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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 15 février 2023 - Vol. 47 N° 2

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8, Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Bachand) :Bonjour à tout le monde! Très content de vous revoir. Alors, c'est la première fois que la Commission des institutions se réunit pour étudier un projet de loi dans le nouveau mandat. Alors, très, très, très heureux, et on se souhaite un bon mandat, qui va être très occupé.

Alors donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue. La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8, Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec. Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc, nous allons débuter ce matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons par la suite les organismes suivants, soit l'Association professionnelle des notaires du Québec et le Centre de justice de proximité de Québec. J'invite donc maintenant le ministre de la Justice à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez de six minutes. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Plaisir de vous retrouver, de retrouver les membres de la Commission des institutions. Je salue mes collègues des oppositions, je salue également M. le député de Vanier-Les Rivières, Mme la députée d'Anjou-Louis-Riel, Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, Mme la députée de Laval-des-Rapides, M. le député de Saint-Jean et Mme la députée de Vimont, qui vont participer aux consultations aujourd'hui.

Écoutez, essentiellement, le projet de loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec, le projet de loi n° 8, traite quatre axes principaux dans le cadre de ce projet de loi là, et c'est un projet de loi, véritablement, qui va amener une diminution des délais, une simplification pour les citoyens, et on est très fiers d'avoir pu déposer rapidement ce projet de loi en début de mandat.

Notamment, M. le Président, dans le cadre du projet de loi, vous avez un service de médiation obligatoire et d'arbitrage automatique à la division des Petites créances. On va débuter par les dossiers de 5 000 $ et moins, donc, pour débuter; ensuite, une procédure simplifiée et accélérée à la Cour du Québec, donc les dossiers dont la valeur des litiges se situe entre 15 000 et 75 000 $; on amène une clarification des obligations de transparence et une meilleure représentativité des personnes victimes au sein du Conseil de la magistrature, donc on va nommer un membre après consultation des organismes de soutien aux personnes victimes; et on va rendre également les notaires admissibles à la profession de juge avec 10 ans de pratique. M. le Président, je crois que c'est une avancée significative pour la profession notariale, mais aussi pour l'ensemble du système de justice pour faire participer tous les acteurs du système de justice, tous les juristes qui pourront amener une contribution.

• (11 h 40) •

Donc, vous savez, au cours des dernières années, on a une augmentation des délais dans le système de justice. Il faut combattre ces délais, il faut les diminuer le plus rapidement possible, notamment à la division des Petites créances. Écoutez, on a une moyenne de 664 jours pour être entendu. Parfois, c'est des délais de trois...

M. Jolin-Barrette : ...dans certains districts, ça n'a pas d'allure, ça n'a pas de bon sens, et c'est notamment pour ça qu'on dépose le projet de loi huit. On va avoir également, je le crois, une meilleure expérience pour les justiciables. Et, lorsqu'on travaille en matière de justice, le critère le plus important, c'est la confiance du public à l'intérieur du système de justice. Et comment pouvez-vous avoir confiance lorsque vous êtes un justiciable, lorsque votre dossier est sans cesse reporté, n'est pas entendu, et que ça prend des mois, des années avant d'être entendu?

Donc, la médiation obligatoire nous permettra justement de faire en sorte de régler plus rapidement les dossiers et surtout de faire participer les individus à la solution de leur problématique. Écoutez, dans les cas de médiation, avec les projets pilotes qu'on avait déjà, il y a un taux de règlement de près de 60 %. Alors, la médiation fonctionne, mais il faut vraiment inciter les gens à l'utiliser. Par la suite, il y a l'arbitrage automatique qu'on va mettre en place. On pourra l'étudier.

Procédure simplifiée à la Cour du Québec également. Écoutez, ça fait suite au jugement de la Cour suprême. On vient faire en sorte que les citoyens, ça soit le plus simple possible et qu'ils défraient le moins de coûts possible également pour que leurs dossiers soient entendus et que les délais également soient réduits. On a toujours en tête d'avantager le citoyen, que son expérience dans le réseau de la justice soit le plus simple possible.

Troisièmement, au niveau du Conseil de la magistrature, on amène des obligations de transparence, également de saine gestion des fonds publics, et aussi, le point le plus important, qu'on fait de la place aux personnes victimes avec un représentant qui travaille dans les organismes. Je pense qu'en matière déontologique c'est fort important que les personnes victimes aient une voix au chapitre.

Et le quatrième acte du projet de loi, on permet aux notaires d'accéder à la fonction de juge. On va bénéficier de leur expertise. On diversifie l'expertise de la Cour du Québec, de la compétence, de l'expérience aussi. Et, vous savez, les notaires, ils ont une bonne expérience basée sur la médiation, sur la conciliation des parties, ce sont des officiers publics, donc ils jouent un rôle important dans le système de justice. On leur fait une place également à la magistrature. Je pense que c'est amplement mérité.

Alors, écoutez, M. le Président, je vais conclure ici. Le projet de loi à date a été salué par de nombreux groupes, vous l'aurez constaté. Je crois également que mes collègues des oppositions y voient du bon dans le projet de loi. Alors, on entame les consultations et les travaux parlementaires avec ouverture et on a bien hâte de faire un changement dans le système de justice ensemble.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de l'Acadie pour vos remarques préliminaires pour une durée de trois minutes 36 secondes. M. le député, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. Alors, bonjour à tous les collègues parlementaires et à tous les autres collègues. C'est, en fait, ma première intervention dans une commission parlementaire. Alors je suis particulièrement heureux, d'autant plus que c'est un projet de loi important. On ne peut pas être contre l'accès à la justice, on ne peut pas être contre la simplification des procédures, et c'est la raison pour laquelle nous étions tout à fait d'accord avec le principe du projet de loi. Je comprends que pour le gouvernement, il y avait également un enjeu de répondre assez rapidement, et M. le ministre y a fait référence compte tenu de cette décision de la Cour suprême du Canada. Et il y a une partie importante de ce projet de loi qui traite exactement de ça.

Cependant, dans le projet de loi, il y a également deux ajouts que je qualifierais d'innovants, c'est-à-dire de soumettre le Conseil de la magistrature à la Loi sur l'accès à l'information des organismes publics. Et donc là, ça demande réflexion. Ça va demander évidemment des explications, et on pourra le voir éventuellement, parce que vous comprendrez que l'indépendance du Conseil de la magistrature est aussi un élément qui est archi important dans notre société. Ça, c'est une chose.

Et il y a aussi donner ouverture aux notaires à l'accession à la magistrature. Et j'écoutais M. le ministre tout à l'heure quand il parlait de l'ajout de l'atout pour la Cour du Québec. Mais je pense qu'il s'agit là d'un élément très différent, qui ne s'est jamais fait et qui n'a jamais été vécu. Et d'où l'importance, évidemment, d'entendre différents groupes et associations dans le cadre de cette commission pour bien cerner l'importance et, je vous dirais, la pertinence et de voir un lien, s'il y en a un, entre l'accessibilité des notaires à la magistrature et l'accessibilité des citoyens à la justice.

Alors, je vais arrêter à ce stade, M. le Président, et je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke pour une minute douze secondes.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Je vais être très brève. De toute façon, effectivement, on voit le projet de loi d'un bon oeil, comme plusieurs de mes collègues autour de la table. J'ai néanmoins très hâte d'entendre les groupes qui vont participer aux auditions, parce qu'il y a quand même...

Mme Labrie : ...Quelques surprises sur ce projet de loi là, dont certaines qui sont susceptibles de ne pas générer de consensus. Donc on va être très attentifs aux commentaires, aux recommandations des groupes qui vont être présents afin d'avoir le meilleur projet de loi possible. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil-Dorion, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Moi aussi je vais être très brève. Bien sûr, j'adhère au principe. Je pense que l'accès à la justice, c'est quelque chose, là. Vous êtes sollicités, vous aussi dans vos bureaux de comté, on reçoit des appels, c'est long, les petites créances, puis c'est des choses qui pourraient être traitées, rapidement. Donc, le principe du projet de loi est pertinent, intéressant, puis, bien sûr, vous aurez toute notre collaboration. Bien hâte à l'article par article pour apporter certaines suggestions, bien sûr, après avoir entendu les groupes. Et je déclare d'emblée mon... je suis membre du Barreau du Québec, donc j'ai déjà reçu plusieurs appels, et mon frère est notaire, donc j'ai déjà eu aussi les conversations sur les divergences d'opinions entre avocat et notaire, c'est parti, chez nous, la grande discussion, donc je vous rapporterai certains propos fort intéressants.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme la députée de Vaudreuil. Alors donc je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association professionnelle des notaires du Québec. Ils sont en visioconférence. Alors bienvenue. Je vous rappelle que vous disposez de dix minutes pour votre présentation. Après ça, nous allons procéder une période d'échange avec les membres de la commission. Donc la parole est à vous, mais je vais vous inviter à vous présenter aussi, s'il vous plaît. Merci.

M. Houle (Kevin) : Merci beaucoup. Donc Mesdames, Messieurs les députés, bonjour. Tout d'abord, je voudrais remercier la Commission des Institutions de nous avoir invités à partager notre point de vue sur le projet de loi huit. Donc effectivement, permettez-moi de me présenter. Je m'appelle Kevin Houle, je suis président de l'Association professionnelle des notaires du Québec, donc l'APNQ, et notaire spécialisé en droit des affaires. Je suis accompagné aujourd'hui par Me François Bibeau, notaire émérite et directeur général de notre association.

Donc, d'emblée, je tiens à exprimer le soutien sans équivoque de l'APNQ au projet de loi huit qui, à nos yeux, constitue non seulement une avancée significative en matière de médiation et d'arbitrage, mais aussi d'efficacité et d'accessibilité à la justice. L'APNQ constitue donc la principale association québécoise nationale des notaires. Notre mission est de défendre, de promouvoir et de les représenter, les intérêts socioéconomiques des notaires, afin qu'ils puissent contribuer adéquatement à l'administration de la justice. Dans ce qui suit, Me Bibeau et moi-même vous présenterons les raisons pour lesquelles l'APNQ soutient le PL huit, notamment en mettant en relief les fonctions juridiques que possèdent actuellement les notaires.

En ce qui concerne la Loi sur les tribunaux judiciaires, bien, l'APNQ tient à féliciter le ministre de la Justice afin d'introduire... pour avoir introduit un amendement à cet article, à l'article 87 de cette loi qui permettrait donc aux notaires d'accéder à la fonction de juge pour la Cour du Québec. Il s'agit d'une approche courageuse et novatrice qui, selon nous, met fin à un anachronisme inexplicable, d'autant plus que cette cour est sous la juridiction et compétence provinciale. Les notaires ont, à plus d'une reprise, porté à l'attention des précédents ministres de justice qu'ils possédaient de solides connaissances juridiques ainsi qu'une robuste expérience juridique dont le système de justice pourrait bénéficier davantage. En ouvrant enfin aux notaires l'accès à la magistrature, on permet finalement à la justice et au public de tirer pleinement profit de leur contribution. À notre avis, la combinaison des fonctions du notaire, soit d'officier public, de conseiller juridique et collaborateur à l'administration de la justice, ne peut être que gagnante et faire du notaire un candidat idéal à la magistrature.

Le notaire est d'abord et avant tout un conseiller juridique compétent. Lorsqu'il agit à ce titre, le notaire jouit d'une autonomie totale. Il a l'obligation de bien conseiller son client et de voir d'abord aux intérêts de ce dernier, tout comme le fait l'avocat. La rédaction d'un avis juridique peut aussi très bien s'inscrire dans l'activité dite de conseil élargie, donc ainsi le notaire peut participer à l'éducation et à l'information des citoyens sur une législation et il peut coopérer à son application en prodiguant un avis juridique particularisé. Il y a là, nous semble-t-il, donc un champ de pratique pour lequel le notaire est bien préparé. Nous sommes donc d'opinion que le notaire, notamment en raison de sa fonction de conseiller juridique appelé à donner des conseils juridiques, est tout aussi bien préparé que l'avocat pour exercer la fonction de juge. La seule distinction, c'est que l'avocat peut plaider, mais comme on le sait, ce ne sont pas tous les juges à la Cour du Québec qui ont l'expérience préalable de la plaidoirie, et cela ne fait pas d'eux pour autant de moins bons juges. En plus, il appert, selon la législation actuelle, que l'expérience de la plaidoirie ne fasse pas partie des conditions essentielles à satisfaire pour avoir accès à la magistrature.

• (11 h 50) •

Fait important également, un notaire est un officier public, le ministre l'a dit d'entrée de jeu. Lorsque le notaire agit à ce titre, il doit faire preuve d'impartialité et bien conseiller de toutes les parties. La jurisprudence est venue rappeler cette obligation à plusieurs reprises. La Cour suprême a même reconnu que le devoir d'impartialité auquel le notaire est tenu le rapproche de celui du juge. Aujourd'hui, c'est notamment sur ce sens de l'impartialité des juges que repose la confiance du public en l'administration de la justice. Rappelons aussi que les notaires sont les seuls professionnels du droit jouissant d'une aussi grande confiance du public, et ce depuis des années. Depuis le jour un de leur formation et tout au long de leur pratique, les notaires sont conditionnés à agir avec impartialité dans l'exercice de leur mandat d'officier public...

M. Houle (Kevin) : ...ce devoir d'impartialité, enchâssé dans la Loi sur le notariat et dans le code de déontologie des notaires, fait donc partie de leur ADN, ça fait partie de notre ADN. À ceux qui objecteraient que les notaires ne peuvent être juges sous prétexte qu'ils ne sont pas à même de décider de l'issue d'un conflit, on rappelle qu'il est permis aux notaires d'émettre des opinions juridiques lorsqu'ils agissent comme conseillers pour le compte d'une seule partie. Dans ce contexte, il est loisible au notaire de se prononcer sur le bien-fondé des positions respectives des parties en litige, et même, le sort éventuel de celui-ci. Les notaires ne sont donc pas dénués de jugement juridique pour le seul motif que de trancher les litiges leur est actuellement exclu.

Avec l'adoption du p.l. n° 8, il ne fait aucun doute que les notaires devenus magistrats continueront à employer leur réflexe d'impartialité, pour garantir aux justiciables une justice objective, prévisible et digne de foi. Le notaire est aussi un collaborateur à l'administration de la justice. Le notaire exerce une charge publique, grâce au pouvoir d'authentification que lui a délégué l'État. Des auteurs considèrent même que l'indépendance notariale suit la même logique que l'indépendance judiciaire.

En plus, quant à cette collaboration à l'administration de la justice, on peut également penser au pouvoir du notaire en matière de procédure non contentieuse, entre autres, la vérification de testament et la demande conjointe, sur projet d'accord, qui règle les conséquences du divorce, entre autres. Le notaire est aussi un auxiliaire de justice. Il est habilité à représenter ses clients devant les tribunaux dans l'absence de contestation, dans plusieurs situations, donc, prévues par la loi. Depuis 1999, le notaire préside à certaines procédures non contentieuses, que le Code de procédure civile, au titre III, intitule Les règles applicables devant le notaire, et non pas Les règles applicables devant le tribunal.

Le notaire a la capacité également à gérer un litige. La gestion de conflits judiciarisés implique, entre autres, le respect du formalisme procédural et des délais de rigueur, la gestion des désaccords entre les parties ainsi que l'exercice de certains choix pour le sain déroulement de l'instance ou de l'acte juridique en cause.

À l'instar des juges, les notaires composent chaque jour avec ces considérations. Parmi ces champs d'expertise propres aux notaires, le formalisme, la procédure et les délais font partie des réalités d'un bon nombre de notaires. Dans ses dossiers, le notaire agit comme gardien du formalisme, notamment en s'assurant de l'identité, de la qualité et des capacités des parties, quand il agit comme officier public, en procédant à la rédaction des actes reflétant les ententes et le cadre légal ou procédural, selon le cas, de recevoir les sommes en fidéicommis, les sommes d'argent engagées lors d'une transaction. Respecter, évidemment, toutes les règles de forme de l'acte notarié.

Surnommé, à juste titre, le juriste de l'entente, le notaire est habitué à désamorcer les tensions. Le rôle de maître d'oeuvre qu'il occupe dans l'instrumentation de l'acte juridique et, plus généralement, la confiance qu'il inspire auprès du public le placent en bonne position pour concilier les parties et les aider à trouver un terrain d'entente avant qu'une contestation réelle ne survienne. Les notaires ayant accès à la magistrature valoriseront certainement la prévention et le règlement des différends dans les affaires soumises à la Cour du Québec.

Dans le cadre de son travail, le notaire, tout comme le juge, est confronté à des imprévus. Ceux-ci sont amenés à devoir prendre des décisions et faire des choix ayant un impact sur le déroulement du dossier. Lorsque de tels imprévus surviennent, il revient au notaire de conseiller les parties ou, du moins, les diriger sur les correctifs à apporter pour régulariser une problématique.

À la lumière des aptitudes, donc, comparables des juges et des notaires dans la gestion de leurs dossiers, l'APNQ est d'avis que le notaire, dans sa rigueur, son côté conciliateur et son éthique de travail, empreinte de principes de proportionnalité, a tout en main pour aspirer et faire honneur, effectivement, à la fonction de juge. Il faut rappeler qu'au Québec il y a déjà 15 tribunaux administratifs, et plusieurs notaires y siègent déjà à titre de juges administratifs, en y apportant leurs compétences spécifiques ainsi que leur expérience et expertise. Il faut rappeler qu'en France, Espagne, Italie tous les juristes ont accès à la magistrature. Il n'est pas requis d'être membre d'un ordre professionnel, on reconnaît la magistrature, même, de carrière, et on y retrouve également des tribunaux administratifs.

Avant de céder la parole à mon collègue Me Bibeau, bien, considérant le délai qui nous est alloué, bien, je vais laisser les membres de la commission prendre connaissance de notre mémoire, si ce n'est pas déjà fait, pour connaître les propositions et les modifications suggérées. Donc, Me Bibeau, je vous laisse la parole.

Le Président (M. Bachand) :Vous avez un peu plus de deux minutes, le temps restant. Merci.

M. Bibeau (François) :...

M. Houle (Kevin) : Je suis désolé, je n'entends pas, de mon côté. Est-ce que c'est normal?

Le Président (M. Bachand) :Votre micro, peut-être, Me Bibeau? Non, la connexion s'est perdue. On va appeler le député d'Orford... il n'y a pas de son. Est-ce que ça va, Me Bibeau, est-ce qu'on a le son? Alors, écoutez, on va débuter la période d'échange, le temps que la technologie fasse son travail, si vous êtes d'accord, Me Houle.

M. Houle (Kevin) : Oui.

Le Président (M. Bachand) :O.K., pour continuer quand même. Alors donc, on va tenter de régler tout ça en attendant, et puis, maintenant, on va...

M. Bibeau (François) :Est-ce que vous m'entendez?

Le Président (M. Bachand) :Oui, on vous entend, oui. Il vous reste... En une minute, Me Bibeau.

M. Bibeau (François) :C'est bon. Alors, j'ai tenté de trouver un autre moyen de communication. Donc, ce que j'allais vous dire, en accéléré, c'est que, comme je suis moi-même médiateur accrédité, je veux aborder...

M. Bibeau (François) :...la question de l'enjeu de la médiation. On pense que la médiation est plus que jamais un champ d'activité naturel pour les notaires. Historiquement, le notaire a toujours contribué à la prévention et au règlement des différends. Combien de fois il m'est arrivé moi-même, à titre de notaire, d'avoir, dans mon cabinet, à désamorcer des problématiques d'ordre successoral ou même à agir dans le cadre d'un dossier de transaction immobilière ou commerciale au moment où le vinaigre allait prendre pour désamorcer les situations.

De ce point de vue là, les amendements apportés aux articles 1, 2 et 16 du p.l. 8 et 4 et 7 du Code de procédure civile constituent un progrès notable, dans la mesure où ils reflètent les modifications qui ont été apportées par certains législateurs européens dans leurs codes civils respectifs. Selon nous, les clauses de médiation qui sont prévues dans les contrats pourront contribuer au désengorgement des tribunaux. Dans la mesure où elle réduit le stress relatif aux conflits et où elle offre un processus de résolution simple et nettement moins procédural, nous sommes convaincus que la médiation permet de résoudre une multitude de conflits rapidement, efficacement et à moindre coût, tant pour le contribuable que pour l'État.

L'APNQ participe, par l'entremise de son Centre de médiation et d'arbitrage notarial, qu'on appelle le CMAN, à la promotion de la médiation comme méthode alternative de résolution des conflits, et ce, autant auprès de la communauté notariale que du public. Depuis 2015, le CMAN regroupe plusieurs notaires, médiateurs et notaires arbitres.

Par ailleurs, l'APNQ a publicisé le projet pilote du ministre de la Justice concernant la prémédiation qui a généré davantage de demandes en médiation aux petites créances, et les notaires sont très intéressés de participer au processus. Ainsi, l'APNQ a mis sur pied des séances de formation destinées à ces derniers, séances qui, chaque fois qu'elles furent tenues, ont atteint le nombre maximal de participants. Plusieurs notaires sont déjà, d'ailleurs, inscrits sur la liste d'attente pour le calendrier 2023. Donc, avec les orientations données par le p.l. 8, l'APNQ serait même prête à augmenter son offre de services afin de satisfaire la demande grandissante des notaires pour la médiation.

Me Houle, je vous cède la parole pour la conclusion.

M. Houle (Kevin) : Je ne sais pas s'il reste quelques secondes, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Allez-y, Me Houle.

M. Houle (Kevin) : Bon, bien... Donc, tout ce que je voulais simplement... c'est que l'arrivée des notaires comme juges à la Cour du Québec enrichira bien certainement cette cour d'une complémentarité de différentes expertises. On vous rappelle qu'effectivement les notaires jouissent d'une grande confiance du public, et, par ce projet de loi, en plus de l'importance de devoir désengorger les tribunaux, le législateur semble vouloir assurer une représentativité de la communauté juridique au sein de la magistrature québécoise en donnant accès aux notaires et leurs compétences.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. Donc, la période d'échange va débuter. Il reste un bloc de quinze minutes du côté gouvernement. M. le ministre, s'il vous plaît, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Salutations, Me Houle, Me Bibeau. Merci beaucoup de venir en commission parlementaire et d'avoir déposé votre mémoire pour l'Association professionnelle des notaires du Québec. Écoutez, d'entrée de jeu, j'aimerais ça que vous m'expliquiez qu'est-ce que le notaire peut faire actuellement en matière de procédures... de dossiers litigieux, mais non contestés à la cour. Quel est le rôle du notaire actuellement?

M. Houle (Kevin) : Donc, si je comprends bien, c'est, par exemple, le rôle du notaire dans le cadre d'une procédure non contentieuse devant le tribunal par exemple ou...

M. Jolin-Barrette : Oui. D'un dossier litigieux non contesté, supposons.

M. Houle (Kevin) : O.K. Bon, bien, effectivement, dans un cas où c'est non contentieux, le notaire peut faire les représentations, que ce soit pour, par exemple, l'acquisition des droits de propriété d'un bien immeuble par prescription acquisitive, la nomination d'un tuteur à l'enfant, remplacement d'un tuteur, nomination d'un liquidateur. Bon. À chaque fois que le Code civil mentionne par exemple que telle nomination peut se faire suivant l'ordonnance du tribunal, mais le notaire, à partir du moment où il n'y a pas de contestation, bien, est capable d'aller faire des représentations. On pense par exemple à la nomination d'un fiduciaire, replacer un fiduciaire, des éléments comme ceux-là.

M. Jolin-Barrette : Donc, actuellement, dans les palais de justice du Québec, il y a déjà des notaires qui vont devant la cour pour faire des représentations sur certains dossiers. Ça existe, là, des notaires dans les palais de justice actuellement?

M. Houle (Kevin) : J'en suis un. Non... Oui. Donc, effectivement, que ça soit en requête en prescription ou des radiations d'éléments, là, sur le registre foncier, de charges quelconques. Mais effectivement j'en connais un paquet. Mais oui, effectivement, il y en a.

• (12 heures) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis ça fonctionne bien?

M. Houle (Kevin) : Ça fonctionne bien parce que je reçois des jugements, mes collègues reçoivent des jugements, et, avant d'obtenir le jugement, on parle à qui de droit. On fait en sorte qu'effectivement la personne n'ait pas à se présenter devant le tribunal pour aller finalement dire : Je n'avais pas compris. Vous comprenez? Donc, on désamorce. C'est ce qu'on disait d'entrée de jeu. On désamorce. Le notaire désamorce les malentendus qu'il peut y avoir pour qu'au final les gens... bien, on reçoit un jugement puis voilà.

Et Me Bibeau, bien, effectivement, tu as peut-être un élément à rajouter.

M. Bibeau (François) :Bien, si je peux ajouter... Donc, les notaires sont déjà aguerris sur les règles de procédure dans ces dossiers-là. Il y en a beaucoup, de confrères, qui se spécialisent dans ces domaines-là. Qu'on pense aussi aux divorces à l'amiable, tous les dossiers où les gens ne contestent rien, ils sont d'accord sur le processus de divorce, où le notaire va avoir accompagné les parties, soit comme médiateur ou soit comme notaire, pour en venir à des modes de séparation. Donc, si d'aucuns prétendent que les notaires ne sont pas...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Bibeau (François) :...avec les règles de forme et de procédure dans les palais de justice, bien, comme vous dites, M. le ministre, les palais de justice sont fréquentés par bon nombre de notaires à tous les jours, là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Alors là, c'est intéressant, le point que vous amenez, vous dites que les notaires sont déjà familiers avec la procédure civile puis déjà avec les règles de pratique devant les tribunaux, pour certains sujets devant les tribunaux. Donc, ce n'est pas inusité, là, ça ne sort pas de nulle part, les notaires travaillent déjà avec les différentes règles de procédure, avec la procédure civile.

M. Bibeau (François) :Exactement.

M. Houle (Kevin) : Les notaires consultent le Code de procédure civile, effectivement, tout comme les confrères avocats.

M. Jolin-Barrette : O.K.. J'aimerais ça que vous me parliez du rôle de décideur d'un notaire. Tout à l'heure, vous avez dit : Il y a des notaires qui sont déjà juges administratifs puis il y a déjà des notaires qui font de l'arbitrage. Donc, il y a déjà des gens, des notaires, des membres de la Chambre des notaires qui font ce genre de pratique là.

M. Houle (Kevin) : Bien, de mon côté, sans savoir les statistiques, effectivement, précises, des notaires nommés à ce titre, mais plusieurs notaires sont déjà juges décideurs ou décideurs au plan du Tribunal administratif du logement, si je ne me trompe pas, également, de la CPTAQ, si je ne me trompe pas, mais, effectivement, donc, ces notaires-là sont pourtant capables de présider des séances au sein de tribunaux administratifs.

M. Jolin-Barrette : Et là, dans le cadre de... Lorsque les notaires sont juges administratifs ou sont arbitres, j'imagine qu'il rédige des décisions déjà appuyées sur le droit puis sur la jurisprudence, comme un juge le fait à la Cour du Québec ou, lorsqu'on a un juge municipal, à la cour municipale. J'imagine que les notaires, il y en a certains déjà qui rédigent, là, des jugements.

M. Houle (Kevin) : Effectivement. Si ces notaires-là ont eu accès à ce poste-là, de décideur administratif, il y a fort à parier qu'ils sont en mesure et capables de faire la rédaction sur la base de jurisprudence et d'anciens... mais effectivement. Puis il ne faut pas se cacher non plus que ces décideurs-là ou des juges, même, ont des équipes, veux veux pas, mais effectivement je pense que, de devoir faire un jugement sans se baser sur la jurisprudence ne serait peut-être pas un jugement qu'on voudrait nécessairement vivre.

M. Bibeau (François) :Il faut aussi se souvenir que le notaire, on le considère, à plus d'un titre, comme un expert de rédaction de contrat, de rédaction d'acte. Alors, quand vient le temps de faire une rédaction soutenue au niveau juridique, il est en mesure de le faire aussi.

Et, à ce niveau-là, à chaque fois qu'il y a eu de nouvelles sphères d'activité qui se sont ajoutées à la pratique notariale, des formations plus adéquates, plus spécifiques ont été mises en place. Je me souviens, entre autres, lorsque le Code de procédure civile a été modifié pour permettre aux notaires de présenter des requêtes en divorce à l'amiable, bien, on a eu une formation très, très pointue, qui était présentée, à l'époque, par la Chambre des notaires, où il y avait une notaire et une avocate qui avaient préparé une formation pour mettre les notaires à niveau, donc pour pouvoir venir faire les petites nuances dans leur nouveau travail qui s'ouvrait à eux.

Alors, ce genre d'activité là pourrait être repris ici, bien entendu, mais j'imagine qu'à la Cour du Québec il y a déjà une formation qui est donnée aux nouveaux juges qui arrivent en fonction, de toute façon.

M. Jolin-Barrette : Je voulais vous demander, voyez-vous un risque pour la protection du public, un préjudice pour le public à ce que les notaires deviennent juges à la Cour du Québec ou juges dans une cour municipale? Est-ce qu'il y a un danger là? Est-ce que les notaires ont les aptitudes et les qualifications requises pour accéder à la fonction de juge et, de façon corollaire, est-ce qu'il y a un risque pour la protection du public?

M. Houle (Kevin) : Bien, évidemment, nous pensons que non. Et je pense que cette question-là... je serais curieux d'entendre effectivement cette question-là adressée à des avocats, par exemple : Est-ce qu'il y a un risque pour la protection du public si un avocat qui ne fait que du droit bancaire tout au long de sa vie est nommé juge à la Cour du Québec? Vous comprenez? Est-ce que cet avocat-là a pourtant les compétences pour juger en droit civil, en droit des obligations et contrats nommés. Donc, si la réponse...

M. Jolin-Barrette : Pouvez-vous me parler de l'étendue de l'expertise des membres de la Chambre des notaires? Est-ce que... Parce que, peut-être, pour les moins initiés, parfois, l'image du notaire, c'est, et je ne le dis pas de façon péjorative, là, mais c'est le notaire de campagne qui fait uniquement de l'immobilier. Est-ce que vos membres ne font que des transactions immobilières et des hypothèques ou les sujets qui sont traités maintenant par les membres de la Chambre des notaires sont extrêmement variés? Est-ce que les notaires se retrouvent à travailler en collaboration avec les avocats dans des bureaux conjoints? C'est quoi, la pratique notariale, là, en 2023?

M. Houle (Kevin) : Bien, c'est une belle question, parce qu'effectivement le droit immobilier est une expertise en soi, mais les notaires font du droit des affaires, je fais du droit des affaires, du droit corporatif, donc une fusion d'entreprises, une relève d'entreprise. Effectivement, moi, mes vis-à-vis, souvent, de l'autre côté, ce sont des avocats. Donc, je fais du droit, principalement, immobilier...

M. Houle (Kevin) : ...je fais de l'institutionnel. Donc, les notaires font également des règlements de successions complexes, moins complexes, successions en faillite, des successions qui valent des dizaines de millions de dollars, donc c'est des gros dossiers de longue haleine. Les notaires font du droit bancaire, du droit international, pour certains, privé. Donc, effectivement, souvent, on pense... Et, moi-même, je fais beaucoup de représentations dans les facultés de droit depuis quelques années, et on parle aux étudiants pour leur dire effectivement que, les notaires, quand on pense aux notaires, bien, on pense aux testaments, aux transactions immobilières. Et moi, je leur dis un peu à la blague : Je n'ai jamais fait de testament et ça ne m'intéresse pas. Donc, ce n'est pas mon genre de clientèle, ce n'est pas le genre de droit que je pratique, mais, effectivement, j'ai un paquet de collègues qui est en forme.

Donc, tout comme les avocats, les notaires se spécialisent et d'autres avocats... d'autres notaires, tout comme les avocats, touchent un peu plus à tout, mais plus à tout... Mais effectivement, depuis quelques années, moi-même, là, j'en suis un, donc, un notaire qui pratique dans un milieu... un champ qu'on relie beaucoup... souvent moins traditionnellement aux notaires, effectivement.

M. Bibeau (François) :Si je peux me permettre, en complément, selon les dernières statistiques que j'ai vues à l'ordre, à l'ordre de la Chambre des notaires, il y a à peu près un quart de la profession, un petit peu plus qu'un quart de la profession notariale qui œuvre dans ce qu'on appelle un milieu non traditionnel, donc ce sont des juristes en soi qui ne font rien de ce qu'un notaire traditionnellement va être appelé à faire. Ce qu'on appelle un notaire traditionnel, là, c'est ce qu'on connaît, là, le notaire qui fait des testaments, des successions puis des financements hypothécaires des ventes. Mais là... Puis moi, à titre de président de l'ordre à l'époque, je me souviens avoir déjà remis une distinction à un membre de l'ordre qui faisait, et tenez-vous bien, du droit spatial. J'ai jasé un petit peu avec lui pour savoir qu'est-ce que ça fait un notaire en droit spatial, mais c'est... Je vous relate ça simplement pour vous dire qu'à la base le notaire, c'est un juriste, c'est quelqu'un qui a fait son cours en droit et pour qui les portes sont ouvertes pour faire tout ce qui touche le droit. Alors, la seule chose qu'il ne peut pas faire, c'est plaider.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je voudrais vous demander : Qu'est-ce que vous pensez de la médiation obligatoire pour les petites créances puis le fait, bon, que les notaires pourront être... oui, médiateur, c'est déjà le cas, déjà, arbitre également, mais le fait qu'on rendre la médiation obligatoire selon l'expertise, là, que les notaires ont dans le cadre de leur pratique?

M. Houle (Kevin) : ...je vais vous laisser.

M. Bibeau (François) :Oui, si je peux me permettre, bien, c'est sûr que ça peut surprendre certains parce que, vous savez, il est de la nature même de la médiation qu'elle soit volontaire. Alors, souvent, quand on vient dire qu'on oblige un processus de médiation, ça en frustre certains, ça en choque certains. Mais rappelons-nous que... même ici, au Québec, qu'on demande, dans le cadre d'une médiation familiale, qu'il y ait au moins une amorce qui soit faite au niveau d'une séance d'information sur la question, et puis pour permettre aux gens de vraiment savoir ce que c'est que la médiation. Alors, il y a une chose qui demeure, c'est que les gens ne sont pas obligés de s'entendre, là. Ils doivent entamer le processus de médiation, mais ils n'ont pas une obligation de résultat, là. C'est une obligation de moyens pour en venir à une entente.

Et ce qu'on vous relatait dans ce qu'on vous a présenté, c'est que plusieurs pays d'Europe ont adopté cette méthode-là de venir dire, on oblige la médiation dans certaines sphères de nos activités. Donc, on pense que c'est un tournant intéressant qui est proposé ici par le pl 8 et on est certains que ça va contribuer à désengorger les tribunaux parce que tous ces gens-là qui ne sont pas allés à la médiation en ne sachant pas trop ce que c'est, bien, en se faisant obliger d'aller vers cette voie-là, vont sûrement trouver, pour certains en tout cas, un moyen d'en venir à la conclusion à l'amiable ou raisonnée de leurs différends, sans être obligés de mobiliser une cour avec un magistrat et tout l'appareil qui en découle.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Maître Houle, Me Bibeau, je vous remercie. Je vais céder la parole à mes collègues, mais merci beaucoup pour votre présence en commission parlementaire.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre.

