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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 15 janvier 2004 - Vol. 38 N° 22

Consultations particulières sur le projet de loi n° 35 - Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Simard): La commission va entreprendre ses travaux aujourd'hui ? j'allais dire mardi; c'est bien, ça, c'est un bel optimisme ? jeudi 15 janvier. Nous poursuivons donc l'étude du projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives. Ce sont des consultations particulières que nous menons.

Et je demande à notre secrétaire d'annoncer les remplacements pour la journée.

Le Secrétaire: Aucun remplacement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Alors, nous allons passer immédiatement au premier groupe qui vient nous rencontrer aujourd'hui. Il s'agit de Me Jean-Guy Provencher qui a bravé le froid, ce matin, pour nous rejoindre. Mais, heureusement, c'est un Québécois, c'est moins compliqué un peu. Me Bélanger, je sais que c'est la première fois que vous venez devant une commission, donc je vous rappelle rapidement les règles. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous présenter soit votre mémoire ou une synthèse ou, en tout cas, pour vous exprimer devant la commission. Ensuite, alternativement, la partie ministérielle et l'opposition disposent d'une vingtaine de minutes chacun pour vous interroger, pour discuter avec vous du mémoire que vous nous avez présenté. Alors, sans plus de formalités, je vous invite à prendre la parole.

M. Jean-Guy Provencher

M. Provencher (Jean-Guy): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs, j'aimerais remercier la Commission des institutions d'avoir accepté de me recevoir pour vous faire part de mes commentaires concernant le projet de loi n° 35 modifiant la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives.

n (9 h 40) n

Comme vous le savez, à la suite d'une longue réflexion, pendant des années, qui a résulté en de nombreux débats ? ça a duré pratiquement 30 ans ? alors il y a eu des multiples commissions, rapports, colloques, dont notamment une vaste étude en 1987 par le groupe de travail du professeur Me Yves Ouellet concernant la réforme du Tribunal administratif de même que celle de Me Patrice Garant où il y a eu également plusieurs consultations, et ça a conduit évidemment, le dernier rapport, à la Loi sur la justice administrative de Me Paul Bégin qui était le ministre de la Justice à l'époque. Et la Loi sur la justice administrative est entrée en vigueur, comme vous le savez, le 1er avril 1998 et elle a institué le Tribunal administratif du Québec, qui est le TAQ, et le Conseil de la justice administrative.

Au même moment entrait en vigueur la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives créant la Commission des lésions professionnelles qui est le tribunal de dernière instance en matière de santé et de sécurité au travail et que l'on retrouve maintenant dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Nous reviendrons, plus loin dans notre exposé, sur cette commission.

Les objectifs de la réforme de la justice administrative, tout en voulant mettre en place une justice transparente et accessible, étaient de mettre fin à un fouillis indescriptible en matière de mécanismes de règlement des litiges entre le citoyen et l'État, puisque les formules et procédures variaient, à toutes fins pratiques, selon chaque organisme ou ministère, qui pouvaient se compter par dizaines ? on pouvait en compter environ 80. Qu'il s'agisse d'évaluation foncière, d'indemnisation des accidentés de la route, des accidents de travail, de Régie des rentes, de sécurité du revenu, de permis d'alcool ou de transport, de zonage agricole ou d'autres lois ou règlements relevant de l'Administration publique, il n'était pas facile pour le simple citoyen de s'y retrouver.

C'est ainsi que la Loi sur la justice administrative a fait en sorte de regrouper au TAQ cinq anciennes instances d'appel, soit la Commission des affaires sociales, le Bureau de révision de l'évaluation foncière, le Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole, le Bureau de révision en immigration et la Commission d'examen des troubles mentaux.

Le TAQ comporte maintenant quatre sections: la section des affaires sociales, la section des affaires immobilières, la section du territoire et de l'environnement et la section des affaires économiques.

Le nouveau projet de loi va réunir tous ces organismes en trois sections, à savoir les affaires sociales, la section des lésions professionnelles, la section des affaires économiques, à laquelle on greffe les recours en matière immobilière ainsi qu'en matière territoriale et environnementale.

Bien que la Loi sur la justice administrative, qui a vu le jour le 1er avril 1998, soit une pièce législative fort importante en vue d'améliorer l'accessibilité, la simplicité et l'efficacité des recours des citoyens auprès de l'appareil administratif gouvernemental, elle n'en demeure pas moins incomplète, ce à quoi vient remédier, à notre avis, le projet de loi n° 35 en instituant le Tribunal des recours administratifs du Québec, soit le TRAQ.

Nous nous attarderons, dans un premier temps, sur le statut des membres pour enchaîner avec la composition du nombre de membres dans une formation, avec un bref survol sur la Commission des lésions professionnelles et la régionalisation des recours ainsi que sur la procédure de révision des ministères ou organismes de même que sur la conciliation et le comité de déontologie.

Dans un premier temps, qu'en est-il du statut des membres? Selon l'article 38 de la loi actuelle sur la justice administrative, «le tribunal est composé de membres impartiaux et indépendants, nommés par le gouvernement qui en détermine le nombre». La durée du mandat d'un membre est de cinq ans, comme c'est spécifié à l'article 46 de la loi. Il en va de même pour le renouvellement du mandat des membres.

Le projet de loi n° 35, à son article 18, remplace l'article 38 actuel comme suit: «Le tribunal est composé de membres nommés durant bonne conduite par le gouvernement qui en détermine le nombre en tenant compte des besoins du tribunal.»

Le membre choisi n'aura donc pas à faire face, comme dans la loi actuelle, au processus de renouvellement de son mandat après cinq ans. Sa fonction de membre ne pourra prendre fin hors sa volonté en autant que sa bonne conduite ne soit mise en cause. Il s'agit, à notre point de vue, d'une excellente initiative de la réforme sur la justice administrative. Bien que dans un certain nombre de cas les tribunaux se sont montrés d'avis contraire, nous croyons que les dispositions de la loi actuelle ne permettent pas de rencontrer complètement l'exigence d'indépendance et de l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne et, paradoxalement, à l'exigence d'impartialité et d'indépendance qui est prévue à l'article 38 de la loi actuelle sur la justice administrative.

L'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne se lit comme suit: «Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.»

Comme l'a souligné la Cour suprême du Canada dans l'affaire 2747-3174 Québec inc. contre la Régie des alcools du Québec, «l'indépendance est une condition préalable à l'impartialité; un tribunal ne saurait être impartial s'il ne peut être qualifié d'indépendant».

Nous sommes d'accord avec la position du juge André Rochon, de la Cour supérieure, dont la décision a été rendue en 1999 et qui estimait que la durée trop limitée des mandats ? soit cinq ans ? des membres du TAQ et l'incertitude qui entoure le processus de leur renouvellement les rendent vulnérables à l'arbitraire politique.

Le mode de rémunération des membres dont l'appréciation de leur travail et de la qualité des décisions est soumise au président du TAQ et dont les écarts salariaux sont d'ailleurs importants entre les membres est également de nature à créer un sentiment d'insécurité et d'insatisfaction chez les membres. La réforme devrait s'attaquer à cette différence de rémunération entre les membres qui font partie d'un même tribunal et qui remplissent les mêmes fonctions.

Il est important, pour la crédibilité de la justice administrative et du TAQ, que le citoyen ne puisse craindre que les membres soient portés à avoir un parti pris pour l'État par le souci du renouvellement de leur mandat ou d'un changement de leurs conditions de travail. Le décideur doit avoir l'esprit libre et tranquille pour rendre une décision en toute impartialité. Dans un domaine où presque toujours le citoyen est opposé à la machine bureaucratique et où des droits économiques et sociaux très importants sont en jeu, il importe d'autant plus que le juge administratif puisse faire preuve d'indépendance et de sérénité dans son processus décisionnel à caractère juridictionnel.

Il est important de faire en sorte que cette proximité entre le juge administratif et l'une des parties qu'est l'État ne suscite pas d'apparence ou de crainte sérieuse de partialité ou de dépendance aux yeux du citoyen. Nous croyons que l'inamovibilité permanente des membres est essentielle pour assurer cette indépendance et cette impartialité du juge administratif et afin d'éliminer tout doute à cet égard vis-à-vis le public.

Comme le mentionnait M. le ministre de la Justice, Marc Bellemarre, dans l'édition du Barreau du 15 janvier dernier, «le citoyen doit être convaincu que le juge ne subira jamais de pression, même s'il doit rendre une décision qui aura un impact financier considérable sur l'État».

Je suis particulièrement sensible au statut du juge administratif pour avoir été membre du TAQ pendant une courte période, d'avril à décembre 1998, alors que je terminais un mandat en tant que membre du Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole. Même si, à la suite du jugement de la Cour d'appel du Québec qui a confirmé en partie le jugement en première instance du juge André Rochon de la Cour supérieure, la procédure de renouvellement du mandat des membres du Tribunal administratif du Québec a été modifiée en 2002 en éliminant du comité de sélection toute personne qui puisse faire partie ou représenter l'administration gouvernementale, il n'en demeure pas moins que cet exercice est un élément de stress et de perturbation inutile que le membre n'a pas à subir.

En outre, compte tenu que le règlement sur le renouvellement des membres peut prendre en considération les besoins du TAQ pour ne pas renouveler un mandat, il s'agit là d'une source additionnelle d'inquiétude qui peut affecter la sérénité du juge administratif même s'il a l'obligation d'agir en professionnel et en toute impartialité selon son serment d'office. Cette notion de «besoins du TAQ» constitue un prétexte commode pour éliminer de façon arbitraire des membres dont on voudrait se départir pour toutes sortes de raisons, y compris pour des fins partisanes, même si ces membres répondent favorablement aux critères prévus au règlement sur la procédure de renouvellement des mandats.

n(9 h 50)n

À titre d'exemple, c'est ce qui s'est produit pour plusieurs membres du TAQ, dont le soussigné, dans la section du territoire et de l'environnement, à l'expiration de leur mandat, alors que pourtant des ressources supplémentaires étaient nécessaires dans d'autres sections, comme c'était le cas, par exemple, dans la section des affaires sociales. Il est donc préférable, pour une saine administration de la justice administrative, que le juge administratif consacre ses énergies à ce à quoi il a été nommé et rende des décisions justes et équitables au meilleur de sa connaissance et de sa compétence sans que des éléments ne viennent perturber son esprit décisionnel.

Pour toutes ces raisons, nous croyons que, pour accroître la crédibilité de la justice administrative auprès du public, il est temps de mettre fin au mandat précaire du juge administratif et d'éliminer un processus de renouvellement qui laissera toujours des doutes quant à la neutralité et à l'indépendance face au pouvoir politique.

Maintenant, concernant la composition du tribunal pour les audiences, j'aimerais vous faire part de certains commentaires. Alors, à l'instar du projet de loi n° 4 modifiant la Loi sur la justice administrative, le projet de loi n° 35 prévoit que les recours devant le tribunal seront instruits par un membre seul, à moins d'une disposition particulière. À l'exception de la plupart des recours prévus à la section des affaires sociales alors que le membre seul doit être avocat ou notaire, le projet de loi n° 4, en référence à son article 17.1, ne l'exige pas dans les autres sections, soit celles des affaires immobilières, du territoire et de l'environnement ainsi que de la section des affaires économiques.

Par ailleurs, le projet de loi n° 35 fait en sorte qu'il en va tout autrement alors que le nouvel article 82 de la loi se lit comme suit: «Les recours portés devant le tribunal sont, sauf disposition contraire, instruits et décidés par un membre seul qui est avocat ou notaire.» Même si, en vertu de l'article 82.2 proposé par le projet de la loi, le président du tribunal peut prévoir une formation de deux membres, dont un seul avocat, il faudrait s'assurer cependant que le membre qui n'est pas avocat ne soit pas considéré uniquement comme un assesseur, mais qu'il puisse participer activement dans la rédaction de la décision, comme ça se fait actuellement notamment dans la section du territoire et de l'environnement et dans d'autres sections.

Il y a lieu également de préciser qu'à l'article 82.2 la formation est composée d'un seul avocat, alors qu'à l'article 82 on parle à un avocat ou notaire.

Par ailleurs, en vertu des dispositions transitoires du projet de loi n° 35, l'article 203 prévoit que les membres actuels qui ne sont pas avocats ou notaires peuvent instruire et décider seuls d'un recours. Je pense que c'est une excellente initiative. À notre avis, il faudra envisager de donner les mêmes prérogatives aux nouvelles nominations ou encore au renouvellement des membres qui ne sont pas avocats ou notaires, ce qui ne pourrait qu'augmenter la cadence des audiences et une diminution des délais qui est l'un des objectifs de la réforme. Il est important d'assurer la multidisciplinarité des membres du tribunal et de jouir de différentes compétences et formations académiques qui peuvent être fort utiles dans l'application d'une justice administrative si diversifiée.

Il faut faire attention également à ce que le tribunal se judiciarise à un point tel qu'il ne se distingue pas suffisamment des instances judiciaires. Il faut s'assurer que cette justice administrative reste accessible et puisse se dérouler sans trop de formalisme.

Maintenant, concernant la Commission des lésions professionnelles, la réforme de la justice administrative ne saurait être complète sans fusionner la Commission des lésions professionnelles, qui est la CLP, et le Tribunal administratif du Québec, qui est le TAQ. D'ailleurs, le Pr Patrice Garant en faisait la recommandation suite à plusieurs consultations, en 1995, mais, malheureusement, cette fusion n'a pas été faite, ce qui, à mon point de vue, devrait être remédié. Il s'agit de deux tribunaux administratifs qui ont vu le jour en même temps et qui présentent des similitudes dans leur fonctionnement et dans leurs objectifs, si ce n'est que, pour la CLP, on a instauré le paritarisme non décisionnel, à savoir qu'en ce qui concerne la prévention et l'indemnisation des lésions professionnelles deux membres, l'un issu des associations d'employeurs et l'autre des associations syndicales, accompagnent le commissaire lors des séances afin de le conseiller.

Pour mieux faire le rapprochement entre les deux tribunaux, référons-nous d'abord au premier alinéa de l'article 1 de la Loi sur la justice administrative qui énonce ce qui suit: «La présente loi a pour objet d'affirmer la spécificité de la justice administrative et d'en assurer la qualité, la célérité et l'accessibilité, de même que d'assurer le respect des droits fondamentaux des administrés.»

Par ailleurs, en examinant la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, et plus spécifiquement les dispositions concernant la Commission des lésions professionnelles, on peut retrouver les mêmes caractéristiques en ce qui a trait à la spécificité de la justice administrative de même que les objectifs de célérité, d'accessibilité et de qualité du processus décisionnel.

On peut également y relever des valeurs fondamentales telles que l'indépendance et l'impartialité de même que le devoir d'agir équitablement.

Il s'agit de se référer, à titre d'exemple, aux articles 429.30, 429.31 et 429.51 quant à la célérité dans les délais, aux articles 429.13 et 429.14 en matière d'accessibilité pour l'étude du dossier, aux articles 429.44 à 429.49 en ce qui concerne les recours à la conciliation avec le consentement des parties et à l'article 429.18 qui permet d'accepter une procédure pour vice de forme ou une irrégularité, sans compter la possibilité d'ouvrir des bureaux en région comme le permet l'article 368. Ce sont tous des objectifs et des critères que l'on retrouve dans la Loi sur la justice administrative.

Les deux organismes que sont le TAQ et la CLP présentent donc des valeurs et des caractéristiques propres aux tribunaux administratifs. En outre, les fonctions, devoirs et pouvoirs de la CLP, la nomination des membres, leur recrutement et sélection de même que la durée et le renouvellement des mandats offrent des similitudes avec le TAQ.

Cependant, il y a lieu de se questionner sur le maintien du paritarisme à la CLP qui, à notre avis, alourdit les audiences et n'est pas nécessairement utile pour le commissaire d'expérience qui a la responsabilité de rendre la décision.

Par ailleurs, la réunion des deux tribunaux apparaît tout à fait rationnelle et mérite notre appui. La justice administrative ne pourra que mieux se porter si elle offre un guichet unique à l'ensemble des citoyens.

Concernant la régionalisation des recours, présentement la CLP compte une quinzaine de directions régionales et un certain nombre de bureaux locaux qui sont répartis à travers le Québec. La mise en commun de ces ressources avec le TAQ permettra une meilleure accessibilité à la clientèle, que ce soit pour déposer un recours, entendre les audiences et faire de la conciliation au besoin. Ce rapprochement de la clientèle rendra la justice administrative plus humaine et plus efficace, ce qui ne pourra que profiter à l'ensemble des justiciables devant s'adresser dorénavant au Tribunal des recours administratifs du Québec. Il faut cependant être vigilant afin que les membres chargés d'entendre les recours demeurent à l'intérieur de leurs limites de compétence et puissent présenter le degré de spécificité que l'on attend d'un tribunal administratif. Pour ce faire, il faut y maintenir une cohérence dans les décisions. Il ne faudrait pas délaisser le déplacement des membres des grands centres vers les régions et favoriser le dialogue et les échanges entre les membres.

Concernant la révision, maintenant, administrative des ministères et des organismes, le projet de loi n° 35 introduit des mesures tout à fait nouvelles auprès...

Le Président (M. Simard): ...excusez-moi une seconde. Je suis obligé de vous demander de conclure maintenant.

M. Provencher (Jean-Guy): D'accord.

Le Président (M. Simard): Vous pourrez sans doute aborder les quelques points qui vous restent au cours de l'échange.

M. Provencher (Jean-Guy): Alors, pour conclure, évidemment, je... concernant la révision des organismes... des décisions, plutôt, des organismes, je pense que c'est une excellente initiative que le projet de loi prévoit, mais, à mon point de vue, je pense qu'on devrait tout simplement abolir le processus de révision qui, je pense, rallonge les délais inutilement.

La conciliation, je pense, est une excellente initiative, ça permet... C'est de plus en plus... On retrouve la conciliation de plus en plus dans les tribunaux, et ça permet de régler des litiges qui, autrement, pourraient s'éterniser et que ça... Je pense que la conciliation est un moyen formidable pour faire en sorte que les causes ne se prolongent pas indéfiniment.

Quant au comité de déontologie, je suis d'accord avec la nouvelle formule. Je pense que le Conseil de la justice administrative fait double emploi et, la façon dont le comité est formé, je pense que ça permet d'assurer l'indépendance du comité pour que les membres soient traités justement et d'une façon impartiale. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Simard): Me Provencher, merci beaucoup. Maintenant, je vais me tourner du côté ministériel et je pense que le ministre veut intervenir à ce moment-ci.

M. Bellemare: Alors, bienvenue, Me Provencher, et merci d'être ici, ce matin, pour nous présenter votre point de vue. Et, à l'évidence, vous avez mis beaucoup de temps à préparer le mémoire. Et je sais par expérience que, pour un avocat seul, préparer un mémoire, fouiller, rédiger, corriger, présenter, ça prend du temps, ça demande énormément d'énergie et de volonté, alors je vous en félicite. Parce qu'il y a évidemment les organismes qui ont des ressources pour présenter leur point de vue, qui ont davantage l'habitude, mais, pour un avocat seul, ça mérite, je crois, d'être souligné, et je vous en félicite.

