Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mercredi 15 février 2023
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Vol. 47 N° 2
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8, Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec
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Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Morin, André Albert
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Labrie, Christine
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Nichols, Marie-Claude
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Bourassa, Kariane
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Morin, André Albert
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Labrie, Christine
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Nichols, Marie-Claude
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Bourassa, Kariane
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Asselin, Mario
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Lemieux, Louis
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Schmaltz, Valérie
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Morin, André Albert
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Morin, André Albert
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Bachand, André
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Labrie, Christine
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Nichols, Marie-Claude
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Boivin Roy, Karine
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Lemieux, Louis
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Bourassa, Kariane
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Morin, André Albert
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Morin, André Albert
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Bachand, André
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Labrie, Christine
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Nichols, Marie-Claude
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Bourassa, Kariane
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Lemieux, Louis
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Morin, André Albert
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Labrie, Christine
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Nichols, Marie-Claude
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Bourassa, Kariane
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Lemieux, Louis
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Morin, André Albert
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Morin, André Albert
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Bachand, André
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Labrie, Christine
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Nichols, Marie-Claude
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Bourassa, Kariane
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Boivin Roy, Karine
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Morin, André Albert
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Labrie, Christine
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Nichols, Marie-Claude
11 h 30 (version révisée)
(Onze heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Bachand) :
Bonjour, tout le monde. Très content de vous revoir. Alors,
c'est la première fois que la Commission des institutions se réunit pour
étudier un projet de loi dans le nouveau mandat. Alors, très, très, très
heureux, et on se souhaite un bon mandat, qui va être très occupé.
Alors donc, ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite encore
une fois la bienvenue.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8,
Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment
en favorisant la médiation et l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile
à la Cour du Québec.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par Mme Labrie
(Sherbrooke).
Remarques préliminaires
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Donc, nous
allons débuter ce matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons
par la suite les organismes suivants, soit l'Association professionnelle des
notaires du Québec et le Centre de justice de proximité de Québec.
J'invite donc maintenant le ministre de la
Justice à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez de six minutes.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Un plaisir de vous retrouver, de retrouver les membres
de la Commission des institutions. Je salue mes collègues des oppositions. Je
salue également M. le député de Vanier-Les Rivières, Mme la députée d'Anjou—Louis-Riel,
Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, Mme la députée de Laval-des-Rapides,
M. le député de Saint-Jean et Mme la députée de Vimont, qui vont participer aux
consultations aujourd'hui.
Écoutez, essentiellement, le projet de loi
visant à améliorer l'efficacité de... visant à améliorer l'efficacité et
l'accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et
l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec, le
projet de loi n° 8, traite quatre axes principaux dans le cadre de ce
projet de loi là. Et c'est un projet de loi, véritablement, qui va amener une
diminution des délais, une simplification pour les citoyens. Et on est très
fiers d'avoir pu déposer rapidement ce projet de loi en début de mandat.
Notamment, M. le Président, dans le cadre
du projet de loi, vous avez un service de médiation obligatoire et d'arbitrage
automatique à la division des petites créances. On va débuter par les dossiers
de 5 000 $ et moins, donc, pour débuter, et ensuite une procédure
simplifiée et accélérée à la Cour du Québec, donc les dossiers dont la valeur
des litiges se situe entre 15 000 $ et 75 000 $.
On amène une clarification des obligations
de transparence et une meilleure représentativité des personnes victimes au
sein du Conseil de la magistrature, donc on va nommer un membre après
consultation des organismes de soutien aux personnes victimes.
Et on va rendre également les notaires
admissibles à la profession de juge avec 10 ans de pratique. M. le
Président, je crois que c'est une avancée significative pour la profession
notariale, mais aussi pour l'ensemble du système de justice pour faire participer
tous les acteurs du système de justice, tous les juristes qui pourront amener
une contribution.
• (11 h 40) •
Donc, vous savez, au cours des dernières
années, on a eu une augmentation des délais dans le système de justice. Il faut
combattre ces délais, il faut les diminuer le plus rapidement possible,
notamment à la division des petites créances, écoutez, on a une moyenne de 664 jours
pour être entendu. Parfois, c'est des délais de trois ans, dans certains <districts...
M.
Jolin-Barrette :
...ans, dans certains >districts. Ça
n'a pas d'allure. Ça n'a pas de bon sens. Et c'est notamment pour ça qu'on
dépose le projet de loi n° 8.
On va avoir également, je le crois, une
meilleure expérience pour les justiciables. Et, lorsqu'on travaille en matière
de justice, le critère le plus important, c'est la confiance du public à
l'intérieur du système de justice. Et comment pouvez-vous avoir confiance,
lorsque vous êtes un justiciable, lorsque votre dossier est sans cesse reporté,
n'est pas entendu, et que ça prend des mois, des années avant d'être entendu?
Donc, la médiation obligatoire nous
permettra justement de faire en sorte de régler plus rapidement les dossiers et
surtout de faire participer les individus à la solution de leur problématique.
Écoutez, dans les cas de médiation, avec les projets pilotes qu'on avait déjà,
il y a un taux de règlement de près de 60 %. Alors, la médiation
fonctionne, mais il faut vraiment inciter les gens à l'utiliser. Par la suite,
il y a l'arbitrage automatique qu'on va mettre en place. On pourra l'étudier.
Procédure simplifiée à la Cour du Québec
également, écoutez, ça fait suite au jugement de la Cour suprême. On vient
faire en sorte que les citoyens, ce soit le plus simple possible, et qu'ils
défraient le moins de coûts possible également pour que leur dossier soit
entendu et que les délais également soient réduits. On a toujours en tête
d'avantager le citoyen, que son expérience dans le réseau de la justice soit la
plus simple possible.
Troisièmement, au niveau du Conseil de la
magistrature, on amène des obligations de transparence, également de saine
gestion des fonds publics, et aussi, le point le plus important, qu'on fait de
la place aux personnes victimes avec un représentant qui travaille dans les
organismes. Je pense qu'en matière déontologique, c'est fort important que les
personnes victimes aient une voix au chapitre.
Et le quatrième axe du projet de loi, on
permet aux notaires d'accéder à la fonction de juge. On va bénéficier de leur
expertise. On diversifie l'expertise de la Cour du Québec, de la compétence, de
l'expérience aussi. Et vous savez, les notaires, ils ont une bonne expérience
basée sur la médiation, sur la conciliation des parties, ce sont des officiers
publics, donc ils jouent un rôle important dans le système de justice. On leur
fait une place également à la magistrature. Je pense que c'est amplement
mérité.
Alors, écoutez, M. le Président, je vais
conclure ici. Le projet de loi, à date, a été salué par de nombreux groupes,
vous l'aurez constaté. Je crois également que mes collègues des oppositions y
voient du bon dans le projet de loi. Alors, on entame les consultations et les
travaux parlementaires avec ouverture et on a bien hâte de faire un changement
dans le système de justice ensemble.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député de l'Acadie, pour vos remarques préliminaires, pour une durée
de 3 min 36 s. M. le député, s'il vous plaît.
M. André Albert Morin
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Merci, M. le ministre. Alors, bonjour à tous les collègues
parlementaires et à tous les autres collègues. C'est, en fait, ma première
intervention dans une commission parlementaire. Alors, je suis particulièrement
heureux, d'autant plus que c'est un projet de loi important. On ne peut pas
être contre l'accès à la justice, on ne peut pas être contre la simplification
des procédures, et c'est la raison pour laquelle nous étions tout à fait
d'accord avec le principe du projet de loi.
Je comprends que pour le gouvernement, il
y avait également un enjeu de répondre assez rapidement, et M. le ministre y a
fait référence, compte tenu de cette décision de la Cour suprême du Canada. Et
il y a une partie importante de ce projet de loi qui traite exactement de ça.
Cependant, dans le projet de loi, il y a
également deux ajouts que je qualifierais d'innovants, c'est-à-dire de
soumettre le Conseil de la magistrature à la loi sur l'accès à l'information
des organismes publics. Et donc, là, ça demande réflexion. Ça va demander,
évidemment, des explications, et on pourra le voir éventuellement, parce que
vous comprendrez que l'indépendance du Conseil de la magistrature est aussi un
élément qui est archi important dans notre société. Ça, c'est une chose.
Et il y a aussi donner ouverture aux notaires
à l'accession à la magistrature. Et j'écoutais M. le ministre, tout à l'heure,
quand il parlait de l'ajout ou de l'atout pour la Cour du Québec, mais je pense
qu'il s'agit là d'un élément très différent, qui ne s'est jamais fait et qui
n'a jamais été vécu. Et d'où l'importance, évidemment, d'entendre différents
groupes et associations dans le cadre de cette commission pour bien cerner
l'importance et, je vous dirais, la pertinence, et de voir un lien, s'il y en a
un, entre l'accessibilité des notaires à la magistrature et l'accessibilité des
citoyens à la justice.
Alors, je vais arrêter à ce stade, M. le
Président, et je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Sherbrooke, pour 1 min 12 s.
Mme Christine Labrie
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Je vais être très brève. De toute façon, effectivement, on voit le
projet de loi d'un bon oeil, comme plusieurs de mes collègues autour de la
table. J'ai néanmoins très hâte d'entendre les groupes qui vont participer aux
auditions, parce qu'il y a quand même quelques surprises, dans ce <projet...
Mme Labrie :
...quelques
surprises, dans ce >projet de loi là, dont certaines qui sont
susceptibles de ne pas générer de consensus. Donc, on va être très attentifs
aux commentaires, aux recommandations des groupes qui vont être présents afin
d'avoir le meilleur projet de loi possible. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Vaudreuil-Dorion, s'il vous plaît.
Mme Marie-Claude Nichols
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Moi aussi, je vais être très brève. Bien sûr, j'adhère au principe.
Je pense que l'accès à la justice, c'est... est quelque chose, là. Vous êtes
sollicités, vous aussi, dans vos bureaux de comté, on reçoit des appels, c'est
long, les petites créances, puis c'est des choses qui pourraient être traitées...
traitées rapidement. Donc, le principe du projet de loi est pertinent,
intéressant, puis, bien sûr, vous aurez toute notre collaboration.
Bien hâte à l'article par article pour
apporter certaines suggestions, bien sûr, après avoir entendu les groupes. Et
je déclare d'emblée mon... je suis membre du Barreau du Québec, donc j'ai déjà
reçu plusieurs appels, et mon frère est notaire, donc j'ai déjà eu aussi les
conversations sur les divergences d'opinions entre avocats et notaires. C'est
parti, chez nous, la grande discussion, donc je vous rapporterai certains
propos fort intéressants.
Auditions
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme la députée de Vaudreuil. Alors donc, je
souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association professionnelle des
notaires du Québec. Ils sont en visioconférence. Alors, bienvenue. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre présentation. Après
ça, nous allons procéder à une période d'échange avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous, mais je vais vous inviter à vous
présenter aussi, s'il vous plaît. Merci.
Association professionnelle des notaires du Québec
(APNQ)
M. Houle (Kevin) : Parfait. Merci
beaucoup. Donc, Mmes, MM. les députés, bonjour. Tout d'abord, je voudrais
remercier la Commission des institutions de nous avoir invités à partager notre
point de vue sur le projet de loi n° 8.
Donc, effectivement, permettez-moi de me
présenter. Je m'appelle Kevin Houle, je suis président de l'Association
professionnelle des notaires du Québec, donc l'APNQ, et notaire spécialisé en
droit des affaires. Je suis accompagné aujourd'hui par Me François Bibeau,
notaire émérite et directeur général de notre association.
Donc, d'emblée, je tiens à exprimer le
soutien sans équivoque de l'APNQ au projet de loi n° 8
qui, à nos yeux, constitue non seulement une avancée significative en matière
de médiation et d'arbitrage, mais aussi d'efficacité et d'accessibilité à la
justice.
L'APNQ constitue donc la principale
association québécoise nationale des notaires. Notre mission est de défendre,
de promouvoir et de représenter les intérêts socioéconomiques des notaires afin
qu'ils puissent contribuer adéquatement à l'administration de la justice.
Dans ce qui suit, Me Bibeau et
moi-même vous présenterons les raisons pour lesquelles l'APNQ soutient le PL n° 8, notamment en mettant en relief les fonctions juridiques
que possèdent actuellement les notaires.
En ce qui concerne la Loi sur les
tribunaux judiciaires, bien, l'APNQ tient à féliciter le ministre de la Justice
afin d'introduire... pour avoir introduit un amendement à cet article, à
l'article 87 de cette loi, qui permettrait, donc, aux notaires d'accéder à
la fonction de juge pour la Cour du Québec. Il s'agit d'une approche courageuse
et novatrice qui, selon nous, met fin à un anachronisme inexplicable, d'autant
plus que cette cour est sous la juridiction et de compétence provinciale. Les
notaires ont, à plus d'une reprise, porté à l'attention des précédents
ministres de Justice qu'ils possédaient de solides connaissances juridiques
ainsi qu'une robuste expérience juridique dont le système de justice pourrait
bénéficier davantage. En ouvrant enfin aux notaires l'accès à la magistrature,
on permet finalement à la justice et au public de tirer pleinement profit de
leur contribution. À notre avis, la combinaison des fonctions du notaire, soit
d'officier public, de conseiller juridique et collaborateur à l'administration
de la justice, ne peut être que gagnante et faire du notaire un candidat idéal
à la magistrature.
Le notaire est d'abord et avant tout un
conseiller juridique compétent. Lorsqu'il agit à ce titre, le notaire jouit
donc d'une autonomie totale, il a l'obligation de bien conseiller son client et
de voir d'abord aux intérêts de ce dernier, tout comme le fait l'avocat. La
rédaction d'un avis juridique peut aussi très bien s'inscrire dans l'activité
dite de conseil élargie. Donc, ainsi le notaire peut participer à l'éducation
et à l'information des citoyens sur une législation et il peut coopérer à son
application en prodiguant un avis juridique particularisé. Il y a là, nous
semble-t-il, donc, un champ de pratique pour lequel le notaire est bien
préparé. Nous sommes donc d'opinion que le notaire, notamment en raison de sa
fonction de conseiller juridique appelé à donner des conseils juridiques, est
tout aussi bien préparé que l'avocat pour exercer la fonction de juge. La seule
distinction, c'est que l'avocat peut plaider, mais comme on le sait, ce ne sont
pas tous les juges à la Cour du Québec qui ont l'expérience préalable de la
plaidoirie, et cela ne fait pas d'eux pour autant de moins bons juges. En plus,
il appert, selon la législation actuelle, que l'expérience de la plaidoirie ne
fasse pas partie des conditions essentielles à satisfaire pour avoir accès à la
magistrature.
• (11 h 50) •
Fait important également, le notaire est
un officier public, le ministre l'a dit d'entrée de jeu. Lorsque le notaire
agit à ce titre, il doit faire preuve d'impartialité et bien conseiller toutes
les parties. La jurisprudence est venue rappeler cette obligation à plusieurs
reprises. La Cour suprême a même reconnu que le devoir d'impartialité auquel le
notaire est tenu le rapproche de celui du juge. Aujourd'hui, c'est notamment
sur ce sens de l'impartialité des juges que repose la confiance du public en
l'administration de la justice. Rappelons aussi que les notaires sont les seuls
professionnels du droit jouissant d'une aussi grande confiance du public, et ce,
depuis des années. Depuis le jour 1 de leur formation et tout au long de
leur pratique, les notaires sont conditionnés à agir avec impartialité dans
l'exercice de leur mandat d'officier public, c'est évident. Ce devoir
d'impartialité, <enchâssé...
M. Houle (Kevin) :
...Ce
devoir d'impartialité, >enchâssé dans la Loi sur le notariat et dans le
code de déontologie des notaires, fait donc partie de leur ADN, ça fait partie
de notre ADN.
À ceux qui objecteraient que les notaires
ne peuvent être juges sous prétexte qu'ils ne sont pas à même de décider de
l'issue d'un conflit, on rappelle qu'il est permis aux notaires d'émettre des
opinions juridiques lorsqu'ils agissent comme conseillers pour le compte d'une
seule partie. Dans ce contexte, il est loisible au notaire de se prononcer sur
le bien-fondé des positions respectives des parties à un litige et même le sort
éventuel de celui-ci. Les notaires ne sont donc pas dénués de jugement
juridique pour le seul motif que de trancher les litiges leur est actuellement
exclu. Avec l'adoption du PL n° 8, il ne fait aucun doute que les
notaires devenus magistrats continueront à employer leur réflexe
d'impartialité, pour garantir aux justiciables une justice objective,
prévisible et digne de foi. Le notaire est aussi un collaborateur à
l'administration de la justice. Le notaire exerce une charge publique grâce au
pouvoir d'authentification que lui a délégué l'État. Des auteurs considèrent
même que l'indépendance notariale suit la même logique que l'indépendance
judiciaire. En plus, quant à cette collaboration à l'administration de la
justice, on peut également penser au pouvoir du notaire en matière de procédures
non contentieuses, entre autres la vérification de testament et la demande
conjointe sur projet d'accord qui règle les conséquences du divorce, entre
autres.
Le notaire est aussi un auxiliaire de
justice. Il est habilité à représenter ses clients devant les tribunaux, dans
l'absence de contestation, dans plusieurs situations, donc, prévues par la loi.
Depuis 1999, le notaire préside à certaines procédures non contentieuses,
que le Code de procédure civile, au titre III, intitule Les règles
applicables devant le notaire, et non pas Les règles applicables devant le
tribunal.
Le notaire a la capacité également à gérer
un litige. La gestion d'un conflit judiciarisé implique, entre autres, le
respect du formalisme procédural et des délais de rigueur, la gestion des désaccords
entre les parties ainsi que l'exercice de certains choix pour le sain
déroulement de l'instance ou de l'acte juridique en cause.