Une voix : Ça fait plaisir.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît, il vous reste 3 min 50 s

• (12 h 10) •

Mme Bourassa : Parfait. Merci beaucoup. Bonjour. D'abord, en page 5 de votre mémoire, vous rappelez que la formation, autant des avocats et des notaires, est similaire avec le baccalauréat en droit et la maîtrise en notariat, mais vous tablez, là, sur une différence : la confiance du public. Vous dites qu'un lien particulier s'est créé avec les Québécois, que les notaires font partie des métiers, là, envers qui la population a le plus confiance. Ma question : Est-ce que l'accès au rôle de juge, pour un notaire d'expérience, va contribuer à renforcer la confiance des usagers envers le système de justice? Parce que c'est aussi un objectif.

M. Houle (Kevin) : Bien, à notre avis, effectivement, oui, parce que, depuis quelques années... Je vois ici la statistique... c'est souvent entre 85 %, 87 %, là, où les gens ont confiance au notaire, là, suivant les sondages. Mais effectivement on pense qu'à partir du moment où les gens constatent que des notaires envers qui on a confiance, qu'on a côtoyé ne serait-ce qu'une seule fois, au moins, peut-être, dans une vie... des fois, on peut passer une vie sans nécessairement avoir vu un avocat, mais un notaire, à un moment donné, on y arrive. Bien, effectivement, de voir que ces notaires-là... bien que le gouvernement, le législateur, bien, permet à ces notaires-là envers qui on a confiance d'avoir accès à la magistrature, bien, on est totalement d'avis, effectivement, qu'il va y avoir un effet positif sur...

M. Houle (Kevin) : Sur la confiance que les gens pouvaient avoir, là, vis-à-vis la magistrature et la cour dans son ensemble.

17 859 Le Président (M. Bachand) :Merci. Ça va?  Alors, M. le député de Saint-Jean. Il reste deux petites minutes M. le député.

17 879 M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Je n'abuserai pas. Bonjour, messieurs.

Une voix : Bonjour.

17 879 M. Lemieux : Vous avez commencé en disant que c'était courageux et novateur que d'aller vers la nomination de notaires au poste de juge. Ça fait combien de temps que vous attendez ça?

M. Houle (Kevin) : Me Bibeau, je dois le dire, Me Bibeau est plus âgé que moi. Il pourrait peut-être répondre.

M. Bibeau (François) :Je m'en vais sur ma 36 ᵉ année comme notaire. J'ai été membre du conseil d'administration de l'ordre pendant 15 ans. Et de mémoire, je ne me souviens pas de jamais avoir entendu un président de l'ordre ou des professeurs de droit, notaires, nous dire que c'est inconcevable parce qu'on a la même formation, parce que nous avons d'éminents confrères. Donc, je peux vous dire que c'est... On parle en termes de décennies, là, plusieurs décennies.

17 879 M. Lemieux : De là vos larges sourires depuis qu'on vous entend à cette commission. Je sais, puis tout le monde le sait, c'est l'éléphant dans la pièce, qu'il y a un ordre. Là, vous, vous êtes les notaires. Il va y avoir les avocats qui vont se présenter à nous, qui ne sont pas aussi enthousiastes que vous. Sans pouvoir encore les entendre en ce moment, vous allez leur répondre quoi comme, pas nécessairement ici, mais en général parce que vous connaissez bien leurs appréhensions, là?

M. Houle (Kevin) : Bien, ce qu'on va leur répondre? Suite à la lecture de notre mémoire et de nos collègues collègues notaires, j'imagine, bien leur répondre qu'effectivement, depuis des centaines d'années, les notaires sont près de la population, les notaires ont une formation juridique, les notaires se spécialisent, sont des experts dans le secteur du... dans certains secteurs du droit, tout comme les avocats sont des experts dans d'autres secteurs du droit, mais qu'au final, c'est important qu'au Québec, en Amérique du Nord, que les notaires qui sont uniquement ici ou présents au Québec, bien, que ces notaires-là, qui sont des juristes, conseillers juridiques, aient accès à la magistrature pour apporter leur expertise, leur point de vue. On l'a dit tantôt, l'ADN des notaires, bien, on est formé à être impartial à titre d'officier public. Donc, effectivement, je pense que c'est ce qu'on va leur répondre. On l'a dit tantôt, là, c'est un anachronisme, dans un sens, le fait que les notaires, aussi compétents qu'on le soit, n'aient pas encore accès, là, à la magistrature.

17 859 Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Alors je me tourne maintenant vers l'opposition officielle pour un bloc de 9 min 54 s, M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

19 253 M. Morin : Merci, M. le Président. Merci, Me Houle et Me Bibeau, pour votre mémoire et votre exposé ce matin, mémoire que j'ai lu avec avec beaucoup d'attention. Je comprends que vous représentez l'APNC, une association de notaires et non pas la Chambre des notaires. Et est-ce que vous représentez tous les notaires qui sont inscrits à la chambre? Ou comment, en fait, se dégage votre membership puis quelle est la distinction entre les deux?

M. Bibeau (François) :Si je peux répondre, on est en pleine période de recrutement, c'est-à-dire de renouvellement d'adhésion. À l'heure actuelle, on a quelque 1 500 notaires qui ont adhéré volontairement. Il faut dire que l'APNQ, c'est le plus important regroupement de notaires à adhésion volontaire. Alors, l'ordre, on n'a pas le choix, hein, il faut être membre, mais l'APNQ, bien, on peut choisir de ne pas en être. L'année dernière, là, au 31 décembre, on avait fini l'année avec 1 850 notaires. Donc, pratiquement 50 % de la population notariale sont membres à l'APNC. Et là, bien, comme je l'ai dit tout à l'heure, sur à peu près 4 000 notaires, il faut comprendre qu'il y a à peu près 1000 notaires qui sont soit dans les ministères, dans les municipalités, donc, qui n'oeuvrent pas en cabinet privé. Donc, on a la prétention de penser qu'on a la grande majorité des notaires en cabinet privé qui sont membres de l'APNQ.

M. Houle (Kevin) : Si je peux me permettre, je veux simplement préciser qu'effectivement on parle au nom de nos membres, mais effectivement notre mandat est, entre autres, de faire rayonner le notariat. Donc, on parle au nom du notariat, à titre d'acteur dans le système de justice et dans le système judiciaire, oui.

19 253 M. Morin : Donc, je comprends... Alors, si je comprends bien votre réponse, donc, le but de votre association, c'est de faire finalement le rayonnement, la promotion. La chambre, elle, comme ordre professionnel, vise notamment à encadrer la profession et la protection du public.

M. Houle (Kevin) : Effectivement.

19 253 M. Morin : Ce qui est plus le mandat de la chambre.

M. Houle (Kevin) : Effectivement. Et l'APNQ a eu 25 ans l'an passé. Donc, ça fait des années qu'on travaille sur cet aspect.

19 253 M. Morin : Parfait.

M. Bibeau (François) :Si je peux me permettre, M. le député, une des grandes parties des travaux de l'APNQ vont vers la... va vers la formation des membres. Alors, on est en relation avec l'ordre à ce niveau-là parce qu'on pense que certaines formations relèvent beaucoup plus de l'association. Et à ce niveau-là, les formations que l'association met sur pied sont accessibles par tous les notaires, qu'ils soient membres ou non.

19 253 M. Morin :Très bien. Je vous remercie. Dans le projet de loi, on parle évidemment beaucoup de médiation. Vous avez fait état...

M. Morin : ...Des compétences que vous avez en médiation. Mais je comprends qu'avec la médiation qui va devenir obligatoire, puis que l'idée c'est évidemment d'enlever des dossiers litigieux devant les tribunaux, les envoyer en médiation, est-ce que vous allez être capables de faire face à cette demande? Parce que forcément, il va y avoir beaucoup plus de médiation, on veut que ça soit obligatoire, comment vous entrevoyez ça? Comment vous allez être capables, avec ce que vous avez présentement comme effectifs, de remplir finalement ce mandat qui vous serait confié par la loi?

M. Bibeau (François) :Bien, Il faut se souvenir que les notaires sont des médiateurs qui peuvent participer à l'effort à ce niveau-là. Mais ce ne sont pas les seuls, hein, Il ne faut pas oublier que nos confrères avocats sont aussi médiateurs pour certains et participent aussi. Donc, on vient ajouter l'épaule à la roue, à l'effort des juristes pour pouvoir aider à désengorger les tribunaux. Et comme je l'ai mentionné dans mon exposé, lorsque la prémédiation a été lancée, on a déjà publicisé cet élément-là et on a ressenti un très grand enthousiasme de la part des notaires pour devenir médiateurs aux petites créances. On a déjà dispensé deux formations à ce niveau-là, et c'était plein à chaque fois. Et déjà, on a des gens d'inscrits sur notre liste. Alors, ce que je mentionnais tout à l'heure pour pouvoir faire face à la demande, on serait même prêts à augmenter le nombre de formations à ce niveau-là pour permettre d'accélérer le processus et permettre une plus grande formation de médiateurs notaires.

M. Houle (Kevin) : Bien, je pense que ce n'est pas inutile de préciser qu'effectivement que le CMAN, on en parlait tantôt, le centre d'expertise et médiation notariale, donc relié à l'APNQ, bien, se penche exclusivement sur cet aspect-là, là, et ce depuis quelques années déjà, là.

M. Bibeau (François) :Effectivement.

M. Morin : Bien, je vous remercie. Parmi le sommaire de vos recommandations, il y en a une qui vise particulièrement la composition du Conseil de la magistrature. Le projet de loi permet la place pour un notaire, vous en voulez deux, pourquoi deux? Pourquoi pas trois? Un, ce n'est pas suffisant? Enfin, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Houle (Kevin) : Bien, c'était simplement pour faire en sorte que nécessairement, au niveau de la représentativité, que tant les notaires que les avocats aient le même droit de parole et le même poids au niveau du conseil lui-même.

M. Morin : Je vous remercie. Dans votre mémoire à la page quatorze, quand vous parlez, parce qu'on a parlé beaucoup de l'accessibilité possible, éventuellement, si le projet de loi est adopté, à ce que les notaires puissent devenir membres de la magistrature, vous faites une distinction, vous décrivez ce qu'est un notaire en droit civil, puis vous... Il y a aussi une référence aux autres provinces canadiennes. Mais on s'entend que dans les autres provinces canadiennes, l'institution du notariat, comme on la connaît au Québec, n'existe pas. Donc, il est normal que dans les autres provinces, à un moment donné, ils puissent devenir membres de la magistrature. Parce que, ce que je comprends, c'est que c'est des avocats qui peuvent aussi être ce qu'on appelle des «notary public», mais qui n'ont rien à voir avec un notaire au Québec. Donc au fond, quand vous dites : au Québec, c'est le seul endroit où le notaire diplômé en droit n'a pas accès à la fonction de juge, bien, forcément, on ne peut pas faire autrement. On se comprend?

M. Bibeau (François) :Et c'est un peu ça dont Me Houle voulais parler. Quand on parle d'anachronisme, c'est qu'on croit que tout ça découle de ce fait-là. C'est-à-dire que, quand il a été question d'établir les règles et... Dans la Constitution, de prévoir que les candidats à la magistrature doivent être membres du Barreau, selon nous, ce qui est arrivé, c'est qu'on a tout simplement reproduit ça mutatis mutandis pour le Québec, en oubliant qu'il y avait deux chambres professionnelles au Québec. Et à ce moment-là, on a continué sur cet air d'aller là depuis des décennies, des siècles. Mais techniquement, on parle de juristes à part entière, le notaire en droit, le notaire typique de droit latin, n'est pas un «notary public», comme vous avez dit, ce n'est pas un simple commissaire à l'assermentation. Alors, il faut le comprendre à ce niveau-là.

• (12 h 20) •

M. Morin : Absolument. Puis c'est absolument deux choses qui sont totalement, totalement différentes. Donc, vous n'avez pas peur que le fait qu'éventuellement des notaires puissent accéder à la magistrature, ça dilue l'importance de son rôle comme officier public qui peut être capable de conseiller l'ensemble des parties dans le cadre d'un problème juridique quelconque?

M. Houle (Kevin) : Bien, à ce stade-là, je pense que le notaire qui agit comme officier public, donc pendant sa carrière, conserve son titre d'officier public impartial. À partir du moment où d'autres collègues notaires ont accès à la magistrature, ces notaires-là ne seront plus des officiers publics mais deviendront des juges. Un n'empêchera pas l'autre pour le reste de la communauté notariale, là.

M. Bibeau (François) :Et d'ailleurs, si je peux me permettre, ce changement de chapeau et de rôle là, on le connaît déjà. On voit que des juges qui prennent leur retraite retournent souvent à la pratique à titre d'avocats dans de grands cabinets d'avocats-conseils...

M. Bibeau (François) :...on ne les appelle plus, M. le juge. Ils deviennent et ils reprennent leur statut d'avocat et ils continuent à agir avec partialité pour leurs clients.

M. Morin : Et, dans votre exposé, quand vous avez parlé... vous avez cité des exemples de l'Espagne, de la France, de l'Italie. Et, quand on parle de l'accession à la magistrature dans ces pays-là, on s'entend que le système est complètement différent, et qu'au fond, dans ces pays-là, quand quelqu'un veut accéder à la magistrature, c'est avant même qu'il devienne avocat ou notaire.

M. Bibeau (François) :Tout à fait. Il y a même une école de la magistrature, hein? Il s'agit d'avoir son baccalauréat en droit pour accéder à l'école de magistrature. Donc, ce n'est pas un prérequis que de faire partie d'un ordre professionnel pour en être, donc c'est vrai que c'est différent. Mais on a soulevé ce point-là simplement pour bien faire comprendre en fait que le notaire est un juriste à part entière, au même titre que l'avocat. On ne veut rien enlever aux avocats, là. On ne vient pas dire... On ne va pas dire que ce n'est pas des bons juges, ce n'est pas ça du tout. On vient simplement dire qu'on a certains des membres de notre profession qui pourraient facilement accéder à la magistrature et être de très bons juges.

M. Morin : Et, pour vous, le fait, par exemple, qu'un notaire n'ait pas nécessairement d'expérience en litige et en rédaction de procédures dans la vue d'un litige, ça ne pose pas de problème pour qu'éventuellement un notaire puisse accéder à la magistrature.

M. Houle (Kevin) : Effectivement, pas du tout, ça ne cause pas de problème considérant qu'actuellement il y a déjà des avocats qui ont accès à la magistrature, qu'ils n'étaient pas non plus les spécialistes dans cette matière-là.

Le Président (M. Bachand) :...

M. Morin : C'est terminé. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Sherbrooke pour trois minutes 18 secondes. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Vous avez mentionné tout à l'heure que, quand un avocat accède à la magistrature, il y a des formations à suivre lui-même, vraisemblablement. Est-ce que vous estimez qu'un notaire qui accéderait à la magistrature aurait besoin de formation spécifique, par exemple en matière de règles de preuve ou...

M. Houle (Kevin) : À partir de là, je pense que ça dépend du profil. Donc, je ne pense pas qu'on puisse répondre de manière globale et générale, là, ça dépend du notaire... ou... comme ça dépend de l'avocat qui est nommé juge.

Mme Labrie : Il n'y a pas de besoins spécifiques, là, pour une personne qui proviendrait du notariat, qui accéderait à la magistrature, de votre point de vue.

M. Houle (Kevin) : À ma connaissance, non, de manière globale, ce serait selon le profil.

M. Bibeau (François) :Par exemple, on parlait tout à l'heure de certains notaires qui ont déjà accès au palais de justice pour représenter leur client, bien, les règles de preuve, ils les connaissent bien, ils savent quels sont les documents qu'ils doivent présenter. Alors on ne pense pas... Et d'ailleurs à titre... Il faut le mentionner, à titre d'officier public, lorsque le notaire prépare des actes authentiques, il contribue à tout le processus de preuve. C'est-à-dire que, lorsqu'un avocat présente en cour un acte notarié, qui est un acte authentique, bien, tu n'as pas de meilleure preuve que ça parce que ça peut difficilement être contesté.

Alors, ce sont des règles qui sont connues et qui font partie du cheminement, hein, du cursus universitaire pour avoir un bac en droit. Il s'agira pour le notaire qui n'a pas pratiqué dans ces matières-là de se les remettre en tête, là, tout simplement.

Mme Labrie : Donc, il faudrait que ça soit peut -être un peu plus à la carte.

J'ai une question pour vous, monsieur Bibeau, plus spécifiquement parce que vous avez dit que vous êtes médiateur vous-même. D'habitude, l'approche en médiation repose sur le volontariat, donc vous êtes probablement plus habitué de travailler avec des gens qui ont de l'intérêt pour aller en médiation sur leur dossier. Ça doit être une tout autre histoire de faire affaire avec des gens qui se font imposer la médiation. Est-ce que vous estimez que la formation offerte actuellement aux médiateurs est adéquate pour préparer les gens à faire affaire à des gens qui se font imposer la médiation?

M. Bibeau (François) :En fait, oui, parce que, vous savez, dans le monde de la médiation, il n'y a pas juste les juristes qui interviennent, hein, il y a aussi les travailleurs sociaux, les psychologues et les conseillers en orientation, et ils ont une approche qui est différente. Alors, on n'y va pas sur l'approche adversariale, mais plus sur les besoins des gens. On va travailler là-dessus en médiation.

Alors, par exemple, il m'est arrivé à plus d'une reprise, avec des gens qui étaient en médiation familiale, de faire face à quelqu'un qui était complètement fermé, là, tout le long du processus. Puis ton but, là, en tant que médiateur, c'est d'y faire décroiser les bras tranquillement, pas vite, en lui faisant comprendre qu'il a tout intérêt à participer à la solution plutôt que de se la faire imposer. Et souvent c'est comme ça qu'on va apporter... amener les gens à collaborer, à contribuer. Ce n'est pas toujours facile, mais il y a des techniques. Il y a des techniques qui existent, comme, par exemple, la médiation par caucus, un peu ce que les juges font dans les conférences de règlements à l'amiable, là. Quand c'est trop difficile, que les gens soient en présence l'un de l'autre, on peut y aller par caucus pour dénouer les impasses.

Moi-même, lorsque j'étais président de l'Ordre, j'ai eu à faire ce qu'on appelle les médiations présidentielles. C'est le seul ordre professionnel, la Chambre des notaires, où existe ce processus-là. Quand deux notaires ont des contentieux entre eux, ils doivent soumettre leur dossier à la médiation présidentielle. Et je peux vous dire que souvent, là, mes collègues arrivaient, là... ils n'étaient pas trop, trop ouverts... ça ne leur tentait pas, là, ils avaient juste hâte d'aller confier leur dossier à un avocat. Mais, vous savez...

M. Bibeau (François) :...que le taux de réussite est très bon, hein, à plus 60 %, les gens sortent de notre bureau avec une entente où ils se sont entendus. Donc, je suis très, très confiant. C'est un autre processus. On n'a jamais l'obligation de s'entendre. On leur dit en partant, ils se sentent libres par rapport à ça, mais ils ont tout intérêt à le faire, puis là on leur explique comment on va procéder pour le faire.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Bibeau. Mme la députée de Sherbrooke, merci beaucoup.

Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît, pour 3 min 18 s.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Est-ce que je dois comprendre que l'APNQ donne la formation à ses membres pour devenir médiateur?

M. Bibeau (François) :Oui, tout à fait. La médiation, au niveau des petites créances, on a déjà des formations qui sont dispensées à ce niveau-là. Comme je le disais tout à l'heure, elles sont toujours à salle comble. On en a une, là, qui devrait être annoncée dans notre calendrier de formation pour l'automne prochain.

Mme Nichols : Parfait. Merci. Vous avez parlé — puis là j'y vais... des questions en rafale, j'ai un petit peu moins de temps — vous avez parlé qu'il y a certains notaires qui siègent déjà comme juges administratifs ou, en fait, comme arbitres. Est-ce que vous avez répertorié, là, il y en a combien, de juges administratifs qui sont notaires qui siègent présentement?

M. Houle (Kevin) : Non, c'est ce que je soulignais tantôt, c'est qu'on n'a pas les statistiques officielles en ce sens. C'est plutôt de la reconnaissance, là.

Mme Nichols : Puis vous avez dit aussi tantôt, là, que vous allez souvent à la cour, évidemment, là, pas nécessairement pour plaider, mais, j'imagine, à titre de témoin expert, expert dans un dossier. Vous dites que vous croisez souvent, là, des notaires à la cour. Moi, j'en croise rarement. Vous en croisez combien quand vous allez à la cour?

M. Houle (Kevin) : Bien, ce que j'ai dit, tantôt, moi, c'est que ce n'est pas moi, je ne croise pas les notaires, je connais des notaires qui vont à la cour pour présenter des demandes, donc ce n'est pas moi qui les croise nécessairement. Puis je vais vous avouer que je ne parle pas non plus à tous ceux qui m'entourent à la cour, bien franchement, mais il n'en demeure pas moins que, oui, je vais à la cour pour certaines causes, surtout en prescription, bien, mes collègues justement à mes bureaux... mais font tout ce que j'ai nommé tantôt, là, nomination de tuteur à l'enfant, des parents décédés, remplacement, liquidateur, etc.

M. Bibeau (François) :Mme la députée, juste pour préciser, ce n'est pas nécessairement à titre d'expert dans un dossier, mais vraiment comme porteur du dossier, pour aller, par exemple, faire une demande en prescription trentenaire ou autre, alors c'est vraiment...

M. Houle (Kevin) : Le procureur des demandeurs.

M. Bibeau (François) :C'est ça, vraiment.

Mme Nichols : ...de médiateur, est-ce que vous allez faire entériner des divorces à l'amiable ou des...

M. Bibeau (François) :C'est possible aussi, tout à fait.

Mme Nichols : Parfait. Vous aviez parlé, là, l'APNQ avait 1500 membres sur 4000 notaires, puis vous avez dit que ça représentait à peu près la moitié.

M. Houle (Kevin) : Bien, c'est parce que...

M. Bibeau (François) :Tout à fait.

M. Houle (Kevin) : Bien, vas-y. C'est en début d'année, là.

M. Bibeau (François) :Oui, c'est ça, on est en période de renouvellement. L'année dernière, si on veut prendre le vrai chiffre, là, nous avions 1850 membres, et il y a un petit peu moins que 4000 membres au notariat. Puis, comme je vous disais, mettons, sur les 3 900 membres, il y en a peut-être 1000 qui sont en pratique non traditionnelle dans les ministères. Donc, c'est pour ça qu'on disait qu'on a à peu près la moitié des membres en pratique active à titre de notaire praticien privé, oui, c'est ça.

Mme Nichols : Parfait. Vous avez piqué un peu ma curiosité quand vous aviez dit que... Quelqu'un vous posait la question : Pensez-vous que la population a plus confiance qu'aux avocats? Donc, vous pensez vraiment que les notaires vont redorer l'image de la magistrature? Question piège.

M. Houle (Kevin) : Bien, je pense que ce n'est pas le rôle des notaires. Bien non, je pense que ce n'est pas le rôle des notaires, exclusivement, là. Je ne pense pas que législateur ait en tête tout cet espoir- là, ne serait-ce que j'ai bien beau être notaire et d'aimer la profession, mais je ne pense pas que les notaires, à eux seuls, vont sauver le monde, là. Donc, bien franchement, je pense que la confiance des juges provient de différentes choses, mais, entre autres, souvent, on entend des... C'est surtout l'effet de médias, hein, bien franchement. Des fois, il y a des jugements x, y, z, qui font en sorte que la population, tout d'un coup, s'insurge contre des jugements, plus que contre le système de la justice. Mais, bien franchement, c'est la lenteur, on sait, c'est la lenteur du système qui fait que les gens mettent tout ça dans le même panier, puis finalement le système en soi n'est pas fiable, entre guillemets, mais les notaires participeront, comme leurs collègues avocats vont participer à cet aspect-là.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Me Houle, Me Bibeau, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin.

Je suspends les travaux quelques instants pour que le prochain groupe prenne place. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 30)


 
 

12 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 12 h 32)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Avant d'aller à notre prochain groupe, on a commencé avec un petit peu de retard ce matin, donc j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter 15 minutes à la rencontre, à la séance. Et consentement? Merci beaucoup.

Alors, il me fait plaisir... S'il vous plaît! Il me fait plaisir d'accueillir les représentantes du Centre de justice de proximité de Québec. Alors, mesdames, bienvenue, merci beaucoup d'être avec nous. Vous avez 10 minutes de présentation, mais je vous inviterais d'abord à vous présenter. La parole est à vous.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bonjour. C'est là? C'est notre première présence en commission.

Le Président (M. Bachand) :Vous êtes les bienvenues. On espère vous voir régulièrement, d'ailleurs.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Oui, absolument. Je me présente : je suis Jennifer Fafard-Marconi, je suis la directrice générale du Centre de justice de proximité du Grand Montréal, accompagnée...

Mme Néron (Sara) : Donc de sa collègue, effectivement. Donc, Sara Néron. Je suis du Centre de justice de proximité de Laval-Laurentides-Lanaudière, mais aujourd'hui on représente tous les centres de justice du Québec. Voilà.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Donc, merci de nous accueillir et nous permettre d'exposer notre vision. On tenait d'abord à saluer le projet de loi pour un meilleur accès à la justice. L'aspect simplification de la procédure est souvent négligé au profit du droit substantif. Donc, toute initiative visant à simplifier le processus à la cour nous apparaît plus que nécessaire avant... afin de remettre le justiciable au cœur du système et éviter son sentiment de subir le système plutôt que d'y contribuer. Aujourd'hui, nous voulons vous apporter la lunette du citoyen, puisqu'il ne faut pas oublier sa perception, qui devrait être à notre sens l'élément fondamental à tenir en compte lors d'élaborations de mesures d'accès à la justice. Donc, on vous propose aujourd'hui de se concentrer sur deux aspects, là, l'enjeu de la partie non représentée puis ensuite la médiation obligatoire, l'arbitrage automatique.

Mais d'abord, un petit mot sur nous, qui nous sommes, pour les gens qui nous connaissent moins. Nous sommes des acteurs de première ligne depuis plus de 10 ans qui oeuvrent, là, dans le système de justice québécoise. On est la référence en justice de proximité, on est déployés sur tout le territoire du Québec. À l'heure actuelle, il y a 11 CJP, et, avec l'annonce récente, on aura plusieurs autres centres qui... et nous allons couvrir, là, le Québec en entier. Notre ADN, c'est simple, c'est la justice participative, en ce sens qu'on comprend qu'une situation juridique n'appelle pas uniquement à une solution juridique, mais... et que la participation active du citoyen accompagné d'un professionnel est clé pour augmenter sa confiance dans le système juridique. Derrière un problème, il y a une personne, il y a un vécu, il y a ses besoins et il y a surtout ses perceptions.

Chaque jour, nos professionnels du droit... Donc, on est un réseau de 70 professionnels dont la majorité, c'est des avocats, mais on a aussi des notaires. On salue les notaires. Donc, nos professionnels rencontrent des dizaines de citoyens par jour, les citoyens qui ont besoin d'un éclairage, d'une orientation ou d'une prise en charge, mais surtout d'être rassurés sur les prochaines étapes, d'être guidés sur ses priorités en fonction de ses besoins. Ce qui nous distingue en fait, c'est qu'on est... on ne prend pas parti, on est neutres, on ne juge pas puis on est bien ancrés dans nos régions respectives, on connaît bien l'écosystème propre à chaque région, on est même présents, certains, dans certains palais de justice, on a des partenariats avec des organismes communautaires, et dans la dernière année, en fait 2021-2022, c'est plus de 25 000 rencontres qu'on a faites annuellement. Voilà. Donc...

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : ...je me concentre un peu plus sur l'enjeu des personnes non représentées. En fait, pour ce qui est de la compétence partagée, Cour du Québec, Cour supérieure, maintenant et la simplification de la procédure, on est bien évidemment favorables au fait que le demandeur puisse... pourrait choisir, dans le fond, la Cour du Québec pour pouvoir bénéficier, là, d'une simplification de la procédure.

Toutefois, on voudrait vraiment mettre en lumière qu'il faut d'abord s'assurer de la compréhension de cette option pour la personne qui est non représentée. Il ne faut pas prendre pour acquis que, parce que ça existe, que les gens vont aller chercher cette option-là. Il faut donc que ça soit clair, dès le premier moment, là, que cette option existe et surtout son impact. Le réflexe du citoyen, c'est d'aller au palais de justice, d'aller au greffe, aller sur le site Internet pour savoir comment déposer une demande. Donc là, l'information devrait être mise immédiatement à sa disposition. Puis également, si on veut que la simplification de la procédure ait un réel impact, il faut vraiment penser soutenir la partie non représentée dans sa compréhension du nouveau processus.

Donc, évidemment, les organismes communautaires, dont les CJP, on va être mis à contribution, les outils de vulgarisation, on va être là pour soutenir la partie non représentée. Toutefois, nous, ce qu'on souhaite et ce qu'on vous soumet, c'est d'aller plus loin encore, puis... en s'assurant d'inclure, donc, un avis à la demande qui indiquerait, dans un langage clair, les délais. Il pourrait aussi y avoir un outil de calcul pour... qui serait mis à la disposition sur le site du ministère de la Justice. Donc, plutôt que de multiplier toutes sortes de documents de vulgarisation en parallèle, bien, on pourrait, là, penser, à même, là, les formulaires du ministère de la Justice, là, inclure... dans le fond, de penser à ces citoyens qui doivent comprendre, parce qu'ils ne comprendront si l'information n'est pas disponible dès le moment où ils vont rentrer dans le système. Donc, on vous demanderait de nous aider à mieux aider les personnes non représentées. Un formulaire facile à compléter, facile à trouver pour le justiciable. Et c'est un peu les mêmes commentaires pour le protocole préjudiciaire, là, mais on ne pourra pas élaborer, là, parce qu'on a... le temps file.

Juste un petit mot également sur la CRA automatique, ce qui est une... Pour nous, c'est superintéressant. Le mot «automatique», pour nous, c'est intéressant, là. Plus, dans le fond... Moins il y a de démarches administratives pour le citoyen non représenté, mieux c'est pour son expérience dans le système. Toutefois, il y a encore beaucoup de mauvaise compréhension de qu'est-ce qu'une CRA, c'est quoi, son impact, et cetera. Donc, pour assurer le succès d'une CRA, évidemment, il faudrait considérer créer un avis qui serait uniforme, qui serait dans tous les... En fait, je comprends que c'est la cour, là, qui va convoquer les parties. Donc, il faudrait que l'avis qui vient... qui accompagne, dans le fond, la convocation soit développé en pensant à cette partie non représentée, en adaptant le langage, évidemment. Puis ça pourrait aussi éviter les enjeux de déséquilibre parce qu'il y a des gens qui, eux, vont être accompagnés d'avocats et qui vont pouvoir avoir... qui vont bénéficier de l'information avant de rentrer dans une CRA.

Donc, je céderais la parole à Sara, qui va parler plus, là, de PRD et de médiation.

Mme Néron (Sara) : Alors, oui. Alors, parlons du programme de prémédiation. On a été vraiment plongés, au cœur des deux dernières années, dans les PRD. Donc, on a mis, en fait, sur pied le programme de prémédiation, là, qui est encore là actuellement. Donc, on a vraiment développé une approche unique, vraiment, en collaboration avec la direction développement d'accès justice, les greffes, les médiateurs aux petites créances. Donc, tout le monde a contribué, et je dis un gros chapeau et un gros merci aujourd'hui à tous ces acteurs-là. Le but, bien sûr, sensibiliser à la médiation. Donc, on a développé des techniques pour y arriver. En chiffres, avant le programme, on parlait de 18 % de dossiers qui allaient en médiation. Aujourd'hui, on parle de 46 % actuellement dans nos chiffres à nous, O.K.? On est fiers de jouer un rôle important qui a un impact sur les changements de culture auprès de la population concernant le recours au PRD, on veut continuer à contribuer, puis le projet de loi n° 8, bien, il nous donne vraiment les moyens de le faire.

• (12 h 40) •

Donc, on peut peut-être parler un peu de la priorisation des dossiers pour les parties, là, qui ont recours au PRD. Donc, on applaudit cette mesure. Ça va vraiment inviter les citoyens à aller vers ces approches-là. Par contre, il faut s'assurer qu'il y ait une offre intéressante sur le terrain. Donc, on peut parler d'une offre dans le communautaire par exemple, donc une offre qui continue à être subventionnée.

Donc, maintenant, on va parler des petites créances. Donc, la médiation obligatoire, l'arbitrage qui vient ensuite, oui, on est en faveur de cette mesure-là. Ça va vraiment aider au changement de culture. Ça va augmenter le nombre de médiations.

Peut-être un petit aparté de ce qu'on a constaté au cours, là, du programme de prémédiation. Avec étonnement, on a vu qu'il y a plusieurs acteurs comme les institutions financières, les grandes entreprises qui disaient non à la médiation. Alors, ça, ça va... De façon automatique, ils vont y aller, donc ils vont savoir c'est quoi. Donc, ça va aussi peut-être...

Mme Néron (Sara) : ...ces entreprises-là à aller en avant régler le dossier avant que ça soit déposé aux petites créances. Petit avertissement, c'est sûr qu'on parle de la médiation obligatoire au niveau... il y a certains... il faut faire attention, on est aux petites créances, mais on peut penser aux victimes de violence conjugale, on a quand même des cas où est-ce qu'il y a des dossiers entre ex-conjoints, des cas de harcèlement, des interdits de contact. Donc, il faut vraiment prévoir soit une extension ou si ce n'est pas une exemption, vraiment d'adopter des mesures qui pourraient leur donner confiance dans le processus. Donc, on peut rendre à l'aise les participants en mettant des mesures. Là, on en a parlé tantôt, là, l'utilisation des caucus, la médiation à distance, offrait la possibilité d'être accompagné. Donc, c'est des mesures, là, qui peuvent être mises en place.

Un autre enjeu qui est hyper important, qu'il ne faut pas négliger également, c'est les attentes du citoyen par rapport à la médiation. Donc, le citoyen, lui, quand il va en médiation, il s'attend à pouvoir discuter de ses options possibles. Donc, il faut s'assurer que le processus, que c'est bien respecté et qu'il n'a pas l'impression qu'il y a un règlement, là, qui est à tout prix, là, conclu, là, au détriment de ses besoins. Donc, on parle à ce moment-là de formation, on en a parlé tantôt, là, donc, de bien former les médiateurs. Donc, ça vient vraiment avec une valorisation de cette profession-là, du support, de l'encadrement, de la formation permanente. Donc, c'est ce qu'on espère.

