L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mardi 16 avril 2019 - Vol. 45 N° 24

Ministère de la Justice


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Justice

Remarques préliminaires

Mme Sonia LeBel

M. Marc Tanguay

M. Alexandre Leduc

Mme Véronique Hivon

Discussion générale

Document déposé

Autres intervenants

M. André Bachand, président

M. Mathieu Lévesque

Mme Lucie Lecours

M. Ian Lafrenière

M. Denis Lamothe

M. Louis Lemieux

*          Mme Annick Murphy, Directrice des poursuites criminelles et pénales

*          M. Nicolas Vermeys, Société québécoise d'information juridique

*          Mme France Lynch, ministère de la Justice

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en soirée pour l'étude des crédits du ministère du Conseil exécutif. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

               Les crédits du volet Protection des consommateurs du ministère de la Justice ont été étudiés à la Commission des relations avec les citoyens le 2 mai 2019.

Journal des débats

(Dix heures)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci et bienvenue. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude de crédits du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2019‑2020. Une enveloppe de sept heures a été allouée pour l'étude de ces crédits.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) et M. LeBel (Rimouski) est remplacé par Mme Hivon (Joliette).

Justice

Remarques préliminaires

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Nous allons débuter par les remarques préliminaires, puis nous allons procéder à une discussion d'ordre général par bloc d'environ 20 minutes, incluant les questions et les réponses. La mise aux voix de ces crédits sera effectuée à la fin du temps qu'il leur est alloué, soit demain, vers 13 heures.

Nous débutons donc avec les remarques préliminaires. Je cède la parole à Mme la ministre pour une période de 15 min 47 s. Bienvenue. Je vous cède la parole.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Alors, merci, M. le Président. Bienvenue à tout le monde pour ce début, mes débuts d'ailleurs, en crédits Justice. Je tiens à prendre quelques instants effectivement pour souligner la présence de plusieurs personnes aujourd'hui. J'aimerais remercier mes députés, collègues qui sont ici, qui siègent sur la Commission des institutions avec vous, M. le Président, et qui sont ici pour participer à cet exercice avec moi ainsi qu'également que mes collègues députés de l'opposition, qui, j'en suis certaine, feront en sorte de faire des débats constructifs. Je les connais, je les ai vus dans le passé, je n'ai pas eu à travailler avec eux aux crédits, mais je sais que les questions sont toujours pertinentes. Et l'objectif, on le partage, l'objectif commun, c'est de faire avancer la justice et de faire en sorte que la confiance des citoyens en la justice soit renforcée. Alors, moi, avec cet objectif en tête, je suis tout à fait confiante du déroulement de cet exercice, M. le Président.

J'aimerais aussi remercier les personnes peut-être un petit peu plus immédiates qui m'accompagnent, mon chef de cabinet adjoint, M. Nicolas Descroix, ainsi que les autres attachés politiques de mon cabinet qui ont travaillé avec moi d'arrache-pied pour être certaine et certain de vous apporter les bonnes réponses aujourd'hui. La sous-ministre de la Justice, M. France Lynch et les sous-ministres associés des quatre directions générales du ministère de la Justice, Yan Paquette, Pierre Rodrigue, Patrick-Thierry Grenier et Mylène Martel et tous les intervenants, présidents, directeurs de la Justice qui sont derrière moi et qui partagent également le même objectif que moi en Justice, c'est-à-dire s'assurer que les citoyens ont confiance et que la justice est là pour eux. Donc, merci à tous. Je ne me lancerai pas dans l'exercice périlleux de les nommer parce que le risque est d'en oublier, et ce n'est pas ce que je veux faire aujourd'hui.

Je profite également donc... je suis devant vous ce matin, comme on le disait, pour l'étude des crédits de Justice, c'est pour moi, donc, l'occasion d'entrée de jeu de faire le point sur les activités de la dernière année financière mais également pour parler des réformes et des chantiers qui nous attendent.

Comme annoncé lors du dépôt des crédits en mars dernier, donc parlons crédits, vu que c'est l'objet du discours aujourd'hui, les crédits pour le portefeuille de la Justice pour l'année 2019‑2020 s'établissent à 1,1 milliard de dollars. C'est une augmentation de 27,9 millions, qui correspond à 2,6 % d'augmentation par rapport à l'exercice précédent. Cette hausse s'explique, M. le Président, essentiellement par les investissements majeurs que nous souhaitons poursuivre pour la modernisation de notre système de justice et par le transfert de l'Office de la protection du consommateur du ministère des Affaires municipales, Habitation à celui de la Justice. Au total, donc, ce sont six programmes qui sont financés par ces crédits.

Le programme l'Administration de la justice vise à assurer le soutien administratif nécessaire au fonctionnement des cours de justice et à la publicité des droits. Il fournit un support d'ordre juridique, législatif et réglementaire à toutes les activités gouvernementales. Les crédits sont de 392,1 millions en 2019‑2020, une hausse de 18,3 millions par rapport aux crédits initiaux de 2018‑2019.

Le programme Activités judiciaires permet aux tribunaux et aux diverses juridictions d'exercer le pouvoir judiciaire et les fonctions qui y sont rattachées, de rendre jugement et de favoriser le règlement de litige au moyen de conciliation judiciaire. Un montant 132,6 millions est prévu en 2019‑2020 pour ce programme, une hausse de 0,7 million par rapport aux crédits initiaux de 2018‑2019.

Le programme Justice administrative, pour sa part, il assure la part du ministère de la Justice au financement, notamment du Tribunal administratif du Québec et du Conseil de la justice administrative. Les crédits affectés à ce programme sont de 16,5 millions de dollars en 2019‑2020, en hausse de 1,4 million de dollars par rapport aux crédits de l'année précédente.

Le programme Indemnisation et reconnaissance permet la compensation financière aux personnes qui ont été blessées en accomplissant un acte de civisme ainsi qu'aux victimes d'actes criminels. On prévoit, pour ce programme, donc, des crédits de 150,6 millions en 2019‑2020. On note d'ailleurs une baisse de 0,3 million par rapport aux crédits de 2018‑2019. Par contre, cette baisse ne se traduira pas par une diminution de services aux victimes, je tiens à le préciser. En effet, ce sont des sommes non récurrentes qui avaient été accordées en 2018‑2019 pour des projets en informatique. Ces montants, donc, non récurrents n'apparaissent pas au nouveau budget, ce qui fait qu'ils n'ont pas été renouvelés, ce qui explique la diminution apparente des crédits à ce programme.

Autres organismes relevant de la ministre comprend donc trois entités. La première, la Commission des services juridiques, offre des services d'aide juridique aux personnes financièrement défavorisées ainsi qu'aux enfants et aux familles aux prises avec certains problèmes sociaux ayant un rapport avec la justice, qu'on appelle communément l'aide juridique. La deuxième, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, quant à elle, veille à l'application de la Charte des droits et libertés de la personne. La troisième, l'Office de la protection du consommateur, qui intervient auprès des commerçants afin qu'ils respectent leurs obligations envers les consommateurs en lien avec l'application de la Loi sur la protection du consommateur... Ce sont 200,7 millions de dollars qui sont prévus en 2019‑2020, une augmentation de 4,3 millions par rapport aux crédits initiaux de 2018‑2019.

Enfin, le programme Poursuites criminelles et pénales assure le financement des activités du Directeur des poursuites criminelles et pénales, donc du DPCP, et du comité de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Des crédits de 171,9 millions sont prévus en 2019‑2020, ce qui signifie une hausse de 3,4 millions par rapport aux crédits de 2018‑2019. Voilà donc, M. le Président, ce qui complète pour les crédits.

Si vous le permettez, je vais vous parler maintenant de quelques dossiers qui constitueront mes priorités pour l'année 2019‑2020. J'ai annoncé, ici même, à l'Assemblée nationale, lors du débat parlementaire sur le discours inaugural du premier ministre en décembre, que je souhaitais de faire de la réforme du droit de la famille l'une des priorités de mon mandat, l'une des priorités de mon mandat, je vais le souligner. Je suis heureuse de dire que nous avons mis en place rapidement des mesures pour aller de l'avant avec ce dossier. Donc, depuis décembre 2018, on peut le constater, cette réforme est plus que nécessaire si nous aspirons à ce que le droit soit le reflet de la société qui l'encadre. En effet, est-il besoin de souligner à nouveau que la dernière grande réforme en la matière date de 1980. Depuis, nos modèles d'unité familiale ont beaucoup changé. Or, le droit n'a pas suivi cette évolution. Par cette réforme, nous voulons remettre l'enfant au centre des préoccupations et ainsi adapter les règles à la nouvelle réalité québécoise.

Nous le ferons donc en deux temps. Tout d'abord, nous avons lancé une vaste consultation qui est en cours présentement, une consultation publique pour aborder les enjeux liés à la conjugalité et à la parentalité. Pour jeter les bases de la discussion, nous nous sommes inspirés des recommandations du comité consultatif sur le droit de la famille... qui a été déposé en 2015, un rapport très étoffé, d'ailleurs, sur la question. Les citoyens qui le souhaitent peuvent également répondre à un questionnaire en ligne sur leur vision du couple et de la famille en 2019 sur le site Web du ministère. Nous ferons aussi une grande tournée qui s'arrêtera dans 11 villes du Québec afin de rencontrer des groupes communautaires, des groupes d'intérêt, mais également des citoyens sur ces questions. Cette tournée se fera en collaboration avec mon collègue le ministre de la Famille et député de Papineau, ainsi que mon adjoint parlementaire le député de Chapleau, qui est ici aujourd'hui et siège également sur cette commission, M. le Président.

Au terme de cette consultation, j'entends déposer un projet de loi sur la conjugalité également afin de mener à bien les réformes qui seront jugées appropriées. Les questions liées à la filiation, quant à elles, notamment celles touchant la gestation pour autrui, seront abordées dans un projet de loi distinct, puisqu'elles touchent une partie beaucoup plus restreinte de la population québécoise.

Par ailleurs, je tiens à préciser qu'un mécanisme complémentaire de réflexion a été mis en place pour le milieu autochtone afin d'échanger par et pour le milieu autochtone, afin d'échanger avec ses membres dans le but de s'assurer de bien répondre aux considérations propres aux communautés des Premières Nations et aux Inuits.

• (10 h 10) •

Par ailleurs, dans les premières semaines de mon mandat comme ministre de la Justice, j'ai formé un groupe de travail non partisan, composé d'élus de tous les partis représentés à l'Assemblée nationale. Notre objectif était d'échanger sur l'accompagnement des personnes victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale. Nous souhaitons également discuter des services d'aide qui leur seront offerts ainsi que de leur parcours dans le processus judiciaire. Se sont jointes à moi la députée de Marguerite-Bourgeoys, la députée de Sherbrooke, la députée de Joliette, que je salue particulièrement, qui est également ici aujourd'hui avec nous, et que je remercie toutes pour leur engagement au-delà de la politique partisane. Nous avons le devoir envers les personnes victimes d'entreprendre des démarches pour rebâtir la confiance et celle du citoyen à l'égard du système de justice. Je le mentionnais d'ailleurs d'entrée de jeu, M. le Président. Mais nous devons aussi bonifier les mesures déjà existantes et en développer de nouvelles pour les accompagner dans leur cheminement. C'est pourquoi nous avons annoncé, en mars, la mise en place du comité d'experts. Celui-ci aura pour mandat de nous conseiller sur les mesures actuelles et potentielles qui permettront de mieux adapter le système de justice aux personnes victimes de ces crimes et de favoriser leur compréhension des avenues qui s'offrent à elles.

En avril dernier, sur un autre sujet, le ministère annonçait le plus grand projet de transformation de son histoire, avec le plan pour moderniser le système de justice. Nous maintenons la mise en oeuvre de ce plan afin de rendre la justice plus innovante, plus efficiente, encore une fois au bénéfice de tous. Pour moderniser la justice, M. le Président, nous devons amorcer plusieurs chantiers de front. J'espère pouvoir donner l'impulsion nécessaire. C'est d'ailleurs mon devoir de donner l'impulsion nécessaire afin qu'il se réalise assez rapidement et qu'il soit à la hauteur des attentes des justiciables. Nous sommes dans une ère d'adaptation dans laquelle je vois des occasions à saisir pour tous, pour tous les acteurs du système de justice, au sens large.

La pierre d'assise des réformes que nous aborderons sera un virage technologique. Nous devons penser, par contre, la justice du futur et non pas seulement rattraper notre retard. Nous prévoyons ainsi un véritable changement de culture. Nous misons sur un échange plus fluide de l'information entre les divers intervenants. Nous visons, par exemple, la tenue de procès entièrement sans papier. Et un jour d'études de crédits, M. le Président. C'est mon collègue, M. Caire, qui va être content de ma remarque, je vais la faire envoyer. Nous voulons offrir plus de services en ligne sécurisés. Les justiciables pourront, à terme, consulter, à distance, les papiers judiciaires et le plumitif. L'une des clés d'un meilleur accès à la justice est également une éducation juridique de qualité, j'en suis intimement convaincue. C'est pourquoi un des projets en lien avec la modernisation de la justice est le virage numérique de la justice. Et SOQUIJ est un partenaire de choix dans l'évolution de notre système. L'accès à la justice n'est donc pas juste une question d'accès aux tribunaux. Nous avons le devoir de rendre la justice à la portée de tous les citoyens et citoyennes du Québec. Trop longtemps, la justice a été l'apanage d'experts.

La possibilité pour les citoyens de faire valoir leurs droits ne devrait jamais être une question de moyens financiers, ne devrait jamais être une question de connaissances ou de localisation géographique. C'est pourquoi nous améliorerons l'accès par tous les moyens possible en changeant nos façons de faire, en visant notamment des modes alternatifs de règlement de conflits, mais aussi en adaptant le système à ses utilisateurs.

Je parlais des victimes de violence sexuelle et de violence conjugale à l'instant. Ce sont des personnes qui demandent une approche particulière et des services qui sont adaptés à leur situation. C'est dans cet esprit que nous devons nous soucier de ceux qui souffrent également de problèmes de santé mentale. Nous poursuivons les actions annoncées dans la Stratégie nationale de concertation en justice et en santé mentale, lancée en mai dernier. Il est de notre devoir de faire en sorte que les personnes qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, d'itinérance ou de toxicomanie soient bien accompagnées durant leur parcours. Il nous faut reconnaître leurs besoins afin d'éviter ce qu'on appelle les portes tournantes, où ces personnes sont ballottées entre la cour et la rue. Je l'ai vécu, à titre d'ex-procureure de la couronne, M. le Président, on est très conscients de ce phénomène.

Il faut également penser aux personnes à faible revenu. Les seuils d'admissibilité à l'aide juridique ont été haussés de 6,67 % le 31 mai 2018, ce qui correspond à la hausse du salaire minimum. Je vous rappelle que le service d'aide juridique, dispensé par la Commission des services juridiques, est également offert gratuitement à ceux qui travaillent au salaire minimum.

Lancer une action en justice est souvent un processus complexe et qui peut être, disons-le, intimidant pour les non-initiés. Pour soutenir les justiciables dans leurs démarches, l'une des initiatives les plus intéressantes est celle des CJP, les centres de justice de proximité. Ceux-ci, financés par le Fonds Accès Justice, accompagnent, de manière tout à fait gratuite, les citoyens. Ils peuvent ainsi mieux comprendre les rouages du système judiciaire, mais aussi déterminer les lois et les règlements qui s'appliquent à leur situation et les démarches à suivre.

Les CJP sont la porte d'entrée par excellence pour tous. Depuis leur ouverture en 2010, ils ont traité plus de 120 000 demandes d'information. La mise en place des CJP s'inscrit d'ailleurs dans le Plan stratégique 2015-2020 du ministère de la Justice.

Dans la dernière année, nous avons inauguré d'ailleurs trois nouveaux CJP. Un en Mauricie, un sur la Côte-Nord et un au Nunavik. Il est important que les CJP s'adaptent aux besoins des communautés qu'ils desservent. Par exemple, celui de la Montérégie propose de l'information sur les modes de prévention et de règlement des différends pour aider les citoyens à adopter des solutions alternatives lors de conflits. L'introduction de ces modes dans la justice civile s'inscrit dans une forte tendance, tant au Canada qu'à l'international, visant à trouver des mesures de rechange aux tribunaux pour divers types de problèmes.

Celui du Nunavik peut être aussi cité en exemple. Mis en place en collaboration avec la société Makivik, il offre ses services en tenant compte du contexte particulier de la région, notamment l'isolement géographique des villages inuits. Son équipe est appelée à circuler de manière itinérante sur le territoire pour aller à la rencontre de la population. Ce sont là des initiatives qui, selon moi, sont à souligner et dont nous pouvons être fiers.

J'ai beaucoup parlé de technologie depuis le début de cette présentation, mais nous devons aussi nous attaquer à la réfection de notre patrimoine bâti, qui est vieillissant. Pour ce faire, nous pouvons miser sur l'expertise de la Société québécoise des infrastructures. Je souligne notamment le fait que les travaux d'agrandissement et de réaménagement du palais de justice de Rimouski vont bon train. Ceux-ci, qui étaient réclamés depuis fort longtemps, ont commencé en 2017. Au terme du chantier, nous offrirons un bâtiment à la fois fonctionnel et respectueux du caractère particulier de l'histoire de la justice sur ce lieu. Nous inaugurerons, dans les prochains mois, ces nouvelles installations, qui seront 60 % plus grandes que les précédentes. Le palais de justice de Rimouski répondra aux demandes du milieu en matière de justice, mais aussi en matière de sécurité. C'est un projet qui s'inscrit dans l'esprit de la transformation de la justice en alliant architecture fonctionnelle et technologie à la fine pointe.

Dans la même année, nous avons également inauguré une annexe au palais de justice de Saint-Jérôme. Ce chantier nous a permis d'améliorer l'offre de services aux citoyens, et ce, afin de traiter les causes dans un délai plus court. Le bâtiment compte trois salles d'audience civile supplémentaires ainsi que quatre salles pour la tenue de conférences de règlement à l'amiable, qui peuvent également être utilisées à des fins d'audience en matière civile.

Par ailleurs, nous avons annoncé, cette année, que le projet d'agrandissement et de rénovation du palais de justice de Saint-Hyacinthe avait franchi une étape importante, soit celle du dossier d'opportunités. Il est primordial pour nous de répondre aux demandes, mais surtout aux besoins du milieu. Nous devrons, pour ce faire, aménager un palais de justice temporaire, un projet pour lequel les modalités seront annoncées ultérieurement.

Je suis également fière de rappeler que nous avons ouvert un greffe en matière civile et familiale au palais de justice de Kuujjuaq. Les résidents du territoire de la baie d'Ungava et du Nunavik, au Nunavik, ont en effet maintenant des services directement chez eux dans ce domaine.

Je parlais, tout à l'heure, d'accès à la justice, qui est une de mes priorités, de mes grands défis. Les mesures que je viens d'annoncer s'inscrivent dans ce sens.

Nos institutions ont également besoin d'être recadrées parfois après des périodes de turbulence, ce qui fut le cas de la CDPDJ. Je suis très heureuse de voir qu'après les tumultes vécus au moment de mon arrivée en poste cet automne, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse est maintenant entrée dans une nouvelle ère de stabilité en matière de gouvernance. Pour nous, il est primordial que la CDPDJ, qui vise à protéger les plus vulnérables soit à la fois active et moderne. Nous travaillerons d'ailleurs en ce sens dans les prochains mois.

En terminant, je souhaite souligner le dépôt du premier projet de loi de notre gouvernement, le projet de loi n° 1, qui renforce sans contredit la gouvernance de certaines de nos institutions en améliorant la transparence des nominations à certains postes clés de notre système judiciaire et notamment, en ce qui me concerne, celui du Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Je tiens à réitérer, M. le Président, à tous les Québécois et Québécoises que nous mettrons tout en oeuvre pour que le système de justice soit à la hauteur de leurs attentes. Les mesures que j'ai évoquées plus tôt contribueront à accroître la confiance des Québécois envers cette institution démocratique. Je vous remercie.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Bachand) : ...beaucoup, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de 10 min 31 s, M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. J'en profite pour vous saluer, évidemment, saluer la ministre et les personnes qui l'accompagnent, personnes de son cabinet et également personnes, je dirais, de l'appareil, du système de justice. Donc, merci beaucoup d'être là et de nous aider à obtenir réponse à nos questions aujourd'hui, saluer également les collègues d'en face et les collègues de l'opposition officielle, ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce et de la deuxième et de la troisième opposition.

M. le Président, la ministre a parlé brièvement, à la fin de son allocution, du projet de loi n° 1. Je dois lui dire qu'elle nous a beaucoup manqué, durant le projet de loi n° 1, parce que le DPCP, qui maintenant — le débat en article par article — a quitté, donc, la Commission des institutions, sera transposé au salon bleu. On aura l'occasion, j'espère, de l'entendre sur le projet de loi n° 1, parce que la nomination du DPCP, son indépendance, qui découle du pouvoir de la couronne constitutionnellement et historiquement et qui relève d'une nomination de la ministre et qui doit travailler en toute indépendance, mais qui relève du système de justice... Le projet de loi n° 1 aurait bénéficié, je crois, de l'éclairage de la ministre, et le fait qu'il ait été piloté par la ministre de la Sécurité publique était un peu, quant à nous, M. le Président, incongru. On nommait les votes aux deux tiers... par votes aux deux tiers, le directeur général de la SQ et le Commissaire à l'UPAC, et de mettre dans le lot, sans être péjoratif, le DPCP, je pense que c'était un peu faire peu de cas de la nécessaire indépendance que doit avoir le DPCP. Mais on continuera le débat au salon bleu.

Alors, M. le Président, heureux, donc, de retrouver la ministre lors de l'étude de ces crédits. On a beaucoup, beaucoup de sujets à aborder, et j'aimerais, donc, transposer mon temps, si vous le permettez, sur le bloc qui nous sera dévolu.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Je cède la parole maintenant au député du deuxième groupe d'opposition pour ses remarques préliminaires de 2 min 38 s, M. le député de Leduc... d'Hochelaga-Maisonneuve, désolé, M. Leduc. Désolé.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Je ne sais pas si une circonscription sera nommée en mon nom un jour, là. Je serais bien surpris, je serais bien surpris.

Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, tous les collègues. On a appris à se connaître avec plusieurs heures de travail dans le projet de loi n° 1 récemment, donc heureux de nous retrouver. Salutations à tout le personnel qui accompagne Mme la ministre aujourd'hui aussi. Content de vous voir. Toujours apprécié.

Donc, même chose, je vais garder mon temps également pour la période d'échange. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée de Joliette pour 2 min 38 s. Mme la députée de Joliette.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de saluer Mme la ministre, sa sous-ministre, toute l'équipe du ministère et, bien sûr, de son cabinet.

Je sais à quel point la période des crédits est une période intense, intensive et combien il y a eu d'efforts mis dans la préparation, donc merci beaucoup. Et, comme je le dis toujours, même si on ne réussit pas à poser des questions sur tout ce qu'on voudrait, surtout qu'on est la troisième opposition — je vais m'habituer à cette nouvelle réalité — on lit tout avec beaucoup d'attention.

Je veux saluer, bien sûr, tous les collègues du parti ministériel, mes collègues les porte-parole de l'opposition officielle et de la deuxième opposition.

Et moi aussi, je vais garder le reste de mes minutes précieuses pour les débats.

Discussion générale

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je suis maintenant prêt à reconnaître une première intervention de l'opposition officielle pour un premier bloc d'échange de 20 minutes. M. le député de LaFontaine, la parole est à vous.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, on voit, dans le budget, que, lorsque l'on regarde le budget des dépenses oui il y a une augmentation à la Justice de 1 042 000 000 $ aujourd'hui, qui était partie, donc, de 2018‑2019, de 1 027 000 000 $. Donc, l'an passé, 1 027 000 000 $, cette année, 1 042 000 000 $, mais le poids relatif diminue, le poids relatif passe de 1,34 % et diminue à 1,28 %. Alors, normalement, on aurait espéré que la Justice conserve son poids relatif quant à l'importance dans les dépenses de l'État. Surtout, je me rappelle d'un débat au Barreau, où la collègue de Joliette et la ministre de la Justice étaient là, puis on se disait que ça devrait plutôt tirer vers le 1,5 %. Alors, comment expliquer cette baisse de poids relatif?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui. Si on regarde le pourcentage, effectivement, bon, le portefeuille de la Justice représente présentement un pourcentage de 1,28 % du budget des dépenses du gouvernement. On a eu, je pense, pour l'année 2019‑2020, des mesures assez intéressantes.

Il ne faut pas oublier, naturellement, ce qui a été fait par le gouvernement précédent, je le salue, j'ai pris la peine de le faire, le 500 millions qui a été investi en Justice, et là la Justice doit travailler présentement à cette transformation.

Il y a également, et je n'en suis pas peu fière, la mesure de 50 millions qui a été accordée sur cinq ans, donc 10 millions par année, pour supporter les travaux du comité consultatif sur l'accompagnement des victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale. Ce budget supplémentaire là qui nous a été accordé va nous permettre justement de pouvoir supporter le comité dans ses mesures, et c'était pour moi très important, lors de mes représentations auprès de mon collègue des Finances, de m'assurer que ces argents-là, que ces crédits-là ne soient pas attribués à des mesures particulières, parce que l'objectif de travailler avec un comité consultatif est de lui donner toute la latitude de nous faire des recommandations qui sont réellement adaptées au parcours des victimes, et c'est pour cette raison-là que cette mesure budgétaire là a été dessinée, si on peut, ou pensée de cette façon.

M. Tanguay : Juste pour... Puis je remercie la ministre de... qu'on puisse respecter, puis elle l'a bien fait, là, la règle de la proportionnalité. Mais, ceci dit, donc, il y a un manque à gagner, il y a une diminution du poids relatif. Alors, elle a bien dit, c'est toutes des belles mesures que l'on salue, mais le poids relatif diminue. Comment ça?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : ...que le budget de cette année, bien, on parle de beaucoup d'augmentations en santé, d'augmentations en éducation. Il faut expliquer la diminution du poids relatif de la Justice par rapport aux augmentations de budget qui sont énormes dans des domaines qui ont été très bien identifiés pour cette année par le premier ministre. Mais je peux vous assurer, M. le député, que la Justice, pour les années 2019‑2020, possède les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission, et je ne voudrais pas que ça soit autrement.

Je dois aussi vous souligner... Je vais en profiter, parce qu'on parle quand même de crédits, pour souligner une autre mesure budgétaire, celle qui est dans le but de soutenir davantage les bénéficiaires de pension alimentaire. Entre autres, ça nous touche à l'aide juridique. On a augmenté les sommes qui peuvent être exemptées de zéro à 4 200 $ par année par enfant, qui peuvent être... qui sont augmentées pour... retirées, si on veut, du calcul pour l'accessibilité à l'aide juridique. Donc, c'est également une mesure d'accès à la justice, je pense, qui est non négligeable pour cette année.

M. Tanguay : Oui, M. le Président, alors, je... C'est beau, c'est correct. La ministre est honnête, il y a eu plus à la Santé et à l'Éducation, puis, je veux dire, ce sont des choix gouvernementaux que les gens à la maison peuvent comprendre. Mais, d'un autre côté, évidemment, on peut voir la baisse du poids relatif de la Santé dans le budget de 1,34 % à 1,28 %. Mais là je... De la Justice. Et là je tends une perche à la ministre pour nous aider à — à moins qu'il soit déjà budgété, mais je ne croirais pas, vu les négociations — nous aider à combler ce retard au niveau de l'aide juridique et des négociations entre la commission, entre le gouvernement et le Barreau du Québec. Ce qu'il est demandé, c'est 48 millions en honoraires temps de préparation, pratique privée et 3 millions pour une période de référence mensuelle. Et ça, ça avait été très clairement dit par le député de Borduas, leader du gouvernement, et je le cite, avant le 1er octobre : «Un ultime refus du gouvernement libéral d'investir dans le système judiciaire québécois signifierait qu'il endosse que certaines personnes moins bien nanties ne peuvent avoir accès à une représentation de qualité, ce qui brime littéralement l'un de leurs droits fondamentaux. Il est grand temps de rétablir cette inéquité qui perdure depuis trop longtemps d'effectuer un rattrapage sur les tarifs afin de redonner une voix aux justiciables les plus vulnérables.» Alors, que dites-vous aujourd'hui, Mme la ministre, aux justiciables les plus vulnérables?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Vous comprendrez aussi bien que moi, M. le député, que, présentement, ces négociations-là ont cours entre le Barreau, et la commission, et le Conseil du trésor. Par contre, je peux vous assurer d'une chose : l'objectif de la Justice, mon objectif a toujours été clairement établi, c'est de favoriser l'accès à la justice. Alors, quand il y a des représentations à faire en ce sens, je peux vous assurer que je les fais. Pour ce qui est des négociations particulières, je vais m'abstenir de tout commentaire, parce qu'elles ont cours présentement.

• (10 h 30) •

M. Tanguay : Mais je dois partager en commission ici, à l'étude des crédits, à la ministre que le milieu est inquiet. Donc, le milieu est inquiet quant à... J'entends la ministre, là, on ne fera pas la négociation ce matin, parce que toutes les parties ne sont pas représentées et que ça relève d'une négociation qui doit être faite évidemment de façon constructive et doit avoir, donc, un minimum d'espoir. Mais le milieu est inquiet, M. le Président, et je tiens à le souligner à Mme la ministre. Il eut été intéressant de le voir dans le budget. Donc, ça fait depuis à peu près 18 octobre, date de nomination du Conseil des ministres, ça fait à peu près cinq mois. Ça aurait été bien, surtout que c'était un engagement très ferme du leader du gouvernement, porte-parole à l'époque, et c'est un 51 millions. Alors, je veux juste partager à la ministre les inquiétudes. Là, la porte d'entrée du budget, elle est derrière nous. Ils ne sont visiblement pas là. Je lui souligne l'inquiétude.

Et ça, ça participe de l'accès à la justice, bien évidemment. On parle des tarifs des avocats en pratique privée pour l'aide juridique. Et, souvent, sur le terrain, la ministre le sait, je crois, très bien, sur le terrain, les gens n'ont pas accès à un avocat ou en région, pour avoir rencontré des bâtonniers de région, en région, il est difficile, il y en a juste un qui prend des contrats d'aide juridique, puis, à cause que les tarifs sont trop bas, bien, il doit refuser. Alors, on parle d'un accès direct à la justice qui n'est pas assuré. Alors, je souligne l'inquiétude à Mme la ministre, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Bien, si vous permettez, je partage cette inquiétude-là. Quand on parle d'accès à la justice, je dois vous dire, M. le député, vous rassurer que je ne me lave pas les mains de ce dossier-là, même si ce n'est pas moi qui négocie. J'ai eu des rencontres avec les intervenants du Barreau, les barreaux de section. J'ai eu l'occasion de discuter de leurs inquiétudes, de les partager. Les négociations vont d'ailleurs très bon train. Les enjeux sont compris de part et d'autre.

Naturellement, je peux peut-être faire un point. Effectivement, vous mentionnez l'absence des fois ou la pénurie d'avocats en région, effectivement, peut-être que les tarifs, je pose la question, peut-être que les tarifs en sont une cause, mais ce n'est pas la seule cause, hein? Il faut faire en sorte... en région, il y a beaucoup de problèmes d'accessibilité, on doit travailler sur plusieurs fronts, les centres de justice de proximité en sont un, naturellement, et on doit travailler aussi à désamorcer les litiges le plus souvent possible en amont pour éviter justement d'avoir peut-être recours à un avocat quand ce n'est pas nécessaire.

Plusieurs rencontres ont d'ailleurs eu lieu depuis la nomination du Conseil des ministres, le 18 octobre 2018. Il y a eu des rencontres en décembre, en janvier, en février, quelques rencontres en mars, d'autres rencontres sont prévues, une prochaine rencontre le 12 avril également a été fait, a eu lieu. On est dépassés le 12 avril, hein, oui? Il faut que je m'adapte aussi à mon calendrier, qui va vite, donc... Mais on est en discussion, ça va bon train, on comprend les enjeux. Le Barreau, d'ailleurs, a fait preuve d'ouverture sur la façon aussi de répartir les tarifs, qui ne sont pas nécessairement une augmentation, je dirais... c'est quoi, le terme?

Une voix : ...

Mme LeBel : Paramétrique. Paramétrique. Donc, je vais m'arrêter là, parce que ce sont des discussions qui ont cours avec le Conseil du trésor, mais je veux vous rassurer que je partage les objectifs qui sont sous-jacents aux inquiétudes que vous nous avez mentionnées.

M. Tanguay : La ministre, M. le Président, a parlé, à juste titre, des CJP, centres de justice de proximité, créés en 2010. Quel est son plan de match pour l'avenir des CJP? Parce qu'effectivement c'était une mesure qui était intéressante, et elle parlait un peu plus tôt de prévenir les litiges en amont. Quand on se parle, des fois, on se comprend, puis qu'on évite d'aller devant une juge ou un juge. CJP, quel est l'avenir des CJP? J'imagine que c'est plus qu'hier moins que demain.

Mme LeBel : Je vais juste... je vais vous demander de répéter. Quand vous parlez des CJP...

M. Tanguay : Quel est l'avenir des CJP...

Mme LeBel : Je suis désolée, ce n'est pas délibéré.

M. Tanguay : L'avenir des CJP, centres de justice de proximité, quel est votre plan de match quant à leur déploiement? Voilà.

Mme LeBel : Bon, plusieurs ont été déployés, hein? J'ai participé, d'ailleurs, à l'ouverture de quelques-uns depuis mon arrivée. Ils n'ont pas tous été déployés. Je dois vous dire qu'on doit regarder également les besoins du milieu, hein? Les choses ont changé depuis quelques années. Les CJP sont une excellente affaire, ils donnent de l'information juridique. Il y a des milieux où ça a été extrêmement bien accueilli. Il y a d'autres milieux où il y a des organismes communautaires qui sont déjà en place, des centres d'information juridique. Donc, ce qui est important pour l'accès à la justice, ce n'est pas de multiplier les offres de services qui se juxtaposent, si vous me permettez l'expression, donc... mais les centres de justice sont là pour rester.

Maintenant, on doit procéder à analyser la suite des événements. Ce n'est pas un arrêt, c'est une... moi, ce que j'appelle ça, c'est arrêter pour mieux... reculer pour mieux regarder la vue d'ensemble. Et je dois vous dire que, jusqu'à présent, là, les CJP fonctionnent très bien. 75 %... 82 %, pardon, des usagers ont une satisfaction des CJP. C'est une excellente mesure, elle est là pour rester. Maintenant, pour la suite des événements, je pense qu'il faut être responsable et regarder de quelle façon on va implanter et où est-ce que c'est nécessaire de continuer à le faire.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député.

