Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
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Le
mardi 30 novembre 2021
-
Vol. 46 N° 10
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d’état civil
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10 h (version non révisée)
(Dix heures)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît. Bon
matin. Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte la séance de la Commission
des institutions. Avant d'aller plus loin, je suis bien content de vous revoir,
surtout, de vous voir, et j'aimerais profiter de l'occasion aussi pour
remercier le vice-président de la commission, le député de Viau, pour sa grande
disponibilité lors de mon absence.
Donc, la commission est réunie afin de
procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi numéro 2, Loi portant sur la réforme du
droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en
matière de droits de la personnalité et d'état civil.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président, M. Rousselle, Vimont, est remplacé par Mme Nichols, Vaudreuil;
Madame Weil, Notre Dame de Grâce, est remplacée par Madame Maccarone, Westmount
Saint-Louis; et Monsieur Zanetti, Jean-Lesage, est remplacé par Monsieur Leduc,
Hochelaga-Maisonneuve.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, nous
allons débuter par les remarques préliminaires puis nous entendrons les groupes
suivants, soit l'Association professionnelle des notaires du Québec et, par
après, le Conseil du statut de la femme.
Nous en sommes donc maintenant aux
remarques préliminaires, et je cède la parole au ministre de la Justice pour
une période de cinq minutes 34 secondes. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, M.
le Président. Bonjour, chers collègues. Heureux de vous retrouver pour le début
des consultations du projet de loi numéro 2. La dernière réforme majeure du
droit de la famille, que nous devons à feu Marc-André Bédard, remonte à 1980. À
l'époque, cette réforme avait été salutaire pour les familles québécoises, mais
quarante ans plus tard, les besoins et les réalités des familles ont
considérablement changé. Une nouvelle réforme du droit de la famille se fait
donc attendre depuis de nombreuses années.
Le 21 octobre dernier, le gouvernement du
Québec présentait le projet de loi numéro 2, qui constitue le premier jalon de
la réforme du droit de la famille. Et aujourd'hui, nous entamons l'étape importante
des consultations particulières. Nous atteindrons, au cours des prochains
jours, plusieurs citoyens, experts, organismes et groupes, et nous sommes très
heureux de pouvoir bénéficier de leur contribution pour offrir aux familles
québécoises un projet de loi qui répondra à leurs besoins. Le principe
fondamental qui a guidé toutes nos décisions durant l'élaboration de ce projet
de loi est : les enfants d'abord. En effet, le meilleur intérêt de l'enfant
était au cœur de notre action tout au long de nos travaux. L'un des piliers de
la réforme que nous proposons et la connaissance des origines. Il s'agit d'un
besoin essentiel pour de nombreux enfants, qu'ils soient adoptés ou nés à la
suite d'un don de gamètes. Tout enfant qui le souhaite devrait avoir accès à
ses origines et pouvoir s'approprier son identité, son histoire. C'est l'objectif
du projet de loi 2. Nous proposons même d'en faire un droit fondamental inscrit
à la Charte des droits et libertés de la personne.
Une attention particulière a aussi été
accordée à la violence familiale dans la réforme. Ainsi, il sera désormais
obligatoire de prendre en considération la présence de violence familiale dans
toutes les décisions qui concernent l'enfant. Au moment du dépôt, plusieurs se
sont dits surpris que cela ne soit pas déjà le cas. C'est en effet une lacune
qui aurait dû être corrigée il y a fort longtemps. Nous venons par ailleurs
garantir à tous les enfants qui font l'objet d'une intervention à la protection
de la jeunesse l'admissibilité universelle à l'aide juridique, puis des mesures
visant à empêcher une personne qui se représente seule de contre interroger une
personne victime de violences familiales ou de violences sexuelles sont aussi
prévues au projet de loi.
En outre, des solutions sont déployées
pour mieux soutenir les familles lors du décès d'un conjoint. Désormais, si un
conjoint de fait décède pendant la grossesse de sa conjointe. Il pourra être
reconnu comme parent sans avoir à passer par les tribunaux, ce qui n'est
actuellement possible que lorsque le couple était marié. Il s'agit d'une
situation injuste qui cause préjudice à l'enfant et à laquelle nous mettons fin
une fois pour toutes. Et ici, nous avons aussi envie de dire : Il était
plus que temps d'agir. Le projet de loi numéro 2 mettra également fin au gel du
compte conjoint, ce qui permettait à l'autre conjoint de continuer à
subvenir... ce qui permettra à l'autre conjoint de continuer de subvenir aux
besoins de sa famille.
Le projet de loi vise aussi à encadrer les
nouvelles façons de fonder une famille, soit par le recours à la gestation pour
autrui. Le Code civil actuel en nie l'existence, mais le fait que... des
enfants naissent de gestation pour autrui au Québec. Nous proposons donc un
processus clair, prévisible et surtout sécuritaire qui assure à la fois le
meilleur intérêt de l'enfant à naître et la protection des droits de la femme
qui l'a porté. Un rattrapage s'impose au Québec sur cette question, alors que
déjà 8 provinces et territoires canadiens ont agi en encadrant cette pratique
depuis 2007. Le Code civil doit également être revu et modernisé en ce qui a
trait aux règles en matière de filiation, d'adoption et de tutelle supplétive.
De nouvelles mesures permettant à un enfant adopté de maintenir des échanges ou
des relations avec certains membres de sa famille d'origine qui peuvent lui
être significatifs sont notamment proposées. Nous élargissons et valorisons le
concept de la tutelle supplétive, encore une fois, lorsque c'est dans le
meilleur intérêt de l'enfant.
En ce qui concerne les mesures sur le sexe
et l'identité de genre proposées en réponse au jugement dans la cause qui
implique le Centre de lutte contre l'oppression des genres, vous avez pu
constater, au cours des dernières semaines, que des...
M. Jolin-Barrette : ...a été
soulevée. Nous sommes très sensibles aux préoccupations qui ont été partagées
par la communauté LGBTQ et avons déjà annoncé que des changements seraient
effectués. L'exigence d'une opération pour modifier la mention de sexe sera éliminée
et nous nous assurerons que la solution qui sera développée ne puisse pas être
perçue comme étant un coming out forcé pour qui que ce soit.
Nous le réitérons, notre objectif a
toujours été de mieux répondre aux jugements et de mieux refléter les réalités
des familles LGBTQ. Notre démarche n'a jamais visé à compliquer le processus d'affirmation
des personnes trans.
Le projet de loi 2 aborde des sujets
délicats qui ont été évités trop longtemps au Québec par l'Assemblée nationale,
mais dont il est nécessaire de discuter. Nous vous sommes reconnaissants d'être
parmi nous aujourd'hui pour nous partager votre point de vue. La collaboration
de tous les groupes est essentielle pour le gouvernement et pour les familles
québécoises et ce projet de loi permettra une nette avancée significative pour
l'intérêt des enfants et les familles québécoises. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
Alors, j'invite donc maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et
député de Lafontaine à faire ses remarques primaires pour 3 minutes 43
secondes.
M. Tanguay : Parfait. Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer. Très heureux, très
heureux, honnêtement, M. le Président, de vous retrouver à présider nos
travaux. Vous avez toute notre confiance et je pense qu'on a su développer une
belle façon de fonctionner. Alors, chapeau à vous! C'est tout à votre crédit. J'aimerais
saluer le ministre, les collègues de la banquette ministérielle, celles et ceux
qui accompagnent le ministre également et les collègues des autres oppositions.
Un salut tout particulier à ma collègue
députée de Westmount St-Louis, qui est entre autres porte-parole pour la
communauté LGBTQ2 LGBTQ2 qui sera une ressource, une participante très active
et importante dans ce dossier, réforme du droit de la famille. Il y a déjà,
avant même que les auditions aient commencé, il y a déjà un combat qui a eu
lieu, semble-t-il. Il y aura des avancées qui seront constatées dans les
amendements. Mais ça dénote toute la vigilance de ma collègue de Westmount
Saint-Louis, notamment avec les autres collègues également. Puis on va s'assurer
que le travail soit fait. En 3 minutes 40. J'aurais tellement de choses à dire.
Je vais également, M. le Président,
prendre le temps de saluer, prendre le temps de saluer ma collègue de Vaudreuil
qui participera aussi à nos travaux, qui a une formation en droit et qui sera
excessivement efficace dans les questionnements.
Le ministre dit : une réforme qui a
attendu trop longtemps, le rapport Roy, juin 2015 et on se retrouve aujourd'hui
en 2021, fin 2021, donc, il y a plus de six ans, six ans et demi déçus du
rapport Roy presque.
On nous a annoncé, parce qu'il y a
beaucoup d'éléments, qu'il y aura un second projet de loi. Celui-ci, le projet
de loi 2 est sur essentiellement, comme on le sait, là, la filiation, mère
porteuse, donc gestation pour autrui. Il y a également présomption de paternité
en termes de filiation, possession d'état, connaissance d'origine, relations
avec les beaux-parents, grands-parents. Il y a énormément de sujets qui seront
touchés, mais notamment, évidemment, les amendements annoncés quant à la
mention du sexe.
Donc, pour atteindre notre objectif
collectivement d'effectuer un rattrapage de la réforme du droit par une réforme
du droit de la famille, nous déplorons, puis le mot est tout à fait
réglementaire et se dit, le fait qu'il y a eu un projet de loi déposé mais à la
toute dernière minute. Et nous, si nous travaillons de façon excessivement
efficace, notre ambition, c'est de faire en sorte qu'il soit adopté avant la
dernière session parlementaire qui finit en juin prochain. 360 articles, ça
arrive un petit peu tard et là, on nous promet un deuxième projet de loi. Ça, c'est
un élément que l'on ne peut que déplorer.
Autre chose également, M. le Président, je
l'avais dit au ministre dans les crédits, ne mettez pas dans ce projet de loi
là le jugement Moore, le jugement Moore qui faisait en sorte que vous pouviez
faire en sorte qu'un parent soit ajouté à la possibilité des cases mères pères
parent. Ça, c'était dû par un jugement pour le 31 décembre, ça ne se fera pas.
Il y a une demande de prolongation qui a été donnée, je pense, jusqu'en juin.
Il aurait fallu sortir ça pour faire avancer le Québec dès cet automne
là-dessus. Même chose pour identité de genre et mention de sexe, faire ce
débat-là de façon distincte. Ça ne se fera pas de cette façon-là.
Notre collaboration vous est acquise pour
les familles du Québec. Je tiens à dire qu'il y a des questions excessivement
délicates qui sont devant nous et on va prendre le temps de les analyser avec
tout le sérieux requis.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député.
Maintenant, j'invite le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député
d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires pour un petit 56
secondes. M. le député, s'il vous plaît.
M. Leduc : Très rapidement.
Bonjour tout le monde, bien heureux d'être ici...
M. Leduc : ...avec ces
travaux, vous annoncer que je vais, moi aussi, céder ma place de temps à autre,
à ma collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques, qui va venir me remplacer, en
particulier sur les enjeux trans et intersexes.
Moi, j'ai deux de déception aujourd'hui.
La première, c'est le nombre d'intervenants que nous allons entendre dans les
prochains jours. Encore une fois, comme c'est le cas dans plusieurs autres
projets de loi, la liste est particulièrement courte, alors que c'est un projet
de loi substantiel, 360 articles, comme on disait tantôt. Donc, c'est bien en
deçà de mes attentes. Mais on va évidemment vous écouter et vous poser des
questions avec tout le sérieux qui est le nôtre. Finalement, ma deuxième
déception, M. le Président, c'est que le ministre a annoncé qu'il y avait des
amendements, qu'il allait réagir, et pourrait avoir été assis dans la chaise de
ceux qui vont venir présenter aujourd'hui, dans mon ancien emploi, préparer un
mémoire sur des amendements sur lesquels on ne connaît ni la nature ni l'intention,
c'est vraiment un exercice qui est désagréable. Le ministre aurait pu éviter
cette situation-là, mais bon, il les déposera plus tard. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député, avant de
poursuivre, je comprends qu'il y a consentement pour permettre à la députée de
Sainte-Marie-Saint-Jacques de participer à cette séance.
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Donc, j'invite
maintenant la porte-parole du troisième groupe d'opposition et députée de
Joliette à faire ses remarques préliminaires pour aussi un petit 56 secondes.
• (10 h 10) •
Mme Hivon : Merci beaucoup, M.
le Président. Très heureuse, moi aussi, de vous retrouver, de retrouver les
collègues, le ministre, toute son équipe et les collègues de l'opposition.
Donc, très rapidement, on amorce aujourd'hui des travaux extrêmement
importants. Ce n'est pas tous les jours... ça fait 40 ans qu'on n'a pas modifié
notre droit de la famille. On se réjouit qu'on le fasse enfin. Je veux
souligner d'ailleurs... bien, un de mes anciens collègues, un des prédécesseurs
du ministre actuel, Bertrand St-Arnaud, qui, lorsqu'on était au gouvernement,
avait commandé le rapport du comité consultatif présidé par maître Alain Roy,
qui a jeté les bases d'une discussion plus large dans la société. Je souhaite
que cette discussion-là, on la prenne avec beaucoup d'ouverture avec tous les
groupes. Le droit de la famille doit refléter ce qui nous est amené de la
société, et donc ce dialogue-là, il doit être ouvert. J'aurais souhaité aussi
qu'il soit plus ouvert et plus étendu. On va faire le maximum pour être à l'écoute
et arriver avec le meilleur projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Nous allons
maintenant débuter avec les auditions. Donc, je souhaite la bienvenue aux
représentants de l'Association professionnelle des notaires du Québec. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé. Encore une fois, merci
d'être avec nous ce matin. La parole est à vous.
M. Houle (Kevin) : Merci.
Donc, M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés
membres de la Commission des Institutions. D'abord, permettez-moi de saluer
tous les efforts ayant permis la mise en place de cet énorme chantier
législatif. Je vous présente la collègue qui m'accompagne, Me Tania Marineau,
notaire praticienne spécialisée en droit de la famille et en adoption
intrafamiliale. Elle est l'une des rédactrices du mémoire que nous avons déposé
hier au nom de l'Association professionnelle des notaires du Québec, donc l'AMNQ.
Me Marineau a également pratiqué dans le cadre d'un dossier de mères porteuses
où elle a accompagné un jeune couple à compléter des étapes judiciaires
obligatoires, soit la procédure d'adoption par consentement spécial suivant la
signature de contrats de substitution entre ses clients et une mère porteuse
pour la fécondation in vitro, permettant ainsi donc à la femme qui ne pouvait
être enceinte d'adopter l'enfant qu'elle avait conçu avec son conjoint.
Et pour ma part, eh bien, je suis
président de l'Association professionnelle des notaires du Québec. Donc, en ce
qui concerne l'APNQ, il s'agit d'un organisme à but non lucratif fondé depuis
plus de 25 ans et dédié à la défense des intérêts socioéconomiques de ses
membres, donc des notaires. L'Association regroupe quelque 1750 notaires répartis
sur l'ensemble du territoire québécois, soit près de 50 % des membres de la
profession notariale. L'ABNQ œuvre au rayonnement de la carrière et prône l'implication
et les atouts des notaires, ces juristes polyvalents, à la fois officiers
publics impartiaux et conseillers juridiques. Nous rappelons que les notaires
sont dans toutes les régions du Québec et offrent donc des services à toute la
population québécoise. En plus de sa mission première. l'APNQ est concernée par
la protection des droits et des intérêts des Québécois. Au cours de son
existence, l'APNQ a étudié de nombreux projets de lois ou de règlements ayant
eu le potentiel d'avoir un impact favorable sur nos concitoyens.
L'APNQ est donc, par conséquent, heureuse
de participer aux présentes consultations particulières sur le projet de loi
numéro 2 afin de faire part à la Commission de ses observations sur le sujet.
Car ce projet de loi aura bien certainement un impact sur la pratique des
notaires, notamment en droit des successions et bien certainement en droit de
la famille. Les notaires sont parmi les mieux placés pour constater qu'effectivement
le droit actuel ne représente plus les réalités des familles d'aujourd'hui. Les
notaires québécois étant présents auprès des familles depuis plus de trois
siècles, un lien de confiance particulièrement étroit s'est développé avec les
Québécois. Année après année, les notaires peuvent compter sur une place très
enviable dans le palmarès des professions en lesquelles la population a le plus
confiance.
Maintenant, sur le point de vue
international, nous rappelons que le notariat québécois est membre de l'Union
internationale du notariat latin. Ce regroupement procure aux notaires du
Québec un réseau exceptionnel de notaires dans plus de 89 pays à travers le
monde. Ainsi, il est possible pour un notaire québécois d'établir des
coopérations avec des notaires de ces pays afin de collaborer pour recevoir la
signature de...
M. Houle (Kevin) :
...personnes domiciliées dans ces pays. C'est le cas, entre autres, depuis
2019, avec la convention de coopération entre les notaires de France et du
Québec.
Bien que notre mémoire porte sur plusieurs
dispositions du projet de loi, ce sont surtout celles concernant les
conventions notariées de gestation pour autrui, donc connues comme étant des
conventions de mères porteuses, qui ont attiré notre attention. À cet effet, le
législateur a simplifié le processus, pour les parents d'intention, avec des
dispositions actuelles du projet de loi permettant donc une voie
administrative, par opposition à une voie judiciaire, aux parents... aux
parties, pardon, désirant concrétiser un projet parental.
Cela étant, il se doit, dans cette
procédure déjudiciarisée, d'assurer la protection de tous les signataires de l'entente,
impliquant effectivement l'enfant à naître bien évidemment. Afin de bien
protéger les parties au contrat de gestation pour autrui ainsi que l'enfant à
naître et d'assurer le respect des formalités requises, l'APNQ salue le choix
du législateur de privilégier l'acte notarié en minute obligeant ainsi l'intervention
d'un officier public qu'est le notaire. Les conditions de fond et de forme
imposées pour une telle convention visent, selon nous, notamment, à éviter les
abus envers la femme ou la personne qui portera l'enfant, mais surtout pour
assurer l'affiliation à l'acte dans un contexte totalement déjudiciarisé.
L'APNQ rappelle que les notaires agissent
déjà depuis des décennies à titre d'auxiliaire de justice dans le cadre de
procédure contentieuse telles que l'homologation de testament notarié et de
mandat de protection et l'ouverture d'un régime de protection. Les notaires ont
donc déjà les compétences requises pour conseiller plusieurs parties tout en
protégeant les intérêts d'une personne concernée ou plus vulnérable. On peut
penser ici à l'enfant à naître, par exemple.
Bien que l'acte notarié soit très répandu
dans les pays de droit latin, comme je vous le disais un peu plus haut, tout
près de 89 pays, dont la France, la Belgique, Italie, l'Espagne et le Mexique,
pour ne nommer que ceux-là, il s'agit d'un outil dont seul le législateur
québécois dispose en Amérique du Nord. D'ailleurs, à plusieurs occasions, le
législateur a pu soutirer profit de cet avantageux moyen mis à sa disposition
afin de sécuriser les parties pouvant être en situation de vulnérabilité dans
le cadre de la conclusion d'un contrat ou encore pour donner le caractère
authentique au document en question. Les exemples en droit québécois sont
nombreux. On peut penser au contrat de mariage, l'acte de renonciation à une
succession, la déclaration de copropriété divise, l'acte d'hypothèque
immobilière, etc.
Permettez-moi maintenant de vous énumérer
les principaux avantages exclusifs à l'acte notarié en minute. Donc, d'abord,
le notaire est un officier... un officier public, pardon, qui collabore à l'administration
de la justice. L'acte notarié en minute permet d'assurer que toutes les parties
reçoivent des conseils juridiques impartiaux, et ce nonobstant que les
honoraires du notaire soient acquittés que par une seule des parties. C'est un
fait important. Le notaire en tant qu'officier public est tenu de conseiller
toutes les parties à l'acte. Il a un devoir de conseil très large. Il doit
vérifier leur capacité ainsi que leur consentement. Cette vérification
obligatoire est donc le risque qu'une des parties à l'acte l'ait signé sous
contrainte.
Au niveau de la vérification des
formalités requises, l'acte notarié en minute permet qu'un juriste impartial
vérifie le respect des formalités requises, notamment en ce qui concerne l'attestation
de consultation psychosociale requise selon les termes du projet de loi actuel,
laquelle l'attestation pourrait être annexée à l'acte notarié en minute afin d'en
assurer sa conservation. Voici d'autres exemples. Selon les termes actuels du
projet de loi, la femme ou la personne qui portera l'enfant doit avoir au moins
21 ans et les parents d'intention doivent résider au Québec depuis au moins 12
mois. Ce sont donc des éléments que le notaire pourra vérifier, évidemment.
Au niveau du droit de la preuve, l'acte
notarié en minute est un acte authentique qui fait preuve de son contenu,
bénéficie également d'un grand avantage en ce qui concerne le droit de la
preuve. Sous réserve de l'inscription en faux, procédure qui est tout de même
rare, ayant des conditions strictes, le contenu et les énoncés dans l'acte
seront à l'abri des contestations. L'une des obligations du notaire, officier
public, est de confirmer la date de signature de l'acte notarié. Encore une
fois, selon les termes actuels, du projet de loi, une telle convention doit
être signée antérieurement à la grossesse dans le cadre de la procédure dite
administrative. Donc, l'acte notarié apparaît donc ici comme étant l'acte par
excellence pour assurer le respect de cette condition et sa preuve devant tous.
Aussi, les actes notariés en minute sont
conservés dans le greffe des notaires et lequel greffe fait l'objet d'une
stricte réglementation protégeant les minutes, donc l'acte original, de pertes,
de destructions ou d'altérations.
Et également le notaire pourrait émettre
plusieurs copies certifiées conformes de la convention. Chaque copie ayant la
même valeur que l'original, ce sont des copies dites authentiques. Ces copies
peuvent aussi prend la forme d'extraits authentiques. Cette méthode permettrait
ainsi d'assurer la remise d'une copie authentique de la convention de gestation
pour autrui à qui de droit, dont le Directeur de l'état civil, tout en retirant
de ses copies les sections confidentielles qui pourraient ne pas être
obligatoires selon la loi et les règlements.
Pour toutes ces raisons, l'APNQ tient à
souligner la grande vigilance du législateur qui intègre, dans ce projet de
loi, la forme notariée comme choix privilégié de forme de contrat. Ainsi nous
reconnaissons que le législateur québécois assume pleinement ses
responsabilités en garantissant une sécurité juridique aux Québécois et
Québécoises tout en désengorgeant les tribunaux, en tirant profit positivement
des compétences des notaires, officiers publics.
• (10 h 20) •
Il y a également un autre point, mais...
M. Houle (Kevin) : ...Au-delà
de la Convention de gestation pour autrui, eh bien l'APNQ salue aussi plusieurs
autres actions, dont celles visant les nouvelles règles concernant le
traitement des sommes détenues dans un compte conjoint au moment du décès de l'un
des deux conjoints ou ex-conjoints. Cela va permettre de dénouer beaucoup d'impasses
lors de règlements de succession.
Plusieurs notaires constatent que bien
souvent, au lendemain d'un décès, le conjoint survivant se précipite au guichet
automatique pour retirer les sommes d'argent nécessaires pour continuer à
subvenir à ses besoins et par peur que ce compte soit gelé, comme on dit, donc
par les questions financières. Ce faisant, il risque sans le vouloir accepter
de façon tacite la succession. Heureusement, les dispositions actuelles du
projet de loi font en sorte que, sur simple demande, l'institution financière
devrait remettre au cotitulaire survivant, au liquidateur ou bien au
liquidateur de la succession du cotitulaire décédé sa juste part du compte
conjoint détenu par eux cette institution.
De ce fait, on évitera beaucoup de
discussions, de tergiversations et d'incertitudes quant à la détermination de l'actif
successoral. Surtout, le législateur a au passage réglé l'impasse pouvant
conduire à une acceptation de succession involontaire en précisant que si la
remise d'une part d'un compte conjoint au cotitulaire survivant est supérieure
à celle à laquelle il aurait droit, cela ne sera pas automatiquement considéré
comme une acceptation par ce cotitulaire de la succession du conjoint ou
ex-conjoint qu'au titulaire défunt. Cette précision est majeure et importante
dans le cadre d'un règlement d'une succession afin de bien sécuriser les
parties en cause.
En conclusion, l'APNQ tient à réitérer sa
satisfaction et son enthousiasme face à la démarche du gouvernement de procéder
à la présente consultation particulière visant à débuter le titanesque chantier
de la réforme du droit de la famille au Québec. En ce sens, l'Association
professionnelle des notaires du Québec croit qu'il est important d'agir
collectivement afin de bien démarrer ce processus visant à adopter le projet de
loi numéro 2, lequel sera nécessairement suivi d'autres pièces législatives
afin de faire le tour des nombreuses recommandations du Comité consultatif sur
le droit de la famille, mieux connu comme étant le rapport Roy.
L'APNQ a donc soumis ses analyses et
recommandations en lien avec la présente consultation particulière dans le but
de l'atteinte des protections maximales recherchées pour les citoyens et en
plaçant l'intérêt de l'enfant au centre de ses préoccupations. Le notaire étant
déjà au coeur de la vie des justiciables depuis des siècles et le droit de la
famille faisant partie du quotidien des notaires, l'APNQ tient à exprimer aux
membres de la Commission des institutions son désir de collaborer à la mise en
oeuvre du projet de loi numéro deux, de ses règlements d'application et des
recommandations proposées dans le présent mémoire.
M. le Président, ma présentation orale est
étant faite, nous sommes maintenant disposés, ma consoeur et moi, à répondre
aux questions des membres de la commission.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, maître Houle. Alors, nous allons débuter la
période d'échanges, M. le ministre, pour une période de 16 minutes 15 secondes.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président, Maître Houle, Me Marineau. Bonjour, merci de participer aux
travaux de la commission. Donc, on débute avec l'Association professionnelle
des notaires du Québec, on lance les consultations avec vous, donc vous êtes
les premiers à commenter le projet de loi.
Donc, je dois comprendre à vos propos que
vous recevez assez positivement le projet de loi puis que vous notez que c'est
une nette avancée pour le droit de la famille au Québec. D'entrée de jeu.
Excusez-moi, il y a un petit retour de son, d'entrée de jeu, je voudrais
discuter avec vous, là, de la gestation pour autrui. À l'époque, en 2019, ma
collègue, la présidente du Conseil du trésor ainsi que le député de Chapleau
avaient fait une tournée... de consultation. Puis vous avez déposé un mémoire à
l'époque également, qui visait à faire en sorte que la gestation pour autrui
soit encadrée par le notaire par une convention notariée.
Donc, avec ce que nous proposons, vous
êtes à l'aise avec ce que nous proposons qu'un contrat de gestation pour
autrui, ça passe devant le notaire. Je vous dirais pourquoi est ce que c'est
important que ça passe devant le notaire puis quel est le rôle du notaire dans
ces circonstances-là?
M. Houle (Kevin) : Bien,
effectivement, donc merci pour la question, mais pourquoi c'est important que
ça passe avant le notaire et qu'est ce que le notaire fera dans un contexte
comme celui-là? Pourquoi d'abord, mais c'est parce que l'acte sera notarié donc
authentique et surtout les parties qui auront signé l'acte, le contrat auront
reçu tous les conseils juridiques d'un notaire, donc d'un conseiller juridique
impartial, et ce, peu importe qui a acquittera les honoraires du notaire.
Donc par exemple, la mère porteuse ou la
personne qui portera l'enfant ne pourra pas considérer que le contrat a été
rédigé à l'avantage des parents d'intention, par exemple, ou vice versa. De
toute manière, le notaire est un conseiller juridique impartial, devra donner
toutes les explications à toutes les parties. Donc... j'y réponds... Allez-y!
M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce
qui arriverait dans une situation où, avec le projet de loi qui est adopté, le
notaire réalise que, supposons du côté de la mère porteuse, le consentement n'est
pas nécessairement libre et éclairé. C'est quoi le rôle du notaire lorsqu'une
situation comme celle-ci se présenterait?
M. Houle (Kevin) : Oui. L'ultime
option d'un notaire dans un cas semblable est de refuser la signature donc de
refuser d'instrumenter l'acte. Donc, dans un cas comme celui-là, on met fin à
la séance et évidemment, là, on refixe une autre...
M. Houle (Kevin) : ...par
exemple, avec l'une des parties pour lui expliquer et revoit effectivement,
dans ce cas-ci, si la mère a toujours l'intention, par exemple la mère
porteuse, ici iChantal, a toujours d'intention de signer un contrat comme
celui-là.
M. Jolin-Barrette : Qu'est ce
que le notaire fait pour évaluer si le consentement est libre et éclairé de la
part de la mère porteuse?
M. Houle (Kevin) : D'abord,
on parle de, par exemple, au moment de la signature, c'est un seul moment. Mais
en amont, le notaire a pu communiquer avec la porteuse, a discuté avec elle, va
lui a expliquer les tenants et aboutissants du contrat à être rédigé, discute
avec elle. Donc effectivement, dans ce cas-ci, ce que je comprends, il y aura
eu également une attestation psychosociale, si j'ai le terme exact, peut-être
que je l'oublie. Donc, le notaire aura parlé et discuté avec la mère porteuse
des effets potentiels au lendemain de la signature du contrat, et même encore
après coup devra évidemment lui expliquer, avec les dispositions actuelles, que
même suite à l'accouchement elle aura encore un dernier mot à dire malgré tout.
Donc, on va aller jusqu'à là. Donc, le but d'un acte notarié est effectivement
d'anticiper les cas potentiels, et dans ce cas-ci, suite à l'accouchement.
Donc, les choix encore qui soient disposés et disponibles pour la mère.
M. Jolin-Barrette : Donc,
pour vous, ce qui est important, c'est que pour les justiciables qui vont
décider de faire un projet parental, c'est qu'ils vont être accompagnés par le
notaire tout au long du processus. Ce n'est pas uniquement au moment de la
signature de la convention notariée, mais c'est en amont et c'est même après,
pour se référer si jamais il y a des questions.
M. Jolin-Barrette : Probablement
que vous l'avez vu également dans le projet de loi, le notaire va recevoir en
fidéicommis, dans le fond, un dépôt relativement aux sommes qui vous pourront
être remboursées à la mère porteuse. Comment est-ce que l'association perçoit
ça, le fait qu'on vient confier à une sorte de rôle de fiduciaire au notaire
relativement aux déboursés pour faire en sorte que la mère porteuse se retrouve
à ne pas pouvoir se faire rembourser ses dépenses?
M. Houle (Kevin) : Bien,
effectivement, on est d'accord avec ça. Puis on salue cette nouveauté-là dans
le sens où les notaires déjà parle les différentes transactions immobilières qu'on
peut faire, on est déjà très à l'aise à s'occuper des fonds des justiciables.
Donc, dans un cas comme celui-là, effectivement on ne peut pas non plus signer
un contrat et qu'en bout de ligne soit difficilement applicable au niveau des
compensations si la mère porteuse ne peut pas avoir accès aux fonds. Donc pour
nous, ça paraît très bien et logique que le notaire détienne les fonds.
Le seul élément qu'on a porté au niveau du
mémoire, c'est qu'effectivement il va falloir faire en sorte que le règlement à
être établi plus tard concorde avec le règlement actuel des notaires, là,
visant les comptabilités en fidéicommis pour être certains, bref, que la mère
porteuse puisse réellement recevoir les fonds, même si, après coup, les parents
d'intention disent au notaire : Bien, écoute, on a changé d'idée,
finalement, tel montant d'argent, je ne veux pas que tu lui donnes, etc. Donc,
notre mémoire mentionne cet élément-là. Mais effectivement, si le règlement
précise clairement le rôle et l'obligation que le notaire aura de remettre les
fonds, de quelle manière et sur quelles preuves, mais effectivement je pense
que... nous pensons que la mère porteuse sera protégée davantage dans un
contexte comme celui-là.
M. Jolin-Barrette : Je veux
qu'on revienne sur la question d'impartialité du notaire, là, parce que dans le
projet de loi, ce qui est proposé, c'est de faire en sorte que lorsqu'il y a un
contrat de gestation pour autrui, les frais rattachés à la convention notariée
soient assumés par les parents d'intention. Du fait que le notaire va être
rémunéré par les parents d'intention, est-ce que ça amène une problématique
relativement à l'impartialité du notaire dans son rôle pour conseiller les
parties relativement à la mère porteuse relativement aux parents d'intention?
Comment vous voyez, ça?
M. Houle (Kevin) : Non, il n'y
a aucun problème. Et même j'irais jusqu'à qu'accordent qu'à mentionner que j'ai
lu, au niveau du projet de loi, que c'est même la mère qui pourrait avoir le
choix du notaire, mais qu'effectivement ce seraient les parents d'intension qui
paieraient le notaire. Actuellement, la loi prévoit ça, par exemple, au niveau
d'une transaction immobilière. C'est le cas le plus facile. Tout le monde,
principalement du moins plusieurs personnes ont eu à avoir eu à acheter une
propriété immobilière, donc on prend le même principe. L'acheteur est payé
par... le notaire est payé par l'acheteur, mais le notaire est quand même tenu
à donner des conseils juridiques aux vendeurs dans l'intérêt de toutes les
parties, des institutions financières de l'acheteur et du vendeur. Donc, c'est
déjà comme c'est là actuellement, le notaire est payé par une des parties,
rien... et ça ne diminue en aucune façon son obligation de devoir de conseil
envers toutes les parties à l'acte peu importe qui paye les honoraires du
notaire. C'est déjà comme ça actuellement.
• (10 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Donc, ça
ne pose pas de problème, puis les garanties d'impartialité sont là.
Une question relativement à votre
recommandation 4 et 5. Donc, les articles 5.51... excusez-moi, 3 et 4, 541.4 et
541.13 du projet de loi, le fait de transformer le consentement devant deux
témoins, vous nous proposez de la modifier pour que le consentement soit fait
sous serment. Donc, pourquoi proposer cette modification-là? Donc là on parle
de la remise de l'enfant dans les 8-30 jours notamment, et la délégation de l'autorité
parentale notamment, également la tutelle...
10 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...alors
pourquoi vous proposez le fait de passer devant deux témoins vers le sous
serment?
M. Houle (Kevin) : Bien, pour
la remise de l'enfant, pour reprendre vos termes, cet acte-là, bien, quant à
nous, considérant qu'on part... en amont, ce serait le contrat notarié qui
aurait été signé. Et après coup, les dispositions actuelles du projet de loi
mentionnent que la mère pourrait, devra prendre ce choix, faire ce choix... du
8ème jour, si je ne me trompe pas... entre le 8ème et le 30ème jour suite à l'accouchement.
Donc, nous, quant à avoir une protection des parties en amont, on aimerait
effectivement que la mère, rendu à la 8e journée, neuvième journée, n'ait pas
reçu une pression quelconque dans la chambre d'hôpital ou chez elle, ou peu
importe, la part de personnes, des parents d'intention eux-mêmes à signer ce
consentement-là. Ou bien, par exemple, que ce n'est peut-être pas la mère qui l'ait
signé, par exemple. Donc, au minimum, un commissaire pourrait au moins vérifier
l'identité de la personne. Effectivement, on mentionne que ça pourrait être
notarié aussi ou, au minimum, se faire assermenter, de manière à ce qu'évidemment
l'acte notarié les faits, on va vous expliquer les bienfaits, mais au minimum s'assurer
que la mère ait pleinement conscience.
M. Jolin-Barrette : O.k. Et
pour bien expliquer aux membres de la commission, là, votre proposition, dans
le fond, quand vous dites que la déclaration soit assermentée sous serment,
donc c'est assermenté, ça veut dire par un commissaire à l'assermentation, ou
par un avocat qui assermente, ou par un notaire. Mais vous ne proposez pas que
ça soit sous minutes, là, dans le fond, ça n'a pas besoin d'être devant
notaire. Ce que vous dites, c'est minimum un commissaire à l'assermentation,
plutôt que ça soit devant deux témoins.
M. Houle (Kevin) : Au
minimum, effectivement, au minimum. Parce qu'effectivement... Évidemment, on n'a
pas voulu non plus imposer aux justiciables l'acte notarié qui impose un
déplacement chez le notaire, etc., pour cette étape finale qui aura déjà au
moins été régularisée par le notaire lui-même, l'officier public en amont. Mais
effectivement, au minimum, assermenté.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une question avant de céder la parole à mes collègues. Relativement aux comptes
bancaires gelés, il y a une disposition dans le projet de loi qui fait en sorte
de permettre, en cas de succession, que le copropriétaire, le conjoint de la
personne qui décède puisse avoir accès à sa partie des sommes qui sont dans le
compte conjoint. Est-ce qu'en pratique, pour les membres de votre organisation,
là, les notaires qui font des successions, ça représente une problématique,
actuellement?
M. Houle (Kevin) : Oui,
effectivement. Entre nous, les notaires, on le voit également, puis combien de
notaires nous ont déjà fait part de ce genre d'exemple là que j'ai mentionné,
effectivement, où madame décède et monsieur s'empresse ou les enfants s'empressent,
par exemple, d'aller au compte au guichet pour sortir l'argent, sans
nécessairement mentionner à l'institution financière que la personne est
décédée, sachant très bien que, si on dit ça à l'institution financière, bien,
le compte va être gelé. Même si c'est un compte conjoint, c'est gelé. Donc, le
conjoint qui avait de l'argent là-dedans, bien souvent pour payer son loyer,
son hypothèque, etc... Même récemment j'ai eu un cas où effectivement c'était
une personne qui était en CHSLD, le conjoint, mais il ne pouvait plus payer sa
chambre, considérant que sa conjointe était décédée. Donc, effectivement, c'est
du vécu. Ce qui arrive, pour vrai, c'est qu'en bout de ligne, les gens ne le
disent pas rapidement à l'institution financière. Donc il y a risque de vol
potentiel. Quand je dis «vol», c'est qu'il y a un risque que les enfants ou
quelqu'un d'autre qui a accès au compte aille chercher l'argent pour d'autres
fins.
M. Jolin-Barrette : Mais la
conséquence inverse de ça, c'est, lorsque tout le monde le fait dans les
règles, tout ça, monsieur est avec madame, monsieur décède, son mari depuis 40
ans, supposons, ils n'ont qu'un seul compte, un compte conjoint, la rente de
monsieur et la rente de madame est versée dans le compte. Madame se retrouve
avec le décès de son conjoint, et là l'institution financière est informée.
Alors Madame, si c'était son seul compte, se retrouve pendant quelques mois à
ne pas avoir accès à son propre argent à elle, à ses liquidités. Donc, ça peut
entraîner des conséquences financières difficiles pour elle, de se retrouver...
si elle n'avait pas de marge de crédit ou si elle n'a pas d'autre compte, elle
n'a pas de rentrées d'argent durant le temps que la succession est réglée.
M. Houle (Kevin) : Effectivement.
Et j'ai vu un cas où... dans ce cas-ci, cette dame-là... pour prendre cet
exemple là, c'était une dame, elle n'avait pas d'enfant non plus, elle n'avait
personne d'autre qui pouvait avancer les fonds pour son appartement, par
exemple ou pour manger.
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
je vous remercie pour votre présentation, Me Houle, Me Marineau. Donc, je cède
la parole à mes collègues. Je crois que le député de Chapleau veut intervenir.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député de Chapleau. Il reste un peu plus de 4 minutes.
M. Lévesque (Chapleau) : Parfait.
Merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, là, permettez-moi de vous saluer.
Bien heureux de vous retrouver. Également, saluer le ministre, les collègues et
l'ensemble de la banquette de l'opposition également. Me Houle, Me Marinneau,
merci de votre témoignage.
J'aimerais poursuivre sur la lancée du
ministre quant à la gestion des comptes bancaires. Vous aviez... dans votre
présentation, d'entrée de jeu, vous aviez dit : Il y aurait une acceptation
de la succession de facto entraînant certains risques lorsque ça se produit.
Également, la question de la juste part. Peut être nous éclairer sur ces deux
notions, là, puis les conséquences que ça pourrait avoir si ce n'était pas
modifié, justement.
M. Houle (Kevin) : Pour
prendre un exemple facile, si dans un...
M. Houle (Kevin) : ...5000
dollars 2500 à M., 2500 à Madame, si jamais... et Madame décède, donc, monsieur
prend dans le compte 3 500, donc 1 000 dollars de trop. Le fait de prendre ce 1
000 dollars de trop là qui appartient à la succession de madame pourrait
actuellement être considéré comme étant une acceptation tacite de la
succession, tu as pris les biens de la succession alors tu es présumé avoir
accepté, et là j'y vais rapidement, hein, mais, c'est ça, donc tu es présumé
avoir accepté la succession donc si cette succession-là était insolvable ou
avait des dettes au-delà de l'actif, donc, bien, le monsieur, donc le conjoint
survivant qui est présumé avoir accepté pourrait être tenu aux dettes de la
succession alors qu'il n'y a pas de bilan, il n'y a pas eu les étapes, il n'a
pas pu consulter son notaire, il n'a pas... Voilà, les conditions et les étapes
préalables n'auront pas été appliquées et cette présomption-là pour s'appliquer.
M. Lévesque (Chapleau) : Et
donc le changement proposé vient un petit peu réduire ce risque-là en quelque
sorte, là.
M. Houle (Kevin) : Effectivement,
parce que la nouvelle disposition vient mentionner ce cas précis qui ne serait
pas considéré comme étant être une acceptation présumée ou tacite, là, de la
succession.
M. Lévesque (Chapleau) : Vous
aviez également, là, parlé de la réputation des notaires en début de
présentation. Puis vous avez... j'aimerais peut être vous me disiez quels quels
autres avantages vous voyez dans le fait que les justiciables pourraient être
accompagnés par un notaire dans le cas d'une gestation pour autrui? Vous avez
parlé de réputation, mais vous avez peut-être d'autres éléments qui seraient
intéressants à mentionner.
M. Houle (Kevin) : Bien, le
fait que le notaire, on ne l'oublie pas, mais c'est un conseiller juridique.
Donc à partir de là, c'est d'avoir les conseillers juridiques mais des
conseillers juridiques impartiaux et des notaires, dont ma collègue Marineau
par exemple, pratiquent déjà dans certains secteurs du droit donc droit de la
famille, filiation, adoption, etc. Donc, il y a une spécialité qui est déjà
actuelle dans la communauté notariale.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord,
mais Me Marineau justement là je vais peut-être m'adresser à vous, là. Vous
avez travaillé justement dans l'accompagnement là des personnes qui
souhaiteraient recourir justement à la gestation pour autrui. J'aimerais
peut-être vous entendre sur votre expérience. Puis, qu'est-ce que... Quels sont
dans le fond les points à retenir par rapport à ça?
Mme Marineau (Tania) : Pour
mon expérience, les parties avaient fait affaire avec une clinique, justement
pour les aider avec le in vitro et par la suite la convention avait été faite
avec une avocate que je ne connais pas et de mon expertise en adoption. C'est
là qu'il montre trouvé par la suite. Parce que présentement, lorsqu'on a une
convention de mère porteuse, pour la faire appliquer, on doit procéder par adoption.