On peut parler aussi du choix du médiateur et de l'arbitre, on a une petite préoccupation concernant le choix du médiateur, il faut que ça soit rapide, efficace, considérant les enjeux actuels, on veut éviter le ping-pong du citoyen, hein, on veut s'assurer que ça se fasse bien vite. Donc, on a constaté, nous, sur le terrain, au niveau de la logistique de la prémédiation de bien assigner avec le bon profil le médiateur avec les besoins du dossier. Donc, ça va être quelque chose à considérer. La souplesse pourrait être de mise, puis on serait content de faire partie des discussions eu égard à notre expérience pour aider toutes les parties prenantes dans ce projet de loi là.

Un petit mot sur l'offre d'arbitrage, donc, c'est hyper intéressant, c'est une idée porteuse. Juste un aparté, ça va être important de bien renseigner le citoyen là-dessus, le citoyen quand il vient dans nos bureaux, là, ce qu'ils nous disent constamment, là : Je vais le dire au juge, je veux être entendu. Donc, ça va être important de bien informer, c'est quoi l'arbitrage? C'est quoi les conséquences? Qu'est-ce qui en est? Donc, ça, ça va être important. Donc, je vais laisser ma consoeur terminer.

Le Président (M. Bachand) :En terminant, oui, rapidement, s'il vous plaît.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Oui, rapidement, juste un petit mot, là, sur le jugement vu sur dossiers en bas de 3 000 $, on comprend, là, que c'est du consentement des parties, mais, attention, il y a peut-être des gens qui vont cocher oui puis finalement ne pas comprendre, donc, ça, c'est vraiment à bien... il faut réaliser ça parce que ça peut avoir un impact, là, dans la confiance du citoyen, là, envers la justice, on craint, là, qui peut y avoir un déséquilibre, là, parce que la majorité des dossiers qui sont complets aux petites créances, bien, c'est des... ils sont déjà accompagnés par des avocats. Donc, voilà, il faut faire attention.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Le temps va très... On va débuter la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, Me Néron, Me Fafard-Marconi, bonjour. Merci beaucoup d'être en commission parlementaire aujourd'hui puis de venir témoigner sur le projet de loi No8. D'entrée de jeu, je tiens à vous rassurer relativement à la médiation pour des dossiers qui seraient incompatibles, ils ne seront pas référés automatiquement à la médiation, exemple, des dossiers de violence conjugale, bien entendu, on va exclure ce genre de situation là par voie réglementaire. Dans le cadre de la loi, on a la disposition générale, mais, par voie réglementaire, on va venir enlever certains dossiers qui ne seraient pas compatibles avec cette obligation de médiation là.

Vous avez dit, dans votre propos, la médiation contribue au changement de culture dans le système de justice, qu'est-ce que vous voulez dire par là?

Mme Néron (Sara) : Bien,  en fait, nous, on l'a vu sur le terrain, là, en fait, quand on approche les gens puis qu'on leur parle de médiation, de un, c'est un peu méconnu, il y a des gens qui ne savent pas, des fois, ils cochent oui à la médiation puis ils ne savent même pas c'est quoi ce processus-là. Donc, on se rend compte qu'une fois qu'ils connaissent ça, ils reviennent. Donc, parce qu'on a deux services, on a le service de la médiation petites créances, on a le service aussi en info séparation. Donc, les gens y reviennent, ils veulent être informés sur leurs droits quand ils se séparent, mais ils vont penser à la médiation. Donc, c'est ça le changement de culture, c'est-à-dire que, quand il va y avoir un problème, bien, on va penser : Ah, on peut régler autrement. On n'est pas obligé de recourir aux tribunaux parce que je peux régler ça autrement. Donc, c'est ça. C'est ça, le changement de culture, bien, en tout cas, pour moi.

Le Président (M. Bachand) :Puis lorsque les justiciables, là, vont en médiation, parce que je sais que vous recevez des milliers de personnes, d'ailleurs, Me Fafard, j'ai eu le plaisir d'aller vous voir, puis je vais avoir une sous-question... Bien, en fait, je souhaiterais que vous en informiez la commission comment ça se passe dans le quotidien. Mais lorsque les gens participent à la solution en médiation, est-ce que vous voyez un taux de satisfaction plus élevé de la part des gens versus si les gens reçoivent un jugement, ils ont été à la cour, puis après ça ils viennent vous voir? Votre expérience terrain, là, c'est quoi par rapport à la médiation?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien, en fait, ce que je peux dire par rapport au citoyen, là, le citoyen qui a un problème juridique, qui a un conflit, là, lui, sa préoccupation, c'est...

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : ...d'être entendu. Oui, c'est son... mais ce qu'il veut, c'est qu'on règle son problème puis qu'il est entendu. En médiation, ça permet beaucoup plus une souplesse, donc c'est beaucoup plus approprié pour la personne, mais c'est sûr qu'il faut changer la perception, parce que les gens sont quand même convaincus que c'est le juge qui va régler, et non la médiation. Mais après avoir fait confiance au processus, avoir passé à travers, avoir le sentiment d'être entendu, bien là, ils sont beaucoup plus satisfaits, puis c'est beaucoup moins traumatisant que d'arriver en cour, de ne rien comprendre, de voir que c'est beaucoup trop protocolaire pour lui puis de recevoir un jugement qu'il ne comprend pas, qu'il n'est pas capable de lire, etc. Il y a des gens qui viennent dans nos bureaux avec des jugements qui sont en leur faveur, mais parce qu'il y a quelque chose, tu sais, qu'ils ne comprennent pas, bien là, ils ne sont pas satisfaits. Tandis qu'en médiation on a une entente que le citoyen a participé activement, là.

M. Jolin-Barrette : C'est un peu un des objectifs pourquoi on dit, dans la procédure simplifiée à la Cour du Québec, d'aller davantage vers un mode alternatif de règlement et, par la suite, ils seront fixés par préférence pour le dossier, mais, dans un premier temps, ils auront eu la médiation.

J'aimerais ça qu'on revienne sur la conférence de règlement à l'amiable. Tout à l'heure, vous avez dit, bon : C'est important de bien aviser, j'ai pris note, là, sur le site du ministère de la Justice, mais pensez-vous que le fait d'imposer une conférence de règlement à l'amiable, ça va permettre de régler davantage de dossiers avant le procès? Comme, c'est quoi, la plus-value d'une conférence de règlement à l'amiable?

Mme Néron (Sara) : Bien, je pense que ça va permettre au citoyen d'être entendu, hein, devant le juge, mais dans un cadre où est-ce qu'on peut régler. Donc, il va participer, en plus, à la solution. Ça fait que la... automatique, c'est vraiment hyper intéressant. Peut-être juste au niveau des non représentés, donc, peut-être important de penser à ce qu'ils soient accompagnés pour que le processus, là, se fasse davantage, mais les CJP, c'est une option.

M. Jolin-Barrette : Là, actuellement, dans les centres de justice de proximité, vous donnez de l'information juridique. On a adopté une loi ici l'an passé qui va permettre aux OBNL de donner des conseils, des avis juridiques. Pouvez-vous nous décrire sommairement votre réalité, comment ça se passe puis comment sont organisés vos services pour les justiciables?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Mon Dieu! Quelle grande question! On pourrait en parler pendant...

M. Jolin-Barrette : Bien, rapidement, parce qu'on a plein d'autres questions.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien oui. En fait, on est des cliniques d'information juridique sans rendez-vous. Les gens peuvent se présenter dans nos locaux, il y a des points de service, là, partout au Québec, et sinon au téléphone, donc les gens peuvent nous appeler et on peut leur faire un retour d'appel.

Et on est des généralistes. Donc, à l'heure actuelle, l'information juridique est pas mal dans tous les domaines. C'est sûr qu'il y a certaines exceptions parce qu'on reste des généralistes, mais, par exemple, quelqu'un qui a un problème de trouble de voisinage ou avec son propriétaire, etc., il peut venir, puis l'avocat ou le notaire va prendre le temps de l'écouter, de répondre à ses questions, de regarder c'est quoi ses besoins. Nous, on a le temps, en fait, c'est vraiment ça, la plus-value, on a le temps de l'écouter puis d'amoindrir, là, son... en fait, de participer à une expérience plus agréable pour le justiciable. Je ne sais pas si ça répond, là, à votre question.

M. Jolin-Barrette : Oui. Puis vous avez du sans rendez-vous?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Oui, on a du sans rendez-vous, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, je voulais vous poser peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Sur le citoyen que vous voyez, là, la longueur des délais judiciaires, quel est l'impact sur eux par rapport à la confiance, mais aussi par rapport à comment ils se sentent par rapport au système de justice ou par rapport aux problèmes qui les taraudent, là? C'est quoi que vous voyez, pratico-pratique, quand les gens, ils viennent, par rapport à la question des délais?

Mme Néron (Sara) : Bien, le stress. Les citoyens sont stressés face à cette situation-là puis là ils voient encore que leur problème ne sera pas réglé rapidement. Donc, ça crée du stress, ça crée des angoisses, et on doit, à ce moment-là, les rassurer puis dire que ça s'en vient et qu'il y a peut-être les PRD. Donc, il faut penser à ça puis s'en aller, peut-être, en médiation parce que ça va être plus rapide. Donc, c'est déjà quelque chose qu'on fait. On essaie de trouver des moyens pour tenter de régler la situation.

Je vais prendre un exemple concret, l'autre fois, on avait une madame qui s'est présentée, elle avait un problème avec son déneigeur. Le problème, il va se répéter l'année prochaine, il se répète, actuellement, là, ce n'est pas réglé, cette situation- là. Il faut que ça soit réglé, il faut que ça soit déneigé, tu sais, c'est un exemple, aussi concret que ça, là, donc ça a des incidences directes sur leur vie, c'est ça.

• (12 h 50) •

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : C'est un sentiment de découragement qui se rajoute à tout le reste dans leur vie.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : Oui. Merci beaucoup pour votre présence. Je vous cite, vous dites : Moins il y a de démarches et mieux c'est, dans le fond, pour les usagers. Donc, j'aimerais ça que vous nous expliquiez comment les procédures simplifiées qui ont été proposées dans le projet de loi seront bénéfiques pour les citoyens, puis j'insiste sur ceux qui se représentent seuls, notamment.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien, ça diminue le nombre de présences en cour, ça diminue le protocolaire. C'est sûr que ça va être plus efficient. Je veux dire, tout ça ensemble, là, c'est sûr que c'est positif, là, sur le citoyen, mais il ne faut pas oublier...

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : ...par contre qu'il faut bien accompagner. Parce que, même si on diminue le nombre de procédures, il reste que ça reste compliqué, là, à comprendre. Il y a quand même un code de procédure civile. Mais je ne sais pas si...

Mme Néron (Sara) : Je pense que tu as bien répondu. Effectivement, oui.

Le Président (M. Bachand) :Merci. D'autres questions? M. le député de Saint-Jean?

Une voix : Non.

Le Président (M. Bachand) :Excusez, M. le député de... excusez...

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) :Exactement, alors... Vas-y, Mario. Excuse-moi, c'est plus facile comme ça, désolé. On est en début de mandat.

M. Asselin : Merci, M. le Président. Maître Néron, Maître Fafard-Marconi, merci pour votre présentation. Vous vous êtes présentées comme étant les spécialistes, je mets ça entre guillemets, de la justice participative. Est-ce que, le projet de loi huit, vous considérez que c'est une avancée? Puis en quoi est-ce que ça pourrait être une avancée pour la justice participative?

Mme Néron (Sara) : Bien, moi, je vois une avancée, clairement, parce qu'on voit les PRD qui s'intègrent partout dans le processus judiciaire. Donc, pour moi, c'est...

M. Asselin : Les PRD?

Mme Néron (Sara) : Oui, les PRD, les prévention, de règlement des différends...

M. Asselin : Excusez-moi, je ne viens pas du domaine, donc...

Mme Néron (Sara) : Donc, les PRD, en fait, c'est de toute façon pour essayer de régler le dossier autrement. On va le résumer comme ça. Donc, on parle de la médiation, on peut parler de la négociation assistée, des rencontres entre les avocats, les non représentés pour tenter de trouver une solution, donc de régler ça autrement que d'attendre et de se faire entendre devant le juge, là. Donc, la... fait partie d'un règlement de différends, là.

M. Asselin : Les CJP, c'est nouveau ou c'est un organisme qui existe depuis longtemps?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Ça fait 10 ans, en fait, là, à peu près un peu plus que 10 ans, que le projet-pilote, à l'époque, a été mis en place. Il y avait trois centres de justice à l'époque et maintenant on est rendus à 11. Dans les dernières années, il y en a plusieurs, là, dont ma collègue, là, qui est la toute dernière, là, qui est arrivée dans le paysage. Donc, ça fait environ 10 ans. Donc, on est jeune quand même, mais on est bien ancrés, là, dans la communauté.

M. Asselin : Parfait. Merci beaucoup.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée d'Anjou Louis-Riel...

M. Lemieux : ...désolé, je ne suis pas assez prêt pour être capable de parler sans vous déranger. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :O.K. Juste à m'envoyer la main comme ça, là, puis c'est bien, comme une parade.

M. Lemieux : Oui, merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Bonjour, madame. D'abord, ça m'a frappé quand vous avez dit : Je veux le dire au juge. C'est important ça. Et ça me fait penser que, dans le fond, le processus est... dans la tête de ceux qui ne se seront jamais rendus là, est tellement mystérieux que tout ce qui compte pour eux autres, c'est d'être entendu, même pas de gagner à la limite, là. Puis jusqu'à quel point est-ce qu'on ne devrait pas apprendre de ça pour l'ensemble du processus? Parce que vous, vos... les gens qui viennent vous voir, c'est parce que, souvent, en tout cas, ils ne doivent pas avoir les moyens d'aller voir un avocat, là.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Exactement.

M. Lemieux : Mais ceux qui peuvent aller voir un avocat, ils auraient peut-être intérêt à subir... pas subir, mais suivre le même processus que vous.

Mme Néron (Sara) : Oui, effectivement... veut-u répondre à ça?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Non, non.

Mme Néron (Sara) : En fait, je pourrais ramener ça... Tu sais, le fait d'être entendu, je pense que le processus de médiation, le processus d'arbitrage automatique est quand même intéressant parce qu'il va... le citoyen, il va être quand même entendu, donc, par des juristes qui sont compétents, hein, on s'entend qu'ils vont être formés. Mais ça va être de bien les accueillir, de bien pouvoir les entendre. Donc, ça, je pense que c'est hyperimportant. Mais je suis d'accord, là, effectivement, actuellement, les centres de justice, on représente les citoyens. On ne représente pas d'entreprises, on représente les gens qui ont moins les moyens. Effectivement, on ne va pas se le dire. Par contre, c'est quand même des services, là, qui sont ouverts, là, pas juste aux bien moins nantis, donc on a quand même des gens de la classe moyenne, là, qui viennent nous voir. Donc, c'est une possibilité aussi. Donc, je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Lemieux : Oui, oui, mais j'explorais parce que c'est le principe derrière tout ça, en tout cas, le processus derrière tout ça, qui vient satisfaire ce besoin des gens de vouloir le dire au juge, qui est, dans le fond, un peu utopique à la limite. Ce n'est pas ça leur vrai besoin, mais c'est ce qu'ils ressentent, c'est ça?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Puis c'est pour ça que les organismes comme le nôtre prend tout son sens parce que nous, on est là pour aider la personne à faire... tu sais, à prioriser ses besoins. Souvent, il voit juste le problème juridique puis il pense que c'est ça, la réponse, alors que... Mais ils ont besoin de quelqu'un pour les aider à faire le ménage là-dedans puis les inciter. Puis la médiation automatique est obligatoire... en tout cas, obligatoire. Là, elle va aider les entreprises ou ceux qui sont plus réfractaires à rentrer dans le système de médiation.

M. Lemieux : Les petites créances, même si on a l'impression que c'est pour monsieur et madame Tout-le-Monde, ça reste... Puis vous avez dit tantôt : On va au greffe, puis bon. Mais ça reste un processus, si on n'est pas accompagné, si on fait tout ça seul en parlant au beau-frère qui est déjà allé il y a 10 ans, là, c'est souvent comme ça que ça se passe, ça reste... pas un traquenard, mais ça reste difficile et pas nécessairement un gage de succès si on ne sait pas ce qu'on fait, là.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Tout à fait.

Mme Néron (Sara) : Oh! non, ça prend de la préparation. Puis ça, c'est quelque chose qu'on remarque, hein...

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien oui, puis nous, on voudrait même soumettre...

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : ...Les organismes comme le nôtre devraient être encore plus en amont, ou, pour réellement réduire les délais, bien, il faudrait donner un avis juridique en amont, avant, avant même qu'ils déposent, c'est là que les gens en ont de besoin, effectivement.

M. Lemieux : Et l'idée de devoir discuter avec quelqu'un d'autre qu'un juge avant et donc d'aller en médiation ou en arbitrage, je le comprends quand vous le dites, mais j'aimerais l'entendre encore, jusqu'à quel point c'est magique, parce qu'il y a de la magie là-dedans, là, si j'ai bien compris, là.

Mme Néron (Sara) : ...Il y a de la magie. Je vais essayer de faire un parallèle terrain que j'ai constaté, que je trouve intéressant. Les gens, quand qu'ils venaient nous rencontrer pour parler de médiation, pour les préparer, souvent, ils étaient même déçus qu'on ne soit pas le médiateur nommé parce qu'ils avaient... Il y a un lien de confiance qui se créait. Puis là, à ce moment-là, tu sais, ils disaient : Bon, bien, ce n'est pas si pire que ça, là, puis : on a conté notre histoire, vous le savez. Puis ils avaient l'impression justement d'avoir été écoutés, entendus, puis d'avoir des solutions. Ça fait que, c'est, oui, c'est intéressant.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : C'est souvent ça, le commentaire qu'on entend, c'est qu'on n'est pas entendus. Puis on est souvent la seule... le Visage humain, là, du système, là.

M. Lemieux : Et je regarde du côté de la banquette, au cas où quelqu'un d'autre voulait poser une question, il reste à peine deux minutes. Sur le reste du PL no 8, je suis curieux de voir... Parce qu'on comprend votre intérêt pour le bout du p.l. no 8 qui vous intéresse, là, mais puisque vous nagez là-dedans, vous en pensez quoi, du reste du p.l. no 8?

Mme Néron (Sara) : On parle des notaires qui peuvent devenir juges. Bien, en fait, on est un organisme qui... on a des notaires, là, on a quatre notaires actuellement, là, qui oeuvreront. Puis on espère en recruter davantage, là, pour les prochaines années. Donc nous, on croit dans le processus, hein? Le processus de la nomination des juges, il y a quand même un comité, hein, qui regarde ça, il y a des gens qui sont nommés pour nommer des juges, donc il faut faire confiance en ces gens-là, en ce processus-là. On croit que s'il y a des candidats notaires qui sont intéressants, qui peuvent passer une entrevue, pourquoi pas? Je pense que les notaires, effectivement, là, en tout cas, nos notaires, par exemple, qui oeuvrent au sein du centre de justice, ce sont des notaires qui donnent... Qui font la même job que les avocats, donc qui donnent, ils donnent de l'information. Donc c'est quelque chose... À ce moment-là, je vous le dis, on fait confiance au processus, s'il y a un notaire intéressant qui qui se présente puis que le comité juge qu'il devrait être nommé juge, pourquoi pas.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Il reste une minute pour la question et la réponse. Mme la députée de Vimont, s'il vous plaît.

Mme Schmaltz : Oui, merci. Bonjour. Excusez mon ignorance, là, dès le début, mais petite question pratico-pratique : lorsque vous accueillez un citoyen est-ce qu'il y a un nombre maximal de visites ou d'appels téléphoniques ou vous pouvez l'accompagner sur une très longue période? Et jusqu'où va aller l'accompagnement?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien, à l'heure actuelle, notre mission, elle est... nos services, c'est de l'information juridique, donc tout ce qui est chance de succès ou préparation vraiment à l'interrogatoire, ça, on ne peut pas faire ça, ça rentre dans le domaine de l'avis juridique. Toutefois, avec la loi 26, bien là, on va pouvoir explorer, élargir, là, nos services. À l'heure actuelle, on n'a pas de limites comme telles. C'est sûr que quand la personne revient... Tu sais, on peut mettre nos propres limites, là, comme services, là. On s'entend, là, que quand il y a des personnes qui sont plus... et cetera, mais il n'y a pas... ce n'est pas... il n'y a pas de limites, ce n'est pas un «one-shot deal». Donc la personne par exemple, qui est non représentée, souvent, bien, on va l'inviter à revenir au moment clé. Donc là, on va l'aider à voir sa ligne du temps, ils vont pouvoir revenir à des moments clés comme ça. Donc ce n'est pas un... une fois, il ressort, pas du tout.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

• (13 heures) •

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Maître Néron, Maître Fafard Marconi. Bien heureux de vous entendre. Merci d'être là et de partager votre expérience avec nous.

On a parlé beaucoup de médiation, médiation obligatoire, et cetera. Est-ce que ça se peut de la médiation obligatoire ou s'il ne faut pas le consentement finalement des parties pour avoir un résultat qui va être optimal? Si je vous écoutais puis que vous dites qu'il y a des fois des citoyens qui disent : bien, moi je voudrais aller m'expliquer, là, devant le juge, puis il ou elle va me régler ça une fois pour toutes, alors comment vous voyez ça? Puis S'il y a des gens qui sont réfractaires ou qui ne veulent pas y aller, comment vous allez être capables de les amener finalement à faire une séance de médiation qui va être profitable?

Mme Néron (Sara) : Oui, c'est des très belles questions. Étant moi-même médiatrice, c'est sûr que c'était une préoccupation au projet de loi. Par contre, l'expérience terrain qu'on vit, ce qu'on voit, c'est que les gens, quand ils cognaient, en fait, quand on les invitait en prémédiation, ils étaient déçus de voir que ce n'était pas la médiation alors qu'ils avaient coché qu'ils n'étaient pas intéressés à la médiation. Ça fait que ça, je trouve ça hyperintéressant que finalement, ils étaient prêts...


 
 

13 h (version non révisée)

Mme Néron (Sara) : ...été prêt. Donc là, on le préparait, puis après ça, il s'en allait en médiation. Donc, moi, ça me fait penser... ça me fait dire que ce n'est pas fou d'y aller avec la médiation obligatoire. Au contraire, je pense que ça va permettre aux citoyens de rentrer directement dans le processus. Et là je fais confiance aux professionnels. Donc, les professionnels, les médiateurs vont être capables de mettre en confiance les gens, de les préparer et d'arriver à faire la médiation, là. Donc, moi, c'est comme ça... Je pense que la formation, tu sais, je parlais d'accompagnement tantôt, l'encadrement des médiateurs va être important, puis il y en a déjà des très bonnes qui sont offertes. Je pense qu'il faut explorer davantage, là, peut-être cette avenue-là. Puis je pense que les médiateurs vont être capables de trouver, là, leur solution, là, face à une situation comme ça, où est-ce qu'on va avoir des gens un peu plus réfractaires. Déjà, je vous dirais qu'avec le programme de prémédiation, les médiateurs l'ont vu la différence. Avant, les médiations qui étaient assignées, c'étaient des gens qui étaient prêts à aller en médiation, ils disaient oui à la médiation. Par notre programme, on a envoyé des gens qui n'étaient pas d'accord à aller en médiation. Donc, déjà, c'était plus difficile, les médiations qu'on leur envoyait. Donc, il y a cet aspect-là que... je pense, qu'il ne faut pas perdre de vue.

M. Morin : Non. Puis effectivement... puis il y a une différence entre bien sûr une séance d'information sur ce que va être le processus et la médiation et la séance de médiation comme telle.

Alors, comment est-ce que vous êtes formés quand il y a des gens qui ne veulent carrément pas aller en médiation? Est-ce que vous allez devoir adapter votre formation à cette nouvelle réalité?

Mme Néron (Sara) : Oui.

M. Morin : Et, compte tenu des objectifs du projet de loi, forcément, il va y avoir beaucoup plus de gens qui vont se présenter, à tout le moins, à une séance d'information ou après en médiation. Est-ce que vous êtes équipés pour ça? Est-ce que vous avez suffisamment de ressources pour faire face à cette demande qui forcément va vous arriver éventuellement?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien, ça faisait partie de nos préoccupations, là, qui... Pour nous, en fait, là, on se fait le porte-parole du citoyen. Il faut absolument qu'il y ait une offre qui est accessible, là, dans le communautaire pour les personnes qui ne sont pas en moyen de... donc il faut développer... il faut absolument le développer. Je pense qu'il y a beaucoup de professionnels qui sont intéressés, des organismes, comme les CJP, mais il faut absolument le développer. Il va falloir y penser, là, effectivement, parce qu'à l'heure actuelle, les médiateurs sont... il y a beaucoup de médiateurs, mais il manque, là, peut-être un peu d'encadrement, d'organisation, là, pour vraiment valoriser cette profession-là qui est... la profession de devenir médiateur aux petites créances ou médiateur tout court soit valorisé. Donc, ça, il y a un travail à faire, c'est notre préoccupation, là, pour le porte-parole du citoyen.

M. Morin : Bien, écoutez, je suis heureux d'entendre votre préoccupation, je la partage, parce qu'évidemment, bon, le gouvernement veut qu'on adapte ça rapidement, là. Donc, à un moment donné, ça va se déplacer chez vous aussi très rapidement. Et évidemment, quand on parlait de la confiance du citoyen envers le système de justice, si vous n'êtes pas équipés ou si vous avez des problèmes de financement, en fait, on va juste déplacer le problème. Ça fait que j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Avez-vous des problèmes de financement? Est-ce que... à ce niveau-là ou tout va bien, puis vous avez trop d'argent?

Mme Néron (Sara) : On veut toujours avoir plus de financement pour pouvoir davantage développer nos services puis bien servir les citoyens. Et, sans aucun doute, pour répondre à toute la demande, hein, on aimerait ça, hein... Le monde des licornes, c'est de pouvoir aider tous les gens du Québec, là, tous les citoyens qui se représentent seuls, mais ce n'est pas réaliste.

Donc, je vous dirais, pour répondre à cette question-là, oui, il va falloir peut-être développer, avoir, tu sais... Mais on est déjà bien équipé, on va dire ça comme ça, on a déjà du financement, là, qui provient... Puis, ce qui est intéressant dans le projet de loi, c'est déjà prévu, hein, donc, c'est-à-dire qu'on y va par région, par district. Donc, ça, c'est vraiment... je salue, là, cette initiative-là, parce qu'on va y aller tranquillement mais sûrement. Donc, c'est comme ça que je le vois.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. M. le Président, il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bachand) :4 minutes 40.

M. Morin :Quatre minutes. Parfait. Merci beaucoup. J'aimerais... et j'ai une question pour vous, mais qui fait référence plus directement aux dispositions du projet de loi. Évidemment, on veut une procédure qui est simplifiée. Et, quand on regarde les modifications, notamment à l'article trois et même sept... plutôt sept, l'article sept du projet de loi qui va modifier les articles 535.1 et suivants du Code de procédure civile, on dit que, bon, évidemment, le demandeur va déposer son avis. Après ça, il peut encore dans les 30 jours, à 535.4, de la signification de l'avis, donc après, continuer de compléter sa demande, communiquer au défendeur des pièces. Puis après à 535.6, on dit : Le défendeur doit, dans les 85 jours de la signification de l'avis d'assignation, déposer au greffe un exposé sommaire des éléments.

Donc, théoriquement, si ma compréhension...

19 253 M. Morin : ...est bonne. Un demandeur pourrait laisser courir 30 jours et déposer d'autres documents. Évidemment, le demandeur, lui, sait très bien ce qu'il fait avec sa demande, sa poursuite. Le défendeur, lui, il attend. Donc, à moins que je fasse erreur, au fond, ce ne serait pas 85 jours que le défendeur pourrait avoir, mais 85 moins 30, donc 55. Est-ce que vous pensez que c'est suffisant avec les cas que vous voyez pour qu'un défendeur puisse produire un document qui a du bon sens pour se défendre adéquatement?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien, c'est sûr que quand c'est plus long, des fois ça prend... c'est à l'avantage de la personne non représentée parce qu'il peut prendre plus son temps pour comprendre. Puis, souvent, bien, il arrive à la dernière minute dans nos bureaux. Il est comme minuit moins une, souvent, quand ils viennent au bureau. Toutefois, je pense que c'est une bonne idée pour l'efficience du système, pour les avocats qui ont tendance à faire... à multiplier les procédures pour, bon... Donc, moi, je pense qu'il y a les deux, là. Il faudrait juste, en fait, qu'il y ait de l'accompagnement pour ces personnes-là dès la première minute, dès le premier instant parce que quand ils sont laissés tout seuls, ils arrivent toujours à la dernière minute. Ça les... Donc, que ça soit plus long ou plus court, je veux dire, à l'heure actuelle, ça ne change pas grand-chose. Quand c'est plus long, bien, ça les aide, eux, à apprendre à faire leurs devoirs, mais si c'est plus court, c'est bon pour l'efficience du système, pour donner un message clair aux avocats d'être plus rapides. Et pour les personnes non représentées, bien, il faut juste avoir les services qui viennent avec ces... pour ces parties-là.

19 253 M. Morin :Parfait. Je vous remercie. J'aimerais ça aussi vous entendre en lien avec l'article 14 du projet de loi, qui va modifier l'article 561.1 qui dit : «à tout moment d'une instance portant sur le recouvrement d'une créance d'au plus 3 000 $, le tribunal peut, du consentement des parties, rendre jugement sur le vu du dossier.» On parle du consentement des parties. Imaginons... J'imagine, des fois, ça doit être des litiges avec des consommateurs qui se sont fait... qui se sont fait flouer. Tu sais, on parle beaucoup de l'obsolescence avec plusieurs appareils, etc. Est-ce qu'on veut vraiment, d'après vous, le consentement des parties ou si ça devrait être de l'avis d'une seule des parties? On pense par exemple au consommateur qui, lui, se sent floué, la compagnie ne veut pas régler, etc. On le laisse comme ça ou on devrait le modifier puis enlever le consentement des deux parties, d'après vous?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Je n'ai pas réfléchi à cette option-là. Nous... Je...

Mme Néron (Sara) : Bien, moi, je pense... En tout cas, du consentement des parties. Je pense qu'on doit cesser comme ça parce que, pour la préparation, parce que vous faites référence à des entreprises, mais, des fois, c'est quand même des... Des fois, on peut penser à des petites entreprises. Donc, ça veut dire que leurs dossiers ne sont pas nécessairement préparés pour que ça soit ordonné à la vue du dossier. Donc, tu sais, on le voit, là. Nous, avec la prémédiation aux petites créances, on voyait des dossiers, là, vraiment incomplets. Puis on le savait, là, quand ils avaient été voir un avocat puis on le savait, ceux qui n'en avaient pas. Donc, c'est important, là. Ça fait que c'est pour ça qu'à la vue du dossier, il y a un danger. Donc, c'est de donner un jugement qui ne serait pas... qui serait fait sur quelque chose qui n'est pas complété. Donc, ça prend... ça prend à mon avis le consentement des parties.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Il faut s'assurer du consentement éclairé, parce qu'à l'heure actuelle je ne pense pas que les citoyens comprendraient l'impact de cette mesure-là. Puis après ça ils sont pris avec un jugement qui n'est pas en appel. Donc, c'est sûr que c'est une préoccupation.

17 859 Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

19 253 M. Morin : Merci.

17 859 Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Sherbrooke. Merci.

17 889 Mme Labrie : Merci, M. le Président. On a peu de temps ensemble. Je vais avoir deux questions, je vais lui poser tout de suite puis, après ça, vous pourrez peut-être prendre le temps pour répondre. La première, c'est on a discuté tout à l'heure d'exclure certaines choses qui sont incompatibles à la médiation. On a nommé la violence conjugale. Vous avez nommé le harcèlement également. J'aimerais savoir si vous avez d'autres situations que vous pensez qu'on devrait exclure parce que c'est incompatible avec la médiation.

Ensuite, l'autre question que je veux vous poser, c'est que, là, on a une opportunité avec ce projet de loi là de discuter d'accès à la justice. Bon, on a discuté des choses qui sont dans le projet de loi. J'aimerais savoir si vous avez des idées de choses qui n'y sont pas et qu'on devrait faire pour faciliter l'accès à la justice. Est-ce que les centres de justice de proximité ont tous les pouvoirs nécessaires? Est-ce qu'il y a des choses que vous pensez pouvoir faire, mais que, légalement, vous n'en avez pas la capacité en ce moment, par exemple, puis qu'on devrait penser intégrer dans le projet de loi?

• (13 h 10) •

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Encore une fois, cette grande question qui pourrait prendre des heures. En fait, toute initiative pour remettre le citoyen aussi au cœur du système, là, est bonne. De simplifier par des formulaires, de penser la multidisciplinarité, ça, c'est vraiment quelque chose qu'on veut développer, qu'on commence à développer. Mais je pense qu'il faut... il faut davantage développer. Là, on pourrait y aller pendant des heures et des heures.

17 889 Mme Labrie : D'un point de vue législatif.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : D'un point de vue législatif?

17 889 Mme Labrie : Est-ce qu'il y a des choses...

Mme Labrie : ...des droits que vous aimeriez avoir pour pouvoir agir sur plus de situations, par exemple, dans vos centres?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien, vous voulez dire par rapport à nos services? En fait, la loi... Bien, la loi n° 26 va en fait répondre assez à ces préoccupations-là de pouvoir agir comme professionnel, comme donner des services juridiques d'avocats, de notaires, dans le cadre de nos services juridiques. Mais ça, ça va devoir venir avec une enveloppe budgétaire, avec du financement parce qu'à l'heure actuelle, encore une fois, on n'a pas les moyens de nos ambitions, on est... Comme, par exemple, à Montréal, on est six avocats pour un territoire de deux ou 3 millions de personnes. Donc c'est sûr qu'on ne pourra pas, du jour au lendemain, donner des avis juridiques dans tout. Mais je m'adresse à M. le ministre qui est bien au courant de nos enjeux à cet aspect-là. Donc, oui, la loi n° 26 vient répondre à ces préoccupations-là où on va pouvoir avoir un impact plus grand dans les dossiers, mais il faut que ça vienne avec un financement.

Mme Labrie : Donc, l'enjeu actuellement pour vous, ce n'est pas le temps législatif d'élargir ce que vous pouvez faire, mais bien d'avoir les moyens de le faire.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Oui.

Mme Labrie : C'est bien entendu. Au budget qui s'en vient, j'imagine?