M. Tanguay : À titre de bilan, à l'heure où on se parle, il y en a combien? Et combien y consacrons-nous d'argent?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Ce que je vous lançais... Oui, 10. C'est ça. C'est ce que je pensais. J'ai dit une dizaine, puis c'est 10, le chiffre. Donc, ça va bien. 10 sont actuellement déployés sur tout le territoire. Le plan stratégique était de prévoir 12 régions administratives présentement. Je peux vous dire, peut-être, pour faire un petit bilan, les centres de services emploient actuellement 45 personnes. La majorité des budgets sont consacrés d'ailleurs à des masses salariales, hein? On parle de services directs aux citoyens. C'est extrêmement intéressant. La capacité d'accueil, le niveau d'écoute, la compétence sont les aspects qui ont été le plus relevés. On a naturellement voulu savoir si ça fonctionnait. C'était important de le faire. Le panier de services des CJP comprend essentiellement de l'information, par contre, juridique, l'établissement des besoins d'ordre juridique, le référencement.

Ce qu'il faut souligner, puis, je pense, vous le savez déjà, M. le député, les CJP ne donnent pas d'avis juridique. Ils sont là pour donner de l'information. Mais déjà l'éducation, l'information, c'est une grande clé, là, pour ouvrir l'accès à l'information et, souvent, la compréhension des citoyens.

Les revenus de la clientèle qui sont visés par les CJP sont variés, donc, complémentaires souvent à l'aide juridique dans ce sens-là. 29 % ont moins de 20 000 $, 29 % sont entre 20 000 $ et 40 000 $, 17 % sont entre 40 000 $ et 60 000 $ et 7 % entre 60 000 $ et 80 000 $. Donc, on voit que la masse critique se situe à moins de 40 000 $. Et c'était la masse qui était, je vous dirais, visée par cette mesure-là de façon plus large.

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Tanguay : Quel est le budget total qui est consacré aux 10? Et, sous-question, quel est le plan de match des deux autres? Il était prévu d'en avoir deux autres, quel... C'est lesquels, les deux autres?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Si vous voulez une réponse exacte, vous allez me permettre deux petites minutes. Bien, pas deux minutes.

M. Tanguay : Oui. Bien, on pourra revenir plus tard, M. le Président.

Mme LeBel : Oui? Pafait.

M. Tanguay : Elle peut la prendre en délibéré, comme on dit dans le jargon.

Mme LeBel : Sur les Centres de proximité de justice présentement actifs, je vais nommer Québec, Bas-Saint-Laurent, Montréal, Outaouais, Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, Saguenay—Lac-Saint-Jean, Montérégie, Côte-Nord, Mauricie, et Nunavik. Ils ont présentement des dépenses de fonctionnement de l'ordre de 502... C'est des millions, ça, hein? J'imagine.

Une voix : ...

Mme LeBel : C'est ça. 502 000 $, 2,6 millions pour la masse salariale et 468 000 $ pour le loyer. Donc, je pourrais vous faire un petit total, si vous voulez, là, mais...

M. Tanguay : Les deux autres, qui sont-ils, à venir?

Mme LeBel : C'est justement à déterminer présentement. On avait dit qu'on couvrirait 12 régions administratives, là. Maintenant, c'est de savoir...

M. Tanguay : Et les autres?

Mme LeBel : Mais on est ouverts.

M. Tanguay : Les deux autres ne sont pas identifiées.

Mme LeBel : Bien, ne sont pas identifiées parce qu'on est justement ouverts à une espèce d'étude de marché, si je peux la qualifier ainsi. Puis on va s'assurer qu'ils sont implantés. Il y a des régions qui en ont fait, des demandes. Naturellement, on n'est pas contre, mais on veut s'assurer qu'ils vont être implantés dans des milieux où c'est vraiment nécessaire de le faire.

M. Tanguay : Avez-vous un échéancier?

Mme LeBel : Dans les prochains mois, on devra prendre des décisions. Mais, non, je n'ai pas d'échéancier particulier.

M. Tanguay : À part dans des meilleurs délais, non?

Mme LeBel : Non. Dans les meilleurs délais, le plus rapidement possible?

M. Tanguay : Oui. Ça, c'est moins le fun.

Mme LeBel : Oui, je le sais, mais c'est parce que c'est vrai.

M. Tanguay : Espérons qu'ils soient réellement les meilleurs, les délais.

Mme LeBel : Bien, c'est que ça prend le temps de l'évaluer pour le savoir.

M. Tanguay : Oui. Non, c'est correct. C'est bien parfait. Pour moi, là, je ne dirai pas comme le premier ministre, quant aux engagements de la CAQ d'octobre 2018, que c'était son livre de chevet. Mais, pour moi, c'est un livre... C'est un document important, ici, mon plan pour modernisation au système de justice 2018‑2019. Je ne dirais pas que c'est mon livre de chevet, on va essayer de lire d'autres choses, mais quand même, là-dedans, à la page 14, il y avait des statistiques quant aux délais. On disait que, les délais, on était sur la bonne voie. J'aimerais vérifier avec la ministre de la Justice si on est sur une tendance lourde. On parlait des délais criminels. Ils ont diminué, sans enquête préliminaire, de 8,3 mois en décembre 2016, à 7,1 mois en décembre 2017. Il y a une baisse. Criminel avec enquête préliminaire, 26,5 mois en décembre 2016 à 21,3 mois en décembre 2017. Puis je ne veux pas prendre la ministre, là, sur les statistiques. Je veux juste savoir : A-t-elle... C'est ma question : Décembre 2017, a-t-elle des statistiques plus récentes? Et peut-on, donc, y constater qu'il y a une tendance lourde à la baisse des délais en matière criminelle?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

• (10 h 40) •

Mme LeBel : Bien, je vais vérifier au niveau des statistiques de décembre. Il y a effectivement, dans tous les districts judiciaires, une tendance qui va se maintenir, qui va se poursuivre à la baisse des délais. Je parle avec les intervenants judiciaires du milieu. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de parler avec le juge en chef de la Cour supérieure dernièrement, qui m'expliquait qu'effectivement la question des délais n'est pas derrière nous, mais elle est sous contrôle, je vais le dire de cette façon-là.

Ce qu'il est important de noter, c'est qu'il faut pérenniser cette tendance-là, M. le député, hein? Vous le savez, on a ajouté des effectifs. Ajouter des effectifs, c'est une façon de pallier de façon ponctuelle. C'est ce que j'appelle un diachylon nécessaire, d'ajouter des effectifs pour pallier de façon ponctuelle.

Mais il faut revoir toute la question de l'administration de la justice pour s'assurer que le mur Jordan, comme je peux l'appeler, celui que j'ai vécu de l'intérieur parce que j'étais sur le plancher, en 2016... Et je ne vous cacherai pas qu'à cette époque on pouvait, les intervenants du milieu sur le plancher, sentir venir cette situation-là. Je dois vous rassurer par contre, cette situation-là était particulièrement critique dans le district de Montréal, elle existait dans les autres districts également. Oui, cette tendance lourde à la baisse, qui est une tendance positive, on va le dire, va se maintenir.

Maintenant, dans le plan de modernisation et de transformation de la justice, dans les moyens alternatifs de règlement des litiges, dans les mesures de rechange, dans la justice participative, dans les centres de justice de proximité, bien, ce sont tous des moyens, justement, d'accéder à la justice, de faire en sorte aussi de dégager les tribunaux des litiges qui n'ont pas besoin d'être devant les tribunaux. Je mentionnais, d'entrée de jeu, dans mon discours d'ouverture, les mesures à l'itinérance, où on voit les portes tournantes, des gens qui sont remis par les procureurs de la couronne, ce que j'appelle, sur la rue, avec des conditions, et que nécessairement ils vont briser ces conditions, ils vont se retrouver dans le système judiciaire.

Le système judiciaire, il faut le comprendre, criminel, entre autres, est engorgé présentement par une multitude, une masse critique de petits dossiers et ce qui fait en sorte que ça ne laisse pas de place pour les litiges qui doivent vraiment, nécessairement, se retrouver devant les tribunaux.

Alors, oui c'est une tendance lourde et on va travailler pour l'accentuer et la maintenir.

M. Tanguay : Je salue ça. 27 mars 2018, date du document. On avait les données pour décembre 2017. Est-ce qu'aujourd'hui, 16 avril 2019... avons-nous les données de décembre 2018? Sinon, moi, je ne veux pas que la ministre cherche là, sinon elle veut nous revenir d'ici à demain, là...

Mme LeBel : De toute façon, on va vérifier pour être sûrs que...

M. Tanguay : Vous pouvez vérifier? Voir les statistiques?

Mme LeBel : Je sais qu'on a des données, mais je veux voir si elles correspondent au moment que vous demandez, oui.

M. Tanguay : Et donc je demanderais, donc, trois statistiques, les délais moyens. Les derniers que j'ai en date... sont du document du 27 mars 2018, ils datent de décembre 2017 pour criminels sans enquête préliminaire, criminels avec enquête préliminaire. Et je demanderais, M. le Président... les données que j'ai sont de janvier 2018 pour les causes pénales, de nature pénale, les délais. Alors, si elle peut nous revenir d'ici à demain, fin des crédits, là-dessus.

Mme LeBel : Oui. Je peux peut-être vous donner un élément de réponse, mais on vous reviendra pour la suite demain. On a... dans le document de l'opposition officielle, la question n° 76, à la page 272, on vous donne les délais médians des causes criminelles pour l'année 2018‑2019, et ces données sont au 14 mars 2019, mais on parle, naturellement, de délais médians. Pour votre question plus précise, on pourra vous revenir.

M. Tanguay : Et, M. le Président, pour la moins qu'une minute qu'il me reste, j'aimerais poser à la ministre... Il y avait, dans ce plan, 500 millions additionnels pour moderniser le système de justice sous trois chapitres : pratiques innovantes, justice à l'heure des nouvelles technologies et communiquer efficacement. Ce qui était prévu pour 2019‑2020, respectivement, c'était 21 millions, 34 millions, 11 millions, pour un 66 millions à débourser du 500 en 2019‑2020. Est-ce que nous pouvons reproduire les mêmes chiffres? Est-ce que ce sera le cas effectivement?

Le Président (M. Bachand) : Il vous reste très peu de temps, Mme la ministre. En 20 secondes.

Mme LeBel : Oui. Effectivement, le budget est reconduit, si ça répond à votre question, tel quel.

M. Tanguay : O.K. Parfait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je rappelle à Mme la ministre de... si elle était capable de déposer demain, elle peut toujours déposer auprès du Secrétariat de la commission les documents qui ont été demandés par le député de LaFontaine.

Je me tourne maintenant vers les députés formant le gouvernement pour leur premier bloc d'intervention, pour une durée de 15 min 40 s. M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme la ministre. Donc, j'aimerais en profiter pour saluer Mme la ministre et l'ensemble de l'équipe qui est présente, également les collègues députés, également les collègues de l'opposition et vous, M. le Président.

Donc, j'aimerais commencer avec une question, du moins, en lien avec le délai de paiement des comptes à la pratique privée, en lien avec l'aide juridique. Je me propose, dans le fond, de brosser un portrait de la situation et peut-être de poser, là, une question ou quelques questions à Mme la ministre.

Donc, la Commission des services juridiques, c'est l'organisme chargé de l'application de la Loi sur l'aide juridique. Elle a été créée en 1972, donc, au même moment où le Québec se dotait d'un régime d'aide juridique mixte. Ce régime a été mis en place pour garantir l'égalité des droits et un accès à la justice pour tous. Il est basé sur un modèle public et privé. Donc, d'un côté, il y a la Commission des services juridiques, qui a mis en place des centres d'aide juridique, dont les bureaux embauchent des avocats, donc, sur une base permanente. Ces avocats exercent leur profession en exclusivité pour l'aide juridique. De l'autre côté, il y a les avocats de la pratique privée, donc le volet privé, qui acceptent des mandats d'aide juridique et qui sont rémunérés à même les fonds publics, sur une base individuelle, donc, pour le travail qu'ils effectuent dans le cadre de chacun des mandats qu'ils acceptent, donc, en lien avec l'aide juridique.

Ce sont, donc, les centres d'aide juridique qui permettent et qui coordonnent, pour les personnes admissibles à l'aide juridique qui en font la demande, leur représentation par des avocats qui ne travaillent pas pour l'aide juridique, mais plutôt pour la pratique privée, et qui acceptent de tels mandats. Cette balance, donc, entre les avocats permanents et les avocats de la pratique privée assure aux personnes admissibles à l'aide juridique le pouvoir de choisir quels avocats vont les représenter dans leur dossier. Donc, ça leur offre le choix, une possibilité. Le régime d'aide juridique québécois reconnaît donc le principe du libre choix, qui permet aux bénéficiaires de l'aide juridique de se tourner soit vers un avocat de l'aide juridique, donc, dans un bureau, ou soit vers un avocat de pratique privée qui accepte ce type de mandat, selon les besoins particuliers. Une partie importante du mandat à la Commission des services juridiques consiste ainsi à coordonner le volet privé du réseau d'aide juridique.

En moyenne, donc, c'est plus de 85 000 factures qui sont produites annuellement à la Commission des services juridiques par les avocats de la pratique privée. Si on prend l'exemple de l'année financière 2018‑2019, c'est plus de 91 000 factures qui ont été produites à la Commission des services juridiques. Il s'agit d'une légère diminution de l'année précédente. Donc, l'article 7 du Règlement sur la reddition de comptes concernant les services rendus par certains avocats et par certains notaires prévoit que la commission doit effectuer le paiement des honoraires et des débours à l'avocat ou au notaire dans les 30 jours qui suivent, dans le fond, la réception du relevé.

Donc, ma question pour la ministre, M. le Président, ça serait... Donc, considérant que la pérennité de notre régime d'aide juridique mixte dépend du fait que des avocats de la pratique privée continuent d'accepter des mandats d'aide juridique, j'aimerais savoir dans quelle proportion l'obligation établie à l'article 7 est-elle remplie.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Mais on est conscients, puis la Commission des services juridiques est très consciente que, pour la pratique privée, le paiement des honoraires est important pour le fonctionnement du bureau et pour la pérennité de la pratique, effectivement. Donc, c'est un dossier qui semble peut-être, à première vue, anodin, mais qui est extrêmement important pour les avocats de pratique privée qui choisissent de prendre des mandats d'aide juridique. Et d'ailleurs, nous les remercions de le faire. Ils participent, par leurs actions, à assurer un plus grand accès à la justice et à assurer un des principes fondamentaux de notre droit, qui est le choix à l'avocat.

Donc, c'est ce qui a fait en sorte que le Québec a choisi, à une certaine époque, d'avoir, je dirais, un régime d'aide juridique double, c'est-à-dire avec des permanents de l'aide juridique et aussi des avocats de pratique privée en aide juridique. Vous devez comprendre qu'en moyenne c'est plus de 85 000 factures qui sont produites annuellement à la Commission des services juridiques par les avocats de la pratique privée. Donc, pour l'année financière 2018‑2019, c'est plus de 91 000 factures qui ont été produites à la Commission des services juridiques. Ce sont ces factures-là qu'elle doit traiter.

Effectivement, l'article 7, comme vous l'avez mentionné, cher collègue, du Règlement sur la reddition de comptes concernant les services rendus par certains avocats et par certains notaires prévoit que la commission doit effectuer le paiement des honoraires et des débours à l'avocat ou au notaire dans les 30 jours suivant la réception du relevé. Alors, je suis fière d'annoncer que la commission arrive à remplir cette obligation dans la presque totalité des cas. Les cas où ce n'est pas possible, c'est très marginal et c'est parce qu'il y a des difficultés particulières, là. Ce n'est pas une question de délais, là, inhérents au paiement. Parce que je peux vous dire qu'on peut l'illustrer d'une certaine façon également, l'article 9 du règlement prévoit également... le règlement sur la reddition de comptes toujours, prévoit également le paiement d'intérêts lorsque le délai de 30 jours n'a pas été respecté par la commission. Et je dois vous dire que, sur des paiements totalisant, au 25 mars 2015, 60 701 641 $ qui ont été versés aux avocats et notaires, un montant de 1 164 % d'intérêts a été versé. Donc, 0,002 % d'intérêts. Donc, je pense que ça vous illustre la célérité avec laquelle ce règlement est respecté et le fait que la commission remplit, donc, pratiquement à 100 % ses obligations, évitant ainsi, bon, pour le gouvernement et pour la commission, des dépenses d'intérêts, et aux avocats des difficultés, là, dans la gestion de leurs finances de bureau.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.

• (10 h 50) •

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup. Donc, on en comprend que ça fonctionne bien.

Donc, j'aurais peut-être un autre volet, là, dont j'aimerais aborder avec Mme la ministre, M. le Président, donc, l'accès à la justice en matière familiale, notamment, donc, en lien avec le service, donc, d'aide à l'homologation. Donc, la Commission des services juridiques, c'est également l'organisme chargé d'offrir les services qui sont prévus à la Loi favorisant l'accès à la justice en matière familiale, donc, soit le service d'aide à l'homologation. Cette loi est en vigueur depuis le 10 octobre 2013 et a permis la création d'un nouveau service d'aide juridique en matière familiale.

Donc, le service d'aide à l'homologation s'adresse à des parents qui s'entendent pour apporter des modifications à la garde, au droit d'accès ou à la pension alimentaire d'un enfant ou d'un conjoint, ou même d'un ex-conjoint, quelle qu'en soit la cause, alors qu'elles ont déjà obtenu un jugement relatif au préalable à la pension alimentaire pour enfant ou relatif à une pension alimentaire pour enfant et conjoint.

Donc, la Loi favorisant l'accès à la justice en matière familiale a modifié la Loi sur l'aide juridique et sur la prestation juridique de certains autres services juridiques, entre autres en y insérant, après le paragraphe 1° de l'article 4.7, le paragraphe 1.1°. Donc, l'ajout de ce paragraphe prévoit, donc, je vais le citer, qu'«en matière autre que criminelle ou pénale, l'aide juridique est accordée pour toute affaire dont un tribunal est ou sera saisi [...] lorsqu'il s'agit de fournir à des parties les services professionnels d'un avocat pour l'obtention d'un jugement relatif à une entente présentée dans une demande conjointe en révision de jugement et portant règlement complet en matière de garde d'enfants ou encore en matière de pensions alimentaires pour enfants seulement ou de pensions alimentaires pour enfants et pour conjoint ou ex-conjoint». Donc, la particularité de cette mesure est que, pour la première fois depuis la création d'un régime d'aide juridique, un service est accessible à l'ensemble de la population sans égard à leur situation financière, donc, ce qui est bénéfique et avantageux pour la population.

M. le Président, la question que j'aimerais adresser à la ministre, donc : Est-ce que Mme la ministre pourrait nous dire plus... pourrait nous en dire davantage, c'est-à-dire, sur le fonctionnement de ce service et également nous dire si celui-ci est populaire et est bien utilisé par des familles ou des parents qui... ex-conjoints qui ont certains jugements au préalable et qui aimeraient utiliser ce service-là? Merci, M. le Président.

Mme LeBel : Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Bien, effectivement, puis je pense que vous allez m'entendre, peut-être de façon redondante, parler d'accès à la justice, et l'accès à la justice, encore une fois, c'est une multitude de mesures, et il faut attaquer ça de plusieurs fronts et de façon globale. Donc, ce n'est pas une mesure unique, une façon de faire unique. Ce n'est pas en augmentant simplement les effectifs devant les tribunaux, c'est également en mettant en place de telles mesures comme celle-ci, que vous venez de mentionner, qu'on appelle communément le SARPA, si je ne me trompe pas, le service d'administration des rajustements, entre autres, de pensions alimentaires.

Ce service a ceci de particulier que cette mesure est, pour la première fois depuis la création du régime d'aide juridique, un service qui est accessible à l'ensemble de la population sans égard à la situation financière. Donc, naturellement, pour les gens qui ont accès à l'aide juridique, c'est gratuit, et, pour ceux qui ne l'ont pas, il s'agit d'un régime qui est accessible à moindre coût et qui permet, donc, que, pour les parents qui s'entendent d'ailleurs pour apporter des modifications à la garde, aux droits d'accès ou à la pension alimentaire d'un enfant ou d'un conjoint, par exemple, quelle que soit la cause, alors qu'ils ont déjà obtenu un jugement, d'éviter de s'adresser aux tribunaux.

Ce service est, oui, très utile, très apprécié également. 18 734 demandes ont été présentées depuis son entrée en vigueur en 2012, je crois... en 2014, 1er avril 2014, soit plus de 284 demandes par mois. C'est assez notable. Ce service, donc... qui est particulier également pour ce service, c'est que l'avocat est choisi par les parents, il peut être donc... Comme je le mentionnais tantôt, on l'a parlé, hein, de notre système d'aide juridique à deux vitesses, et ça, quand je dis ça, ce n'est pas du tout une connotation péjorative, au contraire, c'est pour respecter le droit à l'avocat, et ce service, donc, permet donc de prendre soit un avocat permanent de l'aide juridique, ou il peut s'agir d'un avocat de la pratique privée qui va, naturellement, accepter de rendre le service pour le montant qui est établi par le programme.

Pour les parents qui sont non admissibles financièrement à l'aide juridique, on l'a mentionné, il en coûte 554 $, donc environ 275 $ ou 177 $ par parent, pour l'ensemble des services rendus par l'avocat afin d'homologuer l'entente. Donc, vous pouvez bien voir et vous êtes bien en mesure de constater que c'est un service qui, comme tous les autres services, peut augmenter de façon significative l'accès à la justice en matière familiale.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Chapleau) : Donc, effectivement, bien, c'est très positif. J'aimerais peut-être amener la ministre sur un autre sujet, donc, en lien avec les poursuites criminelles en matière d'exposition au VIH. À l'échelle mondiale, là, les poursuites pour non-divulgation, exposition ou transmission du VIH sont souvent liées à des rapports sexuels. Il s'agit d'au moins 68 pays qui ont des lois qui criminalisent spécifiquement la non-divulgation, l'exposition ou la transmission du VIH. Donc, certaines personnes ont été poursuivies alors qu'elles n'avaient aucune intention de causer préjudice, qu'elles n'ont pas transmis le VIH et que la transmission était en soi extrêmement improbable ou impossible.

Cela suggère que les poursuites pénales ne sont pas toujours guidées par les meilleures données scientifiques et médicales probantes disponibles. En effet, les données utilisées pour guider ce type de poursuites n'ont pas vraiment évolué pour refléter les nouvelles connaissances sur le VIH et sur son traitement, et elles peuvent être influencées par la stigmatisation et les peurs qui sont associées au VIH et qui persistent encore aujourd'hui dans notre société.

Cette compréhension qui est limitée des données scientifiques actuelles sur le VIH renforce la stigmatisation et peut conduire à des erreurs judiciaires. Elle peut également compromettre les efforts déployés pour lutter contre l'épidémie du VIH.

Le 29 octobre 2018, le Réseau juridique canadien VIH/sida a écrit une lettre ouverte à la ministre fédérale de l'époque de la Justice l'exhortant à mettre en pratique les recommandations formulées dans le rapport fédéral Réponse du système de justice pénale à la non-divulgation de la séropositivité de décembre 2017. Par la suite, le 8 décembre 2018, la directive 5, donnée au procureur par la ministre fédérale de la Justice de l'époque, est devenue applicable dans les trois territoires canadiens.

Donc, cette directive prévoyait ce qui suit, donc trois éléments : une poursuite dans les cas de non-divulgation de la séropositivité avant l'activité sexuelle ne doit pas être intentée lorsque la personne a conservé une charge virale supprimée. Une poursuite ne doit pas être engagée lorsqu'un condom a été utilisé. La poursuite doit être intentée au moyen d'infractions à caractère non sexuel dans les cas où la conduite était moins répréhensible. Et, en terminant, le procureur doit prendre en considération si la personne séropositive a reçu des services de l'autorité de santé publique.

Donc, M. le Président, j'aimerais adresser une question à la ministre. Donc, au Québec, c'est le gouvernement provincial qui est responsable de l'administration de la justice. La directive 5, dont je viens de vous parler, ne s'applique donc pas ici. J'aimerais alors savoir si, au Québec, nous avons quelque chose de similaire à cette directive concernant la non-divulgation de la séropositivité. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci, M. le député. Effectivement, au Québec, nous avons quelque chose de similaire. Mais je dois dire qu'il y a quelque chose aussi de particulier au Québec et je ne pense pas me tromper en disant que c'est encore le cas, entre autres, si ce n'est pas encore le cas, on n'est pas très nombreux au Canada, c'est le régime de préautorisation des plaintes qui sont ici par le DPCP, ce qui fait que le DPCP est en mesure, avant de porter plainte... doit faire en sorte de vérifier deux critères, hein, c'est-à-dire de vérifier qu'il y a de la preuve et vérifier l'opportunité de poursuivre.

Je dois dire que, entre 1989 et 2016, seulement 27 des 200 plaintes qui ont été portées dans cette matière-là au Canada appartenaient au Québec et seulement six dossiers depuis l'affaire Mabior en 2012. Alors que, contrairement à l'Ontario, où 53 % des dossiers... ils détiennent 53 % des dossiers canadiens en cette matière-là.

Ce qu'il est important de comprendre dans la directive 16 et qui suit, naturellement, les enseignements de la Cour suprême et l'évolution de la science, c'est qu'avant de... pour être sûr, là, il faut qu'il y ait une possibilité réaliste de transmission du VIH. Et il faut tenir compte de la science. Au Canada, on a précisé que la question de savoir si une activité sexuelle, d'ailleurs, entraîne une possibilité réaliste de la transmission doit être déterminée selon les progrès de la science. Et vous avez fait part, tantôt, de nombreux événements ou situations, nombreuses situations qui pourraient faire en sorte effectivement de réduire le risque dans plusieurs situations.

Le régime de préautorisation des accusations que nous avons au Québec ainsi que le taux de déclaration de culpabilité avoisinant 93 % démontrent bien, là, qu'au Québec, quand des accusations sont déposées, bon, je ne dirais pas qu'elles sont fondées parce qu'il faut encore en faire la preuve, mais que notre régime de préautorisation assure un certain filtre. Et, dans le cas qui nous préoccupe, ce filtre, effectivement est primordial pour s'assurer qu'on n'accuse pas des personnes qui n'avaient pas l'intention et qu'on n'accuse pas des personnes qui n'ont pas divulgué, alors que le risque n'est pas une possibilité réelle telle que l'édicte la jurisprudence.

Pour ce qui est des directives, effectivement, le DPCP a donc suivi les enseignements et a émis récemment une directive, en date du 8 mars 2019, une position, donc, institutionnelle concernant les poursuites criminelles en matière d'exposition au VIH et de non-divulgation, d'ailleurs, de la séropositivité. Celle-ci est à l'effet que le critère de la possibilité réaliste dont on vient de parler de transmission du VIH établie dans l'arrêt Mabior n'est pas satisfait lorsque la personne se livrant à une activité sexuelle sans révéler sa séropositivité suit un traitement antirétroviral comme prescrit et maintient une charge inférieure à 200 copies VIH par millilitre. Donc, c'est très technique, mais ce sont les enseignements, d'ailleurs, de la science dans cette matière-là. C'est ce que la Cour suprême nous a demandé de suivre. Alors, on se dit qu'à ce moment-là il existe un risque négligeable de transmission et on ne serait pas, d'ailleurs, donc, dans une situation où le Code criminel s'appliquerait.

Cette position prise par le DPCP est fondée sur la position ministérielle émise par le MSSS en octobre 2018 et sur les recherches scientifiques récentes sur le sujet. L'une des conclusions du rapport fédéral ainsi que les directives ontariennes et fédérales sont d'ailleurs au même effet.

Finalement, en conclusion, je veux rassurer les gens. On n'est pas dans les affaires d'accuser les gens sans fondement. Et, dans ce cas particulier de la séropositivité, tous les filtres sont mis en place pour l'éviter.

• (11 heures) •

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve, représentant le deuxième groupe d'opposition, pour un bloc d'échange 16 min 18 s. M. le député, s'il vous plaît.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Rebonjour, Mme la ministre. J'aimerais commencer par la question de l'IVAC.

Mme LeBel : L'IVAC?

M. Leduc : Oui. Alors, comme vous le savez, en 2016, la Protectrice du citoyen a rendu un rapport public qui faisait état de nombreuses défaillances à l'IVAC. Mme Saint-Germain parlait, dans son rapport, d'accès difficile au régime, de longs délais encourus à la suite des demandes, d'un manque d'empathie à l'égard des personnes qui faisaient appel à l'IVAC. Et, en juin 2017, la ministre de l'époque avait annoncé un plan d'action de 54 millions de dollars qui s'échelonnait jusqu'en 2019. 2019 étant déjà bien amorcé, on prend pour acquis que ce plan-là va bientôt tirer à sa fin. Je voulais voir quel bilan vous et votre ministère faisiez de ce plan d'action. Est-ce que, selon vous, la situation actuelle est satisfaisante et surtout avez-vous envisagé des mesures supplémentaires par rapport à l'IVAC?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui. Merci. Effectivement. Bon, le délai moyen pour rendre une décision d'admissibilité de l'IVAC en 2017 était d'environ 145 jours. Le traitement des demandes qui étaient en attente, là, on... Bon, il y avait du manque d'information, etc. Oui, on a travaillé pour adresser cette question-là. Il y a plusieurs des recommandations, je pense qu'il y avait 33... j'y vais par coeur, là, et vous me permettrez, s'il vous plaît, d'être plus... des fois plus fixée sur les chiffres, ce n'est pas ma force, mais il y avait 33 recommandations, si je ne m'abuse, dans le rapport de la Protectrice du citoyen. Plusieurs, au-delà de 26 recommandations, jusqu'à présent, ont été jugées adressées de façon satisfaisante, six sont en évaluation. Donc, on travaille effectivement à remplir toutes et chacune des recommandations qui avaient été faites par la Protectrice du citoyen.

J'essaie de vous trouver les chiffres, parce que vous me parliez des délais, puis je veux être sûre de vous donner les informations exactes, là. Mais, effectivement, c'est quelque chose sur laquelle on travaille. Donc, on travaille sur l'amélioration des délais de traitement. Parce que, naturellement, en matière d'aide aux victimes d'actes criminels, non seulement les services rendus sont importants, mais, comme vous le savez, le délai dans lequel ces services sont rendus sont essentiels, surtout dans le cas de trauma, pour éviter ce qu'ils appellent la cristallisation du traumatisme, donc, pour s'assurer d'intervenir dans un délai approprié ou en... J'avais juste le mot anglais, là, mais dans un temps opportun, si on veut, pour permettre, justement, d'aider la victime de la meilleure façon possible. Les délais sont cruciaux.

Alors, oui, on a ajouté des effectifs. Il y a des directives qui ont été rendues. Les délais de traitement se sont beaucoup améliorés. Si vous me permettez, je vais vous trouver les chiffres pour être sûre de vous les donner de façon exacte. Mais on travaille fortement à remplir les objectifs qu'il nous reste à remplir au niveau des 33 recommandations qui avaient été émises par la Protectrice du citoyen.

M. Leduc : Donc, il n'y a pas nécessairement un nouveau plan d'action qui est en branle chez vous en lien, toujours, avec les rapports qui avaient été déposés par Mme Saint-Germain?

Mme LeBel : Bien, je peux vous dire qu'en matière de délais la réalisation... Des cibles ont été atteintes, là, et prévues pour trois ans à ce niveau-là. Mais c'était beaucoup plus large, ce qu'il y avait au niveau de la Protectrice du citoyen. Puis, oui, il y a... Bien, le plan d'action est de revoir la loi. On est en train de regarder pour une réforme de l'IVAC. Il y a plusieurs raisons, il y a plusieurs choses qu'il faut faire. Il y a eu plusieurs doléances dans le rapport de la Protectrice du citoyen, entre autres, la notion de victime, la définition de victime, entre autres, la liste des crimes désignés. Donc, oui, on travaille sur ces sujets-là également. Je faisais part d'entrée de jeu qu'il y avait plusieurs réformes en justice. J'ai trouvé plusieurs réformes à faire également dans le domaine de la justice effectivement. Et c'est une des choses à laquelle je veux m'attaquer.

M. Leduc : Vous parlez de la liste des crimes. Ça me permet de rebondir sur une question qui me touche beaucoup. Vous savez que, dans la fameuse liste, il y a la... Il y a des absences, bien sûr. Il y a notamment l'absence du proxénétisme, de la traite, alors qu'on est en train de préparer une commission sur la question de la prostitution juvénile, le changement de la loi, qui a été fait au niveau fédéral en 2014 si je ne me trompe pas. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle ces deux crimes-là ne font pas partie de la liste de l'IVAC, des listes de crimes couverts par l'IVAC?

Mme LeBel : Bien, je ne serais pas capable de vous répondre pourquoi, historiquement, ces crimes-là ne faisaient pas partie de la liste. Cette liste-là n'a pas été révisée depuis longtemps. Alors, ça va faire partie de ce qu'on va regarder avec le ministère. Est-ce que je vous dis que celle-là de façon particulière... Non, je ne m'engagerai pas aujourd'hui à nommer des crimes qui vont être ajoutés à la liste. Ça ne veut pas dire qu'il ne le sera pas. Donc, n'y voyez pas ni une négation ni une approbation de ma part. Voyez-y plutôt une intention de revoir ça. Et, justement, en fonction des commentaires que vous venez de faire, je pense que c'est pertinent de le faire.

M. Leduc : Juste pour qu'on prenne un peu la séquence de votre plan de travail au ministère, là, il y a le droit de la famille qui s'en vient. Ça va être un gros morceau. Donc, j'imagine que cette révision-là de l'IVAC, ça va être beaucoup plus tard, là.

Mme LeBel : Bien, ça n'empêche pas d'autres personnes que moi de travailler sur cette réforme-là, et s'ils ont des propositions à me faire dans l'intervalle... Maintenant, on verra dans le plan de match de quelle façon on pourra le faire. C'est un plan... vous savez, quand je dis ça, qu'il est le plus généreux au Canada, je ne dis pas ça pour faire taire les doléances. Au contraire, je dis ça simplement pour souligner que, s'il est le plus généreux au Canada, qu'il donne des sommes astronomiques à chaque année et qu'il rencontre encore beaucoup d'insatisfaction, c'est parce qu'il y a quelque chose qu'il faut revoir. Et ce n'est peut-être pas nécessairement en termes d'investissement, mais en termes d'administration de ce régime-là.

