Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
jeudi 23 janvier 2020
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Vol. 45 N° 65
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin
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Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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LeBel, Sonia
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Bachand, André
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Tanguay, Marc
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Robitaille, Paule
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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LeBel, Sonia
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LeBel, Sonia
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Bachand, André
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Tanguay, Marc
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Robitaille, Paule
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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Bachand, André
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LeBel, Sonia
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Tanguay, Marc
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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LeBel, Sonia
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LeBel, Sonia
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Bachand, André
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Tanguay, Marc
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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Bachand, André
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LeBel, Sonia
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Tanguay, Marc
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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LeBel, Sonia
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LeBel, Sonia
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Bachand, André
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Tanguay, Marc
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Robitaille, Paule
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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Bachand, André
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LeBel, Sonia
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Tanguay, Marc
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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LeBel, Sonia
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LeBel, Sonia
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Bachand, André
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Tanguay, Marc
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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Bachand, André
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LeBel, Sonia
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Robitaille, Paule
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Robitaille, Paule
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Bachand, André
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures trente-trois minutes)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin à tous et à toutes.
Des voix : …
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite la bienvenue, et je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la petite
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. M. Allaire (Maskinongé) remplace M. Lafrenière (Vachon);
M. Lemay (Masson) remplace M. Lamothe (Ungava); M. Poulin
(Beauce-Sud) remplace Mme Lecours (Les Plaines); Mme Jeannotte
(Labelle) remplace M. Lévesque (Chapleau); M.Schneeberger (Drummond—Bois-Francs) remplace M. Martel
(Nicolet-Bécancour); et M. Nadeau-Dubois (Gouin) remplace M. Fontecilla
(Laurier-Dorion).
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Également, j'aurais besoin du consentement pour que la députée
de Marie-Victorin puisse assister à la séance d'aujourd'hui. Consentement?
Des voix : Consentement.
Auditions (suite)
Le Président (M. Bachand) :
Consentement. Merci beaucoup.
Donc, ce matin, nous débuterons par les
remarques préliminaires puis nous entendrons les groupes suivants... Non, il
n'y a pas de remarques préliminaires, ce matin, désolé, c'est les groupes. On
l'a fait hier, on ne répétera pas ça ce matin, vous serez d'accord. Donc, nous
allons avoir quatre groupes ce matin : le Réseau des tables régionales de
groupes de femmes du Québec, la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération
autonome de l'enseignement ainsi que la Fédération québécoise des
municipalités.
Je souhaite donc la bienvenue aux
représentantes du Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec.
Je vous rappelle que vous avez 10 minutes de présentation, après ça on a un
échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous. Merci
beaucoup.
Réseau des tables régionales de groupes de femmes
du Québec
Mme Crevier (Linda) :
Oui. Bonjour, mesdames et messieurs. Nous sommes heureuses d'être ici afin de
participer aux consultations sur le projet de loi n° 39.
Le Réseau des tables régionales de groupes
de femmes du Québec est un regroupement féministe de défense collective des
droits constitué en 1997. Chacune des 17 tables régionales de groupes de femmes
du Québec sont membres actives du réseau et représentent ensemble 426 groupes
membres qui rejoignent au quotidien des centaines de milliers de femmes d'âges,
de religions, d'orientations sexuelles et d'origines diverses. Il est le plus
gros regroupement féministe multisectoriel au Québec. Porte-voix des régions,
il favorise la prise de parole collective des tables régionales tout en
respectant les particularités régionales. De plus, le réseau travaille en
complémentarité et en collaboration avec l'ensemble des groupes et des
regroupements nationaux du mouvement des femmes ainsi qu'avec différents
partenaires partageant les mêmes <valeurs...
Mme Crevier (Linda) :
…p
orte-voix des régions, il favorise la prise de parole collective des
tables régionales tout en respectant les particularités régionales. De plus, le
réseau travaille en complémentarité et en collaboration avec l'ensemble des
groupes et des regroupements nationaux du mouvement des femmes ainsi qu'avec
différents partenaires partageant les mêmes >valeurs.
Le présent mémoire est le fruit d'une
réflexion collective faite par le réseau en collaboration avec les tables de
groupes de femmes membres de ce réseau. Il vise à bonifier ce projet de loi à
l'aide de mesures structurelles pour une représentation paritaire diversifiée
et équitable pour les régions.
En premier lieu, le réseau souhaite
rappeler que les femmes du Québec font toujours face à une discrimination
systémique et qu'il demeure des inégalités persistantes, notamment en ce qui a
trait à l'accès des femmes au pouvoir. Nous voulons une égalité différenciée,
pluraliste et inclusive, notamment des femmes autochtones, des femmes racisées,
immigrantes, des femmes de la diversité sexuelle, des jeunes femmes et des
femmes vivant avec un handicap. Nous défendons que la sous-représentation des
femmes dans les lieux de pouvoir est une tendance qui ne saurait être démentie
par les résultats d'une seule élection, celle de 2018. Nous constatons que le
gouvernement a manqué l'occasion d'envoyer un signal fort en faveur de
l'égalité entre les femmes et les hommes, car le projet de loi à l'étude ne
comporte aucune mesure permettant véritablement de corriger le déficit
démocratique de la sous-représentation politique des femmes.
Nous croyons fermement qu'il faut
enchâsser la parité dans le projet de loi sur la réforme du mode de scrutin
pour que des mesures structurelles en découlent et qu'ainsi une société
égalitaire soit réellement prônée et mise en valeur au Québec. C'est pourquoi
le Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec propose que la
parité soit inscrite dans la Loi électorale du Québec afin de lancer un message
politique clair à la société.
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Afin de réellement favoriser la représentation paritaire et diversifiée des
femmes, la mise en place d'un nouveau mode de scrutin doit être complétée par
des mesures structurelles contraignantes et incitatives qui donnent des
résultats tangibles. Pour cette raison, nous proposons que les partis soient
tenus de présenter un minimum de 40 % de candidates aux sièges de circonscription
et qu'ils poursuivent des efforts pour atteindre 50 % de candidates, que
les listes régionales des partis comportent une alternance obligatoire de candidatures
féminines et masculines, en commençant par une femme, que les partis soient
tenus, dans chaque région, de présenter un nombre de candidatures de personnes
issues des minorités ethnoculturelles équivalant à la composition sociodémographique
de la région, et ce, tant pour les sièges de circonscription qu'au sein des
listes régionales, où ces candidats et candidates devraient être positionnés en
premier tiers de liste, que des données sur l'origine ethnoculturelle des
candidates et des candidats et des élus soient intégrées aux différentes
statistiques existantes lors d'élections. En plus de ces mesures, les partis
devraient veiller au recrutement de candidates d'horizons divers, notamment des
femmes de la diversité sexuelle, des jeunes femmes, des femmes monoparentales
ou des femmes vivant avec un handicap.
Par ailleurs, la proposition
gouvernementale interdit la double candidature, alors que cette mesure pourrait
pallier certains des obstacles systémiques que doivent surmonter les candidates
aux sièges de circonscription. Rappelons qu'il a été démontré qu'aux élections
de 2018 les femmes étaient plus nombreuses que les hommes dans les
circonscriptions dites casse-gueule. La double candidature permettrait à des
candidates défaites au sein de circonscriptions quasi perdues d'avance
d'accéder à l'Assemblée nationale si leur parti remporte des sièges de
compensation. Par ailleurs, la double candidature permet d'augmenter l'impact
des mesures d'alternance femmes-hommes et d'inclusion des minorités ethnoculturelles,
puisqu'elle se répercute au niveau des circonscriptions.
Enfin, les partis politiques sont des
acteurs centraux de la démocratie représentative au Québec. Il importe que les
partis soient tenus à une obligation de moyens, mais également de résultats.
Ainsi, nous proposons : que les partis soient tenus de se doter de deux
plans d'action à l'interne et faire rapport annuellement au DGEQ — donc,
il y aurait un premier plan d'action qui prévoit des mesures concrètes pour
atteindre la parité et l'égalité entre les femmes et les hommes au sein du
parti et un deuxième plan d'action pour atteindre une représentation équitable
des minorités ethnoculturelles; de plus, qu'à compter de 40 % d'élues au
sein d'un parti des bonifications financières au fonctionnement des partis
soient octroyées et versées dans un fonds dédié à la réalisation du plan
d'action en matière de parité et d'égalité; que, lorsque le pourcentage des
personnes élues issues des minorités ethnoculturelles reflète la composition
sociodémographique du Québec, des bonifications financières au fonctionnement
des partis seraient octroyées — le travail de notre regroupement en
soutien aux femmes souhaitant accéder aux postes de pouvoir nous a permis de
constater que les ressources financières <insuffisantes...
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
...
que, lorsque le pourcentage des personnes élues issues des minorités
ethnoculturelles reflète la composition sociodémographique du Québec, des
bonifications financières au fonctionnement des partis seraient octroyées — le
travail de notre regroupement en soutien aux femmes souhaitant accéder aux
postes de pouvoir nous a permis de constater que les ressources financières >insuffisantes
constituent un obstacle, rappelons que les femmes ont toujours un revenu
inférieur aux hommes, l'écart étant encore plus marqué entre les femmes
racisées et les hommes blancs; afin de pallier à cette discrimination
systémique qui pose un frein à la représentation des femmes, qu'à compter de
40 % de candidatures féminines au sein d'un parti les candidates et les
élus reçoivent un remboursement majoré de leurs dépenses électorales.
• (9 h 40) •
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) :
En deuxième lieu, le Réseau des tables partage la préoccupation gouvernementale
quant à la représentation adéquate des régions à l'Assemblée nationale. Cela dit,
nous constatons que, selon les règles de répartition des sièges de région
proposées dans le projet de loi, quatre régions, soit l'Abitibi-Témiscamingue,
le Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord et la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine,
n'auraient qu'un seul siège de compensation et la région du Nord-du-Québec n'en
aurait aucun. Le nombre de sièges de compensation pour ces régions nous
apparaît insuffisant pour permettre de corriger les distorsions du mode de
scrutin majoritaire uninominal à un tour. De même, elles sont insuffisantes,
là, pour assurer, là, une réelle expression de la volonté populaire. Ces cinq
régions n'auront donc pas véritablement accès à un système électoral
proportionnel mixte. De fait, le modèle proposé instaurera une proportionnelle
à deux vitesses, au détriment des régions peu densément peuplées.
De plus, la proposition gouvernementale
instaure un système rendant impossible pour ces régions la mise en place de
mesures structurelles permettant de favoriser une représentation juste des femmes
dans toute leur diversité. En effet, avec des listes régionales de partis ne
comportant qu'une seule personne, l'alternance femmes-hommes des candidatures
est tout simplement irréalisable. Dès lors, le Réseau des tables propose que
chaque région administrative dispose d'un minimum de deux sièges de
compensation.
De surcroît, puisque notre regroupement
documente depuis maintes années les obstacles auxquels se heurtent les femmes
en politique, nous savons que plusieurs d'entre elles affirment vouloir faire
de la politique autrement. Cette autre politique s'incarne notamment dans des
partis émergents qui, à toutes fins pratiques, seraient exclus de l'Assemblée
nationale en raison du seuil de 10 % proposé dans le projet de loi. Ces
femmes se présentant sous la bannière de ces partis se retrouveraient donc
elles aussi exclues de cette instance. C'est pourquoi le Réseau des tables
propose que le seuil minimal d'attribution des sièges de compensation soit fixé
à 3 % des votes valides exprimés à l'échelle du Québec.
En troisième lieu, nous rappelons que la
société québécoise s'est maintes fois positionnée en faveur d'un changement du
système électoral. De ce fait, nous affirmons qu'un référendum portant sur un
nouveau mode de scrutin ne nous apparaît pas nécessaire. En outre, nous croyons
que l'échéancier référendaire mis de l'avant ne favorisera pas un exercice de
réflexion démocratique éclairé sur le mode de scrutin.
Mme Crevier (Linda) : En
conclusion, le gouvernement a toutes les données et les analyses en main pour
mettre en place un mode de scrutin respectueux des principes de reflet de la
volonté populaire de représentation paritaire et diversifiée, de pluralisme
politique et de représentation adéquate des régions. Il a l'occasion de
démontrer qu'au contraire des gouvernements qui l'ont précédé il priorise
l'intérêt de l'ensemble de la population québécoise à celui de son parti et
qu'il n'a pas peur d'effectuer une réforme ambitieuse et vitale pour la santé
démocratique au Québec. En définitive, cette réforme se doit d'être égalitaire
et équitable pour toutes les femmes, sinon elle ne fera que réaffirmer un déni
de justice historique. C'est pourquoi il est crucial de bonifier la proposition
gouvernementale avec les mesures susmentionnées, basé sur l'expertise de notre
regroupement en condition féminine et en soutien à l'action des femmes au
pouvoir.
À la suite de la mise en oeuvre de cette
réforme, le Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec
soutient qu'il importerait de recourir à l'analyse différenciée selon les sexes
afin d'effectuer l'évaluation du mode de scrutin. Nous invitons d'ailleurs le
gouvernement à bonifier cet instrument de gouvernance reconnu depuis 1995 en y
intégrant une perspective intersectionnelle afin d'évaluer les répercussions du
mode de scrutin sur les femmes et les hommes d'horizons divers en tenant compte
du genre et d'autres facteurs identitaires tels que l'âge, les handicaps,
l'orientation sexuelle, l'orientation ethnique et le revenu.
Nous vous remercions pour cette
opportunité de porter les voix des femmes des régions. Il est maintenant le
temps de passer à l'action pour réellement affirmer qu'au Québec nous voulons
une société égalitaire.
Le Président (M. Bachand) :
Merci infiniment de votre présentation. Période d'échange qui va débuter,
maintenant, avec Mme la ministre, pour une période de
15 min 15 s. Mme la ministre.
Mme LeBel : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci de votre présence, merci de
votre témoignage et merci, surtout, de <votre mémoire, qui...
Mme Crevier (Linda) :
...
le temps de passer à l'action pour réellement affirmer qu'au Québec
nous voulons une société égalitaire.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci infiniment de votre présentation.
Période d'échange qui va débuter, maintenant, avec Mme la ministre, pour une
période de 15 min 15 s. Mme la ministre.
Mme LeBel : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci de votre présence, merci de
votre témoignage et merci, surtout, de >votre mémoire, qui est quand
même très bien étoffé, assez complet, surtout sur les enjeux qui vous
préoccupent le plus. Vous avez abordé pas mal tous les sujets dans votre
mémoire, mais peut-être que je vais en mettre en lumière quelques-uns pour fins
de compléter un peu votre argumentaire et nous éclairer davantage.
Votre regroupement regroupe 17 tables
régionales, si je ne me trompe pas, donc je comprends que… une table par région
administrative actuelle? Parfait. Vous avez également indiqué, dans votre
mémoire, que, bien que ce ne soit pas la position traditionnelle ou historique
de la CSQ, la répartition de 80 sièges de circonscription et de 40 sièges
régionaux vous apparaissait quand même...
Une voix
: ...
Mme LeBel : Je ne suis
pas à la bonne page? Non, je ne suis pas à la bonne page, pantoute, excusez-moi.
Oui, non, j'étais dans la… J'ai passé... Qu'est-ce que vous pensez de la... Ma
question, je l'avais... Mais qu'est-ce que vous pensez de la répartition? Parce
que vous mentionnez que, pour des questions de proportionnalité… Je comprends
parfaitement bien l'argumentaire de la proportionnalité et de la représentation,
c'est-à-dire que l'objectif d'un nouveau mode de scrutin est d'avoir,
naturellement, une représentation plus proportionnelle à l'Assemblée nationale.
Effectivement, compte tenu de certains choix qui ont été faits de garder
l'identité régionale, de préserver l'identité régionale, qui est très chère aux
gens puis qui doit sûrement vous être véhiculée par vos 17 tables régionales,
on a choisi de garder les 17 régions administratives. Il y a nécessairement… On
l'a dit d'entrée de jeu et on ne s'en cache pas, chaque élément où on fait des
choix, où on fait le choix de mettre de l'avant un principe plutôt qu'un autre
a nécessairement un effet sur les autres principes. Ce sont tous des vases
communicants. Vous prônez la diminution des régions administratives pour avoir
une meilleure représentativité à l'intérieur des régions ou d'avoir moins de
régions? Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus?
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) :
En fait, on ne propose pas... notre proposition ne va pas dans le sens de
réduire le nombre de régions. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on croit que chaque
région administrative doit avoir un minimum de deux sièges de compensation pour
que chaque région puisse avoir accès à la proportionnalité, à ce que soit
exprimé le pluralisme politique des électeurs et des électrices de chacune de
ces régions.
Mme LeBel : ...nécessairement
soit une diminution du nombre de régions administratives ou une augmentation du
nombre d'élus à l'Assemblée nationale. Je veux dire, avez-vous anticipé l'effet
de ça? Parce que nous, on garantit des sièges, dans le projet de loi, on
garantit un siège de circonscription et un minimum d'un siège de région par
circonscription, à l'exception d'Ungava. Donc, on a une certaine garantie. Cette
garantie-là a des conséquences sur d'autres aspects, c'est-à-dire que, on l'a
vu dans les journaux, ça fait en sorte que certaines régions perdent des
sièges. Donc, avez-vous envisagé les conséquences? Parce que ce sont des vases
communicants. Nous essayons de trouver le mode de scrutin qui va rallier le
consensus le plus large possible, parce que l'objectif est qu'il soit accepté
et qu'il passe, ultimement, tous les tests, donc celui de l'Assemblée et, plus
tard, celui du référendum. Il y a des choix à faire. Il y a des choix à faire. Naturellement,
certains choix affectent l'indice de proportionnalité, nous en sommes
conscients, et c'est pour ça qu'on discute avec les groupes. On est en
consultations pour trouver la meilleure zone possible mais acceptable aussi par
le plus grand nombre de gens possible pour se donner la chance de franchir ce
pas historique, je pense, pour la société québécoise. Alors, avez-vous anticipé
l'effet que ça aurait? Et avez-vous discuté avec vos 17 tables régionales de
l'effet que ça aurait? Parce qu'il va y avoir un effet. Le principe que vous
mettez de l'avant est fort louable et théoriquement vrai, mais on ne vit pas
juste dans la théorie, on vit dans la pratique. Donc, je voulais voir si vous
aviez discuté des effets et anticipé les effets de ça et quelle était la
réaction de vos membres, surtout.
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Bien, ça a donné lieu à une discussion très riche, chacune avait son mot à dire
sur la question. On est conscientes des conséquences qu'il pourrait y avoir
pour certaines régions. On est surtout conscientes qu'il pourrait y avoir des
conséquences positives ou des gains pour d'autres régions puis qu'au Québec,
oui, l'objectif d'une réforme du mode de scrutin est d'être plus proportionnel,
mais c'est aussi, pour nous, une occasion d'être plus égalitaire, plus
diversifié, et donc d'atteindre un pluralisme politique. Et, sur ce, nos 17
membres des 17 régions administratives étaient d'accord que l'objectif qu'on
poursuivait avec nos propositions était d'avoir une société plus égalitaire,
plus diversifiée. Donc, pour nous, le fait d'avoir plus… d'avoir deux sièges de
compensation par région venait à assurer un pluralisme politique qui convenait
à l'ensemble de nos membres.
Mme LeBel : O.K. Ce qui
m'amène au seuil de 3 %, qui est un peu interrelié avec cette même notion
de pluralisme politique, vous l'avez dit, on en a discuté, quand même, avec
plusieurs groupes, hier, qui nous... Bon, le seuil, présentement, de discussion
est <fixé à 10 %...
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
...
par région venait à assurer un pluralisme politique qui convenait à
l'ensemble de nos membres.
Mme LeBel : O.K. Ce
qui m'amène au seuil de 3 %, qui est un peu interrelié avec cette même
notion de pluralisme politique, vous l'avez dit, on en a discuté, quand même,
avec plusieurs groupes, hier, qui nous... bon, le seuil, présentement, de
discussion est >fixé à 10 %, mais une discussion est ouverte sur ce
sujet-là. Certains nous ont proposé des seuils, bon, de 5 %, d'autres de
2 %. Alors, pourquoi vous avez fixé à 3 %? Et qu'est-ce qui fait
que... La majorité ont dit 5 %, même, d'ailleurs, hier, pour diverses raisons.
Mais qu'est-ce qui fait que vous avez choisi le nombre de 3 %? Pourquoi
3 %, dans votre cas?
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) :
Bien, je pense qu'on partage avec toutes ces organisations-là que le seuil de
10 % nous apparaît trop élevé, est un trop grand frein au pluralisme
politique. On a choisi 3 %, c'est le cas du Mouvement Démocratie nouvelle
aussi, on estime que c'est un seuil adéquat pour vraiment permettre...
Mme LeBel : 5 % serait
également adéquat, selon votre évaluation.
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
En fait, le plus important pour nous, c'est que plus le seuil est élevé, moins
les résultats sont proportionnels, puis ça, c'est le DGEQ qui l'a dit dans un
rapport en 2007. Donc, pour nous, 3 %, ça nous amène à atteindre notre
objectif de pluralisme politique puis de refléter la volonté populaire. Si le
seuil est un frein, on n'aura pas le pluralisme politique. Donc, 10 %,
pour nous, c'est trop; 3 %, c'est notre idéal, ça nous apparaît plus
adéquat; 5 %, c'est la mesure mitoyenne.
Mme LeBel : Merci.
Parlons de la double candidature un peu. Vous l'avez mentionné au passage,
mais, même si ce n'est pas un élément qui est central à la notion de
proportionnalité, on s'entend que ça n'a pas d'effet sur la proportionnalité
nécessairement. Qu'est-ce que vous avez… Peut-être nous en dire un peu plus. Et
pourquoi vous favorisez la double candidature?
Je dois vous dire que, dans mes
consultations préalables — parce que j'ai rencontré beaucoup de
personnes, et, dans certains mémoires, d'ailleurs, c'est soulevé — ressort
la notion de cohabitation d'élus, comment on va organiser les gens qui sont
élus par le mode de scrutin traditionnel, c'est-à-dire à travers la porte de la
circonscription, et ceux qui accèdent à l'Assemblée nationale à travers la
porte des listes, pour le dire comme ça. Une fois assis à l'Assemblée
nationale, ce sont tous des députés dûment élus et légitimement élus, avec la
même légitimité — moi, j'y crois — avec les mêmes
fonctions, avec la même autorité. Mais certains craignent la cohabitation et,
entre autres, je m'explique, le fait qu'un député de circonscription qui se
retrouverait à la fois sur la liste pourrait théoriquement avoir été battu dans
la circonscription, c'est-à-dire ne pas avoir été choisi par les gens, et se
retrouver, par le biais de la redistribution, du calcul de redistribution, peu
importe qu'on la prenne nationale, régionale — peu importe, là, ce
n'est pas ça, mon propos — se retrouver à siéger dans la même région
que l'adversaire contre qui il a fait campagne, qu'ils se retrouvent donc à
travailler ensemble pour la même région, mais un ayant été battu et l'autre ayant
accédé par la liste. Donc, est-ce que vous y voyez, vous, peut-être, un enjeu? Et
pourquoi vous préconisez tout de même la double candidature malgré ces
arguments-là?
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) :
En fait, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on veut éviter qu'il y ait une hiérarchie
entre les deux types de députés que ce système créerait. Selon nous, le fait,
là, de permettre la double candidature, on l'a mentionné, c'est inscrit dans
notre mémoire, ça permettrait à des femmes qui… on l'a vu en 2018, ça a été
démontré, là, dans un article de Noémi Mercier, qu'elles sont plus nombreuses
dans les circonscriptions casse-gueule. Ça leur permettrait, disons, de... ça
nous permettrait de pallier à cet obstacle systémique auquel elles sont
confrontées.
Il y a aussi le fait que les personnes,
donc, qui seraient dans les... candidates, candidats dans les sièges de région
pourraient donc faire campagne, puisqu'ils se présenteraient également pour des
sièges de circonscription, donc feraient campagne, se feraient connaître par la
population, ce qui pourrait éviter, là, l'aspect où les gens disent que les
députés de sièges de région ne seraient pas connectés avec la population. Donc,
on estime que, pour ça, ça viendrait bonifier notre démocratie. Et puis on
estime que la population souhaite que les députés collaborent, et donc, dans ce
sens-là, on veut… même si des candidats s'opposent, bien, par la suite, ils
doivent, pour représenter la population, travailler ensemble.
Mme LeBel : D'où le
changement de culture qui sera nécessaire, par contre.
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) :
Voilà. D'où faire la politique autrement.
Mme LeBel : Je pense que
c'est un des éléments clés d'une réforme du mode de scrutin tel qu'on le
propose, c'est d'avoir une mentalité, une façon de faire différente dans le
futur. Merci.
Parlons, bon, de la parité, naturellement,
qui est un des éléments qui vous tient le plus à coeur... pas le plus, mais un
des éléments qui vous tient très à coeur. Vous nous suggérez... Bon, on parle
des listes, de l'alternance sur les listes, ça revient dans plusieurs
discussions qu'on a eues dans la journée d'hier. Vous introduisez, par contre,
un seuil minimal de 40 % de candidatures au niveau des sièges de <circonscription...
Mme LeBel : ...
un
des éléments qui vous tient le plus à coeur... pas le plus, mais un des
éléments qui vous tient très à coeur. Vous nous suggérez... Bon, on parle des
listes, de l'alternance sur les listes, ça revient dans plusieurs discussions
qu'on a eues dans la journée d'hier. Vous introduisez, par contre, un seuil
minimal de 40 % de candidatures au niveau des sièges de >circonscription.
Par rapport aux listes, on l'a vu hier, on avait, bon, le rejet de la liste,
qui pourrait être la conséquence ultime, c'est-à-dire, tant qu'elle n'est pas
conforme, naturellement, on permettrait aux partis politiques, théoriquement,
dans la discussion qu'on a eue hier… et je mets ça sur la table pour fins de
réflexion, on verra ce qu'on fera avec ça plus tard, mais on pourrait permettre
aux partis d'adapter leurs listes jusqu'à ce qu'elles soient jugées conformes.
Naturellement, il y a toujours une date limite à tout ça.
Mais, en matière de circonscriptions,
députés de circonscription, on le sait, la plupart ou la majorité des collègues
sont dans des partis politiques où on fonctionne avec un autre palier de démocratie,
qui est l'investiture. Donc, comment peut-on leur permettre de garantir ça? Et
quelle serait la conséquence de ne pas respecter 40 %? Parce qu'à toute obligation
prend une conséquence. Donc, quelle serait la conséquence? Et comment vous
proposez que ça ne devienne pas un obstacle? Parce qu'il faut quand même... Je
suis pour des mesures les plus incitatives possible, mais, encore une fois, je
me dis, on ne vit pas dans la théorie, on vit dans le vrai monde, là. Il faut
les recruter, ces femmes-là, et les difficultés de recrutement ne sont pas quelque
chose qu'il faut ignorer, non plus, malgré la bonne volonté de tout le monde.
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Tout à fait. Bien, deux choses. La première, c'est pour ça qu'on prévoit... on
propose, dans notre mémoire, qu'il y ait des plans d'action qui soient associés
à chacune des mesures. Donc, via un plan d'action, il y aurait des mesures,
avec le soutien financier adéquat, pour réfléchir à ces questions. Puis on
pense aussi que le DGEQ a une part de travail à faire ou de réflexion pour
alimenter la prochaine loi qu'on va avoir. On peut imaginer une période, entre
le projet de loi puis l'adoption de la loi, où le DGEQ pourrait contribuer aux
réflexions.
Chose certaine, pour nous, l'alternance
femmes-hommes dans les listes régionales est une mesure positive pour corriger
une discrimination historique, une discrimination systémique historique. Après,
il faut trouver les bonnes mesures pour pallier à cette tendance. Est-ce que le
rejet de la liste est une option, pourrait être une option envisagée? On n'a
pas poussé nos réflexions plus loin sur le rejet.
Mme LeBel : ...liste, ça
me va, parce qu'il y a plusieurs options qui nous viennent en tête, et, sur la
liste, bon... théoriquement, au moment où on se parle, sur la liste, les partis
politiques risquent d'avoir plus de latitude. On verra les statuts de chacun,
puis je ne veux pas me mêler de ça, mais théoriquement. Mais, en matière de
circonscriptions, je voulais voir, qu'est-ce que vous... Est-ce que c'est le
rejet de la candidature? Et de quelle candidature? Parce que, s'ils atteignent
30%, 70 % des hommes, quelles candidatures, quelles circonscriptions,
quels rejets, qui on rejette? Je veux dire... Et là on entre tous dans le droit
de se présenter, le droit d'association. Je veux juste qu'on... Je veux qu'on
soit clairs, je suis pour la parité, naturellement, je veux dire, et c'est une
des raisons, probablement, pour lesquelles je suis assise ici, mais il faut que
ce soit faisable. Donc, je voulais juste voir par rapport aux circonscriptions,
mais je comprends que la réflexion est à pousser puis je respecte ça.
C'est parce que je veux juste vous amener,
peut-être, sur un autre point, où vous, vous parlez qu'à compter de 40 %
d'élues il y ait une bonification financière accordée aux partis politiques.
Là, on entre dans un domaine beaucoup plus délicat, parce que l'élection d'un
candidat, c'est le choix des citoyens. Et j'y vois une certaine... même si c'est
noble, et je trouve ça extrêmement louable, j'y vois une certaine forme
d'iniquité pour les partis qui auront fait tous les efforts, auront présenté
votre 40 % de candidatures, auront fait l'alternance sur les listes mais
n'auront pas atteint, pour toutes sortes de raisons, le 40 % d'élues que
vous préconisez. N'y voyez-vous pas une forme d'iniquité pour les partis qui
auront fait l'exercice et...
• (10 heures) •
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Non, nous, on n'y voit pas une forme d'iniquité, c'est plutôt une façon de
renforcer les efforts vers l'égalité. Puis on pense que, quand le système va
être inclusif, quand le système va être à la lumière... à l'image des citoyennes
du Québec, on pense qu'il va… on émet l'hypothèse qu'il va y avoir plus de
candidates qui vont se présenter au sein des partis. L'idée est de changer le système.
Le système, actuellement, ne permet pas d'assurer une représentativité, une
parité. On ne s'y retrouve pas, en tant que citoyennes. Il n'y a pas de femmes
en situation de handicap visible, ou peu, ou très peu, il y a peu de femmes
racisées, il y a peu de femmes... Il y a peu de mesures, aussi, pour
conciliation famille-implication parlementaire. Toutes ces mesures... L'absence
de ces mesures-là fait en sorte qu'il n'y a pas... on n'atteint... Comment on
peut s'assurer qu'à long terme on va atteindre une zone de parité au Québec?
L'idée est de changer systématiquement la Loi électorale pour corriger ces
inégalités qui sont historiques.
Donc, pour nous, les bonifications
financières viseraient à renforcer les efforts des partis, et, des femmes,
comme je le répète, on émet l'hypothèse qu'il y en aura, au sein des partis.
L'idée est de... Puis on peut, encore là, imaginer <une période...
>
10 h (version révisée)
< Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
...de changer systématiquement la
Loi électorale pour corriger ces
inégalités qui sont historiques.
Donc, pour nous, les bonifications
financières viseraient à renforcer les efforts des partis, et, des femmes, comme
je le répète, on émet l'hypothèse qu'il y en aura, au sein des partis. L'idée
est de... Puis on peut, encore là, imaginer >une période où il y aurait
ces bonifications financières là, puis après elles pourraient s'estomper au fur
et à mesure du temps avec une évaluation, d'où l'idée d'un plan d'action qui a
des mesures, du soutien financier, une évaluation qui est prévue. C'est quelque
chose de majeur que vous proposez comme projet de loi. L'idée, c'est aussi de
se donner les moyens de le mener à terme et à long terme.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je me tourne maintenant vers l'opposition
officielle pour une période de 10 min 10 s. M. le député de LaFontaine,
s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Bienvenue. Bon matin, mesdames. Merci de participer
à la discussion dans le contexte du projet de loi n° 39.
Je vais aborder deux sujets puis je
voudrai absolument laisser du temps à ma collègue, M. le Président, avec votre
permission, pour poursuivre sur les mesures de parité et comment on peut
atteindre ces objectifs extrêmement importants. Mes deux points seront, d'abord,
sur le référendum et, le second, sur la proportionnelle à deux vitesses qui est
initiée par ce projet de loi là tel que rédigé.
Référendum. L'entente signée par le premier
ministre en mai 2018 ne parlait pas de référendum. L'entente — puis je
vous vois acquiescer — prévoyait que la dernière élection, c'était
l'esprit. Certains vont vous dire : Ah! on va vous plaider la lettre, mais
l'esprit était clairement que l'engagement qui avait été signé par le premier
ministre était à l'effet que les dernières élections sous l'actuel système
électoral, c'étaient celles de 2018, puis, en 2022, ce serait sur le nouveau
proportionnel mixte, en ce sens-là. Donc, il y a eu volte-face du premier
ministre et il y aura un référendum. C'est ce qui est prévu.
Donc, de un, vous le déplorez, vous dites :
Il n'y a pas besoin de référendum, qu'on respecte l'entente. Ce n'est pas la
situation, ça ne sera pas le cas. Deuxième élément aussi, et je vous cite, page 18 :
«...la tenue d'élections générales et référendaires simultanées ne favorisant
pas un exercice de réflexion démocratique éclairée sur le mode de scrutin.»
J'aimerais vous entendre là-dessus pour que... Et ça, là, à l'heure actuelle,
là, c'est unanime, là. On me détrompera, là, mais vous êtes le 10e groupe
qu'on entend, c'est unanime à l'effet qu'on ne peut pas tenir un référendum en
même temps qu'une élection. J'aimerais vous entendre là-dessus. Pourquoi ça ne
tient pas la route?
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Ça ne tient pas la route parce que ça fait 50 ans que la société
québécoise réfléchit puis s'est positionnée en faveur d'un changement du
système électoral. Depuis 1970, il y a eu sept consultations parlementaires ou
paragouvernementales qui ont eu lieu. De tous ces processus-là, il est ressorti
six rapports officiels, donc incluant celui de 2008 du DGEQ, qui, tous,
concluaient à la nécessité de remplacement du mode actuel. Donc, on ne voit pas
pourquoi il faudrait encore une fois aller en... bien, encore une fois aller en
référendum, mais tenir un référendum sur cette question-là, alors que la société
québécoise s'est déjà penchée sur la question.
Puis aussi les provinces qui ont tenu des
référendums n'avaient pas emprunté tout le parcours qu'on a là, actuellement,
ni ne disposaient d'un historique aussi long. Pour nous, il est important de
respecter les processus citoyens démocratiques qui ont déjà eu lieu par le
passé, donc depuis 1970, et auxquels ont largement participé la population, la
société civile, les groupes de femmes. Donc, pour nous, il n'est plus question
de répéter des choses qui ont déjà été faites, il faut maintenant passer à
l'action.
M. Tanguay
: Sur
l'aspect de tenir une campagne électorale en même temps qu'un référendum, vous
dites que ce n'est pas une bonne réflexion démocratique. En quoi ce n'est pas
un bon exercice démocratique de faire les deux en même temps?
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Bien, parce qu'il y aura... il y a plusieurs enjeux qui sont traités dans le
cadre d'une élection, donc d'ajouter en plus un référendum avec autant
d'articles, autant de dispositions, il y aurait là toute une éducation
populaire à faire qui, un, a déjà été faite puis, deux, les gens... ça pourrait
apporter de la confusion. Et donc on aurait une réforme du mode de scrutin qui
n'aurait pas lieu, et donc on n'aurait pas la parité non plus… qui serait pour
les prochaines élections. Pour nous aussi, la parité n'est pas un enjeu à
mettre dans un référendum.
M. Tanguay
: Ah! tout
à fait. Et ça, ça a déjà été dit, effectivement. Ça a déjà été dit, vous y
faites écho. Effectivement, il y aurait moyen... Ça a même été proposé hier par
le groupe femmes et démocratie, à l'effet de dire : Bien, faites en sorte
qu'à tout le moins il y ait un plan A, c'est que l'on fasse des mesures
impératives pour la parité pour ce qui est des candidatures et, le cas échéant,
des femmes élues, mais sortez ça de la réforme du mode de scrutin et faites en
sorte, puisqu'on travaille sur la Loi électorale qui est ouverte devant nous, que
ça soit mis en place indépendamment du mode de scrutin et indépendamment du
référendum. S'il devait... Donc, je veux... Vous ne l'abordez pas directement,
mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Si d'aventure il y a un référendum, évidemment,
vous dites : Ne le faites pas en même temps que l'élection. Vous n'avez peut-être
pas verbalisé cette approche-là, mais je prends pour acquis que, vous, s'il y a
un référendum, à ce moment-là, vous le voudriez <avant...
M. Tanguay
:
...référendum,
évidemment, vous dites : Ne le faites pas en même
temps que l'élection. Vous n'avez
peut-être pas verbalisé cette
approche-là, mais je prends pour acquis que, vous,
s'il y a un
référendum, à ce moment-là, vous le voudriez >avant l'élection générale
et non pas après, l'autre bord des élections, parce que, là, il est clair que,
là, on retarderait le processus de mise en place, là. C'est ce que je
comprends, même si ce n'est pas rédigé dans votre mémoire.
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Bien, dans le fond, notre proposition qui irait dans ce sens-là, c'est que la
campagne du scrutin référendaire ne chevauche pas une élection générale, donc
idéalement avant, surtout dans le cadre d'un mandat du gouvernement actuel.
M. Tanguay
: Et le
scénario où ce serait après, là, vous, là, c'est le pire des scénarios. Je veux
dire, après le référendum, pour la mise en application après les élections de
2022, pour vous, ce serait le pire des scénarios. J'en déduis cela, là.
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Parce que le pire des scénarios, ça serait de rester avec le système qu'on a
actuellement, et donc après, ça ne serait vraiment pas souhaitable, considérant
tous les efforts qu'on a mis, à court terme, pour participer à cette
consultation, notamment.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup. Page 16 de votre mémoire, vous dites : «...quatre
régions n'auraient qu'un seul siège de compensation et une région n'en aurait
aucun.» C'est ce qui vous fait dire qu'il s'agit d'une proportionnelle... le
projet de loi n° 39, c'est une «proportionnelle à deux vitesses», cinq
régions n'auront pas véritablement accès à un système électoral proportionnel
mixte. Et là j'aimerais vous entendre là-dessus. Donc, il y aura
17 régions administratives. Vous soulevez qu'il y a des régions qui vont
être pénalisées en termes de poids représentatif. Deux choses l'une, est-ce
qu'on diminue le nombre de régions ou est-ce qu'on augmente le nombre de
députés? Et ça, vous allez me permettre… Puis je veux laisser du temps à ma
collègue, là. Ça, là, on touche au coeur d'un grief fondamental qui fait en
sorte que, pour nous, nous disons que ça ne tient pas la route. Il faut avoir
la politique et les systèmes électoraux de sa géographie.
On va souvent citer l'Écosse, l'Écosse qui
rentre 20 fois dans le Québec et qui a 129 députés. Une fois qu'on a
dit ça, ça peut marcher en Écosse, mais ça marche difficilement au Québec, où
on est 20 fois plus gros que l'Écosse et on a moins de députés. Une fois
que j'ai dit ça, ça, c'est mon argument, ce n'est pas le vôtre, je ne mets
pas des mots dans la bouche, mais vous avez ciblé là une proportionnelle à deux
vitesses, vous le verbalisez en ce sens-là, où vous dites : Bien, ça ne
tient pas la route, là, il faut faire quelque chose, là.
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) :
Donc, effectivement, on estime que, pour l'instant, dans les mesures proposées,
ce n'est pas toutes les régions, là, qui ont le même accès à la
proportionnalité. Cela dit, nous, on souhaite qu'il y ait l'élément proportionnel
et qu'il soit implanté dans chaque région, puis on estime qu'avec au moins un
minimum de deux sièges de compensation par région on peut exprimer le
pluralisme politique. Mais rappelons-nous, nous voulons également que chaque
région ait accès aux mesures qui permettent, là, d'accéder à la parité
femmes-hommes, donc que chaque région puisse avoir l'alternance femmes-hommes
sur les listes régionales de parti.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, pour 2 min 40 s.
Mme Robitaille :
2 min 40 s, O.K. Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci,
mesdames, d'être ici aujourd'hui.
Écoutez, je veux juste faire un petit
«wrap-up», justement, sur la parité. Quand on regarde le projet de loi, en fait,
on parle de parité, grosso modo, à deux endroits, puis on répète la même chose
à l'avant-dernier paragraphe du préambule et puis à l'article 259.0.4, qui,
en fait, dit que les partis politiques devraient se donner des objectifs de
parité et les énoncer au Directeur général des élections mais sans devoir
prendre aucun engagement.
Vous, vous regardez ça puis vous nous
dites : Bien, est-ce que ce n'est pas juste cosmétique? On l'a entendu
plus tôt, d'autres groupes de femmes nous ont dit : C'est très, très timide.
Vous, vous allez plus loin, vous nous dites : «Or, nous constatons que le gouvernement
a manqué l'occasion d'envoyer un signal fort en faveur de l'égalité entre les [hommes]
et les [femmes].» Vous êtes déçues de ce projet de loi là en termes de parité?
Mme Crevier (Linda) : Bien
sûr, parce que ça fait... comme on expliquait, l'historique démontre que la
parité n'est pas là. En 2018, quelque chose est arrivé, donc c'est 42 %,
on le félicite, mais est-ce qu'on va maintenir ça? Le fait que ça a fonctionné…
Il faut assurer qu'on ne fait pas de recul, qu'on avance, qu'on aille vraiment
pour une vraie égalité. Dans la société, quand on travaille, on doit, justement,
rendre compte. Il y a des façons de faire, d'avoir des plans d'action et des
façons de suivre l'évolution de ça. Il y a d'autres pays qui sont dans ce
processus-là, qui ont fait des réussites, justement, à copier, donc c'est
possible. C'est sûr qu'on voudrait vraiment avoir quelque chose de plus dans la
loi.
• (10 h 10) •
Mme Robitaille : Vous
nous dites : Plus structurant, incitatif, hein, pour avoir entre 40 %
et 60 %, très important, mais vous allez <encore plus loin...
Mme Crevier (Linda) :
...
sont dans ce processus-là, qui ont fait des réussites, justement, à
copier, donc c'est possible. C'est sûr qu'on voudrait vraiment avoir quelque
chose de plus dans la loi.
Mme Robitaille : Vous
nous dites : Plus structurant, incitatif, hein, pour avoir entre 40 %
et 60 %, très important, mais vous allez >encore plus loin. On en a
parlé hier, le Conseil du statut de la femme avait des positions un peu
différentes là-dessus, mais vous nous dites : On devrait carrément
donner... vous en parliez à la ministre tout à l'heure, aller... en tout cas,
inciter, donner certain... En tout cas, comment vous disiez ça, bonifier
financièrement les partis qui ont 40 % de plus d'élues, de femmes?
Pourquoi aller aussi loin? Pourquoi aller plus loin que l'exercice
démocratique, en fait, serrer la vis, d'une certaine façon?
Le Président (M. Bachand) :
Malheureusement, tout le temps a été fait, est passé. Là, le député de Gouin a
la parole. M. le député de Gouin, pour 2 min 32 s.
M. Nadeau-Dubois : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames, merci d'être ici avec nous
aujourd'hui. J'ai peu de temps, je vais aller directement à ma question. Vous
proposez des mesures d'alternance pour les listes — on est bien
d'accord avec vous là-dessus — des mesures incitatives et aussi des
mesures punitives pour ce qui est des candidatures en circonscription. Mais
votre première proposition, c'est d'inscrire la parité dans la Loi électorale pour
lancer un message politique. J'aimerais que vous nous parliez de cette première
recommandation là. Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Puis surtout quelle
forme ça pourrait prendre, concrètement, dans le projet de loi?
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Bien, en fait, concrètement, ça sera des mesures structurelles contraignantes,
incitatives, parce que, si... On veut inscrire la parité dans la loi parce
qu'au Québec les femmes font toujours face à des discriminations systémiques :
il y a des inégalités persistantes qui demeurent, il y a des obstacles
systémiques, par exemple la socialisation sexiste, le poids inégal des
responsabilités domestiques, familiales ou de proche aidance, il y a un
financement d'investiture inaccessible pour plusieurs, il y a des difficultés
d'accès à des circonscriptions gagnables, il y a des traitements médiatiques
inégaux, il y a des réseaux sociaux insuffisants. Donc, voilà tous des exemples
de discrimination systémique. Donc, quand il y a un système qu'il faut changer,
il faut qu'on ait une loi, il faut qu'on ait des mesures qui nous permettent
d'aller à la source du problème et, pour ce faire, il faut que la parité soit
inscrite dûment dans la loi.
M. Nadeau-Dubois : Votre 12e recommandation,
c'est de s'assurer qu'il y ait un minimum de deux sièges de compensation par
région. Si pour atteindre... si pour remplir cette recommandation-là, si pour
la satisfaire, il fallait augmenter le nombre de députés, disons, au total, à
l'Assemblée nationale du Québec, est-ce que, pour vous, il y aura un problème?
Est-ce que vous avez un problème avec ça ou est-ce que… En fait, est-ce que
vous en avez parlé avec vos membres? Est-ce que c'est quelque chose que vous
êtes prêtes à envisager?
Mme Crevier (Linda) :
Les discussions, ce que je me souviens, c'est qu'on est à l'aise avec ça si on
était, justement, pour être capables de répondre aux besoins de la population
puis atteindre la parité.
M. Nadeau-Dubois : Donc,
pour vous, ce n'est pas un problème qu'il y ait, disons, 127, 128, 129 élus
plutôt que 125?
Mme Crevier (Linda) : Non.
M. Nadeau-Dubois : Parfait.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Bonjour.
C'était un peu ma question, parce qu'effectivement — moi, je viens du
Bas-du-Fleuve — si on rajoute un député de plus, même chose en
Gaspésie, au bout de la ligne, c'est certain que ça va augmenter le nombre de
députés. Il ne faudrait pas aller chercher des députés de liste ailleurs pour
les amener dans le Bas-Saint-Laurent. Ce n'était pas ça, votre idée?
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
L'idée qu'on promeut, c'est le pluralisme politique. L'idée, c'est que les
régions aient accès à la proportionnelle.
M. LeBel : Non, je
comprends, mais, si... Je m'excuse, mais parce que, si on demeure à 125 députés,
c'est sûr que, si je veux avoir un député de plus dans le Bas-du-Fleuve, il
faut que j'aille le chercher ailleurs. Et l'idée, ce n'est pas d'enlever
ailleurs, c'est de s'assurer qu'il y ait un pluralisme, et, pour ça, il faudra
augmenter le nombre de députés. On ne sera pas capables de passer à travers
autrement.
Le référendum, je veux juste revenir là-dessus.
C'est certain que tout ça, c'est un changement de culture énorme, là. Les circonscriptions
vont être beaucoup plus grandes, les citoyens vont vouloir savoir comment ça
fonctionne. Tu sais, moi, chez nous, je le dis souvent, là, moi, je suis à Rimouski,
j'ai le Haut-Pays de la Neigette, mais là je vais rajouter toute la région des
Basques, Trois-Pistoles, la région du Témiscouata à ma circonscription. Les
gens vont vouloir savoir comment ça fonctionne. Une campagne référendaire
pourrait servir à ça, à expliquer comme il faut puis faire en sorte que le Oui
l'emporte. Et, pour ça, moi, comme député, j'ai un rôle à jouer, il va falloir
que j'y aille. Et là ce qu'on nous propose, c'est que les députés ne seraient
pas... ne feraient pas... ne pourraient pas faire partie d'une campagne
référendaire. Moi, il me semble qu'il faudrait un référendum, puis le chef du Oui
devrait être le premier ministre du Québec. À votre avis?
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
On n'a pas d'avis sur la question que le premier ministre devrait... quel rôle
le premier ministre devrait avoir. Toutefois, ce qu'on sait, c'est qu'une
campagne référendaire en même temps qu'une campagne électorale, ça va mener à
de la confusion, puis on ne va pas atteindre notre objectif de <proportionnalité...
M. LeBel : ...
devrait
être le premier ministre du Québec. À votre avis?
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
On n'a pas d'avis sur la question que le premier ministre devrait... quel rôle
le premier ministre devrait avoir. Toutefois, ce qu'on sait, c'est qu'une
campagne référendaire en même temps qu'une campagne électorale, ça va mener à
de la confusion, puis on ne va pas atteindre notre objectif de >proportionnalité
et de parité, de société égalitaire diversifiée, donc, pour nous, il faut que
ce soit distinct.
M. LeBel : Merci. Je
pense la même chose.
Le Président (M. Bachand) :
Ça va, M. le député, oui? Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Merci
beaucoup, mesdames. Votre présentation et votre mémoire sont très complets mais
aussi très clairs.
Je vais revenir sur la question de la
double candidature, parce que, présentement, ce n'est pas dans le projet de
loi, comme vous l'avez bien mentionné. Je considère que ça peut peut-être être
intéressant, justement, de l'étudier, voir si on peut l'ajouter. Toutefois,
vous avez spécifié que vous étiez en faveur de la double candidature,
notamment, bon, parce que ça va inciter davantage de femmes à se présenter, notamment
en limitant les barrières systémiques, et vous avez également évoqué la
question de la hiérarchisation des candidats. Mais, dans ce cas-là, est-ce que
vous croyez que ça devrait être une disposition obligatoire? Parce que, dès
lors qu'on le permet mais que ce n'est pas obligatoire, il demeure une certaine
possibilité de hiérarchiser les candidats. Est-ce que vous avez une position à
cet effet?
Mme Gosselin Pellerin (Audrey) :
Bien, je m'avancerais pour dire que non, on n'a pas de position. On croit que
la double candidature doit être permise.
Mme Fournier : Mais, si
ce n'est pas obligatoire, vous ne pensez pas que ça peut entraîner les mêmes
effets que vous craignez?
Mme Gauthier (Marie-Andrée) :
Ça pourrait. Tu sais, il y a là des réflexions, je pense, qu'on pourrait... que
le DGEQ pourrait mener. Je pense que... Mais est-ce que... Si elle était
obligatoire, je pense qu'on ne serait pas opposées à cette option.
Mme Fournier : O.K. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup de votre présence ce matin. C'est très apprécié.
Je vais suspendre les travaux quelques
instants pour demander au prochain groupe de prendre place. Et, avec
l'expérience qu'on a eue hier, parce que la commission est très populaire, je
vous demanderais de faire ça rapidement et, si possible, dans la plus grande
discipline et le silence, s'il vous plaît. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 10 h 17)
(Reprise à 10 h 19)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup. La commission reprend ses travaux.
Il me fait plaisir, maintenant,
d'accueillir les représentants de la Centrale des syndicats du Québec. Comme
vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et après ça on aura un
échange avec les membres de la commission. Encore une fois, bienvenue, et la
parole est à vous.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Mme Éthier (Sonia) :
Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission.
Alors, la CSQ est fière de participer à ce rendez-vous historique que constitue
cette commission parlementaire. Alors, à ma droite, je suis accompagnée de
M. Mario Beauchemin, qui est vice-président à la Centrale des syndicats du
Québec, à ma gauche, M. Matthieu Pelard, qui est conseiller à l'action
professionnelle, et moi-même, présidente de la Centrale des syndicats du
Québec.
Et, pour vous situer, la Centrale des
syndicats du Québec comporte 200 000 membres,
dont 125 000 proviennent
du secteur de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Et ce qui est
important de vous dire, c'est que nous représentons quand même 75 % de
femmes.
Alors, tout d'abord, on tient à souligner
cette démarche qui vise à modifier le mode de scrutin actuel. Puis ce qu'il est
important de dire, c'est que c'est pour... La raison fondamentale, c'est pour
que chaque voix compte. Ce n'est pas la première fois que la CSQ <réfléchit
à...
Mme Éthier
(Sonia) : ...
de femmes.
Alors, tout d'abord, on tient à
souligner cette démarche qui vise à modifier le mode de scrutin actuel. Puis ce
qu'il est important de dire, c'est que c'est pour... La raison fondamentale,
c'est pour que chaque voix compte. Ce n'est pas la première fois que la CSQ >réfléchit
à cette question. À trois reprises, on a préparé des mémoires — le
premier, c'est quand même en 1980 — et, à plusieurs reprises, on a
consulté nos membres, et, à chaque fois, les principes qui étaient importants
pour les gens, nos membres, sont les suivants, puis je pense que c'est
important que je vous les dise : instaurer un principe de votation simple,
réfléchir le plus possible... refléter la volonté populaire, viser la parité
entre les femmes et les hommes, favoriser l'équité de représentation pour les
minorités ethniques, accorder une voix politique aux Premières Nations,
traduire le pluralisme politique de la société québécoise et exprimer
l'importance des régions dans la réalité québécoise.
Donc, à la lumière de ces principes, vous
pouvez constater que le projet de loi ne répond que partiellement aux principes
que nous soutenons comme organisation. Et, en ce sens, on a 10 propositions
à soumettre au gouvernement pour modifier le projet de loi. Et la première des
choses, c'est qu'on veut vous exprimer notre déception à l'effet que le
gouvernement ait renié sa promesse concernant l'échéance de mise en vigueur du
nouveau mode de scrutin en 2022, et, pour nous, c'est un recul et c'est une
déception. Et, pour nous, ça serait important quand même que le gouvernement
regarde s'il y a toujours possibilité de tenir ce nouveau mode de scrutin en
2022 et à condition, évidemment, que le DGEQ puisse organiser le tout. Sinon,
on comprend que ce sera en 2026, mais c'est vraiment très loin.
Donc, sur la première question du projet
de loi qui nous soumet, comme idée, les 125 sièges répartis dans... et 96
sièges de circonscription, la position historique de la centrale, ça a toujours
été 127 sièges et ça constitue une proportion de 60 %-40 %
entre les sièges de circonscription et les sièges de compensation. Donc, c'est
légèrement différent et ça pose peut-être quelques problèmes, comme on nous
a... qu'on a entendus, là, lors des interventions précédentes.
Et, sur la question de la parité, prévue
aux articles 259.0.4 et aussi dans les considérants du projet de loi, ça
ne permet pas d'avancer sur la voie de l'égalité de représentation à
l'Assemblée nationale. Et, pour nous, là, ce sont des voeux pieux, et ça n'oblige
en rien les partis d'assurer la parité entre les femmes et les hommes, et, pour
nous, c'est cosmétique. Donc, on a deux recommandations, que vous trouvez aux
pages 6 et 7 et qu'on a entendues des différents intervenantes et
intervenants précédents : la parité, donc l'alternance entre les femmes et
les hommes, que ce soit obligatoire et d'avoir un plan d'action obligatoire
pour mettre en oeuvre des mesures concrètes.
Et un autre principe important pour nous,
c'est celui de la représentation des peuples autochtones. Mais on croit que
cette question devrait être soulevée dans le projet de loi et qu'en ce sens il
leur revient de faire leurs propres propositions, et vous retrouvez une
recommandation dans notre mémoire.
