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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le mercredi 30 mars 2011 - Vol. 42 N° 5

Étude détaillée du projet de loi n° 94 - Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures vingt-six minutes)

La Présidente (Mme Vallée): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demanderais à toutes les personnes d'éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Alors, le mandat de la commission est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Alors, bon matin à tous. Bon matin, chers collègues.

Et, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, M. Matte (Portneuf) est remplacé par Mme Rotiroti (Jeanne-Mance--Viger); Mme Beaudoin (Mirabel) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); M. Drainville (Marie-Victorin) est remplacé par M. Charette (Deux-Montagnes); et Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Kotto (Bourget).

Étude détaillée (suite)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, bienvenue aux collègues qui sont de nouveaux arrivés. Mme la députée, bienvenue, et heureuse de vous retrouver. Alors, lors de l'ajournement de nos travaux, hier, on était en train d'étudier l'amendement qui avait été présenté par Mme la députée de Rosemont, qui proposait d'ajouter, à la dernière ligne du premier alinéa de l'article 1 amendé, les mots «, cet organisme municipal» par les mots «par cette Administration gouvernementale».

Alors, M. le député de Bourget avait conclu nos travaux par une intervention. Et je crois que Mme la ministre souhaitait répondre à l'intervention du député de Bourget, je ne sais pas s'il en est toujours le cas ce matin. Et, tout simplement pour rappeler, chers collègues, il restait du temps sur l'amendement. Alors, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve avait un deux minutes; le député de Deux-Montagnes, un cinq minutes; Mme la députée de Rosemont, malheureusement, votre temps était écoulé; et, M. le député de Bourget, il vous restait 10 minutes à votre intervention.

Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Merci, Mme la Présidente. Très, très rapidement, juste pour dire qu'en tant que ministre qui pilote ce dossier depuis un certain temps -- et c'est plus d'un an, évidemment, que je pilote ce dossier -- je le dis très, très sincèrement, avec intention, volonté, je crois très fermement que c'est un projet de loi important, oui, circonscrit, mais qui, pour la première fois, vient amener des balises et encadrer les demandes d'accommodement raisonnable. Ça a été soulevé, d'ailleurs, par un éditorial, ce matin, du Devoir qui dit que c'est bien la première fois. Le Conseil du statut de la femme l'a soulevé aussi. Donc, je veux, tout simplement, dire que, pour le gouvernement et pour moi qui pilote ce dossier, c'est un projet de loi très, très important qui va amener clarté et des limites aux demandes d'accommodement dans l'appareil gouvernemental. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement proposé par Mme la députée de Rosemont? M. le député de Bourget, pour 10 minutes.

**(11 h 30)**

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Bonjour officiellement à tous les collègues de part et d'autre. Projet de loi important, certes, mais cette importance, pour ma part, se limite à l'idée même et donc, par extension, à sa forme. Mais, quand on se réfère au fond, force est de constater, par sa circoncision, que ce projet de loi est très anémique quant à son champ opérationnel si adopté en l'état.

Le choix que fait le gouvernement d'exclure le volet municipal, et notamment les organismes municipaux, nous ne le comprenons pas parce que c'est là exactement le théâtre le plus important des interactions entre les citoyens, c'est là l'incubateur de tout ce qui pourrait dégénérer un jour ou l'autre s'il n'y a pas de règles claires, s'il n'y a pas de balises claires pour délimiter le champ du religieux versus le champ du politique. Donc, il est très difficile pour nous d'expliquer pourquoi le gouvernement fait ce choix, comme vient de l'exprimer Mme la ministre, de ne pas assujettir et les municipalités et les organismes municipaux.

Notre amendement ne vise donc pas à obliger, mon collègue de Deux-Montagnes l'a déjà dit, il ne vise pas à obliger les organismes municipaux, mais à les protéger, à leur donner les moyens de se donner certaines balises. Et ce ne sont pas les citoyens qui seront mécontents de cela, ce n'est pas la majorité de ce qu'il est convenu d'appeler la communauté juive qui sera mécontente de cela, ce n'est pas la majorité de ce qu'il est convenu d'appeler la communauté arabo-musulmane qui sera mécontente de cela, ce n'est pas la majorité de ce qu'il est convenu d'appeler la communauté chrétienne qui sera mécontente de cela. Au contraire, je pense que, par ce choix, le gouvernement recule face à des groupuscules qu'il a probablement peur de confronter. Pourquoi? Ça, je ne voudrais pas m'aventurer sur les raisons sous-tendues. Cela dit, bien que nous considérions que ce projet de loi est très incomplet, il est déplorable que le gouvernement ait sciemment choisi de ne pas intégrer ces volets municipaux, les laissant à l'abandon sans leur donner les moyens de pouvoir établir leurs propres modalités d'application de ces balises.

Et je rappelle aussi que, pour le Barreau, «la lecture combinée des articles 2 et 3 du projet de loi révèle une volonté de lui donner une très vaste portée quant à son champ d'application. Dans la mesure où cette énumération extensive des institutions et établissements assujettis à la loi a pour effet de consacrer clairement le principe que l'obligation d'accommodement raisonnable s'impose à l'État dans toutes ses ramifications, le Barreau se réjouit de cette intervention.» Toutefois, sur le plan de la cohérence législative, il est cependant difficile d'expliquer pourquoi les municipalités et les organismes municipaux, pourtant souvent assimilés à une extension du gouvernement, ne seraient pas visés par le projet de loi, alors que des organismes infiniment plus décentralisés tels que les garderies en milieu familial, notamment, garderies exploitées par des travailleurs et travailleuses autonomes où on retrouve également une forte représentation de la diversité culturelle québécoise, y seront paradoxalement assujettis.

Je rappelle aussi que, pour le Mouvement laïque québécois, les municipalités et leurs extensions, des organismes en l'occurrence... déplore le fait que ces entités soient exclues, car, face à l'administration publique, les citoyens seraient... C'est la lecture qu'ils font, et elle est fondée, elle a du sens, les citoyens seront désormais confrontés à trois régimes juridiques en matière de libertés religieuses. Ils seront confrontés, d'une part, à la Charte canadienne pour l'administration fédérale. Si adoptée en l'État, ils seront confrontés à la loi n° 94 pour l'administration provinciale. Et ils seront confrontés à la charte québécoise pour l'administration municipale. Pour des citoyens qui, Mme la Présidente, depuis bientôt quatre ans -- et je me réfère à la commission Taylor-Bouchard depuis le dépôt de son rapport -- s'attendaient à une réponse beaucoup plus complète, je pense qu'il y aura lieu de s'attendre à énormément de frustration, je pense qu'il y aura lieu de s'attendre à beaucoup de critiques. Et l'une des critiques de ce projet de loi est arrivée avant-hier avec l'avis du Conseil du statut de la femme, c'est une brique assez impressionnante qui nous éclaire sur sa lecture de ce projet de loi et de ses limites et qui nous met en garde de la perspective de l'égalité hommes-femmes, notamment.

C'est un instrument pédagogique que j'invite la population qui nous regarde, nos concitoyens et concitoyennes, à lire attentivement. Il y a un lien sur Internet. En tapant, en googlant «Conseil du statut de la femme affirmer la laïcité», il est inévitable de passer à côté. Et ça vaut la peine de le lire, il est assez instructif. Il est juste dommage que nous n'ayons pas -- du moins, je parle en référence au parti ministériel -- acquiescé de suspendre nos travaux d'analyse d'article par article pour réinviter les représentants de ce conseil, qui sont, je le rappelle encore une fois, nommés à 100 % par le gouvernement du Québec, et qui sont financés à 100 % par ce même gouvernement, et qui ont mandat de conseiller le gouvernement, l'État, donc, par extension, et la nation, sur ces questions délicates. C'est un éclairage intelligent qu'ils nous apportent, et je déplore, pour ma part, que nous n'ayons pas fait une pause de sagesse pour les entendre. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Bourget. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement? M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, Mme la Présidente. En guise de conclusion aux propos que j'ai pu tenir hier et en guise de continuité aussi aux propos de mon collègue qui faisaient suite à l'intervention de Mme la ministre, elle a effectivement insisté sur le fait que, pour le gouvernement, il s'agit d'un projet de loi important, et je ne peux que me rappeler la conférence de presse de l'année dernière, printemps dernier, d'ailleurs sensiblement à pareille date, où le gouvernement avait fait grand cas de ses intentions en matière de législation au niveau de la laïcité, notamment. Cependant, la déception nous est arrivée très rapidement. Cette déception, elle a été partagée par une majorité de groupes entendus. Donc, je comprends que, pour le gouvernement, ce projet de loi soit important, mais c'est aussi de notre ressort et de notre devoir que de tenter de le bonifier. Il sera toujours insuffisant à nos yeux, parce qu'on ne mentionne pas et on ne confirme pas, notamment, la rédaction et l'adoption d'un livre blanc sur la laïcité, on ne confirme pas l'adoption d'une charte de la laïcité.