Et je pense qu'il faut prendre le temps de le faire. C'est une réforme qui, comme toutes les autres, date de... et a été peut-être longtemps due, et je ne veux pas faire des choses à la pièce et apposer des diachylons. Je pense qu'il faut le revoir en profondeur. Et, malheureusement, pour faire de telles choses, bien, et le faire correctement, et s'assurer de ne pas être obligés de le refaire dans quatre ans, ou dans six ans, ou dans sept ans, et assurer une nouvelle pérennité à ce régime-là qui, ce dont on doit être fiers, je dois le mentionner, bien, je pense qu'il faut prendre le temps de faire les choses.

M. Leduc : Oui, merci, puis vous pourrez compter sur notre collaboration quand on sera rendus à cette étape-là. On espère qu'elle viendra le plus tôt que tard, bien sûr.

Je vais rester sur l'IVAC un instant encore. Vous parliez d'indemnisation; on a constaté que, dans les crédits de cette année, il y a quand même une diminution des crédits. On a cru comprendre que c'était dû au fait que la suramende compensatoire qui est prévue au Code criminel avait été jugée inconstitutionnelle. Bien, d'abord, est-ce que c'est notre bonne compréhension de la chose, pourquoi le fonds aurait un peu diminué et, surtout, comment vous allez pouvoir assurer la pérennité du financement du fonds dans un tel contexte?

Mme LeBel : Je vais commencer à répondre à votre question pendant qu'on me trouve les chiffres, parce que vous comprendrez que je ne connais pas par coeur, puis ce serait farfelu de ma part de vous le faire croire, là.

Pour ce qui est de la suramende compensatoire, pour adresser cette question-là de façon plus particulière, effectivement, le fonds était subventionné en grande partie par cette suramende-là. On sait tous qu'il y a eu un jugement de la Cour suprême qui est venu invalider le fait que la suramende compensatoire était maintenant obligatoire au Code criminel. Donc, c'est la différence entre le «doit» et le «peut».

À une certaine époque, quand je pratiquais, le juge pouvait... devait... pas devait, mais pouvait imposer une suramende compensatoire, bon, dans le cas d'amendes ou même dans certains autres cas, s'il le jugeait approprié, souvent en fonction de la capacité financière du contrevenant de payer. Maintenant, avec la modification qui avait été apportée au Code criminel, on avait changé cette notion de «peut» pour le «doit», c'est-à-dire qu'il y avait une obligation de la part... automatique de la part du juge d'imposer cette suramende compensatoire là, ce qui a créé des problèmes au niveau de la charte et de la notion de l'article 12, de la peine cruelle et inusitée.

Je dois vous dire qu'il y avait déjà des travaux qui étaient en cours et des pourparlers avec le fédéral par rapport à C-75, pour faire en sorte de réintroduire, dans l'article 737 du Code criminel, la notion de «peut», c'est-à-dire d'évaluation de la capacité financière de payer du contrevenant, pour ne pas, bon, créer indirectement une peine d'emprisonnement. Parce que, vous le savez, si quelqu'un est en défaut de payer une amende, bien, il y a un mandat d'arrestation, et il pourrait ultimement être porté à purger cette sentence-là dans... devant... nos tribunaux.

Donc, oui, il va y avoir un impact. Pour l'instant, je vous rassure, le fonds est en bonne santé pour l'année à venir, mais il faut travailler là-dessus. J'ai déjà des discussions avec mes homologues. On avait prévenu le coup, si vous voulez, avant même l'arrêt de la Cour suprême. L'arrêt de la Cour suprême est venu malheureusement confirmer la vision des choses qu'on avait en pensant que l'obligation de la part du juge n'était peut-être pas la meilleure chose à faire. Maintenant, j'ai parlé avec mon homologue, je lui ai... M. le ministre de la Justice fédéral, M. Lametti, je l'ai fait de vive voix, je lui ai envoyé une lettre en février 2019 le réitérant, je l'ai rencontré quelques semaines plus tard en personne pour le réitérer. Il y a une possibilité, maintenant, le projet de loi C-75 est au Sénat, il y a une ouverture pour pouvoir faire, s'il y a une volonté fédérale, mais je pense que le message est bien compris.

M. Leduc : Petite question en lien avec l'IVAC, puis juste pour vérifier si ça va être des choses qui pourront être regardées dans une éventuelle révision de la loi avec vous. D'abord, dans mon quartier, dans Hochelaga-Maisonneuve, puis il y en a probablement un peu beaucoup ailleurs au Québec aussi, il y a une femme dont l'enfant est disparu. Elle n'a jamais réussi à avoir accès à l'IVAC, parce que l'enfant n'est pas officiellement décédé, il est disparu. Donc, ça, c'est un enjeu que je voudrais voir si on est capables de discuter dans une éventuelle révision.

Et, autre chose, les lieux du crime hors Québec. L'IVAC est assez sévère, quand ce n'est pas un crime sur le territoire du Québec, ce n'est pas couvert, alors que, par exemple, je sais qu'à la SAAQ, on indemnise des victimes d'accidents de voiture hors Québec. Mais on ne le fait pas pour un meurtre, par exemple, d'une personne qui serait décédée ailleurs. Il y a eu un cas en 2015, le cas d'Audrey Carey, décédée en Californie. Donc, est-ce que c'est des choses qu'on pourrait étudier ensemble sur la révision de la loi?

• (11 h 10) •

Mme LeBel : C'est des choses qui sont très certainement dans notre spectre de révision, si je peux le dire comme ça, puis ça va me faire plaisir de discuter avec vous. Quand on parle de justice, d'accès à la justice ou d'injustice, dans certains cas... puis je ne ferai pas référence à des dossiers particuliers parce que je ne connais pas les détails, puis c'est toujours difficile, même si je suis convaincue, vous en faites un compte rendu exact, de commenter des affaires particulières, vous le comprendrez. Donc, je ne m'adresse pas à ce dossier-là en particulier, mais je pense qu'il est important, puis cette notion-là est longtemps comprise, là. Je le réitère, si c'était le fonds le plus généreux, ce qui est un fait, c'est factuel, et qu'on a encore beaucoup de difficultés et tant de doléances, c'est parce qu'il faut revoir les façons de faire, et je pense que de travailler ensemble, ça va me faire extrêmement plaisir, parce que l'objectif qu'on partage est commun.

M. Leduc : Puis, encore une fois, je réitère que vous pouvez compter sur notre collaboration plus tôt que tard, souhaitons-le.

J'aimerais vous parler du dossier des transfusions sanguines pour les Témoins de Jéhovah. Vous êtes au courant que la jeune Éloïse Dupuis est décédée, là, suite à un refus de transfusion sanguine. Vous aviez, je crois, rencontré sa tante, Mme Manon Boyer, j'ai eu l'occasion de lui parler au téléphone également. Et puis il y avait eu quand même un certain consensus à l'époque sur le fait qu'il fallait, du moins, étudier cette procédure-là parce qu'elle menait, visiblement, à des drames. Et il y avait eu un engagement de mettre sur pied une commission parlementaire. Ça n'a pas été possible, peut-être alentour d'un argument technique de mots, de choix de mots.

Au-delà de la tenue ou pas de cette commission en particulier, j'aimerais savoir si, au sein de votre ministère, il y a un forum de réflexion ou un comité qui est prévu au sein de la structure de votre ministère ou du gouvernement pour traiter de cette question-là.

Mme LeBel : Bien, merci de le souligner. Effectivement, j'ai rencontré la tante d'Éloïse et, au-delà du drame humain que ça reflète et pour lequel j'ai beaucoup de compassion puis j'ai beaucoup d'empathie puis de sympathie pour elle, je pense qu'il faut étudier cette question-là de façon sérieuse. On s'attaque ici à quelque chose qui est quand même extrêmement important, extrêmement sensible qu'est la possibilité ou le droit pour quelqu'un de refuser un traitement. C'est un droit qui est important. On comprend également la position de la tante d'Éloïse quand on pense que ce consentement-là est vicié pour un tas de raisons, pour lesquelles on n'élaborera pas, mais qu'on connaît dans ces cas-là particuliers.

Les dérives sectaires, on va les nommer comme ça ici, sont une préoccupation de longue date pour la CAQ. Le premier ministre actuel en a fait part également, il l'a mentionné. J'en ai fait part. C'est pour cette raison-là que j'ai rencontré... bien que ce soit... je tiens à le préciser, hein, ce n'est pas un dossier qui touche à la justice dans le sens que ce n'est pas partie de mon portefeuille, mais c'est un dossier qui me touche au sens beaucoup plus large, même s'il n'est pas dans mes responsabilités au sens strict. Mais c'est une préoccupation de longue date, puis je peux vous... je pense que je ne me trompe pas en vous véhiculant la volonté du gouvernement d'agir sur la question.

Maintenant, est-ce que le mandat d'initiative était le bon véhicule ou non? Est-ce que c'est une question technique ou non? Peut-être. Je pense que ce n'était peut-être pas la façon de le faire, mais je ne m'embarquerai pas dans les moyens. Ce qui est important, c'est de dire qu'on va reconsidérer nos options, puis on n'a pas abandonné cette question-là, on n'a pas mis ça de côté puis on n'en est pas moins préoccupés.

M. Leduc : ...comité qui se penche là-dessus en ce moment. C'est ça que je comprends, là.

Mme LeBel : Oui, oui, on est en train de regarder. Est-ce qu'il y a un comité formel, là, je n'en fais pas partie, là, mais... Ah! M. Martel, bon. Bien, Donald, je m'excuse.

Une voix : ...

M. Leduc : Oui, il faut le nommer, là.

Mme LeBel : Vous voyez, je savais qu'il y avait un comité, mais je ne voulais pas m'aventurer dans les noms parce que je ne suis toujours pas bonne là-dedans, puis mon collègue le sait.

Mais on va proposer quelque chose. Ce que je veux rassurer, ce n'est pas parce que le mandat d'initiative n'a pas eu lieu que cette question-là est mise de côté, c'est ça que je pense qui est l'essentiel de mon message, sans m'enfarger encore une fois de plus dans les détails, parce que c'est toujours là que je m'enfarge.

M. Leduc : J'ai une question sur la question du cannabis. Vous savez qu'il y a toutes sortes de problèmes dans le système de la justice, il y a toutes sortes de... c'est embourbé. Puis on se demandait si, dans le cadre de la légalisation du cannabis, il y avait, encore aujourd'hui, des causes pendantes pour possession de petites quantités qui étaient, évidemment, initiées avant le changement de la loi. Et, si c'est le cas, est-ce que vous entendez, peut-être, agir par rapport à ça, par rapport à une infraction qui n'est plus le cas? Est-ce que c'est quelque chose qui est dans votre réflexion en ce moment?

Mme LeBel : Bien, je n'ai pas la réponse à votre question. Est-ce qu'il y a encore des causes pendantes, qui ne seraient pas... qui, compte tenu de la légalisation, là, du projet de loi fédéral, n'auraient pas été criminalisées à une certaine époque, je l'ignore. Tout ce que je peux vous dire, c'est que non, je n'ai pas l'intention d'agir, parce que le DPCP est extrêmement bien outillé, connaît son affaire, est indépendant et saura, j'en suis convaincue, faire une gestion adéquate de ces cas-là, s'ils existent.

M. Leduc : On parle beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre en ce moment un peu partout au Québec en fait. Je me demandais si vous aviez un défi de pénurie de main-d'oeuvre au sein de l'appareil judiciaire québécois, peu importe, des juges, avocats, etc., et, si oui, comment vous traitez cette question-là.

Mme LeBel : Bien, je vous dirais que, bon, comme tout le monde, on a un certain défi de pénurie de main-d'oeuvre, mais on n'a peut-être pas le même défi que les entreprises qui demandent souvent de la main-d'oeuvre non spécialisée ou d'une spécialisation différente. Mais je vous dirais que le défi, présentement, on en a parlé tantôt, c'est le défi de pénurie de main-d'oeuvre en matière de justice, c'est celui qui a trait à notre volonté de faire le virage technologique. Et, en matière technologique, on ne sera pas les seuls à faire face à ça, tous les ministères qui voudront faire un virage, et la transformation gouvernementale aussi, il y a un certain défi, là, de trouver les experts en matière technologique.

Maintenant, je n'ai pas les chiffres, là, mais je peux vous dire qu'on travaille fort, on y réussit, mais c'est peut-être ça qui va expliquer certains délais, c'est-à-dire, c'est des délais d'embauche plus que des délais de volonté d'agir, là, si je peux les résumer de cette façon-là.

M. Leduc : Il reste peu de temps, je terminerais par une question philosophique pour vous, madame...

Une voix : ...

M. Leduc : Non, bien, en tout cas, on verra. Ça peut être politique ou sociologique, c'est à vous de choisir. Je veux faire une petite question sur le lien entre la pauvreté et la criminalité. Vous savez qu'il y a plusieurs auteurs qui se penchent sur la question, justement, qui font ce lien-là entre inégalités, pauvreté, exclusion sociale, manque de lien social et criminalité. Je me demandais si, au sein de votre ministère, vous aviez des gens qui avaient déjà fait des études sur cette question-là et si vous aviez, vous, une vision et, en fait, si vous pensez qu'il est important pour un gouvernement d'agir sur les facteurs qui sont criminogènes dans ce sens-là.

Le Président (M. Bachand) : ...secondes, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Je ne sais pas s'il y a des études particulières. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, là, mais je l'ignore, mais je peux vous dire que moi, je suis tout à fait consciente que ça fait partie des facteurs. Puis, quand on veut agir en accès à la justice... C'est pour ça que, quand on regarde les moyens d'action, d'information, de briser l'isolement, bien, on regarde beaucoup les secteurs démographiques que vous venez de nommer, parce qu'effectivement l'isolement... Mais il ne faut pas penser qu'il n'y a pas d'accès à la justice dans d'autres niveaux, mais vous avez raison, ce sont des secteurs qui sont plus particulièrement touchés, on en est conscients. Maintenant, est-ce qu'il y a des études particulières? Peut-être, mais moi, je n'ai pas eu accès à ça pour l'instant.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Maintenant, je cède la parole à la députée de Les Plaines pour un bloc d'échange de 14 minutes, s'il vous plaît.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : 14 minutes.

Mme Lecours (Les Plaines) : 14 minutes? Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour de remercier mes collègues, remercier évidemment la ministre, remercier M. le Président ainsi que tous les gens qui sont ici aujourd'hui pour cette étude de crédits.

Je vais vous entretenir, Mme la ministre, M. le Président, je vais entretenir Mme la ministre sur la transformation de la justice, parce qu'évidemment c'est un volet qui est important. C'est un fait qui est de plus en plus établi et reconnu, le système de justice québécois fait face à de nombreux et grands défis en matière criminelle et pénale. En effet, les enjeux d'accès et de délai entravent la confiance que les citoyens ont envers la justice. Nous l'avons maintes et maintes fois souligné. C'est dans cet esprit que la Cour suprême du Canada a rendu le très célèbre... moi, je dis tristement célèbre arrêt Jordan, en juillet 2016, parce qu'il dénote évidemment d'une véritable problématique. Alors, en effet, l'arrêt Jordan a marqué les consciences lorsqu'il a traduit un droit en nombre, neuf des cinq juges de la Cour suprême ayant fixé des plafonds pour traduire un inculpé en justice : 18 mois pour les procès induits devant une cour provinciale et 30 mois pour ceux qui le sont devant une cour supérieure ou ceux induits devant la cour provinciale à l'issue d'une enquête préliminaire.

Certes, en lui-même, le droit conféré à l'alinéa 11(b) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit à un inculpé le droit d'être jugé dans un délai raisonnable, implique évidemment la détermination d'un délai. Mais, plus encore, et ce dont il est question dans l'arrêt Jordan, c'est de déterminer un nombre auquel correspond ce droit. Ainsi, l'arrêt Jordan impose des délais à respecter entre le dépôt des accusations et la conclusion du procès, à moins de circonstances exceptionnelles.

Il y a des circonstances exceptionnelles, par exemple, dans certains cas de procès qui résultent d'une enquête pour crime économique. En effet, les enquêtes pour crime économique sont très souvent volumineuses et fastidieuses, considérant la quantité de documents comptables saisis qui sont analysés par les enquêteurs. Pour cette raison, il y a des requêtes en arrêt des procédures qui évoquaient l'arrêt Jordan qui ont été rejetées par des juges dans le cas d'enquêtes pour des crimes économiques, notamment celle menée par Revenu Québec. Toutefois, la quantité des éléments de preuve nécessaires pour démontrer une infraction, notamment à l'égard des crimes économiques, introduit un tout autre problème, soit le fait que nos salles de cour ne soient pas disposées à entendre des procès de manière électronique, ce dont on a parlé, ce qui ajoute aux délais déjà très longs.

• (11 h 20) •

Pour prendre un exemple de Revenu Québec, l'ensemble de leurs saisies sont numérisées en totalité suite aux perquisitions qu'ils effectuent, faisant en sorte qu'ils sont en mesure de faire une divulgation de la preuve à la partie adverse de façon totalement électronique. Une divulgation de la preuve électronique rend par ailleurs la divulgation beaucoup plus intelligible, ce qui est particulièrement intéressant. La gestion électronique des choses saisies effectuée par Revenu Québec leur permettrait de procéder devant un juge de façon électronique également, ce qui n'est pas possible actuellement en raison de l'état de nos salles de cour. À cet égard, l'absence d'investissements notables sur le plan numérique dans le système de justice québécois au cours des dernières années constitue un enjeu important.

Par ailleurs, un retard numérique significatif est constaté comparativement à d'autres provinces et d'autres territoires canadiens. Ce retard n'a pas permis de s'adapter aux nouvelles façons de faire, telles celles de Revenu Québec. Dès notre arrivée au pouvoir, notre gouvernement s'est engagé à être efficient et transparent dans la gestion des finances publiques. Cet engagement est un processus progressif qui vise notamment à définir de meilleures façons de faire pour réaliser des gains de productivité et d'efficience. Nous sommes donc engagés à améliorer la performance dans la livraison des services. Par conséquent, dans ce souci d'offrir des services de qualité aux citoyennes et aux citoyens du Québec de manière efficiente, les ministères et les organismes du gouvernement doivent s'assurer d'avoir à leur disposition les ressources suffisantes. Ainsi, notre gouvernement a prévu, dans le budget 2019‑2020, des sommes afin d'aider les ministères et les organismes à mettre en oeuvre des projets d'amélioration des façons de faire.

Voici ma question à Mme la ministre, M. le Président : À ce titre, j'aimerais savoir quels sont les objectifs de modernisation du ministère de la Justice.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui, bien, effectivement, je pense qu'on n'est jamais totalement désincarnés de notre passé, Dieu merci, hein? Et l'arrêt Jordan a été un électrochoc pour le système de justice canadien et au Québec également. On l'a vécu, je l'ai vécu sur le terrain, de voir comme on l'a vu à cette époque-là qui, Dieu merci, ne se reproduira pas, je l'espère, et on va travailler dans ce sens-là, de revoir des criminels reprendre le chemin de la rue, criminels potentiels, mais ce, pas parce qu'ils ont été jugés, mais parce qu'ils n'ont pas été jugés, je pense que c'est un déni de justice pour la société qu'il faut éviter.

Donc, effectivement, je reprends la balle au bond pour réitérer, comme... suite à une question de mon collègue député tantôt, que, oui, on poursuit l'engagement qui avait été pris par le gouvernement précédent. Quand c'est une bonne idée, on la maintient, on la développe, on la poursuit, on l'amène plus loin. En tout cas, c'est ma philosophie, ma façon de faire. Je pense qu'il fallait investir en innovation.

Donc, effectivement, le plan de transformation de la justice, on l'appelle transformation de la justice parce que c'est important de comprendre une chose : ce n'est pas juste la numérisation de la justice, c'est la transformation de la justice.

Il faut saisir une occasion, une occasion qui a été une occasion pénible, l'arrêt Jordan, pour en faire une occasion positive, c'est-à-dire de se repositionner et de regarder vers l'avant.

Donc, il y a trois axes pour la transformation de la justice, qui sont, naturellement, instaurer des pratiques innovantes, les nouvelles technologies, qui en font partie, indissociablement, et la fluidité de l'information entre les intervenants, je l'ai mentionnée tantôt.

Les principaux objectifs qui sous-tendent cette vision-là pour la transformation de la justice sont la justice innovante, vous l'avez dit, donc, opérer un changement de culture, et c'est là que la collaboration avec tous les acteurs du système de justice est importante. Et c'est là que mon rôle est un rôle de catalyseur, si on veut. Je dois aider ces gens-là, qui ont déjà commencé à faire un travail exemplaire, je dois le dire : la magistrature, la pratique privée — je salue mes anciens collègues de la défense, la DPCP également, mes anciens collègues du DPCP et la magistrature — tous les acteurs du système de justice travaillent présentement dans un objectif commun et ne travaillent plus en silo, travaillent ensemble. Donc, ça fait partie de la transformation de la justice, parce qu'on a tous conscience qu'on est là pour une seule et même personne, c'est-à-dire le citoyen. Donc, ça transforme les façons de faire, ça peut bousculer un peu les façons de faire et les pratiques qui sont parfois jugées archaïques, et je ne dirais pas toujours à tort. Naturellement, il y a certaines pratiques qui sont là pour une bonne raison, il faut les maintenir, et il y en a d'autres qui... on pourrait... peut-être avantage à être dépoussiérées. Et, non, même si on a tendance à... on aurait peut-être la tentation de me poser la question, je ne les nommerai pas. Je vais plutôt travailler à le faire.

Assurer de façon, donc, sécuritaire l'échange fluide d'information, c'est quand même la clé, la donnée personnelle, l'accès à l'information. Donc, il y a un travail à faire de réflexion qui est tout à fait important dans ce cas-là.

La justice doit être efficiente, hein? Diminuer les déplacements : pourquoi les gens doivent encore se rendre dans les palais de justice pour timbrer les procédures avec... pour ceux qui y sont déjà allés, avec l'horloge, et on timbre la procédure. Pourquoi on ne peut pas l'envoyer par courrier ou par courriel? Bien, pour ça, ça demande des modifications législatives, parce que le Code de procédure civile, ou nos codes de procédure, demandent des formes très particulières pour que ce soit considéré acceptable par les tribunaux. Donc, il faut travailler pas simplement à dire : Bien, on va l'envoyer par courriel, mais travailler sur la modification législative. Donc, voyez, c'est une transformation au sens large, pas juste la technologie, mais les façons de faire.

Donc, c'est pour une justice au bénéfice des citoyens, ce qui est le troisième objectif de cette innovation-là, donc, accroître la confiance des citoyens envers le système de justice. Encore une fois, je vais le répéter, ça va être mon mantra, je pense, pour les quatre prochaines années, et c'est la façon dont moi, je vais m'évaluer dans mon travail, si j'ai le privilège de le faire pendant encore quelques années.

Favoriser l'accessibilité à la justice, c'est un facteur qui est relié à ça.

Simplifier l'accès des citoyens à l'information juridique. On l'a nommé tantôt, il y a plusieurs façons de faire. Je ne les renommerai pas à nouveau, mais on en a parlé. Entre autres, les CJP en sont une illustration, une illustration parmi tant d'autres.

Favoriser l'accès à des mesures de rechange en matière criminelle, c'est important, on en parle également. On en a parlé tantôt dans le secteur de la pauvreté, la justice réparatrice aussi, c'est peut-être une façon, l'éducation, aider les gens à se parler, à se comprendre, à sortir de l'isolement. Les mesures réparatrices, les mesures de rechange, c'en est une, situation, et une façon d'avoir conscience, en cette situation particulière là, de la criminalité qui sous-tend, pour certains aspects, la criminalité.

Donc, je le répète, je le réitère, la transformation de la justice, ce n'est pas juste un projet technologique, c'est d'abord un changement de culture et des façons de faire. Ces changements sont, par la suite, appuyés par les projets technologiques. Donc, la technologie doit être un soutien, ne doit pas être la seule solution, parce que, si on ne change pas nos façons de faire, même si on ramène des nouvelles technologies, on va frapper le mur dans quelques années, je le pense, là.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Lecours (Les Plaines) : Peut-être une sous-question par rapport justement aux... Les changements technologiques ne sont certes pas la façon de tout résoudre les problèmes que le système a actuellement. Par contre, ça va solutionner certaines erreurs qui peuvent se glisser. Dans les derniers mois, j'ai parlé avec des gens dans ma circonscription que, justement, ils ont trouvé des problèmes dans la façon de transcrire les dossiers. Mais est-ce qu'on peut penser croire que, dans les prochaines années, on pourrait justement assister ou tenir des audiences numériques, puis qui éviterait les délais et, justement, la manipulation de papier? On a aussi notre petit souci environnemental, on va le mettre aussi au profit dans le ministère de la Justice. Est-ce que ce serait possible de croire ça?

Mme LeBel : Tout à fait, puis c'est l'objectif, puis merci de me permettre de clarifier mes propos. Je ne suis pas en train de dire que le virage technologique, on ne le fera pas, mais je suis en train de dire que, si on ne fait qu'un virage technologique sans changer les pratiques, on va se retrouver à frapper, à un moment donné, le mur, parce que la technologie ne sera pas suffisante. Exemple : le citoyen pourra consulter à distance le plumitif judiciaire, et le plumitif... ce qu'on ne peut pas faire présentement, à moins d'avoir certains postes sécurisés ou de se rendre dans des CJP ou des palais de justice, ce qui est un peu un non-sens, mais, encore là, c'est une barrière technologique, pas un manque de volonté; modifier à distance ses informations personnelles, par exemple; remplir, et remettre, et transmettre diverses demandes en ligne telles que les demandes de copies de procédures, ce qu'on n'est pas capable de faire pour l'instant; être informé de façon électronique du traitement et suivi des demandes transmises aux services judiciaires; présenter et déposer des pièces, des preuves de ses dossiers en ligne par un support technologique et numérique. Donc, les hangars à papier... Le temps où on transporte les dossiers dans des paniers d'épicerie, comme on le disait, nous, est révolu. Puis ça aussi, c'était une cause de délais, hein, parce que, quand on a tout simplement des copies de dossier papier, bien, qu'il faut transporter le dossier d'une salle de cour à l'autre, puis au palais de justice de Montréal c'est d'un étage à l'autre, que le dossier ne se rend pas à temps, qu'il est perdu, bien, c'est un délai de plus dans la journée. Puis moi, je l'ai toujours dit, les délais, au palais de justice et dans la justice, ça se perd en minutes, en secondes puis en heures, ça ne se perd pas en journées extraordinaires.

Donc, ça, oui, effectivement, on pourra voir. On en a déjà plusieurs, projets pilotes. La visioconférence en est une dans plusieurs districts. Mais oui, effectivement, c'est l'objectif, et on espère en avoir beaucoup de fait dans les prochaines années.

Mme Lecours (Les Plaines) : Bien, merci beaucoup. Ça nous permet de voir la lueur au bout du tunnel.

Est-ce que j'ai encore un petit peu de temps? Oui.

Alors, second volet, l'hommage au civisme. La Loi visant à favoriser le civisme a été mise en place à la suite d'un acte courageux accompli en 1973. Afin d'éviter une tragédie, un chauffeur de taxi de Montréal avait sauté de sa voiture pour prendre le volant d'un camion-remorque qui roulait sans conducteur rue Saint-Urbain à Montréal. Il s'était grandement blessé dans cette aventure.

Le 19 décembre 1977, le gouvernement du Québec adoptait la Loi visant à favoriser le civisme dans le but de souligner le courage et la conduite exemplaire de citoyennes et de citoyens qui ont porté secours à des personnes dont la vie était en danger. Cette loi est sous la responsabilité du ministère de la Justice du Québec.

En effet, lorsqu'une intervention comporte une part importante de danger pour le sauveteur, elle peut, en vertu de la Loi visant à favoriser le civisme, être reconnue comme acte de civisme exceptionnel et valoir à son auteur une décoration et une distinction du gouvernement du Québec. Cet acte doit avoir été accompli dans les circonstances périlleuses ou difficiles qui parfois ont pu mettre la vie du sauveteur en danger. La loi prévoit également des indemnités pour le citoyen ou la citoyenne qui a subi des blessures corporelles ou des dommages matériels en accomplissant un tel acte de civisme.

Les gens hésitent parfois à porter secours à un blessé par crainte d'aggraver son état et de faire l'objet de poursuites en dommages. Une disposition particulière au Code civil du Québec, soit l'article 1471, protège donc contre toute poursuite judiciaire le citoyen ou la citoyenne qui, de bonne foi, porte secours à une personne en danger. C'est donc seulement s'il commet une faute intentionnelle ou une faute lourde qu'un individu peut être tenu responsable d'un dommage causé alors qu'il portait secours à une personne en danger.

La 33e cérémonie hommage au civisme a eu lieu le 4 février dernier à l'hôtel du Parlement. Au nom du gouvernement du Québec, Mme la ministre a décerné six médailles et deux mentions d'honneur, dont une médaille à titre posthume, un acte de bravoure qui a été posé lors de la tuerie de la grande mosquée de Québec. J'ai moi-même eu l'honneur de pouvoir remettre aussi très récemment des médailles d'acte méritoire. Et c'est vraiment des beaux événements.

Alors, ma question pour la Mme la ministre. Vous avez participé à votre première cérémonie de remise de médailles en février dernier. Quelles sont vos impressions face à ce type de cérémonie?

• (11 h 30) •

Le Président (M. Bachand) : Malheureusement, le temps est écoulé. Donc, je dis aux gens de rester à l'écoute. Pour l'instant, je vais passer la parole à la députée de Joliette, représentant le deuxième groupe d'opposition, pour une période d'échange de 16 min 18 s. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais inviter Me Murphy, peut-être, à s'approcher, parce que je vais aborder la question du criminel.

Donc, évidemment, on le sait, les délais déraisonnables continuent à faire avorter des procès et, souvent, des procès très importants et donc à faire des ravages en matière de justice et dans cette confiance si essentielle pour la justice.

Donc, juste en faisant une brève revue de presse des dernières semaines, j'ai pu voir un dossier d'agression sexuelle qui a avorté, 8 500 dossiers pénaux qui ont été abandonnés. En mars, on a vu qu'il y a 400 contribuables qui sont poursuivis par Revenu Québec qui ont déposé des requêtes Jordan. Évidemment, tout récemment, on a vu l'avortement du procès de l'ex-cadre de SNC-Lavalin, M. Sami Bebawi, qui était poursuivi pour entrave à la justice, compte tenu de délais déraisonnables. Et aussi, bien sûr, un autre cas fort médiatisé, mais il y a une réelle épée de Damoclès au-dessus du procès de l'ex-vice-première ministre Nathalie Normandeau, qui a déposé une requête récemment à cet égard, pas une requête Jordan, mais de précision à la Cour suprême.

Donc, j'entendais fort à propos la ministre dire dans ses remarques préliminaires que l'information juridique est essentielle pour savoir où on s'en va. Et je pense que c'est une des clés de la modernisation. Et donc vous allez comprendre que j'ai été plutôt stupéfaite de constater que le DPCP ne tenait plus de statistique. Je suis à la page 210 des renseignements que nous avons demandés. Et ça, ça fait suite aussi, il y avait eu une demande d'accès à l'information en date du 1er février qui était allé dans cette piste-là. Donc, le DPCP ne tient plus de données, ne compile plus de données sur le nombre, donc, de requêtes Jordan. Et, évidemment, en termes de transparence et d'accès à l'information, c'est quelque chose qui, selon moi, est déplorable quand on veut voir l'état des lieux. Donc, j'aimerais comprendre pourquoi on a arrêté cette procédure, alors que, dans les deux dernières années, on avait toute l'information.

Mme Murphy (Annick) : Dans les deux dernières années, on avait, M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Une question technique. Est-ce que, donc, Mme la ministre, vous demandez que... Alors, ce serait un consentement? Alors, je vous invite à vous identifier, nom et titre, et pour débuter votre exposé.

Mme Murphy (Annick) : Alors, désolée, M. le Président. Je suis Anick Murphy, directrice des poursuites criminelles et pénales.

Alors, effectivement, comme on l'avait mentionné les deux dernières années, le DPCP ne détient aucun programme informatique pour produire cette information. Donc, l'information qu'on a produite dans les deux dernières années est une information que nous avons colligée de façon manuelle qui, évidemment, comportait des erreurs, bien entendu. Le travail... Nous n'avons pas non plus de personnel pour colliger cette information. Cette information était colligée manuellement, donc par les procureurs qui, lorsqu'ils le pouvaient, le mentionnaient. Donc, nous avons décidé de ne plus compiler cette information-là parce qu'elle est... De compiler cette information-là de manière manuelle, c'est très exigeant. Et le résultat est très, très peu fiable. Donc, c'est la raison pour laquelle on ne le fait plus. Nous avons tout de...

Mme Hivon : M. le Président, oui. Il y a quand même eu une somme après qu'il y ait eu évidemment tout un branle-bas de combat autour de l'arrêt Jordan et des pressions qui ont été exercées. La précédente ministre de la Justice avait finalement débloqué une somme de 175 millions pour faire suite aux conséquences de l'arrêt Jordan. Il y a un chantier en ce moment de modernisation de 500 millions. Je dois vous dire que je m'explique mal qu'on ne soit pas capable, et là c'est plus une question à la ministre peut-être, de dégager une petite somme si c'est ça, le problème de ne pas avoir de ressource qui puisse compiler cette information-là qui m'apparaît pour le moins essentielle quand on sait l'hécatombe qui s'est produite à la suite de l'arrêt Jordan. Donc, je ne sais pas si la ministre peut répondre si elle trouve que c'est une pratique qui a été abandonnée à juste titre ou si c'est une pratique qui devrait demeurer. Et, si on n'a pas les ressources, est-ce qu'on ne pourrait pas fournir les sommes qui sont nécessaires pour faire ce travail-là qui, quand même, doit être réalisable?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : ...savoir si c'est à juste titre ou non. Je ne commenterai pas cette situation-là. Par contre, je peux comprendre effectivement que de compiler ces informations-là de manière manuelle, c'est extrêmement onéreux en termes de temps, puis je pense que, tout comme moi, la directrice des poursuites criminelles et pénales préfère voir ses procureurs travailler des dossiers plutôt que de compter les dossiers et de faire des statistiques.

Est-ce que cette donnée-là est importante? Très certainement. Mais je suis plus affairée à travailler à ce qu'on l'évite dans le passé et faire en sorte que... et comprendre, plutôt que de compiler... c'est-à-dire comprendre pourquoi ces dossiers existent encore. Est-ce que ce sont, et là j'y vais de façon très large, est-ce que ce sont des dossiers où il y avait des reliquats, si on veut, de pré-2016? Est-ce que ce sont des dossiers qui n'ont pas fait la mesure transitoire? Ou est-ce que ce sont des dossiers qui ont accumulé des délais depuis 2016, depuis l'arrêt Jordan? Je pense que c'est ça qui est la statistique importante à comprendre, avec beaucoup de respect, Mme la députée, plutôt que d'avoir le nombre de dossiers.