Donc, avec la nouvelle façon qui est dans
le projet de loi 2, on vient enlever justement tout le judiciaire, donc le juge
à la fin. Mais présentement, c'est comme ça qu'il faut ça va fonctionner et d'autres
étapes, là, avec le certificat de naissance, que la mère porteuse doit être la
mère au certificat de naissance et habituellement, le conjoint, là, qui
aurait... l'homme qui aurait fourni sa semence pourrait être père au certificat
de naissance et de là il peut donner un consentement spécial en faveur de sa
conjointe. Donc, c'est présentement l'article 555 qui régit les adoptions
intrafamiliales et c'est de cette façon-là qu'on peut, avec un contrat de mère
porteuse, procéder à l'adoption. Mais le contrat doit prévoir, là, comme il
avait été dit dans la loi, seulement le remboursement des dépenses et ne pas
prévoir des rémunérations, évidemment, là, puisqu'on ne veut pas marchandiser
le corps de la femme.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, je cède maintenant la
parole au député de Lafontaine pour une période de 10 minutes 50 secondes. M.
le député, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors à mon tour de vous saluer, maître Houle et maître Marino.
Merci beaucoup pour vos réponses à nos questions. Je vais essayer d'y aller en
rafale. J'ai plusieurs petits points que j'aimerais vérifier avec vous. Puis je
vais, je vais commencer par mon dernier point comme ça je ne l'oublierai pas
parce que je n'ai pas eu le temps de le noter.
Alors le point 8 de votre mémoire, page 16
lorsque vous parlez de mettre de côté l'obligation d'avoir une traduction de
vidimée. Autrement dit, vidimer, corrigez-moi si j'ai si j'ai tort, mais c'est
fait par un traducteur officiel et ça, il y a coûts, il y a des délais qui fait
partie de l'ordre des traducteurs. Vous dites : faites la distinction
entre le français et l'anglais parce que le Code civil le fait déjà pour un
acte, une convention de gestation pour autrui faite à l'extérieur du Québec,
faites une distinction entre le français et l'anglais et les autres langues. Si
je vous comprends, c'est ça, votre recommandation, n'est-ce pas?
M. Houle (Kevin) : Oui, mais
la recommandation, c'est surtout le fait que ce soit une rédaction en français
ou en anglais ne cause pas problème, si c'est la volonté des parties, d'autant
plus qu'on est passé d'un contrat notarié qui aurait été expliqué en long et en
large aux parties. Mais effectivement, si jamais c'était un contrat en une
autre langue, on s'entend que la traduction serait nécessaire. Mais ici, c'est
surtout au niveau du français et de l'anglais.
• (10 h 40) •
M. Tanguay : C'est ça. Et
vous faites référence aux articles 3600 et 140 du Code civil du Québec, qui le
fait déjà, une autre langue que le français ou l'anglais peuvent être
accompagnées d'une traduction vidimée au Québec, quand vous dites :
appliquer miroir là sur...
M. Tanguay :
...cet élément-là.
M. Houle (Kevin) :
Effectivement, et le raisonnement derrière ça, c'est nécessairement le fait
que, si jamais il y a une... Le contrat de mère porteuse, effectivement, ne
sera pas publié ni public dans un sens où ce n'est pas nécessairement consulté
par les gens. Donc, on ne voyait pas l'intérêt de devoir le traduire même s'il
est en langue anglaise.
M. Tanguay : On va faire un
lien avec ce que vous venez tout juste de dire. À la page 11, et ça c'est
appliqué à votre point 2.4., là, à l'article 541.4 : "suggère de
remplacer "devant témoins" par "sous serment". Vous dites
un peu plus bas, dans le haut de la page 11, puis j'aimerais vous entendre
là-dessus sur votre réalité technologique et pratico-pratique de notaire :
"L'APNQ souligne que les notaires, ayant la possibilité actuellement de
recevoir des actes notariés en minute technologique, par visioconférence et
signatures numériques, l'acte authentique est devenu beaucoup plus accessible
pour le public." Quand vous dites : "pour le public",
qui... dans quel contexte le public aurait accès à un acte notarié?
M. Houle (Kevin) : Bien,
actuellement, c'est le public... Ce qu'on veut dire, c'est qu'à compter du
moment où une personne a un besoin juridique et doit consulter un notaire, et c'est
que l'acte qui en ressort de cette consultation-là doit être notarié, le
public, c'est le terme général, fait en sorte que la personne qui nous consulte
n'aura pas à se déplacer, pour le moment, depuis la pandémie, à nos bureaux
pour signer l'acte notarié. Ça peut se faire à distance. Donc, c'est dans ce
sens-là où les gens, avec les déplacements... moi, je suis dans la communauté
de Montréal, donc avec le trafic, etc. Donc, c'est de là "le plus
accessible".
M. Tanguay : C'est ça. Je
voulais juste comprendre, parce que je ne suis pas notaire, mais
"public", c'est ceux qui ont un intérêt juridique, évidemment, pour
le consulter, là. Il faut le lire comme ça.
M. Houle (Kevin) : C'est les
justiciables, les justiciables, là, c'est tout le monde.
M. Tanguay : Tout le monde...
M. Houle (Kevin) : Tout le
monde qui a besoin d'un... Tout le monde, actuellement, que ce soit pour un
testament, que ce soit pour un mandat de protection ou une transaction
immobilière, une vente de compagnie ou quoi que ce soit, dès qu'on parle d'un
acte notarié, on peut le faire, depuis le début de la pandémie, sous forme
numérique, à distance, contrairement à l'acte notarié présentiel.
M. Tanguay : Et c'est comme
le registre foncier, c'est accessible à tous.
M. Houle (Kevin) : Le
registre foncier demeure, quant à lui, numérique depuis déjà un certain nombre
d'années. Ça, ça n'a pas changé. Mais on parle ici que, quand on parle d'un
acte notarié, ça demeure un acte confidentiel un contrat. Si jamais c'est une
vente d'immeuble, on va le publier au registre foncier comme c'est le cas
depuis longtemps. Mais, si jamais c'est un testament, par exemple, le testament
est confidentiel. Le notaire conservera l'original sous version numérique. C'est
ça, la distinction. Et la personne qui aura signé le testament l'aura signé à
distance. Elle peut être de chez elle, dans son salon, et l'acte demeurera
notarié parce qu'il aura été signé sur une plateforme qui a été approuvée par
la Chambre des notaires du Québec. Donc, c'est vraiment le support de l'acte
qui est changé.
M. Tanguay : Question, puis
peut-être Me Marineau : La convention de gestation pour autrui, est-ce qu'elle
va être accessible au public oui ou non?
Mme Marineau (Tania) : Non, c'est
un contrat privé, évidemment. Mais si, exemple, la mère porteuse, elle, est aux
États-Unis, les consultations pourraient se faire à distance et l'acte pourrait
être même signé à distance sans que la mère porteuse ait à venir au Canada.
Donc là on évite en plus plusieurs frais, là, pour les personnes impliquées.
M. Tanguay : Mais ça va être
confidentiel, ça ne sera pas public. C'était juste ça, ma question.
Mme Marineau (Tania) : Tout à
fait.
M. Houle (Kevin) : Oui,
exactement. C'est le terme public que je comprends. Le terme public ne veut pas
dire publiciser, hein, ou rendu public, ce n'est pas ça.
M. Tanguay : O.K.
Modifications de la convention de gestation pour autrui au bas de l'article
541.11 : "La convention peut être modifiée avec le consentement de
chacune des parties par acte notarié". Ici, vous dites : Cette loi...
Vous demandez plus de précisions. J'aimerais vous entendre là-dessus :
"Cette modification peut-elle être effectuée en cours de grossesse".
C'est le point d'interrogation que vous soulevez, hein, ici.
M. Houle (Kevin) : Bien, c'est
parce que, pour l'instant, considérant qu'on n'a pas encore, c'est tout à fait
normal, là, la connaissance des règlements d'application de la loi, on ne sait
pas encore quel sera le contenu de la convention de gestation pour autrui.
Donc, notre questionnement était autour du fait que, si jamais on doit modifier
ce contrat-là, j'imagine que la modification devra être notariée aussi si l'acte
lui-même est notarié. Mais quelles seront les modifications possibles? Est-ce
qu'on va pouvoir revenir sur le montant compensatoire à la mère? Vous
comprenez? Donc, c'est tout ça, là. C'était un point général qui était soulevé
pour discussions futures, évidemment.
M. Tanguay : Et c'est un
point excessivement important. Puis je veux dire, on peut bien avoir, puis vous
y participez, puis c'est excellent, une nomenclature juridique stricte, très
claire puis rigide dans le bon sens du terme, parce que c'est des questions
excessivement importantes, mais la loi est silencieuse. Qu'en est-il si la mère
porteuse décide de dire : Bien, écoutez, finalement, je veux modifier
tels, tels, tels aspects, sachant qu'elle aussi elle pourra toujours retirer
son consentement à tout moment. Alors, qu'est-ce qui pourrait être permissible
ou pas? Si ce n'est pas clair, il risque d'avoir des litiges là-dessus. Puis
probablement que vous le vivez dans vos pratiques régulièrement, quand la loi n'est
pas claire, bien, c'est là source d'interprétations puis de litiges aussi, là.
M. Houle (Kevin) : Mais,
également, ici, l'élément qui...
M. Houle (Kevin) : ...l'important
quand même à retenir, c'est que la modification notariée va faire en sorte
qu'il y ait un notaire, donc un officier public. Donc, si une modification est
possible et doit être faite, on va s'assurer de l'intention des parties à
accepter cette modification-là, à comprendre la teneur, les tenants et
aboutissants. Donc, c'est encore la même protection qui va être quand même
rattachée cette modification-là.
M. Tanguay : ...ça se peut,
avez-vous des exemples où le législateur dit : Après tel acte notarié, les
parties ne peuvent pas modifier... Est-ce que... Avez-vous des exemples,
notamment en droit de la famille, que les parties ne peuvent pas modifier un
acte authentique initial? Ou c'est les règles générales des contrats, puis, si
les parties s'entendent, bien, ils peuvent modifier ça comme ils le veulent?
M. Houle (Kevin) : Je
pourrais laisser Me Marineau répond après coup. Mais, pour ma part, vite fait
comme ça, je n'ai pas d'exemple outre le fait que, par exemple, il peut y avoir
une obligation... des conditions devant être dans un contrat, par exemple,
donc, une hypothèque, le montant doit être inscrit en dollars canadiens sur un
immeuble au Québec, etc. Donc, il y a des conditions qui sont là, une fois que
les points 1, 2, 3, 4, 5 sont là, le reste autour, mais c'est la disposition
générale, là, des contrats qui s'applique.
Mais effectivement c'est pour ça, donc, si
jamais les règlements d'application ou les termes de la loi mentionnent que les
éléments devant être dans le contrat de convention de mère porteuse, de
gestation pour autrui sont les suivants et ne pourront être modifiés ou ne
pourront être que les suivants, donc, ça signifie qu'on ne pourrait pas être
autre chose. Vous comprenez? Donc, c'est à voir au niveau du règlement
d'application. Mais je n'ai pas d'exemple personnellement, malheureusement. Je
ne sais pas si Me Marineau en a.
Mme Marineau (Tania) : Bien,
en fait, il y a le contrat de mariage que, si on veut modifier de régime, on ne
peut pas exactement... on ne peut modifier le régime, mais ça reviendrait à
dire qu'on doit dissoudre, exemple, la société d'acquêts ou le régime de
séparation de biens avant de pouvoir retourner vers un des autres régimes.
Donc, c'est une des situations que la modification en tant que telle n'est pas
aussi simple de dire : On modifie s'il y a des grandes conséquences à,
c'est plutôt une dissolution avant de pouvoir repartir sous un nouveau régime.
M. Tanguay : Je suis heureux
de voir que vous avez déjà des liens avec des notaires dans d'autres États. Ce
sera une possibilité par règlement de dire : Bien, voici les États qui
offrent un cadre général similaire à celui du Québec, le respect des règles
d'ordre public, et ainsi de suite. J'imagine que vous, vous allez avoir
peut-être une réflexion là-dessus. Ce ne sera pas chose simple et ce sera chose
excessivement importante de dire : Bien, le Québec accepte, oui, que de
telles conventions se fassent à l'international, mais avec tel, tel État et pas
tel, tel État. Selon vous, qu'est-ce qui devrait guider le législateur? Parce
que ça va se faire par règlement?
M. Houle (Kevin) : Ouais.
Mais déjà notre mémoire, ce qu'on mentionne, c'est que quand même une procédure
de mère porteuse, là, où la mère réside hors du Québec, on mentionne que ça
pourrait... ça devrait être notarié également de manière à ce que le notaire,
toujours officier public, conseiller juridique, puisse conseiller toutes les
parties. Mais... on revient à l'acte... par exemple, c'est un exemple. Par exemple,
la mère porteuse, effectivement, avant de conclure le contrat, le notaire devra
s'assurer avec un notaire, ou conseiller, ou un avocat de l'État où elle
demeure que la loi, là-bas, permet à une femme de signer un tel contrat
effectivement. Il y... vérifications en amont que le notaire devra faire si on
y va avec un acte notarié pour la convention de gestation pour autrui où la
mère demeure à l'extérieur de l'État.
M. Tanguay : Et ça, je vous
avoue que ça m'a surpris, que c'est notarié ici, mais que ce n'est pas notarié
là-bas, parce qu'il y a tout un encadrement puis une assurance que
l'information, les vérifications, l'âge, tout ça, la capacité de contracter.
J'aimerais vous entendre rapidement, parce
que c'est important, sur la fin de l'union de fait. Il va falloir apporter des
précisions là-dessus. Je m'excuse, on manque de temps, mais un élément
excessivement important, donc point 4 : présomption de paternité, étendue
de l'union de fait. Il va falloir préciser ça parce que ça peut être très
difficile
M. Houle (Kevin) :
Effectivement.
M. Tanguay : Effectivement,
bravo. Merci à vous.
Le Président (M.
Bachand) : ...donc, je cède la parole maintenant au député d'Hochelaga-Maisonneuve
pour une période de deux minutes 43 secondes. M. le député, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Peut-être une question de nombre. Est-ce que vous avez un estimé de
cette nouvelle procédure, là, qui nous est proposée aussi toujours pour la
gestation pour autrui? Est-ce que vous vous attendez à une explosion du nombre
de personnes qui pourraient se présenter devant des notaires pour enregistrer
un tel contrat? Est-ce que vous avez une évaluation de ce qu'est-ce que ça va
produire comme mouvement?
M. Houle (Kevin) : Me
Marineau, je ne sais pas si...
• (10 h 50) •
Mme Marineau (Tania) : Je
dois avouer que je n'ai pas de nombre, mais je sais que certains dossiers qui
sont retombés dans ma cour ont été justement... tu sais, on voit...
Mme Marineau (Tania) :
...les
gens ont tenté de contourner la loi par rapport que c'est un contrat illégal,
puis que, là, tu leur poses des questions, puis c'est clairement ça. Mais ils
disent que non, non, c'était une histoire, le conjoint y a eu une aventure,
puis finalement, là, elle veut l'adopter, l'enfant, tu sais, comme... Je crois
que ça va vraiment faciliter la vie du Québécois de pouvoir adopter, bien,
procéder de cette façon-là sans avoir justement à contourner la loi. Et, oui,
je crois que... et je n'ai pas de nombre, mais c'est vraiment un avancementqui
va aider les Québécois et Québécoises à unir leurs familles.
M. Leduc : Et le scénario de
que vous évoquiez, là où les personnes essaient un peu de contourner, à quel
point c'est fréquent dans le travail d'un ou une notaire?
Mme Marineau (Tania) :
Bien,
c'est quand même fréquent, mais c'est sûr qu'il y a des dossiers d'adoption ce
n'est pas... ou de contrats de mère porteuse, ce n'est pas... Présentement, j'en
ai plus à mon actif, mais je dois avouer que je ne fais pas ça tous les jours.
Donc malheureusement, je n'ai vraiment pas de nombre, mais ça arrive. Et
heureusement, il y a eu le jugement en 2014 qui a permis justement de
contourner la loi, tu sais, elle-même. Mais des fois, les gens sont pas au
courant. Donc, s'ils y avait consulté le notaire plutôt, ou s'ils avaient...
bien, s'il y avait eu plus de médiatisation de ce jugement-là, bien, ils
sauraient qu'il y a une façon quand même de procéder ça sans trop se casser la
tête.
M. Leduc : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Joliette, pour deux minutes 43 secondes, s'il vous plait.
Mme Hivon : Merci, M. le
Président. Je vais continuer exactement sur la même voie, maître Marineau, Vous
comprenez que vous êtes notre premier groupe et vous avez une expérience très
concrète sur le terrain.
Donc, juste pour les gens qui auraient un
peu du mal à suivre parce que, dans le Code civil, ça dit bel et bien que les
conventions pour gestation pour autrui sont nulles, de nullité absolue. Mais
depuis tantôt, vous dites la reconnaissance des conventions. Donc, juste nous
expliquer l'effet qu'adeu ce jugement-là. Est ce que ça veut dire maintenant
que de telles conventions peuvent se faire malgré qu'Il y a une nullité, dans
le Code civil, à l'égard de ces conventions-là?
Mme Marineau (Tania) :
Oui.
Depuis 2014, le jugement adoption 1445 a permis de procéder à l'adoption en
disant que c'était la façon la moins insatisfaisante. Donc, j'ai justement
présenté un dossier dans le district de Joliette et je n'ai pas eu à justifier.
J'avais fait des... j'étais prête à argumenter à la juge que cette
jurisprudence-là le permettait. Et non justement, les juges sont rendus
habitués depuis 2014 que, tant que la convention, tu sais, on voit vraiment qu'il
n'y a pas de rémunération, mais que c'est les dépenses qui sont bien établies,
que les parties sont tous d'accord, que la mère porteuse a bien consenti, qu'elle
a bien été au certificat de naissance, que toute la procédure qui a été mise
dans le jugement est respectée, c'est accepté. Donc, on ne cette façon là
maintenant de procéder depuis 2014. Mais je crois que la façon proposée est
beaucoup plus simple. Et pourquoi également que je crois que le consentement qu'on
croit, à la CMQ que ça doit être sous serment. Parce qu'autrefois, avec la
procédure actuelle, on a un consentement et on ne le juge à la fille qui vient
dire oui. Le consentement a bien été donné. Les parties ont bien été
signifiées, notifiées, donc on accepte l'adoption. Donc, c'est pour ça que, le
consentement, ça serait important que ce soit vraiment sous serment ou devant
notaire, parce que cest ce consentement-là qui vient consentir la filiation.
Mme Hivon : O.K, merci.
Puis, très rapidement, vous parlez au point 7, page15 de votre mémoire, d'inclure
les conflits qui pourraient découler de la convention de gestation pour autrui
pour la médiation familiale. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous avez
en tête?
M. Houle (Kevin) : Mais dans
mon... mais effectivement, donc c'est parce que ... et considérant qu'on a des
jugements des fois qui eux mêmes, ils peuvent être... vont en appel. Vous
comprenez? Donc, à partir du moment où des personnes s'entendent sur quelque
chose, il y quand même un risque en quelque part. qu'une partie considère que
finalement, l'intention, c''était peut- être autre chose qu'on veuille
déterminer autre chose de ce qui a été déterminé dans le contrat. Vous
comprenez? Donc, il peut y avoir une mésentente ou un différend quelconque.
Donc, à partir de là, on préfèrerait effectivement quant à pouvoir bénéficier
de ce programme-là, entre guillements, au niveau de l'adoption, que ça soit
applicable également...
Le Président (M.
Bachand) :Merci.
Mme Hivon : Merci.
4bac Merci beaucoup, Mme la députée.
1led
Maître Houle, maître Marineau,
merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin. Vous avez brisé la glace des
auditions publiques. Alors, merci beaucoup de votre courage, et on se dit à
très bientôt. Merci. Alors, je suspends les travaux quelques instants. Merci...
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir, maintenant, d'accueillir
la représentante du Conseil du statut de la femme. Alors, comme vous savez,
vous avez dix minutes de présentation au total. Alors, je vous inviterais à
vous présenter et à débuter votre exposé. Puis, encore une fois, merci beaucoup
d'être avec nous ce matin. La parole à vous.
Mme Cordeau (Louise) Merci, M. le
Président. Alors, M. le ministre, chers membres de la commission, Louise
Cordeau. Je suis présidente du Conseil du statut de la femme. Je suis
accompagnée de Madame Mélanie Julien, qui est directrice de la recherche et de
l'analyse et qui a passé avec son équipe de nombreuses heures, vous vous en
doutez bien, à analyser le projet de loi.
Alors, vous vous doutez bien qu'au nom de
ce Conseil du statut de la femme, je suis heureuse de vous faire part aujourd'hui
des réflexions et des recommandations du conseil sur cet imposant projet de loi
qui vise notamment à réformer les dispositions du droit de la famille relatives
à la filiation. Considérant l'importance du projet de loi numéro 2 et le peu de
temps imparti à son étude, le Conseil du statut de la femme, en cohérence avec
sa mission, a choisi de se concentrer sur deux sujets qui soulèvent des enjeux
majeurs pour les femmes : la maternité pour autrui et la violence.
• (11 heures) •
D'abord, la maternité pour autrui.
Permettez-moi d'entrée de jeu d'indiquer que le conseil n'est pas en accord
avec l'expression «gestation pour autrui», qui est utilisée dans le projet de
loi. Selon l'Office québécois de la langue française, la gestation réfère au
monde animal. Elle définit l'état d'une femelle vivipare qui porte son petit
dans son utérus, de la conception à l'accouchement. Le vocabulaire est lourd de
sens. Bien que le choix d'un terme soit épineux, le conseil privilégie la notion
de maternité pour désigner l'expérience...
11 h (version non révisée)
Mme Cordeau (Louise) :...de la procréation, de la grossesse et de l'accouchement.
De façon plus générale, le Conseil salue
la volonté du gouvernement d'encadrer les projets de maternité pour autrui. Le
conseil l'affirmait en 2016 et il le réaffirme aujourd'hui, considérant que le
phénomène existe au Québec, le gouvernement doit donc baliser les pratiques
afin de respecter la dignité, l'intégrité, la santé et la sécurité des femmes,
de même que l'intérêt des enfants. Il doit aussi s'assurer de la non-instrumentalisation
du corps de la femme. Le projet de loi contient d'ailleurs plusieurs
dispositions pertinentes à cet effet. Je pense notamment à celles qui visent à
s'assurer que la femme qui accepte de porter un enfant pour autrui soit âgée d'au
moins 21 ans, que cet acte soit fait par altruisme, donc gratuitement, qu'un
délai de réflexion soit alloué à la femme porteuse pour donner son
consentement.
Le conseil estime cependant que l'encadrement
des projets de maternité pour autrui devrait être renforcé. Je m'attarderai ici
sur trois propositions. Premièrement, le conseil recommande d'exiger que seules
les femmes qui ont une expérience d'accouchement puissent porter un enfant pour
autrui. Une telle expérience est nécessaire pour qu'une femme puisse donner un
consentement éclairé. Ce critère figure d'ailleurs parmi ceux énoncés par
plusieurs comités d'éthique dans le monde. Le conseil est convaincu que le
Québec doit s'en inspirer. Deuxièmement, le conseil formule des recommandations
en vue de mieux accompagner la femme qui accepte de porter un enfant pour
autrui, de même que les parents d'intention. Le projet de loi prévoit que les
deux parties doivent rencontrer séparément une ou un professionnel habilité à
les informer sur les implications psychologiques et les questions éthiques de
la maternité pour autrui. Elles doivent obtenir une attestation signée avant d'entreprendre
une convention notariée. Aux yeux du conseil, cette démarche est minimaliste.
Entreprendre un projet de maternité pour autrui comporte de nombreuses
implications physiques, psychologiques et éthiques. Les parties doivent prendre
une panoplie de décisions fort délicates. Par exemple, comment l'enfant sera-t-il
conçu? De qui proviendront les gamètes? Quelles seront les relations entre la
femme porteuse et les parents d'intention au long de la grossesse et après la
naissance de l'enfant? Les professionnels doivent donc jouer un plus grand rôle
que simplement d'informer. Elles et ils doivent pouvoir discuter avec chacune
des parties et les conseillers dans l'important projet dans lequel elles
souhaitent s'engager.
C'est pourquoi le conseil propose d'étoffer
le rôle attendu des professionnels. Dans la même veine, il est impératif que
des lignes directrices guident les professionnels, de même que les femmes qui
comptent porter un enfant pour autrui et les parents d'intention. Le
gouvernement vient d'instituer un comité central d'éthique en matière de
procréation médicalement assistée à la suite de demandes formulées en ce sens
par plusieurs groupes, dont le conseil. Ce comité, de par sa composition
multidisciplinaire, dispose de l'expertise requise pour élaborer de telles
lignes directrices pour tout projet de maternité pour autrui. Le conseil
propose de lui en donner le mandat. Troisièmement, le conseil souhaite que le
projet de loi soit l'occasion de documenter le phénomène de la maternité pour
autrui, phénomène qui demeure encore peu connu. En instituant le droit à la
connaissance des origines, réclamé par le conseil depuis 1987, le projet de loi
confie au ministre du Travail la responsabilité de créer un registre contenant
des renseignements sur le profil des tierces personnes qui contribuent à la
procréation d'un enfant. La création de ce registre représente, aux yeux du
conseil, une occasion unique de disposer de données globales sur la maternité
pour autrui et de les rendre accessibles à des fins de recherche.
Par ailleurs, le Conseil se montre
préoccupé par certaines dispositions du projet de loi et de leur éventuelle
interprétation. Je m'attarderai ici à deux d'entre elles. D'une part, si les
conditions générales à tout projet de maternité pour autrui ne sont pas
respectées, le projet parental serait déclaré nul. Une femme porteuse pourrait
alors être reconnue comme mère légale de l'enfant, même si ce n'est pas sa
volonté, et sans possibilité de modifier la filiation. Et s'il importe
certainement d'encourager le respect des conditions générales, le Conseil
estime que la conséquence prévue au projet de loi serait très lourde pour les femmes
porteuses. Le Conseil estime nécessaire que la volonté des femmes porteuses
soit dans tous les cas prise en considération. D'autre part, dans le cas où la
femme porteuse n'est pas domiciliée au Québec. L'acte de naissance obtenu à l'étranger
pourrait être reconnu par un tribunal québécois, dans la mesure où les
conditions générales à tout projet de maternité pour autrui...
Mme Cordeau (Louise) :
...ont été respectées. Dans l'éventualité où ces conditions ne sont pas
respectées, le tribunal pourrait ne pas reconnaître l'acte de naissance
étranger ou la décision étrangère. Cette possibilité interpelle le conseil
quant à ses conséquences.
Passons maintenant au sujet de la
violence. Le projet de loi introduit des éléments devant être considérés par le
tribunal dans des contextes de violence familiale. Par exemple, il prévoit un
mécanisme permettant à un parent de requérir seul des soins pour son enfant
mineur dans une situation de violence familiale ou sexuelle causée par l'autre
parent. Il doit aussi tenir compte de la présence de violences familiales lors
d'une demande de déchéance de l'autorité parentale. Le conseil salue cette
volonté du gouvernement de considérer la violence en contexte familial, et ce,
dans l'intérêt de l'enfant. Il souhaite toutefois s'assurer que toutes les
formes de violences seront ainsi prises en considération, notamment la violence
conjugale qui afflige tant de femmes et leurs familles. C'est dans cette
optique que le conseil recommande à la Commission des institutions de modifier
dans le projet de loi l'expression «violences familiales» et de la remplacer
par «violences familiales, conjugales, sexuelles, physiques et psychologiques».
En conclusion, le projet de loi
numéro 2 modifie significativement le droit de la famille, près de
40 ans après, l'établissement ses fondements. Le conseil souhaite vivement
que les discussions et les réflexions à son sujet se poursuivent. Nous
demeurons évidemment disposés à y prendre part, considérant les conséquences
majeures que cette réforme aura sur les femmes, sur les familles, sur les
enfants et sur l'ensemble des prochaines générations. Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, maître Cordeau. Donc, nous allons
débuter la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président, Me Cordeau, Mme Mélanie Jullien. Bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission. C'est un plaisir de vous retrouver. Je
tiens à vous remercier pour votre présentation, pour votre mémoire, mais
également pour avoir contribué à notre réflexion pour le projet de loi. Parce
qu'en 2016 déjà, le Conseil du statut de la femme avait émis un avis
relativement à l'encadrement des mères porteuses, qu'il fallait protéger les
mères porteuses et les enfants. Et vous formuliez une série de recommandations
qui ont inspiré notamment, entre autres, la rédaction du projet de loi. Et je
crois que vous reconnaissez également que le souci du projet de loi, c'est de
faire en sorte, notamment en matière de gestation pour autrui ou de maternité
pour autrui, là, vous proposez cela, de faire en sorte de protéger les femmes
qui décident de porter les enfants pour autrui et également l'intérêt de l'enfant.
Bon, dans un premier temps... Bien,
commençons par le vocabulaire. Vous dites... Écoutez, gestation pour autrui,
vous dites, je paraphrase, ça fait un peu animal. Nous, on préfère le fait que
ça soit maternité pour autrui. Moi, je vous dirais, l'autre volet fait en sorte
que le terme maternité n'est pas non binaire aussi. Alors, j'essaie d'avoir un
vocabulaire qui est le plus inclusif possible. Qu'est-ce que vous pensez, là,
de tout ça, là? Pour vous, c'est important que ça soit écrit «maternité de
substitution»?
Mme Cordeau
(Louise) : On en est conscient, M. le ministre, de la
difficulté que représente une ouverture, l'exclusion de toutes les personnes
qui pourraient vouloir... Nous avons dans notre mémoire utilisé le terme «femme
porteuse». Dans le projet de loi, on dit «femme ou personne qui». Bon. Nous, on
pense que le... Et là-dessus, le conseil a fait un pas parce qu'on parlait de
mères porteuses. Donc, on parle de femmes porteuses et non plus de mères
porteuses. Pourquoi? Parce que... Parce que les femmes qui portent un enfant ne
s'identifient pas nécessairement comme les mères de cet enfant-là, parce que la
notion de mère peut être assimilée à un rôle social. Donc, les formes.... Les
femmes qui portent l'enfant pourraient ne pas vouloir jouer ce rôle social là,
et l'objectif de la loi est justement de définir quelle personne va être
désignée comme parent.
Alors, nous, on fait le pas, passant de
mère porteuse à femme ou personne, mais nous, on a privilégié femme et le mot
maternité. Et lorsqu'on le regarde simplement dans sa définition, là, on ne cherche
pas trop loin de là, la maternité est définie comme le fait de porter et de
mettre au monde un enfant. C'est exactement ce que représente l'acte de porter
et de mettre au monde un enfant pour autrui et c'est pour ces raisons que nous
avons choisi le terme maternité.
• (11 h 10) •
M. Jolin-Barrette : C'est
noté. Bon, sur la question du projet de loi en général, là...
M. Jolin-Barrette : ...on a
essayé d'avoir un processus clair, prévisible et sécuritaire qui vise à
protéger l'enfant, également la mère porteuse. Au niveau des balises générales,
est-ce que le Conseil du statut de la femme est satisfait de la façon dont on
vient encadrer la maternité pour autrui ou la gestation pour autrui?
Mme Cordeau (Louise) :
...et de faire en sorte que ces
balises-là protègent toute la démarche parentale. ...en sorte qu'on prévoit ce
qui va arriver avant la grossesse. Donc, on travaille en amont. ...mère
porteuse puissent être conscients des impacts de leur choix. Cependant, ce qu'on
vous mentionne, c'est qu'on souhaiterait, puis c'est la question qu'on s'est
posée à travers tout ce processus-là, on a une obligation d'informer, qu'est-ce
qui arrive si, en cours de processus, un ou une professionnel s'aperçoit qu'il
y a des risques pour la santé physique ou psychologique de la femme qui portera
un enfant, que les parents d'intention ne sont peut être pas outillés ou que ce
n'est peut être pas la meilleure décision d'avoir ce projet parental-là? On
sait, M. le ministre, que dans le cas des projets de procréation assistée,
lorsque les couples se rendent en clinique, ces évaluations-là sont faites. Les
évaluations sont faites par un médecin du Collège des médecins. S'il n'est pas
certain, il doit demander à quelqu'un d'un ordre professionnel, comme un
psychologue ou un psychologue, d'attester que le projet parental remplit toutes
les règles, à la fois médicales, éthiques et, bon. Donc, c'est pour ça qu'on se
dit, le professionnel ou la professionnelle qui rencontrent les parents, au
lieu de simplement avoir la responsabilité d'informer, pourrait-il avoir une
autre responsabilité de conseiller et d'évaluer? Bon, est-ce qu'on pourrait
aller jusqu'à dire : Il pourrait ne pas recommander. Mais là, c'est qu'est
ce qui arrive après qu'il n'ait pas recommandé? Plusieurs questions sont
ouvertes là-dessus. Et c'est pour ça qu'on...
M. Jolin-Barrette : Mais peut
être, si vous me permettez, juste là-dessus, je vous fais le parallèle. En
matière d'adoption, là, c'est une évaluation qui est effectuée par un professionnel
relativement au fait de confier un enfant à un parent adoptant. Nous, ce qu'on
a mis dans le projet de loi relativement à la gestation pour autrui ou la
maternité pour autrui, c'est une séance d'information, un peu comme vous le
recommandiez dans le mémoire en 2016. Mais là, je dois comprendre que vous nous
invitez peut-être à même... à mettre le même formalisme, d'avoir une évaluation
pour un projet parental, à la fois pour la femme qui décide de porter l'enfant,
mais à la fois pour les parents d'intention. Vous nous dites : Ça ne
devrait pas être juste une séance d'information, ça devrait être une évaluation
des parents.
Mme Cordeau (Louise) :
Est-ce que est-ce qu'on doit se rendre à l'évaluation? Ce n'est pas une
recommandation formelle qu'on vous fait. Mais ce qu'on vous dit, c'est que le
rôle du professionnel ou de la professionnelle devrait être plus grand que
simplement informer. Est-ce qu'il peut conseiller? Est-ce qu'il peut dissuader?
Est-ce qu'il peut dire : Avez-vous pensé à ça? Est-ce qu'il y a des
conséquences de cette nature-là? Je pense qu'on peut se poser des questions. Si
on arrive à un moment donné dans la... on sait que les notaires, s'il n'y a pas
de consentement éclairé, vont pouvoir agir. C'est leur responsabilité, d'agir
et de s'assurer d'un consentement éclairé de toutes les parties,
particulièrement la femme qui a le projet de porter l'enfant. Mais, si quelqu'un
voit que ce n'est pas une bonne idée, de façon médicale, psychologique ou
autre, qu'est-ce qui arrive dans ce cas là? Et c'est pour ça aussi qu'on vous
recommande de, par le biais d'un comité d'éthique, de déterminer certaines
balises. ...les professionnels font les séances d'information et qui pourraient
conseiller pourraient être utilisé à des fins de s'assurer que le projet
parental est un projet qui est viable et surtout, comme vous l'avez dit, M. le
ministre, d'entrée de jeu, dans l'intérêt de l'enfant...
M. Jolin-Barrette : O.K.
Autre question relativement... durant la grossesse, nous, on est venus dire,
dans le fond : La femme conserve l'entière discrétion par rapport aux
soins médicaux qu'elle reçoit. Donc, ça veut dire, si, en cours de grossesse,
elle souhaite se faire avorter, elle peut le faire à tout moment. La convention
ne peut pas s'y opposer. Même chose au moment de l'accouchement. La femme qui a
accouché, elle peut décider de conserver l'enfant. Ça, vous êtes à l'aise avec
ça...
M. Jolin-Barrette :
...délai de 8-30 jours-là qui fait en
sorte qu'on laisse l'autonomie de la femme en place?
Mme Cordeau
(Louise) : En fait, dans tous les cas, ce qui est important
pour nous, c'est de s'assurer que la volonté de la femme soit respectée, que
son consentement soit respecté. Et on n'entrera pas dans nécessairement toutes
les dispositions légales. Je sais que Me Langevin va être devant vous, va
peut-être entrer dans des considérations de nature plus juridique. Mais ce qui
est important pour le Conseil du statut de la femme de retenir, c'est que le
consentement de la femme qui accepte de porter un enfant pour autrui soit...
que la volonté de cette femme-là soit respectée dans tous les cas, autant si
elle refuse son consentement pour redonner l'enfant aux parents d'intention...
et l'autre hypothèse qu'on a évoquée tantôt, c'est : est-ce qu'elle
pourrait être obligée de devenir la mère légale de l'enfant si ce n'est pas son
consentement? C'est un élément, je pense, que la commission devra évaluer et
analyser de façon à respecter la volonté... de toujours respecter la volonté de
la femme qui porte un enfant pour autrui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être un commentaire puis une question, avant de céder la parole à mes
collègues, sur la notion de violence. Je vous entends bien, vous dites :
Bien, écoutez, c'est une violence qui est... La définition de violence
familiale, il faut que ça soit extensif. Bien entendu, ça inclut les
différentes formes de violence, et on l'a libellé de cette façon-là pour ne pas
être limitatif, pour ne pas faire en sorte... Parce que, si on vient la décrire,
éventuellement, il pourrait y avoir dans le futur d'autres types de violence
qui ne sont pas identifiés, exemple, violence conjugale, violence
psychologique, puis auxquels on ne pense pas aujourd'hui. Ça fait qu'on veut
permettre au juge de toujours considérer la violence familiale dans un sens
large lorsqu'il va statuer, notamment sur la garde des enfants. Ça fait que je
souhaitais vous le mentionner, puis vous rassurer à cet effet-là. Et ma
dernière question, relativement à la connaissance des origines, vous l'avez
dit, depuis 1987, là, le conseil milite en faveur. Pourquoi c'est important
pour les enfants issus de l'adoption ou même, désormais, avec la gestation pour
autrui, de connaître leurs origines?
Mme Cordeau
(Louise) : Je pense que c'est fondamental dans la vie d'un
individu, l y a plusieurs impacts. On s'entend qu'il y a plusieurs impacts à la
connaissance de ses origines. On voit aussi que l'acceptabilité sociale au
Québec par rapport à la connaissance de ses origines, eu égard à l'adoption, à
tout le cheminement qui a été fait par rapport aux enfants adoptés qui
souhaitent connaître leurs origines... Certains souhaitent rencontrer ou non
leurs parents. Et, lorsqu'on parle de maternité pour autrui, bien, je pense qu'il
est évident que la connaissance des origines est fondamentale, considérant qu'une
tierce personne est impliquée dans le processus.
M. Jolin-Barrette :
Parfait. Bien, écoutez, un grand merci pour votre présence en commission
parlementaire. Je crois que la députée de Mirabel veut intervenir.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Effectivement, Mme
la députée de Mirabel. Et, pour votre information, il vous reste un petit peu
moins que cinq minutes. Mme la députée.
Mme D'Amours : Merci, M.
le Président, mes salutations. Salutations à tous mes collègues aussi. Merci,
madame Cordeau et Mme Julien, d'être présentes ce matin avec nous pour ce
projet de loi. J'aurais deux questions en fait, là. Ma première serait, bon, à
partir de votre mémoire, au chapitre 1.1, vous parlez de l'expérience d'accouchement
et vous semblez dire qu'il serait préférable que la femme qui souhaite porter
un enfant soit à sa deuxième expérience de grossesse et non à la première. J'aimerais
vraiment ça que vous me clarifiiez ça parce que, pour moi... Je vous donne
comme exemple une femme qui, d'un grand altruisme, de bonté, de bienveillance,
va accepter de porter un enfant pour quelqu'un qu'elle connaît puis que, pour
elle, elle ne veut pas d'enfant dans sa vie, mais qu'elle va faire ce geste-là
pour une personne qu'elle considère que ce sera des bons parents. Vous semblez
dire qu'on ne peut pas lui donner ce droit-là parce qu'à vous entendre depuis
tout à l'heure... j'écoute tout ce que vous nous dites, et vous dites que la
volonté des femmes doit être respectée dans tous les cas. Et si c'était sa
volonté à elle? Pourquoi vous nous proposez une deuxième grossesse?
• (11 h 20) •
Mme Cordeau
(Louise) : Nous, on se réfère quand même à certaines études, à
des comités d'éthique. Et, même dans le mémoire, on réfère aussi à des femmes
qui ont porté des enfants pour autrui, et c'est leur recommandation de faire en
sorte qu'il y ait eu une première grossesse, un premier accouchement. Et
dans...
Mme Cordeau (Louise) :
...ça permet de mieux anticiper les impacts d'une grossesse et d'un
accouchement. La capacité de mieux anticiper les étapes de la grossesse et de
l'accouchement, ça veut dire aussi mieux connaître le processus d'attachement
au foetus, au bébé et à l'enfant qui naît. Ça peut aussi faciliter puis
diminuer les risques de complications lors de l'accouchement quant à la santé
des femmes. Et on peut se dire aussi que ça facilite le consentement éclairé.
Et je vais laisser Mme Julien compléter parce que le Québec ne serait pas le
seul endroit dans le monde à exiger une première expérience de maternité.
Mme Julien (Mélanie) : Effectivement,
en complément, ce que je peux ajouter, c'est que les comités d'éthique de par
le monde exigent généralement ce critère-là, pour qu'une femme puisse agir
comme... pour porter un enfant pour autrui, elle doit avoir une expérience
antérieure d'accouchement.
En Ontario, c'est permis d'agir comme...
pour porter un enfant pour autrui. Et, en Ontario, ce qu'on exige pour établir
la... pour qu'un enfant né d'une maternité pour autrui, pour qu'on établisse la
filiation de l'enfant par la voie administrative, la femme doit avoir utilisé
des traitements de procréation assistée. Alors, elle doit se présenter en
clinique de procréation assistée et elle doit... et en clinique, c'est le
critère obligatoire pour qu'une femme puisse porter un enfant pour autrui grâce
à des traitements de procréation assistée, elle doit avoir une expérience
antérieure d'accouchement.
Alors, sur la base de ces critères-là qui
prévalent parmi les différents comités d'éthique et qui prévalent dans d'autres
régions du monde, il nous semble que c'est un critère qui est incontournable
pour s'assurer du consentement éclairé des femmes en question.
Mme D'Amours : Mais vous
allez être d'accord avec moi qu'un accouchement on n'est jamais certain, même
si c'est la première, la deuxième ou la troisième, qu'elle soit semblable à la
première. On peut très bien avoir une très belle grossesse, une première
grossesse et une deuxième avec une expérience qui n'est pas vraiment pas le
fun, là. Mais il reste quand même que le droit de la femme qui désire ne faire
qu'une seule grossesse dans sa vie, elle serait mise à l'écart si on dit
vraiment que c'est seulement à la deuxième grossesse. Et il y a une entente qui
pourrait se faire avec les parents facilement, là. La femme qui décide
d'avoir... pour sa première grossesse, décide de faire l'expérience, mais qui,
au bout du compte, garde l'enfant parce que son attachement... le projet de loi
lui donne cette possibilité-là.
Donc, je trouve ça un petit peu spécial
parce que la nature fait en sorte qu'il n'y a pas un accouchement qui est
pareil. Je comprends qu'il y a peut-être eu des études sur ça, mais peut-être
qu'on aurait eu droit à une étude où il y a des femmes qui auraient aimé être
légale et d'avoir une seule expérience, un seul accouchement pour être
bienveillante envers des gens qu'elle connaît qui ne peuvent pas avoir
d'enfant. Je trouve ça... C'est un dilemme. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de
Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Pour 10 minutes,
M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : 50 secondes, oui.