**(11 h 40)**

Mais, dans l'intervalle, en attendant que ces éléments-là se concrétisent, c'est notre devoir de tenter de bonifier, d'améliorer ce projet de loi. Et, pour nous, l'exclusion du milieu municipal du projet de loi est tout à fait inconséquente, elle ne se justifie pas au regard de l'importance de ce palier de gouvernement. Le gouvernement peut dire que ce n'est pas de son ressort, mais c'est à nous de rappeler qu'il est, oui, du premier ressort du gouvernement, étant donné que les municipalités sont une création, ni plus ni moins, du gouvernement québécois. Et ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve et moi-même, hier, avons fait une longue énumération de dossiers qui, au cours des dernières années, ont fait les manchettes, ont fait l'actualité, des dossiers de demandes d'accommodement raisonnable dans différentes municipalités, de tout acabit, mais qui concernaient directement les autorités municipales, concernaient, donc, des citoyens qui s'adressaient aux municipalités pour régler tel ou tel litige, et, dans certains cas... Et je n'ai aucune envie de refaire la nomenclature des cas répertoriés hier, mais, dans plusieurs cas, on parle de causes qui ont été, oui, amenées devant les tribunaux, mais dont les jugements ont été, dans un premier temps, portés en appel. Bref, une succession d'appels qui, dans certains cas, se sont rendus devant les plus hautes instances judiciaires et des procès qui se sont étalés, surtout, sur une très, très, très longue période de temps.

Hier, on a évoqué des cas particuliers dont 12 années se sont écoulées entre le dépôt de la requête et le dernier jugement. 12 ans, pour une municipalité, on peut aisément deviner quel est l'impact en termes d'énergie, en termes d'effectifs, en termes de ressources humaines, mais également en termes de ressources financières, et c'est 12 ans d'incertitude, 12 ans qui permettent à d'autres municipalités de nager dans un flou, qui permettent aussi... ou qui laissent à ces municipalités le doute, leur empêchant de trancher sur des demandes semblables qui peuvent parvenir de leurs propres concitoyens, concitoyennes. Bref, les municipalités n'ont pas ces moyens, et, pour nous, on ne veut pas les encarcaner dans quelque législation lourde que ce soit, mais bien les aider à répondre à ces différentes demandes qui peuvent leur parvenir. Moi, je reconnais quelques collègues de la partie ministérielle qui étaient aussi présentes au moment des consultations sur le regretté projet de loi n° 16, à l'occasion de ces consultations qui se sont tenues à l'automne 2009, si ma mémoire est exacte, et les récriminations qui nous parvenaient de façon constante étaient semblables. C'est-à-dire, on déplorait le fait que le gouvernement ne prenne pas ses responsabilités pour établir des balises précises, ce qui fait que chaque organisation, ultimement, avait à développer sans expertise particulière, mais avait à développer une politique qui lui était propre, et, bref, ce travail-là devait être fait par chacune des organisations plutôt que de demander au gouvernement de tracer les balises qui pourraient s'appliquer à toutes et à tous, notamment au milieu municipal. Donc, cette même absence de l'époque, malheureusement, se reproduit dans l'actuel projet de loi, et on espère qu'à travers l'amendement proposé on puisse pallier à cette lacune.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Votre temps est, malheureusement, écoulé. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur le projet d'amendement de Mme la députée de Rosemont? Et, à défaut d'autres interventions, je vous propose de passer tout de suite au vote.

Une voix: ...vote nominal.

La Présidente (Mme Vallée): Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Pour.

La Secrétaire: M. Charette (Deux-Montagnes)?

M. Charette: Pour.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Pour.

La Secrétaire: Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: Mme Rotiroti (Jeanne-Mance-- Viger)?

Mme Rotiroti: Contre.

La Secrétaire: M. Sklavounos (Laurier-Dorion)?

M. Sklavounos: Contre.

La Secrétaire: M. Ouimet (Marquette)?

M. Ouimet: Contre.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention.

La Secrétaire: 3 pour, 6 contre, 1 abstention.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, de retour au paragraphe un de l'article premier. Est-ce qu'il y a un intervenant? M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Oui, effectivement. Avec un amendement qui serait proposé, toujours en vertu de l'article 1. Donc, il suffirait de modifier par l'ajout, après le premier alinéa, de l'alinéa suivant, donc création d'un nouvel alinéa en bonne et due forme, donc: «Les organismes municipaux sont également visés par la présente loi.»

La Présidente (Mme Vallée): À ce moment-là, vu que votre amendement vise l'ajout d'un autre alinéa et compte tenu que notre étude se fait alinéa par alinéa, je proposerais la mise aux voix du premier alinéa tel qu'amendé, et, par la suite, nous reviendrons à votre proposition. Qu'en pensez-vous? Ça vous va?

M. Charette: On y va avec ça.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons mettre aux voix l'alinéa un tel qu'amendé. Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Oui. Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?

Mme Weil: Pour.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Pour.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue)?

M. Bernard: Pour.

La Secrétaire: Mme Rotiroti (Jeanne-Mance-- Viger)?

Mme Rotiroti: Pour.

La Secrétaire: M. Sklavounos (Laurier-Dorion)?

M. Sklavounos: Pour.

La Secrétaire: M. Ouimet (Marquette)?

M. Ouimet: Pour.

La Secrétaire: Mme Beaudoin (Rosemont)?

Mme Beaudoin (Rosemont): Contre.

La Secrétaire: M. Charette (Deux-Montagnes)?

M. Charette: Contre.

La Secrétaire: M. Kotto (Bourget)?

M. Kotto: Contre.

La Secrétaire: Mme Vallée (Gatineau)?

La Présidente (Mme Vallée): Abstention.

La Secrétaire: 6 pour, 3 contre, 1 abstention.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, un premier pas de franchi. Nous allons procéder à l'étude du deuxième alinéa.

M. Charette: Effectivement, en fait, ce serait... Je répète ce que j'ai mentionné il y a quelques instants, on demande et on propose, en fait, qu'un nouvel alinéa soit adopté. Et je vous en fais la lecture: «Que les organismes municipaux soient également visés par la présente loi.»

La Présidente (Mme Vallée): Alors, je propose que nous suspendions, le temps que vous passiez à la distribution de votre amendement.

(Suspension de la séance à 11 h 47)

 

(Reprise à 11 h 49)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, je pense que les copies de la proposition d'amendement de notre collègue de Deux-Montagnes ont été distribuées. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Oui...

M. Auclair: ...

La Présidente (Mme Vallée): Ah! M. le député Vimont, question de règlement?

**(11 h 50)**

M. Auclair: J'aimerais vous entendre clairement sur la validité, la recevabilité de cet amendement-là parce qu'on vient de faire le débat sur tout ce qui pouvait toucher les organismes municipaux. Et là, à ce moment-ci, ça fait déjà deux amendements qu'on rejette, et j'aimerais juste voir sur la validité, la pertinence même de refaire à nouveau ce débat sur les... comme c'est mentionné, «les organismes municipaux sont également visés par la présente loi», puisqu'on a déjà fait les débats sur les amendements, qui ont été battus. Et, à ce moment-là, moi, j'aimerais voir votre... et voir votre décision sur la recevabilité.

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce que vous soulevez, de fait, l'irrecevabilité de l'amendement, M. le député de Vimont?

M. Auclair: Tout à fait. Tout à fait, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Avant de me prononcer sur la décision, j'aimerais, M. le député de Deux-Montagnes, vous entendre sur la distinction. Vous avez entendu les remarques de notre collègue de Vimont, et, effectivement, il y a eu deux amendements dans le premier paragraphe qui visaient les administrations gouvernementales, donc peut-être vous entendre sur la distinction.

M. Charette: Bien, effectivement, c'est notre troisième amendement visant le milieu municipal, mais je rappellerai à mon collègue de Vimont qu'hier on a hésité notamment avec les virgules. Donc, c'était dans le premier alinéa, en termes de concordance il y a eu une petite hésitation. Donc, c'est très, très différent. En créant un nouvel alinéa, la confusion qui a pu être créée hier avec les problèmes de concordance, elle est évacuée du coup. Donc, c'est dit plus clairement. Et, malheureusement, à travers les explications de la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, on n'a pas eu d'explications suffisantes. Elle nous disait qu'elle se réservait le giron du gouvernement du Québec comme champ d'action. Or, les municipalités font partie de ce même giron, les municipalités étant justement des créations du gouvernement du Québec. Bref, non, c'est différent. Oui, des arguments qui peuvent être semblables, mais on pense qu'en créant un alinéa distinct on évitera la confusion qui a eu cours hier au niveau, là, de l'emplacement de telle ou telle virgule. Bref, c'est un souci de précision de notre part.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Alors, compte tenu que les amendements présentés hier et au courant de la journée visaient des éléments vraiment particuliers, c'est-à-dire les services offerts par une administration à un citoyen et les accommodements accordés en faveur d'un membre du personnel d'une administration, donc qui sont deux éléments distincts, je concède que la glace est mince, et on devra porter une attention... évidemment, s'assurer de ne pas représenter des amendements qui visent un sujet qui a déjà fait l'objet d'une décision de notre commission. La glace est mince, mais, compte tenu de la subtilité et compte tenu de vos représentations, M. le député de Deux-Montagnes, à l'effet que ça vise vraiment à assujettir l'ensemble de la loi, alors on comprend que l'objectif de votre amendement, c'est d'assujettir clairement l'ensemble de la loi aux administrations municipales, donc ce qui est distinct des amendements qui ont été battus hier, je suggère que nous procédions à l'analyse de votre amendement. M. le député de Vimont.