Et je suis confiante que le DPCP a ces informations-là et va faire les recommandations appropriées à la ministre de la Justice, qui est moi, en l'occurrence, pour qu'on puisse éviter dans le passé que ça se reproduise. Parce qu'il faut comprendre qu'il y a plusieurs cas Jordan, hein? On peut avoir les pré-Jordan 2016, ceux qui étaient dans la transition, vous le comprenez, etc. Donc, ça, je pense que ça va...

Mme Hivon : ...quand même une question assez importante quand on parle de transparence, d'accès à l'information justice et que, là, il y a un recul. Alors, c'est une information qui était compilée. Il y avait eu des échanges par rapport à ça. Il y avait eu un engagement du DPCP de compiler, c'était une information qui était rendue publique et je m'explique mal, je suis un peu surprise de la réaction de la ministre, compte tenu de l'importance qu'elle dit accorder à l'information de la justice, la transparence, qu'on ne puisse même pas fournir, dans les 175 millions qui ont été dégagés, les 500 millions de la modernisation, les sommes requises pour pouvoir compiler ces données puisque, en plus, ça s'est fait dans les dernières années. Donc, ça devait être faisable. Et, s'il y a un soutien nécessaire de requis, j'ai du mal à m'expliquer que la ministre ne s'engage pas aujourd'hui à dire que, oui, ces sommes-là, qui doivent être assez modestes, vont être au rendez-vous.

Mme LeBel : Écoutez, je ne veux pas qu'on ait compris de mes propos que j'étais désintéressée par la question. Au contraire, dans les sommes de 500 millions de la transformation de la justice... nécessairement, de fournir dans un temps plus ou moins opportun les moyens technologiques pour le DPCP de faire ce genre de statistiques là dans le futur. C'est certainement un enjeu.

Mais, vous savez, dans le passé, puis vous le savez aussi bien que moi, en matière informatique, si on commence à informatiser à la pièce pour des besoins particuliers, on ne s'en tirera pas, puis on va dépenser, même si ça semble être, à la pièce, des sommes minimes, on va finir par dépenser des sommes astronomiques, alors qu'il faut regarder la transformation numérique ou technologique dans son ensemble. Alors, oui, ça va faire partie des moyens qui sont fournis au DPCP.

Le DPCP, comme le reste de la justice, devra... je vais dire «informatiser», mais c'est toute technologie, maintenant, parce qu'on parle d'intelligence artificielle, et tout ça, donc je ne veux pas réduire.

Mais je vais peut-être laisser à Mme Murphy, Me Murphy, le soin de s'adresser peut-être au mot recul, là, que vous avez mentionné.

• (11 h 40) •

Mme Murphy (Annick) : En fait, moi, je pense que ce qui est important de voir, c'est que les dossiers qui ont fait l'objet d'arrêt des procédures sont des dossiers qui ont commencé avant 2016, des dossiers que nous appelons, dans notre jargon, des dossiers malades, donc qui ont été autorisés à une époque où la culture était différente.

Aujourd'hui, les dossiers que nous autorisons depuis 2016 ne font pas l'objet d'arrêt des procédures. Nous avons, à la main, c'est-à-dire demandé, puis je pense que c'est une information importante, demandé au procureur en chef de chacune des régions qui connaissent les procureurs en chef très, très bien comment ça se passe, la question suivante : Quels sont les délais moyens actuellement pour audition devant la cour? Quels étaient-ils avant Jordan et quels sont-ils après Jordan? Bien entendu, ceci n'est pas scientifique, mais on peut constater que les délais aujourd'hui sont très... ils nous permettent de faire les dossiers dans un temps en dessous des délais qui sont prescrits par la Cour suprême. Donc, aujourd'hui, nous sommes contents, puis nous sommes confiants que, dans le futur, il en sera de même.

Alors, oui, nous avons certains dossiers, vous avez nommé Bebawi tantôt. Effectivement, c'est un dossier qui avait été autorisé à une époque où les processus étaient extrêmement différents. Par contre, il est important de dire que nous en avions tiré énormément d'enseignements et nous utilisons d'ailleurs ces jugements-là pour changer nos manières de faire.

Je pense qu'aujourd'hui on peut dire que, en tout cas, en ce qui concerne Jordan, nous avons appris notre leçon. Nous ne sommes pas les seuls, d'ailleurs les délais ne sont pas que les délais du poursuivant. Les délais sont des délais systémiques du système de justice dans son ensemble, et j'estime que tous les partenaires ont fait les efforts nécessaires. C'est, entre guillemets, notre système, nous y travaillons tous les jours et nous voulons, effectivement, que ce système-là soit efficace.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Hivon : Je n'en doute pas, mais je dois vous dire que, pour une saine administration de la justice alors que c'est encore des dossiers qui défraient la manchette, qui sont vraiment un gros problème, je pense, dans le système de justice criminelle, je pense que nous devrions avoir cette information-là puisqu'il était possible de l'avoir dans les dernières années. Donc, j'invite la ministre et peut-être la directrice des poursuites criminelles et pénales à trouver les petits montants qui pourraient être requis pour qu'on puisse continuer à avoir accès à cette information-là, d'autant plus que, bon, on est face à, encore une fois, des dossiers qui ont des répercussions très importantes et où, malheureusement, on ne semble pas toujours avoir pris les moyens pour s'assurer que les délais soient endigués, Me Murphy y a fait référence, donc l'affaire de l'ex-cadre Bebawi. Vous savez que le DPCP a été blâmé. Je comprends que c'est un dossier qui date d'avant Jordan, de 2016, mais on vous a toujours entendue dire qu'il y aurait des mesures conservatoires. Je suis contente d'entendre dire qu'il y a des enseignements qui sont tirés de ça.

Donc, quand on parle d'enseignements, j'aimerais savoir... Là, on a vu que, dans le dossier de Nathalie Normandeau... évidemment, vous ne nous commenterez pas un dossier particulier, je le sais bien, mais on a vu que, tout récemment, au mois de mars, compte tenu, là, de toute la question des fuites qui ont eu cours et de l'instance de son coaccusé, Marc-André Côté, qui est rendu, donc, en troisième instance pour le débat, on a vu, donc, Mme Normandeau qui s'est adressée, là, récemment, via son avocat, à la cour pour marquer ses préoccupations. Donc, compte tenu qu'il y a une épée de Damoclès au-dessus de ce procès-là, est-ce qu'il y a des mesures particulières qui sont envisagées pour s'assurer qu'il n'y aura pas un avortement de procès pour délais déraisonnables? Est-ce que l'idée de scinder les procès est une idée qui, par exemple, en théorie, pourrait être regardée?

Mme Murphy (Annick) : Vous comprendrez, M. le Président, que je ne peux pas répondre à la dernière portion de la question, qui est sur, bon : Est-ce que nous avons envisagé ou non de scinder? Il ne me revient pas de répondre à cette question-là. Ma réponse pourrait nuire à la réflexion actuelle sur cette question-là.

Par contre, on a eu une réflexion, effectivement, sur la question de l'arrêt des procédures dans ce dossier-là et nous, ce qu'on pense fermement, c'est que, bien que le délai écoulé depuis l'instruction de la poursuite dépasse le plafond Jordan, au moment où on se parle, on estime être en mesure de démontrer qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles qui justifient le dépassement en raison du caractère inédit, les questions qui sont soulevées dans le cadre même de la requête en abus, la requête que nous appelons Babos, qui est déposée à la cour présentement. De plus, nous sommes d'avis que les événements qui sont complètement imprévisibles, lors de l'autorisation du dossier — et là je pense à Projet A, je pense à l'enquête... du Bureau d'enquête indépendante, du débat sur les sources journalistiques, qui nous a amenés jusqu'à la Cour suprême et qui sera débattu, donc, en mai prochain — peuvent aussi justifier un dépassement du plafond Jordan.

Donc, en ce qui nous concerne, nous sommes confiants sur cette question-là, compte tenu de tous les éléments que je viens de vous mentionner.

Mme Hivon : Vous êtes donc confiants qu'il n'y aura pas de dépassement de délai qui pourrait justifier une requête Jordan ou l'accueil d'une requête Jordan.

Mme Murphy (Annick) : Nous sommes confiants de ça. Par ailleurs, j'aimerais souligner que nous sommes aussi dépendants des requêtes qu'on nous soumet. Donc, les délais qui courent sont des délais qui sont, entre guillemets, dus au processus judiciaire. Donc, ça sera au tribunal, éventuellement, à la fin, de déterminer si effectivement les délais ont été déraisonnables ou non. Mais, compte tenu de ce que je viens de vous énumérer, sans reprendre tout, là, nous sommes, effectivement, confiants.

Mme Hivon : Est-ce que le DPCP a des moyens à sa disposition pour s'assurer le plus possible que ça n'arrivera pas? Est-ce qu'il y a des choses que vous pouvez faire?

Mme Murphy (Annick) : Nous prenons toutes les mesures nécessaires. C'est un enseignement que tous les jugements qui... depuis Jordan, en fait, tous les jugements qui sont venus préciser quels devaient être les moyens proactifs que le poursuivant pouvait prendre pour s'assurer que les délais ne soient pas déraisonnables. Alors, nous avons récupéré, si on veut, tous ces enseignements-là et, aujourd'hui, nous travaillons vraiment d'une manière différente. Donc, je soulignerais simplement la possibilité de présenter des actes d'accusation directs lorsque nécessaire. Ce processus-là, avant, était réservé à des dossiers vraiment spéciaux, et je pense à la criminalité organisée, par exemple, alors qu'aujourd'hui, le message que je fais à mes procureurs, c'est de ne pas hésiter dans les dossiers évidemment qui s'y prêteraient, de demander un acte d'accusation direct, et, à ce moment-là, mais évidemment, il y a beaucoup de délais qu'on peut sauver dans les circonstances. C'est un enseignement des jugements, entre autres de Bebawi.

Mme Hivon : En terminant, est-ce que je comprends que vous avez décidé de ne plus compiler les données? Est-ce que vous avez un estimé de combien de requêtes Jordan ont été déposées depuis, donc, la dernière fois qu'on s'est vues, il y a un an, où il y en avait eu 1 600?

Mme Murphy (Annick) : Je n'ai pas... c'est beaucoup moindre, ce que je peux vous dire, mais je n'ai pas un estimé, avec moi, du nombre... Comme je vous dis, on ne les compile pas. Voilà.

Mme Hivon : Ça va.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Avant de continuer, j'aurais besoin d'un consentement. On est quelques petites minutes en retard, alors, on pourrait finir le bloc du gouvernement avant la fin de la séance. Donc, j'aurais besoin d'un consentement pour cinq minutes supplémentaires. Ça va?

Alors, je cède la parole aux députés formant le gouvernement pour un bloc d'échange de 13 minutes. Oui, je vous regarde, Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président, je vais terminer le bloc que je n'ai pas eu le temps de compléter, parce que le sujet est peut-être un petit peu plus léger, mais non moins important, parce qu'on parle d'hommage au civisme, et je pense que c'est important aussi de récompenser les gens qui ont fait preuve, justement, de bravoure. Et ma question, justement, portait sur les impressions de la ministre sur le type de cérémonie qui a eu lieu, justement, récemment, mais aussi dans sa façon, dans sa vision de pouvoir rendre hommage à des gens qui ont posé des actes de bravoure.

Mme LeBel : Merci, M. le Président, merci, Mme la députée. Vous l'avez mentionné tantôt, j'ai eu le plaisir, au nom du gouvernement, en date du 4 février dernier, 4 février 2019, de participer à la cérémonie d'hommage au civisme et de remettre six médailles, dont deux mentions d'honneur, et, vous l'avez mentionné, une médaille à titre posthume pour l'acte de bravoure qui a été posé lors de la tuerie de la grande mosquée de Québec.

Je dois dire que c'est une cérémonie extrêmement touchante, particulièrement quand une médaille est remise à titre posthume, je dois le souligner, ce qui n'est pas nécessairement habituel, mais qui était nécessaire, je pense, et que c'était un excellent choix du comité chargé de faire le choix.

Je dois dire également que, oui, je pense que c'est encore nécessaire et qu'on doit souligner ce genre de choses là, qui ne sont peut-être pas aussi connues du grand public qu'elles devraient l'être. C'est extrêmement important. Et, pour moi, c'est une des choses, je dois vous dire, les plus gratifiantes que j'ai eues à faire à titre de ministre de la Justice, c'est... Cette médaille-là, particulièrement, qui est sous ma responsabilité, est un privilège. C'est un privilège de pouvoir la remettre.

Cette loi-là a été adoptée en 1977, dans la foulée d'événements particuliers. Et je pense que c'est important de souligner les actes de bravoure, de civisme, peut-être dans une société de plus en plus individualiste surtout, hein? Moi, je regarde mes enfants, qui sont assis à la même table au souper souvent, puis on se parle par les téléphones cellulaires. Ça, c'est quand je ne me tanne pas puis que je confisque, mais... ce qui arrive particulièrement souvent ces temps-ci, donc, mais... pour faire un aparté. Mais, effectivement, dans notre société individuelle, je pense, de souligner des gens tels que des gens qui mettent souvent leur vie eux-mêmes en danger pour aider leurs concitoyens sans se poser de questions, je pense que c'est extrêmement important de le souligner puis c'est extrêmement important de célébrer ces choses-là et surtout de ne pas remettre en question la pertinence de ce genre de cérémonie là, de ce genre de remise là. Il n'y a qu'à voir la fierté des gens qui la reçoivent, l'émotion que ça suscite auprès d'eux et de leurs familles pour comprendre à quel point c'est important puis c'est positif. Donc, il faut le faire.

• (11 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée.

Mme Lecours (Les Plaines) : Les actes de civisme sont donc susceptibles d'être primés par une médaille ou une mention. Ils sont évalués en fonction du degré du risque encouru dans le cadre d'un événement important ou dans le cadre de circonstances exceptionnelles.

Vous avez mentionné, dans votre réponse, l'individualisme aussi amène notre société à se poser des questions. Et ma question, justement, vous allez la comprendre, Mme la ministre : Seriez-vous ouverte à considérer une candidature qui soulignerait un acte de civisme autre qu'un acte de bravoure comme, par exemple, une candidature qui met en relief l'engagement d'un citoyen qui aurait consacré sa vie aux itinérants?

Mme LeBel : Est-ce que cet exemple que vous mentionnez est un exemple louable qui mérite d'être souligné, mentionné et même honoré? La question est très certainement oui. Maintenant, est-ce que ça doit se faire dans le cadre de la médaille du civisme? Je pense que ça mérite réflexion, mais je ne suis pas nécessairement certaine que ça doit se faire dans le cadre de cette médaille-là. Mais, maintenant, il faut y réfléchir. Puis toutes les options sont ouvertes effectivement.

Mais je dois le rappeler, tu sais, la médaille, c'est pour souligner les actes de civisme, mais c'est évalué en fonction du degré de risque, de risque qui a été encouru dans le cadre d'un événement qui comporte un danger ou dans le cadre de circonstances exceptionnelles. Puis ça, ça découle des raisons pour lesquelles, en 1977, cette médaille-là d'acte de bravoure, d'ailleurs, on le dit, et de civisme a été mise en place.

Vous savez, j'ai eu également l'occasion de participer, il y a quelques semaines, à peine deux semaines, à la remise, à la cérémonie de remise de médailles du lieutenant-gouverneur du Québec. J'y ai participé parce que c'était dans la région de la Mauricie. Ça se faisait à Shawinigan. Et c'était pour souligner justement, peut-être, des cas semblables à celui que vous mentionnez, c'est-à-dire des cas de personnes qui ont fait preuve d'abnégation de soi, ont fait preuve de bénévolat exceptionnel, de jeunes qui ont à coeur l'avancement de la société et d'aider leur prochain, et, je le souligne, en cette ère de technologie, ce qui est particulièrement louable. 38 médailles ont été remises, 19 à des personnes aînées, 19 dans la catégorie jeunesse. Et de voir ces jeunes-là qui sont au cégep, à l'université, travailler pour eux, mais également faire du bénévolat puis travailler pour améliorer la société autour d'eux, je pense que c'est extrêmement louable. Et c'était un type de médaille qui a été remise.

Donc, la médaille du civisme, peut-être. Peut-être que c'est une réflexion. Peut-être qu'on pourrait revoir les critères, mais il ne faut pas négliger le fait qu'il y a plusieurs autres médailles qui existent, hein, dont celle de l'Assemblée nationale, qui peut être remise par un député qui veut souligner l'apport d'un bénévole dans son comté, celle du lieutenant-gouverneur, qui n'est pas à négliger également, celle du civisme, qui rencontre d'autres fins. Donc, je pense que, oui, il y a une réflexion à y avoir pour savoir, mais il y a peut-être d'autres... on peut le faire peut-être par d'autres gestes pour souligner ce genre de service là d'abnégation qui est, ma foi, très louable également.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup pour votre ouverture.

Mme LeBel : Merci.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, j'aimerais entretenir Mme la ministre au sujet des outils d'aide à la citation et des références jurisprudentielles de la Société québécoise d'information juridique, aussi connue sous le nom, la fameuse SOQUIJ. Donc, pour les professionnels du droit, la rédaction de documents juridiques comporte son lot de complexités, là. Mme la ministre et moi le savons, là, on a tous deux oeuvré, là, en droit. Donc, en effet, la rédaction de tels documents exige habituellement de longues recherches juridiques dans les textes de loi, dans la jurisprudence, la doctrine, les bulletins d'interprétation technique, et plusieurs autres. Pour faciliter le travail des professionnels du droit au Québec, il y a donc la Société québécoise d'information juridique, qui relève du ministère de la Justice. La société assure son autofinancement par la vente de ses produits et de ses services. En réalisant sa mission, qui est d'analyser, d'organiser, d'enrichir et de diffuser le droit au Québec, la société s'acquitte de son mandat, qui lui a été confié par l'Assemblée nationale du Québec. Donc, l'administration de cette société est une valeur ajoutée qui nous permet au Québec d'accompagner les professionnels dans leur recherche de solutions ainsi que l'ensemble de la population dans sa compréhension du droit.

Donc, au fil des ans, le droit a évolué et continue d'évoluer. Les textes de loi ont changé. Le nombre de jugements rendus s'est multiplié. Il y a donc un besoin très important de faciliter le travail des professionnels du droit, donc, qui s'en fait ressentir dans le milieu, principalement les juges, mais également les professionnels du droit en général ont d'importants besoins d'édition à rencontrer afin de faire des gains appréciables en termes de temps de rédaction, donc, pour eux mais aussi pour la clientèle qu'ils desservent.

Donc, en effet, les différentes étapes nécessaires à l'insertion de telles citations doivent nécessairement passer par la recherche et l'extraction de données à partir des moteurs de recherche. On peut penser à Azimut, La référence, disponible sur le marché, et la manipulation de celles-ci pour les insérer dans les textes d'un jugement.

Donc, j'aimerais, M. le Président, poser une question à Mme la ministre. Donc, pour répondre aux nouveaux besoins des professionnels du droit et à l'avancée, justement, des technologies et du droit, la Société québécoise d'information juridique, donc SOQUIJ, a développé un outil d'aide à la citation. Est-ce que Mme la ministre pourrait nous expliquer de quoi il s'agit et un peu, là, nous expliquer pour la suite? Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui, bien, je vais faire un petit aparté. Donc, je pense que ça fait partie, bien qu'il semble... on va en parler, mais que c'est un outil qui a été développé particulièrement pour la magistrature et les membres du Barreau. Je pense qu'il ne faut pas penser que ce n'est pas un facteur important dans l'accès à la justice, hein? Parce que, si les jugements sont rendus de façon plus efficiente, surtout jugements... et qu'on évite d'avoir des jugements le moins possible oraux, verbaux sur le banc et qu'on peut faciliter le fait que les juges rendent des jugements écrits, faciliter l'accès aux juristes, aux nombreuses décisions, bien, je pense qu'on va travailler avec célérité puis on va faciliter également l'accès à la justice puis peut-être éviter certains délais, certains frais pour les citoyens.

Donc, afin de répondre effectivement à l'un des besoins des juges, SOQUIJ a développé un outil d'aide à la citation, effectivement. Je vais en brosser les grandes lignes, mais peut-être qu'on pourra compléter, si on peut m'aider à y aller de façon un peu plus technique.

L'outil est une solution qui répondait effectivement à un irritant de tout temps dans le milieu juridique, c'est-à-dire, bon, ça a l'air très technique, mais, encore une fois, c'est ces petites choses là qui sont des irritants qui font que, de temps en temps, on progresse de façon moins fluide en matière de justice. Donc, on parle de l'insertion et la personnalisation de références de notes de bas de page. L'outil d'Aide à la citation, qui est une première version, est un mécanisme qui va permettre d'analyser un document afin de repérer et d'extraire les références jurisprudentielles, législatives et doctrinales ainsi qu'une partie du texte, qui est l'outil d'Aide à la citation. Alors, je réitère pour les personnes à la maison, peut-être, ça a l'air très technique et on a l'air de se parler entre nous, mais c'est extrêmement important, les outils de travail, on l'a mentionné, que ce soient des outils de compilation de données ou des outils d'aide à la rédaction, bien, ça fait qu'on accélère les délais puis peut-être que les jugements vont être rendus de façon un peu plus rapide.

En résumé, donc, SOQUIJ a développé cet outil pour répondre à des besoins clairement exprimés par la magistrature, entre autres, pour outiller les décideurs et leurs équipes, pour faire gagner du temps à des intervenants clés, pour permettre la standardisation des références tout en octroyant certains éléments de personnalisation, de réduire significativement les risques d'erreur dans la composition des références — ça, c'est un atout majeur — offrir un outil de travail à haute valeur ajoutée qui servira, au quotidien, à un très grand nombre de personnes, offrir une installation simple et transparente, répondre aux standards du ministère de la Justice en matière de sécurité. Parce que la donnée, l'information, il y a quand même une notion de sécurité et de sécurisation de la donnée personnelle et de l'information, surtout en matière de jugements qui sont en délibéré, d'ailleurs, c'est très important de le souligner. Donc, on doit savoir que les bases documentaires de SOQUIJ qui sont mises à jour quotidiennement comprennent 21 000 références à des lois, 60 000 références à des articles de doctrine et près de 1 810 000 références jurisprudentielles. La première mouture de l'outil d'Aide à la citation a été développée grâce à la collaboration des utilisateurs visés, des membres de la magistrature québécoise ainsi que de leurs adjointes, qui ont été consultés tout au long du développement des différents prototypes.

Je ne sais pas si vous aviez un petit peu de choses pour compléter. Je peux peut-être vous laisser — M. le Président, si vous le permettez — la parole.

Le Président (M. Bachand) : Oui, consentement. Veuillez vous identifier, et puis vous avez une petite minute...

M. Vermeys (Nicolas) : ...Nicolas Vermeys, vice-président du conseil...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y.

M. Vermeys (Nicolas) : Nicolas Vermeys, vice-président du conseil d'administration de la SOQUIJ.

Donc, oui, simplement pour compléter les propos de la ministre, il est important de comprendre que cet outil, qui a été développé de concert avec les acteurs... Donc, on a mentionné la magistrature, mais également évidemment les autres membres de la communauté juridique. Je pense au milieu universitaire, dont je fais partie, ainsi qu'aux membres du Barreau et la Chambre des notaires.

Et l'objectif était, comme on l'a souligné, vraiment d'offrir un outil pour s'assurer de l'exactitude de ses sources, ce qui vient faciliter le référencement, le croisement de l'information et évidemment la recherche, et donc ça élimine certains délais qui étaient associés ou certaines situations où on tentait de retracer une source jurisprudentielle ou un ouvrage de doctrine et que finalement on était dans l'impossibilité de ce faire. Et donc c'est un outil qui peut sembler anodin, mais qui, dans les faits, vient accélérer le processus judiciaire et donc limiter notamment les coûts pour les utilisateurs, et, lorsque ces utilisateurs sont les membres du Barreau, bien, on comprendra que ça vient évidemment faciliter l'accès à la justice et limiter les coûts pour leur clientèle, c'est-à-dire pour les justiciables.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre collaboration.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci infiniment.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 56)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue. Nous allons reprendre nos travaux.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2019‑2020.

Nous étions rendus à un bloc de temps de parole de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine, la parole est à vous pour 20 min 26 s. M. le député...

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, nous sommes dans une nouvelle salle, mais même sujet important, la justice.

J'avais, dans notre premier bloc ce matin, eu l'occasion de toucher rapidement, avec la ministre de la Justice, au plan de modernisation du système de justice, budget de l'an passé, 2018‑2019, et il y a un volet, on sait qu'il y a trois volets... il y en a un sur lequel j'aurais des questions un peu plus précises quant à sa reconduction, c'est le deuxième volet, celui de 289 millions. Alors, du 500 millions additionnel pour moderniser le système de justice, il y a 289 millions pour mettre la justice à l'heure des nouvelles technologies. Et, ce matin, la ministre, à la fin de notre échange, a eu l'occasion de confirmer que les chiffres 2019‑2020 étaient les bons. Autrement dit, elle pourrait me confirmer que mettre la justice à l'heure des technologies, on sait qu'en 2017‑2018 on avait investi 8 millions; en 2018‑2019, c'était 24 millions, mais qu'en 2019‑2020... D'abord, première question très précise, peut-elle me confirmer que le 34 millions est au rendez-vous?

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Alors, merci, M. le Président. Effectivement, on a changé de salle, on est peut-être un peu plus loin physiquement, mais j'espère qu'on ne sera pas plus loin dans nos objectifs partagés, M. le député.

Donc, ceci étant dit, je vais peut-être céder la parole, vu qu'on est plus dans les chiffres particulièrement puis que je vous ai fait part de mon objectif de ne pas ralentir la transformation et d'aller de l'avant dans la poursuite et dans la même suite qui avait été entamée par le gouvernement précédent, comme on parle de chiffres plus précis — je veux être certaine, vous avez la réponse appropriée à votre question — avec votre permission, M. le Président, et avec le consentement de mes collègues, je vais céder la parole à ma sous-ministre, Mme Lynch.

Le Président (M. Bachand) : Mme la sous-ministre, s'il vous plaît.

Mme Lynch (France) : Alors, si on prend la fiche qui touche les mesures du plan pour moderniser le système de justice, je vais décliner les montants, là, de façon un peu plus détaillée, mais on a, pour 2019‑2020, 34 millions qui est prévu, notamment pour la constitution du registre numérique. On prévoit, en termes de dépenses, une somme à l'équivalent de 14,9 millions. Pour le volet requis technologique, c'est-à-dire modernisation des infrastructures, 15,9 millions. Le reste, c'est le volet qui touche plus des travaux, là, des travaux juridiques, des impacts sur les espaces locatifs, 0,6 million, le volet civil, on veut avoir des réflexions sur le volet civil, alors, 0,5 million. Donc, pour un total de 34 millions.

M. Tanguay : ...M. le Président, on pourra continuer l'échange avec Mme la sous-ministre. Moi, je suis à la page 23 de l'ancien fascicule, je ne vous demande pas d'y retourner, mais, pour moi, c'est un aide-mémoire. On disait, donc, que le 289, qui était 34 millions, 2019‑2020, j'aimerais savoir, le registre numérique, à quelle réalité fait-on référence ici? Parce qu'on parle, qu'est-ce qu'on veut faire, de façon tangible, on veut... Mise en place d'un portail, services en ligne aux parties à un litige, gestionnaire de dossiers judiciaires de façon numérique, ça, c'est un autre aspect. Gestionnaire d'une audience, qui est un autre aspect. Alors, le registre numérique fait-il référence à cela?

• (16 heures) •

Mme Lynch (France) : C'est le registre numérique dans le volet du 34 millions, plus, comme je vous disais tantôt, les infrastructures technologiques pour être capable de créer le registre.

M. Tanguay : O.K., comment ça va fonctionner, de façon tangible? Puis, quand on parle des greffes civils... Je pratiquais à Montréal, puis j'ai eu l'occasion d'aller voir certains palais de justice du Québec. Comment ça va se faire, de façon tangible? Quelles seront les premières étapes? Parce que ce n'est pas chose simple, là.

Et, ce matin, puis ce sera peut-être une sous-question à Mme la ministre, elle a fait référence, entre autres, la vision un peu archaïque qu'on peut avoir quand on veut faire timbrer une procédure, puis là Mme la ministre a parlé de peut-être une nécessité d'amender le Code de procédure civile là-dessus. Donc, j'aimerais savoir... On va laisser de côté le Code de procédure civile puis les amendements qui seraient nécessaires. Mais le greffe, là, je me rappelle, à Montréal, là, comment ça va se faire, de façon tangible, là?

Mme Lynch (France) : Ce qu'on recherche, dans le fond, c'est de transiger de façon numérique avec le citoyen. Actuellement, on est en train de revoir l'ensemble des processus en matière criminelle et pénale pour les définir puis bien déterminer notre solution. Donc, la cible, c'est qu'on puisse, pour le citoyen, pour les avocats, pour les partenaires du réseau de la justice, être en mesure de déposer des documents numériques lors des procès, exemple. On n'aura plus les dossiers papier comme on l'a aujourd'hui, il va falloir assurer une transition entre aujourd'hui puis le futur au niveau numérique. Alors, l'idée, c'est d'avoir des dossiers qui sont complètement numériques du dépôt, exemple, en matière criminelle et pénale, de la dénonciation, du dépôt de la preuve, les interrelations avec les bureaux d'avocats. Quand il y a une sentence qui est rendue, on est capable de transmettre au ministère de la Sécurité publique la nature de cette sentence-là pour qu'on ait des processus beaucoup plus fluides puis qu'on accélère l'administration des tribunaux.

M. Tanguay : Exemple, pour peut-être revenir aux greffes civils et aux causes civiles, donc criminelles et pénales, est-ce que donc ça va se faire, évidemment, en allant dans le futur? Est-ce que ça nécessite... je ne suis pas spécialiste du Code pénal, là, est-ce que ça nécessite des modifications à la procédure pénale?

Mme Lynch (France) : Pour le criminel, actuellement, on est capable, quand même, de construire à partir de la législation actuelle. Mais, évidemment, tout le volet du dépôt de la preuve, si on a besoin, pour être capable de l'actualiser, de règles de pratique, exemple, par rapport à la magistrature, la magistrature va regarder qu'est-ce qu'elle pourrait mettre en oeuvre pour être capable d'administrer l'audience. Alors, dans les derniers mois, il y a eu des approches qui ont été faites, là, auprès de la ministre fédérale à l'époque, pour apporter des modifications législatives au Code criminel, pour simplifier la procédure, notamment à l'égard, là, de... je pense que la ministre connaît un peu plus les... mais modifier les accusations qui sont mixtes, sommaires, bon, pour simplifier cette procédure-là. C'est un angle qui doit être abordé pour être capable de réduire les délais.

Mais, quand on est dans le 34 millions, ici, là, on est beaucoup dans le volet du support numérique pour être capable d'administrer la preuve, d'administrer le tribunal, de permettre aux citoyens de déposer des documents en ligne. Et ces processus-là qu'on est en train de faire actuellement vont pouvoir éventuellement se transposer en matière civile, parce que c'est quand même, je vais le dire comme ça, mais c'est de l'administration de registre, hein? Alors, ça va pouvoir se transposer.

M. Tanguay : ...là, c'est déjà... on en a beaucoup qu'on peut faire sans modifier le Code de procédure pénale ou le Code de procédure civile par des directives, le cas échéant, internes, ce qui est accepté, ce qui n'est pas accepté sur support numérique ou pas. Quand on touchera à la preuve, peut-être plus à ce moment-là... des discussions, entre autres, quant au Code criminel. On me dit donc... Mme la sous-ministre nous a dit, Mme la ministre, qu'il y avait des discussions avec la ministre fédérale.

Mme LeBel : Absolument, elle fait référence, entre autres, si je ne me trompe pas, à la FPT qu'on a eue à St. John's, Terre-Neuve, au mois de novembre 2018, où, effectivement, dans le cadre du projet... je pense, c'est C.75... encore une fois, chaque fois que je vais nommer un chiffre ou un montant, à prendre sous réserve... donc, C.75 à faire des aménagements au Code criminel. Bon, on parle de l'enquête préliminaire, on parle de la possibilité, pour les policiers, de déposer des rapports policiers à certaines étapes, au lieu d'avoir des témoignages, donc la possibilité... Donc, toutes sortes d'aménagement à la gestion et à l'aménagement de la preuve et de la façon de faire de la preuve en droit criminel. Mais, comme le disait si bien Mme la sous-ministre, ça ne nous empêche pas de progresser, de faire des grandes avancées présentement.

Je faisais référence, ce matin, effectivement, à certaines modifications législatives qui sont éventuellement, à terme, nécessaires, je pense que c'est parce qu'il faut y penser d'entrée de jeu. Quand on fait une évaluation globale d'une transformation de la justice... et, quand je dis «transformation de la justice», je dis bien non pas un virage numérique, parce que ce n'est pas simplement un virage numérique. Donc, la façon de déposer la preuve, la façon de signifier la preuve, c'est aussi des choses qu'il faut revoir. Entre autres, les notaires qui travaillent sur leur voûte numérique vont avoir probablement de besoin de certaines modifications législatives au plan du Code civil sur la façon... les documents authentiques sont gardés, le nombre de copies. Donc, c'est des règles qui ont été pensées et établies à une époque où le papier était de mise. Donc, j'ai donné un exemple, là, simplement pour illustrer mon propos. Naturellement, je ne suis pas en mesure de vous donner toutes les modifications législatives et toutes les règles de pratique qui seront adaptées.

Je vais profiter, pendant 30 secondes, si vous me permettez, pas plus de votre temps, pour signifier que j'ai signifié au président et également à mes collègues de l'opposition que, compte tenu de l'heure à laquelle on avait commencé, on était prêt à laisser aller notre temps gouvernemental pour rattraper le retard. Je pense que les calculs ont été faits pour vous redistribuer vos parts, naturellement pas la nôtre.

Le Président (M. Bachand) : On est en train de faire des calculs, mais ça va me prendre le consentement pour retrancher 20 minutes du temps gouvernemental, et, après ça, on va pouvoir vous revenir avec les différents blocs. Est-ce qu'il y a consentement? Merci beaucoup.

