernement ne parle-t-il pas de fusion quand les gens, de plus en plus, réclament la fusion des comtés, par exemple, pour faire une comparaison? On est suradministré, surreprésenté, alors on pourrait faire ça, comme l'Ontario l'a fait. Mais ne comparons pas. On pourrait s'administrer peut-être avec 90 députés. Alors, si vous voulez mettre de l'effort sur la fusion, donnez l'exemple, fusionnez donc quelques comtés pour en arriver à moins de comtés. Plus économique, plus payant. On mettra ça sur la dette ou on mettra ça sur les soins médicaux, etc. C'est une image que je veux vous faire.

M. Facal le dit souvent auprès de différents intervenants: Comment voulez-vous qu'on explique ou qu'on fasse comprendre à l'électorat, ou au peuple, ou aux groupes, ou aux organismes qu'est-ce qu'on veut, comment leur passer un oui au référendum? Bien, on vient de vous en donner un autre exemple. Puis les autres qui nous ont précédés, je pense, et ceux qui suivent vont sans doute avoir les mêmes commentaires, dans des mots différents. Mais il me semble que ça va finir par être compris un jour.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Lapointe.

M. Lapointe (Jean): Oui. Alors, bonjour. Bien, moi, c'est sûr, je voudrais parler des vrais problèmes des jeunes, là. En ce moment, les jeunes n'ont pas besoin vraiment de référendum. Puis, moi, je représente un peu... Il y a des jeunes ici, en arrière de moi, qui sont là puis que... Ça part de bien loin, ça, M. le Président. Nous autres, on pense qu'il y aurait besoin de faire le ménage un petit peu dans la restructuration des programmes d'études. Nous, les jeunes, on pense que tout le monde devrait avoir accès aux études, parce que ça part de là, le problème, je veux dire, en tout cas une partie du problème. On pense que tous les jeunes, je dirais même au niveau mondial, pas juste au Québec, ont droit aux études. Puis la manière dont les programmes d'études sont faits ici, au Québec, il y a un petit problème, là. J'ai une preuve ici comme... Je donne juste un exemple ici.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Lapointe, toujours en relation avec le projet de loi n° 99, là.

M. Lapointe (Jean): Oui, oui, mais là, c'est parce que, M. le Président, regardez, là, moi je veux bien croire, sauf que nous autres, au nom des jeunes... Je représente les jeunes, puis, moi, je vous dis que présentement, les jeunes, il y a un malaise. Puis en tout cas, si vous me permettez...

M. Fortin (Patrice): Je peux-tu me permettre de dire un commentaire? C'est parce que M. Lapointe...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il reste quelques minutes, donc je voudrais vous laisser le temps d'exposer votre point.

M. Fortin (Patrice): Oui, c'est ça. Mais M. Lapointe avait rédigé un texte, malheureusement, il n'est peut-être pas le temps de le faire parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, il aurait aimé vous le lire. Mais là, compte tenu du temps...

M. Lapointe (Jean): Il faudrait que tu résumes...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): O.K. Alors, on vous laisse terminer, M. Lapointe. Vous pouvez déposer votre document.

M. Lapointe (Jean): Bon, O.K. Alors, c'est ça, nous autres, en tout cas, les programmes d'études, ce qu'on voudrait, dans le fond, c'est que ça soit révisé, M. le Président, parce qu'on pense que l'admissibilité à ces programmes-là, elle a besoin d'être révisée, puis ça empêche beaucoup de monde qui aimerait pouvoir aller étudier. Puis peut-être, ces jeunes-là, ils n'auront jamais accès. Vous comprenez? Alors, il y aurait ça. Puis aussi...

Une voix: ...

M. Lapointe (Jean): Pardon?

Une voix: Il reste deux minutes.

M. Lapointe (Jean): Oui. O.K. Bien, c'est ça, quand je fais référence à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, après le mot «art», dans ce même article, il est écrit: «sauf dans la mesure prévue par la loi». Alors, moi, selon moi, cette phrase rend caducs les droits et libertés de la personne, voire même impossibles. Donc, en tout cas, c'est le mot que j'avais à vous dire au nom des jeunes.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Moi, je vous invite, M. Lapointe, vous dites que vous aviez une note à lire, je vous suggère simplement de la déposer. On la portera à la connaissance des membres de la commission.