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

Mme Labrie : Qui s'en vient, j'imagine?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Oui, on l'attend.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Bonjour. Merci, maître, de votre présence aujourd'hui. Quelques petites questions. Je ne suis pas familière avec les centres de justice de proximité. Au niveau du fonctionnement, je sais... je connais un peu la bibitte, mais je connais... je ne comprends pas nécessairement tout à fait le fonctionnement. Vous accompagnez les citoyens. Vous les accompagnez quand ils sont en demande et quand ils sont en défense aussi?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Nous, on est neutre dans tous, donc tous les gens peuvent venir à nos bureaux, même les... On parle souvent des victimes, de service des victimes, mais on donne aussi des services aux agresseurs. Donc, on est vraiment là... Tous les gens peuvent venir au centre de justice tant s'ils ont une question en prévention que pendant, qu'après le processus. On est à tous les moments.

Mme Nichols : Parfait. Vous avez beaucoup parlé que vous les orientez vers... vous les amenez vers la médiation. Quand vous dites que vous les orientez, là, vers la médiation, comment vous fonctionnez puis dans quels délais ça se fait quand vous les orientez?

Mme Néron (Sara) : Bien, ça dépend des services, là, parce que, dans le fond, les gens qui viennent cogner directement à notre porte puis qui ont besoin de notre service, on va prendre exemple les gens qui se séparent par exemple. Mais, à ce moment-là, ils viennent, on les rencontre, donc là, on va faire l'inventaire de l'information juridique à donner au niveau de la séparation et on va tout de suite parler de l'option de la médiation. Donc, on va évaluer ça. On évalue aussi, dans ces cas-là... nos juristes ont été formés au niveau de protocole de violence conjugale, donc on est capable de détecter, et là, c'est là qu'on fait affaire avec Rebâtir ou encore SOS Violence conjugale.

Mme Nichols : Qui va l'offrir, le service de médiation? Est-ce que c'est vous qui offrez le service de médiation?

Mme Néron (Sara) : Pour le moment, on n'offre pas. Pas en ce moment, mais c'est quelque chose qu'on pourrait être reconnu, par exemple, par le règlement et pouvoir offrir ce genre de services là. Pour compléter, si jamais il y a un manque.

Mme Nichols : Quand vous les dirigez vers le service de médiation, ça prend combien de temps avant d'avoir accès au service de médiation?

Mme Néron (Sara) : Ça dépend des services. Là, si on parle des services de médiation familiale. Les gens appellent, puis ça peut prendre plusieurs appels dépendamment des régions, dépendamment des disponibilités des médiateurs. Si on parle des petites créances, mais là, on assigne, là. C'est toute une procédure qui est comprise dans les règlements présentement. On assigne, et c'est du cas par cas. Des fois, on a rapidement le retour des médiateurs. Des fois, ça peut prendre... ça peut prendre plusieurs jours avant de trouver un médiateur.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : C'est ce qu'on vous disait, notre préoccupation, c'est par rapport à la logistique. En ce moment, il y a des problèmes pour assigner les bons profils au bon médiateur. Donc ça, il faut tout le réfléchir parce que ça peut alourdir le... Et donner un sentiment de ping-pong, là, pour le citoyen.

Mme Néron (Sara) : Oui, puis c'est important, là, que tous les acteurs soient à la table pour trouver les meilleures solutions possibles.

Mme Nichols : Est ce qu'on doit comprendre qu'il n'y a pas nécessairement assez de médiateurs?

Mme Néron (Sara) : Bien, pas... Aux petites créances présentement, je dirais que ce n'est pas nécessairement ça, le problème. Comme je vous disais, c'est de trouver le bon médiateur avec le dossier. Ils sont là les médiateurs. Je pense qu'aussi avec ce projet de loi, c'est intéressant, les formations qui vont... qui vont sembler aussi intéressantes. Et valoriser, je pense, cette profession-là, c'est important.

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Par exemple pour un choix de langue, un choix de territoire, virtuel, pas virtuel, c'est tous des petits éléments qu'on a besoin parce que, sinon, on multiplie, parce qu'on appelle un médiateur qui, lui, n'a pas nécessairement ce profil-là. Donc, c'est ça qu'on veut dire par...

Mme Nichols : Et puis, quand vous référez au médiateur, c'est parce que vous avez les banques de médiateurs par région puis par champ de compétence?

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : C'est une liste qui est gérée par le...

Mme Néron (Sara) : C'est une liste, dans le fond, qui n'est pas...

Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : ...qui est gérée par le ministère.

Mme Néron (Sara) : Oui, c'est ça, puis les greffes aussi on accès à cette liste-là. C'est... ils ont toujours fonctionné avec cette liste-là.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Me Néron, Me Fafard-Marconi, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. C'est très, très, très apprécié. Sur ce la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci. À tantôt!

(Suspension de la séance à 13 h 16)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Bachand) :Bon après-midi à tout le monde. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8, Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : Éducaloi, et je m'étais trompé, j'avais dit Éduc'alcool, mais ça n'a rien à voir avec la Commission des institutions, rien à voir, maître Michel Beauchamp, Option Consommateurs. Mais, d'abord, nous accueillons les représentants de l'Association des jeunes notaires du Québec. Alors, merci d'être avec nous cet après-midi. Comme vous savez, vous avez dix minutes de présentation totale. Alors, je vous invite à prendre la parole, d'abord, en vous identifiant, et à débuter votre exposé. Puis, encore une fois, merci d'être avec nous cet après-midi.

Mme Labrecque (Jessie) : D'abord, un gros merci de l'invitation. Ça nous fait très plaisir d'être présents. Donc, mon nom à moi, c'est Jessie Labrecque. Je suis notaire, présidente de l'Association des jeunes notaires du Québec. J'ai, avec moi, deux membres de mon conseil d'administration, donc on a Me Marie Pier Thivierge et Me George Dolhan, qui vont m'accompagner.

Donc, tout d'abord, au niveau de l'Association des jeunes notaires du Québec, nous existons depuis 2017. En fait, il faut savoir que les jeunes notaires représentent environ 50 %, si ce n'est pas plus, la communauté notariale au Québec. Donc, nous sommes très présents. La mission de l'association, c'est vraiment, justement, de protéger l'intérêt des jeunes notaires. Donc, nous, les notaires, qui sont membres de l'association, doivent avoir quinze ans et moins de pratique, et on est vraiment, là, diversifiés dans nos champs d'expertise. On a des notaires qui sont en pratique qu'on appelle traditionnelle, donc ils travaillent dans les études de notaire. Et il y en a beaucoup également qui sont en pratique non traditionnelle, donc qu'on va retrouver au niveau du gouvernement, des institutions financières et en entreprise. Donc, on est vraiment un petit peu partout. On est très impliqués aussi dans différents comités, dans différents projets avec la Chambre des notaires du Québec.

Donc, pour la suite, je vais céder la parole à ma collègue Marie Pier Thivierge, qui va vous parler, dans le fond, de notre point de vue par rapport au projet de loi huit.

Mme Thivierge (Marie Pier) : Merci, Me Labrecque. Bonjour, chers membres de la Commission des institutions. L'AJNQ accueille favorablement le projet de loi n° 8 intitulé, Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec, présenté par le ministre Jolin-Barrette. Nous remercions... et le ministre de la Justice, et les membres de l'Assemblée nationale pour leur ouverture d'esprit et leur audace à faire les choses autrement, pour favoriser l'efficacité et l'accessibilité à la justice à nos concitoyens. Par ce projet de loi, vous participez concrètement à l'avancement de l'accès à la justice. Vous empruntez une voie innovante avec ce projet de loi huit. Vous permettez aux notaires, acteurs indispensables de notre système juridique, de contribuer à la société en mettant à profit leur expertise.

L'AJNQ s'enthousiasme de deux volets qui interpellent particulièrement nos membres, soit la médiation et d'arbitrage ainsi que l'accès à la magistrature. Les jeunes notaires représentent 50 % des notaires du Québec. Sachez que les jeunes notaires répondront présent dès que cette nouvelle possibilité leur sera offerte. Ils sont enthousiastes de participer activement à la diminution des délais, chose à laquelle la population sourira, considérant que les notaires jouissent d'une dose de confiance indéniable de la part de la population.

D'abord, concernant le volet de la médiation et de l'arbitrage, les notaires comptent parmi les médiateurs autorisés à agir à la Cour des petites créances. La médiation gratuite obligatoire et l'arbitrage automatique, pour les demandes de 5 000 $ et moins à la Cour des petites créances, augmentera le nombre de dossiers que les notaires, médiateurs et arbitres se verront attribuer, ce qui pourrait leur permettre de se consacrer davantage à ce champ de pratique. Actuellement, le nombre de dossiers était suffisant pour en faire une activité à temps complet, malgré l'intérêt de nos membres, pour ce faire. L'AJNQ voit positivement cette avenue pour la réduction des délais de la Cour des petites créances.

Le projet de loi prévoit également que les dossiers déposés en Cour du Québec, qui auront passé par une médiation préalable, mais qui ne seront pas parvenus à une entente, bénéficieront d'un traitement accéléré... et applications concrètes de la place favorable que prend les modes alternatifs de règlement des différends...

Mme Thivierge (Marie Pier) : ...au Québec. Nous sommes d'avis que le nombre de dossiers devant se rendre devant la cour diminuera. Nous sommes également d'avis que le nombre de jours d'audition requis par dossier seront réduits puisque des questions auront été réglées en médiation ou en arbitrage. Vous augmentez directement la qualité des dossiers présentés à la Cour du Québec puisqu'ils porteront davantage sur des points de droit qui feront avancer le Québec. Ces dossiers seront à la hauteur des expertises de nos juges en Cour du Québec.

En ce qui concerne le volet de l'accès à la magistrature aux notaires, l'AJNQ souhaite souligner en gras que les membres de l'Assemblée nationale sont innovateurs, et nous vous en remercions. Votre vision permet au système de justice de se moderniser et de suivre la population. La société d'aujourd'hui, en 2023, est une société douée d'expertises variées et d'expériences diversifiées. Les notaires ajouteront leur expertise réputée en droit des successions et de la famille et en droit immobilier, mais aussi les autres domaines où ils excellent. L'expérience multidisciplinaire du droit quotidienne... au quotidien permet aux notaires de résoudre des problèmes juridiques complexes dans un monde en évolution. Je vous rappelle que les notaires sont des officiers publics. Ils ont un devoir d'impartialité, ce qui nous place dans une situation de devoir peser le pour et le contre dans notre quotidien et de trancher.

D'ailleurs, le Québec bénéficie actuellement de l'expertise de plusieurs notaires agissant à titre de juges administratifs. Le prochain pas naturel est de permettre à la population de bénéficier des expertises variées des notaires pour leurs causes présentées à la Cour du Québec. En permettant aux notaires de se qualifier comme candidats à la magistrature, vous augmentez le bassin de candidatures potentielles pour les postes de juges. Le Québec se dote ainsi d'un bassin additionnel de candidatures exceptionnelles. Pensons notamment aux professeurs de droit, aux éminents chercheurs en droit, aux notaires en droit commercial, aux notaires qui sont conseillers juridiques internes dans les entreprises, les banques, les ministères, les municipalités et qui conseillent quotidiennement des entrepreneurs ou des organisations publiques ou privées de toutes tailles dans des domaines d'expertise qui les distinguent. Les jeunes notaires sont motivés par les possibilités que ce volet leur apporte.

Je remets la parole à mon confrère Me Dolhan pour la clôture de notre allocution.

M. Dolhan (George Andrei) : Merci beaucoup, Me Thivierge. Bonjour, chers membres... les députés membres de la commission. Merci beaucoup pour votre écoute. Comme mentionné par ma collègue, les membres de l'AJNQ sont ravis du projet de loi n° 8 et voient tous ces changements d'un très bon oeil à l'effet que le législateur veut résoudre un problème actuel, qui est l'accessibilité du public à la justice, et de la moderniser en même temps. Que ça soit dans l'amélioration des services de médiation ou bien dans l'accès à la magistrature, nous sommes convaincus que les notaires seront au rendez-vous, tel que mentionné par ma collègue. Le public ne sera pas déçu et sera très ravi et bien servi.

Pour conclure, je vous laisse là-dessus, nous sommes tous les... que ça soit les avocats ou notaires, les deux des juristes. Ne nous limitons pas aux mots «avocat» ou «notaire» après notre signature. N'oublions pas que le plus important... les deux, on a un titre de «maître» avant notre nom. Rendrons la justice meilleure et plus accessible là-dessus.

Nous vous remercions pour votre écoute et nous sommes prêts pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Labrecque, Me Thivierge, Me Dolhan, merci de participer aux auditions de la Commission des institutions sur le projet de loi n° 8. Écoutez, d'entrée de jeu, vous avez dit, bon : Le gouvernement décide d'y aller avec une approche innovante en matière de justice, de moderniser d'une façon innovante. J'aimerais que vous me parliez davantage du rôle du notaire en matière de médiation, la pratique qui est faite.

Tout à l'heure, vous avez dit : Écoutez, actuellement, la médiation ne... Il n'y a pas assez de dossiers en médiation pour faire en sorte que les notaires, supposons, fassent une pratique uniquement, exclusivement basée sur la médiation. Mais, avec le fait de rendre la médiation obligatoire, ça pourrait intéresser des médiateurs... des notaires à devenir médiateurs, notamment dans toutes les régions du Québec. Donc, vous pensez que le bassin de médiateurs va encore augmenter parce que ça va devenir une pratique qui va être intéressante dans les quatre coins du Québec.

• (15 h 10) •

Mme Labrecque (Jessie) : Tout à fait. Tout à fait. En fait, ce qu'on voit actuellement quand même beaucoup chez nos membres... On connaît tous la médiation familiale. Donc, la médiation familiale, c'est quand même un créneau qui est exercé, là, par nos membres. Toutefois, au niveau de la médiation aux petites créances... Moi, j'ai certains confrères, consœurs qui en font. Toutefois, la demande n'est pas très, très élevée. Donc, le projet de loi va justement permettre d'accentuer la demande, et donc c'est certain que ça va intéresser nos membres. Donc, on a beaucoup de nos membres qui font également de la médiation civile. Donc, c'est juste un champ d'expertise supplémentaire qui va s'ajouter. Et les jeunes notaires sont très réceptifs à tout ce qui est nouveauté, se spécialiser dans divers...

Mme Labrecque (Jessie) : ...donc, c'est certain que ça va donner un gros coup de main à la justice québécoise.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur le fait d'inclure, là, la médiation obligatoire, là, vous pensez que ça va avoir un réel impact sur la question des délais et sur le nombre de causes qui vont se retrouver devant la Cour, selon votre expertise?

Mme Labrecque (Jessie) : Tout à fait, tout à fait, on sait que les délais pour aller en petites créances peuvent prendre de 18 mois à deux ans, donc, le fait d'aller en médiation, d'avoir des règlements hors cour, puis que ce soit obligatoire, c'est certain que ça va désengorger le système judiciaire. Donc, les notaires ont toujours été neutres de par leur titre d'officier public, donc on est très présent, on a vraiment une belle capacité pour le règlement, là, des conflits. Donc, on accompagne bien nos clients, on est là à tous les stades de leur vie. Donc, c'est sûr que ça va apporter un gros, gros plus, là, pour le règlement des différends alternatifs.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parlons du fait, comme vous venez de le dire, que les notaires sont habitués de régler des différends puis d'agir déjà à titre de médiateur, vous l'avez souligné tout à l'heure, il y a certains notaires qui sont déjà des juges administratifs, des décideurs administratifs, il y a déjà des notaires qui sont arbitres, que dites-vous à certaines personnes dans la société qui prétendent que le fait de permettre aux notaires d'accéder à la fonction de juge, d'accéder à la magistrature, bien, c'est dangereux, il va y avoir un enjeu pour la protection du public, les notaires ne disposent pas de l'expertise requise pour être un bon juge à la Cour du Québec, ou comme juge à la Cour municipale, qu'ils ne sont pas habitués de faire de la représentation devant les tribunaux, que les notaires ne pratiquent pas dans les domaines de droit suffisants, puis qu'ils sont encarcanés dans uniquement dans l'immobilier, qu'est-ce que vous répondez à tous ces arguments-là qu'on a entendus?

M. Dolhan (George Andrei) : Bien, si je peux prendre la parole, là-dessus, bien, vous avez un très bon exemple devant vous de personnes qui ne sont pas en droit dit traditionnel, entre guillemets, en droit immobilier ou dans un bureau privé, vous avez Me Jessie Labrecque qui est dans le droit dans une institution financière, Me Thivierge qui est en droit des successions également dans une institution financière, et moi qui est du côté municipal, droit des contrats municipaux, je suis même juge de la paix, fonctionnaire, alors le droit notarial n'amène pas juste à des transactions immobilières, loin de là. Je pense que l'expertise... on ne demande pas de diminuer l'expertise nécessaire pour devenir juge, au contraire, on veut qu'on garde les mêmes procédures, mais juste d'augmenter le bassin. Ce n'est pas le type de notaire ou d'avocat qui va faire en sorte d'avoir l'expertise, mais bien les années d'expérience derrière la cravate, comme on dit, et le fait de pratiquer dans des différents domaines, que ce soit traditionnel d'un non traditionnel, ça fait en sorte qu'on va avoir une plus grande expertise dans des domaines plus spécifiques, mais également dans des domaines plus larges, que ce soit immobilier, municipal, ou autre.

M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce que vous dites, qu'est-ce que vous répondez sur l'argument, là, les notaires ne vont pas à la cour ou ils ne plaident pas? Est-ce que ça va faire, de la part des notaires, des mauvais juges?

Mme Labrecque (Jessie) : Pas du tout, en fait, dans le cadre de notre profession, en fait, ce que George mentionnait, c'est qu'on est tous les trois, là, nous, en pratiques non traditionnelles. Par contre, moi, j'ai été 11 ans quand même en pratique privée, et on en fait à tous les jours du règlement de différends puis de la négociation avec des parties. On n'est peut-être pas avec le juge à tous les jours, par contre, on se doit de négocier et on se doit de parvenir à des ententes dans le cadre de nos dossiers. Et il ne faut pas oublier non plus que les notaires font déjà de la procédure, notamment dans le cadre des procédures non contentieuses, donc des ouvertures de régimes de protection, des homologations de mandats et, depuis quelques années, des divorces à l'amiable aussi, quelque chose que je faisais énormément quand j'étais en pratique privée. Oui, on va à la cour de temps à autre, mais, même quand on est dans notre bureau avec nos clients, on en fait de la négociation. Donc, on est bon pour maîtriser le droit, on est bon pour amener les parties à argumenter. Donc, c'est quelque chose qu'on maîtrise déjà dans le cadre de nos activités, même si ça ne se fait pas devant un juge à tous les jours.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur le critère d'officier public, là, des fois, je crois que la cour vous confie le rôle de liquidateur pour liquider des successions, vous êtes mandaté parfois par le tribunal, je ne me trompe pas?

Une voix : Oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Plus largement, là, la simplification de la procédure civile à la Cour du Québec, le fait d'instaurer des conférences de règlements...

M. Jolin-Barrette : ...à l'amiable, pensez-vous que ça va avoir un impact sur les délais mais aussi sur le règlement du nombre de dossiers avant d'aller à procès?

Mme Thivierge (Marie Pier) : Oui, absolument, parce que les parties vont être incitées fortement à régler ou à au moins essayer la médiation, l'arbitrage. Peut-être qu'ils vont être surpris, parce qu'ils ne connaissent pas tout le potentiel de ça. Puis, rendus devant la cour, les dossiers vont être d'une qualité exceptionnelle. Ça va permettre de faire avancer le Québec. Tout ce qui a pu être réglé va être réglé, puis il va rester des questions de droit plus litigieuses, plus corsées, qui vont nous permettre d'avancer tous ensemble, faire avancer notre société.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous voyez ça véritablement comme un... le fait d'être davantage efficace dans le système de justice. Quand les jeunes notaires rencontrent des justiciables, là, dans leurs bureaux, là, qu'est-ce qui est recherché par les justiciables par rapport à une situation juridique? Ils veulent que leur dossier soit réglé? Ils veulent être accompagnés? Ils veulent être conseillés? J'imagine que c'est tous des éléments que les notaires font, actuellement.

Mme Thivierge (Marie Pier) : Oui. C'est difficile de dire que c'est une seule de ces voies-là, parce que ça dépend des clients, ça dépend des besoins aussi. Les notaires sont dans toutes les régions, dans presque toutes les municipalités au Québec. C'est des gens de proximité qui permettent de régler des petits conflits, mais des plus gros aussi avec la médiation, avec la négociation, et en étant dans des régions, ils savent que leurs voisins, tu sais, ils n'ont pas le choix de les aider le mieux qu'ils peuvent. Ils sont beaucoup dans l'information aussi, informer, conseiller. Donc, le conseil juridique, c'est... le notaire est conseiller juridique aussi, on l'oublie, parfois, mais ça fait partie aussi d'un de ses chapeaux qu'il porte, pas seulement le chapeau d'officier public.

M. Jolin-Barrette : Juste avant de céder la parole à mes collègues, l'Association professionnelle des notaires nous a dit, dans leur mémoire : Vous devriez mettre deux membres sur le Conseil de la magistrature. Est-ce que vous partagez également les recommandations de l'Association professionnelle des notaires relativement nombre de membres notaires sur le conseil?

Mme Thivierge (Marie Pier) : Oui. Absolument.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie grandement d'être venus en commission parlementaire.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Question du côté gouvernemental? Mme la députée d'Anjou-Louis-Riel, s'il vous plaît.

Mme Boivin Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour la présentation. Le Barreau du Québec propose qu'il conviendrait de scinder le projet de loi en deux et de reporter, là, dans un deuxième temps la question des notaires à la magistrature. Alors, comment vous réagissez à cette proposition en deux temps?

Mme Labrecque (Jessie) : Je vais laisser maître Dolhan répondre à la question.

M. Dolhan (George Andrei) : Pourquoi retarder à une date ultérieure ce qu'on peut faire aujourd'hui? On n'est pas le premier gouvernement à le faire. Il y en a d'autres, pays où les notaires peuvent aller à la magistrature pour x raisons. Actuellement, du côté du Québec, on peut aller, que ça soit du côté des juges administratifs, alors il n'y aurait pas un avantage de le scinder en deux et de le retarder. Je trouve qu'on ne servira pas les citoyens et on servira juste les avantages du Barreau.

Mme Thivierge (Marie Pier) :  Pourquoi vouloir repousser la possibilité de pouvoir bénéficier de l'expertise supplémentaire ou différente, complémentaire des juges actuels. Ce n'est pas au bénéfice de la société, à mon avis, de repousser l'intégration d'une expertise complémentaire.

Mme Boivin Roy : Très bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean.

• (15 h 20) •

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. On va en parler, d'expertise, mais, d'abord, je note à grands traits votre enthousiasme. Non seulement vous aviez dit, comme l'a noté le ministre, que c'était innovateur, mais vous avez aussi dit que c'était moderne.

C'est clair qu'avec les notaires qu'on a entendus ce matin, d'avoir accès à la magistrature, pour eux, c'était... et je pense que celui qui nous a dit ça, il dit : Moi, je suis là depuis 36 ans puis je ne me souviens pas d'un président qui ne l'a pas réclamé depuis que je suis là. J'ai noté que vous disiez que vous seriez prêts. Est-ce que ça fait partie, parce que j'ai remarqué aussi que vous aviez un grand nombre de notaires qui étaient, entre guillemets, jeunes, parmi tous les notaires du Québec, est-ce que ça fait partie de l'idée, c'est-à-dire, est-ce que vous n'aviez pas juste envie de ça, mais vous continuiez de croire que ça s'en venait parce que ça fait partie d'un plan de carrière? Parce que vous allez être prêts, nous dites-vous, au moment où ça va être possible de passer, après les 10 ans de profession.

Mme Labrecque (Jessie) : Bien, en fait, comme je le mentionnais, au tout début, en fait, là, ce qu'on a pu remarquer vraiment dans les dernières années, c'est que, oui, on a un grand bassin de jeunes notaires, mais...

Mme Labrecque (Jessie) : ...c'est qu'on est... Nos champs d'expertise sont extrêmement diversifiés. Les notaires se spécialisent de plus en plus. Ils travaillent à peu près partout maintenant dans la société. Avant, on voyait beaucoup les notaires dans les études de notaire traditionnelles. Maintenant, on est partout dans ce qu'on appelle le non traditionnel. Donc, la magistrature n'est qu'une continuité de ce qu'on est capables de faire, des expertises qu'on est capables d'aller chercher. Les jeunes notaires sont intéressés à ça. Donc, c'est quelque chose pour un plan de carrière, pour une spécialité, qui intéresse grandement nos membres. Donc, oui, les jeunes notaires seront au rendez-vous, là, quand le projet de loi sera adopté. Et il y en a beaucoup, là, qui vont être prêts et intéressés à y accéder.

M. Lemieux : Justement, l'expertise, vous me la ramenez, et c'est là où je voulais aller, ça n'a rien à voir, mais ça a tout à voir parce que tout est dans tout. Je me souviens, dans la dernière législature, on a élargi le rôle des coronaires pour permettre à toutes sortes de corps de métier et de professions de devenir coronaires, et pas seulement le bon vieux docteur de l'époque, parce que, justement, on avait besoin d'architectes, d'ingénieurs, de ci, de ça. Depuis ce matin que j'entends parler de l'expertise, c'est quoi? Je comprends que, vous, vous comprenez quand vous nous dites que vous avez l'expertise, mais M. et Mme Tout-le-monde à la maison, qui vont juste régler des affaires, comme on le disait tantôt, d'immobilier dans vos cabinets, une fois de temps en temps, des fois juste deux ou trois fois dans une vie, qu'est ce que vous avez comme expertise qu'on n'a pas déjà pour les tribunaux?

Mme Labrecque (Jessie) : En fait, les notaires, on accompagne les gens vraiment à toutes les étapes de leur vie. Donc, comme vous le dites, oui, il y a certains clients qu'on va voir, qui vont aller chez le notaire deux ou trois fois dans une vie. Par contre, notre rôle ne se limite pas au droit immobilier. Souvent, le droit immobilier, un jeune couple qui va faire l'achat d'une première maison, on va être là pour leur parler de, bon : Est-ce que vous avez vos testaments-mandats? Le droit de la personne, les gens mariés : Est-ce que vous avez un contrat de mariage? On va même faire dans certains cas de la planification financière fiscale avec les clients. Donc, on a Marie Pier, qui est ma consœur ici, là, qui est justement fiscaliste. Donc, on a aussi une très grande responsabilité professionnelle. Donc, on se doit d'informer nos clients, de leur parler de tous les impacts possibles de chaque geste qu'ils vont poser, que ce soit au niveau de l'acquisition, que ce soit au niveau de leur testament-mandat, en cas de mariage. On a une responsabilité vis-à-vis la fiscalité, même si on n'est pas fiscaliste, donc, au niveau du droit des affaires également. Donc, on les accompagne dans toutes sortes d'étapes de leur vie. Donc... Et quand je dis qu'on est très diversifiés, c'est qu'on est présent à peu près partout. Donc, la majorité des gens qu'on va rencontrer, on développe vraiment un lien personnel avec eux, puis on va les accompagner pour chaque grande étape de leur vie.

M. Lemieux : D'accord, je comprends que vous avez beaucoup à offrir à la magistrature de l'avenir. Et je note, parce que vous l'avez dit, Monsieur, en vous saluant, Mesdames, Monsieur, que nous ne serons pas déçus.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M le député de Saint-Jean. Mme la députée de Charlevoix–Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : Oui. Merci beaucoup, Maître, de vous prêter à l'exercice. J'aimerais qu'on parle de la formation parce que, bon, les avocats, c'est une profession peut-être plus connue. On connaît tous l'examen du Barreau, on en entend parler. Quelle est la formation des notaires? C'est quoi la similitude aussi avec celle que reçoivent les avocats?

M. Dolhan (George Andrei) : Si je peux aller là-dessus, il ne faut pas oublier que les deux, avant de choisir vers le Barreau ou vers la Chambre des notaires, d'aller dans une direction ou dans l'autre, on est tous obligés de faire un bac en droit. Trois ans d'études où on touche à toutes les sphères du droit, que ce soit le droit pénal, le droit criminel, droit des sociétés, famille et autres, soit qu'il aille dans des branches plus spécifiques, par exemple le droit immobilier, ou les cours au bac qui ne sont pas très avancés. C'est pour ça que comme notaires, nous, avant de pouvoir déposer notre candidature à la Chambre des notaires, nous devons aller chercher une maîtrise. Avant, c'était un diplôme de deuxième cycle, maintenant, c'est une maîtrise depuis 2007, une maîtrise qui comporte des cours plus spécifiques en fiscalité, comptabilité, finance, droit immobilier, succession, famille. Et par la suite on va pouvoir aller passer les examens, les évaluations de la Chambre des notaires, qui sont entre autres une opinion juridique. Je vais parler de 2016 et non de 2022. Possiblement que ça a changé, mais, depuis 2016, il y avait de l'évaluation, les trois gros projets dans chacun des domaines, que ce soit immobilier, succession et à tout ce qui est droit des sociétés. À ce moment-là, on nous évalue dans chacun des domaines afin de s'assurer qu'on a toutes les compétences pour occuper le titre de notaire.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Merci. Merci de participer aux travaux de la commission, Mes Labrecque, Thivierge et...

M. Morin : ...Dolhan. Je vous le dis d'emblée, moi, j'appartiens au barreau. Alors, écoutez...

Mme Thivierge (Marie Pier) : On vous aime quand même.

M. Morin : ...à entendre parler des notaires depuis ce matin, on ne peut pas être tous parfaits. Moi, je suis avocat, mais quand même on travaille tous pour un accès à la justice, n'est-ce pas?

M. Dolhan (George Andrei) : Exactement.

M. Morin : J'ai quelques questions pour vous parce qu'on va entendre la chambre des notaires... Ce matin, on a entendu l'Association professionnelle des notaires. Vous, vous êtes l'association des jeunes notaires. Donc il y a beaucoup d'associations chez les notaires. Je comprends que vous n'êtes pas la chambre... l'ordre professionnel qui est la chambre des notaires, donc vous n'avez pas le même mandat. Qu'est-ce qui vous distingue de l'association professionnelle? Vous militez seulement pour les jeunes notaires ou y a-tu d'autres choses qui vous distingue?

Mme Labrecque (Jessie) : Bien, en fait, c'est sûr que, nous, on est vraiment pour la protection des jeunes notaires, donc des quinze ans et moins de pratique. Puis l'association a été créée il y a quelques années, parce qu'en fait, vu le bassin grandissant des jeunes notaires, donc dans la proportion de la communauté notariale, on s'est vraiment rendu compte qu'il y avait un manque à gagner au niveau de la formation, de l'encadrement des plus jeunes notaires. Donc, c'est pour ça, là, notamment que l'association a été créée, donc vaiment pour répondre à un besoin qui était existant, là, de prendre en charge un peu plus les jeunes membres de l'ordre professionnel.

Mme Thivierge (Marie Pier) : Je voudrais juste ajouter. En fait, les jeunes notaires cherchaient beaucoup de la collaboration avec leurs pairs, de pouvoir aider de nouvelle façon puis innover ensemble avec le droit puis de pouvoir collaborer, s'entraider. C'est des professions qui sont réparties... au Québec. Donc, les réseaux professionnels d'entraide, c'est un besoin, là, des jeunes notaires, justement, pour connaître les confrères, les consoeurs qui sont spécialisés puis qui ont des expertises vraiment différentes puis qui peuvent les aider dans leurs dossiers ou intervenir au besoin pour leurs clients.

M. Morin : Merci. Depuis ce matin, on a discuté bien sûr du projet de loi, et, je vous dirais qu'il y a une partie importante du temps qui a été consacrée à l'accès potentiel à la magistrature pour les notaires, alors que ça semble être un volet hyper important d'améliorer l'accès à la justice au Québec.

Néanmoins, moi, j'aurais des questions à vous poser sur le projet de loi, parce que j'aimerais avoir votre opinion pour éventuellement peut-être bonifier le projet de loi. J'attire votre attention sur l'article... c'est 7 du projet de loi qui réfère à l'article 535.6 et qui dit que le défendeur a 85 jours, de la signification de l'avis, pour compléter son dossier. Est-ce que vous pensez que 85 jours c'est suffisant dans les circonstances pour permettre à un défendeur de bien se défendre et bien préparer sa cause, compte tenu que le demandeur, lui, a habituellement plus de temps pour se préparer?

• (15 h 30) •

M. Dolhan (George Andrei) : Du côté du 85 jours, le délai, il est, selon moi, sans avoir analysé l'ensemble des délais ou des reports de dossiers, parce qu'on se rend compte qu'il y a plusieurs... même si le dossier n'est pas préparé à 100 %, on peut reporter un dossier à une date ultérieure. Est-ce que le délai est juste ou non? C'est très difficile à dire, vide de même, sans une analyse. Mais il ne faut pas oublier que 85 jours, c'est pas mal, là, deux mois et demi. Alors, en sachant très bien qu'il y a une situation problématique dans un ou l'autre, qu'on soit défendeur au demandeur, je pense qu'un deux mois et demi pour préparer un dossier, sauf cas de force majeure ou dans des dossiers importants, je pense qu'un délai de 85 jours, ça pourrait être raisonnable.

M. Morin : O.K. Je vous remercie. Autre question que j'ai pour vous... et là je ne veux pas vous induire en erreur, donc c'est toujours à l'article 7, mais qui va apporter une modification à l'article 535.14 du code de procédure civile, qui se lit comme suit : Une partie peut, pour tenir lieu de témoignage de l'un de ses témoins sur les faits du litige, produire une déclaration écrite de ce dernier, pourvu que cette déclaration ait été préalablement notifiée aux autres parties. Elle ne peut excéder cinq pages.

Or, on sait que, si je comprends bien le projet de loi, donc, une partie pourrait déposer une déclaration écrite qui éventuellement va faire la preuve de quelque chose, mais il ne semble pas y avoir de contre-interrogatoire de prévu. Est-ce que c'est quelque chose qui vous inquiète, compte tenu du fait que le contre-interrogatoire est une façon...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Morin : ...de vérifier la véracité, ou l'authenticité, ou l'exactitude de ce qu'un témoin peut rapporter à la cour?

M. Dolhan (George Andrei) : Oui, ça peut être problématique dans le cas où on a des doutes sur la véracité de ces documents-là, en effet, ça peut être problématique.

Mme Labrecque (Jessie) : C'est sûr qu'il ne faut pas oublier non plus que la bonne foi se présume. Donc, si je peux faire le parallèle, par exemple, avec les demandes conjointes de divorce, quand c'est déposé, c'est déposé avec une déclaration solennelle, dans le fond, par laquelle les parties vont faire certaines déclarations et déclarer également que ce qu'on va retrouver dans la demande conjointe, c'est véridique. Donc, à moins vraiment d'éléments probants, il n'y a pas lieu de douter, dans le fond, par rapport aux déclarations qui sont faites. Donc, on se doit toujours de présumer la bonne foi.