Et j'aimerais que vous nous parliez peut-être davantage, parce que vous avez souligné que vous aviez été membre du TAQ... Vous avez été membre du tribunal?

n(10 heures)n

M. Provencher (Jean-Guy): Oui, oui, j'ai été membre du tribunal. Évidemment, pour faire un peu un bref historique, c'est que j'ai...

M. Bellemare: Expliquez-nous donc, par rapport à l'indépendance puis à la bonne conduite, là, vous avez parlé de... Je ne veux pas insister, vous êtes libre de le faire, de nous en parler ou non, de votre expérience personnelle, mais on a entendu la Conférence des juges administratifs nous dire, mardi matin, que ce n'était pas juste une question de perception, l'indépendance, qu'il y avait véritablement des problèmes à l'interne causés par les mandats de cinq ans. Et l'Association des juges administratifs du TAQ également, hier matin, a insisté sur le fait que ce n'était pas juste une question de perception pour le citoyen, mais que c'était également... qu'il y avait vraiment des problèmes à l'interne qui étaient vécus par les membres du fait des mandats de cinq ans. Est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu?

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, évidemment, c'est sûr que c'est... Évidemment, lorsqu'on est nommé, on pense toujours qu'on veut faire une carrière dans la justice administrative. On est toujours content lorsque quelqu'un nous approche pour dire... que ça nous intéresse et, évidemment, on nous rassure pratiquement tout le temps pour dire: Écoutez, c'est un mandat de cinq ans, mais rassurez-vous, si vous faites un bon travail, ça va continuer, etc. Mais, dans la vraie vie, ce n'est pas tout à fait comme ça que ça se passe.

Dans mon cas personnel, c'est que j'ai été nommé à la Commission de protection du territoire agricole en 1989. J'ai été renouvelé en 1993 pour un mandat de cinq ans. Et le Tribunal d'appel, à ce moment-là le Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole, avait besoin de quelqu'un d'expérience pour aller en appel. Alors, comme j'étais à la commission, le Conseil exécutif m'a approché en 1995 pour que je sois transféré au Tribunal d'appel, et j'ai même eu une lettre de la part du Conseil exécutif, de M. Pierre Gabrièle dans le temps, me confirmant qu'on était prêt à me donner un nouveau mandat de cinq ans. J'avais été renouvelé en 1993, on était en 1995, et on m'avait assuré que, si j'acceptais d'aller en appel, on me donnerait un mandat de cinq ans. Mais, malheureusement, ce n'était pas le parti pour lequel j'avais été nommé en 1989 qui était au pouvoir à ce moment-là, et j'ai attendu pendant des mois qu'est-ce qui arriverait, puis pour apprendre que, malgré cela, c'est que le gouvernement avait décidé de tout simplement continuer mon mandat de cinq ans de façon à ce que, de 1993 à 1998, mon mandat expirait au mois de décembre. Alors, qu'est-ce qui s'est produit? C'est que, lors de l'entrée en vigueur de la Loi sur la justice administrative, évidemment j'ai fait partie du TAQ, mais il restait à peine quelques mois avant que mon mandat expire. Il y a eu un comité évidemment... J'appelle ça un comité bidon tant qu'à moi, là, et on m'a annoncé que mon mandat ne serait pas renouvelé.

Évidemment, c'est sûr, dans les derniers mois, entre les membres, on en discute, qu'est-ce qui arrive, parce qu'il faut, en vertu de la loi, il faut donner un avis de trois mois. Il y a une rencontre avec le comité. Puis vous savez que, lorsque l'huissier arrive à notre porte, là, avant les trois mois, pour nous annoncer qu'on n'est pas renouvelé, je vous dis que ça refroidit une personne, surtout lorsque ça fait neuf ans qu'on est dans la justice administrative, puis je pense qu'on fait un très bon travail, et qu'on nous dit que c'est fini.

Alors, c'est mon cas. C'est pour ça que je tenais... J'ai insisté un peu plus sur le statut des membres parce que c'est quelque chose qui me tient à coeur. Pour moi, je pense que c'est terminé tant qu'à moi, mais je le fais pour les futurs membres et pour les membres actuels de façon à ce qu'on arrête de se casser la tête puis que les juges administratifs fassent une carrière administrative. Je pense que c'est important d'avoir des gens compétents, puis qu'on pense de faire une carrière dans la justice administrative.

M. Bellemare: Vous nous parliez d'inquiétude, là, à la fin. J'imagine que vous avez le statut de juge administratif en réalité, mais vous attendez votre renouvellement, vous ne savez pas trop ce qui va arriver. Dans votre cas, à partir de 1995... 1995-1998, bien là vous ne saviez pas trop ce qui allait arriver. Ça a de l'importance pour vous, mais j'imagine que les collègues aussi, vos collègues juges qui sont, j'imagine, un peu au courant de ce qui se passe doivent subir un peu aussi le phénomène d'insécurité.

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, moi, je l'ai vécu et je... Puis, de toute façon, pour en avoir discuté, veux veux pas, on en parle, hein, c'est que... Qu'est-ce qui arrive, c'est qu'un mandat de cinq ans, c'est très court. Puis, la dernière année, là, veux veux pas, il faut commencer à se préparer.

Puis on nous demande, lorsqu'on est nommé, de ne pas faire de politique, d'avoir un peu une vie, si vous voulez, à part pour avoir évidemment le plus d'indépendance possible. Et, d'un autre côté, on n'a presque pas le choix de continuer, d'avoir nos contacts pour essayer de voir si le pouvoir politique ne pourrait pas faire en sorte qu'on puisse continuer le mandat. Je pense qu'il faut que ça cesse, ces discussions de corridor, ces inquiétudes. Il faut que le Tribunal administratif ait une position pour que les membres qui sont nommés...

Je pense qu'on devrait insister beaucoup plus, je pense, au départ sur le comité de sélection. À partir du moment qu'on a un bon comité de sélection, qu'on choisit les bonnes personnes puis qu'on arrête de faire de la politique pour les nominations partisanes au départ, qu'on nomme des bonnes personnes compétentes et, après ça, qu'on les nomme d'une façon un peu comme les juges, qu'on les rende d'une façon permanente, je pense que la justice sera mieux servie.

M. Bellemare: Merci.

Le Président (M. Simard): D'autres questions, maître... maître! excusez, maître. M. le député...

M. Moreau: Non, ce n'est pas un défaut.

Le Président (M. Simard): Ce n'est pas une insulte, je le sais bien. Mais vous êtes ici à titre de député de Marguerite-D'Youville et c'est à ce titre que je vous donne la parole.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Me Provencher, bienvenue. Moi pour un, dans une ancienne vie, j'ai eu le plaisir de lire les décisions que vous avez rendues, notamment en matière de protection du territoire agricole, et je peux certainement, sans témoigner devant la commission, attester de la qualité du travail que vous y avez fait. Et d'ailleurs je tiens à le souligner de façon particulière, la qualité de la rédaction de votre mémoire fait foi du sérieux que vous mettez dans votre travail, et je tenais à le souligner.

Maintenant, de façon particulière, sur un des points que vous soulevez ? dans le mémoire, à la page 8, vous y passez rapidement ? j'aimerais simplement que vous développiez un petit peu cette idée-là. À l'avant-dernier paragraphe, vous indiquez clairement être en faveur du rétrécissement du paritarisme, notamment à la CLP, et j'aimerais que vous m'indiquiez pour quelles raisons.

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, voici, c'est que... À moins que je me trompe, c'est que l'ancienne CALP, puis, évidemment, avant ça, c'était la CALP qui... puis c'est la Commission des lésions professionnelles qui a pris la relève. C'est que le commissaire pouvait rendre une décision seul. Aujourd'hui, le commissaire est assisté, si vous voulez, d'une personne qui provient du milieu patronal et d'une autre personne qui provient du milieu syndical. Et, pour ma part, pour avoir siégé, pour avoir connu en fin de compte l'expérience de siéger à deux, de siéger à trois, c'est un processus qui est très lourd. Et, en plus, dans le cas présent, il faut que le commissaire, dans sa décision, donne certains motifs en fin de compte pour dire pourquoi qu'il les met de côté ou bien pourquoi qu'il tient compte des commentaires, si vous voulez, des recommandations de la personne du comité syndical ou de la personne du comité patronal. Alors, ça me paraît un processus lourd.

Je pense qu'un commissaire qui a de l'expérience, qui est formé dans le domaine est capable de rendre une décision impartiale et n'a pas besoin, là, d'avoir en tout temps... Je ne dis pas que... Évidemment, la loi prévoit que les... dans le cas... le président peut recommander, dans certains cas, qu'il puisse être assisté par des assesseurs ou encore un expert.

Et je suis d'accord avec... Lorsque M. le ministre Bellemare, dans l'édition d'hier du Soleil, dit que... évidemment, je n'ai pas puis je ne peux pas... Lorsqu'il parle que le paritarisme coûterait 5,5 millions, évidemment, c'est des chiffres... Je vais le croire. Personnellement, je n'ai pas vérifié ses chiffres. Mais je suis plus particulièrement d'accord que... lorsqu'il dit que le paritarisme fait en sorte que les causes mettraient de 15 % à 20 % plus de temps pour se régler. Pour ma part, je pense que c'est... c'est important que le juge administratif puisse rendre sa décision le plus rapidement possible et d'éviter que ce soit trop lourd.

Il y a également le fait... On parle d'impartialité. On parle que la justice doit être impartiale et non partisane. C'est assez difficile de rendre une justice non partisane et non... impartiale lorsqu'on a d'un côté évidemment une personne qui prêche le syndicalisme et une autre personne qui prêche le milieu patronal. C'est des associations, évidemment. Veux veux pas, ça a un cachet politique, là, puis le commissaire qui entend les causes, bien, évidemment, il est influencé de chaque côté. Je pense que ce n'est pas une bonne chose, pour ma part.

M. Moreau: Merci.

Le Président (M. Simard): Oui, Mme la députée d'Anjou.

n(10 h 10)n

Mme Thériault: Oui, merci. M. Provencher, j'aimerais vous entendre. Dans votre mémoire, vous parlez de la conciliation et vous êtes le deuxième groupe qui nous parle... Et je vais vous citer le deuxième paragraphe de la page 10: «Il s'avère cependant que présentement plusieurs organismes gouvernementaux sont réticents à participer à la conciliation.» Je me permets de vous demander d'élaborer, d'autant plus que la Protectrice du citoyen est dans la salle, Mme Champoux-Lesage, qu'on aura le plaisir d'entendre également ce matin. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu là-dessus, sur la conciliation.

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, écoutez, la conciliation, je pense que c'est, je dirais... disons que c'est la façon de l'avenir de régler des litiges. De plus en plus maintenant, même dans les tribunaux judiciaires, c'est qu'on insiste beaucoup... C'est même rendu en Cour d'appel. Et maintenant, concernant les organismes gouvernementaux, je pense qu'il y a... évidemment, là-dessus, là, c'est ma perception. Évidemment, je fais encore régulièrement de la justice administrative, mais je crois comprendre que les organismes administratifs, la machine bureaucratique ne semble pas tellement favoriser la conciliation, à moins qu'on leur impose. Et le projet de loi fait en sorte que, si la partie désire avoir la conciliation, c'est qu'au moins l'autre partie devra suivre cette façon de faire.

Évidemment, je peux me tromper, là, mais je pense que, par expérience, ce n'est pas tous les organismes qui sont ouverts. Mais je sais que... je pourrais dire que, de plus en plus, à force de demander la conciliation et d'insister puis devant les... Le Tribunal administratif actuellement le fait de plus en plus. Ça se fait à la Commission des lésions professionnelles d'une façon peut-être plus intéressante encore. Et, personnellement, je pense que c'est quelque chose qu'il faut encourager.

Mme Thériault: Merci.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. M. le ministre, vous reviendrez peut-être?

Une voix: ...

Le Président (M. Simard): Oui, très bien. Alors, nous allons passer maintenant à l'opposition officielle, et j'invite son porte-parole, le député de Chicoutimi, à poser la première question.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Merci, Me Provencher, de vous être déplacé. Effectivement, ce que j'ai compris, c'est que vous êtes en pratique seul, donc d'avoir pris la peine de rédiger vous-même le mémoire... D'ailleurs, vous n'êtes pas le seul à avoir fait ça. À ce que j'ai compris, Me Bellemare l'a fait aussi avant... plutôt le ministre actuel. Et, regardez, il est maintenant ministre, alors c'est peut-être annonciateur pour vous.

Me Provencher, mes questions vont porter vraiment sur des points très précis. Et je vous dirais peut-être de vous faire un peu l'avocat du diable. Et je reprends un peu une des questions qui vous a été posée, sur le paritarisme, où vous dites qu'effectivement on doit l'enlever pour les raisons que vous évoquez. Allons plus loin tous les deux. Si vous étiez de l'autre côté, parce qu'on n'a pas encore eu de gens qui sont venus le défendre, mais, vous savez, il y en a qui le défendent ardemment et, j'imagine, avec des arguments convaincants, là... quels sont, selon vous, les avantages de maintenir le paritarisme?

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, les avantages, écoutez, comme je l'ai dit, est-ce que c'est bien nécessaire lorsqu'un commissaire... Écoutez, lorsque le commissaire, il connaît bien sa loi, il connaît bien son travail, puis c'est un spécialiste dans le domaine des accidents de travail et la sécurité du travail, le fait d'être conseillé par une personne du côté patronal, une personne du côté syndical, personnellement, je pense, dans plusieurs dossiers, ce n'est pas nécessaire. C'est évident que...

M. Bédard: À quel endroit c'est nécessaire, vous jugez que c'est nécessaire effectivement qu'il y ait justement ces deux parties représentées?

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, écoutez, c'est sûr qu'il peut se présenter des cas où... Lorsque, par exemple, j'imagine, on a besoin de connaître la vraie réalité du travailleur, peut-être... Parce que, évidemment, je dois dire, là, que je ne suis pas un spécialiste dans le domaine des accidents de travail, mais c'est sûr que, dans certains cas, ça donne peut-être un éclairage supplémentaire. Je ne dis pas que c'est complètement inutile, sauf que, écoutez, vous avez tout de même... on est tout de même devant un tribunal administratif. Vous avez les juges de la Cour du Québec, les juges de la Cour supérieure. En fin de compte, c'est des juges qui entendent des causes très diversifiées régulièrement, et je pense qu'ils sont capables de rendre des causes avec la preuve qui est présentée sans nécessairement toujours être assistés par un expert ou par une autre personne.

M. Bédard: Donc, il pourrait arriver, vous dites, mais, vous, ce n'était pas votre... Ah! non, vous étiez au niveau de la protection du territoire agricole qui était beaucoup plus juridique, et là vous avez effectivement... Non, parce que j'essaie de voir, comme on n'a pas de groupe actuellement, c'est bien de...

Sur le processus de nomination, bon, vous avez vécu une période... Vous nous avez raconté un peu ce qui est arrivé dans votre cas. Mais, vous savez, la procédure actuellement est modifiée. Là, moi aussi, je vais me faire un peu l'avocat du diable dans le sens que la proposition telle qu'on la retrouve dans le projet de loi est intéressante, et je pense qu'elle est même très pertinente, celle de juger selon bonne conduite... de garder plutôt les membres du tribunal selon bonne conduite.

Mais, si, comme c'est le cas actuellement, il y a un processus de renouvellement qui... Parce que, vous, vous avez passé entre deux, donc vous étiez dans un ancien tribunal, et là... À chaque fois, c'est le cas d'ailleurs, les anciens normalement sont reconsidérés pour voir s'ils vont faire partie du nouveau. Et c'est arrivé même au niveau des relations de travail. Ça a été la même chose lorsqu'on a créé la Commission des relations de travail. Il y a comme un passage obligé où chaque membre va être, je vous dirais, va être analysé dans le sens que ses compétences vont être reconfirmées.

Mais, si, dans le processus de renouvellement, comme c'est le cas actuellement, c'est jugé par un comité indépendant, non lié au gouvernement, et qui n'a pas, je vous dirais, de lien particulier avec l'Exécutif ou avec le ministère de la Justice, est-ce que vous jugez que ça empêche effectivement qu'il y ait des nominations... ou plutôt des renouvellements, soit ça va... partisanes, mais surtout, je vous dirais, est-ce que ça empêche ceux et celles qui ont à décider d'être inconfortables dans les décisions qu'ils ont à prendre face à l'Exécutif?

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, c'est-à-dire que je comprends que le comité actuel est peut-être... il est plus dissocié, si vous voulez, avec le gouvernement, mais il reste que c'est toujours le gouvernement qui a le dernier mot. Puis, lorsqu'un membre est compétent, qu'il fait bien son travail, pourquoi qu'il devrait subir à tous les cinq ans cette obligation de se présenter devant un comité, même si, dans les faits... Évidemment, je pense que l'expérience démontre que les renouvellements se font... en fin de compte sont plus en majorité qu'en minorité, là, mais il reste que c'est tout de même une préoccupation.

Pour avoir vécu ça... Même si tu fais bien ton travail, il reste que, là, la dernière année, il faut que tu passes devant un comité et là, après ça, il faut que tu attendes c'est quoi, la décision du comité. Est-ce que, comme j'ai dit, est-ce que, par exemple, on va tenir compte, comme dans notre cas, dans la section du territoire et de l'environnement... On dit: Mais écoutez, là, il faut réduire le nombre de membres pour une question de besoin du tribunal. Bien écoutez, vous êtes compétents, mais on vous dit que votre mandat est terminé. Il y a toutes sortes de raisons, puis c'est des préoccupations. Moi, je pense qu'on doit se dispenser puis que... Je ne dis pas que ça ne peut pas... Je ne dis pas que c'est automatiquement que les membres sont refusés, mais, pour moi, je pense qu'on devrait éviter ça, ce processus-là.

M. Bédard: Et ce que vous dites aussi en même temps... Vous mettez en garde le ministre. C'est que vous dites aussi: Le processus de nomination en tant que tel, d'autant plus s'il est selon bonne conduite, donc qui entraîne le fait que la personne va rester jusqu'à ce que finalement elle commette, je vous dirais, des actes qui iraient à l'encontre... Et on sait que c'est quand même assez fort. Normalement, on ne peut pas destituer qui que ce soit pour des motifs légers, donc ça prend quand même des motifs très importants. Donc, ça emporte l'obligation, vous nous dites, de créer ou de faire en sorte que le processus de nomination, lui, soit à l'abri de toute partisanerie et soit vraiment, je vous dirais, assorti d'obligations en cours de mandat... pas en cours de mandat, mais lors des nominations, lorsque les gens sont nommés sur le tribunal, finalement, que cela soit à l'abri de toute intervention de quelque nature, si ce n'est que l'approbation actuelle.