M. Auclair: Mme la Présidente, je comprends très bien qu'en vertu de nos règles parlementaires, et surtout sur les articles 198 et suivants de notre code, que généralement, oui, on donne toujours plus de place au niveau des interventions et des amendements présentés par nos collègues de l'opposition. Cependant, vous l'avez bien dit, la glace, elle est mince, et, moi, je veux juste faire un commentaire au niveau que les citoyens qui écoutent pourront juger, justement de voir qu'elle n'est pas si mince que ça. C'est qu'il y a des traditions dans notre parlementarisme, et c'est de là la seule raison que je peux voir pourquoi vous pouvez accorder et recevoir cet amendement-là. Donc, moi, je suis certain que les citoyens qui écoutent vont réaliser que ce n'est qu'un retour aux commentaires de mes collègues. Avec tout respect pour leur opinion, je pense qu'on va revenir à ça, de toute façon, pendant les heures et les heures qui vont suivre.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Vimont. Alors, M. le député de Deux-Montagnes, sur votre proposition d'amendement.

M. Charette: C'est bien gentil et...

La Présidente (Mme Vallée): Et, évidemment, simplement rappeler aux collègues que l'objectif de nos interventions vise effectivement l'amendement, et j'invite les collègues des deux côtés de cette Chambre à s'en tenir à des remarques qui visent l'amendement.

M. Charette: C'est bien gentil. Merci, Mme la Présidente, pour, d'une part, cet avertissement, mais également pour la compréhension de l'amendement que nous souhaitons défendre maintenant. Donc, oui, glace mince, mais sujet qui, lui, demeure de la toute, toute première importance. On l'a mentionné à plusieurs reprises hier en le mettant de façon distincte, on espère pouvoir illustrer l'importance de ce milieu qu'est le monde municipal à travers ses différentes facettes. On n'a pas pu, de notre côté, retenir l'explication, somme toute, très sommaire de la part de la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. À travers toutes les demandes d'explication qui sont parvenues de notre part au cours des dernières heures -- et je fais référence à la journée d'hier, mais, sinon, également des intervenants entendus au cours des dernières semaines, des derniers mois -- cette explication demeure absente. On ne peut pas se convaincre de la non-responsabilité du gouvernement du Québec lorsqu'il est question du milieu municipal. Et le milieu municipal, c'est un monde, en soi, qui est excessivement large. On parle, naturellement, des municipalités, mais on fait référence également à toutes les organisations qui en découlent.

Hier, à travers une explication que je croyais claire, certains de mes collègues ont pu justement référer à un certain nombre de cas qui ont fait les manchettes, qui ont fait l'actualité, qui peuvent toucher, dans certains cas, la municipalité comme entité, mais également la municipalité à travers un de ses mandataires ou un de ses dépendants. Et j'ai quelques cas qui n'ont pas été cités hier et qui me reviennent à l'esprit à travers, notamment, toute la notion de logement. On sait très bien le rôle qu'ont à jouer les municipalités, par exemple, à travers les différents offices municipaux d'habitation et on a vu à travers les médias, ces dernières semaines, ces derniers mois, des cas où, dans des situations de colocation... Et, dans certains cas, on était littéralement à travers le champ d'action des OMH, on voyait des gens qui, bon, cherchaient à combler des places vacantes en appartement à travers de la colocation, et autres, et on spécifiait carrément dans les petites annonces le profil du colocataire recherché, on précisait que ce dernier se devait d'être soit de telle ou telle confession religieuse, on précisait que ce dernier se devait de respecter tel ou tel précepte d'une quelconque loi religieuse. Donc, les offices municipaux d'habitation relèvent en droite ligne des municipalités, et c'est donc dire... ce n'est pas extrapoler, ce n'est pas qu'inventer que de dire que les municipalités, dans leur quotidien, peuvent être touchées par des demandes d'accommodement religieux.

Au niveau des différents services de police, qui sont encore très nombreux à relever des municipalités au Québec, les cas de figure ont aussi été en grand nombre au cours des dernières années. On parlait de petites municipalités hier qui n'étaient pas touchées par... ou moindrement touchées par les demandes d'accommodement religieux, mais on parle de très grosses municipalités aussi qui doivent composer dans leur quotidien avec ce type de demande, la plus grosse municipalité au Québec étant, naturellement, la ville de Montréal.

On a relaté à plusieurs reprises hier des cas précis qui n'ont pas été inventés par l'opposition officielle, qui n'ont pas été inventés par les organisations qui se sont présentées devant nous, mais qui ont été relatés par le service même de police de la ville de Montréal, au point où des politiques internes ont été rédigées pour orienter le travail de leurs policiers. Ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a relaté une expérience qui, effectivement, avait fait grand bruit dans les médias, c'est-à-dire cette note interne publiée à l'intention des policières et policiers de Montréal qui disait: Bon, si vous vous adressez à tel membre d'une communauté et à des hommes en particulier... On demandait, ni plus ni moins, aux policières, donc, de laisser leurs collègues masculins le soin d'interagir avec les membres de cette communauté. Donc, dire que ça ne touche pas les municipalités ou toutes les municipalités, c'est une chose qui est fausse. Mais toutes les municipalités, qu'elles soient petites ou plus importantes, sont appelées à interagir avec ces réalités-là toujours plus présentes dans notre société.

**(12 heures)**

On a évoqué aussi hier le cas de Boisbriand, qui est tout juste à côté de ma circonscription de Deux-Montagnes. Et là on fait référence spécifiquement à tout ce qui est notion d'aménagement du territoire ou, sinon, l'urbanisme des municipalités, donc, oui, les municipalités, d'une part, mais également territoire des MRC également, donc également le milieu municipal, et, là aussi, les demandes peuvent prendre différentes formes au fil des différentes expériences qui sont communiquées.

L'exemple de Boisbriand n'est pas anodin. On a un schéma d'aménagement, on a un plan d'urbanisme qui permet, par exemple, l'installation de tel ou tel type d'entreprises, on peut même considérer une zone agricole, notamment. Donc, une entreprise a tous, tous, tous les droits de développer une industrie, qu'elle soit porcine ou, sinon, scientifique, et on a un groupe de citoyens avoisinant ce terrain, ce territoire-là qui, pour des raisons politiques... non, pas politiques -- bien, quoique, dans certains cas, c'est, ni plus ni moins, un combat politique qu'ils mènent -- mais, pour des raisons religieuses, disent: Non, nous, dans notre cas, on ne peut pas être à proximité de porcs, de cochons, donc, alors que le schéma d'aménagement, le plan d'urbanisme de la municipalité le permet d'emblée. Donc, tous ces éléments sont du domaine municipal, et, en ajoutant un alinéa spécifique, on se dit: Peut-être, la clarté recherchée sera aussi reconnue par nos collègues du parti ministériel, et c'est la raison de ce nouvel amendement qui est proposé.

Et, de façon plus globale, je vous dirais, Mme la Présidente, de toute l'histoire récente et même ancienne du Québec, jamais autant de religions auront foisonné sur le territoire du Québec. Elles sont toujours plus nombreuses, d'une part, ce qui traduit une certaine diversité, on peut s'en réjouir. Mais, en même temps, ce qu'on peut déplorer, c'est l'absence de balises. Et, au cours des dernières années, malheureusement, il y a un constat qui est implacable, et, encore une fois, j'insiste, Mme la Présidente, pour dire que ce n'est pas que nous seuls qui le faisons, ce constat-là, mais bon nombre d'organismes et de répondants tout à fait crédibles de la société, dans certains cas, d'organisations, même, relevant directement du gouvernement du Québec... Bref, on ne peut pas laisser aux seuls juges le soin de déterminer ces balises, qui ont un impact ensuite et par la suite sur l'ensemble de la société québécoise.