M. Lapointe (Jean): O.K.

M. Fortin (Patrice): M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Donc, il vous reste deux minutes pour conclure.

M. Fortin (Patrice): Deux minutes. Bon. Pour faire un tour vite fait, en deux minutes, de ce que je voulais parler, je voulais juste faire un petit rappel de mémoire à M. Facal que... Vous savez, j'ai parlé dans mon mémoire que j'ai entendu parler cet après-midi qu'il y a des gens qui réclament une assemblée constituante. Moi avec, je suis un de ceux-là, mais je m'aperçois qu'on a un problème plus grave que ça, M. le Président. C'est qu'on a eu un article de journal qui a paru ici, avec M. Pierre-F. Côté, un petit peu avant les Fêtes, qui disait qu'au niveau de réformer le système de financement des partis politiques au Québec... Il y a un autre article qui a paru le 10 mars dernier dans Le Devoir , où on disait que 84 % des municipalités, mis à part celles en haut de 5 000 habitants, c'était un peu nébuleux, même que le Vérificateur ne savait plus quoi faire, il ne pouvait même pas aller faire la vérification là-dedans.

Alors, moi, je me dis qu'avant même de faire une assemblée constituante à une constitution, il faudrait faire un ménage dans la Loi électorale. Je suis venu ici pour parler avec vous autres, les députés, voilà peut-être deux ans, puis depuis ce temps-là on n'a pas eu grand-chose qui s'est amélioré à ce niveau-là. On le voit, on les a, les résultats, là. Alors, moi, je pense qu'il y aurait un ménage... Parce que, même si vous faites une assemblée constituante avec toutes les belles formules qui vous sont proposées, si le ménage n'est pas fait au niveau de la loi électorale, que les contributions, c'est rendu que les partis... Bon, on lit les journaux, comment ils reçoivent ça, je trouve que c'est un peu épeurant.

Une dernière chose aussi que je voulais vous dire, c'est deux, trois petits rappels d'aide-mémoire, encore une fois, pour les gens. Je voulais simplement rappeler l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme, qui disait: «Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution.» Ça, c'est important de se souvenir de ça. Et aussi, pour revenir avec Jean, parce qu'il parlait tout à l'heure que nos droits, vous savez, au niveau de l'éducation. On a une Charte des droits, au Québec, mais, moi, je suis venu en commission l'autre jour puis j'ai voulu parler des arts, parce que je fais de la sculpture. Je vous offre un beau monument de M. Papineau, je n'ai pas encore eu le O.K. de vous là-dedans, mais «anyway», il est prêt... Tout ça pour vous dire qu'on dit aussi, à l'article 22: «Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale, elle est fondée à obtenir satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité, au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation des ressources de chaque pays.» Je pense, M. le Président, qu'on les a, les ressources, mais, quand les programmes sont faits en mettant après le mot «art», je trouve, «dans la mesure prévue par la loi», on est exclus, on ne peut pas obtenir de l'aide financière. Par exemple, pour mon organisme, c'est impossible... J'ai eu 200 $, voyez-vous, pour faire un bel hommage à nos patriotes, c'est invraisemblable.

Et une dernière chose, j'aimerais juste terminer là-dessus. Souvenons-nous aussi comment les constitutions, ça a été... comment on s'est battu. Il y a eu MM. Roosevelt et Churchill qui avaient dit, au lendemain des guerres qu'on a eues, que c'est important de protéger, à l'avenir, la séparation des pouvoirs, et comment c'est important, des constitutions qui appartiennent aux peuples et non pas à des idéologies et à des partis ou à des régimes politiques. Et enfin, la France, après le jeu de paume, qui avait dit de ne pas se séparer avant d'avoir une constitution à la France. Alors, souvent on aime ça s'inspirer de la France. On a toutes sortes de beaux exemples pour aller s'inspirer, M. le Président.

(18 heures)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il me reste, là-dessus, M. Fortin, à vous remercier, de même que les personnes qui vous accompagnent, pour votre contribution à nos travaux. Malheureusement, le temps imparti à la commission pour passer à travers son ordre du jour nous limite, à ce moment-ci. Donc, j'aimerais vous remercier et j'aimerais également indiquer à M. LeBlanc, malheureusement, que nous n'aurons pas l'occasion de vous entendre aujourd'hui. Je vous suggère de vous mettre en communication avec M. le secrétaire Comeau pour la suite des choses.