M. Morin : Je vous remercie. J'aimerais aussi vous entendre, parce qu'avec beaucoup d'enthousiasme, c'est tout à votre honneur, vous parlez beaucoup de la magistrature et la possibilité pour les notaires d'accéder à la magistrature. Or, évidemment, dans une société où prime la primauté du droit, l'indépendance de la magistrature est fondamentale. On s'entend là-dessus.

Il y a une disposition du projet de loi, l'article 36, qui pourrait permettre dorénavant au vérificateur général d'aller vérifier les comptes du Conseil de la magistrature et qui va forcer le conseil à publier sur son site Internet différentes informations, dont les «sommes requises dans l'exercice de ses fonctions, notamment celles requises pour la conclusion de contrats de services ou d'approvisionnement ou le paiement d'autres charges». Est-ce que ça, pour vous, ça pose un problème? Est-ce que ça soulève une inquiétude quant à l'indépendance du Conseil de la magistrature?

M. Dolhan (George Andrei) : Pour répondre là-dessus, je ne pense pas. Il faut être... Il ne faut pas oublier que les salaires, que ça soit des conseillers de la magistrature ou autres, c'est les citoyens qui le paient avec des fonds publics. À ce moment-là, il faut être le plus transparent possible envers le public. Le fait de l'afficher et que le public puisse en prendre connaissance, ça ne veut pas dire automatiquement qu'il va y avoir des problèmes. Je pense que les fonds sont très bien gérés actuellement. À ce moment-là, je ne verrais pas pourquoi les rendre publics serait un problème là-dessus.

M. Morin :D'accord. Je vous remercie. Pour revenir à la possibilité pour les notaires d'accéder à la magistrature, vous avez mentionné, si j'ai bien compris que, dans d'autres pays, des notaires peuvent accéder à la magistrature. Est-ce que vous avez des exemples qui pourraient nous servir de précédents?

M. Dolhan (George Andrei) : Je sais que la Chambre des notaires va faire des représentations là-dessus, alors je vais laisser la chambre en parler plus en détail.

M. Morin :Très bien. Je vous remercie. Vous avez également mentionné qu'il y avait des notaires qui occupaient présentement des fonctions de juges administratifs, je crois. Est-ce que vous avez une idée de leur nombre, de leurs fonctions, des tribunaux où ils sont nommés et de la formation qu'ils reçoivent?

M. Dolhan (George Andrei) : Je n'ai pas de liste, mais c'est sûr et certain que, dans le mémoire que nous voulons déposer, du côté de l'AJNQ, on va pouvoir vous mentionner ce type d'information là sans problème.

M. Morin :Parfait. Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Moi, je ne suis pas membre du Barreau, contrairement à beaucoup de gens ici. J'entends vos arguments à l'effet que vous êtes prêts à accéder à la magistrature, mais, de toute évidence, il semble que le Barreau n'est pas convaincu, pour sa part, de ces arguments-là. C'est assez tendu, puis ça me fait craindre des tensions internes au sein de la magistrature, éventuellement, si le projet de loi va de l'avant puis que les notaires accèdent à la magistrature.

Il semble que vous avez une bonne expertise dans le règlement des différends. Qu'est-ce que vous pensez qu'on peut faire pour éviter ces tensions-là? Est-ce qu'il y a déjà un dialogue d'amorcé, quand même, pour faire avancer un peu cette tension-là avec le Barreau?

Mme Labrecque (Jessie) : Mais, en fait, il ne faut pas oublier que le Barreau doit défendre l'intérêt de ses membres. Donc, c'est sûr que de voir arriver d'autres professionnels, possiblement, dans des fonctions qui leur étaient exclusives, c'est sûr que ce n'est pas quelque chose qui leur plaît. Sauf que, dans l'exercice de notre profession, de dire qu'il y a des tensions avec les avocats... En fait, on collabore déjà beaucoup avec des avocats. Donc, je ne pense pas qu'il va y avoir de tension palpable...

Mme Labrecque (Jessie) : ...je pense que le Barreau répond simplement à sa mission en protégeant l'intérêt de ses membres. Mais personnellement, compte tenu que, si on regarde nos membres, nos membres à nous, il y en a plusieurs, il y a beaucoup d'esprit de collaboration quand même avec les avocats. Donc, tu sais comme on expliquait, il y a des champs d'expertise différents, donc ça va vraiment se compléter. Je ne pense pas que ça va impacter le système judiciaire. Donc, ce n'est pas une crainte que, pour ma part, que moi j'ai face au notaire qui pourrait accéder à la magistrature.

Mme Thivierge (Marie Pier) : Juste rappeler des statistiques. Là, on est à peu près 4 000 quelques notaires. Il y a je ne sais pas exactement combien d'avocats, mais c'est...

Une voix : 38 000.

Mme Thivierge (Marie Pier) : Est-ce qu'on est une si grande menace que ça versus les bénéfices que la société va en retirer? Je vous laisse peser le pour et le contre là-dessus, là, mais pour moi c'est une évidence, là. Il semble...

M. Dolhan (George Andrei) : Mais, pour rajouter... Excusez-moi, pour rajouter là-dessus, il ne faut pas oublier qu'il y a un règlement qui s'appelle le Règlement sur les procédures de sélection des candidats dans la fonction de juges de la Cour du Québec, de juges d'une cour municipale, puis de juges de paix, magistrats. On ne demande pas la modification des critères d'admission des juges. On demande seulement qu'on augmente le bassin et d'appliquer les mêmes critères qui sont spécifiés dans un règlement. Alors, ce n'est pas tous les notaires qui vont devenir juges, ce n'est pas tous les avocats qui deviennent juges, mais bien ils sont sélectionnés en vertu de leur expertise, de leur expérience, du bagage qu'il détient, et non juste du fait qu'ils sont avocats ou notaires.

Mme Labrie : Donc, ça ne vous inquiète pas qu'une fois le changement effectif, votre reconnaissance, la diversité de votre bagage, ça va être reconnu par vos collègues qui auraient accédé à la magistrature par un autre chemin.

M. Dolhan (George Andrei) : Non.

Une voix : Pas du tout.

Mme Labrie : C'est beau.

Le Président (M. Bachand) :...allez-y.

Mme Nichols : Merci. Peut -être pour rester sur la même thématique, on comprend que les notaires sont emballés, que c'est une belle surprise, que ça ne faisait définitivement pas partie d'un plan de carrière pour les notaires de devenir juges un jour. Et d'ailleurs, les jeunes notaires, vos études quand vous avez fait vos études, vous le saviez parce que... bon, je l'avoue, moi aussi je ne suis pas du bon bord, je suis avocate, je suis membre du barreau, puis, quand j'ai fait mon choix, je le savais que si je choisissais le notariat, que je ne pouvais pas aller à la magistrature, je savais qu'en étant avocate, ça me permet aussi de plaider, que si je m'en allais notaire, je ne pourrais pas plaider. Donc, vous étiez au courant de tout ça aussi quand vous avez fait vos choix de carrière tout comme Me Bibeau, ce matin, là.

Mme Thivierge (Marie Pier) : Oui, mais pour... oui, si je peux répondre, pour moi-même quand j'ai fait le choix entre devenir avocate ou notaire, moi, ce que je voulais, c'est faire du conseil juridique, donc ce n'est pas nécessairement de plaider ou non, c'était le conseil, accompagner mon concitoyen, mon voisin, l'entrepreneur dans toute sa... dans tout son cheminement de vie, donc du début jusqu'à la fin. Donc, je ne pense pas qu'il n'y a personne qui décide de devenir avocat parce qu'il a le plan de devenir juge.

Mme Nichols : C'est encore drôle, mais...

M. Dolhan (George Andrei) : C'est d'heureuses conclusions pour plusieurs, mais...

Mme Nichols : C'est encore drôle. Mais, bien. J'ai juste une question, là, au niveau de la formation, parce qu'on sait que, oui, ils ont la même formation, tout le monde, ils ont un bac en droit, puis après ça, on décide, on va au barreau ou on fait le notariat. C'est là où la formation devient un peu différente. Qu'est-ce qu'ils manqueraient, selon vous, les notaires comme formation? Parce que ça va prendre, mettons, une formation d'appoint ou une... qu'est-ce que, selon vous, ça prendrait comme formation supplémentaire ou d'appoint?

• (15 h 40) •

Mme Labrecque (Jessie) : En fait, aucune. On est tout à fait habilité avec les connaissances qu'on a déjà et la spécialisation qu'on va prendre dans l'exercice de la profession, avec l'accompagnement client. On a déjà toutes les habiletés nécessaires pour avoir accès. Donc, ça ne rend pas de formation d'appoint. On la connaît, la procédure, on maîtrise le droit, on est déjà apte.

Mme Nichols : Même ceux qui n'ont jamais plaidé en chambre? Puis là je ne veux pas être juste là-dessus, je vous de médiation aussi. Mais, même ceux qui n'ont jamais plaidé en chambre, qu'ils ne connaissent pas nécessairement les interros, les contre-interros, de la procédure pure, là, en tant que tels, ça va, tout est beau?

Mme Thivierge (Marie Pier) : Ce n'est pas dans les conditions d'accès, dans le règlement. Donc, tu sais, si vous questionnez le règlement qui est déjà en place, c'est une chose, là, mais je pense qu'on se qualifie déjà là-dessus.

M. Dolhan (George Andrei) : Et si je peux renchérir là-dessus, il y a plusieurs avocats qui ne sont... Excusez...

Mme Nichols : Non, non, c'est parce que j'aurais aimé ça vous entendre vite, vite, vite sur la médiation. Puis, M. le Président m'indique qu'il reste 20 secondes.

M. Dolhan (George Andrei) : Je vous écoute.

Mme Nichols : Sur la médiation, votre avis. Les notaires, la médiation, ça va....

Mme Nichols : ...le temps, c'est trop long, qu'est-ce qu'on fait, on en rajoute beaucoup?

M. Dolhan (George Andrei) : On n'a comme pas compris la question...

Mme Nichols : Bien, les médiateurs, la médiation, vous faites beaucoup de médiation. On devrait ajouter beaucoup de notaires, comme médiateurs?

M. Dolhan (George Andrei) : En fait, ce n'est pas une question de rajouter beaucoup de notaires comme médiateur ou non.

Mme Nichols : Mais il en manque, il en manque, dans le milieu?

M. Dolhan (George Andrei) : C'est ça. Il en manque, des médiateurs. Il y en a de plus en plus, d'avocats qui sont occupés à d'autres tâches puis ils ne veulent pas se spécialiser, par exemple, en médiation. À ce moment-là, pourquoi ne pas utiliser un autre juriste qui peut faire de la médiation, qui est formé en médiation? Pourquoi ne pas l'utiliser quand on en a besoin, de médiation? Je pense que c'est un problème à diminuer l'attente.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Labrecque, Me Thivierge, Me Dolhan. Merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très, très, très apprécié.

Et, sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 42)

(Reprise à 15 h 45)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants d'Option Consommateurs. Alors, bienvenue à vous deux. Très, très, très honoré de vous avoir aujourd'hui avec nous. Alors, comme vous savez, vous avez dix minutes de présentation. Après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole. Et je vous demande d'abord de vous présenter, s'il vous plaît.

M. Corbeil (Christian) : Oui. Bonjour. Christian Corbeil, directeur général d'Option Consommateurs. M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les Députés, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous présenter nos observations aujourd'hui.

Créé en 1983, Option Consommateurs est une association à but non lucratif qui a pour mission d'aider les consommateurs et de défendre leurs droits. Depuis près de 40 ans, la question de l'accès à la justice des consommateurs a toujours été au cœur de nos préoccupations. À travers les années, nous avons accompagné des consommateurs qui avaient besoin de soutien à travers différents projets, notamment ceux s'adressant aux aînés. Notre expérience sur le terrain nous a permis d'être témoins des obstacles auxquels peuvent faire face les consommateurs lorsque vient le temps de faire valoir leurs droits.

Nous avons réfléchi à ces questions dans le cadre de plusieurs projets de recherche. Nous sommes ainsi en mesure d'affirmer que certains d'entre eux auraient abandonné leur recours s'ils n'avaient pas bénéficié d'un certain accompagnement. Nous sommes donc bien placés pour analyser les pratiques susceptibles d'affecter positivement ou négativement les consommateurs quand vient le temps d'obtenir justice. En tant...

M. Corbeil (Christian) : ...association de consommateurs, notre préoccupation est que les consommateurs aient un sentiment de justice à l'issue des recours qui leur sont proposés pour obtenir justice. On le sait, les consommateurs sont des justiciables hétérogènes. Ils ne font pas tous face aux mêmes barrières devant le système de justice. Il est donc nécessaire d'adapter les solutions qui leur sont proposées afin de répondre à leurs besoins. C'est dans cette perspective que nous accueillons favorablement les différentes options d'accès à la justice présentées par le projet de loi n° 8. Il s'agit pour nous d'un pas dans la bonne direction. Aussi, nous espérons que les ressources nécessaires seront disponibles au moment de l'entrée en vigueur de ces mesures pour faciliter ce virage.

Je vous laisse ma collègue Clarisse N'Kaa, avocate et analyste, vous exposer l'essentiel de nos commentaires. Merci.

Mme N'Kaa (Clarisse) : Bonjour et merci à tous. Merci pour l'invitation. Alors, comme l'a mentionné Monsieur Corbeil, nous considérons que le projet de loi n° 8 est un pas dans la bonne direction, sous réserve, évidemment, de certaines observations que je vais vous présenter tantôt. Mais, tout d'abord, nous apprécions la possibilité pour les tribunaux de rendre des jugements sur le vu du dossier, la limitation des interrogatoires préalables aux réclamations de 50 000 $ et plus. Nous apprécions aussi la limitation à cinq du nombre de pages des énoncés des demandes introductives d'instance pour les réclamations de 100 000 $ et moins, la possibilité aussi de revendiquer un bien aux petites créances lorsque cette demande est accessoire à une demande de la compétence de cette cour et, finalement, le fait d'encourager le recours à la médiation, l'arbitrage et la conférence de règlement à l'amiable comme modes pour régler les différends.

Cependant, nous considérons que des améliorations pourraient être apportées au projet de loi pour atteindre des objectifs qui sont visés d'améliorer l'efficacité, l'accessibilité à la justice et de simplifier les procédures. Nos observations s'articulent en six points et se rapportent principalement aux mesures prévues à la Cour des petites créances parce qu'il s'agit, dans le fond, de la clientèle avec laquelle nous traitons.

Donc, premièrement, nous considérons qu'il y a un grand absent dans ce projet de loi. C'est le pont entre la médiation préjudiciaire et la Cour des petites créances. Alors, comme vous le savez, l'article 2 du projet de loi prévoit qu'un dossier accompagné d'une attestation délivrée par un médiateur accrédité sera instruit en priorité. Sauf que le projet de loi vise les demandes déposées à la Cour des petites créances. Or, nous savons qu'en matière de consommation il existe déjà de la médiation à l'étape préjudiciaire. Je pense ici à la plateforme de règlement de litiges Parle consommation, qui est chapeautée par l'Office de la protection du consommateur. Nous nous demandons en fait ce qu'il adviendra des dossiers non réglés à cette étape. Devront-ils participer à une autre médiation une fois devant la Cour des petites créances?

Alors, ce que nous recommandons, c'est de prévoir un mécanisme de transfert des dossiers qui ont bénéficié d'une médiation sur la plateforme Parle vers la Cour des petites créances ou simplement de permettre des médiateurs qui oeuvrent sur cette plateforme de pouvoir émettre une attestation qui sera jugée valable dans l'appréciation de la priorité accordée au dossier à la cour.

• (15 h 50) •

Deuxièmement, le projet de loi introduit le principe selon lequel les dossiers qui passent par la médiation seront priorisés dans l'instruction à la cour, un peu comme dans notre première observation, en cas d'absence de règlement. Nous avons quand même des observations sur le plan pratique. Dans les faits, en rendant la médiation obligatoire, tous les dossiers seront prioritaires. Quelle serait alors la valeur ajoutée si, dans le fond, tous les dossiers passent par la médiation obligatoirement et qu'au final, bien, ces dossiers sont priorisés?

Deux, le projet de loi prévoit qu'il y aura des exceptions au caractère obligatoire de la médiation. Les dossiers qui seront exemptés d'aller en médiation seront-ils instruits en priorité au même titre que les autres? Nous pensons que oui. Nous pensons que la... cet article devrait être clarifié, évidemment, dans le projet de règlement, là, à venir.

Troisièmement, nous désirons souligner la particularité des modes privés de règlement des différends en droit de la consommation. En matière de consommation, comme vous le savez, la médiation se déroule dans un contexte d'une loi d'ordre public et de déséquilibre de pouvoir entre les parties. Donc, il y a les commerçants d'un bord, et, de l'autre bord, on a les consommateurs. Nous considérons qu'un accompagnement est nécessaire, spécialement en cas de risque de renoncer à un droit, afin que cela se fasse de façon libre et éclairée. Si on prend l'exemple en médiation familiale...

Mme N'Kaa (Clarisse) : ...il existe une disposition qui invite un médiateur qui constate qu'un projet d'entente est susceptible de causer un différend futur ou un préjudice à l'une des parties, de remédier à la situation et, le cas échéant, d'inviter les parties à aller prendre conseil. Nous pensons qu'une disposition similaire pourrait être prévue en matière de consommation. Pour nous, l'accompagnement des consommateurs est une condition importante pour que la médiation soit obligatoire en matière de consommation. Pour les mêmes raisons et considérant le caractère final d'une sentence arbitrale, nous recommandons que s'il y a arbitrage en matière de consommation, que le processus soit chapeauté par l'Office de la protection du consommateur et que les arbitres aient une expertise en droit de la consommation.

Quatrièmement, la qualification des médiateurs et arbitres. Considérant que les droits des justiciables sont en jeu, nous souhaitons que l'exigence voulant que la médiation soit présidée par un avocat ou un notaire accrédité par son ordre professionnel soit maintenue. Par ailleurs, en matière de formation de nouveaux arbitres, nous proposons de s'inspirer de ce qui se fait en médiation familiale en ce qui a trait à la supervision nécessaire entre l'accréditation temporaire et l'accréditation permanente.

Et en cinquième lieu, nous proposons de clarifier l'article deux du Code de procédure civile eu égard au caractère volontaire des modes privés, afin d'éviter toute apparence de contradiction avec l'article 13 du projet de loi qui introduit le caractère obligatoire de ces montants.

Nous accueillons, en sixième lieu, nous accueillons très favorablement la possibilité pour les justiciables d'obtenir des jugements sur le vu du dossier. Cependant, considérant que, dans les litiges de consommation, il existe un déséquilibre des pouvoirs entre les commerçants et les consommateurs. Nous considérons qu'il serait approprié que le jugement soit rendu sur le vu du dossier à la demande du consommateur.

En conclusion, pour que le public adhère au mécanisme de règlement des différends prévu dans le projet de loi, il est important qu'ils en comprennent l'essence et la pertinence. Par conséquent, si le message qu'on véhicule ne mentionne que la seule finalité de ces modes privés est de désengorger les tribunaux, le danger est que ces mécanismes soient perçus comme une justice à rabais où les droits ne sont pas respectés. Il sera alors difficile de tirer le plein potentiel de ces processus. La finalité de mon DPRD est non seulement de régler un problème, mais aussi d'aider à prendre conscience des éléments à la source d'un problème. Cette prise de conscience est importante. Une meilleure vulgarisation de modes privés de règlement des différends au sein de la population est nécessaire. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Me N'Kaa, M. Corbeil, merci infiniment. M. le ministre, s'il vous plaît. La parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. Corbeil, Me N'Kaa, bonjour. Merci beaucoup de participer aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi N° 8. Je veux répondre à une de vos interrogations, je comprends que, quand vous donnez l'exemple d'un dossier qui n'irait pas en médiation obligatoire, exemple, un litige en matière de violence conjugale, on n'enverrait pas le litige en médiation obligatoire, justement, on va l'exclure par voie réglementaire. Vous, vous nous dites, il ne devrait pas être... mais, en fait, il ne devrait pas être défavorisé, il ne devrait pas être pénalisé pour être fixé par priorité parce qu'il n'y a pas accédé à la médiation et donc... là, supposons, dans le cadre de la procédure simplifiée, là, à la Cour du Québec, donc, on n'est pas aux petites créances, donc, dans ce cas-là, on ne devrait pas pénaliser les individus à cause de la nature du dossier parce qu'on l'a nommément exclu, donc, c'est bien ça?

Mme N'Kaa (Clarisse) : C'est exactement ça parce que, voilà, le dossier a été exclu par règlement et ce n'était vraiment pas la volonté des parties dans ce cas-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, on se prend une note par rapport à ça, c'est un très bon commentaire, donc on va s'assurer de spécifier le tout dans le cadre du règlement. Donc, en termes de procédure simplifiée à la Cour du Québec, je comprends que vous accueillez favorablement le fait, pour les justiciables, qu'il n'y ait plus d'interrogatoires en bas de 50 000 $, que les tribunaux peuvent rendre jugement sur le vu du dossier à 3 000 $, la procédure aussi qui est maximum cinq pages puis la défense maximum deux pages également, vous êtes d'accord avec ça. Donc, ces éléments-là, vous trouvez que c'est favorable aux justiciables, puis ça génère moins de coûts pour lui, là, c'est pour ça que vous appuyez ces mesures-là?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Oui, en effet, on considère que pour parler spécifiquement des cas des consommateurs, tu sais, pour tous... pour ceux qui ont l'habitude des cours et tribunaux, ce n'est pas... c'est facile d'y aller, mais, pour un consommateur qui en est à sa première expérience, ça peut être très intimidant, alors de pouvoir faciliter l'accès, je trouve que c'est un bon pas parce que, premièrement, il y aura moins de travail, ils auront peut être moins tendance à aller voir des avocats parce qu'on sait que ça coûte des sous, puis...

Mme N'Kaa (Clarisse) : ...deuxièmement, ça enlève un stress qui, tu sans, je veux dire, qui vient avec le fait de présenter une demande en justice. Donc, nous, on considère que c'est une... ce sont des mesures qui sont... qui sont bonnes. Et nous, la mesure phare, c'est vraiment celle de pouvoir rendre des jugements sur le vu du dossier. Alors, ce que, nous, on demande au ministre, c'est vraiment que cela soit fait à la demande des consommateurs parce qu'on ne veut pas que les consommateurs soient défavorisés parce qu'un commerçant, par exemple, refuse d'y aller. Donc, il y a tellement... Je suis sûre que vous êtes au courant, il y a tellement la théorie sur les obstacles rencontrés par les consommateurs pour accéder à la justice, et même, c'est ce qui amène beaucoup, beaucoup de consommateurs à ne même pas se rendre à la cour et à abandonner leur recours. Et on ne veut pas ça. Donc, dans un cas comme ça, nous pensons qu'il serait préférable qu'à la demande du consommateur qu'un jugement soit rendu sur le vu du dossier.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je comprends très bien. Vous aviez une préoccupation également avec les dossiers qui sont sur la plateforme PARLe, actuellement.

Mme N'Kaa (Clarisse) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Ça a été développé, dans le fond, par le Laboratoire de cyberjustice. Là, l'Office de la protection du consommateur en a fait l'acquisition. Donc, ça fait partie des réflexions. Vous savez, en Colombie-Britannique, ce qu'ils ont fait, ils ont un tribunal virtuel maintenant, notamment pour les litiges en matière de consommation. On a peut-être des enseignements à tirer de ce qui a été fait en Colombie-Britannique depuis les dernières années. C'est une avenue que je trouve intéressante. Là, on débute vraiment avec des médiateurs pour les petites créances de moins de 5 000 $. Mais éventuellement, on pourrait se diriger vers une solution informatique de cette façon-là.

Tout à l'heure, on nous a dit : Écoutez, il y a un avantage à avoir la médiation obligatoire aux petites créances. Et là je veux vous poser une question relativement à votre expertise. Les grandes compagnies, il y en a certaines qui ont participé à PARLe, qui se sont inscrites, mais ça arrive des fois, on nous a dit tantôt, il y a des grandes compagnies qui ne veulent pas aller en médiation puis qui amènent des gens directement à procès. Donc, le fait d'avoir une médiation obligatoire, pensez-vous que ça va favoriser les justiciables, les personnes physiques, justement pour que, quand il y a des grands groupes, ils vont pouvoir s'asseoir en médiation puis qu'on va se retrouver avec davantage de règlements au niveau de la médiation pour les justiciables?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Merci, M. le ministre. Et le fait que vous soulevez est tellement important. Puis ce qui se passe actuellement avec des compagnies qui refusent de régler en médiation, bien, s'est passé davantage il y a quelques années. Historiquement, comme vous le savez, il y a eu plusieurs tentatives à l'Office de la protection du consommateur juste pour pouvoir offrir la médiation en matière de litige quand il était question de la Loi sur la protection du consommateur. Sauf qu'historiquement les commerçants, ce sont les commerçants qui refusaient d'aller en médiation. Et, à une certaine époque, dans un des rapports rendu public par l'Office de la protection du consommateur, on recommandait, en fait, que la médiation soit obligatoire à la demande du consommateur. Et actuellement, évidemment, ce qui est suggéré dans... Ce qui est prévu dans le projet de loi no 8, c'est de rendre obligatoire la médiation dans tous les cas.

Dans un cas comme celui là, ce n'est pas qu'on s'oppose. Nous, ce qu'on dit, c'est que les consommateurs ont besoin d'accompagnement. Les consommateurs ont souvent besoin d'information pour pouvoir être en mesure de bien régler... de bien défendre leur situation. En fait, vous savez très bien qu'en médiation, oui, c'est vrai qu'il y a un médiateur qui est là pour équilibrer les pouvoirs, mais les parties ne sont pas représentés. Donc, ça prend un accompagnement, de l'information, une préparation avant d'aller en médiation. Comment est-ce qu'on négocie? Qu'est-ce que je pourrais aller tirer de la médiation? Alors, ça, ça met les consommateurs en confiance pour pouvoir être en mesure de traiter d'égal à égal avec les consommateurs.

• (16 heures) •

Actuellement, par exemple, si on prend l'exemple de la plateforme PARLe, il y a déjà quand même de l'information qui est offerte au consommateur. Et quand on va sur le site de l'office, il y a des résumés de jugements. Donc, les justiciables... Bien, les consommateurs qui vont sur cette plateforme ont quand même des outils. Mais tous les consommateurs qui se rendent à la Cour des petites créances ne passent pas par l'Office de la protection du consommateur. Certains ne connaissent même pas l'Office de la protection du consommateur. Donc, dans ce cas-là, ça prendrait un certain accompagnement. Et qui ferait cet accompagnement-là? Bien, ce sont les associations de consommateurs. Alors, je pense que ça vaut la peine. Oui, la médiation peut être obligatoire, mais ça prendrait un accompagnement pour les consommateurs.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je comprends très bien votre point. Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait que, si on envoie davantage le dossier en médiation, ça risque de désengorger le système de justice?...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme N'Kaa (Clarisse) : ...En fait, je pense que... Écoutez, normalement, si les dossiers vont en médiation et qu'ils se règlent en médiation, la conséquence logique est que ça désengorge les tribunaux.

Maintenant, ce qu'on dit, c'est qu'il ne faudrait pas que ce soit la seule finalité qu'on attende de la médiation. Oui, on sait que la médiation a le potentiel de désengorger les tribunaux s'il y a entente. Maintenant, si on présente cette médiation-là comme seule possibilité de pouvoir désengorger les tribunaux, bien, la réaction des gens va être de ne pas y adhérer. Pourquoi? Parce qu'ils vont avoir l'impression de passer par un système qui est un système à rabais, ce qui n'est pas tout à fait vrai, parce qu'il y a des dossiers qui sont bons pour un jugement puis il y a des dossiers qui sont bons aussi pour la médiation. ...en médiation, bien, on peut très bien tirer le plein potentiel en expliquant très bien la différence entre ce qu'on pourrait retirer en médiation et ce qu'on pourrait retirer devant un juge. La médiation s'adresse à un conflit, alors qu'un juge va traiter du litige, qui est la traduction juridique du problème.

Donc, en médiation, on tient compte de tout ce qui touche, tout ce qui entoure le problème qui est vécu par les personnes qui sont en médiation. Et justement les solutions qui sont créées relèvent des problèmes qui auront été nommés durant la séance de médiation, ce qui fait de la médiation un processus qui pourrait être très riche et pour lequel les parties pourraient en sortir très gagnantes.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie. Juste avant de céder la parole à mes collègues, j'aurais une question pratico-pratique, là. Vous, vous conseillez beaucoup les consommateurs en matière de litiges en matière de consommation. Qu'est-ce qui ressort le plus dans les gens que vous aidez, que vous accompagnez en matière de litiges en matière de consommation? C'est quels types de contrats de consommation que vous... pour lesquels vous êtes le plus sollicités?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien, écoutez, on entend un peu le tout, mais je vous dirais la grande gagnante, parmi les questions, c'est beaucoup la garantie légale qui revient souvent. Donc, oui, on a une très belle loi sur la protection du consommateur. Maintenant, dans les faits, comment faire honorer la garantie légale? Ce n'est pas évident. Tu sais, les consommateurs peuvent se rendre chez un commerçant pour lui expliquer la loi. Des fois, ils ne comprennent tout simplement pas.

Alors, c'est pour ça qu'un accompagnement va permettre premièrement aux consommateurs de comprendre, bon, premièrement, c'est quoi la loi, puis deuxièmement, qu'est ce que ça signifie dans sa situation et comment le consommateur pourrait l'obtenir dans le cas d'une médiation? C'est un peu ça, là.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie. Merci pour votre participation en commission.

Mme N'Kaa (Clarisse) : ...

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : J'ai deux petites questions pour vous. D'abord, dans votre mémoire page sept, vous parlez de la formation des arbitres et des médiateurs, vous parlez d'une formation qui est adéquate, d'expériences significatives. Donc, si je comprends bien, pour vous, la formation, elle est bonne,  ce n'est pas... un enjeu, mais vous aimeriez un style de mentorat par la suite.

Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien, en fait, pour ce qui est de l'arbitrage, l'arbitrage, dans le fond, c'est un peu nouveau, O.K.? La médiation, c'est quand même un peu plus connu que l'arbitrage. Puis les gens, quand ils vont en arbitrage, souvent, ils vont rechercher l'expertise. Et on sait quand même qu'en matière de consommation on est dans le cadre d'une loi d'ordre public.

Donc, c'est important que les arbitres puissent connaître bien la loi pour éviter que... bien pour s'assurer que les droits vont être respectés. Puis les nouveaux arbitres... Bon, on comprend quand même que l'arbitrage, c'est un processus qui est quasi judiciaire, donc un nouvel arbitre a peut-être besoin d'un certain mentorat. D'ailleurs, il se fait... tu sais, dans certains domaines comme en matière sportive, il y a un mentorat. Dans le mémoire, ce dont on parlait, c'était... on a parlé de l'exemple de la médiation familiale. En médiation familiale, les médiateurs suivent une formation de 60 heures, obtiennent une accréditation qui est temporaire et ont l'obligation de pouvoir réaliser dix mandats sous la supervision d'un médiateur qui a une accréditation temporaire et qui a déjà réalisé x nombre... mettons, 40 mandats de médiation.

Alors, à l'intérieur de cette période-là, le médiateur qui a une accréditation temporaire a l'opportunité de pouvoir bénéficier du mentorat de son superviseur et d'en apprendre davantage et d'être plus à l'aise quand il va s'asseoir puis être en mesure, dans le fond, de pouvoir présider seul.

Mme Bourassa : Ma deuxième question. On dit toujours qu'un règlement négocié vaut mieux qu'un règlement imposé...

Mme Bourassa : ...justement, pour le contribuable, pour le citoyen, quels sont les avantages à être partie prenante des démarches dans une médiation, de pouvoir apporter aussi son grain de sel puis d'avoir l'impression d'avoir un certain contrôle sur sa cause, selon vous?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien, écoutez, c'est sûr que chaque cas est un cas d'espèce. Bon, vous l'avez dit, la négociation est parfois meilleure, parce que ça ne sert à rien d'avoir un jugement que l'on peut juste encadrer chez nous, là. Alors, dans le cadre d'un processus qui n'est pas... tu sais, qui est un processus volontaire, l'avantage, c'est que les gens, quand ils s'engagent, ils sont justement portés à respecter leurs engagements, contrairement à une décision qui est imposée, par exemple. Alors, ça, c'en est un, avantage.

Puis, deuxièmement, dans les litiges de consommation, tu sais, des fois, c'est des situations au quotidien, puis on a besoin d'avoir un règlement rapidement. Mon frigo brise, bien, je veux avoir une solution rapidement. Est-ce que je veux attendre deux ans avant d'être entendue par un juge? Non. Alors, quand il y a une possibilité pour les justiciables de pouvoir essayer... Par exemple, Parle, il y a la possibilité d'abord de négocier avant d'aller en médiation. Donc, les gens peuvent obtenir des solutions rapidement à leur problème.

Mme Bourassa : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Jean, deux minutes 50.

M. Lemieux : ...merci, M. le Président. Bonjour, monsieur, madame. Vous en avez parlé avec le ministre tout à l'heure, mais je veux revenir là-dessus parce que c'est important pour les consommateurs et pour la loi. J'espère qu'on va l'adopter, le p.l. 8. On s'est fait dire ce matin, et je l'avais bien compris, que les compagnies... je ne peux pas utiliser le mot «abusent» parce que je traite... en tout cas, les compagnies faisaient souvent... refusaient souvent de se présenter en médiation, ce qui forçait un peu le consommateur à courir après puis qu'au bout du compte il y avait beaucoup d'abandons. Vous nous avez expliqué ça et la logique de ça autour de ce que la médiation obligatoire va forcer le jeu.

Je suis curieux, juste pour que vous nous donniez des arguments quand on va négocier article par article, je suis curieux de savoir jusqu'à quel point c'est commun, jusqu'à quel point il y en a beaucoup. Y en a-tu beaucoup, des abandons de recours? Y en a-tu beaucoup, des cas où on pourrait, si ça passait à la médiation, forcer la compagnie minimalement à commencer à discuter au moins?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Moi, je vous dirais que c'était vrai, c'était plus vrai il y a quelques années. Donc, comme on peut... Je pense que le rapport de l'office date, peut-être, de 2010, si je ne m'abuse. Mais aujourd'hui l'office a été capable d'aller chercher quand même des commerçants participant à la plateforme. Donc, il y a quand même une ouverture par rapport à il y a dix ans ou il y a quinze ans. Les commerçants ont évolué. Les commerçants souhaitent... Tu sais, je veux dire, ce n'est pas tous les commerçants non plus qui ne souhaitent pas régler. Quand ils vont obtenir un jugement, ce n'est pas toujours en leur faveur. Alors, je pense qu'il faut faire comprendre aux gens, aussi bien aux consommateurs qu'aux commerçants, la valeur ajoutée, tu sais, d'aller en médiation. Tu sais, il y a, par exemple, toute la question de la réputation aussi, là.