M. Tanguay : Écoutez, je veux
laisser absolument du temps à ma collègue de Westmount-Saint-Louis. D'abord, à
mon tour de vous saluer, Me Cordeau et Mme Julien. Merci beaucoup. On pourrait
en parler toute la journée puis on n'aurait pas fait le tour de questions
excessivement délicates. Puis savez-vous quoi? Je réalise à lire votre mémoire
puis je réalise à lire le papier écrit par Maria De Koninck, la rechercheuse...
la chercheure, pardon, hier, dans La Presse, qui posait des questions
excessivement importantes. Je suis conscient du fait que moi, je suis un homme,
je n'ai jamais apporté la vie, le ministre non plus. On est pères, mais ce
n'est pas l'expérience maternelle, bien évidemment. C'est des questions, donc,
qui touchent fondamentalement aussi aux droits de la femme.
Je lance la réflexion, c'est un
commentaire, réflexion, question. Qu'en est-il des obligations durant la
grossesse de la mère porteuse? Est-ce qu'il y aurait un droit de regard sur les
parents d'intention de dire : Bien là, là, tu es tout à fait déraisonnable
de prendre un verre de vin une fois de temps en temps, ou semble-t-il qu'on a
vu sur Facebook une photo, tu fumais la cigarette? Je vous dis ça, c'est
éminemment pratico-pratique ce que je vous dis là, mais ce sont des questions
de droits fondamentaux délicats. Puis j'aimerais vous entendre là-dessus, donc,
sur l'expérience d'accouchement...
M. Tanguay : ...je souscris à
votre réflexion, qui est celle de dire, je pense, oui, d'abord, c'est une bonne
chose que d'encadrer cela. Je pense que, sur le fond, vous êtes d'accord à un
encadrement, versus pas d'encadrement, mais vous parlez d'un comité d'éthique
et ainsi de suite. Honnêtement, là, puis j'entends qu'on va commencer dans
quelques semaines l'autre bord des fêtes, l'article par article. Croyez-vous qu'on
a fait socialement tout le débat nécessaire? Moi, comme législateur, là, quand
on va écrire, avec le ministre là, puis les autres collègues aussi, collègues
féminines, mais on va avoir le crayon, nous aussi, sur des droits des femmes, c'est
particulier. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Cordeau (Louise) :Je pense que... Vous parlez d'un débat social. Déjà, d'avoir
un projet de loi devant nous, d'avoir les contours du projet de loi, et le fait
d'en discuter, c'est un pas en avant. Est-ce qu'on aurait pu prendre plus de
temps? On pourrait toujours prendre plus de temps. Nous, on veut se concentrer
sur le projet de loi qui est devant nous et faire en sorte que l'intérêt des
femmes et des enfants soit préservé.
M. Tanguay : Et avez-vous une
réflexion, des données quant à l'attachement mère-enfant après l'accouchement?
Qu'en est-il? Pour moi, là, je suis dans le noir. Je peux présumer qu'un
enfant... puis après ça, il y a de trouver ses origines, par la suite, il
pourrait, puis corrigez-moi si j'ai tort, n'être pas possible pour un enfant de
savoir qui était la mère porteuse. Et l'attachement envers ma mère biologique
et/ou envers ma mère porteuse, est-ce qu'on a suffisamment de données d'analyse?
Et je souscris encore une fois à votre
demande qu'il y ait des conseils avec les professionnels, qui seraient beaucoup
plus étayés que la loi, là. Il n'y a jamais de rencontre non plus entre les
deux, devant un professionnel, entre les parents. Voyez... je vous lance ça,
là, mais vous voyez mon état d'esprit, comme législateur, là? J'ai plein de
points d'interrogation puis je me demande si on va faire la bonne chose. On va
faire le travail, il n'y a pas de problème, comme vous le dites bien, mais qu'en
est-il de l'attachement? Qu'est-ce qu'on est en train de faire, là? Et je pense
que c'est important, oui, de l'encadrer, mais est-ce qu'on a toutes les
réponses pour bien l'encadrer, suffisamment? Je vous laisse mon temps.
Mme Cordeau (Louise) :Je vous dirais qu'en 2016 le Conseil du statut de la femme
a fait un avis très imposant sur le sujet. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais
plusieurs des éléments que vous évoquez, M. le député, étaient étayés, quant à
l'attachement de l'enfant, quant à l'impact psychologique sur les mères qui ont
porté un enfant pour autrui, quant à l'impact aussi des autres enfants d'une
femme qui aurait choisi de faire un enfant pour les autres, pour autrui. Alors,
ces éléments ont été étayés.
Cependant, on doit se rendre à une
conclusion, c'est un phénomène qui est très peu documenté, donc, et c'est pour
ça qu'on est satisfait qu'il y ait un registre, que le ministre du Travail, de
la Sécurité et de l'Emploi ait des responsabilités de tenir le registre à cet
effet. Parce que malgré toute la bonne volonté du monde et malgré tous les...
croisés qu'on voudrait faire, malgré tout le travail de recherche, ce
phénomène-là est un phénomène qui n'est pas documenté, qui se passe bien
souvent entre quelques personnes et qui... va nous permettre, à partir de l'adoption
de ce projet de loi, avec évidemment les bonifications qui seraient
nécessaires, d'évaluer l'ensemble des concepts, d'évaluer l'ensemble des
conséquences et peut être de prendre des décisions qui seraient plus nuancées
ou qu'on pourrait voir... être dirigé d'une autre façon. Mais, et je ne sais
pas si Mme Julien a des commentaires, mais vous répondre de façon scientifique
sur l'ensemble de vos préoccupations, qui sont aussi les nôtres, on en
convient, c'est extrêmement difficile.
• (11 h 30) •
Mme Julien (Mélanie) : Oui,
je peux peut-être ajouter. Au regard des recherches, effectivement, vos
questions sont tout à fait légitimes, et les recherches qui sont menées sur le
sujet sont très embryonnaires, et tout particulièrement au Québec. Bien sûr, qu'il
y a quelques études empiriques qui sont réalisées, mais les échantillons sont
bien sûr de très petite taille. Alors, dans quelle mesure on peut généraliser
sur la base de ces études-là, c'est vraiment... agir avec...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Julien (Mélanie) : ...et
on peut aussi avoir à l'esprit que les personnes qui acceptent de témoigner
dans le cadre de de telles études empiriques qualitatives, c'est
potentiellement des personnes pour qui les expériences ont peut-être été un
petit peu plus heureuses, hein. Les personnes pour qui la situation s'est mal
conclue seront peut-être un peu plus réticentes à pouvoir en témoigner dans le
cadre d'études. Alors, c'est pour ça que le conseil, dans sa recommandation,
là, on souhaite vraiment que les données soient colligées dans le cadre du
registre, puissent être utilisées à des fins de recherche pour qu'on puisse
approfondir notre connaissance du sujet, de notre connaissance de ces
conséquences-là puis ajuster le tir, aussi, pour s'assurer que les balises
permettent véritablement de protéger les femmes puis les enfants qui sont à
naître.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de
Westmount-Saint-Louis, il vous reste un peu plus que trois minutes.
Mme Maccarone : Bon. Questions
en rafale, d'abord. Bonjour, mesdames, je veux revenir un peu sur l'expérience
que vous... la recommandation que vous faites d'avoir une expérience antérieure
d'accouchement, que je trouve très intéressante conuméromme recommandation.
Suite à un accouchement, avez vous autre recommandation dont nous devons
prendre en considération comme des soins psychologiques? Ce serait la question 1.
Puis, quand on parle de quand on... pour consentir à la renonce, à son lien de
filiation avec l'enfant, on ne dit pas avant 7 jours suivant sa naissance.
Est-ce que cette période de temps est assez longue, trop courte? Votre avis là-dessus.
Mme Cordeau (Louise) :Évidemment, l'expérience de maternité est un des critères.
La loi donne d'autres balises que nous saluons, qui sont très importantes. L'ajout
qu'on fait quant à l'accompagnement des parents d'intention et de la personne
ou de la femme qui souhaite porter un enfant pour autrui, c'est fondamental. Le
consentement libre et éclairé... là, je vous repasse les étapes, mais tout ça
est fondamental et l'étape du contrat notarié est très importante aussi. Alors,
je vous dirais que toutes ces étapes-là d'accompagnement... et je rajouterais
peut être un élément, ce sera éventuellement la connaissance de toutes ces
dispositions-là auprès de la population québécoise ou des populations
concernées par ces projets-là, donc, d'en prendre... de prendre la mesure de la
démarche et des règles afférentes au Québec, et qui s'imposent serait... va
être éminemment important dans le contexte.
Mme Julien (Mélanie) : Si
vous permettez, j'ajouterais peut être un élément parce qu'effectivement, dans
les recommandations du conseil, un certain nombre de balises ou de dispositions
que l'on souhaite voir renforcées dans le projet de loi. Mais on est bien
conscientes que le projet de loi numéro 2 ne pourra pas, à lui seul,
régler toutes les questions éthiques que suscite le phénomène de la maternité
pour autrui. Et c'est pour ça qu'on en soit qu'il y ait un comité d'éthique qui
puisse établir des balises, des lignes directrices pour pouvoir éclairer l'ensemble
des parties et l'ensemble des professionnels, aussi, qui auront à intervenir
auprès des femmes qui souhaitent porter un enfant pour autrui, puis aussi
informer des parents d'intention. Alors, oui, c'est important de renforcer les
dispositions du projet de loi, mais aussi, c'est important de confier le mandat
à un comité d'éthique d'établir des lignes directrices pour aller beaucoup plus
en profondeur, pour élucider différentes situations que ne peut pas aborder
forcément un projet de loi.
Le Président (M.
Bachand) :...moins de une minute.
Mme Maccarone : Ça m'amène
une question. Puis c'est sûr, on ne pourra pas l'aborder, comme mon collègue a
dit. On pourra avoir un débat toute la journée, mais, mettons, on parle d'un
âge minimum mais on ne parle pas d'un âge maximum. Mettons, à mon âge, j'ai une
fille qui a 21 ans, puis, pour des raisons médicales, elle ne peut pas
porter un enfant. Selon vous, votre recommandation, est-ce que je devrais avoir
la possibilité à l'intérieur de la loi, de porter un enfant pour ma fille?
Mme Julien (Mélanie) : Bien,
notre recommandation, c'est que ce genre de question là puisse être examinée
par un comité d'éthique qui soit multidisciplinaire, que ce comité-là se penche
sur ces cas de figure là et donne des balises claires pour élucider ces
situations-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, bonjour,
merci d'être avec nous aujourd'hui. Moi aussi, j'aurais plusieurs questions,
mais évidemment, le temps étant réduit, on va y aller à quelques-unes. La
première, c'est qu'il n'y a pas une forme d'hypocrisie entre le cadre
législatif, là, qu'on veut mettre de l'avant, qui permet des remboursements de
dépenses, même des remplacements d'un revenu, et d'autre part, le Code criminel
qui dit que c'est absolument interdit de rémunérer une personne. Est-ce que le
remplacement de revenu, on n'est pas loin de la rémunération, il n'y a pas une
forme d'hypocrisie?
Mme Cordeau (Louise) :Bien, je pense que l'intention...
Le Président (M. Bachand) :
...en disant le mot «hypocrisie» juste faire attention pour ne porter d'intention
au législateur. Oui?
M. Leduc : Ah, mon Dieu,
bien... O.K.
Le Président (M.
Bachand) : Non, mais je sais que ce n'était pas que vous
vouliez faire, mais juste faire attention. Oui, Me Cordeau.
Mme Cordeau
(Louise) :
De mon humble point de
vue, je pense que l'intention du législateur est de combler les pertes que
pourraient avoir une femme suite à son acceptation de porter un enfant pour
autrui. Il y a, je pense, une différence entre une rétribution et combler des
pertes de revenus ou des coûts afférents associés au choix de la femme qui
accepte de porter un enfant pour autrui. C'est mon premier réflexe.
M. Leduc : Pour vous, la
distinction est claire entre les deux?
Mme Cordeau
(Louise) : On le souhaite.
M. Leduc : Parfait. Autre
question : Vous proposez une série de mesures pour resserrer l'encadrement.
Avez-vous une crainte que plus on resserre l'encadrement, plus les
contournements, les voies de contournement qui sont utilisées actuellement vont
continuer d'être utilisées?
Mme Cordeau
(Louise) : C'est difficile de savoir. Cependant, j'ajouterais
que les voies de contournement sont passablement balisées par le projet de loi
aussi. Si, par exemple, des parents d'intention choisissaient une femme pour
porter l'enfant, une femme qui n'habiterait pas au Québec, il y a des
dispositions dans le projet de loi qui encadrent aussi cette démarche-là, et la
reconnaissance ou non qui pourrait être faite par les tribunaux et fait en
sorte de, je dirais, de ne pas faciliter les démarches.
M. Leduc : Le temps...
il reste un peu de temps. Peut-être pouvez-vous nous parler de vos propositions
sur le RQAP.
Mme Cordeau
(Louise) : Bien, le RQAP, nous saluons le fait que les parents
d'intention et que la femme qui souhaite porter un enfant pour autrui puisse
bénéficier de ces mesures comme l'ensemble des parents du Québec peuvent le
faire actuellement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme Hivon : Oui, bonjour
à vous deux. Merci beaucoup pour votre mémoire. Je l'ai parcouru avec beaucoup
d'intérêt. J'aurais des tonnes de questions pour vous, j'ai 2 minutes 50.
Donc, je vous les donne en rafale, puis vous irez avec ce que vous jugez le
plus important ou ce sur quoi vous avez des réponses. Vous avez parlé pour l'expérience
d'accouchement qui était dans les lignes directrices en Ontario. Est-ce que
vous avez d'autres exemples de pays qui exigent ceux ça? Si vous ne l'avez pas
aujourd'hui, si vous voulez nous l'envoyer. Ensuite de ça, est ce que vous avez
une idée, en ce moment, au Québec, sans encadrement, il peut y avoir combien de
gestations de maternité pour autrui dans une année? Et est-ce que dans les
juridictions où on est venu encadrer, il y a eu une hausse du recours à la
maternité pour autrui? Et puis, votre comité d'éthique, vous le voyez national
et intervenant concrètement ou uniquement une fois pour énoncer les grandes
lignes directrices?
Mme Cordeau
(Louise) : Je vais laisser Mme Julien répondre, elle a
acquiescé à plusieurs de vos questions.
Mme Julien (Mélanie) :
Par où commencer? Ce que l'on sait, c'est qu'il y a eu quand même en
Colombie-Britannique et en Ontario, des législations qui ont été passées
récemment pour effectivement baliser le recours à la maternité pour autrui. Et
puis les données témoignent quand même, là, qu'il y a un certain nombre de...
il y a quand même des cas assez significatifs. Il y a un nombre assez
significatif de femmes dans ces régions, en Ontario et en Colombie-Britannique,
qui agissent comme mères porteuses. On n'a pas de données semblables au Québec,
malheureusement. On compte, on espère, en fait, que les données, là, qui vont
être colligées dans le registre, vont justement nous permettre de suivre l'évolution
au Québec parce qu'actuellement, on n'en a aucune idée. Mais on sait quand même
qu'un certain nombre de femmes, en Colombie-Britannique et en Ontario, qui
agissent comme mères porteuses. Et puis selon des données dont on dispose, là,
c'est quand même dans le tiers, entre 30 et 40 % de ces femmes-là agissent
comme mères porteuses pour des parents d'intention en dehors du Canada. Alors,
d'où l'importance, là, du projet de loi, d'avoir des dispositions qui
permettent d'éviter les risques de dérive au regard de la maternité entre
régions du monde. Mais on n'a pas de cas au Québec, et en ce qui touche les
expériences d'accouchements antérieures, je le disais tout à l'heure,
effectivement que la Société américaine de la médecine reproductive et la
Société européenne de la reproduction humaine sont les comités d'éthique qui
exigent ce critère-là d'accouchement antérieur pour autoriser un projet de
maternité pour...
Mme Julien (Mélanie) : ...Oui.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, c'est tout le
temps qu'on a, Mme Julien et maître Cordeau, merci beaucoup d'avoir participé
avec nous aux auditions.
Cela dit, je suspends les travaux jusqu'après
les affaires courantes. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 40)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 24)
Le Président (M.
Bachand) :Bon après-midi. À l'ordre, s'il
vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Nous poursuivons
donc les auditions publiques, dans le cadre des consultations particulières,
sur le projet de loi no 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en
matière de filiation et en modifiant le Code civil en matière des droits de la
personnalité et d'état civil. Cet après-midi, nous allons entendre le Pr Martin
Blais, titulaire de la Chaire de recherche de la diversité sexuelle, de même
que Gabriel James... et nous allons entendre également la Pre Isabelle Côté et
le Pr Kevin Lavoie. Mais d'abord nous débutons avec les représentants de la
Chambre des notaires du Québec, que je salue. Merci beaucoup d'être avec nous.
Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après, nous
aurons un échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la
parole immédiatement, et vous pouvez débuter votre exposé en vous présentant,
bien sûr. Merci.
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
bonjour à tous. Merci. Alors, permettez-moi donc de vous présenter Me Jean
Lambert qui m'accompagne aujourd'hui, notaire émérite, ancien président de la
Chambre des notaires. Donc, Me Lambert a été membre du Comité consultatif sur
le droit de la famille. Et moi-même, donc, Hélène Potvin, notaire et présidente
de la Chambre des notaires du Québec. Alors, M. le Président, M. le ministre,
Mmes, MM. les députés. Au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous
remercie pour votre invitation à cette consultation particulière...
Mme Potvin (Hélène) :
…sur
le projet de loi 2, ce projet de loi qui constitue le premier jalon de la
réforme du droit de la famille au Québec, qui vise à moderniser notre système
juridique en tenant compte des nouvelles réalités familiales, psychologiques et
humaines des Québécoises et des Québécois.
La chambre... la détermination du ministre
de la Justice, qui a fait de ce dossier l'une de ses priorités absolues,
permettant ainsi à notre société de faire un grand pas vers l'avant. Vous me
permettrez aussi de souligner le travail colossal qui a été mené depuis
plusieurs années par notre confrère, le notaire et professeur, Alain Roy. Me
Roy a été le président du Comité consultatif sur le droit de la famille et
auteur d'un rapport étoffé remis au ministre de la Justice en juin 2015,
rapport dont le projet de loi s'est grandement inspiré.
Le dossier de la réforme du droit de la
famille est d'une importance capitale pour les notaires et pour la chambre.
Agissant comme les conseillers juridiques de proximité des familles québécoises,
et ce, à chaque étape de leur vie, les notaires présents aux quatre coins du
Québec sont depuis longtemps témoins du décalage entre le régime juridique
actuel et les réalités vécues par les citoyens et leurs familles.
C'est pourquoi l'ordre réclame, depuis
plusieurs années déjà, une modernisation globale du droit de la famille qui en
a bien besoin, la dernière grande réforme datant plus de 40 ans. La chambre a
toujours fait preuve d'un grand leadership dans cette question, notamment en
mettant sur pied la Commission citoyenne sur le droit de la famille, en 2018,
qui a permis de sonder les besoins des citoyens, mettant en lumière l'urgence d'agir.
Puisque la chambre accueille très
favorablement, pardon, ce projet de loi, c'est donc avec grand plaisir que nous
venons témoigner aujourd'hui devant vous afin d'exposer certains de nos
commentaires et recommandations sur ce dernier. Les mémoires que la chambre
soumet à la Commission des institutions se fondent sur trois grands principes :
l'intérêt de l'enfant, le rôle du notaire comme juriste des familles et grand
collaborateur de l'État dans cette réforme et l'impact des mesures projetées
sur la pratique notariale et incidemment sur les Québécoises et Québécois lors
de leurs interactions avec les notaires.
Tout d'abord, la chambre salue l'importance
qu'accorde le législateur au principe de l'intérêt de l'enfant, principe qui se
doit d'être la pierre d'assise de la réforme globale du droit de la famille au
Québec. En ce sens, le pl 2 comporte des mesures concrètes qui placent l'intérêt
de l'enfant au cœur des préoccupations. Nous pensons ici à l'ajout de la
violence familiale comme critère à considérer par le tribunal lorsqu'il rend
une décision concernant l'enfant ou encore l'octroi d'un aide juridique gratuite
à tout enfant mineur pour tous les services couverts dont il pourrait avoir
besoin. Il s'agit d'avancées très positives pour la protection des enfants. Par
ailleurs, la chambre profite de sa présence, aujourd'hui, pour suggérer au
législateur de poursuivre sur sa lancée, même d'aller plus loin pour consacrer
la reconnaissance des droits fondamentaux des enfants comme principe absolu
dans notre droit en l'incluant dans la Charte québécoise.
Une autre avancée, quant à la modernité de
notre système juridique en matière familiale, est l'encadrement par le projet
de loi de la gestation pour autrui afin d'assurer la sécurité juridique des
parties. Nous savons tous que ces situations existent actuellement sans aucun
encadrement, sans aucune protection ni pour la personne donnant naissance ni
pour l'enfant à un acte. Ces situations comportent des risques importants, et
la chambre est favorable à l'imposition d'un cadre afin de baliser cette
réalité et félicite le ministre d'avoir agi en ce sens. Trop de risques sont
possibles en ce moment. Parmi ceux-ci, notons le trafic de bébés nés ou à
naître, la scission de la fratrie ou encore le refus d'un enfant avec un
handicap sérieux.
• (15 h 30) •
Pour parvenir à établir ce cadre, le
législateur fait appel au notaire, officier public, gardien de l'ordre social
dans la sphère privée et accompagnant des familles depuis toujours. La chambre
est heureuse pour les citoyens québécois de la reconnaissance du rôle du
notaire que lui confie l'État québécois qui, aux termes du présent projet de
loi, vient imposer la forme notariée en minute à la convention de gestation
pour autrui. En effet, cette exigence témoigne ainsi de manière absolue que la
date de la convention est antérieure à la conception de l'enfant. Il s'agit là d'un
gage important et indéniable de protection pour chaque personne prenant part à
un projet parental...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Potvin (Hélène) : ...certains
prendront la parole, sans aucun doute, pour décrier cette mesure. Cependant, je
tiens à vous le préciser, les notaires, en tant qu'officiers publics, seront le
prolongement de l'État dans le cadre de cette mission sociale, et assureront l'équilibre
dans les rapports de force entre les parties ainsi que leur compréhension des
engagements souscrits dans ce contrat innovant.
Il ne faut pas voir dans ce contrat qu'un
simple rapport contractuel. Il s'agit de bien plus pour les parties impliquées.
Les émotions, les doutes, les questionnements feront partie de la démarche,
dont les obligations doivent être clairement comprises pour chacune des
parties, grâce à un tiers totalement impartial. C'est ce dernier qui devra partager,
avec rigueur et humanisme, toute l'information, en accompagnant chaque partie
afin que chacune y souscrive en pleine connaissance de cause. Là est la mission
du notaire. Il la réalisera avec la justesse qu'on lui connaît. En plus des
vérifications d'usage, le notaire pourra valider de la pleine capacité des
parties, tout en s'assurant pleinement de l'existence du projet parental, et
ce, avant même la conception.
Toujours en matière de gestation pour
autrui, les avantages qu'offrent l'acte notarié et l'intervention du notaire
pour la conclusion de la convention de gestation pour autrui peuvent fort bien
s'inscrire lorsque le projet parental fait appel à une personne acceptant de
donner de donner naissance qui est domiciliée hors du Québec. La chambre est d'avis
que tous les enfants doivent avoir les mêmes droits et la même protection
juridique, que la personne donnant naissance soit domiciliée au Québec ou non.
Ainsi, la Loi sur le notariat permet la conclusion d'un acte notarié lorsque
des parties sont domiciliées hors Québec. De plus, l'expérience des notaires en
matière de vérification de la validité et de la conformité de documents
étrangers ainsi que de l'identité des comparants étrangers représentés à l'acte
n'est plus à faire.
Il est également possible, depuis quelques
mois, de conclure des actes notariés dématérialisés, où plusieurs parties sont
présentes par des moyens électroniques. Cette nouvelle façon de faire préserve
la valeur d'authenticité de l'acte, tout en évitant aux parties éloignées des
déplacements coûteux. La chambre est convaincue que, dans de telles situations,
le notaire sera un facilitateur pour le ministre, qui aura à donner son
autorisation et même à être un accompagnateur dans les différentes étapes à
suivre.
84 % des Québécoises et des Québécois
considèrent déjà que la réalisation de la convention de gestation pour autrui
par acte notarié est un gage de sécurité juridique pour l'ensemble des parties.
Le ministre, par ce projet de loi, vient donc corroborer ce lien de proximité,
de confiance qui existe entre la population et le professionnel à qui l'État
délègue une partie de son pouvoir, c'est-à-dire le notaire.
La chambre prendra son rôle à cœur
également quant à l'encadrement des notaires dans ce nouveau pan du droit de la
famille. Il est certain que notre ordre professionnel est disposé à participer
activement dans l'élaboration du règlement d'application, qui aura des
conséquences importantes sur ses membres et leurs pratiques.
Enfin, les dispositions du projet de loi
qui permettent d'étendre la présomption de paternité aux conjoints de fait
représentent également un grand pas vers un droit de la famille plus actuel. Il
s'agit peut-être même du début d'une reconnaissance de l'union de fait dans
notre droit commun, soit un pas de plus vers une modernisation des modes de
conjugalité au Québec. Ceci dit, la chambre suivra avec intérêt les travaux du
deuxième volet de la réforme globale du droit de la famille, et qui touchera
particulièrement la conjugalité. Par ailleurs, et avant de conclure, je
tiens à préciser que nous laisserons le soin à d'autres regroupements de
débattre d'aspects du projet pour lesquels ils ont pleine compétence à le
faire. Je pense ici, entre autres, de l'identité de genre. Mais nous souhaitons
que le législateur favorise l'inclusion des personnes concernées avec le moins
de contraintes ou d'étapes possible.
En terminant, la chambre rappelle qu'elle
demeure disponible afin de travailler étroitement avec l'ensemble des parties
prenantes engagées dans cette réforme très importante pour les familles, leur
protection et le Québec de demain. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Potvin. M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Potvin, Me Lambert, bonjour. Heureux de vous
retrouver en commission parlementaire. Je tiens à remercier la chambre d'avoir
accepté l'invitation...
M. Jolin-Barrette : ...c'est
un dossier que vous connaissez bien à la Chambre des notaires déjà. Depuis 2013
à 2015, il y a eu le rapport du comité consultatif qui a été rendu, notamment,
que les travaux se sont déroulés. Maître Lambert, vous étiez d'ailleurs membre
du comité consultatif, en compagnie de Maître Roy qui nous accompagne également.
Je tiens d'ailleurs à remercier également la Chambre pour, bon, le fait que des
membres aient participé à la rédaction de ce rapport, mais également la
commission citoyenne que vous avez mise en place également en 2017-2018 aussi,
où vous avez fait une tournée du Québec au niveau de la Chambre. Je pense que
le fait d'aller voir les gens, d'expliquer, d'entendre les différents points de
vue, ça a contribué notamment à la réflexion qu'on a eue au sein du ministère
de la Justice pour la rédaction de ce projet de loi. Alors, je tiens à vous
remercier de tout le travail que la Chambre des notaires a fait par rapport à
la réforme du droit de la famille. C'est un enjeu qui est important et surtout,
il était nécessaire d'actualiser le droit de la famille au Québec qui n'avait
pas été fait depuis une bonne quarantaine d'années. Alors je tiens à vous dire
merci. Puis je comprends, à la lecture de votre mémoire aussi, que globalement,
la Chambre est satisfaite des propositions que nous faisons dans l'aspect global
des choses. Vous notez que c'est une avancée significative.
Mme Potvin (Hélène) : Oui,
tout à fait, alors essentiellement, comme je le mentionnais, plusieurs des
recommandations du rapport ont été reprises dans le projet de loi. Alors, je
vais laisser quand même Maître Lambert, qui a participé étroitement, là, à tous
les travaux dans les dernières années, donc, compléter ma réponse.
M. Lambert (Jean) : M. le
ministre, M. le Président, permettez à mon tour de saluer vos collègues
parlementaires. Alors, M. le ministre, on va se concentrer parce qu'on a hâte
de recevoir vos questions. Alors, bien évidemment, c'est avec plaisir que nous
participons à cet exercice et comme membre du comité ministériel qui a
travaillé et qui a produit ce rapport en 2015, eh bien, on est très heureux. Je
suis très heureux de voir que l'État va y donner suite.
M. Jolin-Barrette : Vous
faisiez référence à un sondage tout à l'heure notamment, puis je pense qu'on l'a
vu dans les journaux également, relativement à l'encadrement de la gestation
pour autrui. Comment est-ce que la Chambre trouve les modalités, l'encadrement
qu'on a mis relativement à la gestation pour autrui, le fait d'y aller par
convention notariée avec un acte notarié en minute? Comment est-ce que vous
percevez ça?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
c'est certain que le projet parental, c'est un projet qui est qui implique
beaucoup d'émotivité, beaucoup... Donc, cet encadrement-là était nécessaire
quant à nous. Alors, je vous rappelle que le notaire est avant tout, donc, un
professionnel qui accompagne les familles depuis de nombreuses années. Donc, ce
sont des hommes, des femmes avec des qualités humaines qui sont vraiment au
service de leurs clients, qui ont développé des relations de confiance, qui sont
donc des notaires de famille depuis des... de génération en génération. Alors,
le notaire accompagne, conseille de façon impartiale, non conflictuelle. Alors,
c'est vraiment pour nous un gage de confiance, un gage de sécurité juridique
que de faire appel au notaire, donc, pour jouer ce rôle-là. Alors...
M. Jolin-Barrette : Je crois
que maître Lambert a des problèmes techniques. Est-ce que, maître Lambert, vous
nous entendez?
M. Lambert (Jean) : Moi, je
vous entends très bien. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bon.
Parfait.
M. Lambert (Jean) : Je ne
sais pas si mon micro a été branché.
M. Jolin-Barrette : Oui, on
vous entend très bien.
M. Lambert (Jean) : M. le
ministre, si vous me permettez, 30 secondes...
M. Jolin-Barrette : Oui,
allez-y.
M. Lambert (Jean) : ...d'ajouter
que, effectivement, le projet de loi retient l'essentiel de ce que le comité
Roy, appelons-le de même pour les fins de la discussion, a produit dans son
rapport... et c'était le fruit de discussions très précises. Et la raison pour
laquelle on a retenu l'acte notarié, c'est qu'on avait en tête la convention
que le Canada a signée contre... pour la protection de l'enfant et donc contre
le trafic des enfants. On a au Québec ce bijou, vous me permettrez d'être un
peu biaisé, qu'est l'acte notarié qui établit la date certaine, ce qui n'existe
pas dans les pays de droit de common law, alors que l'État décide de se servir
de cet instrument qu'il possède et de... sur la loyauté que le notaire doit à l'État
qui lui a délégué son pouvoir. Je ne peux que me réjouir.
• (15 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Une
question. Bon, on vient encadrer ça avec...
M. Jolin-Barrette : ...la
convention notariée, il y a l'acte en minutes, on peut établir le moment où ça
se produit.
Qu'est-ce que la Chambre va faire? Parce
que maintenant là, ça existe, la gestation pour autrui ou la maternité pour
autrui au Québec. Mais les contrats n'étaient pas valides, s'annulent de
nullité absolue. Là, ça va devenir une nouvelle pratique. Là, on vient confier
ce mandat-là aux notaires donc qu'est ce que la Chambre des notaires va faire
pour s'assurer que les notaires qui vont recevoir des parents d'intention, des
mères porteuses, comment est-ce qu'on va s'assurer que les notaires soient bien
outillés pour réaliser cette convention-là, puis qu'ils vont être en mesure de
bien informer les justiciables, les citoyens qui vont venir dans leur bureau?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
c'est certain que comme régulateur, donc, c'est la Chambre qui encadre les
professionnels, le travail des professionnels. Alors c'est certain, comme tout
nouveau domaine de droit nouveau, donc nous allons nous assurer que les
notaires ont les compétences pour le faire. Donc nous allons nous assurer qu'ils
reçoivent la formation adéquate. Nous allons également faire profiter le
gouvernement de notre expérience pour le contenu des contrats.
Donc, nous souhaitons naturellement
participer aux travaux pour définir avec vous quelles seront les clauses
importantes à inclure dans les contrats.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Voyez-vous... J'ai posé la question à l'association professionnelle des
notaires tout à l'heure. Voyez-vous un enjeu au fait qu'il y ait qu'une seule
partie... bien, en fait, les parents d'intention qui rémunèrent le notaire et
que dans le fond que le notaire également reçoive le dépôt pour les
remboursements associés aux dépenses de la mère porteuse et que le fait que,
bon, le notaire soit celui qui évalue le consentement libre et éclairé des
parents d'intention puis que ça soit lui qui valide est-ce que les parents et
la mère porteuse ont suivi la formation avant de pouvoir conclure la convention
notariée sur la gestation pour autrui?
Mme Potvin (Hélène) : Comme
dans les autres domaines, notre législation, notre réglementation, notre code
de déontologie fait que le notaire est impartial, donc, même si le choix
appartient à une partie, même si le paiement des honoraires se fait uniquement
par une seule des parties, donc, le notaire doit être impartial, alors donc ça,
il n'y a pas de souci. Ça se fait déjà actuellement comme ça. Alors donc voilà
pour... Je laisserais maintenant Me Lambert compléter sur les autres points. Me
Lambert.
M. Lambert (Jean) : M. le
ministre, ce n'est pas la première fois que l'État confiera aux notaires une
responsabilité de cet ordre. Ça s'est fait il y a quelques années avec les
procédures devant notaire, donc, où il est question, par exemple, de statuer
sur l'attitude d'une personne et comme conséquence, de lui retirer l'exercice
de ses droits.
De tout temps, les notaires ont eu devant
eux des parties et il a toujours... Il s'est toujours acquitté avec beaucoup de
rigueur de son devoir d'impartialité. Et ce devoir d'impartialité prend
particulièrement son sens dans son devoir de conseil.
Et dans ce cas-ci, c'est l'aspect qui
devient intéressant. J'ai coutume de dire que généralement, dans nos bureaux,
on fait de 20 à 30 % de droit. Le reste, c'est la relation humaine, c'est la
convivialité, c'est les échanges d'informations, c'est le devoir de conseil.
Alors, il n'en sera pas autrement dans ce domaine-là.
Et comme le disait la présidente Potvin,
dans le passé, les notaires ont toujours répondu à la formation. Lorsque les
procédures devant notaire, et il y a beaucoup de rapprochements à faire, il y
avait un aspect psychologique et psychiatrique important. Et les notaires
suivaient deux jours avec... de formation avec un psychiatre, pour être bien
certains de bien comprendre le contexte de personnes vulnérables. Des personnes
donc qu'on approchait pour faire un interrogatoire alors que l'exercice de
leurs droits était en jeu. Alors, je pense que là-dessus, la preuve est faite.
Ce n'est pas parce qu'une partie paye nos honoraires que pour autant, le
notaire ne sera pas impartial.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une ou deux dernières questions avant de céder la parole à mes
collègues là. Un des constats de la commission citoyenne était que le besoin
des enfants adoptés ou issus de la procréation assistée de connaître leur
origine ne peut plus être nié. Le droit doit y faire écho de manière claire et
limpide. Dans votre mémoire...
M. Jolin-Barrette :
...que la Chambre espérait le jour où le
Québec instituerait un droit inconditionnel à la connaissance des origines dans
la charte. Alors, je vais vous demander qu'est ce que vous pensez du nouveau
droit à la connaissance des origines qu'on est venus inscrire dans le projet de
loi no 2.
Une voix : Je pense que Me
Lambert va être heureux de répondre à cette question.
M. Lambert (Jean) : M. le
ministre, le droit de l'enfant à la connaissance de ses origines crée peut-être
certaines appréhensions chez certaines personnes, mais il faut bien comprendre
qu'il s'agit de connaître les origines et non pas de donner un droit de
contact. Donc, déjà là, il y a une garantie que les gens qui ne voudraient pas
avoir de communication avec une personne dont ils ont été... qui ont participé
à la conception. Par ailleurs, il est difficile de nier à l'enfant un droit
aussi fondamental lorsque, par exemple, au cours de sa vie, il rencontrera un
problème génétique au niveau médical, eh bien, ça va permettre aux soignants,
au personnel médical de pouvoir contacter les personnes sans que l'enfant
lui-même établisse ce contact. Le mur va demeurer là, mais, à l'intérieur du
secret professionnel médical, ceux-ci pourront s'informer, aller chercher une
information qui va être précieuse pour la santé de l'enfant en cause.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Je vous remercie grandement pour votre présence en commission parlementaire. Je
crois que le député de Chapleau souhaite vous poser des questions. Un grand
merci...
Une voix : Merci, M. le
ministre.
Le Président (M.
Bachand) :...M. le ministre. M. le député
de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) :
...Me Lambert également. J'aimerais peut-être revenir sur une portion, là, que
vous avez abordée avec le ministre, notamment en lien avec la surveillance des
notaires puis les soutenir dans les nouveaux mandats qu'il va y avoir,
notamment, particulièrement en lien avec les conventions de gestation pour
autrui. Ce matin, puis j'aimerais ça peut- être faire un parallèle avec ce
matin, nous avions reçu un groupe, une notaire, Me Marineau, qui avait ce type
de mandats actuellement, mais, bon, elle passait par une procédure un peu plus
complexe, notamment en lien avec l'adoption. Puis je me demandais si vous, à la
Chambre des notaires, vous aviez eu l'occasion d'aborder ce type de dossiers là
ou d'offrir, justement, de l'accompagnement, et est ce que ça va rassembler un
peu à ça, et comment que vous voyez, là, cette transition-là pour ces
notaires-là que vous... si vous les accompagnez actuellement ou vous donnez un
certain encadrement.
M. Lambert (Jean) : Je pense
que la Chambre des notaires, elle n'est pas sur le terrain, donc ce n'est pas
la chambre elle-même qui aura à échanger et discuter sur un cas aussi concret,
qui a été soulevé ce matin par notre consœur Marineau. Alors, la chambre, le
support qu'elle offre aux notaires, c'est d'abord de la formation. Et ensuite
on a un service, depuis des années, ici, de soutien juridique aux notaires
lorsqu'ils rencontrent des difficultés. On a une banque d'informations tirées
des dossiers, depuis une cinquantaine d'années, où les difficultés ont été
solutionnées, et les notaires, via notre service d'information que je
qualifierais de bibliothèque notariale, ont accès à ceci. Ils ont accès aussi à
des spécialistes, des experts. Les notaires, la chambre peut leur indiquer des
confrères ou consoeurs qui ont cette expertise. On est assez bien organisés à
ce niveau-là. Donc, les notaires qui vont agir dans ce domaine ne sont pas
seuls, si vous permettez l'expression, dans le champ.
M. Lévesque (Chapleau) : Tellement,
c'est le cas également, donc ils ne sont pas seuls, ils sont accompagnés avec
les services dont vous faites mention. C'est bien ça?
M. Lambert (Jean) : C'est
bien ça.
M. Lévesque (Chapleau) :
Excellent. On a parlé également, ce matin, là, rapidement, là, de la question
des successions puis des comptes bancaires qui sont gelés lorsqu'ils sont...
des comptes conjoints, en quelque sorte, et ça crée une problématique. J'aimerais
peut-être vous entendre, et si vous partagez également l'opinion de vos
confrères, consoeurs à cet effet.
Mme Potvin (Hélène) : Nous n'avons
pas fait de recherches exhaustives, là, de... Mais c'est sûr que ce qu'on a
salué, c'est vraiment de ne pas assimiler cette acceptation-là ou cette
réception-là de certaines sommes à une acceptation d'une succession. Alors,
pour nous, c'était important. On pense qu'effectivement, quand il y a un décès,
il y a tout un volet également qui est émotif. Alors, on pense que ça va
faciliter, effectivement, là, certaines situations délicates actuellement.
• (15 h 50) •
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de temps? Oui, deux minutes.
Excellent. Et peut être, donc, au niveau de la loi, dans le fond, sur la remise
des dépôts d'argent au cotiseur d'un compte, qui sont conjoints ou des
ex-conjoints, est-ce que voyez quand même d'un bon œil les changements qui sont
apportés, même au-delà de la succession, le fait qu'une personne puisse avoir
accès à ces fonds...
M. Lévesque (Chapleau) : ...durant
cette période-là?
Mme Potvin (Hélène) : Je
pense qu'il va devoir avoir un travail de concert avec les institutions
financières, effectivement, pour qu'on voit que l'application, la mise en œuvre
de cette disposition-là se fasse adéquatement et avec la protection aussi, qui
est nécessaire, là, pour encadrer quand même des transferts d'argent.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Excellent.
M. Lambert (Jean) : Si vous
me permettez, enfin, c'est une difficulté qui est très, très réelle lorsqu'on
règle les successions. Et ce qui est visé et ce qui est salué, c'est que dans
le projet de loi, on élimine la difficulté qu'une personne peut rencontrer
lorsqu'une remise de sommes excédera la portion qui lui revient. Et ainsi, le
droit actuel fait qu'il y aura à ce moment-là acceptation de succession avec
toutes les conséquences que cela peut comporter. Alors que la personne de toute
bonne foi a besoin de sommes, de liquidités et selon les apparences, elle
aurait droit, par exemple, à 50 % du compte de banque alors que peut être que
ses droits réels sont de 10 ou 20 % dans le compte. Donc, l'excédent ne sera
pas considéré comme une acceptation de succession. Et par ailleurs, je pense
que le projet...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, merci beaucoup,
Me Lambert, le temps va très rapidement. M. le député de LaFontaire, vous avez
la parole.
M. Tanguay : Oui, oui,
bonjour. Bonjour maître Potvin, Me Lambert.
Mme Potvin (Hélène) : Bonjour.
M. Tanguay : Bonjour. Je vous
en prie, maître Lambert, finissez donc votre idée s'il vous plaît.
M. Lambert (Jean) : Vous êtes
bien gentil. Je disais simplement que ce qui est aussi noté avec bonheur, c'est
que pour la première fois dans une législation, il est indiqué que, à défaut d'information,
c'est 50/50 les droits.
M. Tanguay : O.K. Parfait. J'ai
10 minutes ou à peu près, donc je vais y aller en rafale. Première des choses
est ce que vous vous détenez... puis c'est sûrement informel, là. Aujourd'hui,
il n'y a pas de cadre juridique. On dit que ça peut se faire par adoption, par
consentement spécial. Avez-vous vent des données, de l'ampleur de ce qui se
fait à ce chapitre-là aujourd'hui sans encadrement?
Mme Potvin (Hélène) : Malheureusement,
comme vous le dites, ce n'est pas encadré donc il est difficile de savoir
exactement le nombre de dossiers. Alors nous n'avons pas ces données-là. Mais
comme vous disiez, il serait possible de regarder dans chacune des juridictions
le nombre de dossiers comme ça, mais ce serait plus difficile à colliger, mais
ça serait possible de connaître ce nombre-là.
M. Tanguay : Puis je vais
sauter tout de suite à une autre recommandation que vous faites. Je pense
que... puis je fais référence ici à l'article 541.33. Dans un contexte où la
femme ou la personne qui va donner naissance et n'est pas domiciliée au Québec,
vous proposez donc d'ajouter que ça se passe aussi à l'étranger par acte
notarié. N'est-ce pas? Pourquoi ça serait important?