Donc, oui, une très grande diversité religieuse, oui, les juges, qui, en l'absence de balises, sont appelés à produire des jugements qui ont un impact important, mais pourquoi ce rôle accru des tribunaux au cours des dernières années? Bien, tout simplement parce que le gouvernement du Québec ne s'est pas approprié une responsabilité qui lui revient en propre. Ce n'est pas aux juges de déterminer le cadre législatif dans lequel nous devons opérer. Et je fais référence à une réplique de la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles hier en ce sens, les juges interprètent les textes de loi en fonction de ce qui leur est fourni, mais c'est, d'abord et avant tout, au législateur à les définir, ces lois, c'est au législateur à prendre cette responsabilité de définir les balises avec lesquelles la société québécoise devra composer. Et, compte tenu de cette présence toujours plus importante de confessions religieuses, l'urgence de légiférer, elle est maintenant indéniable, ni plus ni moins, et, autrement, c'est ce même cercle vicieux qui va se reproduire.

Hier, j'ai cité largement le bulletin qu'avait produit la table de concertation des organismes oeuvrant, là, auprès des personnes réfugiées et immigrantes au niveau du rapport... bien, c'est-à-dire de ce que le gouvernement a fait du rapport de la commission Bouchard-Taylor, un bulletin qui est tout à fait implacable à l'endroit du gouvernement du Québec. Mais ce que la table déplore de façon plus globale, c'est que tout le temps que nous consacrons à tourner en rond, parce que c'est ce que nous faisons à travers les initiatives proposées par l'actuel gouvernement du parti ministériel, donc, c'est du temps qui n'est pas consacré à d'autres problèmes drôlement plus préoccupants. Et ça a fait l'objet encore d'un communiqué de presse de la part de la table de concertation il y a quelques jours à peine, au lendemain du dépôt du récent budget, effectivement il y a des problèmes qui sont occultés, qui n'ont pas la place qu'ils devraient avoir autrement, c'est-à-dire tout ce qui est question d'intégration, les moyens qu'on se donne pour procéder à une intégration réussie et faire en sorte qu'on puisse réellement composer avec des valeurs communes qui soient reconnues par tous et par toutes.

On aime bien le hockey au Québec. On l'a vu encore hier soir, notamment avec ce Match bleu qui était présenté sur le côté de l'ancien Colisée. Donc, il y a cette ferveur pour le hockey, ce qui me permet l'analogie suivante, celle de la patinoire. Si on arrive à jouer au hockey, c'est qu'on reconnaît tous les équipes en présence, les règles du jeu. Donc, ce sont des règles établies qui permettent aux joueurs de jouer au hockey et de faire en sorte qu'on puisse reconnaître le but qui est compté, reconnaître la pénalité qui est accordée. Bref, ce sont des règles qui sont établies. Si je transpose ça au débat sur les accommodements religieux, les règles du jeu, la patinoire, elle, après plusieurs années, demeure encore très, très floue, ce qui fait qu'on y va du cas par cas, qui est implacable, qui est très, très, très dommageable. Donc, chaque situation est prise à part, de façon isolée pour ensuite traverser tous les dédales judiciaires jusqu'à ce qu'un jugement soit adressé à la population. Donc, on reprend cette initiative à chacune des fois. Une jurisprudence se développe du coup avec les années.

Mais ça, ce sont pour les cas qui se retrouvent devant les organismes ou devant les instances judiciaires. Mais on a aussi relevé au cours des derniers mois et des dernières années, oserais-je dire, bon nombre de cas qui n'ont pas parcouru ce trajet à travers les tribunaux parce que les instances qui ont eu à trancher ou les organisations qui se sont vu demander différents accommodements religieux ne se sentaient pas la force d'affronter tout ce processus judiciaire. Donc, ces instances, elles sont allées tout simplement au meilleur de leur connaissance, traçant du coup indirectement une autre sorte de jurisprudence. Et comment expliquer ce phénomène de façon bien simple? En fait, c'est l'absence de balises, c'est le refus du gouvernement du Québec de les dresser, que ce soit de façon globale ou à travers les organismes municipaux, comme nous le demandons à travers le présent amendement. Donc, je me limiterai à ces paroles dans un premier temps, quitte à vous revenir dans les prochaines minutes, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion d'amendement présentée par M. le député de Deux-Montagnes?

M. Kotto: ...ne veut prendre la parole, je la prendrai volontiers, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Bourget, la parole est à vous.

**(12 h 10)**

M. Kotto: Merci, Mme la Présidente. Protéger la première ligne de l'État, en l'occurrence la sphère municipale, des dérives idéologiques religieuses potentielles, telle est la finalité de l'amendement que vient de déposer mon collègue de Deux-Montagnes. Couvrir ce qui n'est pas couvert, c'est ça, le but, compte tenu de l'approche ou l'environnement multiculturaliste dans lequel nous nous trouvons pris malgré nous. Une idéologie, au Québec, qui irrite, qui, parfois, hérisse quand il est question d'intégration, c'est celle-là, le multiculturalisme. C'est une idéologie qui rime, pour ce qui a trait avec le débat entrepris autour de ce projet de loi, avec la laïcité ouverte. Multiculturalisme rime avec laïcité ouverte, et la laïcité ouverte est fondamentalement, à l'aune de plusieurs études et plusieurs analyses, une menace à l'égalité tant défendue, tant chérie entre les hommes et les femmes au Québec.

Et, à cet effet, j'aimerais attirer l'attention de mes collègues et aussi de nos concitoyens qui nous regardent à ce moment-ci, à la page 76 de l'avis du Conseil du statut de la femme, qui s'intitule Affirmer la laïcité, un pas de plus vers l'égalité réelle entre les hommes et les femmes, tout en haut de la page il est titré La laïcité, la citoyenneté et l'identité québécoise. «Qu'est-ce qui fait qu'on est Québécoise et Québécois?» C'est une très bonne question, une question qui, parfois, est exprimée et verbalisée quand, dans cette sphère de l'État, des citoyens viennent à se rencontrer, des citoyens viennent à interagir. Ce n'est pas une question banale, qu'est-ce qu'être Québécois? «Comment se reconnaît-on citoyenne, citoyen du Québec? Il ne suffit pas d'y être né ou d'y habiter. L'identité québécoise se définit par l'adhésion aux valeurs de la nation. Elle suppose que l'individu possède des droits, d'une part, et qu'il accepte de respecter les règles démocratiques qui sous-tendent la cohésion sociale, d'autre part. Ainsi, on peut très bien être né en Afrique -- c'est mon cas -- ou en Asie et être Québécoise et Québécois parce qu'on a choisi d'adhérer aux valeurs de cette société.

«La citoyenneté[, elle] "implique l'adhésion du citoyen à la vie de la cité[...], elle ne résulte pas d'une appartenance passive au sang et[...], de ce fait, elle embrasse les valeurs universelles de la démocratie. Être citoyen suppose une volonté, un choix d'assumer la totalité du consensus et non de sélectionner ce qui nous convient dans les règles et les usages de la société. L'intégrisme n'assume, lui, que ce qui [lui correspond, ce qui] correspond à sa logique et se plie à un dogme. C'est pourquoi [l'intégrisme] et le laïque ne peuvent que s'opposer: l'un incorpore la cité dans sa foi ou son idéologie, l'autre détache précisément le sacré de la vie politique. En ce sens, la laïcité fonde la citoyenneté qui transcende l'origine ethnique ou religieuse des immigrants" -- dont je fais partie.

«Dans son avis sur l'égalité, le conseil mettait l'accent sur les trois valeurs énoncées par le premier ministre du Québec lorsqu'il a annoncé la création de la commission Bouchard-Taylor. Dans le débat sur les accommodements religieux, le premier ministre voulait donner "des assises qui seront celles de la raison et de nos valeurs communes. La nation du Québec a des valeurs, des valeurs solides, dont: l'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français, la séparation entre l'État et la religion -- fin de la citation." Le premier ministre a ajouté que l'adhésion à ces valeurs constituait une prémisse importante au choix de vivre au Québec, et que ces valeurs ne pouvaient faire l'objet d'aucun compromis.

«Également, dans la politique Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait: politique gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes, le gouvernement avait exprimé la vulnérabilité du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes au regard des revendications culturelles et religieuses et l'importance de réaffirmer la laïcité de l'État:

«"Dans le contexte de la diversité croissante sur les plans culturel et religieux et d'un regain certain de la ferveur religieuse, on assiste à la multiplication des manifestations de valeurs ou pratiques religieuses dans l'espace public -- espace public comprenant l'espace civique municipal -- dont quelques-unes peuvent être source de frictions avec l'exercice des droits des femmes.