M. Lemieux : Mon temps est presque écoulé, mais, une fois que vous m'avez dit ça, vous me posez la question, alors je vous la pose : Est-ce que ça vaut la peine de pousser la médiation? Est-ce que ça va faire tomber, entre guillemets, le dernier morceau des récalcitrants?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien, je pense que ça vaut la peine quand même d'offrir la médiation parce qu'il y a toujours une possibilité de régler. Maintenant, je pense qu'il faut quand même qu'il y ait des approches comme... Je pense que la réussite de Parle, c'est parce que l'office a fait des démarches en amont pour pouvoir intéresser les commerçants.

M. Lemieux : C'est très clair. Merci. Merci.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bon après-midi, Me N'Kaa, M. Corbeil. Très heureux que vous soyez là. Merci. Merci pour votre mémoire également.

On parle dans le projet de loi, et vous le soulevez dans votre mémoire, toute la question de la médiation obligatoire. Et, en fait, est-ce que ça existe, de la médiation obligatoire, ou c'est un concept qui, en soi, ne peut pas fonctionner? Puis vous soulevez un élément intéressant en lien avec l'esprit du Code de procédure civile où on favorise la médiation, mais sur une base volontaire. Et vous soulevez qu'il semble y avoir une contradiction ou en fait une incohérence entre le projet de loi et le Code de procédure civile.

On a besoin, évidemment, de vos lumières, de votre expertise pour voir comment on pourrait bonifier éventuellement le projet de loi puis faire des recommandations au gouvernement. Comment vous voyez ça, si on avait à modifier...

M. Morin :...quelque chose, qu'est ce que vous nous suggéreriez?

Mme N'Kaa (Clarisse) : O.K. En fait, je pense que vous référez à la page 8 de notre mémoire.

M. Morin :...

Mme N'Kaa (Clarisse) : Pour le bénéfice de tout le monde, en fait ce qu'on a relevé, c'est que l'article 2 du Code de procédure civile prévoit, dans le fond... en fait, énonce que la médiation, une procédure de prévention de règlement des différends, est volontaire dans un sens, O.K., alors que l'article 13 actuel dit aux... énonce que les parties doivent privilégier la médiation et l'arbitrage. Donc, on comprend que l'idée, ici, c'est de pouvoir mettre en œuvre l'obligation de considérer les modes de prévention et règlement des différends prévus à l'article 1. Sauf que, quand on lit l'article 13 et l'article 2, l'article treize du projet de loi et l'article 2, on a l'impression qu'il y a une contradiction. La façon de régler ça pourrait tout simplement être : Sauf des cas prévus par règlement pour pouvoir... pour que ce soit clair. Je sais qu'à l'article 15 du projet de loi, il y a des exceptions, on énonce clairement qu'il va y avoir des exceptions dans le règlement pour ce qui est de la médiation obligatoire, mais on est loin. Quand une personne lit la loi, ce qu'il comprend, c'est que le processus de médiation est volontaire dans tous les cas, et il n'y aura aucune exception. Donc, pour pallier à ça, je pense qu'il faudrait simplement ajouter un élément comme ça, puis ça devrait régler la chose.

M. Morin :Parfait. Je vous remercie. Maintenant, dans votre expérience de la médiation dans la protection, l'information que vous faites pour les consommateurs, j'imagine que, de temps à autre, vous avez aussi transigé avec des commerçants ou des compagnies. Règle générale, en médiation, ça donne des résultats? Les compagnies ne veulent pas, le consommateur est pris tout seul. Dans votre pratique, quels sont les enjeux que vous rencontrez à ce niveau-là?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien, écoutez, moi je vous dirais, la plupart... Dans mon expérience à moi, la plupart des commerçants qui participent de façon volontaire à une médiation, ils y vont parce qu'ils veulent régler. Et généralement, quand un commerçant prend un engagement, il le respecte. L'enjeu principal, c'est souvent des commerçants ou des fabricants qui sont situés hors Québec, qui connaissent peut être peu la Loi sur la protection du consommateur, l'application, qu'ils vont des fois interpréter d'une façon erronée la loi et risquer de faire perdre des droits aux consommateurs. Donc, cela demande peut-être plus d'explications, puis plus de travail, là, pour qu'ils comprennent c'est quoi qui s'applique au Québec.

M. Morin :Je vous remercie. À la page 9 de votre mémoire, vous soulevez un point important et vous devez le vivre, le rencontrer dans votre pratique, j'imagine, à l'effet qu'il serait bénéfique que les consommateurs qui participent à des séances soient bien accompagnés, considérant le risque de renoncer à des droits, puis évidemment on veut qu'une renonciation soit éclairée. Est-ce que vous avez des suggestions que l'on pourrait insérées dans le projet de loi pour s'assurer que quand le consommateur ou bien il est accompagné, ou bien s'il y a une renonciation, il y a un mécanisme qui fait qu'il comprend clairement ce à quoi il va s'engager pour protéger le consommateur?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Bon. Alors bon, premièrement, pour ce qui est de l'accompagnement, comme je l'ai dit au départ, je pense qu'il y a des associations de consommateurs qui peuvent très bien accompagner les consommateurs qui s'en vont en médiation. Puis, deuxièmement, il peut être possible pour un médiateur qui fait le constat qu'il y a risque de perte des droits de simplement l'indiquer. Parce qu'on comprend que, la médiation, tu sais, c'est qu'un espace où est ce que les gens normalement sont supposés être égaux. Mais, dans un cas où est-ce qu'il y a un déséquilibre de pouvoir, le médiateur doit agir et donc il doit être directif et pour s'assurer qu'il n'y a pas de perte de droits, ne serait-ce que pour l'expliquer aux parties. Et s'il y a vraiment un risque, je pense que le médiateur pourrait simplement se retirer ou demander aux parties d'aller... tu sais, d'aller s'informer avant et revenir par la suite en médiation pour prendre une décision sur une base d'une information qui est juste. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Morin :Oui, je vous remercie. À la page 11 de votre mémoire, en lien avec le jugement sur le vu, le projet de loi présentement indique que le jugement peut être rendu sur le consentement des parties.

Mme N'Kaa (Clarisse) : Oui.

M. Morin :Vous, vous suggérez...

M. Morin : ...suggérez que le jugement soit rendu à la demande du consommateur et non pas des parties, pouvez-vous expliquer davantage?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien, comme je l'ai dit au ministre de la Justice, tantôt, tu sais, on a évoqué toutes les difficultés, O.K., historiquement, qu'on avait à tenter de régler, mettons, d'aller... d'amener les commerçants en médiation, ce que les consommateurs disaient, ce que, bon, eux autres, ils étaient ouverts, mais que, quand venait le temps d'aller en médiation, ils, les commerçants ne souhaitaient pas, ce qui fait qu'il y avait moins de médiation qui se faisait. Nous ne voulions pas que la même situation se reproduise dans le cas de ce mécanisme, nous considérons que c'est un bon mécanisme et nous souhaitons que les consommateurs puissent en bénéficier. Pourquoi, c'est un bon mécanisme? Parce que, premièrement, ça fait gagner du temps, puis deuxièmement, tu sais, il y a tellement des barrières, là, d'accès à la justice et le consommateur que de pouvoir... de ne pas être obligé de se rendre en cour, bien, c'est déjà en soi une façon de pouvoir palier à ces obstacles-là. Donc, nous souhaitons que ce soit fait à la demande du consommateur parce que, premièrement, on est dans un cas d'ordre public et la Loi sur la protection du consommateur est là pour pouvoir équilibrer les pouvoirs normalement. Alors, c'est un peu, pour nous, une façon d'équilibrer les pouvoirs.

M. Morin : Je vous remercie. Dans votre expérience, parce qu'évidemment, avec le projet de loi tel qu'il est, on met beaucoup l'accent sur tous les modes alternatifs de règlement des conflits, médiation, conciliation, selon vous, est-ce qu'il y a suffisamment de médiateurs? Parce qu'évidemment, l'idée, c'est de désengorger les tribunaux, mais si on envoie des dossiers ailleurs, puis qu'il n'y a pas assez de monde pour traiter, ça ne va pas avancer l'accès à la justice. Alors, dans votre expérience, pensez-vous qu'il y a une chose qui devrait être faite de ce côté-là? Puis vous, comme organisme, est-ce que vous pensez que vous allez avoir un surcroît de demandes de conseils compte tenu de l'objectif visé par le projet de loi?

Mme N'Kaa (Clarisse) : C'est clair que, tu sais, c'est un bon projet de loi, mais c'est clair que, quand il va être mis en application, bien, il va y avoir des ressources à mettre parce que, pour ce qui est des médiateurs, il y a quand même... je ne sais pas combien de médiateurs il y a au Québec, tu sais, je vais être transparente avec vous, mais, par contre, on sait, par exemple, au niveau de l'arbitrage, il suffit d'aller sur le site de l'Institut de médiation et d'arbitrage du Québec pour constater qu'il y a 14 % seulement d'arbitres parmi les membres de l'Institut de médiation et d'arbitrage du Québec, donc il y a peu. Je pense qu'il y a encore plus de besoins en matière d'arbitrage qu'en matière de médiation parce que la médiation est un peu plus connue, il y a beaucoup plus d'avocats et de notaires qui sont sensibilisés à la médiation puis qui sont formés à la médiation. Il y a quand même plusieurs projets au niveau de la médiation qui impliquent les médiateurs et les notaires que... Je pense aux médiations le jour de l'audience, je pense aux médiations en gestion d'instance, je pense... En fait, il y a tellement eu de projets pour faire connaître la médiation qu'il y a eu, je pense, qu'il y a eu plus de formation depuis ce temps-là, mais, pour ce qui est de l'arbitrage, ce n'est pas la même... ce n'est pas le cas. Et pour nous, en tant qu'association de consommateurs, c'est sûr que, premièrement, avec l'indexation, là, de la Cour du Québec... de la Cour des petites créances, c'est bien, mais sauf que ça va générer des besoins. Nous... c'est sûr que ça va augmenter nos... les demandes, et donc on va être... tu sais, on va avoir besoin d'augmenter nos ressources aussi pour être en mesure de répondre à la demande, c'est exactement ça. Donc, voilà.

Le Président (M. Bachand) :Merci.

M. Morin :Merci. Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

• (16 h 20) •

Mme Labrie : Merci, M. le Président. J'ai accroché, en particulier, dans votre présentation quand vous avez dit qu'il y avait un danger que ce soit perçu comme une justice à rabais parce qu'on évite d'aller devant les tribunaux, ça fait écho quand même à ce qui a été nommé par les Centres de justice de proximité, là, qui nous disaient que les gens voulaient être entendus par un juge, donc c'est une préoccupation qui est importante. Puis, dans votre mémoire, vous dites qu'il faut mieux vulgariser les modes de règlement des différends, j'aimerais ça peut-être que vous soyez un peu plus clair sur vos attentes envers le ministre à cet égard-là, est-ce que vous souhaitez vous-même, par exemple, comme organisation, et les autres organisations similaires à la vôtre, être mieux financées pour pouvoir faire vous-même cette vulgarisation? Est-ce que vous vous attendez à ce que le ministère prenne en charge une campagne d'information nationale? Est-ce que vous vous attendez à ce que le ministère produise de la documentation? Quelle forme ça peut prendre pour vous ces actions-là, là, concrètes, là, pour éviter que les gens aient une impression de justice à rabais, par exemple?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Oui, je pense que c'est un ensemble de toutes ces choses, là, parce qu'il faut... Oui, la médiation, pour beaucoup, pour les...

Mme N'Kaa (Clarisse) : ...là. Bon, on connaît la médiation, mais dans la population il y a beaucoup de gens qui pensent qu'on n'a que la médiation, mais qui ne savent pas c'est quoi la médiation en réalité. Donc, je pense que c'est la somme de toutes ces actions qui va faire en sorte que les gens vont mieux comprendre de quoi il est question. Oui, ça prendrait effectivement un financement pour des organismes comme les nôtres qui vont pouvoir être en mesure de bien vulgariser la médiation, aussi bien par des pistes d'information que par des rencontres.

Tu sais, je veux dire, nous, on a réalisé, comme vous l'avez vu, en 2018, on a déposé un projet de recherche au Fonds Accès Justice sur le modèle idéal en médiation... en médiation de consommation. Alors, on a réfléchi, on a préparé des fiches, par exemple, de préparation pour les consommateurs qui se préparent à aller en médiation afin justement de leur permettre, premièrement, de comprendre de quoi il est question, puis deuxièmement, d'être à l'aise. Alors on peut, tu sais, je veux dire, on pourrait très bien, si on est financé, être en mesure d'offrir ça. Maintenant, on n'est pas, tu sais, je veux dire, ça prend plusieurs actions. Le ministère de la Justice devrait aussi mieux vulgariser.

Pourquoi est-ce que j'ai mentionné ce point? Parce que, quand l'annonce du projet de loi est arrivée, ce qu'on a vu, ce qui a été véhiculé dans les médias, c'est, bon : Le Québec propose de désengorger les tribunaux par la médiation et l'arbitrage. Alors, on voit très bien que, même dans les médias, ce qui est compris, c'est que c'est uniquement une solution technique à un problème technique. Mais ce n'est pas ça, la médiation. On peut obtenir effectivement une autre justice par la médiation. Puis il faut que les gens comprennent ça. Il y a des dossiers... Tu sais, il y a des collègues médiateurs, tu sais, qui ont pu régler des dossiers qui étaient prescrits, donc, ce qui signifie qu'on perd le droit par l'écoulement du temps. Donc, si on y va avec la norme juridique, ce dossier-là ne sera jamais entendu par le juge et la personne n'aurait même pas eu la possibilité d'obtenir ce qu'elle souhaite. Mais, parce que ça s'est fait en médiation, les parties ont décidé de pouvoir discuter, donc de pouvoir régler leur situation à partir d'une autre norme qui est peut-être une norme morale. Donc, ils ont décidé : O.K. parfait, c'est prescrit, mais quand même ça traite pour toutes sortes de raisons. Et cela ne signifie pas que, parce qu'on est en médiation, que la loi ne s'applique pas. Non, la loi s'applique, mais les autres normes aussi s'appliquent, et on respecte l'ordre public. Donc, je pense que c'est très important que les gens comprennent ça, puis que les gens comprennent ce que ça signifie justement dans leur dossier spécifique à la fin.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci infiniment. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Merci beaucoup. Merci de votre participation. Vos réponses sont très, très éclairantes. Deux petites questions, la première concernant les preuves authentiques. Dans votre mémoire, là, vous faites la suggestion à l'effet que l'article 535.10 ne soit pas introduit au Code de procédure civile du Québec. Ce qu'on en comprend, c'est que l'intégrité va être présumée reconnue. Puis ça, ça pourrait être un point embêtant?

Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien, en fait, on cherchait de l'information O.K.? Nous... Et notre compréhension, c'est que, oui, on veut simplifier. Nous, on comprend qu'on veut simplifier la procédure, mais il ne faut pas que ce soit fait au détriment des gens, au détriment des, tu sais, de l'authenticité des documents. Alors, on est à la... On est à l'ère Internet. C'est très facile de falsifier les documents. Alors, c'est quoi l'intérêt de mettre cet article dans le code? C'est ça, notre question. Parce que s'il n'y a pas d'intérêt, même si les gens ne... Tu sais, il n'y a pas de contestation en lien avec l'authenticité des documents, tu sais, ce n'est pas nécessaire à notre avis, selon notre compréhension. À ce jour, cet article-là n'est pas nécessaire pour la protection des gens.

Mme Nichols : Ça fait que la solution, en tant que telle, c'est de reconnaître le document, là, dans la... dans le cadre de la médiation.

Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien, c'est de le laisser tel qu'il est. C'est de laisser le Code de procédure civile tel qu'il est.

Mme Nichols : O.K. Parfait. Une autre petite question. C'est parce qu'on a parlé beaucoup d'accompagnement. On disait que vous appuyez, entre autres, la médiation obligatoire, à condition d'un accompagnement. D'un accompagnement, on parle accompagnement. Puis je comprends que vous pouvez aussi accompagner les gens. L'accompagnement, c'est quoi? C'est l'avis juridique? C'est l'accompagnement à tous les niveaux, l'accompagnement vers la médiation? Je ne suis juste pas sûre du type d'accompagnement que vous parlez.

Mme N'Kaa (Clarisse) : Oui, bien sûr. Écoutez. Bon, premièrement, chaque cas est un cas d'espèce. Mais quand on parle d'accompagnement, ce qu'on a dit dans notre mémoire, c'est que, premièrement, il y a beaucoup de... Il peut y avoir... Il y a risque de renonciation à des droits. Donc, c'est de pouvoir expliquer très clairement le droit applicable à la situation de la personne dans un premier temps, puis comment il s'applique dans sa situation. Parce que c'est beau d'avoir...

Mme N'Kaa (Clarisse) : ...de référer une personne à l'article 37 sur la garantie légale, mais c'est quoi pour lui. Est-ce que c'est une réparation? Est-ce que c'est un remboursement? Puis c'est un remboursement de quel ordre? Donc, ça prend quand même des détails, tu sais, je veux dire, il y a des jugements... tu sais, il faut aller chercher des jugements pour être en mesure de lui expliquer. Il y a cette information-là.

Mme Nichols : Mais... Donc, l'accompagnement, ça va être une personne-ressource à qui il peut se référer pour avoir l'information légale, juridique.

Mme N'Kaa (Clarisse) : Oui, il y a puis il y a aussi la possibilité de pouvoir préparer la personne à la médiation pour que l'on puisse en tirer le plein potentiel, tu sais. Un exemple, tu sais, on avait préparé des petites fiches, O.K.? Donc, on explique... on l'aide un peu à préparer son dossier, mais aussi à comment est-ce qu'on peut atteindre un objectif qui est beaucoup plus de l'ordre sociétal, O.K.? Si je prends un exemple simple, là, en matière de consommation, les gens vont souvent se plaindre du service à la clientèle. Bon, on sait très bien que dans la Loi sur la protection du consommateur, il n'y a pas vraiment une loi qui demande aux commerçants d'être super gentils avec les gens. Mais ça, si on l'adresse en médiation, les gens... tu sais, le commerçant, il va... tu sais, il va l'entendre puis, s'il l'entend souvent, bien, ça peut l'amener peut-être à modifier ses pratiques. Donc, ça, ça va bénéficier... À qui ça va bénéficier? À la communauté, en plus du consommateur qui va en retirer quelque chose.

Donc, c'est un peu comme ça qu'on voit les choses.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

Mme Nichols : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Sur ce, Me N'Kaa, Monsieur Corbeil, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'est extrêmement apprécié.

Et, sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

(Reprise à 16 h 30)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir Maître Michel Beauchamp, notaire émérite. Alors, Maître Beauchamp, merci beaucoup, encore une fois, d'être avec nous aujourd'hui. C'est très apprécié.

Alors, je vous cède la parole. Vous avez dix minutes de présentation, et après on aura un échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous Me Beauchamp.

M. Beauchamp (Michel) : Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mesdames, Messieurs les députés, membres de la Commission, je voudrais tout d'abord remercier la Commission de m'avoir invité à faire part de mes commentaires sur le projet de loi huit. Je me présente, Michel Beauchamp, notaire de pratique privée depuis 33 ans. Je suis également chargé de cours au baccalauréat en droit à la faculté de droit de l'Université de Montréal depuis 30 ans. Je suis également auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages dans divers domaines de droit civil québécois et en procédure civile, notamment le Précis de procédure civile du professeur Ferland et du juge Emery et du Grand collectif, qui regroupe l'expertise de 28 auteurs, juges, professeurs et avocats.

Mon propos aujourd'hui sera divisé en deux parties. Une première partie brève concernera les articles du projet de loi sur la médiation et l'arbitrage, et la seconde sera sur l'article 30, qui modifie la loi sur les tribunaux judiciaires afin d'ajouter les notaires comme possible candidat à la magistrature...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Beauchamp (Michel) : J'aimerais, avant de vous exposer mon point de vue, féliciter le ministre de la Justice pour cette initiative de changement. En lisant attentivement le projet de loi, on peut y constater de belles avancées... pour l'amélioration, pardon, et l'accessibilité à la justice.

Commençons tout d'abord par la médiation et l'arbitrage. D'emblée, je souligne la proposition du projet de loi de simplifier certaines procédures à la Cour du Québec afin d'accélérer le traitement des dossiers. De plus, le projet de loi réitère l'importance des modes alternatifs de résolution des conflits. Lors de la réforme de la procédure civile, à laquelle j'ai participé à partir de 2009, il était clair qu'il fallait, autant que faire se peut, favoriser et encourager la résolution des conflits par des modes alternatifs. Un citoyen qui participe activement à la résolution de son conflit en sort toujours gagnant. La médiation permet aux citoyens de pouvoir s'exprimer pleinement que dans un cadre plus formel. De plus, comme la médiation obligatoire a fait ses preuves en matière familiale depuis de nombreuses années, nous pouvons penser que les effets en matière civile seront les mêmes.

J'arrive maintenant au deuxième sujet de ma présentation, les notaires candidats à la magistrature. L'article 30 du projet de loi propose d'ajouter à l'article 87 de la loi sur les tribunaux judiciaires le mot «notaire». Par cet ajout, un notaire pourrait déposer sa candidature afin d'occuper un poste de juge à la Cour du Québec. Je crois qu'il est important ici de préciser que cette modification ne constitue pas une deuxième voie pour l'accès à la magistrature. Un notaire qui désire devenir juge à la Cour du Québec devra, comme l'avocat, déposer sa candidature. Cette candidature sera... évaluée, pardon, au mérite, suivant les règles prévues au Règlement sur la procédure de sélection des candidats à la fonction de juge de la Cour du Québec.

Les critères de sélection se trouvent à l'article 25 du règlement. Je me permets ici de vous faire lecture de ces articles :

«Pour évaluer la candidature d'un candidat, le comité tient compte des critères suivants :

les compétences du candidat, comprenant : ses qualités personnelles et intellectuelles, son intégrité, ses connaissances, qui ne peuvent comprendre sa connaissance d'une langue autre que la langue officielle, si cette exigence est prévue dans l'avis, et son expérience générale; le degré de ses connaissances juridiques et son expérience dans les domaines du droit dans lesquels il serait appelé à exercer ses fonctions; sa capacité de jugement, sa perspicacité, sa pondération, sa capacité d'établir des priorités et de rendre une décision dans un délai raisonnable ainsi que la qualité de son expression dans la langue de la justice au Québec, qu'est le français; la conception que le candidat se fait de la fonction de juge; la motivation du candidat pour exercer cette fonction; les expériences humaines, professionnelles, sociales et communautaires du candidat; le degré de conscience du candidat à l'égard des réalités sociales et, finalement, la reconnaissance par la communauté juridique des qualités et des compétences du candidat.»

Depuis deux semaines, j'ai entendu plusieurs commentaires sur le fait que, comme le notaire n'a jamais plaidé devant un tribunal dans le cadre de litiges, il ne pourrait pas être juge à la Cour du Québec. Ces commentaires m'ont fait réfléchir à la situation suivante.

Prenons l'exemple d'une avocate qui fait son stage dans un cabinet qui oeuvre exclusivement dans un domaine de pratique qui ne requiert jamais d'aller devant le tribunal. Cette même avocate pratique dans ce domaine depuis son assermentation il y a quinze ans. Elle a développé une expertise particulière et est reconnue comme une sommité dans son domaine. Elle est invitée à plusieurs tribunes pour donner des conférences et des formations. Elle a écrit plusieurs textes sur le sujet et est même citée par les tribunaux. Sa pratique ne l'a jamais amenée à plaider devant les tribunaux. Elle s'implique aussi dans son milieu communautaire. Si cette avocate au parcours d'exception dépose sa candidature comme juge, va-t-on lui imposer une fin de non-recevoir parce qu'elle n'a jamais participé à des procès? Bien sûr que non, sa candidature sera évaluée au mérite, et la question sera plutôt : est-ce que cette candidate possède les qualités professionnelles et personnelles requises pour occuper la fonction de juge? Et que pourra-t-elle apporter comme expertise additionnelle et particulière à la Cour?

La force d'un tribunal, comme tout organisme, vient essentiellement de la diversité d'expériences et de parcours de ses membres. Les juges proviennent de plusieurs horizons. Certains juges proviennent du milieu communautaire, d'autres, d'institutions publiques ou d'entreprises privées, certains, de la pratique privée, et d'autres...

M. Beauchamp (Michel) : ...anciens professeurs d'université. Ils ont en commun leur capacité à remplir la mission d'un juge, leur dévouement envers le système de justice et les justiciables, et une connaissance approfondie du droit, en général. Le notaire pourrait, justement, contribuer à cette diversité par son expérience et son expertise.

Lorsqu'on lit les critères de sélection de l'article 25 du règlement, à aucun endroit, comme nous l'avons vu, il est précisé que le candidat doit avoir participé à un procès. Depuis plusieurs années, un notaire peut être nommé comme décideur au tribunal administratif. Les notaires exerçant comme décideur administratif appliquent avec rigueur les règles de preuve et de procédure civile et sont en mesure de promouvoir l'administration de la justice.

Je tiens à souligner que la notion d'impartialité attendue d'un juge a toujours été dans l'ADN du notaire. Depuis toujours, le notaire se doit d'agir avec impartialité en présence de plusieurs parties, et il ne peut prendre fait et cause pour l'une des parties. Il doit concilier les intérêts de tous. Ces éléments se trouvent, d'ailleurs, dans la Loi sur le notariat. Les articles 10 et 11 de la Loi sur le notariat sont clairs à cet égard. Le notaire collabore à l'administration de la justice et il est également un conseiller juridique. Le notaire doit toujours agir avec impartialité.

On a aussi entendu certains intervenants affirmer que la formation d'accession à la profession des notaires et des avocats diffère au point qu'un notaire ne puisse exercer la fonction de juge. J'ai pris connaissance des activités de formation de l'École du Barreau et je vous soumets que, selon mon expérience passée de chargé de cours à la maîtrise en droit notarial à l'Université de Montréal et de maître de stage, les objectifs de formation de la Chambre des notaires sont particulièrement alignés sur ceux du Barreau.

On pourrait aussi invoquer qu'un notaire n'est pas habitué d'être confronté aux litiges. La majeure partie de ma pratique est dédiée au droit successoral et à la liquidation des successions, et je peux vous dire que je suis quotidiennement confronté à des situations conflictuelles entre justiciables, où je dois naviguer toutes sortes de négociations en lien avec la résolution de conflit. Le rôle du notaire est, d'ailleurs, souvent de trouver des solutions pour que le dossier ne se judiciarise pas. Le notaire n'a aucun intérêt à ce que le dossier se judiciarise, et jouit d'une place privilégiée, de par son impartialité pour favoriser le règlement des différends.

Vous savez, la pratique notariale a beaucoup évolué dans les 30 dernières années. Depuis 1999, le notaire exerce déjà des fonctions quasi judiciaires par les procédures devant notaire sans qu'il n'y ait eu aucun problème à ma connaissance. Le travail du notaire a d'ailleurs été reconnu par le code de procédure civile de 2016 en prévoyant de nouvelles matières dans lesquelles le notaire peut exercer ses fonctions quasi judiciaires. Le notaire peut également déposer devant le tribunal des projets d'accord dans le cadre d'une procédure en séparation de corps ou en divorce. À mon sens, le notaire peut agir dans tous les domaines du droit civil ou presque, ce qui en fait un expert du droit civil devant les tribunaux.

Vous savez, le notariat est un fondement du droit civil au Québec et dans les juridictions de droit civil à l'échelle internationale. Ce projet de loi constitue une excellente occasion de créer un précédent qui pourrait être suivi par d'autres juridictions de droit civil. D'ailleurs, notre droit civil est quelque chose qui nous distingue des autres juridictions canadiennes. Permettre aux notaires d'accéder à la magistrature serait un signal fort de l'importance de cette institution et du droit civil québécois en général. Selon moi, il n'existe aucune objection à ce qu'un notaire puisse accéder à la magistrature, évidemment, si le candidat notaire possède les qualités requises pour être juge telles que décrites, comme nous l'avons vu, à l'article 25 du règlement.

En terminant, lorsque j'ai pris connaissance du projet de loi, je ne me suis jamais demandé : Est-ce qu'un notaire pourrait être juge? Je me suis plutôt dit : Bien, pourquoi pas?

• (16 h 40) •

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Beauchamp. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, Me Beauchamp. Merci beaucoup de participer aux travaux de la Commission, c'est apprécié.

J'aimerais qu'on revienne sur le début de votre introduction. Vous disiez, vous, vous avez contribué notamment à l'ouvrage Précis de procédure civile du Québec sous la direction de Denis Ferland et du juge Benoît Emery, c'est bien ça?

M. Beauchamp (Michel) : C'est bien ça.

M. Jolin-Barrette : Donc, dans cet ouvrage-là, pouvez-vous nous dire qu'est-ce qu'il y a dans cet ouvrage-là? C'est quoi, un précis de procédure civile?

M. Beauchamp (Michel) : Un précis de procédure civile, c'est un outil autant pour enseigner à l'université que pour un praticien, pour démystifier la...

M. Beauchamp (Michel) : ...Alors, ce sont des auteurs qui analysent chaque article du code de procédure civile et qui donnent leur avis sur l'interprétation par rapport évidemment à la jurisprudence et la doctrine.

M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends que les juges, qu'on soit à la Cour du Québec, qu'on soit à la Cour supérieure, utilisent le Code de procédure civile sur des questions pour trancher parfois des objections, parfois des jugements interlocutoires, ils se servent la procédure, ou les avocats, également, se servent du code de procédure civile. Puis, vous, vous avez analysé le code de procédure civile puis, dans le fond, les praticiens et les juges peuvent se servir de l'ouvrage avec lequel vous avez contribué pour rendre des jugements.

M. Beauchamp (Michel) : Effectivement, le Précis de procédure civile du professeur Ferland et du juge Emery est un des volumes les plus cités en procédure civile.

M. Jolin-Barrette : Donc, ça veut dire que, vous, comme notaire, vous avez rédigé de la doctrine, donc un ouvrage de référence, que beaucoup de membres du Barreau... En fait, que, je vous dirais, pratiquement tous les avocats en litige civil se sont sûrement référés au moins une fois dans leur carrière, lorsqu'ils avaient une interrogation par rapport à la procédure civile, se sont référés à un ouvrage que vous avez coécrit.

M. Beauchamp (Michel) : Effectivement. Bien, ça fait prétentieux de dire ça, là, mais je crois que oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, quand j'entends des commentaires à l'effet que ça serait compliqué pour les notaires de comprendre la procédure civile, puis qu'ils n'ont pas touché à la procédure civile, trouvez-vous que c'est un argument qui est solide?

M. Beauchamp (Michel) : Bien, respectueusement, je ne crois pas que c'est un argument solide. Vous savez, on a parlé aujourd'hui que les notaires faisaient des procédures non contentieuses, mais ça reste une procédure civile. On doit évaluer la preuve, on doit préparer une demande au tribunal. Pourquoi cette demande-là? Bien, pour obtenir du tribunal une décision favorable pour notre client. Et même en procédure non contentieuse, ce sont des procédures où on doit aller faire des représentations devant le tribunal. Et même le nouveau code de procédure civile de 2016 permet à ce que, sans que ça soit contesté, que les parties soient représentées quand même par avocats dans un dossier où il n'y a pas de litige, mais qu'une partie voudrait faire une représentation.

Il m'est arrivé souvent de faire des représentations à la Cour supérieure devant un juge, et une des parties était représentée par avocats, et on échangeait des éléments pour que le juge puisse trancher. Mais il n'y avait pas de litige, c'est juste que chaque partie voulait faire part de son point.

M. Jolin-Barrette : O.K., je comprends très bien. Écoutez, l'Association professionnelle des avocates et avocats du Québec a émis un mémoire, et même un communiqué, commentaire, puis je vais vous citer deux paragraphes. Vous me permettrez de le citer puis vous me direz vos commentaires, ce que vous en pensez. «Le notaire, qui n'a pour ainsi dire jamais mis les pieds dans un palais de justice, devra être en mesure de faire ce travail et de rendre des décisions conformes à la jurisprudence, et ce, bien souvent face à des avocats aguerris qui, eux, maîtrisent les règles de preuve et de procédure, règles, qui, doit-on le souligner, servent à s'assurer que les auditions soient équitables, que les décisions soient rendues sur la base de preuves crédibles et que la justice serve les justiciables et ne compromette pas leur confiance dans le système. Selon le ministre, en l'occurrence moi-les notaires peuvent apprendre une fois sur le banc, je ne me souviens pas avoir dit ça, mais on rapporte ça, mais aux frais et sur le compte de qui? Encore une fois, ce sera sur le compte du justiciable et du système qui deviendront des cobayes. Notre société est en droit d'exiger une justice de grande qualité avec des juges d'expérience et de grande compétence dès leur nomination. Ces exigences sont garantes de l'efficacité du système et de la satisfaction des citoyens. Les droits judiciaires ne sont-ils pas des droits garantis par la Charte des droits et libertés de la personne?»

Alors, ma question, Maître Beauchamp : est-ce que le fait de nommer des notaires comme juges va affecter la qualité de la justice? Est-ce que les notaires ne sont pas de grande compétence dès le moment de leur nomination? Parce que l'Association professionnelle des avocats nous laisse prétendre ça par la voix de sa présidente, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Beauchamp (Michel) : Malheureusement, je crois que c'est mal connaître la procédure pour désigner un juge à la Cour du Québec. J'ai lu tantôt l'article 25 du règlement qui prévoit des critères. Donc, il y a un comité de sélection qui analyse chaque candidature, notaires, avocats, pour s'assurer d'avoir le bon candidat qui possède les habiletés nécessaires pour devenir juge. Alors, pas parce qu'un notaire serait désigné juge à la Cour du Québec qu'il n'aurait pas les compétences. C'est comme de présumer que le comité n'aurait pas fait son travail.

M. Jolin-Barrette : O.K. Un autre des arguments de l'Association professionnelle des avocats est le fait de dire que ce n'est pas possible, en vertu de la loi constitutionnelle de 1867, de nommer un notaire à la magistrature, est-ce que c'est votre lecture...

M. Beauchamp (Michel) : ...non, ce n'est pas ma lecture du tout.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pensez-vous que votre lecture est partagée par d'autres personnes dans le milieu juridique?