À l'instar des juges, les notaires
composent chaque jour avec ces considérations. Parmi ces champs d'expertise
propres aux notaires, le formalisme, la procédure et les délais font partie des
réalités d'un bon nombre de notaires.
Dans ses dossiers, le notaire agit comme
gardien du formalisme, notamment en s'assurant de l'identité, de la qualité et
des capacités des parties, quand il agit comme officier public, en procédant à
la rédaction des actes reflétant les ententes et le cadre légal ou procédural,
selon le cas, de recevoir les sommes en fidéicommis, les sommes d'argent
engagées lors d'une transaction, respecter, évidemment, toutes les règles de
forme de l'acte notarié.
Surnommé, à juste titre, le «juriste de
l'entente», le notaire est habitué à désamorcer les tensions. Le rôle de maître
d'oeuvre qu'il occupe dans l'instrumentation de l'acte juridique et, plus généralement,
la confiance qu'il inspire auprès du public le placent en bonne position pour
concilier les parties et les aider à trouver un terrain d'entente avant qu'une
contestation réelle ne survienne. Les notaires ayant accès à la magistrature
valoriseront certainement la prévention et le règlement des différends dans les
affaires soumises à la Cour du Québec.
Dans le cadre de son travail, le notaire,
tout comme le juge, est confronté à des imprévus. Ceux-ci sont amenés à devoir
prendre des décisions et faire des choix ayant un impact sur le déroulement du
dossier. Lorsque de tels imprévus surviennent, il revient au notaire de
conseiller les parties ou, du moins, les diriger sur les correctifs à apporter
pour régulariser une problématique.
À la lumière des aptitudes, donc,
comparables des juges et des notaires dans la gestion de leurs dossiers, l'APNQ
est d'avis que le notaire, dans sa rigueur, son côté conciliateur et son
éthique de travail, empreinte de principes de proportionnalité, a tout en main pour
aspirer et faire honneur, effectivement, à la fonction de juge.
Il faut rappeler qu'au Québec il y a déjà
15 tribunaux administratifs, et plusieurs notaires y siègent déjà à titre
de juges administratifs en y apportant leurs compétences spécifiques ainsi que
leurs expériences et expertises. Il faut rappeler qu'en France, Espagne ou
Italie, tous les juristes ont accès à la magistrature. Il n'est pas requis
d'être membre d'un ordre professionnel. On reconnaît la magistrature, même, de
carrière, et on y retrouve également des tribunaux administratifs.
Avant de céder la parole à mon collègue,
Me Bibeau, bien, considérant le délai qui nous est alloué, bien, je vais
laisser les membres de la commission prendre connaissance de notre mémoire, si
ce n'est pas déjà fait, pour connaître les propositions et les modifications
suggérées. Donc, Me Bibeau, je vous laisse la parole.
Le Président (M.
Bachand) :Vous avez un peu plus de deux
minutes de temps restant. Merci.
M. Bibeau (François) :...
M. Houle (Kevin) : Je suis
désolé, je n'entends pas, de mon côté. Est-ce que c'est normal?
Le Président (M.
Bachand) :Votre micro, peut-être, Me Bibeau?
Non, la connexion s'est perdue. On va appeler le député d'Orford...
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Il n'y a pas de son. Est-ce que ça va, Me Bibeau,
est-ce qu'on a le son? Alors, écoutez, on va débuter la période d'échange, le
temps que la technologie fasse son travail, si vous êtes d'accord, Me Houle.
M. Houle (Kevin) : Oui.
Le Président (M.
Bachand) :OK, pour continuer, quand même.
Alors donc, on va tenter de régler tout ça en attendant, et puis, maintenant,
on va...
M. Bibeau (François) :Est-ce que vous m'entendez?
Le Président (M.
Bachand) :On vous entend, oui. Il vous
reste... En une minute, Me Bibeau.
M. Bibeau (François) :C'est bon. Alors, j'ai tenté de trouver un autre moyen de
communication. Donc, ce que j'allais vous dire, en accéléré, c'est que, comme
je suis moi-même médiateur accrédité, je veux aborder toute la question de
l'enjeu de la <médiation...
M. Bibeau (François) :
...toute la question de l'enjeu de la >médiation.
On pense que la médiation est plus que jamais un champ d'activité naturel pour
les notaires. Historiquement, le notaire a toujours contribué à la prévention
et au règlement des différends. Combien de fois il m'est arrivé moi-même, à
titre de notaire, d'avoir, dans mon cabinet, à désamorcer des problématiques
d'ordre successoral ou même à agir dans le cadre d'un dossier de transaction
immobilière ou commerciale au moment où le vinaigre allait prendre pour
désamorcer les situations?
De ce point de vue là, les amendements
apportés aux articles 1, 2 et 16 du PL n° 8
et 4 et 7 du Code de procédure civile constituent un progrès notable, dans la
mesure où ils reflètent les modifications qui ont été apportées par certains
législateurs européens dans leurs codes civils respectifs.
Selon nous, les clauses de médiation qui
sont prévues dans les contrats pourront contribuer au désengorgement des
tribunaux. Dans la mesure où elle réduit le stress relatif aux conflits et où
elle offre un processus de résolution simple et nettement moins procédural,
nous sommes convaincus que la médiation permet de résoudre une multitude de conflits
rapidement, efficacement et à moindre coût, tant pour le contribuable que pour
l'État.
L'APNQ participe, par l'entremise de son
Centre de médiation et d'arbitrage notarial, qu'on appelle le CMAN, à la
promotion de la médiation comme méthode alternative de résolution des conflits,
et ce, autant auprès de la communauté notariale que du public. Depuis 2015,
le CMAN regroupe plusieurs notaires, médiateurs et notaires arbitres.
Par ailleurs, l'APNQ a publicisé le projet
pilote du ministre de la Justice concernant la prémédiation qui a généré
davantage de demandes en médiation aux petites créances, et les notaires sont
très intéressés de participer au processus. Ainsi, l'APNQ a mis sur pied des
séances de formation destinées à ces derniers, séances qui, chaque fois
qu'elles furent tenues, ont atteint le nombre maximal de participants.
Plusieurs notaires sont déjà, d'ailleurs, inscrits sur la liste d'attente pour
le calendrier 2023.
Donc, avec les orientations données par le
PL n° 8, l'APNQ serait même prête à augmenter
son offre de services afin de satisfaire la demande grandissante des notaires
pour la médiation.
Me Houle, je vous cède la parole pour
la conclusion.
M. Houle (Kevin) : Je ne sais
pas s'il reste quelques secondes, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Allez-y, Me Houle.
M. Houle (Kevin) : Bon,
bien... Donc, tout ce que je voulais simplement... c'est que l'arrivée des
notaires comme juges à la Cour du Québec enrichira bien certainement cette cour
d'une complémentarité de différentes expertises. On vous rappelle
qu'effectivement les notaires jouissent d'une grande confiance du public, et,
par ce projet de loi, en plus de l'importance de devoir désengorger les
tribunaux, le législateur semble vouloir assurer une représentativité de la
communauté juridique au sein de la magistrature québécoise en y donnant accès
aux notaires et leurs compétences.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. Donc, la
période d'échange va débuter. Il reste un bloc de 15 minutes du côté
gouvernement. M. le ministre, s'il vous plaît, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Salutations, Me Houle, Me Bibeau. Merci beaucoup de
venir en commission parlementaire et d'avoir déposé votre mémoire pour l'Association
professionnelle des notaires du Québec.
Écoutez, d'entrée de jeu, j'aimerais ça
que vous m'expliquiez qu'est-ce que le notaire peut faire actuellement en
matière de procédures... de dossiers litigieux mais non contestés à la cour.
Quel est le rôle du notaire actuellement?
M. Houle (Kevin) : Donc, si
je comprends bien, c'est, par exemple, le rôle du notaire dans le cadre d'une
procédure non contentieuse devant le tribunal, par exemple, ou...
M. Jolin-Barrette : Oui, d'un
dossier litigieux non contesté, supposons.
M. Houle (Kevin) : OK. Bon,
bien, effectivement, dans un cas où c'est non contentieux, le notaire peut
faire les représentations, que ce soit pour, par exemple, l'acquisition des
droits de propriété d'un bien immeuble par prescription acquisitive, la
nomination d'un tuteur à l'enfant, remplacement d'un tuteur, nomination d'un
liquidateur. Bon, à chaque fois que le Code civil mentionne, par exemple, que
telle nomination peut se faire suivant l'ordonnance du tribunal, bien, le
notaire, à partir du moment où il n'y a pas de contestation, bien, est capable
d'aller faire des représentations. On pense, par exemple, à la nomination d'un
fiduciaire, remplacer un fiduciaire, des éléments comme ceux-là.
M. Jolin-Barrette : Donc,
actuellement, dans les palais de justice du Québec, il y a déjà des notaires
qui vont devant la cour pour faire des représentations sur certains dossiers.
Ça existe, là, des notaires, dans les palais de justice actuellement.
M. Houle (Kevin) : J'en suis
un, oui. Donc, effectivement, que ce soit en requête en prescription ou des
radiations d'éléments, là, sur le registre foncier, de charges quelconques.
Mais effectivement j'en connais un paquet. Mais oui, effectivement, il y en a.
• (12 heures) •
M. Jolin-Barrette : OK. Puis
ça fonctionne bien.
M. Houle (Kevin) : Ça
fonctionne bien parce que je reçois des jugements, mes collègues reçoivent des
jugements, et, avant d'obtenir le jugement, on parle à qui de droit, on fait en
sorte qu'effectivement la personne n'ait pas à se présenter devant le tribunal
pour aller finalement dire : Je n'avais pas compris. Vous comprenez? Donc,
on désamorce, c'est ce qu'on disait d'entrée de jeu, on désamorce, le notaire
désamorce les malentendus qu'il peut y avoir pour qu'au final les gens... bien,
on reçoit un jugement, puis voilà.
Et Me Bibeau... bien, effectivement,
tu as peut-être un élément à rajouter.
M. Bibeau (François) :Bien, si je peux ajouter, donc, les notaires sont déjà
aguerris sur les règles de procédure dans ces dossiers-là. Il y en a beaucoup,
de confrères, qui se spécialisent dans ces domaines-là. Qu'on pense aussi au
divorce à l'amiable, tous les dossiers où les gens ne contestent rien, ils sont
d'accord sur le processus de divorce, où le notaire va avoir accompagné les
parties, soit comme médiateur ou soit comme notaire, pour en venir à des modes
de séparation.
Donc, si d'aucuns prétendent que les
notaires ne sont pas aguerris avec les règles de forme et de <procédure...
>
12 h (version révisée)
< M. Bibeau
(François) :...avec les règles de
forme et de >procédure dans les palais de justice, bien, comme vous
dites, M. le ministre, les palais de justice sont fréquentés par bon nombre de
notaires à tous les jours, là.
M. Jolin-Barrette : OK. Alors
là, c'est intéressant, le point que vous amenez, vous dites que les notaires
sont déjà familiers avec la procédure civile puis déjà avec les règles de
pratique devant les tribunaux, pour certains sujets devant les tribunaux. Donc,
ce n'est pas inusité, là, ça ne sort pas de nulle part, les notaires
travaillent déjà avec les différentes règles de procédure, avec la procédure
civile?
M. Bibeau
(François) :Exactement.
M. Houle (Kevin) : Les
notaires consultent le Code de procédure civile, effectivement, tout comme les
confrères avocats.
M. Jolin-Barrette : OK. J'aimerais
ça que vous me parliez du rôle de décideur d'un notaire. Tout à l'heure, vous
avez dit : Il y a des notaires qui sont déjà juges administratifs puis il
y a déjà des notaires qui font de l'arbitrage. Donc, il y a déjà des gens, des
notaires, des membres de la Chambre des notaires qui font ce genre de pratique
là.
M. Houle (Kevin) : Bien, de
mon côté, sans savoir les statistiques, effectivement, précises, des notaires
nommés à ce titre, bien, plusieurs notaires sont déjà juges décideurs ou
décideurs au plan du Tribunal administratif du logement, si je ne me trompe
pas, également, de la CPTAQ, si je ne me trompe pas, mais effectivement, donc,
ces notaires-là sont pourtant capables de présider des séances au sein de
tribunaux administratifs.
M. Jolin-Barrette : Et là,
dans le cadre de... Lorsque les notaires sont juges administratifs ou sont
arbitres, j'imagine qu'ils rédigent des décisions déjà appuyées sur le droit
puis sur la jurisprudence, comme un juge le fait à la Cour du Québec ou, lorsqu'on
a un juge municipal, à la cour municipale. J'imagine que, les notaires, il y en
a certains déjà qui rédigent, là, des jugements.
M. Houle (Kevin) : Effectivement,
si ces notaires-là ont eu accès à ce poste-là de décideur administratif, il y a
fort à parier qu'ils sont en mesure et capables de faire la rédaction sur la
base de jurisprudence et d'anciens... bien, effectivement. Puis il ne faut pas
se cacher non plus que ces décideurs-là ou des juges, même, ont des équipes,
veux veux pas. Mais effectivement je pense que, de devoir faire un jugement
sans se baser sur la jurisprudence ne serait peut-être pas un jugement qu'on
voudrait nécessairement vivre.
M. Bibeau
(François) :Il faut aussi se souvenir que,
le notaire, on le considère à plus d'un titre comme un expert de rédaction de
contrats, de rédaction d'actes, alors, quand vient le temps de faire une
rédaction soutenue, au niveau juridique, il est en mesure de le faire aussi. Et,
à ce niveau-là, à chaque fois qu'il y a eu de nouvelles sphères d'activité qui
se sont ajoutées à la pratique notariale, des formations plus adéquates, plus
spécifiques ont été mises en place. Je me souviens, entre autres, lorsque le Code
de procédure civile a été modifié pour permettre aux notaires de présenter des
requêtes en divorce, des requêtes en divorce à l'amiable, bien, on a eu une
formation très, très pointue qui était présentée, à l'époque, par la Chambre
des notaires, où il y avait une notaire et une avocate qui avaient préparé une
formation pour mettre les notaires à niveau, donc, pour pouvoir venir faire les
petites nuances dans leur nouveau travail qui s'ouvrait à eux. Alors, ce genre
d'activité là pourrait être repris ici, bien entendu. Mais j'imagine qu'à la
Cour du Québec il y a déjà une formation qui est donnée aux nouveaux juges qui
arrivent en fonction, de toute façon.
M. Jolin-Barrette : Je
voulais vous demander, voyez-vous un risque pour la protection du public, un
préjudice pour le public à ce que les notaires deviennent juges à la Cour du
Québec ou juges dans une cour municipale? Est-ce qu'il y a un danger là? Est-ce
que les notaires ont les aptitudes et les qualifications requises pour accéder
à la fonction de juge et, de façon corollaire, est-ce qu'il y a un risque pour
la protection du public?
M. Houle (Kevin) : Bien,
évidemment, nous pensons que non. Et je pense que cette question-là... je
serais curieux d'entendre effectivement cette question-là adressée à des
avocats, par exemple : Est-ce qu'il y a un risque pour la protection du
public si un avocat qui ne fait que du droit bancaire tout au long de sa vie
est nommé juge à la Cour du Québec? Vous comprenez? Est-ce que... Cet avocat-là
a pourtant les compétences pour juger en droit civil, en droit des obligations...
et qu'on pourrait nommer. Donc, si la réponse...
M. Jolin-Barrette : OK.Pouvez-vous
me parler de l'étendue de l'expertise des membres de la Chambre des notaires?
Est-ce que... Parce que, peut-être pour les moins initiés, parfois, l'image du
notaire, c'est, et je ne le dis pas de façon péjorative, là... mais c'est le
notaire de campagne qui fait uniquement de l'immobilier. Est-ce que vos membres
ne font que des transactions immobilières et des hypothèques ou les sujets qui
sont traités maintenant par les membres de la Chambre des notaires sont
extrêmement variés? Est-ce que les notaires se retrouvent à travailler en
collaboration avec les avocats dans des bureaux conjoints? C'est quoi, la
pratique notariale, là, en 2023?
M. Houle (Kevin) : Bien, c'est
une belle question, parce qu'effectivement le droit immobilier est une
expertise en soi, mais les notaires font du droit des affaires, je fais du
droit des affaires, du droit corporatif, donc fusions d'entreprises, relèves d'entreprise.
Effectivement, moi, mes vis-à-vis, souvent, de l'autre côté, ce sont des <avocats...
M. Houle (Kevin) :
...
l'autre côté, ce sont des >avocats, donc je fais du droit,
principalement, immobilier, commercial, je fais de l'institutionnel. Donc, les
notaires font également des règlements de successions complexes, moins
complexes, successions en faillite, des successions qui valent des dizaines de
millions de dollars, donc c'est des gros dossiers de longue haleine. Les
notaires font du droit bancaire, du droit international, pour certains, privé.
Donc, effectivement, souvent, on pense...
Et, moi-même, je fais beaucoup de représentations dans les facultés de droit,
depuis quelques années, et on parle aux étudiants pour leur dire effectivement
que les notaires... quand on pense aux notaires, bien, on pense aux testaments,
transactions immobilières, et moi, je leur dis, un peu à la blague : Je
n'ai jamais fait de testament, et ça ne m'intéresse pas. Donc, ce n'est pas mon
genre de clientèle, ce n'est pas le genre de droit que je pratique, mais
effectivement j'ai un paquet de collègues qui en font.