Donc, vous êtes en faveur d'un processus très rigoureux, par les pairs peut-être ou... qui ferait en sorte que ceux qui accèdent dorénavant, lorsque le tribunal sera constitué, ceux qui seront nommés par la suite éventuellement ne soient pas des nominations qui pourraient paraître partisanes, mais carrément par les pairs ou...

M. Provencher (Jean-Guy): C'est ça, ça peut être sous forme de concours. Évidemment, c'est sûr que, moi, je privilégie... Je pense que c'est au départ qu'on doit choisir les bonnes personnes et faire une bonne sélection.

M. Bédard: Les autres nominations après, là. Parce que, là, on a une base de juges qui sont là. Là je vous dis, par la suite...

M. Provencher (Jean-Guy): C'est ça, par la suite.

M. Bédard: ...après ça, ça prend vraiment ? c'est ce que vous nous dites ? des concours très, très...

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, je pense que...

M. Bédard: De quelle nature les voyez-vous?

n(10 h 20)n

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, c'est ça, c'est que, si on nomme des personnes à vie, moi, personnellement, je vous dis qu'il faudrait tout de même... Je ne dis pas qu'une personne qui est d'un côté politique ou d'un autre n'est pas compétente, là...

M. Bédard: Bien non... côté, hein!

M. Provencher (Jean-Guy): Ça n'a rien à voir. Mais je voudrais que...

M. Bédard: Le bon, je ne sais pas quel est le bon, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bédard: J'en ai une idée, mais elle n'est pas partagée.

Une voix: C'est comme le verre à moitié vide, à moitié plein.

M. Provencher (Jean-Guy): Alors, je voudrais que... Je pense que ce serait important justement que la bonne sélection se fasse au départ, un peu comme les juges. Aujourd'hui, il y a un comité de sélection qui fait en sorte qu'il y a des recommandations très précises et qu'on vient éliminer des personnes qui n'auraient pas la compétence ou le profil, si vous voulez, de la profession.

M. Bédard: Est-ce que, dans le projet de loi actuel, vous retrouvez ce type de nomination, ou dans la loi actuelle, qui vous satisfasse?

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, c'est-à-dire que ça n'existe pas actuellement, je pense. C'est que, tout simplement, le projet de loi dit que les membres vont être nommés selon bonne conduite. Maintenant, la question des nominations, je pense que c'est un autre....

M. Bédard: Il y a comme un vide, c'est ce que vous nous dites?

M. Provencher (Jean-Guy): ...un autre problème qui devrait être peut-être réglé ou, en fin de compte, on devrait peut-être faire en sorte qu'on puisse former des comités précis à cet effet, qu'on ait quelqu'un du tribunal ou qu'on ait quelqu'un du milieu juridique, du milieu socioéconomique, en fin de compte qu'on ait des personnes, là, qui puissent juger d'une façon très impartiale de la qualité, du degré de formation des futurs membres.

M. Bédard: Merci, Me Provencher.

Le Président (M. Simard): M. le député de Dubuc maintenant.

M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, Me Provencher, bonjour et merci pour votre présentation à cette commission. Je vais poursuivre un petit peu dans le même sens que mon collègue mais sous un autre aspect.

Vous avez beaucoup, dans votre mémoire, parlé de l'indépendance et de l'impartialité. Et, pour vous, ça apparaît comme quelque chose d'important, et, je pense, à raison. Vous avez raison parfaitement de le souligner. Et vous dites que la nomination pour bonne conduite, ça vous apparaît un pas en avant pour justement cette indépendance et cette impartialité. J'aimerais peut-être avec vous partager... Est-ce que vous savez qu'il y aura un comité aussi qui sera formé pour évaluer justement cette... évaluer le travail des juges administratifs? Et, en plus, lorsqu'il y aura une formation de plus d'un membre, lorsqu'un juge décidera d'avoir plus d'un membre, c'est qu'il aura un rapport annuel à faire et à justifier cette formation de plus d'un membre. Est-ce que vous ne croyez pas, compte tenu que vous dites dans votre mémoire qu'il y a... «Des éléments extérieurs ne viennent perturber son esprit décisionnel». Est-ce que vous ne croyez pas que cette évaluation qui sera faite par le comité, ce rapport qui devra être fait au ministre... Est-ce que vous ne croyez pas que ce sont des choses qui pourraient justement venir perturber cette impartialité, cette indépendance du juge administratif?

M. Provencher (Jean-Guy): Évidemment, on retrouve ça dans le projet de loi. Personnellement, je ne suis pas tellement en faveur d'une évaluation systématique, régulière. Si la bonne personne est à la bonne place au bon moment, je pense qu'elle est capable de faire son travail. Je pense qu'on devrait insister beaucoup plus ? d'ailleurs, le projet de loi en parle ? sur la formation, faire en sorte que les juges administratifs puissent se tenir à jour et maintenir leur compétence. Moi, je pense que c'est essentiel pour faire en sorte qu'on ait des juges qui puissent bien faire leur travail.

Le fait d'être toujours un peu harcelé, si vous voulez, pratiquement à tous les six mois ou à tous les ans pour dire: Mais là est-ce que... toujours marcher... Je suis contre les statistiques, hein? C'est qu'il y a certains membres qui, parce qu'ils ont plus d'expérience, ont les causes plus complexes, alors qu'il y en a d'autres qui auront les causes moins complexes, mais qu'ils peuvent... On voyait ça, d'ailleurs. Moi, j'ai vécu ça. Ça fait que... On se vantait d'avoir rendu un nombre effarant de décisions, mais c'étaient toutes des décisions bien souvent sur dossiers ou des décisions faciles, alors que des autres membres d'expérience rendaient des décisions des fois avec des causes qui duraient plusieurs jours, plus complexes. Alors, les statistiques et puis les... C'est toujours difficile de faire des comparaisons et de faire des évaluations, là, très précises alors que, bien souvent, le président, ou le vice-président, ou la personne responsable n'est pas nécessairement toujours au courant de ce qui se fait, là, à l'intérieur de son travail.

M. Côté: Est-ce que vous seriez d'accord, par exemple, que les membres du Tribunal administratif, les juges administratifs, appelons-les comme ils sont, par exemple relèvent d'un conseil supérieur, soit par exemple le Conseil de la magistrature? On en a discuté, le ministre en a même parlé, a même posé la question. Est-ce qu'il pourrait y avoir une relation avec le Conseil de la magistrature dans le cas naturellement où il faudrait peut-être modifier ce Conseil pour y inclure un pair du membre du tribunal... un membre du Tribunal administratif, au lieu d'avoir justement cette évaluation, là, par un comité?

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, écoutez, il ne faudrait pas que ça devienne encore une espèce de comité, là, qui pratiquement serait au même niveau comme si c'était pour vérifier si la personne peut être renouvelée, là. Je ne voudrais pas aller jusque-là. Puis c'est normal qu'on ait des vérifications, à chaque année qu'on ait une évaluation, Mais, évidemment, dans ces évaluations-là, personnellement, il faut en prendre puis en laisser. Moi, je pense que, lorsqu'un membre a une bonne conduite... Qu'est-ce qu'on doit rechercher d'un membre? Selon moi, c'est la compétence, la bonne conduite, l'intégralité et la célérité de rendre ses décisions. À partir de ce moment-là, les évaluations, est-ce qu'elles sont réellement... Je pense que c'est peut-être une formalité, là, mais...

M. Côté: Oui, mais la déontologie... Qui va s'occuper de la déontologie, compte tenu que, dans le projet de loi, le Conseil de la justice administrative est aboli?

M. Provencher (Jean-Guy): Oui, mais la déontologie... Dans la nouvelle loi, c'est sûr, c'est de voir à ce que le membre puisse être compétent, qu'il puisse... Ça, je pense que le comité peut, à l'intérieur du tribunal, il peut y voir, à ce que les gens... Je pense que ça fait partie de... D'ailleurs, ça se fait régulièrement. Le tribunal prévoit des séances de formation, des séances d'étude et des échanges entre les membres pour faire en sorte qu'on ait une bonne cohérence entre les décisions, etc.

M. Côté: Donc, vous êtes en faveur du comité?

M. Provencher (Jean-Guy): Oui, oui.

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Simard): C'est tout du côté de l'opposition?

M. Bédard: Oui, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Simard): Très bien. Très bien, merci. Alors, je me tourne vers la députée d'Anjou.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Provencher, j'aimerais faire un commentaire qui est partagé par mes collègues ministériels et, je suis convaincue, que les membres de la commission vont partager. J'aimerais saluer le courage que vous avez eu en abordant de front la portion nomination partisane, mais surtout le renouvellement des mandats d'une façon partisane alors qu'évidemment les compétences doivent primer. Donc, je voulais simplement souligner le courage dont vous avez fait preuve.

M. Provencher (Jean-Guy): Merci beaucoup.

M. Bellemare: Est-ce que je peux prendre la balle, M. le Président?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bellemare: Alors, Me Provencher, je reviens sur certains éléments importants qui ont été abordés par d'autres personnes qui se sont présentées devant la commission avant vous. Vous parliez tantôt du processus de nomination. Il y a un groupe d'employeurs, l'APCHQ, qui est un groupe important au Québec, qui nous a proposé mardi que le processus de nomination soit davantage comparé ou comparable à celui en vigueur à la Cour du Québec. Et j'ai noté dans le mémoire qu'on considérait, à l'APCHQ, le processus actuel de nomination comme étant très bureaucratisé et très lourd.

J'ai été un petit peu surpris de la recommandation, mais je me demande à quelque part si le processus de nomination, qui est en place actuellement, qui prévoit des tests, des examens, des concours, des comités multiples, avant d'en arriver à une nomination, être candidat... est-ce que ce n'est pas trop lourd? Est-ce qu'on ne devrait pas chercher à l'alléger? Comme la Cour du Québec, puis, bien sûr, en Cour supérieure, comme vous le savez, il n'y a pas de procédure, c'est tout informel... La Cour du Québec, on a une procédure depuis 1979 qui semble bien aller et nous donner de bons candidats. Alors, qu'est-ce que vous en pensez?

n(10 h 30)n

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, moi, je suis d'accord avec ça. C'est que, évidemment, je ne suis pas favorable non plus... Il ne faudrait pas non plus qu'il y ait quasiment des concours qui ne finissent plus avec des... qui font en sorte qu'il se présente peut-être 1 000 candidats, puis qu'on a peut-être besoin juste de cinq, puis que... Ça fait des énergies à consacrer qui peut-être qui ne sont pas nécessaires.

Je pense que la façon dont les nominations des juges est faite actuellement, c'est un comité indépendant, évidemment par ses pairs, par quelqu'un qui est du domaine juridique, quelqu'un qui est du domaine socioéconomique. Je pense qu'un comité qui est indépendant, qui a des bonnes personnes à la bonne place, est en mesure d'évaluer, je pense, si la personne va être capable de faire le travail, je pense. Tant qu'à moi, ça devrait être suffisant. Mais je n'ai pas écarté non plus qu'on ait peut-être aussi un concours quelconque, mais, je vous dis bien franchement, je suis beaucoup plus favorable à un comité restreint, pour faire en sorte qu'on ne prenne pas, par exemple des mois puis des mois avant de nommer quelqu'un.

M. Bellemare: J'aborderais également la question de la représentation. Vous avez agi comme membre au Tribunal administratif du Québec dans une division qui n'est pas la division des affaires sociales. Mais j'ai compris de l'intervention de mon collègue de Chicoutimi que vous étiez en pratique actuellement. Vous êtes avocat. Vous pratiquez le droit?

M. Provencher (Jean-Guy): Oui.

M. Bellemare: Alors, on réalise qu'il y a un déséquilibre, et je pense que tout le monde le constate, le citoyen qui fait face aux machines administratives, et c'est bien souvent le résultat d'un déséquilibre de forces important qui place le citoyen dans une situation désavantagée, finalement. Et une façon de rétablir l'équilibre, c'est évidemment d'assurer d'abord l'indépendance des juges administratifs, à mon avis, et également de faire en sorte que notre système favorise, au fond, l'équilibre, hein, puis ne fasse pas la promotion des avantages de l'Administration qui, elle, possède tout son service juridique, son groupe de médecins, des ressources à peu près illimitées et qui...

Il faut éviter des guerres d'usure et il faut éviter aussi que les citoyens aient la perception que, quand ils contestent une décision d'un organisme public comme la SAAQ, la CSST, la Régie des rentes, que c'est perdu d'avance parce qu'ils sont tellement gros qu'on va perdre à l'usure, et c'est une perception qui est assez largement répandue dans la population, à mon avis.

Il y a un taux de représentation qui est dramatiquement faible dans certaines divisions. Je pense aux accidentés de la route, par exemple, qui sont représentés dans à peu près 65 % des cas; en matière de victimes d'actes criminels également, c'est très faible; à la CLP, c'est un peu plus élevé. Mais il y a quand même beaucoup de personnes qui sont seules, et peut-être que c'est relié à la perception populaire à l'effet que ces tribunaux-là sont simples d'accès, faciles d'accès. Et, bon, les gens y vont seuls puis, des fois, ils réalisent une fois arrivés que c'est beaucoup plus compliqué, qu'il y a un avocat de l'autre côté puis que, bon, ce ne sera pas si facile. Puis s'ils perdent, bien là ils vont conserver toute leur vie la perception que c'est perdu d'avance, puis que c'est tout arrangé, puis que c'est impossible d'avoir raison contre l'État.

Avez-vous des solutions au problème de la représentation des citoyens qui contestent les décisions pour qu'on puisse peut-être améliorer la représentation, augmenter le taux de représentation? C'est-u juste un problème d'intérêt de la part des avocats, des groupes? Qu'est-ce qu'on peut faire, d'après vous, pour améliorer ça?

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, écoutez, c'est sûr que, moi, je favorise que les personnes puissent être représentées par des avocats. Comme, dans mon cas personnel, évidemment, je plaide beaucoup devant le Tribunal administratif en matière de protection du territoire agricole. Et il y a beaucoup de gens qui m'appellent parce qu'ils se sentent un peu démunis, dépourvus. Même si ça paraît simple, il reste que les gens qui arrivent là ne savent pas comment procéder, ne connaissent pas la jurisprudence et...

Évidemment, moi, j'encourage les avocats à prendre leur place dans le domaine administratif et je pense que les gens ne... les avocats ne réalisent peut-être pas toutes les perspectives qu'ils peuvent avoir dans ce domaine-là. Malheureusement, il y a trop de personnes, selon moi, qui se présentent seules, qui pensent que ça va être facile puis que le juge administratif peut tout régler pour eux autres, alors qu'ils devraient être représentés.

Écoutez, que ce soit avec peut-être une nouvelle ouverture, peut-être avec l'aide juridique pour les gens qui sont... ça, finalement, c'est un autre problème. Puis je pense que le projet de loi aussi... Évidemment, en passant, je trouve ça intéressant aussi que vous puissiez vouloir écarter, là, les gens qui ont été radiés de leur profession. Je pense que c'est une bonne initiative, là.

Le Président (M. Simard): Alors, quelques secondes encore pour une dernière intervention du député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Vous avez abordé, Me Provencher, la question des renouvellements partisans sous l'angle de la pression causée sur les individus qui détiennent les charges au moment du renouvellement. Je pousserais la question sous un autre angle. Êtes-vous d'avis que cette question des renouvellements partisans a pu avoir une influence sur la décision rendue dans certains cas?

M. Provencher (Jean-Guy): Bien, écoutez, je suis obligé de vous dire que les membres, ça reste des humains. Et, lorsque, moi, je l'ai vécu, j'ai toujours essayé d'être objectif, mais il reste que, lorsqu'on a une décision à rendre puis qu'on... Prenez, par exemple, lorsqu'une grosse industrie qui va peut-être créer plusieurs emplois, qu'ils veulent avoir un terrain en zone agricole et puis que c'est dans le secteur du premier ministre ou encore d'un ministre puis, même plus encore, le ministre qui est chargé de ta nomination, je vous dis qu'on n'est pas tellement à l'aise. On essaie de passer par-dessus ça, mais il reste qu'on se dit: O.K., on va tenir notre bout, mais, quand ça vient le temps du renouvellement, est-ce qu'il va s'en souvenir? puis c'est toujours inquiétant. Alors, c'est pour ça que, moi, je me dis: Éliminons donc tout ce qui pourrait faire en sorte que cette partisanerie ne viendrait pas influencer les décisions.

M. Moreau: Je vous remercie.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Alors, Me Provencher, je vous remercie de votre présentation. C'était votre première présence en commission parlementaire; ça s'est très bien passé.

Alors, nous ajournons pendant quelques minutes nos travaux... suspendons pendant quelques minutes pour ensuite écouter les représentants du Protecteur du citoyen.

(Suspension de la séance à 10 h 37)

 

(Reprise à 10 h 50)

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons reprendre nos travaux. M. le député de Chicoutimi, si vous voulez bien reprendre place.

Alors, le prochain groupe que nous recevons... Nous nous excusons de cette suspension, mais vous comprendrez qu'il y a parfois des moments où il faut... où certains des membres de la commission, y compris le ministre, vous le comprendrez bien, ont des décisions à prendre, des rencontres urgentes à effectuer.

Alors, le prochain groupe que nous recevons, c'est le Protecteur du citoyen. Évidemment, la Protectrice du citoyen qui est avec nous est une habituée de cette commission parlementaire. C'est... L'institution qu'est le Protecteur du citoyen intervient dans la plupart des grands projets de loi pour exprimer le point de vue du Protecteur du citoyen, donc de la défense des droits des citoyens face à l'Administration.

Alors, évidemment nous sommes heureux de vous revoir. Nous vous avions vue au sujet du projet de loi n° 4, à l'automne, vue ou lue, je ne... lue plutôt, oui, et là nous vous recevons donc sur le projet de loi n° 35. Malheureusement, nous avons reçu votre mémoire dans les dernières minutes. Alors, nous allons donc être très attentifs à votre présentation. Mme Champoux-Lesage, je vous invite à présenter ceux qui vous accompagnent.

Protecteur du citoyen

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Merci, M. le Président. Alors, j'ai mon adjointe, Me Lucie Lavoie, qui est à ma gauche; mon conseiller juridique, Me Jean-Claude Paquet, qui est à ma droite; et, à l'extrême gauche, M. Serge Laberge, qui est directeur adjoint aux enquêtes et plus particulièrement responsable du secteur des indemnisations, donc de l'indemnisation, donc il connaît bien ce dossier.

Alors, merci, M. le Président. Bonjour à M. le ministre, à Mmes et MM. les membres sur cette commission. Alors, je suis très heureuse de l'occasion qui m'est donnée d'émettre mes commentaires sur le projet de loi n° 35, cette loi qui modifie la Loi sur la justice administrative et d'autres dispositions législatives. Vous comprendrez sans doute que c'est une loi qui nous tient à coeur dans l'exercice de nos fonctions. Outre d'instituer le Tribunal des recours administratifs du Québec en regroupant la Commission des lésions professionnelles et le TAQ, ce projet de loi a notamment pour objectif d'instaurer, en matière d'indemnités ou de prestations, de nouvelles modalités relatives à la révision administrative effectuée par certains ministères et organismes.