La commission, donc, à ce moment-ci, ajourne ses travaux jusqu'à demain, 9 h 30. Je vous remercie.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 18 h 1)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, voilà, contrairement à ce que j'avais compris des indications de mes collègues, nous allons poursuivre. Alors, la commission, donc, entendra au cours de la prochaine demi-heure M. Alonzo LeBlanc, du Regroupement des résolument souverainistes. M. LeBlanc, si vous voulez bien prendre place, s'il vous plaît.

Alors, je comprends donc qu'il y a consentement pour aller au-delà de la période normalement qui nous est consentie, donc 18 heures. Alors, M. LeBlanc, vous avez une dizaine de minutes pour la présentation de votre mémoire ou de votre point de vue, à la suite de quoi nous passerons aux échanges. Vous avez la parole.


Regroupement des résolument souverainistes (RRS)

M. LeBlanc (Alonzo): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés, je suis ravi de voir les députés de mon comté voisin – parce que Mme Papineau est auprès de son mari – alors M. Cousineau, Mme Robert, je vois un de mes anciens collègues de l'université et du Barreau, M. Lelièvre, un Acadien en plus. Alors, je suis ravi. Je vous présente celle qui m'accompagne, Mme Claudette Lemire, également du Regroupement des résolument souverainistes des Laurentides.

Alors, vous avez reçu notre mémoire, j'irai brièvement. Il n'est pas très long, une page à peine qui dit:

Attendu que la mainmise anglaise sur la nation française du Canada et sur son sol du Canada débuta le 3 juin 1755, en plein temps de paix, par une attaque sournoise et criminelle sur le fort canadien de Beauséjour.

Ce que j'appelle de la piraterie. Je vous ai fourni un autre document qui va traiter de chacune de ces étapes-là et pourquoi nous sommes si ignorants de notre histoire. Les Anglais nous ont joué de vilains tours et de toutes les façons, et on ne semble pas s'en réveiller. Je suis allé faire une thèse de maîtrise à McGill, et au bout de ma première année de scolarité, on m'a dit: Il n'y a aucun professeur de droit ou d'histoire en Amérique du Nord capable de parrainer une thèse qui déterminerait le droit des Acadiens et des Québécois. Alors, ce n'est pas peu dire. Mais eux savaient fort bien que je crois que j'avais raison, comme je vais vous le démontrer.

S'ensuivit le nettoyage ethnique sans pareil de tous les Acadiens vivant pacifiquement en sol canadien – quand je dis «sol canadien», vous avez reçu une carte, ça veut dire de ce côté-ci de la rivière Missagouach, au Nouveau-Brunswick actuel, qui faisait partie du Canada français ou de la Nouvelle-France de l'époque; alors, l'attaque ne s'est pas faite en territoire acadien mais bel et bien en territoire canadien – notamment le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, la Gaspésie, l'île du Cap breton actuel, depuis plus de deux générations, 42 ans pour être exact. Ceux-ci furent pourchassés, exilés, mis en esclavage et un grand nombre furent victimes d'un génocide raciste, ineffable.

Attendu qu'une fois ce terrible nettoyage ethnique et ce génocide accomplis la chute de l'avant-poste, le bastion canadien de Louisbourg, fut une proie facile en 1758, découlant directement des actes criminels et génocidaires des trois années précédentes – je vous dis que tout avait été nettoyé, il ne restait plus aucun citoyen Français, Acadien ou Québécois sur le sol;

Attendu que la chute de Québec en 1759 et celle de Montréal en 1760 furent les suites dominos de la chute de Beauséjour et de Louisbourg;

Attendu que la nation française du Canada n'est donc pas victime d'un conquête mais bien d'une tragédie illégale, criminelle des plus sordides – que j'appelle de la piraterie.

Les proclamations, bien, ça va de soi, on aurait pu en ajouter un grand nombre.

Alors, vous avez la carte devant vous qui vous démontre bien sûr tous les forts bleus qui signifient ce qui était à l'époque le Canada français. Alors, les seules parties qui ne l'étaient pas, c'est la partie péninsulaire de la Nouvelle-Écosse – ça, ça avait été cédé par le traité d'Utrecht en 1713 – et la moitié de Terre-Neuve. La Nouvelle-France s'étendait jusqu'à Pentagoët – ce qui est assez près de Boston – où régnait le baron de Saint-Castin depuis déjà quelque 75 ans.