Et, pour l'article 14, qui divise… la
question du territoire en 17 régions électorales, bien, pour nous, comme
pour les autres intervenants qui se sont exprimés sur cette question, à notre
avis, ça crée des distorsions au profit des partis les plus forts, donc, en
plus du deuxième bulletin qui aurait un effet moindre dans plusieurs régions. Pour
corriger cette lacune, comme bien d'autres intervenants, nous pensons qu'il
faudrait avoir un minimum de deux députés de compensation de liste par région
et de réduire le nombre de régions électorales à 14. Et je passe la parole à
mon collègue.
M. Beauchemin (Mario) :
Merci. Bonjour, tout le monde.
Selon nous, la méthode utilisée dans le projet
de loi n° 39 ne produit pas une pleine compensation. La méthode du gouvernement
du Québec exclut la moitié des sièges de circonscription obtenus. Le projet de
loi restreint ainsi la pluralité des représentations parlementaires des régions
en limitant la compensation pour les partis n'ayant pas remporté de
circonscription, favorisant ainsi, selon nous, les partis établis. C'est
pourquoi nous recommandons que soient abolies les primes aux vainqueurs
régionaux et que le calcul de la compensation dans chaque région se fasse en
tenant compte de toutes les circonscriptions locales emportées.
Par ailleurs, nous ne croyons pas non plus
que le seuil de 10 % soit nécessaire pour assurer plus de stabilité
gouvernementale. La plupart des pays ont un seuil variant entre 3 % et
5 %. Ce niveau permet l'établissement d'un compromis entre les objectifs
de pluralisme politique tout en limitant <l'émiettement de la...
M. Beauchemin (Mario) :
...
circonscriptions locales emportées.
Par ailleurs, nous ne croyons pas non
plus que le seuil de 10 % soit nécessaire pour assurer plus de stabilité
gouvernementale. La plupart des pays ont un seuil variant entre 3 % et
5 %. Ce niveau permet l'établissement d'un compromis entre les objectifs
de pluralisme politique tout en limitant >l'émiettement de la
représentation en de trop nombreuses formations politiques. Dans sa forme
actuelle, la proposition gouvernementale bloque l'accès à la représentation
parlementaire à des partis qui pourraient avoir un niveau d'appui populaire
national important. Donc, on exclurait des partis qui pourraient atteindre, là,
sur le plan national, des taux de 8 % et même 9 %, ce qui commence à
être assez important. Par ailleurs, nous croyons que le gouvernement a toute
la... Donc, évidemment, on propose — j'oubliais la recommandation — de
fixer un seuil national d'accès à la représentation parlementaire entre
2 % et 5 %.
Nous croyons par ailleurs que le
gouvernement a toute la légitimité nécessaire pour adopter cette loi sans la
tenue d'un référendum. En 2002, par exemple, pendant sept mois, le Comité
directeur des états généraux, sous le leadership de M. Claude Béland, a
rencontré plusieurs centaines de citoyens et de citoyennes un peu partout au
Québec. En 2003, le grand sommet des états généraux, qui a eu lieu au Centre
des congrès de Québec, a accueilli plus de 1 000 citoyens
et citoyennes. Et, à la fin de cette conférence, un verdict est tombé : ça
prend un scrutin de type proportionnel. Entre autres, en 2008, la direction
générale des élections du Québec concluait aussi à la nécessité de remplacer le
mode de scrutin actuel.
Comme d'autres intervenants et intervenantes
l'ont aussi dit, lors des dernières élections, 70 % des suffrages exprimés
sont issus des partis politiques signataires de l'entente transpartisane pour
la réforme du mode de scrutin. Et en 2019, un sondage réalisé par Léger
Marketing conclut que près de 70 % des Québécois et des Québécoises
tiennent à ce que le gouvernement respecte son engagement à réformer le mode de
scrutin.
Toutefois, si le gouvernement devait tout
de même tenir un référendum, nous recommandons que celui-ci ne se tienne pas pendant
la campagne électorale de 2022 et que le référendum se tienne à l'intérieur d'une
période de 12 mois après l'adoption de la loi à l'Assemblée nationale. En
tenant un référendum en même temps que les élections générales, les citoyens et
les citoyennes seront davantage préoccupés par les choix électoraux qu'ils
auront à faire, et, entre autres, les journalistes seront davantage accaparés
par la campagne électorale, parce que suivre deux campagnes avec des enjeux très,
très, très importants, c'est difficile, donc, à la fois pour les citoyens et
pour la couverture journalistique. Et je pense qu'il faut prendre le temps de
bien faire les choses et faire oeuvre de pédagogie. Je prendrais l'exemple de
la Colombie-Britannique, en 2005, où ils ont obtenu un résultat positif, même
si le seuil était établi à 60 %. Pendant un an, la population de cette
province a pu suivre, dans les médias et en direct, les travaux de l'assemblée
citoyenne, s'éduquer avec elle sur les différents modes de scrutin, soupeser
les options et se forger une opinion réellement informée. Nous pensons aussi
que, dans ce cadre-là, il faut permettre aux élus de l'Assemblée nationale
d'exercer un leadership pendant cette campagne référendaire.
À cet égard, nous recommandons que les membres
de l'Assemblée nationale, y compris les chefs de partis politiques, puissent
s'engager dans la campagne, et que le Directeur général des élections du Québec
fournisse à la population québécoise les informations et les outils nécessaires
à la compréhension de la loi sur la réforme du mode de scrutin dans le cadre du
référendum, et qu'il s'assure que la question soit formulée dans un langage
accessible. Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il vous plaît.
• (10 h 30) •
Mme LeBel : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Merci de votre présentation. Encore une fois, comme
tous les autres groupes précédents, je dois dire, c'est des présentations très
bien étoffées. On voit que chacun d'entre vous, y compris vous, avez bien
étudié les possibilités, les différentes modalités, ce qui a sûrement dû vous
amener à constater que, quand on parle d'un système de scrutin mixte
compensatoire, comme on préconise de le faire, chaque modalité influence une
autre, donc ce sont des vases communicants. On peut jouer dans le nombre de
régions, on peut jouer dans le nombre de compensations, on peut jouer dans la
formule, donc, on peut aller sur... on peut jouer dans le seuil. Quand je dis «jouer»,
ce n'est pas de façon péjorative, je veux dire, on peut ajuster ou augmenter,
diminuer, on peut... bon, et à chaque fois il va y avoir un effet sur plusieurs
principes qui sont mis de l'avant dans ce système-là.
Et je veux le répéter parce que je veux
que ce soit très clair que ce qu'on recherche de la partie gouvernementale, et avec
certains de mes collègues qui sont plus particulièrement en faveur,
c'est-à-dire Québec solidaire et le Parti québécois, sur le mode de scrutin, et
ma collègue, aussi, qui est ici, c'est de trouver un équilibre, un équilibre
entre tout ça. La représentativité régionale est extrêmement sensible et
importante. La stabilité gouvernementale n'est pas un principe non plus qu'il
faut négliger. On procède avec ce mode de scrutin là depuis de nombreuses
années, <hein? Le mode...
>
10 h 30 (version révisée)
<17847
Mme LeBel :
...c'est de trouver un équilibre, un équilibre entre tout ça. La
représentativité
régionale est extrêmement sensible et importante. La stabilité gouvernementale
n'est pas un principe non plus qu'il faut négliger. On procède avec ce mode de
scrutin là depuis de nombreuses années, >hein? Le mode de scrutin actuel,
il est, je pense... il n'est pas le champion, c'est peu dire, de la
proportionnalité, mais il a, à tout le moins, la qualité d'avoir... d'assurer
des gouvernements majoritaires dans la grande partie des élections, ce qui, à
mon sens, va être amené à changer parce qu'on a déjà plusieurs partis
politiques qui sont représentés à l'Assemblée nationale, outre le fait qu'on
est dans un mode traditionnel, un scrutin plus traditionnel.
Mais, si je dis ça d'entrée de jeu, c'est
parce qu'il y a des effets sur chacun des choix que, au final, on va être amenés
à faire, et chacun de ces choix-là sont faits en fonction d'un principe
particulier. La décision de franchir le Rubicon et de se diriger vers un mode
de scrutin compensatoire mixte, c'est d'avoir nécessairement l'objectif d'avoir
plus de proportionnalité. On n'atteindra pas la proportionnalité pure, je pense
que tout le monde en convient, mais c'est d'avoir plus de proportionnalité.
Dans les choix actuels qui ont été faits, on coupe de moitié la distorsion. Bon,
d'aucuns diront que ce n'est pas suffisant, mais nous coupons quand même de
moitié la distorsion.
Ça m'amène à vous amener sur un de vos
points sur... Mais je comprends aussi le principe de la pluralité politique. Je
comprends aussi le principe de l'équité interrégionale et de la
proportionnalité. Je le comprends. Certaines régions avec qui je discutais...
certains représentants de certaines régions étaient prêts, au nom de l'identité
régionale, de sacrifier un peu de proportionnalité, je peux vous le dire. Donc,
c'est ça, les principes s'affrontent constamment dans les choix, c'est ce que
je veux vous dire.
Si on veut atteindre une meilleure
proportionnalité ou une meilleure chance de pluralité politique pour les
régions, tel que vous le prônez, ce n'est pas sorcier, il y a trois
possibilités. Bien, peut-être pas juste trois, mais il y en a trois grandes qui
me viennent en tête : celle que vous préconisez, c'est-à-dire de diminuer
le nombre de régions à 14, il y a aussi l'augmentation du nombre de sièges à
l'Assemblée nationale, avec tout ce qui en découle, les budgets, l'argent
public, mettre en place... donc avec tout ce qui en découle, ou il y a une
redistribution du nombre de sièges différente, donc il risque d'y avoir des
régions telles que Montréal, la Montérégie, la Capitale-Nationale, entre
autres, des régions plus vastes ou plus nombreuses qui pourraient perdre des
sièges. Et déjà on le voit dans les calculs qui ont été faits avec les faits, bien,
Montréal, entre autres, pourrait perdre des sièges, la Montérégie aussi, mais c'est
le minimum, si on veut. On est allés, nous, au minimum de la redistribution
pour avoir un effet proportionnel, donc, tout étant une question d'équilibre.
Vous préconisez, vous, dans ce que...
j'allais dire «dans ces trois solutions-là», la diminution du nombre de
régions. Parfait. Je fonctionne comment et quelle région je sacrifie en termes
d'identité régionale?
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, écoutez, dans un premier temps, on n'a pas réfléchi à l'idée de dire
quelle région... bon, dans quelle région, là, ça, on n'est pas allés jusque-là.
Mais l'idée, c'est vraiment de dire, comme on l'a bien indiqué dans notre
mémoire : Pour essayer d'avoir le moins de disproportionnalité, on pense
que ce serait la meilleure solution.
Vous avez donné l'idée... les trois possibilités,
14 régions, augmenter le nombre de sièges, le budget, l'argent, oui, mais,
écoutez, je pense que les gens, les citoyennes, les citoyens, ce qu'ils
veulent, c'est du changement. Je pense que c'est important. On a eu des
sondages qui démontrent que, le mode de scrutin actuel, les gens en sont
insatisfaits, et je pense qu'il faut procéder à des changements. Et la question
de diminuer le nombre de régions est une avenue pour nous qui est correcte, là.
M. Pelard (Matthieu) :
J'ajouterais aussi qu'on comprend bien l'aspect «compromis» de manière à ne pas
rater le virage historique que le projet de loi que vous amenez, Mme la
ministre. Cependant, il est important que le compromis soit réalisé, et c'est
pour ça que, dans notre mémoire, on précisait qu'on était en accord avec la
répartition des 80 sièges de circonscription et des 45 sièges
régionaux. Cependant, le nombre de régions doit refléter le nombre d'électrices
et d'électeurs de manière à avoir une meilleure représentation à l'Assemblée
nationale et de représenter la diversité des opinions à l'intérieur du Québec.
La méthode de calcul que vous amenez...
certes, on a des effets de levier qui sont soit le nombre de régions ou la
compensation. Cependant, la méthode de calcul est difficilement compréhensible,
et de la clarté, de la facilité de compréhension est nécessaire pour croire
dans les institutions. C'est pour ça qu'on demande aussi une révision de la
méthode de calcul pour l'attribution des <sièges...
M. Pelard (Matthieu) :
...
certes, on a des effets de levier qui sont soit le nombre de régions
ou la compensation. Cependant, la méthode de calcul est difficilement
compréhensible, et de la clarté, de la facilité de compréhension est nécessaire
pour croire dans les institutions. C'est pour ça qu'on demande aussi une
révision de la méthode de calcul pour l'attribution >des sièges
compensatoires.
Mme LeBel : Parfait. Je
vous amène sur la question du référendum. Je sais que mon collègue d'en face va
le faire aussi, mais j'en profite quand même pour le faire. Outre le fait que,
pour vous, le référendum était une surprise, effectivement, et qu'on ne
prône... Vous ne prônez pas la tenue d'un référendum, pour moi, c'est bien
compris. Mais, dans l'éventualité où il y en aurait un, vous nous proposez de
ne pas le faire en même temps que la période électorale. Peut-être juste
élaborer sur les raisons pour lesquelles vous pensez qu'il ne devrait pas se
tenir en même temps que la période électorale, nous donner un peu plus de...
Quelles sont vos craintes ou quelles sont vos...
Parce que, dans plusieurs cas, je vais
vous le dire, hein, au Canada, ailleurs aussi, même en Nouvelle-Zélande, ça
s'est fait le... sur le mode de scrutin s'est fait pendant une période
électorale. Et les craintes qu'on ne remporte pas ou que les gens n'aient pas
une compréhension nécessaire pour voter correctement, bien, ça ne fut pas le
cas, là. En Nouvelle-Zélande, ils ont approuvé le changement de mode de scrutin
en même temps qu'une élection, et ça s'est fait aussi ailleurs. Donc, ce n'est
pas... Je veux juste être sûre. Quelles sont vos craintes? Et comment on peut y
répondre, le cas échéant, si c'est possible de le faire?
M. Beauchemin (Mario) : J'ai
avancé quelques arguments tout à l'heure, mais moi, je pense qu'il faut se
donner quand même, même si c'est arrivé en Nouvelle-Zélande... mais, tu sais,
si on regarde ailleurs au Canada, je pense que, si je ne me trompe pas, là, les
deux dernières fois, en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick, ils ne se
sont pas donné les conditions gagnantes pour que le Oui l'emporte.
Mme LeBel : Il ne
faudrait pas inférer du fait qu'un référendum est perdant, de notre point de
vue, que c'est parce que les citoyens n'ont pas compris, là. Je ne voudrais pas
qu'on...
M. Beauchemin (Mario) :
Non, ce n'est pas ça que je dis. Je dis qu'en même temps qu'une campagne
électorale il y a beaucoup d'enjeux. L'enjeu de la réforme du mode de scrutin,
c'est fondamental, évidemment, dans notre démocratie, mais il y a à peu près,
quoi, une centaine d'autres enjeux qui sont en jeu, justement, pendant une
campagne électorale. Alors, les journalistes, pour informer la population, ils
vont couvrir quoi, davantage la campagne référendaire ou la campagne
électorale?
En plus, qui va mener la barque du camp du
Oui ou du camp du Non pendant la campagne électorale? Normalement, lorsqu'on
propose un projet de loi, les élus qui le proposent s'impliquent, exercent un
certain leadership, et là ce qu'on comprend, c'est que ça ne sera pas le cas.
Donc, pour nous, il faut se donner les
conditions gagnantes, il faut faire les choses correctement et prendre le
temps. Et, pendant la campagne électorale... La campagne électorale, c'est
quand même assez court pour faire oeuvre de pédagogie sur une question aussi
fondamentale.
Mme LeBel : Donc, c'est
le manque d'espace, dans le fond, que vous craignez.
M. Beauchemin (Mario) :
Entre autres choses, le manque d'espace et le fait que ça ajoute beaucoup
d'enjeux.
Mme LeBel : O.K.
Peut-être une autre des... bon, des notions que vous abordez, c'est la notion
de parité. Vous choisissez de nous suggérer de le faire par le biais des
listes, des listes qui sont les listes régionales. Vous nous suggérez également
de le faire par l'alternance. Vous suggérez, donc, d'en faire une obligation. Quelle
serait la conséquence du non-respect de cette obligation? Peut-être que c'est
mentionné dans votre mémoire, je m'en excuse, là, mais peut-être nous le
mentionner à haute voix, comment vous envisagez ça. Parce que, si on y met une
obligation, naturellement... j'ai l'air de me répéter depuis ce matin, mais
c'est une réalité, si on met une obligation, encore faut-il une conséquence ou
un incitatif. Donc, lequel voyez-vous?
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, dans un premier temps, je pense que, quand on suppose, là, présentement,
que les partis n'y arriveraient pas... je pense que les partis auraient le
temps de se préparer et de trouver des candidates pour se présenter aux
élections. Ce n'est pas comme si les gens se mettraient à... les partis
commenceraient à mettre en oeuvre cette obligation la veille des élections, là,
ou la veille de la présentation des candidates et candidats. Je pense
qu'effectivement c'est un changement de culture, et, pour nous, les partis
peuvent y arriver. Et je pense qu'avec les propositions qu'on fait, les deux
propositions, que l'alternance femme-homme soit obligatoire et aussi que les
partis politiques... on oblige les partis politiques à fournir un plan d'action
qui prévoit la mise en oeuvre des mesures concrètes pour l'atteinte de l'équité
de représentation, ce sont des mesures qui feront en sorte qu'on atteindra la
parité.
• (10 h 40) •
Mme LeBel : Bien, je suis
d'accord avec vous sur votre argumentaire, mais, puis avec beaucoup de respect,
ce n'était pas le fondement de ma question. C'est-à-dire que vous imposez... bien,
vous nous demandez de mettre des mesures beaucoup plus fortes dans le projet de
loi que celles qui sont proposées dans le projet de loi actuel. Donc, vous
demandez une obligation d'alternance hommes-femmes sur les listes. Je ne sais
pas si vous demandez aussi qu'elles... que quelques-unes... que 50 %
d'entre elles commencent par des femmes, je ne l'ai pas vu, mais, en tout cas,
allons-y sur la... Donc, ça, vous ne le demandez pas, mais vous demandez une
alternance hommes-femmes sur les <listes...
Mme LeBel : ...que
celles qui sont proposées dans le
projet de loi actuel. Donc, vous
demandez une obligation d'alternance hommes-femmes sur les listes. Je ne sais
pas si vous demandez aussi qu'elles... que
quelques-unes... que 50
%
d'entre elles commencent par des femmes, je ne l'ai pas vu, mais, en tout cas,
allons-y sur la... Donc, ça, vous ne le demandez pas, mais vous demandez une
alternance hommes-femmes sur les >listes. Vous nous demandez d'en faire
une obligation, donc qu'est-ce qui se passe si un parti politique ne le fait
pas? Et comment on... Et, dans la loi, si j'impose une obligation dans une loi,
il doit y avoir une conséquence. Ça peut être une incitation financière, ça
peut être une récompense s'ils le font, ça peut être une punition, mais
laquelle aviez-vous envisagée?
M. Pelard (Matthieu) :
On n'a pas envisagé de sanction financière ou de pénalité directement étant
donné qu'on laisse au Directeur général des élections l'applicabilité d'une
telle mesure. Cependant, ce qu'on peut affirmer, c'est que, sans mesure
structurelle à l'intérieur d'un projet de loi pour garantir la parité femmes-hommes,
on a bien vu, dans les autres pays de la famille proportionnelle où des mesures
structurelles ont été mises en place, la bonification de femmes élues à l'Assemblée
nationale a été marquée par une augmentation de plus de 10 % par rapport
aux pays ayant un mode de scrutin différent de la proportionnelle mixte. Donc,
c'est pour ça que cette mesure-là va avec l'esprit de la loi sur l'alternance
des listes fermées qui obligerait à avoir une présence paritaire sur les listes
en plus de respecter l'aspect fermé.
Donc, dans cette notion de parité, c'est
sûr qu'il faut discuter des conséquences, comme vous l'amenez, on est bien
d'accord. Cependant, il y a assez d'experts qui se sont exprimés sur le sujet,
qui ont, bien entendu, formulé des recommandations sur le type de conséquence,
les modalités d'application et la proportionnalité vis-à-vis des compensations
financières. Donc, vous avez assez de recommandations pour aller de l'avant par
rapport aux autres groupes qui sont intervenus un petit peu tôt.
Mme LeBel : Merci. Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui,
merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale.
Merci d'être avec nous pour discuter du projet de loi n° 39.
Je vais laisser du temps, évidemment, à ma
collègue de poser quelques questions. Je vais y aller sur le référendum. Vous
le dites très clairement dans votre mémoire et dans votre déclaration, et je
vous cite, votre mémoire, à la page 4 : «...le gouvernement du Québec a
finalement renié sa promesse concernant l'échéance de la mise en vigueur du
nouveau mode de scrutin pour octobre 2022.» Fin de la citation à la page
4.
Vous dites également que mener une
campagne référendaire en même temps qu'une élection... Puis ce n'est pas sur le
point de Mme la ministre, qui disait : Bien là, est-ce à dire qu'on
laisserait entendre que les électeurs n'auraient pas compris? Ce n'est pas ça.
Le point, c'est de dire : Est-ce que le débat démocratique est optimal? Est-ce
qu'on a les garanties d'avoir les pour et les contre? Et, dans une démocratie,
le quatrième pouvoir, médiatique, on doit faire en sorte que ça percole chez
les gens, que les gens vont faire un choix éclairé, et pour ça — on a
tous des vies extrêmement occupées — ils doivent avoir le temps
nécessaire pour capter ça tantôt à la radio, tantôt à la télévision, tantôt
dans les journaux, sur les réseaux sociaux puis se faire une opinion. Il y a un
certain moment dans la journée, dans la semaine où l'action citoyenne se fait.
Et ce n'est pas anodin que de dire... bien, de mettre une élection, donc, mon
député, mes candidats, candidates locaux, quel gouvernement je veux, sur quel
enjeu on en débat, et rajouter à ça une autre campagne référendaire. Le temps
citoyen de se questionner, bien entendu, n'est pas illimité.
Et j'ai trouvé un point intéressant.
Lorsque vous aviez votre échange avec Mme la ministre, vous avez dit que les
enjeux n'étaient pas les mêmes. Pensez à une période d'à peu près 34, 35 jours
où vous aurez des porte-parole tantôt du camp du Oui, tantôt du camp du Non qui
seront, pour la très, très grande majorité, nécessairement des candidats,
candidates pour leurs élections. Bien, moi, comme candidat, je vous le dis, je
ne me ferai pas, je crois, élire sur une position où est-ce que je suis
d'accord ou pas avec le mode de scrutin. Les enjeux qui vont me permettre,
comme candidat, de me distinguer dans ma circonscription ne sont pas... s'ils
le sont, ça ne sera pas uniquement, mais ça ne sera pas un élément
prioritaire... ce sera sur la santé, l'éducation, et ainsi de suite. Alors,
même les porte-parole vont de facto prioriser d'autres sujets que celui-là, et
c'est ce que je trouvais intéressant dans ce que vous apportiez comme réflexion
au niveau du référendum.
De ce que je comprends, donc, également,
puis corrigez-moi si j'ai tort, c'est que, vous, référendum, s'il y en a un, ce
sera avant, et le scénario qu'il y en ait un après, pour vous, ne devrait pas
être envisagé si on pense à un référendum. Est-ce que je vous ai bien compris?
Mme Éthier (Sonia) :
Je vais partager la réponse avec mon collègue.
M. Tanguay
: Oui,
je vous en prie.
Mme Éthier (Sonia) :Mais, en octobre 2018, nous <avions, les...
M. Tanguay
:
...
ce sera avant, et le scénario qu'il y en ait un après, pour vous, ne
devrait pas être envisagé si on pense à un référendum. Est-ce que je vous ai
bien compris?
Mme Éthier
(Sonia) :
Je vais partager la réponse avec mon collègue.
M. Tanguay
:
Oui, je vous en prie.
Mme Éthier
(Sonia) :
Mais, en octobre 2018, nous >avions,
les organisations syndicales, rencontré la ministre, et un point qui était très,
très important, M. le Président, c'était d'avoir un exercice pédagogique pour
faire en sorte que les citoyennes et citoyens comprennent bien qu'est-ce que
sera la réforme du mode de scrutin et à quoi ils vont être mis devant, on va
dire ça comme ça. Alors, je pense qu'il faut séparer les affaires. Ce n'est pas
au moment d'un référendum où la population va comprendre qu'est-ce que la
réforme du mode de scrutin et qu'est-ce que ça implique, c'est avant. Dès que
le projet de loi est adopté, il faut que le gouvernement donne les moyens au Directeur
général des élections et que le gouvernement fasse en sorte que les gens
comprennent bien les changements. C'est un changement de culture, c'est un
changement, et, en ce sens-là, je pense qu'il ne faut pas mélanger les
affaires. Un référendum, là, c'est oui ou non et avec une question, qu'on vous
a... mon collègue vous a dit tout à l'heure, qui était fort complexe, là.
Alors, il faut vraiment, vraiment distinguer l'exercice de pédagogie qu'on va
devoir faire au préalable.
Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Donc, si
je comprends bien, vous dites : Oui, on est déçus que le gouvernement
veuille faire un référendum, ce n'est pas nécessaire. Mais, si on doit faire un
référendum, faisons-le bien, pas en même temps qu'une campagne électorale. Il
ne faudrait pas noyer la campagne référendaire dans la campagne électorale. Et
donc, pour bien faire les choses, vous nous dites : Bien, il ne faudrait
pas que les députés, il ne faudrait pas que les chefs de parti s'assoient sur
la clôture, on a un camp du Oui, un camp du Non. Et là vous nous dites :
Il faut s'assurer que les membres de l'Assemblée nationale, y compris les chefs
de parti politique, donc y compris le chef du gouvernement, hein, puissent
s'engager dans la campagne électorale. Pourquoi c'est important pour vous?
M. Beauchemin (Mario) :
Bien, c'est tellement un changement fondamental à la fois dans notre culture et
dans notre processus démocratique qu'on voit mal comment des personnes élues se
tiennent sur les lignes de côté pendant qu'on décide de l'avenir du mode de
scrutin au Québec. Pour nous, c'est fondamental que les personnes élues, qui
vont représenter la population, puissent prendre position et défendre un camp
ou l'autre.
Mme Robitaille :
...l'importance de ne pas faire ça dans une campagne électorale. Parce que,
comme mon collègue le disait, il y aura d'autres enjeux.
M. Beauchemin (Mario) :
Exact. Oui.
Mme Robitaille : Donc, le
chef du gouvernement, les chefs de parti, bien, d'abord, eux doivent choisir
leur camp. Ils doivent dire à la population pourquoi ils sont pour, pourquoi
ils sont contre, et clairement. C'est ça. C'est ce que vous dites.
M. Pelard (Matthieu) : Pour
nous, le pire scénario, c'est de ne pas avoir une réforme du mode de scrutin de
manière à garantir l'ensemble des principes qu'on a revendiqués. Si le
référendum n'est pas défendu avec le minimum de conditions nécessaires, avec
l'éducation, la pédagogie auprès de la population et que l'ensemble des élus ne
participent pas pour l'adoption de ce référendum, la réforme du mode de scrutin
tombera à l'eau. Et c'est pour ça qu'on justifie l'importance que l'ensemble de
la population, personnes élues, et personnes citoyennes, et citoyens,
s'implique dans la compréhension de l'importance de cette méthode de scrutin.
Le Président (M. Bachand) :M. le député de LaFontaine, oui.
• (10 h 50) •
M. Tanguay
: Merci
beaucoup. Et, oui... Et, je vous dirais, nous, vous savez, vous commencez à
connaître, là, là où on loge, puis ça participe de notre démocratie. Et moi,
très clairement, comme candidat, je n'aimerais pas devoir écourter le débat
auquel j'aimerais participer, moi, dans un camp, pour dire : Bien, écoutez,
cette réforme-là, voici pourquoi nous croyons qu'il y a des écueils majeurs. Et
moi, comme personnalité qui veut me positionner publiquement, moi le premier...
comme vous l'avez dit, pour le camp du Oui, le camp du Non, on veut avoir le
temps de faire le débat. Les gens décideront, c'est la démocratie, on est
démocrates. Mais moi, je ne voudrais pas, et sur le point de ma collègue, que
tous agissent visière levée. Ce n'est pas anodin. On ne peut pas s'en laver les
mains puis dire : Bien, moi, je vais être neutre là-dedans. Vous pouvez le
faire, mais l'on ne peut pas le faire de façon systématique et avoir une
formation politique qui s'en laverait les mains. Alors, il faut réellement
embarquer dans le débat puis dire pourquoi on est pour puis pourquoi on est
contre, puis la population jugera. Et ça, bravo pour cet éclaircissement-là.
Vous dites, en page 6 de votre mémoire, dans
le haut, 3.2 : «À défaut d'une bonification de ces
derniers — vous parlez des éléments à l'égard desquels vous êtes
critiques — la CSQ croit que le projet de loi n° 39
ne permettra pas de corriger les distorsions du modèle <actuel...
M. Tanguay
:
...cet éclaircissement-là.
Vous dites, en page 6 de votre mémoire,
dans le haut, 3.2 : «À défaut d'une bonification de ces
derniers — vous parlez des éléments à l'égard desquels vous êtes
critiques — la CSQ croit que le projet de loi
n°
39
ne permettra pas de corriger les distorsions du modèle >actuel...» Fin
de la citation.
Vous référiez, un peu plus avant, au fait...
et je veux bien vous comprendre, pour vous, il y a une difficulté accrue due au
nombre de députés, vous augmenteriez le nombre de députés de 125 à 127. Et j'aimerais
vous entendre là-dessus, par rapport à la diminution du nombre de régions. Et
ça, c'est un argument qui revient, encore une fois, l'immensité du territoire
québécois est un fait géographique et la densité de la population, là où sont
les citoyens et la représentativité effective. Alors, j'aimerais vous entendre
là-dessus, quant aux raisons nécessaires qui vous font dire : Bien, si
vous ne faites pas ces changements-là, on va passer à côté de la représentation
effective, et vous nous demandez donc de considérer d'augmenter le nombre de
députés et de diminuer le nombre de régions. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Mme Éthier (Sonia) :
Bien, je vais réexpliquer un petit peu. C'était rapidement... la présentation,
on a peu de temps. Mais, dans le fond, ce que je disais, à la page 5, c'est
qu'historiquement nous, on soutient que le territoire du Québec, c'est 77 circonscriptions,
50 sièges compensatoires régionaux pour 127 sièges. Ça, c'est la position qu'on
a toujours maintenue. Et on sait que les experts s'entendent pour dire que le
ratio 60-40 entre les sièges, ça, je l'ai dit rapidement, là, c'est l'idéal, on
va dire ça comme ça. Mais la proposition que le gouvernement fait dans le projet
de loi, qui est de 125 sièges, 80-45, là, bien, ça change un peu le ratio
64-36, là. Mais nous, on se dit, bon, ça peut être un compromis qui soit
acceptable, là, c'était quand même près du 60-40, et c'est un peu ça qu'on vous
exprime à la page 5.
Et, quand on dit, à la page 6, qu'on croit
que le projet de loi ne permettrait pas de corriger les distorsions, bon, on
appuie la réforme du mode de scrutin, mais avec ce que ça veut dire, c'est avec
les modifications, les propositions, les 10 propositions qu'on vous a faites, notamment
sur la parité, la question du 10 %, etc., là.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
M. le Président. Merci à vous d'être ici aujourd'hui. Merci de votre
présentation, de votre mémoire. J'ai peu de temps, j'ai deux questions pour
vous. Je vais essayer d'être bref, puis j'espère que vous allez collaborer avec
moi pour qu'on soit capables de répondre aux deux questions.
D'abord, sur la question du référendum, la
ministre a donné, tout à l'heure, l'exemple de la Nouvelle-Zélande, où il y
avait eu un référendum en même temps qu'une élection et que ça avait été un
résultat en faveur d'une réforme du mode de scrutin. La ministre n'a pas
précisé, par contre, que ce référendum-là avait eu lieu après le changement du
mode de scrutin. Il y a eu plusieurs élections menées sous le nouveau mode de
scrutin avant qu'un référendum soit gagné. Est-ce que ce genre de référendum de
validation pourrait être intéressant, selon vous, si jamais le gouvernement,
là, gardait le cap puis exigeait la tenue d'un référendum?
M. Beauchemin (Mario) :
Oui, nous, ça faisait partie de nos alternatives de favoriser un référendum de
validation.
M. Nadeau-Dubois : Si le gouvernement
maintient son intention d'avoir 17 régions électorales, vous souhaitez que ce
soit diminué à 14. Nous aussi, c'est une position qu'on a. Si par contre le gouvernement
maintenait le cap avec 17 régions électorales afin qu'il y ait un minimum de
deux députés dans chaque région, seriez-vous prêts? Est-ce que l'augmentation
du nombre global de députés au Québec au-dessus de 125 serait un compromis
intéressant, selon vous?
M. Pelard (Matthieu) :
Je crois que le principe fondamental, c'est de respecter la proportionnalité et
d'avoir un meilleur jeu de compensation par rapport à l'obtention des
circonscriptions via le vote majoritaire. Donc, le compromis qu'on avait
réalisé, c'était de manière à ne pas louper le virage historique de la réforme,
de faire un compromis sur le nombre de sièges de manière à avancer notre
argumentaire sur le nombre de régions. Si, bien entendu, il y a une
augmentation du nombre de députés, bien entendu, on a un jeu de compensation
naturel qui va se faire vers les régions. Donc, c'est sûr que, si des
modifications majeures sont apportées au projet de loi, on devra réexaminer à
la fois le jeu de compensation et de regarder si l'indice de Gallagher n'est
pas disproportionné par rapport au 60-40, comme Sonia Éthier l'a présenté.
Ce qui est important, je pense, de
mentionner, c'est... il ne faut pas oublier de rappeler les besoins des
électrices et des électeurs des régions. Et, pour cela, il ne faut pas diviser
le <nombre...
M. Pelard (Matthieu) :
...pas disproportionné
par rapport au 60-40, comme Sonia Éthier l'a
présenté.
Ce qui est important, je pense, de
mentionner, c'est... il ne faut pas oublier de rappeler les besoins des
électrices et des électeurs des régions. Et, pour cela, il ne faut pas diviser
le >nombre de sièges de compensation de manière à ce que les intérêts
des électrices et des électeurs des régions ne soient plus représentés à
l'Assemblée nationale. Et avec un trop grand nombre de régions, c'est
exactement ce processus-là qui se déroule, et donc on vient diluer l'aspect
proportionnel de la représentation de la diversité des idées à l'intérieur de
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Bachand) :
...s'il vous plaît.
M. LeBel : Bonjour.
Là-dessus, les intérêts des citoyens, c'est aussi d'avoir accès à leur député,
les intérêts des gens de la Côte-Nord qui auraient une circonscription pour
l'ensemble de la Côte-Nord. Les intérêts aussi, c'est que leur député de liste
soit présent aussi dans leur région, qu'ils y aient accès, qu'ils peuvent lui
parler, qu'ils peuvent aller le rencontrer. C'est pour ça que, moi, les
17 régions, je trouve ça important.
Mettons qu'on jumelle la Côte-Nord puis le
Saguenay, on va se ramasser, éventuellement, avec trois députés de liste pour
l'ensemble de la région Saguenay et la Côte-Nord. Mettons que, là-dedans, dans
les trois, il y a deux... il y a des partis différents, la personne va
vouloir... comment elle va faire pour couvrir ça? Le citoyen, comment il va
faire pour avoir accès à son député de liste? Ce qui pourrait arriver, c'est
que le député de liste va dire : Moi, mon rôle, ce n'est pas d'être proche
des citoyens, mon rôle, c'est de légiférer. Et moi, je me tiens à l'Assemblée
nationale, s'il veut me parler, il appellera à Québec. Et là le député de
circonscription, lui, c'est lui, là, ou elle, la députée proche des citoyens,
avec un comté qui va couvrir toute la Côte-Nord. Vous voyez le problème? C'est
pour ça que les 17 régions, pour moi, c'est important qu'il y ait un
député de liste qui soit très clairement, au moins — ce serait un
compromis — au moins, lié à sa région puis qu'on parle des régions
administratives actuelles.
M. Pelard (Matthieu) :
Je comprends très bien l'argumentaire, l'important... du principe qu'on a
mentionné dans notre mémoire, à la page 3, de maintenir le lien entre la
députée ou le député dans sa circonscription est essentiel. Et c'est pour ça
que le jeu compensatoire permet d'avoir à la fois une représentation par
l'obtention de la circonscription, mais aussi de donner une variété de partis
politiques et d'idéaux à l'intérieur même d'une région. Et donc l'obtention de
sièges compensatoires régionaux vient apporter une nuance de couleurs à
l'intérieur même d'une région. Donc, certains avantages de ce mode de scrutin
sont mentionnés comme étant la pluralité politique, et donc en ayant plusieurs
députés élus, cela permet d'avoir une variété de diversité d'idées présentées à
l'Assemblée nationale.
M. LeBel : ...mais mon
citoyen de Blanc-Sablon, il va avoir accès quand à son député vert de
Jonquière? Tu sais, à un moment donné, c'est un problème. C'est pour ça qu'à
mon avis il faut garder les 17 régions et tranquillement aller vers l'idée
qu'il faudra augmenter le nombre de députés. Dans nos régions, il faut assurer
qu'il y ait une proximité, sinon on va avoir deux genres de députés.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Oui, merci.
Dans votre présentation, vous avez soumis, en fait, que le projet de loi ne
permet pas d'atteindre une pleine compensation, notamment en référence, je
crois, à la prime au vainqueur qui est instaurée dans le projet de loi. Le
gouvernement soutient qu'il a ajouté cette disposition dans le projet de loi
pour assurer ou, du moins, pour répondre à l'argument d'une plus grande
instabilité à la suite d'une réforme du mode de scrutin. Toutefois, il y a
plusieurs groupes qui sont venus nous voir et qui nous ont soumis que ce serait
intéressant, au lieu d'avoir cette espèce de prime au vainqueur qui favorise
plus de gouvernements majoritaires, d'avoir un encadrement plus serré, en fait,
des motions de censure, donc, qui permet de répondre directement à l'argument
de l'instabilité tout en conservant les côtés positifs de la réforme du mode de
scrutin avec plus de gouvernements minoritaires, plus de collaboration entre
les partis politiques. Donc, est-ce que vous pensez que c'est une alternative à
la prime au vainqueur, le fait de pouvoir encadrer les motions de censure?
M. Beauchemin (Mario) :
Oui, tout à fait.
Mme Fournier
:
Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Cela dit, je vous remercie beaucoup de votre présentation ce
matin.
Je vais suspendre les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 10 h 59)
11 h (version révisée)
(Reprise à 11 h 4)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre siège, la commission
va reprendre ses travaux.
Alors, je souhaite maintenant la bienvenue
aux deux représentants de la Fédération autonome de l'enseignement. Comme vous
savez maintenant, vous avez 10 minutes de présentation, après ça on aura
un échange avec les membres de la commission. Merci beaucoup de votre présence
ce matin, et la parole est à vous.
Fédération autonome de l'enseignement (FAE)
M. Marois (Alain) :
Merci. Donc, bonjour, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés,
mon nom est Alain Marois, je suis enseignant en adaptation scolaire et vice-président
à la vie politique à la Fédération autonome de l'enseignement. Je vous
présente, à ma gauche, Mme Alice Lepetit, conseillère syndicale à la vie
politique.
La FAE représente plus de 45 000 enseignantes
et enseignants de tous les secteurs d'enseignement en commission scolaire ainsi
que près de 1 700 membres de l'Association de personnes retraitées de
la FAE et elle est présente dans sept régions du Québec, dont celles dans
lesquelles se trouvent les quatre plus grands pôles urbains du Québec.
François Legault promettait, en septembre
2018, que les Québécoises et Québécois iraient aux urnes en 2022...
Le Président (M. Bachand) :
...vous rappeler qu'on ne peut pas utiliser le nom de la personne, il faut
utiliser son titre. Alors, juste vous rappeler, pour ne pas...
M. Marois (Alain) : Ah! très
bien.
Le Président (M. Bachand) :
S'il vous plaît. Merci. Merci infiniment.
M. Marois (Alain) :
Merci. Donc, l'actuel premier ministre promettait, en septembre 2018, que les
Québécoises et Québécois iraient aux urnes en 2022 avec un tout nouveau mode de
scrutin proportionnel si la CAQ était élue. Je peux nommer les partis
politiques, oui? Le 25 septembre dernier, le gouvernement a fait un bout de
chemin en déposant le projet de loi n° 39.
La FAE reconnaît que la proposition d'un
système électoral mixte compensatoire constitue une avancée sans précédent et
qu'elle répond en partie à la très grande volonté de ses membres, qui
souhaitent que la composition de nos institutions démocratiques reflète
l'ensemble des votes exprimés par la <population en...
M. Marois (Alain) :
...
le gouvernement a fait un bout de chemin en déposant le projet de loi
n°
39.
La FAE reconnaît que la proposition
d'un système électoral mixte compensatoire constitue une avancée sans précédent
et qu'elle répond en partie à la très grande volonté de ses membres, qui
souhaitent que la composition de nos institutions démocratiques reflète
l'ensemble des votes exprimés par la >population en tenant compte de la
diversité des courants politiques. Même si ce projet de loi va dans la bonne
direction, des améliorations doivent y être apportées afin d'en renforcer la
proportionnalité, de favoriser le pluralisme politique et de mettre en place de
véritables mesures en faveur de la parité et de la diversité. De plus, le fait
de conditionner la mise en oeuvre du projet de loi à un référendum en même
temps que les prochaines élections générales préoccupe grandement la FAE, qui y
voit un risque important de faire tomber une réforme pourtant essentielle.
Dans un système mixte compensatoire,
l'objectif premier des sièges de compensation doit être d'introduire une plus
grande proportionnalité. Pour ce faire, il doit disposer de suffisamment de
sièges de liste pour corriger les distorsions issues de circonscriptions
uninominales. Avec seulement 36 % de sièges de liste et leur répartition
dans un nombre important de régions électorales, la capacité de contribuer à
une réelle compensation est limitée. En tenant compte que des régions n'auront
qu'un seul siège de liste, nous pouvons affirmer que cela donnera lieu à une
proportionnalité à plusieurs vitesses dans les différentes régions du Québec.
Nous proposons donc d'ajouter au minimum quatre sièges régionaux aux 45
actuellement proposés afin d'assurer un minimum de sièges de compensation par
région, tout en maintenant le nombre de régions à 17.
Le projet de loi instaure par ailleurs une
modalité totalement nouvelle au regard des systèmes mis en place dans d'autres
pays. Celle-ci consiste à ne tenir compte que de la moitié des sièges de
circonscription remportés par un parti pour calculer le nombre de sièges de
région auxquels il aura droit. Il s'agit littéralement d'une prime au vainqueur
qui favorise les grands partis et réduit la capacité des sièges de région à
corriger la distorsion créée par le scrutin majoritaire. Il faut abolir cette
prime au vainqueur en retirant l'article 156 pour tenir compte de tous les
sièges de circonscription obtenus par un parti politique.
Le seuil minimal de 10 % défini à
l'échelle nationale pour pouvoir se qualifier à la compensation constitue un
autre obstacle important à l'expression du pluralisme politique et à l'accès à
la représentation pour des tiers partis. Il faut tenir compte qu'il existe déjà
un seuil minimal implicite dans chacune des régions pour pouvoir se qualifier à
la compensation, seuil qui sera encore plus élevé à cause du nombre restreint
de députés par région. Ainsi, nous proposons de réduire le seuil national
minimal à 3 %.
Mme Lepetit (Alice) : Pour
la FAE, qui représente 73 % de femmes, l'égalité de genre et la lutte
contre toutes les formes de discrimination sont des valeurs fondamentales.
Ainsi, un mode de scrutin juste et équitable, pour nous, doit assurer la
représentation non seulement de la diversité des idées politiques, mais aussi
la diversité de la population.
Au Québec, les femmes et plusieurs groupes
de personnes demeurent sous-représentés au sein de la députation actuelle. Pour
corriger ces inégalités qui sont systémiques, des mesures doivent être mises en
place afin de favoriser une plus grande représentation des groupes qui sont
historiquement marginalisés. Or, le projet de loi n° 39
manque complètement la cible à cet égard. Du côté de la parité femmes-hommes,
le gouvernement propose un exercice de déclaration d'intention de la part des
partis politiques, mais aucun mécanisme pour les inciter ou les contraindre à
atteindre de véritables résultats en matière de parité.
Or, que nous montrent les expériences qui
ont été mises en place dans d'autres pays? C'est que l'égalité avance lorsque
des mesures sont mises en place. Celles qui semblent avoir le plus d'impact
sont les mesures structurelles qui sont intégrées à même le système électoral.
C'est ce que nous proposons dans notre recommandation 5, à savoir
l'obligation pour chaque parti politique de présenter des listes régionales
paritaires avec une alternance femmes-hommes et l'obligation de présenter une
femme en tête pour la moitié de ces listes.
Par ailleurs, il est essentiel de
favoriser la parité parmi les sièges de circonscription, et c'est pourquoi la
FAE propose de mettre en place des mesures incitatives également afin de
favoriser activement la parité femmes-hommes parmi l'ensemble des candidatures
présentées par les partis, que ce soit en circonscription ou dans leurs listes
régionales.
Du côté de la diversité, c'est l'absence
totale de mécanismes qui ressort de la proposition actuelle du gouvernement.
Pour la FAE, la réforme du mode de scrutin doit pourtant prévoir des mécanismes
visant une plus grande représentation des personnes racisées et des personnes
issues de l'immigration récente. Notre recommandation 7 va dans ce
sens-là.
• (11 h 10) •
M. Marois (Alain) : Le
consensus en faveur d'un changement de mode de scrutin a déjà été maintes fois
constaté au Québec. D'ailleurs, un document officiel mentionnait ce qui suit :
«L'appui à une réforme du mode de scrutin s'exprime de manière croissante au
Québec, se traduisant de différentes façons à travers des états généraux, des
sondages favorables, des rapports et des auditions en commission parlementaire.»
Ce document, c'est le cahier de résolutions adopté par la CAQ en
novembre 2015, dont la première résolution est qu'un gouvernement de la
CAQ modifiera la Loi électorale afin de passer au mode de scrutin proportionnel
mixte. L'entente transpartisane de mai 2018, dont les partis signataires
représentent 72 % des votes obtenus lors des dernières élections, est venue
confirmer cette volonté de changement.
La FAE soutient qu'un référendum
d'adoption n'est pas nécessaire. À la <place, la FAE...
M. Marois (Alain) :
...gouvernement de la CAQ modifiera la Loi électorale afin de passer au mode de
scrutin proportionnel mixte. L'entente transpartisane de mai 2018, dont les
partis signataires représentent 72 % des votes obtenus lors des dernières
élections, est venue confirmer cette volonté de changement.
La FAE soutient qu'un référendum
d'adoption n'est pas nécessaire. À la >place, la FAE propose la tenue d'un
référendum de validation après trois élections avec le nouveau mode de scrutin.
Après avoir expérimenté les deux modes de scrutin, l'électorat québécois serait
en meilleure position pour faire un choix éclairé. Il pourrait se prononcer sur
un système qu'il connaît et dont il a pu évaluer les impacts en matière de
représentation et de gouvernance.
Par ailleurs, la FAE s'oppose fermement à
la tenue d'un référendum en même temps que les prochaines élections générales.
Cela poserait un problème majeur en créant des conditions qui risquent de
favoriser le statu quo. Un référendum requiert un travail important
d'information, d'éducation et de mobilisation auprès de la population afin de
favoriser la participation du plus grand nombre et la prise d'une décision
éclairée. Pour la FAE, si elle doit avoir lieu, une campagne référendaire doit
se tenir dans la continuité de l'adoption du projet de loi, soit au plus tard
un an après l'adoption de la loi.
Mme Lepetit (Alice) : Le
5 décembre dernier, le gouvernement a déposé pas moins de 161 amendements
à son projet de loi pour préciser les conditions dans lesquelles se tiendrait
ce fameux référendum d'adoption. Ces amendements suggèrent des modifications
majeures à la loi référendaire et posent un problème non seulement pour le référendum
en question, mais, plus largement, pourraient avoir des conséquences
importantes pour de futures consultations. Nous ciblerons, ici, deux aspects
qui nous semblent particulièrement préoccupants.
Premièrement, l'enjeu du
non-positionnement des partis politiques et du gouvernement lui-même dans le
cadre de la campagne référendaire. L'article 225.8, en effet, du projet de
loi stipule qu'aucun membre de l'Assemblée nationale ne pourra occuper un poste
de direction au sein des camps référendaires, incluant les chefs de parti et le
premier ministre lui-même. Pour la FAE, il est au contraire essentiel que les
personnes élues puissent s'impliquer dans ce débat en siégeant au comité
directeur de l'un ou l'autre camp. Les partis doivent pouvoir mettre leurs
ressources organisationnelles et politiques à contribution dans ce grand débat,
et l'attention médiatique et publique envers le référendum n'en sera que
renforcée. Quant au premier ministre, comme principal artisan de la réforme, il
doit exercer un rôle de leadership en faveur de son adoption en siégeant au
comité directeur du Oui.
Deuxièmement, le gouvernement propose de
limiter considérablement les moyens attribués aux camps référendaires. Dans son
article 225.114, le projet de loi stipule que les dépenses des camps
référendaires ne pourront avoir pour effet de favoriser ou de défavoriser l'élection
d'une candidate ou d'un candidat, ce qui signifie qu'à partir du moment où la
campagne référendaire débutera, les camps ne pourront référer à aucun parti, ministre
ou membre de l'Assemblée nationale. Pour la FAE, cela constitue une entrave
importante à la liberté d'expression.
Dans la même logique, la subvention
publique prévue pour chacun des camps référendaires et la limite des dépenses
autorisées représentent environ un tiers des montants accordés lors du référendum
de 1995. Comment considérer que ces montants seront suffisants pour mener une
campagne d'envergure sur un enjeu aussi complexe que celui de la réforme du
mode de scrutin? En privant ainsi les camps référendaires de nombreuses
ressources à la fois financières, organisationnelles et politiques, ces règles
référendaires risquent de favoriser les porteurs du statu quo au détriment d'un
débat véritablement équitable et de qualité.
M. Marois (Alain) : En
conclusion, la FAE voit dans ce projet de loi une occasion historique
d'améliorer nos institutions démocratiques et de s'attaquer au cynisme d'une
grande partie de la population envers celles-ci. Nous souhaitons travailler en
faveur de ce changement, mais le gouvernement et les oppositions doivent faire
preuve d'ouverture pour apporter les correctifs nécessaires pour que chaque
vote compte, tout en renonçant à la tenue d'un référendum en même temps que les
prochaines élections.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci. Merci
beaucoup, M. le Président. Merci de votre présentation. C'est extrêmement intéressant.
Vous abordez plusieurs points, qui ont déjà été abordés, mais avec des
angles... mais c'est tout à fait correct, parce que, souvent, chacun apporte un
argumentaire ou un angle différent pour certains des points.
Je vais brièvement aborder la question du référendum,
parce qu'il y a d'autres points avec lesquels je veux discuter avec vous, puis
c'est quand même très bien étoffé sur diverses choses, mais je veux en profiter
pour peut-être... ça ne venait pas de vos propos, mais démystifier ce qui
semble se dégager de certaines conversations depuis le début, c'est-à-dire que
les élus ne pourraient pas se positionner pour un camp ou l'autre. Ce n'est pas
ce que le projet de loi dit, présentement, les élus pourront se positionner. D'ailleurs,
le premier ministre s'est déjà positionné en disant qu'il allait voter en
faveur, à une question, je pense, d'un de vos collègues, M. le député de Gouin,
à l'Assemblée nationale, ou de la vôtre.
M. Nadeau-Dubois : ...
Mme LeBel : C'est votre collègue?
Donc, je savais que ça venait de votre côté. Mais donc c'est déjà positionné.
Ce qu'on interdit, c'est qu'il fasse partie du conseil d'administration, naturellement.
C'est une des conséquences potentielles, pas la seule, mais une des raisons, c'est
qu'on ne veut pas qu'il y ait de confusion de dépenses entre le système électoral
et le système... Et nécessairement, comme la période électorale sera, à un
certain moment donné, en même temps, bon, ça faisait partie de... Mais je veux
juste démystifier le fait que les députés, les élus pourront se positionner en
faveur d'un camp ou de l'autre. Ce n'est pas empêché, c'est de faire partie du
conseil d'administration. Donc, je veux juste que ça <soit...
Mme LeBel : ...le
système électoral et le système... Et nécessairement, comme la période
électorale sera, à un certain moment donné, en même temps, bon, ça faisait
partie de... Mais je veux juste démystifier le fait que les députés, les élus
pourront se positionner en faveur d'un camp ou de l'autre. Ce n'est pas empêché,
c'est de faire partie du conseil d'administration. Donc, je veux juste que ça >soit
clair.
Ceci étant dit, je comprends très bien
votre argumentaire de l'espace pour discuter de la question. Encore une fois,
même si ça… je comprends que ça ne nous apparaît pas suffisant, mais il y a
quand même quatre mois où le référendum existera par lui-même avant que la
campagne électorale arrive, je veux juste aussi le mentionner. Je ne suis
pas... Vous pouvez être en désaccord, mais j'aime bien qu'on discute sur des
bases qui ne sont pas... qui sont celles qui sont dans le projet de loi. Mais,
comme je dis, ça, ce n'est pas votre discours, mais, comme ça découlait des discussions
précédentes, je pense qu'il fallait repositionner le débat.
Donc, si je comprends bien, vous
considérez qu'on devrait le faire un an avant les élections pour avoir...
Juste, peut-être, élaborer un peu plus, mais brièvement, parce que j'aurais beaucoup
d'autres points à aborder avec vous, mais je sais que mon collègue va le faire
aussi, donc...
M. Marois (Alain) : On
dit qu'il doit être au plus tard un an après l'adoption du projet de loi, s'il
doit avoir lieu, mais nous, on considère d'entrée de jeu qu'il ne devrait même
pas avoir lieu, le référendum. On a tout en main, puis on doit se poser la
question. Moi, je suis un peu étonné d'entendre à quel point certaines
personnes — puis je ne pense pas que c'est si généralisé que ça — tiennent
à un référendum, parce qu'il y a plein d'autres questions fort importantes,
dans notre société, qui sont votées par les députés à tous les jours. On n'a
rien qu'à penser, présentement, à un débat qui continue de faire rage sur
mourir dans la dignité, où il y a des amendements qui doivent être apportés en
lien avec des décisions de cour, et on n'a jamais consulté la population sur
des enjeux de ce type-là, qui sont des enjeux moraux pour lesquels la
population est grandement touchée dans son quotidien à tous les jours. Alors,
pourquoi on parle de référendum pour une question de structure démocratique,
alors qu'il y a plusieurs commissions de... commissions parlementaires, des auditions
publiques qui ont lieu depuis des années et des années autour de la question et
il y a un énorme consensus, chez la population, de dire : Écoutez, on veut
que nos votes comptent? C'est assez clair, là, de manière simple, là, on s'est
donné des grands principes. Vous essayez, par ce projet de loi, dans le fond,
de rallier l'ensemble des principes. Puis je comprends l'équilibre, vous l'avez
expliqué dans la présentation précédente, là, que c'est délicat. Mais en même
temps le consensus autour de ces principes-là est très, très large, 72 %
des gens qui ont voté à la dernière élection ont voté pour des partis
politiques qui endossaient ces principes-là. Alors, pour nous, dès le départ,
il ne devrait pas y avoir de référendum.