La Loi sur la justice administrative, entrée en vigueur en 1998, visait notamment à mettre en place un mécanisme de révision administrative plus souple et moins formel que le précédent qui était quasi judiciaire. Un des objectifs recherchés par cette réforme était de réduire les délais pour l'obtention d'une décision finale. Force est d'admettre cependant qu'il y a encore du chemin à parcourir pour atteindre un tel objectif de célérité.

Nous sommes à même de constater chez le Protecteur du citoyen qu'il est parfois facile pour les organismes de renvoyer le citoyen à l'étape formelle de révision sans prendre la peine de reconsidérer, d'entrée de jeu, certains éléments soulevés par la personne. Les délais sont en effet parfois très longs entre le moment où une personne réclame une indemnité, par exemple, et le moment où, en cas de litige, ce dernier doit être tranché. À titre d'exemple, et je crois que plusieurs en ont été donnés: les dernières données disponibles à la SAAQ, la seule durée de révision peut atteindre neuf mois. Il faut ajouter à cela les délais encourus au TAQ qui sont de 28 mois.

Aussi, je ne peux que me réjouir de cette proposition de révision administrative nouvelle manière, si je peux m'exprimer ainsi, et surtout de constater que le projet de loi n° 35 vise à responsabiliser davantage les ministères et organismes en leur imposant, en matière d'indemnités ou de prestations, un délai de 90 jours pour réviser leur décision lorsqu'un citoyen la conteste. Il me semble qu'un tel délai visant à favoriser le dialogue devrait permettre de solutionner des différends sans avoir à recourir au tribunal et que, ce faisant, on améliorera l'accès à la justice. C'est, je crois, un défi qui mérite d'être relevé. Il ne faudrait pas par ailleurs que ce maximum devienne la règle dans des secteurs où les délais sont plus courts, par exemple, dans le secteur de l'aide sociale.

D'autre part, la nomination, sur une base permanente, des membres du tribunal avec possibilité d'être démis uniquement en cas de mauvaise conduite ne peut qu'accroître le caractère d'indépendance et d'impartialité de ses membres et offrir ainsi aux citoyens de meilleures garanties de justice. Ce choix me semble heureux et susceptible de valoriser la justice administrative. Il va de soi que les nominations devront continuer de faire l'objet d'un processus très rigoureux, compte tenu qu'il s'agirait désormais de nominations à vie. Les personnes choisies devront démontrer une sensibilité aux particularités de la justice administrative qui tranche des litiges sur des lois à portée sociale.

Je voudrais souligner d'autres dimensions que je juge intéressantes dans ce projet de loi: la régionalisation complète de l'ensemble du tribunal qui offrira ainsi une plus grande proximité de la justice administrative, si, bien sûr, comme dans tous les cas, on s'en donne les moyens nécessaires; le nouvel article 179.1 qui consacre, dans la loi, les règles déontologiques en les précisant, je trouve que c'est intéressant; et le fait de favoriser le plus possible la conciliation en la rendant obligatoire à la demande du citoyen.

Deux de mes représentants ont rencontré les légistes du ministère de la Justice afin d'obtenir des précisions sur certains articles du projet de loi. Plusieurs de nos questions ont trouvé réponse. À titre d'exemple, nous nous interrogions au sujet de l'article 45 qui venait modifier l'article 119 de la Loi sur la justice administrative. On se demandait pourquoi on ne reconduisait pas la discrétion accordée au président de la Commission des lésions professionnelles au président du nouveau tribunal. Mais on nous a dit que 13 situations d'urgence sont déjà prévues où le recours doit être instruit et jugé en priorité et que ces 13 situations étaient jugées suffisantes pour couvrir l'ensemble des cas potentiels. Il n'est donc pas apparu opportun de reconduire la discrétion accordée au président de la CLP. Et cette réponse, à première vue, ça nous est apparu aussi satisfaisant.

Par ailleurs, si vous me le permettez, j'aimerais, en me servant pour illustrer là de l'article 92 du projet de loi n° 35, vous faire part de mes préoccupations à l'égard de certaines règles qui entourent le processus de révision administrative, parce que c'est un élément qui nous préoccupe. Par la même occasion, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que le projet de loi n° 35, parce qu'il a également pour objectif de faciliter aux citoyens l'accès au tribunal pour obtenir un règlement équitable et impartial d'un litige, pourrait être l'occasion de corriger une iniquité de traitement qui est subie à ce sujet par les victimes d'actes criminels, les personnes reconnues comme sauveteurs en vertu de la loi sur le civisme et les accidentés du travail dont le dossier relève actuellement de l'application de la Loi sur les accidents du travail, c'est-à-dire l'ancienne loi.

D'abord, quelques mots sur les nouvelles règles qui entourent le processus de révision administrative. Ce sont des commentaires qui peuvent apparaître techniques, mais qu'il nous semble pertinent de porter à votre attention. L'article 92 du projet de loi vise à modifier la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles par le remplacement des articles 358 à 359.1 par d'autres qui ont pour effet d'établir les nouvelles règles qui entourent le processus de révision. Il ressort de ces nouvelles règles que l'autorité administrative, lorsqu'elle notifie sa décision, doit informer les intéressés qu'ils peuvent notamment communiquer avec elle pour examiner la possibilité de modifier la décision. Cette obligation vise, durant le délai de contestation de 90 jours, à susciter, entre les intéressés et l'autorité administrative, des discussions, des démarches qui ont pour but de s'assurer du bien-fondé de la décision rendue et, si tel n'est pas le cas, la modifier, évitant ainsi, comme je l'évoquais tout à l'heure, le recours au tribunal. En plus de favoriser dans un délai circonscrit ? ce qui me semble un avantage ? une participation active des parties, cette disposition est intéressante, parce qu'elle responsabilise davantage l'autorité administrative à l'égard de la décision qu'il a prise.

Cependant, comme une décision peut être modifiée dans le cas de la CSST, à la suite d'une reconsidération ou d'une révision et même parfois, selon l'autorité administrative en cause, à la suite d'un réexamen, je ne crois pas que les citoyens en général, les intéressés soient nécessairement en mesure de distinguer les nuances de tels processus. Aussi, afin de faciliter la compréhension de cet article, je suggère que les mots «pour examiner la possibilité de modifier sa décision» soient remplacés par «pour examiner la possibilité de réviser sa décision». Une telle modification assurera ainsi une cohérence avec le nouvel article 359.1 de la LATMP, lequel utilise déjà le terme «décision révisée». Une telle modification devrait également toucher l'article 2 du projet de loi qui modifie l'article 6 de la Loi sur la justice administrative.

L'article 359.1 prévoit également qu'en modifiant sa décision révisée, la commission demande au requérant de lui indiquer, dans les 30 jours, s'il entend maintenir son recours devant le tribunal ou s'en désister. Et, à défaut de se manifester, il est réputé s'en être désisté. En matière de lésions professionnelles, si la CSST révise sa décision et que le requérant décide de se désister de son recours, aucune disposition du projet de loi ne prévoit la situation où l'autre partie, selon le cas, travailleur ou employeur, pourrait se sentir lésée par la décision révisée. Je suggère donc l'ajout d'une disposition visant à permettre explicitement à cette partie de contester, s'il y a lieu, directement au tribunal de la décision révisée. Il y aurait aussi lieu de prévoir que le délai a commencé à courir à compter de la contestation initiale de façon à éviter à l'autre partie de recommencer le processus qui aurait pour effet de nuire à l'objectif de célérité de la Loi sur la justice administrative.

n(11 heures)n

Dans le même ordre d'idées, à défaut de se manifester, le requérant est réputé s'être désisté de son appel. À mon avis, cette présomption rétrograde risque d'empêcher l'application de l'article 106 de la Loi sur la justice administrative, lequel permet au tribunal de relever une partie de son défaut de respecter un délai prescrit par la loi si cette partie lui démontre qu'elle n'a pu, pour des motifs sérieux et légitimes, agir plus tôt et si, à son avis, aucune autre partie n'a subi de préjudice grave. Aussi, afin d'éviter des requêtes inutiles devant le tribunal pour débattre de cette question, je suggère de prévoir explicitement que l'article 106 de la Loi sur la justice administrative puisse s'appliquer malgré l'article 359.1. Il va de soi que les suggestions que je viens de faire devraient s'appliquer mutatis mutandis aux autres dispositions similaires du projet de loi qui ont pour objectif d'instaurer le même processus de révision à l'égard des autres lois affectées par le projet.

L'accès au tribunal maintenant pour le règlement de certains litiges régis par la Loi sur les accidents du travail. J'ai toujours été préoccupée par le fait que l'article 63 de l'ancienne loi, la Loi sur les accidents du travail, reconnaît à la CSST la seule compétence exclusive et finale pour décider sur toute affaire ou question relative à l'assistance médicale ou à la réadaptation. Conséquemment, une victime d'actes criminels, une personne reconnue comme sauveteur en vertu de la loi sur le civisme ainsi qu'un accidenté du travail dont le dossier relève de l'application de la Loi sur les accidents du travail ne peuvent porter en appel une décision de la commission que si elle porte sur le droit et le quantum d'une indemnité ou sur le taux de diminution de la capacité de travail. Afin d'assurer à ces citoyens le même recours que celui prévu par les autres régimes publics d'indemnisation à l'égard des questions relatives à l'assistance médicale et à la réadaptation et ainsi leur garantir un traitement équitable et impartial de leur litige, je suggère que le projet de loi n° 35 prévoie une disposition visant à permettre que toute décision de la CSST prise en vertu de la Loi sur les accidents du travail puisse dorénavant faire l'objet d'un recours devant le tribunal.

En terminant, comme les projets de loi nos 4 et 35 ont pour objectif de poursuivre la réforme de la justice administrative de façon à ce que tout citoyen insatisfait d'une décision rendue à son endroit par une autorité administrative puisse obtenir dans un délai raisonnable un règlement équitable et impartial de son litige, je suggère de prévoir, tout comme le législateur l'a fait à l'article 200 de la loi actuelle, un mécanisme de rapport sur la mise en oeuvre de ces lois qui constitue en quelque sorte une deuxième phase de cette réforme. Ce mécanisme permettrait, à mon avis, à tous les trois ou cinq ans de vérifier l'évolution de la situation, de revoir et d'ajuster au besoin les modalités de fonctionnement selon le degré d'atteinte des objectifs.

Je vous remercie de votre attention et je suis disponible pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup, Mme Champoux-Lesage. D'abord, une précision sur ce que j'ai dit au début. Nous avions effectivement reçu votre mémoire par voie électronique en décembre. Vous comprendrez que, dans ces jours et nuits où nous étions ici, cela a pu passer un peu inaperçu. Alors, je donne immédiatement la parole au ministre de la Justice pour la première question.

M. Bellemare: Alors, Mme Champoux-Lesage, Mme Lavoie, M. Laberge, Me Paquet, félicitations. Excellent travail encore une fois. On voit que vous avez quotidiennement à traiter des cas de citoyens insatisfaits, et ça paraît, parce que vous avez une expérience pratique et ça ressort clairement de vos propos.

Et j'aimerais vous entendre sur tout le volet de la représentation. J'en ai parlé à l'intervenant qui vous a précédée. Comme vous le savez, le taux de représentation devant les tribunaux administratifs est assez faible, plus faible que devant les tribunaux judiciaires, alors que les droits qui sont analysés par les tribunaux d'appel sont fondamentaux. Et, trop souvent, les citoyens ne savent pas trop s'ils doivent être représentés, les ressources ne sont pas toujours faciles d'accès et assez nombreuses, surtout en région.

Bien sûr qu'en matière d'accidents de travail il y a un amendement à la Loi du Barreau qui permet à des associations puis à des syndicats d'agir, ce qui augmente heureusement le taux de représentation, mais, dans d'autres sections, ce n'est pas le cas. Alors, il y a toutes sortes d'hypothèses qui ont été avancées au cours des dernières années: est-ce qu'on ne devrait pas permettre à des non-avocats d'agir dans d'autres divisions? est-ce qu'on ne devrait pas faciliter... ou former davantage d'avocats, sensibiliser le Barreau à une meilleure formation et développer l'intérêt chez les plaideurs pour agir devant les tribunaux administratifs? Parce qu'il y a des sections, en assurance auto notamment, où c'est dramatiquement faible, 66 %, alors qu'on sait bien que, de l'autre côté, la Société de l'assurance automobile est toujours représentée, même pour des causes mineures, par des avocats chevronnés, compétents et spécialisés dans le domaine.

Quand j'étais avocat... Je le suis encore, mais quand j'étais praticien, j'avais l'habitude de dire à des clients pas très fortunés ou qui m'abordaient sur des questions simples et où j'avais l'impression que je ne pouvais pas les satisfaire compte tenu de l'aspect mineur de la réclamation, je leur disais: Bien, écoutez, il y a le Protecteur du citoyen et il y a les députés. Alors, allez voir votre député ou allez voir le Protecteur du citoyen. Et je l'ai fait pendant longtemps et je crois que ça a permis au Protecteur du citoyen d'intervenir dans des cas où le citoyen n'aurait pas pu autrement être conseillé, à tout le moins. Je sais bien que, quand le litige est engagé, vous n'intervenez pas, mais, bien souvent, c'est une question d'information, et vous jouez un rôle capital dans ce domaine.

Mais, de façon générale, pour peut-être... peut-être pas éliminer le déséquilibre qui existe, là, qui est structurel, entre le citoyen puis la machine, les machines, mais à tout le moins l'atténuer, avez-vous des solutions à nous proposer qui permettraient d'améliorer la représentation, le taux de représentation de citoyens qui seraient mieux conseillés, représentés devant les tribunaux administratifs?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Peut-être pas de proposition concrète, mais c'est effectivement une situation qui nous préoccupe. Et, lorsque j'avais eu l'occasion de rencontrer les représentants des tribunaux administratifs qui m'avaient invitée pour faire une présentation, on demandait quelles étaient les attentes des citoyens. Ça appelle sûrement, de la part des membres des tribunaux administratifs, une plus grande sensibilité.

Je pense que la... il y a bien sûr la possibilité de sensibiliser les avocats, mais il y a souvent une question de disponibilité de ressources. Je ne pense pas que tous les cas nécessitent une représentation par avocat, mais il faut qu'on tienne compte justement, lorsqu'on est en audition face à un citoyen, de sa situation particulière, qui n'est pas à armes égales. Et simplement dans la manière de s'adresser au citoyen, ça peut être des façons, des façons de faire pour que la personne soit à l'aise, qu'on lui simplifie le langage, qu'on simplifie le langage qu'on utilise, qu'on ait une attitude d'ouverture, d'accueil. Ce sont déjà des moyens qui peuvent, je crois, faciliter le travail du citoyen, si je peux m'exprimer ainsi, lorsqu'il a à se défendre.

Mais je n'ai pas de proposition concrète. Je ne sais pas si Me Paquet aurait des idées pour rendre davantage accessible le soutien d'avocat. On n'a pas réfléchi à la situation, mais, comme il a déjà une expérience dans les tribunaux administratifs, peut-être a-t-il des idées, si vous permettez.

M. Paquet (Jean-Claude): En fait, évidemment, pour ce qui est de la représentation par avocat, c'est fixé, comme le ministre le sait fort bien, dans la Loi sur le Barreau, et c'est par exception qu'on peut aller devant certaines sections comme l'indemnisation des lésions professionnelles et la section des affaires sociales.

Ce serait peut-être une bataille avec le Barreau là-dessus, mais ce serait peut-être intéressant à examiner, c'est peut-être par un ensemble de mesures... On sait qu'il y a des institutions comme... il y a les bureaux, à l'Université Laval, d'étudiants qui donnent une certaine information. De mon expérience ? parce que j'ai été assez longtemps au contentieux de la CSST ? dans les autres provinces, il existait des institutions, et c'était mentionné dans les lois, comme les «worker's advocates». C'étaient des bureaux un peu indépendants mais financés par les organismes, l'équivalent de la CSST là-bas, qui pouvaient donner une information. Je vous en parle de mémoire. Ça existe. Je ne sais pas s'ils avaient le pouvoir d'agir devant le tribunal; je le pense. Ça pourrait être une solution aussi qui serait peut-être à envisager et à adapter.

Mais, effectivement, les citoyens sont souvent à armes inégales, et le tribunal ne peut pas, comme M. Provencher le disait auparavant, suppléer à une carence dans la preuve. Il peut permettre au citoyen de s'exprimer, mais, oui, il y a un manque, il y a peut-être des mesures à envisager là-dessus.

M. Bellemare: Vous avez abordé la question tantôt de la déontologie. Êtes-vous satisfaits de la procédure qu'on propose dans le projet de loi n° 35? Plutôt que le Conseil de la justice administrative, qu'il y ait un processus... un comité qui soit formé, indépendant, pour analyser les plaintes de nature déontologique.

n(11 h 10)n

Il y a des intervenants qui sont venus nous dire: Maintenez le Conseil. Peut-être le réduire puis lui enlever sa mission de conseiller le ministre, parce qu'il y a beaucoup de ressources déjà qui le conseillent, et peut-être limiter son rôle à la fonction déontologique. D'autres proposent de l'abolir et de faire en sorte que les plaintes soient référées au Conseil de la magistrature, en créant peut-être une espèce d'unité adaptée à la justice administrative. Il y a aussi l'hypothèse qu'on retrouve dans le Code des professions, pour les ordres professionnels, où il y a un président avec deux pairs qui entendent les... Ça semble satisfaire les 47 ordres professionnels au Québec, alors pourquoi pas aussi pour les juges administratifs? Mais, en gros, là, votre position par rapport à la déontologie?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): En fait, peut-être qu'on a trouvé un petit peu étonnant à première vue de voir qu'au moment où on s'apprêtait à faire des juges administratifs... à les rapprocher un peu, à rapprocher leur statut de celui des juges des autres cours, qu'on abolisse ce Conseil sur la justice administrative. À l'analyse, on a quand même considéré qu'il y avait là un moyen pour assurer une démarche impartiale, juste. Je ne me sens pas habilitée à... Je pense que les juges administratifs sont mieux placés que moi pour juger de la composition comme telle de ce Conseil. Mais qu'on souhaite un mécanisme plus léger, qu'on évalue d'autres hypothèses, ça ne me semble pas complètement farfelu dans le contexte actuel. Mais je pense que c'est important qu'il y ait un mécanisme qui demeure indépendant et qu'il y ait un recours pour les citoyens aussi en cas de plainte.