«"Par conséquent, de façon particulière, les valeurs et les principes suivants doivent être réaffirmés, dit le conseil:

«"L'État est laïque -- l'État est laïque -- et la séparation des sphères politique et religieuse est une valeur fondamentale de la société québécoise -- quand on adhère à la citoyenneté, ce point a une résonance certaine dans notre psyché; «"Les femmes et les hommes sont égaux, ils ont les mêmes responsabilités et jouissent des mêmes droits, tant dans les affaires publiques que dans la vie privée;

«"La société favorise la résolution des conflits par la négociation;

«"Les droits fondamentaux et les libertés que la charte québécoise des droits et libertés de la personne reconnaît aux Québécoises et aux Québécois, qu'ils soient natifs du Québec -- comme mon ami et illustre député de Deux-Montagnes -- ou qu'ils soient nés à l'étranger -- en l'occurrence, moi -- s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyennes et des citoyens du Québec."»

M. le Président, l'avis continue: «L'attachement à ces valeurs citoyennes avait préalablement été affirmé par des membres de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec -- commission Bélanger-Campeau -- et dans le rapport du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école -- rapport Proulx.

«La commission Bélanger-Campeau, qui réunissait des membres issus de divers secteurs de la société québécoise et des élues [...] de tous les partis politiques, a décrit comme suit la société québécoise:

«"Conscients de former une collectivité nationale distincte, dont la langue majoritaire et la culture, minoritaires au Canada, sont uniques sur le continent, les Québécoises et Québécois ont, à leur façon, toujours exprimé le besoin d'être maîtres de leur destinée. Dès l'aube des années soixante, ils marquent un tournant dans la prise en main de leur développement. La perception qu'ils ont d'eux-mêmes a changé, particulièrement chez les francophones. Se percevant auparavant davantage comme Canadiens français et comme minorité, ceux-ci se définissent désormais d'abord comme Québécois et adoptent progressivement un comportement de majorité sur leur territoire[...].

**(12 h 20)**

«"Durant cette période, le Québec a donné le coup de barre nécessaire à l'émergence d'une société moderne, complète et ouverte sur le monde, des aspirations, une identité nationale particulière, des besoins propres se sont exprimés politiquement et traduits de façon concrète par de vastes réformes dans toutes les sphères d'activité, quelles soient politiques, économiques, sociales, culturelles ou du domaine de l'enseignement[...].

«"La société québécoise participe aussi aux grands courants de pensée politique du XXe siècle. Elle se caractérise par un attachement profond aux valeurs fondamentales communes de l'ensemble des sociétés modernes, libres et démocratiques[...].

«"La recherche d'une égalité réelle entre Québécoises et Québécois s'inscrit parmi les valeurs et objectifs fondamentaux contenus dans la charte québécoise. Plusieurs Québécoises soulignent à cet égard que cette valeur d'égalité entre les hommes et les femmes représente l'un des traits associés à la spécificité du Québec[...]."»

M. le Président, cette laïcité ouverte, une fois qu'elle aura percé de manière durable la bulle municipale, la sphère municipale, que croyez-vous qu'il va arriver? Quelle serait la nature des relations entre ceux qui adhèrent à la citoyenneté et ceux qui, sous couvert du multiculturalisme, adhèrent à l'antinomie de la citoyenneté, adhèrent au rejet des valeurs fondamentales que nous partageons tous? Des conflits. Je reviens sans arrêt là-dessus. Et, au-delà des conflits qui peuvent naître dans l'interaction que ces personnes qui rejettent consciemment ou inconsciemment... Mais je les comprends, ils vivent dans une ambiguïté totale. La plupart d'entre eux considèrent que vivre au Québec rime avec vivre dans le multiculturalisme. Parce que ce n'est pas le Québec, jusqu'à nouvel avis, qui décide aux frontières de la présentation du Canada, c'est le Canada. Et le Canada est multiculturaliste, c'est inscrit dans sa Constitution, c'est enchâssé dans sa Constitution. Et il leur prend très souvent du temps, à ces immigrants... Ce fut mon cas, d'ailleurs. Quand je suis arrivé au Québec, il m'a fallu près de cinq ans pour comprendre ce dans quoi je m'étais embarqué comme système bicéphale au plan de l'approche en matière d'intégration. Je ne comprenais pas, justement, que la signature canadienne qu'on m'a présentée à l'étranger, qui incluait le multiculturalisme, soit contestée au Québec, territoire où j'ai choisi d'atterrir et de résider.

En tant qu'artiste et fondamentalement idéaliste, je me disais: C'est un magnifique laboratoire, le multiculturalisme. Bien, par la force de la pratique de cette approche ici et ailleurs... Hier, on parlait de ce qui se passait en Angleterre, constat d'échec. On parlait de ce qui se passait aux Pays-Bas, constat d'échec. On parlait de ce qui se passait en Allemagne, constat d'échec. Partout où le multiculturalisme a été adopté comme approche intégrationniste, on a constaté un échec, on a constaté des divisions, on a constaté des conflits, on a constaté des solitudes, on a constaté le racisme et son accroissement, on a constaté la stigmatisation des minorités.

Et je disais au début de mon propos que le municipal, c'est la première ligne, la zone d'interaction de prédilection entre les citoyens dans leur diversité, diversité culturelle, diversité religieuse. En tant que législateurs, nous avons un devoir d'anticipation sur l'avenir. On n'est pas, disons, contraints de vivre l'État, de gérer l'État au jour le jour, on doit anticiper, on doit voir ce qui arrive. En économie, on peut prévoir -- et ça, les économistes travaillent dans ce sens-là depuis toujours, ils sont toujours dans l'anticipation -- et il serait, je pense, judicieux que le politique ait la même approche quand vient le moment de gérer le vivre-ensemble dans sa cité. Pourquoi ne le fait-on pas? Pourquoi attend-on, comme ce fut le cas avec Naïma, qu'on soit face à un mur pour réagir avec un projet de loi? Parce que, fondamentalement, c'est un projet de loi qui s'adresse essentiellement à ce cas et qui, par le biais même, stigmatise une communauté, pour ne pas la nommer, musulmane. Or, il y a des chrétiens qui peuvent être pointés, il y a des Juifs qui peuvent être pointés également. Pourquoi ce n'est pas le cas?

M. le Président, ce projet de loi est discriminatoire, il est insuffisant, anémique, et je réitère mon conseil: Qu'on le retire et puis qu'on recommence le travail sur une nouvelle base, celle de la laïcité, et je pense que l'ensemble de nos concitoyens seront très contents. Merci.

Le Président (M. Bernard): Merci, M. le député de Bourget. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement de l'article 1? Oui, Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Alors, en effet, on représente un amendement concernant les organismes municipaux, puisque l'on souhaite ardemment tenter de convaincre la partie ministérielle de l'importance d'assujettir les organismes municipaux à cette loi, qui, comme le disait mon collègue de Bourget, est réductrice et anémique, sinon carrément, d'ailleurs, discriminatoire. Alors, nous souhaitons bonifier minimalement ce projet de loi en présentant cet amendement.

On n'a toujours pas compris réellement pourquoi le gouvernement refuse d'assujettir les municipalités. Ce que nous a dit la ministre hier, c'était parce que, disait-elle, le giron du gouvernement n'inclut pas les municipalités, que le gouvernement a préféré s'en tenir à ce qui était le plus près de lui. Sauf qu'on a constaté qu'il y a des organismes qui sont, M. le Président, assujettis et qui sont beaucoup, beaucoup, beaucoup plus loin. Je pense aux garderies en milieu familial, qui sont beaucoup plus éloignées du giron, justement, du gouvernement que ne le sont les municipalités, municipalités reconnues dans la Constitution comme des créatures du gouvernement du Québec.

Par conséquent, nous revenons, en effet, à la charge. Et la solution la meilleure aurait été, dans un premier temps, de suspendre l'étude article par article du projet de loi qui est présenté et de faire venir, d'écouter, d'entendre, d'auditionner les deux principales unions municipales, l'Union des municipalités du Québec et puis la Fédération des municipalité. Alors, si ces deux regroupements de municipalités avaient pu venir nous rencontrer, bien on aurait pu les questionner. Il y a une raison simple... La ministre nous disait hier: Oui, mais ils n'ont pas demandé à être entendus. M. le Président, je me permets de vous dire que c'est parce qu'ils étaient exclus de ce projet de loi qu'ils n'ont pas manifesté d'intérêt à venir nous rencontrer, mais que, s'il y avait une possibilité comme... Enfin, si on adoptait notre amendement, l'amendement qui est devant nous, eh bien les municipalités se seraient certainement intéressées au projet de loi, et que les principales d'entre elles seraient sûrement, au-delà des deux unions municipales, venues nous rencontrer. Je pense, bien sûr, à la municipalité de Laval, à Montréal, Québec, Sherbrooke, en fait plusieurs municipalités.

n(12 h 30)**

Mais là le gouvernement a refusé, donc, la partie ministérielle a refusé d'entendre ces municipalités, a refusé jusqu'à maintenant nos amendements qui portaient sur l'extension du projet de loi aux organismes municipaux, qui, je le rappelle, les organismes municipaux vont bien au-delà... couvrent... Ce terme, «organisme municipal», on l'a démontré hier, dans les lois du Québec, le terme «organisme municipal» couvre, donc, des organismes qui vont bien au-delà des municipalités, incluant, donc, les sociétés de transport, par exemple. Alors, nous essayons à nouveau de convaincre le gouvernement, en ce beau mercredi matin, qu'il serait important d'assujettir... que la portée de la loi s'étende aux organismes municipaux.