Donc, tout comme les avocats, les notaires
se spécialisent et d'autres avocats... d'autres notaires, tout comme les
avocats, bien, touchent un peu plus à tout, mais... plus à tout. Mais
effectivement, depuis quelques années, moi-même, là, j'en suis un, donc, un
notaire qui pratique dans un milieu qu'on... un champ qu'on relie beaucoup...
souvent moins traditionnellement aux notaires, effectivement.
M. Bibeau
(François) :Si je peux me permettre, en
complément, selon les dernières statistiques que j'ai vues à l'ordre, à l'ordre
de la Chambre des notaires, il y a à peu près un quart de la profession, un
petit peu plus qu'un quart de la profession notariale qui œuvre dans ce qu'on
appelle un milieu non traditionnel, donc ce sont des juristes, en soi, qui ne
font rien de ce qu'un notaire, traditionnellement, va être appelé à faire. Ce
qu'on appelle un notaire traditionnel, là, c'est ce qu'on connaît, là, le
notaire qui fait des testaments, des successions puis des financements
hypothécaires des ventes. Mais là...
Puis moi, à titre de président de l'ordre,
à l'époque, je me souviens avoir déjà remis une distinction à un membre de
l'ordre qui faisait, et tenez-vous bien, du droit spatial. J'ai jasé un petit
peu avec lui pour savoir qu'est-ce que ça fait, un notaire en droit spatial,
mais c'est... Je vous relate ça simplement pour vous dire qu'à la base le
notaire, c'est un juriste, c'est quelqu'un qui a fait son cours en droit et
pour qui les portes sont ouvertes pour faire tout ce qui touche le droit. Alors,
la seule chose qu'il ne peut pas faire, c'est plaider.
M. Jolin-Barrette : OK. Je
voudrais vous demander : Qu'est-ce que vous pensez de la médiation
obligatoire pour les petites créances puis le fait, bon, que les notaires
pourront être, oui, médiateurs, c'est déjà le cas, déjà, arbitres également,
mais le fait qu'on rende la médiation obligatoire selon l'expertise, là, que
les notaires ont dans le cadre de leur pratique?
M. Houle (Kevin) : ...je vais
vous laisser.
M. Bibeau
(François) :Oui, si je peux me permettre.
Bien, c'est sûr que ça peut surprendre certains parce que, vous le savez, il
est de la nature même de la médiation qu'elle soit volontaire. Alors, souvent,
quand on vient dire qu'on oblige un processus de médiation, ça en frustre
certains, ça en choque certains. Mais rappelons-nous que, même ici, au Québec,
qu'on demande, dans le cadre d'une médiation familiale, qu'il y ait au moins
une amorce qui soit faite au niveau d'une séance d'information sur la question
et puis pour permettre aux gens de vraiment savoir ce que c'est que la
médiation. Alors, il y a une chose qui demeure, c'est que les gens ne sont pas
obligés de s'entendre, là. Ils doivent entamer le processus de médiation, mais
ils n'ont pas une obligation de résultat, là, c'est une obligation de moyens
pour en venir à une entente.
Et ce qu'on vous relatait dans ce qu'on
vous a présenté, c'est que plusieurs pays d'Europe ont adopté cette méthode-là
de venir dire : On oblige la médiation dans certaines sphères de nos
activités. Donc, on pense que c'est un tournant intéressant qui est proposé ici
par le PL n° 8 et on est certains que ça va
contribuer à désengorger les tribunaux, parce que tous ces gens-là qui ne sont
pas allés à la médiation, en ne sachant pas trop ce que c'est, bien, en se
faisant obliger d'aller vers cette voie-là, vont sûrement trouver, pour
certains en tout cas, un moyen d'en venir à la conclusion à l'amiable ou
raisonnée de leurs différends, sans être obligés de mobiliser une cour avec un
magistrat et tout l'appareil qui en découle.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Me Houle, Me Bibeau, je vous remercie. Je vais céder la parole à mes collègues,
mais merci beaucoup pour votre présence en commission parlementaire.
Une voix : Ça fait plaisir.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît. Il vous reste
3 min 50 s.
• (12 h 10) •
Mme Bourassa : Parfait. Merci
beaucoup. Bonjour. D'abord, en page 5 de votre mémoire, vous rappelez que
la formation autant des avocats et des notaires est similaire avec le
baccalauréat en droit et la maîtrise en notariat, mais vous tablez, là, sur une
différence : la confiance du public. Vous dites qu'un lien particulier
s'est créé avec les Québécois, que les notaires font partie des métiers, là,
envers qui la population a le plus confiance. Ma question : Est-ce que
l'accès au rôle de juge, pour un notaire d'expérience, va contribuer à
renforcer la confiance des usagers envers le système de justice? Parce que
c'est aussi un objectif.
M. Houle (Kevin) : Bien, à
notre avis, effectivement, oui, parce que, depuis quelques années, je vois ici
la statistique, c'est souvent entre 85 %, 87 %, là, où les gens ont
confiance aux notaires, là, suivant les sondages. Mais effectivement on pense
qu'à partir du moment où les gens constatent que des notaires envers qui on a
confiance, qu'on a côtoyés ne serait-ce qu'une seule fois au moins, peut-être,
dans une vie... Des fois, on peut passer une vie sans nécessairement avoir vu
un avocat, mais un notaire, à un moment donné, on y arrive. Bien,
effectivement, de voir que, ces notaires-là, bien, que le gouvernement, le
législateur, bien, permet à ces notaires-là, envers qui on a confiance, d'avoir
accès à la magistrature, bien, on est totalement d'avis, effectivement, qu'il
va y avoir un effet <positif...
M. Houle (Kevin) :
...à la magistrature, bien, on est totalement d'avis, effectivement, qu'il va y
avoir un effet >positif sur la confiance que les gens pouvaient avoir,
là, vis-à-vis la magistrature et la cour dans son ensemble.
17 859
Le Président (M. Bachand) :Merci.
Ça va? Alors, M. le député de Saint-Jean. Il reste deux petites minutes M. le
député.
17 879
M. Lemieux :
Merci beaucoup, M. le Président. Je n'abuserai pas. Bonjour, messieurs. Vous
avez commencé en disant que c'était courageux et novateur que d'aller vers la
nomination de notaires au poste de juge. Ça fait combien de temps que vous
attendez ça?
M. Houle (Kevin) : Me
Bibeau, je dois le dire... Me Bibeau est plus âgé que moi, il pourrait
peut-être répondre.
M. Bibeau
(François) :Je m'en vais sur ma 36e année
comme notaire, j'ai été membre du conseil d'administration de l'ordre pendant
15 ans, et de mémoire je ne me souviens pas de jamais avoir entendu un
président de l'ordre ou des professeurs de droit, notaires, nous dire que c'est
inconcevable, parce qu'on a la même formation, parce que nous avons d'éminents
confrères. Donc, je peux vous dire que c'est... on parle en termes de
décennies, là, plusieurs décennies.
17 879
M. Lemieux :
De là vos larges sourires depuis qu'on vous entend à cette commission. Je
sais, puis tout le monde le sait, c'est l'éléphant dans la pièce, qu'il y a un
ordre... Là, vous, vous êtes les notaires. Il va y avoir les avocats qui vont
se présenter à nous, qui ne sont pas aussi enthousiastes que vous. Sans pouvoir
encore les entendre, en ce moment, vous allez leur répondre quoi comme... pas
nécessairement ici, mais en général? Parce que vous connaissez bien leurs
appréhensions, là.
M. Houle (Kevin) : Bien,
ce qu'on va leur répondre... Suite à la lecture de notre mémoire et de nos
collègues notaires, j'imagine, bien, leur répondre qu'effectivement, depuis des
centaines d'années, les notaires sont près de la population, les notaires ont
une formation juridique, les notaires se spécialisent, sont des experts dans le
secteur du... dans certains secteurs du droit, tout comme les avocats sont des
experts dans d'autres secteurs du droit, mais qu'au final c'est important qu'au
Québec, en Amérique du Nord, que les notaires qui sont uniquement ici ou
présents au Québec, bien, que ces notaires-là qui sont des juristes, conseillers
juridiques, aient accès à la magistrature pour apporter leur expertise, leur
point de vue. On l'a dit tantôt, l'ADN des notaires, bien, on est formé à être
impartial, à titre d'officier public. Donc, effectivement, je pense que c'est
ce qu'on va leur répondre. On l'a dit tantôt, là, c'est un anachronisme, dans
un sens, le fait que les notaires, aussi compétents qu'on le soit, n'aient pas
encore accès, là, à la magistrature.
17 859
Le Président (M. Bachand) :Merci.
Merci beaucoup. Alors je me tourne maintenant vers l'opposition officielle pour
un bloc de 9 min 54 s. M. le député de l'Acadie, s'il vous
plaît.
19 253
M. Morin :
Merci, M. le Président. Merci, Me Houle et Me Bibeau, pour votre
mémoire et votre exposé ce matin, mémoire que j'ai lu avec avec beaucoup
d'attention. Je comprends que vous représentez l'APNQ, une association de
notaires, et non pas la Chambre des notaires. Et est-ce que vous représentez
tous les notaires qui sont inscrits à la chambre? Ou comment, en fait, se
dégage votre membership puis quelle est la distinction entre les deux?
M. Bibeau
(François) :Si je peux répondre, on est
en pleine période de recrutement, c'est-à-dire de renouvellement d'adhésion, à
l'heure actuelle, on a quelque 1 500 notaires qui ont adhéré
volontairement. Il faut dire que l'APNQ, c'est le plus important regroupement
de notaires à adhésion volontaire. Alors, l'ordre, on n'a pas le choix, hein,
il faut être membre, mais l'APNQ, bien, on peut choisir de ne pas en être. L'année
dernière, là, au 31 décembre, on avait fini l'année avec
1 850 notaires. Donc, pratiquement 50 % de la population
notariale sont membres à l'APNQ. Et là, bien, comme je l'ai dit tout à l'heure,
sur à peu près 4 000 notaires, il faut comprendre qu'il y a à peu
près 1 000 notaires qui sont soit dans les ministères, dans les
municipalités, donc, qui n'oeuvrent pas en cabinet privé. Donc, on a la
prétention de penser qu'on a la grande majorité des notaires en cabinet privé
qui sont membres de l'APNQ.
M. Houle (Kevin) : Si je
peux me permettre, je veux simplement préciser qu'effectivement on parle au nom
de nos membres, mais effectivement notre mandat est, entre autres, de faire
rayonner le notariat. Donc, on parle au nom du notariat, à titre d'acteurs dans
le système de justice et dans le système judiciaire, oui.
19 253
M. Morin :
Donc, je comprends. Alors, si je comprends bien votre réponse, donc, le but
de votre association, c'est de faire, finalement, le rayonnement, la promotion;
la chambre, elle, comme ordre professionnel, vise notamment à encadrer la
profession et la protection du public.
M. Houle (Kevin) : Effectivement.
19 253
M. Morin :
Ce qui est plus le mandat de la chambre.
M. Houle (Kevin) : Effectivement.
Et l'APNQ a eu 25 ans l'an passé, donc ça fait des années qu'on travaille
sur cet aspect.
19 253
M. Morin :
Parfait.
M. Bibeau
(François) :Si je peux me permettre, M.
le député, une des grandes parties des travaux de l'APNQ vont vers la... va
vers la formation des membres. Alors, on est en relation avec l'ordre à ce
niveau-là parce qu'on pense que certaines formations relèvent beaucoup plus de
l'association. Et à ce niveau-là les formations que l'association met sur pied
sont accessibles par tous les notaires, qu'ils soient membres ou non.
19 253
M. Morin :
Très bien. Je vous remercie. Dans le projet de loi, on parle évidemment
beaucoup de <médiation...
M. Morin :
...
remercie. Dans le projet de loi, on parle évidemment beaucoup de >médiation.
Vous avez fait état des compétences que vous avez en médiation. Mais je
comprends qu'avec la médiation qui va devenir obligatoire, puis que l'idée
c'est évidemment d'enlever des dossiers litigieux devant les tribunaux, les
envoyer en médiation, est-ce que vous allez être capables de faire face à cette
demande? Parce que, forcément, il va y avoir beaucoup plus de médiation, on
veut que ce soit obligatoire. Comment vous entrevoyez ça? Comment vous allez
être capables, avec ce que vous avez présentement comme effectifs, de remplir,
finalement, ce mandat qui vous serait confié par la loi?
M. Bibeau
(François) :Bien, Il faut se souvenir que
les notaires sont des médiateurs qui peuvent participer à l'effort à ce
niveau-là. Mais ce ne sont pas les seuls, hein, il ne faut pas oublier que nos
confrères avocats sont aussi médiateurs, pour certains, et participent aussi.
Donc, on vient ajouter l'épaule à la roue à l'effort des juristes pour pouvoir
aider à désengorger les tribunaux. Et comme je l'ai mentionné dans mon exposé,
lorsque la prémédiation a été lancée, on a déjà publicisé cet élément-là et on
a ressenti un très grand enthousiasme de la part des notaires pour devenir
médiateurs aux petites créances. On a déjà dispensé deux formations à ce
niveau-là, et c'était plein à chaque fois. Et déjà on a des gens d'inscrits sur
notre liste. Alors, ce que je mentionnais tout à l'heure, pour pouvoir faire
face à la demande, on serait même prêts à augmenter le nombre de formations à
ce niveau-là pour permettre d'accélérer le processus et permettre une plus
grande formation de médiateurs notaires.
M. Houle (Kevin) : Bien, je
pense que ce n'est pas inutile de préciser qu'effectivement... que le CMAN, on
en parlait tantôt, le centre d'expertise et médiation notariale, donc, relié à
l'APNQ, bien, se penche exclusivement sur cet aspect-là, là, et ce, depuis
quelques années déjà, là.
M. Bibeau
(François) :Effectivement.
M. Morin : Bien, je vous
remercie. Parmi le sommaire de vos recommandations, il y en a une qui vise
particulièrement la composition du Conseil de la magistrature. Le projet de loi
permet la place pour un notaire, vous en voulez deux. Pourquoi deux? Pourquoi
pas trois? Un, ce n'est pas suffisant? Enfin, j'aimerais ça vous entendre
là-dessus.
M. Houle (Kevin) : Bien,
c'était simplement pour faire en sorte que, nécessairement, au niveau de la
représentativité... que tant les notaires que les avocats aient le même droit
de parole et le même poids au niveau du conseil lui-même.
M. Morin : Je vous remercie.
Dans votre mémoire, à la page 14, quand vous parlez... parce qu'on a parlé
beaucoup de l'accessibilité possible, éventuellement, si le projet de loi est
adopté, à ce que les notaires puissent devenir membres de la magistrature. Vous
faites une distinction, vous décrivez ce qu'est un notaire en droit civil puis
vous... il y a aussi une référence aux autres provinces canadiennes. Mais on
s'entend que, dans les autres provinces canadiennes, l'institution du notariat
comme on la connaît au Québec n'existe pas. Donc, il est normal que dans les
autres provinces, à un moment donné, ils puissent devenir membres de la
magistrature, parce que, ce que je comprends, c'est que c'est des avocats qui
peuvent aussi être ce qu'on appelle des «notary public», mais qui n'ont rien à
voir avec un notaire au Québec. Donc au fond, quand vous dites : Au
Québec, c'est le seul endroit où le notaire diplômé en droit n'a pas accès à la
fonction de juge, bien, forcément, on ne peut pas faire autrement. On se
comprend?
M. Bibeau
(François) :Et c'est un peu ça dont Me
Houle voulais parler, quand on parle d'anachronisme, c'est qu'on croit que tout
ça découle de ce fait-là. C'est-à-dire que, quand il a été question d'établir
les règles et, dans la constitution, de prévoir que les candidats à la
magistrature doivent être membres du Barreau, selon nous, ce qui est arrivé,
c'est qu'on a tout simplement reproduit ça mutatis mutandis pour le Québec, en
oubliant qu'il y avait deux chambres professionnelles au Québec, et à ce
moment-là on a continué sur cet erre d'aller là depuis des décennies, des
siècles. Mais techniquement on parle de juristes à part entière, là, le notaire
en droit, le notaire typique de droit latin, n'est pas un «notary public»,
comme vous avez dit, ce n'est pas un simple commissaire à l'assermentation.
Alors, il faut le comprendre, là, à ce niveau-là.
• (12 h 20) •
M. Morin : Absolument. Puis
c'est absolument deux choses qui sont totalement, totalement différentes. Donc,
vous n'avez pas peur que le fait qu'éventuellement des notaires puissent
accéder à la magistrature, ça dilue l'importance de son rôle comme officier
public qui peut être capable de conseiller l'ensemble des parties dans le cadre
d'un problème juridique quelconque?
M. Houle (Kevin) : Bien, à ce
stade-là, je pense que le notaire qui agit comme officier public, donc, pendant
sa carrière, conserve son titre d'officier public impartial. À partir du moment
où d'autres collègues notaires ont accès à la magistrature, ces notaires-là ne
seront plus des officiers publics, mais deviendront des juges. Un n'empêchera
pas l'autre, pour le reste de la communauté notariale, là.
M. Bibeau
(François) :Et d'ailleurs, si je peux me
permettre, ce changement de chapeau et de rôle là, on le connaît déjà. On voit
que des juges qui prennent leur retraite retournent souvent à la <pratique...
M. Bibeau
(François) :
...retournent souvent
à la >pratique à titre d'avocats dans de grands cabinets
d'avocats-conseils. On ne les appelle plus «M. le juge», ils deviennent et
reprennent leur statut d'avocat et ils continuent à agir avec partialité pour
leurs clients.
M. Morin : Et, dans votre
exposé, quand vous avez parlé, vous avez cité des exemples de l'Espagne, de la
France, de l'Italie, et, quand on parle de l'accession à la magistrature, dans
ces pays-là, on s'entend que le système est complètement différent et qu'au
fond, au fond, dans ces pays-là, quand quelqu'un veut accéder à la
magistrature, c'est avant même qu'il devienne avocat ou notaire.