Mme Potvin (Hélène) : Tout à
fait, Me Lambert va pouvoir compléter ma réponse, mais simplement on souhaite
que le notaire puisse agir aussi dans ces cadres-là parce que nous avons les
outils, nous avons la possibilité de le faire. Alors donc que je vais laisser
Me Lambert compléter sur cette question-là qu'il a regardée, là.
M. Lambert (Jean) : Alors, si
on reconnaît les qualités de l'acte notarié, de l'intervention du notaire,
lorsque toutes les parties sont domiciliées au Québec, ces qualités-là ne
disparaissent pas parce que la mère porteuse sera située hors Québec.
Et l'expertise que nous avons transigée
avec des personnes situées à l'étranger, on a tous les moyens de s'assurer d'abord
de l'identité. On a le moyen de savoir auprès de juristes étrangers quel est l'état
du droit pour savoir si on est dans un cadre de respect de l'autre. Ce sont des
choses qui sont courantes et je pense qu'à ce moment là, la qualité du travail
que le notaire pourra faire tout d'abord en amont, c'est-à-dire de préparer le
dossier pour la première autorisation préalable. On a mentionné ici dans le
projet que cette demande d'autorisation préalable devra être accompagnée d'une
attestation de la rencontre psychologique.
Donc, déjà là, on voit qu'il y a une
démarche qui est entreprise. Les gens vont savoir que le notaire agit dans le
cadre de... lorsque toutes les partitions au Québec. Donc, ça va être su et des
gens qui vont avoir un projet, même avec une personne mère porteuse éventuelle
située hors Québec, pourront s'adresser au notaire qui va les guider, les
conseiller, préparer le dossier pour aller chercher l'autorisation préalable,
probablement même d'obtenir un État du droit d'un...
M. Lambert (Jean) : ...reconnue
à l'étranger. Tout ça, donc, pour faciliter la démarche du ministre, qui aura
donné cette autorisation préalable.
M. Tanguay : Et vous, la
Chambre des notaires et les notaires, vos collègues, avez vous une expertise
toute particulière, justement, pour aider le législateur qui va le faire par
règlement, pour dire : Bien, tels États sont sérieux, puis quand je dis
sérieux, là, c'est réducteur, là, dans le sens où ils offrent un cadre de
protection juridique d'ordre public assimilable à celui au Québec. Avez-vous...
j'imagine que vous avez une expertise? Vous savez ce qui se passe de par le
monde, puis vous dites : Eux autres, ils sont sérieux puis eux autres,
moins. Non, on ne devrait pas les mettre dans le règlement.
M. Lambert (Jean) : Pour
répondre à votre question, il est évident que le ministère des Relations
intergouvernementales international a des outils pour savoir quel est l'État à
l'étranger. Cependant, nous en avons également et c'est ce que je mentionnais
tantôt, on sera des facilitateurs. D'abord, il y a deux types de droits qui
dominent le monde, le droit civil, 89 pays membres de l'Union internationale du
notariat latin et qui a mis au point un sceau notarial de sécurité. Donc, on
peut s'adresser, là, dans des pays... je pense par exemple à l'Amérique latine,
le Japon, la Chine, où il y a un notariat de type latin, pour nous dire quel
est l'État du droit et être capables de répondre à des questions, pour dire :
Est-ce que ça se fait chez vous? Est-ce que c'est accepté? Est-ce que c'est
contre l'ordre public? Est-ce qu'il y a un encadrement? Avez-vous connaissance
de trafic d'enfants, par exemple, chez vous? Alors déjà là, on peut faire une
première démarche qui va aider le ministère à faire sa recherche. Et donc, je
pense qu'en ce sens, on va aider à la fois les parents d'intention, mais on va
aider également les autorités, l'État québécois, de pouvoir aider ces gens-là à
rapidement réaliser leurs projets.
M. Tanguay : Quelle serait la
réelle valeur ajoutée? Puis vous pouvez me dire : Bien, M. le député, ça
serait la même réponse pour l'article 50.1 de la Charte québécoise des
droits et libertés, auquel cas je vous poserais la même question, quelle aurait
été son véritable impact réel d'ajouté à 50.2, donc un nouveau 50.2...
garantit aux enfants les droits et libertés énoncés par la présente Charte. C'est
déjà inscrit dans la loi. Quels seraient les effets tangibles de mettre la
ceinture avec les bretelles, là, si vous me permettez l'expression?
Mme Potvin (Hélène) : C'est
une excellente question et on a une excellente réponse. Me Lambert.
M. Lambert (Jean) : D'abord,
on peut dire que les hommes et les femmes, ce sont des personnes. Et la charte
vise les personnes. Mais en 2008, on a senti le besoin de dire que c'était
également hommes et femmes. Alors, il y avait quelqu'un, dans le fond. On avait
une idée claire en arrière de la tête, pourquoi on l'a fait. Alors, on a la
même idée en arrivant, puis dire : Oui, l'enfant aussi. On aimerait que ce
soit nommément. Pourquoi? Parce qu'il s'agit d'une personne qui vit dans un
environnement très particulier jusqu'à sa majorité. C'est une personne qui n'a
pas un exercice complet de ses droits, c'est une personne qui est vulnérable, c'est
une personne qui pourrait être abusée, etc. Donc, on pense qu'on doit attirer l'attention
d'une façon particulière lorsqu'il y aura des législations ou des décisions qui
se prendront, en cristallisant cette protection à l'enfant dans notre Charte
des droits et libertés.
M. Tanguay : Très bien. Vous
dites d'ajouter gestation pour autrui, finalement, dans un contexte où la mère
ou la personne qui va donner naissance décide de ne pas donner suite pour x
raisons. Il n'y aura pas de remboursement des frais... si elle l'a fait de
bonne foi, d'ajouter la notion de bonne foi. Là aussi, la dernière fois je
regardais le Code civil, il y a toujours trois articles qui vont ensemble, là,
6, 7, 13 puis 75. L'importance de préciser ici "de bonne foi", alors
qu'on pourrait l'inférer?
M. Lambert (Jean) : C'est que
si on regarde la rédaction actuelle, elle ne souffre pas de tempérament. C'est
très clair. Aucune réclamation, aucun remboursement. Point. On pense que ce n'est
pas inutile ici de dire que la bonne foi doit être au rendez-vous, simplement.
Et, dans notre mémoire, on a dit que la Chambre faisait entièrement confiance à
la magistrature et les juges se sont toujours acquittés avec beaucoup de
compétence de juger de ces questions-là.
• (16 heures) •
M. Tanguay : Et la confiance
que la Chambre et ses élus, incluant le ministre de la Justice ont, de la
Magistrature, leur est acquise, ça, vous le savez, là, M. le Président. Il va
sans dire. Mais c'est bien de... comme disait Talleyrand, ça va aller mieux en
le disant...
16 h (version non révisée)
M. Tanguay
: …41.11 :
«Cette convention, puis là, je ne veux pas que le ministre perde son sourire,
est rédigée en français. Elle peut être rédigée dans une autre langue que le
français si telle est la volonté expresse des parties.» J'aimerais vous
entendre là dessus l'importance de préserver cette porte ouverte.
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
vous savez, au Québec, pour être authentique, l'acte notarié doit être rédigé
soit en français soit en anglais. Ça existe depuis le début de la colonie. Alors
donc, on veut garder cette possibilité-là que les parties choisissent. Puisqu'il
s'agit d'un contrat privé, donc, ils peuvent choisir, les parties peuvent
choisir la langue dans laquelle ils souhaitent que le contrat soit rédigé.
M. Tanguay : Ce matin, je
pense que c'est avec l'Association professionnelle des notaires du Québec, ils
précisaient également aussi... ils demandaient à ce que ça ne soit pas
obligatoire d'avoir une traduction... pour une version anglaise. J'imagine que
c'est votre souhait également aussi.
Mme Potvin (Hélène) : Oui,
tout à fait. Me Lambert, voulez-vous rajouter autre chose?
M. Lambert (Jean) : C'est
que, d'abord, premièrement, on ne croit pas qu'il va y avoir des milliers de
cas. Ça va être quelques-uns seulement. On pense que s'agissant d'une affaire
qui était vraiment très intime, très personnelle... que les gens puissent la
conclure dans une langue dans laquelle ils sont parfaitement à l'aise. Par
ailleurs, que je sache, le directeur de l'état civil reçoit des déclarations de
naissance ou autres de l'état civil qui sont en anglais, qui sont acceptables,
alors... que le notaire, par contre, lorsqu'il aura à transiger avec les
autorités de l'État, les ministères, etc., qu'il produise ces documents accessoires
qui entoureront, qu'il les produise en français, nous, ça, ça va. Ça, ça ne
cause pas de problème.
M. Tanguay : Merci à vous.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
M. Leduc : M. le Président,
Me Potvin, Me Lambert, bonjour et merci d'être là. J'ai beaucoup moins de temps
que mes collègues pour poser des questions, donc on va y aller directement. J'ai
posé la question similaire à vos collègues qui sont passés ce matin, là, de l'Association
professionnelle des notaires. Est-ce qu'à votre avis l'encadrement qui est
proposé ici, dans le projet de loi, va, dans le fond, garder tel quel ce qui
existe déjà et, maintenant, l'encadrer, ou va avoir un effet démultiplicateur? Est-ce
qu'il y a davantage de personnes qui vont avoir recours à ce phénomène, donc,
de la gestation pour autrui, maintenant que c'est permis et encadré que dans le
cas actuel?
Mme Potvin (Hélène) : Allez-y,
Me Lambert.
M. Lambert (Jean) : Oui. Je
vais vous répondre de la façon suivante. Lorsque la Loi sur les soins de fin de
vie faisant droit à l'aide médicale à mourir a été adoptée, tous ceux qui
étaient impliqués se disaient, bon, on va peut-être en avoir 50 ou 100 par
année. Là, on est rendu à 400 par mois. Alors donc, c'est difficile à prédire.
C'est certain que d'encadrer... mais surtout pour voir qu'il y a aussi un
accompagnement de devoir, de conseil. Les fameuses attestations psychologiques,
psychosociales, ça, quand le comité, que j'appelle le comité Roy, en a décidé,
c'est qu'on voulait s'assurer que les gens voient venir, aient un échange très
sérieux et profond sur des aspects qui sont autres que le droit. Et le notaire
est là pour s'assurer que ce sera fait. Donc, on voit qu'on vient d'ajouter une
valeur avec le projet de loi qui est non négligeable, loin de là, c'est
justement de mettre les parents d'intention en contact avec des conseils
psychosociaux, mais aussi des conseils du notaire sur plusieurs aspects
juridiques.
M. Leduc : Il y a un groupe
qui vous a précédé qui proposait de majorer l'âge légal à 21 ans pour pouvoir
procéder à ça. Est-ce que vous avez une opinion à ce sujet?
M. Lambert (Jean) : Je serais
porté à vous dire que, là-dessus, on suit la législation fédérale. Alors, que
la mère soit âgée de 21 ans, je pense que ça va. Est-ce que les parents d'intention,
par contre, devront avoir 21 ans? Pour le moment, c'est difficile de dire qu'une
personne qui a atteint la majorité ne l'ait pas complètement. Dire :
Savez-vous, là, attendez donc 3 ans, on pense que vous n'avez pas la maturité,
ça aurait un aspect paternaliste difficilement défendable.
M. Leduc : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : ...s'il vous plaît.
Mme Hivon : Bonjour à vous
deux. Donc, vous, vous avez fait un petit commentaire sur la question de l'aide
médicale à mourir. Je veux juste dire que cette évaluation-là qui avait été
faite n'avait pas été faite par la personne qui avait écrit et déposé la loi.
Juste pour qu'on soit clair, parce qu'on...
Mme Hivon :
...avait plutôt dit que ça risquait de
ressembler au taux des pays où ça existait et c'est ce qui s'est confirmé, mais
d'autres, effectivement, avaient dit que ça pourrait être très peu. Monsieur...
bonjour à vous deux. Très bon mémoire. Je voulais vous entendre sur deux points
précis. Le premier, c'est ce qui est écrit à la page 19 de votre mémoire.
Vous demandez vraiment d'inscrire nommément dans la liste des procédures non
contentieuses, la question de la filiation, la demande ayant trait à la filiation
d'un enfant issu d'un projet parental impliquant les contributions d'un tiers.
Donc, vous croyez que l'article, tel qu'il existe en ce moment, ne serait pas
clair, malgré le fait qu'il n'énumère pas l'ensemble de ces matières-là?
M. Lambert (Jean) : Si vous
me permettez, la réponse, c'est une longue expérience. Mme la députée de
Joliette, à l'âge que je suis rendue, à 77 ans et demi plus, et donc une
cinquantaine d'années bien impliqué dans le monde professionnel au Québec, il
n'y a rien comme de dire les choses clairement pour éviter des chicanes au
prétoire, comme j'en ai déjà vu, particulièrement dans le passé, en matière
d'adoption.
Mme Hivon : Je vous remercie.
Dans un autre projet de loi, on a fait cette bataille-là avec le ministre,
d'inscrire des choses précises pour qu'il n'y ait pas de doute. Finalement, le
ministre a été tout à fait d'accord avec nous. Donc, on verra la suite. Ce
matin, l'Association des notaires nous disait qu'on devrait aussi prévoir, pour
être clair, que s'il y avait un contentieux issu d'une entente en lien avec la
gestation pour autrui, on devrait pouvoir la régler par médiation dans le
programme de médiation familiale. Est-ce que vous partagez cet avis? Est-ce que
vous pensez de votre côté que c'est déjà clair que ça pourrait être compris?
Une voix : Allez-y, Me
Lambert.
M. Lambert (Jean) : Je veux
juste voir... Alors, on ne peut pas être contre... on a vraiment un retour son,
excusez-moi. On ne peut pas être contre de soutenir les citoyens dans un projet
semblable, alors qu'un début de litige, ce peut l'être, et on comprend et
l'expérience nous enseigne que le plus vite qu'on peut intervenir en médiation,
les résultats sont meilleurs. Alors, je pense que le principe de la médiation
pour un litige en cours de projet, c'est tout à fait indiqué. Maintenant, si
l'État a les moyens d'aider comme il l'a fait en matière de litige familial
lorsqu'il s'agit de séparation, bien, mon Dieu, c'est souhaitable.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a
malheureusement. Alors, merci beaucoup, Me Potvin, Me Lambert, ce fut très
intéressant. Là-dessus, je suspends les travaux quelques instants afin
d'accueillir nos prochains témoins. Merci. À tantôt.
(Suspension de la séance à 16 h 7)
(Reprise à 16 h 18)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Alors, nous avons le plaisir maintenant d'accueillir le professeur
Martin Blais, titulaire de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et
de la pluralité des genres, en compagnie du coordonnateur Gabriel James
Galantino. Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi, c'est un
grand plaisir. Donc, je vous cède la parole pour 10 minutes, et après ça on
aura un échange avec les membres de la commission, s'il vous plaît.
M. Blais (Martin) : Merci de
nous recevoir. Alors, mon nom est Martin Blais. Donc, je suis titulaire de la
Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, que
plusieurs connaissent sous son ancien nom, qui est la Chaire de recherche sur l'homophobie,
à l'Université du Québec à Montréal. Je vais laisser mon collègue se présenter.
Galantino (Gabriel James) : Bonjour,
je suis Gabriel James Galantino, coordonnateur de la chaire. J'ai une maîtrise
en sexologie clinique et j'ai accompagné les personnes trans et non binaires au
centre de santé à Meraki. J'ai également donné des formations dans les milieux
communautaires et dans le réseau de l'éducation pour l'inclusion des personnes
lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queer, qu'on va décrire par l'acronyme
LGBTQ+ pour la suite. Merci.
M. Blais (Martin) : Alors,
les travaux de la chaire portent principalement sur les facteurs d'inclusion et
d'exclusion sociale des personnes LGBTQ+ et leur bien-être. Alors, on souhaite
discuter principalement de quatre changements proposés par le projet de loi
numéro 2, des changements qu'on pense susceptibles d'avoir des effets négatifs.
Ces changements sont en partie une réponse au jugement Moore, et on va donc
reprendre ici certaines des recommandations qu'on avait transmises au Bureau de
lutte contre l'homophobie et la transphobie sur les façons possibles d'en tenir
compte.
Alors, ces quatre changements sont les
suivants. Le premier... Vous les connaissez aussi bien que moi. Le premier dont
on veut parler, c'est l'obligation de traitements médicaux, c'est-à-dire
hormonothérapie et chirurgie génitale, pour pouvoir changer sa mention de sexe.
Le deuxième, c'est la création d'une nouvelle mention d'identité de genre,
distincte de la mention de sexe. Le troisième changement dont on veut parler, c'est
l'ajout d'une mention parent qui serait uniquement disponible aux personnes
trans et non binaires et aux personnes de sexe indéterminé. Et le quatrième
changement, c'est la création, justement, de cette mention de sexe indéterminé.
• (16 h 20) •
Alors, évidemment, pour les sous-groupes
concernés directement par ces changements, il y a des enjeux spécifiques dont
vous allez entendre parler dans les prochains jours. Mais ils ont aussi un
point commun, ils placent les personnes LGBTQ+ est les personnes intersexuées
dans des catégories d'exceptions. Ils les désignent par le fait même comme
différentes, marginales, et c'est aussi le message qui pourrait être entendu par
la population québécoise. Alors, avant d'arriver à nos recommandations plus
précises, voici quelques éléments de contexte...
M. Blais (Martin) :
...sur le premier changement, donc la réintroduction de l'obligation chirurgie
génitale pour changer sa mention de sexe. Alors, c'est un recul inquiétant et
vous avez déjà annoncé que vous n'alliez pas aller de l'avant avec cette
proposition. Alors évidemment, on s'en réjouit parce que le retrait de cette
exigence en 2015 avait fait consensus. Alors, il faut dire que le retour de
cette exigence-là aurait empêché au moins deux personnes trans et non binaires
sur trois de changer sa mention de sexe au Québec, puisqu'une seule sur trois a
entrepris une transition médicale, soit comprenant l'hormonothérapie et des
modifications de son corps, notamment des chirurgies génitales ou ont l'intention
de le faire.
Alors, des données américaines suggèrent
même en fait qu'une personne sur dix seulement voudrait une chirurgie génitale,
alors ça veut dire que beaucoup de gens seraient exclus de cette possibilité.
Cette mention, cette exigence, en fait, viendrait remettre une pression
importante sur les personnes qui préfèrent avoir, comme tout le monde, une
mention de sexe qui reflète leur identité de genre sans passer par une
transition médicale non nécessaire et non désirée. Il faut rappeler qu'une
transition chirurgicale, c'est aussi une stérilisation, une stérilisation que
plusieurs organismes, supranational, national ou provincial, par exemple, se
sont prononcés en défaveur parce qu'en fait, ce serait un peu comme exiger des
personnes trans et non binaires des changements corporels en échange de leur
reconnaissance légale, alors que ces organisations considèrent que cette
stérilisation forcée, c'est une atteinte à leurs droits fondamentaux.
Un deuxième changement du projet de loi, c'est
la création d'une mention de genre réservée à un sous-groupe particulier. Et
cette mention revient à poser une étiquette trans sur les papiers d'identité,
une étiquette qui place les personnes trans et non binaires dans des situations
de dévoilement forcé.
Un troisième changement en découle, l'ajout
d'une mention parent qui est réservée aux personnes qui auraient une mention de
genre plutôt qu'une mention de sexe ou qui auraient une mention de sexe
indéterminé. Cette mention particulière a le même effet. Encore une fois, elle
étiquette des personnes et force leur dévoilement. Pourquoi ne pas simplement
offrir trois choix à toute la population, père, mère ou parent?
C'est la même chose pour la mention de
sexe indéterminé chez les personnes intersexuées. Ce changement les étiquettes
et rend visible une différence qui concerne leur vie privée. Et en plus, elle
met une pression sur les parents pour régler l'indétermination sexe par des
chirurgies sur des enfants qui ne peuvent consentir pour eux-mêmes, mais qui
vont devoir vivre avec leurs conséquences toute leur vie. Les chirurgies non
vitales sur les bébés intersexués sont d'ailleurs considérées par les Nations
unies comme une forme de torture dans la même catégorie que les mutilations
génitales. Alors, je vais céder maintenant la parole à mon collègue Gabriel
James.
Galantino (Gabriel James) :
Alors, ces changements imposent aux personnes trans, non binaires, intersexuées
des étiquettes à part sur leur carte d'identité. Cette étiquette leur retire le
droit de choisir par elles-mêmes et pour elles même si, quand et à qui elles
dévoilent leur identité parmi les personnes qui doivent avoir accès à leurs
papiers d'identité. C'est pratiquement tous les jours qu'on doit montrer un
document d'identification. Souvent à plusieurs personnes différentes. Ça fait
beaucoup de monde qui a accès à des informations extrêmement privées. Il faut
prendre conscience qu'il y a un prix à payer pour cette étiquette sur les
papiers d'identité, le prix d'une visibilité que les personnes ne peuvent pas
refuser et qu'elles ne peuvent pas contrôler, même quand leur sûreté, et leur
intégrité est en jeu. J'ai montré aujourd'hui mon permis de conduire sur lequel
on peut lire ma mention de sexe à au moins trois personnes différentes pour
valider mon passeport vaccinal, et la journée n'est pas encore terminée.
Imaginez devoir affronter chaque jour le
regard de plusieurs personnes appelées à consulter un document d'identification
sans savoir si elles remarqueront ou pas et de quelle nature sera leur réaction
si jamais elles le remarquent. Ça ne signifie pas que certaines personnes ne
veulent pas voir cette information sur leurs papiers d'identité, mais c'est à
elle de choisir si elles le souhaitent ou non. On ne peut pas l'imposer à tout
le monde, comme le ferait ce projet de loi. Non seulement c'est une atteinte à
leur vie privée, mais c'est aussi une exposition excessive et forcée à des
risques de violence et de discrimination dont elles sont déjà trop victimes,
comme on le constate étude après étude.
Les données de recherche montrent qu'on
peut déjà réduire significativement la discrimination et la violence quand la
mention de sexe sur les papiers d'identité reflète l'identité de genre, comme c'est
actuellement prévu dans la loi. Ça protège les personnes trans de la
discrimination dans de nombreuses sphères de leur vie comme l'emploi, le
logement, l'école, les services de santé et les services sociaux.
Malheureusement, le projet de loi 2 n'offre
aucune alternative satisfaisante aux personnes sur ces aspects. Il les force à
choisir le moindre des trois maux. Soit elles peuvent avoir une mention de sexe
qui concorde avec leur identité, mais au prix de procédures médicalement nécessaires
et non désirées. Soit ils peuvent avoir une mention de genre qui concorde avec
leur identité, mais au prix du dévoilement systématique et forcé de leur
identité trans sont en binaire. Soit ils doivent conserver une mention qui ne
reflète pas leur identité en renonçant à leur reconnaissance légale et à leur
dignité. Alors, on peut légitimement se demander comment une personne peut
consentir de manière libre et éclairée à l'une ou l'autre de ces options quand
son intégrité, sa dignité, sa sûreté, autrement dit, son existence est en jeu.
Les écrits scientifiques nous montrent que...
Galantino (Gabriel James) : ...ces
changements proposés par le projet de loi 2 entraîneront des conséquences
néfastes sur la santé physique et mentale des personnes qui sont touchées comme
sur leur capacité à répondre à leurs besoins de base en raison de la
discrimination à laquelle il les expose. Considérant ces risques concrets, il
est préférable d'intégrer les personnes concernées dans le système de mentions
actuel en permettant de choisir une mention de sexe qui reflète leur identité
de genre. Chaque personne pourra ainsi choisir par elle-même, de manière libre
et éclairée s'il elle souhaite ce dévoilement systématique sans la mention d'une
stérilisation forcée... — non, pardon — ...sans la menace,
en fait, d'une stérilisation forcée, de la discrimination ou de la violence.
Des amendements inclusifs au projet de loi peuvent éviter ces répercussions
dommageables et favoriser l'inclusion sociale de toutes les personnes au
Québec. On reconnaît qu'il y a une volonté dans le projet de loi 2 de
reconnaître les personnes concernées, mais il faut aussi analyser sous l'angle
de ces effets inattendus. Pour toutes ces raisons, et on va s'arrêter
là-dessus, on propose six modifications au projet de loi. D'abord de ne pas
créer de mention de genre pour que seule la mention de sexe demeure sur les
actes de l'état civil pour l'ensemble de la population. Deuxièmement, retirer
la mention d'altération à l'acte de naissance qui étiquetterait les personnes
ayant effectué une transition légale. Troisièmement, retirer la subordination
du changement de la mention de sexe à une transition hormonale et chirurgicale.
Autrement dit, ne rien changer à la loi actuelle sur ce point précis. Quatrièmement,
permettre aux personnes non binaires de changer leur mention de sexe à l'état
civil afin de refléter leur identité de genre, non binaire, par la lettre X.
Cinquièmement, élargir à la population dans son ensemble l'usage des trois
désignations parentales : mère, père et parent, peu importe leur mention
de sexe. Enfin, supprimer la mention de sexe "indéterminé" pour
éviter d'étiqueter les personnes intersexuées contre leur gré et mettre une
pression sur les parents en faveur de chirurgies non nécessaires. Merci pour
votre écoute.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. M. le
ministre, s'il vous plaît, vous avez la parole.
M. Jolin-Barrette : Oui. Pr
Blais, Gabriel James Galantino, bonjour. Merci de participer aux travaux de la
commission. On va démystifier un petit peu les choses pour les gens qui nous
écoutent, c'est les consultations, parce que les différentes notions, parfois,
sont quand même complexes à comprendre. Et je pense que c'est important
notamment de faire un petit peu de pédagogie puis de démystifier tout ça.
Premier élément... Par contre, je vais l'opportunité de bien expliquer la
disposition. Ça peut avoir été perçu comme étant une obligation de chirurgie
pour les enfants, mais au contraire. Parce que ce qui arrive présentement, c'est
qu'à toutes les années, il y a des enfants, des bébés qui naissent et qui ont
les organes génitaux féminins et masculins, et autrefois on appelait ça les
enfants hermaphrodites et désormais on dit «intersexe». Alors partant de là...
et on avait eu la discussion dans le cadre du projet de loi 75, la députée de
Sainte-Marie-Saint-Jacques va sûrement s'en souvenir, à l'effet qu'il y avait
des représentations à l'effet que le corps médical, parfois rapidement, faisait
le choix avec les parents d'une chirurgie pour dire : Bien, écoutez, si c'est...
peut-être qu'on va transformer avec un organe sexuel féminin ou on va
transformer un organe sexuel masculin parce que, bon, l'enfant, on regarde tout
ça, sans savoir si son développement, le petit gars ou la petite fille, allait
être un petit gars ou une petite fille en fonction de l'adéquation avec son...
sexuel. Alors, l'article, il est là pour ça, pour faire en sorte de laisser le
temps aux parents, dans un cas d'un enfant qui est intersexué, justement de s'assurer
d'avoir une cohérence avec comment l'enfant, il s'identifie, comment il est.
Alors, ça, c'est important de le dire sur cet article-là du projet de loi, qui
parfois a été un petit peu mal compris. Mais revenons à la base sur la notion
de sexe, la notion de genre.
• (16 h 30) •
Alors, bon, vous savez, il y a eu le
jugement de la Cour supérieure. Nous, ce qu'on a tenté de faire, c'est de faire
de la place, notamment aux personnes non binaires et surtout, avec la solution
qu'on a proposée, de venir inscrire l'identité de genre. J'ai déjà annoncé,
puis vous l'avez mentionné, je crois à l'effet qu'on allait revenir sur notre
position pour éviter qu'il y ait une chirurgie, que ça soit perçu comme ça pour
une personne qui souhaite changer de sexe, qu'elle doive subir l'opération.
Donc, les personnes qui vont vouloir changer de sexe pourront le faire sans
opération, on va retirer ça du projet de loi. Même chose également au niveau
des modalités relativement au fait que certaines personnes ont perçu que ça
pourrait être considéré comme un "coming out" forcé, une
identification telle que vous l'avez dit. Alors, ça aussi on va modifier ça.
Mais j'étais curieux de vous entendre sur le concept d'identité de genre par
rapport au sexe pour bien établir le comment vous le percevez, les deux, puis
pour que les gens qui nous écoutent comprennent bien...
16 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...concept
on parle.
M. Blais (Martin) : Merci
pour votre question. Alors, la relation entre le sexe et le genre, en fait, a
été conçue de différentes manières. Les Instituts de recherche en santé du
Canada décrivent le sexe comme référant à toutes les dimensions biologiques,
anatomiques, chromosomiques, par exemple, et le genre comme référant davantage
aux caractéristiques psychosociales que la société vient, en fait, un peu
forger sur ce que l'on perçoit comme être une anatomie qui devrait être assez
déterminante dans notre manière de concevoir le monde. Et cette idée, en fait,
c'est que le genre vient se greffer par-dessus, parfois, dans un modèle.
Ensuite, cette vision n n'est pas toujours pas toujours endossée, en fait, puis
il y a beaucoup, il y a trop de modèles, je pense, pour qu'on fasse le tour
maintenant. Mais le problème, dans cette identification d'une mention de genre
séparé, ce que l'on fait quand même prédéterminer le sexe comme une mention qui
devrait prévaloir, qui devrait nous identifier, alors que, dans les faits, ce n'est
pas la manière dont les gens se perçoivent. On se perçoit davantage à travers
notre genre, à travers la... de la manière dont on se présente, à travers les
rôles que l'on occupe. Et ça n'a pas grand-chose à voir avec nos chromosomes,
ça n'a pas grand-chose avec à voir avec le sexe anatomique ou ce qu'on peut
avoir sous les vêtements, en fait. Donc, cette idée que l'on devrait faire
prédominer le genre, elle repose simplement sur cette idée très simple que c'est
comme ça qu'on se présente. Donc, on ne se présente pas en fonction de nos
organes génitaux. On se présente à travers des rôles, à travers un habillement,
des vêtements, une manière de se présenter et donc il n'y a aucune raison d'accorder
tant d'importance aux organes génitaux.
Galantino (Gabriel James) : Pour
compléter, en fait, lorsque dans les revendications des personnes trans, non
binaires, lorsqu'on dit que le sexe et le genre n'est pas la même chose, la
principale chose, en fait, qu'on veut dire, c'est que, dans le fond, on veut
mettre fin aux... l'association d'organes génitaux spécifiques à un genre
spécifique. Grosso modo, ce qu'on veut dire, encore plus vulgarisé, c'est qu'on
veut mettre fin à l'association que pénis égale homme,vulve égale femme, parce
que cette association-là et cette affirmation-là, en fait, c'est ce qui, en
fait, renie l'existence des personnes trans. On considère, en fait, que soit qu'on
n'existe pas, qu'on est anormaux, qu'on est marginaux, tout simplement, en
fait. Donc, le sexe, ce n'est pas juste, juste des caractéristiques
biologiques. En fait, on peut le déballer avec vous, mais généralement, on
parle de corps sexué qui fait référence, oui, à la génétique, mais également
aux hormones et oui, aux caractéristiques sexuelles primaires et secondaires,
dont les organes génitaux, ça en fait partie. Après, la dichotomie qui existe,
du sexe qu'on a entre hommes et femmes, ne reflète pas non plus la réalité
biologique, et ça, on le sait. En fait, la réalité biologique, elle est
beaucoup plus large que dichotomique. Et cette idée-là qu'on a créé de sexe
dichotomique, en fait, c'est en soi un peu socialement construit, alors que le
genre, bien, ça, oui, fait référence, en effet, plus à notre identité. Donc, au
fait que, bien, le nom que j'utilise, les pronoms que j'utilise, la façon dont
je me présente, donc, qui, elle, en fait, va généralement tirer plus vers le
masculin, le féminin. Soit aucun des deux, soit entre les deux, ce qui, aussi,
représente, dans le fond, les réalités des personnes non binaires qui, des
fois, s'identifient même pas sur ce spectrum-là, masculin, féminin.
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans
l'éventualité où on... dans le fond, le statut actuel des choses, c'est on peut
changer de sexe sans qu'on ait subi d'opération. Et la notion d'identité de
genre n'existe pas dans le corpus. Dans les lois québécoises, ça n'existe pas.
Je vous donne un exemple. Le fédéral, lui, ce qu'il fait relativement au
passeport canadien, c'est qu'il fait en sorte qu'on s'identifie sur le
passeport canadien par M, F ou X pour les personnes non binaires. Qu'est-ce que
vous pensez de cette position-là?
M. Blais (Martin) : C'est la
position qui est la nôtre, c'est la position qui est largement partagée.
M. Jolin-Barrette : Donc, à
ce moment-là, on se retrouve dans une situation où c'est uniquement le sexe qui
change, donc le processus d'identification, la personne va choisir le sexe sur
laquelle elle souhaite être identifiée. Mais à ce moment-là, il n'y a pas d'identité
de genre qui est inclus dans la législation?
M. Blais (Martin) : Effectivement,
mais je pense, en fait, qu'il faut distinguer le sexe de la mention de sexe.
Alors je pense que quand on dit le sexe, si on parle de la mention de sexe
comme étant un facteur d'identification sur des papiers d'identité, on ne parle
pas de l'anatomie, on ne parle pas des organes génitaux. Alors à cet égard là,
je pense que...
M. Jolin-Barrette : Mais ça,
le point que vous faites actuellement, c'est un point qui est important, là.
Puis je pense qu'il faut l'expliquer. C'est que vous dites...
M. Jolin-Barrette :
...écoutez, ça ce ne sera pas en cohérence, supposons, à ce que vous avez dans
vos pantalons nécessairement, mais c'est ce que... dans le document officiel
que je vais présenter, mais, à ce moment-là, mon processus d'identification, on
va dire, même si j'ai un organe masculin, un organe génital masculin, il va
pouvoir être identifié comme de sexe féminin sur le document officiel. Donc, ça,
c'est une avenue que vous proposez. Mais, à ce moment-là, on évacue la notion d'identité
de genre,
M. Blais (Martin) : C'est-à-dire
qu'on ne l'évacue pas, on remplace la mention, c'est-à-dire que la mention de
sexe reflète l'identité de genre de la personne, ce qui est le meilleur
compromis possible pour assurer son autodétermination, pour assurer sa vie
privée.
M. Jolin-Barrette : Donc, c'est
comme si on venait assimiler l'identité de genre au sexe. On vient un peu
fusionner les concepts, là.
M. Blais (Martin) : Bien, je
ne suis pas juriste, mais je pense que c'est déjà le cas depuis la fin des
années 90, peut-être même un peu avant, où déjà les plaintes, par exemple,
basées sur l'identité de genre passaient déjà dans la question du sexe. Alors,
il n'y a pas de... apparemment pas de préjudice, enfin, à considérer les choses
de cette manière, il y a que des gains, que des gains en termes de respect de
la vie privée, notamment.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question, là, des personnes non binaires, là, dans votre mémoire, vous dites :
«Environ 4 personnes non binaires sur 10 au Canada préféreraient le retrait
complet de tout marqueur de sexe ou de genre pour tout le monde, notamment pour
des raisons de sécurité.» Donc, ça, c'est la proposition de 40%? Est-ce qu'on
doit déduire que la majorité, 60 %, eux, ils préfèrent conserver la mention de
sexe, mais de pouvoir l'identifier, supposons, avec un x, donc avec un terme
qui n'est pas h ou m... f, pardon, pour homme... bien, pardon, c'est ça, d'avoir
un marqueur distinct?
Galantino (Gabriel James) :
...ça dépend des... en fait, ça peut varier, ça dépend des personnes. C'est
souvent une question de sécurité, en fait, c'est de «gager» qu'est ce que je
peux mettre qui, de un, bien, je veux être reconnu, je veux avoir les papiers
qui correspondent à mon identité de genre, de un. Mais des fois, pour certaines
personnes, mais c'est trop risqué, dépendamment des milieux dans lesquels tu
vis, où tu travailles, qui est ta famille, certaines personnes, mettons, qui
vont avoir une apparence plutôt masculine ou plutôt féminine vont peut-être
préférées garder une mention de sexe qui ne correspond peut-être pas à leur
identité de genre, mais, pour des raisons de sécurité, voudraient garder un m
ou un f. Après, certaines personnes se sentiraient très à l'aise d'avoir un x
parce que c'est ce qui représenterait vraiment leur identité. Et d'autres
personnes préféreraient peut-être, en effet, ne juste pas avoir de marqueur de
genre parce que des fois c'est peut-être plus facile que ce ne soit juste pas
écrit, ça évite moins d'être confronté à ça constamment. Donc, les gens n'ont
peut-être pas remarqué que ce n'est pas là, tout simplement.
Donc, tous ces choix-là, en fait, c'est,
au final, une question de je veux être reconnu également, je veux que mon droit
à la dignité puis à l'égalité soit reconnu, mais je veux aussi, en fait, être
en sécurité. Puis les choix qu'on fait sont en fonction de ça aussi.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
autre de vos propositions que vous faites, c'est relativement à la notion de
parent sur l'acte de naissance. Dans le fond, vous dites : On devrait
offrir à tout le monde de pouvoir inscrire la notion de parent, donc pas
uniquement, supposons, mère-mère, père-mère, père-père, parce que, là, nous, ce
qu'on développait, c'est pour faire en sorte que les personnes non binaires
puissent s'identifier comme parent puisqu'ils ne s'identifient pas comme soit
comme père, soit comme mère. Vous, vous dites : O.K., sauf qu'offrez cette
possibilité-là également aux pères et aux mères qui voudraient s'identifier
également comme parents. Pourquoi faire cette proposition-là?
M. Blais (Martin) : D'abord,
parce qu'on souhaite éviter que la mention parent identifie un sous-groupe.
Donc, vraiment, cette question du dévoilement forcé, elle est centrale dans
toutes nos propositions, et c'est ce qu'on essaie d'éviter par toutes les
propositions. Si on a une mention parent qui est réservée à un sous-groupe
spécifique, il n'y a pas de différence entre avoir une étiquette sur soi et la
mention. Donc, l'idée, c'est vraiment toujours d'éviter le dévoilement forcé
dans toutes les situations.
Et évidemment ça ne veut pas dire que des
gens ne choisiraient pas de mettre un x comme mention de sexe. Ça ne veut pas
dire que des gens ne choisiraient pas la mention parent. Mais l'idée, c'est
que, quand elles vont le faire, elles vont choisir, dans le cas de la mention
x, par exemple, ce dévoilement et elles vont choisir pour elles-mêmes, personne
ne va leur imposer. Pour la mention parent, en fait, on va simplement dissocier
cette association systématique et donc ce ne sera plus un dévoilement.
• (16 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous dites : Puisqu'on l'offre à tout le monde il n'y a pas de mécanisme...
M. Jolin-Barrette : ...qui va
faire en sorte de dire : Bien, on va cibler, puis on sait que vous vous
êtes une personne non binaire, spécifiquement. Mais à l'inverse, ça ne veut pas
dire que les gens qui s'identifient comme père et mère vont utiliser l'expression
«parent», mais ils pourraient décider de le faire pour dire : Bien,
écoute, moi, sur l'acte de naissance, je veux qu'ils soient identifiés
«parent». C'est un peu ça?
Une voix : Exact.
M. Jolin-Barrette : O.K.
parfait. Sur la question... bon, on a abordé la question de l'identité de
genre, le sexe, de la façon dont c'est perçu par... bien, en fait, le processus
d'identification. Les craintes de la communauté, moi, je souhaite les rassurer
puis dire qu'on prend en considération vraiment leurs arguments. Puis c'est
pour ça qu'on dit, dès le départ : On ajuste le projet de loi, puis on va
travailler là-dessus. Est-ce qu'il y a d'autres enjeux particuliers que vous
voudriez porter à l'attention de la commission pour dire : Écoutez, ça, c'est
vraiment important pour s'assurer que les personnes issues de la communauté qu'ils
soient trans ou non binaires, ça, c'est vraiment important pour la communauté
de dire : Soyez sensible à ces modalités-là.
Galantino (Gabriel James) :
Est-ce qu'on parle de modalités qui n'ont pas... en lien avec le projet de loi,
présentement?
M. Jolin-Barrette : Bien oui,
en lien avec le projet de loi?
Galantino (Gabriel James) :
Je pense que la chose la plus importante, en effet, c'est que l'accès au
changement de la mention de sexe ne soit vraiment comme subordonné à aucun
traitements chirurgicaux ou médicaux, donc ça inclut également hormones, donc
tout changement qui implique vraiment le corps. Donc, ça, il faut vraiment que ce
soit facile et accessible. Le but, c'est d'enlever le plus d'obstacles
possible. Au-delà de ça, et ce qu'on a discuté dans le mémoire, je n'aurais pas
nécessairement d'autres choses à apporter. Je ne sais pas si mon collègue
voudrait compléter.
M. Blais (Martin) : En fait,
on a choisi d'aborder ces quatre points-là spécifiquement. D'autres
organisations, d'autres organismes aborderont des points plus spécifiquement
dans les prochains jours.
M. Jolin-Barrette : O.K. je
vous remercie. M. le Président, je crois que j'ai des collègues qui...
Le Président (M.
Bachand) : Il reste une minute. M. le député de Saint-Jean,
question et réponse, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Le ministre, au lendemain du dépôt du projet de loi, a fait
face à une certaine un certain ressac, disons le comme ça. Il a commencé
aujourd'hui... il l'avait déjà dit, mais il a commencé aujourd'hui en disant :
Inquiétez-vous pas, autant pour le dévoilement que pour l'opération, on va
régler ça. Qu'est-ce que ça vous dit, la réaction qu'il y a eu du public en
général, pas de la communauté, mais du public en général, le débat qu'il y a
eu, comment vous l'avez vu, vous? Moi, comme journaliste de 40 ans, je l'ai
regardé avec beaucoup d'intérêt parce que je trouvais que ça parlait beaucoup.
Vous, vous avez compris quoi?
M. Blais (Martin) : Bien, en
fait, je pense que tout le monde s'est réjoui de cette annonce, donc, mais tout
le monde attend de voir les amendements, en fait. Donc, on veut aussi voir
comment ça va se concrétiser sur papier. Mais je pense que, de manière
générale, on est heureux d'entendre ça.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Westmount St-Louis, s'il vous
plaît.
Mme Maccarone : ...Je veux
retourner à l'aspect de, je sais que le ministre l'a adressé, par rapport à l'impact
d'une chirurgie qui serait nécessaire. Il a dit que ce ne serait plus le cas. Puis
on attend après un amendement en ce qui concerne ce qui est écrit actuellement
en noir et blanc dans le projet de loi. Avez-vous autre inquiétude en ce qui
concerne des exigences qui ne sont peut-être pas identifiées dans le projet de
loi dont nous devons se méfier? Peut-être en ce qui concerne un aspect
hormonal? Ou pouvez-vous partager un peu votre point de vue là-dessus?
M. Blais (Martin) : Bien,
évidemment, Gabriel James en a parlé, il faut vraiment rappeler que ces
chirurgies ne sont pas souhaitées par tout le monde. Les modalités de
transition, qu'elles soient sociales, légales, médicales, en fait, ne sont pas
nécessairement les mêmes, hein? Ces modalités de transition, en fait, elles
sont choisies pour améliorer le bien être, pour réduire la dysphorie chez les
personnes concernées, donc pour augmenter leur bien être. Donc, ça ne devrait
pas être une condition pour la reconnaissance. Donc, elles doivent les choisir
sans que, dans la balance, pèse une atteinte à d'autres droits. Donc, le seul
objectif de ces modalités de transition...