Maintenant, quand vous dites que quatre
mois avant... il y aura eu quatre mois avant l'élection, il n'en reste pas
moins qu'au moment où la campagne électorale va commencer, bien là, il va y avoir
une brisure. Puis il y a aussi toute la période de l'été, parce que, on sait,
notre campagne électorale va commencer à la fin de l'été, vers le mois d'août,
parce que les élections sont à date fixe au mois d'octobre, donc on va avoir
une période creuse où, pas plus que pour l'élection, les gens vont s'intéresser
à la question. Donc, il va avoir une espèce de vide, tout à coup, qui va se
créer, puis on veut avoir du temps nécessaire puis que ça soit l'enjeu
primordial.
Je pense, ça a été beaucoup évoqué que,
quand on fait un... si on veut faire un référendum sur cette question-là... il
y en a qui disent que c'est très compliqué, là, ça ne l'est pas tant, mais il
faut quand même prendre le temps d'expliquer à la population quels seront les
impacts des changements, comment ça va se faire, la question des députés de
liste versus un député de circonscription, etc. Donc, ça prend quand même un
certain temps, là, pour expliquer tout ça, puis surtout, je vous dirais,
éduquer de manière neutre, là, ce qu'on demanderait au DGE de faire, la
population, plutôt que de subir les campagnes de peur, là, de certaines
personnes qui sont pour le statu quo.
• (11 h 20) •
Mme LeBel : Certains de
vos... ceux qui vous ont précédé, dans la livraison de leur présentation, bon,
nous ont présenté, naturellement, plusieurs propositions d'améliorations du
projet de loi selon leurs points de vue. C'est toujours accueilli avec beaucoup
d'ouverture, je vous le garantis, toujours dans l'optique où je dois trouver le
point d'équilibre. Je n'aspire pas à plaire à tout le monde dans ce dossier
parce que ça sera difficile, mais à déplaire le moins possible, disons que
c'est mon objectif. Donc, disons-le de cette façon-là, parce que j'y crois, et
je pense qu'il faut franchir ce pas historique, et je ne voudrais pas que
certaines des propositions de certains groupes soient des «deal breakers», en
bon français, et qu'ils fassent en sorte qu'on perde le consensus nécessaire
pour traverser et franchir le Rubicon.
Certains ont dit : Nous sommes fermes
sur les objectifs. Vous avez raison, les objectifs sont connus. Les gens sont
majoritairement en faveur de la transformation de notre système électoral pour
les raisons qu'on a mentionnées précédemment. Mais le diable étant dans les
détails, on n'est pas sur le principe de franchir le pas, présentement, parce
que le projet de loi a quand même été présenté par notre gouvernement, et, vous
l'avez mentionné, c'est quand même une avancée
historique. Donc, si on a l'occasion de s'en parler aujourd'hui, c'est qu'il y
a quelque chose de positif qui a été fait, une action positive.
Je suis rarement dans cet état-là, mais
des fois je ressens le besoin de le repréciser, parce que, quand on s'enlise
dans les détails, des fois on perd de point de <vue, un peu, l'élément...
Mme LeBel : ...
c'est
quand même une avancée historique. Donc, si on a l'occasion de s'en parler
aujourd'hui, c'est qu'il y a quelque chose de positif qui a été fait, une
action positive.
Je suis rarement dans cet état-là, mais
des fois je ressens le besoin de le repréciser, parce que, quand on s'enlise
dans les détails, des fois on perd de point de >vue, un peu, l'élément principal,
c'est-à-dire que la grande majorité d'entre nous, ici, autour de la table, sommes
en faveur de franchir ce pas historique. On cherche comment. On cherche comment
le faire de la meilleure façon.
Vous nous proposez plusieurs points, je
vais dire, dans les modalités, les technicalités, là, qui ne sont pas sur les
principes, nécessairement, mais que les principes influencent. Est-ce qu'il y a
des points, dans ce que vous nous mentionnez — le seuil, la double
candidature, la parité, les quatre sièges régionaux, la meilleure
proportionnalité, la plus grande pluralité — des choses sur
lesquelles vous êtes plus souples pour rallier tout le monde? Est-ce qu'il y a
des endroits où vous pourriez me dire : Bien, écoutez, on y tient, on pense
que c'est l'idéal, mais, si ça pouvait mettre... si ça met en danger le fait
que je perde mon consensus — et le consensus n'est pas juste ici,
autour de la table, là — est-ce que vous avez des éléments où vous
êtes plus souples, où je pourrais avoir plus de jeu, si vous me permettez?
M. Marois (Alain) :
J'aurais préféré la question «est-ce qu'il y a des éléments qui sont des
incontournables?» que les éléments sur lesquels on a de la souplesse. Mais, je
vous dirais, d'entrée de jeu, on a maintenu la question des 17 régions. On
sait très bien, ça fait longtemps qu'on travaille sur ces enjeux-là, on a
collaboré à des travaux avec le MDN, avec différents politicologues...
politologues, plutôt, et on sait très bien que la proportionnalité serait
grandement améliorée par un plus petit nombre de régions. D'ailleurs, le DGE,
dans un rapport, arrivait à la même conclusion.
Par contre, on est conscients qu'au Québec,
depuis que le système des régions a été instauré en 1966 — ça ne date
pas d'hier, là, c'est d'ailleurs la date de ma naissance, donc je peux en
témoigner — la question des régions, c'est devenu quelque chose d'un
peu viscéral pour les gens, on l'entend régulièrement. Alors, nous, on a dit :
Bon, bien oui, ce serait une bonne solution, de diminuer le nombre de régions,
mais on s'est plutôt ralliés sur le fait, entre autres, d'augmenter le nombre
de sièges de compensation dans les régions où il n'y en avait seulement qu'un.
Nous, on pense que c'est une solution. C'est sûr que ça va donner, d'une certaine
façon, plus de poids, en plus, à ces régions-là, mais on considère que les
grands centres ont un poids déjà important, puis ce n'est pas parce qu'il y aurait
un siège de plus, là, dans certaines régions qui sont plus éloignées, avec
moins de population, ça changerait. Donc, là-dessus, on a une souplesse. Mais en
même temps on pense que, puisqu'on instaure un projet de loi pour modifier un
régime... un mode de scrutin, il faut en profiter pour essayer qu'il soit le
meilleur possible, puis la proportionnalité, pour nous, c'est un élément fort important.
Puis l'élément qui, pour nous, devrait
être retiré à tout prix, c'est la question de la fameuse prime au vainqueur. Écoutez,
dans aucun système, au monde, qu'on a établi de mixte compensatoire, ça
n'existe, une telle... je vais employer le terme d'un article du Devoir
cette semaine, «une telle astuce», là. Donc, ça, pour nous, là, ça, c'est clair
que ça doit être retiré.
Maintenant, pour le reste, par rapport à
la proportionnalité, bien, il y a différentes modalités. Vous l'avez expliqué tantôt,
là, qu'il y avait trois façons de voir ça. Nous, on a une flexibilité
là-dessus, puis vous avez raison qu'on coupe quand même de moitié l'indice de
distorsion, mais, s'il y a moyen de faire mieux, faisons-le maintenant.
Maintenant, au sujet de la parité aussi, c'est
fort important pour nous, on représente une grande majorité de femmes puis
on... Pourquoi ne pas prendre la chance, pendant qu'on modifie notre système de
mode de scrutin, pour, avec un système de listes, créer une alternance
hommes-femmes? Pour nous, là, c'est un minimum. Je ne peux pas croire que les
gens ici, là, de la commission, ne pourront pas s'entendre sur cet élément-là,
qu'au moins, minimalement, les listes soient en alternance femmes-hommes, là, à
50-50. Ça, pour nous, c'est une évidence, là. Alors, voilà des éléments de
réponse, je dirais.
Mme LeBel : Parlons du
seuil, du seuil. Vous le fixez... vous le préconisez à 3 %. Il est à
10 %. Je comprends que, pour vous, 10 %, ce n'est pas une option, mais
certains, beaucoup, ont même dit 5 %. Est-ce que, pour vous, ça, il y a de
la souplesse, entre 3 % et 5 %? Est-ce que vous pensez que vos objectifs,
qui ont fait en sorte que vous avez choisi 3 %, pourraient être quand même
rencontrés, à tout le moins pas heurtés trop, par un seuil à 5 % ou un peu
plus élevé? Mais j'ai compris que c'était en bas de 10 %, ça, j'ai très
bien compris.
M. Marois (Alain) : Dans
notre mémoire, on écrit que c'est de 3 % à 5 %. Donc, nous, on a
choisi 3 %. On est un syndicat, on est habitués de négocier, donc on est
partis à 3 %. Mais on sait que, dans le monde, dans les systèmes
comparables, on se situe, généralement, là... je pense que le chiffre exact, c'est
quatre virgule quelque chose, quand on fait une moyenne générale, là, donc
entre 3 % et 5 %, là, pour nous, c'est raisonnable.
Mme LeBel : O.K. La
double candidature, on n'a pas eu le temps d'en discuter beaucoup, pouvez-vous
nous donner un petit peu plus de détails sur votre position?
M. Marois (Alain) : Bien,
pour nous, la double candidature, ça a beaucoup d'impacts, entre autres, pour
respecter le pluralisme politique. On sait que, pour un plus petit parti, de
les obliger à la fois à présenter des députés de circonscription et des députés
de liste, ça devient très exigeant. Et on ne souscrit pas du tout à l'idée, parce
qu'on a perdu une élection au niveau d'une circonscription, qu'on ne vaut pas
la <peine...
M. Marois (Alain) :
...
politique. On sait que, pour un plus petit parti, de les obliger à la
fois à présenter des députés de circonscription et des députés de liste, ça
devient très exigeant. Et on ne souscrit pas du tout à l'idée, parce qu'on a
perdu une élection au niveau d'une circonscription, qu'on ne vaut pas la >peine.
On le sait, là, les choix des électeurs, là, en termes d'une élection, se font
sur un paquet de facteurs, puis un excellent candidat peut perdre, pour son
parti, dans une circonscription, mais il ne devrait pas pour autant être rejeté
au niveau d'une liste régionale. Donc, on devrait le permettre, mais ce serait
au libre choix. Il n'y a pas d'obligation, évidemment. Donc, les partis, en
fonction de leurs capacités à avoir des représentants tant au niveau des circonscriptions
qu'au niveau des listes régionales, feraient le choix ou non de présenter puis...
voilà.
Mme LeBel : Bien, merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Avant de passer la parole au député de LaFontaine, j'aimerais
qu'on fasse attention, peut-être, aux mots. Vous avez utilisé le mot «astuce»,
alors, donc… «campagne de peur», juste faire attention à l'utilisation des
mots. Et on ne peut pas citer un tiers pour des propos qui pourraient porter à
débat. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Mais,
M. le Président, sur votre point, est-ce que je peux dire que le premier
ministre, dans ce dossier-là, a été astucieux?
Le Président (M. Bachand) :
Il faut juste faire attention, M. le député de...
M. Tanguay
: C'est
une qualité, l'astuce.
Le Président (M. Bachand) :
Ça dépend de qui le dit puis de quelle façon qu'on le dit, alors faites
attention, s'il vous plaît, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Ah!
là, je suis en train d'éconduire Mme la ministre. Je vais m'arrêter parce que
je ne veux surtout pas l'éconduire. Mais je pense que c'est une belle qualité
de notre premier ministre, ça, d'être astucieux, et en politique...
Et on a entendu la ministre dire, un peu
plus tôt, que le premier ministre a confirmé qu'il allait voter oui, et,
publiquement, il a dit qu'il allait voter oui. Elle a dit que l'un des éléments
qui faisaient en sorte, dans les amendements déposés la veille du congé des
fêtes, 160 articles, excusez du peu, les amendements concernant le référendum…
qu'il ne pouvait pas être membre du C.A., mais on peut ajouter aussi qu'il ne
peut pas être un dirigeant, il ne peut pas présider le camp du Oui, et c'est ce
que lui interdirait la loi dans une campagne électorale où il y aurait un
référendum. Et, comme l'on sait que le... Et elle ne pourrait pas le faire, et
un des arguments qu'elle a dits, c'est parce qu'il y aurait peut-être confusion
dans les dépenses, dépenses référendaires. Si le premier ministre était
président du camp du Oui et en même temps candidat dans son comté et chef de
son parti, il pourrait y avoir des problèmes quant à départager, bon, bien,
qu'est-ce qui relève d'une dépense référendaire puis qu'est-ce qui relève d'une
dépense électorale.
Bien, je pense que la solution toute
trouvée pour lui éviter cet écueil-là, c'est de séparer les deux campagnes. Si
le premier ministre trépigne, a hâte d'en découdre, a hâte d'être le chef du
camp du Oui, donnons-lui l'occasion d'ouvrir sa plénitude et ses arguments qui
vont rallier la population derrière lui, parce qu'il en ferait un cheval de
bataille et on pourrait le libérer, donc, d'écueils administratifs qui,
malheureusement, écueils administratifs, l'empêcheraient d'être président du
camp du Oui. Alors, je pense qu'on répondrait, en toute bonne foi, à cette
préoccupation légitime là du premier ministre.
Vous dites donc très clairement : Pas
en même temps que les élections parce que ce n'est pas une bonne idée. Et qu'on
soit pour ou qu'on soit contre, on s'entend là-dessus. En même temps qu'une
élection, on n'aura pas l'occasion de débattre pleinement et de faire en sorte
que la population, après les débats, puisse se faire une idée puis voter dans
le sens qu'elle l'entend. Vous dites donc : Un référendum,
nécessairement... Vous dites : Un an, dans l'année suivant l'adoption du
projet de loi. Pour vous, il serait, j'imagine... puis je ne veux pas vous
mettre des mots dans la bouche, mais corrigez-moi si j'ai tort, mais il serait
non envisageable qu'il y ait un référendum l'autre bord des élections générales
de 2022.
M. Marois (Alain) : Non,
tout à fait, c'est clair, parce que, là, on vient... on est en pleine
commission, on fait les débats là-dessus, l'attention de la population est
attirée sur le sujet. Un coup que la loi est adoptée, moi, je pense qu'il faut
donner le temps, entre autres, au DGE de mettre en place des modalités
d'éducation populaire par rapport au contenu, que chaque camp se mette en place
et qu'on amorce, je vais le dire comme ça, là, les hostilités, là, pour qu'il y
ait vraiment un débat au Québec autour de la question, si c'est le choix,
évidemment, de l'Assemblée nationale de procéder par un référendum.
• (11 h 30) •
M. Tanguay
: Oui.
Et, en passant, puis je vous fais un clin d'oeil, vous avez dit «les campagnes
de peur de ceux qui seraient contre». Bien, d'un autre côté, je ne vous dirais
pas «les campagnes d'angélisme de ceux qui seraient pour», aussi. Ça, ça se
participerait d'un débat référendaire. Mais ce n'est pas parce qu'on serait
contre qu'on serait forcément de mauvaise foi. On aurait des choses à dire,
puis le peuple décidera dans son âme et conscience.
Si important, d'ailleurs, que vous
verbalisez une autre proposition qu'un débat, vous dites même : On devrait
avoir... augmenté les ressources des deux camps. Vous dites qu'il y a déjà,
prévus dans la loi, des montants… recommandation 13 : «Que les fonds
publics affectés à chacun des deux camps ainsi que la limite des dépenses
autorisées soient augmentés [pour qu'on ait] une véritable campagne...» J'aimerais
vous entendre là-dessus, parce qu'effectivement ce n'est pas <anodin et, on
va...
>
11 h 30 (version révisée)
<11789
M. Tanguay
:
...augmenter les ressources des deux camps. Vous dites qu'
il y a
déjà,
prévus dans la loi, des montants... recommandation 13 : «Que les fonds
publics affectés à chacun des deux camps ainsi que la limite des dépenses
autorisées soient augmentés [pour qu'on ait] une véritable campagne...» J'aimerais
vous entendre
là-dessus,
parce qu'effectivement ce n'est pas >anodin
et, on va se l'avouer, là, c'est assez complexe, et il va falloir, durant une
campagne référendaire, être particulièrement efficaces pour aller rejoindre les
gens puis s'assurer que l'on ait les moyens d'expliquer les tenants et
aboutissants.
Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus,
sur, même, non seulement : N'allez pas noyer ça dans une campagne
électorale, sortez-le, et même... et accordez-lui une importance accrue dans la
pédagogie de la chose, en augmentant les ressources financières. J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Mme Lepetit (Alice) : Oui,
bien, tout à fait. En fait, ce qu'on nomme, c'est que, si le gouvernement
décide d'aller de l'avant avec un référendum, autant qu'il mette toutes les
conditions possibles pour que la place, en termes d'espace... donc qu'il n'y
ait pas de chevauchement avec la campagne électorale, comme vous l'avez nommé,
donc qu'il n'y ait pas de problème de confusion dans les dépenses, que tous les
partis puissent prendre leur place dans ce débat-là également, que les militants,
militantes des partis puissent s'investir aussi dans la campagne référendaire,
ce qui sera beaucoup plus compliqué si elle chevauche une campagne électorale,
et qu'on donne effectivement aux camps du Oui et du Non les ressources
nécessaires au niveau financier. Parce que, comme on le nommait dans notre
présentation, on est à peu près à un tiers, là, en termes de fonds publics, ce
qui est prévu pour la campagne référendaire, par rapport à ce qui avait été
confié aux camps du Oui et du Non lors du référendum de 1995. Donc, on a divisé
par trois, à peu près, et, au niveau des limites des dépenses permises aussi,
on a divisé à peu près par trois.
D'autres modalités, là, dans les fonds...
Par exemple, ce que prévoient les amendements, c'est que les fonds publics
soient versés en trois fois aux camps référendaires, alors qu'en 1995 ça avait
été versé en début de campagne, juste une seule fois. Dans un contexte, aussi,
où il y aurait un référendum en même temps que les élections, où les ressources
des partis seraient beaucoup moins en appui à la campagne référendaire, cette
réduction des ressources aux camps référendaires nous semble être un autre
élément qui va défavoriser un peu les campagnes.
Puis je voudrais juste revenir sur un
élément. Au niveau du camp du Oui et du Non, ce qu'on sait, souvent, dans ce
genre de campagne, c'est que ça demande quand même plus de ressources, peu
importent les arguments et les intentions des camps, de démontrer, de faire la
démonstration qu'il faut un changement versus de défendre un statu quo parce
que, par nature, l'être humain a peur du changement, et c'est plus difficile de
convaincre les gens qu'ils vont gagner au changement que de leur persuader que
la situation actuelle n'est pas si pire. Donc, c'est pour ça qu'on dit aussi
que la réduction des ressources pour les camps référendaires risque de
défavoriser le camp du Oui davantage que le camp du Non, parce que le camp du
Oui aura plus de travail à faire que le camp du Non.
M. Tanguay
:
...les deux camps, il va sans dire, aient les mêmes ressources.
Mme Lepetit (Alice) :
Absolument.
M. Tanguay
: Et, sur le
point de la ministre... puis, honnêtement, je ne l'avais pas vu avant qu'elle
le dise, mais là je le vois, sur le point de la ministre, elle dit : Bien
non, le premier ministre ne pourrait pas être dirigeant du camp du Oui dans une
campagne et électorale et référendaire parce qu'il risquerait d'avoir imbroglio
sur les dépenses d'un camp, camp du Oui versus électorales. Mais, si c'est le
cas pour le premier ministre, ça serait le cas de tous les candidats. Moi, je
vois mon collègue de Québec solidaire, moi, je pense qu'il va être dans le camp
du Oui et je pense qu'il va être extrêmement...
Une voix
: ...
M. Tanguay
: ... — ça
dépend du projet de loi? Je ne veux pas présumer, pas lui prêter des intentions — puis
je pense qu'il va être extrêmement actif. Je ne voudrais pas être son agent
financier, hein? Je veux dire, il fait une publicité qui participe de son
élection : Votez pour Québec solidaire parce que nous sommes notamment
contre ça, contre ça, pour ça, pour ça puis pour le mode de scrutin. Comment
allons-nous séparer? On va dire : Bien, 1/5 de la publicité est relié au
camp du Oui. La dépense de 500 $, vous allez attribuer 100 $ au camp
du Oui comme dépense électorale. Si c'est bon pour le premier ministre, c'est
bon pour mon collègue de Québec solidaire puis ça va être bon pour moi, si
d'aventure on est dans le camp du Non.
Alors, c'est un bon argument de Mme la
ministre. Je ne l'avais pas vu avant. Là, je le vois. Si c'est bon pour un,
c'est bon pour l'autre. Ce seraient des rapports de dépenses excessivement
complexes. Et on a hâte d'entendre le DGEQ là-dessus, par rapport... Puis vous
savez que les dépenses électorales, c'est excessivement important, c'est le
nerf de la guerre. On ne peut pas se tromper là-dessus. Et ce serait, même en
toute bonne foi, très difficile de dire qu'est-ce qui relève de la campagne
référendaire puis qu'est-ce qui ne relève pas.
Mettons ça de côté. J'aimerais vous
entendre sur, donc, l'importance pour vous d'augmenter le nombre de députés.
Vous proposez... Vous avez dit un peu plus tôt... bon, le nombre des régions,
vous avez dit que c'est un élément excessivement sensible et important. Nous en
sommes, la représentativité des régions. Vous dites — je vous
paraphrase, là : La proportionnalité aurait été meilleure si on avait
diminué le nombre de régions, mais on n'y va pas, là, on garde ça à 17, mais
augmentons le nombre de députés. J'aimerais vous entendre sur l'importance
d'augmenter de 125 à 129 le nombre de députés.
M. Marois (Alain) : Bien,
c'est toujours dans l'optique d'avoir une meilleure proportionnalité. Comme on
a expliqué dans notre mémoire, avec ce qui est sur la table, il y aurait, dans
le fond, une correction des distorsions à géométrie variable selon les régions,
puis ça, bien... Si, déjà, un de nos principes, c'est de maintenir le poids
politique des régions, bien, il ne faut pas aussi que, dans le cadre d'une <réforme,
on...
M. Marois (Alain) :
...
meilleure proportionnalité. Comme on a expliqué dans notre mémoire,
avec ce qui est sur la table, il y aurait, dans le fond, une correction des
distorsions à géométrie variable selon les régions, puis ça, bien... Si, déjà,
un de nos principes, c'est de maintenir le poids politique des régions, bien,
il ne faut pas aussi que, dans le cadre d'une >réforme, on avantage des
régions par rapport à l'autre en termes de correction d'indice de distorsion. Avec
ce qui est sur la table pour l'instant, c'est clair que, dans des régions plus
populeuses, on aurait plus de proportionnalité, alors que, dans des régions où il
y a moins de population, il y aurait moins de proportionnalité. Ce n'est pas
plus acceptable. Il n'y a pas nécessairement de perte de poids politique, mais
il y a quand même une perte aussi à ce niveau-là. C'est pour ça qu'on dit :
Bien, minimalement, en ajoutant un siège pour s'assurer que chaque région ait
au moins deux sièges de compensation, ça fait en sorte que tout le monde est
plus sur un pied d'égalité, là. Alors, c'est vraiment dans ce sens-là qu'on
fait cette suggestion.
M. Tanguay
: Et
comment croyez-vous que l'on pourrait justifier qu'il y aurait, donc, une
augmentation des dépenses, des frais de notre démocratie? Clairement, là, les
gens qui seraient contre cela vous diraient : Bien, écoutez... on
comparerait à l'Ontario. Là, j'y vais... j'arrondis, là, on me détrompera si j'ai
tort, je crois, en Ontario, ils sont plus de 13 millions, je crois qu'ils
sont 107, 110 députés, là, ou 103, en bas de 110, et au Québec, on est
8,4 millions et on passerait de 125 à 129. Comment pourrions-nous
justifier cela?
Le Président (M. Bachand) :...au député de Gouin. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
M. le Président. Bonjour. Merci d'être là. J'aimerais vous entendre sur la
question, disons, de votre première recommandation. Vous faites partie des gens — puis
ils sont assez peu nombreux dans la catégorie des gens en faveur d'une réforme
du mode de scrutin — qui, d'emblée, dites : Bon, conservons les
17 régions. Parce que, pour augmenter la proportionnalité, une
recommandation qui nous a souvent été faite depuis le début de nos audiences,
hier, c'est de diminuer le nombre de régions. Vous faites partie des gens qui
disent : Non, conservons 17 régions et, par contre, augmentons le
nombre total de députés. J'imagine que, cette recommandation-là, vous nous la
présentez au terme d'une discussion dans vos instances avec vos membres. Qu'est-ce
qui vous a fait opter pour ça plutôt que pour la solution qui nous a été
davantage présentée, c'est-à-dire diminuer le nombre de régions?
M. Marois (Alain) : Bien,
nous, au fil des discussions avec différentes organisations, dans le cadre de
nos échanges, entre autres, aussi avec le Mouvement Démocratie nouvelle puis
des rencontres qui ont pu avoir lieu, entre autres, avec des gens du cabinet de
la ministre, on a compris que ça serait très difficile de toucher au nombre de
régions au Québec, qu'il y avait une très grande sensibilité autour de ça, et
on pense que c'est un élément qui pourrait faire dérailler... la ministre
disait, tantôt... elle parlait de «deal breaker», mais on pense que, si on
touche aux régions au Québec en ce moment, ça risque d'être un «deal breaker»
pour certains organismes ou peut-être même pour certains partis politiques, je
vais le dire comme ça. Donc, on pense que c'était plus sage d'y aller en ce
sens-là.
Et, bon, oui, plus de députés, ça
occasionne plus de dépenses, là, mais, en même temps, il faut tenir compte de
la particularité du territoire au Québec, là. Le Grand Nord... il y a plusieurs
régions qui ont beaucoup... une grande superficie avec très peu d'électeurs, on
ne peut pas nécessairement se comparer. On parlait... Quelqu'un d'autre parlait
de l'Ontario, là, mais il faut faire attention, aussi, en termes de territoire,
là. Donc, pour nous, c'est la meilleure solution, si on veut augmenter la
proportionnalité.
M. Nadeau-Dubois :
Parlons de parité, il me reste seulement une vingtaine de secondes. Sur une
échelle de 1 à 10... Vous faites des recommandations en matière de parité, au
moins trois. Jusqu'à quel point est-ce que ces recommandations-là sont
importantes pour vous, mettons, sur une échelle de 1 à 10?
Mme Lepetit (Alice) :
Bien, pour nous, ces recommandations-là, c'est le minimum. On parlait, tantôt,
de négociation. On fait une combinaison de mesures structurelles et
incitatives. On pourrait être plus offensifs en termes de demande de parité. Il
y a des pays qui mettent en place des mesures contraignantes de bout en bout.
Nous, ce qu'on propose, c'est un mixte de mesures structurelles avec le scrutin
de liste puis quelque chose de plus incitatif pour l'ensemble des candidatures.
Donc, de 1 à 10, c'est le minimum, ce qu'on propose, en termes de parité et de
diversité en 2020, là.
M. Nadeau-Dubois : Donc,
ce qu'il y a actuellement, c'est en deçà du minimum, selon vous?
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Rimouski. Désolé.
Mme Lepetit (Alice) :
Oui. Oui, oui. Absolument, oui.
Le Président (M. Bachand) :
M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
• (11 h 40) •
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour. Votre réflexion sur les régions est parfaite, gardez-la
comme ça.
Moi, c'est par rapport au référendum.
Regardez, si... mettons qu'on adopte le projet de loi en juin, on met ça sur la
glace, on n'en parle plus, personne ne fait campagne ni pour ni contre, et là
on attend en mai 2022, puis là, woups! on se réveille, là on en parle, mai,
juin, juillet, à travers les barbecues, au mois d'août, puis là, woups! on
arrête, il faut parler de la campagne, il faut parler de la route 20 puis des
problèmes de toutes sortes d'affaires, puis là, après un mois, on pose la
question, moi, je ne pense pas que c'est la bonne façon de faire ça, puis les
gens vont... Est-ce qu'on pourrait se rallier à la proposition du MDN, qui dit :
On devrait faire un référendum dans un an après l'adoption de la loi, gros
maximum, se préparer puis se concentrer sur la vraie question, puis qu'il y ait
<des...
M. LeBel : ...puis là,
après un mois, on pose la question, moi, je ne pense pas que c'est la bonne
façon de faire ça, puis les gens vont... Est-ce qu'on pourrait se rallier à la
proposition
du MDN, qui dit : On devrait faire un
référendum dans un an après
l'adoption
de la loi, gros maximum, se préparer puis se concentrer sur la vraie question,
puis
qu'il y ait >des camps du Oui, puis que le premier ministre
s'en mêle, puis qu'on fasse ça comme du monde, puis qu'on pose la question?
Est-ce que ça devrait être ça, la façon de faire?
M. Marois (Alain) : C'est
tout à fait notre point de vue, s'il doit y avoir référendum, je le répète.
M. LeBel : Oui, oui, je
comprends.
M. Marois (Alain) : Et en
même temps, en même temps, avec un référendum de validation, ça nous sauverait peut-être
aussi beaucoup de temps d'éducation parce que les gens l'auraient expérimenté.
Donc, on pourrait tout simplement... Vous avez le pouvoir de le mettre en place,
comme députés. Votons la loi, expérimentons-le, après on verra comment les gens
réagissent. Puis là on pourrait peut-être sauver beaucoup d'argent, parce qu'il
y en a qui parlent juste d'argent, quand il est question de référendum.
M. LeBel : Puis, moi,
l'élément, aussi... le fait que juin 2020 jusqu'à mai 2022... on ne me fera pas
accroire que personne ne va faire de la campagne, là, puis personne ne va... tu
sais, ça fait que, là, ça milite pour qu'il y ait quelque chose qui se fasse le
plus vite possible. Merci.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous
plaît.
Mme Fournier
:
Oui, merci beaucoup. Puis vous faites bien de faire référence à la superficie
du territoire du Québec. En fait, le Québec est 1,5 fois plus grand que l'Ontario,
et l'Ontario compte 124 députés, donc c'est-à-dire qu'ils représentent un territoire
plus petit que ceux du Québec.
Ceci étant dit, vous avez fait référence à
la prime au vainqueur. Vous savez que le gouvernement évoque cet argument
d'instabilité provoquée par la réforme du mode de scrutin pour dire : Bon,
ce serait bon d'avoir cette prime au vainqueur pour assurer une plus grande
stabilité puis répondre à ceux qui prétendent le contraire. Croyez-vous que
d'instaurer plutôt un encadrement des motions de censure à l'Assemblée
nationale pourrait permettre d'arriver au même objectif, tout en ne
compromettant pas la pleine compensation induite par le mode de scrutin?
M. Marois (Alain) : On
est tout à fait d'accord avec l'instauration d'encadrement des motions de
censure. D'ailleurs, c'est un des principes de l'entente transpartisane, et on
est assez étonnés de voir que ce n'est pas le projet de loi. Donc, c'est la
meilleure solution. Ça existe déjà dans des pays qui ont des systèmes
comparables. Donc, oui, c'est ça qui devrait être fait pour régler la situation
plutôt que la question de la prime au vainqueur.
Mme Fournier
:
Parfait. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
Cela dit, merci beaucoup de votre présentation, c'est très apprécié.
On va suspendre les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 42)
(Reprise à 11 h 44)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses
travaux.
Il me fait plaisir, maintenant,
d'accueillir les représentants de la Fédération québécoise des municipalités.
Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et après ça on a
un échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous
présenter et à débuter votre exposé. Merci beaucoup.
Fédération québécoise des municipalités (FQM)
M. Demers (Jacques) :
Parfait, merci. Bonjour. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés, je me présente, Jacques Demers, maire de Sainte-Catherine-de-Hatley,
préfet de la MRC Memphrémagog et président de la Fédération québécoise des
municipalités. Je suis accompagné de Mme Claire Bolduc, préfète de la MRC
de Témiscamingue, administratrice à la FQM et présidente de la commission
permanente en développement social, institutions et démocratie. J'ai aussi, à
ma droite, M. Pierre Châteauvert, directeur des politiques à la
fédération, et notre directeur général, M. Sylvain Lepage. Merci de nous <accueillir.
La Fédération...
M. Demers
(Jacques) : ...de la MRC de la Témiscamingue,
administratrice
à la FQM et présidente de la commission permanente en développement social,
institutions et démocratie. J'ai aussi, à ma droite, M. Pierre
Châteauvert, directeur des politiques à la fédération, et notre directeur
général, M. Sylvain Lepage. Merci de nous >accueillir.
La Fédération québécoise des
municipalités, dans le cadre de la commission parlementaire sur le projet de
loi n° 39, la Loi établissant un nouveau mode de scrutin... c'est en tant
que porte-parole des régions que la FQM est ici aujourd'hui. La FQM existe
depuis 1944. On regroupe 1 000 municipalités et MRC au Québec. Il y en a
1 108, municipalités, une centaine de MRC. On est vraiment le représentant
des régions. Le plus gros regroupement au niveau municipal qui peut y exister
au Québec, c'est la FQM. C'est pour ça qu'on se présente ici, devant vous. Le
mémoire sera lu par ma collègue, Mme Claire Bolduc.
Mme Bolduc (Claire) :
Merci. Merci de nous accueillir. Bonjour à tous. D'entrée de jeu, la réforme du
mode de scrutin, c'est un sujet qui nous a beaucoup préoccupés dans le milieu
municipal. Et, à la FQM, il importe de dire qu'on a pris le temps qu'il faut
pour analyser très sérieusement la question dès que ça a été annoncé, en fait,
en 2018, et bien avant le dépôt du projet de loi. Nous avons donc discuté avec
les différentes commissions, avec nos instances d'assemblée des MRC et
également avec le conseil d'administration avant de se présenter en assemblée
générale annuelle. C'est le fruit de ces discussions-là qu'on vous livre
aujourd'hui.
On a retenu, à même ces discussions-là,
des principes fondamentaux auxquels tout projet de réforme électorale se doit
de répondre. Nous avons aussi analysé ce que le présent projet de loi fait à la
lumière des principes et des orientations que nos membres ont adoptées. Ainsi,
cinq principes font consensus. Vous en reconnaîtrez certainement quelques-uns à
partir de l'entente qui avait été signée entre quatre partis politiques.
Le premier des principes est qu'en raison
de ses implications pour la société québécoise et considérant que cette réforme
touchera l'ensemble des citoyens et citoyennes, toute modification au mode de
scrutin devra être approuvée par référendum. Pour la Fédération québécoise des
municipalités, il appartient à la population de décider d'un tel changement.
Chaque organisation a la liberté de s'exprimer sur le présent projet de loi,
comme nous le faisons. Cependant, pour les membres de la fédération, la
décision ultime d'un changement aussi fondamental de notre édifice
démocratique, ça appartient aux électeurs, les citoyens et les citoyennes.
Le deuxième principe est que le poids
politique des régions doit être protégé par rapport à celui des centres. C'est
également un principe qui avait été partie prenante de l'entente. Ce principe
doit être évalué non seulement à l'occasion de l'adoption du projet de loi,
mais également en faisant une analyse prospective de ses effets. En effet, par
définition, la révision du mode de scrutin est un exercice exceptionnel, et il
serait curieux de penser qu'on va le refaire à tous les 10 ans. Donc, s'il y a
des effets pervers, on doit les prévoir maintenant, les anticiper maintenant et
on doit s'assurer de ne pas les conforter. Nous allons d'ailleurs revenir sur
ce point-là dans quelques instants.
Le troisième principe, et il est précieux,
particulièrement pour tous les élus et les citoyens et citoyennes de région :
la proximité entre la députation et les électeurs. Ce principe-là est majeur
pour nous. La proximité entre le citoyen, entre l'élu municipal et les députés
doit être garantie. C'est également un sujet sur lequel nous allons élaborer un
peu plus.
Le quatrième principe concerne le respect
des limites territoriales des MRC. Pour nous, à la Fédération québécoise des
municipalités, pour nos membres, il est primordial que le découpage des
circonscriptions tienne compte des autres paliers de représentation
démocratique et, plus spécifiquement, qu'il tienne compte des limites
territoriales des MRC. Il faut s'assurer que le territoire de MRC ne soit pas
découpé en plus d'une circonscription.
Finalement, la Fédération québécoise des
municipalités demande que toute modification au système électoral québécois et
à son mode de scrutin comprenne des mesures qui favoriseront l'atteinte d'une
représentation paritaire.
• (12 h 50) •
À la lumière de ces principes, la
fédération et ses membres ont procédé à l'analyse du projet de loi n° 39.
Ainsi, en ce qui concerne le poids politique des régions et au-delà du fait que
le nombre de sièges reste inchangé, l'introduction d'une nouvelle carte
électorale comprenant des sièges de circonscription et des sièges de région
change complètement la donne de l'appareil démocratique des Québécois et des
Québécoises. Deux aspects nous préoccupent de façon particulière :
l'évolution démographique des régions du Québec et l'étendue prévue des <territoires...
Mme Bolduc (Claire) :
...nouvelle carte électorale comprenant des sièges de
circonscription et
des sièges de région change
complètement la donne de l'appareil
démocratique
des
Québécois et des
Québécoises. Deux aspects nous préoccupent
de façon particulière : l'
évolution démographique des régions du
Québec et l'étendue prévue des >territoires. Le projet de loi détermine
une méthode de calcul de la... par méthode de calcul la répartition des sièges.
Selon la méthode annoncée, la répartition du nombre de députés par région reste
relativement inchangée, à quelques exceptions près. Toutefois, nous attirons
votre attention sur le fait que, cette analyse étant produite à partir des
données populationnelles actuelles, tout nous porte à croire que l'équilibre
présenté maintenant changera à moyen terme. Puisque la loi sur les élections
oblige la révision de la carte des circonscriptions électorales après la
deuxième élection générale suivant la dernière délimitation, le poids politique
des régions qu'on dit vouloir garantir à travers le projet de loi ne pourra
être garanti. La FQM demande donc que le projet de loi assure la pérennité du
poids politique des régions.
La nouvelle carte électorale comporterait également
45 sièges de région sur les 125 actuels et maintenus. Ce nouveau découpage
ajoute un ou des députés par territoire de région selon le calcul de
répartition tel qu'inscrit au projet de loi. C'est un nouveau type de député qu'on
voit apparaître, le député de région versus le député de circonscription, et ça
amène tout un lot de questionnements et de préoccupations aussi quant à la représentation
régionale par rapport à celle du député de circonscription. Par exemple, vers
quel député la population, dont les élus municipaux, devront-ils se tourner
pour faire avancer leurs dossiers? De quelle façon le travail sera-t-il réparti
entre les députés? De quelle façon les députés de formations politiques
différentes parviendront-ils à travailler sur les dossiers prioritaires d'une
région? Ces questions-là, ça nous préoccupe énormément. Je vous rappelle qu'un
député en région, dans les grandes régions du Québec, c'est précieux, autant
pour les citoyens que pour les élus, et sans compter que la proposition
actuelle fait en sorte qu'il existerait désormais deux classes de députés, ceux
de circonscription, ceux de région. Devant toutes ces interrogations, nous
demandons que soit clarifié le rôle des députés de région.
Et parlons de proximité, maintenant. Je l'ai
mentionné, la proximité avec le député ou les députés, qu'ils soient issus de
listes ou élus dans une circonscription, ça nous préoccupe. Ça a été longuement
discuté par les membres de la FQM. Le projet de loi annonce un nouveau
découpage de la carte électorale pour avoir 80 députés de circonscription,
et chaque circonscription... seront regroupées en 17 territoires de
régions électorales. À notre avis, un tel redécoupage défavoriserait les
électeurs des régions moins populeuses.
Je vous invite à réfléchir au fait qu'on
ne peut pas réaliser à 80 circonscriptions ce qui a été déjà très
difficile à accomplir à 125. Pour le citoyen qui est loin de la
Capitale-Nationale, qui est loin de la métropole, le député, je le répète, c'est
précieux. C'est souvent le seul lien avec le gouvernement, et l'État, et avec
tout l'appareil gouvernemental. Il en va de même pour l'élu municipal. Il
apparaît clair pour la fédération que la proximité entre le citoyen et son
député sera grandement affectée.
Et que dire de l'étendue des territoires
des députés issus des listes régionales? Je vais vous parler de ma région. Le
député qui serait élu pour représenter à titre de député régional la région de
l'Abitibi-Témiscamingue aurait à couvrir un territoire de plus de
65 000 kilomètres carrés, deux fois la superficie du Vermont. Le
député de la Côte-Nord aurait, quant à lui, 1 300 kilomètres de côte
à parcourir, en réfléchissant aussi au fait que la route 138 arrête à
Natashquan. On peut parler des régions du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, ce
sont aussi des régions qui ne compteraient qu'un seul député de région. De
quelle manière on pourrait, à ce moment-là, garantir la proximité entre les
citoyens et le député de région? On croit que ce serait quasi impossible à
établir. Ainsi, pour la Fédération québécoise des municipalités, l'éventuelle
adoption de ce projet de loi dans sa forme actuelle constituerait assurément un
recul important pour la population et les élus municipaux des régions, qui
doivent faire appel aux députés de l'Assemblée nationale pour faire avancer
leurs dossiers et collaborer au développement de leur territoire.
Concernant les délimitations des
circonscriptions et régions, nous demandons encore que les limites
territoriales des MRC soient respectées afin de faciliter et consolider le
travail et les échanges entre les élus des différents ordres de <gouvernement.
D'ailleurs...
Mme Bolduc (Claire) :
...pour faire avancer leurs dossiers et
collaborer au développement de
leurs territoires.
Concernant les délimitations des circonscriptions
et régions, nous demandons encore que les limites territoriales des MRC soient
respectées afin de faciliter et de consolider le travail et les échanges entre
les élus des différents ordres de >gouvernement. D'ailleurs, la
reconnaissance des municipalités et des MRC en tant que gouvernements de
proximité doit également se refléter dans le projet de loi, qui établit de
nouveaux territoires électoraux.
Le projet de loi prévoit enfin l'imposition
aux partis politiques de se doter d'un énoncé relatif aux objectifs que se fixe
son parti en ce qui concerne la parité entre les hommes et les femmes. Pour
nous...
Le Président
(M. Bachand) : ...à conclure, par exemple. Le temps est
déjà dépassé. Merci.
Mme Bolduc (Claire) :
Parfait. Alors, pour nous, cette imposition est insuffisante. Nous recommandons
que toute réforme inclue l'obligation de déposer des listes paritaires pour les
candidatures régionales.
Alors, je conclus. Pour nous, la décision
de changer le mode de scrutin actuel appartient ultimement à la population.
Alors, on demande que toutes les conditions soient assurées afin que la population
puisse faire un choix éclairé. La FQM demande que le gouvernement réponde aux
interrogations présentées dans son mémoire, qui reflète les préoccupations de
ses membres, dont en particulier la clarification du rôle des députés de région
et le respect des délimitations de territoires des MRC.
La FQM rappelle les inquiétudes quant à la
perte de proximité avec la population, les élus municipaux et leur députation
due à l'étendue des territoires des nouvelles circonscriptions et des
territoires de régions, particulièrement...
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Je dois vous arrêter parce qu'on a dépassé le temps de quelques
minutes. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Je vais vous
laisser peut-être le temps de finir votre phrase, puis après ça je pourrai vous
poser quelques questions, si vous me permettez.
Mme Bolduc (Claire) :
Nous sommes ouverts à des propositions et des changements qui visent à améliorer
notre mode de scrutin, tout à fait ouverts. Mais, après une analyse qui a
associé des centaines d'élus de toutes les régions du Québec, force est de
constater que le projet de loi actuel ne répond pas à ces conditions. Merci de
votre attention.
Mme LeBel : Bien. Alors,
j'ai bien fait de vous laisser terminer. Au moins, le mot «ouverture» est entré
dans votre discours. Donc, merci pour cette dernière phrase, mais j'ai très
bien compris. D'ailleurs, on a eu l'occasion de se rencontrer.
Je vais peut-être commencer par clarifier
quelque chose, deux petits points qui m'ont un peu titillée dans ce que vous
avez dit. Clarifier le rôle du député. Le député, qu'il entre par la porte de
la circonscription ou par la porte de la liste, pour moi, c'est un moyen
d'accéder à l'Assemblée nationale et pas une fin en soi. Et je pense que c'est
les gens du MDN qui l'ont bien dit, les députés auront le même rôle sur le
territoire. Donc, ça sera, après ça, effectivement, un changement de culture,
une réorganisation.
Je vais prendre l'exemple de la Mauricie,
parce que j'en proviens, et pas parce que... mais j'ai constamment des gens qui
viennent me voir qui ne sont pas dans ma circonscription comme telle et qui
viennent de la grandeur du territoire. Je m'occupe également, aussi, de
dossiers avec mes trois autres collègues, dont un est ici présent aujourd'hui,
le député de Maskinongé, que je salue, de dossiers qui sont régionaux. Donc, il
y aura effectivement, vous avez raison, une organisation qui devra se faire
entre les élus, un apprentissage. Il faudra réapprendre à travailler, c'est
exact. Mais je veux juste vous rassurer, je pense que le rôle... le rôle est le
même, et, en tout respect, je me vois mal, dans une loi électorale, dire que le
député de région va faire telle affaire puis le député de liste va faire telle
affaire. Je pense que ce n'est pas judicieux de le faire. Mais c'est ma
position, je verrai si d'autres la partagent.
Autre chose que je voulais clarifier aussi,
parce que mon collègue député de LaFontaine emploie aussi — «astuce»
me venait en tête, mais je pense que je ne peux pas — cet argument en
disant : Le député de région aura 1 000 kilomètres... je veux
dire, en tout cas, les chiffres que vous avez dits. Bien, il n'est pas le seul
sur le territoire, là. Là, quand on discute de ça, c'est comme si le député de
région allait être tout seul en Gaspésie, là. Ce n'est pas le cas, puis il ne
sera pas tout seul sur la Côte-Nord non plus. Et, vous l'avez mentionné
d'entrée de jeu, un des efforts qui est fait à travers le projet de loi, c'est
de maintenir à peu de choses près le même nombre de députés par région. Donc,
je pense que c'était important de le mettre sur la table avant de continuer nos
discussions, mais c'est important aussi de bien le comprendre. Mais, oui, il y
a un changement de rôle, dans le sens de partage et de façon de travailler,
mais ce sont des députés qui sont équivalents, qui ont la même légitimité. Ce
sont juste deux façons différentes d'accéder à un poste à l'Assemblée nationale.
Puis je sentais le besoin de le dire, ça fait que ça fait partie de ça.
• (12 heures) •
Maintenant, je partage vos préoccupations,
M. Demers, que vous avez exprimées dans une lettre ouverte au nom de vos
membres. J'ai eu l'occasion de rencontrer vos membres. Vos membres sont mes... Je
travaille avec vos membres. J'ai quand même... j'ai 19 municipalités, dont
deux préfets, sur mon territoire et des MRC scindées, donc je comprends
exactement les préoccupations de vos membres, et ils ont eu l'occasion de me
les véhiculer à maintes reprises. Vous avez mentionné, dans une lettre ouverte,
le 2 avril 2019, la chose suivante : «...toute proposition de réforme
du mode de scrutin ne pourra pas s'appuyer uniquement sur le principe de la
représentation proportionnelle du vote, puisque cela ne fera qu'accentuer la
perte d'influence des régions et le sentiment, déjà largement <répandu...
>
12 h (version révisée)
<17847
Mme LeBel :
...de me les véhiculer à maintes reprises. Vous avez mentionné, dans une lettre
ouverte, le 2 avril 2019, la chose suivante : «...toute
proposition
de réforme du mode de scrutin ne pourra pas s'appuyer uniquement sur le
principe de la
représentation proportionnelle du vote, puisque cela ne
fera qu'accentuer la perte d'influence des régions et le sentiment, déjà
largement >répandu à l'extérieur de Montréal et de Québec, de ne pas
être entendus par nos gouvernements.
«Plusieurs sociétés démocratiques ont
compris cela en adoptant un système reconnaissant non seulement le vote
populaire, mais également les régions qui composent leur territoire.»
C'est le point d'équilibre qu'on a tenté
d'obtenir et d'atteindre dans le projet de loi qui est présenté, c'est-à-dire
le point d'équilibre entre divers principes, et j'en ai discuté précédemment,
si vous avez eu l'occasion d'entendre mes propos, dans le fait que des fois il
faut choisir entre l'effet proportionnel, des fois il faut choisir entre le
poids des régions, des fois il faut choisir entre la stabilité gouvernementale.
Plusieurs principes ont motivé les
différents choix, puis c'est pour ça que je vais vous parler peut-être plus
particulièrement des modalités. Vous parlez d'assurer ou de maintenir le poids
politique des régions à l'Assemblée nationale. J'imagine que vous êtes en
faveur du maintien des 17 régions administratives. Parce qu'on a parlé, et
certains ont dit : Bien, ça sacrifie de la proportionnalité. Bien, c'est
un peu le choix qu'on a fait. Donc, j'imagine que vous êtes en faveur du
maintien des 17 régions administratives?
M. Demers (Jacques) :
Absolument, oui. Sur le principe des 17, on n'a pas de problème. Mais j'ai
besoin de répondre quand même à vos deux affirmations d'avant, où est-ce que
vous avez parlé des deux députés. On comprend qu'au niveau de l'Assemblée
nationale ça ne change rien, il y a 25 sièges, ils restent à 25. La
problématique, on la voit sur le terrain, on la voit quand... nous, en tant que
maires ou de préfets, à qui on pose nos questions, avec qui on travaille? On va
avoir deux, maintenant, députés. Les rôles, dans ce sens-là, pour moi, ils ne
sont pas clairs. Est-ce que, maintenant, je dois expliquer à deux députés, chez
nous, comment que ça se passe?
Puis la question pourquoi qu'on dit que c'est
différent en région, c'est que les ministères se trouvent rarement au niveau
des régions. Sur ces grands territoires là, quand on veut faire affaire avec un
ministère, on a énormément de kilomètres à faire, ça fait que, la plupart du
temps, on fait affaire avec notre député. C'est de là où on se dit : Le
rôle est quand même différent que quand on se retrouve dans une grande ville,
où est-ce que, si on veut cogner dans un des ministères, bien souvent, on va
trouver la porte assez près ou on peut s'y rendre facilement. C'est de là où on
dit qu'il y a une distinction.
Mme LeBel : …peut-être un
avantage de vous trouver un peu comme dans la situation de la mairesse de
Montréal ou d'avoir plusieurs députés à qui vous adresser, alors que, dans la
plupart des cas, vous n'avez qu'un député en région, effectivement. Moi, je
pense que c'est une ouverture, mais vous avez raison, il y aura de l'adaptation
à faire dans ce poids-là. Donc, 17 régions, ça va.
Nous avons aussi fait le choix, dans le
projet de loi, qui, nécessairement, affecte d'autres régions, entre autres la
ville... pas la ville de Montréal, mais l'île de Montréal, de garantir des
sièges à toutes les régions, donc toutes les régions, dans le projet de loi, ce
qui n'existe pas dans le mode de scrutin actuel. Et, vous avez raison, en
fonction des mouvements démographiques, dans le mode de scrutin actuel, il y a
des régions qui sont en danger potentiel de perdre des circonscriptions. Nous
garantissons présentement, dans le projet de loi, un député de circonscription,
un député de liste. Donc, deux députés sont garantis à toutes les régions,
présentement, ce qui n'était pas le cas avant, nonobstant les mouvements
démocratiques. Et, qui plus est, compte tenu que l'Île-de-la-Madeleine devient
une circonscription d'exception, trois députés sont garantis en Gaspésie. Donc,
je comprends qu'il y aura toujours les mouvements démographiques, mais ils ne
sont pas... ils ne découlent pas du mode de scrutin que l'on propose, ils
découlent de la réalité de la vie. Et, pour être en région, je comprends aussi
qu'il faut garder les gens dans nos régions, et ça, ce sont des stratégies
qu'il faut faire. Il faut tous travailler dans ce sens-là, je suis d'accord, mais
ça ne découle pas du mode de scrutin actuel.
Donc, est-ce que vous aviez noté le fait
qu'on garantissait des sièges? Et c'est quand même en vertu du principe de
maintenir le poids des régions. Et, naturellement, ce faisant, bien, on... pour
donner... tu sais, pour habiller Paul, il faut déshabiller Pierre.
Malheureusement, Pierre, dans ce cas-ci, on l'a vu, risque d'être l'île de
Montréal, qui pourrait perdre trois députés, selon la démographie de 2018, je
tiens à le souligner. Donc, dans ce cas-là, on a fait primer l'argumentaire du
poids politique des régions sur la proportionnalité. Donc, est-ce que vous
l'aviez noté? Et est-ce que vous êtes d'accord avec cette mesure-là?
M. Demers (Jacques) :
Oui, on l'avait vraiment noté, puis surtout qu'on a vu aussi l'impact que ça
peut avoir. Mais en même temps on s'aperçoit que, présentement, on parle beaucoup
d'étalement urbain, on parle de toutes sortes de choses qui pourraient
accentuer la vague qu'on vit présentement, quand on voit certaines régions se
vider. Mais en même temps qu'on dit qu'on ne veut pas d'étalement urbain, mais
on veut, par exemple, que le territoire du Québec nourrisse le Québec, que les
fruits, les produits, que l'agriculture fonctionnent, bien, si on ne pense pas
à nos territoires… Là où est-ce que ça se produit, bien, il faut garder des
services, il faut garder des choses. De là où, quand on parle de poids
politique, si on n'a pas ces services-là… On va demander à des gens de se
déplacer dans les régions pour nourrir l'ensemble du Québec, mais là où est-ce
qu'il n'y aura plus de services de proximité, où est-ce qu'on n'aura plus de
banque, de caisse, on n'aura plus de dépanneur. Oui, c'est ce qui va causer… L'étalement
urbain, là, il faut faire <attention...
M. Demers
(Jacques) : ...de poids politique, si on n'a pas ces
services-là... On va demander à des gens de se déplacer dans les régions pour
nourrir l'ensemble du Québec, mais là où est-ce qu'il n'y aura plus de services
de proximité, où est-ce qu'on n'aura plus de banque, de caisse, on n'aura plus
de dépanneur. Oui, c'est ce qui va causer… L'étalement urbain, là, il faut
faire >attention où est-ce que ça se produit... Puis de nourrir le
Québec, c'est deux choses qui, présentement, se confrontent puis qui peut avoir
une grande importance dans le mouvement de population. On le vit déjà, ça fait
que faisons attention pour ne pas l'accentuer, puis gardons un pouvoir, au
niveau des régions, de pouvoir s'exprimer puis d'avoir leurs besoins, tout
simplement.