M. Bellemare: Vous avez abordé la question de la juridiction du tribunal d'appel concernant les matières en assistance médicale et réadaptation pour les accidentés du travail. Effectivement, dans la section des lésions professionnelles, qui applique ce qu'on appelle encore aujourd'hui, en mauvais français, la nouvelle loi, même si c'est une loi qui a été adoptée en 1985, par rapport à l'ancienne, il est exact que, dans la section des lésions professionnelles, la réadaptation et l'assistance médicale peuvent être des matières susceptibles d'appel, alors que, dans la section au niveau du Tribunal administratif du Québec, les victimes d'actes criminels, par exemple, ne peuvent pas en appeler d'une décision en matière de réadaptation ou d'assistance médicale, notamment. C'est une question importante que vous soulevez; on va l'analyser sérieusement parce qu'il semble y avoir là une inéquité, surtout qu'en assurance auto aussi les questions d'assistance médicale et de réadaptation sont appelables de plein droit et de novo devant le tribunal d'appel. On va le regarder. C'est important que vous l'ayez soulevé.

La question de la présomption d'abandon d'appel, là, après la révision, intéressant aussi. Et il y a des intervenants qui nous en ont parlé puis qui semblaient inquiets face à cette présomption en disant: Mais, écoutez, il y a un appel logé au tribunal d'appel, pourquoi le citoyen devrait-il encore et toujours dire qu'il veut aller en appel après une décision révisée?

On a prévu un mécanisme de présomption qui, en quelque part, oblige le citoyen à suivre son dossier puis à faire preuve de responsabilité aussi en s'assurant qu'il va poser un geste pour manifester son intention de maintenir son appel. Alors donc, on a prévu une présomption et on a prévu le terme «réputé», ce qui crée une présomption irréfragable, par opposition avec «présumé abandonner l'appel». Et la Commission des services juridiques, qui va vous suivre tantôt, dans son mémoire, nous dit: Vous devriez parler d'une présomption, donc présumer, donc une présomption irréfragable plutôt que réputée, ce qui est quand même différent. Est-ce que vous êtes d'opinion également qu'on devrait changer le terme «réputée» par le terme «présumée»?

M. Paquet (Jean-Claude): En fait, on a examiné cette question-là et on comprend que le fait d'avoir une présomption irréfragable, réputée, avec le mécanisme nouvellement instauré, permet, quand les gens n'ont pas manifesté cet intérêt, de mettre fin au dossier sans avoir besoin d'une requête, par exemple, de l'organisme pour faire déclarer la contestation terminée ou d'autres gestes. On a constaté que c'était une mécanique intégrée qui... en passant, la révision, la nouvelle manière, on pense que c'est vraiment une excellente avancée dans la réforme de la justice administrative. Donc, on a considéré cette question et on s'est dit: Oui, ça a du bon sens, mais il faut qu'il y ait une soupape. Et on en a discuté avec les légistes. On regardait dans l'article 106 de la Loi sur la justice administrative. Peut-être que, moi, étant juge administratif, je donnerais la chance au coureur, mais on sait qu'il y a maintenant même des conflits de jurisprudence. Pourquoi ne pas régler ça et prévoir que, oui, on peut extensionner le délai pour aller en appel quand la personne fait un autre geste? Mais il ne faudrait peut-être pas non plus enlever ce qu'il y a de bon dans cet aspect de la réforme qui va vers la célérité.

M. Bellemare: Merci.

Le Président (M. Simard): M. le député de l'Acadie, je pense.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais aborder un sujet qui est important dans le projet de loi n° 35, qui est celui de la fusion des organismes, la CLP et le TAQ, et vous demander si vous croyez que le fait de mettre en commun l'ensemble des ressources humaines et matérielles et d'avoir une espèce de guichet unique pour les citoyens peut être un avantage à ce moment-là pour les citoyens? Je ne sais pas quelle est votre perception à ce sujet-là.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, la lecture qu'on en faisait, c'est que, effectivement, ça pouvait être un avantage parce que ça unifiait le service qui était offert aux citoyens. Maintenant, c'est à l'usage qu'on verra quels en sont les effets positifs, mais on pense que c'est une position intéressante.

M. Bordeleau: L'autre aspect important de la réforme aussi est celui de la régionalisation, et j'aimerais aussi vous entendre là-dessus parce qu'on a eu... Bon. Majoritairement, les gens sont d'accord, là, qu'une justice rendue à proximité des gens, avec des gens qui vivent dans le milieu, a peut-être une meilleure chance, au fond, d'être bien acceptée, aussi plus accessible que quand on compare cette situation-là, par exemple, à des juges qui voyagent, qui y vont, qui reviennent et qui ne sont pas nécessairement sur place. Il y a eu par contre certaines personnes qui nous ont dit: Oui, mais ça, il pourrait y avoir un risque qui pourrait se développer dans les régions, bon, à cause du fait que les gens vivent dans ces milieux-là une certaine proximité où il y a du copinage, bon, etc. ? on a utilisé un peu ces termes-là ? alors qu'on sait que, dans les autres cours, effectivement, il y a des gens qui résident, et on n'a jamais pensé que la justice... Alors, j'aimerais avoir votre perception à ce niveau-là en termes d'avantages de rendre la justice disponible, le plus près possible des individus.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, comme je l'ai souligné d'entrée de jeu, je considère que c'est un atout, c'est un acquis pour la proximité de la justice donc de régionaliser. Je soulignais qu'il faudrait avoir les ressources, bien sûr. Personnellement, je ne sais pas, je ne suis pas à même... Je pense que les gens qui... Il pourrait y avoir ? on l'a déjà souligné et je pense que ça a été évoqué par d'autres ? il pourrait y avoir des différences, peut-être que ça pourrait nuire à la cohérence des décisions, etc., mais je pense que c'est l'ensemble de l'organisation de la justice administrative, l'ensemble des précautions qui sont prises à la fois au niveau du recrutement, de la formation, du suivi, d'assurer que le président du tribunal... Ce sera de la cohérence des décisions. Ça ne devrait pas avoir d'effet négatif, et je ne penserais pas que ça puisse être une source de copinage. Moi, je pense que les avantages de la proximité sont plus grands que les risques qu'on encoure.

M. Bordeleau: Parfait. Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Simard): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Bienvenue. Vous avez abordé rapidement dans votre... En fait, moi, je suivais avec la lettre du 10 décembre qui reprend... qui synthétise finalement votre mémoire, et je ne sais pas si ça se retrouve dans le texte du mémoire, mais vous avez évoqué que la nomination à vie, en fait, la nomination durant bonne conduite était un atout important pour l'indépendance et la qualité de la justice administrative au Québec. Mais, avez-vous souligné, il faudra donc être rigoureux à l'égard du processus de nomination. Alors, on élimine la question partisane des renouvellements, mais vous avez fait ce petit passage sur la question des nominations.

J'aimerais avoir votre opinion sur la question suivante. Le fait de nommer durant bonne conduite les membres du nouveau Tribunal administratif équivaut à leur donner une nomination semblable à celle des juges des cours supérieures ou des tribunaux de droit civil, notamment la Cour du Québec. Et on sait que la Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit de façon spécifique le mode de nomination des juges de la Cour du Québec, notamment aux articles 87 et 88. Est-ce que le Protecteur du citoyen, à votre connaissance, a déjà émis une opinion négative ou une réserve quant au mécanisme de nomination des juges de la Cour du Québec? et si vous estimez que ce mécanisme-là est un mécanisme suffisamment rigoureux pour assurer, dans le contexte d'une nomination à vie, une qualité à l'égard des candidats au poste de juge administratif.

n(11 h 20)n

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Bien, j'ai consulté ma collègue, et on me dit que, non, il n'y a jamais eu de commentaires ou d'avis qui ont été émis par le Protecteur du citoyen. Je pense qu'on n'est pas nécessairement les mieux placés pour juger des processus de nomination. Par ailleurs, ce qu'on considère, c'est qu'il y a eu des améliorations sensibles dans le processus de nomination des juges administratifs. Est-ce que les modalités devraient être... Est-ce qu'on devrait prévoir dans la loi les modalités de nomination? Est-ce qu'on devrait les revoir? L'important, à mon point de vue, c'est que ce soit rigoureux, que ce soit fait dans la... sur la foi de la compétence des personnes qui sont là, de leur... Il y a déjà des conditions: il faut que les gens aient 10 ans d'expérience pour être admissibles comme candidat, etc., il y a d'ailleurs certains éléments. L'important, c'est que ce soit effectivement à l'écart de tous les éléments de partisanerie quand on veut en faire des gens qui sont nommés à vie.

Le Président (M. Simard): Très bien. Je me tourne maintenant vers le député de Dubuc, dont la première question vient d'être posée, me semble-t-il, par le député de Marguerite-D'Youville. Donc, il va sûrement avoir une autre question à poser.

M. Moreau: ...deuxième question du député de Dubuc.

Le Président (M. Simard): Je le sais d'autant plus que j'étais intéressé à poser la même question.

M. Côté: Alors, merci, M. le Président. Alors, Mme Champoux-Lesage, Me Lavoie, Me Paquet, M. Laberge, bienvenue à cette commission. Merci pour votre présentation. Comme d'habitude, vous nous présentez un document qui est riche en informations, qui est riche également en propositions: 24 recommandations qui sont toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Et je suis convaincu que le ministre saura lire attentivement ces recommandations et, dans la mesure du possible, lorsqu'elles pourront bonifier le projet de loi, les incorporer à son projet de loi. D'ailleurs, je pense que le ministre a manifesté une ouverture quand même assez grande justement devant... pour justement que ce projet de loi là soit davantage bonifié pour le bénéfice justement du citoyen et pour le bénéfice aussi... pour améliorer cette justice administrative.

Comme l'a dit si bien le président, ma première question a été posée par le député de Marguerite-D'Youville, mais je vais y aller sur une deuxième question. Vous voulez... vous êtes d'accord dans votre mémoire avec la conciliation. Il y a des gens qui sont venus nous rencontrer, un groupe et d'autres personnes aussi, et qui nous ont parlé de la conciliation et qui nous ont dit que ça n'avait pas de bon sens, la conciliation dans la justice administrative, que c'était un procédé qui était presque catastrophique pour le citoyen, que c'était pire qu'une audience devant un véritable tribunal et qu'on ne devrait pas utiliser la conciliation.

Je répète ce que j'ai dit hier, ça m'a surpris beaucoup parce que j'ai toujours pensé justement que la conciliation dans un but de déjudiciarisation pour amener le citoyen à moins de lourdeur administrative était favorable. Alors, est-ce que vous voulez que... selon vous, ce qui est indiqué au projet de loi, ça vous paraît important de maintenir la conciliation? Et est-ce qu'on... Qu'est-ce qui ferait qu'on pourrait encadrer ce processus de conciliation? C'est évident que les personnes qui sont conciliateurs doivent être des personnes expertes, elles doivent être des personnes qui connaissent bien leurs dossiers, mais est-ce qu'il y aurait moyen d'améliorer le processus justement pour que cette conciliation ne soit pas, comme certains l'ont dit, aussi traumatisante que les gens le... Entre autres, en matière d'accidents de travail, semble-t-il que c'est terrible pour le justiciable.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): D'abord, sur le principe, je pense que la conciliation, c'est une des voies de l'avenir de la justice. Et, moi, je considère que c'est un processus qui permet au citoyen d'être responsabilisé aussi dans la décision qui lui sera ultimement rendue. Maintenant, sur les processus comme tels, je ne sais pas si Me Lavoie souhaite ajouter, mais, sur l'encadrement de la conciliation, moi, je n'ai jamais eu d'échos. Vous dites que c'est extrêmement traumatisant; je pense qu'une conciliation bien menée ne devrait pas être traumatisante, là.

Mme Lavoie (Lucie): Je pense aussi qu'on a plusieurs citoyens qui nous disent que c'est très traumatisant d'aller devant un tribunal, et, en ce sens, les moyens alternatifs de résolution des conflits, vous comprendrez que, comme Protecteur du citoyen, c'est certainement des choses que l'on met de l'avant. Cependant, effectivement, il faut que ce soit bien fait. Mais ce que j'aime dans le projet de loi, c'est que la conciliation n'est jamais obligatoire pour le citoyen. Alors, ça va demeurer son choix. Bien sûr, on a parlé tout à l'heure de représentation, mais disons que je parlerai plus en termes de conseil. Il y a parfois, évidemment, des citoyens qui sont plus vulnérables que d'autres et qui ont besoin d'être accompagnés et d'être conseillés pour choisir le moyen qui leur convient le mieux. Et je pense que ce qui est intéressant et ce que nous avons constaté dans les dernières années, c'est qu'il y avait... que le problème de conciliation, en tout cas, à notre avis, était davantage du côté des ministères et organismes dont certains étaient très réticents à accepter la conciliation. Et, en ce sens-là, le projet de loi fait un pas en avant en venant dire: Bien, écoutez, si le citoyen, lui, veut engager un dialogue dans un processus moins formel et demande une conciliation, vous n'avez pas le choix, vous allez y assister. Et je pense que ce processus-là, ça n'aura peut-être pas un succès immédiat pour les organismes plus récalcitrants, mais peu à peu, au cours des années, on peut espérer que les mentalités se changent.

Il y a des secteurs où la conciliation va très bien et apporte des succès. Alors, je pense que c'est un plus à la condition qu'elle ne soit pas obligatoire et qu'elle demeure le choix du citoyen, mais c'est ce que le projet de loi prévoit actuellement.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Si vous permettez, Me Paquet souhaiterait ajouter quelque chose.

M. Paquet (Claude): Par ailleurs, en particulier à la Commission des lésions professionnelles, il y a un code de déontologie ou un règlement qui régit la conduite des conciliateurs. Évidemment, il ne faut pas que ce soit du tordage de bras. En matière d'accidents de travail, il y a plusieurs parties aussi. Évidemment, le tribunal est là avec son personnel. Il peut y avoir la CSST, il peut y avoir l'employeur parfois, et le travailleur, bien sûr. Parfois, il est représenté par son syndicat, parfois non. Donc, il y a un dosage à faire, et peut-être que ce serait au moment de la conciliation où on aurait peut-être intérêt à offrir certains services d'accompagnement aussi à ce moment-là.

M. Laberge (Serge): Juste pour peut-être rajouter... Au point de vue statistiques, on remarque quand même que, pour l'année 2001-2002, il y a quand même 44 % des dossiers qui ont été fermés à la CLP, qui faisaient suite à une conciliation. Lorsqu'on regarde le Tribunal administratif du Québec, avec des organismes comme la Société de l'assurance automobile, on s'aperçoit que ce n'est que 10 % de leurs dossiers. Donc, il y a encore un pas à faire au niveau de certains organismes à l'égard de la conciliation et de l'accessibilité facile au niveau de la justice.

M. Côté: Je voudrais reprendre ce que Me Paquet vient de dire. Je pense que c'est vous qui l'avez dit. On pourrait peut-être permettre à quelqu'un d'avoir accès à un service-conseil. C'est vous qui...

M. Paquet (Claude): C'est ça. Le ministre tout à l'heure posait la question: Qu'est-ce qu'on peut faire pour aider à la représentation? Et c'est sûr que, dans le cas d'une conciliation, l'individu ? là, il faut penser qu'on est rendu au tribunal d'appel, si on peut dire ? ça peut être intimidant particulièrement en matière de lésions professionnelles, s'il n'est pas représenté, d'avoir tout ce monde-là. Il faut que les ententes soient faites bien sûr conformément à l'ordre public. Il faut que ce soit entériné par le tribunal. Mais c'est le tribunal ultimement qui est garant de la qualité de la conciliation, et ce ne sera pas l'entente à tout prix, forcée. Il faut que la personne y adhère parfaitement.

M. Côté: Merci. Dans un autre ordre d'idées, vous savez qu'il y a des justiciables qui sont représentés souvent par des personnes qui n'ont pas les qualités requises, qui ont... Le ministre, dans son projet de loi, vient fermer la porte, là, aux gens qui ont été radiés d'un ordre professionnel, entre autres du Barreau, des choses comme ça. Mais il y a quand même aussi certaines associations, certaines personnes qui se font les représentants des justiciables et qui souvent n'ont pas les compétences nécessaires. Est-ce qu'il y aurait possibilité... Est-ce que vous croyez qu'il y aurait une ouverture pour qu'on puisse indiquer, dans le projet de loi, une façon justement d'encadrer ou d'essayer de mettre un cadre justement pour que ces personnes-là soient toujours bien représentées? Soit, par exemple, lorsque le président du tribunal pourrait dire: Bien, vous, monsieur, vous êtes un incompétent. Je regrette, mais vous ne pouvez pas représenter cette personne-là. Parce qu'il y a quand même des gens qui sont compétents, là, je ne veux pas dire que tout le monde est incompétent. Il y a des associations qui font bien leur travail, mais... C'est la minorité, c'est l'exception, mais ça existe aussi. Alors, comment on pourrait peut-être trouver une solution à ce problème?

n(11 h 30)n

M. Paquet (Claude): Bien, en fait, on a trouvé intéressante, on n'en a pas nécessairement parlé dans notre mémoire, nos commentaires, mais la nouvelle disposition qui permet au tribunal, à la personne qui préside le tribunal d'exclure une personne pour des questions de compétences, de qualités de représentation. L'expérience du Protecteur nous a démontré que, dans certains cas, c'est probablement plus exceptionnel, mais il y a des personnes qui soit n'offrent pas la compétence ou encore l'honnêteté requise. Mais c'est absolument... c'est peut-être exceptionnel.

Pour ce qui est des avocats, on exclut cette possibilité-là. Il y a un ordre professionnel qui les contrôle. C'est aussi intéressant de prévoir que des personnes qui ont été radiées ne pourront représenter. Il y a des cas malheureux qui se sont produits, des personnes qui sont radiées de leur ordre professionnel pour malhonnêteté et qui mettent leur plaque sur la grande rue et qui continuent à le faire, et ça, c'est une nouvelle question.

À présent, est-ce qu'on doit s'embarquer dans un processus de certification ou l'équivalent d'un nouvel ordre professionnel? C'est difficile. Peut-être qu'un tribunal peut offrir de la formation pour des représentants, en général, comment représenter. Là, je lance des idées comme ça parce que c'est une réalité. Puis, effectivement, comme le ministre le soulignait, en matière d'accidents d'automobile, il y a peut-être une sous-représentation, et ce serait intéressant d'avoir des mécanismes qui permettent d'accentuer, d'augmenter la représentation.

M. Côté: Une dernière question, M. le Président. Dans votre recommandation 8, vous proposez le maintien du Conseil de la justice administrative. Plusieurs personnes, plusieurs groupes le font... l'ont fait également à date, là, et je pense que c'est la majorité qui veulent le maintien du Conseil, ce qui... Votre recommandation 8 va naturellement avec votre recommandation 10 qui dit que vous proposez, là... «Retirer la modification proposée à l'article 28 du projet de loi n° 35 en ce qui a trait à l'évaluation», c'est-à-dire le comité d'évaluation. Donc, ça présuppose que vous confieriez cette évaluation au Conseil de la justice administrative.