M. Blais (Martin) : ...doit
être leur bien-être., et rien d'autre. Et il faut vraiment se rappeler, en
fait, que parmi ces... parmi les modalités de transition médicale, il y a
certaines chirurgies qui sont irréversibles, qui ne sont pas nécessaires à leur
bien-être, qui ne sont pas souhaitées non plus et qui ne sont pas toujours
urgentes pour confirmer le genre, là, de la manière dont ils besoin qu'il soit
confirmé. Et il ne faut pas oublier aussi que les gens évoluent. Donc, ce n'est
pas... Donc, il faut laisser, en fait, le processus de transition s'installer
pour chaque personne. Donc, les rythmes sont différents, les parcours de
transition sont différents. Donc, il faut vraiment garder en tête cette
hétérogénéité, en fait, parmi les personnes trans et non binaires, et donc
aussi l'hétérogénéité de leurs besoins et des manières d'y répondre.
Mme Maccarone : Parce qu'on
parle quand même de la stérilisation des personnes, puis je pense qu'on est
rendus 2021, on peut imaginer un homme trans peut être même être enceinte. C'est...
on est rendus là, d'où l'importance d'avoir un projet de loi qui est adopté qui
prend en considération tous les besoins de la population, qu'ils soient M, F ou
X. Je veux... Pouvez-vous parler un peu des statistiques? Je sais que c'est
peut-être aussi très peu connu, le nombre de, peut-être, personnes trans qui
décident de poursuivre avec une chirurgie ou bien, même, avec une thérapie d'hormones,
parce que ce n'est pas tout le monde non plus qui fait ça. Alors, pouvez-vous
partager ça aussi avec les membres de la commission, s'il vous plaît?
M. Blais (Martin) : Oui.
Bien, en fait, les données dont je vous parle viennent de deux enquêtes. Alors,
une enquête québécoise auprès de près de 5 000 personnes LGBTQ+ ans,
dont environ 800 personnes trans et non binaires, et des données, donc,
chez des adultes, et des données chez des jeunes de 15 à 29 ans à travers
le Canada, donc environ 600 jeunes, 600, 700 jeunes trans et non
binaires. Alors, vous demandez des statistiques très précises, alors je vais
devoir aller voir mes tableaux. Alors, de manière générale... donc, je l'ai
déjà dit, en fait, ce deux tiers-un tiers, donc le projet de loi, tel que
formulé présentement, exclurait au moins les deux tiers, au moins les deux
tiers, parce qu'il force la combinaison d'hormonothérapie et de chirurgie
génitale. Or, dans le projet Savi, par exemple, donc chez les adultes au
Québec, il y avait 20 % de personnes qui prenaient actuellement des
hormones, parmi les personnes trans et non binaires, et qui n'avaient pas de
procédures chirurgicales. Il y avait 12 % de personnes qui prenaient des
hormones et qui avaient entamé des procédures chirurgicales. Donc, c'est ce qui
nous amène à peu près au 20 %, là, de personnes... un 20 % de personnes
qui pourraient peut-être se qualifier actuellement en vertu de ce que suggère
le projet de loi, mais donc à peu près 80 % des personnes qui en seraient
exclues. Évidemment, il faut faire la distinction entre les personnes trans et
les personnes non binaires. Là, donc, Gabriel, je ne sais pas si tu veux en
parler.
Galantino (Gabriel James) : Oui,
dans le fond, dans l'échantillon que nous, on a, là, donc les deux grandes
enquêtes qu'on a, québécoises et pancanadiennes, en fait, beaucoup de personnes
non binaires qui ont répondu à ces enquêtes-là. Donc, c'est dans ces
enquêtes-là, en effet, que quand on inclut les personnes trans et non binaires
ensemble qu'on voit qu'en effet il y a seulement un tiers des personnes qui veulent
avoir accès à une transition médicale, donc soit hormones, chirurgie génitale.
Dans tous les cas, c'est très, très peu élevé, comme on le dit, c'est plus
comme un 10 % des personnes, tu sais, trans et non binaires qui veulent avoir
des chirurgies génitales. En ce qui concerne l'hormonothérapie spécifiquement,
c'est plus de la moitié des personnes, dans le fond, les femmes trans et les
hommes trans. Donc, c'est quand même beaucoup populaire chez les hommes trans
et les femmes trans de prendre de l'hormonothérapie, donc on est plus dans le
60 %. Mais c'est le fait que les personnes non binaires, en fait, c'est
plus comme un 20 % qui vont prendre de l'hormonothérapie. Donc, les
personnes non binaires en prennent moins. Donc, c'est un peu ce qui donne les
résultats que Martin a présentés.
Mme Maccarone : Quel serait l'impact?
Pouvez-vous vous exprimer un peu sur l'impact sur la communauté en question si,
mettons, on ne corrige pas les dispositions discriminatoires dans le projet de
loi? Je pense que c'est très important de s'exprimer en ce qui concerne l'élément
émotionnel, psychosocial, parce que, tu sais, on parle beaucoup de... le
physique, on parle beaucoup des organes génitaux, mais on ne parle pas de, tu
sais, l'impact sur la personne... actuel.
• (16 h 50) •
Galantino (Gabriel James) : En
fait, les impacts sont assez nombreux, en effet, mais donc principalement, là,
donc là, quand on parle d'être obligé de subir un traitement hormonal ou...
Galantino (Gabriel James) : ...et
de changer son corps de manière irréversible, alors qu'on n'en a pas envie, ça
peut être assez traumatisant. Juste le fait de vivre dans une société où est-ce
qu'on a l'impression qu'on est obligé de passer à travers un processus de
stérilisation, donc, c'est quelque chose qui est quand même assez violent,
donc, au-delà de l'impact corporel aussi. Mais à... la mention de genre qui
peut amener à des dévoilements forcés, bien, la complication avec ça,
principale, c'est que ça met les gens en danger, tout simplement. Il y a des
situations où est ce qu'on ne peut juste pas, en fait, tu sais, dévoiler son
identité trans, en fait, sans être à risque de vivre de la violence. C'est, par
exemple, quelque chose que moi, je vis, personnellement. Étant une personne
trans, en fait, quand je voyage, il y a des endroits spécifiques où je ne
dévoile pas que je suis un homme trans parce que, bien, ça peut me mettre en
danger. Et ça, c'est important.
Mme Maccarone : Ça m'a
surprise, puis peut être c'est juste parce que je ne l'ai pas vu dans le
mémoire, mais vous n'avez pas fait mention de retirer la mention d'altercations
à l'acte de naissance qui viendrait identifier à même le... les personnes ayant
effectué une transition légale. Je présume que c'est quelque chose que vous
souhaitez aussi.
Galantino (Gabriel James) : …à
ma connaissance. On l'avait mis en garde et je l'ai nommé à la fin. Donc oui,
en effet, dans la même logique d'idée de tout ce qui a été nommé, en effet, si
on est d'accord.
Mme Maccarone : Puis que
pensez-vous aussi... Il y a quand même des tarifs administratifs quand on parle
de tous ces changements, puis pensez vous que... Ça reste que c'est une
barrière institutionnelle pour plusieurs personnes de la communauté? Est-ce que
ça, c'est quelque chose que vous souhaitez, soit qui soit adressé, peut être
par règlement ou autre, mais pour s'assurer qu'il y a quand même un accès pour
ces personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité? Je pense
que le portrait que les gens n'ont pas souvent des personnes de la communauté
trans, de la communauté LGBT, c'est que, souvent, ils se retrouvent en
situation défavorisée et ils se retrouvent souvent en situation d'itinérance.
Alors je présume que ça, c'est aussi quelque chose que vous souhaitez voir.
Galantino (Gabriel James) : C'est
sûr que, là, on parle peut-être d'une manière aussi qui est financière. Ce n'est
pas sans coût, de changer la mention de sexe et de prénom, donc il y a des
coûts qui sont associés à ça. On sait en effet que les personnes trans, si on
se réfère, en fait, à... on sait que la majorité des personnes trans sont un
peu plus éduquées, donc ils ont plus de diplômes postsecondaires que la
moyenne, mais ont des revenus, en fait, comme extrêmement bas... pas de la
statistique exacte, on parle d'un nombre assez étonnant de personnes éduquées
qui font 15 000 dollars par année et moins. Donc, c'est sûr que, dans un
contexte comme ça, 150, 200 dollars, c'est quand même de l'argent qui peut
être une barrière. Je pense d'ailleurs que vous allez en entendre parler de la
part d'autres groupes. Il y a des groupes, en fait, qui offrent un service de
payer ces frais-là et qui offrent des services d'aide juridique, d'encadrement,
genre, pour aider les gens à remplir les papiers, tout ça. Donc, oui, ça, c'est
une barrière qui existe, oui.
Mme Maccarone : Une dernière
question pour moi. Je veux que ça soit vraiment clair, parce que je pense que,
pour plusieurs personnes, c'est très difficile quand on parle, mettons, de la
communauté des personnes intersexes puis ce qui est proposé maintenant lors de
la naissance de l'enfant. Que souhaitez-vous? Les parents donnent naissance à
un enfant intersexe, puis on veut... je pense que la bonne volonté... on veut respecter
le chemin de cet enfant, on ne veut rien imposer. Que proposez-vous en ce qui
concerne l'acte de naissance pour cet enfant?
Galantino (Gabriel James) : Je
pense qu'à ce propos là, en fait, c'est un peu en dehors de notre champ d'expertise.
Tout ce qu'on peut faire, c'est faire du pouce sur la littérature scientifique
et les experts, en fait, qui en parlent. Et ce qu'on sait, en fait, c'est que,
bien, finalement, c'est moins dommageable d'assigner un sexe. On doit avoir une
mention de sexe à la naissance, toute la mention de sexe interne. C'est ce que
ce qui était rapporté, entre autres, par Janine Bastien Charlebois, là, qui est
professeure à l'UQAM, également.
Mais je pense que l'urgence, c'est de
mettre fin aux chirurgies génitales non consenties, qui, elles, ont des impacts
autant physiques que mentaux, là, sur le long terme. Donc, c'est sûr que c'est
ce qui est le plus urgent et le plus important, c'est d'arrêter ces
chirurgies-là... l'assignation du sexe, c'est moins dommageable que la façon
dont présentement, l'article est formulé, avec la mention de sexe indéterminé
qui pourrait mettre pression, en fait, à justement, finalement, faire ces
chirurgies-là ou accepter ces chirurgies-là. Donc, ce serait...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je vais céder
maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie Saint-Jacques pour une
période de 2 minutes 43 secondes.
Mme Massé : Bonjour. Merci d'être
là. Moi, j'aimerais revenir sur la case X. Si je comprends bien votre mémoire,
l'idée de la case X serait réservée aux personnes non binaires. Donc, est-il
pensable que la case X pourrait être comme la case parent, c'est-à-dire que les
gens s'autodéterminent et donc décident s'ils veulent un m, un f ou un x? Parce
que, sinon, si c'est réservé aux non binaires, il me semble qu'on ne règle pas
le problème...
Mme Massé : ...de la
divulgation... du dévoilement sans consentement. Alors j'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Blais (Martin) :
...peut-être, le premier point, c'est qu'à la différence... c'est que les
personnes peuvent le choisir. Et donc, quand on le choisit, on choisit aussi
que ce soit sur nos papiers d'identité et donc, quand on le montre, on sait ce
que ça veut dire. Donc, ça, déjà, qu'il y ait ce choix, c'est une partie du
problème de réglée. Maintenant, est-ce que cette mention devrait être ouverte à
tout le monde? Bien, c'est une question d'autodétermination, hein, je veux
dire, tout le monde, à un moment, au cours de sa vie, peut faire une
transition, peut affirmer une identité de genre différente de celle qui lui a
été assignée. Donc, il n'y a pas... A priori, il n'y a effectivement pas de
raison de l'exclure, hein? Ce n'est pas comme s'il n'y a pas une évolution, une
fluidité dans la question du genre. Donc, si une personne au courant de sa vie
voulait changer sa mention de sexe pour un ex, a priori, il n'y a pas de raison
de remettre en question ce besoin ou ce désir chez elle.
Mme Massé : O.K. Merci.
Vous avez dit clairement que, dans le fond, le sexe réfère, dans notre pensée
collective aux organes génitaux, hein? C'est comme l'espèce de... Et le genre
réfère à ce qu'on... notre identité de genre. Pourquoi vous avez choisi de
maintenir la mention de sexe et ne pas péter le câble jusqu'à dire : On n'emploie
plus ça, ce vieux terme là, et on va parler maintenant de mention de genre,
mais pour tout le monde?
M. Blais (Martin) : Ce
serait aussi une option.
Mme Massé : C'est aussi
une option.
M. Blais (Martin) :
Bien, c'est aussi une option. On peut aussi juste... mention, si vous voulez
péter le câble, mais ça ne l'est pas si on opère dans les paramètres qui sont
ceux actuellement, ou bien on opère complètement à l'extérieur.
Mme Massé : O.K. Donc,
ce n'est pas un choix, dans le sens que vous avez choisi de maintenir ce
langage-là de sexe, mention de sexe, parce que vous pensez que politiquement ça
allait mieux être accepté, parce que vous croyez que c'est mieux, ça? C'est un
peu le...
M. Blais (Martin) :
Parce que c'est la mention tout le monde connaît, parce que c'est plus simple à
faire passer, parce que ça soulève moins de questionnements qu'un système de
double mention. Mais après, que l'on remplace la mention de tout le monde pour une
mention de genre... Je pense que vraiment, l'important, c'est de ne pas isoler
les sous-groupes qui auraient accès à des mentions spécifiques... change la
mention pour tout le monde.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme Massé : Merci.
Mme Hivon : Bonjour à
vous deux. Exactement dans la même veine, vous avez dit : Tant qu'à péter
le câble, pourquoi est-ce qu'on garde une mention, que ce soit une mention de
sexe ou une mention de genre? Il y a des gens qui se posent cette question-là.
C'est quoi votre position là-dessus? Est- ce qu'on devrait faire une réflexion,
à savoir est-ce qu'on devrait juste carrément enlever ces mentions-là ou est ce
qu'elles sont toujours pertinentes? Et, si oui, pourquoi? On fait le débat,
hein? Puis on ne changera pas le Code civil dans deux, trois ans. Donc, tant qu'à
le faire, faisons-le...
Galantino (Gabriel James) :
Bien, pourquoi? En fait, je pense qu'une des options qui pourrait être à explorer,
c'est le fait d'offrir la possibilité de l'enlever aux personnes qui veulent ne
pas l'avoir. Après, à l'inverse, pour certaines personnes... Moi, j'ai le
privilège de passer, dans le sens où, comme j'ai un M sur ma carte d'identité,
mais c'est rare qu'on m'appelle madame dans la rue. Mais peut-être qu'il y a
certaines personnes qui n'ont pas ce privilège-là de passer. À l'inverse, le M
ou le F peut, sur la carte d'identité... bien, peut servir finalement à éviter
de se faire mégenrer et permettre de s'affirmer aussi. Donc, pour certaines
personnes, ça peut être important dans ce sens-là. Après, au niveau médical, je
ne pense pas que c'est quelque chose qui est nécessairement pertinent parce
que, peu importe la lettre qu'on a, si... Et on a tous des corps qui sont
différents. Donc, c'est à discuter avec notre médecin. Et j'espère que le
médecin pose les questions qu'il faut dans ce sens-là. Mais, à part de ça, c'est
vrai que ce n'est pas la mention la plus utile, m ais je pense que pour
certaines personnes, dans les faits, ça peut... Mais c'est aussi une
question... Je pense que c'est quelque chose qui est là depuis... en effet,
comme vous l'avez dit, depuis très longtemps, ça fait partie du système qu'on
a. Mais, au-delà de ça, comme il n'y a pas de critiques sur le système de
mention de sexe, dans le sens où, comme... tu sais, nous, on en a discuté avec
les groupes. Puis présentement c'est quand même un système qu'on considère que,
bien, une mention de sexe qui reflète l'identité de genre, ça fonctionne. Après,
s'il y a d'autres propositions, bien, il faudrait qu'on en discute avec les
groupes parce ce que c'est eux qu'on représente.
• (17 heures) •
Mme Hivon : Puis, vous,
ce que vous nous dites, dans le fond, c'est : Que ce soit mention de sexe
ou mention de genre, vous n'avez pas vraiment de préférence. J'imagine que
mention de sexe, c'est aussi beaucoup parce ce que c'est à la naissance qu'on
inscrit ça pour la première fois, puis, à ce moment-là, l'enfant ne s'autodétermine
pas encore, d'où l'idée qu'on est allé avec "sexe", mais, pour vous,
il n'y a pas vraiment d'enjeu. Est-ce qu'il y a un modèle qui existe dans le
monde qui vous apparaît particulièrement inspirant par rapport à toute cette
question-là?
17 h (version non révisée)
M. Blais (Martin) :
...les modèles, dont on a discuté, qui
semblaient quand même rallier pas mal de monde, c'est l'ajout d'une mention...
Mme Hivon : O.K. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, à moi de vous remercier
d'avoir participé aux travaux de la commission, c'est très, très, très
apprécié. Cela dit, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir
nos autres témoins. Merci beaucoup. À bientôt!
(Suspension de la séance à 17 h 1)
(Reprise à 17 h 8)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Ça nous fait plaisir d'accueillir la professeure Isabel Côté et le
professeur Kévin Lavoie. Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi.
Alors, comme vous savez, vous avez dix minutes de présentation et après ça on
aura une période d'échanges avec les membres de la commission. Donc, je vous
invite à vous identifier de nouveau avec vos titres et débuter votre exposé. La
parole est à vous.
Mme Côté (Isabel) : Oui,
bonjour, je m'appelle Isabel Côté. Je suis professeure au département de
travail social de l'Université du Québec en Outaouais et titulaire de la Chaire
de recherche du Canada sur la procréation pour autrui et les liens familiaux.
Et mon collègue...
M. Lavoie (Kévin) : Et je m'appelle
Kévin Lavoie, je suis professeur adjoint à l'École de travail social et
criminologie à l'Université Laval.
Mme Côté (Isabel) : Donc, je
vous remercie beaucoup de nous avoir invités à partager nos réflexions
concernant le projet de loi 2. Pour situer brièvement nos expertises, nos
travaux visent à explorer la nature et la signification des liens induits par
le recours à une tierce partie pour la conception ou la gestation d'un enfant,
qu'il s'agisse d'un donneur ou d'une donneuse de gamètes ou encore d'une mère
porteuse. Nous avons développé une compréhension globale et intégrative des
expériences de ces familles à partir du point de vue des personnes concernées,
à savoir les parents, les enfants et les tiers de procréation. Donc, notre
mémoire traite de façon exhaustive la gestation pour autrui et de la question
des origines, de façon un peu plus marginale de la pluriparenté, mais pour les
biens de la présentation, on va se concentrer sur deux éléments de la gestation
pour autrui et de la question des origines.
Donc concernant la GPA, nous voulons en
premier lieu discuter des conditions préalables à l'établissement de la
filiation. D'abord, il faut savoir que la GPA est un processus de procréation
éminemment relationnel. En effet, les travaux empiriques démontrent que la
relation qui unit les adultes concernés est la base d'un processus de GPA
harmonieux. C'est également ce qui assure la pérennité des liens après la
naissance de l'enfant. Nous saluons donc le fait que le projet de loi 2 propose
un processus formalisé obligeant les parties à rencontrer un professionnel du
domaine psychosocial habilité à pouvoir discuter des tenants et aboutissants d'un
projet de GPA avant même le début de la grossesse. À notre avis, cela s'inscrit
dans une perspective résolument préventive permettant de réduire les risques de
mésentente et de discorde, et ce, non seulement dans l'intérêt supérieur de l'enfant,
mais également de celui de la femme porteuse et des parents d'intention. Le
fait que chaque partie soit vue séparément pour avoir l'opportunité de discuter
librement et sans contrainte de ses attentes et appréhensions quant au
processus de GPA est également salué.
• (17 h 10) •
Par contre, nous proposons quatre
modifications pour que le processus soit plus efficient. Premièrement, qu'une
troisième rencontre soit ajoutée au processus pour la mise en commun des
discussions entre les parties. Les recherches démontrent effectivement que c'est
le développement d'une vision commune qui constitue la meilleure façon d'éviter
les malentendus, les...
Mme Côté (Isabel) :...ou
encore les déceptions.
Deuxièmement, l'obligation pour les
professionnels du domaine psychosocial de détenir une certification qui les
habilite à effectuer les rencontres pour remplir les conditions préalables à l'établissement
de la filiation d'un enfant né par GPA selon la voie administrative.
Actuellement, aucun cursus universitaire en travail social ou en psychologique,
qui sont les deux professions qui sont habilitées à intervenir dans ce champ de
travail, n'offre une formation approfondie sur les enjeux liés à la procréation
assistée pour autrui. Et l'objectif, évidemment, de la formation qualifiante et
d'éviter que n'importe qui s'improvise spécialiste de ces enjeux aussi
fondamentaux.
Troisièmement, plutôt qu'une simple
attestation, qu'un rapport soit rédigé par les professionnels du domaine
psychosocial à la fin des rencontres afin que les aspects éthiques,
relationnels et sociaux qui auront été négociés soient reproduits dans la
convention notariée.
Et enfin, l'obligation pour les
professionnels et les notaires qui seront impliqués d'exercer de manière
indépendante et autonome des cliniques de fertilité ou des agences de gestation
pour autrui qui vont s'implanter, évidemment, là, sur le territoire. Cette
mesure permettra d'assurer l'expression du consentement libre et éclairé de la
femme porteuse et d'éviter que les parents d'intention, qui seront considérés
comme les clients de ces services, soient favorisés à son détriment. Cette
recommandation est d'ailleurs en conformité avec les Principes de Vérone pour
la protection des enfants nés par GPA, qui ont été publiés, là, plutôt cette
année. Ces principes sont destinés à inspirer et orienter les réformes
législatives, politiques et pratiques sur le respect des droits des enfants nés
par GPA.
Je cède maintenant la parole à mon
collègue.
M. Lavoie (Kévin) : Pour ma
part, je vais mettre de l'avant les enjeux, et rappeler nos recommandations
concernant deux aspects de l'encadrement de la gestation pour autrui : la
dimension transfrontalière et le rôle des intermédiaires privés dans l'écosystème
de la procréation assistée au Québec.
Alors, premièrement, il nous apparaît
judicieux que le projet de loi propose d'encadrer les processus des GPA se
déroulant hors Québec. Nous accueillons favorablement le fait que le projet de
loi stipule qu'une GPA se déroulant en dehors du territoire québécois doit
avoir lieu dans une juridiction respectant les droits des femmes porteuses et
des enfants à naître. L'exercice de statuer si une province canadienne ou si un
état encadre la GPA de façon éthique implique une réflexion approfondie et
éclairée sur les tenants et aboutissants du processus et de son contexte
sociopolitique. Nous proposons que ce mandat soit confié au Secrétariat à l'adoption
internationale, le SAI, qui a déjà une expertise transférable en matière de
parenté transnationale et de mobilité des enfants. Dans cette éventualité,
seuls les projets ayant reçu l'approbation du SAI se verraient alors reconnus
par l'État québécois. Dans le but de mettre en place un nouveau volet, le SAI
devra néanmoins développer une expertise à l'interne, spécifiquement sur la
GPA, puisque les enjeux psychosociaux et éthiques rencontrés, la question des
origines et l'intérêt de l'enfant dans un tel contexte recèlent des
particularités très différentes de ce qui est connu et documenté en matière d'adoption
internationale. Autrement dit, il serait contre-indiqué de simplement
copier-coller les constats liés au vécu des familles adoptives et des personnes
ayant été adoptées à l'international pour guider l'élaboration de protocoles et
de trajectoires de services en matière de GPA.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que
le Canada et le Québec sont des lieux où s'actualisent déjà des ententes de GPA
transnationales. Il y a, déjà, d'ailleurs, une proportion importante de projets
de GPA qui sont formulés par des parents d'intention internationaux. Du fait du
système de santé public et universel, est en effet moins onéreux pour des
couples étrangers de faire appel à une femme porteuse québécoise ou canadienne
que d'aller aux États-Unis, par exemple, où les frais liés à une GPA sont
beaucoup plus élevés. À notre avis, cette situation pose plusieurs enjeux
éthiques importants.
D'une part, dans le cas où une entente de
GPA ne serait pas respectée, il pourrait être vraiment compliqué, voire impossible,
d'obliger les parents établis dans un autre pays de donner suite au projet ou
encore d'assumer la responsabilité à l'endroit de la femme porteuse et de l'enfant.
Nous avons d'ailleurs documenté une situation où des parents européens ne sont
jamais venus récupérer leur nouveau-né, laissant la femme porteuse avoir la
responsabilité de planifier le projet de vie de l'enfant, en ce cas-ci, en le
confier aux services d'adoption. On doit faire en sorte de prévenir qu'une
telle situation se répète.
D'autre part, considérant la pénurie de
ressources que l'on constate actuellement dans le réseau de la santé, alors que
certains hôpitaux arrivent difficilement à maintenir l'ouverture et la
disponibilité des salles d'accouchement, il apparaît injuste que ces ressources
soient mobilisées pour la concrétisation de projets parentaux de personnes ne
résidant pas au Québec. Bien que l'article 541.7 du projet de loi stipule
explicitement que les parents d'intention doivent être domiciliés au Québec
depuis au moins un an, nous suggérons que cette période doit avoir eu cours
avant le début de la grossesse. De plus, nous proposons que soit explicitement
interdit tout processus de GPA impliquant un ou des parents d'intention
résidant en dehors du territoire canadien. Deuxièmement...
M. Lavoie (Kévin) : ...Il
conviendrait de profiter de l'occasion pour circonscrire le rôle des
intermédiaires privés œuvrant dans le domaine la GPA. Des agences vont
probablement s'implanter au Québec dès l'adoption de la loi. Or, leur rôle dans
l'écosystème de la procréation assistée au Québec n'est toujours pas régulé à l'échelle
canadienne. Le laissez-faire qu'on observe ailleurs au pays, notamment en
Ontario, ouvre la porte à différentes manières de faire qui ne font l'objet en
ce moment d'aucune évaluation ni d'un quelconque suivi. Il serait judicieux de
se doter au Québec d'un cadre qui délimiterait le champ d'activité de ces
intermédiaires pour ainsi éviter les dérives possibles, comme c'est documenté
dans certaines recherches empiriques.
Je redonne maintenant la parole à ma
collègue Isabel pour discuter de la question des origines.
Mme Côté (Isabel) : Donc,
nous accueillons favorablement que le projet de loi institue un droit à la
connaissance des origines en faveur des personnes nées par don. Toutefois, il
importe de faire la distinction entre l'anonymat et le secret lorsqu'il est
question des origines.
En effet, pour qu'une personne conçue par
don puisse se saisir de son droit à connaître ses origines, il faut que l'information
liée à son mode de conception lui ait été préalablement, évidemment, transmise
par ses parents. Or, nos recherches démontrent que la divulgation à son enfant
de la conception par don de gamètes reste un sujet difficile, particulièrement
pour les parents hétérosexuels.
C'est pourquoi certains pays, l'Australie
par exemple, ont mis en place des modalités de divulgation obligatoire par le
biais d'une information qui est automatiquement transmise par l'état civil à
toute personne conçue par don lorsqu'elle atteint sa majorité. Évidemment, nous
nous réjouissons que cela ne soit pas l'avenue préconisée par le projet de loi
2 et que la responsabilité de la divulgation soit laissée aux parents.
En revanche, il faut qu'ils soient mieux
soutenus dans cette démarche. Nos recherches et toutes celles conduites sur le
sujet démontrent que c'est une fois l'enfant né que toutes les craintes liées à
la divulgation surgissent, de même que les questionnements sur la façon de
procéder. Ça fait en sorte que même si les parents ont envie de divulguer l'information,
ils retardent le moment de le faire faute de savoir comment le faire. Et plus
on retarde, plus on est pris dans le secret, moins on sait comment s'en
dégager.
C'est pourquoi nous recommandons que les
parents qui conçoivent leur enfant à l'aide d'un don puissent avoir accès à un
professionnel du domaine psychosocial habilité à les outiller quant aux enjeux
de la divulgation mais ce une fois l'enfant né.
En ce qui concerne la démarche qui
consiste à demander des informations sur les tiers de procréation, nous croyons
qu'une rencontre avec un professionnel habilité devrait également être
préalable et obligatoire à toute demande en vertu de l'article 542 points 3 et
non pas seulement proposé, comme le mentionne l'article 542.9. Cette
proposition est d'ailleurs inspirée des mesures mises en place depuis plusieurs
années en Australie. Cette rencontre pourrait être l'occasion de discuter de l'ensemble
des implications qui découlent de cette demande d'information, à savoir les
motivations qui sous-tendent la demande, les émotions qui peuvent en résulter,
les attentes, etc. Et nous savons déjà que l'expérience des personnes a plus de
chances d'être bénéfique quand l'ensemble des parties est bien préparé et que
cette quête d'information mène à des contacts ou non. Alors, nous vous
remercions de votre attention.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
madame Côté, monsieur Lavoie, bonjour, merci de participer aux travaux de la
commission. Je suis heureux de pouvoir vous entendre puis de compter sur deux
chercheurs spécialisés dans le domaine.
Écoutez, vous dites dans votre mémoire «en
proposant d'encadrer la gestation pour autrui et en instituant un nouveau droit
à la connaissance des origines, le législateur propose plusieurs avancées
significatives qui soutiendront le mieux être des familles concernées par ces
enjeux.» Je pense que vous résumez bien dans cette phrase ce qu'on souhaite
faire, notamment l'actualisation du droit à la réalité des familles.
Je vais avoir plusieurs questions sur
différents sujets. Vous avez, vous avez abordé plusieurs choses, notamment la
question des agences. Je comprends que, là, nous, on est en retard par rapport
aux autres juridictions canadiennes relativement à l'encadrement de la
gestation pour autrui. Ça existe au Québec, ça se fait, mais comme on dit ça,
ça se fait un peu en dessous la couverte. Ailleurs, ils ont déjà mis un cadre
relativement à ça. Mais là, vous dites : écoutez, faites attention aux
agences, il y aurait lieu dans le projet de loi aussi de prévoir des modalités
pour éviter ou encadrer le recours aux agences. Donc, deux questions pourquoi?
Et si on le fait pas, c'est quoi les enjeux potentiels?
• (17 h 20) •
M. Lavoie (Kévin) : Oui.
Bien, merci pour la question, M. le ministre. En ce moment, en fait, c'est peut
être vous avez dit que le Québec est un peu en retard, mais je pense que tant
qu'à... maintenant, on a l'occasion de le faire aussi bien de bien le faire,
puis bien s'occuper pour pouvoir encadrer.
Parce qu'en ce moment, quelqu'un peut se
partir une PME ou il y a une certaine expérience ou développer une agence comme
ça qui va être privée, établir des liens avec des cliniques de fertilité, par
exemple des notaires, des juristes, des avocats, avocates. Et là, pouvoir
proposer d'orchestrer le processus parce que les agences, c'est ça leur rôle.
En fait, ils vont trouver. Ça va être la prise de contact entre les parents d'intention
et les femmes porteuses. Donc, c'est une prise de contact, c'est un peu... Ils
vont jouer un rôle d'entremetteur dans le contexte d'un processus de GPA et
ensuite, s'assurer de mettre en lien tous les intermédiaires qui sont...
M. Lavoie (Kévin) :
...dans le domaine médical et dans le
domaine juridique, pour éventuellement mener à la naissance de l'enfant. Il y a
des beaux avantages d'une agence en termes de soutien social pour les femmes
porteuses, par exemple, il y a des agences qui vont déployer différentes
mesures de retraites, de recours, tout ça, bref, il y a quand même une forme de
soutien qui peut être chouette. Mais, de l'autre côté, c'est qu'on ne sait pas
ce que les agences font, finalement, au quotidien, leurs pratiques, leur façon
de faire. Il y a les bonnes agences qui sont connues, qui sont implantées
depuis plusieurs années. Puis on a simplement vu, dans les cinq dernières
années, il y en a plusieurs qui se sont établies, qui se sont implantées
principalement en Ontario. Puis, en fait, c'est ce qu'on voudrait alerter le
législateur. En fait, c'est de savoir... Bien, il y a un peu de tout et n'importe
quoi qui peuvent être faits dans ce contexte-là. Est-ce que c'est bien soutenu?
Est-ce qu'il y a les bonnes mesures?
Et une des préoccupations qu'on soulève
également, c'est que les clients, clientes vont être les parents d'intention et
non pas les femmes porteuses. Donc là, il y a peut-être un enjeu par rapport à
faire : Bien, qui va représenter les droits et les responsabilités des femmes
porteuses? Parce qu'à leur à l'heure actuelle, à ma connaissance, il n'y a pas
d'associations de défense des droits. Donc, qui va porter la voix des femmes
porteuses dans un contexte où il pourrait y avoir, par exemple, un conflit, une
méconnaissance, une... peu importe le contexte. Bien, Comment on va faire la
médiation? Ça va être quoi, les recours possibles? Où se trouve la bonne
information?
Donc, pour les agents, je pense qu'il y
aurait un peu un ménage pour pouvoir mieux encadrer puis circonscrire le rôle
puis où est-ce qu'ils peuvent aller, où est-ce qu'ils ne peuvent pas aller non
plus.
Mme Côté (Isabel) : ...pour
compléter, peut-être, si vous permettez. Le rôle des agences, c'est... Bien, en
fait, une agence, le but premier, c'est de faire de l'argent. Ça, il faut
comprendre ça. Donc, les services qui sont là-dedans, c'est des services qui
sont aussi monnayés. C'est une des raisons pour laquelle, nous, on préconise
que les intervenants du domaine psychosocial et les notaires soient autonomes
de ces pratiques-là. Tout simplement aussi parce qu'une fois qu'on a le pied
dans la porte, c'est difficile pour une femme porteuse de reculer. On est
déjà... rencontré une agence, on a déjà engagé des frais, parce qu'il y a des
frais pour ça, on a déjà fait tout ça. Donc, c'est plus difficile pour elle,
après ça, de reculer. Et ça nous permet d'assurer une meilleure autonomie pour
elle.
M. Jolin-Barrette : Donc, ce
que vous nous dites, c'est, si on permet les agences, que ça soit strictement encadré.
Sauf que je déduis de votre propos aussi qu'il pourrait ne pas y avoir d'agence
aussi, que ça soit interdit.
M. Lavoie (Kévin) : Si on
souhaite ne pas... bien, en fait, d'interdire les agences, ce qui risque de se
passer, selon moi, c'est qu'il va y avoir encore la mobilité interprovinciale
qu'on a certes déjà. Il y a déjà des femmes porteuses québécoises qui vont se
tourner vers l'Ontario parce qu'elles préfèrent avoir l'encadrement. Ça les
sécurise. Ils ont des recours possibles. Ça leur permet également de briser l'isolement
parce qu'elles vont rencontrer d'autres femmes qui vivent quelque chose de
similaire. Donc, ce besoin-là est essentiel. Puis je pense qu'il faut être à l'écoute
de cette préoccupation-là. Parce que les femmes qu'on a rencontrées, c'est ce
qu'elles mentionnent, c'est qu'il y en a certains qui préfèrent, au contraire,
ne pas être avec une agence pour plusieurs raisons.
Mais pour celles qui souhaitent avoir une
forme de soutien, avoir également un choix éclairé, pouvoir être guidées dans
le processus, avoir des mentors parfois, avoir... bref, pour tout ça, je pense
que ça pourrait être intéressant pour... Mais après ça il faut le circonscrire,
justement, l'enjeu et l'accréditation, par exemple, des agences. Donc, vous
voulez démarrer, par exemple, une agence privée, bien, voici les critères à
rencontrer, voici les mandats qu'on pourrait vous confier pour bien faire votre
boulot, votre travail auprès des femmes porteuses et les parents d'intention.
Donc, on pourrait... je pense que cette discussion-là pourrait être amenée dans
le projet de loi, discutée pour pouvoir couvrir cet aspect-là qui, en ce
moment, ne l'est pas.
M. Jolin-Barrette : Une autre
question sur les conventions notariées. On a mis, dans le projet de loi, un
pouvoir réglementaire qui vise à venir définir ce qu'il peut y avoir dans une
convention notariée. Pourquoi, selon vous, c'est important de venir stipuler
les clauses qui peuvent être présentes et qu'est-ce qui doit être interdit
également? Parce que, dans le cadre de vos recherches, j'imagine que vous avez
constaté que, parfois, il y a certaines choses qui étaient exigées des mères
porteuses dans des contrats. Selon votre expérience, là, qu'est-ce qui était
déraisonnable dans les contrats que vous avez analysés ou dans la littérature
que vous avez constatée, qu'il y a des choses qu'on a demandées à des mères
porteuses puis elles ne devraient pas se retrouver dans des conventions
notariées, là? Parce que, dans le fond, on souhaite établir un cadre avec un
ordre public pour que ça soit très clair pour protéger la mère porteuse, mais
où vous nous invitez à aller pour dire : Bien, ça, ça ne doit pas être
dedans, puis on doit le prévoir nommément que ça ne doit pas être dedans.
Mme Côté (Isabel) : En fait,
ce qu'on veut éviter avec les conventions notariées, c'est que ça soit un
modèle prédéfini qui est pour tout le monde, en fait. C'est pour ça qu'on
recommande que la troisième rencontre vise à faire un rapport des intervenants
du domaine psychosocial qui pourraient être ensuite retransmis dans la
convention notariée, parce que chaque entente peut différer. Par exemple, je
donne un exemple de négociation qui a lieu, c'est savoir actuellement,
notamment... Dans le cadre de la COVID, là, on a rencontré... on a un groupe
fermé Facebook de femmes porteuses, puis il y a beaucoup de discussions
là-dessus qui ont lieu actuellement sur qui va être là au moment de l'accouchement.
Moi, j'aimerais que ça soit mon conjoint qui soit là pour l'accouchement, mais
les parents veulent être là, mais il y a juste une personne de disponible.
Donc, ça serait qui des deux personnes? Quelle des deux...
Mme Côté (Isabel) : ...parent
ou versus mon conjoint. Donc, des discussions comme ça qui diffèrent d'une
femme porteuse à l'autre, qui doivent discuter préalablement puis qui doivent
être reproduites dans la convention. Ce qu'on a constaté avec les contrats, c'est
que les femmes porteuses ne comprennent pas les contrats, ni les parents d'intention.
On a vu plusieurs contrats, des contrats très lourds, très longs, dans lequel
est stipulé toutes sortes de trucs qu'ils ne comprennent pas ou qui ne sont pas
nécessairement facilement applicables, notamment, par exemple, d'être discrète
sur ta grossesse pour autrui pour... par confidentialité, pour le parent. Mais,
tu sais, quand on est enceinte, on ne peut pas cacher ça, là. On ne peut pas
dire qu'on n'est pas enceinte, puis on ne peut pas dire que c'est pour autrui
parce qu'il n'y aura pas de bébé après. Donc des éléments comme ça. Et finalement,
toute la question de l'autonomie reproductive, ne pas manger de noix, ne pas
prendre tes enfants, ne pas faire d'exercices physiques intenses. Bon, tous les
enjeux qui vont réguler le corps des femmes ou qui va réduire sa latitude
devrait être formellement interdit. Ça, c'est clair. Puis, les conventions, les
rencontres préalables, c'est ce qu'elles visent, en fait. C'est aussi de
rencontrer les parents pour dire : Voyez-vous, une grossesse pour autrui,
c'est une grossesse dans laquelle tu n'as pas de contrôle. Ce n'est pas comme
si c'était ta propre grossesse dans lequel tu vas t'astreindre à ci ou à ça en
fonction de ta grossesse. Mais celle-là, ça n'en est pas une. Il faut que tu en
sois conscient, et si tu n'es pas conscient de ça, bien, ce n'est peut-être pas
un projet pour toi, actuellement. Et ça, souvent, les parents qui comprennent
ça, bon, bien, pour eux, c'est plus facile de rentrer dans le processus. Mais
il y en a qui ne comprennent pas, puis dans le cadre des agences, bien, les
agences disent, bien : On peut demander ça, on peut faire en sorte que ça
soit ça, puis eux, ils vont là dedans sans nécessairement se questionner plus
avant.
M. Lavoie (Kévin) : Peut-être
d'autres aspects concernant les conventions signées. Quand j'ai rencontré les
femmes porteuses dans le cadre de mes recherches, puis je leur demandais :
Il y a-tu des clauses qui t'ont rendue inconfortable, qui t'ont... que tu as
voulu enlever? Il y en a plusieurs, justement, qui étaient soulevées, par
rapport à leur liberté, qu'est ce qu'ils mangeaient, la quantité de café qu'ils
pouvaient consommer, tout ça. Ça, c'est une chose. Mais également, il y a des
clauses un peu plus subtiles et pernicieuses. Par exemple, qui est en cas de
litige, on va se référer au médecin qui va trancher. Mais il y a quand même
quelque chose à se questionner en termes de préoccupations. C'est que là qu'on
confie, puis on dévolue nos pouvoirs décisionnels, donc le pouvoir des femmes
sur leur corps, on le confie à des mains... des experts dans le domaine
médical. Et ça, vous voyez qu'il y a beaucoup de juristes qui le mettaient, par
habitude, comme ça, donc un format comme ça, qui, juste... On va s'assurer qu'il
y ait le moins de risque possible, mais encore là, la liberté d'agir des
femmes, je pense que les brimer, dans ce contexte-là, donc on devrait
interdire... Puis ça, ça peut se faire dans les contrats de gré à gré, bien,
dire : Regarde, il y a touts ces univers-là qu'on ne peut pas en mettre.
On ne peut pas le mettre, le coucher sur papier. Mais il y a également d'autres
facettes, par exemple, les médias sociaux. O.K., bien, la femme porteuse ne
peut pas mettre... afficher sa grossesse pour autrui. Par contre, une
grossesse, c'est public. Donc, ça restreint énormément le pouvoir d'agir, l'utilisation
des médias sociaux, des femmes porteuses, dans ce contexte-ci. Bien, vous voyez
les petites... des petites choses comme ça, d'apparence anodine, mais
finalement, au quotidien, peuvent venir vraiment brimer le pouvoir d'agir des
femmes. Donc, ça, c'est le genre de clause également à vraiment venir se
questionner, de voir leur pertinence. Puis, en bout de ligne, c'est souvent ces
clauses-là qui sont sur le fardeau des épaules des femmes porteuses et non pas
des parents d'intention.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je suis d'accord avec vous. C'est très, très clair pour moi qu'un des
objectifs de venir encadrer la gestation pour autrui, c'est de préserver l'autonomie
de la mère porteuse en toutes circonstances. Puis, tu sais, ça, je l'ai dit dès
le départ, là, vous amenez des points précis, notamment, supposons avec un
tiers, avec un médecin ou quelqu'un, un membre du corps médical. Mais pour moi,
pour le gouvernement, c'est très clair que l'autonomie en tout temps de la
femme sur son corps, c'est ce qui va guider nos travaux, notamment le recours à
l'avortement, peu importe au moment où la femme décide de procéder. C'est pour
ça que le contrat, de la façon dont il est fait, il est exécutoire que d'un
seul côté, donc en faveur de la mère porteuse. Donc, exemple, sur l'avortement,
une femme va toujours pouvoir conserver la possibilité de se faire avorter dans
le cadre de son processus, dans le cadre de son cheminement. Ça, c'est
indéniable, puis je l'ai dit dès le départ, puis il n'y a rien dans le projet
de loi qui pourrait remettre en question la notion d'avortement, ça, c'était
fondamental. Puis c'est ce qui a guidé notamment nos travaux aussi pour dire :
L'autonomie de la femme, en tout temps, doit demeurer, même s'il y a des
contrats de gestation. Puis, justement, le contrat est là pour protéger la mère
porteuse et l'enfant à naître également.