Mme LeBel : Tout à fait.
Deux autres points, peut-être, rapidement, dans le six minutes, à peu près,
qu'il me reste, que j'aimerais aborder avec vous, et je vais y aller tout de
suite sur le 10 %. Vous êtes les seuls, jusqu'à présent — on
verra pour la suite — qui êtes d'accord avec la proposition
gouvernementale, présentement, de mettre le seuil... je vais appeler «le seuil
d'accessibilité», parce que c'est le seuil qui donne le droit de participer à
la distribution des députés de liste ou des compensations, pour le dire de
cette façon-là. Alors, pourquoi est-ce que vous êtes en faveur du 10 %? Et
pourquoi vous pensez que c'est correct et suffisant, là?
M. Demers (Jacques) :
Bien, d'après moi, pour le même sens que pourquoi qu'il y a eu un 10 %
admis, puis qu'il y a un 5 %, puis on n'est pas à 1 % : il
fallait choisir. Ça a été mis là, mais, que quelqu'un me dirait : On
serait mieux à 9 %, à 8 % ou à 7 %, on n'est pas dans le...
vraiment, là, à définir ça de façon très précise. On a vu le 10 %. Ce qui
est sûr, ça prend un certain seuil. On ne veut pas non plus se retrouver
dans... Quand on veut écouter les citoyens, on veut savoir ce qui se passe puis
qu'il y ait des vagues, que ça ne soit pas seulement que la saveur de ce
moment-là, mais vraiment un sentiment des Québécois, puis je pense que c'est
pour ça qu'il faut mettre un seuil à ça. On ne l'a pas déterminé, puis on ne
s'est surtout pas accrochés dans le chiffre de 10 %, à ce moment-ci, là.
Mme LeBel : O.K., parfait.
Bien, merci de le préciser. D'ailleurs, je vais peut-être vous pousser un peu
plus dans ce sens-là, parce que vous dites que le seuil de 10 %… Bon, la
notion de seuil, je pense qu'elle est bien comprise et elle fait consensus, à
mon sens, mais ce que vous dites, c'est que, le «seuil est raisonnable et peut
constituer une sorte de protection face à la fragilisation des gouvernements
par une limitation des formations politiques siégeant à l'Assemblée nationale».
C'est la raison d'être d'un seuil comme tel, mais est-ce que vous pensez que le
seuil de 2 %, ou de 3 %, ou même de 5 %, tel qu'il a été
discuté, pourrait remplir cet objectif-là de limiter pour éviter une...
fragilisation, pardon, où certains ont parlé, même, de courants marginaux de
pensée qui pourraient accéder à l'Assemblée nationale, avec un seuil trop bas?
M. Demers (Jacques) :
Bien, je pense qu'on parle encore de 125 députés pour l'Assemblée nationale. Si
on veut avoir 125 députés, ça prend quand même des gens qui représentent la
population. Puis, sur cette base-là, on ne peut pas avoir non plus 100 députés
de partis différents. À un moment donné, il faut avoir des lignes, il faut
quand même avoir... il faut un seuil. Le seuil, comme je vous disais, que
quelqu'un me dise que c'est exagéré, à 10 %, qu'il faudrait avoir un
8 % ou un 9 %, bien, je pense qu'il faut trouver ce chiffre-là puis
on va vivre avec cet élément-là, mais on ne pense pas qu'il faut être à
0 % ou à 1 %, là, tu sais. Il faut absolument déterminer ce
chiffre-là. Puis, les calculs, comme je vous dis, il y a des éléments, pour les
régions, pour nous, encore plus importants que celui-là.
Mme LeBel : Donc, tant
que le seuil qui sera proposé ou mis de l'avant, éventuellement, qu'il reste à
10 % ou à un autre chiffre, rencontre le principe d'une certaine stabilité
gouvernementale, dans le sens de ne pas multiplier les gens qui seront à
l'Assemblée, vous serez derrière ça.
M. Demers (Jacques) :
Absolument.
Mme LeBel : Parfait.
Double candidature, qu'en pensez-vous? Vous représentez la majorité des...
bien, pas la majorité, vous représentez des élus. Peut-être que vous ne vous
êtes pas penchés sur la question parce que ce n'est effectivement pas un
élément qui est central au projet de loi, peut l'être pour certains adeptes,
mais n'est pas nécessairement pour d'autres.
Mais une des préoccupations qui peut être
légitime ou contrée par d'autres arguments, c'est justement d'avoir deux
classes. Celle des deux classes de députés, vous l'avez, comme préoccupation,
vous l'exprimez autrement, mais d'avoir, exemple, des députés qui pourraient
accéder à l'Assemblée nationale en ayant été battus en circonscription, donc,
n'aurait peut-être pas la même... Je ne dirais pas qu'ils ne sont pas
légitimes, ce n'est pas ça que je dis, parce que des gens auront voté pour eux,
nécessairement, s'ils se retrouvent à entrer par la porte de la liste, mais
peut-être pas la même légitimité aux yeux des gens. C'est un argument, je n'y
adhère peut-être pas, mais je le mets de l'avant pour avoir votre opinion et...
ou bien... Bien, c'était pas mal ça.
M. Demers (Jacques) :
Claire, si tu veux...
Mme LeBel : Ça m'arrive,
moi-même, des fois, de me perdre dans mon dédale.
Mme Bolduc (Claire) : En
fait, la question a été évoquée, et les gens, autant nos membres qu'à
l'assemblée des MRC, ne semblaient pas très à l'aise avec le fait qu'une
personne qui n'ait pas été élue dans sa circonscription revienne par une autre
porte, qui est celle des députés de liste. Mais il n'y a pas eu de prise de
position formelle, dans nos principes, à cet égard-là.
Mme LeBel : Vous sentiez
un malaise, mais il n'y a pas eu de levée de boucliers.
• (12 h 10) •
Mme Bolduc (Claire) :
C'est ça. Le <malaise...
Mme Bolduc (Claire) :
...
pas très à l'aise avec le fait qu'une personne qui n'ait pas été élue
dans sa circonscription revienne par une autre porte, qui est celle des députés
de liste. Mais il n'y a pas eu de prise de position formelle, dans nos
principes, à cet égard-là.
Mme LeBel : Vous
sentiez un malaise, mais il n'y a pas de levée de boucliers.
Mme Bolduc (Claire) :
C'est ça. Le >malaise était clair, les gens avaient... ils exprimaient
vraiment de quelle façon quelqu'un qui n'est pas élu, qui se retrouve quand
même élu, face à la personne qui, elle, a été dûment élue par ses concitoyens…
les gens ont exprimé ce malaise-là. Par contre, ça n'a pas fait partie des
principes sur lesquels on nous demandait de représenter la volonté des élus.
Mme LeBel : Merci. Merci
beaucoup de votre apport.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup. Alors, on va aller au coeur du débat, ça fait que je ne vous parlerai
pas de double candidature puis je ne vous parlerai pas du seuil de 10 %,
parce que je pense que ça, c'est périphérique au cri du coeur que vous venez de
nous lancer.
Alors, premier élément qu'on va pouvoir
mettre de côté assez rapidement dans nos échanges, vous dites que c'est un
bouleversement — je le qualifie, et ça, c'est le mot que j'utilise — le
projet de loi n° 39, c'est fondamental. Les citoyens devront faire, le cas
échéant, dans un référendum, un choix éclairé. Êtes-vous d'accord avec
l'affirmation que ce choix éclairé là ne serait pas optimal si c'était en même
temps qu'une campagne électorale?
M. Demers (Jacques) :
Non. J'oserais même quasi dire : Au contraire, je pense que les Québécois
n'ont pas de difficulté à répondre à deux questions dans une même journée. Non,
on ne s'accroche pas sur cet élément-là. Ce qui est important, c'est qu'il y
ait des gens qui aillent voter et qu'il y ait un taux de votation significatif.
C'est-à-dire que, si on le divise, ma crainte, c'est qu'on n'attire peut-être
pas autant de gens qui vont s'impliquer.
Puis, dans chacun des partis, vous avez toujours
des programmes électoraux avec plein de points, puis pourtant, une fois qu'un
parti est élu, dire : On a été élus là-dessus... Je ne suis pas sûr que,
chacun des points qui est mis dans vos plateformes électorales, les gens les
ont nécessairement tous analysés, tandis que, celui-là, je suis convaincu que,
si on le met en place puis que les gens ont la chance de voter là-dessus, bien,
il devrait y avoir les discussions.
Puis ce qu'on amène aujourd'hui, plusieurs
choses, on n'a pas de réponse, on a beaucoup de questionnements encore, puis
pourtant ça fait longtemps qu'on travaille là-dessus. Je pense que les gens
auraient la chance de vous entendre, d'un côté comme de l'autre.
M. Tanguay
: Mais
diriez-vous également qu'une campagne référendaire distincte pourrait obtenir
ce résultat-là également, pas de façon moindre non plus? Qu'il y ait une
campagne référendaire exclusivement sur cette question-là, qu'on se penche sur
tous les tenants et aboutissants, exclusivement là-dessus, ce ne serait pas
moins bon, autrement dit?
M. Demers (Jacques) :…on pourrait se questionner. Déjà, au Québec, on a une année
qu'il y a des élections au provincial, une année qu'il y a des élections au
municipal, une année qu'il y a des élections au fédéral, ça fait qu'il faudrait
être sûrs qu'on tombe sur l'année qu'un gouvernement minoritaire ne fera pas…
et qu'il y aura encore une élection à ce moment-là. Parce que, de toute façon,
on va croiser une élection. Il n'y a en pas… Vous n'avez pas d'espace à dire :
On va avoir plus d'un an entre des élections, nulle part. Ça fait que je ne le
sais pas, à quel endroit vous pensiez qu'on pouvait faire un référendum qui
laisse absolument suffisamment de temps pour avoir cette discussion-là.
M. Tanguay
: Vous
dites : Deux classes de députés, puis j'en suis, également, députés de
région, 45, et députés de comté. Plusieurs aspects. Premier aspect, le rôle qui
n'est pas pareil. Il y a l'aspect du rôle, des dossiers, la nature des
dossiers. Après ça, on va parler de l'accès à son député pour le citoyen puis
pour vous, donc en termes de populationnel, puis après ça on va parler du
territoire que vous avez dit qu'il doit couvrir.
Alors, je veux vous laisser pleinement,
là, parce que je n'ai pas beaucoup de minutes, il m'en reste sept, là... Il y
aura définitivement deux classes de députés, on ne se le cachera pas. Moi, si
je suis député de la Montérégie, j'aurai à desservir 1 151 000 citoyens.
Mon collègue, hier, de Québec solidaire a dit : Oui, mais tu ne seras pas
tout seul, vous seriez huit. Bien, c'est bien de valeur, première des choses,
on va diviser 1,1 million par huit, ça fait 144 000 électeurs. Mettez
ça en termes de population, ça fait bientôt un quart de million de population à
desservir. Mais aussi, si moi, je suis député de région puis qu'un des
commettants des 1,1 million veut me voir, moi, là, pensez-vous que je vais
lui dire : Bien, moi, ma journée est faite, va voir l'un des sept autres?
Non, il va falloir que je lui donne accès.
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus,
quant aux bouleversements que ça impliquerait sur ces trois aspects-là, puis je
veux vous laisser le plus de temps possible. Sur la nature des dossiers, ça ne
sera pas pareil, moi, si j'ai mon comté, j'ai mes dossiers de comté, versus la
grande région. Sur l'aspect populationnel, desservir une population énorme et
d'avoir moins accès à mon député, comme citoyen puis comme élu, puis, deuxième
élément, donc, le territoire qui est à parcourir, qui est énorme, j'aimerais
vous entendre là-dessus, sur les drapeaux rouges, très, très clairement, que
vous soulevez ce matin, là.
Mme Bolduc (Claire) :
Bien, ça me fait plaisir de répondre à la question. D'abord, Mme la ministre, tout
à l'heure, a dit que les députés auront le même rôle. Je pense que oui. À
partir du moment où la personne siège à <l'Assemblée...
M. Tanguay
:
...qui est à parcourir, qui est énorme, j'aimerais vous entendre
là-dessus,
sur les drapeaux rouges,
très, très clairement, que vous soulevez ce
matin, là.
Mme Bolduc (Claire) :
Bien, ça me fait plaisir de répondre à la question.
D'abord,
Mme
la ministre,
tout à l'heure, a dit que les députés auront le même rôle.
Je pense que oui. À partir du moment où la personne siège à >l'Assemblée
nationale, le rôle d'un député en est un de législatif, de réglementaire et de
faire… de générer les équilibres nécessaires au fonctionnement d'une société.
La demande qu'on exprime, l'inquiétude qu'on a manifestée, c'est de quelle
manière ces rôles-là, une fois en région et dans chacune des régions, ça va
s'articuler.
Dans ce contexte-là, on a besoin d'avoir
des précisions sur, par exemple, la portée de représentation des députés. Si
deux députés de circonscription — je prends l'Abitibi-Témiscamingue — un
député de région sont dûment élus par la population — parce que, de
toute façon, on va voter aussi pour le député de région — et qu'il y
en a deux qui portent un certain programme politique, alors que l'autre en
porte un autre, de quelle manière l'écoute auprès des citoyens va se faire? De
quelle manière ces députés-là, qui sont élus... La base de l'édifice
démocratique, c'est d'avoir la lecture des réalités des citoyens dans chacun
des territoires pour légiférer et réglementer de la meilleure façon possible.
Cette précision-là, on a besoin de la connaître. Vous nous posez la question,
on vous retourne le travail. C'est un travail de législateur de définir ça,
mais on a besoin d'avoir cette réponse-là.
Deuxième élément, le député de région, qui
aura certainement un plus grand territoire, il aura le même devoir de
représentation de la population, malgré... peu importe la manière dont il va
arriver. Alors, nous, ce qu'on pose, comme question, c'est : De quelle
façon on va légitimer auprès de la population la représentativité des élus les
uns par rapport aux autres? Et, encore une fois, on ne vous dit pas comment le
faire, on vous manifeste les inquiétudes et les préoccupations que nous avons
relevées, autant chez nos citoyens que parmi les élus qui ont eu l'opportunité
de discuter de ce sujet-là. Est-ce que...
M. Tanguay
: Et
donc, effectivement, il faut voir ça également. Quand on dit qu'il y aura
désormais 80 comtés, parce qu'on prend 45 députés puis on dit : Vous, les
députés, là… on change fondamentalement le rôle du député. Moi, si je suis
député de région de la Montérégie, je reviens avec cet exemple-là, ou de
Montréal, ou de Québec, ou de la Gaspésie—Les Îles, si je représente toute
cette région-là, je devrai avoir un rôle qui, nécessairement, sera différent
par rapport au territoire que j'ai à couvrir. Et les gens, mes élus municipaux,
vous, vous devez beaucoup travailler. Moi, je le sais. Moi, je représente
LaFontaine, qui est Rivière-des-Prairies. Rivière-des-Prairies, à Montréal… c'est
une autre réalité, Montréal, c'est la moitié d'un arrondissement, et j'ai des
élus municipaux. Oui, j'ai la mairesse Plante, mais je travaille beaucoup avec
mes élus d'arrondissement, la mairesse Caroline Bourgeois et mes élus
municipaux. On se voit, c'est du un pour un, je dois travailler avec cinq élus
municipaux dans une même moitié d'arrondissement de la grande ville de Montréal.
Mais en région, vous, les élus, vous allez vouloir parler à votre élu régional
puis probablement aussi surtout à votre élu de comté. Bien, eux, si on passe de
125 comtés à 80, ça va faire 80 grands, grands, grands comtés, de un. De
deux... Autrement dit, c'est comme une redistribution des tâches de façon à
alourdir la tâche de tout le monde. Si on vous dit : On est 125, on prend
chacun 1/125 du Québec, ça tient la route. Si on vous dit : Bien là, on va
agrandir vos comtés, vous allez être 80 pour couvrir le Québec entièrement, on
augmente le nombre d'élus, on augmente le territoire, puis les autres, bien,
vous allez représenter les 17 régions, ces 45 là, bien, on augmente également. Alors,
j'aimerais vous entendre là-dessus, sur le fait que c'est une réorganisation de
travail qui pénalise les députés puis qui diminue l'accès à son député.
Mme Bolduc (Claire) :
Alors, pour revenir... On l'a rappelé, le député dans une région, Abitibi-Témiscamingue,
Bas-Saint-Laurent, Gaspésie, c'est une personne-ressource précieuse. Quand on
est à Montréal ou Québec, quand on est dans l'axe Québec-Montréal, c'est facile
d'avoir accès aux directeurs de ministères, c'est facile d'avoir accès aux
dirigeants, c'est facile d'avoir accès aux sous-ministres. Chez nous, même les
lignes téléphoniques qui nous amènent à Québec ou à Montréal, c'est très
difficile de parler à quelqu'un. On a des belles boîtes vocales. Alors, la
personne à qui on peut parler, celle qui va nous aider à faire cheminer un
dossier, c'est le député, souvent, et cette personne-là, elle est précieuse. Ce
qu'on vous demande… On ne vous dit pas que ce n'est pas faisable. Actuellement,
il y a 70 députés au fédéral. On aurait...
Une voix
: ...
• (12 h 20) •
Mme Bolduc (Claire) : ... — 78,
oui, vous avez raison — on aurait 80 députés au provincial, parce
qu'on a choisi deux circonscriptions d'exception. Quand on regarde ça, ça peut
se vivre. La question qu'on a, nous, c'est : Quelle sera la dynamique sur
les <territoires...
Mme Bolduc (Claire) :
...
actuellement,
il y a 70 députés au fédéral. On aurait...
Une voix
: ...
Mme Bolduc (Claire) :
...
— 78, oui, vous avez raison
— on aurait
80 députés au provincial,
parce qu'on a choisi deux
circonscriptions d'exception. Quand on regarde ça, ça peut se vivre. La
question qu'on a, nous, c'est : Quelle sera la dynamique sur les >territoires
entre les différents députés? C'est cette question-là qui nous préoccupe. Une
fois rendu à Québec, une fois rendu à l'Assemblée nationale, le rôle des
députés devient le même : légiférer, réglementer et générer les équilibres
nécessaires au fonctionnement de la société.
M. Tanguay
: Bonne
distinction. Avant, les quelques secondes qu'il me reste, page 9, vous dites, puis
j'aimerais vous entendre là-dessus à la lumière des précisions que vous avez
apportées, il y a peut-être d'autres aspects : «...l'adoption de ce projet
de loi provoquera à moyen terme une baisse réelle du poids politique des
régions malgré les préoccupations prises par le gouvernement.» Pouvez-vous me
l'expliciter, s'il vous plaît?
Le Président (M. Bachand) :
Très rapidement, par exemple, le temps est... Très rapidement.
Mme Bolduc (Claire) : En
fonction du redécoupage des cartes électorales qui sont prescrites… L'actuelle
Loi électorale oblige le redécoupage des cartes électorales à toutes les deux élections
générales.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Merci d'être ici aujourd'hui. Vous avez des recommandations qui sont
intéressantes, mais qui sont générales… d'aller dans le spécifique avec vous,
parce que vous exprimez une inquiétude, des préoccupations que tout le monde
partage ici, c'est-à-dire comment s'assurer d'une pérennité du poids politique
des régions, comment s'assurer d'une proximité, d'une relation forte, solide,
entre le député et ses électeurs, ses électrices.
Et vous invoquez une inquiétude, celle du
déclin démographique de certaines régions, une inquiétude, encore une fois,
qu'on partage, et vous dites : Ça, ça peut avoir comme conséquence une
diminution du poids politique des régions. Or, ça, c'est une inquiétude que
vous avez, actuellement, dans le mode de scrutin actuel, hein, et il y a des
régions qui pourraient être appelées à perdre des circonscriptions, qu'on
change le mode de scrutin ou non. Mais, en tout cas, c'est sûr que ça va
arriver si on ne change pas le mode de scrutin, si la tendance se maintient.
Or, l'avantage, justement, d'avoir des
députés de région, d'avoir un minimum de fixé par la loi, un certain minimum de
députés régionaux, c'est justement de venir verrouiller la présence de ces
députés-là, quel que soit le déclin démographique, en introduisant par exemple
une disposition qui dirait : Il y a un minimum de deux députés de région
par région, quel que soit le nombre de circonscriptions, qui, lui, en effet,
pourrait varier selon l'évolution démographique.
Est-ce que, donc, en venant augmenter le
nombre général de députés au Québec et en s'assurant qu'il y ait plus de
députés régionaux par région, on ne viendrait pas non seulement répondre à
votre préoccupation liée au mode de scrutin mixte, mais même augmenter le poids
politique des régions par rapport à la situation actuelle? Donc, est-ce que, de
ce point de vue là, la réforme du mode de scrutin ne pourrait pas être une
avancée en matière de poids politique pour les régions du Québec?
M. Lepage (Sylvain) : Si
vous me permettez, avec égards, la préoccupation actuelle des régions, ce n'est
pas la proportionnelle. La préoccupation des régions, c'est d'être de moins en
moins représentées et être de plus en plus représentées ou dirigées par la Capitale-Nationale
et par...
M. Nadeau-Dubois : Mais
ce que je vous dis, c'est qu'on pourrait augmenter par rapport au statu quo,
qu'il y ait plus d'élus par région.
M. Lepage (Sylvain) :
Bon, alors, je vais vous poser la question : Quelle est la principale
critique que font les gens en région eu égard aux députés fédéraux, qui ont
déjà de très grands territoires? C'est de ne... ils ne sont jamais là, ils ne
sont pas présents. Et là, ce que vous nous proposez, c'est…
Une voix : …
M. Lepage (Sylvain) : Non,
on va dire : Il y a 125 députés, on va agrandir les territoires des
députés actuels, ils vont tomber à 80, puis les autres députés qu'on va
ajouter, on va leur donner encore des plus grands territoires. Et là vous dites
à ces gens-là : Vous allez être mieux représentés, même si vous allez voir
moins souvent votre député de région parce qu'il va devoir couvrir des
territoires...
M. Nadeau-Dubois : Mais,
si on en ajoutait? Si on mettait plus de députés régionaux par territoire?
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Merci. Alors, je vais passer la parole au député de Rimouski, s'il vous
plaît.
M. LeBel : Merci. Bien,
bonjour. Moi, je repense toujours à ma dame, chez nous, qui disait : Moi,
Harold, j'ai voté pour toi, mais j'aurais aimé ça aussi voter libéral. Parce
qu'elle a voté pour moi, en fin du compte, les libéraux n'ont pas eu le vote,
mais je voudrais que son vote compte. Puis ce qu'on veut faire là, c'est de
faire en sorte que son vote compte, qu'elle va pouvoir voter pour moi puis
voter aussi sur une liste libérale si elle veut voter. Il faut revenir à ça,
hein? C'est ça, l'essentiel qu'on voulait faire.
Moi, j'ai étudié ça puis je me disais :
Il fallait conserver le poids politique des régions. Je suis un député de
région puis je sais ce que c'est, ma circonscription est grande. Puis ce qu'on
nous amène là, il va y avoir... On est trois députés dans le Bas-Saint-Laurent.
Ce qu'on a dans la proposition, il va y avoir trois députés dans le
Bas-Saint-Laurent. Il y a même des amendements qui fait qu'on pourrait
peut-être en avoir un quatrième, un deuxième de liste. Ça ferait qu'on
gagnerait, on aurait plus de députés.
Ce que ça change, c'est que les députés
vont travailler sur le même territoire, et là les gens, les élus, donc, pourront
aller à un ou à l'autre, mais ils vont travailler sur le même territoire. Mais
il va y en avoir plus ou au moins le même nombre, ça fait que ce n'est pas là
qu'il y a un danger. Ce qui est un danger, par exemple, c'est que, moi, ma
circonscription, on va rajouter deux MRC de plus. C'est sûr que, là, je veux
avoir des outils, je veux être capable... avoir un bureau dans chacune puis
avoir du personnel pour vous parler, et ça, dans le projet de loi, il n'y a
rien qui le prévoit. Le MDN nous propose, là, quelque chose pour prévoir des
outils.
Ça fait que, vous voyez, le poids des
régions, il est plutôt conservé. C'est la culture qu'il faudra changer, et ça,
ce n'est pas évident. On travaille d'une même façon depuis très longtemps.
Est-ce qu'on peut changer cette culture-là? Les députés pourraient <travailler...
M. LeBel : ...
avoir
un bureau dans chacune puis avoir du personnel pour vous parler, et ça, dans le
projet de loi, il n'y a rien qui le prévoit. Le MDN nous propose, là, quelque
chose pour prévoir des outils.
Ça fait que, vous voyez, le poids des
régions, il est plutôt conservé. C'est la culture qu'il faudra changer, et ça,
ce n'est pas évident. On travaille d'une même façon depuis très longtemps.
Est-ce qu'on peut changer cette culture-là? Les députés pourraient >travailler
plus ensemble. C'est là-dessus que… c'est ça, l'enjeu. C'est ça, le défi qu'on
propose, dans le fond.
M. Demers (Jacques) :O.K. Je pense que ça me permet un peu de répondre aussi à la question
d'avant. On comprend qu'en frais de nombre il n'y a pas une variation si
importante. Ce qui nous interroge beaucoup là-dessus… On revient à la question
des deux députés. Dans mon comté, là, du jour au lendemain, vous allez dire :
Tu as autant de députés que tu en avais précédemment. Maintenant, j'ai deux personnes
au lieu d'une à rencontrer, puis qui sont probablement dans deux partis
différents. Comment qu'on fait ces rencontres-là? On est déjà dans des cédules
très serrées. Il va falloir nous expliquer réellement ce qu'est le rôle de ces
deux députés-là. En frais de nombre, c'est vrai qu'il n'y a pas de différence,
mais l'important, c'est que leur territoire est maintenant plus grand. Ça fait
que, là, il faut parler, maintenant, à deux personnes quand on veut expliquer qu'est-ce
qu'eux devront porter à l'Assemblée nationale. Rendu ici, je comprends qu'ils
représentent... Puis vous allez dire : Les proportions sont correctes, mais
c'est à la base que le fonctionnement, pour nous, accroche.
Une voix : ...
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Mais juste passer... Parce que le temps file, et je dois passer la
parole à la députée de Marie-Victorin. Désolé, M. Châteauvert.
Mme Fournier : Merci pour
votre présentation. Corrigez-moi si je me trompe, mais, généralement, lorsqu'il
y a des enjeux qui sont débattus dans la société québécoise par certains
groupes, par exemple, ou certaines municipalités, c'est assez commun que le
groupe en question va rencontrer autant des représentants du gouvernement que
de l'opposition. Puis je vous donne l'exemple, pour faire référence directement
au changement du mode de scrutin, moi, je représente une circonscription
urbaine dans l'agglomération de Longueuil. On est six députés à couvrir ce
territoire-là et on représente trois allégeances différentes, et en fait ça
donne, je trouve, beaucoup d'outils aux représentants municipaux, parce qu'ils
peuvent aller nous contacter, chacun d'entre nous, et ainsi avoir plus de poids
politique. Je crois que ce pluralisme, en fait, fait en sorte que les dossiers
avancent plus facilement, parce qu'ils peuvent être, disons, défendus de part
et d'autre, et j'ai l'impression que ça assure une meilleure représentativité.
Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Demers (Jacques) :
Bien, probablement que, dans votre cas, vous avez raison. Dans un milieu urbain
densifié où est-ce que tout le monde est là, peut-être que ça marche. Mais, si,
nos deux députés, j'ai trois heures d'un côté et trois heures de l'autre pour
aller les rencontrer, je me dis : Je ne peux probablement pas les
rencontrer la même journée. Puis c'est ça qu'on vit sur le territoire, puis c'est
là toute la différence. Parce que, si les bureaux sont un à côté de l'autre
puis qu'on peut les rencontrer, du moins, ensemble, qu'on pourrait débattre de
nos points pour qu'après ça, à la porte, il y a peut-être quelque chose
d'intéressant… Mais de là où est-ce qu'on va avoir un lien avec un des
députés... Et j'ai de la misère à penser que, localement, on aura deux députés
qui, maintenant, portent... Minimalement, il faut expliquer nos dossiers,
maintenant, à deux personnes, ça serait la base.
Mme Fournier : Mais je
reviens au concept gouvernement-opposition. Parfois, si vous voulez faire
avancer un dossier, vous allez, par exemple, devoir vous déplacer à Québec,
rencontrer un ministre ou rencontrer l'opposition. Avec la réforme du mode de
scrutin, ça assure qu'il y a autant des gens du gouvernement que de
l'opposition sur un même territoire puis ça peut éviter, justement, peut-être,
des déplacements ou des contacts avec le gouvernement du Québec.
M. Demers (Jacques) :
Si j'ai bien compris, ce qui nous est présenté aujourd'hui, ça ne nous garantit
pas qu'on a quelqu'un qui est au pouvoir et quelqu'un dans l'opposition, et pas
la troisième ou la quatrième opposition qui est sur mon territoire à
représenter. Or donc, j'ai quand même à rencontrer ces personnes-là. Je ne
viens pas de diminuer mon rôle de représentation, là.
Mme Fournier : Oui, mais,
avec la compensation, ce serait très étonnant qu'une région soit représentée
par 100 % du même parti. En fait, c'est, je trouve, l'avantage de la
réforme.
M. Demers (Jacques) :
Mais il y a beaucoup de chances qu'il y ait beaucoup plus de partis, par
exemple, à qui on aura à faire ces représentations-là.
Mme Fournier : Oui. Au
moins des deux côtés.
Le Président (M. Bachand) :
Parfait. Sur ce, je vous remercie infiniment de votre présentation.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
14 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
14 h (version révisée)
(Reprise à 14 h 1)
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. La Commission des institutions reprend ses
travaux. Je demande, bien sûr, comme vous le savez, à toutes les personnes
présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Petit rappel du mandat, la commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le cahier de consultation sur le projet de loi n° 39, Loi
établissant un nouveau mode de scrutin.
Cet après-midi, la commission va recevoir,
entre autres, la Société Saint-Jean-Baptiste, L'Union des producteurs
agricoles, M. André Blais, professeur, le Nouveau Parti démocratique du
Québec et le Parti conservateur du Québec.
Cela dit, je vous informe que, pour la
présentation du Pr Blais, ça sera par visioconférence, donc il y aura des
petites notes d'ajustement à faire pour la présentation de M. Blais.
Cela dit, il me fait plaisir d'accueillir
les gens de la Socété Saint-Jean-Baptiste. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes
de présentation, après on aura un échange avec les membres de la commission.
Alors, la parole est à vous, M. le président. Bienvenue.
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM)
M. Laporte (Maxime) :
Merci, M. le Président. Mes salutations aux membres de cette Assemblée. C'est
toujours un honneur de prendre la parole en cette noble institution.
Ce n'est pas d'hier que la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal privilégie l'adoption d'un mode de scrutin
mixte compensatoire pour le Québec. Depuis les débuts de la Révolution
tranquille, la société aura même joué un rôle d'avant-garde en ce domaine, comme
en témoigne, par exemple, cet extrait d'un procès-verbal de 1972 où il est dit,
et je cite : «Le mode actuel de scrutin majoritaire à un tour fausse le
sens du vote dès qu'il y a plus de deux partis en lice. Quant au système à deux
tours, il n'est pas jugé vraiment démocratique.
«La [société] de Montréal doit réitérer sa
recommandation d'un système électoral mixte s'inspirant du modèle allemand, qui
juxtapose le système majoritaire uninominal actuellement en vigueur et celui de
la représentation proportionnelle. Cette formule a le grand avantage de retenir
à la fois la stabilité gouvernementale du scrutin majoritaire à un tour et
l'élément d'équité et de justice de la proportionnelle.» Fin de la citation. Ça
aurait pu être écrit hier.
Tout d'abord, en tant que mouvement
prônant l'agir par soi-même de la nation québécoise, je ne saurais manquer de
souligner, à titre liminaire, vous savez, que le meilleur régime démocratique
auquel un peuple puisse aspirer réside naturellement dans son indépendance
politique. Ainsi, tout au long de ces travaux, puissions-nous ne jamais perdre
de vue le caractère terriblement partiel du présent exercice, sachant que c'est
encore un autre Parlement dominé par des représentants d'une autre nation qui
continuera demain à exercer les plus importants pouvoirs de l'État. Or, si le
mot «démocratie» revêt toujours un sens, le parachèvement de la nôtre exige que
l'ensemble de ces pouvoirs échoient, oui, à nous, le peuple du Québec, par
l'entremise des institutions qui nous appartiennent en propre et à l'exclusion
de toute autorité tierce.
Cela étant dit, outre nos commentaires
généraux sur le projet de loi dans son ensemble, nous nous sentions le devoir
d'attirer plus spécifiquement l'attention du public et des membres de cette
Assemblée sur ce qui constitue à nos yeux un angle mort de la réforme souhaitée,
et c'est là notre contribution particulière. Et, je sais, on m'a dit que vous
avez entendu quelque chose comme une répétition d'arguments du même type. Au
moins, ce mémoire a l'avantage de présenter quelque chose d'original. En
l'occurrence, il s'agit de l'absence, jusqu'ici, de toute discussion relative
au mode de désignation du chef du gouvernement, c'est-à-dire du premier
ministre du Québec, enfin, à quelques rares exceptions. Nous soumettons que les
mesures visant à l'amélioration de notre démocratie représentative, telles que
portées, notamment, par le Mouvement Démocratie nouvelle, ne sauraient être
complètes sans un examen sérieux de cette question. En omettant d'aborder ce
qui se veut pourtant l'aboutissement naturel, si ce n'est le but véritable, au
fond, de toute élection législative en régime parlementaire, soit la formation
d'un gouvernement, la proposition actuelle ne satisfait que partiellement à sa
propre ambition, qui, à juste titre, consiste à accroître la représentativité
de la gouvernance de nos institutions publiques.
Alors qu'à la faveur d'un mode de scrutin
mixte la composition de l'Assemblée nationale, quant aux forces politiques en
présence, en vienne à mieux refléter la volonté du peuple, fort bien, mais, en
toute cohérence, cet esprit de représentativité ne devrait-il pas se retrouver
tout autant lors de la <formation....
M. Laporte (Maxime) :
...la
gouvernance de nos institutions publiques.
Alors qu'à la faveur d'un mode de
scrutin mixte la composition de l'Assemblée nationale, quant aux forces
politiques en présence, en vienne à mieux refléter la volonté du peuple, fort
bien, mais, en toute cohérence, cet esprit de représentativité ne devrait-il
pas se retrouver tout autant lors de la >formation du Conseil exécutif
et, a fortiori, dans le mode de désignation de son président? Alors, concrètement,
le premier ministre du Québec ne devrait-il pas être investi, en premier lieu,
par un vote de nos élus plutôt que par le chef de l'État, comme cela se voit
dans tant et tant de démocraties parlementaires?
Alors, de l'avis de notre conseil général
et des experts que nous avons consultés, la désignation parlementaire du chef
du gouvernement constitue, dans le contexte québécois, une véritable clé pour
garantir le progrès de notre système de représentation politique tel qu'espéré
par les tenants du projet de loi. Autrement, les distorsions propres à nos
conventions constitutionnelles héritées de l'âge féodal, en l'occurrence la
nomination a priori du premier ministre par le lieutenant-gouverneur, le tout
assorti de notre culture politique si réfractaire à la gouvernance non
monopolistique, tout cela risquerait d'altérer la mise en oeuvre des principes
invoqués en faveur de la réforme attendue.
Et de plus il y a lieu de mieux encadrer
les pouvoirs de l'Exécutif afin de rendre nos institutions plus propices à
accueillir le style de joute politique qui va résulter de l'adoption d'un mode
de scrutin mixte de sorte que les questions capitales relatives au pouvoir de
prorogation, par exemple, à la nomination des ministres, au vote de
non-confiance ou à la dissolution de l'Assemblée nationale... Tout cela mérite
réflexion, et c'est ce dont nous parlons dans notre mémoire.
Il me reste combien de temps?
Le Président
(M. Bachand) : Cinq minutes.
M. Laporte (Maxime) :
Très bien. Sans tout régler, un vote d'investiture parlementaire du premier
ministre, donc un vote par l'Assemblée nationale de l'un de ses membres à la
fonction de premier ministre, permettrait d'éviter bien des écueils, cela en
institutionnalisant de manière formelle la possibilité, pour les différents
partis, ou bien de négocier la constitution d'un gouvernement de coalition ou
bien d'accorder leur confiance à un gouvernement minoritaire de leur choix. Il
n'y aurait plus de prime à la nomination royale, pour ainsi dire.
Par ailleurs, cette façon de faire
favoriserait la concertation des forces politiques autour de différents enjeux
fondamentaux, constitutionnels, notamment, et compte tenu de l'intérêt
national, au-delà des tiraillements ordinaires des lignes partisanes. Les
meneurs seraient davantage jugés en fonction de leur aptitude à s'unir, à faire
cause commune qu'à écraser la concurrence. Et l'excuse de la tradition
politique ou encore les appels à ne pas bousculer le premier gouvernement
arrivé, ça ne tiendrait plus.
Alors, pour citer Hugo Cyr, doyen de
la Faculté de droit de l'UQAM, l'investiture parlementaire du premier ministre «permet
de savoir clairement qui possède la confiance de la Chambre et qui [...] peut
former un gouvernement; [elle] assure une plus grande transparence dans la
formation du gouvernement et [elle] est de nature à renforcer la confiance du
public dans ses institutions[...]; [elle] permet de mettre en évidence que le
gouvernement tire sa légitimité de la confiance que lui [accordent les membres
de l'Assemblée nationale] — lui, dans son cas, il parlait de la Chambre
des communes. [Et elle] permet de mieux faire comprendre que ce sont les
députés qui sont élus et non les membres de l'Exécutif. [Alors,] le vote
d'investiture a [...] une fonction [aussi] pédagogique [qui est] importante.»
La mise en place d'un vote de désignation
du chef du gouvernement à la suite d'une élection ou de la démission d'un
premier ministre sortant améliorerait assurément la dynamique politique et parlementaire.
Par définition, ce vote se voudrait positif. C'est du parlementarisme positif,
à savoir qu'un candidat au poste de premier ministre devrait obtenir a priori
l'appui explicite d'une majorité en Chambre, alors que, dans le système actuel,
les députés, mis devant le fait accompli de la nomination du premier ministre
par le représentant du monarque, se retrouvent réduits ou bien à le tolérer ou
bien à voter contre son discours inaugural, le cas échéant. Alors, il s'agit
d'une conception nettement plus négative des rapports Parlement-gouvernement
qui est typique du caractère binaire et contradictoire du système de
Westminster.
Alors, c'est une chose de gouverner en
tablant sur l'acceptation résignée des autres partis, et d'autant lorsque le
rapport des forces ne joue pas tellement en leur faveur, c'en est une autre de
solliciter leur appui formel dans le but d'accéder au pouvoir et de nommer des
ministres. Alors, puissions-nous donc saisir l'occasion qui nous est donnée
afin de faire du Parlement la véritable instance chargée d'installer le chef du
gouvernement dans ses fonctions et, en même temps, puissions-nous éloigner
davantage le lieutenant-gouverneur de nos affaires démocratiques en endiguant
de facto l'exercice de sa discrétion quant à la nomination du premier ministre,
risque qui s'accroît, évidemment, en contexte de représentation proportionnelle.
• (14 h 10) •
Bien sûr, les négociations qui devront
mener à la formation de gouvernements dans ce système n'en seront pas moins
ardues, mais, encore une fois, la joute se révélera plus constructive que
destructive. Le pouvoir exécutif reposera sur une volonté plus explicite et moins
tacite de la part de nos élus, elle résultera d'un processus parlementaire plus
<proactif, moins...
M. Laporte (Maxime) :
...proportionnelle.
Bien sûr, les négociations qui devront
mener à la formation de gouvernements dans ce système n'en seront pas moins
ardues, mais, encore une fois, la joute se révélera plus constructive que
destructive. Le pouvoir exécutif reposera sur une volonté plus explicite et
moins tacite de la part de nos élus, elle résultera d'un processus
parlementaire plus >proactif, moins passif, de nature à favoriser la
concertation, et aussi plus républicain au sens large. Le tout rendra le gouvernement
du Québec plus responsable et plus imputable vis-à-vis de l'Assemblée nationale,
laquelle s'en verra renforcée, l'idée étant que l'autorité de celui ou celle
qui préside le Conseil exécutif chez nous relève du peuple par le truchement du
Parlement, non de la reine du Canada. Surtout, on rendra plus effectifs les
bienfaits sur notre vie démocratique qu'entend générer le projet de réforme
électorale sachant que l'actuel mode de désignation du premier ministre s'avère
autrement impropre à offrir tel degré de garantie. Voilà.
Le Président (M. Bachand) :Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci de votre présentation. Vous apportez un angle totalement
nouveau, d'ailleurs, qui ne fait pas partie ni des discussions ni des
consultations au préalable que nous avons faites. Je comprends tout à fait
votre argumentaire, d'ailleurs, il est très bien détaillé. Je dois dire que la
majorité... je ne veux pas qualifier, mais la grande majorité de votre mémoire
porte, naturellement, sur cette option-là, et vous ne vous en cachez pas, c'est
parfait, sauf que ce que vous nous rapportez comme option, c'est l'idéal, c'est
un monde idéal.
Mais en Nouvelle-Zélande, vous le dites
vous-même, en Nouvelle-Zélande, où le scrutin mixte compensatoire est en usage
depuis 1996, le premier ministre est encore désigné, a priori, par le
gouverneur général, comme ici. Donc, bien que ce ne soit pas nécessairement
l'idéal, comme vous le prônez, ça existe, ça fonctionne. Par contre, vous
semblez dire que les gens de l'Australie étaient plus mûrs que nous pour en
arriver là et que ce que vous craignez, dans le fond, c'est qu'on n'ait pas le
cheminement, là — j'allais dire «maturité», mais je sais que ce n'est
pas vos termes, donc je vais trouver quelque chose de mieux — le
cheminement nécessaire, parce qu'on ne part pas du même endroit, c'est ce que
vous expliquez, pour se rendre où on se rend, là, aujourd'hui, pour être
capables de fonctionner.
Ceci étant dit, je comprends votre
argumentaire, que ce serait l'idéal, comme vous le dites. En toute candeur, je
me vois mal de proposer que le premier ministre soit élu par l'Assemblée
nationale à ce stade-ci de l'évolution générale vers un nouveau mode de
scrutin. Mon objectif est qu'on passe à un nouveau mode de scrutin et qu'on
obtienne plus de proportionnalité pour le citoyen. Donc, tout ça est une
question de compromis, mais ça fonctionne en Nouvelle-Zélande, par contre.
M. Laporte (Maxime) :
Mme la ministre ou, enfin, M. le Président, le cas de la Nouvelle-Zélande est
en réalité à peu près le seul contre-exemple que nous avons trouvé, du moins
dans lesystème
de Westminster, dans le Commonwealth. Évidemment, dans le Commonwealth,
traditionnellement, c'est le représentant du monarque qui nomme le premier
ministre, a priori. Néanmoins, même dans le Commonwealth, et c'est indiqué dans
le mémoire, on a des exemples assez éloquents de systèmes parlementaires où, en
effet, c'est le Parlement qui investit, a priori, le premier ministre, et on se
fonde surtout, dans notre exposé, sur l'exemple écossais, qui est très
inspirant. Alors, au moment où on a, en Écosse et au Royaume-Uni, discuté du
projet de dévolution, à la fin des années 90, on ne s'est pas ménagé le
devoir de réfléchir aux conséquences d'une réforme électorale, puisque l'Écosse
a adopté le mode de scrutin mixte, donc des conséquences d'une telle réforme
sur l'exercice du pouvoir exécutif et la formation du pouvoir exécutif. Alors,
nous regrettons que ces considérations n'aient pas été abordées, ou à peu près
pas, dans les discussions, à l'exception notable de l'exposé, bon, du doyen de
la Faculté de droit de l'UQAM, M. Cyr. Et donc je pense que — et
peut-être que... c'est quand même assez bien explicité dans ce mémoire — si
on veut vraiment parachever les buts de la réforme attendue et si l'on veut
éviter les écueils, en tout cas, un maximum d'écueils, compte tenu de notre
culture politique qui est réfractaire, qui ne se compare pas en tous points à
celle de la Nouvelle-Zélande, il faut procéder... il faut adopter ce genre de
mesure.
Mme LeBel : Ceci étant
dit, je pense que je vais y aller quand même, si vous le permettez, sur les
questions plus particulières des modalités du mode de scrutin dans le but
d'essayer de bonifier, là, ce qu'on présente et de voir si c'est possible de le
faire.
En 2006, vous étiez donc en faveur d'un
référendum. En plus, aujourd'hui, en 2020, bon, votre position n'est pas connue,
en tout cas, elle ne fait pas partie du mémoire. Qu'est-ce que vous en pensez, aujourd'hui?
M. Laporte (Maxime) :
Bien, on n'est pas nécessairement opposés au référendum, même qu'on peut arguer
que, dans un tel cas où, quand même, ce sont des dimensions fondamentales,
organiques de notre vie <politique qui sont en...
Mme LeBel : ...en
2020, bon, votre position n'est pas connue, en tout cas, elle ne fait pas
partie du mémoire. Qu'est-ce que vous en pensez
aujourd'hui?
M. Laporte (Maxime) :
Bien, on n'est pas
nécessairement opposés au référendum, même qu'on peut
arguer que, dans un tel cas où,
quand même, ce sont des dimensions
fondamentales, organiques de notre vie >politique qui sont en jeu, la
tenue d'un référendum peut s'expliquer.
Bon, un autre point de vue qui a été
exprimé, bon, dans nos instances, c'est qu'en effet ça fait longtemps. On était
là en 2006, on était là aussi bien avant, depuis des décennies, lors des
discussions sur des projets de réforme successifs, et donc une autre approche
consiste à dire : Bien, écoutez, ça fait longtemps qu'on en parle, le
Parlement, justement, jouit de toutes les prérogatives nécessaires pour adopter
ce changement de système et ce changement de paradigme.
Donc, du reste, s'il doit y avoir un
référendum... Et, d'une certaine manière, ce n'est pas mauvais, un référendum,
c'est un recours parfaitement légitime où on se trouve à consulter le peuple,
hein? Nul ne devrait craindre des référendums. Alors, s'il doit y avoir un
référendum, on prône, à l'instar du Mouvement Démocratie nouvelle, que ce
référendum fasse l'objet d'une campagne distincte.
Mme LeBel : Merci de
votre précision. Autre point, naturellement, la Société Saint-Jean-Baptiste est
très au fait de l'identité, surtout l'identité, bon, du Québécois, donc vous
devez également être très sensibles à la notion d'identité régionale, parce
que, même à travers le Québec, les gens sont aussi attachés au Québec à
l'intérieur du Canada qu'on peut l'être qu'à notre région particulière à
l'intérieur du Québec. D'ailleurs, vous étiez en faveur, également en 2006, de
respecter les régions administratives telles qu'elles apparaissent maintenant,
puis maintenant, en 2020, vous prônez 14 régions. Pour un organisme qui
est très au fait de la sensibilité d'une identité, je vais vous avouer, puis ce
n'est pas un reproche, que je trouve ça quand même assez étonnant. Et comment
vous nous proposez de le faire? Et quelles régions vous nous proposez de
fusionner?
M. Laporte (Maxime) :
Bien, ça, c'est une question qui est très, très vaste, hein? Mais en effet,
quant au nombre de régions, là, c'est parce qu'il y a un dilemme. Il y a la
question de la représentativité et la question de la limitation des distorsions
démocratiques, qui, je pense, méritent toute notre attention, hein? Donc, je
pense que... Vous savez, 14 régions électorales, en l'occurrence, ça nous
apparaît, à la suite... après avoir entendu tous les intervenants, ça nous
paraît un chiffre raisonnable. D'autres proposent moins de régions électorales
encore. Alors, je pense qu'il y a là un équilibre entre l'intérêt, la représentativité
et le poids des régions et, d'autre part, les objectifs démocratiques que se
fixe cette réforme.
Mme LeBel : Vous avez
raison de mentionner que c'est un problème qui est vaste, mais c'est non moins
un problème qui est tout à fait réel et tangible. À partir du moment où on
déciderait, ici, comme parlementaires, d'aller vers le chiffre de 14, il faut y
avoir conscience, comme représentants des citoyens, qu'il va y avoir un impact
sur des régions. Donc, oui, il faut se poser la question : Quelles sont
les régions qui seraient impactées par cela? Mais je comprends donc que ce que
vous nous dites, c'est qu'entre deux principes qui sont tout aussi importants,
c'est-à-dire le meilleur... je vais dire «la meilleure représentation de
la volonté du citoyen», en termes de... et je vais appeler ça la
proportionnalité, et l'identité régionale, ou la préservation de l'identité
régionale, ou du respect de l'identité régionale, dans ce cas-ci, pour vous, le
principe de la proportionnalité prime.
M. Laporte (Maxime) :
...de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a été fondée, vous savez, par
une loi de cette Assemblée afin de rappeler et de veiller à la poursuite de
notre intérêt national. Alors, en l'occurrence, l'intérêt national ne se réduit
pas aux intérêts particuliers des régions, d'où l'idée qu'il y ait un équilibre
entre l'intérêt national, bon, d'assurer l'instauration d'un système proprement
démocratique avec le moins de distorsions possible et l'intérêt des régions,
d'autre part, un équilibre, je pense... c'est un équilibre qui m'apparaît
juste.
Mme LeBel : Je pense que
vous parlez aussi d'interdire la double candidature. Est-ce que vous avez une
position sur la double candidature? C'est exact?
M. Laporte (Maxime) :
Oui, tout à fait.
Mme LeBel : Donc, peut-être
juste l'élaborer, parce que je pense qu'elle n'est pas... elle est présente
dans votre mémoire, mais elle n'est pas très élaborée, alors... Donc, c'est ce
que nous proposons. Vous êtes pour le fait qu'on interdise la double
candidature, est-ce que je me trompe?
M. Laporte (Maxime) :
Oui, tout à fait. On s'est inspirés d'un texte qui a été publié par le Pr Denis
Monière dans la revue L'Action nationale il y a quelque temps.
Mme LeBel : Je voulais
être sûre de ne pas dénigrer votre position.
M. Laporte (Maxime) :
Non, c'est bien ça.
Mme LeBel : Donc, vous
êtes pour la proposition du projet de loi, à toutes fins pratiques. Parfait.
• (14 h 20) •.
M. Laporte (Maxime) :
C'est bien ça. Je pense, dans plusieurs pays, la double candidature est
interdite, et je pense que... Vous savez, ça peut poser un problème d'avoir un
nombre considérable d'élus, par hypothèse, qui, au fond, sont des élus par
consolation. C'est-à-dire que... quelle sera la légitimité réelle ou perçue
d'un élu de liste qui vient juste de perdre son élection dans sa
circonscription? Quelle sera la manière dont la <population...
M. Laporte (Maxime) :
...q
ui, au fond, sont des élus par consolation. C'est-à-dire que... quelle
sera la légitimité réelle ou perçue d'un élu de liste qui vient juste de perdre
son élection dans sa circonscription? Quelle sera la manière dont la >population,
l'électorat va recevoir une telle situation? Alors, je pense que c'est
problématique, et c'est la raison pour laquelle on ne va pas en ce sens-là. Ça,
c'est un des éléments qui nous distinguent du MDN, mais, en principe, on appuie
l'essentiel des propositions et orientations du MDN.
Mme LeBel : Parfait.
Parlons, peut-être, également du seuil, du seuil national d'accès, je vais
dire, pour accéder à la distribution des sièges de compensation. Vous êtes en
faveur de 3 %. Est-ce que le 3 % est un chiffre absolu pour vous?
Est-ce qu'il y a de la marge? Et quelles sont les raisons pour lesquelles vous
pensez qu'un seuil de 3 % au lieu de 10 %, naturellement, qui est
proposé dans le projet de loi est plus adapté?
M. Laporte (Maxime) :
Bien, manifestement, le seuil de 10 % proposé a priori par le gouvernement
n'était pas non plus un absolu. Je pense que c'était peut-être de bonne guerre
que de se donner une sorte de levier négociationnel. Mais je pense qu'il faut,
encore là, trouver un équilibre qui est juste. 3 %, 5 %, ça
m'apparaît adéquat, surtout considérant les planchers, de fait, que génère,
évidemment, le système de compensation.
Alors, il ne faudrait quand même pas se
retrouver dans une situation où... par exemple, lors de l'élection de 1994, on
a le chef de l'ancienne Action démocratique du Québec qui s'est fait élire
avec, quand même, un pourcentage de voix assez faible. Pourrait-il être réélu
dans le système proposé, actuellement, par le gouvernement avec un plancher à
10 %? J'en doute. Il ne faudrait quand même pas empirer la situation ou,
enfin, se doter de configurations, au fond, qui posent problème.
Mme LeBel : O.K. Quand on
parle de l'obligation de présenter les listes paritaires avec une alternance
femmes-hommes et que la moitié de ces listes aient une femme en tête, c'est
une… Bon, vous l'exprimez, parce que vous faites la liste des positions que
vous adoptez, qui sont en partie celles du MDN, comme vous le mentionnez dans
votre mémoire. Par contre, vous ne mentionnez pas quels sont les mécanismes
qu'on pourrait y inclure également pour s'assurer du respect de cette
obligation-là. Je veux savoir comment... quelle est votre vision, parce qu'on
doit quand même… Si on impose une obligation aux partis politiques, il doit y
avoir, quand même, une contrepartie ou une conséquence à ne pas respecter l'obligation,
sinon ce n'est qu'une profession de foi qui a un prix politique à payer, peut-être,
mais qui n'a pas d'autre conséquence. Alors, quels sont les mécanismes que vous
pensez les meilleurs, en termes de conséquences ou d'incitatifs — ça
peut être dans les deux sens — et avez-vous des exemples en tête?
Parce que je vois que vous avez fait quand même un travail assez remarquable
d'étude de ce qui se fait ailleurs. Donc, est-ce que vous avez des idées ou des
mécanismes de choses qui se font ailleurs qui dépassent la pénalité ou le rejet
de la liste?
M. Laporte (Maxime) :
Bien, je pense que, déjà, la pénalité, quant au financement, m'apparaît une
solution juste. Évidemment, on ne s'est pas penchés outre mesure là-dessus,
mais en principe… Évidemment, la société, en passant, qui a été à l'origine du
premier mouvement féministe francophone, la Fédération nationale
Saint-Jean-Baptiste, au début du XXe siècle, et donc qui a joué un rôle important
dans toute la lutte pour l'obtention du droit de vote des femmes, a une
sensibilité particulière à cet égard-là.