Et je pense que le député de Deux-Montagnes a bien démontré ce qu'on a essayé de dire, il a fait une bonne synthèse de ce qu'on a essayé de dire depuis plusieurs heures, mais je crois qu'il faut à nouveau revenir à la charge et tenter de convaincre le gouvernement à cet effet parce qu'il y a franchement quelque chose d'incompréhensible. Et, quand la ministre nous dit: C'est parce que ce n'est pas dans le giron du gouvernement, eh bien, oui, c'est dans le giron du gouvernement, puisque ce sont des créatures du gouvernement que les municipalités et que c'est très clairement inscrit dans toutes les lois et dans toutes les mesures que prend le gouvernement du Québec, les municipalités -- et personne ne le conteste -- sont des créatures du gouvernement du Québec.

J'aimerais revenir aussi, M. le Président, par ce détour sur l'éditorial du Devoir de ce matin auquel la ministre, M. le Président, a fait référence tantôt, semblant dire, par ses paroles et en citant Marie-Andrée Chouinard, l'éditorialiste du Devoir en question, que Le Devoir se réjouissait du projet de loi n° 94. Eh bien, je l'avais lu ce matin, cet éditorial, et je l'ai devant de moi. Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt, mais aussi beaucoup de plaisir, puisque cet éditorial commence ainsi: «Le Conseil du statut de la femme vient d'offrir au gouvernement Charest un très précieux cadeau qu'il devrait accepter sans tarder.» Et elle continue: «Il est urgent et nécessaire que le gouvernement favorise la tenue d'un débat sur la laïcité, comme le revendique à juste titre le Conseil du statut de la femme. En l'absence d'une définition claire sur ce que devrait être la neutralité religieuse de l'État règne le chaos, dit-elle, s'installe la confusion. Appelés à s'immiscer dans un espace où l'État n'a pas eu le courage de fixer ses limites, les tribunaux dictent la ligne de conduite. Danger!», dit-elle, et c'est là l'essentiel aussi de notre propos.

Et on est heureux, bien sûr, de constater que non seulement le Syndicat de la fonction publique du Québec et plusieurs des intervenants qui sont venus... mais que, là, le Conseil du statut de la femme, qui prend la peine d'écrire ce document de 161 pages, qu'on ne peut pas rejeter du revers de la main... Moi, j'aimerais entendre la ministre sur l'avis du Conseil du statut de la femme. J'aimerais l'entendre, qu'elle nous le dise, ce qu'elle en pense, parce que le conseil est dur, en fait, concernant la notion de laïcité ouverte, très dur. Parce que vous avez vu que les chapitres, donc, du conseil, ça commence... Je veux seulement vous lire les têtes de chapitre: La «laïcité ouverte» au multiculturalisme... Ce lien-là entre laïcité ouverte et multiculturalisme, la ministre nous dit: Non, nous, ce n'est pas le multiculturalisme. À moins que j'aie mal entendu. Non, mais qu'est-ce que vous pensez de cette argumentation? Parce qu'il y a trois pages là-dessus, sur le lien entre laïcité ouverte et multiculturalisme, il faudrait quand même, au moins, qu'on ait une réponse de la part du gouvernement.

De la même façon, le conseil dit: Laïcité ouverte, ça mène à la confusion entre le religieux et le politique. Il nous faut des réponses là-dessus, on ne peut pas seulement, bon, dire: On prend acte ou, bon, le Conseil du statut de la femme s'est amusé à écrire un avis auquel aucun membre du gouvernement interpellé par cet avis... Je pense, bien sûr, à la ministre de la Condition féminine parce que ce conseil dépend, est rattaché... est subventionné, on l'a dit, à 100 %, les membres sont nommés aussi par le gouvernement. Eh bien, ce serait utile, quand même, de savoir... La laïcité ouverte, aussi le lien avec l'instrumentalisation de la foi, la montée de la droite religieuse de tous bords tous côtés -- ce n'est pas qu'une communauté, ce n'est pas qu'une religion -- et à l'intégrisme, c'est fort, ça, de dire que la laïcité ouverte, ça mène au multiculturalisme, à l'instrumentalisation de la foi, à l'intégrisme, etc. Je pense qu'il nous faut une réponse, je dirais, circonstanciée de la part du gouvernement quand un de ses organismes-conseils les plus importants, qui existe d'ailleurs depuis...

C'était sous le gouvernement, je pense, de M. Bourassa, je crois, que le conseil a été créé. Vous imaginez, M. Bourassa, c'est loin, là. Donc, c'est un organisme qui a beaucoup de rayonnement, qui a des racines très profondes dans le mouvement des femmes au Québec et qu'il a admirablement représenté. Et j'ajoute que Mme Pelchat, c'est une ancienne collègue à vous, pas à nous. Alors, il me semble qu'il devrait y avoir une écoute, une attention et puis surtout, comme je le dis, une réponse circonstanciée par rapport aux propos qui sont tenus et qui sont démontrés, là, il y a 161 pages, ça n'a pas été un avis... Et il y a plein d'auteurs qui sont cités, c'est un travail, je dirais, à la limite, universitaire. D'ailleurs, il doit y avoir beaucoup d'universitaires qui ont participé à ça. Par conséquent, on s'attendrait... et c'est pour ça que j'avais posé des questions hier à la ministre.

Et je continue, donc, sur ce que dit Mme Marie-Andrée Chouinard, elle dit: «Depuis que la commission Bouchard-Taylor a conclu à la nécessité d'un livre blanc sur la laïcité, le gouvernement a bricolé...»«Bricolé», ce n'est pas un terme qui est vraiment... Je veux dire, dans le langage courant, «bricolé», ça veut dire «bricolé», là, ça veut dire, franchement, qu'il manque beaucoup de vision de la part du gouvernement, que ça manque de réflexion, que ça manque d'ampleur, mettons, par rapport à la situation. Donc, «...a bricolé quelques mesures destinées à calmer les ardeurs. Son montage à la pièce est lamentable...» M. le Président, c'est ce qui est écrit ce matin.

J'ai été étonnée que la ministre cite cet éditorial de Marie-Andrée Chouinard parce que, franchement, moi, si j'étais ministre -- je l'ai été -- je n'aurais pas cité, je crois, un texte comme celui-là. «Son montage à la pièce est lamentable alors qu'une solide vision d'ensemble s'impose plutôt. Le projet de loi n° 94 -- c'est ça que la ministre a dû citer tantôt -- rappelle la nécessité d'encadrer les accommodements raisonnables, mais y subsistent d'importantes failles, qui fragilisent le droit des femmes à l'égalité.» C'est des questions que je vous ai posées hier. «Lorsqu'est invoqué le droit à la liberté de religion, les grandes perdantes ont souvent pour nom les femmes.» M. le Président, je crois que c'est un constat terrible que pose Le Devoir ce matin, Le Devoir qui est quand même un journal important chez nous, un journal de référence intellectuellement, et je n'ose pas continuer parce que ça prendrait toutes les 20 minutes, là, il y en a encore pour une page.

**(12 h 40)**

Et ce que je vais faire, cependant, c'est que je vais demander à la ministre pourquoi... Je comprends qu'elle ne veut pas -- parce que je lui ai posé cette question-là à quelques reprises -- retirer le projet de loi, mais, au moins, le suspendre, ce projet de loi, en suspendre l'étude pour faire ce qu'il faut faire, saisir la balle au bond du Conseil du statut de la femme dans son avis et celui du Devoir, ce matin, qui dit: Bien, faisons une commission parlementaire. Le Conseil du statut de la femme propose, d'ailleurs, que cette commission parlementaire soit paritaire. Bon, bien, il y a assez de femmes d'un côté et de l'autre à l'Assemblée nationale pour qu'on puisse avoir une commission parlementaire pour faire ce que le Conseil du statut de la femme nous demande et ce que Le Devoir appuie ce matin en éditorial, une commission parlementaire destinée à faire le point sur la laïcité.

Parce que, dans le fond, c'est là où on en est rendus et que le livre blanc qu'on attendait, comme l'a dit Christiane Pelchat elle-même, la présidente du Conseil du statut de la femme, bien voilà le livre blanc. Alors, on peut partir de ce livre blanc, M. le Président. Et que le gouvernement accepte cette commission parlementaire paritaire, on aura un document de référence et on pourra procéder de la bonne façon, c'est-à-dire sans mettre la charrue devant les boeufs, c'est-à-dire commencer par se donner une définition de la laïcité, par se donner des règles claires, communes et, ensuite, en arriver effectivement aux accommodements, aux exceptions, à ce qu'il faudrait faire dans ce sens-là, mais non pas, comme dit Marie-Andrée Chouinard, bricoler quelques mesurettes et puis laisser les tribunaux, au cas par cas, donc, décider sans ces balises et ces règles claires.