Avant de céder la parole à mes collègues,
j'aurais une question sur la pluriparentalité parce que vous l'avez abordée.
Vous, vous dites : Bien, écoutez, on devrait ouvrir. Nous, le choix qu'on
a fait, c'est de ne pas ouvrir là dessus, notamment, il y a peu d'études. Je
pense que vous êtes d'accord avec ça. Je voudrais vous entendre, là, sur votre
proposition, vous, de dire : On souhaiterait avoir la pluriparentalité.
• (17 h 30) •
Mme Côté (Isabel) : Oui, tout
à fait. En fait, effectivement, sur les enfants qui grandissent avec plusieurs
parents, des processus formalisés d'études, il y en a peu. Pourquoi? Parce qu'il
y a peu de...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Côté (Isabel) : ...comment
je pourrais dire... de législation qui légifère pour l'instant. Donc,
évidemment, pour pouvoir faire des études, il faut encore qu'on puisse avoir
les mécanismes en place pour étudier.
Par contre, dans le cadre de mes recherches,
moi, j'ai étudié les enfants qui naissent de couples lesbiens avec des donneurs
connus, donc des hommes, dans l'entourage des femmes, qui agissent comme
donneurs et qui, dans certains cas, agissent comme des pères. Dans d'autres
cas, pas du tout, là, ce sont des amis, des parents. Et là je comparais les
discours de l'ensemble de ces enfants-là. Et des enfants qui ont deux mamans
puis un papa, et des enfants qui ont deux mamans et un donneur, iIs font la
nette... ça fait que tous ces groupes d'enfants là font une nette différence.
Donc, les enfants qui ont... qui grandissent avec deux mamans, puis un papa,
bien, évidemment, ce que ça fait en sorte, c'est que ces enfants-là ne sont pas
protégés en cas de conflit, ou ce n'est pas reconnu, en fait, leur modèle
familial n'est pas reconnu, puis ils ne sont pas protégés si jamais, pour une
raison ou pour une autre, un des parents allait à s'en aller.
Donc, c'est sûr que pour nous, le meilleur
intérêt de l'enfant consiste à ce que son modèle familial soit reconnu. Et en
2002, on avait dit un peu ça, en fait. C'est un peu compliqué de réguler les
familles de même sexe. Puis pourtant, on l'a fait et puis on a été des
précurseurs, à travers la planète, de l'avoir régulé de cette façon-là.
Personne n'était allé aussi loin qu'on a eu à ce moment-là. 20 ans plus tard,
force est de constater que tout va bien, là, qu'il n'y a pas eu de problème, et
au contraire, ça s'est très bien passé. Et je pense que là, on a une
opportunité avec la pluriparenté, d'ouvrir la porte pour le meilleur intérêt de
ces enfants-là, des enfants concernés. Ce ne sera pas beaucoup d'enfants, mais
les enfants concernés.
Ce qu'on fait, en faisant ça, c'est qu'on
vient sécuriser leurs liens avec tous les adultes qui sont considérés comme des
parents. Parce que ce que ça fait, c'est que, des fois, les parents sont
obligés d'utiliser la filiation de façon créative. Par exemple, dans un
contexte où j'ai rencontré... dans... c'était la même mère qui avait porté les
deux enfants. Donc, pour le plus vieux, c'est une mère qui était la... qui
avait la filiation, puis pour l'autre, c'était le donneur qui avait la
filiation. La mère me disait en blague «on en a chacun un», en parlant du
donneur et elle. En se disant : Bien, de cette façon-là, on se protège
tous les trois, tu sais. Mais ça n'a pas de bon sens d'être obligé de jouer un
peu comme ça pour pouvoir faire reconnaître son milieu, son modèle familial.
M. Jolin-Barrette : Dernière
question, dernière question, pour ma part. Sur la connaissance des origines,
notamment en gestation pour autrui, mais également pour les personnes confiées
à l'adoption, vous êtes d'accord avec ça?
Mme Côté (Isabel) : Oui, oui.
Tout à fait, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc,
je vais céder la parole, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Chapleau, il reste moins de deux minutes.
M. Lévesque (Chapleau) : Excellent.
Merci, M. le Président. Bonjour, Pr Côté, Pr Lavoie, vraiment un plaisir de
vous revoir, dans votre cas, et bien heureux que vous soyez dans notre belle
région de l'Outaouais, à l'UQO, là, c'est un plaisir. On a eu l'occasion d'échanger
par le passé.
Sur la connaissance des origines,
notamment en lien avec l'article 116, où il y a des obligations, là... en lien
avec des obligations de la clinique de fertilité de communiquer ces
renseignements-là, vous dites que, bon, c'est un bon pas, c'est intéressant,
mais vous préconisez peut-être des bonifications. Ce serait quoi, dans ce
sens-là?
Mme Côté (Isabel) : Bien, en
fait, actuellement, les parents qui deviennent... qui utilisent du don de
sperme doivent retourner à la clinique pour dire quand il y a une grossesse
effective, O.K., pour que la banque puisse documenter le nombre de naissances
vivantes avec un tel donneur, et très peu de parents le font. Dans le cadre d'une
étude que j'ai en cours actuellement, là, sur 36 familles, une seule avait
averti la banque par la suite. Donc, pourquoi ils ne le font pas? Pour
différentes raisons, mais généralement, ils ne se sentent pas obligés de faire
ça.
Et donc moi, je préconise plutôt... bien,
mon collègue et moi, on préconise plutôt que la RAMQ, en fait, soit liée avec
la femme qui reçoit un don de sperme, ce qui fait en sorte que, quand elle aura
accouché, bien, nécessairement, on pourra, à ce moment-là, là, savoir qu'elle a
eu un enfant par don de sperme. Parce que sinon, en l'état, tout ce que ça
fait, c'est que ça identifie les couples lesbiens, qui, nécessairement, devant
l'état civil, devront dire qu'ils ont eu un donneur. Mais les femmes
célibataires pourraient très bien dire : Non, non, j'ai rencontré quelqu'un,
comme ça, puis ça n'a pas marché, puis je ne sais pas c'est qui. Puis les
couples hétérosexuels pourront dire évidemment que ça a fonctionné de façon
naturelle entre les traitements.
Donc, en ayant... dès qu'il y a un don de
sperme lié à ça, en fait, à la femme qui le reçoit, ça fait en sorte qu'il y a
plus de chances, là, qu'on puisse avoir le mécanisme, là, à la fin, pour la
déclaration.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Puis vous avez également parlé...
Le Président (M.
Bachand) :Merci...
M. Lévesque (Chapleau) : Oh!
c'est tout, merci.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Ça va très, très rapidement, désolé. M. le
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup,
M. le Président. Alors, Pr Côté, Pr Lavoie, merci d'être avec nous. J'ai des
questions peut-être en rafale pour compléter les échanges. Donc, l'importance...
Puis effectivement, on le voyait qu'il y avait des rencontres... je vais
trouver le terme, là, c'est... implications psychosociales. Il y avait des
rencontres, chacun de son côté. Là, vous dites que ça en prendrait une
troisième pour que les gens puissent se parler puis se comprendre. Ça, vous l'avez
vu, vous l'avez noté. Est-ce que ça se fait ailleurs, cette troisième rencontre
là? Est-ce que c'est bénéfique?
Mme Côté (Isabel) : Oui,
effectivement. Actuellement, en Australie, c'est comme ça qu'on organise aussi
la question de la gestation pour autrui, comme la question, en fait, du don de
gamètes. L'Australie est allée assez loin dans cette question-là du domaine
psychosocial, de la réflexion psychosociale, justement pour forcer les parties
à se parler, pour, justement, favoriser, en fait, les meilleures discussions
et, donc, diminuer les risques de conflit. Parce que ce qu'on s'aperçoit, c'est
que c'est...
Mme Côté (Isabel) : ...des
mésententes, ou des discussions qui n'ont pas eu lieu, ou des façons de dire
les choses qui n'ont pas été clairement dites. Parce qu'au début, quand on
commence un projet de convention... de gestation pour autrui, on est content.
On a des liens ensemble, ça va bien, on s'est trouvé puis, bon, on est tout
emballé par le processus. Mais c'est en cours de route que ça peut venir ou c'est
des réflexions qu'on n'a pas eues préalablement. Donc, l'intervenant du domaine
psychosocial pourrait amener les personnes à réfléchir à ces questions-là
plutôt que juste les rencontrer pour discuter des enjeux éthiques, là, tel que
proposé dans le projet de loi. Comme je le disais, c'est un processus très
relationnel, la GPA, et c'est ça qui est important de préserver, la relation.
Et c'est de cette façon-là, en fait, que la relation se poursuit parce que la
plupart des recherches et les nôtres aussi démontrent que suite à la remise de
l'enfant, quand l'enfant est né, les relations se poursuivent des années plus
tard.
D'ailleurs, il y a une étude longitudinale
en Angleterre, là. Les enfants sont rendus à 17 ans et 80 % d'entre
eux ont des contacts avec la femme porteuse au moins une fois par année. Donc,
on peut voir que de façon longitudinale, les liens sont là, mais encore faut-il
que ça soit bien établi dès le départ.
M. Tanguay : Oui, puis c'est
intéressant aussi, puis ça fait écho à donner suite de façon tangible à l'intérêt
de l'enfant s'il a le goût. Et puis, on fait comme une dichotomie entre le
projet parental et la femme, la personne qui va porter l'enfant, mais c'est un
projet qui est pas mal commun en ce sens-là aussi, là. Il l'est de façon très
tangible durant la grossesse et à l'accouchement, mais par la suite ça pourrait
faire partie, justement, parce que c'est... Comme législateur, moi, ce qui me
préoccupe, c'est qu'est ce qu'on est en train de faire là. Puis les décisions
qu'on prend de donner accès ou pas à telle information ou de l'encadrer de
telle ou telle façon, mais de ne pas prévoir tel ou tel encadrement, comme
cette fameuse troisième raconte là, on donne, vous allez me permettre l'expression,
on donne le ton pour la suite des choses également. Alors, je trouvais ça
intéressant. Vous proposez, je pense, à titre principal, d'enlever le délai de
sept jours, mais à titre subsidiaire, vous avez un plan B. Puis j'aimerais vous
entendre là-dessus, sur la réflexion que vous avez.
Mme Côté (Isabel) : Oui. En
fait, ça, c'est le fait de laisser sept jours à la femme porteuse, c'est basé
sur l'idée que les femmes porteuses pourraient changer d'avis et puis le
regretter. Or, c'est... Au niveau même international, c'est de l'épiphénomène.
Au Canada, ce n'est jamais arrivé, sauf en 2005. Ce n'est pas aller en cour. Ça
s'est réglé hors cour, à l'avantage des... bien, des parents, l'intention, en
fait. Mais il y a une juriste de l'Université d'Ottawa qui a documenté auprès d'avocats,
en fait, les... qu'est ce qui pouvait arriver, là, dans des conditions de GPA
où il y avait des conflits. Et ce qu'on s'est aperçu, ce qu'elle a documenté, c'étaient
souvent des... des éléments qui étaient plus liés à la relation, en fait,
que... qui causaient des insatisfactions. Et c'est pour ça que les femmes
porteuses retournaient vers les avocats, par exemple, mais que généralement ça
se passait très bien. Et les avocats, ce qu'ils ont remarqué et ce que, nous,
on a documenté aussi, c'est que c'était plutôt l'inverse qui arrivait. C'était
des parents d'intention qui ne remplissaient pas leurs obligations davantage
que l'inverse.
Donc, eux-mêmes disaient nous, on n'a pas
rencontré de femmes porteuses qui disaient : Je ne veux pas. On a
rencontré des femmes porteuses qui disent : Hum, on s'est entendu sur
telle affaire, mais ça ne se passe pas actuellement. Comment que je peux faire
en sorte pour que ça, ça soit... ça soit respecté? D'où la convention notariée,
de dire : Bien, si on a déjà prévu, par exemple, qu'une fois par année, il
y avait des photos, qu'on se voyait deux fois par année ou qu'on avait quand
même des appels vidéo une fois par mois, par exemple, quoi que ce soit, bon, ça
peut favoriser ça. Mais l'inverse, par exemple, que des parents d'intention ne
prennent pour l'enfant, bien, oui, ça, c'est documenté au Canada. Donc...
M. Tanguay : J'aimerais
vous entendre. Puis merci beaucoup pour vos éclairages. La troisième rencontre,
donc, par des professionnels qualifiés, puis vous demandez qu'ils soient
qualifiés, donc avoir une certification, quel pourrait être d'un point de vue
éthique les conséquences pour un professionnel qui se rend compte puis qui dit :
Oh! My God! Ça ne marchera pas, là. Quelles pourraient être les conséquences?
Mme Côté (Isabel) : Vous
voulez dire est ce qu'un professionnel pourrait...
M. Tanguay : Un
professionnel qui se rend compte que, finalement, là, je rends compte... Il y a
une dichotomie, là, ils ne sont pas à la même place. Ça part... Ça part...
Excusez mon expression. Ça part un peu tout croche, là. Je ne suis pas... Je ne
suis pas sûr. Je suis... En mon... Professionnellement, là, puis j'ai suivi la
certification puis tout ça, il me semble qu'ils sont mal... Quel pourrait être
la capacité ou pas d'un professionnel de lever la main? À qui? Comment? On le
veut. On ne le veut pas. Qu'est-ce que... Qu'est-ce que vous... Quelle est
votre réflexion là-dessus?
Mme Côté (Isabel) : Bien, c'est
une excellente question, à savoir est-ce que le professionnel pourrait avoir un
droit de veto, par exemple, sur la régulation.
M. Tanguay : ...mais se
poser la question.
• (17 h 40) •
Mme Côté (Isabel) : Moi, je
pense que ça peut arriver, par exemple, qu'une troisième rencontre ne soit pas
suffisante dans un contexte de médiation, puis qu'on puisse favoriser une
quatrième rencontre. En fait, ces professionnels-là devraient être habilités à
dire : Bien là, vous, vous voulez ça. Vous, vous voulez ça. Il y a comme
une disparité très grande entre les deux. Bon, on pourrait continuer à
discuter, mais si on ne peut pas se rejoindre, bien, ça va être son travail de
dire : On ne pourra pas se rejoindre. On ne peut pas se rejoindre. Vous
êtes tellement loin l'un et l'autre que ça ne sera pas agréable, ni pour vous
ni pour elle. Donc, de pouvoir...
Mme Côté (Isabel) : ...chacune
des parties de réfléchir à son propre projet, ce qui n'est pas le cas
actuellement. Je ne sais pas si tu veux peut-être ajouter, Kévin.
M. Lavoie (Kévin) : Oui. Puis
justement ces rencontres-là préalables, ça permet de révéler des tensions qu'il
y a peut-être de façon sous-jacente, des sujets qu'ils veulent mettre de côté,
puis on ne veut pas aborder, on veut le cacher, tout ça.
Gardons en tête également que les femmes
porteuses... Là, on parle de la femme porteuse, mais cette femme-là est dans
une communauté, est entourée. Les rencontres, là, moi, les femmes que j'ai
rencontrées, les situations familiales, en fait, souvent, le conjoint ou la
conjointe de la femme porteuse est impliquée également dans la discussion. Et
les enfants des femmes porteuses aussi font partie de l'équation, font partie de
la discussion.
Puis je pense que, des fois, il peut y
avoir peut-être des tensions en termes de, bien, qu'est-ce qui peut être fait,
qu'est-ce qu'on veut arrimer. Puis ces rencontres-là, nous, ce qu'on appelle de
médiation procréative, pourraient avoir objet justement de mettre... révéler
des tensions qu'ils pourraient avoir, quatrième, cinquième rencontre, en disant :
Regarde, je mets sur la table des tensions que vous avez là. Qu'est-ce que vous
allez faire?
Puis, après ça, je pense qu'on peut aussi
faire confiance aux gens pour aller de l'avant dans les projets, pour dire :
Bien, regarde, prenez les décisions. Puis, en fait, l'objectif de tout ça, c'est
qu'il y a un consentement libre et éclairé. Éclairé, ça implique de l'information
juste, information également de nos droits et responsabilités, des impacts que
ça peut avoir à moyen, long terme.
Et, après ça, je pense que, là, on peut
éventuellement... là, ce serait de voir où est-ce que le législateur pourrait
aller en termes de s'immiscer dans l'entente des personnes impliquées. Mais je
pense, après ça, quand tout est mis sur la table, le travail est fait pour
avoir... après ça, exprimer un consentement libre et éclairé. Même si peut-être
qu'il y a des enjeux que le professionnel est peut-être moins confortable, mais
au moins ça va être nommé puis ça va être par écrit, il y a des traces et il y
aurait des recours possibles.
M. Tanguay : Et ça, puis le
ministre me corrigera si j'ai tort, je ne pense pas qu'il est prévu, vers la
fin du projet de loi, le dépôt statutaire d'un rapport de mise en application
dans les trois ans ou dans les cinq ans. On pourra peut-être faire un
amendement là-dessus. Puis on parlait, ce matin, d'une chaire de recherche. Ça
va être important de voir les implications de ce qu'on fait, parce que nous,
législateurs, on peut bien jouer sur la mécanique des choses, passer go, en
tant que notarié, minute, papi, papa. Mais, dans la vraie vie, comment ça va se
vivre, je pense qu'il va falloir revenir puis dire : Bon, bien, ça fait
trois ans ou cinq ans que la loi est appliquée, et ça, c'est important. On n'a
pas mis la troisième rencontre, on aurait dû, et ainsi de suite. Excessivement
important.
Aussi, au niveau international, la mère
porteuse ou la personne qui va porter l'enfant est à l'extérieur du Québec, que
les parents d'intention seulement auraient cette rencontre. Quant aux
implications psychosociales, y voyez-vous là une carence, un manque? Il
faudrait peut-être s'assurer... je sais que c'est à l'étranger, mais s'assurer
que la personne, la mère porteuse à l'étranger aussi va être vue et rencontrée,
et aussi là la troisième rencontre.
Mme Côté (Isabel) : Mais, en
fait, ça pourrait être un peu... Excuse-moi, Kévin. Ça pourrait être un peu
difficile dans un contexte, là, international. On pourrait effectivement le
valoriser et puis le mettre dans le projet de loi pour que ça puisse avoir
lieu.
Toutefois, juste pour revenir au début,
quand vous parliez, bon, d'avoir les implications. Moi, j'ai une chaire de
recherche sur la procréation pour autrui, c'est exactement ce que j'étudie, là,
depuis plusieurs années. Donc, dans le cadre de mes recherches, j'ai rencontré
des enfants et j'en rencontre actuellement des enfants nés par GPA, des enfants
de femmes porteuses, l'ensemble des parties concernées par les projets de GPA.
Je fais ça depuis plusieurs années. Kévin a fait sa thèse là-dessus, rencontre
actuellement les conjoints de femmes porteuses. Et les recherches qu'on a et
les recherches qui sont démontrées à l'international démontrent que c'est des
projets qui vont bien. En général, là, ça va bien.
Il faut quand même partir de ça, là,
plutôt que d'aller de façon défensive en disant : Les risques que ça aille
mal sont très grands. C'est plutôt le contraire, ça va très bien, puis c'est
des processus qui font en sorte que les gens sont valorisés là-dedans, les
femmes porteuses sont valorisées dans ce projet-là. Donc, ça, c'est un des
éléments.
Par contre, je vous rejoins sur l'idée qu'il
manque des données de recherche, qu'il faudrait avoir plus de données de
recherche et qu'effectivement on pourrait financer des projets de recherche
plus spécifiques pour savoir, au Québec, dans une modalité où on va implanter
quelque chose de nouveau, comment, à long terme, ça va se développer. Ça,
effectivement, ça pourrait être pertinent.
M. Tanguay : Et, pour les
quelques secondes qui me restent, autrement dit, on vous voit là, aux
auditions, on ne vous verra plus à l'article par article puis on ne vous verra probablement
pas dans la mise en application. Il ne faudrait pas socialement vous,
chercheurs, vous perdre de vue puis vous gardez près justement de l'évaluation
en continu de ce processus-là, là. Je suis en train de vous allouer un budget
de recherche, mais il ne faudrait pas que vous... Ça doit être de la musique à
vos oreilles. Mais il ne faudrait pas perdre cette expertise-là, là.
M. Lavoie (Kévin) : ...si je
peux me permettre de répondre à votre question sur le côté transnational.
Le Président (M.
Bachand) : Quelques secondes.
M. Lavoie (Kévin) : Mais je
pense que, si on confie, par exemple, là, moi j'ai nommé le secrétariat à l'adoption
internationale, on pourrait penser à des modalités justement, des ententes
transnationales avec des agences ou des cliniques, là, dans d'autres pays pour
avoir, par exemple, des interventions en ligne à distance. Maintenant, avec les
modalités, là, de Zoom et autres, il y aurait possibilité de faire preuve d'innovation
pour pouvoir arrimer quelque chose. Puis ça va peut-être être prévu dans les
règlements, et tout ça. Mais... Ça, je pense, ce n'est pas une limite. Le côté
transnational, si, comme, on confie un mandat, puis on pourrait déployer des
pratiques, comme la médiation conjugale...
M. Lavoie (Kévin) : ...les
familiales, on le fait déjà transnational, on pourrait s'en inspirer pour
établir quelque chose novateur.
Le Président (M.
Bachand) :Merci Monsieur Lavoie. M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc : M. le Président,
M. Lavoie, Mme Côté, bienvenue. Il y en a des personnes, parfois, qui vont s'opposer
à la GPA, en craignant que si on ouvre les portes, ça devienne les fameuses
usines à bébé, là, qui sont utilisées comme image. Je comprends de votre présentation
qu'on n'est pas du tout dans... on n'a pas à craindre ce scénario-là ici, au
Québec.
Mme Côté (Isabel) : Non, puis
on n'a pas à le craindre. C'est une question qu'on pose souvent, ça, cette
question-là. À partir du moment où on va permettre ça, est-ce ce qui va avoir
une augmentation des chiffres? En Angleterre, ils sont en train de réfléchir
actuellement, justement, sur la refonte de la GPA, eux, ils ont la GPA régulier
depuis 1985, mais ils veulent rechanger des choses, notamment de faire en sorte
que la femme porteuse, dès la naissance, puisse laisser aller ses droits, alors
que, pour l'instant, elle a quelques semaines, six, sept semaines, et les
femmes porteuses s'en plaignent beaucoup là-bas. Donc, en revenant là dessus,
on s'est inquiété en disant, dès qu'on va faire ça, on va ouvrir les portes
davantage de gens qui viennent. Et là, il y a des chercheurs, dont l'équipe de
Suzanne... qui est une chercheure très reconnue là-dedans, qui s'est mise à
documenter la GPA et qui s'est aperçue que non, ça n'augmente pas à partir du
moment où c'est régulier.
Ici, on a peu de chiffres sur combien de
GPA ont lieu par année, et le projet de loi va nous permettre d'avoir des
chiffres très précis au Québec. Ça, c'est vraiment l'avantage principal, c'est
que la façon dont c'est fait, on va savoir combien de projets qu'il y a par
année. Au Canada, en 2017, on a estimé 950 projets de GPA dans tout le Canada
pour l'ensemble des naissances, ce qui n'est pas beaucoup. Mais c'est difficile
d'avoir un chiffre précis, parce que ça, ça dépend de l'obligation des
cliniques de divulguer les actes volontairement au Registre national sur la
procréation assistée, donc toutes les procédures in vitro vont sur ces
procédures-là, et il y en aurait de 950 qui soient liés aux femmes porteuses.
Mais ça laisse de côté toutes les GPA génétiques, donc, qui se font à la
maison, en dehors des cliniques. Celles-là, on ne peut pas les documenter,
mais, avec le projet de loi, effectivement, on va le savoir nécessairement
puisque toute la façon, dont la filiation est organisée, on va pouvoir
comptabiliser ça, et ça, c'est vraiment un plus.
M. Leduc : À la
recommandation 17, vous proposez qu'il y ait déjà eu une grossesse préalable de
la personne, puis Le Conseil du statut de la femme, qui est passé plus tôt
aujourd'hui, avait une recommandation similaire. Pourquoi vous faites cette
recommandation?
M. Lavoie (Kévin) : Pour la
situation, on le fait, parce qu'une grossesse, il y a beaucoup de choses qui,
sans chambouler le corps, santé physique, santé mentale, sans avoir eu une
connaissance fine de sa propre expérience liée à l'enfantement, à la grossesse
et à l'accouchement. Il peut avoir des risques, sans être prévu, il peut avoir
les complications également. Donc, ça peut être quand même... ça peut rassurer
tout le processus également puis guider également les actions que la femme
porteuse va poser pour son propre corps, pour le bien-être de l'enfant à naître
aussi. Donc, ça nous semble une mesure quand même possible puis, je pense, pour
sécuriser tout l'ensemble des personnes impliquées dans une entente.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Merci beaucoup à
vous deux. Si on se fie à l'Ontario ou à d'autres endroits dans le monde qui
ont une expérience où il y a des agences, par exemple, est-ce qu'on est capable
de savoir combien de GPA se font par, je dirais, rencontre naturelle entre des
gens qui se connaissent déjà versus des gens qui ont besoin d'avoir recours à
une agence, soit un tiers, pour pouvoir faire ce jumelage-là?
M. Lavoie (Kévin) : Il y a
quelques données canadiennes qui sont disposées, en fait, c'est des
échantillons de convenance qui ont été souvent les enquêtes en ligne, qu'on a
distribués à travers les femmes porteuses des agences, les parents... les
agences ou parfois sur les médias sociaux, groupes Facebook, par exemple. Parce
qu'il y a trois filières, hein, d'avoir accès à la Gestation pour autrui, on
peut connaître les gens, hein, c'est une amie, une cousine. Donc, il y a déjà
une relation préexistante. Ça peut être les agences, mais également ça peut
être les groupes Facebook. Donc, c'est des...pour des groupes qui vont se
rassembler pour plein de raisons qui amènent la trajectoire vers une prise de
contact. Et à l'heure actuelle, c'est très, très difficile, avec ce que ma
collègue Isabel a évoqué, puis on a déjà eu l'occasion d'en parler, les données
manquent. Donc, les gens qui vont s'avancer sur des proportions, tout ça, en
fait, c'est un terrain hasardeux parce qu'on ne peut pas vraiment circonscrire.
Moi, dans mes travaux de recherche le
concernant... dans ma thèse, par exemple, j'ai rencontré de toutes les
configurations possibles, les différentes trajectoires, agences amis, relations
familiales ou relations amicales, puis également des gens rencontrés sur
Facebook. Et il y a, ce n'est pas tant la trajectoire, la filiale d'accès qui
va faire que c'est une belle expérience ou une belle expérience, c'est
davantage : Est-ce que les gens se sont parlé du projet? Est-ce qu'ils ont
mis cartes sur table? Est-ce qu'ils ont confiance l'un en l'autre? Est-ce qu'ils
se sont projetés dans l'avenir également? C'est ça, les facteurs qui vont venir
influencer beaucoup. Mais après ça, ça existe au sein de la famille, au sein
des relations familiales, c'est possible, c'est juste qu'on n'a pas de mesure
pour pouvoir capter ces expériences-là parce qu'ils ne sont pas nécessairement
dans les cliniques de fertilité, parce que ça peut être, par exemple avec...
M. Lavoie (Kévin) : ...une
insémination artisanale à la maison, donc là, on n'a pas nécessairement de
traces, de voir un peu à la proportion, le nombre des situations que ça
concerne.
• (17 h 50) •
Mme Hivon : O.K. Puis parce
que souvent, les gens vont avoir cette image de gens qui se connaissent. Donc
un côté altruiste et tout ça. Puis là, dès qu'on tombe dans des gens qui ne se
connaissent pas, ils vont dire oui mais c'est quoi la motivation derrière ça?
Puis donc si vous pouvez nous éclairer parce que vous êtes vraiment les grands
experts, ces motivations-là, est-ce qu'il y a un aspect de dédommagement plus
plus? On sait qu'on n'est pas supposé rémunérer, mais est-ce, on voit des
enjeux par rapport à ça?
M. Lavoie (Kévin) : La
question des motivations est centrale. Puis, les femmes se font tout le temps
poser la question, hein, je leur demandais, moi, dans nos travaux on leur
demande aussi aux gens bien qu'est ce qui t'a amené à vouloir fonder ta famille
comme ça ou d'y voir... le faire pour un couple ou un parent? Et les
différents... les motivations sont multiples et peuvent cohabiter, hein, ce n'est
pas parce que j'ai seulement une motivation. Les femmes en général vont avoir
plusieurs motivations qui sont nommées, qui sont exprimées. En général, ça va
être. Les femmes sont particulièrement sensibles à l'infertilité ou également
aux situations des couples de même sexe. Donc, en disant : bien, regarde,
moi, j'ai des enfants, c'est la plus belle chose de ma vie. Je veux pouvoir
offrir le cadeau de la maternité à d'autres femmes qui ne peuvent pas le vivre
ou également des couples de même sexe que je trouve ça effrayant qui n'ont pas
accès donc moi, je peux contribuer. Mais après ça, la question de l'argent, la
rémunération...
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. Lavoie. En terminant,
5 secondes.
M. Lavoie (Kévin) : Une des
préoccupations, c'est qu'elle dise : non, je ne suis pas rémunérée, je ne
le fais pas pour l'argent. Parce que si on y va avec le taux horaire, ce n'est
pas du tout payant. Par contre, elles ne veulent pas s'appauvrir, elles ne
veulent pas non plus prendre sur elles les responsabilités financières d'un
processus de GPA.
Le Président (M.
Bachand) :Professeur Lavoie Pre Côté,
merci infiniment d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très apprécié.
Maintenant je suspends les travaux jusqu'à
19 h 30. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 52)
19 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 19 h 32)
Le Président (M.
Bachand) :
À
l'ordre, s'il vous plaît! Bon début de soirée à tous et à toutes. La Commission
des institutions reprend ses travaux. Nous poursuivons les auditions publiques
dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi numéro 2,
Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et
modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d'état
civil. Ce soir, nous allons entendre, madame Andrianne Letendre. Mais d'abord,
il nous fait plaisir d'accueillir les représentantes de la Fédération des
parents adoptants du Québec, conjointement avec l'Association des parents pour
l'adoption québécoise. Alors, merci beaucoup d'être avec nous ce soir. Comme
vous savez, vous avez 10 minutes totales, et après ça, on aura un échange
avec les membres de la commission. Donc, bienvenue, et la parole est à vous.
Mme Morel (Anne-Marie) : Parfait.
Donc, on ne s'était pas... on n'avait pas déterminé entre nous qui commençait.
Mais je faire un cinq minutes, Caroline, et je te laisse la parole après. Ça te
va? Donc, bonjour. Je suis la présidente de la Fédération des parents adoptants
du Québec. Je suis Anne-Marie Morel. Je suis accompagnée de ma collègue
Marielle Tardif, qui est la vice-présidente de la fédération. Ceux qui ne nous
connaissez pas, on est un organisme qui, depuis 1986, outille, soutient, défend
les intérêts des parents adoptants du Québec. On a des parents autant de l'international
que du Québec parmi nos membres, puis on en compte 550. Donc, on a déposé le
mémoire à la dernière minute. On s'excuse. C'était un projet de loi colossal
pour nous, donc on a dû ramer.
Nous sommes entièrement bénévoles, donc on
a dû travailler aussi fort que vous l'avez fait toute la journée. On sait que
vous avez des longues journées, ces temps-ci. Donc, notre mémoire va toucher
deux éléments principaux. Le premier est vraiment l'enjeu de la filiation
adoptive. On a vu quand même dans le projet de loi plusieurs points positifs.
On voit que la tutelle supplétive ajoute des modalités qui sont intéressantes.
Ça ne rupture plus, la DPJ ne se retire plus des services lorsqu'on va avoir
recours à ce nouveau mécanisme-là. Donc, on trouvait ça très intéressant.
En revanche, c'est certain que pour nous,
alors qu'on est un des groupes qui a toujours été les plus critiques par
rapport à instaurer un nouveau modèle d'adoption qui reconnaîtrait la
multiparentalité, bien là, on pense qu'on serait rendus là, au Québec, d'aller
vraiment étudier davantage l'idée d'une adoption sans rupture de filiation.
Donc, c'est ce qu'on présente. Pour nous, l'adoption, c'est le modèle qui est
le plus stable en termes de projet de vie alternatif pour les enfants. Donc, on
croit vraiment qu'il y aurait intérêt à étudier un tel outil pour ajouter d'autres
éléments dans le coffre à outils des experts des services sociaux. On sait très
bien que les enfants qui sont très jeunes vont souvent être adoptés par l'adoption
plénière, mais les enfants un petit peu plus âgés, là, à partir de 2 ans,
les études nous montrent que c'est beaucoup plus rare qu'on va se diriger vers
ce projet de vie là, alors que pour ces enfants là, des fois, ils ont une
appartenance à deux familles, puis ça représenterait très bien leur réalité.
Donc, c'est un des volets qu'on instaurerait.
Par contre, on sait que c'est extrêmement
complexe, donc on soulevait différentes conditions qui, pour nous, rendraient
ces modalités acceptables. On sait que vous aurez dans les prochains jours des chercheurs,
des experts qui vous déposeront également les mêmes requêtes. On a parlé à des
groupes comme le Cocon Adoption Québec, qui est le comité de concertation en
adoption au Québec, les groupes de recherche en placement et adoption. Dans le
contexte, de la protection de la jeunesse, ce sont tous des groupes qui vont
vous envoyer des mémoires, même s'ils n'ont pas l'occasion de se faire entendre
parce qu'ils considèrent que 113, le projet de loi 113 n'a pas apporté
toutes les réponses pour les différents enfants. Donc, on a besoin de
différents outils, différents projets de vie, parce qu'on a différents enfants,
différents parents d'origine puis différentes histoires de vie. Donc, on veut
vraiment garnir le coffre à outils de ces enfants-là pour favoriser le plus
souvent possible l'adoption. Donc, ça, c'était notre premier volet. Le...
Mme Morel (Anne-Marie) : ...deuxième
volet, c'est tout l'enjeu de l'accès aux origines, qui est très bien couvert
dans ce projet de loi. On a été heureux de nombreuses modalités. On a vu...
pour nous, c'est un droit inaliénable de l'enfant, bien, de la personne adoptée
d'avoir accès à ses origines. Donc, on a vu l'ouverture sur la fratrie, sur les
grands-parents. C'est toutes des choses qui nous ont ravis.
Le seul point qui, pour nous, on aurait
aimé voir un changement dans cette loi, c'est le fait que les enfants, les
personnes adoptées, dès 18 ans, même ceux qui sont à travers le système de la
protection de la jeunesse et qui ont passé par un signalement, bien, on va
dévoiler leurs informations à leurs parents d'origine dès leur majorité et non
pas attendre qu'ils y consentent. Donc, nous, on aurait aimé renverser ce
pouvoir-là et faire en sorte que ce soit vraiment le consentement qui déclenche
le partage de l'information identitaire aux parents d'origine dans les cas de
signalement. Tout simplement parce qu'on sait que ça peut réactiver ou raviver
des traumatismes du passé. Donc, c'était quelque chose qu'on aurait aimé
revoir. On sait qu'aujourd'hui, même si on ne donne pas les informations de
contact, les gens peuvent facilement être retrouvés dans les médias sociaux. il
y a de plus en plus de recherches sur l'adoption qui touchent cette réalité-là.
Donc, pour nous, ça, c'était un enjeu qu'on voulait soulever.
Les autres éléments.... il y a un élément
qui est à l'article 119, où on parle de l'accès aux documents auxquels l'adopté
a droit dans le cas d'une internationale. Pour nous, c'est important de lister
les fameux documents auxquels il aura droit, parce que ce ne sont pas les mêmes
qu'au Québec. Puis on arrive avec des documents de voyage, on arrive avec
différents consentements, mais aux couleurs du pays d'origine, donc c'est des
documents qui valent beaucoup, là, pour l'enfant.
Puis, la dernière chose, c'était... on
voit que le projet de loi rajoute de l'accompagnement psychosocial, entre
autres, là, pour la procréation avec un tiers, ce qui est parfait. Mais dans
notre cas, on se disait, ça serait bien aussi qu'on pense aux adoptants dans
les contextes de retrouvailles. Parce que 113 donnait l'accompagnement à l'adopté,
au parent d'origine, mais pas à l'adoptant, puis souvent c'est l'adoptant qui
va devoir soutenir l'adopté puis qui va vivre lui-même aussi des situations,
des fois, qui sont difficiles. Donc voilà. Caroline, je te cède la parole pour
l'autre moment.
Mme Belso (Carolyne) : Bonjour.
Donc, merci, Anne-Marie. Mon nom est Caroline Belso, je suis présidente de l'Association
des parents adoptants du Québec....Non, j'ai dit parce que j'ai une entente de
la fédération, l'Association des parents pour l'adoption au Québec. Donc, nous,
on est fondé en 1996 dans le but de favoriser l'adoption des enfants d'ici.
Notre objectif est de faire connaître des besoins particuliers des enfants du
Québec et de soutenir des parents qui tentent d'y répondre. L'Association s'adresse
aux postulants en adoption, ensuite, parents adoptants et parents en
post-adoption afin de leur offrir de partager leurs ressources, leur
expérience, les défis, les craintes et les joies avec des familles qui vivent
la même réalité.
Alors moi, je vais avoir pas mal de
lecture. Je suis désolée, je suis très stressée. Je ne suis pas habituée à
faire des présentations comme ça. Alors, je vais commencer en disant... je
voudrais remercier la commission d'avoir le privilège de m'y adresser aux
audiences de ce soir au nom de l'APAC. Ensuite, on voulait mentionner que notre
expertise est avec des parents d'adoption québécoise et de leur vécu, pas de la
science ni du langage juridique. Alors, on essaye de vous laisser savoir qu'est-ce
qu'on pense, de notre coeur plus que de manière radicale? Les parents qu'on
représente sont des parents de l'adoption québécoise et de la banque mixte. On
voulait mentionner que les parents ont besoin de stabilité, pour eux-mêmes,
mais aussi pour leurs enfants, de soutien, de formation et de mieux connaître
les enjeux de l'adoption pour permettre les meilleures chances de succès du
placement. Évidemment, on parle toujours d'avoir l'enfant à coeur de toutes les
décisions qu'on prend et qu'on veut avoir le succès de la famille, finalement.
• (19 h 40) •
On voulait aussi mentionner que les
parents mixtes, en particulier, rencontrent beaucoup d'enjeux et vivent de l'instabilité
et des défis au niveau de la famille dans l'attente du jugement, des visites,
de l'adoption et de l'enfant. Alors, c'est aussi de reconnaître que les
instabilités, c'est des deux côtés. Alors, il y a l'enfant, qui vit des défis,
mais les parents adoptants aussi. On a déposé notre mémoire hier aussi. Ça a
été rapide, on espère qu'on a été capable de vraiment être capable de
transmettre ce qu'on voulait...
Mme Belso (Carolyne) :
...partager les recommandations qu'on a mentionnées. Je vais juste vous les
lire ici, puis un petit peu les regarder. Donc, le droit au congé parental pour
tout parent qu'importe la voie à la parentalité, que ce soit l'adoption au
Québec, l'adoption hors Québec, comme à l'international, les mères porteuses ou
de gestation pour autrui. Alors, l'adaptation de l'enfant requiert un congé
parental, quelle que soit la façon de devenir parent. Alors, selon nous, le
projet de loi numéro 2 reflète bien notre position. On est vraiment d'accord
avec ce qu'on a vu. L'accompagnement à l'adoptant... l'adopté et aux membres de
la famille d'origine avant l'ordonnance de placement dans le but de soutenir l'échange
de renseignements ou de développer des relations personnelles. Les parents
adoptants se disent ouverts à une entente, quand on parle de maintenir les
liens de parenté biologique significative, car il en est de l'intérêt de l'enfant,
bien sûr. Le directeur de la DPJ doit également connaître et partager les
informations disponibles sur les ressources qui accueillent les parents en
adoption. Et ceci est aussi important dans tous les contextes d'adoption.
Alors, finalement, on est partenaire en
termes de vouloir le mieux qu'on peut pour les parents adoptants et les
familles. Et puis, effectivement, quand on est capable de travailler ensemble,
c'est le meilleur des deux mondes. L'APAQ demande de majorer à 18 ans l'âge de
retrouvailles et 16 ans avec consentement des parents qui seront aptes à juger
s'il en est de l'intérêt de l'enfant et qu'il pourra faire face aux
conséquences négatives possibles lors d'une démarche de retrouvailles. Peut-être
on est les seuls qui l'ont mentionné à très haute voix, même avec le projet de
loi 113. Selon nous, 14 ans... avec le consentement des parents est beaucoup
trop jeune, vu que l'âge émotionnel des enfants adoptés ne correspond pas
toujours à son âge physiologique. Alors il y a un autre enjeu là-dedans, c'est
que quand les enfants de 14 ans peuvent commencer une démarche sans le soutien
des parents adoptants, bien, les parents adoptants, ils n'ont pas les moyens de
les soutenir sans ne pas être au courant. Et puis, ça laisse l'enfant à
lui-même à ce moment-là, pour toutes les retombées émotionnelles.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Belso...
Mme Belso (Carolyne) : On
reconnaît aussi maintenir le droit à la confidentialité des...
Le Président (M.
Bachand) : Mme Belso, je m'excuse.
Mme Belso (Carolyne) : Oui.
Le Président (M.
Bachand) : Votre 10 minutes total est passé, mais le ministre
me fait signe qu'on va prendre... on va continuer avec votre témoignage sur le
temps du côté gouvernemental. Donc, continuez, s'il vous plaît, merci. Votre
micro, Mme Belso. Parfait.
Mme Belso (Carolyne) : Ah
bon! Alors, maintenir le droit à la confidentialité des informations de l'adopté
à 18 ans, même lors d'un refus de communication, le droit ne peut cesser d'avoir
effet au 18ème anniversaire de l'adopté. On considère qu'un contact doit
obligatoirement faire suite à un consentement puisqu'il pourrait y avoir des
risques associés aux retrouvailles pour l'enfant. Ensuite, standardiser qui est
parent. On a remarqué dans le projet de loi que c'était partout pareil, sauf
dans un endroit, on l'a mentionné dans notre mémoire. Et finalement, nous
promouvons la permanence pour tout enfant au Québec. Les placements à majorité
ne répondent pas aux besoins des enfants à maintenir des liens affectifs
durables et un sentiment d'appartenance avec les personnes qui prennent soin d'eux.