J'ai entendu quelques commentaires, à
savoir que peut-être que de telles mesures pourraient être contestées
judiciairement, peut-être qu'elles, bon, seraient jugées invalides, eu égard à
la Constitution, ça reste à voir. Le droit, vous le savez, je pense... ma
consoeur sait par ailleurs que le droit n'est pas une science, d'une part, et,
s'il en est une, ce n'est pas une science exacte. Mais je pense qu'en tout cas,
que ce soit politiquement, législativement, en vertu de politiques, en tout
cas, il faut absolument se donner des objectifs pour assurer une parité, en
tout cas, l'atteinte d'une zone paritaire et que ces objectifs-là soient atteints.
Quant aux modalités, je n'ai pas de procédé technique en particulier à vous
proposer. Je pense que d'autres sont plus habilités que moi à le faire.
Mme LeBel : Et, peut-être
en concluant, comme je l'ai dit précédemment, l'essentiel de votre mémoire se
concentre sur la mode de nomination du premier ministre. Si on ne va pas dans
le sens que vous le préconisez, est-ce que, pour vous, c'est une fin de
non-recevoir? Est-ce qu'on ne devrait pas faire la réforme, dans ce cas-là?
M. Laporte (Maxime) :
C'est une question très pertinente. Je pense que, dans un tel cas, il va
falloir se poser la question à nouveau. C'est-à-dire que nous, on estime vraiment
que les mesures d'encadrement de la formation et de l'exercice du pouvoir
exécutif doivent assortir... enfin, la réforme électorale doit absolument être
assortie de ce genre de mesure là, parce qu'autrement on ne réussira pas à, si
vous voulez, opérer le nécessaire <dépassement...
M. Laporte (Maxime) :
...
vraiment que les mesures
d'encadrement de la
formation
et de l'exercice du pouvoir exécutif doivent assortir... enfin, la réforme
électorale doit
absolument être assortie de ce genre de mesure là, parce
qu'autrement on ne réussira pas à, si vous voulez, opérer le
nécessaire
>dépassement de notre culture politique, dont on explique un peu les
origines, hein, de cet esprit fiduciaire monarchique du Statut de Westminster,
d'une part, mais aussi de l'influence historique des régimes coloniaux du passé
et l'influence, aussi, du pouvoir clérical, qui font qu'on est pris avec ce qu'on
a appelé une sorte de culte des deux mains sur le volant. Alors, pour se
défaire de ce culte des deux mains sur le volant et vraiment embrasser un
parlementarisme positif, il faut des mesures afin de réformer le
parlementarisme. Je ne dis pas qu'au fond nous n'arriverions pas à nos fins à
défaut d'adopter une telle mesure, mais c'est hasardeux. Ça pourrait prendre
beaucoup de temps. Ce parlementarisme positif, je regrette, n'est pas ancré
dans nos habitudes, dans nos traditions politiques, donc il faut s'y pencher.
Le Président (M. Bachand) :
M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Laporte. Merci de vous joindre à
nous. Connaissant la Société Saint-Jean-Baptiste et vos positions sur le
lieutenant-gouverneur et la monarchie, je tiens à vous rassurer, je n'aurai pas
de question sur la saga Meghan et Harry à vous poser aujourd'hui.
On va plutôt... Ce qui ressort de votre
mémoire, j'y vois une réforme parlementaire comme étant l'écho nécessaire d'une
modification au mode de scrutin. Donc, là-dessus, vous... Je le vois comme un
écho nécessaire, pas uniquement pour aller plus loin, mais pour rendre la chose,
je dirais, plus viable et fonctionnelle. Donc, lorsque l'on parle, par
exemple... Ça pourrait être un peu moins fondamental, le vote qui désignerait
le premier ministre, le chef du gouvernement, et les votes qui désigneraient
les ministres, un peu moins fondamental, dans la logique que vous articulez,
là, que, probablement, ce que vous avancez et que d'autres ont avancé, le vote
de non-confiance constructif. Parce que j'imagine que ce faisant, vous voulez,
entre autres, répondre à des points soulevés, notamment par Christian Dufour,
lorsqu'on dit : Bien, il y aura davantage de gouvernements minoritaires. Et
ça, ça percole, ça... on le déduit à la lecture de votre mémoire, les
hypothèses que vous avancez. Et vous avez beaucoup réfléchi dans un contexte où
il y aura nécessairement beaucoup plus de gouvernements minoritaires. On parle
beaucoup de l'Écosse. Dans les cinq dernières élections, quatre ont donné...
ont résulté en des gouvernements minoritaires. Alors, ça, c'est un fait de la
vie.
Et j'aimerais donc vous entendre
là-dessus, sur cet aspect-là. Peut-être expliquer, en même temps, le vote de
non-confiance constructif, qui n'appellerait pas nécessairement de retomber en
élection et qui permettrait à l'Assemblée nationale et à son gouvernement qui
en découle de fonctionner. Et j'aimerais donc vous entendre sur, un peu, deux
volets. Le premier, nous expliquer un peu, et celles et ceux qui nous écoutent
à la maison, la mécanique du vote de confiance non constructif et en quoi ce
serait important de l'avoir, parce qu'effectivement vous n'êtes pas de ceux qui
voulez des élections à répétition non plus, là.
• (14 h 30) •
M. Laporte (Maxime) :
Oui, c'est bien vu. Quand on parle d'un meilleur contrôle parlementaire, de la
formation et de l'exercice du pouvoir exécutif dans un contexte de scrutin
mixte, évidemment, on parle du même coup d'une limitation des possibilités
d'abus des mécanismes parlementaires, phénomène qu'on a déjà vu par le passé,
en fait, fréquemment au Canada, et qui sont hérités, ces abus, du système de
Westminster.
Parmi ces possibilités d'abus
primoministériels, il y a ce recours à la dissolution, au fond, du Parlement, au
fond, ce qui revient à préparer, planifier sa propre chute, peut-être lorsqu'un
sondage semble plus favorable. Donc, à ce moment-là, un gouvernement
minoritaire peut espérer, facilement ou pas, en tout cas, atteindre un...
enfin, obtenir un mandat majoritaire.
Et c'est là certainement... enfin, régler
cette affaire-là, c'est une des clés de voûte, à mon avis, pour assurer une
certaine stabilité. Ça fait partie des propositions du MDN. Ça fait partie des
recommandations qui avaient été formulées dans un mémoire présenté à Ottawa par
le Pr Hugo Cyr. Et en effet le vote de défiance constructive consiste...
Bien, il y a différentes formules. Nous, on le présente comme une alternative
possible à une motion de censure. C'est-à-dire, au-delà de la motion de censure
menant à une dissolution du Parlement, eh bien, au fond, le député qui propose
telle motion de <censure doit...
>
14 h 30 (version révisée)
< M. Laporte (Maxime) :
...et en effet le vote de défiance constructive consiste... Bien,
il y a
différentes formules. Nous, on le présente comme une alternative possible à une
motion de censure. C
'est-à-dire, au-delà de la motion de censure menant
à une dissolution du Parlement, eh bien, au fond,
le député qui propose
telle motion de >censure doit aussi proposer une alternative, qui est la
nomination... enfin, la recommandation d'une autre personne pour agir à titre
de premier ministre.
M. Tanguay
: On
pourrait faire la liste, qui serait très longue, des choses, les points sur
lesquels nous ne serions pas d'accord, mais un point sur lequel nous serions
d'accord — et ça participe d'un même point de départ — vous
et moi, c'est de ne pas jeter complètement du revers de la main l'argument, notamment,
de Christian Dufour, de dire : Bien, ça prend une Assemblée nationale, au Québec,
forte, ça prend un gouvernement fort. «Fort», ça veut dire être capable de
débattre, oui, mais de trancher, de décider puis de faire avancer le Québec. Et
on pourrait se poser la question, mais là ce serait faire un peu, beaucoup d'hypothèses,
de dire : Est-ce que telle réforme dans les années 60, telle autre
réforme dans les années 70-80, et ainsi de suite... auraient-elles eu lieu
sous des gouvernements minoritaires? Poser la question, déjà là, c'est soulever
un drapeau rouge, ce ne serait pas une évidence. Alors, on part tous les deux
de cette prémisse-là, de dire : Bien, ce n'est pas totalement dénudé de
tout sens.
Moi, je vais même plus loin en disant que
c'est un argument tout à fait sérieux et important, que ça prend une Assemblée
nationale, un gouvernement qui puisse trancher. On est dans l'opposition, les
libéraux, on ne forme plus le gouvernement, mais, quand même, le gouvernement
caquiste, ils sont 75 députés, prennent des décisions. On veut évidemment
que ça se fasse dans le respect du débat parlementaire, mais ça prend une Assemblée
nationale qui puisse faire avancer le Québec, faire écho du résultat électoral.
Et là où vous nous amenez, c'est justement
sur la conséquence nécessaire de dire : Bien, ce n'est pas vrai que, s'il
y a des gouvernements minoritaires, par la joute partisane parlementaire, on va
repartir en élection aux six, huit, 10 mois, parce que, là, on ne pourra
pas avancer, comme société. Puis, encore une fois, là, l'État québécois a un
contexte tout à fait particulier qui n'est pas le contexte d'un État américain
ou d'une autre province. On est une société distincte, au Québec, on a des
enjeux, des débats. Qu'on ne vienne pas me dire : Ah! bien là, ça
fonctionne très bien sous plusieurs gouvernements minoritaires dans d'autres
contextes. Le contexte québécois est tout à fait particulier en ce sens-là.
Et ça, force est de constater que, donc,
ces motions de censure constructives, en voulant dire... ce n'est pas vrai que,
si elle est adoptée, on repart de facto en élection, mais, si vous voulez la
présenter, arrivez avec un plan B qui sera mis en place. Ça, force est de
constater que ce n'est pas prévu. Alors, vous voyez, sur la réforme du mode de
scrutin, ce n'est pas prévu dans l'actuelle mouture à nulle part. La réforme du
mode de scrutin, on a des raisons d'être contre, telle, telle, telle raison,
mais, si l'on veut aller au bout de la logique, il faudrait que la ministre le
prévoie pour ne pas... ou pour répondre à cette préoccupation-là, qui est tout
à fait légitime, d'affaiblir l'Assemblée nationale et son gouvernement qui a
des décisions à prendre.
J'aimerais vous entendre là-dessus, sur...
Et on m'indique... corrigez-moi si j'ai tort, excusez-moi, on m'indique que c'est
un... On le voit ailleurs, là où il y a des proportionnelles, dans d'autres
pays, c'est un corollaire. Tu as ça, parfait, bravo, mais tu as ça pour que ça
puisse tenir la route.
M. Laporte (Maxime) :
Alors, dans le contexte de la réforme électorale, au fond, en résumé, le point
sur lequel nous insistons, c'est la nécessité de renforcer les prérogatives de
l'Assemblée nationale, puisque l'expérience historique a démontré que l'institution
par excellence au Québec, le coeur, au fond, de la nation, son instance
suprême, c'est l'Assemblée nationale avant d'être le gouvernement, puisque,
vous savez, avoir des gouvernements majoritaires monopolistiques, monopartites,
on dira que, bon, ça nous a parfois conféré un plus haut degré de stabilité, je
pense que ça a surtout conféré un plus haut degré de stabilité, bon, aux
différentes formations politiques qui ont pu gouverner en étant majoritaires, mais
ça ne veut pas dire pour autant que le Québec y gagne, du point de vue
national, puisqu'on peut se retrouver, et on l'a vu dans le passé, avec des gouvernements
majoritaires mais qui sont parfaitement inféodés aux intérêts canadiens, hein,
et puis, bon, aux visées du gouvernement fédéral. Donc, pour moi, la meilleure
caution démocratique, c'est de remettre plus de pouvoirs entre les mains de l'Assemblée
nationale et, partant, lui donner l'occasion de mieux encadrer, de mieux
déterminer l'exercice du pouvoir exécutif. Et, ce faisant, aussi, ça va nous
permettre, bon... Vous savez, parce qu'avec la réforme on va avoir une belle
Assemblée nationale, bon, qui va plus ou moins représenter en proportion les
différentes forces politiques au Québec, mais, quand on va former le <Conseil...
M. Laporte (Maxime) :
...encadrer, de mieux déterminer l'exercice du pouvoir exécutif. Et, ce
faisant, aussi, ça va nous permettre, bon... Vous savez, parce qu'avec la
réforme on va avoir une belle Assemblée nationale, bon, qui va plus ou moins
représenter en proportion les différentes forces politiques au Québec, mais,
quand on va former le >Conseil exécutif, forts de notre culte des deux
mains sur le volant, on risque de se retrouver avec des gouvernements
minoritaires qui ne vont pas vouloir collaborer, qui vont vouloir se maintenir
au pouvoir le plus vite possible ou dissoudre l'Assemblée en vue d'obtenir un
mandat majoritaire, et, au fond, donc, ce gouvernement, peut-être, ne sera
pas... c'est un gouvernement dont 70 % des gens, peut-être, ne voudront
pas. Donc, il y a un problème, là. C'est-à-dire qu'au fond, la réforme, en
omettant de se pencher sur les dimensions exécutives... enfin, liées au pouvoir
exécutif, risque de nous apporter de fâcheuses surprises.
M. Tanguay
:
...qu'il me reste. Il y a donc cet aspect-là, vote de non-confiance
constructif, arriver avec un plan B, et on continue, comme Assemblée nationale,
à fonctionner, et il y a également l'encadrement. Vous avez fait écho, un peu
plus tôt, du recours à la prorogation, qu'un gouvernement dise : Ah! il y
a un bon sondage, je me fais harakiri, on part en élection.
À ce moment-là, pour être tout à fait
complet, je pense, et ça, là-dessus, c'est important de le souligner, il
faudrait qu'il y ait un chapitre du projet de loi qui touche à ces importants
éléments-là, qui ne sont pas du détail et qui y vont du fonctionnement même
d'une Assemblée qui serait, par définition, beaucoup plus souvent minoritaire
mais qui pourrait être appelée à fonctionner de façon autre et efficace. Ça, je
fais écho à cette préoccupation-là, là.
M. Laporte (Maxime) : Dans
la majorité des démocraties... Ah! désolé.
Le Président (M. Bachand) :Excusez-moi, je dois céder la parole au député de Gouin. M. le
député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
M. Laporte. Merci de nous faire réfléchir à des enjeux importants puis
plus généraux, plus larges. On a eu beaucoup de discussions sur des enjeux
techniques qui sont, par ailleurs, superimportants puis déterminants, mais vous
nous amenez sur d'autres dimensions, puis je pense que les commissions
parlementaires peuvent servir à ça aussi. Donc, merci de nous forcer à le faire
puis même de nous bousculer un peu, c'est apprécié.
Vous proposez de modifier la Loi sur
l'Assemblée nationale pour que le premier ministre du Québec soit nommé par les
parlementaires. Pour des gens qui sont moins habitués à discuter de ces enjeux-là,
comme vous, peut-être, ou moi, expliquez-nous en quoi, pour un citoyen du
Québec, ça représente un gain démocratique du point de vue des gens, pas du
point de vue de la théorie constitutionnelle, du point de vue des citoyens, des
citoyennes au Québec. En quoi ils ont accès à une meilleure démocratie si on va
dans le sens de votre proposition? Et vous avez 1 min 30 s.
M. Laporte (Maxime) :
Ah!
M. Nadeau-Dubois : Ce
n'est pas moi qui décide des règles.
M. Laporte (Maxime) :
Bien, d'abord, peut-être je ne l'ai pas déjà dit, mais je tiens à rappeler que,
dans une majorité de démocraties parlementaires dans le monde, c'est comme ça
qu'on fonctionne. Alors, je pense que, si notre président du Conseil exécutif,
au fond, se voit mandaté par l'Assemblée nationale, bon, ça va consolider sa
légitimité, d'une part, et l'Assemblée nationale va avoir, évidemment, un
meilleur contrôle sur son action, là où souvent, bon, dans le passé, bien, on a
eu des premiers ministres dont on a été souvent très déçus, dont l'Assemblée
nationale a été souvent très déçue, et qui, au fond, ont généré leur lot de
cynisme. Alors, je pense que c'est une des mesures, du point de vue du citoyen,
qui peut être très constructive, outre le fait de réduire les pouvoirs de Sa Majesté.
M. Nadeau-Dubois : Est-ce
que vous diriez que ça contribue à valoriser le rôle du député?
M. Laporte (Maxime) :
Absolument, bien entendu. Et à rappeler que... Vous savez, même si, dans notre
système de Westminster, le premier ministre — enfin, depuis les
grandes révolutions anglaises — agit un peu comme un monarque élu, eh
bien, à ce moment-ci, c'est plutôt l'Assemblée nationale qui va consolider,
enfin, son emprise sur ledit monarque.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour.
M. Laporte (Maxime) :
Bonjour.
M. LeBel : Une parenthèse.
Moi, je crois, comme la ministre, qu'on ne pourra pas... Si on veut faire avancer
la réforme, il faudra parler de 17 régions, sinon ça va rebondir à quelque
part, puis on s'éloigne du résultat. Mais il faudra trouver le compromis pour
arriver aux 17 régions.
Mais ma question, moi, c'est plus...
J'aimerais ça que vous répondiez à ceux qui pensent que… qui disent qu'on… que
cette réforme-là va affaiblir l'Assemblée nationale puis va rendre encore plus
difficile — parce qu'on est indépendantistes, vous et
moi — notre marche vers l'indépendance du Québec. Qu'est-ce que vous
répondez à ça?
• (14 h 40) •
M. Laporte (Maxime) : Alors,
évidemment, cette proposition ne se fonde pas sur une position idéologique en
particulier, même si... cela dit, en précisant quand même que la démocratie,
normalement... enfin, dans un pays normal, est <intimement liée à...
M. LeBel : ...vers
l'indépendance du Québec. Qu'est-ce que vous répondez à ça?
M. Laporte (Maxime) :
Alors, évidemment, cette proposition ne se fonde pas sur une position
idéologique en particulier, même si... cela dit, en précisant quand même que la
démocratie, normalement... enfin, dans un pays normal, est >intimement
liée à l'indépendance. La démocratie exige l'indépendance. La république au
sens large n'existe pas sans l'indépendance, puisque le peuple souverain ne
doit pas être gouverné par une autorité tierce, qu'elle soit cléricale, qu'elle
soit un autre peuple, qu'elle soit un autre gouvernement, etc.
Mais, cela dit, il s'agit juste d'une
proposition démocratique. Et, pour répondre précisément à la question, disons,
de l'intérêt national et constitutionnel du Québec, les négociations que
forcerait formellement ce mode de fonctionnement amèneraient nécessairement une
prise en compte du statut constitutionnel du Québec, compte tenu, bon, des
positions respectives des partis à l'Assemblée nationale. On peut imaginer un
Parti libéral qui aurait plus de difficultés, évidemment, dans un système
mixte, à former, là, un gouvernement majoritaire, pour se hisser au pouvoir,
probablement, ou pour participer à un gouvernement, devrait négocier avec
d'autres partis, par exemple, afin de tenir compte davantage qu'il ne le fait,
avec tout le respect, de l'intérêt national et constitutionnel du Québec.
M. LeBel : Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier
:
Merci beaucoup. Vous avez dit que la réforme proposée n'était, en fait, que
partielle par rapport au système, au régime politique dans lequel évolue le
Québec, même si on avait un gouvernement majoritaire fort à l'Assemblée
nationale, que les intérêts du Québec allaient nécessairement être, d'une façon
ou d'une autre, inféodés au choix du gouvernement fédéral. Donc, en ce sens-là,
au bénéfice de tous les membres de la commission, pouvez-vous nous expliquer
pourquoi ce serait bénéfique que le Québec puisse se disposer de l'ensemble de
ses pouvoirs?
M. Laporte (Maxime) :
Mais, bien sûr. Tu sais, le mot «démocratie», ça vient du grec «dêmos kratos»,
le pouvoir au peuple, hein? Donc, je mentionnais, en début d'exposé, qu'il ne
faut pas perdre de vue le caractère terriblement partiel, du point de vue du
peuple québécois, de cette réforme. Un peuple québécois qui, en vertu de la loi
n° 99, qui est en ce moment contestée devant les
tribunaux par le Canada lui-même... peuple québécois, évidemment, qui est
titulaire des droits démocratiques des peuples. Alors, évidemment, à titre
d'indépendantisme, même si ce n'est pas l'objet, ici, du débat, il va sans dire
que.... disons, comme le disait, en présence de l'ancien premier ministre
Philippe Couillard, le représentant... enfin, le chef islandais : «L'indépendance
[...] ne peut jamais être négative [en soi].» Et évidemment que c'est un
aboutissement démocratique auquel on aurait intérêt... dans le contexte actuel,
vu la crise environnementale, vu les prérogatives que s'arroge le fédéral, ce
serait une perspective que, tout un chacun, ici, on aurait intérêt à entrevoir
davantage. Et peut-être qu'en adoptant des mesures de parlementarisme positif,
du moins, la question nationale, la question constitutionnelle reviendra
davantage à l'ordre du jour, ce dont le peuple québécois ne pourra que
bénéficier.
Mme Fournier
:
Merci beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Me Laporte.
M. Laporte (Maxime) :
Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Cela dit, on va suspendre les travaux quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 14 h 43)
(Reprise à 14 h 45)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Et il me fait plaisir, maintenant,
d'accueillir les représentants de L'Union des producteurs agricoles du Québec.
Je vous rappelle, comme vous le savez, vous avez 10 minutes de
présentation, par après nous aurons une période d'échange avec les membres de
la commission. Alors, M. le président, bienvenue. Je vous invite à présenter
ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît. Merci.
L'Union des producteurs agricoles (UPA)
M. Groleau (Marcel) :
Alors, merci beaucoup, M. le Président. MM., Mmes les députés, merci de nous
permettre de s'exprimer devant vous lors de cette commission. Je suis
accompagné de Gabriela Quiroz et de Guy Des Rosiers, qui travaillent aux
affaires publiques et syndicales de L'Union des producteurs agricoles.
Alors, bon, je ne m'éterniserai pas à vous
présenter qui est l'UPA, je crois que la plupart d'entre vous le savez, mais ce
qui est important de dire, c'est que l'UPA est ancrée, vraiment ancrée, depuis
bientôt 100 ans, dans toutes les régions du Québec.
La consultation à laquelle nous
participons aujourd'hui est importante, puisque le projet de loi propose
l'instauration d'un nouveau mode de scrutin qui pourrait avoir des incidences
sur la relation unissant les députés aux populations qu'ils représentent,
l'adéquation entre les voix exprimées par les électeurs et la députation élue,
le poids politique des régions à l'Assemblée nationale et le dynamisme qui anime
les relations entre parlementaires.
Par le passé, et à toutes les fois où nous
avons eu à nous prononcer sur une révision du mode de scrutin, nous nous y
sommes opposés. En fait, on ne s'opposait pas nécessairement au mode de scrutin
proposé en soi, on réagissait plutôt aux impacts qu'il allait avoir sur
l'établissement de la carte électorale et le poids des régions à l'Assemblée
nationale. On s'y opposait quand il en résultait des circonscriptions
électorales si grandes qu'elles ne permettaient plus aux citoyens des régions
rurales d'avoir un lien effectif, j'irais même dire jusqu'à affectif, avec
leurs députés.
Cette fois, l'UPA ne s'oppose pas au
projet de loi n° 39, pour deux raisons principales. D'abord, il y a une
volonté de la population pour un mode de scrutin qui permet une meilleure
représentativité des différentes options politiques à l'Assemblée nationale, et
c'est vrai dans les régions urbaines mais également dans les régions rurales, et
aussi parce que le projet de loi a une préoccupation particulière à maintenir
le poids politique des régions.
Puisque le projet de loi prévoit que la
population aura à se prononcer sur l'adoption d'un nouveau mode de scrutin dans
le cadre d'un éventuel référendum, l'UPA consacrera ses énergies à informer les
producteurs agricoles et forestiers des avantages et des inconvénients du mode
de scrutin proposé par rapport au mode de scrutin actuel. Je tiens à souligner
aux membres de la commission que nous n'avons pas tenu de consultation large
auprès de nos membres jusqu'à maintenant, mais que nous n'excluons pas la
possibilité d'en tenir une sur la base des résultats de vos travaux.
Pour notre exposé, aujourd'hui, nous
voulons partager avec vous nos observations sur le projet en l'articulant
autour de quatre axes : le premier, le poids politique des régions à
l'Assemblée nationale; deuxièmement, le maintien d'un lien étroit entre les
citoyens et leurs députés; troisièmement, le désir de la population d'avoir une
meilleure représentation des différents courants politiques représentés au Parlement
du Québec; et finalement la question de la cohérence territoriale.
Donc, tout d'abord, le poids des régions à
l'Assemblée. À nos yeux, le Québec se caractérise par l'étendue de son
territoire. Il tire une partie de sa richesse de la diversité des réalités
territoriales. Trop souvent, certains limitent le rôle des députés à la
représentation de leurs citoyens, négligeant le rapport au travail législatif
de l'Assemblée grâce à leur connaissance fine de la réalité territoriale de
leur population. Malheureusement, au fil des années, à mesure que le poids
démographique s'effritait, les régions ont vu leur poids politique s'éroder à
l'Assemblée nationale, principalement dans les territoires moins densément
peuplés.
Il y a une opportunité, avec le projet de
loi n° 39, d'introduire des mesures qui permettraient de freiner ce
phénomène à long terme. Votre commission pourrait s'inspirer du projet de loi
n° 78, qui date de 2009, en établissant... qui établissait un nombre
minimal de circonscriptions pour chaque région administrative. Vous pourriez
également déterminer un nombre minimal de sièges de liste pour chacune des
régions. Pour ce faire, il faut, bien entendu, éliminer la limite de 125 sièges
à l'Assemblée nationale.
• (14 h 50) •
Sur l'importance du lien entre les
citoyens et leurs représentants à <l'Assemblée nationale...
M. Groleau (Marcel) :
…administrative. Vous pourriez également déterminer un nombre minimal de sièges
de liste pour chacune des régions. Pour ce faire, il faut, bien entendu,
éliminer la limite de 125 sièges à >l'Assemblée nationale.
Sur l'importance du lien entre les
citoyens et leurs représentants à l'Assemblée nationale, la plus grande crainte
que nous ayons par rapport au projet de loi, c'est la taille des circonscriptions
qui va en résulter. Nous sommes inquiets de l'impact que cela va avoir sur la
relation citoyens-députés et sur la possibilité pour un député d'exercer adéquatement
son devoir sur le territoire. Dans l'arrêt Carter de 1991, la juge en chef de
la Cour suprême, Mme McLachlin, disait pertinemment qu'il est plus
difficile de représenter des populations rurales que des populations urbaines.
Elle ajoutait que les électeurs ruraux font plus appel à leurs représentants
élus à cause de l'absence des ressources plus diversifiées dont disposent les
centres urbains. Il faut également garder en tête que la réalité, selon nous, territoriale
des comtés des grands centres urbains, comme les territoires sont beaucoup plus
petits dans un espace comme Montréal, ces territoires-là sont plus homogènes
que ceux des comtés ruraux avec les grands territoires dont ils sont composés. Cela
amène un défi supplémentaire aux députés ruraux.
Les simulations que nous avons faites nous
inquiètent quant aux impacts du projet de loi sur la relation citoyens-députés
dans certaines régions. Je vous donne l'exemple de... je prends l'exemple de
l'Abitibi-Témiscamingue. Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle,
cette région n'aurait plus que deux circonscriptions électorales et un seul
député de liste pour l'ensemble de la région. Donc, oui, trois députés avant la
réforme, mais trois après la réforme. D'un point de vue mathématique, pas
d'inquiétude. Par contre, pour saisir l'impact possible de la relation citoyens-députés,
il faut pousser un peu plus loin l'analyse de la réalité sociale et
territoriale de la région. Lors de la dernière révision de la carte électorale,
la Commission de la représentation électorale avait fait l'exercice parce
qu'elle envisageait d'y retrancher une circonscription. Sa conclusion : le
retrait d'une circonscription dans la région produirait deux circonscriptions
de superficie trop grande. C'est ce qui nous amène à dire que, pour certaines
régions, il serait nécessaire de laisser à la Commission de la représentation
électorale le soin de déterminer le nombre de circonscriptions et de députés
pour s'assurer de garantir une véritable relation entre les citoyens et leurs
élus.
Le désir de la population d'avoir une
meilleure représentation des différentes options politiques à l'Assemblée
nationale est réel. Les courants politiques se multiplient. On n'est plus à
l'époque du bipartisme, et cette représentation-là des courants politiques à
l'Assemblée est nécessaire à l'exercice ou au fonctionnement d'une bonne
démocratie, nous le croyons.
Finalement, nous croyons que le projet de
loi n° 39 est sur la bonne voie quant au choix d'avoir une compensation et
une redistribution régionale des sièges de liste, ainsi que d'avoir choisi 17 régions
électorales, lesquelles correspondent principalement ou presque... exactement
aux régions administratives du Québec, pardon. Nous saluons particulièrement
cette volonté de s'attacher aux régions administratives, puisque nous l'avons
proposé à maintes reprises.
Les gens s'identifient à leur ville, à
leur MRC, à leur région administrative. C'est normal, puisque c'est à cette
échelle qu'ils ont accès à la plupart des services qui leur sont offerts par
l'État québécois. Ils y retrouvent également la plupart des directions
régionales des différents ministères. Dans le même sens, le fait d'arrimer les
circonscriptions aux régions administratives devrait faciliter la collaboration
entre les députés de liste et ceux des circonscriptions dans une même région,
et ce, peu importe leur parti. Cependant, la collaboration entre les députés
demeurera toujours sous-jacente aux intérêts des partis politiques desquels ils
relèvent et en fonction du prochain rendez-vous électoral, on n'y échappera
pas. Il est toujours plus difficile... plus facile, pardon, de prêcher la vertu
que de la pratiquer.
Je m'arrête ici en faisant un dernier
commentaire. Nous sommes conscients que le rôle des députés, qu'il soit de
circonscription ou de région, n'a pas à être défini dans le projet de loi n° 39.
Cependant, compte tenu du grand nombre de questions que soulève le fait d'avoir
deux catégories de députés, nous sommes d'avis, même si tout le monde ne
partage pas ce point de vue là... que ça soit deux catégories de députés, nous
sommes d'avis que des éléments de réponse devront y être apportés assez
rapidement pour faciliter le débat sur le projet de loi et répondre aux
nombreuses questions que se poseront les citoyens sur ce volet particulier de
la réforme.
Le Président (M. Bachand) :
Merci, M. le président. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup. Merci de votre présence, surtout de votre
présentation. Et je dois vous dire que je suis très contente de voir que,
compte tenu des discussions qu'on a eues dans le <passé...
M. Groleau (Marcel) :
...les citoyens sur ce volet particulier de la réforme.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le président. Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel : Merci, M.
le Président. Merci beaucoup. Merci de votre présence, surtout de votre
présentation. Et je dois vous dire que je suis très contente de voir que,
compte tenu des discussions qu'on a eues dans le >passé ensemble et
compte tenu de ce qu'on a apporté dans le projet de loi, on a réussi à... bien
qu'elle soit... à avoir une position plus nuancée de l'UPA, que, maintenant,
l'UPA ne s'oppose plus à la réforme. Je pense qu'on peut... On a... C'est ce
que je disais dans les jours... hier et aujourd'hui, entre autres, que ce que
nous avions tenté de faire, c'est de rallier le plus grand nombre de monde
possible autour de cette idée et que, pour ce faire, bien, il faut faire des
choix, il faut faire des compromis et on ne peut pas atteindre l'idéal ou la
perfection sur tous les principes. Donc, si on avait un idéal de
proportionnalité, bien, il y aurait nécessairement des compromis à faire sur le
poids des régions ou le nombre de régions administratives, entre autres. Donc,
vous illustrez bien, par votre adhésion aujourd'hui... bien, avec des
propositions, naturellement, puis des discussions, mais votre adhésion générale
à ce projet de loi là, le fait que... l'exercice que nous avons fait et que
nous avons réussi quand même à faire adhérer — puis on l'a vu dans
les autres groupes qui sont venus témoigner — des groupes qui avaient
traditionnellement des positions qu'ils étaient contre, maintenant, bien, ils
sont pour, naturellement, avec des ajouts et des modifications, mais on a
réussi à fédérer plusieurs groupes avec des intérêts qui sont chacun les leurs.
Et, entre autres, quand on parle de l'UPA, effectivement, votre défense des
régions est très bien ancrée, parce que vous êtes présents partout dans les
régions.
Donc, c'était, d'entrée de jeu, mon
commentaire, et merci, parce qu'on part, à ce moment-là, sur une... On parlait
de parlementarisme positif, tantôt. Donc, on part sur des discussions d'un
point de vue positif, donc on est dans une optique d'améliorer les choses
plutôt que de s'y opposer, et je trouve ça extrêmement... j'allais dire «le fun»,
mais c'est bien, finalement. Merci beaucoup.
Donc, ceci étant dit, on peut quand même
discuter de certaines de vos positions, effectivement. Donc, vous l'avez bien
mentionné, 17 régions administratives, je pense que c'est... pour l'avoir
bien senti, moi aussi, dans ma tournée... pas ma tournée des régions comme
telle, mais dans ma tournée de rencontres avec plusieurs intervenants, c'était
un élément extrêmement sensible. Qu'on parle aux maires, qu'on parle aux MRC,
qu'on parle à l'UPA, entre autres, mais à bien d'autres citoyens, c'est un
élément sensible.
Par contre, vous me parlez du nombre de
circonscriptions. Est-ce qu'on peut, en autant que... pour l'instant, on va
prendre pour acquis que le nombre reste à 125, pour fins de discussion. On a
tenté également de trouver un équilibre dans le nombre de circonscriptions et
le nombre de députés de liste. Si on parle d'un régime mixte avec compensation,
nécessairement, il doit y avoir des députés de liste, donc, nécessairement, il
y aura moins de circonscriptions qu'actuellement. D'aucuns disaient qu'on
aurait dû faire du 75-50, d'autres ont déjà prôné, dans les
discussions — pas ici, jusqu'à présent, mais dans les
discussions — qu'on se rende jusqu'à 100-25. Il y a des difficultés
d'un spectre à l'autre. Entre autres, le 125 fait en sorte que, quant à moi, ça
ne vaut pas la peine de faire la réforme du mode de scrutin, parce que l'effet
proportionnel est presque nul, donc on transforme pour ne pas avoir de
résultat. Donc, ce que j'appelle souvent le point de friction ou le point
d'équilibre qu'on a été capables de trouver, c'est-à-dire de maintenir un
maximum de circonscriptions, pour les raisons que vous prônez, tout en ayant un
effet proportionnel, c'était 80-45. Qu'est-ce que vous pensez de ce chiffre-là,
en autant qu'on ne touche pas aux 125, naturellement? Puis on ira dans votre
autre argument par la suite.
• (15 heures) •
M. Groleau (Marcel) :
Bien, c'est là où nous, on donnait l'exemple de l'Abitibi-Témiscamingue, là.
C'est sûr qu'il y aura trois députés. Comment vont-ils se partager le travail? Ça
reste à voir, là, mais prenons l'Abitibi-Témiscamingue, c'est un territoire
immense. Il y a deux pôles importants : Val-d'Or, Rouyn-Noranda. C'est sûr
que, déjà, les populations rurales sont... Les préoccupations des populations
rurales dans les régions sont déjà difficiles à faire reconnaître parce que les
députés, pour des raisons simples de déplacements et d'enjeux, vont se
consacrer... se consacrent beaucoup aux pôles urbains des régions rurales, des
régions. Alors, si on ramène ça à deux régions, nous, on a vraiment une
préoccupation pour la représentativité territoriale d'un territoire aussi grand
que l'Abitibi-Témiscamingue. Je sais que la solution n'est pas simple, là, dans
cette réforme-là. Le Québec, c'est très grand puis c'est peu peuplé, c'est une
évidence, mais il reste qu'il ne faudrait pas que ces populations-là se sentent
délaissées par la réforme et qu'ils sentent qu'ils n'ont plus leur mot à dire
dans la démocratie du Québec. Ce n'est pas ce qu'on souhaite puis ce n'est pas
ce que vous <souhaitez...
>
15 h (version révisée)
< M. Groleau (Marcel) :
...le
Québec, c'est très grand puis c'est peu peuplé, c'est une
évidence, mais il reste qu'il ne faudrait pas que ces
populations-là se
sentent délaissées par la réforme et qu'ils sentent qu'ils n'ont plus leur mot
à dire dans la
démocratie du
Québec. Ce n'est pas ce qu'on
souhaite puis ce n'est pas ce que vous >souhaitez, mais nous, on a peur
que ça provoque ce sentiment-là. Déjà que ces régions-là... Si je ne me trompe
pas, l'Abitibi-Témiscamingue, ils ont déjà eu quatre circonscriptions, on est à
trois maintenant, on passerait à deux. Pour avoir... Si vous avez déjà circulé
en Abitibi-Témiscamingue, là, franchi la région d'un point à l'autre de ses
extrémités, pour un député, c'est quasi impossible de bien couvrir un territoire
aussi grand.
Mme LeBel : Même si nous
étions, pour fins de discussion, ouverts à l'idée d'augmenter la députation, le
nombre de députés, le fait est qu'on ne restera pas à 125 circonscriptions.
Parce que ça nous prendrait combien de députés de liste pour avoir la
proportionnalité? Peut-être une cinquantaine, donc on se retrouverait à un
nombre assez élevé si on maintenait le même nombre de circonscriptions. Donc,
il faut y avoir... C'est pour ça que je vous disais, tantôt : Nécessairement,
il y aura une perte, pas pour le citoyen, moi, ce n'est pas ce à quoi j'aspire,
mais de nombre de circonscriptions.
Vous parlez de maintenir le poids
politique des régions ou, à tout le moins, limiter l'érosion. C'est en ayant
ces objectifs-là en tête, bien sincèrement, que nous avons instauré, dans le
projet de loi, des garanties en termes de nombre de députés de circonscription.
Donc, on garantit un député de circonscription par région et un député de
région par région, donc deux députés par région. C'est une des mesures qui a
été mise en place pour faire en sorte que l'érosion démographique, si on veut,
ou les mouvements démographiques ne viennent pas procéder à l'érosion — le
moins possible, à tout le moins — des régions. Mais vous avez tout à
fait raison de la mentionner, la réalité de notre territoire et la distance
entre les populations, bien, ça sera toujours une réalité de notre territoire.
Par contre, vous parlez, à la page 13
de votre mémoire... un autre élément important, c'était «l'allocation, à
chacune des régions administratives[...], d'un nombre minimal de
circonscriptions électorales». Bien, dans un certain sens, on le fait en disant
«un député de circonscription». Je comprends que ce n'est pas suffisant, mais c'est
un peu ce qu'on fait. «Ce faisant, elle garantit aux régions, et même à
Montréal, que, si la croissance démographique nécessite de créer de nouvelles
circonscriptions ailleurs, cela pourra être fait sans qu'on les ampute du
nombre équivalent de circonscriptions.»
Bon, présentement, la Loi électorale
actuelle ne permet pas d'avoir un mouvement de circonscriptions sur 125, c'est
exact. Mais ce que vous proposez, finalement, c'est de faire tomber, faire
sauter le plafond maximal, ce qui pourrait entraîner, théoriquement, de
législature en législature, un nombre variable de députés. Donc, on pourrait
avoir certaines législatures, en fonction des mouvements, à 129, une autre
fonction... Parce qu'il faut toujours garder le ratio avec la proportionnalité.
On le voit ailleurs, je ne suis pas certaine que ce soit souhaitable. Mais
comment... Est-ce que je comprends bien votre proposition? Je veux d'abord être
certaine que je la comprends bien, là.
M. Groleau (Marcel) :
Disons, sans aller sur le détail de notre proposition, peut-être sur les
principes, bon, la démocratie, c'est d'abord de s'assurer que les citoyens
soient le mieux représentés possible ou puissent s'exprimer le mieux possible
au sein de leur Parlement. Lorsqu'on regarde la concentration de la population
ou le phénomène de concentration de la population, on se retrouve que Montréal
et Québec vont représenter, si je prends les régions périurbaines de ces deux
agglomérations-là, 75 % de la population du Québec bientôt. Est-ce que c'est
nécessaire... puis là peut-être que je vais faire friser des oreilles, là, mais
est-ce que c'est nécessaire d'avoir autant de députés dans des régions aux
enjeux quand même assez similaires d'une circonscription à l'autre pour établir
une forme d'équation ou d'adéquation entre la population et le nombre de
députés? Est-ce qu'il y a une réflexion à faire sur cette question-là?
Mme LeBel : Merci d'avoir
le courage de mettre de l'avant ces choses-là, puis je pense qu'on peut le
faire de façon très respectueuse, même si on n'est pas... mais ça fait partie
des réflexions, et c'est un peu, aussi... ça fait partie, aussi, des éléments
qu'il faut considérer quand on fait la réforme.
M. Groleau (Marcel) :
...une différence notable entre le nombre de citoyens dans chacune des
circonscriptions. Il y a déjà cette différence-là. Est-ce que ça fait que les
citoyens plus nombreux dans une circonscription sont moins bien représentés ou
ont moins de pouvoir que d'autres? Je ne crois pas, moi. Je crois qu'il faut
arriver à un niveau et maintenir un niveau de <circonscriptions...
M. Groleau (Marcel) :
...i
l y a déjà cette différence-là. Est-ce que ça fait que les citoyens
plus nombreux dans une circonscription sont moins bien représentés ou ont moins
de pouvoir que d'autres? Je ne crois pas, moi. Je crois qu'il faut arriver à un
niveau et maintenir un niveau de >circonscriptions pour que le territoire
soit représenté, pas uniquement les gens par le nombre qu'ils sont sur le territoire.
Mme LeBel : Vous
illustrez, par votre propos, un peu la troisième option dont je parlais avec
d'autres personnes qui sont venues présenter avant vous. Si on ne touche... Si
on veut avoir une... Si on veut ajouter de la représentation dans les régions
ou garantir plus de représentation dans les régions, il y a, grosso modo...
bon, sans aller vers un nombre variable de députés, il y a, grosso modo, trois
leviers... il y en a probablement d'autres, mais trois leviers principaux :
la diminution du nombre de régions, ce qui n'est pas acceptable, selon votre point
de vue, il y a également l'augmentation du nombre de députés, pas nécessairement
variable, mais un nombre x d'augmentation du nombre de députés, et il y a aussi
le déplacement des députés actuels, un peu comme vous le suggérez ou entendez
nous parler de la réflexion, c'est-à-dire d'avoir peut-être un ratio plus élevé
de citoyens par député, encore plus élevé qu'il est maintenant, dans les
milieux urbains plutôt que dans les milieux ruraux.
M. Groleau (Marcel) : C'est
ça.
Mme LeBel : Je ne suis
pas en train de dire que je prône l'une ou l'autre des solutions, mais c'est à
peu près ça.
M. Groleau (Marcel) :
Ah! je croyais que vous reteniez la dernière solution.
Mme LeBel : Mais ce que
je veux dire, c'est que ce sont les trois leviers. Nous avons tenté, à travers
le... à l'intérieur du projet de loi, de jongler avec ces trois leviers, c'est-à-dire
qu'on a gardé les 17 régions administratives, on a garanti un minimum de
deux sièges par région, et on a... ce qui a eu comme conséquence de faire un
déplacement de quelques députés — on l'a vu dans les calculs, trois
pour Montréal, et, en Estrie, quelques-uns — vers, justement, les
régions, donc, ce qui fait que ça change le ratio, effectivement. On n'a pas
été ni dans un extrême des trois, mais on a tenté. Mais nécessairement, quand
on parle de proportionnalité, de meilleure représentation, un de ces trois leviers-là
sera affecté dans une proportion x, y ou z.
Rapidement, parce qu'il nous reste peu de
temps, puis mes autres collègues vont sûrement aller dans d'autres sujets, de
toute façon, vous considérez que le seuil de 10 % proposé est trop élevé.
Est-ce que vous avez une alternative en tête ou c'est simplement le fait brut
qu'il soit trop élevé?
M. Groleau (Marcel) :
Non, bien, nous, on a eu plusieurs discussions sur le sujet avec différents
groupes, puis 10 %, c'est quand même élevé. À partir de 5 %, je crois
qu'il y aurait... ça pourrait être intéressant, là, de reconnaître une
représentativité à l'Assemblée nationale.
Mme LeBel : Merci. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :Merci, Mme la ministre. M. le député de LaFontaine, s'il vous
plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Bien, merci beaucoup à vous d'être présents,
M. Groleau, M. Des Rosiers et Mme Quiroz. Merci d'être avec nous aujourd'hui
pour débattre du projet de loi sur la modification du mode de scrutin.
Plusieurs éléments intéressants. Je veux
juste... Vous avez dit : Je ne voudrais pas faire retrousser des oreilles,
mais c'est ce qui est arrivé dans mon cas, les oreilles m'ont retroussé,
M. Groleau, quand vous avez dit que peut-être que le facteur du nombre
d'électeurs par député ne devrait pas être sacro-saint, strictement au sens,
là, puis c'est ce que j'ai compris... Là-dessus, je pense qu'on ne pourrait
pas, vous et moi, être plus en désaccord que ça, parce que l'effectivité, c'est
au coeur de notre démocratie. On ne peut pas, je pense, aborder le projet de
loi, c'est mon humble opinion, autrement qu'en s'entendant sur ce principe-là
qu'il faut, autant que possible... Ce n'est pas parfait, là. Vous n'aurez pas
exactement le même nombre d'électeurs pour un député ou une députée, mais ça
doit demeurer la préoccupation centrale, je crois, tout en sachant
qu'effectivement la représentation des régions et du territoire, je pense, c'est
davantage ce à quoi vous faisiez référence, c'est important.
Vous parlez... et je trouve ça extrêmement
intéressant, puis vous n'êtes pas légion à le faire, dans votre mémoire, vous
dites : «[Prenons] en compte la spécificité du Québec.» Et c'est bien beau,
se comparer à la Nouvelle-Zélande, à l'Écosse et l'Allemagne — je
suis à la page 17 de votre mémoire — mais vous y allez... et je cite
l'extrait que vous faites du DGEQ : «...un système électoral donné ne
fonctionnera pas nécessairement de la même façon dans deux pays différents. Ses
effets dépendent, pour une large part, du contexte sociopolitique qui prévaut
dans un État ou un pays.» Puis là vous dites : Bien, au Québec, il y a en
moyenne, par kilomètre carré, 5,5 habitants, puis en Écosse — je
vais prendre ce seul exemple là — bien, c'est 70, si on arrondit au kilomètre
carré. Donc, 5,5 puis 70 au kilomètre carré, ce n'est pas pantoute la même
réalité.
• (15 h 10) •
Et je vous dirais même que — poursuivons
cette analogie-là, M. Groleau — l'Écosse entre 20 fois dans
le Québec, l'Écosse rentre 20 fois dans le Québec, et l'Écosse a
129 députés, et, en ce sens-là... avec une population de 4 millions
de moins que le Québec. Alors, vous voyez, l'étendue immense du territoire, la
densité, et la population, et le nombre de députés, quand le Québec se <compare
à...
M. Tanguay
:
...
rentre 20 fois dans le Québec, et l'Écosse a 129 députés,
et, en ce sens-là... avec une population de 4 millions de moins que le
Québec. Alors, vous voyez, l'étendue immense du territoire, la densité, et la
population, et le nombre de députés, quand le Québec se >compare à
l'Écosse, on est défavorisés sous les trois critères quand on veut importer,
copier-coller, le même système politique.
Une fois que j'ai dit ça, je viens de vous
résumer, à peu près, l'écueil central que nous, nous avons avec le mode de
scrutin proposé, et vous y faites écho. Je sais que ma collègue aura des
questions plus spécifiques, mais vous dites, donc... et vous ne vous avancez
pas à un nombre, puis c'est bien correct, mais vous établissez le principe que,
ce faisant, sous les trois critères, là, population, immensité du territoire et
nombre de députés... vous dites : Bien, on ne pourra pas jouer sur le
territoire puis sur le nombre de la population, on ne changera pas ça, mais vous
nous dites : Jouez donc sur le nombre de députés. Corrigez-moi si j'ai
tort, mais je vois ça, pour vous, comme étant un élément fondamental de votre
position. On ne pourrait pas aborder ça sans avoir l'ouverture d'esprit de dire :
Bien, si, si, si... bien, augmentez le nombre de députés, sinon ça ne tiendra
pas la route, là.
M. Groleau (Marcel) :
Bien, c'est ce que je disais dans mon court résumé également, là, que, nous, la
limite de 125 députés, ce n'est pas un frein pour nous... faire une réforme dans
laquelle la population va se sentir mieux représentée.
Par rapport à votre point de vue sur les
villes versus les régions, prenons Montréal, par exemple, si tu enlèves deux
députés à Montréal... c'est ma perception, je n'ai pas fait d'étude là-dessus,
là, mais, à mon avis, c'est plus facile pour la ville de Montréal de se priver
de deux députés que pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue de se priver d'un
député.
M. Tanguay
: Je
vous dirais, là-dessus, je ne veux pas partir une polémique.
M. Groleau (Marcel) :
Là, c'est une question de...
M. Tanguay
: Non,
mais on va se respecter là-dedans. Il y a...
M. Groleau (Marcel) :
Parce que le député, à Montréal, je veux dire, il n'a pas 200 kilomètres à
faire pour aller rencontrer ses gens, il a rarement deux bureaux à visiter. Les
réalités économiques sont... Oui, je reconnais qu'il peut y avoir des
différences, mais les réalités économiques dans une région aussi grande sont
très différentes. Alors, c'est pour ça que je vous dis, moi : Il ne faut
pas se freiner dans cette réforme-là, qui nous semble sur la bonne voie, sur
des principes mathématiques qui feraient que les gens des régions se
sentiraient abandonnés ou moins bien représentés.
M. Tanguay
: Je
vous dirais, M. Groleau, que, là-dessus, évidemment, on ne sera pas
d'accord, mais, en tout respect, je vous dirais qu'à Montréal le rôle du
député, puis c'est la même chose en région, c'est que, si le citoyen veut le
rencontrer puis il veut passer une heure avec vous, vous allez devoir vous
asseoir, puis c'est votre rôle, puis vous devrez le faire avec toute la
compétence que vous avez à offrir comme élu, vous asseoir une heure avec le citoyen.
Et, oui, on a beaucoup moins... à Montréal, on n'a pas l'aspect de délai de
transport, et ça, il faut y pallier — dans certains comtés, ils ont
deux et trois bureaux de comté, moi, j'en ai un — mais sachez que les
citoyens qui veulent rencontrer leur député, je m'assois avec eux, et c'est ça
qui est le coeur, les gens d'abord, avant que de penser à l'aspect territorial
ou physique. Et c'est pour ça qu'on est élus puis c'est pour ça qu'on a un
droit de vote, une personne, un vote.
J'aimerais maintenant, évidemment... Et
vous faites écho du fait qu'il y aurait... Puis je vais passer, avec la
permission du président, la parole... M. le Président, vous allez passer la
parole à ma collègue, mais elle va faire écho au fait que l'on passerait de 125
comtés, comtés, à 80 comtés — donc, déjà là, ça deviendrait des comtés
excessivement grands — et, ce faisant, nous aurions 45 députés de
région. Autrement dit, si je pousse l'analogie... l'analogie, par essence, là,
est imparfaite, mais, si je pousse l'analogie, on pourrait dire : Ah! on
va faire un nouveau système électoral, on va garder 125 députés, mais les 125
députés seront élus directement au suffrage universel puis ils vont représenter
tout le Québec. Là, je vais dire : Bien, voyons donc, on a exactement le
même nombre de députés, ils sont 125, puis chaque député, son comté, c'est tout
le Québec, puis il représente le 8,4 millions d'habitants.
Là, vous allez dire : Bien, vous êtes
de mauvaise foi dans votre analogie. Non, mais c'est juste pour illustrer que
ce n'est pas parce que... ce n'est pas en gardant le même nombre de députés
mais en disant : Les 125 députés, je vais tous leur augmenter leur zone,
leur territoire, qui est un élément central à ce que vous articulez, et on va
augmenter aussi le nombre de population, bien, ce faisant, on vient de nuire
aux 125 députés. Pourquoi on vient de nuire aux 125 députés? Vous êtes encore
le même nombre, séparez-vous le travail. Mais, séparez-vous le travail, moi, je
vais devoir couvrir ma région ou je devrai couvrir mon territoire, qui va être 1/80
plus 1/125 du Québec. C'est là où il y a un écueil fondamental, puis j'aimerais
ça, donc, vous entendre là-dessus. Mais, avec votre permission, je céderais, M.
le Président, la parole à ma collègue, qui va enchaîner sur la suite.
Mme Robitaille : Je
continue?
M. Tanguay
:
Vas-y, continue avec ta question.
Le Président (M. Bachand) :Mme la députée, oui.
Mme Robitaille : Oui, bien,
justement, dans la même veine, donc, vous parliez, tout à l'heure, de
l'Abitibi. On a, en ce moment, trois députés de circonscription. Dans le
nouveau... dans le projet de loi, on dit qu'on aurait, bon, dans un <contexte...
M. Tanguay
:
...fondamental, puis j'aimerais ça, donc, vous entendre là-dessus. Mais, avec
votre permission, je céderais, M. le Président, la parole à ma collègue, qui va
enchaîner sur la suite.
Mme Robitaille : Je
continue?
M. Tanguay
:
Vas-y, continue avec ta question.
Le Président (M.
Bachand) :
Mme la députée, oui.
Mme Robitaille : Oui,
bien, justement, dans la même veine, donc, vous parliez tout à l'heure de
l'Abitibi. On a, en ce moment, trois députés de circonscription. Dans le
nouveau... dans le projet de loi, on dit qu'on aurait, bon, dans un > contexte
comme l'Abitibi, deux députés de circonscription, un député de liste, puis vous
dites : Bien, c'est trois-trois, mais ce n'est pas pareil, finalement,
parce qu'on va avoir le député de liste qui va couvrir un immense territoire,
puis, bien, ça ne se fera pas d'une façon pratico-pratique, ça va être
difficile de représenter tout le monde et puis d'entendre tout le monde.
Alors, je ne sais pas, comment vous voyez
la tâche du député de liste puis la tâche du député de circonscription à la
lumière de ce que vous avez lu. Est-ce que vous trouvez que ça va être... on ne
pourra pas... En fait, le député de circonscription ne sera pas peut-être pas
appelé à faire la même chose que le député de liste, puis est-ce que ça cause
un problème?
M. Groleau (Marcel) :
Bien, c'est là la... c'est la grande question qu'on soulève à la fin de notre
mémoire, aussi, et on aimerait que le projet de loi n° 39 soit plus précis
sur ce rôle-là de l'un et l'autre, parce que...
M. Des Rosiers (Guy) : ...
M. Groleau (Marcel) : Pardon?
M. Des Rosiers (Guy) : Pas
dans le projet de loi, mais...