Est-ce que je dois comprendre que, dans le cas où le Conseil de la justice administrative serait aboli, c'est que vous confieriez cette évaluation au Conseil de la magistrature ou si vous accepteriez... Parce que vous dites dans votre recommandation: «Maintenir l'existence et le rôle du Conseil de la justice administrative; à défaut, confier ce rôle au Conseil de la magistrature.»

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Il y a probablement une erreur dans les documents que vous avez par-devers vous parce qu'on n'a pas fait de recommandation particulière sur l'abolition ou le maintien du Conseil sur la justice administrative.

Tout à l'heure, j'ai réagi à une question qui m'a été posée en disant qu'on avait trouvé étonnant que ce soit aboli compte tenu qu'on rapprochait le statut des juges administratifs des juges des autres cours. Ce qui me semble surtout important, c'est qu'on garde un mécanisme qui soit impartial, qu'on soit capable d'assurer le respect de la déontologie. Mais on n'a pas fait d'intervention particulière sur le statut comme tel du Conseil de la justice administrative.

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Simard): Merci beaucoup. Alors, j'invite maintenant le ministre, à qui il reste six minutes, à poursuivre le dialogue avec vous.

M. Bellemare: Concernant la procédure qui est nouvelle dans le projet de loi n° 35 et qui permettrait à un commissaire, devant un cas d'incompétence, un cas flagrant d'incompétence, de destituer un représentant, est-ce que vous verriez d'un bon oeil pour éviter peut-être que... Parce qu'il y a certaines appréhensions. Il y en a qui nous ont dit: Oui, mais là vous donnez un pouvoir au commissaire qui pourrait, bon, régler des comptes ou faire passer la personnalité avant le fond, puis ça aurait un impact important. Écoutez, une décision d'un commissaire qui dirait: «Vous êtes incompétent», il faut changer de métier, hein? Alors, qu'il y ait une possibilité d'en appeler à la Cour du Québec d'une décision qui irait à la compétence d'un représentant, pensez-vous que ce serait un plus?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Ça pourrait être quelque chose d'envisageable. En regardant cet élément-là, cet aspect-là du projet de loi, on se disait: sur quelle base? est-ce qu'il y a des critères? est-ce que ce... Ça devrait être encadré un peu, ce pouvoir du juge. On n'a pas été plus loin, mais cette réflexion-là nous était venue. Sur quelle base on dit que cette personne-là est incompétente? Est-ce qu'il y a moyen d'encadrer cette discrétion, si on lui laisse la discrétion? Sinon, d'avoir un appel... un recours pourrait être une solution, je pense.

M. Paquet (Jean-Claude): C'est sûr que, quand on embarque dans des questions de droit administratif, on s'est dit: Bien, il y a toujours le contrôle judiciaire. Mais, effectivement, un appel direct à la Cour du Québec permettrait d'avoir un litige... que ce soit tranché immédiatement. Mais, effectivement, comme vous le dites, c'est comme une condamnation à mort que d'avoir une telle décision contre nous.

M. Bellemare: En ce qui concerne les régions, nous avons eu, hier... avant-hier, à recevoir les commentaires de l'Association des avocats de province qui nous a raconté plusieurs cas ou qui nous a cité plusieurs cas comme les juges administratifs du TAQ qui quittent Montréal et Québec avec leur valise, le lundi matin, avec 30 dossiers dans la valise et qui vont entendre des causes en région, Sept-Îles, Gaspé, Rouyn, et qui, après le mercredi ou le jeudi, manifestent des signes évidents d'impatience et souhaitent retourner rapidement en ville, à Québec ou à Montréal. Alors, les avocats nous disaient: Ça nous arrive souvent en région, et on souhaite avoir des juges qui ont pignon sur rue et qui agissent en région. Non seulement des juges qui viennent en région, mais des juges qui demeurent en région, un peu comme à la CLP.

Et là je m'adresse au Protecteur du citoyen, volet véritablement services à la population: dans l'hypothèse d'une régionalisation de la section affaires sociales et affaires immobilières, c'est-à-dire qu'on aurait une régionalisation complète de ces deux tribunaux-là, est-ce que vous croyez souhaitable qu'on ait des greffes unifiés en région par rapport à la possibilité que la CLP, dans l'hypothèse où il n'y aurait pas de fusion, là, parce que c'est aussi une hypothèse qu'on regarde... Dans le projet de loi, on prévoit une fusion des deux tribunaux, comme les rapports Garant, Ouellet et Gobeil notamment, l'ont suggérée. Mais voyez-vous un avantage à ce qu'il y ait un greffe unifié, à guichet unique en région par rapport à la possibilité que la CLP ait encore son greffe puis que le TAQ ait son greffe à part. Comment vous voyez ça?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Moi, je pense qu'un greffe unifié pourrait faciliter le travail ou l'organisation de la justice comme telle, l'organisation des services, mais je ne suis personnellement pas habilitée... Je ne me sens pas très habilitée à poser un jugement, là, d'opportunité à ce chapitre-là. C'est sûr que tout ce qui rapproche... Si le service est accessible tout le temps pour le citoyen en région et non pas tributaire de la visite occasionnelle et peut-être d'une disponibilité moins grande de la part des juges qui doivent se déplacer en région, c'est toujours un avantage pour le citoyen.

Mme Lavoie (Lucie): Si je peux me permettre une analogie, dans... Des organismes comme la CSST, par exemple, sont fortement régionalisés. Et c'est là-dessus que notre expérience quotidienne se prête davantage. Et, bien sûr, ça cause certains problèmes, des problèmes de disparité, notre rapport annuel en témoigne à chaque année, cependant, même si ça cause des difficultés, on n'a jamais recommandé une centralisation. Je pense que l'accessibilité et les avantages qui sont liés à la régionalisation sont plus grands. Mais il faut quand même inviter les responsables, sans doute le président du tribunal, à être très sensibles. Il y a déjà, à l'intérieur des tribunaux administratifs, certains problèmes de cohérence, là. Même si c'est dans les obligations du tribunal d'y voir, je pense qu'une régionalisation peut... en tout cas, entraîne certains risques à ce niveau-là. C'est toujours plus facile de centraliser et de tout contrôler, mais régionaliser, je pense, apporte de grands avantages d'accessibilité qu'il ne faut pas perdre. Mais il va falloir être très vigilant cependant aux disparités régionales qui peuvent apparaître.

M. Moreau: M. le Président, une minute.

Le Président (M. Simard): Oui. Il ne reste plus de temps, mais je vais quand même permettre au député de Marguerite-D'Youville de faire une très courte intervention.

M. Moreau: Très courte. Merci beaucoup, M. le Président. On profite de tous les instants qui nous sont donnés, vous savez. On a maintenant... Vous êtes le onzième mémoire que nous entendons. 10 des 11 mémoires donc entendus à l'égard du paritarisme se prononcent nettement contre la notion de paritarisme en disant: C'est inutile. Certains disent: C'est coûteux. Les juges administratifs parlaient, je pense, de chaperon du juge derrière les portes closes pendant le délibéré.

Me Paquet, ma question s'adressera à vous. Je crois savoir que, dans une vie antérieure, vous avez été membre de la CALP, et donc vous avez vécu le paritarisme. J'aimerais avoir votre opinion sur cela.

n(11 h 40)n

M. Paquet (Jean-Claude): Vous avez été bien informé. À la CALP, il n'y avait pas de paritarisme comme tel, c'est arrivé avec la CLP, en 1998. Mais, avant d'être commissaire à la CALP, j'étais au ministère de la Justice et à la CSST; j'ai connu le paritarisme dans ce système-là. À la CALP, on était en appel du Bureau de révision qui était lui-même paritaire. Devant la CLP, on a étendu ce paritarisme-là. Il faut comprendre qu'on a comme une fusion de deux systèmes et deux cultures, et la culture du paritarisme ? et le mot «culture» n'est pas pris dans un sens péjoratif ? je pense, a amené une ouverture... malgré que ce ne soit pas parfait à la CSST, mais une ouverture sur les réalités des deux parties, patronale, syndicale.

Et, moi, je suis peut-être un vendu à cet aspect de paritarisme, mais ce n'était peut-être pas nécessaire de le mettre aussi fort qu'il était en 1998. Et le compromis, ce qu'on a trouvé dans le projet de loi actuel, de le laisser au niveau de la reconnaissance ou de l'existence de la lésion, ça nous semble heureux parce que, à ce niveau-là, il peut y avoir un apport intéressant, une sensibilité de la part du représentant patronal ou du représentant syndical, mais ce n'est pas nécessaire de le laisser tout au long du processus. Il y a une question de coûts aussi. Et évidemment, sans dire que c'est nécessairement un chaperon, bien peut-être que de le limiter à ce niveau-là, c'est un heureux compromis, Mais, effectivement, la seule circulation des décisions, ça entraîne probablement des délais.

M. Moreau: Je vous remercie.

Le Président (M. Simard): Merci. Alors, il me reste à vous remercier, Mme Champoux-Lesage et vos collaborateurs, pour cette présentation d'un mémoire et cet échange avec nous. Et nous allons suspendre nos travaux pendant quelques minutes avant de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

 

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. Simard): Alors, veuillez prendre place, s'il vous plaît, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons maintenant la Commission des services juridiques. Je veux tout de suite excuser la commission auprès des membres présents de notre léger retard, mais, en même temps, je sais qu'il y a eu, pour compenser, une annulation, donc on finit par être à peu près dans les temps.

Donc, je vais demander d'abord à la Commission des services juridiques, à M. Carrière, je pense, de nous présenter ceux qui l'accompagnent. Et, vous connaissez les règles du jeu, donc nous vous écouterons.

Commission des services juridiques (CSJ)

M. Carrière (Yves): Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs de la commission. Alors, je suis effectivement accompagné de Me Lucie Dufresne, qui est responsable du droit administratif au service de recherche de la commission, et de Me Paul Faribault, du bureau de Magog du Centre communautaire juridique de l'Estrie.

La Commission des services juridiques est effectivement heureuse d'avoir été invitée à venir faire des représentations relativement au projet de loi n° 35, et nous vous en remercions. Comme vous le savez, la Commission des services juridiques a été constituée en vertu de la Loi sur l'aide juridique et a pour mission d'assurer que l'aide juridique soit fournie aux personnes qui sont financièrement admissibles. Pour ce faire, elle compte sur environ 360 avocats et stagiaires salariés à l'emploi des 11 corporations régionales dont les bureaux sont répartis à travers la province. C'est notre comité en matière de droit administratif et social qui a présenté le mémoire... ou qui a préparé le mémoire qu'on vous a soumis.

Compte tenu des caractéristiques particulières de la clientèle de l'aide juridique et du volume d'affaires qui est traité par les avocats et avocates de l'aide juridique, ils ont développé au fil des années une expertise importante dans la représentation des prestataires des différents régimes de protection sociale qui sont soumis à l'arbitrage des tribunaux administratifs visés par la présente réforme. C'est cette vision spécialisée et régionalisée que nous voulons vous soumettre aujourd'hui.

La Commission des services juridiques est globalement en accord avec les objectifs recherchés par la réforme. L'intégration du Tribunal administratif du Québec et de la Commission des lésions professionnelles, la régionalisation, la volonté de rendre le processus de révision plus rapide et efficace et les dispositions visant à assurer une plus grande indépendance des décideurs représentent pour nous un progrès significatif.

C'est en ayant en tête l'intérêt des personnes que nous représentons quotidiennement que nous aborderons les questions relatives à l'instance de révision, l'indépendance des décideurs, la multidisciplinarité, la fusion des deux tribunaux et la conciliation. Alors, pour ce faire, je cède immédiatement la parole d'abord à Me Faribault et, par la suite, à Me Dufresne.

n(11 h 50)n

M. Faribault (Paul): Alors, bonjour. Je vais traiter de la première partie, du premier point du mémoire, c'est-à-dire la question de l'instance de révision. On constatait ? et je pense que c'était l'avis de l'ensemble des praticiens du comité de droit administratif ? qu'il y a des problèmes importants au niveau de l'instance de révision, particulièrement au niveau de la Société de l'assurance automobile et, dans une moindre mesure, du côté de la CSST. Et on comprend que le but... un des buts importants du projet de loi ? c'est loin d'être le seul, mais un des buts importants ? est de faire en sorte que ces processus-là soient beaucoup plus rapides et beaucoup plus efficaces qu'ils ne le sont dans ces instances-là.

Cependant, l'expérience que l'on a, particulièrement au niveau de l'application de la Loi sur le soutien du revenu et où on représente les prestataires de ce qu'on appelle maintenant l'assistance-emploi, ou l'aide sociale, ou la sécurité du revenu ? le nom ayant changé à travers les années ? ces instances-là ont une efficacité et une utilité pour nos clients, et c'est pourquoi, à ce niveau-là, on suggère plutôt de maintenir les mécanismes qui existent, parce qu'ils sont efficaces et que le changement ne nous apparaît pas au bénéfice de nos clients.

Alors, première question qu'on voulait aborder par rapport à l'examen général du mécanisme de réforme du recours de révision, et on se pose la question, c'est: est-ce que la révision est obligatoire? C'est que, quand on lit le projet de loi et les diverses modifications qui sont apportées, on voit que l'Administration, lorsque le citoyen a inscrit son recours au Tribunal des recours administratifs... l'Administration peut réviser sa décision dans les 30 jours ou dans les 90 jours. Alors, on instaure donc un délai pour le faire.

Cependant, ce qu'on voit, c'est que, si l'organisme ne révise pas la décision, la seule sanction, c'est qu'à l'expiration du délai prévu pour rendre la décision de révision le mécanisme... l'organisme doit transmettre au TRAQ le dossier, et le recours continue de façon... comme il avait été instauré. Alors, ce qu'on en conclut, c'est que, dans la rédaction actuelle, le mécanisme de révision, à toutes fins utiles, est discrétionnaire ou optionnel à l'Administration. Et, par rapport à ça, on a vu des déclarations qui ont été rapportées, des propos du ministre Bellemare où on semblait comprendre que votre intention était plus de rendre la révision obligatoire, mais de l'encadrer dans un délai spécifique. Notre avis, c'est que le projet de loi, tel qu'il est rédigé, n'aboutit pas à cette conclusion-là parce qu'il rend la révision discrétionnaire. L'organisme peut réviser, et la seule sanction, s'il ne le fait pas, c'est que le recours continue. Alors, il n'y a pas une incitation ? à notre avis, en tout cas ? à un caractère obligatoire de cette révision-là. Donc, là-dessus il faudrait ajuster si on a mal compris l'intention, en tout cas, à cet égard.

Quoi qu'il en soit, au niveau du mécanisme qui est proposé, on avait des commentaires. Le premier de ces commentaires, c'est qu'à notre avis il y a un risque de confusion au niveau de la première décision parce qu'on dit: La décision initiale de l'organisme doit comporter une information au citoyen disant: Vous avez 90 jours pour inscrire votre recours au TRAQ. Mais, en même temps, on lui dit: Vous pouvez aussi communiquer avec l'Administration qui pourra examiner la possibilité de réexaminer la décision. Et on craint que, si l'avis n'est pas très clair, que des gens se prévalent de l'option communication avec l'Administration, en quelque sorte, en pensant qu'ils ont manifesté leur désaccord suffisamment par rapport à la décision et qu'au bout de ligne ils se retrouvent à ne pas avoir exercé leur recours dans le délai. Il faut donc, à notre avis, que l'avis soit très clair à cet égard-là pour éviter cette confusion-là.

Dans la deuxième étape, le citoyen a inscrit son recours au TRAQ, et il y a la possibilité pour l'Administration de réviser sa décision. On a deux suggestions à cet égard-là. C'est-à-dire que, premièrement, il faudrait définir qu'est-ce qu'une décision révisée. C'est-à-dire, à notre avis, ça devrait être une décision où l'Administration a modifié sa décision. Si elle a modifié, c'est un peu normal qu'on demande au citoyen: Maintenez-vous votre contestation ou votre recours devant le TRAQ? Mais, si la décision n'a pas été modifiée, on dit, comme on fait et on voit souvent à l'heure actuelle: Nous avons reçu votre demande de révision, nous avons examiné les faits et nous maintenons la décision, on pense qu'il est inutile de demander au citoyen de maintenir son recours et que ça devrait donc se faire de façon automatique, puisque l'Administration n'a pas modifié sa position.

Dans un deuxième temps, si l'Administration a modifié sa décision, là on pourrait demander au citoyen: Est-ce que vous maintenez votre recours au tribunal? Mais il nous apparaît que la présomption absolue, irréfragable qui est inscrite dans le projet de loi avec le mot «réputé» est incompatible, en quelque sorte, avec l'accessibilité. Il peut y avoir beaucoup de raisons et d'excellentes raisons qui vont faire que quelqu'un ne répondra pas dans les 30 jours, ne serait-ce qu'il est déménagé, par exemple, et etc., et que, si on inclut qu'il est réputé avoir abandonné son recours, on se retrouve à priver le citoyen qui a des bonnes raisons de ne pas avoir agi de le faire.

On suggère plutôt que ces questions-là soient décidées en vertu de l'article 106 qui permet de relever quelqu'un de son défaut s'il a des motifs sérieux et légitimes. Et, tant la CLP que le TAQ sont habitués à décider ces questions-là. C'est quand même des choses qui sont connues quant à ce qui est un motif sérieux et légitime. Mais instaurer une présomption absolue nous amène à croire que des citoyens vont perdre leur droit, alors qu'ils avaient les bons motifs ou des motifs suffisants pour ne pas avoir agi dans le délai.

Une courte remarque sur la question de la prolongation du délai de révision de 90 jours pour expertise médicale. On suggère plutôt que la durée de cette prolongation-là soit laissée aux parties. Si la prolongation est l'objet d'une entente entre les parties, pourquoi l'encadrer dans un délai fixe, alors que, dans certains cas, on sait que l'expertise médicale ne sera pas prête dans ce délai de 90 jours? Si on a besoin d'une image de résonance médicale, les délais sont souvent plus longs. Et donc il nous apparaît que, si la prolongation est consensuelle entre les parties, le délai pourrait être adapté à la réalité et à la problématique qui nous confrontent, donc ne pas l'enferrer dans un délai fixe de 90 jours à cet égard-là.