Si le Canada, pour des raisons qui lui appartiennent et que je ne juge pas -- en tout cas, pas ici ce matin -- décide de ne pas se donner de règles claires, d'inclure le multiculturalisme, comme il l'a fait dans sa charte des droits, en constitutionnalisant tout ça, en faire une politique publique, finalement, qui n'est pas la nôtre... Et c'est ça, moi, qui m'interpelle et qui m'inquiète à quelque part. Oui, c'est vrai qu'on est dans le Canada. Ce n'est pas mon choix. Je veux dire, ce n'est pas mon choix, le Canada, d'être resté dans le Canada.

Puis une des raisons... Le député de Bourget, depuis des heures, les a bien expliquées, ces raisons-là. En tout cas, c'est des raisons qui sont, pour moi, importantes aussi comme pour lui, c'est qu'on a une autre façon de voir, de considérer, d'imaginer le vivre-ensemble. On a une autre façon qui n'est pas le multiculturalisme parce qu'on pense, nous, qu'on est dans une situation particulière, minoritaire en Amérique du Nord, les seuls francophones qui contrôlent, disons, majoritairement... dans une société qui est très plurielle, qui est très diversifiée, mais qui contrôlent un territoire. M. Bourassa disait ça souvent, justement, que ça posait des questions très originales, en quelque sorte, au vivre-ensemble au Québec parce qu'on est une nation, mais à l'intérieur d'un autre pays. Et nous sommes minoritaires, et de plus en plus minoritaires. Et on le sera de plus en plus à la Chambre des communes, puisqu'il y aura de moins en moins, en termes de pourcentage, de députés originaires du Québec, étant donné les changements que les Canadiens anglais veulent apporter au nombre de députés à la Chambre des communes. On est de moins en moins nombreux démographiquement. On a déjà été 40 % en 1840, on est 23 % aujourd'hui, les Québécois.

Alors, tout ça pour dire qu'il y a une situation ici particulière qui fait en sorte qu'on est tous d'accord pour dire que le multiculturalisme canadien ne doit pas s'appliquer sur le territoire du Québec, mais qu'il y a un autre concept, que, malheureusement, on n'a pas encore défini. Mais la ministre et moi-même, on va sûrement se retrouver à ce colloque sur l'interculturalisme pour se dire: Est-ce qu'on est capables de donner de la substance à un autre concept, mais qui inclut une autre façon d'intégrer, pas seulement... L'interculturalisme, ça ne peut pas être seulement ce que Charles Taylor en a dit. Le multiculturalisme, «with a twist», avait-il dit -- je l'avais entendu de mes oreilles -- c'est-à-dire la loi 101. Ça ne peut pas être que ça. Ça ne peut pas être le multiculturalisme plus la loi 101. C'est surtout une façon de percevoir, de comprendre l'intégration non seulement des nouveaux arrivants, mais de tout un chacun des Québécois, une façon d'être ensemble et, je l'ai dit souvent, une façon de se métisser. Parce que, pour se mélanger, encore faut-il qu'il y ait une véritable mixité au Québec et qu'on ne se retrouve pas avec des quartiers qui sont, je veux dire, ethniques, carrément. Enfin, il me semble qu'on est d'accord là-dessus. Alors donc, pour que ce mélange...

Moi, en tout cas, quand je vois dans Rosemont, justement, la diversification d'un arrondissement comme celui-là, eh bien, ce que je souhaite, c'est qu'on vive tous ensemble dans le Vieux-Rosemont, sur Angus, à l'est de Pie-IX, etc., qu'on soit non pas dans une partie de quartier ou dans un secteur déterminé, non. Il y a beaucoup d'organismes, d'ailleurs, communautaires à Rosemont qui s'intéressent à cette question-là et qui veulent que Rosemont soit un laboratoire, en quelque sorte, de ce vivre-ensemble. Et, moi, je suis sûre qu'on peut y arriver, mais en autant, Mme la ministre... Et c'est pour ça que je dis: On devrait suspendre l'étude de ce projet de loi n° 94, prendre notre respir. On a un beau document qui peut servir de livre blanc, que le gouvernement n'a pas voulu faire, mais qu'il y a quelqu'un qui vous propose, quelqu'un qui vous connaît bien, qui a été député avec vous sur la Rive-Sud...

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Une minute? Il ne me reste qu'une minute. J'étais bien partie, là. Mais je pose quand même une question à la ministre parce qu'on cherchait un livre blanc, on l'a. Bon, on peut faire une commission parlementaire, et puis partir du bon pied, et bâtir ce consensus québécois. On part de positions qui sont divergentes, je le reconnais, qui sont différentes, mais on est de bonne foi, toutes les deux, tout le monde qui est ici, je le crois, on est de bonne foi. Alors, on veut bâtir un consensus québécois autour de ces questions du vivre- ensemble, et c'est ce que la laïcité, finalement, permet. Elle permet le pluralisme, la laïcité, elle permet le pluralisme. Alors, je crois que c'est dans... Le pluralisme et la convergence. La convergence dans la perspective du bien commun, du bien commun, c'est ce qu'on recherche, tout le monde. Voilà. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci, Mme la députée de Rosemont. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la proposition d'amendement? M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: C'est gentil. Merci, Mme la Présidente. Mais peut-être poser la question, dans un premier temps, à la ministre: Ma collègue de Rosemont lui a posé quelques questions, est-ce qu'elle souhaite déjà leur répondre?

Mme Weil: ...des commentaires...

La Présidente (Mme Vallée): ...Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Merci, Mme la Présidente. C'est des commentaires très généraux. Je rejoins beaucoup la députée de... J'ai un blanc.

Des voix: Rosemont.

Mme Weil: Rosemont. J'allais dire de Beaudoin.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Weil: De Rosemont. Et, toute cette question d'interculturalisme, je trouve que c'est une question fascinante. Et c'est sûr qu'au début on ne sait pas trop comment définir ou... Les premières fois que j'ai entendu l'expression «multiculturalisme», «interculturalisme», un peu comme notre collègue le disait... Et je le vois dans nos documents, je le vois dans le fait qu'on demande aux immigrants de signer un document qui exprime nos valeurs. Ça ne se fait pas... Je ne pense pas qu'au Canada il y a un document comme ça qu'on fait signer. Il y a un document d'information, mais cette adhésion, c'est des gestes... Il y a beaucoup de gestes, et j'attends avec impatience, un peu, ce colloque. Impatience... Ça s'en vient bientôt, mais ça va être intéressant parce que je pense que l'idée, c'est de donner un peu corps et âme à tout ça, de faire évoluer cette pensée et de voir en quoi on est capables de le décrire, de le nommer et de poser des gestes parce que c'est extrêmement constructif, je trouve, comme événement. Il sera question de laïcité, je l'ai vu. Ils vont parler de laïcité, différentes formes de laïcité, j'imagine.

Je pense que c'est beaucoup à cause du statut minoritaire francophone. Donc, la nécessité de préserver cette société francophone en Amérique du Nord a fait en sorte... Et je le vois beaucoup au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, des outils qui ont été développés au fil des années et, je vous dirais, plus récemment, des outils très intéressants pour assurer l'intégration. Ces outils se perfectionnent aussi de plus en plus, et comment on transmet le message que voici... On est une société ouverte, ouverte au pluralisme, qui embrasse absolument la diversité, mais, en même temps, on vous invite chez nous et on vous demande d'adhérer à des valeurs. Maintenant, je répète souvent aux gens que les immigrants sont les premiers à le savoir, hein? Les immigrants de partout. Ça, c'est la nature même de l'immigrant, c'est l'immigrant qui veut s'intégrer. Mais, ceci étant dit, il a besoin de comprendre ou elle a besoin de comprendre c'est quoi, les règles du jeu, comment se vit la société ici, au Québec.

**(12 h 50)**

Donc, je suis tout à fait d'accord, et je trouve que c'est un débat intéressant, et qui va évoluer, puis on va le suivre, là. Je pense qu'il y a beaucoup de gens dans la société québécoise qui veulent participer à ce débat, qui veulent entendre... Il y a certains... des experts... C'est encore un débat d'experts actuellement, je crois. La plupart des gens ne sont pas capables, vraiment, de le décrire, on le sent. Moi, je vous dirais même que c'est en train d'avoir un peu des échos à l'extérieur de nos frontières, même au Canada, dans le sens que les gens, surtout lorsqu'on a déposé le projet de loi n° 94, les gens ont dit: Ah! tiens, voilà. Ça, c'est quelque chose d'intéressant. Ce n'est pas un hasard si 80 % des Canadiens ont appuyé ce projet de loi.