M. Groleau (Marcel) :
Oui, oui, c'est ça, soit plus précis à ce niveau-là. L'Abitibi-Témiscamingue
sera un beau laboratoire pour ça, si jamais ça se fait, là, parce qu'il y a
deux députés de circonscription, donc le territoire est vraiment séparé, puis
il y a un troisième député qui arrive là-dedans puis qui devra s'insérer dans
cette relation-là, là. Est-ce que ça sera... Et il ne sera peut-être pas du
même parti, alors ça sera un beau défi, pour les trois, de trouver un modus
vivendi, là, pour... Est-ce qu'ensemble ils vont s'entendre de dire : Bon,
bien, toi, prends la région plus nordique, puis laisse-nous les deux régions
plus au sud, puis, de temps en temps, on fera un conciliabule à trois pour voir
qu'est-ce qu'on fait avec certains dossiers? Je ne sais pas comment ça va
fonctionner, mais, moi, ça me pose beaucoup de questions.
Mme Robitaille : Mais il
va certainement y avoir... Il y a certainement une inquiétude par rapport à la
proximité de la relation entre le citoyen puis son député, évidemment.
M. Groleau (Marcel) : À
quel endroit son bureau sera situé sur ce territoire-là? Je ne sais pas. Moi,
si vous avez des réponses... J'ai plus de questions que j'ai de réponses à
cette situation-là qui va arriver, peut-être. Puis on parle de
l'Abitibi-Témiscamingue, mais ça sera comme ça ailleurs aussi, là. Alors, on
n'est pas habitués à ce système-là. On ne l'a pas vécu. Il n'a pas été
développé chez nous. Ça sera à voir.
Mme Robitaille : Oui.
Merci. Merci beaucoup.
M. Tanguay
: Et,
juste pour terminer, avec les 10, 15 secondes qu'il reste, et d'où, M. Groleau,
beaucoup, beaucoup, beaucoup de questionnements, puis vous avez eu l'occasion,
dans notre échange — vous allez les poursuivre — de les
soulever, puis vous disiez qu'il y a et il y aura toujours de nombreuses
questions des citoyens, d'où l'importance de répondre de façon très précise à
tous ces questionnements-là puis l'importance d'avoir un débat qui soit complet
dans un contexte référendaire qui soit distinct aussi.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
M. le Président. Merci à vous d'être là puis merci... je vais reprendre un des
éléments que la ministre a nommés, de nous présenter une réflexion où vous
faites le pari d'aller vers une réforme du mode de scrutin tout en essayant d'y
ajouter vos préoccupations puis les préoccupations de vos membres. C'est une
attitude qui est constructive, et je trouve ça intéressant parce qu'on a eu un
échange avec la FQM un peu plus tôt aujourd'hui, et je proposais moi-même... en
tout cas, je donnais comme hypothèse l'idée d'augmenter le nombre minimal de
circonscriptions de région à l'intérieur de chaque région pour pallier à
certaines craintes, et je trouve ça intéressant de voir que, vous-mêmes, vous
arrivez à ce type de piste de réflexion là dans votre mémoire.
Puis vous avez posé une question qui est
dérangeante, mais qui est très pertinente, c'est-à-dire celle de la concurrence
entre deux principes de représentation, principe de représentation territoriale
puis un plus populationnel. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que c'est pour
ça que, dans plusieurs régimes parlementaires, il y a deux Chambres, hein? Il y
a plusieurs pays où il y a du bicaméralisme, et on est capables, donc, de faire
exprimer ces deux principes démocratiques là. Et là on essaie de faire entrer
deux principes démocratiques au sein d'une seule assemblée représentative, et
c'est là qu'on se crée un casse-tête. C'est sûr que l'indépendantiste en moi
réfléchit en vous... en se disant : Bien, on pourrait régler ce
problème-là si on faisait des changements constitutionnels puis on avait deux
corps représentatifs différents. Fermeture de la parenthèse, parce que je veux
quand même vous poser une question.
Que répondez-vous aux gens qui disent
qu'en faisant ce que vous proposez, c'est-à-dire en faisant sauter la limite de
125 députés à l'Assemblée nationale, ça va causer une variation du nombre
d'élus, des fonds publics vont être engagés là-dedans, et on ne devrait pas
aller dans ce sens-là? Qu'est-ce que vous avez à dire pour les rassurer?
• (15 h 20) •
M. Groleau (Marcel) :
Bien, je ne crois pas, là... On ne parle pas de doubler le nombre de députés
non plus, là. Alors, si tu ajoutes trois députés au Québec, quatre députés au
Québec, je ne crois pas que, d'un point de vue fonds publics, là, ça soit
extravagant, les coûts que ça peut engendrer par rapport à une représentation
mieux... une meilleure représentation citoyenne. Je crois que personne ne va <s'opposer
à ça...
M. Groleau (Marcel) :
...
quatre députés au Québec, je ne crois pas que, d'un point de vue
fonds publics, là, ça soit extravagant, les coûts que ça peut engendrer par
rapport à une représentation mieux... une meilleure représentation citoyenne.
Je crois que personne ne va >s'opposer à ça. C'était la question,
principalement.
L'autre volet, bien, nous, on le dit,
maintenir un nombre minimal de comtés ou de circonscriptions dans les régions
nous apparaît essentiel. Vous le faites, là. On est à deux, mais ce n'est pas
garanti que l'Abitibi-Témiscamingue va rester à deux, là. Là, on commence à
deux, mais ce n'est pas une garantie.
M. Nadeau-Dubois : Les
sièges régionaux, on pourrait le garantir.
M. Groleau (Marcel) : Oui.
Alors, voilà.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci. En
1994, je travaillais au cabinet de M. Parizeau, puis M. Parizeau
avait mis en place des délégués régionaux. Ils étaient députés dans une circonscription,
mais ils avaient un mandat régional. Là, on ne parle pas de ça, avec un député
de liste. Le mandat du député de liste... son territoire est régional, mais il
n'a pas un mandat régional. Il est comme les autres députés. Il faut qu'il
rencontre les citoyens, et tout ça.
Mais c'est vrai que c'est nouveau. C'est
une culture nouvelle, et, à mon avis, une vraie campagne référendaire, où qu'on
aura du temps pour expliquer ça, est nécessaire. Puis ça ne sera pas mêlé à
travers d'autres enjeux parce que c'est nécessaire.
Puis c'est vrai, ce que vous dites par
rapport aux comtés de ruralité, c'est très... pour le savoir un peu, là — puis
mon collègue de Matane, Pascal, il a 42 municipalités — je vais vous
dire, ça en fait, des clubs de l'âge d'or, puis des maires, puis du cipaille à
manger. Mais c'est important qu'on ait des outils. Le Mouvement Démocratie
nouvelle, dans son mémoire, explique... dit que, dans le projet de loi, il
devrait peut-être y avoir quelque chose qui nous assure de meilleurs moyens,
que, dans nos circonscriptions plus larges, bien, on ait plus de bureaux de
circonscription, plus de personnel avec nous autres, plus de gens qui peuvent
accueillir les gens. Est-ce que vous pensez que ce serait nécessaire que ça
soit très précisé dans le projet de loi?
M. Groleau (Marcel) :
Oui, oui. C'est sûr que plus les circonscriptions seront grandes, si c'est le
cas, plus ces députés-là devront avoir de soutien logistique et financier pour
pouvoir faire le travail adéquat dans leur comté.
Moi, j'ai vécu, personnellement, un
changement dans mon comté. Nous, c'était Lotbinière, puis on est devenus...
c'est-à-dire que c'était Frontenac, puis là, maintenant, c'est
Lotbinière-Frontenac. Puis, pour avoir vu M. Lessard, qui
était député à l'époque, s'adapter à cette nouvelle circonscription là, deux
réalités totalement différentes, deux économies différentes aussi, moi, je peux
vous dire que ça a été extrêmement ardu de s'adapter à cette nouvelle
réalité-là. Puis, encore aujourd'hui, ce comté-là, il n'y a pas vraiment
d'atomes crochus entre ces deux régions-là dans un même comté.
Alors, c'est sûr que,
lorsqu'on va créer des comtés immenses, bien, on va multiplier ces
situations-là. Et les gens ne veulent pas avoir juste un bureau de comté avec
un représentant régional, les gens veulent avoir accès à leur député. Alors, tu
peux avoir deux ou trois bureaux, mais tu ne peux pas être dans ces trois
bureaux-là en même temps. Alors, c'est... Bien, s'il y a du personnel, c'est
mieux, mais on veut quand même pouvoir rencontrer le député, vous le savez
mieux que moi, là, alors... oui.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous
plaît.
Mme Fournier
:
Oui. Merci beaucoup pour la présentation. Je pense que c'est bien que vous
évoquiez l'espèce de tabou qu'il y a autour du 125 députés absolument, parce
que... Tout à l'heure, le collègue de LaFontaine faisait référence à l'Ontario,
par exemple. Quand on regarde la superficie du Québec, en fait, l'Ontario a 124
députés, puis l'équivalent pour le Québec en termes de superficie, ce serait
186. Donc, on s'entend que, si on parle d'ajouter quelques députés, on est
encore loin de ça.
Ceci étant, le gouvernement a l'air quand
même de tenir mordicus à son nombre de 125, puis ça m'amène à dire que, dans
les différentes régions, avec la réforme du mode de scrutin, en fait, ça va
devenir presque automatique qu'il va y avoir autant des représentants du
gouvernement que de l'opposition à l'intérieur d'une même région, donc ça
serait maintenant très difficile, en fait, d'avoir des gens du même parti. Donc,
ne trouvez-vous pas, en fait, que ça donne des outils supplémentaires aux
citoyens, quand on veut faire valoir, justement, des dossiers, de pouvoir avoir
différents leviers qui font, au final, avancer plus rapidement les enjeux et
donc assurer une meilleure représentativité, puisque, de toute façon, si on
avait un dossier, par exemple, puis qu'on a des députés seulement de l'opposition
ou seulement au gouvernement, puis que ça n'avance pas, il faudrait, de toute
manière, avoir recours à des représentants de l'opposition qui se trouvent dans
d'autres régions et donc se déplacer?
M. Groleau (Marcel) :
Bien, cette relation-là, comme vous dites, là... Oui, la représentation, s'il y
a plus de positions politiques qui représentent le choix des électeurs de cette
circonscription-là, de... représentée via un député qui les représente sur le
territoire et à l'Assemblée nationale, ça, on adhère à ça puis on trouve que
c'est bien. Mais cette relation-là d'un <député...
M. Groleau (Marcel) :
...
représentée via un député qui les représente sur le territoire et à
l'Assemblée nationale, ça, on adhère à ça puis on trouve que c'est bien. Mais
cette relation-là d'un >député de liste, disons, qui a un territoire beaucoup
plus grand... un ancrage territorial ou de circonscription beaucoup plus faible,
puisqu'il est nommé de liste, nous, on ne sait pas comment les citoyens vont
l'aborder. Est-ce qu'ils vont aller le voir quand ils n'auront pas eu l'aval du
député de circonscription? Est-ce qu'ils vont vouloir le mettre en opposition
des positions qui ont été prises parce que... Il va y avoir une joute, on le
sait, soyons honnêtes, là. Il va nécessairement y avoir une joute politique qui
va se poursuivre dans le comté, soyons honnêtes, là. C'est la vie, là. C'est la
nature humaine également, là.
Mme Fournier
: ...
Le Président (M. Bachand) :
Merci. C'est tout le temps qu'on a.
M. Groleau (Marcel) :
Comme... Oui, c'est ça, je ne peux pas répondre à ça.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup d'avoir été présents aujourd'hui.
On suspend les travaux pour quelques
instants.
(Suspension de la séance à 15 h 26)
(Reprise à 15 h 28)
Le Président (M. Bachand) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Alors, je souhaite maintenant la bienvenue
à M. André Blais, professeur titulaire du Département de science politique
de l'Université de Montréal. Je vous rappelle, M. Blais, que vous avez
10 minutes de présentation, et par après nous aurons un échange avec les
membres de la commission. Alors, je vous cède la parole, et j'apprécie beaucoup
votre présence aujourd'hui, M. Blais.
M. André Blais
(Visioconférence)
M. Blais (André) : Merci
beaucoup. Je remercie donc la commission pour l'invitation à présenter un
mémoire. Je vais d'abord mentionner les aspects du projet de loi que je trouve particulièrement
intéressants pour ensuite souligner les aspects qui me semblent problématiques,
et je vais terminer en proposant une réforme de la réforme proposée. Je soulève,
en dernier, certains points techniques.
Donc, je relève d'abord quatre aspects particulièrement
intéressants du projet de loi. Un, le gouvernement reconnaît qu'il est opportun
de réformer le mode de scrutin. Le mode de scrutin actuel a ses avantages et
ses désavantages. Il serait très surprenant toutefois que, parmi tous les modes
de scrutin envisageables, celui qui a été adopté il y a très longtemps dans un
contexte social et politique très différent, soit la meilleure option. C'est le
temps de moderniser la façon d'élire nos représentants, et je remercie le
gouvernement d'en prendre acte.
Deux, c'est au peuple de décider quel mode
de scrutin est le plus approprié. J'applaudis la décision du gouvernement de
soumettre le projet de réforme du mode de scrutin à un référendum. C'est
l'ensemble des citoyens, et non les experts, les partis ou les élus, qui doit
décider quel mode de scrutin devrait être utilisé pour élire les députés. On ne
doit pas imposer aux citoyens un mode de scrutin qu'ils ne veulent pas.
Trois, il me semble justifié d'avoir une
dose modeste de proportionnalité. Le mode de scrutin actuel avantage les grands
partis aux dépens des petits. Cela est injuste. Par contre, un système
parfaitement proportionnel, dans lequel toutes les tendances sont également
représentées, est aussi <problématique...
>
15 h 30 (version révisée)
< M. Blais (André) :
...il me semble justifié d'avoir une dose modeste de proportionnalité. Le mode
de scrutin actuel avantage les grands partis aux dépens des petits. Cela est
injuste. Par contre, un système parfaitement proportionnel, dans lequel toutes
les tendances sont
également représentées, est aussi >problématique.
Un Parlement trop fragmenté fait en sorte que les citoyens n'ont plus de
contrôle sur les coalitions gouvernementales qui doivent être formées. Une dose
modeste de proportionnalité me semble un bon compromis.
Quatre, il me semble justifié d'appliquer
le critère de proportionnalité au niveau régional. Ce point découle du
précédent. Ceux qui veulent une forte proportionnalité réclament, de façon
cohérente, d'appliquer ce critère au niveau de l'ensemble de la province. Si on
accepte l'idée d'une proportionnalité modeste, il est approprié d'appliquer le
critère de proportionnalité au niveau régional.
Voici maintenant les aspects du projet qui
me semblent problématiques. Un, un seuil provincial de 10 % est
inacceptable. Un tel seuil n'existe qu'en Turquie, et je ne vois pas comment ou
pourquoi on devrait s'inspirer de ce pays. Ou on croit à une certaine dose de proportionnalité,
ou on n'y croit pas.
Deux, il faut que toutes les
régions soient traitées de façon équitable. Le nombre total de circonscriptions
dans chaque région doit être proportionnel à la population et à la population seulement.
La proposition actuelle d'enlever trois sièges à l'île de Montréal est tout à
fait inacceptable, et je parle ici en partie comme citoyen montréalais.
Trois, il faut que le nombre de
circonscriptions varie peu d'une région à l'autre. Le nombre proposé varie de trois
à 24. Ce qu'il faut comprendre, c'est que les petits partis ont de bonnes
chances de remporter au moins un siège compensatoire dans les grandes régions
et pratiquement aucune chance dans les petites régions. Cela est injuste. Il y
a deux façons de corriger cette injustice. La première est de fusionner les
petites régions. La seconde est de fractionner les grandes régions. Comme la
première solution ne me semble pas réaliste sur le plan politique, comme on l'a
vu dans la séance précédente, je propose la seconde approche. Je propose donc
que toutes les régions aient entre trois et six sièges, et ainsi l'île de
Montréal serait divisée probablement en cinq régions et la Montérégie en
quatre.
Quatre, il faut un mode de scrutin simple
et transparent. Le gouvernement propose un mode de scrutin mixte compensatoire.
Ce mode de scrutin a un avantage important, c'est qu'il maintient les
circonscriptions avec un élu tout en ajoutant une dose de proportionnalité. Il
a cependant le désavantage d'être plus compliqué, de créer deux types de sièges
et de députés et de se prêter à des calculs et des trucs qui nuisent à la
transparence du système. J'estime qu'un scrutin proportionnel modéré régional
avec liste ouverte est préférable, parce que plus simple et transparent. Les
électeurs auraient toujours la possibilité de voter pour un parti et pour un
candidat préféré, il n'y aurait qu'un type de siège et de député, le degré de
proportionnalité serait similaire, et on n'aurait pas besoin de permettre ou
interdire la double candidature.
Cinquième et dernier point,il faut
un référendum ouvert, avec plusieurs options. Si on veut laisser la population
décider, il faut lui permettre de choisir entre plusieurs options. Je ne vois
aucune raison de limiter le choix à une seule proposition de réforme versus le
statu quo. Pourquoi ne pas offrir quatre options : le mode de scrutin
actuel, le vote préférentiel ou alternatif, un scrutin proportionnel et un
scrutin mixte compensatoire? La population a très rarement l'occasion de se
prononcer sur la façon d'élire ses représentants. Pourquoi ne pas lui offrir davantage
de choix?
En somme, je suis favorable à
l'orientation générale de la réforme proposée, qui va dans le sens d'une dose
modérée de proportionnalité au niveau régional, ainsi qu'au principe de laisser
le dernier mot à la population via un référendum. Par contre, j'insiste sur la
nécessité de traiter toutes les régions de façon équitable, de faire en sorte
que le nombre de sièges alloués à chaque région soit proportionnel à la
population et que ce nombre varie peu d'une région à l'autre. J'estime qu'un
mode de scrutin proportionnel modéré permettrait mieux d'atteindre les mêmes
objectifs, avec plus de simplicité et de transparence. Finalement, je propose
un référendum dans le cadre duquel les Québécois pourraient choisir entre
plusieurs modes de <scrutin...
M. Blais (André) :
...nombre varie peu d'une région à l'autre. J'estime qu'un mode de scrutin
proportionnel modéré permettrait mieux d'atteindre les mêmes objectifs avec
plus de simplicité et de transparence. Finalement, je propose un référendum
dans le cadre duquel les Québécois pourraient choisir entre plusieurs modes de
>scrutin.
Je termine avec de brefs commentaires sur
trois points techniques. Premièrement, la double candidature. Je ne vois aucune
bonne raison d'interdire la double candidature. Cette double candidature permet
aux candidats-vedettes des petits partis de se faire élire sur la liste
régionale, et son interdiction force les candidats à faire des choix
stratégiques compliqués dans un climat de grande incertitude. Pourquoi
compliquer inutilement la vie de ceux qui acceptent le beau défi de se faire
élire?
Deuxième point technique, le remplacement
des députés de région. Je ne vois aucune raison de ne pas permettre plus de candidats
de liste qu'il n'y a de sièges à pourvoir. Des candidats additionnels
pourraient éventuellement combler des vacances, ce qui me semble plus
démocratique que de laisser le parti nommer le successeur.
Troisième et dernier point, l'astuce de la
moitié. Le gouvernement propose une astuce pour le calcul des sièges régionaux.
Cette astuce consiste à attribuer un siège de liste en fonction non pas du
nombre de sièges de circonscription remportés par un parti, comme c'est partout
le cas, mais de la moitié de ce nombre. L'objectif est manifestement de
favoriser les grands partis. Cette astuce est inéquitable, étant donné que le
mode de scrutin proposé n'est que modestement proportionnel et que les grands
partis sont déjà favorisés, puisque les régions sont de petite taille. Cette
astuce jette un doute sur les intentions véritables du gouvernement. Ce serait
un très beau geste d'y renoncer. Je note que ces trois questions techniques ne
se poseraient pas dans un scrutin régional modérément proportionnel.
Finalement, une dernière suggestion. Je
crois que la démocratie québécoise gagnerait à expérimenter d'autres façons de
voter. Cette expérimentation peut se faire au niveau québécois, mais elle peut
également se faire au niveau local. Pourquoi ne pas permettre aux municipalités
qui le désirent d'avoir recours à d'autres modes de scrutin pour les élections
municipales? Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Pr Blais. Je cède maintenant la parole à la ministre. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
• (15 h 40) •
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci, Pr Blais, de votre présentation. Vous apportez encore un
angle nouveau sur certaines réflexions. Je pense qu'on part du même point de
vue, nécessairement, c'est-à-dire qu'il est temps de moderniser notre façon
d'élire nos représentants puis que c'est à la population de décider, malgré le
fait que certains puissent prétendre... Puis je pense qu'on a effectivement, je
l'ai dit dans le passé, la légitimité politique nécessaire de le faire en tant
que représentants élus et parce qu'on est... on représente une grande majorité,
ceux qui adhèrent à la réforme des élus de l'Assemblée nationale, donc de la
population, mais je crois que c'est quand même un changement qui est majeur
pour la population et que ça doit se faire sous la forme d'un référendum.
Ceci étant dit, depuis beaucoup...
plusieurs années... et, comme je n'ai pas des vertus de me souvenir des dates
et d'être historienne, je ne m'avancerai pas dans les détails… le MDN a fait,
d'ailleurs, un très bel historique, dans son mémoire, qui est très intéressant,
mais je pense que je peux m'avancer en disant que, depuis plus de 40 ans, on
parle, on discute, au Québec, d'une réforme de mode du scrutin, mais on discute
également, depuis de nombreuses années, d'un mode proportionnel mixte. Ce que
vous nous proposez, c'est de repartir à zéro, si je peux me permettre de le
dire de cette façon-là, et de consulter la population sur quatre modes de
scrutin. Bon, naturellement, quatre modes de scrutin ou trois nouveaux, parce
que ça inclut le nôtre, qu'on connaît très bien. On aime le critiquer, mais on
le connaît très bien.
Donc, d'entrée de jeu, je vous dirais que
ce qui a été soulevé sur la question du référendum, pour plusieurs raisons,
c'est le besoin de bien faire comprendre à la population ce qu'on leur propose.
Donc, présentement, on leur propose de passer d'un mode de scrutin,
c'est-à-dire le mode de scrutin actuel, à un autre, et déjà nous nous sommes
fait dire et mettre en garde que c'était... moi, je ne pense pas que ce soit
complexe, mais qu'il faut prendre le temps de l'expliquer. Je pense que c'est à
la portée de compréhension de tous, mais il faut quand même l'expliquer parce
que c'est très technique. Vous proposez d'en proposer trois nouveaux. Est-ce
que vous pensez que c'est vraiment une bonne façon de le faire, par référendum,
parce que... par consultation, peut-être, mais par référendum, d'avoir quatre
options? Puis, quand on a quatre options, comme ça, comment on détermine
l'option gagnante qui nous rend légitimes d'aller de l'avant par la <suite,
là...
Mme LeBel : ...
d'en
proposer trois nouveaux. Est-ce que vous pensez que c'est vraiment une bonne
façon de le faire, par référendum, parce que... par consultation, peut-être,
mais par référendum, d'avoir quatre options? Puis quand on a quatre options,
comme ça, comment on détermine l'option gagnante qui nous rend légitimes
d'aller de l'avant par la >suite, là?
M. Blais (André) : Ça a
été fait à l'Île-du-Prince-Édouard en 2016, il y a eu un référendum avec cinq
options et il y a eu une commission qui a donné toutes sortes d'informations
sur les cinq options qui étaient présentées. C'est sûr que c'est plus
ambitieux, peut-être, que, quand on a déjà travaillé sur une proposition, on
n'a peut-être pas autant le goût d'en ajouter d'autres, mais c'est essentiellement
audacieux, intéressant, et c'est parce que je crois qu'il y a toutes sortes
d'autres propositions qui peuvent être utiles, et peut-être que ça serait une
autre proposition.
Pour ce qui est du mode de scrutin à
utiliser dans une telle consultation, il y aurait différentes formules : il
y a le vote alternatif ou ça pourrait être un système de points, etc. Si vous
êtes intéressée, je serais prêt à une rencontre de discussion sur les
différentes possibilités.
Mme LeBel : Oui. Et, si
je ne m'abuse... Puis, encore là, je ne veux pas me... je vais quand même me
donner le droit de me tromper sur ce que j'affirme, là, parce que je ne le fais
pas avec beaucoup de force, mais, si je ne m'abuse, en Colombie-Britannique, le
taux de participation avait été quand même peu élevé, et ils sont demeurés au
mode de scrutin actuel. Je comprends que, dans un référendum, l'objectif n'est
pas... bien, l'objectif n'est pas nécessairement de le gagner, dans le sens où,
quand on soumet à la population, l'objectif, c'est d'avoir l'opinion de la
population, mais il faut que cette opinion-là soit éclairée. On pourrait
spéculer sur les raisons pour lesquelles ils n'ont pas atteint ces taux de
participation là. Entre autres, ça se faisait en dehors d'une élection, c'est
peut-être une raison. Mais je pense que d'expliquer trois nouveaux modes de
scrutin peut quand même rendre l'exercice beaucoup plus périlleux, disons-le,
ou complexe en soi. Mais on retient bien votre commentaire sur ce sujet. Mais
je comprends que, que l'on propose trois modes de scrutin nouveaux ou qu'on en
propose un seul, la notion de consulter la population via un référendum est
primordiale pour vous.
M. Blais (André) :
Exactement.
Mme LeBel : Est-ce que
vous avez une opinion? Parce que… Je vous la pose... Elle n'est pas dans votre
mémoire, mais elle a été débattue dans les derniers jours avec plusieurs
groupes. Présentement, ce que nous proposons de faire, comme gouvernement,
c'est de faire… de poser la question du référendum en même temps que l'élection
générale de 2022. Bon, plusieurs facteurs militent, pour nous, en faveur de
cette option-là, entre autres le taux de participation, qui n'est pas le seul,
mais qui en est un qui se vaut, naturellement. Qu'est-ce que vous avez comme
opinion, donc? Vous proposez donc, dans votre... Votre proposition, c'est
d'avoir une pluralité de modes de scrutin, donc une pluralité d'options et de
discussions. Le débat est de dire qu'on ne peut pas avoir une pluralité de
débats, donc pas d'élection en même temps que le référendum, parce que, là, il
va y avoir trop de sujets qui circulent. Avez-vous une opinion là-dessus?
M. Blais (André) : J'ai
confiance à la compétence des citoyens, surtout s'il y a vraiment une campagne
d'information qui est bien menée pour renseigner les citoyens sur ces
différentes options là.
Par ailleurs, j'appuie entièrement la
position du gouvernement, qui est de tenir ce référendum au moment d'une
élection. Je pense que c'est essentiel d'avoir un taux de participation élevé
pour que la décision soit légitime, et c'est seulement lors d'une élection
qu'on aura un taux de participation élevé. Donc, je suis complètement d'accord
avec vous sur ce point-là.
Mme LeBel : Merci. Si on
vient, peut-être, à des modalités plus précises du mode de scrutin qu'on
propose, le seuil de 10 %, pour vous, bon, est inacceptable, ce sont vos
mots, et vous n'êtes pas le seul, de toute façon, qui est venu témoigner,
jusqu'à présent, en toute transparence... qui a critiqué ce seuil, en tout cas,
ou, à tout le moins, l'a commenté. Vous dites qu'un tel seuil n'existe pas
ailleurs, à une seule exception, et qu'on devrait... si on croit à une certaine
dose de proportionnalité, on devrait ne pas avoir un seuil de 10 %.
Première question : Est-ce que
vous... Vous adhérez, par contre, je pense, au principe qu'il y ait un seuil,
que ce ne soit pas une proportionnalité pure, là, dans le sens où...
M. Blais (André) : Il va
y avoir un seuil implicite au niveau régional. Si, au total, dans une région,
il y a, disons, cinq circonscriptions, ça va probablement prendre à peu près
15 % des votes pour avoir un siège. 15 % des votes dans une région,
c'est déjà une bonne légitimité. Donc, quant à moi, je ne suis pas convaincu de
la nécessité d'un seuil national, mais je ne suis pas complètement opposé non
plus. Un seuil, disons, de 3 %, par exemple, serait tout à fait acceptable,
mais, personnellement, je propose que ça soit au niveau régional seulement et
qu'il n'y ait pas de seuil national.
Mme LeBel : Donc, si on
tient à y introduire un seuil pour d'autres raisons, là — il peut y
avoir d'autres motivations à introduire un seuil — vous préconisez le
seuil le plus bas possible, c'est ça?
M. Blais (André) : Oui,
et je ne vois pas quelles seraient ces bonnes raisons.
Mme LeBel : Bon, on
pourra en discuter dans une autre conversation, compte tenu que j'ai peu de
temps puis j'ai d'autres points.
M. Blais (André) : D'accord.
Mme LeBel : Mais plusieurs
éléments ont été amenés en faveur d'un seuil. <Maintenant, le...
Mme LeBel : ...
tient
à y introduire un seuil pour d'autres raisons, là, il peut y avoir d'autres
motivations à introduire un seuil, vous préconisez le seuil le plus bas
possible. C'est ça?
M. Blais (André) :
Oui, et je ne vois pas quelles seraient ces bonnes raisons.
Mme LeBel : Bon, on
pourra en discuter dans une autre conversation, compte tenu que j'ai peu de
temps puis j'ai d'autres points.
M. Blais (André) :
D'accord.
Mme LeBel : Mais
plusieurs
éléments ont été amenés en faveur d'un seuil. >Maintenant, le taux est à
discuter et à moduler, là.
M. Blais (André) : Il y
a un seuil régional implicite, déjà, de 15 % au niveau régional, hein? C'est
déjà très élevé.
Mme LeBel : O.K. Vous
parlez du nombre, j'avoue que, avec beaucoup d'humilité, j'ai un peu de misère
à suivre votre argumentaire sur un point et je vais vous demander, probablement,
de le développer pour que je comprenne mieux. Bon, au point 3 des aspects du
projet de loi qui vous semblent problématiques, sous ce chapitre, au point 3,
vous parlez du nombre de circonscriptions, donc, doit varier peu d'une région à
l'autre. Entre autres, vous parlez que «le nombre proposé varie essentiellement
de trois à 24» — bon, ce qu'il faut comprendre, c'est que les partis
ont de bonnes chances de remporter moins d'un siège, etc. — et vous
parlez de fractionner les régions. C'est plutôt sur ce point-là que j'en suis. Une
des raisons, et vous avez eu l'opportunité de l'entendre, je pense, dans les
interventions précédentes, pour lesquelles nous en sommes arrivés au chiffre de
17, bien, c'est parce qu'il y a 17 régions administratives au Québec, 17
identités régionales très bien définies et auxquelles les gens tiennent
beaucoup. Donc, vous dites, vous l'avez dit dans votre présentation, dans ce
sens : On ne devrait pas diminuer, parce que vous parliez de diminuer ou
d'augmenter. Maintenant, vous parlez d'augmenter des régions. Je dois dire que
c'est une proposition qui a déjà été faite par les gouvernements précédents et
qui avait le même effet que de fractionner l'identité régionale. Donc, la
fusionner ou la fractionner en diminuant le nombre de régions ou en augmentant
le nombre de régions, en 2004, entre autres, je pense, et dans les dernières
discussions que j'ai eues, ne semblait pas une option. L'identité régionale,
elle est entière et complète, et c'est pour cette raison qu'on a décidé des 17
régions. Qu'est-ce que vous avez à nous dire à ce sujet-là ou à m'expliquer un
peu mieux, là? Votre calcul entre les circonscriptions variables, pas
variables, je vais vous avouer que, ce point-là, je manque d'information.
M. Blais (André) : En
fait, il faut voir, le problème de départ, c'est que cette inégalité dans la
taille des régions existe en Espagne et au Portugal, par exemple, et les
implications, c'est que le parti de droite réussit à obtenir quelques sièges à
Madrid et à Barcelone, par exemple, parce qu'il y a 30 circonscriptions, et
donc, avec 5 % des votes, ils vont chercher un siège, mais que les partis
de gauche, eux, dans les régions où il y a seulement trois sièges, ils n'ont
pas assez de votes pour aller chercher des sièges, et donc le système
défavorise le parti urbain aux dépens du parti rural.
Et ici, concrètement, on a la région de
Montréal. Et ce que ça veut dire, c'est qu'un parti qui n'a que 10 % des
sièges à Montréal pourrait avoir des sièges, un siège compensatoire, alors
qu'un parti qui aurait 10 % des votes en Abitibi ne pourra pas avoir un
siège compensatoire, et donc on défavorise les partis qui ont plus de votes
dans les milieux avec des grandes régions. Et ce que je propose, concrètement,
c'est de garder les régions actuelles, mais que… par exemple, pour Montréal, de
faire cinq régions. Parce que moi, je suis de la région de Côte-des-Neiges,
vous savez, je m'identifie à Côte-des-Neiges, c'est très différent d'Outremont,
qui est à côté. Et donc je crois qu'on devrait faire cinq circonscriptions régionales
sur l'île de Montréal. C'est ça, ma proposition.
Mme LeBel : Et, à
l'intérieur de ces régions, pour les nommer comme vous les nommez, vous verriez
des circonscriptions, également, ou ce seraient des circonscriptions
régionales?
M. Blais (André) :
Absolument. Oui, oui.
Mme LeBel : Et là on se
retrouve...
M. Blais (André) : Tout
à fait.
Mme LeBel : Je m'excuse,
M. Blais, puis je veux vraiment comprendre votre proposition.
M. Blais (André) : Trois
à deux, trois à deux.
Mme LeBel : Et on se
retrouve, à ce moment-là...
M. Blais (André) : Oui.
Non, non. Oui.
Mme LeBel : Oui, je
m'excuse, c'est moi qui ne vais pas avec le décalage, là. Petite pause.
Et on se retrouverait avec combien de
circonscriptions et combien de députés à l'Assemblée nationale? J'ai peut-être
du mal à...
M. Blais (André) : Exactement
le même nombre. Exactement le même nombre.
Mme LeBel : O.K. Je vous
pose la question, parce que c'est intéressant, puis j'aurais dû le faire tantôt
quand j'abordais la question du référendum, mais, je le disais, le mode de
scrutin qui est proposé, présentement, par le MDN et qui fait partie de
l'entente qui a été signée par, à tout le moins, quatre partis, trois qui se
retrouvent maintenant à l'Assemblée nationale, le mode de scrutin mixte
proportionnel, qui était un compromis entre le mode actuel, on le sait bien,
puis un mode proportionnel pur, fait partie des discussions depuis longtemps,
est accepté par la population. Pourquoi vous jugez qu'il est nécessaire de
proposer d'autres alternatives à la population? Et, moi, ce que je considère
être un recul dans le travail déjà fait, là, mais c'est mon point de vue.
• (15 h 50) •
M. Blais (André) : Je
sais que, traditionnellement, c'est le mode de scrutin qui est jugé comme étant
le plus acceptable par la population. C'est peut-être le cas, je n'en suis pas
absolument certain, parce qu'il n'y a pas vraiment de débat impliquant toute la
population. Je veux maximiser les chances de moderniser le mode de scrutin et
d'avoir, donc, plusieurs <options...
M. Blais (André) :
...
je sais que, traditionnellement, c'est le mode de scrutin qui est
jugé comme étant le plus acceptable par la population. C'est peut-être le cas,
je n'en suis pas absolument certain, parce qu'il n'y a pas vraiment de débat
impliquant toute la population. Je veux maximiser les chances de moderniser le
mode de scrutin et d'avoir, donc, plusieurs >options. Parce que, par
exemple, si j'ai bien compris que… le Parti libéral pouvait peut-être être
intéressé par le vote alternatif, le vote préférentiel, et donc il y aurait
peut-être d'autres options qui pourraient ressortir et qui seraient différentes
de celles qui sont proposées. Mais je dois quand même dire que je suis
favorable au mode de scrutin mixte compensatoire, ce serait mon deuxième choix.
Et, si c'est le seul choix qui me sera soumis, bien, je l'appuierai, même si ça
ne sera pas l'idéal.
Mme LeBel : Merci de
cette précision, c'est gentil. Donc, pour la double candidature, j'aimerais
peut-être juste qu'on débatte un petit peu, pour le peu de temps qu'il me
reste, là, sur ce sujet-là. Il y a des pour et des contre qui ont été soulevés.
Vous ne voyez aucune bonne raison d'interdire la double candidature. Pourtant,
vous êtes pour le respect de l'expression du citoyen, et une des objections,
effectivement, qui a été soulevée, entre autres, à la double candidature, c'est
le fait qu'un député qui a été battu, c'est-à-dire, qui n'a pas remporté le
scrutin sous la forme de la circonscription, se voit attribué un siège par le
biais de la liste, de la compensation, dans la même région, finalement, où la
population ne l'a pas choisi. Naturellement, on pense souvent au deuxième
candidat, mais ça pourrait être le troisième, aussi, qui a eu, en pourcentage,
la faveur populaire en troisième lieu, qui pourrait entrer, théoriquement,
également, par la voie d'un siège de liste. C'est une des objections à la
double candidature. Maintenant, qu'est-ce que... Et, d'un même souffle, le
respect du vote de la population. Donc, est-ce que vous y voyez une difficulté?
M. Blais (André) : Je
suis d'accord que c'est le meilleur argument, et peut-être le seul, en faveur
d'interdire la double candidature. Moi, je dirais qu'un candidat qui arrive
deuxième n'a pas été battu, il a eu un peu moins de votes que le premier, et
que, si son parti a suffisamment d'appuis dans l'ensemble de la région,
peut-être que c'est tout à fait légitime qu'il ait un siège.
Mme LeBel : Merci pour
cet apport à notre réflexion, c'est grandement apprécié, M. Blais.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole
au député de LaFontaine. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Blais, pour votre
participation à nos travaux. J'ai plusieurs petits points que j'aimerais
vérifier avec vous, M. Blais. D'abord, vous dites... J'aimerais vous
entendre, là, rapidement, dans votre présentation, vous dites : «La
proposition actuelle d'enlever trois sièges à l'île de Montréal est tout à fait
inacceptable.» J'aimerais ça, vous entendre sur la philosophie derrière cette
affirmation-là, au-delà du fait que vous êtes résident de l'île de Montréal,
donc, vous et moi, en conflit d'intérêts, à titre de député de LaFontaine.
J'aimerais vous entendre, pourquoi c'est inacceptable, sur les raisons
philosophiques et fondamentales.
M. Blais (André) : Je ne
suis pas seulement citoyen de la ville de Montréal, je suis démocrate, et je
pense que chaque personne a droit à la même représentation, et qu'en principe
il faut respecter le principe de la proportionnalité, et que, si une région
représente 30 % de la population, elle devrait avoir 30 % des sièges.
M. Tanguay
: Si la
réforme de mode de scrutin… si d'aventure elle était adoptée, adoptée
législativement et par référendum, et mise en application, si elle créait une
telle distorsion, seriez-vous contre la réforme du mode de scrutin?
M. Blais (André) : Donc,
s'il y aurait trois sièges de moins à l'île de Montréal?
M. Tanguay
: Oui.
M. Blais (André) :
J'aurais à réfléchir un peu plus. Ma première réaction serait probablement oui,
et ensuite appuyer tout parti qui me promettrait de changer cela dès qu'il
serait élu au pouvoir.
M. Tanguay
: Ah!
O.K. Alors, on est rendus à la deuxième réforme, O.K. Mais on voit réellement
que c'est une... l'expression, un «deal breaker», c'est une pierre
d'achoppement, réellement, là, un écueil.
M. Blais (André) : En
tout cas, j'appuierais quand même le... oui.
M. Tanguay
:
Pardon?
M. Blais (André) : Oui
et non. Oui et non, puisque je voterais quand même... j'appuierais quand même
la proposition dans un référendum, au départ.
M. Tanguay
: Mais
en espérant faire le ménage après, là, et revenir sur cet important écueil.
M. Blais (André) : Oh
oui!
M. Tanguay
: Deuxième
élément, M. Blais, je veux comprendre, puis vous avez eu un échange avec
la ministre un peu plus tôt, donc, pour vous, il n'y aurait pas... le système
idéal que vous aimeriez voir mis en place ne serait pas mixte. Si je comprends,
il y aurait plusieurs régions, et, distribué à l'intérieur des régions… il y
aurait plusieurs régions, en ce que Montréal, par exemple, pourrait être
subdivisée en trois, en cinq régions, par exemple, mais, pour vous, il n'y
aurait pas deux types de députés, il n'y aurait pas des députés de régions et
des députés de circonscription. Il y aurait, à l'intérieur de ces mêmes
régions-là, des circonscriptions, mais qui feraient en sorte que, d'une région
à l'autre, il y <aurait à peu...
M. Tanguay
:
...
plusieurs régions, en ce que Montréal, par exemple, pourrait être
subdivisée en trois, en cinq régions, par exemple, mais, pour vous, il n'y
aurait pas deux types de députés. Il n'y aurait pas des députés de régions et
des députés de circonscription. Il y aurait, à l'intérieur de ces mêmes
régions-là, des circonscriptions, mais qui feraient en sorte que, d'une région
à l'autre, il y >aurait à peu près, bon an, mal an, le même nombre de circonscriptions,
c'est cela?
M. Blais (André) : C'est
que, non, il y aurait seulement un type de circonscription et, dans chaque circonscription,
il y aurait, disons, cinq députés à élire.
M. Tanguay
: Donc,
la circonscription serait la région, autrement dit, le territoire de votation.
M. Blais (André) :
Exactement, oui.
M. Tanguay
: Alors,
Montréal… on divise Montréal en cinq. Et moi, étant député de l'est, donc, l'est
de Montréal, on pourrait appeler ça la circonscription de l'est de Montréal, il
y aurait, par exemple... ce serait le territoire électoral, et là il y aurait
trois postes à pourvoir, par exemple. À ce moment-là, il y aurait des listes, ça
serait sous forme de listes.
M. Blais (André) : Mais
listes ouvertes, listes ouvertes, donc, dans le sens où, s'il y a cinq députés
à élire et si un parti a 20 % des votes, il a droit à un siège et que ce sera
le candidat dans la liste qui obtient le plus de votes personnels qui est élu.
On vote pour le parti et aussi, à l'intérieur du parti, on indique quel est le
candidat qu'on préfère.
M. Tanguay
: O.K.
Pouvez-vous me l'expliquer? Parce que, là, vous m'avez perdu, là-dessus. Donc,
il y aurait le territoire électoral avec, exemple, cinq postes à pourvoir pour
ce territoire électoral là. Il n'est pas subdivisé en circonscriptions. Mais les
gens voteraient deux fois?
M. Blais (André) : Non.
Ils votent d'abord pour le parti qu'ils préfèrent.
M. Tanguay
: Le
parti, oui, c'est ça.
M. Blais (André) : Et
ensuite le parti a établi une liste de cinq candidats. L'électeur indique lequel
des cinq candidats du parti il préfère. Et, si le parti a droit à un siège, c'est
le candidat de la liste qui a eu le plus de votes personnels qui est élu. Comme
ça se fait en Finlande, en passant. Si vous voulez un exemple, là, il me semble
que ça se fait en Finlande.
M. Tanguay
: Et
donc il n'y a pas de système de redistribution des candidats élus, comme on le
voit, là. Puis tantôt, là... On ne peut pas utiliser le terme «astuce»,
M. Blais, alors on va utiliser un synonyme, parce que vous dites que le
gouvernement use d'une astuce, alors on va dire une «habileté», c'est positif,
une habileté transversale.
M. Blais (André) : Une
compétence.
M. Tanguay
:
Alors, il n'y aurait pas lieu de mettre en place l'habileté du gouvernement par
la répartition des élus régionaux, là. Ça ne serait pas ça qui serait mis en
place. Comment ça se ferait, de façon tangible?
M. Blais (André) :
Écoutez, c'est très simple, là, chaque électeur...
M. Tanguay
: C'est
simple, mais j'ai de la misère à comprendre.
M. Blais (André) : Donc,
je vais essayer d'être meilleur en expliquant.
M. Tanguay
: Je
vais essayer d'être plus vite.
M. Blais (André) : Donc,
vous avez cinq personnes à élire dans une circonscription. Des partis se
présentent. Chaque parti présente une liste de cinq candidats. Supposons que le
parti a 20 % des votes, il a droit à 20 % des sièges, c'est-à-dire un
siège. Et quelle est la personne parmi les cinq candidats qui va être élue? Ça
va être le candidat parmi les cinq qui a obtenu le plus de votes personnels,
parce que les gens votent pour la liste et ensuite pour le candidat.
M. Tanguay
: Je
comprends. Alors, on élimine l'habileté. On élimine l'astuce à laquelle vous
faites référence. Et est-ce que vous avez évalué il y aurait combien de régions
ainsi, au Québec, là, selon vos calculs?
M. Blais (André) : Ah
non, je n'ai pas regardé dans le détail, là. On part avec les régions
actuelles, mais elles seraient... les plus grandes régions seulement seraient fractionnées.
M. Tanguay
: Et
cette nouvelle approche là... Donc, on parlait de l'écueil de faire perdre, par
exemple, à Montréal trois sièges. Vous êtes en désaccord de cela. Vous
parlez... On parlait de l'habileté, présentée dans le projet de loi, de diviser
par la moitié plutôt que de diviser par le nombre de comtés qui ont été octroyés
par l'élection à un parti donné. Donc, ça, ce seraient des éléments, notamment,
là, qui viendraient répondre à une autre affirmation forte que vous faites.
Vous dites que l'actuel mode de scrutin proposé par le gouvernement est trois
choses : est compliqué, crée deux types de sièges et de députés et se
prête à des calculs et des trucs. Ça, ce serait de nature, donc, à vous
réconcilier par rapport au grief que vous soulevez de la proposition faite par
le gouvernement.
M. Blais (André) : Oui.
Je dois dire que je suis très confiant que le gouvernement va renoncer à ce que
j'ai appelé l'astuce. Donc, je suis très confiant qu'ils vont le faire. Je suis
peut-être naïf, mais je suis très confiant. Et donc ça, c'est quand même...
M. Tanguay
:
M. Blais, je regarde Mme la ministre, là, puis rien ne transpire de ses
gestes.
M. Blais (André) : Ah! moi,
je suis très confiant qu'en réfléchissant elle va arriver à la bonne
conclusion.
• (16 heures) •
M. Tanguay
: Vous
misez sur votre victoire. O.K. M. Blais, de ce que je vous ai compris,
vous proposeriez plus d'un modèle. Vous avez... Puis effectivement, au sein du
Parti libéral du Québec, il y a une réflexion, il y a un comité ad hoc qui
réfléchit, notamment — et puis là ça circule dans les instances, là,
on va voir les militants dans les circonscriptions, dans <les régions — sur...
>
16 h (version révisée)
<11789
M. Tanguay
:
...M. Blais, de ce que je vous ai compris, vous proposeriez plus d'un
modèle. Vous avez... Puis
effectivement, au sein du
Parti libéral
du Québec,
il y a une réflexion,
il y a un comité ad hoc qui
réfléchit,
notamment — et puis là ça circule dans les
instances, là, on va voir les militants dans les circonscriptions, dans >les
régions — sur le vote préférentiel. Vous, vous l'avez mis dans ce qui
pourrait éventuellement, dans un référendum, être proposé à la population. On
verra, le travail militant du laboratoire d'idées que représente le Parti
libéral du Québec, si l'on va de l'avant avec ça.
Mais le vote préférentiel... Vous faites
écho également... Vous avez lu les travaux de Jean-Pierre Derriennic, qui a
beaucoup étayé cette façon de faire. Quels avantages y voyez-vous, vous,
M. Blais?
M. Blais (André) : Il
faut d'abord mentionner qu'avec cela on garde toutes les circonscriptions
actuelles, un élu par circonscription, et je crois que c'est un avantage
important relatif à la proposition actuelle. C'est un système qui est beaucoup
moins proportionnel, en fait, et donc ça, c'est un désavantage important.
L'autre avantage, c'est que ça permet de
tenir compte des préférences des électeurs. Donc, on peut... Moi, si j'ai un
deuxième choix, je peux espérer que mon deuxième choix va pouvoir rentrer... d'exprimer
d'abord mon premier choix, même s'il n'a aucune chance de gagner, et ensuite
mon deuxième choix. Et c'est un... En passant, c'est le mode de scrutin qui a
une certaine ferveur aux États-Unis, présentement. Il y a une vingtaine de
municipalités qui ont adopté ce qu'on appelle le «right ballot», et l'État du
Maine l'a adopté pour les prochaines élections présidentielles.
M. Tanguay
: O.K.
Et diriez-vous également qu'il y aurait lieu de faire miroir avec le
financement des partis politiques aujourd'hui, qui, entre autres, est calqué
sur le nombre de votes qu'un parti politique a reçus? Diriez-vous qu'on
pourrait même, par extension, considérer, le cas échéant... pour un parti qui
n'aurait pas été élu mais qui aurait eu, obtenu des votes de deuxième choix, de
troisième choix, qu'on pourrait peut-être même faire miroir avec un mode de
financement? Et ça, ça pourrait peut-être permettre l'émergence de tiers partis
via le support financier qu'ils recevraient. Donc, vous n'avez pas été élus...
votre candidat n'a pas été élu, votre candidate, mais vous avez obtenu un
nombre x de votes de premier, deuxième, troisième tour, et on pourrait y faire
écho, également, sur le financement. Que pensez-vous de cela?
M. Blais (André) : Oui,
ça me semblerait possible, mais je ne suis pas convaincu que ce serait
nécessairement mieux qu'un scrutin proportionnel modéré régional, mais c'est
un... ça serait intéressant.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. Blais.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Je cède maintenant la parole au
député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Merci, M. le Président. Merci, M. Blais, d'être parmi nous virtuellement.
Bon, vous nous parlez d'un système qui est
tout autre, là, qui n'est pas, en fait, un système compensatoire. C'est une
autre proposition qui serait bien intéressante, mais j'ai
2 min 30 s et j'ai signé de mes blanches mains une entente qui
m'engageait à élaborer un système électoral mixte compensatoire, ça fait que je
vais me restreindre à ça.
Vous faites des propositions pour
améliorer ce système-là. Vous parlez de cette fameuse astuce, certains ont
parlé de prime au vainqueur, et vous dites, dans votre mémoire, je vous cite :
«Cette astuce jette un doute sur les intentions véritables du gouvernement.» Quelles
sont ces intentions-là, selon vous, ou, en tout cas, quel est l'effet de cette
astuce sur d'éventuels résultats électoraux?
M. Blais (André) : Bien,
clairement, ça donne une prime aux plus grands partis aux dépens des petits,
hein? C'est ça, la conséquence. Moi, je suppose que le gouvernement a introduit
cette réforme-là pour faire en sorte que le système soit plus proportionnel que
présentement, et donc cette astuce-là me semble aller à l'encontre de
l'objectif premier du gouvernement.
M. Nadeau-Dubois :
Autrement dit, on vient diminuer la proportionnalité sans avoir de gain sur le
plan, par exemple, de la représentation des régions. On vient tout simplement
favoriser le plus gros joueur dans le jeu politique.
M. Blais (André) :
Exactement.
M. Nadeau-Dubois : Vous
avez des réponses courtes et précises. C'est surprenant, mais c'est agréable. Vous
parlez de double candidature, puis vous êtes... Quand même, il y a peu de gens
qui se sont présentés ici pour présenter des arguments aussi étoffés en faveur
de la double candidature. On entend souvent que la double candidature, ça
viendrait, comment dire, donner la chance à des gens que les... ça viendrait
donner un siège à des députés que la population n'a pas choisis directement.
Qu'est-ce que vous répondez à ça?
M. Blais (André) : La
population vote d'abord pour un parti plutôt que pour un candidat, vote aussi
pour le candidat, mais d'abord pour le parti, donc ce que le vote reflète, c'est
beaucoup de choses, d'une part.
Et moi, j'ai beaucoup, beaucoup de respect
pour tous ceux qui se présentent aux élections, et d'arriver deuxième, c'est
très bien. Je ne vois pas pourquoi on caractériserait cette personne comme
étant... comme elle a été battue ou n'ayant pas le droit de représenter les
électeurs.
Et c'est surtout qu'il faut comprendre que
les sièges régionaux vont aller essentiellement aux petits partis. Et donc le
dilemme, pour les petits <partis et pour les...
M. Blais (André) :
...
on caractériserait cette personne comme étant... comme elle a été
battue ou ne pas... n'ayant pas le droit de représenter les électeurs.
Et c'est surtout qu'il faut comprendre
que les sièges régionaux vont aller essentiellement aux petits partis. Et donc
le dilemme, pour les petits >partis et pour les vedettes des petits
partis, ça va être : Est-ce que je me présente dans la circonscription ou au
niveau régional? Et, dépendant de ce que les sondages me disent, je peux avoir intérêt
à faire l'un ou l'autre, et tout ça est très compliqué. Et je ne vois pas
pourquoi on veut empêcher quelqu'un qui, manifestement et probablement, est un
candidat important de tenter sa chance dans les deux votes.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de
Rimouski, s'il vous plaît. Merci.
M. LeBel : Merci.
Bonjour, M. Blais. Je suis arrivé deux fois deuxième, ça fait que ça me
plaît, ce que vous dites. Dans le fond, je n'avais pas perdu.
Je suis un député de région. Pour
moi, l'accès au député, c'est important. Quand vous parlez de traiter les
régions de façon équitable, vous parlez de proportionnelle à la population seulement.
J'aimerais ça savoir votre opinion par rapport à l'élément «accès au député», entre
autres en milieu rural, comment on en prend compte. Et, en ce sens-là, vous
voyez, la Côte-Nord devient une circonscription au complet, la Péninsule
gaspésienne, une circonscription au complet, mais on a... pour les Îles-de-la-Madeleine,
on dit : Ça, c'est O.K.; pour Ungava : Ça, c'est O.K., des circonscriptions
d'exception. Ça fait que ma question, c'est : Comment on prend en compte
l'accès au député? Et est-ce que vous êtes d'accord avec les circonscriptions
d'exception qu'on nomme dans le projet de loi?
M. Blais (André) :
D'abord, je voudrais dire que moi aussi, je suis citoyen de région. Côte-des-Neiges,
c'est ma région, très diversifiée, très, très diversifiée. Par ailleurs, sur ce
plan-là, je pense que je suis d'accord avec les exceptions qui sont proposées
dans le projet de loi. Je reconnais que les députés qui représentent des
régions plus étendues ont des défis plus importants et je suis d'accord pour
qu'on leur donne des ressources plus importantes. Je ne suis pas d'accord pour
qu'un citoyen de quelque région que ce soit ait un vote plus important que le
mien. Je suis complètement en désaccord avec cela.
M. LeBel : Mais vous
compensez ça par le fait qu'on pourrait donner plus d'outils, plus de moyens?
M. Blais (André) :
Exactement.