M. Tanguay : Évidemment, tant qu'on ne reprendra pas, là. Je veux dire, ils ne le prennent pas, mais on ne le reprend pas, nous. Évidemment, c'est pour gagner du temps, là.

Le Président (M. Bachand) : Non, c'est enlevé du temps du gouvernement puis qui n'est pas redistribué.

M. Tanguay : C'est ça, il n'est pas redistribué. C'est ça.

Le Président (M. Bachand) : C'est ça. M. le député de LaFontaine, merci.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup. Donc, sur l'échéance 2022‑2023, on peut faire atterrir, entre autres, les nouvelles technologies sans de réforme majeure de la procédure civile et pénale. C'est un peu ça. Il y aura peut-être des petites modifications, mais, à ce stade-ci, on pourrait se rendre en 2023 sans, de façon fondamentale, qu'on ait à rechanger... je pense que c'est janvier 2016, le dernier Code de procédure civile... sans qu'on le revisite, parce qu'il y a des semaines où on ne fait pas ça, là.

Le Président (M. Bachand) : Mme la sous-ministre.

Mme Lynch (France) : Alors, dans le fond, là, aujourd'hui, là, on ne prend pas les vieux processus, on optimise les processus. Ce qu'on est en train de faire, c'est d'optimiser en fonction, évidemment, des lois actuelles, mais aussi en identifiant les pistes où on pourrait, par des modifications législatives, soit influencer le fédéral ou soit faire nous-mêmes nos propres modifications.

Par rapport à cet exercice-là, le ministère a publié un avis d'appel d'intérêt le 22 juin dernier pour regarder les solutions, du 22 juin au 12 octobre 2018, pour regarder les solutions qui existaient sur le marché qui touchent l'administration de la justice, l'administration des archives. Cette publication-là nous a permis de voir, justement, est-ce qu'il y a des solutions avec lesquelles on pourrait faire un développement qui permettrait de soutenir nos processus? On a eu, à ce moment-ci, plusieurs personnes qui nous ont... plusieurs firmes qui nous ont signifié une capacité. On est en train d'analyser ce potentiel-là, en même temps qu'on finalise notre définition des besoins, puis on va pouvoir, d'ici le début de l'année 2020, déposer, nous l'espérons, un appel d'offres.

M. Tanguay : ...le savoir-faire, on ne l'aurait pas à l'interne, mais on pourrait faire un appel d'offres à l'externe pour gérer ces nouvelles façons de faire?

Mme Lynch (France) : Pour réaliser ce projet-là, on va avoir une complémentarité des deux. Actuellement, on a plus de gens qui travaillent dans le projet de l'interne. Bon, mais c'est sûr que c'est un très grand projet puis ça va probablement faire comme une cloche. Alors, on va aller chercher des ressources pour être capable de faire notre transformation numérique, puis, au fur et à mesure qu'on va livrer des applications, les firmes vont quitter, et on va reprendre la mise en oeuvre, là, des infrastructures... la mise en place des infrastructures.

M. Tanguay : On a une bonne conversation. Je ne veux pas tomber dans la partisanerie, mais, honnêtement, je veux vous faire part d'un réflexe que j'ai eu lors de la dernière campagne électorale, puis ce n'est pas bassement partisan, c'était quand même un questionnement que j'avais, puis je pourrais formuler ou titrer ma question : Allons-nous être protégés du ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale? Ça serait le titre. Pourquoi? Parce que lui a pour mission d'améliorer la gestion en informatique et il a des objectifs très clairs, autrement dit, de couper 53 millions en 2019‑2020, 105 millions en 2020‑2021 jusqu'en 2022‑2023, qui correspond exactement à notre horizon, 210 millions en informatique. On dit qu'on veut optimiser, donc réduire nos coûts. Il n'y a pas de problème, tout le monde va être d'accord pour optimiser puis réduire nos coûts. Mais pouvons-nous considérer, Mme la ministre, que ce 34 millions-là cette année, le 39, 45 et 45 jusqu'en 2023 seront à l'abri de ces potentielles optimisations qui vont être des coupures, là?

• (16 h 10) •

Mme LeBel : Écoutez, il n'y a pas d'intention actuelle et je vais me battre, si jamais il y a une intention future cachée, puis je le dis de cette façon-là parce qu'il n'y a personne qui m'a donné de signal dans ce sens-là, au contraire. Les fonds qui sont attribués à la transformation de la justice vont demeurer attribués à la transformation de la justice. L'objectif est de passer ce cap et de se diriger vers la justice du futur, comme je le disais.

M. Tanguay : Autre intention exprimée par le député de La Peltrie, ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale, est-ce qu'on a un enjeu de confidentialité avec l'infonuagique, le cas échéant?

Mme LeBel : Je ne suis pas sûre de comprendre votre question.

M. Tanguay : Je vais la reformuler, c'est parce qu'elle était mal posée. Si d'aventure le gouvernement est en train de regarder, pour tous les supports informatiques, tous les registres, tout ce qui est sur... comme données gouvernementales, moi, je pense qu'il faut inclure, là-dedans, les données du système judiciaire, si l'on confie ça à des entreprises hors Québec, il pourrait y avoir un risque de protection des renseignements confidentiels ou même, je vous dirais, même si ce ne sont pas des renseignements hautement confidentiels, ce seraient quand même des renseignements sur lesquels d'autres gouvernements ou d'autres entités pourraient avoir accès.

Alors, s'il y a sous-traitance quant au support, parce que ça devient lourd à un moment donné, à l'externe, est-ce qu'il y a un enjeu de confidentialité ou de sécurité si l'on sous-traite l'infonuagique à l'extérieur des serveurs du gouvernement du Québec?

Mme LeBel : Je veux vous rassurer d'entrée de jeu, la réponse est non. On va faire tout ce qu'il y a... D'entrée de jeu, tu sais, il est important de rappeler que le gouvernement du Québec a donné, effectivement, des orientations à ses divers ministères concernant l'utilisation de l'infonuagique. La donnée... la protection de la donnée, la sécurité de la donnée va demeurer une préoccupation qui est partagée et par le gouvernement au sens large et par les différents ministères.

Donc, à cet égard, le ministère de la Justice va s'assurer, je vais m'assurer, nous allons nous assurer, comme il le fait déjà actuellement, de prendre les décisions qui sont... des meilleures décisions relatives à l'infonuagique. La raison pour laquelle le gouvernement regarde pour se tourner vers l'extérieur, c'est des raisons d'efficacité, d'optimisation. Trop souvent, dans le passé, le gouvernement a voulu refaire la roue et retenter de refaire à l'interne des choses qui existaient et qui sont efficaces à l'externe.

Ceci étant dit, je dois vous rassurer que la protection de la donnée, la sécurité de la donnée, ça va demeurer, d'abord et avant tout, la priorité, naturellement.

M. Tanguay : Est-ce que je dois comprendre, donc, que l'expertise en matière juridique du ministère est également mise actuellement à profit pour protéger des données qui seraient autres que juridiques, donc, dans le domaine de la santé, et ainsi de suite? Est-ce que j'ai raison de croire ça?

Mme LeBel : ...tout à fait. L'expertise du ministère, l'expertise de la Commission d'accès à l'information, toutes les personnes qui ont une expertise pertinente dans le dossier sont amenées à y participer, c'est très évident, pour ma part.

M. Tanguay : Et êtes-vous au courant, puis peut-être que vous n'avez pas la réponse, d'un échéancier ou d'une échéance quant à la décision qui sera prise quant à ça? Parce que ce n'est pas anodin. Allons-nous ou pas, comme société, aller de l'avant avec une sous-traitance infonuagique?

Mme LeBel : Je dois vous avouer que, comme ce n'est pas mon dossier, sur ces échéanciers-là et sur cette... sur le délai, là, qu'on s'est donné... je sais qu'on veut le faire le plus rapidement possible, mais là ce n'est pas... et là ce n'est pas une phrase creuse que je vous lance, là, je n'ai pas les échéanciers, non. Ce n'est pas mon dossier.

M. Tanguay : Dans les financements prévus, 107 millions de 500 millions se ventilent sous trois chapitres, dont 107 millions du financement du 500 était prévu l'an passé dans le PQI. Où en sommes-nous cette année, avec le budget de cette année? Est-ce que nous sommes toujours présents jusqu'à hauteur de 107 millions dans le PQI?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Des voix : ...

Mme LeBel : Ça ne sera pas long. Désolée, on veut vous répondre adéquatement.

Le Président (M. Bachand) : Peut-être, en attendant, M. le député de LaFontaine, si vous avez autre... Le temps de vérifier, oui.

M. Tanguay : Oui. Oui, tout à fait. Puis on pourra nous revenir avec la réponse, M. le Président.

Juste, avec, peut-être... il me reste un petit peu plus de deux minutes. J'aimerais aborder un sujet, prochaine nomination, Cour suprême. Est-ce que la CAQ aura l'occasion... ou est-ce que la ministre peut nous confirmer que, non, ça ne sera pas le cas, de mettre en pratique... de mettre sur pied, un peu, ce qui était le projet de la Coalition avenir Québec, qui était de faire en sorte qu'il y ait appel de candidatures et que les candidatures soient soumises à l'Assemblée nationale, qu'il y ait un vote aux trois quarts et tout de suite?

Je ne suis pas sur le fond des choses, parce que j'aurais bien des choses à dire quant à ce processus-là, mais est-ce que la CAQ, de façon officielle, là, renonce à mettre en pratique cette façon de faire pour la nomination prochaine, fort probablement prochaine, du juge remplaçant à la Cour suprême?

Mme LeBel : ...parle de la nomination du juge Gascon... pour remplacer le juge Gascon, qui vient de prendre sa retraite, je pense qu'à court terme on ne peut pas penser à mettre sur place un processus législatif. D'ailleurs, le juge en chef de la Cour suprême, M. Wagner, a quand même annoncé que ça devrait être fait rapidement. Il y a quand même des délais à faire, mais on ne renonce pas, par contre, à participer à un processus pour cette nomination-là, et des discussions sont en cours avec le fédéral. À long terme, on pourra y réfléchir et revoir cette situation.

M. Tanguay : Je ne sais pas si la ministre était avec la CAQ en février 2016. Je ne pense pas, hein? Février 2016, vous n'étiez pas avec la...

Mme LeBel : 2016?

M. Tanguay : 2016.

Mme LeBel : Non.

M. Tanguay : Non, hein? Est-ce que la ministre fait siens, par contre, sur le fond des choses, des propos tenus par le collègue de Borduas, où il disait : L'Assemblée nationale est la mieux placée pour évaluer les candidatures des individus occupant l'un des trois sièges réservés au Québec — à lire : à la Cour suprême? Est-ce que la ministre de la Justice est de cet avis, que l'Assemblée nationale peut faire des votes pour nommer les juges?

Mme LeBel : Alors, pour reprendre vos propos, je vais vous dire que je fais sien sa position sur la forme des choses et pas nécessairement sur le fond. Le Québec, je pense, est le mieux placé pour participer à ce processus-là, à cette nomination-là. Les trois juges qui sont réservés dans le processus constitutionnel pour le Québec sont là pour une bonne raison, et je pense que le Québec doit avoir voix au processus. Maintenant, comment ça va se faire, on pourra l'étudier dans les prochains mois et revenir.

M. Tanguay : Si je comprends bien, corrigez-moi si j'ai tort, mais vous ne fermeriez pas la porte à ce qu'un vote aux trois quarts de l'Assemblée nationale, ou peu importe la majorité qualifiée, pourrait cibler les juges à être nommés? Vous ne fermez pas la porte à ça?

Le Président (M. Bachand) : ...

Mme LeBel : Suspense.

Le Président (M. Bachand) : Alors donc, je me tourne maintenant vers les députés formant le gouvernement pour un bloc d'échange de 17 minutes. M. le député de Vachon, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Oui, merci, M. le Président. Bien, bonjour à tous les collègues. Mme la ministre, l'équipe de la Justice qui est avec nous, qui sont très nombreux, merci d'être là aujourd'hui.

Vous savez, c'est un bel exercice que cet exercice d'étude de crédits. Pour nous, les députés, ça nous demande de faire la recherche, de retourner à nos racines, aussi de me rendre compte que je vais avoir la chance de parler de dossiers qui me tiennent à coeur.

Alors, M. le Président, le phénomène grandissant de l'échange d'images sexuellement explicites entre adolescents ou ce qu'on appelle l'autoexploitation juvénile, c'est inquiétant, tout autant pour les parents, étant moi-même père de deux jeunes filles de 9 ans et 11 ans, pour les jeunes impliqués et même pour les intervenants du milieu scolaire, policier, judiciaire, en raison des multiples conséquences que ça a. L'autoexploitation juvénile constitue une forme de pornographie juvénile, et les jeunes impliqués s'exposent à des accusations criminelles, que ça soit la production, la possession, la distribution ou l'accès.

Le 21 décembre 2018, LeJournal de Québec révélait que, d'après un sondage, 13 % des ados, oui, 13 % des ados auraient déjà été sollicités au moins une fois. De plus, ce serait plus d'un jeune sur quatre qui se fait demander des photos à caractère sexuel et qui aurait accepté d'en envoyer une, une proportion qui grimpe à un sur deux à l'âge de 15-16 ans. Sondage a été mené par l'équipe de recherche sur la sécurité et la violence dans les écoles québécoises, dirigée par la professeure Mme Claire Beaumont de l'Université Laval. L'équipe a interrogé plus de 33 000 élèves du secondaire. Chez les 13-14 ans, les demandes proviennent davantage d'inconnus. Si on va pour les 15-16 ans, ça provient surtout de collègues élèves ou de personnes qu'ils connaissent.

Le service de police de la ville de Gatineau a lancé en 2017 un programme de prévention portant sur le phénomène émergeant des sextos. Le programme s'appelle #gardecapourtoi. Il s'adresse principalement aux jeunes de 12 à 17 ans, puis il y avait plusieurs volets, donc les volets... le DPCP est impliqué à ça, le CALAS, le Centre d'aide et de lutte contre les agressions sexuelles de l'Outaouais, ainsi que les écoles secondaires de Gatineau.

Le phénomène des sextos est banalisé chez les jeunes et ne cesse de prendre de l'ampleur, à un tel point que, depuis 2014, le service de police de Gatineau a traité plus de 80 dossiers.

Et je dois vous dire, M. le Président, comme policier, je me suis déjà rendu dans une classe et j'avais posé la question à des élèves, voir s'ils auraient osé partager une photo d'eux, une bonne vieille photo qui trahit mon âge. Et en aucun... les jeunes m'ont tous répondu que jamais ils n'auraient partagé une photo comme ça. Cependant, ils osaient facilement mettre ça sur le Web, pour eux autres, c'était une autre réalité complètement différente.

Il ne faut pas oublier la controverse du séminaire des Pères Maristes de Québec, où cinq adolescents avaient été accusés de divers chefs d'accusation en lien avec le partage de photos explicites de trois jeunes filles. Une enquête a alors été déclenchée par le ministère de l'Éducation. Face aux conclusions de ce rapport, le ministre envisage notamment de modifier la Loi sur l'enseignement privé pour que son ministère puisse intervenir plus largement lorsque des cas comme ça surviennent en institution privée.

Le ministère de l'Éducation avait suggéré, entre autres, de créer une instance neutre pour défendre l'élève, l'équivalent d'un protecteur de l'élève. Elle aurait pour mandat de veiller à la protection et au respect des droits de tous les élèves lorsque les recours usuels ne démontrent pas leur efficacité.

Alors, ma question pour Mme la ministre, M. le Président : Avec les plusieurs cas à fort retentissement médiatique qu'on a entendus, notamment celui du séminaire des Pères Maristes à Québec, et que ça a amené une bonne prise de conscience, je pense, au Québec, et une réflexion sur les moyens à prendre pour enrayer le fléau, je veux savoir ce que la ministre entend faire pour ce problème, qui est réel au Québec.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. C'est effectivement un problème qui est fort préoccupant. Et je prends l'occasion pour faire une petite parenthèse également. Je pense que c'est fort préoccupant à plusieurs niveaux parce qu'effectivement nos jeunes qui sont, pour la plupart — j'ai également, moi, des adolescents de 13 ans et 16 ans — à toutes fins pratiques, nés avec un cellulaire ou une tablette dans les mains, ont peu conscience de l'impact de ce qu'ils font au niveau médiatique... au niveau des médias sociaux, et le terme «social» et le terme «médias» devraient pourtant les allumer, mais ce n'est pas le cas. Effectivement, ils ont l'impression que c'est virtuel.

Puis j'ai eu l'occasion, lors d'une formation que j'ai faite dans mon comté, dans une école, une formation juridique que ça m'a été... ça m'a fait du bien, je vais vous le dire, des fois... et de discuter avec des jeunes et de leur donner, comme motif de débat, la question suivante : Est-ce que c'est moins pire de menacer quelqu'un sur Internet ou de le menacer face à face? Et étonnamment... bien, étonnamment, oui et non, là, la majorité des étudiants trouvait ça moins pire de le faire sur Internet parce que c'était spontané, parce que, quand on est derrière de notre écran, on n'y pense pas parce qu'on n'est pas face à l'individu, alors que c'est plus grave quand on le fait face à face.

Et je pense que le phénomène est le même quand on parle des sextos et que vous faites la référence avec la photo, la bonne vieille photo physique, là, moi aussi, j'en ai quelques-unes dans mes albums qui me concernent.

Donc, effectivement, je pense qu'un des problèmes, c'est le... il y a, bon, il y aura toujours des contrevenants qui auraient fait circuler la photo physique même à notre époque, mais je pense qu'aujourd'hui le problème de ce phénomène-là, c'est la facilité à laquelle on peut transmettre l'information. Le clic et le fait que tu n'es pas face aux individus quand tu le fais, donc tu n'as pas à... tu n'es pas confronté à ça.

Donc, c'est pour ça que je suis très contente de voir que le problème #gardecapourtoi... le programme #gardecapourtoi est un programme aussi qui mise beaucoup sur la prévention et l'intervention, mais aussi la prévention.

La ministre de la Sécurité publique, d'ailleurs, a annoncé récemment une subvention au bénéfice du projet Sexto, qui est un autre projet. Mon homologue du gouvernement du Canada a fait également la même chose, a annoncé sa participation lors de son passage à Saint-Jérôme pour rencontrer l'équipe Sexto. Le DPCP aussi a accepté de s'y associer, c'est important, et tout ça a été le fruit d'un partenariat entre le corps policier de Saint-Jérôme, le milieu scolaire et le DPCP, entre autres.

D'ailleurs, ce matin, vous parlez du séminaire des Pères Maristes à Québec mais, encore ce matin, il y avait, dans la revue de presse, en tout cas, dans ma revue de presse, il y avait un évènement ou une juge avait eu à traiter d'une telle situation pour un adolescent de 14 ans qui a dû être trouvé coupable. D'autres, par contre, ont pu bénéficier de mesures alternatives. Donc, les procureurs, les policiers de Saint-Jérôme ont développé, donc, cette mesure de méthode de justice alternative et réparatrice qui permet, justement, d'éviter la judiciarisation des cas qui sont jugés impulsifs, non réfléchis, plutôt que des cas qui sont vraiment carrément malveillants.

Ce partenariat, unique en son genre, inspire d'autres milieux, qui ont commencé à implanter également le programme Sexto, notamment dans les régions de Lanaudière, Laval, Laurentides. Le rapport d'enquête administratif concernant le séminaire des Pères Maristes était d'ailleurs... c'était d'ailleurs ce programme comme exemple d'initiative qu'il faut accroître et qui vise à accroître la prévention et la sensibilisation auprès des jeunes.

Donc, en bref, je pense que ce sont des très bonnes initiatives. Toutes ces initiatives et d'autres encore vont contribuer, je l'espère, à faire prendre conscience, d'abord et avant tout, et à enrayer ce fléau, puis d'ailleurs à féliciter le travail des corps de police du DPCP et des intervenants scolaires, qui doivent aussi être outillés pour intervenir dans ces situations-là.

Donc, en plus du procureur chef adjoint, qui supervise le projet depuis ses tout débuts, le DPCP a, à bon escient, affecté un procureur à temps complet au projet Sexto depuis le 18 février 2019, et souhaite d'ailleurs en dégager un deuxième le plus rapidement possible afin de rendre accessible ce projet à l'ensemble des écoles du Québec, à l'intérieur du deux ans qui a été initialement prévu. Alors, on prend la chose au sérieux et je pense qu'on agit aux bons endroits.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Vachon, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Merci beaucoup, M. le Président. Ça me rassure de savoir qu'on agit entre deux sorties médiatiques, parce qu'on sait que ça fait beaucoup de bruit quand ça sort. On sait aussi que les victimes se retrouvent souvent au banc des accusés par notre société, alors je suis rassuré.

Deuxième sujet qui est important pour moi, un des faits saillants de l'année dernière pour la justice criminelle a été la légalisation du cannabis par le gouvernement fédéral. Depuis le 17 octobre dernier, les Canadiens peuvent consommer, en toute légalité, du cannabis à des fins récréatives. Ainsi, le Canada est devenu le premier pays du G7 à autoriser la vente à consommation de cannabis sur l'ensemble de son territoire.

Un des aspects qui inquiétait beaucoup le public, c'était la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue, mais, dans les faits, il n'y a pas eu de grand changement sur les routes, en ce sens que... où la conduite, les facultés affaiblies par le cannabis, était encore sur... pardon, là où c'était interdit, ça le sera toujours. Il n'est pas légal de conduire avec les facultés affaiblies par le cannabis. En effet, en vertu de la Loi encadrant le cannabis et modifiant les diverses dispositions en matière de sécurité routière, adoptée par le gouvernement québécois le 12 juin dernier, il sera toujours interdit de conduire avec les facultés affaiblies sur toutes les routes de la province.

Là où les choses varient, c'est du côté des sanctions. Bon, rapidement, on peut vous dire que ça va de 300 $ à 3 000 $, révocation de permis de conduire, des poursuites criminelles. Le 21 juin 2018, la première partie du projet de loi C-46 a reçu la sanction royale, et, dès lors, elle entrait en vigueur, elle est entrée en vigueur. Cette section a pour objectif de modifier le Code criminel en y ajoutant des infractions liées aux capacités affaiblies par la drogue et de permettre aux agents de la paix d'avoir recours à des nouveaux outils d'enquête, dont le matériel de détection des drogues, qui est approuvé. Concrètement, donc, les policiers agissent de la même façon avec une personne, qu'elle soit en état d'ébriété par l'alcool ou le cannabis.

Un des points qui est peut-être un peu moins d'actualité, c'est la conduite d'un véhicule automobile en ayant les capacités affaiblies par la drogue. Mais je vais faire un parallèle, parce que souvent, nos collègues, quand on a présenté le projet de loi n° 2, nous ont fait un comparatif avec un autre psychotrope qui est légal, et je veux parler de l'alcool. Puis l'alcool au volant, ça cause toujours des torts au Québec. Je vais vous sortir quelques chiffres, M. le Président. Selon la SAAQ, la moyenne, c'est 110 décès par année sur nos routes, 260 blessés graves, 1 800 blessés légers. Prenons par exemple, dans mon comté, donc, pour Vachon, mais plus spécifiquement, là, l'agglomération de Longueuil, c'est 367 accusations criminelles pour conduite avec facultés affaiblies l'année passée. 36 accusations criminelles pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue, ça, c'est une augmentation du quart de ce qu'il y avait l'année précédente. Alors, ça existe. La police de Longueuil a fait des barrages. Entre le 28 novembre et le 2 janvier dernier, ils ont fait plusieurs barrages, ils ont fait cinq barrages. Mais ça existe toujours.

Vous comprendrez que, dans mon ancien métier, j'ai dû trop souvent me rendre sur des lieux où il y avait eu des collisions, où il y avait eu des accidents mortels impliquant l'alcool. Puis je n'aime pas ça vous parler de chiffres sans vous parler d'humains, parce que, souvent, quand on parle de chiffres, bon, c'est un, c'est deux, c'est trois, mais là ces chiffres-là, il y a des gens en arrière de tout ça, là. Quand j'ai commencé à faire ma recherche, il y a deux cas qui me sont revenus en tête que je vais vous partager, M. le Président, parce que j'aime bien qu'on se rappelle que ce sont des humains.

Près de chez moi, il y a de cela quelques années, il y a une collision fatale. Le hasard a fait en sorte que, comme pompier volontaire, je n'étais pas de garde cette nuit-là, je ne suis pas allé. Mais je me suis présenté plus tard, pour me rendre compte que c'était une bonne connaissance. C'était la copropriétaire d'un restaurant qui est juste au coin de la rue, une mère de trois jeunes enfants, qui avait été impliquée. Elle se rendait à son travail. Elle travaillait de nombreuses heures, comme bien des gens. Et elle avait croisé une personne qui avait veillé tard, qui avait pris plusieurs verres et qui l'avait fauchée. Cette personne-là n'a même pas été blessée, mais elle, elle est décédée. Et son conjoint, qui était le copropriétaire du restaurant, s'est retrouvé tout seul comme propriétaire avec son restaurant et avec trois jeunes enfants. Ça, c'est un cas d'espèce, c'est un cas qui est vrai.

Comme policier de Montréal aussi, je me rappelle d'un cas dans Westmount, où une dame avait été fauchée, encore là, par une personne qui était embarquée en sens inverse sur l'avenue Côte-des-Neiges. Et moi, je me rappelle, j'étais sur les lieux. C'est de nuit. Et j'ai un homme qui vient me voir, qui veut savoir si c'est sa femme qui est impliquée. Alors, bien entendu... puis je ne donnerai pas de détails, mais le corps n'était pas dans un état où on pouvait l'identifier. Ça fait, j'ai dit au monsieur d'attendre, que l'enquêteur viendrait lui parler. Mais là l'homme, il s'impatientait, puis je comprenais très bien, alors il a décidé de faire quelque chose que je n'aurais jamais vu venir. Il a pris son téléphone cellulaire puis il a appelé sa femme. Mais, malheureusement, le téléphone, on l'a entendu sonner dans la carcasse de la voiture. Ça fait que, donc, lui, en direct, il venait d'apprendre que c'était sa femme qui était décédée. Ça a été un moment horrible.

Puis je ne vous dis pas ça pour rendre ça encore plus gros que c'est, mais juste vous dire que c'est des vies qui sont fauchées, c'est vrai, c'est réel. Puis ce n'est pas pour rien que, dans le projet de loi n° 2, je suis intervenu beaucoup, parce qu'il y a des choses que j'ai vécues, comme policier, trop souvent, trop souvent d'avoir des enfants qui se retrouvent orphelins, d'avoir un père à qui on apprend que son garçon est décédé. Il n'y a pas juste l'alcool, il n'y a pas juste le cannabis, là-dedans, il y a d'autres raisons. Mais, trop souvent, c'est présent.

Alors, je me suis permis de faire ce long préambule, M. le Président, parce que, pour moi, c'est un dossier qui est important.

Je veux savoir, justement, si on a un bilan, un bilan de cette première année avec le changement qui a été fait dans la légalisation du cannabis. Alors, Mme la ministre, est-ce que vous êtes en mesure de nous faire un topo de la conduite avec facultés affaiblies, avec les changements qui ont été connus avec cette loi, cette légalisation du cannabis, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

• (16 h 30) •

Mme LeBel : Oui, M. le Président, merci. Effectivement, je suis tout à fait... tout ce que vous... les propos que vous venez de prononcer, je les fais miens. J'ai eu, moi, l'occasion de faire ces dossiers-là de l'autre bout de la lorgnette, c'est-à-dire d'amener souvent certains de ces contrevenants-là devant les juges, devant les salles de cour, donc de voir également les ravages horribles que ces conduites avec facultés affaiblies peuvent faire.

Maintenant, pour ce qui est de la légalisation du cannabis de façon particulière, il n'a pas été porté, pour l'heure, à notre attention que les changements opérationnels, qui sont incidents d'ailleurs à l'entrée en vigueur de C-46, ont porté des écueils relativement à l'application des nouvelles infractions. Je dois vous dire que le DPCP et ses procureurs étaient prêts. On a vu venir, hein, ça a été annoncé par le gouvernement fédéral, on a quand même eu une année pour les procureurs pour se préparer et on a vu venir l'entrée en vigueur des nouvelles législations en matière de drogue. Entre autres mesures, le DPCP a publié un guide à l'intention de ses procureurs sur les modifications engendrées par le nouveau régime de C-46, a dispensé de la formation de pointe sur le sujet, s'est doté d'un réseau de procureurs désignés et répondants sur la question, a émis une instruction à ses procureurs au sujet des causes pendantes et participe à plusieurs comités, tables et rencontres avec ses partenaires. Donc, le DPCP est prêt, se tient au courant et se forme en conséquence.

Les principaux enjeux qui ont été constatés par le DPCP concernent plutôt la précision des ordonnances d'interdiction de conduire qui ont été prononcées à l'encontre de certains délinquants et l'interprétation de certaines mesures transitoires de la loi. Ce sont des enjeux qui sont beaucoup plus juridiques qu'autrement.

On a vu, par contre, dans le projet de loi C-46, qui a amené plusieurs éléments positifs, notamment la disparition de la défense, qu'on dit de «bolus drinking», la défense du dernier verre. Les délimitations ont été imposées par le législateur en lien avec la défense de la consommation après l'infraction. La défense du verre d'après, souvent, on venait nous dire : Bien, moi, j'ai bu après avoir conduit, mais avant avoir fait le test. Alors, cette défense-là est encore possible, a été limitée dans ses applications, on ne rentrera pas dans les détails juridiques. Je ne suis plus moi-même à la fine pointe de ça, donc je ne me lancerai pas.

Il y a juste un élément qui est important de préciser, que le seul appareil de détection qui est présentement approuvé présente potentiellement des faux risques de positif. Certes, mais on travaille là-dessus, j'ai souligné ce fait lors de ma rencontre, encore une fois, FPT justice à St. John's, Terre-Neuve, en novembre 2018. Et, lors de ma rencontre avec le ministre fédéral de la Justice, M. David Lametti, que j'ai eue dernièrement, il y a quelques semaines, en février... c'est tant par lettre qu'en rencontre face à face... je lui ai, à nouveau, fait part de cette problématique, et il m'a fait part du fait que le comité étudie présentement les appareils de détection de drogue qui sont de d'autres modèles et qui n'auront pas les difficultés, bon, qui sont inhérentes à notre climat aussi parfois. Et donc on est en train de travailler pour fournir aux services de police des appareils de détection beaucoup plus performants. Mais cet enjeu-là a été souligné et il est présentement adressé.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Vachon, il vous reste une minute, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Une minute? Je vais aller très, très, très rapidement. Quand j'étais à la division du renseignement contre le crime organisé, j'appelais ça la loi là où ça fait mal.

Alors, Mme la ministre, la question pour vous, c'est : Lorsqu'on parle de biens issus de la criminalité, j'aimerais savoir de quelle façon les biens sont répertoriés une fois que ça a été saisi. Là, j'avais un long préambule avec des exemples dans mon comté, mais tout ça pour dire, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, lorsque des biens sont criminellement saisis, de quelle façon c'est réparti, de quelle façon c'est redonné aux services de police ou à d'autres organismes?

Le Président (M. Bachand) : Rapidement, Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui, bien, heureusement, depuis 1999, le régime de partage des produits de la criminalité contribue d'ailleurs au financement de plusieurs organismes. C'est divisé entre des corps de police, mais je n'aurai pas le temps de vous donner la répartition exacte dans le temps qui nous est imparti. Mais, effectivement, les corps de police reçoivent une partie de ces fonds-là pour avoir contribué, il y a une partie qui s'en va au DPCP, je crois, en tout cas, à la Justice. Donc... oui, et à Info-Crime. Donc, c'est réparti envers les acteurs du système de justice pour justement aider à la lutte de ce phénomène-là particulier.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Vachon, merci beaucoup.

Je me tourne maintenant vers le bloc d'échange pour le deuxième groupe d'opposition avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve pour 15 min 17 s, s'il vous plaît. M. le député.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Rebonjour, tout le monde. On le sait, le Québec fait face à de nombreux défis en matière d'accès à la justice et, pour répondre à ce défi, il y a plusieurs solutions qui existent. Il y a des solutions institutionnelles, on parle surtout, là, de l'appareil du ministère de la Justice.

Il y a des solutions aussi qui sont non institutionnelles, puis j'aimerais profiter des minutes qui me sont offertes aujourd'hui pour échanger avec Mme la ministre sur les étudiants en droit. Ça fait plusieurs années qu'ils revendiquent de pouvoir faire une modification à l'article 128 de la Loi sur le Barreau pour faire des conseils simples ou remplir des formulaires sous la supervision d'avocats et d'avocates ou de notaires, comme c'est le cas ailleurs au Canada, notamment en Ontario, en Colombie-Britannique. On ne parle pas ici, là, de plaider à la Cour suprême, on parle évidemment de faire des tâches relativement simples, des conseils, aider à remplir des formulaires, ce qui, on peut se le dire, se passe déjà un peu dans les faits dans certains milieux. Et tout ça permettrait de faire un bon gros coup de pouce à la question de l'accessibilité de la justice tout en valorisant l'implication sociale des jeunes juristes qui sont en formation.

Alors, ma question à Mme la ministre : Est-ce que c'est quelque chose qui est envisagé dans votre ministère? Y êtes-vous intéressée? Est-ce que vous avez un comité qui se penche sur la question?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui, j'ai eu l'occasion d'en parler avec certains... doyens, et non...

Une voix : ...

Mme LeBel : Non, non, pas... c'est ça, exactement, non. Certains doyens de certaines universités, entre autres le doyen de l'Université de Sherbrooke, dans le cadre d'une rencontre. Bon, l'Office des professions aussi doit se pencher là-dessus, parce qu'il y a des questions d'actes réservés et d'assurance, mais je dois vous dire qu'on discute avec le Barreau. Oui, il y a une ouverture. Tous les acteurs, le Barreau, aussi, a son bout de chemin à faire. Certains barreaux de section s'y opposaient pour certaines raisons dans lesquelles on n'abordera pas, qui leur appartiennent et qui peuvent être valables, là, dépendamment des points de vue.

Il y a toujours, naturellement... Je comprends la question de l'accessibilité à la justice, j'en suis, d'ouvrir, par le... on va l'appeler des cliniques juridiques, là, pour les fins de discussion... d'ouvrir des cliniques juridiques par des étudiants qui pourraient donner des conseils sous la supervision de certaines personnes. C'est, je pense, au point de vue des principes, quelque chose d'envisageable. Maintenant, le diable étant dans les détails, on est en train de travailler sur cette question-là, puis il y a des discussions. Donc, oui, il y a une ouverture.