M. Bibeau
(François) :Tout à fait. Il y a même une
école de la magistrature, hein? Il s'agit d'avoir son baccalauréat en droit
pour accéder à l'école de magistrature. Donc, ce n'est pas un prérequis que de
faire partie d'un ordre professionnel pour en être. Donc, c'est vrai que c'est
différent. Mais on a soulevé ce point-là simplement pour bien faire comprendre,
en fait, que le notaire est un juriste à part entière, au même titre que
l'avocat. On ne veut rien enlever aux avocats, là, on ne vient pas dire... on
ne va pas dire que ce n'est pas des bons juges, ce n'est pas ça du tout. On
vient simplement dire qu'on a certains des membres de notre profession qui
pourraient facilement accéder à la magistrature et être de très bons juges.
M. Morin : Et, pour vous, le
fait, par exemple, qu'un notaire n'ait pas nécessairement d'expérience en
litige et en rédaction de procédures dans la vue d'un litige, ça ne pose pas de
problème pour qu'éventuellement un notaire puisse accéder à la magistrature?
M. Houle (Kevin) : Effectivement,
pas du tout, ça ne cause pas de problème, considérant qu'actuellement il y a
déjà des avocats qui ont accès à la magistrature, qui n'étaient pas non plus des
spécialistes dans cette matière-là.
Le Président (M.
Bachand) :...
M. Morin : C'est terminé. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Sherbrooke pour 3 min 18 s. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Vous avez mentionné tout à l'heure que, quand un avocat accède à la
magistrature, il a des formations à suivre lui-même, vraisemblablement. Est-ce
que vous estimez qu'un notaire qui accéderait à la magistrature aurait besoin
de formation spécifique, par exemple, en matière de règles de preuve ou...
M. Houle (Kevin) : À partir
de là, je pense que ça dépend du profil. Donc, je ne pense pas qu'on puisse
répondre de manière globale et générale, là, ça dépend du notaire qui... ou
comme ça dépend de l'avocat qui est nommé juge.
Mme Labrie : Il n'y a pas de besoin
spécifique, là, pour une personne qui proviendrait du notariat, qui accéderait
à la magistrature, de votre point de vue?
M. Houle (Kevin) : À ma
connaissance, non, de manière globale, ce serait selon le profil.
M. Bibeau
(François) :Par exemple, on parlait tout
à l'heure de certains notaires qui ont déjà accès aux palais de justice pour
représenter leurs clients, bien, les règles de preuve, ils les connaissent
bien, ils savent quels sont les documents qu'ils doivent présenter, alors on ne
pense pas... Et d'ailleurs, à titre, il faut le mentionner... à titre
d'officier public, lorsque le notaire prépare des actes authentiques, il
contribue à tout le processus de preuve. C'est-à-dire que, lorsqu'un avocat
présente en cour un acte notarié, qui est un acte authentique, bien, tu n'as
pas de meilleure preuve que ça parce que ça peut difficilement être contesté.
Alors, ce sont des règles qui sont connues
et qui font partie du cheminement, hein, du cursus universitaire pour avoir un
bac en droit. Il s'agira, pour le notaire qui n'a pas pratiqué dans ces
matières-là, de se les remettre en tête, là, tout simplement.
Mme Labrie : Donc, il
faudrait que ce soit peut-être un peu plus à la carte. J'ai une question pour
vous, M. Bibeau, plus spécifiquement, parce que vous avez dit que vous
êtes médiateur vous-même. D'habitude, l'approche en médiation repose sur le
volontariat, donc vous êtes probablement plus habitué de travailler avec des
gens qui ont de l'intérêt pour aller en médiation sur leur dossier. Ça doit
être une tout autre histoire de faire affaire avec des gens qui se font imposer
la médiation. Est-ce que vous estimez que la formation offerte actuellement aux
médiateurs est adéquate pour préparer les gens à faire affaire à des gens qui
se font imposer la médiation?
M. Bibeau
(François) :En fait, oui, parce que, vous
savez, dans le monde de la médiation, il n'y a pas juste les juristes qui
interviennent, hein, il y a aussi les travailleurs sociaux, les psychologues et
les conseillers en orientation, et ils ont une approche qui est différente.
Alors, on n'y va pas sur l'approche adversariale, mais plus sur les besoins des
gens. On va travailler là-dessus en médiation. Alors, par exemple, il m'est
arrivé à plus d'une reprise, avec des gens qui étaient en médiation familiale,
de faire face à quelqu'un qui était complètement fermé, là, tout le long du
processus. Puis ton but, là, en tant que médiateur, c'est de lui faire
décroiser les bras tranquillement, pas vite, en lui faisant comprendre qu'il a
tout intérêt à participer à la solution, plutôt que de se la faire imposer. Et
souvent c'est comme ça qu'on va apporter... amener les gens à collaborer, à
contribuer.
Ce n'est pas toujours facile, mais il y a
des techniques, il y a des techniques qui existent, comme, par exemple, la
médiation par caucus, un peu ce que les juges font dans les conférences de
règlements à l'amiable, là. Quand c'est trop difficile, que les gens soient en
présence l'un de l'autre, on peut y aller par caucus pour dénouer les impasses.
Moi-même, lorsque j'étais président de l'ordre, j'ai eu à faire ce qu'on
appelle des médiations présidentielles. C'est le seul ordre professionnel, la
Chambre des notaires, où existe ce processus-là. Quand deux notaires ont des
contentieux entre eux, ils doivent soumettre leur dossier à la médiation
présidentielle. Et je peux vous dire que souvent, là, mes collègues arrivaient,
là, ils n'étaient pas trop, trop ouverts, ça ne leur tentait pas, là, ils
avaient juste hâte d'aller <confier...
M. Bibeau
(François) :
...là, ils avaient
juste hâte d'aller >confier leur dossier à un avocat. Mais, vous savez que
le taux de réussite est très bon, hein : à plus 60 %, les gens
sortent de notre bureau avec une entente où ils se sont entendus. Donc, je suis
très, très confiant. C'est un autre processus. On n'a jamais l'obligation de
s'entendre, on leur dit en partant, ils se sentent libres par rapport à ça, mais
ils ont tout intérêt à le faire, puis là on leur explique comment on va
procéder pour le faire.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Bibeau. Mme
la députée de Sherbrooke, merci beaucoup.
Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous
plaît, pour 3 min 18 s.
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Est-ce que je dois comprendre que l'APNQ donne de la formation à ses
membres pour devenir médiateur?
M. Bibeau
(François) :Oui, tout à fait. La
médiation, au niveau des petites créances, on a déjà des formations qui sont
dispensées à ce niveau-là. Comme je le disais tout à l'heure, elles sont
toujours à salle comble. On en a une, là, qui devrait être annoncée dans notre
calendrier de formation pour l'automne prochain.
Mme Nichols : Parfait. Merci.
Vous avez parlé, puis là j'y vais... des questions en rafale, j'ai un petit peu
moins de temps, vous avez parlé qu'il y a certains notaires qui siègent déjà
comme juges administratifs ou, en fait, comme arbitres. Est-ce que vous avez
répertorié, là, il y en a combien, de juges administratifs qui sont notaires
qui siègent présentement?
M. Houle (Kevin) : Non, c'est
ce que je soulignais tantôt, c'est qu'on n'a pas les statistiques officielles
en ce sens, c'est plutôt de la reconnaissance, là.
Mme Nichols : Puis vous avez
dit aussi tantôt, là, que vous allez souvent à la cour, évidemment, là, pas
nécessairement pour plaider, mais, j'imagine, à titre de témoins experts,
experts dans un dossier. Vous dites que vous croisez souvent, là, des notaires
à la cour. Moi, j'en croise rarement. Vous en croisez combien quand vous allez
à la cour?
M. Houle (Kevin) : Bien, ce
que j'ai dit tantôt, moi, c'est que ce n'est pas moi... je ne croise pas des
notaires, je connais des notaires qui vont à la cour pour présenter des
demandes, donc ce n'est pas moi qui les croise nécessairement. Puis je vais
vous avouer que je ne parle pas non plus à tous ceux qui m'entourent, à la
cour, bien franchement. Mais il n'en demeure pas moins que, oui, je vais à la cour
pour certaines causes, surtout en prescription, mais mes collègues, justement,
à mes bureaux, bien, font tout ce que j'ai nommé tantôt, là, nomination de
tuteur à l'enfant, des parents décédés, etc., remplacement de liquidateur, etc.
M. Bibeau (François) :Mme la députée, juste pour préciser, ce n'est pas
nécessairement à titre d'expert dans un dossier, mais vraiment comme porteur du
dossier, pour aller, par exemple, faire une demande en prescription trentenaire,
ou autres, alors c'est vraiment...
M. Houle (Kevin) : Le
procureur des demandeurs.
M. Bibeau
(François) :C'est ça, vraiment.
Mme Nichols : ...de
médiateur, est-ce que vous allez faire entériner des divorces à l'amiable ou
des...
M. Bibeau
(François) :C'est possible aussi, tout à
fait.
Mme Nichols : Parfait. Vous
aviez parlé, là, l'APNQ avait 1 500 membres sur 4 000 notaires
puis vous avez dit que ça représentait à peu près la moitié?
M. Houle (Kevin) : Bien,
c'est parce que...
M. Bibeau
(François) :Tout à fait.
M. Houle (Kevin) : Bien,
vas-y. C'est en début d'année, là.
M. Bibeau
(François) :Oui, c'est ça. On est en
période de renouvellement. L'année dernière, si on veut prendre le vrai
chiffre, là, nous avions 1 850 membres, et il y a un petit peu moins
que 4 000 membres au notariat. Puis, comme je vous disais, mettons,
sur les 3 900 membres, il y en a peut-être 1 000 qui sont en
pratique non traditionnelle dans les ministères. Donc, c'est pour ça qu'on
disait qu'on a à peu près la moitié des membres en pratique active à titre de
notaires praticiens privés, oui, c'est ça.
Mme Nichols : Parfait. Vous
avez piqué un peu ma curiosité quand vous aviez dit que... Quelqu'un vous
posait la question : Pensez-vous que la population a plus confiance qu'aux
avocats? Donc, vous pensez vraiment que les notaires vont redorer l'image de la
magistrature?
M. Houle (Kevin) : Bien, je
pense que ce n'est pas le rôle des notaires...
Mme Nichols : Question piège,
là!
M. Houle (Kevin) : Bien non,
je pense que ce n'est pas le rôle des notaires exclusivement, là. Je ne pense
pas que législateur ait en tête tout cet espoir-là, ne serait-ce que... J'ai
bien beau être notaire et d'aimer la profession, mais je ne pense pas que les
notaires à eux seuls vont sauver le monde, là, donc, bien franchement. Je pense
que la confiance des juges provient de différentes choses, mais, entre autres,
souvent, on entend des... c'est surtout l'effet de médias, hein, bien
franchement. Des fois, il y a des jugements x, y, z, qui font en sorte que la
population, tout d'un coup, s'insurge contre des jugements plus que contre le
système de la justice. Mais, bien franchement, c'est la lenteur, on le sait,
c'est la lenteur du système qui fait que les gens mettent tout ça dans le même
panier. Puis finalement le système en soi n'est pas fiable, entre guillemets. Mais
les notaires participeront, comme leurs collègues avocats vont participer à cet
aspect-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Me Houle,
Me Bibeau, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin.
Je suspends les travaux quelques instants
pour que le prochain groupe prenne place. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
12 h 30 (version révisée)
(Reprise à 12 h 32)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses
travaux. Avant d'aller à notre prochain groupe, on a commencé avec un petit peu
de retard ce matin, donc j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter 15 minutes
à la rencontre, à la séance. Il y a consentement? Merci beaucoup.
Alors, il me fait plaisir...
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) :S'il vous plaît! Il me fait
plaisir d'accueillir les représentantes du Centre de justice de proximité de
Québec. Alors, mesdames, bienvenue. Merci beaucoup d'être avec nous. Vous avez
10 minutes de présentation. Moi, je vous inviterais d'abord à vous
présenter. La parole est à vous.
Centres de justice de proximité du Québec
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bonjour.
C'est là? C'est notre première présence en commission.
Le Président (M.
Bachand) :Vous êtes les bienvenues. On
espère vous voir régulièrement, d'ailleurs.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Oui,
absolument. Je me présente : je suis Jennifer Fafard-Marconi. Je suis la
directrice générale du Centre de justice de proximité du Grand Montréal,
accompagnée...
Mme Néron (Sara) : Donc, de
sa collègue, effectivement. Donc, Sara Néron. Je suis du Centre de justice de
proximité de Laval-Laurentides-Lanaudière, mais aujourd'hui on représente tous
les centres de justice du Québec. Voilà.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Donc,
merci de nous accueillir et nous permettre d'exposer notre vision.
On tenait d'abord à saluer le projet de loi
pour un meilleur accès à la justice. L'aspect simplification de la procédure
est souvent négligé au profit du droit substantif. Donc, toute initiative
visant à simplifier le processus à la cour nous apparaît plus que nécessaire
avant... afin de remettre le justiciable au cœur du système et éviter son
sentiment de subir le système plutôt que d'y contribuer.
Aujourd'hui, nous voulons vous apporter la
lunette du citoyen, puisqu'il ne faut pas oublier sa perception, qui devrait
être, à notre sens, l'élément fondamental à tenir en compte lors d'élaborations
de mesures d'accès à la justice. Donc, on vous propose aujourd'hui de se
concentrer sur deux aspects, là, l'enjeu de la partie non représentée puis
ensuite la médiation obligatoire, l'arbitrage automatique.
Mais d'abord, un petit mot sur nous, qui
nous sommes, pour les gens qui nous connaissent moins. Nous sommes des acteurs
de première ligne depuis plus de 10 ans qui oeuvrent, là, dans le système
de justice québécois. On est la référence en justice de proximité. On est
déployés sur tout le territoire du Québec. À l'heure actuelle, il y a 11 CJP,
et, avec l'annonce récente, on aura plusieurs autres centres qui... et nous
allons couvrir, là, le Québec en entier. Notre ADN, c'est simple, c'est la
justice participative, en ce sens qu'on comprend qu'une situation juridique n'appelle
pas uniquement à une solution juridique, mais... et que la participation active
du citoyen accompagné d'un professionnel est la clé pour augmenter sa confiance
dans le système juridique. Derrière un problème, il y a une personne, il y a un
vécu, il y a ses besoins et il y a surtout ses perceptions.
Chaque jour, nos professionnels du droit...
Donc, on est un réseau de 70 professionnels, dont la majorité, c'est des
avocats, mais on a aussi des notaires. On salue les notaires. Donc, nos
professionnels rencontrent des dizaines de citoyens par jour, des citoyens qui
ont besoin d'un éclairage, d'une orientation ou d'une prise en charge, mais
surtout d'être rassurés sur les prochaines étapes, d'être guidés sur ses
priorités en fonction de ses besoins. Ce qui nous distingue en fait, c'est qu'on
est... on ne prend pas parti. On est neutres. On ne juge pas. Puis, on est bien
ancrés dans nos régions respectives, on connaît bien l'écosystème propre à
chaque région. On est même présents, certains, dans certains palais de justice.
On a des partenariats avec des organismes communautaires. Et, dans la dernière
année, en fait, 2021‑2022, c'est plus de 25 000 rencontres qu'on a
faites <annuellement...
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) :
...en fait,
2021‑2022, c'est plus de 25 000 rencontres
qu'on a faites >annuellement. Voilà.
Donc, si je me concentre un peu plus sur
l'enjeu des personnes non représentées, en fait, pour ce qui est de la
compétence partagée, Cour du Québec, Cour supérieure, maintenant, et la
simplification de la procédure, on est bien évidemment favorables au fait que
le demandeur puisse... pourrait choisir, dans le fond, la Cour du Québec pour
pouvoir bénéficier, là, d'une simplification de la procédure.
Toutefois, on voudrait vraiment mettre en
lumière qu'il faut d'abord s'assurer de la compréhension de cette option pour
la personne qui est non représentée. Il ne faut pas prendre pour acquis que,
parce que ça existe, que les gens vont aller chercher cette option-là. Il faut
donc que ça soit clair dès le premier moment, là, que cette option existe et
surtout son impact. Le réflexe du citoyen, c'est d'aller au palais de justice,
d'aller au greffe, aller sur le site Internet pour savoir comment déposer une
demande. Donc là, l'information devrait être mise immédiatement à sa
disposition. Puis également, si on veut que la simplification de la procédure
ait un réel impact, il faut vraiment penser soutenir la partie non représentée
dans sa compréhension du nouveau processus.
Donc, évidemment, les organismes
communautaires, dont les CJP, on va être mis à contribution, les outils de
vulgarisation, on va être là pour soutenir la partie non représentée.
Toutefois, nous, ce qu'on souhaite et ce qu'on vous soumet, c'est d'aller plus
loin encore, puis... en s'assurant d'inclure, donc, un avis à la demande qui
indiquerait, dans un langage clair, les délais. Il pourrait aussi y avoir un
outil de calcul pour... qui serait mis à la disposition sur le site du
ministère de la Justice. Donc, plutôt que de multiplier toutes sortes de
documents de vulgarisation en parallèle, bien, on pourrait, là, penser, à même,
là, les formulaires du ministère de la Justice, là, inclure les... dans le
fond, de penser à ces citoyens qui doivent comprendre, parce qu'ils ne
comprendront pas si l'information n'est pas... n'est pas disponible dès le
moment où ils vont rentrer dans le système. Donc, on vous demanderait de nous
aider à mieux aider les personnes non représentées. Un formulaire facile à
compléter, facile à trouver pour le justiciable. Et c'est un peu les mêmes
commentaires pour le protocole préjudiciaire, là, mais on ne pourra pas
élaborer, là, parce qu'on a... le temps file.