Alors, je prends le document que je vous ai distribué tout à l'heure, Lord Durham nous a menti . Oui, en effet, il nous a menti lorsqu'il est venu, bien sûr, il nous a caché toutes les vérités que je vais tenter de révéler aujourd'hui.

Alors, les Acadiens du Canada. Quand je dis du Canada, ça veut dire de la Nouvelle-France et non pas ceux de l'ancienne Acadie cédée aux Anglais. Lord Durham qui prétendit que nous sommes un peuple sans histoire a bien menti, puisqu'il cachait sciemment l'histoire criminelle et génocidaire des Anglo-Allemands. Je dis Anglo-Allemands parce que vous savez qu'à compter de 1714 il n'y a plus eu jusqu'en 1918, 1714 à 1918, deux siècles, il n'y a jamais eu de roi d'Angleterre ou de reine d'Angleterre. C'était la famille Saxe-Cobourg-Gotha-Habsbourg qui a changé son nom par le force du Parlement anglais en 1914 à la famille qui s'appelle Windsor.

Alors, surtout les trois premiers rois, George 1er, George II et George III, étaient les rois de Hanovre. C'est ce qui a causé tous les problèmes des Américains qui ont fait en sorte qu'en 1776 ils se sont affranchis non pas de la couronne britannique, mais de la couronne allemande qui régnait sur l'Angleterre. Et tous nos problèmes à nous, les Canadiens français et les Acadiens, découlent de ça aussi. On ne dit jamais ça à nulle part dans notre histoire. Alors, je dis: Contre le peuple acadien, tant celui des Acadiens de la Nouvelle-Écosse que ceux, presque aussi nombreux, du Canada français, la Nouvelle-France, de l'époque de 1755-1756, alors en plein temps de paix, par surcroît. Ne l'oublions pas, nous suggère notre devise Je me souviens.

La «Province of Québec». Dès 1763, comme nous allons voir, hélas, la plupart de nos historiens ont succombé aux pièges de l'histoire à l'anglaise nous emprisonnant habilement dans cette enclave, ou réserve, de la «Province of Québec» – j'entendais Bernard Landry aujourd'hui au Parlement dire qu'on devrait radier ça, «province», province, que c'est tout à fait colonial; vous avez entendu ça durant son discours cet après-midi, alors je ne savais pas, il ne m'a pas copié parce que je ne pense pas qu'il avait ce texte-ci à ce moment-là – qui nous soustrayait, par le traité de Paris de 1763 entre autres, de l'historicité de tous les crimes de génocide et d'épuration ethnique qui se sont déroulés sur le sol du Canada français pendant la décade de 1755 à 1768, ça, c'est cinq ans après le traité de Paris, pour ne pas dire jusqu'en 1783, parce qu'il y a eu une nouvelle dispersion des Acadiens lorsqu'on a chassé des États-Unis les 250 000 soldats mercenaires qu'on ose appeler des loyalistes.

Alors, c'est terrible d'enseigner une histoire aussi mensongère que celle-là. Ça déforme tout. On est à genoux alors qu'on devrait être debout, la tête haute, puis dire à des gars comme Jean Chrétien puis des Dion: Écoutez, des menteurs et des ignorants comme vous, on ne veut plus rien entendre. Retournez à l'école. Mais il faudrait peut-être bien que, nous autres aussi, on regarde dans nos livres. Alors, pour ne pas dire... et s'étendant même jusqu'au Traité d'Ashburton, en 1846.

La patrie des Canadiens français et des Acadiens. Sans pour autant succomber à la nostalgie ou à la rêverie, remettons sérieusement les pendules de notre histoire à l'heure de la vérité en se souvenant que le pays français de l'Amérique qui s'appelait le Canada jusqu'en 1763 s'étendait alors de l'Atlantique aux Rocheuses, englobant là tous les Grands Lacs, des deux côtés, y compris le Michigan avec Détroit, Chicago, Saint-Paul du Minnesota, Fort Brûlé, Toronto, et tout le Mississippi, de même que les provinces actuelles du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard, de Cap-Breton ainsi que des grandes parties des états américains actuels du Maine, du Massachusetts, du Vermont et de New York, qui ne furent jamais conquises mais piratées.