Moi, je vois le projet de loi n° 94 -- je l'ai souvent dit -- comme un geste, un geste qui représente... Et j'ai eu à l'expliquer un peu à des journalistes, surtout du Canada anglais, qui ne comprenaient pas. Parce que les journalistes, ce n'est pas la même chose... Les bien-pensants, là, du Canada anglais et la population, ce n'est pas toujours la même chose. Alors, le Globe and Mail, le Toronto Star, CBC etc., bon, avaient un certain point de vue. Mais ce sondage disait quelque chose, et je pense que les Canadiens ne sont pas, comment dire, insensibles au débat qui a lieu un peu partout dans le monde et certainement pas insensibles au débat qui se fait au Québec, ils sont en train de regarder ça avec beaucoup d'intérêt, je crois.

Alors, moi, je vois 94... C'est sûr que, bon, c'est un objectif très précis, mais je répète ce que j'ai dit en Chambre -- je pense que je l'ai dit hier -- le Conseil du statut de la femme reconnaît l'importance du projet de loi n° 94. C'est la première fois qu'on vient encadrer des demandes d'accommodement raisonnable, et ils sont très contents de l'article 4. Alors là, ce qu'on parle, c'est le mandat du Conseil du statut de la femme de veiller au grain et surtout, évidemment, l'égalité hommes-femmes. On a tous cette préoccupation, le gouvernement a cette préoccupation. On a amené des modifications en 2008, et c'est pour ça qu'on le nomme précisément dans 94, parce que beaucoup des enjeux, surtout au cours de l'année 2009-2010, c'étaient justement des demandes où, vraiment, la perception... Et plus que la perception, c'est qu'il y avait un impact direct sur l'égalité hommes-femmes des demandes -- et de toutes sortes de religions, hein, ce n'est pas nécessairement une religion en particulier -- et ça a été peut-être un éveil, un éveil par rapport à ce phénomène. C'est que, là, on voyait les deux tendances, la liberté de religion et l'égalité hommes-femmes, qui venaient en confrontation. Donc, nous, on a cru vraiment important de le nommer, de le dire qu'on ne peut pas accorder un accommodement qui viendrait brimer l'égalité hommes-femmes, donc on vient renforcer. Et c'est pour ça que le Conseil du statut de la femme trouvait que c'était une avancée importante, ce projet de loi.

Je réitère donc, en réponse à la députée de Rosemont, je réitère l'importance d'aller de l'avant avec ce projet de loi, qui a un objectif très précis, mais qui répond à un besoin actuellement. Ça ne veut pas dire que, si on prend notre temps... Bon, je veux dire, les accommodements se font, mais, même lorsque... Moi, j'ai eu l'occasion de rencontrer des gens qui travaillent au sein du gouvernement qui sont vraiment en lien ou en face de gens qui viennent, qui donnent les services, il y avait déjà comme un soupir de soulagement lorsqu'on a déposé le projet de loi. C'est sûr qu'en commission parlementaire on a entendu toutes sortes de choses, mais, moi, je vous dis que j'ai sûrement parlé avec des milliers de personnes de ce projet de loi depuis un an, des milliers de personnes qui m'en parlent, qui trouvent le projet de loi intéressant parce qu'il trace une ligne, il est capable... ce projet de loi qui, pour une fois, dit... Bon, on est capable de dire ce qui est raisonnable et pas raisonnable, on est capable de tracer cette ligne. Évidemment, on va jusqu'à dire... Puis, peut-être pour corriger un peu ce qui a été dit hier, c'est que, sur le vêtement, à visage découvert, on ne dit pas que le vêtement... c'est-à-dire qui est quand même symbole d'une religion, on dit qu'il faut être à visage découvert. Donc, on ne vient pas stigmatiser dans ce sens-là, quant à nous, mais on dit que la limite, elle est là, je veux dire, afin... Et c'est ça, un geste d'interculturalisme dans un sens, c'est de dire...

Et, moi, je suis convaincue que, si, nous, ici, au Québec, on est capables de le dire... C'est sûr qu'il y a eu cet incident dans une classe de francisation. Là aussi -- et je l'explique souvent à des gens au Canada, là, qui me posent des questions là-dessus -- l'importance de transmettre la langue, hein, l'importance... Là, c'est des gens qui arrivent, ils veulent s'assurer d'avoir un niveau de français qui va leur permettre d'intégrer au niveau de leur scolarisation. C'est un enjeu important d'intégration, la langue, c'est la clé. La clé, c'est la langue. Alors, si on veut vraiment s'assurer que la personne a bien compris, c'est cette communication entière que ça prend. Et, moi, je vois là beaucoup, dans l'article 6, un autre aspect de notre façon de dire... Bon. Et c'est la langue... La langue est au coeur de ce débat sur l'interculturalisme. C'est la langue et la culture, là, mais c'est les deux. Alors, lorsqu'on communique, il faut comprendre, il faut voir les yeux, il faut voir la bouche, il faut entendre, il faut rentrer en communication. C'est pour ça que je dis souvent que 94, oui, c'est un... Il y a d'autres manifestations de l'interculturalisme.

C'est mon vécu. C'est mon vécu en tant que ministre qui a eu à faire un projet de loi, et vraiment saisir, et comprendre tous les enjeux. Parce qu'on l'a dit ici, en... je l'ai dit, c'est un sujet sensible, un sujet très sensible parce qu'on touche à la liberté de religion, on touche aux chartes, on touche à des compromis, comment on va vivre ensemble, jusqu'où on peut aller tout en demeurant une société inclusive. Je pense que le Québec est reconnu comme étant une société tolérante, inclusive et, bon, qui a des valeurs profondes. C'est tout ça. Donc, je vois ça comme un geste aussi dans ce sens-là d'interculturalisme. De plus en plus, on est capable de le définir. On va aller plus loin sûrement avec les débats qui vont se tenir sur l'interculturalisme. Alors, moi, je plaide, évidemment, pour la poursuite de nos travaux sur le projet de loi n° 94.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, Mme la ministre. Il reste trois minutes. Est-ce qu'il y a des interventions sur... M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: S'il vous plaît. Merci, Mme la Présidente. Mais, en même temps, c'est plus fort que moi, j'ai envie de réagir aux propos de la ministre. Elle a d'abord mentionné qu'on ne stigmatise pas un groupe à travers le projet de loi, qu'on parle d'un vêtement, et on comprend selon ces propos qu'on serait dans l'erreur que de l'associer à un vêtement propre à une communauté religieuse. Or, toutes les interprétations vont dans ce sens-là. Les groupes qui s'opposent au projet de loi disent s'opposer parce que, justement, le projet de loi discrimine ou, sinon, stigmatise une communauté en particulier, et ceux qui sont pour ont à redire contre cet élément même du projet de loi parce qu'eux aussi finissent par dire ultimement: On stigmatise un groupe en particulier.

Et prétendre le contraire est un petit peu particulier parce que ce projet de loi, si on se réfère à la chronologie, a été déposé quelques jours à peine après le cas Naïma, qui a été largement diffusé, et on se souvient de cette jeune dame qui était justement entièrement voilée. Donc, prétendre que le projet de loi n'a pas de lien avec le vêtement religieux que peut être la burqa ou, sinon, le niqab est, je pense, erroné. Sans prêter d'intentions, on ne peut certainement pas faire abstraction de cette perception, à tout le moins, très, très forte, mais perception, somme toute, extrêmement dommageable à l'endroit d'une communauté qui doit composer déjà avec bon nombre de défis.

Et aussi je reprends les propos de la ministre, elle fait référence, en parlant du projet de loi n° 94, à un geste. Moi, je me souviens des propos de plusieurs intervenants qui parlaient d'une première étape, et là je vois que la ministre reprend essentiellement le discours. Donc, un geste, en soi, c'est partiel, ce n'est pas complet. Donc, j'aimerais bien que la ministre... d'entendre la ministre que, oui, c'est partiel, mais j'aimerais entendre la ministre également... le calendrier du gouvernement. Si ce geste est partiel, par quoi sera-t-il complété? À quand, donc, le dépôt d'un projet de loi sur une charte de la laïcité? À quand une discussion préalable et globale sur la laïcité? Donc, un geste -- et ce sont les mots mêmes de la ministre -- un geste, en soi, c'est partiel. Donc, je serais curieux, lors de notre prochaine séance... et je serais intéressé que la ministre prenne d'abord la parole pour préciser le calendrier du gouvernement et nous dire quand, justement, les gestes plus significatifs suivront.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci, M. le député de Deux-Montagnes.

Alors, compte tenu de l'heure, chers collègues, je vais lever les travaux de la séance, et nous allons ajourner sine die.

(Fin de la séance à 13 heures)

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