Juste un petit mot également sur la CRA
automatique, ce qui est une... Pour nous, c'est superintéressant. Le mot
«automatique», pour nous, c'est intéressant, là. Plus, dans le fond... Moins il
y a de démarches administratives pour le citoyen non représenté, mieux c'est
pour son expérience dans le système. Toutefois, il y a encore beaucoup de
mauvaise compréhension de qu'est-ce qu'une CRA, c'est quoi, son impact, etc.
Donc, pour assurer le succès d'une CRA, évidemment, il faudrait considérer
créer un avis qui serait uniforme, qui serait dans tous les... En fait, je
comprends que c'est la cour, là, qui va... qui va convoquer les parties. Donc,
il faudrait que l'avis qui vient... qui accompagne, dans le fond, la
convocation soit développé en pensant à cette partie non représentée, en
adaptant le langage, évidemment. Puis ça pourrait aussi éviter les enjeux de
déséquilibre, parce qu'il y a des gens qui, eux, vont être accompagnés
d'avocats et qui vont pouvoir avoir... qui vont bénéficier de l'information
avant de rentrer dans une CRA.
Donc, je céderais la parole à Sara, qui va
parler plus, là, de PRD et de médiation.
Mme Néron (Sara) : Alors,
oui. Alors, parlons du programme de prémédiation. On a été vraiment plongés, au
cœur des deux dernières années, dans les PRD. Donc, on a mis, en fait, sur pied
le programme de prémédiation, là, qui est encore là actuellement. Donc, on a
vraiment développé une approche unique, vraiment, en collaboration avec la Direction
développement d'accès justice, les greffes, les médiateurs aux petites
créances. Donc, tout le monde a contribué, et je dis un... un gros chapeau et
un gros merci aujourd'hui à tous ces acteurs-là. Le but : bien sûr,
sensibiliser à la médiation. Donc, on a développé des techniques pour y
arriver. En chiffres, avant le programme, on parlait de 18 % de dossiers
qui allaient en médiation. Aujourd'hui, on parle de 46 %, actuellement,
dans nos chiffres à nous, OK? On est fiers de jouer un rôle important qui a un
impact sur les changements de culture auprès de la population concernant le
recours au PRD, on veut continuer à contribuer, puis le projet de loi n° 8,
bien, il nous donne vraiment les moyens de le faire.
• (12 h 40) •
Donc, on peut peut-être parler un peu de
la priorisation des dossiers pour les parties, là, qui ont recours au PRD.
Donc, on applaudit cette mesure. Ça va vraiment inviter les citoyens à aller
vers ces approches-là. Par contre, il faut s'assurer qu'il y ait une offre
intéressante sur le terrain. Donc, on peut parler d'une offre dans le
communautaire, par exemple, donc une offre qui continue à être subventionnée.
Donc, maintenant, on va parler des petites
créances. Donc, la médiation obligatoire, l'arbitrage qui vient ensuite, oui,
on est en faveur de cette... de cette mesure-là. Ça va vraiment aider au
changement de culture. Ça va augmenter le nombre de médiations.
Peut-être un petit aparté de ce qu'on a
constaté au cours, là, du programme de prémédiation. Avec étonnement, on a vu
qu'il y a plusieurs acteurs, comme les institutions financières, les grandes
entreprises, qui disaient non à la médiation. Alors, ça, ça va... De façon
automatique, ils vont y aller, donc ils vont savoir c'est quoi. Donc, ça va
aussi, peut-être, <inciter...
Mme Néron (Sara) :
...automatique,
ils vont y aller, donc ils vont savoir c'est quoi. Donc, ça va aussi, peut-être,
>inciter ces entreprises-là à aller en avant régler le dossier avant que
ça soit déposé aux petites créances.
Petit avertissement : c'est sûr qu'on
parle de la médiation obligatoire au niveau... il y a certains... il faut faire
attention, on est aux petites créances, mais on peut penser aux victimes de
violence conjugale, on a quand même des cas où est-ce qu'il y a des dossiers
entre ex-conjoints, des cas de harcèlement, des interdits de contact. Donc, il
faut vraiment prévoir soit une extension ou, si ce n'est pas une exemption,
vraiment d'adopter des mesures qui pourraient leur donner confiance dans le
processus. Donc, on peut rendre à l'aise les participants en mettant des
mesures. On en a parlé tantôt, là, l'utilisation des caucus, la médiation à
distance, d'offrir la possibilité d'être accompagné, donc c'est des mesures,
là, qui peuvent être mises en place.
Un autre enjeu qui est hyperimportant,
qu'il ne faut pas négliger également, c'est les attentes du citoyen par rapport
à la médiation. Donc, le citoyen, lui, quand il va en médiation, il s'attend à
pouvoir discuter de ses options possibles. Donc, il faut s'assurer que le
processus, c'est bien respecté et qu'il n'a pas l'impression qu'il y a un
règlement, là, qui est à tout prix, là, conclu, là, au détriment de ses
besoins. Donc, on parle, à ce moment-là, de formation, on en a parlé tantôt,
donc de bien former les médiateurs. Donc, ça vient vraiment avec une
valorisation de cette profession-là, du support, de l'encadrement, de la
formation permanente. Donc, c'est ce qu'on espère.
On peut parler aussi du choix du médiateur
et de l'arbitre. On a une petite préoccupation concernant le choix du médiateur.
Il faut que ça soit rapide, efficace, considérant les enjeux actuels. On veut
éviter le ping-pong du citoyen, hein? On veut s'assurer que ça se fasse bien,
vite. Donc, on a constaté, nous, sur le terrain, au niveau de la logistique de
la prémédiation, de bien assigner avec le bon profil de médiateur avec les
besoins du dossier. Donc, ça va être quelque chose à considérer. La souplesse
pourrait être de mise, puis on serait contents de faire partie des discussions,
eu égard à notre expérience, pour aider toutes les parties prenantes dans ce
projet de loi là.
Un petit mot sur l'offre d'arbitrage. Donc,
c'est hyperintéressant. C'est une idée porteuse. Juste un aparté : ça va
être important de bien renseigner le citoyen là-dessus. Le citoyen, quand il
vient dans nos bureaux, là... ce qu'ils nous disent constamment, là : Je
vais le dire au juge, je vais être entendu. Donc, ça va être important de bien
informer c'est quoi, l'arbitrage, c'est quoi, les conséquences, qu'est-ce qui
en est. Donc, ça, ça va être important.
Donc, je vais laisser ma consoeur
terminer.
Le Président (M.
Bachand) :En terminant, oui, rapidement,
s'il vous plaît.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Oui,
rapidement. Juste un petit mot, là, sur le jugement vu sur dossiers en bas de
3 000 $. On comprend, là, que c'est du consentement des parties,
mais, attention, il y a peut-être des gens qui vont cocher oui puis finalement
ne pas comprendre. Donc, ça, c'est vraiment à bien... Il faut réaliser ça parce
que ça peut avoir un impact, là, dans la confiance du citoyen, là, envers la
justice. On craint, là, qu'il peut y avoir un déséquilibre, là, parce que la
majorité des dossiers qui sont complets aux petites créances, bien, c'est
des... ils sont déjà accompagnés par des avocats. Donc, voilà, il faut faire
attention.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Le temps
va très... On va débuter la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, Me
Néron, Me Fafard-Marconi, bonjour. Merci beaucoup d'être en commission
parlementaire aujourd'hui puis de venir témoigner sur le projet de loi n° 8.
D'entrée de jeu, je tiens à vous rassurer
relativement à la médiation pour des dossiers qui seraient incompatibles, ils
ne seront pas référés automatiquement à la médiation. Exemple, des dossiers de
violence conjugale, bien entendu, on va exclure ce genre de situation là par
voie réglementaire. Dans le cadre de la loi, on a la disposition générale,
mais, par voie réglementaire, on va venir enlever certains dossiers qui ne seraient
pas compatibles avec cette obligation de médiation là.
Vous avez dit, dans votre propos : La
médiation contribue au changement de culture dans le système de justice. Qu'est-ce
que vous voulez dire par là?
Mme Néron (Sara) : Bien, en
fait, nous, on l'a vu sur le terrain, là. En fait, quand on approche les gens
puis qu'on leur parle de médiation, de un, c'est un peu méconnu. Il y a des
gens qui ne le savent pas. Des fois, ils cochent oui à la médiation puis ils ne
savent même pas c'est quoi, ce processus-là. Donc, on se rend compte qu'une
fois qu'ils connaissent ça ils reviennent, donc, parce qu'on a deux services :
on a le service de la médiation petites créances, on a le service aussi en info-séparation.
Donc, les gens, ils reviennent, ils veulent être informés sur leurs droits
quand ils se séparent, mais ils vont penser à la médiation.
Donc, c'est ça, le changement de culture.
C'est-à-dire que, quand il va y avoir un problème, bien, on va penser : Ah!
on peut régler autrement. On n'est pas obligés de recourir aux tribunaux parce
que je peux régler ça autrement. Donc, c'est ça. C'est ça, le changement de
culture, bien, en tout cas, pour moi.
M. Jolin-Barrette : Puis,
lorsque les justiciables, là, vont en médiation... Parce que je sais que vous
recevez des milliers de personnes. D'ailleurs, Me Fafard, j'ai eu le
plaisir d'aller vous voir puis je vais avoir une sous-question. Bien, en fait,
je souhaiterais que vous en informiez la commission, comment ça se passe dans
le quotidien. Mais, lorsque les gens participent à la solution en médiation,
est-ce que vous voyez un taux de satisfaction plus élevé de la part des gens
versus si les gens reçoivent un jugement, ils ont été à la cour, puis après ça
ils viennent vous voir? Votre expérience terrain, là, c'est quoi par rapport à
la médiation?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien,
en fait, ce que je peux dire par rapport au <citoyen...
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) :
...par rapport au >citoyen, là, le citoyen qui a un problème
juridique, qui a un conflit, là, lui, sa préoccupation, c'est d'être entendu.
Oui, c'est son «day in court», mais ce qu'il veut, c'est qu'on règle son
problème puis qu'il est entendu. En médiation, ça permet beaucoup plus une
souplesse, donc c'est beaucoup plus approprié pour la personne.
Mais c'est sûr qu'il faut changer la
perception, parce que les gens sont quand même convaincus que c'est le juge qui
va régler et non la médiation. Mais, après avoir fait confiance au processus,
avoir passé à travers, avoir eu le sentiment d'être entendus, bien là ils sont
beaucoup plus satisfaits, puis c'est beaucoup moins traumatisant que d'arriver
en cour, de ne rien comprendre, de voir que c'est beaucoup trop protocolaire
pour lui puis de recevoir un jugement qu'il ne comprend pas, qu'il n'est pas
capable de lire, etc. Il y a des gens qui viennent dans nos bureaux avec des
jugements qui sont en leur faveur, mais, parce qu'il y a quelque chose qui...
tu sais, qu'ils ne comprennent pas, bien là ils ne sont pas satisfaits. Tandis
qu'en médiation on a une entente qui a été... que le citoyen a participé
activement, là, à la résolution.
M. Jolin-Barrette : C'est un
peu un des objectifs pourquoi on dit, dans la procédure simplifiée à la Cour du
Québec, d'aller davantage vers un mode alternatif de règlement, et, par la
suite, ils seront fixés par préférence pour le dossier, mais, dans un premier
temps, ils auront eu la médiation.
J'aimerais ça qu'on revienne sur la
conférence de règlement à l'amiable. Tout à l'heure, vous avez dit, bon :
C'est important de bien aviser, j'ai pris note, là, sur le site du ministère de
la Justice, mais pensez-vous que le fait d'imposer une conférence de règlement
à l'amiable, ça va permettre de régler davantage de dossiers avant le procès?
Comme... C'est quoi, la plus-value d'une conférence de règlement à l'amiable?
Mme Néron (Sara) : Bien, je
pense que ça va permettre au citoyen d'être entendu, hein, devant le juge, mais
dans un cadre où est-ce qu'on peut régler. Donc, il va participer, en plus, à
la solution. Ça fait que la CRA automatique, c'est vraiment hyperintéressant.
Peut-être juste au niveau des non-représentés, donc, peut-être important de
penser à ce qu'ils soient accompagnés pour que le processus, là, se fasse
davantage, là. Les CJP, c'est une option.
M. Jolin-Barrette : Là,
actuellement, dans les Centres de justice de proximité, vous donnez de
l'information juridique. On a adopté une loi ici l'an passé qui va permettre
aux OBNL de donner des conseils, des avis juridiques. Pouvez-vous nous décrire
sommairement, là, votre réalité, comment ça se passe puis comment sont
organisés vos services pour les justiciables?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Mon
Dieu! Quelle grande question! On pourrait en parler pendant...
M. Jolin-Barrette : Rapidement,
parce qu'on a plein d'autres questions.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien
oui. En fait, on est des cliniques d'information juridique sans rendez-vous.
Les gens peuvent se présenter dans nos locaux. Il y a des points de service,
là, partout au Québec. Et sinon, au téléphone, donc les gens peuvent nous
appeler, puis on peut les... on peut leur faire un retour d'appel.
Et on est des généralistes. Donc, à
l'heure actuelle, l'information juridique est pas mal dans tous les domaines.
C'est sûr qu'il y a certaines exceptions parce qu'on reste des généralistes,
mais, par exemple, quelqu'un qui a un problème de trouble de voisinage ou avec
son propriétaire, etc., il peut venir, puis l'avocat ou le notaire va prendre
le temps de l'écouter, de répondre à ses questions, de regarder c'est quoi, ses
besoins. Nous, on a le temps, en fait, c'est vraiment ça, la plus-value, on a
le temps de l'écouter puis d'amoindrir, là, son... en fait, de participer à une
expérience plus agréable, là, pour le justiciable. Donc, je ne sais pas si ça
répond, là, à votre question.
M. Jolin-Barrette : Oui. Puis
vous avez du sans rendez-vous?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Oui,
on a du sans rendez-vous, M. le ministre, oui.
M. Jolin-Barrette : Je
voulais vous poser peut-être une dernière question avant de céder la parole à
mes collègues. Sur le citoyen, là, que vous voyez, là, la longueur des délais
judiciaires, là, quel est l'impact sur eux par rapport à la confiance mais
aussi par rapport à comment ils se sentent par rapport au système de justice ou
par rapport aux problèmes qui les taraudent, là? C'est quoi que vous voyez,
pratico-pratique, quand les gens, ils viennent, par rapport à la question des
délais?
Mme Néron (Sara) : Bien, le
stress. Les citoyens sont stressés face à cette situation-là. Puis là ils
voient encore que leur problème ne sera pas réglé rapidement. Donc, ça crée du
stress, ça crée des angoisses, et on doit, à ce moment-là, les rassurer puis
dire que ça s'en vient et qu'il y a peut-être les PRD, donc qu'il faut penser à
ça puis s'en aller, peut-être, en médiation parce que ça va être plus rapide.
Donc, c'est déjà quelque chose qu'on fait. On essaie de trouver des moyens pour
tenter de régler la situation.
Je vais prendre un exemple concret. L'autre
fois, on avait une madame qui s'est présentée, elle avait un problème avec son
déneigeur. Le problème, il va se répéter l'année prochaine. Il se répète
actuellement, là. Ce n'est pas réglé, cette situation-là. Il faut que ça soit
réglé, il faut que ça soit déneigé. Tu sais, c'est un exemple aussi concret que
ça, là. Donc, ça a des incidences directes sur leur vie. C'est ça.
• (12 h 50) •
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : C'est
un sentiment de découragement qui se rajoute à tout le reste dans leur vie.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Oui. Merci
beaucoup pour votre présence. Je vous cite. Vous dites : Moins il y a de
démarches et mieux c'est, dans le fond, pour les usagers. Donc, j'aimerais ça,
que vous nous expliquiez comment les procédures simplifiées qui ont été
proposées dans le projet de loi seront bénéfiques pour les citoyens, puis
j'insiste sur ceux qui se représentent seuls, notamment.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien,
ça diminue le nombre de présences en cour, ça diminue le protocolaire. C'est
sûr que ça va être plus efficient. C'est... Je veux dire, tout ça ensemble, là,
c'est sûr que c'est positif, là, sur le citoyen, mais il ne faut pas <oublier...
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) :
...tout ça ensemble, là, c'est sûr que c'est positif, là, sur le
citoyen, mais il ne faut pas >oublier, par contre, qu'il faut bien
accompagner. Parce que, même si on diminue le nombre de procédures, il reste
que ça reste compliqué, là, à comprendre. Il y a quand même un Code de
procédure civile. Mais je ne sais pas si...
Mme Néron (Sara) : Non. Je
pense que tu as bien répondu. Effectivement, oui.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. D'autres questions? M.
le député de Saint-Jean?
Une voix : ...
Le Président (M.
Bachand) :Excusez. M. le député de... Excusez...
Une voix : ...
Le Président (M.
Bachand) :Exactement. Alors, vas-y,
Mario. Excuse-moi. C'est plus facile comme ça. Désolé. On est en début de
mandat.
M. Asselin : Merci, M. le
Président. Me Néron, Me Fafard-Marconi, merci pour votre
présentation.
Vous vous êtes présentées comme étant les
spécialistes, je mets ça entre guillemets, de la justice participative. Est-ce
que le projet de loi n° 8, vous considérez que c'est
une avancée? Puis en quoi est-ce que ça pourrait être une avancée pour la
justice participative?