Les parents banque mixte ne devraient pas devoir subir... substituer les
familles d'accueil régulières, selon nous. Finalement, je voulais juste
remercier la Commission d'avoir eu le privilège d'être entendue. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, beaucoup. Alors, donc, nous allons
commencer l'échange avec les membres de la commission. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Morel. Mme Tardif. Mme Belso. Bonsoir, merci d'être
présentes ce soir pour les travaux de la commission. Et puis, vous avez très
bien fait ça, Mme Belso. C'est très clair. Puis félicitations pour votre
exposé. Puis on apprécie beaucoup que vous nous partagiez le point de vue de
vos deux organisations. Puis, je pense que c'est important de vous entendre
parce qu'il y a un volet important du projet de loi qui touche notamment l'adoption.
D'entrée de jeu, là, j'aimerais qu'on
discute de la question de la connaissance des origines. Donc, dans le projet de
loi, on est venu élargir, on va plus loin que le projet de loi 113 à l'époque,
notamment également en gestation pour autrui. Bon, ça ne vise pas les familles
adoptantes, mais on vient, au niveau de la connaissance des origines, mettre ça
très clair qu'on permet la connaissance des origines. Qu'est-ce que vous pensez
de justement l'élargissement de la connaissance des origines qu'on met pour les
enfants qui ont été confiés à l'adoption...
Mme Morel (Anne-Marie) : ...mentionné
tout à l'heure. Donc, peut-être que Carolyne, tu voudras donner ton avis, mais
pour nous, c'est important, en fait, cette connaissance des origines là, puis c'est
même très important, puis c'est pour ça qu'on est allés spécifier aussi, par
rapport aux enfants qui viennent de l'international, qu'au-delà d'avoir juste
les renseignements sociobiologiques retranscrits dans un document, d'obtenir
vraiment la copie conforme avec laquelle... on a eu entre les mains, là, que le
symbole : J'ai le passeport de mon fils avec un aigle... les armoiries du
Québec sont aussi belles, mais le symbole ou le document qui est passé entre
les mains des personnes de son pays, ça peut vraiment être un objet
supplémentaire. Donc, pour nous, tous les aspects, comme je vous l'ai mentionné
déjà, on est en faveur de tous les changements qui sont là, mais on aurait
protégé davantage les enfants du signalement. Donc, pour eux, on n'aurait pas fait...
on aurait exigé qu'il y ait un consentement avant que leurs informations, à
leur majorité, soient transmises aux parents d'origine. Donc, c'était aussi un
point commun avec Carolyne. Je te laisse continuer?
Mme Belso (Carolyne) : Effectivement,
on pensait la même chose dans ce contexte-là. On est tout à fait d'accord avec
le plus d'informations possible que les enfants adoptés puissent recevoir par
la suite. Finalement, c'est des informations qui leur appartiennent. Alors, le
plus qu'on est capables de leur donner, le mieux. C'est sûr que quand on parle
d'au-delà des informations pour retrouvailles, c'est important pour nous qu'il
y ait un accompagnement, parce qu'effectivement ça va au-delà... quand on
parlait de risques, c'est... un enfant qui a été adopté, ça veut dire qu'il y a
eu quand même un sentiment de rejet du parent, et puis il pourrait avoir un
deuxième rejet si le parent, il décide de ne pas avoir de... s'il décide d'avoir
un refus de contact. Il faut accompagner l'enfant là-dedans. Si les
retrouvailles ne se posent pas comme il aurait voulu, s'il y aurait des
attentes de la famille biologique que l'enfant, il ne s'attendait pas, alors c'est
tout à risque que nous, d'après nous, l'enfant doit vraiment être soutenu. Et
puis il n'y a pas de meilleure personne pour nous que la famille adoptive.
Alors, voilà.
M. Jolin-Barrette : Une
question, Mme Morel, vous avez dit : On est d'accord, mais on apporterait
une nuance, par contre, pour les gens en placement, dans le fond. Vous faites
référence à la DPJ, notamment. Pourquoi vous faites cette nuance-là?
Mme Morel (Anne-Marie) : C'est
vraiment... bien, parce que les enfants qui ont été adoptés, donc, par la
plénière, on le sait, c'étaient des familles qui étaient au départ, donc, plus dysfonctionnelles.
On a des parents qui vont peut-être avoir changé, évidemment, dans le temps,
puis même un parent qui aurait abusé de son enfant, l'enfant peut désirer avoir
contact, et tout ça. Mais on a aussi des enfants qui vont avoir des troubles du
spectre de l'alcoolisation foetale qui vont découler de leur origine, donc une
maturité différente. Un enfant... on se disait, un enfant qui a été abusé
sexuellement, puis il reçoit une invitation Facebook de son père d'origine. On
voulait juste faire en sorte que, vraiment, ça soit clair pour lui ce que ça
engage, donc, de transmettre ses informations, pour ne pas que ces enfants-là
replongent dans un traumatisme. Je vous donne l'exemple des abus sexuels, mais
de la négligence, ça peut être tout aussi terrible, là, comme trauma pour ces
enfants-là, ils peuvent avoir vu et entendu des choses. En fait, tu sais, on se
fait exposer des histoires parfois, là, puis tu dis : C'est surréaliste,
ça ne se passe pas ces choses-là, mais il y a des enfants qui vont être dans le
milieu... bébés, dans le milieu de la prostitution, puis qui vont assister à
toutes sortes de choses. Donc, l'enfant n'a pas été abusé, mais il a été témoin
de différentes choses. Ça fait que, donc, ça se prépare. On doit s'assurer,
selon nous, qu'il n'oublie pas, là, à 18 ans moins un jour d'enregistrer
un refus ou de... pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Donc, on aurait juste
inversé la protection pour qu'ils disent oui ou ils disent... ou elles, ils
disent non, de son côté, tout simplement, donc.
M. Jolin-Barrette : O.K., je
comprends, c'est bien noté. Dans le projet de loi 2, on vient modifier la
règle de communication des renseignements médicaux afin de remplacer le risque
de préjudice à la santé par le fait que, de l'avis du médecin, la santé de la
personne le justifie. Qu'est-ce que vous en pensez, vous qui avez adopté des
enfants? Donc, dans le fond, on passe du critère où est ce que... dans le fond,
on élargit les critères pour avoir accès aux antécédents biologiques de la
famille d'origine.
Mme Tardif (Marielle) :...la
même chose de notre côté.
Mme Morel (Anne-Marie) : Ah!
tu allais parler Marielle, vas-y, je te laisse.
Mme Tardif (Marielle) : Ah!
bien, en fait, c'est la même chose que... j'allais dire la même chose. Mais on
est tout à fait d'accord avec ce point-là qui est dans l'intérêt de l'enfant,
en fait, au niveau médical.
• (19 h 50) •
M. Jolin-Barrette : O.K.
Relativement aux retrouvailles par rapport à la fratrie, donc, on vient élargir
également lorsqu'il y a seulement qu'un.... Supposons, prenons le cas où il y
aurait eu deux enfants. Il y en a un qui est confié à l'adoption ou même les
deux ont été confiés à l'adoption des...
M. Jolin-Barrette : ...on va
permettre à un seul enfant de faire la demande, puis l'autre enfant va être
interpellé. Auparavant, la règle c'était : Il faut que les deux fassent la
demande, mais s'il y en a un qui ne savait pas qu'il avait été confié à l'adoption,
à ce moment-là, la demande restait lettre morte. Qu'est-ce que vous pensez de
cela?
Mme Morel (Anne-Marie) : Ça
nous convenait également, parce qu'on a entendu beaucoup de témoignages d'adopter...
où ça l'a fait une grande différence dans leur vie, d'avoir ce contact-là.
Donc, nous, on n'est pas à mettre des barrières pour tout ce qui peut
réconcilier leur histoire puis faire en sorte que nos enfants aillent mieux
dans leur coeur, dans leur tête, dans leur vie. Donc, on était tout à fait en
faveur aussi.
M. Jolin-Barrette : O.K. On
vient réduire le délai d'un an à 30 jours, relativement aux délais pour
inscrire la confidentialité. Vous êtes en accord avec cette proposition-là, là,
je crois, Mme Belso?
Mme Belso (Carolyne) : Oui.
Pour nous, ça n'avait pas une grosse différence puisque les parents, ils ont de
toute façon 30 jours, une fois que l'accouchement a lieu, pour revenir sur leur
décision. Donc, ça nous paraissait absolument normal, et puis on n'avait pas de
problème avec ça du tout.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une question, là, sur l'âge, là. Tout à l'heure, vous l'avez abordée,
vous avez dit : Écoutez, nous, on trouve ça très jeune, à 14 ans ou même à
10 ans. J'imagine, vous parlez par expérience, vous dites, dans le fond, les
jeunes, à cet âge-là, ils n'ont pas la maturité pour le faire, émotivement, c'est
trop difficile. C'est quoi, le vécu que vous pouvez nous partager par rapport à
ça?
Mme Belso (Carolyne) : Bien,
effectivement, on a différentes... chaque cas est différent puis chaque enfant
est différent. Il y a un spectrum de capacité des enfants, mais il y a des
enfants que, carrément, ils ne sont pas rendus au même endroit que les autres.
Alors, finalement, quand on regarde un enfant qui a vécu des traumatismes, on
ne peut pas s'attendre qui arrive en deuxième année puis qui est au même niveau
à tout le monde. Alors, il y a des délais au niveau scolaire, il y a des délais
au niveau de l'attachement, il y a des délais au niveau émotionnel.
Et puis, quand on arrive à un enfant de 10
ans, sur papier, légalement, 10 ans, c'est 10 ans, mais finalement, quand on
regarde des enfants-là, quand on parle des enfants qui ont vécu plusieurs
années, par exemple, de soit de l'abus ou, bien, qui n'ont pas eu des... trois
ou quatre projets de... ils ont été déplacés dans les familles d'accueil avant
de se rendre à leur place où est-ce qu'ils sont, ils ne sont pas rendus au même
endroit. Puis c'est à ce moment-là que... c'est là qu'on veut vraiment avoir le
point de vue des parents adoptants, au moins les parents qui ont charge de l'enfant,
pour être capables de juger d'eux-mêmes : Est-ce qu'il est prêt? Est-ce
que c'est une bonne affaire pour lui? Dans certains cas, oui.
Quand on parle de certains contextes,
surtout quand on parle de fratries, les droits de la fratrie, ça n'existe pas encore.
Les enfants qui sont séparés après un placement, bien, ils n'ont pas le droit,
eux, de se voir même si eux autres... Mais les parents adoptants ou le parent
qui est en charge, bien là, lui, il peut voir... Aïe! écoute, ça a vraiment
besoin. Alors, à ce moment-là, c'est correct, ça va avec l'intérêt de l'enfant.
Mais on ne peut pas juste prendre 10 ans comme étant un nombre pour tout le
monde. C'est pour ça que nous autres, on disait : Bien, si on pourrait le
mettre un peu plus haut, bien, à 16 ans, bien, oui, à ce moment-là, il n'y a
pas le... Si le parent, il n'est pas tenu au courant du tout, il a plus de
chance qu'à 16 ans, il est capable de le vivre un peu mieux. C'est juste pour
ça.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends.
Mme Tardif (Marielle) : J'ajouterais
qu'au niveau, si je peux me permettre, là, de l'identité des personnes
adoptées, le défi est double pour une personne adoptée, particulièrement à l'adolescence,
qui, selon les spécialistes comme Johanne Lemieux, comme le docteur Chicoine...
c'est le pire moment pour un enfant pour faire ces démarches-là, de façon
générale. Alors, je ne dis pas que ce n'est pas pertinent pour certains, mais
ça reste un enjeu de taille pour ces enfants-là qui sont en recherche d'identité,
qui sont en construction d'identité. Puis ça peut être difficile s'ils se
retrouvent seuls à faire ces démarches-là sans être accompagnés par leur
famille adoptive. Alors, nous, on n'est pas contre le fait que ça se fasse, ça
pourrait se faire avec le consentement des adoptants qui là seront préparés à
accompagner leur enfant. Mais le problème, c'est qu'on a la crainte que ces
jeunes-là se retrouvent seuls dans cette démarche-là qui peut être périlleuse
pour la construction de leur identité puis avoir des conséquences à long terme,
là, sur... au niveau émotif, au niveau psychologique aussi.
Mme Morel (Anne-Marie) : Puis
j'ajoute une dernière chose. Dans la loi 113, en fait, on était plusieurs
organismes à être contre l'âge de 14 ans et à demander que ça soit reporté. Et
puis ce qu'on nous dit au niveau du terrain, c'est qu'en réalité, c'est très
peu utilisé chez les jeunes. Donc, même les intervenants le découragent pour
les mêmes raisons qui ont été mentionnées, parce que ça peut faire... les
enfants peuvent idéaliser leurs parents, il peut y avoir des problématiques,
là, dans la protection de la jeunesse, des problématiques de manipulation de l'enfant,
de mensonges, de...
Mme Morel (Anne-Marie) : ...Les
enfants, ils peuvent être positionnés dans des situations pas faciles. Il y a
de l'accompagnement psychosocial, mais même des intervenants, des fois vont
discuter avec le jeune et tenter de reporter autant que possible cette chose
là. Donc on n'a pas les données de recherche qui nous disent à quel point c'est
utilisé, pas utilisé, et tout ça. Puis nos chercheurs nous disent combien c'est
très difficile de faire de la recherche sur nos interventions.
Donc, c'était un des éléments de notre
mémoire, là, que je n'avais pas soulevé, mais ça serait important de documenter
aussi cet élément-là. Mais on est tous en faveur, là, et de nombreux organismes
l'avaient été, à 113, de reporter si c'est quelque chose qui est possible.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup, mesdames.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
Mme la députée de Mirabel, s'il vous plaît, il reste un peu plus que trois
minutes.
Mme D'Amours : Merci, M.
le Président, bonsoir, mesdames. Merci beaucoup, j'ai lu attentivement votre
mémoire et bon, j'accroche avec le titre Une famille pour la vie et je vais
vous parler là directement de la page 6 et de la page 8. En fait, il y a un
paragraphe où vous parlez de la tutelle et vous dire que, tel que proposé dans
la loi, peut être une option intéressante pour certains enfants. Et ça me
faisait penser, là, bon, à la lecture que c'est un peu comme un modèle le
modèle autochtone de Constant Awashish qui fait aussi allusion à ça, donc. Et
je vois aussi à la page 8 l'adoption additive ou complétive, un modèle à
envisager.
Alors que est-ce que je comprends bien que
votre mémoire nous dit de ne pas faire quelque chose mur à mur? Est-ce que
votre mémoire nous dit qu'on est prêt à passer à un autre modèle ou à d'autres
modèles? Et dites-moi combien d'enfants au Québec pourraient avoir une famille
à vie dans un contexte où on n'enlève pas la filiation avec sa propre famille?
Moi, je vais vous dire quand j'étais plus
jeune, j'avais mes deux filles. J'aurais voulu adopter un enfant et si ça avait
été possible, j'aurais accepté comme parent adoptant d'avoir une filiation avec
la famille. Mais je n'aurais pas accepté d'être juste parce que ça aurait été
déchirant si l'enfant quitte. Alors il y a combien de parents comme moi qui auraient
aimé et ou qui aimeraient faire ça? Et combien d'enfants pourraient avoir une
famille à vie?
Mme Morel (Anne-Marie) : Oui,
je vais la prendre celle-là. Donc, nous, il y avait plusieurs questions. Donc
oui, la tutelle et des inspirations autochtones. En fait, ce qu'on dit, c'est
qu'il y a plusieurs types d'enfants actuellement. Puis, on l'a entendu beaucoup
dans les auditions de la Commission Laurent donc on lui a emprunté un bout de
son titre, hein, vous l'aurez vu. Donc il y a plein de modèles qui ont besoin
de plein d'outils différents. Puis, l'idée de l'adoption complétive, c'en est
un. La tutelle, ça en est un, mais ça répond tous pas aux mêmes enfants.
Donc, dans toutes les situations, l'adoption
plénière demeure pertinente. Nos enfants qui sont adoptés en adoption plénière
demeureraient en adoption plénière et ont besoin de ça. C'est extrêmement
important. Mais il y a des enfants à qui on ne répond et qui se ramassent donc
en placement à majorité, en famille d'accueil. Et qui, ces enfants là, c'est
leur maman d'accueil, c'est leur papa d'accueil, puis leurs parents d'origine.
Nos enfants, pour eux, ils n'en ont pas un parent, ils n'en ont pas deux. Ils
en ont quatre ou trois dépendant s'il y a un parent adoptant, mais c'est très
naturel pour eux de parler du parent d'origine, d'avoir plusieurs parents.
Donc pour permettre, favoriser de l'adoption
d'enfants des fois qui sont un peu plus âgés, qui ont un peu plus de souvenirs,
qui ont un peu plus eu des liens des fois pas avec le parent d'origine, qui
était inadéquat, là, dans le cas de la protection, des fois c'était avec le
grand-parent, des fois c'était avec les frères et soeurs, les cousins, donc de
ne pas tout perdre ces liens de filiation, il y a un nombre d'enfants à qui ça
correspond.
Puis si je reviens à votre question sur le
nombre d'enfants, j'ai essayé d'appeler toutes les chaires de recherche.
Personne n'est capable de me le dire. Et une des raisons pour laquelle on n'est
pas capable de le faire aujourd'hui, c'est la façon dont sont collectées les
données dans les différents CIUSSS et CISSS. Au Québec, c'est différent d'une
place à l'autre et souvent on va amalgamer les familles d'accueil et les
familles d'accueil banque mixte dans un même peloton donc on sait pas les
enfants qu'on aurait orientés dans un segment ou dans l'autre, leur projet de
vie, ça va être quoi.
Donc, on a vraiment besoin de réfléchir à
la façon dont sont collectées les données. On a des chercheurs, là, qui vont
faire de la belle recherche en adoption québécoise, là, avec le ministère de la
Santé, mais ils auront besoin que pour le futur, on pense à comment on collecte
nos données pour pouvoir déterminer les projets de vie correctement. Pardon.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, Mme Morel. Je me tourne
maintenant vers l'opposition officielle, Mme la députée de Westmount St-Louis s'il
vous plaît.
• (20 heures) •
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bonsoir, mesdames, un plaisir de vous avoir avec nous ce soir. Je
veux revenir un peu à votre mémoire, un peu le même angle que ma collègue vient
d'aborder avec vous. Puis je vais vous donner l'exemple, évidemment, des
familles LGBT. Je ne sais pas si vous en...
20 h (version non révisée)
Mme Maccarone : ...qui font
partie de vos deux organismes. Mais je reçois de plus en plus des témoignages
très, très, très touchants des familles, entre autres, un... c'est deux mamans
et un papa, et elle s'appelle Sophie, puis le témoignage est vraiment touchant.
Si vous me permettez, je vais juste lire deux petits paragraphes : «Merci
de nous permettre de présenter notre famille. Elliott a deux mamans et un papa,
un beau papa et deux belles mamans, des grands-parents, des tantes, des oncles,
des cousins et des cousines à profusion. Mais si vous le voulez bien, nous
allons aujourd'hui nous tenir en simplement que trois parents, mais trois
parents qui ne sont pas tous connus comme parents et reconnus comme parents.»
Évidemment, on parle de la pluriparentalité, mais aussi les droits en ce qui
concerne l'adoption.
Alors, ils disent aussi : «Quand est
venu le temps de réfléchir à comment nous allions nous protéger tous, nous
avons choisi d'inscrire dans les cases, entre guillemets, le nom de mère et père
biologique et ainsi que de s'assurer que l'autre mère se sente en sécurité.»
Ils ont toujours promis. C'était un contrat moral qu'ils ont eu avec le
troisième parent pour s'assurer qu'elle était au courant que ses droits, puis
ses biens, puis ses désirs puis son amour aussi étaient reconnus. Puis je sens
en vous que, ça, ce serait un modèle adoptif que vous... c'est le temps de
reconnaître les droits des trois parents, surtout si on dit qu'on veut mettre l'enfant
au centre de ce que nous devons faire. Parce qu'en reconnaissant la
pluriparentalité puis l'adoption aussi d'un deuxième ou troisième parent, tout
dépendamment à tout ce qu'on peut voir dans ces familles, les enfants ne
perdront jamais le contact avec l'un des parents, tous les parents auront toujours
des obligations, tous les parents pourront toujours s'impliquer dans les
décisions médicales ou choisir un dossier médical, tous les parents pourront
facilement voyager solo avec avec les enfants, chaque parent aura le droit,
mettons, d'aller chercher le bulletin scolaire. Bref, ça facilite la vie. Est
ce qu'il y a des propos à l'intérieur de ceux-ci dont vous êtes préoccupés,
dont nous devons prendre en considération quand on pense aux droits des parents
en ce qui concerne les adoptions?
Mme Morel (Anne-Marie) : Bien,
quand je regarde ce que vous me racontez, pour moi, ça peut faire sens. Je ne
vous dis pas que ça fait sens nécessairement pour tous les adoptés, mais... et
adoptants, mais on en a plusieurs, là, de la communauté. Puis les enfants ne
sont pas nonos, donc, lorsqu'ils ont deux papas ou deux mamans, ils savent qu'il
y a une autre personne qui est impliquée. Quand nos enfants sont asiatiques et
ils nous voient, ils savent qu'il y a des personnes impliquées, donc ça fait
partie d'eux déjà et ils ont une pluriparentalité. Puis si c'est dans l'intérêt
de l'enfant, bien là, c'est de voir avec les experts qu'est-ce qui est dans l'intérêt
de l'enfant avec différents critères, mais s'il y a une séparation, s'il y a un
décès, puis le projet de loi 2 le fait bien, il essaie de penser à toutes les
éventualités. Puis c'est un peu pour ça aussi où on disait : Bien, la
tutelle, ce n'est pas tout à fait... c'est révocable, ce n'est pas tout à fait
la même stabilité qu'une adoption. Donc, c'était dans le même sens, là, que ce
que vous dites. Donc, nous, on n'est pas fermés. C'est sûr que ça peut
impliquer différentes gestions, là. Le couple se sépare, décide de déménager
aux États-Unis, comment on gère avec l'autre parent. Il y a peut-être des
enjeux, là, que les notaires doivent étudier, que d'autres personnes doivent
étudier, puis, nous, on est juste des parents. On ne pensera pas à tout, mais
on voulait amener notre contribution, là, avec... de notre point de vue humble
à ces réflexions-là, mais...
Mme Maccarone : On n'est
jamais juste des parents. C'est un rôle très important, le rôle probablement le
plus important que nous avons. Je pense que votre point de vue est très
pertinent, très intéressant. Puis merci beaucoup de porter la voix des parents
parce que je pense que c'est très important qu'on prend en considération votre
point de vue. Vous avez parlé un peu de comment que ça peut être complexe,
mettons, quand on parle d'une situation adoptive, mettons, s'il y a une
séparation qui m'amène aussi à des questions par rapport à vous avez dit,
exemple, à votre page 11, si vous voulez, suivez avec moi : L'exercice de
l'autorité parentale serait détenu entièrement par les parents avec lesquels l'enfant
réside. Pouvez-vous renchérir un peu là-dessus, si, mettons, on parle des
parents qui sont séparés ou si, mettons, on parle d'un cas de pluriparentalité?
Mme Morel (Anne-Marie) : Bien,
en fait, peut être qu'on s'est mal exprimé, là. On voulait dire ceux qui ont la
garde. Donc, si c'est une garde partagée, ils devront gérer l'autorité
parentale à deux ou trois, dépendant jusqu'où ira le projet de loi, là. Mais c'est
parce qu'en fait, pour nous, au départ, la fédération, historiquement, on a
toujours été extrêmement fermés à d'autres projets que l'adoption...
Mme Morel (Anne-Marie) :
...parce qu'on trouvait que ce n'était pas gérable au quotidien, donc c'est
pour ça qu'on mentionne, on dit : Bien, tu sais, dans un cas où,
effectivement, une adoption différente donnerait quand même les pouvoirs...
parce qu'on peut se... on peut avoir des valeurs différentes, surtout quand la
famille.... là, vous avez un trio qui s'est fait ensemble dans votre exemple,
mais si ce n'était pas un projet parental collectif, puis que c'était avec une
autre famille d'origine, ce qui est plus souvent notre cas, les valeurs peuvent
être différentes, la religion, le choix d'école, la façon de penser sur le
perçage d'oreilles. Donc, il y a plein, plein d'enjeux qui peuvent accrocher au
quotidien, mais dans un projet parental qui a été construit à trois comme ce
que vous exposez, puis la Coalition des familles LGBTQ aurait peut-être encore
beaucoup plus d'exemples que ce que je peux vous donner, même si on a plusieurs
membres de cette communauté, là. Je pense que c'est plus facile à gérer de
cette façon-là.
Mme Maccarone : Vous avez
parlé beaucoup, dans votre mémoire, par rapport aux documents auxquels adopter
à l'internationale aura droit. Pouvez-vous expliquer un peu vos craintes en ce
qui concerne ce point?
Mme Morel (Anne-Marie) :
Bien, en fait, c'est qu'aujourd'hui, on voit une disparité. Moi, je suis
revenue des Philippines avec mon fils, là, en pleine pandémie, et je suis
chanceuse, le juge a décidé de redonner tous les documents d'origine, là. Donc,
j'ai entre mes mains, je peux même vous le montrer, tu sais, son petit
passeport d'origine, puis avec ses... tu sais, ça, c'est des bijoux précieux
pour lui. Il a sa date qu'il est arrivé au Canada à l'intérieur. J'ai le
consentement du parent avec l'empreinte digitale, ce n'est pas comme le nom du
parent... c'est une copie conforme, mais avec les armoiries du pays. Donc, c'est
tous des documents qu'on ne voit pas en adoption québécoise, évidemment, puis
qu'ils vont confier à l'adoptant dans le voyage, parce qu'on doit traverser des
douanes, on doit passer au travers toutes sortes de processus. Si on est arrêté
avec un enfant qui est en crise, qui pleure, qui n'est pas notre origine, deux
parents d'autres origines, bien, on a besoin que toutes ces paperasses-là, donc
on les voit passer ces paperasses-là, on les a entre les mains, on les remet au
juge. Puis il y a des familles qui ne retrouvent plus aucun de ces documents-là
après, donc des enfants qui les perdent à jamais. Puis, selon les juges, mais
des fois, ils vont être redonnés, puis des fois ils vont être sous scellé.
Donc, on voudrait juste que ça soit uniformisé pour que nos enfants, le plus
possible de documents leur reviennent tout simplement.
Mme Tardif (Marielle) : Puis,
j'ajoute aussi que présentement, le jugement d'adoption est... peut être
réclamé par les adoptants, mais pas par les adoptés, alors...
Mme Morel (Anne-Marie) : C'est
ça, la loi le change puis on est était super content. Oui.
Mme Tardif (Marielle) : La
loi le change, mais est-ce que c'est une bonne chose? Oui.
Mme Maccarone : O.K., c'est
très intéressant. Mesdames, je veux vous remercier beaucoup pour votre mémoire
que j'ai trouvé très équilibré. Souvent, je dirais, entre parlementaires, on
est toujours là pour prévoir le pire, puis pour s'assurer qu'il y a des mesures
de protection en place pour s'assurer des personnes vulnérables sont protégées,
mais vous avez quand même donné un aperçu de l'amour, puis comment protéger un
peu l'amour, ce que j'ai vraiment apprécié de votre mémoire et votre
témoignage. M. le Président, il me reste combien de temps? Avec le consentement
des collègues, je céderais la balance de mon temps à la députée de Joliette.
Le Président (M.
Bachand) : Donc, si vous êtes d'accord, on pourrait partager le
temps entre les deux députés de l'opposition?
Mme Maccarone : La raison
pour la demande, c'est parce qu'elle a quand même une expertise particulière.
Le Président (M.
Bachand) : Ah, moi... non, mais j'essaie de voir... d'atteindre
un équilibre, mais je regarde le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Ça va? Est-ce
qu'il y aurait consentement?
Une voix : Il y a
consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Alors, merci beaucoup, Mme la députée
de Westmount-Saint-Louis. Donc, je cède la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Merci.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Je pense qu'on s'était vu aux audiences sur la réforme du RQAP, l'année
passée. Rebonjour alors. Peut-être commencer par ça, les modifications au RQAP
du projet de loi, ça vous convient? C'est à peu près ce que vous attendiez?
Mme Morel (Anne-Marie) : Je
te la laisse, Marielle.
Mme Tardif (Marielle) : Bien,
ça, c'est merveilleux pour nous. C'est une grande reconnaissance de l'importance
des familles adoptantes, de l'importance des enfants adoptés qui ont les mêmes
droits, maintenant, que les enfants biologiques. Alors, ça, c'est une grande
avancée pour nous, et nous sommes vraiment fiers et vraiment heureux de ça.
Mme Morel (Anne-Marie) : Et c'est
un anniversaire qu'on célèbre demain, la première année d'équité, donc merci à
tous les parlementaires qui sont là et qui ont joué un rôle.
M. Leduc : Parfait. Vous
faites référence... je n'ai pas... il y a comme deux mémoires, là, FPAQ,
pardon, une des dernières recommandations, vous dites : «S'assurer d'évaluer
les impacts des modifications au droit de la famille et, au besoin, ajuster la
collecte d'informations pour être davantage en mesure de tirer des leçons quant
au projet de vie alternatif des enfants en Protection de la jeunesse pour
éclairer les décisions futures.» Mais je veux me concentrer sur le premier
bout, «s'assurer d'évaluer les impacts des modifications au droit de la
famille...» Ça a été évoqué plus tôt, je pense, par mon collègue de LaFontaine,
à savoir que c'est assez fréquent, dans des projets de loi, de préciser qu'après
un certain nombre de temps, il y aura un rapport qui sera déposé aux
parlementaires, un rapport d'application. J'ai négocié le même genre de clause
dans un autre projet de loi sur la réforme de la santé-sécurité, récemment...
M. Leduc : ...est-ce que ce
serait quelque chose qui répondrait à votre demande que, dans les clauses
connexes, là, du projet de loi, lorsqu'on sera rendu à l'étude détaillée, on
mette qu'un rapport soit déposé d'ici 3, 4 ou 5 ans, un rapport d'application,
pour voir comment ça évolue?
• (20 h 10) •
Mme Morel (Anne-Marie) : C'est
ce qu'on recommandait avec beaucoup d'autres organismes d'adoption qui font
maintenant partie du comité de concertation Adoption Québec, au moins aux cinq
ans. Puis, dans le fond, le 14 ans dont on parlait tout à l'heure pour... lors
des retrouvailles, puis que, nous, on voit trop jeune, bien, on ne sait même
pas si c'est utilisé vraiment concrètement sur le terrain, les projets de vie,
lesquels seront les plus pertinents pour éclairer les décisions des experts,
puis je pense que c'est une danse qui va se faire beaucoup avec ceux de vos
collègues qui vont modifier la Loi de la protection de la jeunesse également.
Donc, eux, ils auront besoin des outils. Est ce que ça répond à leurs besoins?
Donc, pour nous, c'est essentiel de documenter pour prendre les décisions les
plus éclairées possible, parce que c'est des décisions qui transforment des
vies, là, quand on choisit la filiation. Donc, pour nous, c'est essentiel.
M. Leduc : Bon. Alors, on va
se mettre à la rédaction d'amendements très bientôt. Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Ça
me donne combien de temps, cette grande...
Le Président (M. Bachand) :
4 minutes 5 secondes.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup. Merci beaucoup à la députée. Bonjour à vous trois, merci
beaucoup de vos présentations. J'aurais des tonnes de questions.
La première. Là, vous faites bien de
vraiment spécifier que la tutelle supplétive, évidemment, c'est toujours
révocable, donc qu'il n'y a pas une stabilité qui vient avec ça. Vous expliquez
que vous avez évolué, vraiment, puis c'est tout à votre honneur d'expliquer
votre raisonnement d'avoir évolué et de maintenant penser que l'adoption sans
rupture du premier lien de filiation ou complétive, comme vous dites, pourrait
être une bonne idée. Mais je me souviens qu'à l'époque ça avait fait l'objet d'un
grand débat et, finalement, ça n'avait pas été maintenu, parce que, vous le
dites vous-mêmes, même si on reconnaissait ça, on ne donnerait pas des droits
nécessairement parentaux à la famille d'origine, puis il me semble que le
consensus avait été qu'avec entente de communication, mais rupture du lien, on
pourrait arriver au même objectif. Donc je veux comprendre votre cheminement.
Puis, ça, c'est ma technique habituelle :
vu que j'ai peu de temps, je vais vous dire mes autres objets, puis ça concerne
aussi l'autre association. Le 18 ans, là, vous dites - puis les deux, vous êtes
d'accord là-dessus - que, pour les enfants qui auraient été l'objet d'un
signalement, ça ne devrait pas être un consentement de facto, il faudrait
vraiment que la personne se manifeste. Pourquoi, dans les autres cas où ce n'est
pas une adoption qui a suivi un signalement par la DPJ, pourquoi alors, là, il
ne faudrait pas un consentement exprès? Puis, finalement, le 14 ans, à l'époque
vous n'étiez pas favorables. Je veux juste savoir où vous en êtes aujourd'hui.
Mme Morel (Anne-Marie) : Je
vais répondre... Je vais essayer de répondre au premier bout de la question,
parce que c'est difficile, hein, quand on les a en rafale. Mais, rapidement,
notre cheminement, en fait, il a changé parce que les pratiques sur le terrain
ont changé. Donc, on a plus d'enfants qui sont placés en majorité dans des
familles Banque-mixte. Alors, c'est des familles... on a envie d'adopter les
enfants, on s'engage dans ce processus-là pour la vie. Ce n'est pas des
familles qui veulent 10 enfants en placement qui peuvent partir, aller,
revenir, on souhaite donner une famille permanente à des enfants, et ces
familles-là se ramassent avec d'autres projets de vie que l'adoption, et, dans
beaucoup de ces cas-là, on nous dit... puis je lisais les mémoires d'Alain Roy
qui viennent après, là, la loi 113, où il présente que finalement on n'a pas
créé ce modèle-là. Donc, il manque un modèle. Mais, des fois, c'est pour donner
des droits aux grands- parents, donner des droits d'avoir des... de filiation
et tout ça. Donc, j'avoue que je n'ai pas tous les exemples, là, il faudrait
que je vous en donne d'autres, mais il y a des choses qui ne sont pas comblées,
et puis plusieurs chercheurs, là, qui déposeront des mémoires cette semaine
risquent de vous les exprimer encore mieux que ce que je peux faire. Là, je
voulais laisser le temps à mes collègues de s'exprimer sur vos autres
questions.
Mme
Hivon
: oui.
Il y avait la question du 18 ans. Pourquoi seulement dans les cas où c'est une
adoption qui suit un signalement?
Mme Belso (Carolyne) : Bien,
moi, je pense qu'on ne le voyait pas de cette manière-là. Nous autres, on
voyait tout 18 ans, parce que les enfants qui sont confiés à des parents
adoptants... Et ce n'est pas nécessairement des familles biologiques où est ce
que c'est tout rose, là, il y a des cas où est ce que c'est un peu
rock-and-roll, et puis on ne sait jamais qu'est-ce qui va se passer aux
retrouvailles. Par exemple, on pourrait avoir de la fratrie plus âgée qu'il y
en a un en prison ou quelque chose d'autre puis qui manipule le jeune qui a
juste 16, 17, 18 ans. Bien, même à 18 ans, l'idée, c'est que... Est ce que la
personne, l'adopté, il va être en mesure de prendre un recul puis de dire :
O.K.. Bien, ce n'était pas... ça que je m'attendais. Moi, je voulais avoir une
relation avec une personne, mais ça ne veut pas dire que... moi, j'avais des
parents qui avaient des meilleurs besoins, que je suis obligé de donner du cash
à d'autres personnes de ma famille. Ça, c'est un exemple, mais il y en a
plein. Alors, ce ne serait pas juste dans des cas d'abus, c'est vraiment
laisser le...
Mme Belso (Carolyne) : ...jeune
décider pour lui-même quand il est prêt à faire face à ça, même quand il n'y a
pas eu d'abus. Il pourrait y avoir juste le fait que le lien d'attachement a
été long à faire, le cheminement de l'enfant, il a été ardu. Puis, à 18 ans, il
est peut être juste, juste à la bonne place, il n'est peut être pas prêt encore
de tout chambouler ça avec des retrouvailles. Il faut lui laisser le temps. Il
y en a qui attendent à 30 ans pour faire ça, alors il faudrait juste leur
laisser le temps. C'est pour ça que c'est... le 18 ans, pour nous, c'est le
minimum.
Mme Morel (Anne-Marie) : Puis
nous, on avait mis vraiment notre préoccupation principale, donc, qui était les
signalements. Mais effectivement, c'est quelque chose qui est envisageable de l'élargir.
On serait d'accord avec les propos de Mme Belso.
Le Président (M.
Bachand) :10 secondes, Mme la députée de
Joliette.
Mme Hivon : Oui, c'est ça. Je
pense que le questionnement qu'il y a, c'est : Est-ce que c'est dans l'intérêt
de l'enfant, plutôt que de ses parents, de faire ça de facto? Puis, vu que
notre intérêt doit être sur l'enfant, je pense que votre commentaire est très
pertinent.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Mme
Morel, Mme Tardif, Mme Belso, merci infiniment d'avoir été avec nous en ce
début de soirée. C'est très apprécié, et puis, bien, on se dit à bientôt.
Et puis, sur ce, je suspends les travaux
pour quelques instants. Merci beaucoup. Merci encore d'avoir été là.
Mme Belso (Carolyne) : Merci
beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 17)
(Reprise à 20 h 22)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plait! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir de recevoir Mme
Andréane Letendre, agricultrice, et je pense que c'est un titre qui est
important et qu'on apprécie beaucoup. Alors merci d'être avec nous en cette
belle soirée. Alors comme vous savez, vous avez dix minutes de présentation et
par après, on va faire un échange avec les membres de la commission. Donc je
vous invite immédiatement à débuter votre exposé, puis, encore une fois, merci
d'être là ce soir.
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
merci de me permettre de prendre la parole. Je m'appelle Andréanne Letendre, j'ai
37 ans et je suis une personne conçue avec l'apport d'une tierce partie.
Dans les années 80, mes parents, face à l'impossibilité de procréer de
manière conventionnelle, se sont tournés vers l'insémination artificielle avec
un donneur de sperme anonyme. Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai appris
et compris ce que ça signifiait. Mon mode de conception fait partie de mon
identité. La majorité de mes concitoyens a le privilège de connaître ses
origines biologiques. Moi, je n'ai pas cette chance-là. Au fil des années, j'ai
ressenti un sentiment d'injustice profond par rapport à ce manque d'information.
C'est ce qui m'a amenée à m'engager et à militer pour la reconnaissance des
droits des personnes conçues par procréation assistée. J'ai choisi de prendre
la parole publiquement pour parler de mon vécu et j'ai rapidement été en
contact avec plusieurs personnes ayant des expériences de vie similaires. Je
crois que les lois actuelles ne répondent pas à nos besoins et créent de
grandes injustices. Avec l'évolution rapide des technologies de procréation
médicalement assistée et l'ouverture de plus en plus grande face aux familles
moins conventionnelles, il est urgent de prendre en compte les droits et le
point de vue des personnes conçues par procréation assistée dans l'élaboration
des lois. Lorsque j'ai pris connaissance du projet de loi 2, j'ai été à
même de constater que le législateur souhaitait enfin mettre en place des
mesures permettant de répondre, dans la mesure du possible, aux personnes...
aux besoins des personnes conçues par don de gamètes. Mon intervention visera
donc à éclairer la commission sur le vécu des descendants de la procréation
assistée et à démontrer comment cette réforme du droit de la famille pourrait
nous affecter.
À l'heure actuelle, il est impossible de
savoir combien il y a de personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie au
Québec. Il s'agit d'un phénomène peu ou pas étudié de notre point de vue.
Certains ont avancé des chiffres approximatifs, mais la procréation assistée
étant somme toute très peu réglementée et protégée par le secret médical, il n'y
a aucun moyen de savoir exactement combien nous sommes. La majorité des
personnes conçues par don de gamètes n'est d'ailleurs pas au courant de son
mode de conception.
L'insémination artificielle avec tiers
donneur serait pratiquée dans le système de santé québécois depuis les
années 70. Ailleurs dans le monde, cela pourrait avoir débuté autour du
20e siècle... au début du 20e siècle. L'idée qu'il s'agit d'un
phénomène nouveau et que nous ne sommes que des jeunes adultes, voire des
adolescents en pleine crise identitaire, est erronée. On nous décrit souvent
comme des enfants de donneurs, mais la majorité d'entre nous a atteint l'âge
adulte depuis longtemps. Peu de personnes conçues par don de gamètes prennent
la parole publiquement. La peur du rejet, de blesser ses proches, d'être jugé
ingrat ou même la crainte de représailles juridiques repoussent plusieurs d'entre
nous. Comme je le mentionnais plus tôt, une grande majorité des personnes
conçues par don de gamètes n'est pas au courant de ce fait et ne peut donc pas
en témoigner. L'opinion publique en général nous est aussi peu favorable. On
nous attribue parfois une dette existentielle supérieure aux gens conçus
conventionnellement. De plus, certaines personnes ou organisations ont tendance
à opposer nos droits à ceux des couples infertiles, des couples homosexuels ou
des parents solos. Enfin, parler de son mode de conception au grand jour crée
des grandes tensions familiales et demande une grande force morale. Nous vivons
souvent des périodes de détresse psychologique en lien avec notre mode de
conception et notre douleur n'est pas reconnue comme légitime par plusieurs.
Les personnes conçues par procréation assistée sont donc sous représentées dans
les différentes consultations publiques, dans les médias et dans la recherche.
La plupart des personnes conçues par don de gamètes souhaitent connaître l'identité
de leur géniteur anonyme à un moment ou un autre de leur vie. Nous souhaitons
avoir un accès continu aux antécédents médicaux de...
Mme Letendre (Andréane) :
...pouvoir s'assurer que nous ou nos enfants ne vivrons pas de relations
amoureuses incestueuses à leur insu. Il en va de notre droit à faire des choix
éclairés en matière de santé, de sexualité et de reproduction. Le désir de
connaître nos origines dépasse largement les aspects pratiques. Il s'agit de
quelque chose de viscéral, d'un besoin de s'ancrer dans une réalité humaine
universelle. J'ai connu plusieurs personnes comme moi qui ont investi des
sommes considérables, beaucoup de temps et d'énergie dans leur recherche. Cela
nous mène parfois jusqu'à l'obsession ou l'épuisement.
Malgré l'ampleur de la recherche, il nous
arrive de plus en plus de trouver des membres de notre famille biologique. La
disponibilité des tests d'ADN maison et l'expansion constante des banques de
données permettent à plusieurs de découvrir leurs origines biologiques.
Désormais, il est illusoire de penser que l'on peut garantir l'anonymat des
donneurs ni celle de leur famille. Même si le géniteur recherché n'effectue
aucun test d'ADN, il pourrait être possible de découvrir son identité par
déduction avec l'aide de la généalogie génétique. Bien que plusieurs parents d'intention
affirment avoir l'intention de divulguer le mode de conception à leurs
éventuels enfants, une majorité ne le fera pas avant l'âge adulte, voire
jamais. Les familles manquent cruellement de support dans cette délicate
opération, et les supposés spécialistes se contredisent. Il n'y a aucune marche
à suivre ni guide des meilleures pratiques, si bien que les parents remettent
souvent à plus tard. Cela donne lieu à des révélations tardives ou à des
découvertes fortuites qui nuisent énormément aux relations familiales.