J'anticipe votre question, non, il n'y a pas d'échéancier. Je n'ai pas l'intention de déposer un projet de loi à court terme, mais ça fait partie de nos discussions. Et le Barreau doit également réfléchir à cette question et se positionner sur cette question-là.

Mais, au niveau de discuter, il n'y a pas de fin de non-recevoir. Je pense qu'effectivement ça peut être une mesure d'accès à la justice qui est valable. Mais il y a toujours la question de la protection du public, hein, parce qu'on oublie souvent, puis on l'impression des fois que les ordres professionnels sont des empêcheurs de tourner en rond, mais ils ont un objectif aussi, qui est la protection du public. Les actes réservés sont là pour une raison, ont été conçus, décidés et aménagés pour la raison de protéger le public. Maintenant, il faut voir : Est-ce qu'on est encore en train de protéger le public? Est-ce qu'on peut ouvrir un peu plus pour donner de l'accès à la justice? Tout ça est une question d'équilibre. Mais je pense que, pour répondre plus simplement à votre question, oui, c'est envisagé et envisageable. Maintenant, il faut en discuter et faire les choses correctement, comme tout le reste.

M. Leduc : Je suis content de la réponse d'ouverture, du fait que c'est envisagé. Je vais aller peut-être chercher, voir si, un peu plus loin, on ne pourrait pas aller chercher une sympathie à cette idée-là. C'est une chose d'être ouvert, c'en est une autre d'être sympathique à l'idée.

Je ne sais pas si Mme la ministre est familière avec le projet de loi n° 697, qui avait été déposé par son... ah! je vois qu'elle a été bien préparée par ses gens, loi déposée par son collègue maintenant leader parlementaire. À l'époque, il était critique en matière de justice de la deuxième opposition. Sur la question, donc, la Loi visant à permettre aux étudiants en droit de donner des consultations et des avis d'ordre juridique dans une clinique juridique universitaire afin d'améliorer l'accès à la justice... Donc, député de Borduas, qui avait fait ce dépôt-là dans la dernière législature... Projet de loi que j'ai étudié, que je trouvais bien intéressant... Et, pour en avoir parlé avec les personnes qui sont alentour de cette mouvance, là, d'aller rechercher de l'ouverture et peut-être de la sympathie, ils étaient contents de ce projet de loi, mais ils diraient que, s'il était à réécrire, ils voudraient ouvrir un peu plus loin que juste les cliniques universitaires, que ça soit plutôt ouvert aussi aux cliniques communautaires, des OBNL, par exemple. Donc, je relance ma question, à l'orée de ce projet de loi là qui a été déposé : Est-ce qu'on peut aller chercher un peu plus que de l'ouverture, mais une sympathie à cette idée-là?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Je ne sais pas si je vais décliner, avec vous, tous les synonymes d'ouverture ou de sympathie. Je peux vous dire qu'on l'étudie parce qu'on pense... Au-delà de la sympathie, moi, je suis une personne très pragmatique, hein, et, si ça peut donner, effectivement, un accès à la justice plus grand, et tout en gardant... en s'assurant de la protection du public dans ces circonstances, parce que c'est aussi mon objectif, hein, le citoyen, bien, je suis tout à fait prête et engagée pour regarder cette solution-là.

Vous devez comprendre aussi que, concernant le projet de loi de mon collègue de Borduas, le projet de loi n° 697, effectivement, c'est un projet de loi qui va dans ce sens-là, donc je partage les objectifs au sens large. Encore une fois, c'est une question de moyens. l'Office des professions du Québec a fait cette analyse-là et pense qu'une modification législative n'est pas nécessaire, qu'on pourrait y aller par voie réglementaire. Je dois vous dire qu'à ce moment-ci c'est dans la cour du Barreau pour nous proposer un règlement en ce sens-là.

Encore une fois, un processus législatif, c'est lourd, hein, c'est long, ça prend du temps de commission parlementaire, et donc, si on peut faire les choses autrement et atteindre un objectif similaire par la voie réglementaire, je suis également ouverte, très sympathique à le recevoir avec un sourire. Mais on va l'étudier pour s'assurer de la protection du public, parce que c'est également une de mes préoccupations.

M. Leduc : ...prononcé, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : M. le député, allez-y, oui, allez-y.

• (16 h 40) •

M. Leduc : ...cocher dans ma liste des choses faites aujourd'hui. Merci beaucoup, Mme la ministre.

Un peu dans le même registre, j'ai eu à rencontrer toutes sortes de groupes, notamment, entre autres, Juripop, vous connaissez peut-être, qui exercent, donc, du travail, mais qui sont un peu forcés, en termes de modèle d'affaires, de se fonder une compagnie, parce qu'il est interdit d'exercer sous un OBNL, hein? Encore une fois, dans le milieu de l'Ordre des professions... Alors, même, ils ne peuvent pas... un OBNL ne peut pas annoncer des services, même s'ils sont gratuits, ils ne peuvent pas, les avocats, partager les honoraires avec l'OBNL, même si c'est modique. Est-ce que ça aussi, ça fait partie de l'ouverture pour essayer de faciliter l'accès à la justice à un plus grand nombre de personnes?

Mme LeBel : C'est une question qui est beaucoup plus techniquement complexe. De savoir, bon, jusqu'à quel point les avocats peuvent former des compagnies, peuvent s'associer, peuvent... de quelle façon les honoraires sont demandés, ça fait partie, d'ailleurs, également de la Loi sur le Barreau et du Code des professions, tout ça, ces façons de faire là.

Oui, est-ce qu'on peut, dans l'air de ce qui s'en vient présentement, on le voit aussi avec le virage technologique, l'intelligence artificielle... Je sais que je digresse un peu de votre question, mais c'est parce que c'est très large. Et je pense qu'il faut revoir ces règles-là. J'en ai parlé un petit peu, ce matin, de règles qui peuvent sembler, maintenant, dans l'ère de 2019, archaïques. Je ne dis pas que celles auxquelles vous faites référence le sont, mais je pense qu'on a une belle occasion, le Barreau a une belle occasion, les ordres professionnels ont une belle occasion de dépoussiérer, un peu, tout ça et de revoir les objectifs, donc, de servir le public, d'accéder à la justice, d'offrir d'être des partenaires d'accès à la justice.

Mais, je vous le dis, je suis très prudente quand j'avance dans ces territoires-là, parce que je fais même partie d'un ordre professionnel, j'ai siégé sur des conseils d'ordres professionnels et je sais qu'il y a des raisons importantes et des motifs sous-jacents qui sont importants pour la protection du public, également, à ces empêchements-là. Mais, oui, je pense qu'on est dans une situation, il faut revoir ces règles-là.

Maintenant, dans quel échéancier? Est-ce que ce sera une priorité du Barreau? Ce n'est pas moi qui vais m'engager pour eux.

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Leduc : Merci. Ma prochaine question est un peu plus statistique, elle est très statistique, en fait. On a lu, dans un rapport, qu'en... selon le ministère de la Justice, en 2011, tous domaines confondus, c'est 37 % des causes entendues qui comportaient une partie qui se représentait seule. Et ma question, donc : Est-ce que vous avez une statistique plus à jour? Tout ça, dans l'idée de voir s'il y a évolution en croissance, en décroissance, en maintien, de la proportion de gens qui se représentent seuls, tous domaines confondus du droit...

Mme LeBel : On n'a pas cette statistique-là de façon très à jour. Je peux vous dire que ça existe encore, c'est encore un phénomène, la représentation, devant les tribunaux, seul. Il y en a qui le font très bien, il y en a que c'est parce qu'ils n'ont pas nécessairement accès à un avocat, et il faut voir à ce phénomène-là, mais, si vous avez besoin de la statistique à jour, on va vous la trouver et on va s'affairer à vous la fournir, avec plaisir.

M. Leduc : ...apprécié, oui, j'aimerais ça, étudier cet aspect-là plus en détail. Merci, Mme la ministre.

Le Président (M. Bachand) : Donc, si je comprends, c'est que le document va être fourni dans les plus brefs délais? Merci beaucoup.

Mme LeBel : ...on va vérifier si elle existe, puis, si elle existe, vous allez l'avoir.

M. Leduc : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député.

M. Leduc : Ça fait un peu le pont avec la prochaine question, qui traite de l'aide et de l'assurance juridique. La précédente ministre de la Justice avait annoncé un rehaussement du seuil d'admissibilité à l'aide juridique. Bon, nous, on aurait cru que, dans un tel contexte, on aurait pu s'attendre à une augmentation des coûts du programme. Or, selon les documents que vous nous avez fournis, on voit plutôt une diminution des crédits alloués à la Commission des services juridiques. Est-ce qu'on peut avoir un éclairage par rapport à ça?

Mme LeBel : Avec plaisir, dès que c'est disponible.

Le Président (M. Bachand) : ...Mme la ministre.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Est-ce que vous avez besoin de plus de temps?

Mme LeBel : Non, pas vraiment, on va pouvoir... Effectivement, les prévisions de revenus... mais j'essaie... j'avoue que j'essaie de la décortiquer, là. Les prévisions de revenus de la Commission de services juridiques s'élèvent à 179 millions en 2019‑2020, soit 6,4 millions de moins que les revenus probables 2018‑2019. On dit que cette baisse s'explique principalement par une diminution de la contribution ministérielle à la commission. Alors, j'avoue que je ne peux pas vous en dire plus. On va éclairer sur ce point puis on va vous revenir, parce que je veux être capable de vous l'expliquer adéquatement.

M. Leduc : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre.

M. Leduc : En suivi, une question peut-être encore plus philosophique, comme celle de ce matin : Vous savez, l'aide juridique, c'est bien, mais ça ne peut pas couvrir tout le monde, il y a beaucoup de gens dont on considère, selon les critères d'aide juridique... qui ont les moyens de payer des frais d'avocat, mais qui, dans les faits... ça représenterait un grand frein important pour eux, l'introduction d'une demande, même celle qui serait très, très fondée ou qui aurait des chances de gagner. Et personne ne veut être obligé d'aller piger dans ses REER pour pouvoir aller en justice, pour toutes sortes de raisons. Donc, il y a toujours eu, dans l'espace public, une discussion alentour d'une assurance juridique publique universelle. C'est ce qu'entre autres ma formation politique a défendu lors des dernières élections.

Est-ce que cette idée d'une assurance juridique publique universelle a déjà fait l'objet d'une analyse de la part de votre ministère?

Mme LeBel : Si elle a fait l'objet d'une analyse potentiellement, ce n'est pas une discussion que moi, j'ai eue avec le ministère dans les dernières semaines. On est à regarder, effectivement, plusieurs moyens. Vous avez totalement raison de dire qu'on pourrait, théoriquement, là, hausser les seuils. Il y aurait toujours des gens qui n'auraient pas accès à la justice pour diverses raisons. L'accessibilité à la justice, c'est beaucoup de choses, hein? C'est aussi avoir les moyens financiers, c'est aussi d'avoir l'information, parce que, quelquefois, quand on peut désamorcer autrement les conflits, on n'a pas besoin de se rendre devant un juge, donc, naturellement, on n'a pas besoin d'engager de frais, de frais d'avocat. C'est de faciliter, donc, la transformation numérique, l'information accessible, guichet, que SOQUIJ était en train de développer, ce sont toutes des formes... la justice réparatrice, la médiation, l'accès, donc, les choses de médiation. Ce sont toutes des façons dont on veut travailler pour l'instant pour faire en sorte que l'accès à la justice, ce soit plus que de payer des frais d'avocat.

Donc, pour répondre à votre question, ce n'est pas dans les cartons immédiats, en tout cas, pas dans les miens immédiatement. Mais, pour répondre à votre question plus précise, je peux vérifier s'il y a eu une étude au niveau du ministère, mais, pour l'instant, je vous dirais qu'à court terme, à très court terme, il y a beaucoup de choses à faire, il y a beaucoup de travail sur la planche au niveau de la transformation de la justice, et on va franchir les étapes qu'on a à franchir, puis on pourra peut-être se pencher sur cette question-là ultérieurement.

M. Leduc : Comme suivi, j'allais vous poser la question : Advenant qu'il n'y ait pas d'étude, seriez-vous prête à en commander une? Je comprends, à ce que vous me dites, que j'aie plus de chance de revenir l'an prochain, par exemple, et vous poser la même question. Peut-être que j'aurai un meilleur numéro à ce moment-là.

Avec le temps qu'il me reste, j'aimerais revenir rapidement sur la longue grève qui a fait... qui a eu lieu dans... avec les avocats et notaires de l'État en 2016-2017. À l'issue de cette longue grève-là, il y a eu, évidemment, des séquelles, je pense, dans la fonction publique en matière du ministère de la Justice. Il y a une chose qui est réclamée notamment par LANEQ, l'association des avocats et notaires de l'État québécois. C'est que, justement, les juristes d'État puissent bénéficier d'un mécanisme similaire à celui dont jouissent les procureurs de la couronne, c'est-à-dire un comité indépendant chargé d'évaluer et de faire des recommandations quant à leur rémunération. C'est quelque chose qui est appuyé par le Barreau et quelque chose qui a été appuyé par, si je ne me trompe, l'ensemble des formations politiques dans les dernières années, notamment durant les élections. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être envisagé par votre ministère?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Je vais être extrêmement prudente, parce que, présentement, il y a des recours juridiques devant les tribunaux dans ce dossier-là.

Je peux vous dire que je reconnais l'importance du travail effectué par les avocats, les notaires du MJQ. Je l'ai déjà dit, je l'ai dit à plusieurs reprises et j'ai maintenant la chance encore plus de travailler avec eux de façon près, alors je reconnais ce travail-là. Je souhaite naturellement qu'un dénouement se fasse pour toutes les parties et je sais que je suis prudente, je vous avise, là, que je ne peux pas me prononcer. Il y a, présentement, des dossiers devant les tribunaux concernant ce sujet-là, puis je vais limiter mes commentaires à ça.

Je peux peut-être vous donner une petite réponse sur votre... le budget tantôt de la... si vous le permettez, je ne veux pas... ce n'est pas des... il ne s'agit pas nécessairement de coupes, je peux vous dire que la Commission des services juridiques a vu son budget de dépenses hausser de 7,2 millions par rapport à l'exercice financier 2018‑2019. On passe d'une dépense probable de 188 millions à une dépense probable de 193 millions. Donc, il y avait des surplus. Il y avait des surplus budgétaires. Donc, il n'y aura pas de coupes au niveau des budgets de fonctionnement. Ça n'affecte pas les budgets de fonctionnement.

Dans le passé, là, encore une fois, vous allez comprendre pourquoi ce n'est pas moi qui est ministre des Finances, dans le passé, on contribuait par une subvention ministérielle. Mais, comme il y a des surplus présentement au niveau du... Ce que je peux vous dire, finalement, c'est qu'il n'y aura pas d'affectation au niveau des services de fonctionnement. Ça, je veux vous rassurer. Je suis moins bonne dans les chiffres, là, mais, au niveau des effets, je peux vous l'assurer.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. Merci, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Je me tourne maintenant vers les députés formant le gouvernement pour un bloc de 17 minutes d'échange. Et je reconnais le député d'Ungava, s'il vous plaît.

• (16 h 50) •

M. Lamothe : Effectivement. M. le Président, Mme la ministre. L'exposé que je vais faire est vraiment important pour moi. C'est directement relié à la profession que j'ai effectuée, que j'ai faite dans le Nunavik, dans le Nord québécois. Juste faire le lien, si on veut, avec ma connaissance du système de justice.

J'ai été policier à la Sûreté du Québec sur une période de 30 ans, 22 ans sur un poste, entre autres, sur le poste enquêteur. Donc, quand on parle d'arrestation, de comparution, d'enquête préliminaire, de procès, je connais le processus. J'ai fait ça sur une période, comme je le disais, de 22 ans sur un poste à Campbellville, dans l'Outaouais.

Un certain moment donné, en 1989, j'ai eu la chance de vivre le système de justice, mais au niveau autochtone. Je suis parti pour travailler avec les Cris de la côte de la Baie-James sur une période de deux ans. J'ai travaillé dans les communautés de Chisasibi, Wemindji, Eastmain, Waskaganish et Nemaska, et j'ai vécu le système, le système de justice québécois dans ces communautés-là.

À ce moment-là, le volume, au niveau de la criminalité, était quand même raisonnable, c'était une cour itinérante qui partait de Rouyn-Noranda, de Val-d'Or, le groupe s'organisait, le bureau de la couronne était à Amos, c'était dans l'Abitibi, on relevait du district de l'Abitibi puis on relève toujours du district d'Abitibi.

Bref, j'ai fait ces communautés-là sur une période de deux ans, je suis retourné sur mon poste puis, en 1993, je suis monté dans le Nunavik, plus précisément sur le poste de Kuujjuarapik. Je me suis vite aperçu que c'était une autre game, au niveau de la justice, et c'est toujours une autre game au niveau de la justice. Quand je parle de game, c'est que ce n'est pas... c'est un autre monde. C'est un autre monde, dans le sens que le volume qu'on retrouve, dans le Nunavik, au niveau criminalité, au niveau cour itinérante, est vraiment alarmant.

Il y a différents rapports qui ont été faits, au cours des dernières années, depuis... On va commencer en 2008, si on veut, jusqu'à 2016, avec le rapport du Protecteur du citoyen. Puis le rapport, entre autres, mentionne qu'entre 2005 et 2015 les dossiers de la cour itinérante ont augmenté de 239 %. Donc, ce n'est pas normal, c'est anormal, ça persiste. Puis, les solutions, il y en a. Malheureusement, les solutions qui sont apportées dans les différents rapports... Puis j'ai eu la chance de mettre, entre autres, sur un rapport... c'est un document qui a été demandé par le député d'Ungava, Jean Boucher, qui était mon prédécesseur, et la ministre, Stéphanie Vallée. Ce document-là relate, si on veut, l'historique du Nunavik, relate les problématiques du Nunavik, puis on y va aussi avec des constatations qui ne sont pas vraiment positives, mais aussi des suggestions, des solutions.

Je vais en parler, de deux, solutions... qui est mentionnée autant dans le rapport que le député à l'époque et la ministre, Mme Vallée, a fait faire, mais aussi qu'on relate dans le rapport du Protecteur du citoyen et dans les mémoires déposés par le Barreau à la commission Viens en février... en avril 2018, je m'excuse.

Une des solutions qu'on apporte, c'est la visioconférence. Puis, sur une période... Ce rapport-là que je vous parle, là, du député libéral, a été fait en 2015, janvier 2015, ça fait que, de janvier 2015 à aller jusqu'à l'élection, si on veut, on va dire le 1er octobre, il ne s'est rien fait pour améliorer, face à toutes les solutions qui ont été apportées. Mais, comme je vous dis, je vais en travailler deux, la visioconférence, entre autres.

Quand un Inuit, une personne inuite se fait arrêter dans une des 14 communautés du Nunavik, première chose qu'il se passe, c'est qu'elle comparaît par téléphone, à savoir si le procureur va la libérer ou si elle va la détenir pour une enquête sous caution. À partir du moment qu'il y a une enquête sous caution qui est demandée, bien là c'est le trimballage qui commence. On prend l'Inuit, que ce soit... peu importe la communauté dans les 14, de Salluit à aller jusqu'à Kangiqsujuaq, ou d'Ivujivik à aller à Kuujjuarapik, on prend l'Inuit puis on le descend, accompagné d'un policier, jusqu'à Montréal, parce que c'est à Montréal que les services correctionnels de Saint-Jérôme vont le chercher. À partir de là, on prend la personne inuite puis on l'amène à Saint-Jérôme. Puis, de Saint-Jérôme, bien là il y a un autre transfert qui se fait, à Amos. Puis, une fois rendu à Amos, bien là, sur un délai, dépendamment, parce que, vous savez... Je ne sais pas si vous le savez, mais je l'ai vécu, c'est que la température, dans le Nunavik, six mois par année, c'est : on flippe le 25 cents à savoir, on sort-u ou on ne sort pas. Si ce n'est pas un blizzard, c'est de la brume, peu importe. Ça demeure un très bel endroit, mais c'est la réalité. Ça fait que ce que je veux dire, c'est que, à partir du moment qu'on quitte le village, le policier avec le détenu, puis qu'on s'en va à Amos, entre la comparution puis l'enquête sous caution, on a trois jours. Ce n'est pas vraiment la réalité qui se passe.

Donc, cette problématique-là, de comparution, d'enquête sous caution fait en sorte que les droits, parce que les Inuits ont des droits au même titre que nous, ici, au Québec, partout — ils sont dans le Québec, mais, je veux dire, ils ont les mêmes droits que nous autres — ne sont pas respectés. Donc, le délai de trois jours peut aller de cinq à sept jours, à 10 jours, dépendamment, là, justement, de tous ces facteurs-là, de la température quand on sort du village, du transfert quand ça se fait à Montréal avec Saint-Jérôme, du transfert quand qu'on veut aller à Amos.

Statistiquement, une fois sur deux, la personne inculpée est libérée, une fois sur deux. Ça fait qu'une fois sur deux le service correctionnel prend la personne, l'Inuit, on l'envoie à Val-d'Or prendre l'avion, via Montréal, pour retourner dans sa communauté. Ça coûte une fortune, puis c'est un non-respect des droits pour les Inuits.

La visioconférence, c'est très faisable, c'est très faisable, puis je ne comprends pas que, sur une période de trois ans et demi, le gouvernement précédent n'a pas été capable de mettre en place ce système-là, qui est demandé, comme je le mentionnais, autant par le Protecteur du citoyen, autant que par le mémoire déposé par le Barreau du Québec à la commission Viens.

Si je prends le rapport du Protecteur du citoyen, on mentionne ici que, «deux semaines après la publication du rapport du Protecteur du citoyen sur les conditions de détention et l'administration de la justice et la prévention de la criminalité au Nunavik, le gouvernement s'est engagé à intervenir rapidement». Ça, ça a été publié le 18 février 2016. Quand on parle d'un délai... Quand qu'on parle de rapidement, on regarde un petit peu plus loin que... le gouvernement a fait cette réponse-là deux semaines après. Le rapport du protecteur conclut différentes conclusions, entre autres, «l'administration de la justice est problématique : les longs délais, les nombreux transferts, notamment». Puis les engagements du gouvernement... Parmi celles-ci, les engagements du gouvernement, toujours avec le bref du Protecteur du citoyen, c'est que la bonification des installations matérielles de détention — traduction en inuktitut, ça, c'est une autre problématique — utile... et meilleure utilisation de la visioconférence. Là, on parle de 18 février 2016, des recommandations du Protecteur du citoyen.

Puis le mémoire du Barreau, ce qu'il dit, c'est que «l'accusé doit donc absolument se déplacer en avion pour comparaître». On parle toujours de la même comparution d'enquête sous caution qui se fait à Amos suite à une arrestation dans un village dans le Nunavik. Donc, ce qu'on explique, dans le mémoire du Barreau, c'est que «l'accusé doit donc absolument se déplacer en avion pour comparaître, ce qui entraîne souvent des accrocs à ses droits fondamentaux dans le système de justice criminelle, ainsi qu'une dépense importante des deniers publics».

En 2014, ça a coûté 2,8 millions de dollars pour cet exercice-là, sortir des Inuits de leurs communautés puis les descendre à Amos pour la comparution sur l'enquête sous caution puis les retourner. C'est 2,8 millions de dollars que ça a coûté.

«Pour leur part — je continue le rapport — les victimes subissent un stress considérable du simple fait d'avoir à quitter leurs communautés en avion pour témoigner, souvent sans accompagnement, lorsqu'on parle des victimes. Une solution simple est d'assurer un service de visioconférence dans les communautés.»

Là, on parle dans chaque communauté, c'est ce qu'on suggère. Je pense qu'il y a un minimum, puis le minimum devrait commencer à Kuujjuaq, même si, au bout de la ligne, je crois fortement que Puvirnituq ont les mêmes problématiques au niveau de volume criminel.

Deuxième problématique, la deuxième solution, ce que le rapport dit, c'est que ça prendrait un deuxième procureur de la couronne à Kuujjuaq. M. le Président, j'ai... je m'en allais vous appeler M. le juge. Vous seriez un très bon juge, en passant, je vous l'ai dit. M. le Président, j'ai été... la dernière visite que j'ai faite à Kuujjuaq, après ma retraite, c'est en 2014. J'avais mon réseau, contacts étaient encore là, j'avais des amis qui y étaient, mais entre autres, j'y allais pas mal tout le temps, tu sais, à l'hôpital, au palais de justice, puis je suis allé au palais de justice rencontrer ce qui se passait, puis tout ça. Puis j'ai appris en août 2018 que le bureau de la couronne fermait à Kuujjuaq, en août 2018, puis, ça, je l'ai appris de la personne qui travaillait là, c'est elle qui me l'a appris, elle se cherchait un autre job. Puis la façon que ça s'est fait, ça s'est fait un peu de façon non conventionnelle, parce que personne n'a été informé de ça, sauf que le bureau fermait. Ça va complètement à l'encontre de ce qui est dit dans le rapport, que les libéraux, M. Boucher, à l'époque... je m'excuse, le député libéral a demandé. On demandait deux procureurs. Puis on va plus loin que ça. À un certain moment donné, on demande un juge aussi, tu sais? Ça fait qu'à la quantité de volume qu'il y a là c'est des solutions qui sont très bonnes. Mais là on s'organise... on ne s'organise pas, on fait en sorte que le bureau de la couronne est fermé, ce qui a entraîné la fermeture du bureau de l'aide juridique.

• (17 heures) •

Bref, ce que je veux dire, c'est que, sur une période de trois ans et demi, on va partir du 1er janvier 2015 à aller jusqu'au mois d'août, quand que j'ai constaté, moi, qu'on fermait le bureau, c'est quoi qu'il s'est fait au niveau du Parti libéral, Mme Vallée puis M. Boucher, face... Ils ont sûrement vu venir. M. Boucher a resté à Kuujjuaq, est lui-même un avocat. Je ne peux pas croire qu'à un moment donné, avec les contacts qu'ils avaient, qu'ils n'ont pas vu ça venir. Il y a un laxisme là-dedans. Puis c'est qui qui paie au bout de la ligne? Bien, c'est les contribuables québécois, je ne le mets pas en ordre d'importance, au contraire... les contribuables québécois, avec un coût faramineux, ce que ça coûte pour ces transferts de détenus là. Puis, également, bien, l'Inuit, ses droits sons bafoués. Je veux dire, on pourrait en parler longtemps, de l'application de l'administration de la justice dans le Nord. Tu sais, je veux dire, je prends rien qu'un autre exemple, là, quand on est sentencé sur une peine minime, on a le droit, nous autres, si on se fait arrêter, bien, de purger nos peines les fins de semaine. On ne peut pas faire ça là-bas, c'est impossible de le faire. Ça fait que la visioconférence est vraiment importante. C'est faisable parce qu'à la régie de la santé, à l'hôpital, on utilise quotidiennement la visioconférence. Ça fait que, si on me dit qu'on a un problème au niveau de la bande passante, bien, elle passe 700 mètres plus loin, ça fait qu'il y a moyen de le faire, quand qu'on a une bonne volonté de vouloir le faire.

Puis, également, là, on dit également : Bien là, à partir du moment que la personne comparaît, pour se rendre jusqu'à l'enquête sous caution, bien, c'est les services correctionnels qui prennent charge du détenu. C'est vrai. Dans l'Ouest canadien, la GRC, je ne pourrais pas dire si c'est un décret qu'ils ont passé, mais ça existe, les policiers peuvent, suite à un certain décret... que nous autres on pourrait faire aussi, on pourrait le regarder, c'est une possibilité qui a été suggérée, bien, que les policiers du KRPF, avant de commencer tout ce trimballage-là, qui, une fois sur deux, tombe, bien, je pense qu'on pourrait arriver, à un moment donné, avec un consensus commun des parties impliquées pour faire en sorte d'améliorer cette situation-là en allant de l'avant de la sorte.

Moi, ce que je dis, c'est que j'ai été là pendant six ans de temps, je suis arrivé en 1993. En 2019, c'est encore pareil, tout le monde le dit. Ça ne s'améliore pas. Je pense qu'à un moment donné on a un rôle social à jouer. Moi, à un moment donné, j'ai dit à la Sûreté du Québec... puis j'ai toujours été très loyal, mais je ne me suis jamais gêné de penser ouvertement de façon respectueuse, j'ai dit : À un moment donné, on a un rôle social à jouer dans le Nunavik, quand j'y étais. On a un rôle social. Oui, il faut appliquer les lois criminelles. Oui, il faut appliquer tout ce qui est lois provinciales. Mais, au bout de la ligne, quand on voit des choses qui ne sont pas normales, il faut les dénoncer puis il faut agir. Je me suis toujours fait rabrouer avec ça.

Moi, ce que je dis, c'est que le gouvernement du Québec, oui, c'est la Coalition avenir Québec qui est au pouvoir, il y a le Parti libéral, il y a le Parti québécois, Québec solidaire, les ceux qui sont indépendants, mais, au bout de la ligne, on a un rôle social à jouer. On ne peut pas laisser aller une situation comme ça encore pour un autre 26 ans. C'est juste de... ça fait partie du Québec. Faut, à un moment donné, je dirais : Bien, allez faire un tour. C'est difficile, mais c'est des endroits qui sont isolés, c'est des endroits qui ne sont pas accessibles, puis ces gens-là vivent là, puis c'est des citoyens à part entière comme le Québec, ils ont autant de droits que nous, au Québec. Puis ce que je dis, c'est que le gouvernement, tous nous autres, les ministères également, les sous-ministres, on a un rôle social à jouer puis on ne peut pas laisser continuer ça de même. On ne peut pas arriver puis essayer de trouver des solutions à court terme. Visioconférences, c'est très faisable.

Puis les bureaux de la couronne, les victimes ont besoin de rencontrer... Les Inuits, c'est un peuple qui sont gênés. Déjà, quand les procureurs arrivent pour la semaine de cour, bien là... là, ils sont rendus, ils font quasiment trois chiffres, un chiffre de jour, de soir. Ça finit jusqu'à une heure le matin. C'est un non-sens. Mais ce que je dis, c'est que... Organisons-nous, trouvez une solution, qu'on ait des procureurs à temps plein là. Il y a une solution qui vient du milieu, qui a été apportée deux semaines passées, on va la travailler, puis... On ne peut pas laisser aller ça de même.

Ça fait que ma question, moi, c'est pour Mme la ministre, qui connaît le Nord, qui a fait la Cour itinérante, qui sait très bien de quoi je parle. Mme la ministre, à moyen terme, il y a sûrement une façon de faire pour faire en sorte que ces gens-là... je ne dirais pas qu'ils retrouvent leur dignité, mais, jusqu'à un certain point, qu'ils ont les mêmes droits que nous autres puis qui se sentent Québécois à part entière.

Le Président (M. Bachand) : Rapidement, Mme la ministre, s'il vous plaît, merci.

Mme LeBel : Oui, très rapidement. Effectivement, j'ai fait le Nord, j'ai fait la Cour itinérante, j'ai vu... et je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été décrit. Peut-être pour la visioconférence, de façon plus particulière, M. le député, au printemps 2018, il y a un comité qui a été mis en place, et ce comité-là s'est réuni le 25 janvier 2019. Il a été mis en place et réunit les représentants du ministère de la Justice, du ministère de la Sécurité publique et du corps de police régional de Kativik. On travaille avec les Inuits, on travaille avec eux. On est en concertation quand ça concerne leurs milieux. Depuis, des rencontres ont été tenues afin d'évaluer les alternatives possibles en matière de transport de détenus, et plus précisément quant à la capacité du CPRK et du MSP d'effectuer ces transports dans les délais permettant aux détenus d'être disponibles pour l'audience, pour une remise en liberté à l'intérieur du délai de trois jours.

Vous avez raison, on doit... Une prochaine rencontre est due le 14 mai 2019, et les discussions se sont tenues quant à la possibilité d'implanter la visioconférence dans les 14 postes de police du CPRK. L'Administration régionale Kativik analyse actuellement cette possibilité, ils vont faire connaître leur intérêt à ce sujet-là sous peu. Je dois vous dire qu'on doit aussi s'affairer à faire cela dans les meilleures conditions possible, des conditions dans les postes du... CPRK, c'est ça? Je suis devenue dyslexique. Et s'assurer, donc, que les aménagements physiques sont possibles dans ces postes de police là. L'important, c'est d'avoir... en sorte aussi, quant à avoir à visioconférence, de le faire dans des endroits où on n'a pas à les déplacer non plus pour se rendre à la visioconférence, parce que, pour dire en bon français, «it defeats the purpose».

Donc, on est en action, effectivement, il y a des moyens, il y a plusieurs enjeux, on travaille avec Kativik sur ce sujet-là, pour vous rassurer. Et on peut même travailler avec vous, vous le savez, on est toujours disponibles, on travaille ensemble, d'ailleurs, déjà, donc...

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. Je me tourne maintenant vers la députée de Joliette, représentant le troisième groupe d'opposition, pour 15 min 17 s. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, j'aimerais aborder le dossier des victimes d'actes criminels. Mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve en a parlé brièvement ce matin, mais, il y a un an, je faisais une conférence de presse avec les représentants des familles, donc, de personnes assassinées, et il y avait trois demandes que nous avons endossées, et, si ma mémoire est bonne, votre formation politique les endossait également par le biais de votre collègue de Borduas.    

Donc, c'était d'abord de s'assurer que les proches des victimes de meurtre puissent avoir de l'aide psychologique de manière non limitée, et on sait que c'est dans l'air du temps, toute la question de la santé mentale, du soutien psychologique. Donc, à ce jour, il y a une limite, qui est évidemment contre-productive complètement, parce que ça fait en sorte qu'il y a des gens qui se remettent sur pied alors qu'ils n'ont pas les outils encore pour pouvoir avancer.

La deuxième, c'était de s'assurer, comme mon collègue l'a mentionné de matin, que les victimes, donc, qui ont été tuées à l'extérieur du Québec... que leurs familles n'aient pas à vivre avec la limite territoriale et puissent être indemnisées et surtout avoir du soutien psychologique. C'est évidemment une grande injustice, parce que la douleur n'a pas de limite. Et on sait que, pour la SAAQ, cette limite-là ne s'applique pas. Et on sait qu'il y en a très peu, donc, ce seraient des frais très, très limités.

Et le troisième élément, pour lequel il y a un projet pilote, en ce moment, c'est de soutenir les familles pendant la durée du procès, parce que certaines familles s'endettaient simplement pour pouvoir assister au procès, qui peut durer des semaines. Et donc il y avait vraiment un aspect humanitaire dans tout ça.