Mme Néron (Sara) : Bien, moi,
je vois une avancée, clairement, parce qu'on voit les PRD qui s'intègrent
partout dans le processus judiciaire. Donc, pour moi, c'est...
M. Asselin : Les PRD?
Mme Néron (Sara) : Oui, les
PRD, les préventions de... règlements des différends...
M. Asselin : Excusez-moi, je
ne viens pas du domaine, donc...
Mme Néron (Sara) : Donc, les
PRD, en fait, c'est toute façon pour essayer de régler le dossier autrement. On
va le résumer comme ça. Donc, on parle de la médiation, on peut parler de la
négociation assistée, des rencontres entre les avocats, les non-représentés
pour tenter de trouver une solution, donc de régler ça autrement que d'attendre
et de se faire entendre devant le juge, là. Donc, la CRA fait partie d'un
règlement de différends, là.
M. Asselin : Les CJP, c'est
nouveau ou c'est un organisme qui existe depuis longtemps?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Ça
fait 10 ans, en fait, là, à peu près, un peu plus que 10 ans, que le
projet-pilote, à l'époque, a été mis en place. Il y avait trois centres de
justice à l'époque, et maintenant on est rendus 11. Dans les dernières années,
il y en a plusieurs, là, dont ma collègue, là, qui est la toute dernière, là,
qui est arrivée dans le paysage, donc ça fait environ 10 ans. Donc, on est
jeunes quand même, mais on est bien ancrés, là, dans la... dans la communauté.
M. Asselin : Parfait. Merci
beaucoup.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée d'Anjou—Louis-Riel?
M. Lemieux : ...désolé, je ne
suis pas assez près pour être capable de parler sans vous déranger. Merci
beaucoup, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :OK. Juste à m'envoyer la main
comme ça, là, puis c'est bien, comme une parade.
M. Lemieux : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Bonjour, madame.
D'abord, ça m'a frappé quand vous avez dit : Je veux le dire au juge.
C'est important, ça. Et ça me fait penser que, dans le fond, le processus, dans
la tête de ceux qui ne se seront jamais rendus là, est tellement mystérieux que
tout ce qui compte pour eux autres, c'est d'être entendus, même pas de gagner,
à la limite, là. Mais jusqu'à quel point est-ce qu'on ne devrait pas apprendre
de ça pour l'ensemble du processus? Parce que, vous, vos... les gens qui
viennent vous voir, c'est parce que, souvent, en tout cas, ils ne doivent pas
avoir les moyens d'aller voir un avocat, là.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Exactement.
M. Lemieux : Mais ceux qui
peuvent aller voir un avocat, ils auraient peut-être intérêt à subir... pas
subir, mais suivre le même processus que vous.
Mme Néron (Sara) : Oui,
effectivement. En fait, je pourrais ramener ça... Tu sais, le fait d'être
entendu, je pense que le processus de médiation, le processus d'arbitrage
automatique, est quand même intéressant parce qu'il va... le citoyen va être
quand même entendu, donc, par des juristes qui sont compétents — hein,
on s'entend qu'ils vont être formés — mais ça va être de bien les
accueillir, de bien pouvoir les entendre. Donc, ça, je pense que c'est
hyperimportant.
Mais je suis d'accord, là, effectivement,
actuellement, les centres de justice, on représente les citoyens. On ne
représente pas d'entreprises, on représente les gens qui ont moins les moyens,
effectivement, on ne va pas se le dire. Par contre, c'est quand même des
services, là, qui sont ouverts, là, pas juste aux bien moins nantis, donc on a
quand même des gens de la classe moyenne, là, qui viennent nous voir. Donc,
c'est une possibilité aussi. Donc, je ne sais pas si ça répond à votre
question.
M. Lemieux : Oui, oui, mais
j'explorais parce que c'est le principe derrière tout ça ou, en tout cas, le
processus derrière tout ça qui vient satisfaire ce besoin des gens de vouloir
le dire au juge, qui est, dans le fond, un peu utopique, à la limite. Ce n'est
pas ça, leur vrai besoin, mais c'est ce qu'ils ressentent. C'est ça?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Puis
c'est pour ça que les organismes comme le nôtre prend tout son sens, parce que
nous, on est là pour aider la personne à faire... tu sais, à prioriser ses
besoins. Souvent, il voit juste le problème juridique puis il pense que c'est
ça, la réponse, alors que... Mais ils ont besoin de quelqu'un pour les aider à
faire le ménage là-dedans puis les inciter. Puis la médiation automatique est
obligatoire... en tout cas, obligatoire, là elle va aider les entreprises ou
ceux qui sont plus réfractaires à rentrer dans le... dans le système de
médiation.
M. Lemieux : Les petites
créances, même si on a l'impression que c'est pour M. et Mme Tout-le-Monde, ça
reste... puis vous avez dit tantôt : On va au greffe, puis bon, mais ça
reste un processus, si on n'est pas accompagnés, si on fait tout ça seul en
parlant au beau-frère qui est déjà allé il y a 10 ans, là, c'est souvent
comme ça que ça se passe, ça reste... pas un traquenard, mais ça reste
difficile et pas nécessairement un gage de succès si on ne sait pas ce qu'on
fait, là.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Tout
à fait.
Mme Néron (Sara) : Ah non! Ça
prend de la préparation. Puis ça, c'est quelque chose qu'on <remarque...
Mme Néron (Sara) : ...c'est
quelque chose qu'on >remarque, hein?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien
oui. Puis nous, on voudrait même soumettre que les organismes comme le nôtre
devraient être encore plus en amont, ou, pour réellement réduire les délais,
bien, il faudrait donner un avis juridique en amont avant, avant même qu'ils
déposent. C'est là que les gens en ont besoin, effectivement.
M. Lemieux : Et l'idée de
devoir discuter avec quelqu'un d'autre qu'un juge avant et donc d'aller en
médiation ou en arbitrage, je le comprends quand vous le dites, mais j'aimerais
l'entendre encore, jusqu'à quel point c'est magique, parce qu'il y a de la
magie là-dedans, là, si j'ai bien compris, là.
Mme Néron (Sara) : ...il y a
de la magie. Je vais essayer de faire un parallèle terrain que j'ai constaté,
que je trouve intéressant. Les gens, quand qu'ils venaient nous rencontrer pour
parler de médiation, pour les préparer, souvent, ils étaient même déçus qu'on
ne soit pas le médiateur nommé parce qu'ils avaient... Il y a un lien de
confiance qui se créait. Puis là, à ce moment-là, tu sais, ils disaient :
Bon, bien, ce n'est pas si pire que ça, là, puis on a conté notre histoire,
vous le savez. Puis ils avaient l'impression, justement, d'avoir été écoutés,
entendus puis d'avoir des solutions. Ça fait que, c'est... oui, c'est
intéressant.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : C'est
souvent ça, le commentaire qu'on entend, c'est qu'on n'est pas entendus. Puis
on est souvent la seule... le visage humain, là, du système, là.
M. Lemieux : Et je regarde du
côté de la banquette, au cas où quelqu'un d'autre voulait poser une question,
il reste à peine deux minutes. Sur le reste du PL n° 8,
je suis curieux de voir... Parce qu'on comprend votre intérêt pour le bout du PL
n° 8 qui vous intéresse, là, mais, puisque vous nagez
là-dedans, vous en pensez quoi, du reste du PL n° 8?
Mme Néron (Sara) : On parle
des notaires qui peuvent devenir juges. Bien, en fait, on est un organisme
qui... on a des notaires, là, on a quatre notaires actuellement, là, qui
oeuvreront puis on espère en recruter davantage, là, pour les prochaines
années. Donc, nous, on croit dans le processus, hein? Le processus de la
nomination des juges, il y a quand même un comité, hein, qui regarde ça. Il y a
des gens qui sont nommés pour nommer des juges, donc il faut faire confiance en
ces gens-là, en ce processus-là. On croit que s'il y a des candidats notaires
qui sont intéressants, qui peuvent passer une entrevue, pourquoi pas?
Je pense que les notaires, effectivement,
en tout cas, nos notaires, par exemple, qui oeuvrent au sein du centre de
justice, ce sont des notaires qui donnent... qui font la même job que les
avocats. Donc, ils donnent... ils donnent de l'information. Donc, c'est quelque
chose... À ce moment-là, je vous le dis, on fait confiance au processus. S'il y
a un notaire intéressant qui... qui se présente puis que le comité juge qu'il
devrait être nommé juge, pourquoi pas?
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Il reste une
minute pour la question et la réponse. Mme la députée de Vimont, s'il vous
plaît.
Mme Schmaltz : Oui, merci.
Bonjour. Excusez mon ignorance, là, dès le début, mais, petite question
pratico-pratique, lorsque vous accueillez un citoyen, est-ce qu'il y a un
nombre maximal de visites ou d'appels téléphoniques, ou vous pouvez
l'accompagner sur une très longue période? Et jusqu'où va aller
l'accompagnement?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien,
à l'heure actuelle, notre mission, elle est... nos services, c'est de
l'information juridique, donc tout ce qui est chance de succès ou préparation
vraiment à l'interrogatoire, ça, on ne peut pas faire ça, ça rentre dans le
domaine de l'avis juridique. Toutefois, avec la loi n° 26,
bien là on va pouvoir explorer, élargir, là, nos services.
À l'heure actuelle, on n'a pas de limites
comme telles. C'est sûr que quand la personne revient... tu sais, on peut
mettre nos propres limites, là, comme services, là, on s'entend, là, quand il y
a des personnes qui sont plus quérulentes, etc., mais il n'y a pas... ce n'est
pas... il n'y a pas de limite. Ce n'est pas un «one-shot deal». Donc, la
personne, par exemple, qui est non représentée, souvent, bien, on va l'inviter
à revenir au moment clé. Donc là, on va l'aider à voir sa ligne du temps, ils
vont pouvoir revenir à des moments clés comme ça. Donc, ce n'est pas un «une
fois», il ressort, pas du tout.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
• (13 heures) •
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Bonjour, Me Néron, Me Fafard-Marconi. Bien heureux de
vous entendre. Merci d'être là et de partager votre expérience avec nous.
On a parlé beaucoup de médiation,
médiation obligatoire, etc. Est-ce que ça se peut, de la médiation obligatoire,
ou s'il ne faut pas le consentement, finalement, des parties pour avoir un
résultat qui va être optimal? Si je vous écoutais, puis que vous dites qu'il y
a des fois des citoyens qui disent : Bien, moi, je voudrais aller
m'expliquer, là, devant le juge, puis il ou elle va me régler ça une fois pour
toutes, alors comment vous voyez ça? Puis, s'il y a des gens qui sont
réfractaires ou qui ne veulent pas y aller, comment vous allez être capables de
les amener, finalement, à faire une séance de médiation qui va être profitable?
Mme Néron (Sara) : Tout à
fait. Oui, c'est des très belles questions. Étant moi-même médiatrice, c'est
sûr que c'était une préoccupation au projet de loi. Par contre, l'expérience
terrain qu'on vit, ce qu'on voit, c'est que les gens, quand ils cognaient... en
fait, quand on les invitait en prémédiation, ils étaient déçus de voir que ce
n'était pas la médiation, alors qu'ils avaient coché qu'ils n'étaient pas
intéressés à la médiation. Ça fait que, ça, je trouve ça hyperintéressant, que
finalement ils étaient prêts, ils auraient été prêts. Donc là, on le <préparait...
>
13 h (version révisée)
< Mme Néron (Sara) :...Donc
là, on le >préparait, puis, après ça, il s'en allait en médiation. Donc,
moi, ça me fait penser... ça me fait dire que ce n'est pas fou d'y aller avec
la médiation obligatoire. Au contraire, je pense que ça va permettre au citoyen
de rentrer directement dans le processus. Et là je fais confiance aux
professionnels. Donc, les professionnels, les médiateurs vont être capables de
mettre en confiance les gens, de les préparer et d'arriver à faire la
médiation, là.
Donc, moi, c'est comme ça... Je pense que
la formation... Tu sais, je parlais d'accompagnement tantôt, de... l'encadrement
des médiateurs va être important... puis on en a déjà des très bonnes qui sont
offertes. Je pense qu'il faut explorer davantage, là, peut-être, cette
avenue-là, puis je pense que les médiateurs vont être capables de trouver, là,
leur solution, là, face à une situation comme ça, où est-ce qu'on va avoir des
gens un peu plus réfractaires. Déjà, je vous dirais qu'avec le programme de
prémédiation les médiateurs l'ont vue, la différence. Avant, les médiations qui
étaient assignées, c'étaient des gens qui étaient prêts à aller en médiation,
ils disaient oui à la médiation. Par notre programme, on a envoyé des gens qui
n'étaient pas d'accord à aller en médiation, donc, déjà, c'était plus
difficile, les médiations qu'on leur envoyait. Donc, il y a cet aspect-là que je
pense qu'il ne faut pas perdre de vue.
M. Morin : Non, puis,
effectivement... puis il y a une différence entre, bien sûr, une séance d'information
sur ce que va être le processus, et la médiation, et la séance de médiation
comme telle. Alors, comment est-ce que vous êtes formés? Quand il y a des gens
qui ne veulent carrément pas aller en médiation, est-ce que vous allez devoir
adapter votre formation à cette nouvelle réalité?
Mme Néron (Sara) : Oui.
M. Morin : Et, compte tenu
des objectifs du projet de loi, forcément, il va y avoir beaucoup plus de gens
qui vont se présenter, à tout le moins, à une séance d'information ou, après,
en médiation. Est-ce que vous êtes équipés pour ça? Est-ce que vous avez
suffisamment de ressources pour faire face à cette demande qui, forcément, va
vous arriver éventuellement?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien,
ça faisait partie de nos préoccupations, là, qui... Pour nous, en fait, là, si on
se fait le porte-parole, là, du citoyen, il faut absolument qu'il y ait une
offre qui est accessible, là, dans le communautaire, pour les personnes qui ne
sont pas en moyen de... Donc, il faut développer... il faut absolument le
développer. Je pense qu'il y a beaucoup de professionnels qui sont intéressés,
des organismes comme les CJP, mais il faut absolument le développer. Il va
falloir y penser, là, effectivement, parce qu'à l'heure actuelle les médiateurs
sont... Il y a beaucoup de médiateurs, mais ils sont... Il manque, là,
peut-être, un peu d'encadrement, d'organisation, là, pour vraiment valoriser
cette profession-là qui est... la profession de devenir médiateur aux petites
créances ou médiateur tout court soit valorisée. Donc, ça, il y a un travail à
faire. C'est notre préoccupation, là, pour le porte-parole du citoyen.
M. Morin : Bien, écoutez, je
suis heureux d'entendre votre préoccupation. Je la partage, parce qu'évidemment,
bon, le gouvernement veut qu'on adopte ça rapidement, là. Donc, à un moment
donné, ça va se déplacer chez vous aussi très rapidement et, évidemment, quand
on parlait de la confiance du citoyen envers le système de justice, si vous n'êtes
pas équipés ou si vous avez des problèmes de financement, en fait, on va juste
déplacer le problème. Ça fait que j'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Avez-vous des problèmes de financement, est-ce que vos... à ce niveau-là ou
tout va bien, puis vous avez trop d'argent?
Mme Néron (Sara) : On veut
toujours avoir plus de financement pour pouvoir davantage développer nos
services puis bien servir les citoyens. Sans aucun doute, pour répondre à toute
la demande, on aimerait ça... Le monde des licornes, c'est de pouvoir aider
tous les gens du Québec, là, les citoyens qui se représentent seuls, mais ce n'est
pas la... ce n'est pas réaliste, là. Donc, je vous dirais, pour répondre à
cette question-là, oui, il va falloir peut-être développer et avoir, tu sais...
mais on est déjà bien équipés. On va dire ça comme ça. On a déjà du financement
qui provient... puis ce qui est intéressant dans le projet de loi, c'est déjà
prévu, hein? Donc, c'est-à-dire qu'on y va par région, par district. Donc, ça,
c'est vraiment... Je salue, là, cette initiative-là parce qu'on va y aller
tranquillement, mais sûrement. Donc, c'est comme ça que je le vois.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. M. le Président, il me reste combien de temps?
Le Président (M. Bachand) :
4 min 40 s.
M. Morin : Quatre minutes?
Parfait. Merci beaucoup. J'aimerais... J'ai une question pour vous, mais qui
fait référence plus directement aux dispositions du projet de loi. Évidemment,
on veut une procédure qui est simplifiée, et, quand on regarde les
modifications, notamment à l'article 3 et même 7, plutôt 7, l'article 7
du projet de loi, qui va modifier les articles 535.1 et suivants du Code
de procédure civile, on dit que, bon, évidemment, le demandeur va déposer son
avis. Après ça, il peut encore, dans les 30 jours, à 535.4, de la
signification de l'avis, donc après, continuer de compléter sa demande,
communiquer au défendeur des pièces. Puis, après, à 535.6, on dit : «Le
défendeur doit, dans les 85 jours de la signification de l'avis d'assignation,
déposer au greffe un exposé sommaire des éléments...»
Donc, théoriquement, si ma compréhension
est bonne, un demandeur pourrait laisser <courir...
19 253
M. Morin :
...est bonne, un demandeur pourrait laisser >courir 30 jours
et déposer d'autres documents. Évidemment, le demandeur, lui, il sait très bien
ce qu'il fait avec sa demande, sa poursuite. Le défendeur, lui, il attend.
Donc, à moins que je fasse erreur, au fond, ce ne serait pas 85 jours que
le défendeur pourrait avoir, mais 85 moins 30, donc 55. Est-ce que
vous pensez que c'est suffisant, avec les cas que vous voyez, pour qu'un
défendeur puisse produire un document qui a du bon sens pour se défendre
adéquatement?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) :
Bien, c'est sûr que, quand c'est plus long, des fois, ça prend... c'est à
l'avantage de la personne non représentée parce qu'il peut prendre plus son
temps pour comprendre, puis, souvent, bien, il arrive à la dernière minute dans
nos bureaux. Il est comme minuit moins une, souvent, quand il vient au bureau.