M. LeBel : Mais vous
comprenez que c'est quand même un peu compliqué pour, je ne sais pas, moi, le
citoyen de Gaspé, qui est dans la même circonscription que le citoyen de
Bonaventure ou de Carleton, d'avoir accès à son député. C'est vrai que, par
rapport au vote, je vous comprends, mais par rapport à l'accessibilité puis au
service à donner au citoyen, ce n'est pas juste le député qui donne le service,
c'est le citoyen qui doit avoir accès.
M. Blais (André) : Je
suis complètement d'accord, et c'est pour ça qu'il faut tenter de pallier, mais
le principe démocratique que chaque vote vaut la même chose est primordial.
M. LeBel : Et je posais la
question aux gens de l'UPA ce matin, je disais : Il y a moyen… un peu
comme vous, là, je disais... si on a plus d'outils, j'ai trois ou quatre
bureaux de circonscription, j'ai du personnel dans chacun des bureaux, puis je
leur disais : Est-ce que c'est une façon de répondre?, et ils me disaient :
Oui et non, parce que ce que le citoyen ou la citoyenne veut, c'est de voir le
député ou la députée, ça fait que j'ai beau avoir plus de personnel, plus de
bureaux, si je ne suis pas capable de me déplacer et être présent, il y a un
problème. Puis je ne voudrais pas que nos régions se transforment en régions de
visioconférence.
M. Blais (André) : Mais,
si je comprends bien la proposition actuelle, le nombre de députés dans chaque
région va demeurer le même, sauf pour ma région de Montréal.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. Blais. Je cède maintenant la parole à la députée de
Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Merci, M. Blais,
c'est fort intéressant, tout ça. J'ai bien aimé que vous mentionniez que la
compensation était, en fait, injuste entre les régions, vous êtes le premier à
le mentionner. En fait, il y a comme un seuil moyen qui est implicite, qui
s'installe, là, d'environ 15 %, en fait, sauf pour les régions plus
populeuses, comme la Montérégie, Montréal, qui auraient le droit à huit sièges
de compensation. En fait, je crois que c'est les deux seules régions qui
pourraient espérer avoir un député d'un plus petit parti grâce aux listes
régionales. Donc, ces régions-là vont pouvoir, les autres régions ne pourront
pas.
Cela dit, vous proposez de fractionner les
régions, ce qui rendrait, à toutes fins pratiques, impossible le fait qu'un
plus petit parti puisse avoir accès à un siège régional. Puis, en ce sens-là,
est-ce que ça ne vient pas brimer, d'une certaine façon, le pluralisme des
idées qu'on tente d'instaurer avec la réforme du mode de scrutin? Parce que,
oui, c'est sûr qu'il y a un lien entre le député, les citoyens, sa circonscription,
mais il y a aussi le fait que les citoyens apprécient, même s'ils ne vivent pas
dans la même circonscription qu'un député x ou y, de pouvoir avoir quelqu'un à
l'Assemblée nationale qui reflète leurs idées, leurs idéaux. Donc, en ce
sens-là, ça pourrait venir nuire à ce qui est, à mon sens, un avantage de la
réforme du mode de scrutin.
• (16 h 10) •
M. Blais (André) : Vous
avez raison qu'il y a une tension dans mes propositions, peut-être pas une
contradiction, mais une tension, parce que c'est vrai que ce que je propose,
finalement, ça réduirait le <degré...
Mme Fournier
:
...donc,
en ce sens-là, ça pourrait venir nuire à ce qui est, à mon
sens, un avantage de la réforme du mode de scrutin.
M. Blais (André) :
Vous avez raison qu'
il y a une tension dans mes
propositions, p
eut-être
pas une contradiction, mais une tension, parce que c'est vrai que ce que je
propose, finalement, ça réduirait le >degré de proportionnalité.
Moi, je préférerais qu'il y ait moins de
régions. J'ai l'impression que ce n'est pas possible de diminuer le nombre de
régions, et je suis même presque convaincu, en fait. Et donc, de façon
pragmatique, c'est mon deuxième choix, de faire en sorte que la situation soit
la même dans les différentes régions et que la région de Montréal ne sera pas
désavantagée par rapport aux autres, c'est-à-dire que les partis qui sont plus
forts à Montréal ne soient pas désavantagés par rapport aux autres.
Mme Fournier
:
Très bien. Merci.
Le Président (M. Bachand) :Pr Blais, c'est tout le temps que nos avons. Je tiens à
vous remercier au nom de la commission. Ça a été très agréable et très
constructif. Et, encore une fois, merci beaucoup de votre collaboration. Merci.
Je suspends les travaux quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 11)
(Reprise à 16 h 15)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux.
Il me fait plaisir, maintenant, de
souhaiter la bienvenue aux représentants du Nouveau Parti démocratique du
Québec. Je vous rappelle, comme vous savez, que vous avez 10 minutes de
présentation, et par après nous allons avoir un échange avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous, et, encore <une fois,
bienvenue...
Le Président (M.
Bachand) :
...à l'ordre,
s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux.
Il me fait plaisir, maintenant, de
souhaiter la bienvenue aux représentants du Nouveau Parti démocratique du
Québec. Je vous rappelle, comme vous savez, que vous avez 10 minutes de
présentation, et par après nous allons avoir un échange avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous, et, encore >une fois, bienvenue.
Nouveau Parti démocratique du Québec (NPDQ)
M. Fortin (Raphaël) : M.
le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, pour commencer, je vous
remercie pour l'accueil à cette commission parlementaire se penchant sur le
projet de loi modifiant le mode de scrutin. Je m'appelle Raphaël Fortin et je
suis le chef du Nouveau Parti démocratique du Québec, le NPDQ. Aujourd'hui, je
suis accompagné par Mme Mona Belleau, première femme inuite, voire
peut-être même d'origine autochtone aussi, à occuper le poste de présidente
d'un parti politique au Québec; à ma droite, Geneviève Morency, qui est la
présidente du comité communications du NPDQ.
D'emblée, le NPDQ salue le processus
actuel et félicite le gouvernement pour avoir déposé un projet de loi visant à
modifier le mode de scrutin uninominal actuel. Le NPDQ adhère entièrement au
principe qu'une plus grande pluralité de voix, et surtout une meilleure
représentativité de la population et de l'expression démocratique des
Québécoises et des Québécois devra être mise de l'avant via un système
électoral permettant tous ces critères. Le NPDQ appuiera un tel projet de loi.
Cependant, le projet déposé par le
gouvernement, tel que proposé, ne peut recevoir notre appui. En effet, ce
projet de loi ne reflète pas entièrement la lettre et l'esprit de l'entente
historique signée le 9 mai 2018 et appuyée par le Mouvement Démocratie
nouvelle, qui, d'ailleurs, a débuté les présentations à cette commission hier.
Dans cette entente historique, les partis signataires s'engageaient à
travailler ensemble sur la base des six principes suivants : un, «refléter
le plus possible le vote populaire de l'ensemble des Québécoises et des
Québécois»; deux, «assurer un lien significatif entre les [électeurs et les
électrices] et les élu-e-s»; trois, «viser le respect du poids politique des
régions; quatre, «favoriser la stabilité du gouvernement par des mesures
encadrant les motions de censure; cinq, «offrir un système accessible dans son
exercice et sa compréhension; et, six, «contribuer à une meilleure
représentation des femmes, des jeunes et des communautés ethnoculturelles».
Les partis signataires en étant également
arrivés à la conclusion que les députés de l'Assemblée nationale du Québec
devraient être élus dès la 43e législature selon un mode de scrutin
semblable à celui étudié et avalisé par le Directeur général des élections du
Québec dans son avis de décembre 2007, reprenons les points qui, dans cette
entente du 9 mai 2018, font assurément défaut dans ce projet de loi.
Un, «refléter le plus possible le vote
populaire de l'ensemble des Québécoises et des Québécois». Dans le projet
actuel, avec un seuil à 10 % à l'échelle nationale, seuil pour être en
mesure d'avoir droit à des sièges compensatoires, basé sur 17 régions
administratives et avec la méthode de calcul créée par le gouvernement pour le
nombre de sièges de compensation obtenus, la simulation sur les résultats
électoraux de 2018 donne un indice de distorsion, le fameux indice Gallagher,
de 11,47 comparativement à 17,7 dans la réforme proposée... sans la réforme
proposée. Alors, oui, une forme de proportionnalité, mais une proportionnalité
faible. En comparaison, l'indice en Allemagne, en 2017, était de 1,9. On est
très loin du compte, admettons.
Pour en arriver le plus possible à
refléter adéquatement le vote populaire, le NPDQ propose : un, un seuil de
2 % à l'échelle nationale; deux, une proportionnelle mixte compensatoire
avec listes régionales plutôt qu'un mode mixte à compensation régionale; trois,
huit à 10 régions sur lesquelles baser lesdites listes plutôt que les
17 régions comme proposé; quatre, de choisir la méthode Hare pour le
calcul du nombre de sièges de compensation plutôt que la formule créée par le
gouvernement.
En effet, en 2007, le DGEQ, dans son
rapport sur les modalités d'un mode de scrutin mixte compensatoire, a présenté
ceci, j'ouvre les guillemets : «Le choix d'une méthode de calcul est lié
aux résultats que souhaitent obtenir les architectes d'un système électoral. S'ils
privilégient la proportionnalité des résultats et la pluralité politique, ils
opteront pour la méthode Hare...» Fermez les guillemets.
Déjà que les grands partis jouissent de
plusieurs avantages sur les tiers partis comme le nôtre, comme la couverture
médiatique, un financement beaucoup plus grand, etc., il faut impérativement
choisir une méthode de calcul qui n'accentuera pas cette barrière à l'entrée.
Cependant, la méthode de calcul créé par le gouvernement va exactement faire le
contraire, vu qu'elle favorise les partis qui remportent des sièges de
circonscription, donc des grands partis déjà représentés à l'Assemblée
nationale.
• (16 h 20) •
En ce qui a trait aux autres points
contenus dans l'entente signée par trois des quatre partis représentés à l'Assemblée
nationale, il y a certainement des bonifications à faire, entre autres en
encadrant les motions de censure, ce qui est absent dans ce projet. Pour ce qui
est d'une <meilleure...
M. Fortin (Raphaël) :
...
des sièges de circonscription, donc des grands partis déjà
représentés à l'Assemblée nationale.
En ce qui a trait aux autres points
contenus dans l'entente signée par trois des quatre partis représentés à
l'Assemblée
nationale,
il y a
certainement des bonifications à faire,
entre
autres en encadrant les motions de censure, ce qui est absent dans ce projet.
Pour ce qui est d'une >meilleure représentation des femmes, des jeunes
et des communautés ethnoculturelles, j'ajouterais : des communautés LGBTQ2+,
et des nations autochtones, et du peuple inuit.
Le NPDQ n'est pas contre que des mesures
plus contraignantes soient dans le projet de loi à être adopté, mais il serait
judicieux que vous, députés des partis déjà bien établis, vous vous mettiez
dans la peau de celles et de ceux qui cherchent à développer de nouvelles
voies. Avec la précédente réforme modifiant le financement des partis
politiques, une grande barrière à l'entrée a été instaurée. Bien que louable
dans l'objectif de rendre encore moins corruptible le système, il a eu comme
effet pervers de rendre la tâche autrement plus difficile pour les nouveaux partis
politiques de s'établir.
Dans l'optique d'aider les partis
émergents à atteindre certaines cibles en ce qui a trait aux candidatures des
femmes, des jeunes, des communautés ethnoculturelles en termes de nombre, etc.,
le NPDQ propose que la double candidature soit permise. Une femme, un jeune, une
personne issue des communautés racisées, une personne des communautés LGBTQ2+
pourrait faciliter l'atteinte des objectifs si, pour compléter nos listes de candidatures,
nous pouvions présenter la même personne dans une circonscription et sur une
liste régionale. Cela serait un obstacle de moins pour l'entrée dans l'arène politique
de voix émergentes.
Enfin, avec l'entente signée par trois des
quatre partis de l'Assemblée nationale qui représentent 70 % des voix
obtenues aux dernières élections dans laquelle ils se mettaient d'accord à
l'effet que la prochaine législature devait être choisie par un nouveau mode de
scrutin, le NPDQ juge tout à fait légitime le gouvernement d'aller de l'avant
avec une réforme modifiant la façon avec laquelle les Québécoises et Québécois
éliront leurs représentants et représentantes. Si d'autant l'obsession du
référendum tenait, il ne devrait en aucun temps se tenir en même temps que les
prochaines élections. Plusieurs points de ce référendum annoncé sont très
problématiques et préoccupants. En effet, tenir un référendum en même temps que
la période électorale tout en empêchant les députés et les candidats et
candidates de participer aux débats en s'affichant pour un des deux camps, que
le premier ministre et sa ministre qui dépose le projet de loi ne soient pas
les porteurs de ce dernier, donne l'impression bizarre de vouloir s'assurer que
ledit référendum n'ait aucune chance de passer. J'ai également lu sur des
technicalités qui rendent extrêmement complexe la formation des camps du Oui et
du Non, qui limitent les budgets attribués et la diffusion d'informations
neutres des changements possibles apportés par la transformation du mode de
scrutin, bref, de faire de l'éducation populaire.
La question référendaire en soi est également
problématique : «Êtes-vous en accord avec le remplacement du mode de
scrutin majoritaire uninominal à un tour par le mode de scrutin mixte avec
compensation régionale prévu par la Loi établissant un nouveau mode de scrutin?»
Premièrement, depuis deux jours, nous parlons de proportionnalité et, dans
cette question, nulle part le mot «proportionnel» n'est mentionné. Deuxièmement,
dans l'entente signée en mai 2018, à notre avis, cette question ne répond pas
au principe d'offrir un système accessible dans son exercice et sa
compréhension. Vouloir faire une blague, je dirais que cette question ne
passerait pas le test de la clarté référendaire. S'en tenir au référendum, c'est
briser la promesse électorale de notre premier ministre, qui s'était engagé, en
campagne électorale et même par la suite, à ce que les dernières élections
soient les dernières avec le mode de scrutin actuel.
En
conclusion, le NPDQ va supporter tout projet de loi qui vise à instaurer une
véritable proportionnalité, qui respectera le poids politique des régions et
une meilleure représentativité des femmes, des jeunes, des communautés racisées
et des diverses communautés LGBTQ2+. Comme le disait le premier ministre
actuel lorsqu'il a signé l'entente en mai 2018, et je le cite, le
mode de scrutin proportionnel mixte «aide à ce qu'on travaille davantage
ensemble, pour qu'il n'y ait pas un gouvernement élu par une minorité qui prenne des
décisions pour une majorité».
Donc, le NPDQ invite les députés du gouvernement, qui, lorsqu'ils se sont présentés, se sont portés candidats et
candidates pour la CAQ, savaient que cela faisait partie des promesses de leur
parti, d'aller de l'avant avec ce que leur chef a promis à la population à plusieurs reprises. Nous voulons un
changement de mode scrutin véritablement proportionnel. Merci.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. Fortin. Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel : Merci. Merci
beaucoup, M. Fortin, de votre présentation. À moins que je ne m'abuse,
vous n'avez pas soumis de document ou de mémoire à l'Assemblée nationale.
M. Fortin (Raphaël) : ...
Mme LeBel : Parfait. Je
voulais juste être sûre que ce n'est pas moi qui l'avais raté. Donc, vous
m'excuserez si je pose des questions pour lesquelles vous avez déjà donné une
présentation, mais, si... J'essaie de prendre des notes en même temps sur des
choses que je voulais vous faire préciser tout en étant attentive, là, puis ce
n'est pas souvent...
M. Fortin (Raphaël) : Je
voudrais m'excuser pour ne pas avoir déposé de mémoire, mais c'est la réalité
des petits partis politiques, on n'a pas de personnel de recherche, et tout ça.
Alors, évidemment, on n'est pas équipés pour déposer un mémoire d'une grande...
pour pouvoir échanger avec vous en avance… vous ayez la documentation en
avance.
Mme LeBel : Mais
simplement, là, comme je disais, j'essayais d'écouter en même temps que je
prenais des notes, donc c'est possible que je vous fasse répéter ce que vous
avez déjà dit, là.
Donc, naturellement, bien, vous <êtes…
M. Fortin (Raphaël) :
...évidemment, on n'est pas équipés pour déposer un mémoire d'une grande...
pour pouvoir échanger avec vous en avance… vous ayez la documentation en
avance.
Mme LeBel : Mais
simplement, là, comme je disais, j'essayais d'écouter en même temps que je
prenais des notes, donc c'est possible que je vous fasse répéter ce que vous
avez déjà dit, là.
Donc, naturellement, bien
, vous >êtes
en faveur, naturellement, de la transformation de notre mode de scrutin, d'un
mode compensatoire mixte, proportionnel mixte, comme on le propose. Je
comprends qu'il y a des modalités à l'intérieur de ce mode de scrutin là que
vous voulez discuter ou, à tout le moins, que vous mettez de l'avant.
Peut-être pour y aller sur des... Bon, il
y a quelques-unes de vos propositions qu'on pourra discuter, là, s'il me reste
du temps, comme la question du seuil, la question du nombre de régions, la
question de la méthode de calcul, la question de la double candidature, que
vous abordez, même celle du référendum, qui a déjà été abordée par d'autres
groupes avant vous puis, pour des raisons diverses, là, que certains étaient
sur vos positions, d'autres non. Donc, on a eu l'occasion d'en parler.
Mais je vais vous amener sur, peut-être,
deux aspects que vous apportez qui sont peut-être nouveaux dans la discussion
qu'on aborde. Le premier qui me vient en tête, c'est celui de la question, la
question référendaire. Donc, quelle question nous proposez-vous pour être clairs?
M. Fortin (Raphaël) :
Bien, si on parle de réformer dans le but d'amener plus de proportionnelle,
peut-être que ce serait plus simple de simplement parler du mode de scrutin
qu'on change. Là, actuellement, si vous parlez de la loi établissant le
changement de mode de scrutin, je me mets dans la peau du citoyen lambda — ici,
en plus, je fais en adéquation que le projet référendaire se ferait en même
temps qu'une campagne électorale, où il y a des difficultés à créer le clan du
Oui et du Non — il y a vraiment beaucoup d'obstacles à l'éducation
populaire, en plus d'une question qui n'est pas directement simple. Voulez-vous
simplement changer le mode actuel pour un mode... si... le mode qui sera
déterminé, qui sera voté par l'Assemblée au niveau de proportionnalité, ce qui
est proposé actuellement par le MDN, entre autres, et d'autres acteurs, comme
on a parlé, nous, la proportionnelle mixte régionale, là?
Mme LeBel : O.K. D'entrée
de jeu, je pense que je veux rectifier une de vos prémisses de départ que vous
avez mentionnée dans votre chose. Vous avez dit que les députés, par la
proposition qu'on fait là, seraient empêchés de se positionner pour un camp ou
un autre. C'est inexact.
M. Fortin (Raphaël) :
...moi, je me suis fié à la recherche de Mme Mercédez Roberge, qui a
étudié le projet référendaire et toutes les technicalités de complications, et
plusieurs de vos collègues...
Le Président (M. Bachand) :…Mme la ministre posait une question, juste qu'elle puisse
terminer.
M. Fortin (Raphaël) :
O.K., allez-y.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. J'apprécie, M. Fortin.
Mme LeBel : Je ne veux
pas vous contredire, mais les députés ne sont pas empêchés de militer pour un
camp ou un autre, les députés sont empêchés de faire partie du conseil
d'administration d'un camp, ce qui est bien différent. Donc, ça n'empêcherait
pas un député de militer en faveur du camp du Oui, ou de militer en faveur du
camp du Non, ou de se positionner dans un camp ou dans un autre, mais il ne
peut pas faire partie du conseil d'administration des camps référendaires qui
recevront l'argent, seront… ceux qui sont, entre autres, chargés d'administrer
le budget référendaire. Donc, je veux juste être sûre de le clarifier parce
que, pour moi, c'est une nuance importante. D'ailleurs, le premier ministre, à
une question, je pense, de la collègue de Sainte-Marie...
Une voix
:
...Saint-Jacques.
Mme LeBel :
...Saint-Jacques — Mon Dieu! Je l'ai presque eu par moi-même — Sainte-Marie—Saint-Jacques,
à l'Assemblée nationale, lui a demandé est-ce qu'il allait militer ou se
positionner en faveur du Oui… référendum, il a dit : Absolument. Mais il
ne sera pas le chef officiel, selon ce qu'on propose, parce qu'il ne pourrait
pas être sur le conseil d'administration ou être à la tête de. Donc, je veux
juste être... je pense que c'est une nuance importante.
Et, à ce moment-là, est-ce que votre
position est un peu modifiée par rapport au référendum ou ce que vous avez
amené tantôt? Parce que vous avez dit : Bon, on est... on pense que ça ne
devrait pas avoir lieu, mais, si le gouvernement y tient, une des lacunes est
le fait que les députés ne pourraient pas s'exprimer pour un camp ou un autre.
Je vous dis que ce n'est pas le cas. Donc, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Fortin (Raphaël) : Je
ne pense pas que c'est la... Quand on regarde les technicalités, c'est quand
même compliqué, former le camp du Oui et du Non, les budgets. En période
électorale, je ne pense pas que c'est le meilleur... S'il y a lieu, comme j'ai
dit, s'il y avait l'obsession de tenir absolument un référendum, bien, comme
plusieurs ont dit hier et probablement aujourd'hui — parce que
j'étais en préparation plutôt qu'à l'écoute de tous ceux qui sont passés
aujourd'hui — il faudrait que ce soit avant la période électorale,
pas pendant. Le financement, aussi, des camps du Oui et du Non rend compliqué
de pouvoir faire, pendant cinq mois, comme vous le proposez, une campagne.
Il y a également... De ce que j'ai pu lire
concernant les technicalités, le DGEQ ne peut pas faire de... il peut informer
qu'il y a un référendum, mais ne peut pas faire d'éducation populaire dans ce
que vous proposez. Le principe même d'un référendum, c'est de faire l'éducation
populaire sur le projet qui est déposé. Donc, pour moi, c'est problématique.
Maintenant, que vous dites que le premier ministre n'est pas le chef du camp du
Oui alors que c'est lui qui dépose un projet majeur, je trouve que c'est un peu
singulier.
• (16 h 30) •
Mme LeBel : Bien, je vous
dirais que, encore une fois, à moins que je ne m'abuse, puis là ça peut être
perfectible, là, dans la loi sur les consultations populaires <actuelle...
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Fortin (Raphaël) :
...donc, pour moi, c'est problématique.
Maintenant, que vous dites que
le
premier ministre n'est pas le chef du camp du Oui alors que c'est lui
qui dépose un projet majeur, je trouve que c'est
un peu singulier.
Mme LeBel : Bien, je
vous dirais que,
encore une fois, à moins que je ne m'abuse, puis là ça
peut être perfectible, là, dans la loi sur les
consultations
populaires
>actuelle, le DGEQ ne fait pas d'éducation plus populaire pour un camp
ou un autre, il transmet les informations que les camps lui amènent. Et, dans
le cas que vous amenez, le DGEQ devrait transmettre de l'information sur le
nouveau mode de scrutin mais également sur le mode de scrutin actuel, qui
serait fournie par les camps référendaires. Donc, ça n'empêche pas les camps
référendaires de transmettre... Parce que la loi s'applique encore sur cette...
de transmettre de l'information que le DGEQ, lui, véhiculera, mais ce n'est pas
le rôle du DGEQ de faire de l'éducation populaire, en tout cas, selon nos
discussions qu'on a eues avec lui, surtout, là.
Mais je veux juste vous dire que ça
n'empêche pas les camps, mais il faudrait y avoir de l'information... S'il y a
des informations transmises par le camp du Non, il doit les véhiculer autant
que les informations transmises par le camp du Oui, donc ceux en faveur de la
réforme et ceux en faveur du maintien, là.
M. Fortin (Raphaël) :
Moi, je vous dis juste qu'est-ce que j'ai lu. Maintenant, vous me rectifiez quelque
chose. Mais ce n'est pas toutes ces petites technicalités-là qui font que le référendum
est problématique, c'est la période, le temps, le budget. Il y a quand même...
Vous avez....
Vous savez, le premier ministre a signé
une entente, le 9 mai 2018, où il s'engageait, justement, à ce que ça soit
la dernière législature. Il l'a répété à quelques reprises, que c'était la
dernière. Et, tout à coup, un revirement de bord, il dit : Il y a un référendum.
Maintenant, si l'obsession est telle, du référendum, ça ne doit pas être en
même temps qu'une période électorale, c'est clair, surtout pas en période d'été
et ensuite en période électorale.
Mme LeBel : Merci, c'est
bien compris. Je vais vous amener peut-être sur un autre aspect qui faisait
partie, entre autres, d'un article paru dans Le Devoir en mai 2019,
que vous n'avez pas abordé dans votre présentation, mais que je trouve intéressant
parce que vous le mentionnez également en fonction de la réforme du mode de
scrutin, vous faisiez, à ce moment-là, état, avec deux autres partis
politiques, soit le Parti vert du Québec puis le Parti conservateur du Québec,
que... afin de réclamer qu'un chef de parti politique qui a recueilli au moins
2 % des voix mais qui n'a pas réussi à faire élire de député de
circonscription ou de liste obtienne tout de même un siège à l'Assemblée
nationale. O.K., mais on le prend où, ce siège-là, une fois que les
circonscriptions, et les listes, et les députés de compensation sont
distribués?
M. Fortin (Raphaël) : Ce
que je me rappelle, c'est que cet article-là a paru sur ce qu'on vous avait
envoyé, parce qu'on cherchait à vous rencontrer pour discuter des modalités, parce
qu'on voyait bien qu'il n'y avait pas beaucoup de proportionnalité dans votre calcul,
alors on cherchait à trouver un moyen pour aider les tiers partis, au moins, à
pouvoir rentrer à l'Assemblée nationale.
Comme vous voyez, je n'en ai pas parlé,
puisque ce n'est pas quelque chose qu'on a poursuivi. Je pense que le Parti
vert et le Parti conservateur vont dire la même chose, c'était une approche
qu'on avait, à l'époque, d'essayer de trouver un moyen d'aider les tiers partis
à faire leur entrée à l'Assemblée nationale. Étant donné qu'il y avait
l'impossibilité d'avoir une rencontre avec vous, on vous avait envoyé cette
demande-là par le biais de vos attachés.
Mme LeBel : Bien, n'y
voyez pas d'offense dans ce que je vais dire, mais le fait que vous n'ayez pas,
justement, soumis de mémoire nous a obligés, un petit peu, à aller voir ce que
vous aviez fait comme propositions dans le passé. C'est une proposition qui
avait été faite. Alors, vous me confirmez que, maintenant, ce n'est plus une
proposition à laquelle vous tenez?
M. Fortin (Raphaël) :
Non, ce n'est pas... On cherche à avoir de la proportionnalité, aider à ce
qu'une pluralité des voix se fasse entendre. Que ça soit nous, les verts, les
conservateurs ou tout autre parti à venir, il devrait... la société civile
devrait être en mesure de former des partis émergents et sans que ça soit perçu
comme le risque d'instabilité, de partis extrémistes. Je pense qu'il faut faire
confiance à la population québécoise. Et, si on est démocrates, on doit faire
confiance que la population va choisir les gens pour lesquels ils s'attendent à
avoir une voix à l'Assemblée nationale.
Mme LeBel : Bien, ça,
peut-être que ça a plus... eu égard à vos propositions, c'est peut-être plus
relié au seuil de 10 %. Mais je ne suis pas sûre que vous répondez à ma
question, là, parce que le principe de dire qu'on essaie d'introduire plus de
proportionnalité, j'en suis, sinon on ne serait... je n'aurais pas présenté,
avec mon gouvernement, un nouveau mode de scrutin qui, nécessairement, même
s'il n'est pas parfait aux yeux de certains, introduit plus de proportionnalité
que le mode actuel. Je pense qu'on peut partir de cette... de s'entendre sur
cette prémisse de base là. La proposition gouvernementale actuelle est plus proportionnelle
dans ses résultats ou dans ses effets que le mode de scrutin actuel, je pense
qu'on peut le dire.
Mais est-ce que vous tenez encore à cette
proposition-là, du fait qu'un chef de parti politique qui a recueilli 2 %
des voix mais qui n'a pas réussi à entrer par la voie de la circonscription ou
par la liste obtienne tout de même un siège à l'Assemblée nationale? Si vous
n'y tenez plus, c'est une chose, si vous tenez encore, c'est correct, c'est
tout à fait légitime, c'est une réflexion que vous avez. Et je ne suis pas en
train de la rejeter du revers de la main, mais je vous demande de quelle façon
est-ce qu'on la met en application une fois que les circonscriptions sont
comblées et que les députés de liste sont comblés.
M. Fortin (Raphaël) :
Parce qu'on n'y tient pas, on n'en a pas revenu de... sur ce sujet-là.
Mme LeBel : Parfait.
Merci. Bien, vous répondez à ma question, c'est très clair. Merci.
M. Fortin (Raphaël) : Ça
fait plaisir.
Mme LeBel : Huit, 10
régions, beaucoup... c'est correct, vous n'êtes pas les seuls à avoir cette
position-là. Cette position-là, elle est tout à fait cohérente quand on met de
l'avant le <principe de la...
Mme LeBel : ...
sont comblés.
M. Fortin (Raphaël) :
Parce qu'on n'y tient pas, on n'en a pas revenu de... sur ce sujet-là.
Mme LeBel : Parfait.
Merci. Bien, vous répondez à ma question, c'est très clair. Merci.
M. Fortin (Raphaël) :
Ça fait plaisir.
Mme LeBel : Huit, 10
régions, beaucoup... c'est correct, vous n'êtes pas les seuls à avoir cette
position-là. Cette position-là, elle est tout à fait cohérente quand on met de
l'avant le >principe de la proportionnalité et de la pluralité, qui, pour
moi... la pluralité n'est pas un objectif, est une conséquence positive, mais
pas un objectif, parce que la proportionnalité est l'objectif. Si la
proportionnalité des voix exprime... si les citoyens ont une expression de
pluralité, elle va se refléter s'il y a plus de proportionnalité. Donc, pour
moi, l'objectif ultime est la proportionnalité, la pluralité politique étant
une conséquence heureuse de cette proportionnalité-là, on peut le dire comme
ça. Si on choisit huit à 10 régions, c'est parce qu'on met de l'avant le
principe de la proportionnalité. J'imagine que, comme parti politique, vous
êtes très sensibles à toutes les opinions et toutes les sensibilités du Québec.
Vous avez sûrement dû faire la tournée des régions — puis, quand je
dis ça, ne sentez aucune ironie dans ma voix — vous aspirez certainement
à prendre une place plus grande au sein de l'espace politique. Qu'est-ce que
vous pensez de la sensibilité régionale des 17 régions? Qu'est-ce que vous en
faites, dans votre réflexion, de ce facteur-là, qui n'est pas à négliger — on
en a discuté pendant les deux derniers jours — et qui demande, nécessairement,
un deuil d'un certain degré de proportionnalité, disons-le comme ça?
M. Fortin (Raphaël) : Je
ne crois pas que le deuil de la proportionnalité nuise, justement, aux
sensibilités régionales. Mes deux parents sont originaires du Lac-Saint-Jean,
ma famille est au Lac-Saint-Jean, je connais donc les sensibilités des bleuets,
entre autres.
Je pense qu'il y a beaucoup à expliquer.
Le fait de réduire le nombre de régions ne diminue pas le nombre de députés des
gens en région. Jusqu'à présent, ce que j'ai entendu souvent, c'est toujours
avec le même prisme du système actuel. Si on diminue le nombre de régions, on
augmente la proportionnalité même en région. Ils ne perdent pas de sièges pour
autant, c'est juste que le député n'est plus de circonscription. Ils ont plus
de députés qui sont de liste régionale. Ça demeure des gens qui sont de liste
de la région.
Et, je comprends, d'autres de vos collègues
vont sûrement me parler que c'est beaucoup de territoire, tout ça, mais la
réalité, c'est que, si on prend le prisme avec les moyens actuels, c'est clair
que ça vient compliquer le travail des gens, des députés qui sont en région. Mais,
si on ajuste en conséquence les moyens financiers à leur disposition, le moyen
aussi en termes de main-d'oeuvre auprès de ces députés-là, je ne pense pas que quelqu'un
en région serait déçu, au contraire. Il y a des gens en région qui, finalement,
ne votent jamais pour le bon parti, comme on dit, ils sont toujours déçus, alors
que ramener une proportionnalité leur donnerait la chance, peut-être, de faire
affaire avec un député qui est plus en concordance avec leurs valeurs et leurs
opinions politiques.
Alors, je comprends les sensibilités
régionales, mes parents sont issus de région, mais, comme le dit M. Blais,
il y a des gens à Montréal qui sont très attachés à la région montréalaise ou
encore en banlieue aussi. Je ne veux pas mettre en opposition la
proportionnalité, les gens des régions et les gens des régions plus urbaines.
Mme LeBel : Bien, merci
de votre réponse. Merci.
M. Fortin (Raphaël) :
Merci à vous.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Oui,
merci beaucoup, M. le Président. Bien...
M. Fortin (Raphaël) :
Chef. La présidente du parti, c'est...
M. Tanguay
: Non,
ce n'est pas à vous que je m'adressais.
M. Fortin (Raphaël) :
Ah! O.K. Excusez-moi, mon erreur.
M. Tanguay
: Mais
là je m'adresse à vous, M. le chef.
M. Fortin (Raphaël) :
Non, bien...
Des voix
: Ha, ha, ha!
• (16 h 40) •
M. Tanguay
: Non,
mais... Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là. Honnêtement, c'est
important de vous entendre. Puis vous n'étiez pas là en 2014, je crois, formation
nouvelle. En 2018, je crois que c'était votre première occasion. Puis j'ai
demandé de vérifier, parce que, par rapport à la règle du 10 %, 5 %
ou 2 %, j'ai dit : Bon, bien, quel pourcentage de vote ils avaient
obtenu? Puis je pense que c'est 0,57 %. Puis, je veux dire, il faut
toujours partir à quelque part. Puis moi, là, honnêtement, je salue votre
implication. Je trouve ça noble, je trouve ça beau. Vous avez un apport à notre
démocratie tout à fait tangible, intéressant. Et c'est vrai qu'il faut
multiplier ces voix-là. Et je salue... votre implication est d'autant plus, je
vous dirais, méritoire, et désintéressée, et noble, particulièrement dans le
sens où vous créez, vous partez de zéro et vous... tout ce que vous bâtissez,
bien, ce sera le fruit de vos efforts, le fruit de vos idées puis de votre
militantisme désintéressé, puis ça, je le salue.
Et il est clair que, quand on regarde la
règle, bon, du 10 %, du 5 % ou du 2 %, là c'est établi à
10 %. Pour pouvoir prétendre à la proportionnalité, vous devez avoir, au
niveau national, pas au niveau régional, au niveau national, un 10 %.
Quand on regarde 2018, ce n'est pas vous, ce n'est pas le Parti vert, c'est les
quatre partis ici, autour de la table. Est-ce que vous avez réfléchi à ce qu'il
pourrait y avoir un pourcentage considéré au niveau régional? Si vous êtes forts
dans une région donnée, est-ce que ça pourrait être envisageable pour vous de
dire : Bien, on aimerait avoir un 2 %, mais un 2 % <à
l'intérieur...
M. Tanguay
:
...
on regarde 2018, ce n'est pas vous, ce n'est pas le Parti vert, c'est
les quatre partis ici, autour de la table. Est-ce que vous avez réfléchi à ce
qu'il pourrait y avoir un pourcentage considéré au niveau régional? Si vous
êtes forts dans une région donnée, est-ce que ça pourrait être envisageable
pour vous de dire : Bien, on aimerait avoir un 2 %, mais un 2 % >à
l'intérieur des régions, donc que l'on puisse y prétendre, si ça se fait à
l'intérieur d'une région donnée plutôt qu'au niveau national?
M. Fortin (Raphaël) : Écoutez,
je ne suis pas un spécialiste de la chose, bien honnêtement. Comme je l'ai
expliqué à Mme la ministre, nous n'avons pas, disons, du personnel pour nous
aider à faire les recherches, à comprendre tout le système. Moi, je me suis fié
à ce que j'ai lu sur diverses études.
Je crois que la compensation nationale
avec listes régionales, comme l'expliquait Mme Roberge, est assez
intéressante. Et je tiens à expliquer que les seuils à 10 %, c'est quand
même... c'est comme si on essayait de faire une proportionnalité mais seulement
avec les quatre, comme vous avez dit, partis. On prend les dés, on shake puis
on fait juste repasser un petit peu, les disperser.
La réalité, c'est que 2 %, ça semble
petit, mais c'est déjà beaucoup. Prenez tous les tiers partis, les trois partis
suivants, les quatre suivants qui ont été élus à l'Assemblée nationale, et on
dépasse d'à peine un peu plus 3 %. Et c'est sûr que, quand les gens, ils
se disent... bien, plus on augmente le seuil, plus ils vont dire : Bien,
je vous aime bien, mais vous n'avez aucune chance. Puis c'est souvent ça qu'on
entend.
Donc, moi, je crois que, le NPDQ, ce qu'on
désire, c'est plutôt un seuil national avec compensation de... bien, de listes
régionales pour refléter aussi les candidatures dans les régions et, en même
temps, pallier aux sensibilités régionales, de s'assurer que ça soit des gens
dans les régions qui les représentent, qui sont issus de leur région.
M. Tanguay
: Tout
à fait. Et vous avez établi de façon... très clairement le point que... le
référendum, pas en même temps que l'élection parce que ce n'est évidemment pas
accorder suffisamment d'importance, de temps et d'intérêt à deux importantes
questions. On va élire nos députés puis notre gouvernement ultimement, de un,
donc campagne électorale, et un référendum. Est-ce qu'on modifie le mode de
scrutin, tout ça dans une campagne où les gens vont s'y intéresser davantage
dans les derniers 34, 35 jours de la campagne électorale pour aller voter
le jour J, le jour du vote? Alors, ça, très clairement, un référendum, oui,
mais avant le mode de scrutin... avant, pardon, le scrutin de 2022. Pour vous,
un référendum après 2022, si d'aventure on dit, du point de vue du gouvernement :
On vous a entendus, c'est correct, il va y avoir un référendum, mais pas durant
la campagne électorale, mais il va avoir lieu après la campagne de 2022, pour
vous, ce scénario-là ne peut pas être plus envisageable. Il faut que ça soit
séparé, mais avant, pas après.
M. Fortin (Raphaël) : Le
premier ministre actuel s'était engagé à ne pas faire de référendum. Il l'a
même dit à deux reprises et il s'en est même, je vous dirais... Ce qui est
quand même, pour moi, particulier, c'est qu'en décembre 2018, à la revue de fin
d'année Infoman, il avait même parié un vin à 100 $ comme quoi ça
serait la dernière. Cette année, il a remis une bouteille à 50 $ pour une
promesse demi-réussie, puisqu'il a déposé le projet de loi.
Moi et le NPDQ, nous croyons qu'il n'y a
pas besoin de référendum, puisque, pour beaucoup d'autres projets de loi, on
peut aller de l'avant quand on a une majorité — on parle bien «claire»,
pas juste une majorité de députés, mais une majorité claire — de voix,
puisque 70 % des voix sont en accord avec ce projet de loi là.
J'ai dit : S'il y avait à avoir un
référendum, il doit être avant, et, si c'est après, ça serait seulement si on
avait appliqué le changement et que les gens ne faisaient que dire : Oui,
on est d'accord; finalement, on n'aime pas, on voudrait revenir. Mais pas après
la prochaine, 2022, ça irait à l'encontre de l'entente qui a été signée par
trois des quatre partis le 9 mai 2018.
M. Tanguay
: Vous
avez mentionné, puis ça, je trouve ça important... Encore une fois, on n'est
pas d'accord, vous et moi, sur l'approche quant au projet de loi. Vous y êtes
évidemment favorables, pour le réaliser. Nous, on a beaucoup de drapeaux rouges
que l'on soulève. Mais il y a un... Puis j'avais eu une conversation... on a eu
une conversation avec le représentant de la Société Saint-Jean-Baptiste, un peu
avant vous, cet après-midi, sur l'importance... le corollaire de cela, c'est
d'encadrer les motions de censure. Autrement dit, l'écueil qui est soulevé,
c'est que, si vous déposez un tel projet de loi, si vous êtes conséquents et si
vous voulez éviter des gouvernements qui tombent en élection aux six, huit, 10,
12 mois, bien, vous devez permettre des modifications, penser et faire adopter
des modifications à la procédure parlementaire, et vous soulevez donc les
motions de censure.
Autrement dit, le nouveau mode de scrutin
va nécessairement créer plus de gouvernements minoritaires. Un gouvernement
minoritaire, on le sait, on en a un au fédéral, on ne peut pas se fier que ça
va durer quatre ans. On se dit que c'est à peu près 18 mois, bon an, mal an, un
gouvernement minoritaire. Et, lorsque la majorité des autres députés qui ne
sont pas du parti qui forme le gouvernement décident que la confiance n'est
plus là, bien, on tombe en élection. Vous dites : Oui, ils pourraient
retirer la <confiance...
M. Tanguay
:
...
gouvernement minoritaire, on le sait, on en a un au fédéral, on ne
peut pas se fier que ça va durer quatre ans. On se dit que c'est à peu près 18
mois, bon an, mal an, un gouvernement minoritaire. Et, lorsque la majorité des
autres députés qui ne sont pas du parti qui forme le gouvernement décident que
la confiance n'est plus là, bien, on tombe en élection. Vous dites : Oui,
ils pourraient retirer la >confiance, mais la motion de censure ferait
en sorte qu'ils devraient déjà proposer et avoir un engagement qu'ils pourront
former une certaine majorité pour remplacer le gouvernement pour ne pas, autrement
dit, qu'on tombe toujours en élection, ce qui est un grief, je vous dirais, de celles
et ceux qui sont contre cela en disant : Bien, on va affaiblir l'Assemblée
nationale et son gouvernement parce qu'il y aura l'épée de Damoclès de les
chasser du pouvoir, puis là ça veut dire qu'on retombe en élection. Ce que
personne, je pense, ne veut, c'est de faire des élections à répétition. Je le
vois, si d'aventure on allait là, comme étant un corollaire nécessaire. J'aimerais
vous entendre, donc, sur l'importance de ça pour garder une certaine
crédibilité. Puis, en passant, ça nous a été confirmé, ça se fait dans bien
d'autres pays ailleurs, de telles motions d'encadrement où il y a, justement, proportionnalité,
donc risque plus élevé d'élection à répétition.
M. Fortin (Raphaël) :
Bien, on l'a mentionné, bien sûr, il faudrait qu'il y ait des motions de
censure qui soient intégrées dans le projet. Mais j'aimerais apporter aussi à
tous les députés qui sont ici présents que, si on change le mode de scrutin
avec un mode de proportionnalité qui est réel, ça veut dire aussi qu'il va y avoir
une mentalité qui va devoir changer à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire
beaucoup moins... Dans le système parlementaire actuel, c'est un système où on
doit, disons, mettre de l'avant les erreurs de l'opposant plutôt que de
travailler à former des coalitions entre les partis et travailler sur ce qui
les rassemble et non les divise. Alors, nécessairement, si on change le mode de
scrutin, et comme le disait le premier ministre, je l'ai cité tout à l'heure,
ça va forcer les partis à travailler ensemble. Et, statistiquement, là je n'ai
pas les chiffres devant moi, mais partout où est installée la proportionnalité
du type qu'on veut implanter ici, et non la pure comme en Israël, évidemment,
les gouvernements ne sont pas si instables que ça. Au contraire, au niveau
statistique, ça dure en moyenne à peu près le même temps que nos législatures à
nous autres dans l'histoire du Québec.
M. Tanguay
: Et, pour
vous relancer au niveau des citations, mais sous un autre
point — donc, j'ai pris bonne note de votre réponse — quand
on parlait que vous trouviez incongru le fait que le premier ministre, dans la
mouture du projet de loi, ne pourrait pas être chef du camp du Oui parce qu'il
ne pourrait pas être membre du C.A., mais membre du C.A., ce serait être
président du C.A., président du camp du Oui, ça, c'est un écueil, puis vous
dites qu'il devrait normalement assumer le projet de loi qu'il a déposé et le
défendre lors de la campagne référendaire. Donc, ça, vous l'avez soulevé à
regret, à votre grand regret.
J'aimerais vous citer l'extrait suivant,
et, en vous le citant, je le lance dans l'univers, puis peut-être que la
ministre pourra répondre à cela et corriger le tir. Michel David, fin de la
session parlementaire, dans Le Devoir, le 10 décembre dernier,
a fait un article sur le sujet, et je cite, en changeant les noms propres :
«Au bureau de Mme [la ministre de la Justice], on a indiqué qu'il appartiendra
au premier ministre [...] de décider si des membres du caucus caquiste pourront
prendre parti. Bref, le gouvernement pourrait ne pas défendre sa propre loi.»
Fin de la citation. Donc, pas uniquement au niveau du chef, du premier ministre
du Québec, président... chef de la CAQ, mais également on est dans le limbo au
niveau du caucus et des députés, des collègues caquistes, où là... Je vais laisser
l'occasion de la ministre, à vous et à moi, de nous détromper, mais c'est ce
que disait Michel David le 10 décembre. Je pense que, là aussi, on en
rajouterait une couche si en plus les députés ne pourraient pas se prononcer
comme caucus, là, oui ou non.
Le Président (M. Bachand) :
M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
M. le Président. Merci, M. Fortin, d'être avec nous aujourd'hui. Je vais
vous poser une question, je vais jouer l'avocat du diable, parce qu'il y a
quelque chose qu'on a beaucoup entendu depuis le début de nos travaux
concernant le fameux seuil. Un argument qu'on a beaucoup entendu de la part de
différents acteurs qui défendent la présence d'un seuil, puis la présence d'un
seuil assez élevé, c'est qu'un tel seuil est nécessaire pour protéger la
démocratie québécoise contre des options politiques qui seraient... des fois on
dit «marginales», des fois on dit «dangereuses», des fois on dit «extrémistes».
Le qualificatif change, mais la structure de l'argument est toujours
sensiblement la même, c'est-à-dire qu'il faut protéger la démocratie de
l'arrivée de voix qui sont, en ce moment, minoritaires, et c'est pour ça qu'il
faut mettre un seuil élevé. Quand on parle de ces voix-là, j'imagine que vous
devez vous sentir un peu visé. Qu'est-ce que vous répondez à ces gens-là qui
disent qu'il faut protéger la démocratie québécoise de l'arrivée de voix...
moi, je les qualifierais de différentes?
• (16 h 50) •
M. Fortin (Raphaël) :
Quand j'entends qu'on dit qu'il faut protéger la démocratie québécoise de voix
extrémistes, comme vous dites, c'est comme si on disait : Il faut protéger
les Québécois de leurs propres mentalités, de leurs propres réflexions. Je
pense que, s'il y avait, un jour, à y avoir vraiment un <parti...
M. Nadeau-Dubois :
...la
démocratie
québécoise de l'arrivée de voix... moi, je les
qualifierais de différentes?
M. Fortin (Raphaël) :
Quand j'entends qu'ils ont dit qu'il faut protéger la
démocratie
québécoise
de voix extrémistes, comme vous dites, c'est comme si on disait :
Il
faut protéger les
Québécois de leur propre mentalité, de leurs propres
réflexions.
Je pense que,
s'il y avait un jour à y avoir
vraiment
un >parti extrémiste qui réussissait à faire une percée au Québec, ce
qui n'est pas le cas quand on regarde... Même dans ceux qu'on nomme souvent
d'extrémistes, on est loin de l'extrême ailleurs dans le monde. Les Québécois
sont des gens posés, je pense, intelligents, et je fais confiance à
l'intelligence.
Quand on regarde ça, à mon avis, la montée
de l'extrémisme répond à des députés qui sont déconnectés de la réalité. Le
jour où la députation, les élus, les représentants ne représentent plus la population,
c'est là qu'il y a des voix qui sont extrêmes qui arrivent, et ce n'est pas le
cas au Québec, actuellement. On peut ne pas partager les opinions politiques
des autres partis politiques, mais je crois sincèrement que nos représentants
et les partis qui veulent d'autres... nouveaux qui veulent les représenter ont
une voix intelligente et ont des idées intéressantes à dire. On peut ne pas
être d'accord, ça ne fait pas de nous des extrémistes, quand on n'est pas d'accord
avec les idées des autres ou vice versa.
Donc, moi, je réponds que, les seuils, la
meilleure protection, c'est... Vous savez, quand vous dites des inepties, je
pense, les gens ne voteront jamais pour vous, et c'est la meilleure protection.
Comme je l'ai expliqué, quand on combine les trois tiers partis, on n'arrive
même pas à 4 %, pratiquement. Alors, de mettre un seuil à 5 %, c'est
aussi bien dire qu'on continue à bloquer l'Assemblée nationale aux quatre
partis qui sont présents actuellement, et ça, pour moi, c'est désolant.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci. En
2007, le Parti québécois a fait élire un premier député... un jeune autochtone,
Alexis Wawanoloath. C'était intéressant de l'entendre dans nos caucus puis
d'entendre ses réalités.
J'aimerais ça vous poser la question :
Comment on fait? Parce que les nations autochtones et inuites ont déjà leurs
instances démocratiques. Comment on fait pour les faire participer à notre Parlement
national? C'est quoi, votre point de vue là-dessus?
Mme Belleau (Mona) : O.K.
Bien, merci de votre question. Je suis vraiment très heureuse de pouvoir
répondre à cette question à cette plateforme-ci.
Bien, comme vous savez, la plupart des
peuples autochtones au Québec, ils sont de juridiction fédérale, donc c'est sûr
qu'il y a beaucoup de gens qui ont la perception que la politique provinciale,
ça les regarde un peu moins. Même s'ils bénéficient de services de santé, tu
sais, ils vont dans les hôpitaux, dans les CLSC, et tout ça, dans le système
québécois... mais il y a beaucoup de gens, des autochtones, qui ne se sentent
pas interpelés, vraiment, par la politique provinciale.
C'est sûr qu'il n'y a pas de solution
miracle pour aller chercher des peuples autochtones et augmenter la
représentativité au sein des députés. On est... Il y a 10 nations autochtones
plus un peuple, qui est le peuple inuit, qui est mon peuple. On a une grande
diversité. On essaie souvent, dans d'autres sphères, de mettre les autochtones
dans un moule puis dans... de voir que... ou de penser qu'il peut exister une
solution qui puisse être bonne pour toutes nos nations, mais ça, c'est loin
d'être le cas.
Moi, je me suis portée candidate pour le
Nouveau Parti démocratique du Québec en 2018, et c'était justement... un de mes
objectifs, c'était de vraiment tendre vers la réconciliation des peuples
autochtones avec le peuple non autochtone parce qu'on vit souvent dans deux
mondes complètement différents. Il y a vraiment une planète autochtone au
Québec, il y a une planète non autochtone. Je crois que, si les autochtones
avaient l'impression que les députés et la politique s'intéressaient vraiment à
améliorer leurs conditions de vie et leur bien-être dans leur communauté... je
pense que, les gens, ils seraient déjà plus intéressés.
Il y avait vraiment... J'ai vraiment parlé
avec beaucoup de gens, justement, pour essayer de les convaincre à voter aux
prochaines élections... bien, qui étaient les élections de 2018. Et c'est
vraiment important pour moi de m'être présentée parce que je voulais vraiment
qu'on... je veux vraiment que nous, les autochtones, on prenne notre place dans
la sphère politique et dans la sphère publique pour qu'on puisse entamer
vraiment un réel dialogue entre nos différentes nations, et je crois que c'est
vraiment de montrer qu'on a vraiment notre place au Québec. Puis, étant les
premiers habitants du territoire, je pense qu'on a été vraiment mis de côté par
les instances et les institutions coloniales qui ont été mises sur place sur le
territoire, ici, du Québec et ailleurs. Et donc c'est vraiment important qu'on
augmente la représentativité chez les peuples autochtones parce que plus que
les gens vont voir qu'il y a des autochtones qui s'impliquent, bien, ça va
faire effet boule de neige. Justement, Alexis Wawanoloath, il a été une grande
fierté pour nous. Puis, avant lui, il y avait eu un monsieur qui s'appelait
Bernard... Là, je ne m'en rappelle plus du nom.
Une voix
: ...
Mme Belleau (Mona) :
Pardon?
Une voix
: ...
Mme Belleau (Mona) : Non,
mais en tout cas. En fait, il y a eu deux élus au...
Une voix
: ...
Mme Belleau (Mona) :
Bernard Cleary, exactement. En plus, je le connais, je ne me rappelais plus de
son nom, bon, Bernard Cleary, qui avait été le premier, et il y avait Alexis
aussi qui avait été élu. Donc, c'est sûr que, si on regarde ça sur toute
l'histoire du Québec, c'est vraiment très peu.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Je dois <céder la...
Mme Belleau (Mona) :
...
mais en tout cas. En fait, il y a eu deux élus au...
Une voix
: ...
Mme Belleau (Mona) :
Bernard Cleary, exactement. En plus, je le connais, je ne me rappelais plus de
son nom, bon, Bernard Cleary, qui avait été le premier, et il y avait Alexis
aussi qui avait été élu. Donc, c'est sûr que, si on regarde ça sur toute
l'histoire du Québec, c'est vraiment très peu.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci beaucoup. Je dois >céder la parole
à la députée de Marie-Victorin. Merci.
M. LeBel : Merci pour
votre implication.
Le Président (M. Bachand) :Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Fournier
:
Oui, merci beaucoup. Merci. Moi, évidemment, je suis favorable à la réforme du
mode de scrutin, notamment parce que ça augmente la proportionnalité du vote,
mais également pour les conséquences dont parlait la ministre, notamment
d'induire plus de pluralité, d'idées dans nos institutions démocratiques. Donc,
moi aussi, je salue vraiment votre rapport.
Ceci dit, il y a des gens qui s'opposent,
là, avec véhémence à la réforme du mode de scrutin en disant que ça va créer,
là, une grande instabilité dans nos systèmes politiques. Mais il y a des moyens
qui nous permettent, disons, de peut-être atténuer certaines craintes de voir
le gouvernement tomber avec des mandats très courts, notamment, justement,
l'encadrement des motions de censure, vous y avez fait référence dans votre
présentation. Est-ce que vous trouveriez ça intéressant, plutôt que d'avoir des
primes au vainqueur qui donnent moins de chances aux petits partis comme les
vôtres de faire leur place à l'Assemblée nationale, d'avoir des mécanismes
d'encadrement des motions de censure?
M. Fortin (Raphaël) :
Pour reprendre ce que j'ai dit tout à l'heure, clairement, le calcul qui est
instauré dans ce projet de loi là, qui est vraiment une prime au vainqueur... c'est
quand même spécial qu'on donne davantage de sièges à celui qui a déjà des
sièges. Donc, au lieu d'atténuer la distorsion, on la maintient.