M. Beauchamp (Michel) : Oui. Je me souviens, lorsqu'on a adopté les procédures devant notaire en 1999, il y avait eu encore une fois cette objection constitutionnelle là. Parce que, vous savez que, par les procédures devant notaire, le notaire, son procès-verbal est souvent exécutoire en matière de vérification de testament, en matière de constitution de conseil de tutelle et même de nomination d'un tuteur à un enfant mineur, le procès-verbal du notaire est exécutoire, et il y avait eu l'argument constitutionnel, et je me souviens, à l'époque, le professeur Frémont avait émis un avis à l'effet qu'il n'y avait pas de problème constitutionnel.

M. Jolin-Barrette : Donc, le professeur Frémont, qui a été à l'Université de Montréal et qui a été président de la Commission des droits de la personne.

M. Beauchamp (Michel) : Et qui est recteur à l'Université d'Ottawa.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, je pense que par votre témoignage aujourd'hui, on a fait la démonstration que vous connaissez la procédure civile et que vous êtes un notaire, donc ce n'est pas incompatible, les deux, de connaître la procédure civile et d'être un notaire.

J'aimerais vous poser des questions sur la médiation. Le fait de rendre la médiation obligatoire, pensez-vous que ça va aider le système de justice à être plus efficace et à permettre aux justiciables d'avoir une meilleure expérience avec le système de justice?

M. Beauchamp (Michel) : De faire une analogie avec ma pratique en droit successoral qui, malheureusement, relève de la Cour supérieure, donc ce n'est pas applicable à la Cour du Québec, mais je pense que ça s'applique également. L'exemple, lorsque les parties s'assoient pour discuter, ça évite un litige dans la majorité des cas. Vous savez qu'en matière successorale, là, 80 % de psychologie, 20 % de droit, tout le monde est braqué, il y a des émotions. Mais le fait de s'asseoir et de discuter souvent va nous empêcher d'aller en litige qui, de toute façon, le litige va décevoir tout le monde en bout de piste.

M. Jolin-Barrette : Même question sur la conférence de règlement à l'amiable, parce qu'on rend la médiation obligatoire aux petites créances, ensuite, avec arbitrage. Là, les notaires sont déjà médiateurs, sont déjà arbitres. Pour vous, il n'y a pas d'enjeu à continuer dans cette direction-là.

M. Beauchamp (Michel) : Le notaire, de par sa formation, essaie toujours des médier entre les parties, tout le temps, tout le temps. Donc, en médiation, en conférence de règlement à l'amiable, le notaire ou le notaire devenu juge va exercer la même chose, c'est-à-dire de trouver une solution. Parce que l'idée dans mon exposé, lorsque le citoyen participe à la solution, il en sort gagnant, et il en sort surtout satisfait.

M. Jolin-Barrette : Un des enjeux qui sont soulevés, là je reviens sur l'accession des notaires à la profession de juge, là, c'est le fait de dire que le juge doit trancher les litiges. Pensez-vous que les notaires sont aptes à trancher des litiges? Parce que supposons, là, qu'on rend l'arbitrage automatique et même le fait qu'ils seraient sur le banc pour trancher des litiges, pensez-vous que les notaires ont cette aptitude-là?

M. Beauchamp (Michel) : Que doit faire un juriste pour trancher un litige? Le juriste analyse la loi, la jurisprudence, la doctrine et donne son conseil ou tranche pour son client. Lorsqu'on rend un avis juridique, et ça m'arrive souvent en matière successorale, les parties de me demandent de rendre un avis juridique pour connaître l'État du droit et de trancher sur l'interprétation d'une clause pour savoir si, après ça, ça fait leur affaire ou ça ne fait pas leur affaire. Et souvent les parties se disent : Bien, nous, on est satisfaits, parce que vous avez fait le tour du dossier au complet, vous avez analysé la loi, la doctrine, la jurisprudence pour arriver à cette conclusion.

Donc, je ne vois pas d'objection pour que le notaire, qui est un juriste, fasse comme un avocat-juriste puisse rendre une décision lorsqu'il deviendra juge.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la simplification de la procédure à la Cour du Québec, là, le fait d'instaurer les conférences de règlement à l'amiable d'une façon obligatoire, avez-vous un enjeu à ce qu'on diminue le nombre de vacations à la cour, qu'on oblige à avoir une conférence de règlement à l'amiable avant d'arriver à procès?

M. Beauchamp (Michel) : Ça participe de ce que le Code de procédure civile prévoit à l'article un. Il faut essayer de s'entendre avant d'aller dans un procès, puis nous connaissons tous les conséquences, les dommages collatéraux à un long procès pour les parties. Donc, le fait de favoriser la médiation, favoriser des conférences de règlement à l'amiable, je pense que, pour le justiciable, c'est la meilleure chose qui pourrait lui arriver.

• (16 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Excellent. Je vous remercie beaucoup, Me Beauchamp. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup pour votre passage en commission parlementaire, c'est apprécié.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : Bonjour. Vous savez que tout ce qu'on dit ici peut être écouté par les gens à la maison, les gens dans les gradins. Et si j'étais un citoyen chez nous, je me poserais la question : Quels sont les avantages à ce qu'un notaire accède à la fonction de juge? Pour moi, là : Quels sont... je ne sais pas, une vision différente, l'expertise plus poussée, la compréhension des dossiers. Qu'est-ce que les notaires qui deviendraient juges pourraient apporter de plus à la magistrature...

M. Beauchamp (Michel) : ...Bien, tout d'abord, le notaire a toujours comme objectif d'essayer de solutionner un problème, hein, de solutionner le conflit.

Deuxièmement, est-ce qu'on ne pourrait pas plutôt dire : Qu'est-ce qui désavantagerait le système judiciaire d'avoir un notaire comme juge? Parce qu'à la base un notaire est un juriste. Donc, est-ce que le tribunal ne devrait pas plutôt choisir les meilleurs juristes pour devenir juges, qu'il soit notaire ou qu'il soit avocat?

Mme Bourassa : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Pour quatre, cinq minutes?

Le Président (M. Bachand) :Cinq minutes, M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci. Mon chronomètre fonctionne. Bonjour, Maître Beauchamp. Vous nous avez beaucoup parlé des notaires. Ça se comprend, on l'entend. Mais je veux revenir à la base parce qu'il y a quatre volets fondamentaux au projet de loi huit. Je voudrais les regarder rapidement avec vous. Vous y avez déjà touché par rapport à la médiation et arbitrage, mais il y a les règlements des différends de manière efficace, réduction des délais judiciaires. Est-ce que ça, par rapport à ce que vous savez, connaissez de notre système, ce qu'on propose dans le projet de loi huit pour accomplir médiation et arbitrage, ça vous convient ou on a manqué un détour quelque part ou on en a pris un de trop?

M. Beauchamp (Michel) : C'est un excellent pas en avant.

M. Lemieux : D'accord.

M. Beauchamp (Michel) : Je pense que c'est un message clair qu'il faut solutionner nos conflits.

1lem  J'aime ça parce que je voulais faire le tour des quatre, vous m'avez vu venir, hein? Je voulais le tour des quatre volets avec vous, et vous avez des réponses courtes? Merci beaucoup. Ça me gêne, elles sont plus courtes que mes questions, en tout cas. Simplification de la procédure civile à la Cour du Québec, ça, je vous avoue que, pour le commun des mortels, 50 000, 75 000, 100 000, on y perd un petit peu de notre latin et puis on n'espère pas avoir à aller là de toute façon. Mais quelqu'un qui connaît ça, il voit ça comment?

M. Beauchamp (Michel) : Quelqu'un qui connaît ça, qui regarde, évidemment, ça prend un niveau parce que ça, c'est une question constitutionnelle. Et d'ailleurs, il y a eu une décision de la Cour suprême, comme vous le savez récemment sur ce sujet-là. Ça prend des niveaux Cour du Québec, Cour supérieure, et tout ça.

Deuxièmement, le citoyen, lui, essentiellement ce qu'il veut, c'est une solution à son litige. Alors, que ce soit la Cour supérieure, la Cour du Québec... c'est sûr et certain qu'il y a des niveaux. Et les organismes qu'on a vus avant moi font un excellent travail pour donner des conseils. Et, même à l'université, il y a la clinique juridique qui conseille adéquatement les gens, justement, qui les informent... non pas conseiller, ce n'est pas encore le cas, mais ils les informent sur les niveaux. Donc, si tu as une réclamation de 25 000 $, c'est la Cour du Québec, si tu as une réclamation entre 75 000 $ et 100 000 $, tu as le choix, et plus de 100 000 $, c'est la Cour supérieure. Mais ce que les gens retiennent surtout, c'est qu'en bas de 15 000 $, ils peuvent eux-mêmes aller à la division des petites créances.

M. Lemieux : C'est clair. On continue le résumé, parce que c'est ce que je voulais faire avec vous. Conseil de la magistrature. Tiens, tiens, plus grande représentativité des personnes victimes au sein du Conseil de la magistrature, diffusion chaque année d'un rapport sur ses activités, vérification des livres et des comptes au moins une fois tous les cinq ans, amélioration de l'accès à l'information pour le public. On avance? On recule?

M. Beauchamp (Michel) : On avance. On est dans l'ère de l'imputabilité, et je ne pense pas que ça va toucher à l'indépendance requise pour le Conseil de la magistrature. Qu'est-ce qu'on va faire comme rapport annuel? Bien, comme les ordres professionnels, ils font un rapport annuel de leur gestion de sommes, du nombre de plaintes, comment ça fonctionne. Moi, je ne vois pas de problème au niveau de l'indépendance. On ne dit pas ici qu'on ne devra pas traiter pourquoi qu'on a accepté tel dossier puis pourquoi qu'on l'a refusé puis pourquoi tel juge n'a pas été invité devant le conseil de discipline, puis pourquoi tel juge l'a été, et tout ça. Ce n'est pas ça. Lorsqu'on lit le projet de loi, on parle de la finance et on parle d'un rapport d'activité global sur combien de plaintes qu'on a eues, combien qu'on en a traité, et tout ça. Je pense que, dans un souci d'efficacité et de transparence pour les citoyens, c'est excellent.

M. Lemieux : Ma question à moi par rapport aux notaires, qui auraient, donc, l'accès à la magistrature. Vous êtes enseignant, en tout cas, à temps partiel, sinon, à temps plein, je ne sais pas, là. On n'est jamais enseignant à temps partiel, on l'est toujours... Est-ce que le cursus... Tu sais, on se l'est fait dire trois fois aujourd'hui minimum. Oui, on fait tous la même chose puis après ça on prend chacun notre bord, notaires d'un côté, avocats de l'autre. Mais est-ce que ce tronc commun là est assez gros, assez fort pour que ça vaille la peine de dire que c'est la même chose?

M. Beauchamp (Michel) : Ça me fait sourire parce que... Je vais vous donner l'exemple de l'Université de Montréal, que je connais bien. Tous les étudiants qui terminent leur bac en droit à l'Université de Montréal ont suivi les mêmes cours de procédure civile obligatoire, hein, on commence par ça, et tous les étudiants choisissent des cours à option selon...

M. Beauchamp (Michel) : ...ont leurs intérêts. C'est sûr qu'autant le Barreau que la Chambre des notaires suggère un tronc commun, mais ce n'est pas obligatoire. Et si je prends mon propre exemple à moi, j'ai suivi tous mes cours de pénal, de conditionnel et d'administratif à l'université et je suis notaire aujourd'hui. Donc, cet argument-là, je ne suis pas sûr qu'il tienne la route beaucoup.

M. Lemieux : D'accord. J'ai fini, le Président me regarde avec des gros yeux, mais vous avez vous en disant «pourquoi pas», n'est-ce pas?

M. Beauchamp (Michel) : Exactement.

M. Lemieux : Pourquoi ça a pris tout ce temps-là, M. Beauchamp, Me Beauchamp?

M. Beauchamp (Michel) : Ah, je pense que c'est une question historique, pourquoi ça a pris tout ce temps-là. Vous savez que, malheureusement, avant le XXᵉ siècle, pour devenir notaire, on avait qu'à suivre des examens de la Chambre des notaires et on devenait notaire, alors c'est comme ça qu'est devenue l'histoire que le notaire ne fait pas de cours de droit, mais ça fait plus de 120 ans que c'est fini ça, cette histoire-là, et je pense qu'il y a eu quatre notaires au Québec seulement qui sont devenus notaires seulement par des examens.

M. Lemieux : Merci, Me Beauchamp.

Le Président (M. Bachand) :Me Beauchamp, merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Beauchamp. Merci d'être avec nous cet après-midi. J'ai écouté avec beaucoup d'attention, je comprends que vous êtes un notaire émérite, donc qui avez évidemment transcendé d'autres notaires, pleins d'autres notaires dans votre profession compte tenu de votre parcours et de vos réalisations, est-ce qu'on peut dire que vous êtes une sommité en procédure civile au Québec?

M. Beauchamp (Michel) : Tellement gênant ce type de questions là, puis de répondre : Oui, oui, je suis une sommité. Ça a l'air prétentieux, mais, oui, je suis... mes écrits en procédure civile sont souvent cités devant les tribunaux encore récemment. Sur la question de la possibilité de demander une copie d'un testament, j'ai écrit sur les règles à suivre, et ça a été cité par les tribunaux.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie parce qu'en fait, compte tenu de votre expertise avec le Code de procédure civile puis toujours dans le but, évidemment, de bonifier des projets de loi, c'est pour ça qu'on est ici, le projet de loi N° 8 accorde une importance particulière à l'arbitrage, à la médiation, la rendant parfois obligatoire ou, en tout cas, l'encourageant très fortement, alors que, comme vous le savez, le principe, dans le code de procédure civile, c'est de favoriser une médiation volontaire, n'y voyez-vous pas là une contradiction ou une incohérence? Et comment pourrait-on, finalement, bonifier le projet de loi pour qu'il soit peut-être plus conforme aux principes énoncés par le Code de procédure civile?

M. Beauchamp (Michel) : La médiation familiale est mandatoire, on n'a pas le choix, en matière familiale, de passer par la médiation. On est tous au courant de cas où est-ce que la médiation ne s'applique pas, hein, le ministre parlait en début de journée de la violence conjugale, et tout ça, et que tout le monde avait peur de la médiation obligatoire, il y a des mécanismes qui existent, des conférences de coparentalité qui existent pour pallier au fait que, malheureusement, on ne pourra pas en médiation, alors je crois qu'effectivement ces mêmes mécanismes-là devraient exister en matière de médiation, mais quand on parle d'obligation de la médiation, on parle surtout de l'obligation de s'asseoir puis d'essayer de discuter. La médiation, ce n'est pas qu'on est obligé de passer à travers plusieurs séances puis de trouver une solution à tout prix, c'est d'au moins commencer par s'asseoir et de discuter ensemble.

M. Morin : Parfait. Justement, vous parliez de la violence conjugale et le ministre un peu plus tôt aujourd'hui, parce qu'on lui a posé la question, évidemment, faire une médiation dans un cas de litige entre deux ex-conjoints, ce n'est pas quelque chose qui est souhaitable. Et le ministre nous disait qu'il allait y voir éventuellement par règlement, mais compte tenu de l'importance, vous ne pensez pas que ce ne serait pas mieux de l'inclure directement dans le projet de loi et de prévoir ça immédiatement pour lancer un message clair à la population?

• (17 heures) •

M. Beauchamp (Michel) : Effectivement, mais aussi l'important, c'est que quelque part se trouve, dans notre corpus législatif, de prévoir que dans certaines circonstances, bien, il n'y en aura pas de médiation pour toutes sortes de raisons, mais il pourrait y avoir une conférence sur les modes de règlement alternatifs, et tout ça.

M. Morin : Parfait. J'aimerais avoir vos commentaires en lien avec l'article 7 du projet de loi qui va apporter une modification à l'article 535.14 du... et qui dit qu'une partie, pour tenir lieu du témoignage peut produire une déclaration écrite de ce dernier. Il faut que la déclaration a été notifiée, sauf que le projet de loi ne semble pas prévoir aucune garantie quant à l'authenticité de la déclaration. Si on produit une déclaration écrite, il n'y a pas de possibilité de contre-interroger l'auteur, est-ce que.


 
 

17 h (version non révisée)

M. Morin :...vous n'y voyez pas un danger? Et comment pourrait-on améliorer cette façon de faire? Je comprends qu'on veut aller vite, là, mais il y a quand même l'importance que l'adjudicateur puisse évaluer correctement la véracité des faits qui sont devant lui.

M. Beauchamp (Michel) : Ça existe déjà en matière de procédure contentieuse. La preuve en matière non contentieuse. C'est une preuve documentaire. Exemple, un témoin à un testament ne vient pas témoigner au tribunal en personne. Il signe une déclaration sous serment. Cette déclaration sous serment là pourra toujours être contestée par une partie. Alors, je crois que l'esprit ici, c'est de limiter le nombre de témoignages et, si une partie peut témoigner par écrit et le déposer, je n'ai pas vu nulle part d'empêchement de contester cette déclaration écrite.

M. Morin :Je vous remercie. Il y a d'autres groupes qui nous ont dit, et j'aimerais vous entendre là-dessus que parfois il y a des parties qui veulent aller à la cour et que parfois l'arbitrage ou la médiation, ce n'est finalement pas la panacée. On a même entendu des gens qui nous ont dit : Ça pourrait même être une justice à rabais. Donc, vous n'êtes pas inquiet de l'impact que ça pourrait avoir sur la crédibilité du système de justice?

M. Beauchamp (Michel) : L'intervention juste avant moi parlait de la méconnaissance justement de la médiation, la méconnaissance de l'arbitrage. Souvent, quand on parle de médiation, mes clients me disent : Ah! c'est ça, il va falloir que je mette de l'eau dans mon vin, ça n'a pas d'allure, puis ce n'est pas ça, puis moi, j'ai des principes, et tout ça. C'est n'est pas ça, la médiation. La médiation, c'est de s'asseoir, puis de discuter, puis d'essayer de trouver un terrain d'entente. Il n'y a personne qui entre en médiation avec l'idée d'aller chercher le plus possible de l'autre côté. C'est surtout de l'idée d'arriver à une solution pour éviter d'aller s'entre-déchirer devant le tribunal.

Je pense que lorsque des gens se parlent et discutent entre eux, mais ça va être une solution, puis je ne peux pas penser qu'on parle de justice à rabais parce que ça n'exclut pas du tout de recourir aux tribunaux. Et lorsque le citoyen sera au courant de tous ces modes alternatifs de résolution de conflits, je pense qu'il va de plus en plus les utiliser. Voilà une vingtaine d'années, la médiation familiale... une trentaine d'années, c'était nouveau. Tout le monde disait : Ça n'a pas d'allure. Qu'est-ce que c'est ça? Et on voit les succès aujourd'hui de la médiation familiale.

M. Morin :On nous a dit également qu'il faudrait plusieurs arbitres ou médiateurs parce qu'évidemment, si on a envoie des dossiers devant un autre forum, bien, il va falloir des personnes pour les traiter. Selon vous, est ce qu'on a assez d'arbitres au Québec, de médiateurs pour être capable de remplir à la demande? Parce qu'on ne veut pas non plus décevoir les citoyens et citoyennes en adoptant ce projet de loi là?

M. Beauchamp (Michel) : Je pense que, présentement, il y a beaucoup de médiateurs et d'arbitres qui n'exercent pas. La raison est bien simple, c'est que le volume n'est pas là. Et comme le volume n'est pas là, bien, à un moment donné... Moi je connais des médiateurs qui sont médiateur familial et qui n'exercent pas là-dedans parce que, malheureusement, les volumes ne sont pas là. Et quand les volumes ne sont pas là, bien, nous sommes tous praticiens en pratique privée, vous comprenez qu'il faut qu'il y ait un lien avec le volume et un lien aussi avec tous les frais qu'on a à payer.

M. Morin :Tout à l'heure, quand vous parliez de la médiation en matière familiale, si je vous ai bien compris, est-ce que c'est la médiation qui est obligatoire ou la session d'information pour les parties?

M. Beauchamp (Michel) : Bon, ce qui est obligatoire, c'est la médiation, mais on peut se soustraire de la médiation d'aller faire un... pardon, une rencontre sur la coparentalité.

M. Morin :Vous avez parlé beaucoup de la possible accession, si le projet de loi est adopté, des notaires à la magistrature et vous nous avez parlé de votre expérience en droit civil. Les juges de la Cour du Québec, lorsqu'ils ont à siéger, ne siègent pas uniquement en droit civil. Je vous pose la question, compte tenu de votre expertise. Un notaire qui serait appelé, trois jours après sa nomination, à présider un procès en matière criminelle, est-ce qu'il aurait besoin de formation particulière ou s'il peut y aller et il n'y a pas de souci?

M. Beauchamp (Michel) : Bien, un avocat qui a fait du droit civil toute sa vie et qui est désigné juge à la Cour du Québec, il lui arrive le même scénario. Que fait-il? Est-ce que... Pour lui, ça fait 30 ans qu'il n'a jamais fait de criminel ou 20 ans qu'il n'a jamais fait de droit pénal, est-ce que le juge en chef va lui attribuer cette cause-là, sachant très bien qu'il n'a pas l'expertise? Je ne crois pas.

M. Morin :D'accord. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Bon, vous n'êtes pas membre du Barreau, monsieur Beauchamp, mais de toute évidence, vous êtes un habile plaideur. Pour être bien honnête avec vous, et je ne veux pas vous manquer de respect, mais je trouve que vous avez bien défendu vos arguments et je n'ai pas de...

Mme Labrie : ...moi, à vous poser. Votre démonstration, elle est claire. Vous avez répondu à d'abondantes questions de mes collègues avec efficacité. Je vous laisse mon temps, si jamais il y avait des éléments que vous n'avez pas eu le temps de mentionner encore et que vous jugez pertinent de porter à notre attention pour le projet de loi. Donc, je vous invite à le faire maintenant.

M. Beauchamp (Michel) : Merci beaucoup, Mme la députée, mais vous l'avez dit, je pense que tout était là et je pense que c'était clair au niveau de plusieurs articles : médiation, arbitrage et surtout la nomination potentielle. Parce que je pense, je vais le répéter, merci de me le permettre. Ce n'est pas demain matin que les 4 000 notaires du Québec vont devenir juges. C'est demain matin que les 4 000 notaires du Québec vont pouvoir déposer leur candidature comme les 29 000 avocats peuvent déposer leur candidature, et ça sera au comité qui jugera au mérite pour avoir les meilleurs juristes comme juge à la Cour du Québec.

Mme Labrie : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci, Me Beauchamp. En effet, on comprend clairement la position des notaires. On entendra bientôt le Barreau, là. Mais c'est unanime, les notaires. Vous plaidez très, très bien votre cause. Ça, ça ressort beaucoup des prestations que vous faites devant nous. Puis je trouve ça dommage parce j'ai l'impression qu'on fait la Chambre des notaires contre le Barreau, un est plus compétent ou... Ça fait que je trouve ça à la limite, là, dommage qu'on se rende là. Mais, d'un autre côté, je me dis c'est comme si on demandait aux chargés de cours de devenir professeurs, j'imagine que ça ferait pas mal le même débat. Donc, j'imagine que c'est comme ça dans pas mal, pas mal tous les domaines. Je ne suis pas sûre que comme professeur, vous appréciez qu'un chargé de cours puisse avoir le titre aussi de professeur, puis ça amènerait, de part et d'autre, certains arguments. Mais je ne veux pas aller sur cette partie là, là, je pense qu'on a pas mal entendu tous les mêmes commentaires de la part des groupes précédents.

Moi, j'ai seulement qu'une question. Le groupe Option Consommateurs, entre autres, qui a passé juste avant vous, nous recommandait, entre autres, que l'article 535.10, puis il est à l'article 7 du projet de loi, il recommandait en fait que cet article-là ne soit pas codifié dans le code de procédure civile, puis ça a un lien avec — parce que, là, je pense que vous cherchez dans le code de procédure civile — mais ça a un lien, entre autres avec les preuves authentiques, comme quoi, là, on reconnaît, là, ou on présume l'intégrité du document qui est déposé. Avez- vous un avis, étant expert en procédure civile?

M. Beauchamp (Michel) : On parle ici de présomption simple. Ça veut dire qu'on pourrait contester l'intégrité de ce document. Deuxièmement, ça se fait déjà devant les tribunaux. On dépose des copies de documents, et c'est seulement lorsque les parties contestent qu'on va sortir l'original du document. Donc, l'article 535.10 ne fait pas que demain matin on aura que des photocopies et on n'est pas sûr si c'est vrai ou pas vrai, ce sera toujours possible de contester l'authenticité d'un document. Mais je pense que... je pense juste à une demande en reconnaissance judiciaire d'un droit de propriété, c'est à la Cour supérieure, bien sûr, mais l'analogie se fait, où on doit déposer 27 titres de propriété... c'est-à-dire 27 actes notariés, à un coût de 200 $ de la copie, pour démontrer que la personne est propriétaire. Bien souvent, on demande au Bureau de la publicité des droits de nous émettre des copies à 1 $ la copie, et je pense que ça serait suffisant pour le justiciable. Mais c'est toujours possible de le contester si jamais on doute de l'authenticité du document.

Mme Nichols : Un peu comme un 535.10, si une des parties s'y oppose, il y aura... il n'y aura pas... la présomption ne s'appliquera pas.

M. Beauchamp (Michel) : Exactement.

Mme Nichols : Très bien.

M. Beauchamp (Michel) : On parle de présomption simple ici.

Mme Nichols : Simple.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Me Beauchamp, merci beaucoup de votre participation cet après-midi. Ce fut très intéressant.

Sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 10)

(Reprise à 17 h 16)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir de recevoir les représentants et représentantes Éducaloi. Alors, merci d'être ici cet après-midi, c'est très apprécié. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et après il y aura une période d'échanges avec les membres de la commission. Donc, d'emblée, je vous demanderais de vous identifier et de débuter votre présentation, s'il vous plaît.

Mme Charbonneau (Ariane) : Très bien. Merci, M. le Président. En fait, on est très heureux d'être avec vous aujourd'hui. On sait que ça a été une longue journée pour vous, alors on a l'intention de vous faire finir ça en beauté avec l'équipe d'Éducaloi. Je suis Ariane Charbonneau, je suis la directrice générale de l'organisation, puis je suis accompagnée de deux des 37 magnifiques personnes qui composent notre équipe, Me Guillaume Rondeau, qui est expert en communication claire, et notre pédagogue en résidence, madame Isabelle Bourgeois, qui est conseillère en éducation.

Donc, déjà ici, vous avez représenté ce qui est notre double mission. On est là... Nous, concrètement, on a accès à la justice depuis déjà 23 ans et c'est pour vulgariser, clarifier, simplifier le droit d'un côté et, de l'autre, de développer les compétences puis les réflexes juridiques des gens au Québec. Alors, c'est quoi, la bibitte Éducaloi? Bien, je pense qu'on nous connaît beaucoup à cause de notre site Web, qui attire aujourd'hui plus de 8 millions de visites par an. Donc, au Québec, c'est presque une personne sur deux qui utilise nos contenus. Alors, vous dire qu'on est incontournable dans le paysage québécois, ça va de soi, je dirais. Mais on est surtout un organisme de bienfaisance enregistré, indépendant, c'est-à-dire qu'on est non gouvernemental. Par exemple, on nous compare à la structure des CJP, qui sont venus vous plutôt aujourd'hui, ce n'est pas tout à fait la même chose. On est un organisme neutre aussi, donc ce n'est pas vraiment notre rôle à nous de commenter ou de critiquer une loi, un projet de loi ou même une décision de la Cour. Mais ce qu'on fait, par exemple, c'est de rendre le droit accessible à la portée des femmes et des hommes du Québec. Donc, c'est une phrase que j'aime dire, là, mais le droit, ça appartient aux gens. Ce serait normal qu'ils le comprennent puis qu'ils puissent agir en pleine connaissance de cause, puis idéalement plus en prévention que quand on a des problèmes puis des situations conflictuelles.

Alors, nous, on salue l'intention du PL 8 qui vise à modifier la loi, la procédure pour la rendre, la justice, là, plus efficace, plus accessible. Puis on a vraiment en tête les deux premiers volets du projet de loi. On ne portera pas de commentaire sur le Conseil de la magistrature ou la session des notaires à la magistrature. Donc, le projet de loi, c'est clairement un point de départ qui est intéressant, mais ce n'est certainement pas le point d'arrivée parce que, pour que le public bénéficie de l'efficacité puis de l'accessibilité qui est souhaitée par le projet de loi, il faut absolument, Mesdames et Messieurs les députés, M. le ministre, il faut absolument travailler d'autres aspects de l'accès à la justice. C'est le Pr Roderick Mcdonald qui l'exprimait bien dans son rapport, qui fait toujours autorité en matière d'accès justice au Québec 30 ans plus tard. Il faut que ça soit aussi associé à des actions qui sont porteuses en information puis en éducation juridique, puis c'est ça, notre mission, en fait.

Donc, d'abord, pour commencer davantage, là, sur la question de l'accès à l'information claire, fiable, accessible, je vais laisser mon collègue Guillaume poursuivre dans notre présentation.

M. Rondeau (Guillaume) : Merci beaucoup, Ariane. Bonjour, tout le monde. Merci de nous avoir invités. Alors, simplifier la procédure civile, offrir des services juridiques plus efficaces, c'est nécessaire, c'est souhaitable, mais, peu importe les mesures qui vont être mises de l'avant, c'est essentiel que les communications juridiques qui vont accompagner les mesures soient elles aussi simples, claires et efficaces. Pourquoi? Bien, avoir accès à la justice, c'est aussi avoir accès à l'information. Et, pour avoir un véritable accès à l'information, il faut que l'information permette aux gens de prendre des décisions de manière éclairée pour que les gens puissent ultimement agir. Il faut donc que l'information mène à l'action.

• (17 h 20) •

Je vous propose un exemple de Madame, Monsieur qui pense intenter un recours devant les tribunaux sans avocat, sans avocate. Donc, à différents moments de son parcours, madame, Monsieur va devoir traiter de l'information juridique. Madame, Monsieur va trouver des dizaines de sites Web qui offrent de l'information sur les procédures judiciaires. On peut penser au site de Services Québec, la Cour du Québec, Éducaloi, SOQUIJ, Barreau... la liste est très longue. Madame, Monsieur peut se rendre dans un palais de justice, un centre de justice de proximité, un organisme communautaire ou ailleurs. Il va se faire offrir des dépliants, des guides, des aide-mémoire et d'autres outils pratiques.

Éventuellement, Madame, Monsieur va devoir consulter le Code de procédure civile, va devoir consulter les règlements qui l'accompagnent, remplir des formulaires, des demandes, des protocoles, pleins de documents officiels comme ceux-là. Monsieur, Madame va devoir parler avec la greffe, tenter de comprendre les lettres, les avis, les autres communications que la cour va lui envoyer dans son dossier. Et tout ça, je parle uniquement des informations en lien avec la procédure civile. Je ne vous parle même pas des notions juridiques liées à son conflit sur le fond. Donc, c'est très complexe. Je ne vous parle pas non plus de l'état d'esprit et de la situation de vie de madame, Monsieur qui vit peut-être du stress au travail, des difficultés familiales, des problèmes de santé, plein d'éléments qui vont...

M. Rondeau (Guillaume) : ...diminuer sa capacité à traiter toutes ces informations-là.

Donc, l'exemple que je viens de vous donner, ça démontre bien que les justiciables font face à un défi extrêmement exigeant pour traiter et utiliser toute l'information juridique qui se dresse sur leur parcours, même si la procédure est simplifiée. Donc, même si c'est plus simple, ça demeure très complexe quand on considère tout le reste. Alors, pour que les intentions du projet de loi no 8 se concrétisent, c'est essentiel que l'information qui va être offerte au public soit suffisamment simple, claire et vulgarisée pour que les gens puissent l'utiliser.

Maintenant, pour que les gens puissent utiliser l'information, l'information doit être adaptée aux réalités et aux enjeux du grand public. Et, comme le grand public est composé de profils qui sont très variés, bien, il faut aussi varier les initiatives et les différentes approches qu'on va utiliser pour les informer. On peut, par exemple, consulter directement les personnes, donc la consultation, c'est un excellent moyen pour produire des outils qui sont plus clairs, qui sont plus efficaces. On peut aussi tester les outils auprès des différents publics avant de publier les outils pour savoir si c'est vraiment efficace dans les faits, est-ce que les gens sont capables de les utiliser. On peut prévoir aussi, de manière explicite, dans la loi, dans la réglementation, que l'information qui accompagne la procédure soit offerte aux gens de manière claire, de manière vulgarisée et plus uniforme. Par exemple, la réglementation pourrait prévoir que toute convocation en médiation obligatoire soit formulée de manière claire et accompagnée d'outils d'information qui sont vulgarisés. Le même principe s'applique au reste de la procédure civile qui sera simplifiée.

On peut aussi diversifier la manière d'offrir de l'information, ne pas se contenter de l'écrit, surtout quand on pense au fait qu'il y a beaucoup de gens qui ont des limitations fonctionnelles, ne serait-ce qu'en termes de littératie. On peut aussi créer des outils pratiques qui vont aider les gens à prendre des décisions, des listes de ressources, des listes de vérification, des aide-mémoire, des parcours guidés. Donc, c'est ce genre d'initiatives là qu'on peut produire, qu'on peut utiliser pour, donc, offrir une information qui est plus facile à trouver, à comprendre et à utiliser.

Mais, malgré tout ça, même si on a des outils qui sont en théorie faciles à utiliser, ça ne veut pas dire que les gens vont être en mesure de le faire, parce que, pour agir, ça prend plus que de l'information. Et là, je vais céder la parole à ma collègue, Isabelle, pour vous en parler un peu plus.

Mme Bourgeois (Isabelle) : Merci, Guillaume. Donc, de mon côté, je vais vous parler un peu de l'importance d'intégrer l'éducation juridique dans le développement et la mise en œuvre du projet de loi no 8. Comme conseillère en éducation chez Éducaloi, je ne suis pas juriste, puis on me donne souvent comme rôle d'être la gardienne des profanes chez Éducaloi. Donc, c'est un peu vers ça que je vais vous amener pour ramener le citoyen, la citoyenne, au centre de notre conversation aujourd'hui.

Donc, par exemple, une personne engage un paysagiste pour refaire sa cour arrière. Le paysagiste exige un paiement complet, bien que les services ne sont pas complétés, donc l'hiver est arrivé, ou une autre raison quelconque. Madame, monsieur n'est pas d'accord, se sent un peu frustré, ne veut pas payer, est surtout très stressé et très perdu par rapport à tout ce qu'elle peut faire avec la situation. Cette personne-là, dans la vie de tous les jours, ne sait peut-être pas reconnaître les dimensions juridiques de son problème, encore moins savoir qu'elle a des droits dans la situation, ne sait peut-être pas c'est quoi, les mots-clés qu'elle peut utiliser pour trouver l'information sur Internet. Personnellement, avant de travailler chez Éducaloi, petites créances et médiation étaient des mots qui m'étaient complètement inconnus, oui, oui. Et cette personne-là, elle ne sait peut-être pas comment se préparer à la médiation, comment... est-ce qu'il faut un avocat? Est-ce que ça va coûter cher? Est-ce qu'il y a 472 formulaires à remplir? Elle ne le sait pas et, surtout, elle n'a peut-être pas confiance en elle. Elle veut peut-être éviter la chicane, ce qui va l'amener à juste vouloir payer, au risque de ne pas se faire respecter ses droits.