Toutefois, je pense que c'est une bonne idée pour l'efficience du système, pour
les avocats qui ont tendance à faire... à multiplier les procédures pour,
bon... Donc, moi, je pense qu'il y a les deux, là. Il faudrait juste, en fait,
qu'il y ait de l'accompagnement pour ces personnes-là dès la première minute,
dès le premier instant, parce que, quand ils sont laissés tout seuls, ils
arrivent toujours à la dernière minute, ça les... donc, puis que ça soit plus
long ou plus court, je veux dire, à l'heure actuelle, ça ne change pas
grand-chose. Quand c'est plus long, bien, ça les aide, eux, à apprendre à faire
leurs devoirs, mais, si c'est plus court, c'est bon pour l'efficience du
système, pour donner un message clair aux avocats d'être plus rapides, et, pour
les personnes non représentées, bien, il faut juste avoir les services qui
viennent avec ces... pour ces parties-là.
19 253
M. Morin :
Parfait. Je vous remercie. J'aimerais ça aussi vous entendre en lien avec
l'article 14 du projet de loi, qui va modifier l'article 561.1, qui
dit : «À tout moment d'une instance portant sur le recouvrement d'une
créance d'au plus 3 000 $, le tribunal peut, du consentement des
parties, rendre jugement sur le vu du dossier.» On parle du consentement des
parties, puis imaginons... J'imagine, des fois, ça doit être des litiges avec
des consommateurs qui se sont fait... qui se sont fait flouer, tu sais, on
parle beaucoup d'obsolescence avec plusieurs appareils, etc. Est-ce qu'on veut
vraiment, d'après vous, le consentement des parties ou si ça devrait être de
l'avis d'une seule des parties? Tu sais, on pense, par exemple, au consommateur
qui, lui, se sent floué, la compagnie ne veut pas régler, etc. On le laisse
comme ça ou on devrait le modifier puis enlever le consentement des deux
parties, d'après vous?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) :
Bien, je n'ai pas réfléchi à cette option-là. Nous...
Mme Néron (Sara) : Bien,
moi... bien, en tout cas, «du consentement des parties», je pense qu'on doit le
laisser comme ça parce que, pour la préparation... parce que vous faites
référence à des entreprises, mais, des fois, c'est quand même des... on peut
penser à des petites entreprises. Donc, ça veut dire que leurs dossiers ne seront
pas nécessairement préparés pour que ça soit ordonné à la vue du dossier. Donc,
tu sais, on le voit, là, nous, avec la prémédiation, aux petites créances, on
voyait des dossiers, là, vraiment incomplets, puis on le savait, là, quand ils
avaient été voir un avocat, puis on le savait, ceux qui n'en avaient pas. Donc,
c'est important, là, ça fait que c'est pour ça qu'à la vue du dossier il y a un
danger, donc, c'est de donner un jugement qui ne serait pas... qui serait fait
sur quelque chose qui n'est pas complété. Donc, ça prend, à mon avis, le
consentement des parties.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) :
...s'assurer du consentement éclairé parce qu'à l'heure actuelle je ne
pense pas que les citoyens comprendraient l'impact de cette mesure-là, puis,
après ça, bien, ils sont pris avec un jugement qui n'est pas en appel. Donc,
c'est sûr que c'est une préoccupation, oui.
19 253
M. Morin :
Parfait. Merci, M. le Président.
17 859
Le Président (M. Bachand) :Merci
beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, merci.
17 889
Mme Labrie :
Merci, M. le Président. On a peu de temps ensemble. Je vais avoir deux
questions. Je vais les poser tout de suite, puis, après ça, vous pourrez
peut-être prendre le temps pour répondre.
La première, c'est... On a discuté, tout à
l'heure, d'exclure certaines choses qui sont incompatibles à la médiation. On a
nommé la violence conjugale. Vous avez nommé le harcèlement également.
J'aimerais savoir si vous avez d'autres situations que vous pensez qu'on
devrait exclure de... parce que c'est incompatible avec la médiation.
Ensuite, l'autre question que je veux vous
poser, c'est que, là, on a une opportunité, avec ce projet de loi là, de
discuter d'accès à la justice. Bon, on a discuté des choses qui sont dans le
projet de loi. J'aimerais savoir si vous avez des idées de choses qui n'y sont
pas et qu'on devrait faire pour faciliter l'accès à la justice. Est-ce que les
centres de justice de proximité ont tous les pouvoirs nécessaires? Est-ce qu'il
y a des choses que vous pensez pouvoir faire, mais que, légalement, vous n'en
avez pas la capacité en ce moment, par exemple, puis qu'on devrait penser à intégrer
dans le projet de loi?
• (13 h 10) •
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) :
Encore une fois, c'est une grande question qui pourrait prendre des heures...
En fait, toute initiative pour remettre le citoyen aussi dans le... au cœur du
système, là, est bonne, de simplifier par des formulaires, de penser la
multidisciplinarité. Ça, c'est vraiment quelque chose qu'on veut développer,
qu'on commence à développer, mais je pense qu'il faut davantage le développer.
Là, on pourrait y aller pendant des heures et des heures.
17 889
Mme Labrie :
...législatif.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) :
D'un point de vue législatif...
17 889
Mme Labrie :
Est-ce qu'il y a des choses... des droits que vous aimeriez avoir pour
pouvoir agir sur plus de <situations...
Mme Labrie :
...des
droits que vous aimeriez avoir pour pouvoir agir sur plus de >situations,
par exemple, dans vos centres?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Bien,
vous voulez dire par rapport à nos services. En fait, la loi... bien, la loi n° 26 va, en fait, répondre assez à ces préoccupations-là
de pouvoir agir comme professionnels, comme donner des services juridiques
d'avocats, de notaires, dans le cadre de nos services juridiques, mais ça, ça
va devoir venir avec une enveloppe budgétaire, avec du financement, parce qu'à
l'heure actuelle, encore une fois, on n'a pas les moyens de nos ambitions. On
est... Comme par exemple, à Montréal, on est six avocats pour un territoire de 2,
3 millions de personnes. Donc, c'est sûr qu'on ne pourra pas, du jour au
lendemain, donner des avis juridiques dans tout. Là, je m'adresse à M. le
ministre, qui est bien au courant de nos enjeux à cet aspect-là. Donc, oui, la
loi n° 26 vient répondre à ces préoccupations-là, où
on va pouvoir avoir un impact plus grand dans les dossiers, mais il faut que ça
vienne avec un financement.
Mme Labrie : Donc, l'enjeu,
actuellement, pour vous, ce n'est pas le temps législatif d'élargir ce que vous
pouvez faire, mais bien d'avoir les moyens de le faire, bien entendu?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Oui.
Mme Labrie : Il y a un budget
qui s'en vient, j'imagine.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Oui,
on l'attend.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui, bonjour.
Merci, maîtres, de votre présence aujourd'hui. Quelques petites questions. Je
ne suis pas familière avec les centres de justice de proximité. Au niveau du
fonctionnement, là, je sais... je connais un peu la bibitte, là, mais je ne
comprends pas nécessairement tout à fait le fonctionnement. Vous accompagnez
les citoyens, mais vous les accompagnez quand ils sont en demande et quand ils
sont en défense aussi?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Nous,
on est neutre. Donc, tous les gens peuvent venir à nos bureaux, même les... On
parle souvent des victimes, de service des victimes, mais on donne aussi des
services aux agresseurs. Donc, on est vraiment, là... Tous les gens peuvent
venir au centre de justice tant s'ils ont une question en prévention que
pendant, qu'après le processus. On est à tous les moments.
Mme Nichols : Parfait. Vous
avez beaucoup parlé que vous les orientez ou vous les amenez vers la médiation.
Quand vous dites que vous les orientez, là, vers la médiation, comment vous
fonctionnez? Puis dans quel délai ça se fait quand vous les orientez?
Mme Néron (Sara) : Bien, ça
dépend des services, là, parce que, dans le fond, les gens qui viennent cogner
directement à notre porte puis qui ont besoin de notre service, on va prendre l'exemple...
là, les gens qui se séparent, par exemple, bien, à ce moment-là, ils viennent...
on les rencontre. Donc là, on va faire l'inventaire de l'information juridique
à donner au niveau de la séparation et on va tout de suite parler de l'option
de la médiation. Donc, on va évaluer ça. On évalue aussi... Dans ces cas-là, on
a... Nos juristes ont été formés au niveau de la... Il y a un protocole de
violence conjugale. Donc, on est capables de détecter, et là c'est là qu'on
fait affaire avec Rebâtir ou encore SOS Violence conjugale.
Mme Nichols : Qui va
l'offrir, le service de médiation? Est-ce que c'est vous qui offrez le service
de médiation?
Mme Néron (Sara) : Pour le
moment, on n'offre pas... pas en ce moment, mais c'est quelque chose... On
pourrait être reconnus, par exemple, par le règlement puis pouvoir offrir ce
genre de service là pour compléter, si jamais il y a un manque.
Mme Nichols : Quand vous les
dirigez vers le service de médiation, ça prend combien de temps avant d'avoir
accès au service de médiation?
Mme Néron (Sara) : Ça dépend
des services. Là, si on parle des services de médiation familiale, les gens
appellent, puis ça peut prendre plusieurs appels, dépendamment des régions,
dépendamment des disponibilités des médiateurs. Si on parle des petites
créances, bien là on assigne, là... c'est toute une procédure qui est comprise
dans les règlements présentement, on assigne, et c'est du cas par cas. Des
fois, on a rapidement le retour des médiateurs. Des fois, ça peut prendre
plusieurs jours avant de trouver un médiateur.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : ...notre
préoccupation, c'est par rapport à la logistique à... En ce moment, il y a des
problèmes pour assigner les bons profils aux bons médiateurs. Donc, ça, il faut
tout le réfléchir, parce que ça peut alourdir le... et donner un sentiment de
ping-pong, là, pour le citoyen.
Mme Néron (Sara) : Oui, puis
c'est important que tous les acteurs soient à la table pour trouver les
meilleures solutions possibles.
Mme Nichols : Est-ce qu'on
doit comprendre qu'il n'y a pas nécessairement assez de médiateurs?
Mme Néron (Sara) : Bien,
pas... Aux petites créances, présentement, je dirais que ce n'est pas
nécessairement ça, le problème, comme je vous disais, c'est de trouver le bon
médiateur avec le dossier. Ils sont là, les médiateurs. Je pense qu'aussi, avec
ce projet de loi, c'est intéressant... les formations qui vont sembler aussi
intéressantes, et valoriser, je pense, cette profession-là, c'est important.
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : Par
exemple, pour un choix de langue, un choix de territoire, virtuel, pas virtuel,
c'est tous des petits éléments, là, qu'on a de besoin, parce que, sinon, on
multiplie... parce qu'on appelle un médiateur qui, lui, n'a pas nécessairement
ce profil-là. Donc, c'est ça qu'on veut dire par...
Mme Nichols : Puis, quand
vous référez au médiateur, c'est parce que vous avez les banques de médiateurs
par région puis par champ de compétence?
Mme Fafard-Marconi (Jennifer) : C'est
une liste qui est gérée par le ministère.
Mme Néron (Sara) : C'est une
liste, dans le fond, qui est au greffe. Oui, c'est ça, les greffes aussi ont
accès à cette liste-là. Ils ont toujours fonctionné avec cette liste-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Me Néron,
Me Fafard-Marconi, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. C'est
très, très, très apprécié.
Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures. Merci. À tantôt.
(Suspension de la séance à 13 h 15)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 02)
Le Président (M. Bachand) :
Bon après-midi à tout le monde. Nous poursuivons les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8,
Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment
en favorisant la médiation et l'arbitrage tout en simplifiant la procédure
civile de la Cour du Québec.
Cet après-midi, nous entendrons les
organismes suivants : Éducaloi, et je m'étais trompé, j'avais dit Éduc'alcool,
mais ça n'a rien à voir avec la Commission des institutions, rien à voir, Me Michel
Beauchamp, Option Consommateurs. Mais d'abord nous accueillons les
représentants de l'Association des jeunes notaires du Québec.
Alors, merci d'être avec nous cet
après-midi. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation au
total. Alors, je vous invite à prendre la parole, d'abord en vous identifiant,
et à débuter votre exposé. Puis, encore une fois, merci d'être avec nous cet
après-midi.
Association des jeunes notaires du Québec (AJNQ)
Mme Labrecque (Jessie) : Tout
d'abord, un gros merci de l'invitation. Ça nous fait très plaisir d'être
présents. Donc, mon nom à moi, c'est Jessie Labrecque. Je suis notaire,
présidente de l'Association des jeunes notaires du Québec. J'ai avec moi deux
membres de mon conseil d'administration, donc, on a Me Marie Pier
Thivierge et Me George Dolhan, là, qui vont m'accompagner.
Donc, tout d'abord, au niveau de l'Association
des jeunes notaires du Québec, nous existons depuis 2017. En fait, il faut
savoir que les jeunes notaires représentent environ 50 %, si ce n'est pas
plus, de la communauté notariale au Québec. Donc, nous sommes très présents.
La mission de l'association, c'est vraiment,
justement, de protéger l'intérêt des jeunes notaires. Donc, nous, les notaires
qui sont membres de l'association doivent avoir 15 ans et moins de
pratique, et on est vraiment, là, diversifiés dans nos champs d'expertise. On a
des notaires qui sont en pratique qu'on appelle traditionnelle, donc qui
travaillent dans des études de notaire, et il y en a beaucoup également qui
sont en pratique non traditionnelle, donc qu'on va retrouver au niveau du
gouvernement, des institutions financières et en entreprise.
Donc, on est vraiment un petit peu
partout. On est très impliqués aussi dans différents comités, dans différents
projets avec la Chambre des notaires du Québec.
Donc, pour la suite, je vais céder la
parole à ma collègue Marie Pier Thivierge, qui va vous parler, dans le
fond, de notre point de vue par rapport au projet de loi n° 8.
Mme Thivierge (Marie Pier) : Merci,
Me Labrecque. Bonjour, chers membres de la Commission des institutions. L'AJNQ
accueille favorablement le projet de loi n° 8, intitulé Loi visant à
améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment en
favorisant la médiation et l'arbitrage en simplifiant la procédure civile à la
Cour du Québec, présenté par le ministre Jolin-Barrette.
Nous remercions le notaire général, et le
ministre de la Justice, et les membres de l'Assemblée nationale pour leur
ouverture d'esprit et leur audace à faire les choses autrement, pour favoriser
l'efficacité et l'accessibilité à la justice à nos concitoyens. Par ce projet
de loi, vous participez concrètement à l'avancement de l'accès à la justice.
Vous empruntez une voie innovante avec ce projet de loi n° 8.
Vous permettez aux notaires, acteurs indispensables de notre système juridique,
de contribuer à la société en mettant à profit leur expertise.
L'AJNQ s'enthousiasme de deux volets qui
interpellent particulièrement nos membres, soit la médiation et l'arbitrage
ainsi que l'accès à la magistrature. Les jeunes notaires représentent 50 %
des notaires du Québec. Sachez que les jeunes notaires répondront présents dès
que ces nouvelles possibilités leur seront offertes. Ils sont enthousiastes à
l'idée de participer activement à la diminution des délais, chose à laquelle la
population sourira, considérant que les notaires jouissent d'une dose de
confiance indéniable de la part de la population.
D'abord, concernant le volet de la
médiation et de l'arbitrage, les notaires comptent parmi les médiateurs
autorisés à agir à la Cour des petites créances. La médiation gratuite
obligatoire et l'arbitrage automatique pour les demandes de 5 000 $
et moins à la Cour des petites créances augmentera le nombre de dossiers que les
notaires, médiateurs et arbitres se verront attribuer, ce qui pourrait leur
permettre de se consacrer davantage à ce champ de pratique. Actuellement, le
nombre de dossiers est insuffisant pour en faire une activité à temps complet,
malgré l'intérêt de nos membres pour ce faire. L'AJNQ voit positivement cette
avenue pour la réduction des délais de la Cour des petites créances.
Le projet de loi prévoit également que les
dossiers déposés en Cour du Québec, qui auront passé par une médiation
préalable, mais qui ne seront pas parvenus à une entente, bénéficieront d'un
traitement accéléré. C'est une démonstration et application concrète de la
place favorable que prend les modes alternatifs de règlement des différends au
Québec. Nous sommes d'avis que le nombre de dossiers devant se rendre devant la
cour <diminuera...
Mme Thivierge (Marie Pier) :
...au
Québec. Nous sommes d'avis que le nombre de dossiers devant se rendre devant la
cour >diminuera. Nous sommes également d'avis que le nombre de jours
d'audition requis par dossier seront réduits puisque des questions auront été
réglées en médiation ou en arbitrage. Vous augmentez directement la qualité des
dossiers présentés à la Cour du Québec puisqu'ils porteront davantage sur des
points de droit qui feront avancer le Québec. Ces dossiers seront à la hauteur
des expertises de nos juges en Cour du Québec.
En ce qui concerne le volet de l'accès à
la magistrature aux notaires, l'AJNQ souhaite souligner en gras que les membres
de l'Assemblée nationale sont innovateurs, et nous vous en remercions. Votre
vision permet au système de justice de se moderniser et de suivre la
population. La société d'aujourd'hui, en 2023, est une société douée
d'expertises variées et d'expériences diversifiées.