J'oserais même vous dire que, lorsque Benjamin Franklin préparait avec Thomas Jefferson et les autres la Constitution, il a utilisé les traités qui avaient été faits entre la France, pour les tribus pentagoèse, malésite, souriquoise, etchemin, etc., où il avait tracé les limites entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre. Et lui était prêt à respecter ça.

(18 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. LeBlanc, il vous reste une minute.

M. LeBlanc (Alonzo): Une minute? Ah, là, là!

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Si vous voulez arriver à la conclusion.

M. LeBlanc (Alonzo): Je vais prendre la fin, là. Je veux juste faire une petite preuve, M. le Président, que le territoire qui fut attaqué le 4 juin 1755 était bel et bien un territoire québécois. Si vous lisez sur le sol canadien du Québec, le fort Beauséjour était bel et bien gouverné par le Québec, la ville plutôt que la cité, depuis plus de 43 ans. C'était d'ailleurs Louis Du Pont Duchambon, sieur de Vergor, fils de l'ancien gouverneur de la Nouvelle-France, qui avait à ce moment-là 160 soldats contre les 2 000 du lieutenant-colonel Monckton. Je déplore aussi même que la ville de Québec ait une rue consacrée à ce hitman-là, le lieutenant-colonel Robert Monckton. Même, on en a parlé au maire l'an dernier, à Moncton, et il ignorait qu'à Québec il y avait une rue où on honore un criminel de cette espèce.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce que c'est votre conclusion, M. LeBlanc?

M. LeBlanc (Alonzo): Je vais juste vous dire, là, peut-être bien que ce qui s'est produit...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Brièvement.

M. LeBlanc (Alonzo): Oui, oui, très brièvement. Ce qui s'est produit en 1755, c'est un acte criminel, il n'y a personne qui est contre, même les Américains respectent Évangéline de Longfellow, etc., qui a créé l'effet domino de la chute du fort Louisbourg qui, lui, une fois qu'il n'y avait plus de fort avant-gardiste pour protéger le Québec, qui l'année suivante a créé la chute de Québec et celle de Montréal.

Alors, en droit international comme en droit criminel d'aujourd'hui, comme autrefois lorsque c'est un acte criminel évident, quand bien même que vous signez une petite déclaration de guerre une année et quelque chose après pour tenter de faire accroire qu'il y a de la légalité, de la légitimité dans la prise du pays, non, ça ne change rien. Ce sont les suites directes de l'acte criminel abominable. Et c'est dans cet état-là que nous sommes. Cet état-là que nous devrions nous déclarer. Et, face à des Dion, puis à des Pettigrew, puis à des Jean Chrétien, puis tous les autres, puis à des M. Charest, je regrette, nous avons les deux pieds pour nous tenir debout et eux n'en ont pas du tout.

Alors, je vous remercie. Je vous remercie d'avoir prolongé la séance comme ça. C'est seulement 15 minutes, je le regrette. Je pensais que j'aurais 20 minutes et quelque chose, c'est pour ça que je n'allais pas...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. LeBlanc. M. le ministre.

M. Facal: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. J'ai lu votre mémoire, qui est fort bref et très clair. Je vous remercie pour votre participation. Je reçois avec beaucoup d'intérêt votre contribution. Je reconnais, moi aussi, l'importance de bien connaître notre histoire. Je concède que vous connaissez les événements de cette période mieux que moi, mais je n'ai pas de questions particulières, M. le Président, à poser. Je crois que le mémoire est tout à fait limpide.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Bien, tout simplement pour dire que je n'adhère pas à votre conclusion, la conclusion de votre exposé.

M. LeBlanc (Alonzo): Ah, vous en avez d'autres, M. le député libéral.

M. Pelletier (Chapleau): Mais, par ailleurs, je vous remercie de votre présentation et de votre présence.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions, il me resterait, M. LeBlanc, à vous remercier pour votre participation à nos travaux.

M. LeBlanc (Alonzo): Je vous remercie infiniment, M. le Président, d'avoir prolongé cette séance.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien.

M. LeBlanc (Alonzo): Merci à ceux que j'avais invités d'être venus.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Sur ce, j'ajourne les travaux de la présente commission à demain, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 15)


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