Ça fait que, là, vous vous dites peut-être : Bien, c'est quoi le lien entre cet exemple-là et le projet de loi no 8? En fait, pour que les gens puissent agir, juridiquement, ils doivent être en mesure de développer des compétences, des attitudes. Il faut aller au-delà de l'information qui est simplifiée, puis c'est là qu'entre en rôle l'éducation juridique, qui est une des expériences clés d'Éducaloi. L'éducation juridique, ce n'est pas juste sur les bancs d'école, ça n'a pas d'âge, ça n'a pas de genre, ça n'a pas de nationalité. Toute personne ne peut développer des réflexes juridiques et développer la confiance qui est nécessaire pour faire valoir ses droits.

Quelques exemples concrets dans le cadre du projet de loi no 8. Par exemple, il pourrait y avoir une formation en ligne très interactive, où les personnes se familiarisent avec le processus de médiation, font des mises en situation pour se préparer, se préparer à écouter, à dialoguer, à faire des compromis, bref, des attitudes qui sont essentielles dans un processus de médiation. Ça pourrait être une formation qui est préalable au dépôt d'une demande de médiation, qui pourrait être complémentaire aux rencontres de prémédiation que vous parlez, les centres de justice de proximité...

Mme Bourgeois (Isabelle) : ...un autre exemple pourrait être de développer des ateliers, des outils pratiques pour les intervenants qui sont sur le terrain, qui accompagnent au quotidien des personnes dans leur parcours juridique. Par là, on parle des groupes communautaires, des juristes, des cliniques juridiques, des travailleurs sociaux, et j'en passe. Ces personnes-là doivent développer des compétences pour être capables de relayer les informations juridiques, pour être capables de préparer la personne qui vit des problèmes à différents scénarios. Aider à accueillir des émotions qu'ils peuvent vivre, à animer des séances d'information.

En résumé, ce que j'essaie de vous dire, c'est que le projet de loi et la mise en œuvre, ils doivent prévoir des outils, des services, des formations qui sont nécessaires pour que les personnes aient les compétences pour utiliser l'information simplifiée, puis agir de manière éclairée et surtout adaptée à sa situation. C'est aussi ça, l'accès à la justice.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. Période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Charbonneau, Me Rondeau, Mme Bourgeois, bonjour. Merci beaucoup de venir en commission parlementaire pour nous donner votre opinion sur le projet de loi no 8.

Je retiens bien, avec votre dernière intervention, Mme Bourgeois, que vous nous dites : C'est bien beau, modifier les lois, c'est bien beau, améliorer la procédure civile, mais il faut que ça vienne avec des moyens, puis, surtout, ce qui est important, c'est que la population comprenne et que les informations juridiques soient disponibles.

Et je suis assez d'accord avec vous. Lorsqu'on parle d'accessibilité à la justice, on peut mettre en place les différentes balises légales pour simplifier la procédure, mais c'est vrai que c'est important d'être bien accompagné, d'être bien informé. Vous le faites bien, les centres de justice de proximité le font bien, on a lancé le site juridique également avec la Société québécoise d'information juridique, désormais, ils ont lancé un nouveau service pour faire en sorte que les couples mariés qui souhaitent se divorcer à l'amiable, désormais, peuvent remplir leurs documents en ligne. Et ça génère... par le biais de l'intelligence, ça génère la procédure de consentement avec les affidavits des époux, et là, à ce moment-là, les ex-conjoints peuvent déposer ça au greffe de la cour et ils peuvent faire la procédure, puis il y a de l'information aussi, alors on accompagne les gens dans leur divorce, là, c'est drôle à dire, là, mais ça permet de donner des outils.

Alors, écoutez, je voulais poser la question : Le niveau, dans votre expérience, là, dans le cadre de votre réalité de tous les jours, le niveau de connaissances juridiques de la population, les gens que vous renseignez, là, comment vous l'évaluez? Vous diriez, là, que les gens connaissent un peu le système de justice, pas du tout? C'est un... Parce qu'on le sait, souvent, les gens ne vont pas nécessairement au palais de justice, ne fréquentent pas nécessairement le domaine de la justice fréquemment, c'est souvent des situations où on se sépare, il nous arrive un litige avec un voisin. C'est quoi, votre expérience terrain, là, sur le niveau de connaissance juridique des justiciables puis leur perception par rapport au système de justice?

Mme Charbonneau (Ariane) : Oui. Isabelle, est-ce que tu réponds?

Mme Bourgeois (Isabelle) : Tout à fait. Ce dont vous nous parlez, c'est de la littératie juridique. Puis, à ce qu'on peut observer dans le travail qu'on fait dans les écoles, qu'on fait avec les organismes communautaires, il est très, très faible. Souvent, amener les personnes à simplement réaliser qu'il y a du droit dans la situation qu'ils vivent, c'est très difficile, parce qu'ils sont pris par certaines émotions, parce qu'ils n'ont pas un niveau d'éducation qui est peut-être suffisant pour être capable d'analyser les lois qui sont liées à une situation, et là je passe un petit message en même temps, et dans... nos écoles ne forment pas suffisamment, en fait, en matière d'éducation juridique. Les jeunes sont plus ou moins conscientisés par rapport aux droits et responsabilités qui les touchent.

Donc, par ce qu'on a observé, c'est quand même... la première étape, de juste leur faire reconnaître le niveau, reconnaître la dimension juridique d'une situation, c'est déjà un gros travail.

• (17 h 30) •

M. Jolin-Barrette : O.K.. Est-ce que la population connaît les modes alternatifs de règlement des différends?

Mme Charbonneau (Ariane) : Et je pense que ça va dépendre, ça, ou d'autres notions juridiques, d'abord, d'avoir un intérêt a priori. Moi, ce que je rajouterais à ce qu'Isabelle vous a dit, M. le ministre, c'est que les gens vont chercher de l'information juridique quand, souvent, ils sont dans une situation problématique, parce que l'attention des gens, de tout citoyen est quand même...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

Mme Charbonneau (Ariane) : ...limiter, dédier du temps, de l'énergie et des ressources à s'informer, il faut vraiment être très habile au niveau de la sensibilisation pour aller distiller toute l'information avant que ce soit dans une situation conflictuelle.

Alors, ça, c'est, je vais vous dire, pour nous, c'est un des défis de toutes les bonnes intentions derrière le projet de loi, c'est comment on va arriver d'abord, au-delà du moment du lancement, où on va indiquer qu'il y a des nouvelles choses qui s'en viennent. Puis on a le même effet que la réforme du droit de la famille, là. Ça va être la même chose. Comment faire en sorte que les gens, on va... on va les intéresser à cette matière-là, qu'ils vont vouloir s'informer puis qu'ils vont après ça intégrer puis vraiment comprendre les nouvelles dispositions législatives qui s'en viennent.

Donc, je ne pense pas qu'a priori les gens connaissent les PRD. D'ailleurs, plus tôt, il y avait un membre de la séance qui indiquait ne pas connaître l'expression quand, je pense, une collègue de la DCJP l'a mentionné. PRD c'est notre jargon. Les modes de prévention et de résolution des différends, c'est une section super belle... c'est un super beau concept qui a été instigué il y a sept ans avec la réforme du Code de procédure civile qui est super important pour améliorer l'expérience de justice pour les citoyens. Mais a priori, ce n'est pas nécessairement, ça ne fait pas partie du quotidien des gens. Donc on a un défi, je vous dirais, d'intéresser la population à la matière juridique. Puis c'est pour ça que, nous, ce qu'on fait quand on va dans les écoles puis qu'on réussit à avoir intégré les cours par nos trousses pédagogiques, les jeunes par nos juristes qui vont dans les écoles, c'est de leur montrer, sans qu'ils s'en rendent compte, qu'il y a du droit dans les situations de vie de tous les jours. Puis c'est ça développer des réflexes. Tu n'as pas besoin de nommer que c'est un réflexe juridique, tu as juste besoin d'avoir le réflexe puis de savoir que, dans une situation comme ça, ça serait bien que je pense à m'informer. Je ne sais pas si je réponds à votre question, là, M. le ministre.

15 359 M. Jolin-Barrette : Oui. On a fait le choix de rendre la médiation obligatoire aux petites créances dans un objectif notamment que les citoyens puissent s'approprier leur dossier, qu'ils puissent participer à la solution du dossier puis que ça ne soit pas uniquement le système de justice qui l'impose. Éducaloi renseigne beaucoup les gens dans différents domaines de droit. Par rapport aux petites créances, c'est quoi les commentaires que vous recevez du terrain et les demandes d'information? Qu'est-ce qui... Qu'est-ce qui vous a...

Mme Charbonneau (Ariane) : Moi, je vous dirais que la rétroaction que je peux avoir la plus directe là-dessus, M. le ministre, c'est des capsules qui sont consultées sur notre site. Donc, ça fait partie des dossiers qui sont d'intérêt, je vous dirais. Puis pourquoi c'est d'intérêt? Bien, habituellement, c'est parce que tu es pris comme parti à une situation qui est en Cour des petites créances. Tu ne vas pas aller t'informer habituellement juste parce que ça te tente. Alors, je ne suis pas certaine que les gens ont une connaissance de la Cour des petites créances. D'ailleurs, Isabelle vous disait de façon tout à fait candide tantôt, avant de joindre Éducaloi, ce n'était même pas un tribunal, hein, je pense, Isabelle, que tu connaissais dans ton... Pourtant, on a, ici, une femme qui a une maîtrise et qui a un haut niveau de littéracie. Donc...

Mme Bourgeois (Isabelle) : J'ai beaucoup de qualités. Et tu peux... Ce que tu peux ajouter à ça, c'est que, dans le fond, ce qu'on réalise, c'est souvent par plein de petites thématiques liées aux petites créances qu'on amène le sujet de la médiation qui est possible, des rencontres d'essai que les CJP font déjà. Mais souvent, les mots-clics que les gens vont chercher ne seront pas «petites créances». Ils vont écrire «problèmes avec un service», «problèmes avec la consommation», «mon voisin ne veut pas me rembourser mon 2 000 $». Puis ils vont chercher des mots-clics parce que c'est comme un... c'est comme un travail, en fait, ardu qu'on fait à Éducaloi de, à la fois, développer ces réflexes-là, de comment trouver la bonne information, quels sont les bons messages, les bons mots-clics. Puis, nous, d'être là au bon moment lorsque survient un problème, pour pouvoir finalement leur transmettre l'information.

15 359 M. Jolin-Barrette : C'est intéressant ce que vous dites relativement aux mots-clés. Vous savez, les lois sont écrites d'une certaine façon. Je suis entouré de légistes et je les remercie d'être avec nous. Même chose au niveau de la procédure, c'est des termes quand même techniques. Si on veut permettre aux gens, là, de s'approprier davantage le droit, le système de justice, avez-vous des propositions pour qu'on puisse vulgariser? Vous, vous le faites à votre niveau. Mais nous, là, en tant que législateurs, avez-vous des suggestions pour nous?...

M. Jolin-Barrette : ...en termes de vulgarisation.

Mme Charette (Annick) : Je pense que, Guillaume, tu as envie de répondre ici.

M. Rondeau (Guillaume) : Oui, tout à fait. En fait, ce qui peut être un excellent point de départ, c'est quand la source première du droit... donc quand la loi elle-même, quand la réglementation est rédigée de manière plus claire, et c'est tout à fait possible. Je sais que la logistique est un domaine extrêmement complexe, je ne suis pas un expert là-dedans, mais s'il y a une chose qui est sûre, c'est qu'avec l'expérience que j'aie je peux vous dire qu'avoir des phrases de 70, 80, 90 mots et plus, ce n'est pas nécessaire pour conserver une rigueur juridique. Donc, il y a moyen avec des techniques assez simples... là, je vous parle juste vraiment de la longueur des phrases, là, c'est beaucoup plus complexe que ça, mais de rendre les textes de loi plus faciles à comprendre, plus faciles à digérer.

Puis ça, c'est autant pour M., Mme Tout-le-monde qui ne sont pas assistés par avocat que pour les juristes, eux-mêmes, ils peuvent avoir de la difficulté à comprendre la loi. Donc, on peut travailler... il y a... D'ailleurs, je vous réfère, là, à un guide qui existe, le Guide pour la rédaction de textes législatifs clairs, qui a été publié en 2019 par la Direction générale des affaires juridiques et de l'accès à la justice du Québec, qui prévoit différentes manières pour que la loi elle-même soit rédigée plus clairement. Donc, ce qu'on se rend compte, c'est qu'en pratique ce n'est pas nécessairement facile à faire, mais il y a des approches qui existent et ça a été fait ailleurs aussi. Donc, c'est une des avenues

Mme Bourgeois (Isabelle) : Oui, si je peux... Oups! pardon, désolée. Si je peux ajouter en mettant encore mon chapeau, là, de non-juriste. On avait cette conversation-là tout à l'heure avec mes collègues, à savoir comment la rédaction de la loi pourrait être plus simple elle-même. Je me demande s'il y a cette possibilité d'être novateur, en fait, dans notre façon de rédiger cette loi-là, puis se dire : Bien, il va y avoir des gens qui ne sont pas représentés par un avocat, qui vont utiliser, qui vont la lire, cette loi-là. Est-ce qu'il y a possibilité de faire des groupes tests avec certaines de ces personnes-là pour qu'ils puissent nous identifier, bien, des mots qui sont moins accessibles, des phrases qui sont un petit peu plus complexes, pour un peu ramener ces citoyennes puis ces citoyens-là au cœur, là, de la rédaction de la loi?

M. Jolin-Barrette : Je comprends très bien. Je vous remercie pour votre présence à la commission. Je vais céder la parole à mes collègues. Puis j'ai été informé également que le guide provient du ministère de la Justice, donc sous Me Paradis...

Mme Charbonneau (Ariane) : Du MJQ, oui.

M. Jolin-Barrette : Alors, je vais en prendre connaissance.

Mme Charbonneau (Ariane) : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : Oui, bonjour. Moi, je suis d'accord avec vous, j'ai aussi un chapeau de non-juriste, et vulgariser, très important. Je vais faire un peu du pouce sur ce que M. le ministre a dit. Si on vote des lois, si on présente des projets de loi, mais qu'on ne les vulgarise pas et que les gens ne comprennent pas, on rate la cible. Alors, dans votre document, vous avez dit : Bien, il existe déjà plusieurs sources, la Cour du Québec, Éducaloi, le Barreau, et après ça il y a des dépliants, il y a des guides, il y a des aide-mémoire. Puis là, vous, pour vulgariser justement ces nouvelles lois là, vous proposez, bon, des dépliants, tests, qu'il y ait des informations, notamment, en audio pas juste en écrit, d'envoyer de la préformation avant la médiation. Vous n'avez pas peur de noyer le poisson, tu sais, de dire que trop, ce n'est comme pas assez? Comment... Si vous aviez une mesure à choisir pour tenter de vulgariser quelque chose qui aiderait les citoyens, vous qui travaillez avec les citoyens, ce serait quoi?

Mme Charbonneau (Ariane) : Mais moi, je dois vous dire, Mme la députée, on ne peut pas en faire trop, là, parce que le public... On n'a pas 8 millions Québécois qui est un gros, gros public, homogène, on a différents publics cibles avec différents... tantôt, mes collègues l'ont dit, différents niveaux de littératie, de... C'est des horizons très, très différents. Donc, vous allez avoir besoin, je vous le dis, d'utiliser différentes sortes de façons de vous rendre à ces personnes-là.

Alors, vous avez vu, dans notre mémoire, on vous indique que ce serait bien de les consulter. C'est d'ailleurs ce qu'Isabelle disait, même pour écrire la loi, ça ne serait pas mauvais d'avoir comme des espèces de groupes témoins de ces personnes non assistées par avocat, parce qu'à quelque part on le sait, qu'ils sont nombreux. Ce n'est pas juste les avocats, les avocates ou les notaires qui vont lire ce projet de loi là, c'est les gens qui ce ne sont pas assistés.

• (17 h 40) •

Alors, consulter les gens, c'est important. Après ça, faire des documents, puis les CJP vous en ont parlé, des documents vont être en langage clair. Puis le langage clair, c'est plus que la langue, c'est plus que le niveau de vocabulaire, c'est vraiment la structure des documents. Il faut que l'information soit facile à trouver, il faut qu'elle soit facile à comprendre puis il faut que ce soit facile ensuite d'agir. C'est vraiment complexe.

Donc, j'aimerais vous dire : Voici le livre de recettes, c'est ABC, puis ensuite on a fini, mais moi, je suis plus portée à vous dire : Envisageons beaucoup de choses. Puis il faut consulter, parce que, nous, c'est vraiment notre expertise des 20 plus dernières années qui nous dit, il faut être près des intervenants relayeurs, près des gens qui travaillent avec ces gens-là, il faut qu'on ait aussi la possibilité, dans les appels de projets, à avoir ce soutien-là financièrement pour nous permettre de valider...

Mme Charbonneau (Ariane) : ...les outils qu'on développe, bien, ils sont adéquats.

Mme Bourgeois (Isabelle) : Puis si je peux me permettre, j'ajouterais aussi...

Le Président (M. Bachand) :Excusez-moi, Mme Bourgeois, parce qu'il reste tellement peu de temps. Il reste deux petites minutes pour la députée d'Anjou-Louis-Riel, question-réponse. Désolé.

Mme Boivin Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour la présentation. Je vais faire du pouce sur mes deux derniers collègues, là, relativement aux communications claires, simples et efficaces, là, ce que vous disiez, faire un passage finalement, là, que le projet de loi soit un point de départ, mais qu'on doit aller plus loin, là.

Si on prend, par exemple, l'article 35 du Code civil, là, le droit à la vie privée, le droit à la réputation, quand on le dit en tant que tel, ça semble un concept bien évident, mais après ça, comme on le sait, il y a des pages et des pages de rédaction de la Cour suprême sur les concepts. Donc, le droit en tant que tel, là, hormis le langage qui est utilisé, c'est complexe, là. Alors, comment vous voyez le pont entre le droit tel qu'il est vécu, là, au niveau de l'analyse jurisprudentielle qu'on en fait, puis l'apport que vous pourriez avoir dans le projet de loi?

M. Rondeau (Guillaume) : Bien, si je peux...

Mme Charbonneau (Ariane) : Vas-y, Guillaume.

M. Rondeau (Guillaume) : Bien, c'est de dire, en fait : En aucun cas, la vulgarisation va pouvoir remplacer l'expertise juridique. Donc, si une personne est dans une situation où les enjeux de vie privée sont complexes et nécessitent d'analyser de la jurisprudence, de la doctrine, et tout ça, ce n'est évidemment pas la vulgarisation qui va permettre à la personne de s'en tirer, donc... Et je dirais même que, souvent, un des objectifs de la vulgarisation, c'est que la personne se rende compte de la complexité de son enjeu et aille consulter un professionnel.

Donc, le but, ce n'est pas de faire en sorte que tout le monde va être en mesure de s'improviser juriste, loin de là, mais que la personne ait le réflexe de dire : O.K. Il y a des enjeux plus complexes que je pensais dans mon cas. J'ai des droits, j'ai des obligations, et il y a des gens qui peuvent m'aider à faire ça. Et aussi la vulgarisation peut aider la personne avant de rencontrer l'avocat ou l'avocate, bien, de se préparer un peu puis de connaître un peu mieux comment ça fonctionne, ce qui va aussi faciliter le travail des professionnels du droit.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, je passe la parole maintenant au député de l'Acadie... d'Acadie, pardon.

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, bonjour Me Charbonneau, heureux de vous revoir, Me Rondeau et Mme Bourgeois. On connaît la réputation de votre organisme et le travail exceptionnel que vous faites pour les gens au Québec, les citoyens, les citoyennes. C'est particulièrement important de vous entendre parce que l'essence même de ce projet de loi là, c'est de rendre la justice plus accessible. Et M. le ministre en a parlé, les collègues députés également.

Si vous regardez le document, parce que je sais que vous avez une expertise en langage clair, est-ce qu'il y a des mots qu'on devrait utiliser plutôt que d'autres pour permettre justement aux citoyens qui vont être confrontés à ce document-là... On parle ici de la Cour des petites créances. Donc, souvent, les gens n'ont pas d'avocat. Ils doivent comprendre. Et, pour bonifier ce projet de loi puis pour aller à son objectif ultime, évidemment vos conseils à ce sujet-là sont très appréciés. Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on pourrait changer?

Mme Charbonneau (Ariane) : Oui. Tantôt Guillaume vous a parlé de la légistique, mais c'est sûr que de parler de protocole préjudiciaire ou de parler de... qu'un dossier va être analysé au vu, qu'on va prendre une décision au vu du dossier, ça, on se comprend entre nous, là, mais ce n'est pas la personne qui n'est pas assistée par avocat qui va vraiment être à l'aise avec ça. Alors, il y a des petites choses qu'on pourrait... Ça nous ferait plaisir de faire peut-être une étude un peu plus détaillée. Je vous donne deux petits exemples. Tantôt Guillaume vous a aussi mentionné des phrases de 70 ou 90 mots. Il y en a quelques articles dans le projet de loi qui sont comme ça.

Alors, c'est vraiment, en fait, pour faire du pouce sur ce qu'Isabelle a dit, d'avoir envie ou avoir l'audace d'essayer d'écrire quelque chose d'un peu différent. Le projet de loi n'est quand même pas très long. Ça pourrait peut-être être intéressant d'essayer quelque chose puis se dire : Aïe! Ce projet de loi là, il est vraiment fait pour améliorer l'efficacité puis l'accès à la justice. Bien, tu sais, il faudrait peut-être qu'on «walk the talk», là, peut-être qu'on essaie quelque chose d'un peu plus innovant puis... Mais je lance ça comme ça, là. Peut-être que la structure, les contraintes au sein du gouvernement ne permettent pas ça, là. Moi, je lance des idées, puis on pense ensemble, là. Mais ça pourrait, si on rêve, être quelque chose qui serait vraiment inspirant, de dire : Le projet de loi est à l'image de ce qu'il propose comme intention.

M. Morin : Bien, c'est magnifique, parce que moi, j'ai le privilège de ne pas être au gouvernement présentement, je suis le porte-parole de l'opposition officielle, alors je suis très audacieux. Donc, tous vos commentaires à ce...

M. Morin : ...niveau-là, évidemment, pour être pour faire en sorte que l'Assemblée nationale, éventuellement, va être capable d'adopter une loi qui va permettre aux gens de bien comprendre et de bien saisir, bien, écoutez, j'accueille ça avec beaucoup, beaucoup d'enthousiasme. Et pour avoir lu évidemment le projet de loi et certains paragraphes, je vous dirai qu'il y en a que je n'ai pas été capable de finir. La phrase était tellement longue, j'étais en train de m'étouffer, moi-même, alors je comprends que, pour les justiciables, ça peut être un peu compliqué.

Maintenant, un jour, ce document-là va devenir une loi. Vous avez besoin de quoi? Est-ce que le gouvernement doit vous aider pour être capable de vulgariser, de produire des capsules, pour faire en sorte que vous allez disséminer l'information auprès de la population? Avez-vous besoin d'argent, de financement? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Charbonneau (Ariane) : Il faut savoir, M. le député, qu'on travaille déjà de près avec le ministère de la Justice à plein de niveaux. Donc, je pense que M. le ministre est déjà au courant qu'il peut utiliser Éducaloi. Nous, on offre, pas juste au gouvernement mais à toute entité, qu'elle soit publique, privée, parapublique, OBNL, la capacité de supporter les organisations dans leurs communications juridiques. Donc, on aime aussi beaucoup faire du coaching, de la formation, c'est-à-dire passer notre savoir à l'interne pour que, de plus en plus, les gens... Puis, c'est un peu la différence avec l'entreprise privée, qui veut garder son expertise, sa niche, et fructifier, faire, en fait, monétiser son expertise. Nous, c'est tout le contraire. Nous, c'est du prosélytisme, c'est nous, si on peut convertir le maximum de gens aux habiletés que ça prend pour faire de la communication claire et de l'éducation juridique, on va être là, au rendez-vous. Donc, de plus en plus, nous, ce qu'on fait, c'est apprendre à pêcher plutôt que donner le poisson, mais on peut être là dans toutes les étapes, donc, à partir de ce que c'est, les principes de base en communication claire, jusqu'à appuyer, valider, accompagner les livrables qui sont faits là-dedans.

M. Morin : Je vous remercie. Autre chose, parce qu'on parle d'accès à la justice et qu'on parle du rôle des citoyens, c'est fondamental, est-ce que vous avez, dans votre documentation, des capsules qui sont rédigées en anglais et est-ce que vous avez des modules pour les peuples autochtones, les Premières Nations?

Mme Charbonneau (Ariane) : Bon, écoutez, nous, c'est à peu près miroir, tout ce qu'on a, français en anglais, donc les communautés anglophones du Québec sont très, très bien desservies.

Maintenant, pour ce qui est des communautés autochtones, on est dans une tout autre situation. C'est extrêmement complexe, M. le député, de se rendre à un service d'accès à la justice qui est à la hauteur de ce que les différentes communautés auraient besoin. C'est différentes langues, différents dialectes. On a travaillé, depuis 20 ans, à quelques reprises, et plus récemment encore, on a fait un projet qui était particulier, dans ces eaux-là, mais ça, ça prendrait vraiment un soutien et un financement particuliers pour réussir notre objectif d'information vulgarisée, accessible. Les modes de communication sont différents, les plateformes utilisées sont différentes, on est beaucoup moins dans l'imprimé, on va utiliser les réseaux communautaires. On est vraiment ailleurs, là. Mais il faut connaître notre persona, comme on dit en communication, là, il faut bien, bien identifier notre public cible puis travailler, après ça, adéquatement les outils qui seraient pertinents. Je ne sais pas si, Guillaume, tu aimerais rajouter quelque chose?

M. Rondeau (Guillaume) : Non, mais... on ne peut pas uniquement prendre des contenus en français ou en anglais puis les traduire dans des langues autochtones, c'est... vraiment, l'approche est complètement différente. Il faut repartir du début, le processus de conception, de consultation, c'est totalement autre chose.

M. Morin : Et est-ce que vous avez...

Mme Bourgeois (Isabelle) : Si je peux ajouter avec... Oh! pardon.

M. Morin : Non, non, allez-y, je vous en prie.

Mme Bourgeois (Isabelle) : si je peux ajouter, avec mon chapeau de pédagogue, ce qui a prouvé, en fait, certains succès avec les communautés autochtones, c'est de venir faire de la formation, d'avoir des activités collaboratrices avec des gens qui sont sur le terrain, avec des personnes autochtones pour outiller ces personnes-là à pouvoir simplifier l'information juridique, dans leur propre langue, également. Ça fait que ça, c'est une approche, là, qu'on est en train d'explorer présentement.

• (17 h 50) •

M. Morin : Et, compte tenu de tout ce dont on parle, est-ce que votre équipe, vous avez suffisamment de gens pour faire tout ou si des personnes supplémentaires vous aideraient, compte tenu de vos budgets?

Mme Charbonneau (Ariane) : Bien, c'est sûr qu'on prendra tout soutien, parce que, pour nous, c'est additionnel à ce qu'on fait, là, il ne faut pas se le cacher, là, je n'ai pas une équipe dédiée aux communautés autochtones, j'en ai une dédiée aux communautés anglophones, par ailleurs, qui est financée par Justice Canada, donc, mais il faudrait probablement l'aide plus précise des ministères appropriés pour ça, effectivement.

M. Morin :Parfait. Je vous remercie beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke...

Mme Labrie : ...merci, M. le Président. Bon, à vous entendre, je pense que la manière la plus simple de faciliter l'accès à la justice, c'est d'abord de rédiger des lois de la bonne manière, là. Le ministre de la Justice vient d'apprendre devant nos yeux qu'il existe un guide de rédaction claire de textes législatifs, donc on peut penser qu'il n'a peut-être pas été utilisé pour ce projet de loi là, ou, en tout cas, de toute évidence, pas assez, parce que vous nous avez donné des exemples concrets d'éléments du projet de loi no 8 qui ne sont pas rédigés de manière suffisamment claire.

Là, on est dans un projet de loi qui vise à améliorer l'accès à la justice. Est-ce que ça vous semblerait approprié d'ajouter dans ce projet de loi un article pour obliger le législateur à utiliser le guide pour la rédaction de textes législatifs clairs dans tous les projets de loi qui seront déposés à l'avenir?

Mme Charbonneau (Ariane) : J'ai peut-être l'impression, Mme la députée, qu'il y a des considérations ou des contraintes qui me dépassent, là, dans ma connaissance de l'administration. Juste pour votre information, nous, on fait partie, au sein de l'IQRDJ, l'Institut québécois de réforme du droit et de la justice, d'un sous-comité sur l'accès aux lois. On travaille de près avec les légistes de Justice Québec là-dessus, et je sais qu'ils et elles savent que le guide existe. Donc, moi, je ne lance pas du tout la pierre à l'équipe des rédacteurs de ce projet de loi là. Je pense que, parfois, il y a des contraintes de temps, il y a des contraintes qui sont peut-être...

Mme Labrie : Non, mais sans lancer la pierre, en fait, c'est parce que c'est un peu comme l'analyse différenciée selon les sexes, là, il y a des guides qui existent pour ça. Après ça, est-ce que les ministères le font? Rarement. Comme ce guide-là existe, c'est une excellente chose, mais est-ce qu'on devrait rendre plus systématique le recours à ce guide-là pour la rédaction des lois? Est-ce qu'on devrait ajouter ça au projet de loi no 8?

Mme Charbonneau (Ariane) : Il faudrait évaluer si c'est l'approche la plus efficace pour le faire. Je ne sais pas si ce serait de cette façon-là, mais c'est sûr que je vais supporter toute initiative qui fait en sorte qu'on se resensibilise toujours à se demander si notre public cible est atteint. Parce que, dans le fond, c'est ça aussi. C'est qui le public cible? Est-ce que, quand on écrit une loi, le public cible, c'est les avocats ou les notaires qui vont lire la loi? Est-ce que c'est la Cour qui aura à interpréter les dispositions législatives ou est-ce que c'est, comme je le disais tantôt, les citoyennes et citoyens qui sont censés... à qui c'est censé, théoriquement, être destiné? Parce que les règles de droit, c'est nos règles de jeu en société, donc c'est pour ça que je vous dis que ce serait normal qu'on les comprenne un peu, nos règles, là.

Mais, dans la réalité, je pense que, concrètement, écrire des lois, ça ne s'adresse, bien souvent, peut-être pas à madame, monsieur, pour plein de raisons, qu'elles soient bonnes ou pas, là. Donc, en ce qui a trait à ajouter une disposition pour obliger qu'on utilise le guide, il faudrait qu'on analyse un peu plus la position.

M. Rondeau (Guillaume) : Oui, bien, en fait, ce que je dirais, c'est que je ne sais pas à quel point le guide serait suffisant, en soi, c'est-à-dire que, bon, il y a un certain mouvement, on entend parler de l'accès universel à l'information, qui fait appel à différentes limitations fonctionnelles que les gens peuvent avoir. La littératie n'est pas reconnue, par exemple, comme étant un handicap, en ce moment, mais clairement les gens qui ont un faible niveau de littératie, ils vont avoir de la difficulté à consulter l'information, à traiter l'information. Donc, vous parliez d'analyse différenciée, il y aurait d'autres critères qui ne sont pas présentement dans le guide de rédaction législative claire qui doivent être pris en considération.

Puis là il y a des études sur les différentes facettes de l'accès à l'information, l'acceptabilité d'une information, l'abordabilité, bon, il y a plein d'éléments, et je pense que ça déborde le contenu du guide. Donc, ça pourrait aller plus loin que ça aussi si on souhaite vraiment un accès plus universel à l'information. Le but étant de fournir une information que la plus grande diversité de profils va être en mesure de comprendre, et pas nécessairement le plus grand nombre.

Mme Labrie : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Bien, d'abord, merci d'être présents parmi nous. Merci, Éducaloi, pour le travail auprès de la population, auprès des citoyens. Même nous, dans nos bureaux de comté, souvent, on les réfère au site internet d'Éducaloi, parce que, vraiment, il y a des capsules pertinentes qui vulgarisent certains principes. Donc, vous faites vraiment un excellent travail, donc je vous remercie.

Oui, on comprend, de rendre la justice plus accessible, c'est le défi qu'on a ici, les législateurs. Ça passe aussi par l'information, puis là on comprend que c'est là où c'est plus difficile, de rendre l'information accessible à tout le monde. J'ai pris connaissance, là, du résumé de vos interventions. J'ai pris connaissance aussi de l'ensemble des initiatives, là, que vous faites, que vous offrez. Je ne sais pas quoi dire de plus. Je pense que tout le monde ici, autour de la table, on cherche les outils justement, on a compris, tu sais, on a bien compris ce que vous avez soulevé puis on est avec vous, on cherche les outils. Même, je me demande, tu sais, comment qu'on pourrait créer des multiplicateurs Éducaloi ou faire la promotion...

Mme Nichols : ...d'Éducaloi, où est-ce qu'Éducaloi pourrait devenir une référence, un lien dans nos différents projets de loi, là, quitte à... On va au projet de loi, il pourrait y avoir une capsule qui s'en va vers le Éducaloi. Je lance ça comme ça. Je sais que c'est un peu plus compliqué, puis ce n'est pas un organisme gouvernemental, ça fait que je sais qu'il y a plusieurs contraintes autour de tout ça aussi. Mais je pense que notre objectif, c'est aussi de rendre l'information disponible aux citoyens, au public. Vous nous aidez beaucoup dans ce sens-là, et je vous en remercie. Si vous avez d'autre chose à ajouter, on vous écoute.

Mme Charbonneau (Ariane) : Bien, écoutez, nous, on sera... Moi, ce que j'ai envie de dire là-dessus : On sera toujours là pour aider, que ça soit par une capsule qui est rajoutée dans des documents officiels, tout est possible, tout est envisageable. J'ai surtout une équipe très créative. La créativité fait partie de nos valeurs organisationnelles, comme la neutralité, depuis 23 ans. Donc, rien n'est impossible. Et puis moi, je... c'est de la musique à mes oreilles si on peut faire davantage et pour soutenir les parlementaires, le gouvernement et pour soutenir la population en général.

Mme Nichols : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, madame Bourgeois, Maître Charbonneau, Maître Rondeau, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est très intéressant, puis continuez votre magnifique travail.

Sur ce, la commission ajourne ses travaux au jeudi 16 février 2023, après les avis touchant les commissions. Merci. Belle soirée.

(Fin de la séance à 17 h 58)


 
 

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