Donc, ma question, c'est de savoir si la ministre entend répondre à chacune de ces demandes-là, poursuivre le projet pilote ou le confirmer, et pour les deux autres éléments également. J'ai compris, ce matin, qu'il n'y a pas d'engagement à revoir la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels de manière globale, mais ces trois demandes-là, selon une évaluation très libérale qu'on a faite, c'est moins de 3 millions de dollars, c'est une question d'humanité et d'équité. Alors, est-ce que la ministre peut s'engager à donner suite à ces trois demandes-là?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

• (17 h 10) •

Mme LeBel : Pour ce qui est de la question du projet pilote comme tel, il se poursuit, il est continué, donc il est toujours en place. J'y ai fait référence un peu ce matin, lors de nos échanges, je suis très sensible et le gouvernement est très sensible à toutes les questions d'aide et d'accompagnement, d'indemnisation, de soutien des victimes d'actes criminels dans le processus de rétablissement. Je l'ai dit, hein, il y a la question des situations qui sont couvertes, il y a la question de la définition de la victime et il y a la question aussi des délais de paiement, parce qu'il faut agir de façon assez rapide pour être capable de permettre à ces gens-là d'avoir le soutien nécessaire en temps opportun.

Je l'ai annoncé, j'en ai fait un engagement public, j'ai pris l'engagement de revoir et de réformer le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, parce que je pense qu'il faut optimiser les façons de faire puis rendre les services de l'IVAC plus efficaces et mieux adaptés aux réalités des besoins des victimes, vous en avez mentionné quelques situations. Est-ce que j'ai l'intention, à court terme, d'agir de façon ponctuelle sur ces situations-là? J'ai demandé à ce qu'on me revienne avec des solutions qui ne me demandent pas nécessairement la réforme complète ou un projet de loi. Donc, je ne m'engagerai toujours pas sur des délais, ce n'est pas mon habitude, mais je suis en train de regarder la situation.

Mais, d'une façon beaucoup plus globale, je pense qu'il faut s'attaquer au régime de l'IVAC, qui, je l'ai dit ce matin, est un des régimes les plus généreux au Canada. Et, quand on dit ça, il ne faut pas s'arrêter là, il ne faut pas s'arrêter là en disant : Bien, c'est un des régimes les plus généreux, puis on arrête ça là, puis on s'en lave les mains. Non. C'est vrai que c'est un des régimes les plus généreux au Canada, il ne faut pas le nier, donc beaucoup de sommes sont investies pour l'indemnisation des victimes d'actes criminels, mais il demeure plusieurs irritants, trois de ceux que vous avez nommés dans votre préambule à la question que vous me posez. Je pense qu'il faut regarder ces lacunes-là, il faut regarder les conditions d'admissibilité, il faut regarder les notions de définition de la victime, les notions territoriales que vous avez mentionnées. J'ai moi-même rencontré la mère d'une personne qui a été assassinée à l'extérieur du Québec, la mère étant résidente du Québec, et elle n'a pas le droit à cette indemnisation-là.

Donc, oui, j'ai l'intention de m'y engager, de m'y affecter, mais j'ai l'intention de le faire dans une approche beaucoup plus globale pour qu'on puisse régler cette situation-là, bon, une fois pour toutes, c'est un peu présomptueux, là, mais de façon plus large et globale.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.

Mme Hivon : ...trouver en moi une alliée pour réformer, finalement, le régime de l'IVAC, mais, par ailleurs, je dois insister sur le fait que je pense que, très rapidement, notamment par un pouvoir de directive que vous avez, il y a de ces situations-là qui causent de graves injustices qui pourraient être réglées. Donc, je vous invite, oui, à amener la grande réforme, mais à amener des petites réformes facilement réalisables à très court terme.

Par ailleurs, le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, le FAVAC, sur lequel les collègues du ministère de la Justice m'ont souvent entendu parler, parce qu'il avait d'importants surplus. Là, on est comme dans une autre réalité, parce qu'avec l'invalidation de la suramende compensatoire on voit, dès cette année, l'impact. Alors, je voulais savoir comment vous allez compenser les pertes de revenus pour le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, qui, on le sait, répond à des besoins très, très importants. Donc, quel est le plan de match pour s'assurer que les besoins qui sont remplis avec le fonds puissent continuer à être comblés?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui. Vous avez tout à fait raison d'aborder cette question-là. Je l'ai déjà abordée également ce matin, mais je vais le réitérer parce que je pense que c'est important, c'est important d'en parler. Il n'y a pas d'enjeu pour cette année. Le fonds est en bonne santé, il n'y a pas d'enjeu pour cette année, je le répète.

Maintenant, pour ce qui est de la suramende compensatoire, effectivement, il y a eu cette décision-là en décembre, je crois, et, déjà, en novembre 2018, on avait abordé la question avec le gouvernement fédéral pour aborder, dans C-75... Et il y avait, je pense, d'ailleurs, dans C-75, un amendement prévu pour l'article 737 du Code criminel, qui prévoit justement le régime des suramendes compensatoires. Et la recommandation était d'ajouter, donc, la possibilité, pour le juge, d'évaluer la capacité financière du contrevenant avant d'introduire une telle notion de suramende. Cet article-là a été invalidé depuis ce temps-là, ce qui fait que l'amendement, dans C-75, n'a plus lieu.

Maintenant, on est en pourparlers. J'ai pris la peine d'écrire rapidement une lettre, en février 2019, à mon homologue en justice fédérale, M. Lametti, où je réitérais la raison... l'importance de cette suramende compensatoire là justement pour la survie et la pérennité de notre fonds et le fait qu'il fallait s'adresser à cette question-là le plus rapidement possible. Plusieurs enjeux sont sur la table, donc j'ai demandé, d'ailleurs, au gouvernement fédéral de nous compenser pour le manque à gagner qu'on va subir nécessairement dans l'intervalle, de faire en sorte de profiter quand même de C-75 pour introduire la modification, donc réintroduire l'article 737 avec la capacité, pour le juge, d'imposer cette suramende compensatoire là mais après une évaluation et d'examiner, donc, de voir quelles sont les solutions qu'on pourrait pour... les choses qui, dans l'intervalle, font déjà l'objet d'une ordonnance mais qui n'ont pas été récupérées par le gouvernement.

Donc, vous avez tout à fait raison, on est en action là-dessus, et je travaille activement auprès du gouvernement fédéral pour trouver des solutions. Je peux déposer la lettre. Je suis heureuse de déposer la lettre.

Mme Hivon : Oui, merci.

Document déposé

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée.

Mme Hivon : Votre collègue de Borduas avait déposé plusieurs projets de loi, dont un sur la justice administrative. Donc, on se souvient que le rapport Noreau pour la révision de la justice administrative, du processus de nomination de tous les juges administratifs de l'ensemble des tribunaux administratifs, donc, avait, donc, été très bien accueilli, mais ça date de février 2014.

Alors, je voulais savoir si vous aviez l'intention de donner suite au projet de loi n° 792, parce que je vous rappelle que votre collègue de Borduas avait dit que, si le gouvernement Couillard n'est pas prêt à poser les gestes nécessaires, un gouvernement de la CAQ le fera dès une fois élu. Alors, je voulais savoir quand vous allez procéder à cette réforme-là.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui. Ça ne sera pas ma réforme, non. En Justice, présentement, ce sont des enjeux qui sont étudiés par le Secrétariat aux emplois supérieurs. Vous comprendrez que, dans le projet de loi, il y a plusieurs ministères, plusieurs ministres qui étaient, si vous voulez, interpelés, d'une certaine façon.

Donc, le Secrétariat aux emplois supérieurs, qui assume la responsabilité inhérente à ce processus-là, est en train d'étudier la question, et je ferai certainement valoir ma voix autour de la table en temps opportun. Mais, si on me demande s'il est opportun de faire en sorte que cette notion d'indépendance et que les processus soient améliorés, la réponse, c'est oui. Mais, maintenant, ce ne sera pas sous mon portefeuille, mais je vais certainement, comme ministre, autour de la table, participer et faire entendre ma voix.

Mme Hivon : Donc, est-ce que la ministre est en train de nous dire que toute l'évaluation de cette réforme-là... je me souviens de la mise en place de ce comité, là, qui dépend du Secrétariat aux emplois supérieurs... mais que toute cette éventuelle réforme-là relèverait non pas du ministère de la Justice, mais du ministère du Conseil exécutif?

Mme LeBel : C'est ma compréhension.

Mme Hivon : Maintenant, un autre sujet, la nomination des juges manquants, donc, à la Cour supérieure. Selon nos calculs, il manquerait toujours cinq juges, et on sait que les délais, on en a parlé rapidement ce matin, les délais ont légèrement diminué depuis l'année dernière, mais on se comprend qu'on est loin de la révolution, donc, en matière de justice criminelle.

Est-ce que la ministre peut nous dire si elle a saisi le nouveau ministre de la Justice fédéral de cet enjeu; s'il y a eu un échange de correspondance, si on peut l'avoir; et quelles sont ses attentes sur le moment où les postes vont finalement être débloqués?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.

Mme LeBel : Alors, oui, j'ai saisi le ministre fédéral de cet enjeu, le ministre actuel. J'ai également saisi la ministre fédérale en novembre 2018, encore une fois lors de la conférence fédérale-provinciale sur la justice. C'est une conférence de trois jours où on a abordé beaucoup de sujets en matière de justice. J'ai même sollicité l'appui de plusieurs de mes homologues provinciaux qui vivent... naturellement, il s'agit de nominations fédérales, donc qui vivent les mêmes enjeux, donc, qui ont prêté leur voix à la mienne pour mettre l'accent sur le fait qu'il était très important, surtout en matière de délais, de procéder à... Bon, les postes ont été créés, alors, il faut procéder à ces nominations-là, et de procéder également, en temps opportun, en temps rapide, au remplacement des juges qui quittent. Donc, j'ai également écrit, effectivement, à mon homologue fédéral, en date du 12 avril 2019, dans la foulée de l'arrêt Myers de la Cour suprême du Québec... du Québec, bravo! Ça va bien! Du Canada... Bien oui, je sais que je vous ferais plaisir, donc, c'était ma concession, j'ai concédé sympathique, alors, je vais concéder ce mot-là à vous. Mais la Cour suprême, donc, qui va probablement mettre également une pression, on va avoir besoin de juges de la Cour supérieure et d'autres juges.

Donc, oui, il y a des choses qui se sont faites, oui, j'ai porté le message. Je dois vous dire qu'une nomination a été faite, je pense, par M. le ministre Lametti depuis son entrée en poste. Donc, ça progresse, lentement mais sûrement. Et, à chaque fois que je peux, je réitère l'importance de ces nominations-là. Croyez-moi, j'en suis, là, je suis du même avis que vous.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, oui.

Mme Hivon : Moi, juste pour revenir brièvement sur le dossier de la justice administrative, puisque la ministre de la Justice, selon sa compréhension, tout relève du Conseil exécutif, est-ce qu'elle a quand même une idée du moment où le secrétariat va déposer un rapport d'analyse avec des recommandations, le Secrétariat aux emplois supérieurs, sur les démarches qui devraient être entreprises pour une réforme de la justice administrative?

Mme LeBel : Bien honnêtement, je ne le sais pas.

Mme Hivon : Non?

Mme LeBel : Et ça ne veut pas dire qu'ils ne travaillent pas dessus, là. Je ne suis pas au courant.

• (17 h 20) •

Mme Hivon : O.K. Je voulais, avec le petit temps qui me reste, je fais ça, c'est ma technique, je vous pose deux questions et puis j'espère que vous aurez le temps.

Il y a eu, donc, en septembre dernier, une idée, là, qui est revenue, qui a été largement appuyée par la communauté juridique, c'est l'idée de créer un institut québécois de réforme du droit et de la justice, qui serait financé par l'ensemble des partenaires. Donc, je voulais savoir si la ministre de la Justice avait, donc, un soutien moral ou philosophique à ce projet et aussi si un soutien financier allait venir.

Et le deuxième élément, dans les quelques minutes qui me restent, à la page 177, donc, des renseignements spécifiques, particuliers que nous avons demandés, il y a la question des délais dans les différentes chambres. Et ce qui m'inquiète toujours beaucoup, là, c'est qu'avec tout le focus qui a été mis sur le criminel, qui était nécessaire... Évidemment, en civil, il n'y a pas eu d'arrêt Jordan en civil, et on voit qu'il n'y a à peu près pas de baisse, je dirais, des délais en matière civile. Donc, il y a un enjeu très, très important. Quelle est votre priorité d'action pour réduire les délais en matière civile?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui. Si on parle, premièrement, de l'institut, pour y répondre, j'ai eu la chance, le privilège de rencontrer le professeur Noreau, vous l'avez sûrement rencontré, qui est très enthousiaste et est capable de vendre son projet avec beaucoup d'énergie. Et je vous dirais qu'il n'y a pas eu à beaucoup me convaincre de la pertinence de tout ça. Donc, sans m'engager, là, plus avant sur des fonds ou un montant particulier, je peux vous dire qu'il y a une très grande ouverture, puis on est en train de regarder comment le ministère de la Justice peut participer à un tel projet. Je sais que ça existe dans d'autres provinces, ailleurs au Canada. Et je pense qu'on ne peut pas se passer d'avoir une telle... un tel bassin de penseurs à notre disposition, surtout avec les enjeux qui s'en viennent dans la justice pour le futur.

Une voix : ...

Mme LeBel : Oui. Bon, pour le volet civil, peut-être... sans entrer dans les détails, oui, on est en train de regarder des solutions pour s'y attaquer. Naturellement, on vous l'a dit ce matin, la transformation de la justice va également toucher le volet civil, même si on travaille de façon plus particulière sur le volet criminel, qui était peut-être plus... je ne dirais pas plus urgent, mais plus criant dans son... Voyons! C'est parce que j'essaie de trouver le chiffre en même temps, parce que je veux vous trouver la réponse. Donc, on pourra peut-être vous revenir avec des détails sur les moyens, mais il y a des mesures qui sont mises en place, là, je veux vous rassurer.

Le Président (M. Bachand) : ...au député formant le gouvernement pour un bloc d'échange de 14 min 30 s. M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Je ne vous surprendrai pas si, comme mon voisin collègue député d'Ungava, je puise dans ce qui m'a amené ici au cours des 40 dernières années pour parler de ce qui m'intéresse dans ce qui a trait à ce que la ministre de la Justice a à nous répondre aujourd'hui.

Ma question est plus évidemment par rapport au monde journalistique québécois, mais on n'a pas besoin de retourner très loin dans l'histoire pour comprendre où je m'en vais avec mon bicycle, Mme la ministre.

À l'automne 2016, on a appris que la Sûreté du Québec avait saisi l'ordinateur d'un journaliste au palais de justice de Montréal, vous vous souvenez sûrement de son nom. Le même jour, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité une résolution pour rappeler l'importance du principe de la protection des sources journalistiques. Et c'était loin d'être tout.

À la fin d'octobre 2016, on a également appris qu'un autre journaliste, vous vous souvenez de son nom, avait fait l'objet de surveillance de la part du Service de police de la ville de Montréal. Les policiers avaient notamment eu accès à ses registres téléphoniques. Les médias avaient alors conclu à une attaque en règle contre le droit du public à l'information. C'était peut-être plus que le client en demandait, mais il y avait quand même un début de réflexion qu'il fallait faire.

À la suite de ces événements, le gouvernement du Québec a donc créé, le 11 novembre 2016, la Commission d'enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques. Oui, Mme la ministre, je m'en viens avec ma question. Cette commission a donc été mise sur pied pour faire la lumière sur les cas rapportés dans les médias, mais également que des mesures lui soient proposées afin d'assurer le respect du privilège protégeant l'identité des sources journalistiques.

Donc, le 14 décembre 2017, le juge Chamberland a rendu public son rapport, lequel se décline en cinq chapitres très clairs : l'histoire de cette enquête publique, l'environnement dans lequel les événements se sont déroulés, le récit des faits, l'analyse et les constats, et les recommandations. Oui, j'arrive, Mme la ministre. Deux de ces recommandations concernent le DPCP, soit la recommandation 18 : «Prendre les mesures pour que le Directeur des poursuites criminelles et pénales inclue dans son rapport annuel le bilan des consultations par les corps de police au sujet d'autorisations judiciaires visant des personnes qui exercent une fonction particulière.»

Il y avait aussi la 19, vous vous souvenez : «S'assurer que la directive du Directeur des poursuites criminelles et pénales MED-1 soit modifiée afin qu'elle s'applique à tous les types d'autorisations judiciaires visant un journaliste.»

La question est simple : Plus d'un an après que le rapport de la Commission d'enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques a été publié, est-ce qu'on pourrait passer un petit peu de temps, Mme la ministre, à parler de l'état de la situation et des recommandations et ce qui en est advenu, du rapport du juge Chamberland?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Absolument, absolument. Je connais très bien l'importance que revêt une autorisation d'écoute électronique ou une demande de vidéosurveillance et à l'égard du droit de la vie privée dont dispose chaque citoyen. Et il faut s'assurer que l'ensemble des lois et des règles étant afférentes soient respectées.

Je connais tellement bien cet enjeu-là qu'on dirait que toutes les questions font rapport à une de mes tranches de vie. J'ai été moi-même mandataire d'écoute électronique, donc, au sein du DPCP pendant plus de 10 ans. Donc, je faisais partie des procureurs qui filtraient, si on veut, c'est prévu par le Code criminel, là, d'être mandataire, donc c'est une exigence. Mais j'ai beaucoup travaillé sur ces autorisations d'écoute électronique là, et les enjeux de vie privée, de respect de la vie privée sont hautement importants, vous avez raison.

Ceci étant dit, pour ce qui est de la recommandation 18, pour y faire référence de façon plus particulière, le DPCP y donnera suite et le bilan des consultations par les corps de police au sujet d'autorisation judiciaire visant des personnes qui exercent une fonction particulière sera inséré dans son prochain rapport annuel. Je vous l'annonce. Afin de faciliter cet exercice, un processus administratif a donc été mis en place afin de coordonner les demandes de consultation et de les référer à des procureurs désignés et en rendre compte à la direction.

En ce qui concerne la recommandation 19, maintenant, elle a été mise en oeuvre dans le cadre de l'exercice plus large de révision générale de l'ensemble des directives annoncées publiquement dans le cadre des travaux de Table Justice-Québec. L'ensemble des directives du DPCP ont été revues. À la suite de cette révision, la directive AUT-1, autorisation 1, a ainsi été adoptée le 18 avril 2018. Cette directive précise notamment le rôle et les responsabilités du procureur qui est consulté par un agent de la paix lorsque ce dernier entend présenter une demande visant à obtenir une autorisation judiciaire sans égard au type de demande, tel que le recommandait la commission. Le rôle du procureur alors consulté est de conseiller le policier sur le droit applicable notamment quant aux nouveaux prérequis légaux spécifiques à des demandes concernant des journalistes. Il est important de préciser que le rôle du procureur ne consiste pas à juger de l'opportunité d'une enquête policière — très important, chacun son métier — ni à autoriser le policier à présenter une demande d'autorisation judiciaire. Son rôle, à ce stade, est vraiment celui d'un conseiller juridique. J'espère que ça répond à votre question.

M. Lemieux : J'en ai d'autres, sur un autre sujet. Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

• (17 h 30) •

M. Lemieux : Tribunal d'opinion populaire, une question qui m'importe énormément, qui me dérange même, parce que c'est à la base de ce qu'on appelle le cynisme ambiant dans notre société. À l'ère de l'information continue et des médias sociaux, les dossiers judiciaires médiatisés font l'objet d'une diffusion pour le moins rapide d'informations qui sont, de par la nature même, incomplètes, même parfois erronées dans les premières minutes et les premières heures. J'en veux pour preuve toute la conversation hier soir au sujet du potentiel de la partie potentiellement terroriste de ce qu'il se passe à Notre-Dame, pour presque décevoir, ce matin, les animateurs, que j'entendais à la radio dire que, bien, finalement, ce n'est probablement pas terroriste.

On se fait des idées, on se fait des accroires puis on se parle ensemble dans les médias, souvent en parallèle, pour ne pas dire en porte-à-faux avec le système que vous représentez ici, Mme la ministre. Les citoyens se trouvent bombardés de renseignements parcellaires qui peuvent sembler incompatibles avec la décision judiciaire éventuellement et beaucoup plus tard rendue dans le processus. Dans ce contexte, certaines décisions peuvent heurter la population puisqu'elles sont difficiles à comprendre et donc à accepter.

D'ailleurs, pour illustrer mon propos, je vais donner l'exemple des réactions autour de la décision du DPCP de déposer des accusations dans seulement un dossier dans l'affaire Rozon. Le tribunal de l'opinion populaire avait travaillé très fort pendant que la justice faisait son oeuvre. À ce moment-là, dans vos commentaires, dans les médias, on a retenu celui où vous disiez : «Il y a de nombreuses condamnations. Donc, le système fonctionne.» Et j'ose le croire. La confiance envers le DPCP et, néanmoins, envers le système judiciaire en général, est mise à mal lorsqu'un verdict d'acquittement survient après un procès fortement médiatisé, alors que les informations véhiculées laissaient, au contraire, entrevoir une condamnation facile. Pour plusieurs, il peut alors être facile d'amalgamer acquittement, échec du système judiciaire, et je vous fais grâce du reste de ce qu'on entend dans les tribunes téléphoniques et dans les radios parlées.

Dans les dernières années, le public a été choqué des conséquences de l'arrêt Jordan, à bon titre d'ailleurs, dans lesquels des arrêts de procédure ont été octroyés dans plusieurs dossiers sans qu'on ne discute vraiment ou qu'on ne comprenne pourquoi. En invoquant simplement l'arrêt Jordan, même si on en a beaucoup parlé entre avocats, pas certain encore que le grand public comprend de quoi on parlait. Je pense aussi au cas des charges de pornographie juvénile contre Jonathan Bettez. On a également vu Leonardo Rizzuto, le fils cadet du parrain de la mafia, acquitté d'accusations de possession d'arme et de cocaïne. En voulez-vous d'autres? Frank Zampino, Paolo Catania, déclarés non coupables dans le dossier du Faubourg Contrecoeur. La liste est longue.

Deux axes, Mme la ministre, mais je vais commencer par vous laisser jouer avec l'axe journalistes, vous aussi... journalistique. D'après votre parcours très particulier de procureure de la couronne, maintenant ministre, croyez-vous qu'il s'agit plus d'un problème de compréhension des aspects fondamentaux du système judiciaire dont je parlais et de ce qui fait l'actualité du système judiciaire, comme l'arrêt Jordan, ou c'est un problème de ce qu'on dit et de ce qu'on entend dans les médias?

Mme LeBel : Oui. Je ne vais pas tomber dans la tentation ou le piège de critiquer le travail médiatique, je pense qu'il est important. Et je pense que de mettre en lumière certaines situations, ça nous permet de réagir collectivement, et des fois, même, politiquement, ça met de la pression, puis je pense que c'est à bon droit.

Maintenant, effectivement, il y a peut-être une réalité qui est complexe dans le système judiciaire criminel, et je pense que je suis capable de comprendre qu'il est difficile, pour le citoyen, des fois, d'accepter certaines sentences, certaines condamnations ou absences de condamnation, certains résultats, qui, malheureusement, on ne bénéficie pas de l'espace nécessaire ou, en tout cas, on ne donne pas les éléments essentiels à une compréhension totale des enjeux.

C'est vrai que c'est risqué de juger les décisions de la poursuite ainsi que celles des juges à la lumière des informations parcellaires. Je l'ai dit dans la foulée de l'affaire Rozon... de dire qu'il est exact qu'il y a eu une décision sur peut-être 14 dossiers, mais il y a des raisons à cela. Ça ne veut pas dire que le DPCP n'a pas fait son travail, ça ne veut pas dire que le système de justice ne fait pas son travail.

D'un autre côté, ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas faire ce qu'on a fait, c'est-à-dire mettre en place des comités et travailler avec les autres pour faire en sorte d'améliorer et... parce que tout est perfectible. Il faut être capable de se remettre en question.

Mais, effectivement, c'est risqué, et la nature accusatoire du système judiciaire comporte des règles qui sont peut-être plus difficiles à comprendre pour les citoyens ou à assimiler. Moi-même, j'ai travaillé dans ce milieu-là pendant plusieurs années, puis, quelquefois, il y a des résultats qui sont difficiles à comprendre pour nous. Bien qu'on les comprend intellectuellement, humainement, des fois, c'est plus difficile.

Donc, il y a toujours la présomption d'innocence; il y a le droit au silence qu'il faut mettre en oeuvre là-dessus; il y a le fardeau de la preuve. Et tout ça, ce sont des enjeux qui sont importants. Et, je l'ai dit d'entrée de jeu, hein, dans la réforme, dans les solutions qu'on va envisager avec le comité, il n'est pas question de remettre en question la présomption d'innocence, il n'est pas question de changer les fardeaux de preuve et de faire des renversements de fardeau de preuve.

Il est difficile également pour le DPCP, souvent, d'expliquer les décisions; difficile pour les juges, ils ont des devoirs de réserve qui sont intrinsèques à leur métier; difficile pour le procureur de la couronne, souvent, d'expliquer, ou même... parce qu'il ne critiquera pas la décision du juge. S'il a à le faire, il va aller en appel, il va prendre les voies judiciaires qui sont offertes à lui. Et donc il est difficile, souvent, pour le DPCP, d'expliquer les décisions. Quand on décide de ne pas poursuivre, bien, il y a des enjeux de confidentialité, il y a plusieurs enjeux.

Alors, oui, effectivement, comme ancien procureur de la couronne ayant un parcours particulier, j'ai vécu moi-même cette frustration-là de voir que, médiatiquement parlant, les informations n'étaient peut-être pas disponibles d'une manière qui était compréhensible pour le citoyen, et ça peut peut-être donner à penser que le système ne fonctionne pas.

Le système fonctionne. Il a des lacunes. Il a besoin, en administration de la justice, qu'on lui donne de l'attention. La justice a besoin d'être transformée, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, mais le système de justice n'est pas que fautes et tragédies, je dois le dire, et je suis fière d'avoir l'occasion de le dire.

Le Président (M. Bachand) : Deux petites minutes, M. le député de Saint-Jean, deux petites minutes.

M. Lemieux : Oui. Bien, ce sera suffisant. C'est le deuxième axe, justement. Qu'est-ce qu'on peut faire? Qu'est-ce qu'il faut faire? Qu'est-ce que vous pensez que vous pouvez faire, Mme la ministre, pour maintenir et accroître la confiance du public, toujours à la lumière de ce qu'on vient de discuter, de ce que vous m'avez donné comme réponse puis de ce que je vous citais comme cas dans le passé, où le tribunal de l'opinion populaire a fait le travail beaucoup plus rapidement puis beaucoup plus, comment je dirais ça... en tout cas, beaucoup moins efficacement, au final, pour le droit de tout le monde dans l'histoire, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour que la légitimité des décisions rendues par les institutions associées aussi au système judiciaire ne soit pas systématiquement remise en cause dans le public?

Mme LeBel : Vous savez, je suis très jalouse de la présomption d'innocence parce qu'il faut que les gens comprennent qu'on ne peut pas évaluer l'efficacité du système de justice en fonction des verdicts qui en découlent. Un système de justice n'a pas échoué parce qu'il y a un verdict d'acquittement. Au contraire, peut-être, on a fait notre travail, et le système... pas plus que le système de justice a été efficace parce qu'il y a eu une condamnation. Donc, il faut faire attention dans ces cas-là.

Donc, en fait, le système de justice, pour moi, va échouer simplement si une personne innocente se trouve condamnée et si tous les filtres qu'ils ont mis en place n'ont pas été efficaces. Et je pense que c'est ça qu'il faut faire attention.

Je pense qu'il faut expliquer aux gens, il faut travailler sur l'efficacité, sur l'accessibilité. Redonner confiance, c'est un sens large également, hein? La confiance, ça se gagne lentement, ça se perd rapidement. Je pense qu'il faut retravailler, tous les acteurs du système de justice sont ici, autour de moi, aujourd'hui. Et je sais qu'ils sont, tous et chacun, dans leurs domaines respectifs, conscients de cet enjeu-là et ils sont prêts à travailler parce qu'ils sont là pour les bonnes raisons. Ils travaillent fort, ils sont là pour la justice, et j'aimerais qu'on n'en doute pas, M. le Président, aujourd'hui. Et on va travailler tous ensemble justement pour faire en sorte qu'on redonne confiance dans le système de justice au sens large.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Avant de passer la parole au député de LaFontaine, j'ai besoin de vos directives. On est présentement, sur la séance d'aujourd'hui, 35 minutes en retard. On doit terminer à 18 heures et on a une autre séance de travail demain. Alors, j'ai besoin d'une directive. Est-ce que vous voulez qu'on arrête à 18 heures, qu'on reporte à demain, qu'on fasse la moitié du chemin ou qu'on fasse tout le chemin? Alors, je vous écoute pour votre directive.

M. Tanguay : Ah! M. le Président, je pensais que ça allait être discuté entre leaders. Nous, de notre côté, demain, à 13 heures, on a le caucus. Alors, je ne voulais pas faire d'intendance, je pensais que ça allait être discuté entre leaders.

Le Président (M. Bachand) : ...parce que je vois l'heure, il reste 20 minutes à la séance... 22 minutes à la séance régulière. Alors donc, si je n'ai pas de direction, nous allons terminer à 18 heures, l'heure prévue.

Mme LeBel : Il me reste combien de temps, si vous permettez, M. le Président, sur le retard, combien de temps, avec ce qu'on a retranché, à rattraper?

Le Président (M. Bachand) : 35 minutes.

Mme LeBel : 35 minutes? Vous l'aviez dit d'entrée de jeu. Parfait. On peut continuer jusqu'à 18 heures puis on pourra voir si le gouvernement décide de retrancher encore des minutes.

M. Tanguay : Oui. 35 minutes, ayant pris en considération le fait que le gouvernement a coupé 20 minutes? 20...

Une voix : ...

M. Tanguay : Oui?

Le Président (M. Bachand) : On pourrait faire aussi mi-chemin. En 15 minutes, là, on peut en faire un bout aussi.

M. Tanguay : Oui, c'est ça. Mais, M. le Président, le gouvernement a gracieusement retiré 20 ou 25 minutes de son temps...

Le Président (M. Bachand) : 20 minutes, oui.

M. Tanguay : ...et, une fois amputé, il reste encore 35 minutes.

Le Président (M. Bachand) : C'est parce que ça a été le retard du début de la séance aujourd'hui. Alors donc, on est pris par ce qu'il se passe aux affaires courantes.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît, juste une personne à la fois. Alors donc, ce que je vous dis, c'est que là on perd encore du temps. Bien, il faut que ça devienne un investissement pour le temps qu'il nous reste. Mme la ministre.

Mme LeBel : On peut finir à 18 h 15, si vous voulez, puis le gouvernement pourra retrancher son temps s'il y a d'autre temps à retrancher.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. O.K. Consentement? Alors, j'ai le consentement pour finir à 18 h 15. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole pour un bloc d'échange de 20 min 26 s. Merci beaucoup.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais donc relancer la ministre sur la dernière portion de notre échange sur le principe, elle... parce que je suis allé relire, dans l'intervalle, le projet de loi n° 591, qui était déposé par son collègue de Borduas, projet de loi n° 591, qui visait à réformer le mode de référence, disons ça comme ça, du Québec, face au gouvernement fédéral, pour les trois juges à la Cour suprême. Alors là, il y avait un processus où il y avait un comité de sélection qui revenait avec trois excellentes candidatures, et les trois candidatures devaient faire face à un vote aux trois quarts de l'Assemblée nationale. Sur le fondement... puis je sais que ce n'est pas dans ses cartons, il n'y a pas... mais, sur l'aspect de principe, pour elle, croit-elle, comme son collègue de l'époque de Borduas, qu'il relèverait de l'Assemblée nationale de se prononcer par un vote qualifié sur des candidatures aux postes de juges?

Mme LeBel : Oui. Encore une fois, je ne me prononcerai pas sur le processus comme tel, je vais plutôt vous parler de l'objectif, où le Québec, je pense... que le Québec doit... nous pensons que le Québec doit participer au processus de nomination des juges qui nous concernent. Trois sièges nous concernent à la Cour suprême, si je ne me trompe pas. Donc, on doit participer à ce processus-là.

À très court terme, pour la nomination du remplaçant du juge Gascon, je ne pense pas que ce soit la voie législative de déposer un projet de loi, soit la voie privilégiée. Le premier ministre Trudeau s'est montré ouvert à négocier et à discuter d'une voie administrative. Donc, il y a des pourparlers, on va travailler très fort pour que cette voie administrative là soit, à tout le moins, mise en place pour la prochaine nomination, et on pourra étudier attentivement la possibilité de passer par un processus législatif, le cas échéant, si on pense que c'est approprié.

Si vous permettez, je ne veux pas vous interrompre, mais on avait suspendu une des réponses ce matin. Est-ce que vous voulez qu'on vous la donne? Sur le 107 millions.

• (17 h 40) •

M. Tanguay : Oui, mais juste bien vous comprendre, juste pour clore le point, donc bien vous comprendre, à l'heure actuelle, il y a des pourparlers quant au remplacement du juge Gascon.

Mme LeBel : Bien, on va... oui, bien, on l'a appris, là, on va vous avouer qu'on n'a pas eu trois semaines d'«advance notice», on va le dire, là, mais, à partir du moment où il y a un juge qui ne devait pas quitter qui a annoncé son départ, à partir du moment où le juge Wagner a annoncé qu'il demandait que ce soit fait de façon rapide, que le gouvernement fédéral a annoncé un peu ses intentions de procéder rapidement, mais, naturellement, oui, on a levé la main pour dire : Un instant, on veut se parler sur le processus en cours. Mais, à court terme, là, on ne parle pas de faire un processus législatif. Je pense qu'on ne pourra pas le faire pour cette nomination-là. Ce serait utopique de le penser, là.

M. Tanguay : Je comprends et je semble déceler le non-appétit de la ministre pour un vote à l'Assemblée nationale. Peut-être, je me trompe, mais je semble déceler ça, ce qui serait très bien avisé, je crois.

Mme LeBel : Vous pouvez déceler ce que vous voulez.

M. Tanguay : Oui, s'il vous plaît, pour ce matin, si vous avez les données.

Une voix : Sur le 107 millions.