Les motions de censure sont beaucoup plus
simples et, en même temps, iraient plus dans... je rappelle la signature que
les partis ont signée, excepté le Parti libéral, où le but était de «favoriser
la stabilité du gouvernement par des mesures encadrant les motions de censure»,
c'est clairement dit, «refléter le plus possible le vote populaire de l'ensemble
des Québécoises et des Québécois», donc de proportionnalité, «assurer un lien
significatif entre les [électeurs, les électrices] et les élu-e-s», bien, ça,
je veux dire, c'est déjà le cas, et je ne vois pas en quoi ça serait moins avec
la proportionnalité. Le poids politique des régions demeure avec le projet de
loi, avec une vraie proportionnalité également.
Maintenant, je pense qu'il y a eu des...
ils ont fait des propositions, dans le projet de loi, pour une meilleure
représentation des femmes, des jeunes, des communautés culturelles, sans
restriction. Comme on a dit, on n'est pas contre, mais il faut penser aussi que
c'est beaucoup plus compliqué, quand on est un petit parti, d'obtenir tous ces
seuils-là pour avoir le droit de se présenter. Ce n'est pas qu'on est contre,
c'est juste plus compliqué, ayant moins de moyens.
Mais je ne vois pas en quoi... et,
statistiquement, ce n'est pas le cas, à travers le monde où il y a une
proportionnelle mixte, qu'il y a une instabilité plus grandissante, puisque des
motions de censure sont introduites avant et permettent de protéger les
gouvernements ou du moins de maintenir... au lieu de tomber en élection, amener
une nouvelle coalition au pouvoir. Mais ça force, et je le répète, les députés
à revoir la prémisse du travail parlementaire en étant plus collaboratifs au
lieu d'être des adversaires politiques.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a. Merci, encore une fois, d'avoir
été présents en commission cet après-midi.
Et je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
(Reprise à 17 heures)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Merci. Alors, il me fait plaisir d'accueillir les représentants du Parti
conservateur du Québec. Vous connaissez les règles, 10 minutes de
présentation, et par après nous avons les échanges avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous. Merci beaucoup.
Parti conservateur du Québec (PCQ)
M. Morissette (Guy) : Mme
la ministre, M. le Président, membres de la Commission des institutions, je
vais commencer par me présenter. Mon nom est Guy Morissette, je suis président
de la commission politique du Parti conservateur du Québec, au sein duquel je
m'implique de différentes façons depuis 2012. À côté de moi, M. Samuel
Fillion Doiron, c'est le président <par intérim...
>
17 h (version révisée)
<17859
Le Président (M. Bachand) : ...
commission.
Donc,
la parole est à vous.
Merci beaucoup.
M. Morissette (Guy) :
Mme la ministre,
M. le Président,
membres de la Commission des institutions.
Je vais commencer par me présenter. Mon nom est Guy Morissette, je suis
président de la commission politique du Parti conservateur du Québec, au sein
duquel je m'implique de différentes façons depuis 2012. À côté de moi, M. Samuel
Fillion Doiron, président national >par intérim du parti.
Comme nous le savons déjà, l'introduction
d'une composante proportionnelle dans le mode de scrutin utilisé au Québec doit
viser principalement l'atteinte de deux objectifs : réduire autant que
possible l'écart entre le pourcentage des votes qu'un parti a obtenu lors des
élections et le pourcentage de sièges qu'il a obtenus à l'Assemblée nationale
et, deuxièmement, réduire autant que possible le nombre de votes
perdus — c'est une expression que j'emprunte au MDN — soit
les votes qui ne servent à élire aucun député. Aux cinq dernières élections
générales québécoises, le pourcentage de votes perdus a varié de 52 % à
57 %; dans dix régions administratives, il a même atteint 60 % ou
plus. Le Parti conservateur du Québec vise à démontrer que, sous sa forme
actuelle, le projet de loi n° 39 n'atteint pas ces
deux cibles. Cependant, il n'a pas besoin d'être revu de fond en comble, car il
suffirait de peu pour qu'il les atteigne avec aplomb.
Nous vous proposons d'y apporter trois
modifications à cette fin : la première, abaisser le seuil de 10 %
pour l'attribution des sièges régionaux; la deuxième, diminuer le nombre de
régions pour la distribution des sièges régionaux; et la troisième, éliminer la
prime au vainqueur dans le calcul de l'attribution des sièges régionaux. Sans
ces trois changements essentiels à la réussite de cette réforme, ce projet de
loi et le référendum qu'il déclenchera risquent d'augmenter le cynisme et la
désillusion des électeurs par rapport à la classe politique et à la démocratie
au Québec, car il produira des résultats électoraux trop similaires à ceux que
produit notre mode de scrutin actuel.
Alors, le point n° 1, soit le seuil
de 10 %. Tout d'abord, le seuil pour l'attribution des sièges régionaux
devrait être abaissé. Un gouvernement qui dit vouloir être un bon gestionnaire
de l'État québécois devrait faire de son mieux pour s'inspirer des meilleures
pratiques dans un domaine donné. Or, si on regarde partout ailleurs dans le
monde, les seuils pour l'attribution des sièges
proportionnels
ne dépassent presque jamais 5 %. Les pays scandinaves, tant admirés par
bon nombre de personnalités politiques québécoises, ont même des seuils encore
plus bas, n'allant que de 4 % en Norvège et en Suède qu'à 2 % au
Danemark et même aucun seuil officiel en Finlande. Il y a un seuil fonctionnel,
là, que le Pr Blais avait expliqué, tout à l'heure, mais il n'y a pas de
seuil officiel pour la répartition des sièges régionaux. L'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, une organisation internationale qui
exerce une forte influence sur les pays membres de l'Union européenne,
recommande même un seuil de 3 %, et je lis la citation : «Dans les
démocraties bien établies, il ne devrait pas y avoir de seuils supérieurs à
3 % dans les élections législatives. Ainsi, le plus grand nombre
d'opinions devrait pouvoir s'exprimer. Exclure des groupes importants de
personnes du droit d'être représentées va à l'encontre d'un système
démocratique. Dans les démocraties bien établies, il convient de trouver un
équilibre entre une représentation équitable des opinions de la société et
l'efficacité du Parlement et du gouvernement.»
De plus, les deux seuls pays qui ont un
seuil supérieur à 5 % que nous avons pu trouver dans nos recherches, soit
la Turquie avec 10 % et le Kazakhstan avec 7 %, sont loin d'être des
exemples à suivre pour le Québec. En effet, le Kazakhstan est un pays avec un
système politique autoritaire, et la Turquie est malheureusement un système
autoritaire en devenir, est lentement à la dérive, là, vers l'autoritarisme, et
son système électoral a été qualifié de plus injuste au monde par le journal The
Guardian. Donc, à cause de ce seuil, lors des élections générales turques
de 2002, 46,3 % des électeurs ont voté pour des partis qui n'ont obtenu
aucun siège au Parlement turc, donc 100 % des sièges ont donc été remplis
par seulement 53,7 % des électeurs turcs. C'est quelque chose, là. Bien
entendu, ce genre de scénario peut aussi se produire avec des seuils plus bas,
par exemple en Russie, en 1995, avec un seuil de 5 %. Sauf qu'en élevant
le seuil, plus le seuil est élevé, plus des injustices électorales comme celle
que je viens de nommer ont des chances de se produire.
Bien sûr, tel que mentionné précédemment
dans la citation de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, un bon
système électoral doit faire un compromis entre représenter la diversité des
opinions de l'électorat et permettre la formation de gouvernements solides et
efficaces. Par exemple, en Israël, le seuil a même été augmenté à trois
reprises, de 1 % à 3,25 %, entre 1949 et 2014 pour faciliter la
formation de coalitions en diminuant le nombre de très petits partis.
Enfin, tout comme une taxe trop élevée
peut encourager l'évasion fiscale, un seuil aussi élevé que 10 % pourrait
encourager les partis politiques à trouver des stratagèmes ou des astuces — je
ne sais pas si j'ai le droit de le dire — pour faciliter...
excusez-moi, des stratagèmes pour contourner le seuil de 10 %. Par
exemple, et ça s'est produit en <Turquie...
M. Morissette (Guy) : ...
tout
comme une taxe trop élevée peut encourager l'évasion fiscale, un seuil aussi
élevé que 10 % pourrait encourager les partis politiques à trouver des
stratagèmes ou des astuces
— je ne sais pas si j'ai le droit
de le dire — pour faciliter... excusez-moi, des stratagèmes pour
contourner le seuil de 10 %. Par exemple, et ça s'est produit en >Turquie,
des candidats pourraient se présenter en tant qu'indépendants pour ensuite se
rallier à un parti politique au lendemain des élections. Ça s'est produit en
Turquie, bon, donc, le seul pays qui avait un seuil de 10 %. Et, du côté
de l'électorat, un électeur qui appuie un parti qui récolte moins de 10 %
des appuis dans les sondages aura moins de chances de vouloir se déplacer pour
aller voter le jour du scrutin. Il y a donc un point d'équilibre à atteindre, mais
10 % n'est certainement pas ce point d'équilibre. Nous croyons que le
juste milieu se situe plutôt à 3 % et qu'il ne devrait pas dépasser
5 % dans le pire des cas. 5 %, ce n'est pas un juste milieu,
5 %, c'est vraiment un maximum.
Donc, le point n° 2,
le nombre de régions puis la répartition des sièges régionaux. Le deuxième
point qui devrait être corrigé dans le projet de loi est le nombre de régions
qui a été retenu pour la répartition des sièges régionaux. Nous comprenons
parfaitement les raisons pour lesquelles la ministre responsable des Institutions démocratiques, de la Réforme électorale et de l'Accès à
l'information a voulu rattacher les députés de liste à une région plutôt qu'à
la province dans son ensemble : afin de les rapprocher de leurs électeurs
et donc les rendre plus imputables et redevables envers ceux-ci. Cependant, en
retenant toutes les régions administratives du Québec, qui sont au nombre de
17, pour la répartition des sièges régionaux, on se trouve à réduire énormément
la proportionnalité du mode de scrutin qui en ressortirait, à un point tel que
certaines régions risqueraient de ne rien y gagner, puisqu'on n'y verrait qu'une
nouvelle répartition des sièges entre les mêmes partis qui y sont déjà
représentés. Après tout, le but de faire appel à la proportionnelle mixte est
justement de combiner les avantages de notre mode de scrutin actuel avec ceux
de la proportionnelle afin d'atteindre une sorte de compromis qui corrigerait
en partie les défauts de notre mode de scrutin actuel.
Le projet de loi n° 39
sous sa présente forme combine notre mode de scrutin actuel à une
proportionnelle dénaturée au point d'en perdre presque tous ses avantages.
Ainsi, ce projet de loi propose d'éliminer la disproportionnalité entre le
pourcentage des suffrages obtenus et le pourcentage de sièges obtenus lors des
élections pour ensuite en créer des nouvelles avec un nombre de régions
électorales et un seuil électoral trop élevé. Bref, vous me pardonnerez
l'expression, mais on serait en train de changer quatre trente-sous pour
une piastre. Afin de corriger cette iniquité, le MDN proposait de passer de 17
à 14 régions électorales, mais le Parti conservateur du Québec est plutôt
d'avis que ce ne serait qu'un correctif minime pour les électeurs de nos
régions, qui méritent de jouir de la pleine... d'une proportionnalité aussi
grande que possible, eux aussi. C'est pourquoi nous croyons que la meilleure
proposition à cet égard — ce n'était pas une recommandation, c'était
une proposition, elle est venue du DGEQ, donc d'Élections Québec, en 2007 — c'était
de regrouper les 17 régions administratives en neuf régions électorales
pour les candidats de liste.
Donc là, je vais conclure... Non,
excusez-moi, c'était le point trois, excusez-moi, pour la prime au vainqueur.
Donc, je passe à la prime au vainqueur. En ne retenant que la moitié du nombre
de candidats et non la totalité, cette mesure favorise le parti qui a déjà
gagné le plus de sièges de circonscription, diminuant encore une fois la
proportionnalité, la composante proportionnelle de ce nouveau mode de scrutin.
En fait, cette prime au vainqueur, pour répéter l'expression employée par le
MDN, va à l'encontre de l'objectif même de la réforme du mode de scrutin, qui
est de représenter plus fidèlement la volonté des électeurs. Notre mode de
scrutin actuel a déjà une telle prime. À titre d'exemple, en 2018, la CAQ a
obtenu 59,2 % des sièges avec seulement 37,4 % des voix lors des
dernières élections générales. La réforme contenue dans le projet de loi
n° 39 devrait corriger et non ramener sous une autre forme cette prime au
vainqueur.
Le Parti conservateur du Québec est ainsi
d'avis que de garder la prime au vainqueur va à l'encontre des intérêts de tous
les partis, même les plus grands comme la CAQ. Si le Oui l'emporte dans le
référendum prévu en 2022 dans le projet de loi, la CAQ pourrait regretter
amèrement sa décision en 2026. En effet, tous les gouvernements, peu importe
leur couleur politique, finissent par perdre la faveur des électeurs en
accumulant les mécontents au fil du temps, c'est ce qu'on appelle l'usure du
pouvoir. En conservant la prime au vainqueur dans son projet de loi, celle-ci
amplifiera le mécontentement ou l'insatisfaction des électeurs et réduira
encore plus la députation de la CAQ en 2026 que ne l'aurait fait une véritable
proportionnelle. Vous comprenez ce que je veux dire, c'est que ça amplifie les
mouvements de balancier, l'humeur de l'électorat. La prime au vainqueur se
trouve à amplifier ces mouvements-là.
• (17 h 10) •
Donc, en conclusion, le but déclaré du
gouvernement en optant pour un mode de scrutin proportionnel mixte avec
compensation régionale est de conserver les avantages de notre mode de scrutin
actuel, soit une représentation irréprochable de toutes les régions du Québec,
tout en y ajoutant une composante proportionnelle qui viendrait corriger le pire
défaut de notre système actuel, soit un écart trop grand entre le pourcentage
des voix obtenues par les partis et le pourcentage de sièges gagnés. Or, avec
le projet de loi n° 39 sous sa forme actuelle, la composante
proportionnelle est tellement affaiblie qu'elle perd trop de son efficacité
pour corriger le principal défaut de notre mode de scrutin actuel. Pourtant, il
en suffirait de peu afin que le projet de loi n° 39 atteigne réellement
ses objectifs. Le Parti conservateur du Québec vous <suggère...
M. Morissette (Guy) :
...
sièges gagnés. Or, avec le projet de loi n° 39 sous sa forme
actuelle, la composante proportionnelle est tellement affaiblie qu'elle perd
trop de son efficacité pour corriger le principal défaut de notre mode de
scrutin actuel. Pourtant, il en suffirait de peu afin que le projet de loi
n° 39 atteigne réellement ses objectifs. Le Parti conservateur du Québec
vous >suggère ces trois modifications — donc je reviens à
liste des trois défauts et là je suggère trois modifications pour chacun de ces
défauts : numéro 1, abaisser le seuil pour
l'attribution des sièges régionaux de 10 % à 3 % des voix obtenues; numéro 2, réduire le nombre de régions pour la répartition des
sièges régionaux de 17 à neuf, comme je l'ai déjà mentionné précédemment; et,
troisièmement, éliminer la prime au vainqueur en utilisant la totalité et non
seulement la moitié du nombre de candidats élus par un parti pour la
répartition des sièges régionaux.
Donc là, je termine. Vous croirez sans
doute qu'au Parti conservateur du Québec nous souhaitons ces changements parce
qu'ils avantageront les partis émergents comme le nôtre. Cependant, comme nous
l'avons déjà souligné précédemment, ces changements pourraient aussi profiter
aux grands partis comme la CAQ, et le Parti libéral du Québec, et le Parti
québécois aussi. Comme vous le savez peut-être déjà, le Parti conservateur du
Québec partage un ancêtre commun avec la Coalition avenir Québec, soit l'Action
démocratique du Québec. Or, les élections générales de 2007 et...
Le Président (M. Bachand) :Parce qu'on dépasse le temps, je vais vous demander de vraiment
conclure, là, en quelques secondes.
M. Morissette (Guy) : Oui,
O.K., il me reste deux phrases. Or, lors des élections générales de 2007 et
2008, l'ADQ a perdu 34 de ses sièges, passant ainsi de 41 à seulement sept.
Pourtant, avec le 16 % des voix qu'elle avait obtenu en 2008, un mode de
scrutin plus proportionnel lui aurait accordé jusqu'à 20 sièges. La morale de
l'histoire, c'est que les modestes changements que nous demandons vont aussi
avantager les plus grands partis en assurant que leurs défaites ne deviennent
pas des raclées électorales. Je vous remercie pour votre attention.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. Morissette. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci de votre présentation. Merci de nous avoir fourni, également,
un document, c'est très apprécié, ça va nous permettre d'y revenir un peu plus
tard.
Je vais peut-être me permettre, d'entrée
de jeu, d'aborder... Vous abordez trois points, donc, qui est la question du
seuil, la question du nombre de régions et la question du mode de calcul qui a
été privilégié dans le projet de loi qu'on a présenté. Mais quelques points que
vous n'abordez pas… donc je vais peut-être vous donner l'occasion... Je
comprends que vous avez probablement mis l'accent sur ces points-là, mais je
vais vous donner, peut-être, l'occasion de nous entretenir sur d'autres points
que vous n'avez pas abordés, si vous permettez. Ça m'intéresse d'avoir votre
opinion, entre autres, sur la double candidature.
Dans le projet de loi, on se propose
d'interdire la double candidature, c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas, à une
élection... je sais que vous le savez, mais je fais une mise en place quand
même... ne pourriez pas, à une élection, vous présenter à la fois comme un
député de circonscription ou un député de liste, pour simplifier, ce qui fait
en sorte que vous devez faire un choix, comme candidat ou, en tout cas, comme
membre d'un parti, dépendamment, il y a plusieurs considérants. Qu'est-ce que
vous pensez de cette notion-là? Plusieurs... quelques-uns ont dit que c'était
une bonne idée ou que c'était peut-être judicieux de le faire, parce qu'effectivement,
quand on veut respecter, bon, la faveur démocratique, le fait, peut-être,
surtout dans un premier pas vers un nouveau mode de scrutin où on change les
habitudes et on brasse un peu la façon de voir des gens, de permettre que
quelqu'un qui n'aurait pas été élu... je n'emprunterai plus le terme «battu»,
là, mais qui n'aurait pas remporté la circonscription se retrouve à y siéger
dans la circonscription et dans la région élargie, naturellement, par le biais
de la compensation… Et ça, ça semble heurter certaines personnes au niveau du
principe de l'élection, si on veut, le fait que cette personne n'a pas été
élue. Êtes-vous en faveur? Êtes-vous en défaveur? Que pensez-vous de mon
argument? Et si non, si oui, pourquoi? Et toutes ces...
M. Morissette (Guy) : On
n'a pas cru bon d'en parler dans le discours parce que, justement, bon, on
atteignait déjà la limite de temps, mais nous, on serait pour la double
candidature, parce que ce qui arrive, c'est qu'un parti émergent comme le nôtre…
Bien sûr, on a augmenté notre pourcentage des voix obtenues, là, à chaque
élection, mais on reste quand même environ à 1,5 %. En 2018, on a réussi à
avoir 101 candidats sur les 125 circonscriptions. Mais on appuierait... nous,
on serait plutôt pour la double candidature parce que, justement, c'est
difficile de trouver des candidats, et parfois, dans certaines régions, c'est
plus un... certaines régions constituent un plus grand défi que d'autres, et
c'est la raison pour laquelle nous, on appuierait... on serait plutôt pour les doubles
candidatures, parce que parfois ça nous permettrait, justement, là, de... ça
nous permettrait, là, de participer, là, évidemment, autant à la répartition
des sièges régionaux qu'aux sièges de circonscription.
Mme LeBel : Donc, vous
pensez qu'entre autres… Il y a d'autres raisons pour favoriser la double
candidature, effectivement, mais le fait de favoriser l'émergence de partis
comme le vôtre, qui ont peut-être plus de difficultés à atteindre certains
niveaux ou à présenter des candidats partout… ça pourrait être une bonne idée
de laisser tomber la double candidature?
M. Morissette (Guy) : De
laisser tomber l'opposition.
Mme LeBel : De laisser
tomber l'interdiction de le faire.
M. Morissette (Guy) : Oui,
c'est ça, exactement, exactement.
Mme LeBel : Oui, je me
suis mal... j'ai pris un raccourci, là, mais laisser tomber l'option qui est
dans le projet de loi, pour être sûre qu'on est clairs.
M. Morissette (Guy) : Il
y a ça et puis il y a aussi le fait que l'argument qu'on présente pour
s'opposer à la double candidature, je crois que le Pr Blais l'avait dit,
tout ça, je ne trouve pas que c'est un argument vraiment solide, de dire qu'il
serait appelé à travailler en <collaboration...
Mme LeBel : ...
de
laisser tomber l'interdiction de le faire.
M. Morissette (Guy) :
Oui, c'est ça, exactement, exactement.
Mme LeBel : Oui, je me
suis mal... j'ai pris un raccourci, là, mais laisser tomber l'option qui est
dans le projet de loi, pour être sûre qu'on est clairs.
M. Morissette (Guy) :
Il y a ça et puis il y a aussi le fait que l'argument qu'on présente pour
s'opposer à la double candidature, je crois que le Pr Blais l'avait dit,
tout ça, je ne trouve pas que c'est un argument vraiment solide, de dire qu'il
serait appelé à travailler en >collaboration avec quelqu'un qui l'a
vaincu au niveau de la circonscription, il serait obligé de collaborer avec ces
gens-là. Je veux dire, vous êtes tous, ici présents, de différentes familles politiques,
vous arrivez à travailler ensemble, parfois avec plus d'acrimonie et parfois
avec plus d'harmonie, mais, bon, je veux dire, je ne pense pas que c'est un
argument très solide.
Et il en va de même aussi au niveau
fédéral. Parfois, il peut y avoir des gens de familles politiques, bon,
souverainistes versus fédéralistes, ainsi de suite, gauche versus droite, et
qui travaillent quand même très bien avec... des députés provinciaux qui
travaillent très bien avec des députés fédéraux qui ne sont pas de la même
famille, idéologiquement parlant. Alors, on pense que, non, ce n'est pas... on
pense que cet argument-là n'est pas vraiment solide, là, pour interdire la
double participation.
Mme LeBel : Parfait.
Merci. Je vous amène à un autre aspect qui n'a pas été discuté puis, encore une
fois, je vous offre du temps pour pouvoir élaborer, compte tenu que vous aviez
un temps limité pour votre présentation — d'ailleurs, le Nouveau
Parti démocratique du Québec en a fait état précédemment — les
questions de parité, d'introduction de notions de parité, diversité. Je
comprends… je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, bon, j'imagine
que... Êtes-vous pour le fait d'introduire des notions de parité hommes-femmes
dans le projet de loi? Êtes-vous pour le fait d'introduire des notions de
diversité? Et, si oui, comment? Donc, je suis confiante qu'on va se rendre au
comment, là, mais, si oui, comment? Et est-ce que vous partagez également la
même... Bien, je vais voir, allez-y sur le comment, puis ça va peut-être
m'amener à une autre question.
M. Morissette (Guy) :
Vous allez être contente de notre réponse, à cause, bon, déjà, des résolutions
qu'on a déjà dans notre programme, et tout, et aussi pour le projet de loi
n° 39 en particulier, je crois qu'on va être peut-être les seuls, parmi
tous les intervenants que vous avez entendus à date, à dire que les mesures
déjà prévues dans le projet de loi n° 39 sont satisfaisantes, là. Au
niveau du Parti conservateur du Québec, on les trouve satisfaisantes, et je
vais vous expliquer pourquoi. C'est parce que, s'il y avait des mesures plus
contraignantes, comme celles qui avaient été proposées par d'autres groupes qui
ont parlé aujourd'hui et hier, ce serait, encore une fois, une barrière à
l'entrée... tout comme interdire la double candidature, ce serait une barrière
à l'entrée pour les partis émergents ou tiers partis, partis en croissance,
appelez ça comme vous voulez, partis en voie de développement, peu importe, les
partis émergents comme le nôtre. Ce serait encore une barrière à l'entrée.
Donc, ce serait encore une barrière à l'entrée, donc ça nous compliquerait les
choses.
Vous comprendrez que, pour atteindre,
justement, 101 candidats sur 125, on ne pouvait pas toujours faire la fine
bouche, on ne peut pas toujours dire : Ah! bien, vous, on doit refuser
votre candidature parce qu'on a besoin de quelqu'un... tu sais, il nous manque
de femmes, tout ça. C'est que, si cette contrainte-là devient... bon, la
contrainte devient plus contraignante, là, je ne sais pas comment le dire, là, mais,
je veux dire, si on va plus loin que ce que vous proposez, ça risque de
constituer une barrière à l'entrée pour les partis émergents comme le nôtre.
Et il y a autre chose aussi, c'est que je
crois que les autres intervenants sous-estiment la puissance de ce que vous
proposez dans le projet de loi, tout simplement, de faire rapport au niveau du
nombre de candidatures féminines qu'un parti propose. Ça veut dire que, si un
parti ne propose que des vieux hommes blancs, là, tu sais, là, à l'extrême
limite, là, tu sais, «angry old white men», là, en anglais, puis, bon, bien, il
va avoir à subir les foudres du tribunal de l'opinion publique, puis ça, c'est
le tribunal le plus impitoyable qui soit, je suis sûr que je ne vous apprends
aucune leçon, à l'heure des réseaux sociaux, et tout. Alors, il n'y a aucune…
tu sais, je veux dire, il y a très peu de sanctions que vous pourriez imposer
aux partis qui vont être aussi impitoyables que… Ça va courir sur les réseaux
sociaux que votre parti est macho, misogyne, ou sexiste, ou quoi que ce soit,
là, je veux dire, ou raciste, ou xénophobe, ou quoi que ce soit, je veux dire,
on ne peut pas imaginer, là, de pire punition que des choses comme ça qui
deviennent virales et qui entachent, là, l'image d'un parti. Alors, on trouve
que les mesures déjà prévues au projet de loi sont suffisantes à ce niveau-là.
• (17 h 20) •
Mme LeBel : Oui, surtout
qu'avec 52 % de candidatures féminines ces notions-là ont quand même
circulé, donc imaginez avec moins. Donc, je comprends que votre argumentaire
est le même, un peu, que pour favoriser la double candidature, c'est-à-dire
que... Et là je pense que vous mettez bien en lumière, par cette discussion-là,
le fait qu'il y a plusieurs principes qui s'affrontent quand on pense à changer
un mode de scrutin : il y a la proportionnalité, qui est... si on était,
ultimement, juste en faveur de la proportionnalité, on irait avec un mode de
scrutin de proportionnalité pure, là, si on veut dire, il y a l'émergence,
favoriser la pluralité politique ou l'émergence de nouveaux courants de pensée,
si on peut dire comme ça, il y a le poids des régions, la stabilité
gouvernementale. Donc, plusieurs principes s'affrontent et, nécessairement, ce
sont tous des principes importants, et, quand ils s'affrontent, nécessairement,
il y a des choix et des compromis à faire, et, nécessairement, on n'atteindra <pas
100 %
Mme LeBel : ...
l'émergence,
favoriser la pluralité politique ou l'émergence de nouveaux courants de pensée,
si on peut dire comme ça, il y a le poids des régions, la stabilité
gouvernementale. Donc, plusieurs principes s'affrontent et, nécessairement, ce sont
tous des principes importants, et, quand ils s'affrontent, nécessairement, il y
a des choix et des compromis à faire, et, nécessairement, on n'atteindra >pas
100 % de satisfaction dans chacun des items. Donc, vous le mettez en...
Donc, si on voulait atteindre 100 % de satisfaction au niveau des
modalités de parité, vous nous dites qu'à ce moment-là on atteindrait de façon
trop grande, à votre sens, le principe de l'émergence des nouveaux courants de
pensée — c'est ça? — de favoriser l'émergence ou de permettre
l'émergence.
M. Morissette (Guy) :
Bien, c'est ça, c'est que ça constitue des barrières à l'entrée, c'est une
expression empruntée, là, justement, là, au domaine, là, de la gestion, du
marketing, là. Et puis, c'est ça, effectivement, parfois, je veux dire, on a
des gens pleins de bonne volonté qui veulent se présenter pour nous, puis, au
début, quand un parti est en construction, bien, on ne peut pas toujours... on
n'a pas toujours le luxe, là, de refuser les gens qui veulent se présenter. Alors,
c'est ça, alors, si on rajoute des contraintes, bien là, les 101 candidats
qu'on a eus en 2018, 101 sur 125, ça aurait peut-être été plus faible que ça,
là. On a quand même réussi à avoir des femmes, des gens de minorités
ethnoculturelles. On a quand même réussi à en avoir en 2018 et on met toujours
des efforts pour en avoir. Mais, si on rajoute une contrainte, combinée à des
amendes, là, comme le proposaient certains autres intervenants, ça va
compliquer considérablement les choses pour les partis émergents comme le
nôtre, et le NPDQ, et le Parti vert, là, que vous allez voir au début de
février, là.
Mme LeBel : ...autre
lumière, là, sur ces aspects-là, merci beaucoup.
Nombre de régions, point sensible s'il en
est un, vous proposez, naturellement, et je le comprends... Le DGEQ ne
favorisait pas aucune option, présentait toutes les options, puis c'est bien de
le dire, parce que...
M. Morissette (Guy) : ...
Mme LeBel : Oui, il est
neutre, donc ce qu'il a fait, c'est l'analyse de plusieurs scénarios, et il
donnait les effets positifs et négatifs des différents scénarios. Donc, vous
avez raison de dire que, dans le scénario des régions, le plus... celui qui
avait l'effet le plus... d'avoir un impact plus positif sur la
proportionnalité, c'est le scénario de neuf régions administratives, effectivement.
Celui de 17 régions a peut-être un effet
moindre sur la proportionnalité, moins positif, on pourrait le dire de même,
mais a, à tout le moins, l'effet de préserver l'identité régionale, qui est un
autre principe que je n'ai pas nommé tantôt... qui est également un principe
que nous, comme gouvernement, nous devons tenir en compte dans l'élaboration
d'un nouveau mode de scrutin qui sera acceptable par tous. Parce que je vous
dis qu'une des grandes formes... Et vous l'avez dit, je pense, dans votre
présentation, le consensus est important. Nous recherchons un consensus.
Donc, neuf régions, parmi vos membres, les
gens qui sont de votre allégeance politique, avec qui vous discutez, n'est-ce
pas un problème? Est-ce que ça ne heurte pas certaines sensibilités?
M. Morissette (Guy) : Ça
ne constitue pas un problème. Bien sûr, bon, moi, je suis Montréalais, mon
collègue est de Québec, je ne suis pas né en région, je n'ai pas eu le plaisir
d'y grandir non plus, mais, quand même, on a sillonné le Québec en long et en
large, justement, pour notre engagement politique, on l'a fait, et le
ressentiment, l'insatisfaction, l'amertume, pour ne pas dire l'écoeurantite,
là, de certains électeurs de nos régions, c'est surtout dirigé vers la
métropole et la capitale, ou plus précisément vers l'impression qu'ils ont,
bonne ou mauvaise, les habitants de nos régions, que le gouvernement... que Montréal
et Québec monopolisent l'attention de nos dirigeants, de notre classe politique.
C'est surtout ça qui cause le ressentiment chez les électeurs en région. Donc,
bon, le député de Rimouski, qui en a parlé aujourd'hui et hier, tout ça, je
comprends parfaitement ses arguments, mais, quand on entend les doléances, les
plaintes qu'on entend des habitants en région, on n'entend pas les gens du Bas-du-Fleuve
se plaindre que la Gaspésie a trop d'attention du gouvernement, on les entend
se plaindre que Montréal et Québec ont trop l'attention du gouvernement.
Alors, on pense qu'en combinant les
régions les moins peuplées entre elles... bon, puis ça adonne que c'est nos
régions ressources, nos régions plus éloignées, celles qui sont moins densément
peuplées, en les combinant entre elles, on ne pense pas que ça va créer une
colère. On pense que ce qui pourrait créer une colère, c'est le fait d'accorder
encore un avantage aux électeurs montréalais, aux électeurs de la capitale, que
les gens de région ne jouiront pas… soit d'avoir une plus grande
proportionnalité. Les électeurs de Montréal, eux, ils vont jouir d'une plus
grande proportionnalité que les électeurs du Bas-du-Fleuve, les électeurs de
Gaspésie, de la Côte-Nord, et ainsi de suite, alors, c'est ça. Donc, si on dit :
Bon, O.K., on garde ça, 17 régions, bien là, faites attention au voeu que vous
faites, car il pourrait être exaucé, là. Je veux dire, là, les habitants des
régions vont dire : Bien, c'est ça, moi, je n'ai pas de chance de faire
élire un député d'un tiers parti, d'un petit parti, je n'ai pas la chance de
faire ça, alors que les gens de Montréal, de Québec puis peut-être, dans une
moindre mesure, de la Montérégie, eux, ils l'ont, cette opportunité-là.
Alors, ça pourrait aussi créer du ressentiment dans
les régions, de <garder 17 circonscriptions...
M. Morissette (Guy) :
...
car il pourrait être exaucé, là. Je veux dire, là, les habitants des
régions vont dire : Bien, c'est ça, moi, je n'ai pas de chance de faire
élire un député d'un tiers parti, d'un petit parti. Je n'ai pas la chance de
faire ça, alors que les gens de Montréal, de Québec puis peut-être, dans une
moindre mesure, de la Montérégie, eux, ils l'ont, cette opportunité-là.
Alors, ça pourrait aussi créer du ressentiment
dans les régions, de >garder 17 circonscriptions régionales... 17
régions électorales, excusez-moi.
Mme LeBel : Parfait.
Dernière question dans le peu de temps qu'il me reste. Vous avez été
cosignataire de l'article du Devoir également, en mai 2019, c'est quand
même un passé récent, où vous faisiez état du fait qu'afin de réclamer que, bon...
afin de réclamer qu'un chef de parti politique qui a reçu 2 % des voix
mais n'ayant pas réussi à faire élire des députés de circonscriptions de liste
obtienne tout de même un siège à l'Assemblée nationale. Vos collègues
prédécesseurs de l'autre parti ont dit : Bien, nous, on a abandonné cette
idée-là, c'était pour attirer votre attention, grosso modo, à toutes fins
pratiques, là... étant la mienne. Mais est-ce que cette idée-là, pour vous, est
encore une bonne idée? J'imagine que, si vous l'avez mise de l'avant en mai
2019, qui est dans un passé très récent, vous considériez que c'était une bonne
idée. Si oui, comment ça s'articule, là, dans tout ça?
M. Morissette (Guy) : Oui,
non... O.K. On est toujours pour cette idée-là, on ne va pas la renier.
L'affaire c'est que, justement, l'article est sorti en mai 2019, c'était avant
que vous déposiez votre projet de loi. Et là on considère que, bien, les trois
points que j'ai soulevés aujourd'hui sont plus importants que cela, donc, sont
plus importants, là, que cette revendication-là.
Mme LeBel : ...
M. Morissette (Guy) : Ça
fait plaisir.
Le Président (M. Bachand) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Oui, merci,
M. le Président. Bonjour, messieurs. Très intéressant, merci, une approche
intéressante.
Vous avez cité les cas de... vous avez
cité plusieurs pays, plusieurs situations, et tout ça. Moi, je veux que vous me
rassuriez. On parle d'instabilité possible quand on a un système comme celui-là,
ça serait plus instable que le système qu'on a en ce moment. On cite souvent
l'Allemagne comme exemple de mode de scrutin qui pourrait être appliqué chez
nous. Les dernières élections en Allemagne, en septembre 2018... on a eu les
élections en septembre 2018, et puis là ça a pris des mois avant d'avoir la
formation d'un gouvernement qui pouvait fonctionner. Alors, je me dis :
Bien, voyons, tout à coup qu'on est dans une situation comme ça, une situation
de crise, et que ça prend six mois avant de former un gouvernement de
coalition, comment on peut... Comment vous pouvez me rassurer là-dedans?
Comment, dans un système comme on propose, comme le projet de loi n° 39,
on pourrait éviter, justement, des situations comme ça où ça prend du temps à
former une coalition stable qui peut travailler, qui peut faire avancer les
choses?
M. Morissette (Guy) :
Avec les trois changements qu'on propose aujourd'hui, ça risque peu d'arriver,
parce que les coalitions auront peu de chances de nécessiter l'entente de plus
de deux partis, là. Quand même, avec les trois changements qu'on demande
aujourd'hui... Parce que la formule, bon, même sans la prime au vainqueur...
même si Mme la ministre enlève la prime au vainqueur de la formule, ça
demeure... c'est la formule D'Hondt, là, d'-h-o-n-d-t, là. Justement,
Mme Roberge, qui était là, hier, pourrait vous en parler plus en détail
que moi, mais cette formule-là, déjà, elle favorise les grands partis. C'est
déjà une formule qui favorise les grands partis. Même sans prime au vainqueur,
c'est une formule qui a tendance à favoriser les grands partis, alors il y
aurait peu de chances à se retrouver dans une situation où on aurait des
coalitions de plus de deux partis à former.
Et aussi, au niveau de l'instabilité, la
crainte de l'instabilité — c'est quelque chose qui est revenu souvent
aujourd'hui et hier, la crainte de l'instabilité — nous, on croit
qu'elle est injustifiée dans le contexte québécois, parce que... bien, il y a
principalement deux raisons. La première, encore une fois, je ne vous apprends
rien, c'est l'argent, hein, c'est l'argent. Depuis 2013, depuis que le
financement public des partis a été réformé par le ministre Drainville, à
l'époque, tout ça, les partis ne nagent pas dans l'argent. Un parti qui
déclenche des élections à répétition, qui... bien, qui provoque le
déclenchement d'élections à répétition, bien, à un moment donné, sa caisse
électorale serait vide et puis il n'aurait rien pour aller en campagne, il
n'aurait pas un sou pour aller en campagne, alors donc… Et c'est quelque chose
qu'on peut voir, en ce moment, sur la scène fédérale, ils disent que,
justement, le gouvernement Trudeau pourrait durer plus longtemps que le
gouvernement minoritaire précédent parce que, justement, le Bloc puis le NPD,
au fédéral, ont des fonds limités pour se relancer en élection, alors,
évidemment, ils vont être plus tentés d'appuyer le gouvernement en attendant,
donc...
Et la deuxième chose aussi, et ça, on l'a
vu dans notre système actuel, c'est que, souvent, les partis… on dirait qu'aucun
parti ne veut porter l'odieux... je ne sais pas si j'ai le droit de... bien,
tant que je ne le prête pas à une personne, là, aucun parti n'a envie de porter
l'odieux d'avoir déclenché une élection dont la population ne voulait pas,
hein? Si ça fait, par exemple, moins de deux ans que la population, que
l'électorat... qu'il y a eu des élections générales, bien, l'électorat pourrait
très bien décider de punir le parti qui a provoqué le déclenchement des
élections. Alors, il n'y a pas un parti qui veut porter l'odieux de cela.
• (17 h 30) •
Alors, on pense que ces deux choses-là,
donc l'argent et ne pas vouloir être le <parti...
>
17 h 30 (version révisée)
< M. Morissette (Guy) : ...
hein?
Si ça fait, par exemple, moins de deux ans que la population, que
l'électorat... qu'il y a eu des élections générales, bien, l'électorat pourrait
très bien décider de punir le parti qui a provoqué le déclenchement des
élections. Alors, il n'y a pas un parti qui veut porter l'odieux de cela.
Alors, on pense que ces deux choses-là,
donc l'argent et ne pas vouloir être le >parti qui déclenche les
élections dont les électeurs ne veulent pas, ça devrait être assez pour
dissuader des comportements qui amèneraient une instabilité au niveau de la
formation des gouvernements et le maintien en place des gouvernements.
Mme Robitaille : J'entends
ce que vous dites, mais on l'a vu à plusieurs endroits dans le monde, il y a...
quand on a des systèmes comme ça, proportionnels, on a moins de contrôle sur le
fait qu'un gouvernement se défait, ou quoi que ce soit, donc, nécessairement,
on a un gouvernement minoritaire fragilisé et, bon, donc, à partir de là, tout
est possible. Et donc...
M. Morissette (Guy) :
Donc, vous parliez de la nécessité, peut-être, d'introduire des...
Mme Robitaille :
D'encadrer les motions de censure, oui.
M. Morissette (Guy) :
Voilà, encadrer les motions de censure.
Mme Robitaille : Est-ce
que vous avez des propositions à cet effet-là?
M. Morissette (Guy) : O.K.
On ne s'est pas penchés sur ce thème-là en particulier, mais ce n'est pas une
chose à laquelle on s'opposerait. On ne pense pas que c'est essentiel, par
contre. Ce n'est pas une condition pour qu'on appuie le projet de loi n° 39, ce n'est pas une condition sine qua
non, mais ce n'est pas une chose à laquelle on s'opposerait non plus. Si un
parti de l'opposition, là, proposait ça comme amendement, on ne s'y opposerait pas non plus, mais on ne croit pas que c'est
nécessaire à cause des deux raisons que je viens de vous mentionner.
Mme Robitaille : Pour ce qui est d'un référendum, j'aimerais vous entendre là-dessus. Évidemment, vous êtes pour un référendum sur le projet de loi.
M. Morissette (Guy) :
Non, on pense que le premier ministre avait le mandat et... bon, a fait la
promesse et qu'il avait le mandat pour procéder à une réforme du mode de
scrutin sans passer par un référendum, parce que non seulement... bon, le
premier ministre l'a promis, mais également il ne faut pas oublier que la
majorité des électeurs, y compris certains électeurs de petits partis,
appuient... de petits partis, donc, appuient une proportionnelle mixte ou une
proportionnelle tout court. Et donc pas seulement les électeurs qui ont élu le
premier ministre et son parti, mais également les électeurs qui ont voté, bon,
pour tous les partis... bon, sauf le vôtre, mais les électeurs qui ont voté
pour d'autres partis appuient une réforme du mode de scrutin et le premier
ministre l'avait promis. Donc, on pense qu'il y avait suffisamment de
légitimité pour procéder à une réforme du mode de scrutin sans passer par un
référendum, et donc que le mode de scrutin pourrait entrer en fonction pour
2022, pour les élections générales de 2022.
Mme Robitaille :
Mais c'est quoi, votre position sur... bon, parce que, là, on veut un
référendum, nécessairement, c'est dans le projet de loi aussi. On dit : On
va faire un référendum en même temps que la campagne électorale. C'est quoi,
votre position là-dessus?
M. Morissette (Guy) :O.K. Bien, s'il faut qu'il y
ait un référendum, on préférerait
qu'il soit avant la campagne électorale autant que possible, pour les arguments qui ont déjà été mentionnés à
maintes reprises, pour que les électeurs se concentrent là-dessus. C'est sûr
que ce n'est pas un référendum comme
ceux de 1980 et 1995, où il y a énormément de choses à aborder quand on parle de fédéralisme versus indépendance,
là. Il n'y a pas autant de thèmes à aborder, de choses à expliquer que ça, mais
c'est quand même un enjeu important
dont il faut que la population puisse parler de cela.
Et aussi il y a une autre
raison qui n'a pas encore... je ne pense pas que ça a été mentionné par
d'autres intervenants, il y a une autre raison aussi, c'est qu'on ne veut pas
que la réforme du mode de scrutin
soit liée à la popularité ou l'impopularité du gouvernement ou des partis de l'opposition. Bon, là, présentement, évidemment, notre parti au
pouvoir est en... le parti qui est au pouvoir à l'Assemblée
nationale est en tête dans les sondages. Le premier ministre est, je crois encore, le premier ministre provincial le plus populaire au
pays, tout ça, bon, ça pourrait changer. Et aussi, bon, évidemment, il y a deux partis de l'opposition qui sont en course à la chefferie.
On ne veut pas que la victoire du camp du Oui ou du Non soit liée à la
popularité ou à l'impopularité d'un des nouveaux chefs de l'opposition ou du
chef du gouvernement. On veut vraiment que ça soit quelque chose de traité séparément,
là, et que les... bien, c'est ça, que les électeurs se penchent uniquement
là-dessus et que ça soit fait avant 2022 s'il faut qu'il y ait un référendum.
Mme Robitaille : Il me reste combien de temps?
Le Président (M. Bachand) : 2 min 20 s.
Mme Robitaille : Et donc on ne fait pas le référendum en même temps que les élections, de toute évidence.
M. Morissette (Guy) : Avant les élections, s'il faut qu'il y en ait un.
Mme Robitaille : Oui. Et l'idée que le chef du parti ne puisse pas mener la campagne du
Oui ou du Non, est-ce que ça, ça vous dérange? Quel rôle vous pensez que les
chefs de parti devraient avoir s'il y a un camp du Oui ou du Non, s'il y a un référendum?
M. Morissette (Guy) : Bien, Mme la ministre avait
dit : Ils ont quand même le
droit d'avoir une opinion là-dessus, là. Ce n'est pas... ils ne sont pas
tenus d'avoir la bouche cousue à ce sujet-là, donc.
Mme Robitaille : Oui,
donc, vous n'êtes pas mal à l'aise avec ça, là. Même si le chef du gouvernement
n'est pas le chef de la campagne du Oui, ça ne vous dérange pas?
M. Morissette (Guy) :Non, ce n'est pas quelque chose qui... C'est sûr qu'on pourrait
croire... On peut comprendre que certains partis de <l'opposition...
M. Morissette (Guy) :
...
là. Ce n'est pas... ils ne sont pas tenus
d'avoir la bouche cousue à ce sujet-là, donc.
Mme Robitaille : Oui,
donc vous n'êtes pas mal à l'aise avec ça, là. Même si le chef du gouvernement
n'est pas le chef de la campagne du Oui, ça ne vous dérange pas?
M. Morissette
(Guy) :Non, ce n'est pas quelque chose qui... C'est sûr qu'on
pourrait croire... On peut comprendre que certains partis de >l'opposition…
et on peut voir aussi pourquoi... bon, peut-être pourquoi Mme la ministre a
balisé ça dans le projet de loi n° 39. On peut voir
pourquoi certaines personnes diraient, au fond : Il pourrait y avoir un
conflit d'intérêts. C'est comme si... Imaginez-vous que vous allez à une
entrevue pour un emploi puis que vous dites à votre futur employeur exactement
les questions qu'il a le droit de vous poser dans l'entrevue qu'il va vous
faire, les sujets qu'il a le droit d'aborder, les sujets qu'il n'a pas le droit
d'aborder, tout ça, alors que c'est vous qui... C'est la même chose, au fond.
C'est la façon qu'on choisit nos dirigeants, donc la façon qu'un patron choisit
ses employés. Les patrons, c'est les électeurs. Et donc c'est sûr qu'on peut
voir qu'il y aurait peut-être un petit conflit d'intérêts à ce que les mêmes
gens qui s'adressent aux électeurs leur disent comment voter pour le même
système qui va les reporter ou non au pouvoir. Il pourrait y avoir un petit conflit
d'intérêts là-dedans, mais... Le député de Rimouski l'a dit maintes fois, là,
c'est certain que les électeurs vont vous poser la question, puis de ne pas
avoir le droit d'y répondre, de ne pas... tu sais, de vous censurer à ce
sujet-là.
Mme Robitaille : Merci.
Je n'ai pas d'autre...
Le Président (M. Bachand) :
Merci. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Moi, ce que
j'ai compris, j'aurais le droit de répondre, mais je ne pourrais pas être
porte-parole, je ne pourrais pas faire partie du camp du Oui, mais je pourrais
parler.
Ce que les gens des régions veulent, ce
n'est pas de dire qu'il y en a tout pour Québec ou pour Montréal, c'est le fait
que les pouvoirs sont centralisés à Québec puis que, quand on veut avoir des
choses en région, bien, il faut toujours passer par Dieu le Père, qui est à
Québec puis qui décide pour nous autres. On aimerait bien ça pouvoir prendre
nos décisions, puis c'est pour ça que le poids politique est important, que nos
députés sont importants, parce que c'est eux autres qui font le lien avec
Québec, avec les ministères. Ça fait que la présence des députés est importante
en région, puis l'accès aux députés est important.
Ça fait que je comprends ce que vous dites
par rapport à la proportionnalité, avoir le droit de voter pour un député, mais
pouvoir donner au moins ton point de vue sur un parti, mais, comme on parlait
un peu ce matin... je disais : Le monsieur de Blanc-Sablon qui est content
qu'il y ait élu un député de conservateur sur la liste, mais que le député
conservateur est basé à Jonquière, bien, il ne le verra pas bien, bien souvent.
Ça fait que c'est pour ça que...
M. Morissette (Guy) : En
personne, non, mais on est quand même en 2020, là.
M. LeBel : Oui, oui,
mais...
M. Morissette (Guy) : Je
comprends que vous n'aimez pas les visioconférences ou Skype, tout ça, là, mais,
je veux dire, ça peut régler quand même un certain nombre d'enjeux, là.
M. LeBel : Oui, mais,
regarde, si c'est des députés de visioconférences que vous visez, ça ne
marchera pas, ça ne passe pas.
Ça fait que, là, ce que je dis, la façon
de régler ça, d'arriver à ce qu'on nous propose, c'est de garder les 17 régions,
mais d'ajouter quatre députés, qu'on pourrait arriver, par ça, à trouver la
façon de garder le poids politique des régions, avoir accès à des députés et de
permettre à des gens de faire valoir leur position. Quatre députés, est-ce que
vous seriez d'accord... ou vous dire : Est-ce qu'on est bloqués à 125?
Est-ce qu'on pourrait parler de quatre députés nouveaux, qui nous
permettraient... permettraient à la ministre de passer à travers son projet de
loi? Parce que, si on ramène ça à 10 régions, je vais vous dire, il va y
avoir une levée de boucliers, puis on n'y arrivera pas. Ça fait qu'il faut
garder les 17 régions, quatre députés, pour passer le projet de loi.
M. Morissette (Guy) : Je
ne suis pas convaincu à 100 % qu'il y aurait une telle levée de boucliers.
Je veux dire, c'est pour la proportionnalité. Tu sais, je veux dire, on ne leur
demande pas de se sacrifier pour ne rien obtenir en retour, on leur demande :
Écoutez, acceptez, par exemple... bon, Bas-du-Fleuve et Gaspésie, acceptez
d'être une seule région au niveau électoral, pas au niveau des centres intégrés
de santé et services sociaux, puis des choses comme ça, là, purement au niveau
électoral, pour avoir la même proportionnalité que les électeurs de Montréal et
Québec ou une proportionnalité comparable aux électeurs des centres urbains.
Alors, on ne leur demande pas de sacrifier leur identité régionale. Bien,
premièrement, justement, je ne pense pas que ça va faire disparaître l'identité
régionale, le simple fait d'être regroupés dans une région électorale.
M. LeBel : Je vous invite
à venir dire ça aux Gaspésiens. Vous allez voir, vous allez avoir du plaisir.
Le Président (M. Bachand) :
Merci.
M. LeBel : Je vais aller
assister à votre...
Des voix
: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
• (17 h 40) •
Mme Fournier
:
Oui, merci beaucoup. Bien, merci pour votre présentation. Pas de langue de
bois, je pense qu'on aime ça. Si je peux renchérir sur les questions de la
collègue de Bourassa-Sauvé, qui évoquait, justement, tous ceux qui ont
l'argument de l'instabilité que la réforme du mode de scrutin pourrait induire
à l'Assemblée nationale, je pense que vous y avez bien répondu. Moi non plus,
ça ne m'inquiète pas, parce que je n'ai effectivement pas l'impression qu'avec
le système de financement public que nous avons ni la... disons, l'épée de
Damoclès où la perception publique peut peser sur les épaules des partis
politiques qui déclenchent des élections alors que le mandat a été très court.
Je pense que ça, ce sont des freins très importants pour, disons… qui assurent,
en contrepartie, une meilleure stabilité.
Ceci dit, il y a cette perception-là quand
même, là, dans la population. On le voit, on l'entend, notamment dans les
médias. Donc, en ce sens-là, où ce n'est peut-être pas obligatoire, ce n'est
peut-être pas... mais ce serait intéressant quand même <d'avoir,
justement...
Mme Fournier : ...disons…
qui assurent, en contrepartie, une meilleure stabilité.
Ceci dit, il y a cette perception-là,
quand même, là, dans la population. On le voit, on l'entend, notamment dans les
médias. Donc, en ce sens-là, où ce n'est peut-être pas obligatoire, ce n'est
peut-être pas... mais ce serait intéressant quand même >d'avoir,
justement, l'encadrement des motions de censure pour, du moins, rassurer la population.
Est-ce que vous êtes d'accord?
M. Morissette (Guy) :
Oui, c'est ça. Ce n'est pas une mesure à laquelle on s'oppose, mais c'est comme
j'avais dit à propos, justement, de la parité... non, pas à propos de la
parité, mais plutôt, comme j'avais dit... ah oui, c'est ça, c'est l'entrée des
chefs à l'Assemblée nationale, des chefs de tiers partis, tout ça, c'est que ce
n'est pas quelque chose qu'on considérait comme étant d'importance aussi
capitale, là, que les trois points qu'on a soulevés aujourd'hui. Mais, effectivement,
encadrer les motions de censure, comme ça se fait en Allemagne et peut-être
ailleurs, ce n'est pas une chose à laquelle on s'opposerait, mais ce n'est pas
non plus une condition sine qua non pour qu'on appuie le projet de loi n° 39.
Mme Fournier : Je
comprends, ce n'est peut-être pas capital pour changer le projet de loi qu'on a
devant les yeux, mais c'est peut-être capital pour que ce soit accepté par la majorité
la population. Puis je pense qu'autant... je pense que vous êtes favorables à
la réforme du mode de scrutin peu importe, peut-être, les changements qui sont
adoptés dans le projet de loi, mais je pense que ça, c'est important à être
considéré.
M. Morissette (Guy) : Les
craintes d'instabilité sont... je crois qu'elles sont tout simplement
injustifiées, là. La formule... va quand même favoriser les grands partis, on
ne se retrouvera pas avec 20 partis à l'Assemblée nationale du Québec. On va peut-être
en avoir, tu sais, à la limite, trois plus... peut-être le mien, celui de M. Fortin,
celui de M. Tyrrell, mais on ne se retrouvera pas avec 10 partis de
plus à l'Assemblée nationale, puis je ne pense pas qu'on va avoir besoin de
coalitions de trois, quatre, cinq partis pour gouverner, là. Et puis, encore
une fois, au risque de me répéter, je veux dire, les partis ne nagent pas dans
l'argent, alors, s'ils déclenchent des élections, il faut qu'ils aient une
caisse électorale, il faut qu'ils soient prêts à les financer, ces
élections-là, alors... puis c'est ça.
Et il y a aussi la foudre des électeurs.
On l'a vu ici même, dans le système actuel, on l'a vu au fédéral, on l'a vu au
provincial, des partis être pénalisés, être punis par les électeurs pour avoir
déclenché trop tôt des élections.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Merci beaucoup de votre contribution aux travaux.
La commission ajourne ses travaux, justement,
jusqu'au mardi 4 février, après les affaires courantes, où elle va
poursuivre son mandat. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 42)