Ce qui m'amène à parler de soutien du revenu, et on vous disait... on vous dit: À notre avis, il faut maintenir les instances actuelles. Parce que, actuellement, il y a des délais ? et ils existent en matière de soutien du revenu ? de 10 jours pour rendre la décision lorsque la prestation est coupée de plus de la moitié, de 30 jours dans les autres cas et, en général, là, ces délais-là sont respectés. De plus, en matière de contrainte sévère ou temporaire à l'emploi, la révision est effectuée par audition téléphonique avec un comité formé d'un médecin et d'un spécialiste en main-d'oeuvre. Et ce qu'on constate, c'est que les délais sont rapides et les décisions sont, en général, assez favorables aux prestataires. On n'a pas un taux d'insuccès ou de non-modification de la décision comme ceux qu'on atteint en matière d'accidents d'automobile. Donc, l'instance est efficace et devrait être maintenue, d'autant plus qu'on risque de se retrouver, en éliminant l'étape préalable de la révision, avec un nombre considérable d'appels logés directement au TRAQ, et là le tribunal va devoir transmettre ces avis-là au ministère de l'Emploi qui devra le traiter en révision. Et on pense qu'il sera difficile de rentrer dans les délais de 10 jours et de 30 jours, donc on arriverait à un allongement des délais plutôt qu'une bonification à cet égard-là. Et donc, on pense qu'il y a lieu, au niveau du soutien du revenu, de ne pas importer un remède alors qu'il n'y a pas la même maladie, en quelque sorte, qu'on retrouve au niveau de la Société d'assurance automobile ou des accidents de travail.

Finalement, au niveau du Régime de rentes, il y avait un délai d'un an pour demander la révision d'une décision, qu'on se trouve à perdre, en quelque sorte, dans la réforme telle qu'elle est là. Et, dans l'ensemble, c'est un mécanisme, encore là, qui fonctionne relativement bien et qu'il y aurait lieu de maintenir parce qu'il n'y a pas la même problématique que l'on rencontre ailleurs.

M. Carrière (Yves): Me Dufresne.

Mme Dufresne (Lucie): Alors, bonjour. Alors, je vais vous entretenir de l'indépendance des juges administratifs qui est vraiment un des éléments importants du projet de loi. Cette indépendance serait assurée par la nomination durant bonne conduite et la fin du mandat à durée déterminée. Nous avons cependant des interrogations par rapport à certaines dispositions du projet de loi qui pourraient amoindrir cette garantie d'indépendance.

n(12 heures)n

En premier lieu, nous constatons l'abolition complète du Conseil de la justice administrative et la mise en place de comités non permanents pour traiter des plaintes des citoyens. Nous croyons que ces dispositions n'offrent pas pour le public des garanties suffisantes d'indépendance dans le traitement de ces plaintes. Une personne raisonnable pourrait craindre, même si ce n'est pas le cas en réalité, que le président du tribunal s'immisce dans le processus de traitement des plaintes, étant donné le rôle important qu'il joue dans l'administration du tribunal. Cette personne pourrait aussi considérer que le comité d'évaluation des plaintes est dans une situation de dépendance administrative qui risque de l'amener à disposer de la plainte de façon à suivre l'orientation générale du tribunal. Ce fonctionnement peut saper la confiance de l'administré envers le tribunal et remettre en question la notion d'une justice administrative de qualité. Nous sommes convaincus que le traitement des plaintes doit être fait par un organisme extérieur au tribunal. Pour ces motifs, nous sommes donc favorables au maintien du Conseil de la justice administrative. Si cependant, pour des motifs d'ordre économique, le gouvernement choisit de ne pas maintenir cet organisme, il nous paraît que le Conseil de la magistrature du Québec pourrait être saisi des plaintes formulées à l'encontre des membres du tribunal.

Et nous demandons aussi de retirer l'article 60 de la Loi sur la justice administrative qui permet à un fonctionnaire nommé membre du tribunal d'obtenir un congé sans solde total de son employeur pendant l'exercice de ses fonctions. Il nous paraît que cette disposition n'a plus sa raison d'être lorsque la nomination est permanente. Le maintien d'une telle disposition nous semble porter atteinte au principe de l'indépendance et de l'impartialité des décideurs.

De plus, l'évaluation des membres du tribunal, telle que l'amène le projet de loi, nous inquiète. En effet, quelle sera la mesure choisie pour vérifier leurs connaissances, leurs habiletés, leurs attitudes et leurs comportements dans l'exercice de leur fonction et leur contribution dans le traitement des dossiers du tribunal? Les règles d'évaluation sont établies par règlement, et ce règlement nous est inconnu. Si le but poursuivi par cette évaluation est de fixer la rémunération des membres, cette façon de faire peut mettre en péril l'indépendance des membres comme la Cour d'appel l'a rappelé dans la décision Barreau de Montréal.

La vérification du rendement devient souvent une affaire de statistiques: le nombre de dossiers entendus, le nombre de remises, la durée des auditions, la durée des délibérés. Il est vraisemblable que l'emploi de certains de ces critères puisse entraîner la modification du comportement de certains membres afin d'être bien vus du président. Nous craignons que ces derniers en arrivent à bousculer le déroulement d'une audition ou à bâcler la rédaction d'une décision pour se conformer aux attentes statistiques, ce qui risque d'affecter la qualité du travail et du processus décisionnel.

Si, par ailleurs, il s'agit de contrôler les comportements et les attitudes, nous croyons qu'il s'agit plutôt d'assurer le respect des règles déontologiques et que les mécanismes prévus à cette fin sont suffisants.

De plus, à l'occasion de l'évaluation du rendement, on peut craindre que l'un des critères utilisés puisse être celui du plus ou moins haut degré de cohérence des décisions du membre vis-à-vis des décisions de ses collègues. Le premier paragraphe de l'article 75 de la Loi sur la justice administrative prévoit que le président doit favoriser la participation des membres à l'élaboration d'orientations générales du tribunal en vue de maintenir la cohérence des décisions. On sait que toute pression systémique visant à assurer la cohérence des décisions peut porter atteinte à l'indépendance du décideur. L'utilisation d'un tel critère dans l'évaluation des membres serait inacceptable. Compte tenu des risques que cette disposition comporte au plan de l'indépendance, nous croyons qu'elle doit être retirée du projet de loi.

Dans un autre ordre d'idées, la disposition transitoire apportée par l'article 203 du projet de loi qui permet aux membres non-juristes de décider seuls des litiges doit être retirée. Nous pensons qu'en toutes circonstances la décision doit être rendue par un avocat ou un notaire accompagné ou non d'un autre membre, selon les conditions prévues aux articles 82 et suivants de la Loi sur la justice administrative.

Quant au maintien des quorums multidisciplinaires, il s'agit là d'un choix politique qui appartient au gouvernement. Celui-ci devra cependant être conscient qu'il modifie ainsi de façon importante la philosophie ayant présidé à la création de la Commission des affaires sociales et du Tribunal administratif du Québec et élimine ainsi l'une des caractéristiques qui fait la spécificité de la justice administrative. Cette modification de philosophie risque également de changer la perception des tribunaux de contrôle judiciaire relativement au caractère spécialisé du TRAQ.

Nous n'avons pas d'objection de principe à la fusion du TAQ et de la CLP en autant que celle-ci permette d'améliorer le fonctionnement des deux tribunaux en permettant de garder ce qu'il y a de meilleur chez chacun d'eux et d'en faire bénéficier l'autre. L'un des points forts de la CLP est la régionalisation et la rapidité de traitement des demandes. Nous notons cependant une très grande rigidité dans l'octroi des demandes de remise, même lorsque toutes les parties y consentent. Cette difficulté est accentuée par le fait que la CLP fixe les dates d'audition sans consultation préalable des procureurs. Il en résulte souvent des conflits d'horaire qui pourraient être facilement évités.

Nous constatons qu'au TAQ les employés du tribunal communiquent avec les procureurs afin de fixer les dates d'audition, ce qui permet d'éviter des remises inutiles. Nous souhaitons qu'une dynamique s'établisse entre les deux organismes afin de bonifier le fonctionnement de l'ensemble du système au bénéfice des administrés et des différents intervenants à la justice administrative. Cependant, selon nous, l'objectif recherché de la réduction des délais passe nécessairement par la disponibilité des ressources pour faire face à ces deux problématiques.

Le projet de loi réaffirme avec force l'utilisation du mécanisme de la conciliation. Notre expérience sur le terrain nous enseigne cependant que la conciliation n'est vraiment efficace que dans la mesure où les représentants de l'Administration qui y participent détiennent une marge importante d'autonomie décisionnelle. Si le représentant de l'Administration n'a pas un mandat lui permettant de rechercher une solution avec souplesse, l'exercice de la conciliation devient futile. Par contre, l'octroi d'un mandat de négociation large permet à la conciliation de produire d'excellents résultats tant au bénéfice des parties, qui voient leurs problèmes réglés plus rapidement, qu'à celui du tribunal, qui voit son fardeau allégé.

Enfin, nous nous...

Le Président (M. Simard): Excusez-moi, je vous interromps une petite seconde. Comme il ne vous reste que quelques minutes, pourriez-vous un peu synthétiser ce mémoire, que nous avons devant nous de toute façon, de façon à attirer notre attention sur quelques points et conclure, puisque vous allez très rapidement dépasser votre temps.

Mme Dufresne (Lucie): Oui. Alors, j'aimerais seulement vous parler en dernier lieu d'une des propositions que nous faisons sur la modification de la Loi sur la justice administrative, qui est la modification de l'article 106 de la Loi sur la justice administrative. Je sais que ce n'est pas traité dans le projet de loi, mais cependant, et comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, nous avons constaté que c'était une cause importante de perte de droit pour des citoyens ou des administrés qui étaient dans une situation de difficulté évidente. Le fameux délai de 90 jours péremptoire pour demander la prolongation du délai devrait être aboli, selon nous, et la notion de motifs sérieux et légitimes devrait être maintenue en faisant confiance aux tribunaux.

Quant aux autres problèmes qu'on a soulevés, soit la complexité des dossiers, la recommandation qu'on fait sur le sommaire des dossiers, de même que la transmission des dossiers, je vous laisse le lire dans le mémoire parce que c'est plus technique et c'est, dans le fond, des considérations qui, à notre avis, doivent être soulevées pour manifester notre inquiétude.

Alors, ça termine notre intervention. Je vous remercie de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Simard): Alors, merci beaucoup. Je vais inviter maintenant la partie ministérielle et, d'abord le ministre lui-même, à vous poser les premières questions.

M. Bellemare: Alors, Mes Carrière, Dufresne et Faribault, félicitations pour votre excellent travail, un mémoire très étoffé et qui témoigne d'une pratique soutenue dans le secteur du droit social, et bien sûr on doit vous en féliciter. On voit également que vous avez travaillé avec les membres du Comité en droit administratif, j'imagine, dont les noms apparaissent à la deuxième page de votre mémoire, et qui sont nombreux, qui proviennent de toutes les régions du Québec.

Et ça m'amène à vous poser une question quant à la régionalisation, parce que c'est un des objectifs importants du projet de loi de faire en sorte que, dans les régions, il y ait des greffes régionaux, que les dossiers soient traités en région, et que les juges, qui entendent ces causes, soient des juges qui ont résidence en région et non pas des juges qui circulent. Comme on le sait, depuis 1975, des juges se promènent au Québec, ce qui permet de rendre justice en région, mais par des juges de Québec et de Montréal, ce qui en insatisfait plusieurs.

Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quelle façon, parce que vous l'alléguez dans votre mémoire, la régionalisation peut régler en partie, à tout le moins, le problème de délai?

Mme Dufresne (Lucie): La régionalisation apporte deux solutions; la première, l'accessibilité, par la personne vivant en région, d'un tribunal qui est présent sur place et qui connaît sa réalité. C'est un des grands points forts. Et d'ailleurs on l'a vu avec la CLP, ça n'a pas produit, depuis l'implantation de la CLP en région, de problèmes vraiment graves et ça a permis une accessibilité qui a été appréciée par les gens. Et ça permet certainement, quand on communique avec les gens et qu'on est sur place, de connaître la réalité des avocats de province.

Moi-même, j'ai travaillé longtemps à Rivière-du-Loup. Je peux vous dire que, quand on se fait parachuter des dates d'audition de la part d'un tribunal qui est logé à Québec ou à Montréal, qui ne tient pas compte du fait que la Cour supérieure, par exemple, ne vient que le lundi ou le mardi chez nous, et qui fixe en même temps des auditions devant son tribunal le même jour, on est pris vraiment dans un dilemme parce que, dans certains cas, on attend ces auditions-là depuis fort longtemps, et le droit de nos clients nous importe autant, que ce soit en droit social ou dans les dossiers qu'on plaide en Cour supérieure. Et là on serait obligés de dire à l'un ou à l'autre groupe, alors qu'on a d'autres journées disponibles et qu'on pourrait être capables de traiter dans la même semaine ou dans le même mois l'ensemble de nos dossiers, on est obligés de faire un choix dans une des deux séries de clients, et, à ce moment-là, ça occasionne donc un problème qui pourrait facilement être réglé si la connaissance du milieu était présente. Alors, pour nous, c'est vraiment une décision qui est très favorable, la régionalisation.

n(12 h 10)n

M. Bellemare: Vous avez abordé également la question de la représentation. Votre présence ici est en lien avec le fait que vous représentez beaucoup de citoyens. Et Mme Lippel, Me Lippel, lors de sa présentation, mardi, nous a sensibilisés ? nous l'étions déjà, mais nous le sommes encore davantage ? au déséquilibre qui existe entre le citoyen et l'Administration. C'est un déséquilibre qui est assez évident. Et pour quiconque a déjà représenté un citoyen devant une instance administrative, ce n'est pas évident de se battre ou de plaider contre un organisme important qui possède tous les attributs et toutes les ressources pour faire valoir tous ses moyens. Il faut augmenter le taux de représentation ou, en tout cas, le favoriser, faire en sorte que les citoyens soient mieux conseillés, qu'ils puissent agir et faire valoir leurs moyens avec des conseillers ou, à tout le moins, qu'ils soient conseillés adéquatement avant de se présenter devant un juge administratif.

Et je sais que vous allez très certainement me dire qu'il faut augmenter les seuils d'admissibilité à l'aide juridique, je le sais déjà, mais au-delà de ça et dans une perspective plus globale où des citoyens, de toute façon, qui ne seraient pas admissibles à l'aide juridique, peu importent les seuils, gagneraient à être davantage représentés, avez-vous ? et je l'ai posée, la question, à plusieurs intervenants, et je vous avoue que je reste un peu sur mon appétit, tout le monde me dit: Oui, il faut les aider ? mais avez-vous des idées par rapport à l'amélioration de la représentation des citoyens devant les tribunaux?

M. Faribault (Paul): Je pense qu'il n'y a pas nécessairement de solution miracle par rapport à ça. Vous avez mentionné la question de la hausse des seuils; je pense que c'est évident qu'il y a une partie de la population qui était couverte par l'aide juridique et qui ne l'est plus maintenant, donc ça a réduit cette possibilité de représentation.

On voit actuellement le Barreau qui fait la promotion de l'assistance... de l'assurance juridique, je m'excuse, qui comporte une couverture en matière de représentation devant les tribunaux administratifs et qui, je pense, constitue une solution pour les gens qui ont un peu plus de moyens et qui dépassent les critères d'admissibilité, donc de s'offrir des services à un coût plus facile à rencontrer, en quelque sorte. Donc, il me semble que ça, c'est une voie qui est appelée à se développer également.

Vous avez fait référence à Mme Lippel... ou maître, je ne sais plus si elle est encore membre ou pas du Barreau, mais enfin, à ce que Katherine Lippel mentionnait, de la possibilité de créer un fonds d'aide, en quelque sorte, aux gens pour pouvoir se représenter. C'est une solution qui est intéressante; elle implique évidemment des coûts à ce niveau-là. Comment ça pourrait se financer? Est-ce qu'il y aurait une participation financière des bénéficiaires de ce service-là? Je pense que c'est quelque chose qui peut se regarder également. Et on aurait possiblement à ce moment-là des gens qui développeraient une expertise. Des dossiers d'accidents de travail ou d'assurance automobile demandent, en tous les cas, ou si on veut avoir la meilleure représentation possible, que les gens en fassent régulièrement parce que c'est un domaine qui n'est pas simple et facile, où n'importe qui... même un avocat ne peut pas s'improviser représentant à ce niveau-là et livrer nécessairement un travail de qualité. Alors, ça peut être une façon de spécialiser et d'offrir des ressources à coût abordable.

Le Président (M. Simard): Alors, M. le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: Merci, M. le Président. Alors, Mes Carrière, Dufresne et Faribault, merci de vos suggestions. Et je m'en voudrais de ne pas souligner évidemment la collaboration des membres du Comité en droit administratif, de votre Comité, qui assurent une excellente présence régionale et de qualité. Et, pour ne pas la nommer, une que je connais entre autres, Me Julie Henri, dont je connais les qualités professionnelles, j'imagine qu'elle a collaboré de façon active à ce que vous nous présentez aujourd'hui.

Je voudrais revenir sur la question de la présence régionale et vous demander un peu votre opinion sur... On a entendu hier plusieurs groupes, mais particulièrement... Dans le mémoire déposé par l'Association des juges administratifs du Tribunal administratif du Québec... Je vous cite un passage quant à la régionalisation. Il est mentionné: «L'Association émet des réserves quant à l'assignation continuelle d'un même membre dans une région donnée, pour entendre des affaires. D'une part, il faut éviter qu'un phénomène de complaisance ne s'installe au fil du temps à cause des rapports sociaux du membre du tribunal avec ses concitoyens immédiats; d'autre part, il faut éviter de créer des jurisprudences régionales qui feraient en sorte que les citoyens d'une région pourraient se croire moins bien traités que les citoyens de la région voisine.» Alors, évidemment, je ne vous demanderai pas si tous les membres de votre Comité en droit administratif ont cette crainte-là, c'est-à-dire de voir peut-être dans leur qualité de service des disparités, parce qu'ils sont en région. J'imagine la réponse. Mais, à vous, je vous demande: est-ce que vous partagez cette crainte-là émise par les représentants de l'Association des juges administratifs? Si vous avez une vision différente, j'aimerais l'entendre.

M. Faribault (Paul): Oui, je pense qu'on a une vision différente à cet égard-là. Ce qui se passe, c'est qu'on a l'expérience de la CLP qui est régionalisée effectivement, et je ne pense pas qu'on ait constaté nulle part au Québec le développement d'une jurisprudence régionale. Puis, quand on plaide, on va fouiller dans les banques de données et on utilise les décisions de partout à travers le Québec à cet égard-là.

La complaisance également, écoutez, ce n'est pas parce qu'on croiserait quelqu'un à l'épicerie que ça devient complaisant. Il y a des rôles à cet égard-là. Il y a des juges régionaux... Il y a des juges de la Cour du Québec, des juges de la Cour supérieure qui sont résidents et qu'on croise à l'occasion. Je ne pense pas qu'il n'y ait personne qui pense qu'il y ait ce copinage-là. Alors, je vois mal pourquoi il y avait cette crainte-là qui a été exprimée, et ça ne correspond pas à des réalités, à notre point de vue.

M. Gabias: Je vous remercie.

Le Président (M. Simard): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Je pense que ma question s'adresse à Me Dufresne. Enfin, ça me semble être dans la partie du rapport que vous avez rendue. Et c'est la première fois, de tous les rapports, que je vois cette notion-là qui est reliée à la nomination des juges du nouveau tribunal administratif, suivant la suggestion du projet de loi n° 35, suivant bonne conduite. Et j'aimerais que vous m'expliquiez davantage le passage que l'on retrouve au dernier paragraphe de la page 16 de votre mémoire. Vous semblez faire un lien ou enfin vous semblez faire un passage, je dirais, qui ressemble à une disposition transitoire entre les membres actuels, notamment, du Tribunal administratif du Québec et la nouvelle instance judiciaire, où vous suggérez une espèce d'attrition avant la nomination durant bonne conduite, si je comprends bien votre passage.