M. Tanguay : Oui, de tout à l'heure. Oui.

Mme Lynch (France) : Alors, le 107 millions, c'était l'investissement sur cinq ans. Alors, si on prend l'investissement pour cette année, en 2019‑2020, on est à 16,7 millions. Donc, on parle ici plus d'infrastructure. L'infrastructure à mettre à jour, notamment pour donner de la formation aux procureurs, l'utilisation de la visioconférence, c'est-à-dire étendre cette utilisation-là, là, dans plusieurs districts à travers le Québec, à la hauteur de 600 000 $... Ensuite, l'infrastructure pour créer le greffe numérique, O.K., alors, ici, on est à la hauteur de 8,7 millions et on a des requis technologiques à mettre en place pour moderniser nos infrastructures actuellement à la hauteur de 4,1 millions. Et le volet Communiquer efficacement l'information entre les principaux intervenants, c'est-à-dire la gestion électronique du dossier de la poursuite, c'est à la hauteur de 3 millions.

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Tanguay : ...oui. Est-ce que ces données-là sont disponibles? Sûrement, là, dans un des fascicules du budget... ou elles ne sont pas rendues publiques? Non? Elles sont...

Mme Lynch (France) : On va le rendre disponible. On va le...

M. Tanguay : Vous pouvez le déposer. Est-ce qu'on peut le déposer?

Mme Lynch (France) : C'est... je vais...

Mme LeBel : Pas sous cette forme-là. Mais on va prendre la même information disponible...

Mme Lynch (France) : Oui, c'est ça. La même information.

M. Tanguay : Qu'on pourra déposer au secrétariat, le cas échéant. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Ce sera déposé au secrétariat. Merci.

M. Tanguay : Et donc, cette année, c'est la deuxième année de cinq et nous allons, à terme... Est-ce que nous pourrions retrouver la ventilation pour l'an 1, 2, 3, 4, 5 et qui nous donnera 107 dans le document que vous allez déposer?

Mme Lynch (France) : ...vous allez avoir dans le document qu'on va vous déposer, là, l'ensemble de la répartition du budget de... ça a commencé en 2017, de 2017 jusqu'à 2023.

M. Tanguay : O.K. Super! Et, dernier petit point, on l'a abordé rapidement : Quel est le plan de match quant aux appels d'offres, le cas échéant? Est-ce que vous avez déjà des échéances et la nature des appels d'offres, le cas échéant, pour aller à l'extérieur?

Mme Lynch (France) : Comme je vous avais expliqué tantôt, on a fait un avis d'appels d'intérêt. On a reçu les réponses. On est en train de les analyser. On va se donner, là, jusqu'à la fin de l'année pour être capable de bien identifier, un, nos besoins, mais aussi voir les solutions qui sont disponibles sur le marché. Puis on va être en mesure, à ce moment-là, probablement dès janvier 2020, de pouvoir publier l'appel d'offres.

M. Tanguay : Et quel est le plan de match? Il est sûrement minimalement défini du déploiement... Est-ce que vous irez avec des cas types sur certains palais de justice quand on parle des greffes? Ou vous le ferez uniformément en même temps dans tous les palais de justice?

Mme Lynch (France) : Cette stratégie-là n'est pas définie actuellement. Alors, ça va dépendre, là, des infrastructures puis des applications qu'on veut déployer. Mais c'est sûr que nous avons une préoccupation de déployer pour ne pas que ça bouscule le service à la clientèle. On veut maintenir des bons services, puis aussi s'assurer que notre personnel reçoive la formation appropriée, puis puisse bien maintenir son service à la clientèle.

M. Tanguay : C'est bon. Merci beaucoup. Dans les documents, ça, c'est des réponses aux questions, ministère de la Justice, Renseignements généraux, avril 2019, ça, je peux citer la page, page 93, donc, question... — est-ce que c'est ça? — question G-12, on parle des programmes de transformation, on parle d'un 195 millions, programmes de transformation. Donc, j'essaie de vous aiguiller, là. G-12, c'est la question, je pense, qu'on avait posée, renseignements généraux, p. 93 : «Le programme vise à permettre aux citoyens de bénéficier d'un système de justice moderne s'appuyant notamment sur un dossier 100 % numérique.» On retrouve les mêmes concepts, mais, vous voyez, coût initial prévu : 195 millions. Total à ce jour : 5 millions, j'arrondis, là, 5 159 000 $. À quoi faisons-nous référence ici, ce 195 millions là?

Le Président (M. Bachand) : Voulez-vous prendre un temps pour chercher l'information, puis on continue?

Mme LeBel : Oui, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bachand) : Vous l'avez, Mme la sous-ministre?

Mme LeBel : Est-ce que ça va? On va peut-être continuer pour avoir l'information, puis je vais vous faire signe. Ou si vous voulez attendre...

M. Tanguay : On peut prendre 15... peut prendre 10 secondes.

Le Président (M. Bachand) : C'est comme vous voulez, M. le...

M. Tanguay : Parce qu'après, on se...

Des voix : ...

Mme LeBel : Ça ne sera pas très long, ça s'en vient.

M. Tanguay : O.K., bon, on va la prendre en délibéré, là. Vous pourrez peut-être lever la main lorsque vous l'aurez. Il nous reste 13 minutes dans ce bloc-ci, et, normalement, un autre bloc avant la fin. Alors, on pourra récupérer nos documents.

On a parlé de justice dans le Nord. Justice dans le Nord, le collègue d'Ungava en a parlé. Le Barreau aussi en a parlé le 6 mars 2019, dans un communiqué de presse. Donc, communiqué de presse du Barreau, demande au gouvernement d'investir à court terme. On parle ici de système de justice pour les autochtones, et il y avait trois demandes chiffrées à 2 606 100 $. Il y avait, un, l'ajout d'un siège de juges siégeant dans le Nord. Donc, l'ajout de juges siégeant dans le Nord, on parlait de créer deux postes suppléants. On parlait de deux interprètes supplémentaires; et, troisième demande, de 10 travailleurs parajudiciaires. Un 2,6 millions. Quelle est la réponse de la ministre quant à cette demande?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, la sous-ministre, oui.

Mme LeBel : Oui, oui, je vais y répondre, M. le Président, je suis désolée. Effectivement, on travaille, naturellement, sur ces enjeux-là. Sur les mesures particulières, c'est parce que je veux vous répondre sur les mesures particulières, parce que je pourrais vous répondre qu'on est préoccupés par la justice dans le Nord, et vous le savez, et ce n'est pas l'information que vous voulez. Alors, mon intérêt, c'est de vous trouver la réponse sur votre mesure particulière, et sur demande, là.

O.K. Pour l'année 2018‑2019, quand on parle des travailleurs parajudiciaires particulièrement, il y a un investissement, qui est de 1 371 600 $. Je veux juste m'assurer que je vous donne...

Une voix : ...

Mme LeBel : Oui, c'est 535 000 $, environ, là, de plus que l'année passée. Le MJQ, donc, soutient, depuis plus de 35 ans, l'organisme Services parajudiciaires autochtones du Québec, le SPAQ, qui vise à aider les autochtones aux prises avec le système de justice criminel. Donc, ce soutien est partagé à parts égales avec Justice Canada, et ce qui est octroyé par, donc, le Québec, en 2018‑2019, qui est environ 530 000 $ de plus cette année, c'est 1 370 000 $. Là, moi aussi, j'arrondis, là. Donc, c'est ça.

Pour ce qui est des interprètes, ce qui représente... on travaille sur cette mesure-là. Le défi, naturellement, est le recrutement, l'accréditation, la formation puis la rétention des nouveaux interprètes. C'est ça qui est le défi, en cour, c'est de trouver des interprètes, de les retenir, de les former. Ceci dit, on estime qu'on a pu répondre quand même adéquatement aux besoins de la cour en matière d'interprétariat puisqu'aucune audience n'a été remise à cause d'interprètes disponibles dans le Grand Nord cette année. Deux interprètes cris ont été récemment embauchés, ils sont actuellement en phase de formation, et, dès que cette formation sera terminée, il y aura six interprètes cris sous contrat. Mais, naturellement, il faut continuer à travailler, là, dans ce sens-là.

M. Tanguay : Donc, si je comprends bien, il y a un 535 000 $, je fais un pas en arrière, pour les travailleurs parajudiciaires... j'arrondis, 535 000 $ de plus en 2019‑2020 qu'en 2018‑2019, ce qui fait en sorte qu'en 2019‑2020 on est à 1 371 000 $. C'est ça?

Mme LeBel : Oui.

M. Tanguay : O.K.

Mme LeBel : 2018‑2019.

• (17 h 50) •

M. Tanguay : Ça représente combien? Parce que le Barreau avait ciblé au moins 10 travailleurs parajudiciaires supplémentaires. Ça représente combien? Parce qu'il ne s'agit pas tout de prendre ce 535 000 $ là puis le diviser avec un salaire moyen, parce que j'imagine qu'il y a des frais de bureau, et tout ça, là. Ça représente combien de travailleurs parajudiciaires additionnels?

Mme LeBel : ...réponse. Dans l'intervalle, je peux peut-être compléter aussi pour ce qui est des juges. Avant de nommer deux... Présentement, il y a deux juges suppléants qui ont été affectés pour le Nord. Et ce qu'on voulait voir, là, c'était bien évaluer l'ensemble des services judiciaires dans le Nord avant de rendre ces juges-là peut-être permanents. Donc, oui, c'est sur la table à dessin, mais je pense qu'il faut regarder ça de façon quasiment plus globale. Mais il y a deux juges suppléants, comme vous l'avez mentionné, qui travaillent là, affectés à cette position-là.

M. Tanguay : Vous dites : Deux. Est-ce que c'est deux postes de juges suppléants qui ont été créés ou qu'il y a depuis combien de temps deux juges suppléants travaillant dans le Nord?

Mme LeBel : Depuis l'investissement du 175 millions, ce sont deux juges suppléants qui ont été affectés.

M. Tanguay : Puis là, rappelez ma mémoire, l'investissement date de quand? 2016?

Mme LeBel : Oui, c'est ça. 2016.

M. Tanguay : O.K. Parce que le communiqué de presse du Barreau date de mars 2019. Il demandait deux postes de juge suppléant assigné dans le Nord. Puis notre collègue d'Ungava parlait d'agir de façon plus rapide que ce qu'a fait les gouvernements libéraux. Alors, j'imagine que vous n'allez pas le décevoir.

Mme LeBel : Est-ce que vous voulez vraiment avoir une réponse?

M. Tanguay : Pardon?

Mme LeBel : Je n'ai pas l'intention de ne décevoir personne.

M. Tanguay : Mais là votre réponse risque peut-être de me décevoir.

Une voix : ...

M. Tanguay : Ah! il n'y a pas de rappel au règlement, M. le Président. Ça vous... Ennuyez-vous pas. Il n'y a pas de rappel au règlement. Non, mais, dans le fond... Dans le fond, je comprends que 175 millions en 2016, vous avez raison. Mais, depuis, ce qui était demandé par le Barreau pour ce budget-ci, puis ce qui fait écho à ce que disait le collègue d'Ungava que dans... À moyen terme, je pense que le collègue d'Ungava parlait d'un poste de juge permanent, parlait dans le moyen terme. Pour moi, le moyen terme, ce n'est pas cinq ans, c'est peut-être plus un ou deux ans. Quel est le plan de match là-dessus? Poste permanent, le Barreau voudrait deux postes de juge suppléant, le collègue d'Ungava, un à moyen terme. Quel est le plan de match?

Mme LeBel : Bien, le plan de match, c'est de regarder ça de façon globale. Hein, il y a plusieurs façons d'intervenir dans le Nord. Vous avez d'abord des juges qui sont affectés à... des juges... des postes de juge dans le Nord. Ça fait partie des enjeux, et on est en train de regarder ça.

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Tanguay : O.K. Mais pas plus de précision que ça, là? Puis ma question, je vous confirme que ma question, là, ne m'est pas soufflée par votre collègue d'Ungava, là. Je tiens à vous rassurer, là.

Mme LeBel : ...je m'apprête à m'en aller dans le Nord la semaine prochaine. On va regarder ça aussi sur le terrain. On va discuter avec les intervenants du milieu. Donc, je fais mes devoirs. Pour vous rassurer.

M. Tanguay : O.K. Mais est-ce que, dernière question là-dessus, est-ce que, dans le budget, il est prévu des sommes, le cas échéant, pour combler ces postes-là, des sommes d'argent?

Une voix : Les sommes sont déjà prévues.

Mme LeBel : Oui.

M. Tanguay : Les sommes sont déjà là. C'est de trouver du monde.

Mme LeBel : Oui.

M. Tanguay : Ça, je pense qu'on peut l'aborder aussi, je veux dire. Il y a un défi. Vous parliez des interprètes, là. Des interprètes, vous n'avez pas une baguette magique. Puis, à un moment donné, il faut les former. Puis ça prend des gens compétents parce que, justement, c'est dans le domaine judiciaire. Il y a une réalité aussi, puis je fais un peu une réponse au collègue d'Ungava, des... Je veux dire, demain matin, vous me disiez, mettez tous les juges du Québec par main levée : Qui veut aller pratiquer dans le Nord? Je veux dire, il y a une réalité. Voilà.

Mme LeBel : ...c'est un défi aussi de ne pas s'installer dans le Nord puis de faire des voyages nombreux à chaque année.

M. Tanguay : Exact.

Mme LeBel : C'est un défi pour les procureurs de la couronne, ce qui peut expliquer aussi une des raisons pour lesquelles il est très difficile de permanentiser un poste dans le Nord à tous les niveaux. Donc, effectivement, ça fait partie des défis. Il y a des défis budgétaires. Je pense qu'on peut les adresser. Maintenant, les autres défis, il faut travailler avec les gens.

M. Tanguay : Alors, c'était un peu une réponse au collègue d'Ungava, parce qu'il ne faut pas avoir une approche, justement, manichéenne, c'est-à-dire, je veux dire, ils n'ont rien fait ou ils ont tout fait. Ce n'est pas une question de budget. C'est une question, c'est la nature humaine. C'est une question d'y aller également selon la disponibilité puis le désir d'être disponible des gens.

Mais, ceci dit, j'aurai l'occasion de vous citer... On avait fait le débat, vous et moi, vous devez vous en rappeler. Ça devait être un moment mémorable de votre campagne, parce que ça l'avait été, moi, en ce qui me concerne, moi, le 19 septembre dernier, débat au Barreau. Puis je vais vous citer, Mme la ministre : «Il faut réparer la justice dans le Nord et l'établir de façon plus permanente. Je viens d'apprendre avec beaucoup de tristesse que le DPCP avait décidé de retirer le procureur permanent à Kuujjuaq, alors que ça prendrait deux procureurs permanents à Kuujjuaq. Je comprends, probablement d'un point de vue de budget et d'effectif, la décision du DPCP, mais ça tombe directement dans la cour du ministère de la Justice de s'assurer qu'on a les effectifs nécessaires. Et je pense qu'il faut installer des procureurs permanents.» Alors, ma question est : Quand, Mme la ministre?

Mme LeBel : Écoutez, on va travailler sur cette question-là. D'ailleurs, vous les avez soulignés, les défis. Il faut relever les défis, il faut trouver des gens prêts à s'installer. Il y a plusieurs autres enjeux. On en discute avec le DPCP, puis on va voir comment on peut faire. Si je peux répondre à votre... Les conseillers parajudiciaires de tantôt...

M. Tanguay : Vous voulez... Mais vous ne ferez pas ça pour changer le sujet, là.

Mme LeBel : Ah non! Absolument pas. Je n'ai rien d'autre à ajouter sur la question. Ça fait que, donc, je peux faire une pause silencieuse.

M. Tanguay : Mais je peux peut-être me risquer à une autre question.

Le Président (M. Bachand) : ...vous rappeler qu'il y a des gens qui essaient de nous écouter... parce que c'est très intéressant, ce que vous dites...

M. Tanguay : Ah! bien, là, s'il y a des gens qui essaient de nous écouter, on...

Le Président (M. Bachand) : Oui, vous savez, M. Lafontaine, vous l'avez déjà dit... député de LaFontaine, c'est probablement des dizaines de milliers de personnes, hein, alors donc...

Une voix : Au moins.

M. Tanguay : Je n'ai pas dit que c'était pour...

Le Président (M. Bachand) : Alors... non, mais... O.K., alors, Mme la ministre, s'il vous plaît, en réponse.

Mme LeBel : Oui. Est-ce que vous voulez la réponse sur le détail?

M. Tanguay : Je ferais une petite pause là-dessus, juste quelques secondes, juste pour compléter. Donc, y a-t-il... Puis je vois Me Murphy qui est là. Y a-t-il des discussions avec le DPCP, qu'elle est le plan de match? Je ne sais pas si, de consentement, on peut parler à Me Murphy, ou lui poser directement la question. On parle de procureurs additionnels dans le Nord. On avait appris, on avait appris... puis je vais retrouver ma donnée, ne bougez pas, ne bougez pas, ne bougez pas, j'ai ça ici. Je ne veux pas vous décevoir, je l'ai ici. Alors, il y avait donc eu, à l'automne dernier — on l'a ici, bravo! — un procureur, et là la question était de savoir... «Depuis mai 2018, nous maintenons l'offre de service et le bonifions afin d'optimiser le traitement des dossiers à Kuujjuaq.», et là c'était le porte-parole du DPCP, Jean-Pascal Boucher. Alors, quelle est la situation à Kuujjuaq, dans le Nord? Parce qu'on dit : Ah! on a perdu notre procureur. Mais est-ce qu'il était permanent? Est-ce qu'il était là... est-ce que, oui, lui avait décidé d'offrir son temps pour faire le transport, et tout ça? Là, je comprends qu'il est rendu à Amos. Alors, quel est le plan de match par rapport à ça, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bachand) : ...consentement pour que Me Murphy puisse prendre la parole?

M. Tanguay : Oui.

Le Président (M. Bachand) : Consentement. Me Murphy, s'il vous plaît.

Mme Murphy (Annick) : Je ne sais pas comment ça fonctionne...

Le Président (M. Bachand) : Ah! ils vont s'en occuper.

Une voix : ...

Mme Murphy (Annick) : Ah! ils... d'accord. Alors, écoutez, je voudrais quand même rectifier une information, là, nous n'avons pas fermé le bureau de Kuujjuaq, nous avons là une permanence. La problématique actuelle, c'est que le dernier procureur qui était à Kuujjuaq ainsi que le précédent, d'ailleurs, ont quitté leur emploi en invalidité. Depuis, nous avons eu énormément de problèmes à attirer des gens de façon permanente sur le poste.

Mon désir était, et comme celui de la procureure en chef, d'ailleurs, de la région du Nord, d'assurer le service, le meilleur service pour la région, et c'est ce que nous avons fait.

Donc, plutôt, en attendant d'avoir une meilleure... une réponse plus officielle, et en attendant peut-être de discuter avec mon collègue de la Commission des services juridiques, nous avons commencé une conversation là-dessus pour tenter de résoudre la situation. Mais, en attendant, ce sur quoi nous avons axé, là, nos priorités, c'est d'assurer le service, mais encore mieux. Donc, pour nous, la question n'est pas tellement la résidence que le service permanent que nous offrons. Alors, ce que nous avons mis en place, c'est un service permanent. Les procureurs quittent Amos, et, dans la mesure du possible, ce sont les mêmes procureurs qui vont se rendre à Kuujjuaq à chacun des voyages. Et, plutôt que d'avoir un seul procureur, nous en avons trois, à l'heure actuelle, qui font le voyage chaque semaine à Kuujjuaq. Et c'est, à mon sens, une façon gagnante, c'est-à-dire que ça nous permet d'avoir des procureurs d'expérience.

Vous savez, quand on veut amener quelqu'un en résidence à Kuujjuaq, c'est ce que nous avons expérimenté depuis le début, presque, en 1997, les gens qui lèvent la main sont de... sont des procureurs extraordinaires, mais ce sont de jeunes procureurs sans expérience. Nous les amenons dans une région où ils sont seuls et où ils sont isolés. Professionnellement, ils n'ont pas les collègues pour discuter avec eux, sauf à distance. Alors, ma préoccupation était d'assurer un service permanent d'expérience.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Murphy. Merci beaucoup. Alors, je passe maintenant la parole à la députée représentant le gouvernement pour un bloc de 17 minutes. Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.

• (18 heures) •

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Un petit sujet, j'allais dire plus léger, mais il n'y a aucun sujet léger en justice. Mais, en fait, c'est un sujet qui est quand même installé sur des bases quand même bien solides, non partisanes, c'est-à-dire l'accompagnement des victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale.

Depuis le 28 octobre 2016, le Québec oeuvre à la réalisation de 55 actions contenues dans la Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016‑2021, lesquelles ciblent les agressions sexuelles et l'exploitation sexuelle.

Or, au cours des dernières années et en dépit des différents plans d'action gouvernementale, des événements fort médiatisés ont mis en lumière des enjeux concernant la problématique des agressions sexuelles, tout en soulevant des critiques de la part des personnes victimes, des organismes leur venant en aide et la population en général. Ont alors été mis à l'avant-plan, entre autres, la réticence de certaines personnes victimes de violence sexuelle à les dévoiler et à les dénoncer auprès des autorités et organismes appropriés ainsi que la nécessité d'évaluer les services de soutien leur étant offerts et le processus judiciaire associé à ces crimes.

À ces sujets, il n'y a qu'à se référer au mouvement d'ampleur internationale de dévoilement public, le fameux #moiaussi et le fameux #etmaintenant, actifs depuis l'automne 2017, ainsi qu'à l'annonce faite par le Directeur des poursuites criminelles et pénales le 12 décembre 2018, à l'effet que des accusations, à l'endroit de M. Gilbert Rozon, n'ont été déposées que dans un seul des 14 dossiers de plaintes à son égard. Ainsi, il est possible de dégager des débats publics certains enjeux, au regard du système de justice ainsi qu'au regard des services de soutien disponibles, notamment que certaines perceptions des personnes victimes, à l'égard du système de justice, peuvent faire en sorte qu'elles hésitent à dévoiler et à dénoncer le crime subi, qu'il y a méconnaissance du processus judiciaire par les citoyens, qu'il existe une victimisation secondaire engendrée par le système judiciaire ou encore qu'il y a un manque dans l'organisation des informations et des services existants.

Alors, M. le Président, ma question à Mme la ministre : Que comptez-vous faire pour contrer ce sentiment de manque de justice que les victimes d'agressions sexuelles dénoncent depuis plusieurs années sur la place publique?

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la députée. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : C'est un enjeu qui me préoccupe énormément, M. le Président, et c'est pour ça que, le 14 janvier 2019, entre autres, accompagnée de mes collègues députés du Parti libéral, du Parti québécois et de Québec solidaire, j'ai tenu une réunion de travail non partisane pour échanger sur les enjeux qui entourent l'accompagnement des personnes victimes, les services d'aide, d'ailleurs, qui leur sont offerts, leur parcours dans le processus judiciaire ainsi que la possibilité peut-être de créer ou non un tribunal spécialisé, mais de voir à l'accompagnement dans le milieu judiciaire. Et je mets l'accent sur le fait qu'on parle du parcours de la victime dans le système de justice, donc au sens large, pas simplement son parcours devant les tribunaux, parce qu'on comprend que les besoins de ces personnes-là sont nombreux, sont variés et ne sont pas nécessairement d'aller témoigner, en tout cas, pas dans l'immédiat.

À la suite de cette réunion de travail, en janvier 2019, on a formalisé le cadre dans lequel ces réflexions se poursuivront. Et j'ai convenu avec mes trois collègues de confier un mandat à un comité-conseil constitué d'experts qui va oeuvrer auprès des personnes victimes dans différents milieux. Dans une conférence de presse, d'ailleurs, le 18 mars 2019, on a mis l'existence de ce comité, le conseil a été officialisé par la présentation de son mandat, de sa durée, de sa composition. Il a été annoncé, à ce moment-là, que les travaux porteront sur les réalités des personnes... des victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale. Pour alimenter et bonifier les réflexions de ce comité, ses membres ont été autorisés, pour répondre à des questions spécifiques, à consulter des personnes et des organismes ayant une expertise ou une expérience particulière. Et je prends l'occasion pour rassurer tous ceux qui auraient voulu avoir une représentation au sein de ce comité-là, de dire que votre voix va être entendue, et vous pourrez parler, avoir accès et être entendus par le comité.

Le comité-conseil a notamment pour mandat de proposer des pistes de solution qui permettent d'adapter ou de développer des mesures bénéficiant aux personnes victimes, tout en leur redonnant confiance dans le système de justice québécois. Encore une fois, ça tient compte de la réalité particulière des enjeux en matière de violence sexuelle, de harcèlement, d'agression ou même de violence conjugale. Des enjeux particuliers qui sont reliés à la situation particulière de ces agressions-là sont souvent faits par une personne en état d'autorité ou une personne de confiance. Le comité devra donc nous proposer des solutions pour atteindre ses objectifs, c'est notamment envisager la mise en place d'un accompagnement plus soutenu et mieux adapté à leur réalité, aux différentes étapes de leur cheminement dans le cadre judiciaire ou à l'extérieur de celui-ci.

Puis je vais profiter du temps qu'il m'est donné pour remercier personnellement toutes les personnes qui ont accepté de participer à ce comité consultatif et de nous éclairer de leurs lumières. Plus précisément, les membres du comité-conseil sont les suivants : Mme Élizabeth Corte, juge en chef à la Cour du Québec de 2009 à 2016, merci, Mme Maggie Fredette, coordonnatrice au CALACS-Estrie, M. Jean-Thierry Popieul, intervenant et coordonnateur clinique au CAVAC de Montréal, M. Sylvain Guertin, enquêteur spécialisé en matière d'agression sexuelle et de crimes majeurs et directeur adjoint de la Direction des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec, Mme Deborah Trent, travailleuse sociale et directrice du Centre pour les victimes d'agression sexuelle de Montréal, responsable de la ligne 1 800 et mandataire de l'instance de coordination des centres désignés, Me Éliane Beaulieu, procureure aux poursuites criminelles et pénales à Rimouski, Mme Julie Desrosiers, chercheuse et professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval, M. Michel Dorais, chercheur, professeur titulaire à l'École de travail social et de criminologie de l'Université Laval, Mme Patricia Tulasne, qui était membre des Courageuses, Mme Anick Sioui, psychologue clinique au Odanak Health Centre, Mme Arlène Gaudreault, présidente retraitée de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, M. Jean-Marc Bouchard, fondateur du groupe Emphase de Trois-Rivières, Mme Hélène Cadrin, fonctionnaire émérite et spécialiste en matière de violence conjugale.

Donc, le comité-conseil, comme vous pouvez le constater, est varié et regroupe différents acteurs de la société, incluant des chercheurs universitaires, des représentants de groupes de personnes victimes, des acteurs communautaires ainsi que des représentants du milieu autochtone de la magistrature, des services de police et du Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Et je suis même heureuse de réitérer le fait que, dans le budget, cette année, le ministre des Finances a octroyé un budget de 50 millions sur cinq ans, donc 10 millions, pour appuyer les travaux et les recommandations qui pourraient découler de ce comité.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette réponse, Mme la ministre. Je vais rester quand même dans le même sujet, juste parce qu'il y a des petites choses que je veux qu'on précise. On sait que le ministère de la Justice et le Secrétariat à la condition féminine sont responsables de la coordination de l'action gouvernementale en matière de violence sexuelle et conjugale, et ce n'est pas un hasard, justement, si vous avez initié, avec nos consoeurs, parce que ce sont des consoeurs, collègues, la mise sur pied d'un comité visant un meilleur accompagnement des victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale.

Le ministère de la Justice est impliqué dans le dossier des violences sexuelles depuis 2001, soit au moment où le gouvernement du Québec présentait des orientations gouvernementales en matière d'agression sexuelle ainsi que le premier plan d'action gouvernemental en la matière. Le gouvernement présentait également, à ce même moment, l'entente multisectorielle relative aux enfants victimes d'abus sexuels, de mauvais traitements physiques ou d'une absence de soins menaçant leur santé physique, dont le ministère de la Justice est signataire.

Alors, ma toute dernière question, Mme la ministre, est la suivante : Quelles sont les mesures sous la responsabilité du ministère de la Justice dans le cadre de la Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016-2021?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

• (18 h 10) •

Mme LeBel : Alors, comme vous l'aviez mentionné, chère collègue, le MJQ a collaboré à l'élaboration, effectivement, de la nouvelle Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016-2021, qui fut lancée le 28 octobre 2016. Pour alimenter... La page, elle n'aide pas, est-ce que je vais avoir la bonne mesure, M. le Président, naturellement? Donc, 55 nouvelles, c'est le chiffre que je cherchais. Ce plan comprend 55 nouvelles actions qui visent à apporter des solutions novatrices aux problèmes qui ont été ciblés. Au total, ce sont des investissements de plus de 200 millions de dollars, dont 44 millions qui serviront à la mise en oeuvre des 50 nouvelles actions. 10 nouvelles mesures viennent bonifier l'intervention en matière de violence sexuelle : six mesures sont autofinancées à la hauteur de 490 000 $ environ, et quatre nouvelles mesures nécessitent de nouveaux crédits de l'ordre de 895 000 $, pour un grand total de 1 385 000 $, chiffre arrondi, naturellement.

Donc, voici un exemple de quelques-unes de ces mesures, pour bien répondre à votre question : analyser la pertinence d'abolir la liste des crimes visés de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et de prévoir que le régime d'indemnisation soit désormais applicable à toute personne victime d'une infraction contre la personne. Je l'ai mentionné tantôt, je pense que je l'ai déjà dit, c'est en cours d'analyse dans la réforme de l'IVAC. Mettre en place des règles pour l'octroi d'une aide financière d'urgence aux personnes victimes, c'est également en cours d'analyse.

(Interruption) Là, je m'excuse, M. le Président. Former les intervenants du réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels à l'intervention spécifique auprès des témoins mineurs, également en cours. Parfaire les programmes d'information du ministère de la Justice destinés aux personnes victimes, également en cours. Permettre l'accessibilité aux télétémoignages pour l'acquisition de solides... de systèmes mobiles de visioconférence, cette mesure est accomplie.

Sensibiliser les intervenants du système judiciaire aux mesures visant à faciliter le témoignage par la production d'un outil d'information, également en cours. Développer un outil destiné aux intervenants oeuvrant auprès des personnes victimes pour soutenir celles-ci dans leurs démarches de dénonciation. Mettre en place un projet pilote sur cinq ans afin qu'un agent d'intervention CAVAC soit présent au sein du service des enquêtes spécialisées du Service de police de la ville de Montréal, permettant ainsi d'améliorer l'accessibilité des femmes victimes d'exploitation sexuelle aux services d'aide.

Soutenir des projets visant à prévenir et contrer les violences sexuelles pouvant être commises envers les personnes lesbiennes, les gais, les personnes bisexuelles, transsexuelles et en questionnement. C'est également en cours, M. le Président. Développer et offrir une formation destinée aux intervenantes et intervenants oeuvrant auprès des personnes LGBTQ victimes d'agression sexuelle. C'est également en cours, et le comité d'accompagnement aura aussi ces enjeux-là à l'esprit au moment de ses travaux.

Donc, je peux vous dire que le ministère de la Justice va poursuivre ses travaux dans les prochaines années pour réaliser, le plus rapidement possible et le mieux possible, ces diverses mesures.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Chapleau) : ...peut-être amener Mme la ministre vers un autre sujet : le tribunal (panne de son) donc, qui a souligné, cette année, ses 20 années d'existence, donc le TAQ, communément appelé. Il offre, dans le fond, un forum neutre, indépendant et impartial au citoyen qui souhaite contester une décision de l'administration gouvernementale.

Lors de sa création, en 1998, le tribunal s'était vu confier 119 compétences. Au fil des années, plusieurs se sont ajoutées. À ce jour, le tribunal compte 159 compétences lui permettant d'entendre des recours dans les domaines aussi variés que les services de garde à l'enfance, l'évaluation foncière, les régimes de rentes, le Code de la sécurité routière et bien d'autres. En raison de son large champ de compétence et de la multidisciplinarité des juges administratifs qui entendent les recours, il n'est pas étonnant que plus de 155 000 citoyennes et citoyens se soient adressés au tribunal au cours des 20 dernières années.

Donc, j'aimerais peut-être questionner la ministre au sujet de... Donc, on ne parle pas souvent du Tribunal administratif du Québec à l'Assemblée nationale, mais est-ce qu'elle serait peut-être en mesure de nous parler de ses réalisations dans les dernières années?

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Effectivement. Merci, M. le Président. D'abord, en matière de services aux citoyens, je dois dire que le tribunal a su innover. Il a offert, donc, des outils qui sont simples et adaptés pour les citoyens. En collaboration, d'ailleurs, avec l'organisme Éducaloi, le tribunal a revu plusieurs de ses publications afin de les simplifier et de les rendre plus accessibles. D'autres outils, comme un aide-mémoire adapté au citoyen qui se présente sans avocat, ont également été élaborés.

Des projets ont été aussi mis en place avec les centres de justice de proximité et le Jeune Barreau de Montréal pour guider les requérants dans la préparation de leur dossier en assurance automobile, entre autres, et en indemnisation des victimes d'actes criminels.

Le tribunal s'est également distingué par sa capacité à offrir au citoyen des modes de règlement des conflits qui sont novateurs. Par exemple, le tribunal a mis en oeuvre, depuis 2015, un service de conciliation express. Ce processus permet d'offrir aux parties qui le demandent et qui ont déjà entamé des discussions pour régler leurs litiges la possibilité de poursuivre leurs pourparlers devant un juge administratif conciliateur. Dès qu'un dossier est jugé admissible, la séance de conciliation express est habituellement fixée dans un délai très court, de deux à trois semaines. Et c'est quand même un taux de succès assez appréciable, M. le Président.

Les séances de comédiation sont un autre type de services qui sont offerts aux parties pour favoriser le règlement de leurs litiges. Ces séances sont également novatrices parce qu'elles se font en présence de deux juges administratifs qui ont des expertises souvent complémentaires. Par exemple, dans le cas d'un litige complexe touchant une indemnité pour expropriation, un juge administratif juriste et un juge administratif évaluateur agréé mèneront ensemble l'exercice de comédiation en vue de suggérer une solution qui permette un règlement satisfaisant pour les deux parties, le citoyen et la municipalité, par exemple.

Et c'est une des particularités du Tribunal administratif, hein? On voit plusieurs... les décideurs ont plusieurs formations, et plusieurs spécialités, et expertises différentes. Cette polyvalence permet donc au tribunal de se voir confier rapidement une nouvelle compétence lorsque les lois évoluent. Ça fait partie des enjeux et des facilités du tribunal.

Je vous vois regarder l'heure, je pense que je peux terminer ici.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Mme la ministre. Merci, tout le monde.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30, où elle entreprendra l'étude du volet Accès à l'information des crédits budgétaires du portefeuille Conseil exécutif. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 16)

Document(s) associé(s) à la séance