Le projet de loi no 2 enchâsse le
droit aux origines de toutes les personnes dans la Charte québécoise des droits
et libertés. Cette recommandation est pour moi essentielle et viendrait
légitimer le vécu des personnes conçues par don de gamètes. Elle permettrait
également de prendre en compte les besoins des descendants en priorité lors de
l'élaboration future de lois qui toucherait la procréation assistée, notamment
en santé. Les raisons habituellement invoquées pour justifier le maintien de l'anonymat
des donneurs sont généralement calquées sur le modèle de l'adoption plénière
qui avait cours au Québec autrefois.
Dans le cas de l'adoption, l'anonymat
absolu des parties servait à protéger les enfants de l'abandon ou même de l'infanticide
dans une société où la maternité hors normes pouvait causer de graves problèmes
à la mère. Or, cela ne s'applique pas du tout aux personnes conçues avec l'apport
d'une tierce partie, et la société québécoise a énormément évolué depuis ce
temps-là. D'ailleurs, le droit aux origines des personnes adoptées a été
reconnu en juin 2017 avec l'adoption du projet de loi no 113. Il est donc
injuste de refuser ce même droit aux personnes conçues avec l'apport d'une
tierce partie. Je souligne également ici l'importance d'abolir toute forme de
secret et d'anonymat dans le don de gamètes, et ce, même de manière
rétroactive. Les personnes conçues avant l'adoption de la loi méritent qu'on
leur donne toute l'information nécessaire pour identifier leurs géniteurs, même
si ces derniers se sont fait promettre l'anonymat au moment de leur
contribution. Tel que mentionné plus haut, les tests d'ADN maison rendent
futile toute promesse d'anonymat, passée ou future. La loi doit en tenir compte
et encadrer ces contacts qui se feront, qu'on le veuille ou non, de manière à
ce que l'intérêt supérieur des descendants prime avant tout.
D'ailleurs, le projet de loi no 2
permet aussi aux descendants directs d'obtenir les informations sur les
géniteurs de leur parent décédé s'il a été conçu avec l'apport d'une tierce
partie. Ce passage est important pour moi, car je souhaite que mes enfants
puissent connaître leurs origines et nouer des relations amoureuses sans
craindre un inceste accidentel. Le projet de loi no 2 consacre également
un article à l'importance de la divulgation du mode de conception de l'enfant
par les parents. Cela m'apparaît important de mettre en place une certaine
obligation, puisque les parents d'intention, surtout les couples hétérosexuels
infertiles, omettent majoritairement d'informer leurs enfants de leur mode de
conception, et ce, malgré une intention qui était présente au moment de la
conception. Bien que je déplore le caractère non coercitif de cet article, j'en
salue tout de même l'intention, car la non-divulgation du mode de conception
est un facteur prépondérant dans la détresse psychologique des personnes
conçues par don de gamètes qui l'apprennent plus tard dans leur vie. La plupart
des intervenants sérieux recommandent en effet que cette information soit
donnée aux enfants tôt et souvent.
• (20 h 30) •
Afin de protéger toutes les parties en
cause tout en garantissant le respect des droits des personnes conçues avec l'apport
d'une tierce partie, il importe de développer des voies légales accessibles à
tous en matière de procréation assistée. Il devrait être facile de signer une
entente, devant notaire si nécessaire, qui nomme les devoirs et les droits de
chacun. Le projet de loi no 2 satisfait cette exigence de retirer aux
médecins et aux cliniques de fertilité le soin de gérer l'aspect juridique de
la procréation assistée. Il concrétise le sérieux d'une démarche de projet
parental et promet une moindre marchandisation de la fertilité et de la
reproduction. Le projet de loi no 2 prévoit la création d'un registre à l'intention
des personnes conçues avec un tiers apport. Par contre, il ne permet pas aux
personnes conçues par procréation assistée de connaître la taille de leur
cohorte de frères et sœurs biologiques...
20 h 30 (version non révisée)
Mme Letendre (Andréane) : ...à
la différence de l'adoption, les techniques de procréation assistée, qu'elle
soit médicale ou artisanale, peuvent mener à la conception de grandes cohortes
de descendants. La mondialisation de l'industrie de la fertilité rend très
complexe l'élaboration et l'application de politiques limitant le nombre de
descendants biologiques qu'une personne peut créer. Je suis d'avis qu'un nombre
maximal absolu, raisonnable de descendants par donneur devrait être établi dans
la loi malgré les défis que poserait l'application d'une telle loi. À tout le
moins, il serait important de pouvoir obtenir l'information sur le nombre de
demi-frères, soeurs qui ont été conçus avec le même donneur ou la même
donneuse. À l'heure actuelle, il n'existe aucun organisme indépendant qui
surveille les cliniques de procréation assistée. Chacun a ses propres
politiques qui changent au gré des propriétaires. Personne ne vérifie l'intégrité
des registres. L'accessibilité est arbitraire. On ne sait pas s'il y a des
erreurs de manipulation. On ne connaît pas l'ampleur des banques de sperme ou d'embryons
congelés. Il y a des cas avérés de négligence médicale. Lorsque cela se
produit, les descendants affectés ont très peu de moyens de réaliser l'erreur
et ils la réalisent souvent beaucoup trop tard pour que des recours pertinents
puissent avoir lieu. L'abolition de l'anonymat permettrait de réduire les
accidents de ce genre.
Il importe que les activités de
procréation assistée soient régies par des instances extérieures à l'industrie
de la fertilité. On sait qu'une majorité du matériel reproductif utilisé au
Québec provient de l'extérieur de la province, souvent de l'extérieur du
Canada. Le sperme congelé voyageant désormais comme lettre à la poste, il est
excessivement difficile de tracer le chemin parcouru par les paillettes.
Encadrer la procréation assistée dans ce contexte est une tâche très complexe,
bien qu'essentielle. En adoptant le projet de loi 2, le Québec se doterait d'une
des lois les plus progressistes en matière de droits des personnes conçues avec
l'apport d'une tierce partie et ferait figure de précurseur en Amérique du Nord
et dans le monde. Merci de m'avoir écoutée un peu.
Le Président (M.
Bachand) :C'était très bien, vous êtes
sur le «target», comme on dit. Alors, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Madame Letendre, bonsoir, merci beaucoup d'être parmi
nous aujourd'hui. Je crois que votre témoignage, ça, ça amène vraiment un
visage humain sur ce de quoi on discute. Puis surtout, relativement à la
gestation pour autrui, procréation assistée. Ça va souvent avec la gestation
pour autrui. Je suis très heureux et je vous remercie à vous féliciter pour
votre témoignage de ce soir parce que ça va permettre d'outiller les
parlementaires et vraiment de comprendre comment une personne vit cette
situation là, lorsqu'on est issu justement de la procréation ou avec recours
avec un tiers, relativement à la contribution par rapport à la connaissance de
leurs origines. Donc, je comprends que vous accueillez favorablement le projet
de loi, justement du fait qu'on va venir faire en sorte que la connaissance des
origines va être valorisée, puis on va permettre aux gens issus de gamètes,
notamment, d'avoir accès au bagage génétique, d'avoir accès à leurs origines.
Donc, ça, vous êtes à l'aise avec ça, vous êtes satisfaite.
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
c'est quelque chose qu'on espère depuis très longtemps. C'est sûr que moi, tu
sais, de pouvoir connaître mes origines ou, du moins, que ce droit-là soit
reconnu dans la loi, ça me permettrait d'abord, c'est sûr, pour des questions
très pratiques, d'avoir mon information de mes antécédents médicaux, de pouvoir
prendre des décisions éclairées sur ma santé, celle de mes enfants, que mes
enfants puissent aussi prendre des décisions éclairées sur leur santé, d'arrêter
de sentir que je mens quand je prends une assurance vie puis que je ne suis pas
certaine de savoir vraiment qu'est-ce que j'ai eu comme antécédents familiaux,
puis tout ça.
Mais au-delà de ça, ça répond à un besoin
qui est viscéral. Je pense que, comme être humain, on a tous besoin de savoir d'où
on vient, de s'ancrer dans une réalité qui est humaine, qui est universelle, d'être
un humain conçu par des humains, pas le produit d'une industrie ou le résultat
d'une transaction, d'être un miracle de la science conçue en labo. Ça a pris
des humains, pour me faire, puis ce matériel génétique là, le matériel
génétique de ces humains là coule dans mes veines à moi, dans chacune de mes
cellules. Donc, d'avoir, moi, accès à cette information-là, je pense que c'est
nécessaire. Parce que c'est également une promesse que j'ai faite un jour à
moi, quand j'avais 12 ans, qui commençais à avoir de la difficulté un peu à
configurer mon identité. Puis je trouvais que les adultes n'avaient peut-être
pas assez pris en compte ce que je pourrais devenir ou ce que je pourrais avoir
comme désir de connaître mes origines. Ça fait que je me suis dit que... moi, c'est
une des raisons pour quoi je me suis engagée là dedans, je me suis dit que j'allais
permettre de changer des choses puis que... dans le fond, quand j'ai pris
conscience du projet de loi 2, bien, ça m'a permis de réaliser qu'enfin on
prenait ça au sérieux...
M. Jolin-Barrette : ...mais je
dois vous dire que votre témoignage est éloquent. Puis c'est justement en
pensant à des gens comme vous qu'on fait en sorte de pouvoir justement modifier
la législation. Vous avez abordé deux points. Le premier, bon, sur la
connaissance des origines de la victoire, vous l'avez bien couvert. Vous avez
été rapidement aussi sur les antécédents médicaux ou biologiques aussi. Ça,
pour vous, c'est important, parce que vous avez dit : Moi même, mes
enfants, je veux pouvoir leur indiquer, oui, la connaissance des origines, mais
aussi s'il y a des maladies héréditaires ou quoi que ce soit. Donc, l'aspect
antécédents médicaux ou biologiques, c'est important aussi pour les gens qui
ont été conçus avec la procréation assistée notamment, avec la contribution d'un
tiers.
Mme Letendre (Andréane) :
Oui, c'est super important parce qu'il y a aussi quelque chose au niveau de
nouer des relations intimes. Mes enfants, s'ils nouent des relations intimes
avec des enfants d'une autre personne conçues par don de gamètes, bien, ça se
trouve à... qui seraient, mettons mes demi-frères... tu sais, qui seraient
comme des cousins, ça serait des cousins au premier degré, tu sais. C'est
quelque chose qu'on n'a même pas pensé. On a dit : Bien, il ne faudrait
comme pas que des demi-frères, demi-soeurs se rencontrent. Mais ça va au-delà
de la première génération, là, ça va aussi après, là.
M. Jolin-Barrette : Sur la
question de l'obligation désormais de divulguer à l'enfant qu'il a été conçu
notamment par la contribution d'un tiers ou par gestation pour autrui ou par
procréation assistée, qu'est ce que vous en pensez, du fait que les parents
devront le dire à l'enfant à un moment? Parce que tantôt, vous parliez de la
culture du secret un peu, à une certaine époque, tout ça. Là, on souhaite
élargir au niveau de la connaissance des origines. Mais justement, de dire la
contribution, comment voyez ça, le fait... Parce que tout à l'heure, vous avez
dit : Je l'ai appris, je crois, à l'âge de 12 ans. Comment voyez-vous
cette obligation-là désormais pour les parents?
Mme Letendre (Andréane) :
Bien, c'est important que l'obligation soit nommée dans la loi parce que la
plupart des parents se font dire : C'est mieux de le dire, mais par contre
ne sont comme pas accompagnés. Puis, étant donné qu'il y a comme pas d'obligation,
bien, souvent, c'est quelque chose d'assez difficile à faire, puis ils le
reportent à plus tard. Puis, de l'apprendre sur le tard, bien, c'est comme pour
un enfant qui ne l'a pas appris jeune. Moi, ce que je peux dire, c'est que j'avais
l'impression que les premières personnes à qui j'ai fait confiance dans la vie
m'avaient menti sur la nature même du lien qui m'unissait à eux. Puis ça, c'est
quelque chose qui vient ébranler la confiance qu'on a dans le monde, puis c'est
assez fondamental, tu sais, comme réalisation. Même si on l'a appris... même,
tu sais, il y a comme toujours... on a toujours comme un moment d'éveil, à un
moment donné, comme personne conçue par don de gamètes, qu'on on se rend compte
qu'O.K., oui, c'est vrai, tu sais, dans le fond, il y a quelqu'un d'autre que
je ne connais pas qui a participé à ça. Puis, ce moment-là, c'est comme un
point de non-retour. Ça peut être le moment où tu l'as appris. Puis, tu sais,
si tu l'apprends de façon fortuite, il y a toutes sortes de façons pas
adéquates d'apprendre quand on est conçu par don de gamètes. Tu sais, ça peut
être un parent qui est au courant, qui s'échappe à un moment donné. Ça peut
être aussi, dans le cadre d'une séparation, ça peut être utilisé comme arme de
négociation. Ça, c'est excessivement malsain. Je pense que si l'enfant le sait
dès le départ, bien, ça risque d'éviter ces mauvaises situations-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de l'accessibilité pour un descendant au premier degré d'accéder
aux renseignements identitaires, donc là, désormais, dans le fond, il n'y a pas
juste la personne conçue par les gamètes, mais également ses descendants. Le
fait de donner, supposons, à vos enfants l'accès aux informations, comment vous
percevez ça?
• (20 h 40) •
Mme Letendre (Andréane) : Je
trouve ça important. Justement, comme j'ai dit déjà, la première génération, c'est
important qu'il soit au courant de ça, parce que s'ils rencontraient quelqu'un
dans la... s'il nouait une relation avec un cousin au premier degré, écoute, ça
serait quand même minimalement qu'il puisse la faire en toute connaissance de
cause. Et puis, c'est aussi parce que le risque est plus grand de rencontrer
des collatéraux dans la vie de tous les jours parce que les cohortes sont
grandes. Tu sais, je veux dire, au Québec, on a déjà eu des très, très grandes
familles, mais ces gens-là se connaissaient tous. Ça fait que quand ils
rencontraient d'autres gens, ils savaient qu'il était le frère de
10 autres personnes, mettons. Mais moi, je ne sais pas combien j'en ai,
des frères et soeurs qui se baladent dans la nature. Ça s'est vu, des cohortes
de 50, 100 descendants. Quand on utilise la procréation assistée, même si ce n'est
pas médical, les cohortes sont très grandes, puis ça, ça transfère le risque d'inceste
involontaire...
Mme Letendre (Andréane) :
...à la génération suivante. Ça fait que l'importance que les enfants puissent
le savoir, je pense que c'est crucial, d'autant plus que je pourrais... J'aurais
pu mourir sans le savoir. Tu sais, j'aurais pu ne jamais l'apprendre. Puis c'est
quand même important que mes enfants l'apprennent, je pense. Mettons que je
décède un jour, ce serait important qu'eux autres aient cette information-là, s'ils
le désirent, qu'ils puissent comme faire des recherches puis connaître ça.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous avez tout
à l'heure, dans votre déclaration préliminaire, insisté sur l'encadrement des
cliniques de fertilité, notamment. Vous avez dit dans le fond : Bien,
écoutez, il n'y a pas tant d'encadrement. Ça devrait être... Ça devrait être
revu, là, tout ça.
Mme Letendre (Andréane) :
Oui. Bien, en fait, l'encadrement qui est fait au niveau des cliniques de
fertilité, c'est assez minimal, dans le sens qu'on s'assure que les gamètes
utilisés sont sains, que les enfants vont naître en santé, exempts de problèmes
physiques, tu sais. Par contre, moi, quand j'ai fait des recherches, puis que j'ai
fait... que j'ai contacté des hôpitaux, je me suis buté à beaucoup de
condescendance, puis beaucoup de réticence à me donner des informations.
Les cliniques de fertilité, là, c'est des
entreprises. Puis, tu sais, d'aider des couples infertiles ou des familles à
fonder, à avoir des enfants, c'est leur business. Ils font de l'argent avec ça.
Puis moi, en tant qu'enfant de la procréation assistée, je ne suis pas leur
client. Donc, ils n'ont absolument aucun compte à me rendre. Puis, dans le
fond, ils rendent des comptes à leurs clients. Puis après ça, bien, il n'y a
comme pas vraiment de contrôle sur s'il y a un médecin, il fait une erreur,
bien, on va s'en rendre compte beaucoup, beaucoup, beaucoup, plus tard. Puis il
n'y aura plus vraiment la possibilité d'avoir un recours quelconque.
Tu sais, un médecin qui se fait radier à
80 ans, sa vie est faite puis, tu sais, il n'y a comme pas rien qui... Ça ne
dérange presque pas, là, tu sais. Tandis que s'il est surveillé, si on sait qu'il
a utilisé tel gamète à telle place... Tu sais, moi, je suis agricultrice. J'insémine
les vaches avec de la... Tu sais, je fais de l'insémination artificielle, là.
Puis je peux vous dire que mes vaches, leur... leur pedigree est suivi de façon
beaucoup plus sérieuse que moi, comme être humain, qui a été conçue par
insémination artificielle. Puis ça, ça me dérange beaucoup, tu sais.
Ça fait que c'est important d'avoir un
certain encadrement au niveau des cliniques de fertilité. C'est comme dérangeant,
je trouve, que ce soit des médecins qui décident de comment l'accès aux
origines va avoir lieu, alors que ça devrait être des juristes qui le font. Ça
devrait être des... Tu sais, ça devrait être des... des papiers qui sont comme
notariés, qui sont enregistrés quelque part parce que ça concerne quand même
notre vie, tu sais. Faire de la génétique, tu sais, faire de la généalogie, tu
sais, moi, ça ne m'est pas vraiment accessible, là, tu sais. Puis je ne trouve
pas ça correct, tu sais. Je pense que ça devrait être... Ça devrait être
accessible à tous, là.
M. Jolin-Barrette :
Bien, je vous remercie pour votre témoignage. C'est fort instructif. Un grand
merci pour votre présence en commission.
Le Président (M.
Bachand) : Pour un peu moins de 5 minutes, M. le député de
Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Merci beaucoup, M.
le Président. Mme Letendre, je vous... Vous venez... Vous venez juste de
rejoindre une idée avec laquelle je jonglais depuis le début. Je ne suis pas sûr
que vous allez la trouver drôle. Alors, je vais commencer par vous dire que
votre passion, votre courage, votre sang-froid font effectivement, comme le
disait le ministre de votre témoignage, quelque chose de très touchant, puis d'éclairant.
Quand je disais que vous ne la trouveriez pas drôle, c'est que je vous
écoutais, puis là, vous venez de parler des vaches que vous inséminez.
Évidemment, moi, j'ai pensé tout de suite à Starbuck. Sauf que vous,
effectivement, c'est la vie que, vous, vous vivez, là. Je ne veux pas faire un
amalgame ridicule, mais il y a beaucoup de ça, là. Vous venez de le faire
vous-même en parlant de vos vaches, là.
Mme Letendre (Andréane) :
Oui, exactement. Bien, tu sais, moi, tu sais, Starbuck, j'en ai entendu parler,
ça fait longtemps puis, tu sais, c'est sûr que quand je suivais mes cours d'insémination,
tu sais, au niveau des vaches, ça me travaillait, là, c'est certain que j'y
pensais énormément. Mais oui, tu sais, c'est comme... Je trouve que, tu sais,
bien, on est peu à prendre la parole, là, comme personnes conçues par don de
gamètes. Puis, tu sais, c'est justement un peu ça aussi, tu sais. Ce n'est
comme pas vu sérieusement dans la société en général, tu sais, c'est ça, tu
sais, je veux dire, on tient des registres au niveau de l'insémination des
animaux parce qu'on connaît justement l'importance au niveau du suivi des
maladies génétiques et aussi du suivi de la traçabilité de tout ça. Puis, tu
sais, quand c'est pour des humains, ah! là, tu sais, je ne comprends pas pourquoi
qu'on ne s'est pas dit : Aie! ça serait important, tu sais, d'avoir un...
Mme Letendre (Andréane) : ...une
certaine, tu sais, des règles à respecter, là. Tu sais, on parle de personnes
humaines, là.
M. Lemieux : Vous avez parlé
de votre histoire et vous avez évoqué, à 12 ans, la promesse que vous vous
êtes faite. Je voudrais savoir aller dans le trop personnel, mais qu'est ce que
vous avez trouvé le plus dur? Vous poser les questions, à l'époque, que vous
étiez trop jeune quand vous l'avez su ou plus vous vieillissez, plus ça fait
mal?
Mme Letendre (Andréane) : C'est
difficile à dire. En fait, ce qui arrive, c'est qu'on a des moments dans notre
vie où ça devient très important. Puis il y a d'autres moments où on devient
capable de juste balayer ça sous le tapis, puis faire notre vie normalement, tu
sais. Mais ça nous rattrape, tu sais. Quand j'ai voulu avoir des enfants, bien,
ça m'a rattrapée, tu sais. Quand, je ne sais pas, tu sais... C'est sûr que moi,
je l'ai appris, mes parents en instance de séparation, ça fait que c'est sûr
que ça a été un peu difficile. Mais, tu sais, on a toujours, tu sais, des
petits moments de la vie qui font qu'ah! tu sais, ça revient sur le tapis.
Puis, tu sais, ça devient important, tu sais. Ça fait qu'à chacun mes enfants
que j'ai eus, ça m'a travaillée. Je me suis dit : Ah! tu sais, comme... je
ne le sais pas, moi, tu sais, comme... c'est qui... tu sais. Puis à chaque
moment important, chaque moment charnière de la vie, on dirait que ça vient
nous travailler. Tu sais, la douleur, tu sais, c'est sûr que c'est vif quand on
l'apprend puis quand on fait cette réalisation-là, il y a comme un point de
non-retour en arrière, puis il y a un deuil à vivre, puis, tu sais, à revivre
aussi, généralement. Mais, tu sais, il faut faire aussi attention puis il faut
comme se parler parce que moi, c'est très facile, là, d'en venir à, tu sais, je
suis, dans le fond, là parce que mes parents ont voulu que je sois là. Mes
parents ont comme payé pour m'avoir puis ils avaient besoin d'un bébé, tu sais.
Maintenant que je suis rendue une adulte, tu sais, c'est quoi mon sens? C'est
quoi... qu'est ce que je fais au monde, tu sais? Puis, il y a aussi le fait de
se dire, tu sais, le fait de dire, tu sais : Moi, je n'ai pas demandé à
venir au monde, c'est platte. Je suis vraiment contente d'être ici, mais je n'ai
pas demandé à venir au monde. Puis si je n'étais pas née, mes parents, c'est
eux autres qui auraient eu le plus de peine, tu sais. Ça fait que à quelque
part, quand on réalise ça, des fois, la ligne est mince entre tomber dans une
crise suicidaire, tu sais, ça devient très, très difficile de dire : Oui
mais dans le fond, qu'est ce que je fais au monde, là, tu sais? Ça fait que
oui, c'est ça.
M. Lemieux : Vous avez parlé
à quelques reprises depuis le début d'autres personnes comme vous, qui sont
nées de gamètes. Est-ce qu'est ce que vous sentez, je n'ose pas dire le
positif, mais l'énergie qui vient du projet de loi deux, puis il n'est pas
seulement pour vous en particulier, il y a un paquet de monde qui vont être
affectés par ça. Mais pour vous, c'est comme une bouée de sauvetage, là, qui
vient d'arriver, là.
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
en fait, c'est comme si le père Noël...
Le Président (M.
Bachand) :Mme Letendre, excusez-moi. Sur
cette question-là, il vous reste 20 secondes, avant de passer à un autre
collègue.
Mme Letendre (Andréane) : O.K.
Je dis... pour moi, c'est comme si le père Noël avait répondu à une lettre que
j'ai écrite quand j'avais 12 ans, là. C'est vraiment comme... je ne
pensais pas vivre pour voir vraiment le fait qu'on adopte... qu'on abolisse ça,
là.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
Je ne suis pas sûr que le ministre a apprécié la comparaison au père Noël. Mais
bon. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Juste vous rappeler que, plus
tôt dans la journée, on parlait de l'esprit du temps des Fêtes. Alors, M. le
député de Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M.
le Président. Bien, merci beaucoup, madame Letendre, pour votre témoignage.
Effectivement, c'est très éclairant. Et ça, ça nous aide dans notre réflexion à
nous donner une perspective sur ce qu'on fait comme législateur, puis ça a un
impact direct dans la vie des gens. Ça a un impact et ça aura un impact dans la
vôtre également. Témoignage qui est trop peu souvent entendu, soit dit en
passant. Dans la loi... et j'aimerais, j'aimerais vous entendre là-dessus, puis
on aura l'occasion lorsque l'on va rédiger les articles de loi, souvent, le diable
est dans les détails, puis là, il y aura beaucoup de questions de
compréhension, puis on va prendre le temps de bien comprendre. Mais à sa face
même, je lis, dans un des articles de loi : Il appartient aux parents de l'enfant
de l'informer du fait qu'il est issu d'une procréation impliquant la
contribution d'un tiers. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur "Il
appartient aux parents de". On va faire le débat. Je ne ferai pas le débat
avec le ministre ce soir, là, sur ce que ça veut dire, puis quelle est l'intention
du législateur, mais prenant pour acquis la signification que je lui accorde
là, est-ce que c'est bien rédigé comme ça, ou est-ce qu'il ne devrait pas,
au-delà de l'appartenance ou du droit qui est donné aux parents, avoir un
droit, justement, pour l'enfant, de connaître ses origines? Mais là, si le
parent, évidemment, si le parent ne le dit pas, l'enfant ne pourra pas le
deviner. Puis est ce que vous impliquer que ça prendrait donc l'action, peut
être, d'un tiers, ou pas? J'aimerais vous entendre là-dessus, sur des...
M. Tanguay : ...qui pourrait
peut-être, moi, m'échapper, mais qui, vous, ne vous échappe pas du tout, ça, c'est
clair.
• (20 h 50) •
Mme Letendre (Andréane) :
Bon. Moi, personnellement, j'ai déjà mentionné, j'avais participé à la
commission citoyenne de la Chambre des notaires il y a quelques années. Et
puis, moi, ce que j'aurais proposé, c'était une mention au certificat de
naissance juste pour que ce soit tellement... comme, tu sais, que le parent
sache que, regarde, si tu ne lui dis pas, il va le voir quand il va commander
son certificat de naissance. Ce à quoi on m'avait répondu que ce n'est pas une
information qui concerne les gens qui vont avoir à voir un certificat de
naissance à un jour, par exemple l'école, puis tout ça. Bon, on pourrait
débattre là-dessus certainement pendant un certain temps.
Je pense que, tu sais, c'est vrai que ça
appartient aux parents de le dire à l'enfant. Sauf qu'il y a beaucoup de
circonstances où est-ce que le parent va avoir besoin d'aide pour le dire à son
enfant, puis parce que, bien, c'est ça, pour l'instant, il n'y a à peu près
aucun support qui se fait pour les familles de ce côté-là. Puis, en même temps,
il y a beaucoup de circonstances aussi où, par exemple, si mes parents,
admettons, décédaient ou devenaient inaptes, ou quelque chose comme ça, bien,
ils ne pourraient pas me le dire peut-être, tu sais, en bon temps.
Ça fait que, tu sais, pour moi, il devrait
y avoir... C'est sûr qu'au niveau de la loi il va y avoir le registre qui va
être créé, puis que quelqu'un, mettons, une personne qui voudrait savoir s'il
est conçu par don de gamètes, il peut s'adresser au registre puis demander :
Est-ce que moi, vous avez un dossier à mon nom? Tu sais. Ça fait qu'à ce
moment-là ça permet de le savoir. Mais il faut quand même que la personne ait
eu un doute à la base pour s'adresser au registre. Ça fait que... Puis, tu
sais, je pense que la plupart des personnes conçues par don de gamètes ne sont
pas au courant de tout ça à l'heure actuelle.
Ça fait que, tu sais, c'est sûr que, tu
sais, comme je dis dans mon texte que j'ai que j'ai lu tantôt, tu sais, je
salue ça parce que je pense que c'est important que ce soit dans la loi puis
que ce soit comme dit que c'est quelque chose. Ça ne se fait pas, de ne pas le
dire à son enfant tôt et souvent, tu sais. Mais il faudrait qu'il y ait quelque
chose de plus coercitif. Comment est-ce qu'on peut faire ça? Je ne le sais pas,
tu sais, mais c'est ça.
M. Tanguay : La solution
mitoyenne entre la coercition et le simple choix du parent, sans aucun autre
aspect, il y a peut-être l'entre-deux. On parle beaucoup... on parlait un peu
plus tôt, là, de gestation pour autrui, de l'importance d'avoir des séances
psychosociales. Peut-être que, pour l'avenir, ce serait important que les
parents qui ont recours au don de gamètes, qu'il y ait une formation sur l'impact
de l'enfant aussi, qu'il y ait une sorte d'éveil qui soit fait aussi, peut-être
en amont pour les parents, de dire : Bien, peut-être que le... écoutez, ça
demeurera votre choix, votre option, mais sachez que ça ne serait pas mauvais
pour des raisons... Légalement, voici vos devoirs et responsabilités. Mais,
pour des raisons que vous invoquez, qui sont tout à fait objectives, santé et
consanguinité, là, ce serait important, donc, qu'il y ait une formation
peut-être ou une rencontre minimale avec un professionnel pour les parents qui
désirent...
Mme Letendre (Andréane) :
Bien, je pense que les intervenants, à date, ne sont pas très outillés sur ce
que nous, on vit. En fait, ça arrive souvent, là, qu'on... Tu sais, moi, quand
j'étais jeune, ça m'est arrivé de demander de l'aide psychologique, puis que
les gens ne soient vraiment pas au courant de ce que je vivais puis qu'ils me
servent, là : Ah! bien, tu sais, tes parents ont tellement voulu t'avoir,
là, tu sais, comme, c'est correct, soit... tu sais, aie de la gratitude, puis
ça va être correct, tu sais. Puis, tu sais, ce n'est pas connaître... c'est mal
connaître la situation.
Et aussi je pense que les parents, à l'heure
actuelle, qui font une démarche en fertilité doivent rencontrer des
intervenants psychosociaux. Le problème, c'est que ces intervenants
psychosociaux là ne sont peut-être pas vraiment outillés du point de vue de la
personne conçue par don de gamètes. Eux autres, ils rencontrent des couples
infertiles, ou des familles homoparentales, ou des familles, bien, solos, qu'on
appelle, là, régulièrement. Puis, tu sais, ils n'ont pas nécessairement notre
point de vue, comme, dans leur bagage. Ça fait que, tu sais, j'ai l'impression
qu'ils peuvent dire un peu des énormités des fois, là, sans le savoir puis sans
vouloir faire de mal, tu sais. Ça serait important qu'il y ait vraiment, comme,
au moins un certain... tu sais, là, le point de vue des personnes issues de la
procréation assistée soit comme intégré au niveau de la démarche d'intervention
avec les parents qui vont avoir des enfants plus tard de cette manière-là.
M. Tanguay : Là, on a vu les
parents de l'enfant né par don de gamètes. Maintenant, le donneur de gamètes
peut, en vertu de la loi telle que rédigée, puis on fera le débat : «Toute
personne issue d'une procréation impliquant la contribution d'un tiers peut
avoir le nom du tiers, les renseignements concernant son profil, sauf un...
M. Tanguay : …de contacts qui
y fait obstacle par le donneur, qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
je pense que le refus de contact, ça rassure tout le monde. En quelque sorte, je
pense, la plupart des personnes conçues par don de gamètes, moi... tu sais,
souvent, ce qu'ils vont rechercher, c'est plus l'information que la relation.
Maintenant, si, entre adultes consentants, si une relation peut se développer,
tu sais, c'est à eux de le faire. Mais je pense que, tu sais, de pouvoir avoir
un refus de contact, c'est comme une protection de base qui me permet, moi, au
moins, d'avoir l'information, tu sais. Ça se peut que je n'aie pas... tu sais,
je n'ai pas vraiment à contacter, tu sais, mon géniteur pour avoir les
informations dont j'ai besoin. Puis, tu, sais, à la limite, mon médecin
pourrait faire des démarches auprès de son médecin pour avoir les informations
médicales. Moi, si je connais son nom déjà, ça limite les risques d'inceste
involontaire dans plusieurs... même pour la génération suivante, tu sais, ça m'inscrit
déjà dans quelque chose de profondément humain, là, tu sais.
M. Tanguay : C'est important
ce que vous nous dites, Mme Letendre, parce que, moi, je'n'aurais jamais pu
deviner ça, puis c'est important puis c'est majeur ce que tous témoignez, c'est
important ce que vous témoignez, dans votre cas, en tout cas, puis j'aimerais
ça savoir jusqu'à quel point, peut-être pour avoir rencontré ou avoir été à l'affût
d'autres témoignages de personnes dans votre cas, ce que vous venez dire, je n'aurais
jamais pu le deviner que votre désir est davantage d'informations que de
relation. J'aurais peut-être pu faussement présumer que vous aviez une envie de
relation, mais vous me dites non. Est-ce que ça, c'est représentatif de ce que
vous avez peut-être pu avoir comme autres témoignages de personnes, dans votre
cas aussi, que c'est l'information avant la relation?
Mme Letendre (Andréane) : Oui,
c'est l'information avant la relation, je pense, qui compte. C'est certain que
certaines personnes vont vouloir savoir : Est-ce que, tu sais, mettons,
est-ce que mon parent biologique, il aime la musique comme j'aime la musique,
tu sais? Est-ce que c'est je tiens tel, tel trait, tu sais? Ça fait que c'est
sûr que, pour ça, on aimerait ça pouvoir le rencontrer. Mais normalement, nous,
on a quand même des familles qui sont complètes et... la plupart du temps, c'est
sûr que ça arrive comme dans toutes... on a des familles normales, mettons. Ça
fait que, tu sais, j'ai un père et une mère puis, tu sais, c'est eux autres qui
m'ont élevée. Puis, tu sais, je n'ai pas l'intérêt de rajouter quelqu'un dans
ma famille nécessairement, tu sais. Ça fait que je ne pense pas que je sois une
menace, là, pour mon parent biologique. Par contre, tu sais, c'est sûr que le
fait de pouvoir mettre un veto de contact, ça vient comme rassurer peut-être un
donneur qui aurait, à sa connaissance, était très prolifique, peut-être qu'il a
peur d'avoir 50 demandes du jour au lendemain, là, qui arrivent à sa porte. Ça
peut peut-être faire beaucoup, tu sais.
M. Tanguay : Votre témoignage
me force, puis je prends l'engagement devant vous d'aller relire la Loi sur les
activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée qui
encadre le tout. Vous dites : Il n'existe aucun organisme indépendant qui
surveille les cliniques de procréation assistée, ses propres politiques, on ne
sait pas si des erreurs de manipulation... ainsi de suite. Selon vous, puis je
vais faire mes devoirs, là, je ne l'ai pas fait ce soir, je vais aller régler
ça, mais selon eux, ça, cette loi-là est insuffisante par rapport à ce que vous
demandez.
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
au niveau de la loi fédérale, il y a une loi fédérale qui a été faite, la Loi
sur la procréation assistée, que Québec a contestée étant donné que ça
empiétait sur des compétences provinciales. Et, à ce moment-là, dans cette loi
là, il créait l'Agence de la procréation assistée du Canada. Étant donné que ça
a été comme, là, je ne connais pas les termes juridiques, mais finalement, l'Agence
de procréation assistée n'a jamais vu le jour parce que ce n'était pas une
compétence fédérale. Et pourquoi est-ce qu'il n'y a rien qui a été fait au
Québec à ce niveau-là? Je ne sais pas. Au niveau... ce qui encadre, au Québec,
c'est vraiment un côté très technique, très, très médical, là, mais ce n'est
pas au niveau des descendants, il n'y a pas grand-chose à notre sujet.
M. Tanguay : Bien, je vous
remercie beaucoup, madame Letendre. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
M. Leduc : Bonsoir, Mme
Letendre. Merci beaucoup de votre présentation très, très inspirante, très,
très intéressante. On a le même âge, puis je réalise qu'en effet, comme vous le
mentionnez au début, il y a un privilège qu'on n'a peut-être pas conscience de
savoir d'où on vient avec nos deux parents. Il y a tout un débat ici avec les différents
volets du projet de loi sur l'âge. Est-ce que, par exemple, la Gestation pour
autrui, il y en a qui disent qu'il faut que ça soit 21 ans, plutôt que 18 ans.
Tantôt, on parlait de l'adoption pour savoir de nos parents, 14 ans ou 18 ans,
il y a un débat là aussi. Est-ce que vous, vous avez une proposition par
rapport à la situation que vous avez connue, par rapport à l'âge? Vous avez
mentionné qu'à partir de 12 ans, ça commençait à être plus présent dans votre
esprit.
Mme Letendre (Andréane) : L'âge
d'accès?
• (21 heures) •
M. Leduc : Oui, c'est ça.
Mme Letendre (Andréane) : O.K.
Bien, moi, je pense que l'accès devrait être, l'accès à l'identité devrait être
dès la naissance pour les parents en tant que tuteurs de l'enfant et, à partir
de l'âge de 14 ans, l'enfant puisse avoir accès par lui-même à ses
informations-là pour...
21 h (version non révisée)
Mme Letendre (Andréane) : ...bonne
raison que l'on peut avoir à prendre des décisions d'ordre médical à n'importe
quel âge de notre vie, puis nos antécédents médicaux, c'est important de les
connaître toujours. C'est sûr que dans certaines situations, par exemple dans
le cas d'une adoption, peu importe, ça se pourrait que les antécédents médicaux
ne soient pas connus, mais c'est par la force des choses. Nous, c'est quelque
chose qu'on peut nous fournir, nos antécédents médicaux. Puis, c'est quelque
chose d'important d'avoir en continu parce que, exemple, si le donneur... Bien,
je vais donner comme exemple, moi, là, après que j'ai été conçue, on a
découvert qu'il y avait quelque chose qui s'appelait le VIH qui causait le
sida. Puis moi, quand j'ai été conçue, bien, le sida, c'était comme une maladie
qu'on ne connaissait pas vraiment. Il n'y avait pas de tests. Le virus n'avait
pas été identifié encore. Ça fait que, tu sais, la science évolue. Mais moi, ma
mère, quand elle est retournée après ça demander : Eh, le donneur que j'ai
utilisé, est-ce qu'il a été testé? Il a-tu testé pour le sida quelque chose?
Parce que moi, j'aimerais ça savoir. Bien, c'était impossible de lui donner
cette information-là.
Tu sais, éventuellement, la science va
évoluer. On va découvrir des maladies héréditaires. Mais quand un donneur va
faire un don de sperme ou une donneuse va faire un don d'ovules, je pense que,
tu sais, ses informations médicales, c'est une photo à un moment de sa vie. Si
dans les mois qui suivent son don, il développe un cancer qui a des composantes
très héréditaires, il faut qu'on soit capable de retourner chercher tous les
descendants qui sont issus de ce don-là puis leur dire : Écoutez, ça
serait bon que vous vous fassiez tester pour x, y, z, que vous sachiez que vous
êtes peut-être porteur de tel ou tel gène, tu sais. Déjà ça, je pense que...
puis c'est ça, c'est quelque chose qu'il faut savoir dès la naissance pour
pouvoir prendre des décisions éclairées au niveau de sa santé pour avoir une
certaine autonomie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Letendre. Je dois céder la
parole à la députée de Joliette maintenant. Merci beaucoup. Le temps passe très
rapidement. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui, merci
beaucoup, Mme Letendre. C'est très éclairant de vous entendre, donc ça met
vraiment réalité sur des concepts juridiques avec lesquels on travaille. À la
toute fin de votre mémoire, vous mentionnez, là, évidemment que beaucoup,
beaucoup de dons de gamètes proviennent de l'étranger, hein, c'est vraiment un
marché international. Avec le projet de loi actuel, est-ce que vous estimez que
malgré le fait que beaucoup de dons de gamètes proviennent de l'étranger, on va
être capable de répondre aux besoins de tous ceux qui ont été conçus, par
exemple, par insémination artificielle avec des donneurs étrangers?
Mme Letendre (Andréane) : Je
pense que ça va être difficile. Honnêtement, tu sais, je ne me fais pas d'illusion,
je le sais que, étant donné qu'il y a beaucoup de donneurs qui proviennent de l'étranger,
ce ne sera pas évident d'avoir ces informations-là. Les autres juridictions,
bien, ils sont dépendants de qu'est-ce que chaque clinique a décidé. Ça fait
que ça se peut qu'il y ait des gens qui aient accès seulement à l'âge de 18
ans. Ça se peut qu'il y ait des gens que ce soit à 16 ans, ça dépend d'où
proviennent les gamètes. Je pense que c'est important qu'on l'adopte au Québec
de la manière qu'on voudrait que ça se passe. Parce que, tu sais, si le Québec
adopte cette loi-là, on va être comme une des premières juridictions en
Amérique du Nord à abolir l'anonymat des donneurs de gamètes de manière légale.
Puis ça, selon moi, c'est un signal très fort. Il y a d'autres juridictions
ailleurs dans le monde qui l'ont fait. Puis, tu sais, je pense que celle qui
est le plus avancé, ce serait l'État de Victoria, en Australie, où est-ce qu'ils
l'ont aboli aussi de façon rétroactive. Puis, tu sais, je pense que, si on fait
ça au Québec, on vient comme envoyer un signal fort que c'est correct d'utiliser
la procréation assistée. Mais il faut le faire de manière éthique, en
respectant le descendant en priorité.
Tu sais, je dis «le descendant», dans le
fond, c'est l'enfant, mais c'est juste parce que des fois, je trouve ça un peu
condescendant de me faire traiter d'enfant, mais enfant au sens de descendant,
là. Je pense que, tu sais, c'est ça, c'est important qu'on adopte un projet de
loi comme ça qui permettrait de répondre aux besoins de l'enfant en priorité,
parce que, tu sais, ce n'est pas ça qui se fait ailleurs, là. Tu sais, quand on
met des balises au niveau de l'âge de 18 ans, de je ne sais pas quel âge, tu
sais, bien, tu sais, ça vient comme limiter la protection de l'enfant,
finalement, parce que quand on fait ça, on ne protège pas l'enfant, on protège
la clinique de fertilité, on protège le médecin, on protège peut-être le
donneur, tu sais, mais on ne protège pas l'enfant. Puis, si on veut faire un
droit de la famille qui protège les enfants, bien, je pense qu'il faut y aller
de cette manière-là en abolissant l'anonymat. Puis après ça, bien, ça donnera
peut-être le coup d'envoi aux autres juridictions de faire pareil, tu sais.
Mme Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Madame Letendre, ça a été un grand plaisir de passer
un bout de soirée avec vous. Très intéressant. Alors je vous dis encore une
fois merci. Et sur ce la commission...
Le Président (M. Bachand) :
...ses travaux jusqu'au mercredi 1er décembre après les affaires
courantes. Encore merci beaucoup, Mme Letendre. Très apprécié.
Mme Letendre (Andréane) :
Bien, merci de m'avoir permis de m'exprimer.
Le Président (M.
Bachand) : Au plaisir.
(Fin de la séance à 21 h 6)