Je vous en fais la lecture. Vous indiquez, bon: «Compte tenu des dispositions qui exigent ou permettent la présence de membres non-juristes, il est compréhensible que l'on maintienne en poste les gens qui avaient été nommés pour siéger au TAQ.» Mais, par la suite, vous posez la... vous le faites sous forme de question: «Les besoins du tribunal justifieront-ils de les maintenir tous en poste durant bonne conduite ou devrait-on leur permettre de siéger jusqu'à l'expiration prévue de leur mandat et ne retenir alors que le nombre de personnes requises pour les besoins du tribunal?»

Je vais vous dire, c'est intéressant, parce que c'est la première fois que c'est soulevé de tous les mémoires qu'on a entendus, et vous le faites sous forme interrogative. Alors, est-ce que vous avez une opinion pour répondre à la question que vous posez vous-mêmes?

Mme Dufresne (Lucie): C'est une interrogation, parce qu'on a essayé de voir combien de membres non-juristes ça pouvait représenter, dans quelle section. Évidemment, on est, par rapport à la façon dont sont rédigés les articles 82 et suivants, dans une situation d'incertitude, parce qu'on ne sait pas quel est l'avenir exact de la composition des tribunaux, comment va être traité, par exemple, le besoin du quorum en soutien du revenu, en accident du travail, etc. Et ce qu'on croit comprendre de ce qui s'en vient dans la réforme administrative, c'est que, lorsque ce ne sera pas nécessaire de maintenir un non-juriste, ce sera un membre seul, un décideur juriste qui interviendra.

Alors, nous, entre autres en soutien du revenu, il y a une connaissance générale ou qui appartient aux juristes et possiblement aux gens qui sont spécialisés en travail social. Est-ce que ça va être reconnu, ce besoin du travailleur social accompagnant le décideur juriste pour les notions de vie maritale, pour les notions d'endettement, de fausses déclarations à l'aide sociale? Est-ce que ça va être maintenu ou ce ne sera pas maintenu? Or, face à ces problématiques-là, que ce soit en assurance auto, si on le détermine, est-ce que c'est un conjoint, est-ce que ce n'est pas un conjoint, une personne à charge, est-ce que c'est une personne qui était résidente, etc., enfin, c'est des questions qui ne sont pas purement médicales, est-ce qu'on va décider que c'est un décideur juriste uniquement? On est incapables de savoir qu'est-ce que ça représente en termes de nombre de dossiers, qu'est-ce que ça représente sur l'impact du tribunal.

n(12 h 20)n

Alors, ce qu'on se dit... Tout simplement, quand on a regardé ça, donc, d'une part, on ne savait pas combien il en restait ou combien il restait de temps à écouler aux mandats des gens qui étaient nommés et qu'est-ce que ça va amener comme changement. Ce qu'on se dit: pourquoi les transporter intégralement tous comme étant des membres nommés sous bonne conduite jusqu'à la retraite? Est-ce que c'est vraiment nécessaire? C'était le but de notre interrogation.

M. Moreau: Mais le projet de loi n° 35 ne modifie pas l'article 40 qui prévoit notamment le nombre de... bon, le nombre de médecins, de travailleurs sociaux, etc.

Mme Dufresne (Lucie): Oui, non.

M. Moreau: Mais ma question... Et je comprends bien, là, de votre réponse, l'interrogation que vous soulevez. Mais, néanmoins, la façon dont la question est posée, ça va plus loin que ça. Est-ce qu'on ne pourrait pas poser la question même à l'égard des membres juristes lorsque le projet de loi suggère la fusion des deux organismes que sont le Tribunal administratif du Québec et la CLP? C'est une hypothèse qui est dans le projet de loi. Est-ce que ce que vous suggérez là ne pourrait pas valoir à l'égard de tous les membres du tribunal et ce serait une clause crépusculaire ? peut-être que c'est une nouvelle façon de l'appeler ? où on verrait à l'épuisement des mandats des membres actuels avant nomination durant bonne conduite? C'est la question que je me suis posée en lisant votre texte.

M. Faribault (Paul): Peut-être pour compléter la réponse de Me Dufresne à cet égard-là, il faut... Cette phrase-là est en lien aussi avec la disposition transitoire de l'article 203 où, là, il nous semblait important de dire qu'on n'était pas d'accord avec le fait que les membres non-juristes puissent décider seuls des causes, parce que ce qu'on comprend de la réforme, c'est: on s'en va vers le décideur unique, sauf lorsqu'il y aura une nécessité ou une utilité de le faire, et ce décideur-là doit être juriste, à notre point de vue.

Alors, quand on regarde 203 et on dit: Tous les gens qui ne sont pas juristes ou tous les gens qui étaient là restent en poste et pourront décider seuls, notre inquiétude, c'est de se retrouver avec des gens qui ne sont pas juristes et qu'ils puissent décider seuls à perpétuité en quelque sorte. Alors, nous, le questionnement est de dire: est-ce qu'il faut tous les maintenir? Et, s'il ne faut pas tous les maintenir, qu'on respecte la durée non écoulée de leurs mandats puis, après ça, qu'on ajuste. C'est le sens de ça.

M. Moreau: Ça va. Je vous remercie.

Le Président (M. Simard): Oui. Ce qui veut dire que je ne sais pas si on les maintiendra tous, mais on vient de tous les inquiéter. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, je remercie la Commission des services juridiques pour leur mémoire très fouillé, là, sur différentes questions et de différents ordres aussi.

Ma question va porter sur deux points. La première sur la multidisciplinarité où, lors des auditions sur le projet de loi n° 4, plusieurs étaient venus témoigner sur le fait de faire disparaître cette multidisciplinarité qui pourrait avoir des conséquences même sur la spécialisation du tribunal, sur même le pouvoir de révision des cours supérieures de déterminer, là, quel est le seuil de protection des décisions finales et sans appel. Et, bon, plusieurs instances nous avaient dit: Maintenez-les aussi pour... dans le sens que le décideur spécialisé a souvent pour effet de protéger ou, du moins, d'aider la personne qui se retrouve seule devant le tribunal, donc d'avoir le bénéfice au moins d'un expert contre le gouvernement qui... ou l'instance plutôt qui, elle, a toujours son expert.

Dans votre mémoire, vous nous dites, par contre, cette fois-ci, qu'il s'agit d'un choix politique. Je vous avouerais que je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Mais vous dites aujourd'hui... Hier, plutôt, le ministre nous a fait l'ouverture suivante, par rapport à la multidisciplinarité, de modifier le projet de loi actuel, de proposer que finalement le principe demeure la spécialisation, donc les deux membres, mais de donner plus de pouvoirs finalement au juge en chef... au président du tribunal, plutôt, celui qui détermine ceux qui siègent, de façon à lui permettre, pour les causes où il n'est pas nécessaire qu'il y ait deux décideurs, de faire en sorte qu'il y en ait un seul finalement qui sera avocat ou notaire et... mais, par contre, de garder le principe. Finalement, de changer le mode, qui est celui de garder le critère de l'utilité pour un seul membre, de donner le pouvoir finalement au président du tribunal de déterminer un seul membre quand les cas... quand c'est utile. Est-ce que vous jugez que cette proposition, selon vous, est acceptable et intéressante?

Mme Dufresne (Lucie): Oui, mais nous aurions une recommandation supplémentaire, à ce moment-là, de connaître un peu le quorum par lois touchées, comme il existe dans la loi. Si on maintient ce qui existe dans la loi, on aimerait savoir aussi le quorum tel qu'il est déterminé par la loi. Ça, ça a été complètement abrogé dans le projet de loi, mais les maintiens des quorums, le quorum en soutien du revenu, le quorum en Régie des rentes... Mais, de fait, ça pourrait être une solution intéressante.

M. Bédard: Parfait. Vous avez émis certains commentaires au niveau... ou le groupe avant... plusieurs, plutôt, ici ont parlé de toute la question relative au statut des membres du tribunal, au fait qu'ils soient maintenant, si le projet de loi est adopté tel quel, nommés selon bonne conduite, ce qui est, je pense, quelque chose d'intéressant. Par contre, d'autres sont venus quand même nous faire part de leur appréhension par rapport au processus de nomination.

Comme les gens, maintenant, vont être nommés selon bonne conduite, comme c'est le cas d'ailleurs pour les juges, est-ce que vous pensez qu'il est important d'avoir un processus de nomination beaucoup plus serré, beaucoup plus encadré? Et même est-ce que vous pensez ? allons plus loin... est-ce qu'il devrait, à la limite, être lui-même séparé, je vous dirais, ou qu'il y ait... étanche vis-à-vis le pouvoir politique ou, du moins, vis-à-vis l'Exécutif?

M. Faribault (Paul): Bien, écoutez, je pense que ce qui est clair, c'est que l'ensemble des justiciables et des gens qui sont en conflit avec l'État... Parce que, fondamentalement, ce tribunal-là règle des conflits entre le citoyen et l'État. Alors, il est essentiel, je pense ? et tout le monde va convenir de ça ? que le processus de nomination soit effectivement... ait un caractère d'impartialité et de neutralité et que le critère que l'on recherche, c'est celui de la compétence.

Dans ce sens-là, il y a eu des changements importants au niveau du mode de nomination des juges de la Cour du Québec au cours des dernières années, et je pense que l'ensemble des intervenants du milieu judiciaire ont constaté que le processus était beaucoup moins critiqué maintenant qu'il l'était à l'époque où il n'y avait pas ces comités de sélection là. Alors, il me semble que, si on s'en va vers des juges administratifs qu'on veut nommer de façon permanente, avec la même protection et la même indépendance que les juges judiciaires, le processus devrait ressembler à celui-là, mais avec, je dirais, une coloration que l'on recherche chez les gens, une sensibilité à ce que c'est que la justice administrative, la représentation des citoyens, la réalité de l'Administration et de l'administré vis-à-vis cette machine-là. Il me semble que c'est des critères ou des qualités qu'on devrait rechercher dans les expériences passées des gens et prioriser en quelque sorte des gens qui ont cette sensibilité-là.

M. Bédard: Parfait. Dernière question. Vos plaideurs se retrouvent souvent devant... la CLP plutôt, j'imagine, il y en a plusieurs. Quel avantage voyez-vous au paritarisme?

Mme Dufresne (Lucie): Nous avons réfléchi mais pas de façon fondamentale au paritarisme, parce que nous représentons les gens qui ne sont pas syndiqués, alors qui ne sont pas à même ou à la base de la...

M. Bédard: Mais c'est cette vision-là que je veux aussi.

Mme Dufresne (Lucie): ...qui ne sont pas à la base de la mise en place du paritarisme. Le paritarisme nous semble entraîner deux problèmes: un problème de coûts et un problème de délai, ne serait-ce que pour coordonner l'ensemble de toutes les personnes qui sont membres du tribunal par le type du paritarisme.

J'ai écouté avec attention le Protecteur du citoyen et Me Paquet qui vantaient, là, les bienfaits du paritarisme. Il va de soi qu'en dehors, pour une personne non représentée, il peut peut-être être favorable d'avoir quelqu'un qui a une sensibilité au niveau du regard du travailleur. Ça peut être un avantage. Mais en ce qui nous concerne, nous, on n'a pas vraiment évalué l'impact ou l'avantage du paritarisme et on s'est beaucoup questionnés sur les désavantages du paritarisme.

M. Bédard: Merci. Il y a mon collègue...

M. Côté: Merci, M. le Président. J'aurais simplement une petite question. D'abord, bienvenue à cette commission. Bravo pour votre travail. Moi, je voudrais surtout soulever le fait que vous travaillez auprès des plus démunis de la société, des gens qui en ont le plus besoin, et je pense que ce que vous faites, là, ça vaut la peine d'être souligné.

n(12 h 30)n

Vous parlez, dans votre mémoire, à la page 22, du remboursement des coûts d'expertise. Vous dites que, bon, vous voudriez que ce remboursement-là soit étendu à tout le monde, au même titre que les gens qui bénéficient de la Société de l'assurance automobile du Québec. Mais est-ce que vous avez pensé à la façon dont cela pourrait se faire, soit par la création d'un fonds, ou ce serait exactement comme ça se fait à l'assurance automobile du Québec, ou...

Mme Dufresne (Lucie): En fait, non, on n'a pas pensé à la façon dont ça se faisait... À l'assurance... la Société d'assurance automobile, c'est la Société d'assurance automobile qui rembourse les coûts lorsque la personne a vu sa décision modifiée. Alors, ça pourrait être effectivement l'organisme comme la Régie des rentes, ou la CSST, ou le ministère d'Emploi et Solidarité sociale. Parce que, dans le fond, beaucoup de gens sont obligés de prendre des moyens, les moyens de preuve, telles des expertises, pour faire valoir leurs droits devant le Tribunal administratif du Québec, que ce soit en accident du travail, mais c'est aussi vrai en Régie des rentes, et c'est aussi au niveau du soutien du revenu pour les contraintes sévères à l'emploi.

Dans la plupart de ces organismes, il y a des mises en place qui font qu'il y a beaucoup de rapports d'expertises qui sont produits par les organismes. Entre autres, la Société d'assurance automobile, elle est familière de la production d'un, ou de deux, ou de trois rapports sans poser de questions, et ça amène parfois un débat extrêmement coûteux pour le citoyen. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que ce débat coûteux pour le citoyen se situe à tous les niveaux quand la personne demande le droit à une indemnisation, et donc ça devrait amener la même réponse. Mais, sur la méthode utilisée, non, on n'a pas...

M. Côté: Et est-ce qu'il y a déjà eu une évaluation des coûts que cela pourrait entraîner? Non?

Mme Dufresne (Lucie): Pas à ma connaissance, là.

M. Côté: Merci.

Le Président (M. Simard): M. le ministre, vous vouliez poser une dernière question?

M. Bellemare: Oui, concernant le paritarisme. Je comprends que vous représentez des gens non syndiqués, en tout cas majoritairement très certainement, mais vous plaidez devant la section des lésions professionnelles. Vous représentez des travailleurs. Et on nous a sensibilisés à certains inconvénients du paritarisme jusqu'à maintenant: l'inutilité pour plusieurs, et les coûts également, et les lenteurs bien sûr.

Mais il y a aussi un élément qu'on a souvent entendu, un argument qu'on a souvent entendu dans les différents écrits qui ont été faits sur le sujet, concernant la double légitimité. Ce que ça veut dire, c'est que vous êtes avocat, vous représentez un citoyen qui se présente devant la CLP avec des membres paritaires, donc vous représentez légitimement cet individu et vous le faites en vertu de la Charte qui prévoit qu'il a droit de choisir son représentant, et il le fait.

Sur le banc se retrouvent un commissaire, un représentant patronal et un représentant syndical dont la mission est à peu près évidente, de représenter les intérêts du travailleur. Et il se produit en cours d'enquête évidemment que ce représentant syndical qui, lui, est investi également de la légitimité de représentation jusqu'à un certain point, même s'il n'a pas été désigné ni choisi par le travailleur, et il pose des questions et il argumente au niveau du délibéré, à l'insu du plaideur et de la partie. Et, dans certains cas, on a vu des représentants syndicaux, de bonne foi bien sûr, poser les questions, s'intéresser à des aspects du dossier qui n'avaient pas nécessairement été planifiés par le plaideur et bousiller même, dans certains cas, la stratégie. Et je vous le suggère, mais vous n'êtes pas obligés d'être d'accord avec moi là-dessus, mais est-ce que, au plan de la double légitimité, vous avez une opinion?

M. Faribault (Paul): Bien, Me Dufresne vous a dit qu'on en a discuté et il n'y a pas eu, au niveau du comité, des partisans enthousiastes du paritarisme. Dans l'ensemble, je pense que l'apport des gens au niveau de l'expérience qu'on en a, l'apport de ces représentants-là ne nous apparaît pas très intéressant, et on se disait... On voit dans le projet de loi que les gens peuvent demander la présence de ces gens-là, et, autour de la table où il y avait 12 praticiens, la conclusion, c'était: je ne pense pas qu'il y ait grand monde qui le demande. C'est une façon de répondre à votre question, mais il y a une... puis c'est un peu la perception pratique qu'on en a, là.

M. Bellemare: Alors, l'aspect facultatif évidemment ou optionnel du paritarisme qu'on prévoit dans le projet de loi, nous, on l'a réduit aux causes relatives à l'admissibilité initiale, la première lésion professionnelle: y a-t-il eu un accident? y a-t-il une relation avec la lésion? Sur option.

Peu importe ce qu'il adviendra du paritarisme dans la version finale du projet de loi, toutes les hypothèses sont en place. On les regarde toutes. Et il y a une option, il y a une possibilité qu'on s'oriente vers l'option, c'est-à-dire permettre aux justiciables d'opter pour le paritarisme, peu importent les juridictions et les matières qui seraient abordées, mais d'opter.

Parce que, en permettant d'opter, on élimine aussi un problème constitutionnel potentiel relatif à l'indépendance de la CLP. Parce qu'il y a des membres syndicaux et patronaux qui siègent sur un banc. Bon. Alors, le propre d'un tribunal, c'est de ne pas être préjugé, et là on se retrouve avec un banc où il y a deux personnes qui le sont déjà, et il y a des problèmes potentiels au plan constitutionnel. Alors, en permettant d'opter, bien là il y a comme une renonciation à invoquer ce type de question là. Mais l'option, fondamentalement, vous trouvez que c'est une bonne avenue?

M. Faribault (Paul): C'est une solution qui permet de concilier la culture et l'histoire avec la réalité, et, si les gens y tiennent, ils le demanderont. Et, dans ce sens-là, c'est une option qui est intéressante.

Maintenant, au niveau de l'aspect de l'indépendance, personnellement en tout cas, je ne suis pas porté à croire qu'il s'agit... le fait que les gens soient issus d'associations patronales et syndicales en soi comme étant une atteinte à l'indépendance, dans la mesure où ils sont là tous les deux puis ils donnent leur avis au bout de ligne. Et l'expérience qu'on a, en tout cas au niveau pratique, c'est que les représentants patronaux ne sont pas toujours pour l'employeur et les représentants syndicaux ne sont pas toujours pour le travailleur, quelle que soit la preuve. Dans la grande majorité des décisions, il y a un accord, et des deux représentants, avec la conclusion à laquelle en arrive le commissaire.

M. Bellemare: Merci.

Le Président (M. Simard): Alors, nous allons terminer nos travaux là-dessus. Je veux remercier les membres qui représentent aujourd'hui la Commission des services juridiques et ajourner nos travaux au mardi 20 janvier, à 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 12 h 37)


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