Les notaires ajouteront leur expertise
réputée en droit des successions et de la famille et en droit immobilier, mais
aussi les autres domaines où ils excellent. L'expérience multidisciplinaire du
droit quotidienne... au quotidien permet aux notaires de résoudre des problèmes
juridiques complexes dans un monde en évolution.
Je vous rappelle que les notaires sont des
officiers publics, ils ont un devoir d'impartialité, ce qui nous place dans une
situation de devoir peser le pour et le contre dans notre quotidien et de
trancher. D'ailleurs, le Québec bénéficie actuellement de l'expertise de
plusieurs notaires agissant à titre de juges administratifs. Le prochain pas
naturel est de permettre à la population de bénéficier des expertises variées
des notaires pour leurs causes présentées à la Cour du Québec.
En permettant aux notaires de se qualifier
comme candidats à la magistrature, vous augmentez le bassin de candidatures
potentielles pour les postes de juges. Le Québec se dote ainsi d'un bassin
additionnel de candidatures exceptionnelles. Pensons notamment aux professeurs
de droit, aux éminents chercheurs en droit, aux notaires en droit commercial,
aux notaires qui sont conseillers juridiques internes dans les entreprises, les
banques, les ministères, les municipalités, et qui conseillent quotidiennement
des entrepreneurs ou des organisations publiques ou privées de toutes tailles
dans des domaines d'expertise qui les distinguent. Les jeunes notaires sont
motivés par les possibilités que ce volet leur apporte.
Je remets la parole à mon confrère Me Dolhan
pour la clôture de notre allocution.
M. Dolhan (George Andrei) : Merci
beaucoup, Me Thivierge. Bonjour, chers membres... les députés et membres
de la commission. Merci beaucoup pour votre écoute.
Comme mentionné par ma collègue, les
membres de l'AJNQ sont ravis du projet de loi n° 8 et voient tous ces
changements d'un très bon oeil à l'effet que le législateur veut résoudre un
problème actuel, qui est l'accessibilité du public à la justice, et de la
moderniser en même temps.
Que ce soit dans l'amélioration des
services de médiation ou bien dans l'accès à la magistrature, nous sommes convaincus
que les notaires seront au rendez-vous, tel que mentionné par ma collègue. Le
public ne sera pas déçu et sera très ravi et bien servi.
Pour conclure, je vous laisse là-dessus,
nous sommes tous les... que ce soient les avocats ou notaires, les deux, des
juristes. Ne nous limitons pas au mot «avocat» ou «notaire» après notre
signature. N'oublions pas que le plus important, les deux, on a un titre de
«maître» avant notre nom. Rendons la justice meilleure et plus accessible
là-dessus.
Nous vous remercions pour votre écoute et
nous sommes prêts pour répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. Alors, M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Labrecque, Me Thivierge, Me Dolhan, merci de
participer aux auditions de la Commission des institutions sur le projet de loi
n° 8.
Écoutez, d'entrée de jeu, vous avez dit,
bon : Le gouvernement décide d'y aller avec une approche innovante en
matière de justice, de moderniser d'une façon innovante. J'aimerais que vous me
parliez davantage du rôle du notaire en matière de médiation, la pratique qui
est faite.
Tout à l'heure, vous avez dit :
Écoutez, actuellement, la médiation ne... il n'y a pas assez de dossiers en
médiation pour faire en sorte que les notaires, supposons, fassent une pratique
uniquement, exclusivement basée sur la médiation. Mais avec le fait de rendre
la médiation obligatoire, ça pourrait intéresser des médiateurs... des notaires
à devenir médiateurs, notamment dans toutes les régions du Québec. Donc, vous
pensez que le bassin de médiateurs va encore augmenter parce que ça va devenir
une pratique qui va être intéressante dans les quatre coins du Québec.
• (15 h 10) •
Mme Labrecque (Jessie) : Tout
à fait. Tout à fait. En fait, ce qu'on voit actuellement quand même beaucoup
chez nos membres... on connaît tous la médiation familiale. Donc, la médiation
familiale, c'est quand même un créneau qui est exercé, là, par nos membres.
Toutefois, au niveau de la médiation aux petites créances, moi, j'ai certains
confrères, consœurs qui en font. Toutefois, la demande n'est pas très, très
élevée. Donc, le projet de loi va justement permettre d'accentuer la demande,
et donc c'est certain que ça va intéresser nos membres. Donc, on a beaucoup de
nos membres qui font également de la médiation civile. Donc, c'est juste un
champ d'expertise supplémentaire qui va s'ajouter. Et les jeunes notaires sont
très réceptifs à tout ce qui est nouveauté, se spécialiser dans divers
domaines, donc c'est certain que ça va donner un gros coup de main à la justice
<québécoise...
Mme Labrecque (Jessie) :
...domaines,
donc c'est certain que ça va donner un gros coup de main à la justice >québécoise.
M. Jolin-Barrette : OK. Sur
le fait d'inclure, là, la médiation obligatoire, là, vous pensez que ça va
avoir un réel impact sur la question des délais et sur le nombre de causes qui
vont se retrouver devant la cour, selon votre expertise.
Mme Labrecque (Jessie) : Tout
à fait. Tout à fait. On sait que les délais pour aller en petites créances
peuvent prendre de 18 mois à deux ans. Donc, le fait d'aller en
médiation, d'avoir des règlements hors cour, puis que ce soit obligatoire,
c'est certain que ça va désengorger le système judiciaire. Donc, les notaires
ont toujours été neutres de par leur titre d'officier public, donc on est très
présent, on a vraiment une belle capacité pour le règlement, là, des conflits.
Donc, on accompagne bien nos clients, on est là à tous les stades de leur vie.
Donc, c'est sûr que ça va apporter un gros, gros plus, là, pour le règlement
des différends alternatif.
M. Jolin-Barrette : OK.
Parlons du fait, comme vous venez de le dire, que les notaires sont habitués de
régler des différends puis d'agir déjà à titre de médiateur, vous l'avez
souligné tout à l'heure, il y a certains notaires qui sont déjà des juges
administratifs, des décideurs administratifs, il y a déjà des notaires qui sont
arbitres. Que dites-vous à certaines personnes dans la société qui prétendent
que le fait de permettre aux notaires d'accéder à la fonction de juge,
d'accéder à la magistrature, bien, c'est dangereux, il va y avoir un enjeu pour
la protection du public, les notaires ne disposent pas de l'expertise requise
pour être un bon juge à la Cour du Québec ou comme juge à la Cour municipale,
qu'ils ne sont pas habitués de faire de la représentation devant les tribunaux,
que les notaires ne pratiquent pas dans les domaines de droit suffisants, puis
qu'ils sont encarcanés dans... uniquement dans l'immobilier? Qu'est-ce que vous
répondez à tous ces arguments-là qu'on a entendus?
M. Dolhan (George Andrei) : Bien,
si je peux... si je peux prendre la parole là-dessus, bien, vous avez un très
bon exemple devant vous de personnes qui ne sont pas en droit dit traditionnel,
entre guillemets, en droit immobilier ou dans un bureau privé, vous avez Me Jessie
Labrecque, qui est dans le droit dans une institution financière, Me Thivierge,
qui est en droit des successions également dans une institution financière, et
moi qui est du côté municipal, droit des contrats municipaux, je suis même juge
de la paix fonctionnaire.
Alors, le droit notarial n'amène pas juste
à des transactions immobilières, loin de là. Je pense que l'expertise... on ne
demande pas de diminuer l'expertise nécessaire pour devenir juge, au contraire,
on veut qu'on garde les mêmes procédures, mais juste d'augmenter le bassin. Ce
n'est pas le type de notaire ou d'avocat qui va faire en sorte d'avoir
l'expertise, mais bien les années d'expérience derrière la cravate, comme on
dit, et le fait de pratiquer dans des différents domaines, que ce soit
traditionnel, d'un non traditionnel, ça fait en sorte qu'on va avoir une plus
grande expertise dans des domaines plus spécifiques, mais également dans des
domaines plus larges, que ce soit immobilier, municipal, ou autre.
M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce
que vous dites... qu'est-ce que vous répondez sur l'argument, là, les notaires
ne vont pas à la cour ou ils ne plaident pas? Est-ce que ça va faire, de la
part des notaires, des mauvais juges?
Mme Labrecque (Jessie) : Pas
du tout. En fait, dans le cadre de notre profession, en fait, ce que George
mentionnait, c'est qu'on est tous les trois, là, nous, en pratique non
traditionnelle. Par contre, moi, j'ai été 11 ans, quand même, en pratique
privée, et on en fait à tous les jours, du règlement de différends puis de la
négociation avec des parties. On n'est peut-être pas avec le juge à tous les
jours, par contre, on doit... on se doit de négocier et on se doit de parvenir
à des ententes dans le cadre de nos dossiers.
Et il ne faut pas oublier non plus que les
notaires font déjà de la procédure, notamment dans le cadre des procédures non
contentieuses, donc des ouvertures de régime de protection, des homologations
de mandat et, depuis quelques années, des divorces à l'amiable aussi, quelque
chose que je faisais énormément quand j'étais en pratique privée. Oui, on va à
la cour de temps à autre, mais, même quand on est dans notre bureau avec nos
clients, on en fait, de la négociation. Donc, on est bon pour maîtriser le
droit, on est bon pour amener les parties à argumenter. Donc, c'est quelque
chose qu'on maîtrise déjà dans le cadre de nos activités, même si ça ne se fait
pas devant un juge à tous les jours.
M. Jolin-Barrette : OK. Sur
le critère d'officier public, là, des fois, je crois que la cour vous confie le
rôle de liquidateur pour liquider des successions, vous êtes mandaté parfois
par le tribunal, je ne me trompe pas?
Une voix : Oui.
M. Jolin-Barrette : OK. Plus
largement, là, la simplification de la procédure civile à la Cour du Québec, le
fait d'instaurer des conférences de règlement à l'amiable, pensez-vous que ça
va avoir un impact sur les délais mais aussi sur le <règlement...
M. Jolin-Barrette :
...à
l'amiable, pensez-vous que ça va avoir un impact sur les délais mais aussi sur
le >règlement du nombre de dossiers avant d'aller à procès?
Mme Thivierge (Marie Pier) : Oui,
absolument, parce que les parties vont être incitées fortement à régler ou au
moins à essayer la médiation, l'arbitrage. Peut-être qu'ils vont être surpris,
parce qu'ils ne connaissent pas tout le potentiel de ça. Puis, rendus devant la
cour, les dossiers vont être d'une qualité exceptionnelle. Ça va permettre de
faire avancer le Québec. Tout ce qui a pu être réglé va être réglé, puis il va
rester des questions de droit plus litigieuses, plus corsées, qui vont nous
permettre d'avancer tous ensemble, faire avancer notre société.
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous voyez ça véritablement comme un... le fait d'être davantage efficace dans
le système de justice. Quand les jeunes notaires rencontrent des justiciables,
là, dans leurs bureaux, là, qu'est-ce qui est recherché par les justiciables
par rapport à une situation juridique? Ils veulent que leur dossier soit réglé?
Ils veulent être accompagnés? Ils veulent être conseillés? J'imagine que c'est
tous des éléments que les notaires font actuellement.
Mme Thivierge (Marie Pier) : Oui.
C'est difficile de dire que c'est une seule de ces voies-là, parce que ça
dépend des clients, ça dépend des besoins aussi. Les notaires sont dans toutes
les régions, dans presque toutes les municipalités au Québec. C'est des gens de
proximité qui permettent de régler des petits conflits, mais des plus gros
aussi avec la médiation, avec la négociation. Et en étant dans des régions, ils
savent que leurs voisins, tu sais, ils n'ont pas le choix de les aider le mieux
qu'ils peuvent. Ils sont beaucoup dans l'information aussi, informer,
conseiller. Donc, le conseil juridique, c'est... le notaire est conseiller
juridique aussi, on l'oublie parfois, mais ça fait partie aussi d'un de ses
chapeaux qu'il porte, pas seulement le chapeau d'officier public.
M. Jolin-Barrette : Juste
avant de céder la parole à mes collègues, l'Association professionnelle des
notaires nous a dit, dans leur mémoire : Vous devriez mettre deux membres
sur le Conseil de la magistrature. Est-ce que vous partagez également les
recommandations de l'Association professionnelle des notaires relativement au nombre
de membres notaires sur le conseil?
Mme Thivierge (Marie Pier) : Oui,
absolument.
M. Jolin-Barrette : OK. Je
vous remercie grandement d'être venus en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Question du
côté gouvernemental? Mme la députée d'Anjou—Louis-Riel, s'il vous plaît.
Mme Boivin Roy : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci pour la présentation. Le Barreau du Québec propose
qu'il conviendrait de scinder le projet de loi en deux et de reporter, là, dans
un deuxième temps, la question des notaires à la magistrature. Alors, comment
vous réagissez à cette proposition en deux temps?
Mme Labrecque (Jessie) : Je
vais laisser Me Dolhan répondre à la question.
M. Dolhan (George Andrei) : Pourquoi
retarder à une date ultérieure ce qu'on peut faire aujourd'hui? On n'est pas le
premier gouvernement à le faire. Il y en a d'autres, pays où les notaires
peuvent aller à la magistrature pour x raisons. Actuellement, du côté du
Québec, on peut aller, que ce soit du côté des juges administratifs, alors il
n'y aurait pas un avantage de le scinder en deux et de le retarder. Je trouve
qu'on ne servira pas les citoyens et on servira juste les avantages du Barreau.
Mme Thivierge (Marie Pier) : Pourquoi
vouloir repousser la possibilité de pouvoir bénéficier de l'expertise
supplémentaire ou différente, complémentaire des juges actuels? Ce n'est pas au
bénéfice de la société, à mon avis, de repousser l'intégration d'une expertise
complémentaire.
Mme Boivin Roy : Très bien.
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean.
• (15 h 20) •
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. On va en parler, d'expertise, mais d'abord je note à grands
traits votre enthousiasme. Non seulement vous aviez dit, comme l'a noté le
ministre, que c'était innovateur, vous avez aussi dit que c'était moderne.
C'est clair qu'avec les notaires qu'on a
entendus ce matin, d'avoir accès à la magistrature, pour eux, c'était... et je
pense que celui qui nous a dit ça, il dit : Moi, je suis là depuis 36 ans
puis je ne me souviens pas d'un président qui ne l'a pas réclamé depuis que je
suis là. J'ai noté que vous disiez que vous seriez prêts. Est-ce que ça fait
partie... parce que j'ai remarqué aussi que vous aviez un grand nombre de
notaires qui étaient, entre guillemets, jeunes, parmi tous les notaires du
Québec, est-ce que ça fait partie de l'idée, c'est-à-dire, est-ce que vous
n'aviez pas juste envie de ça, mais vous continuiez de croire que ça s'en
venait parce que ça fait partie d'un plan de carrière? Parce que vous allez
être prêts, nous dites-vous, au moment où ça va être possible de passer, après
les 10 ans de profession.
Mme Labrecque (Jessie) : Bien,
en fait, comme je le mentionnais au tout début, en fait, là, ce qu'on a pu
remarquer vraiment dans les dernières années, c'est que, oui, on a un grand
bassin de jeunes notaires, mais également, c'est qu'on est... nos champs
d'expertise sont <extrêmement...
Mme Labrecque (Jessie) :
...également,
c'est qu'on est... nos champs d'expertise sont >extrêmement diversifiés.
Les notaires se spécialisent de plus en plus, travaillent à peu près partout
maintenant dans la société. Avant, on voyait beaucoup les notaires dans les
études de notaire traditionnelles. Maintenant, on est partout dans ce qu'on
appelle le non traditionnel. Donc, la magistrature n'est qu'une continuité de
ce qu'on est capables de faire, des expertises qu'on est capables d'aller
chercher. Les jeunes notaires sont intéressés à ça. Donc, c'est quelque chose
pour un plan de carrière, pour une spécialité, qui intéresse grandement nos
membres. Donc, oui, les jeunes notaires seront au rendez-vous, là, quand le
projet de loi sera adopté, et il y en a beaucoup, là, qui vont être prêts et
intéressés à y accéder.
M. Lemieux : Justement,
l'expertise, vous me le ramenez, et c'est là où je voulais aller, ça n'a rien à
voir, mais ça a tout à voir parce que tout est dans tout, je me souviens, dans
la dernière législature, on a élargi le rôle des coroners pour permettre à
toutes sortes de corps de métier et de professions de devenir coroner, et pas
seulement le bon vieux docteur de l'époque, parce que, justement, on avait
besoin d'architectes, d'ingénieurs, de ci, de ça. Depuis ce matin que j'entends
parler de l'expertise, c'est... Je comprends que vous, vous vous comprenez,
quand vous nous dites que vous avez l'expertise, mais M. et
Mme Tout-le-monde, à la maison, qui vont juste régler des affaires, comme
on disait tantôt, d'immobilier, dans vos cabinets, une fois de temps en temps,
des fois juste deux ou trois fois dans une vie, qu'est-ce que vous avez comme
expertise qu'on n'a pas déjà pour les tribunaux?
Mme Labrecque (Jessie) : En
fait, les notaires, on accompagne les gens vraiment à toutes les étapes de leur
vie. Donc, comme vous le dites, oui, il y a certains clients qu'on va voir...
qui vont aller chez le notaire deux à trois fois dans une vie. Par contre,
notre rôle ne se limite pas au droit immobilier. Souvent, le droit immobilier,
un jeune couple qui va faire l'achat d'une première maison, on va être là pour
leur parler de, bon : Est-ce que vous avez vos testaments-mandats? Donc, le
droit de la personne, les gens mariés : Est-ce que vous avez un contrat de
mariage? On va même faire, dans certains cas, de la planification financière
fiscale avec les clients. Donc, on a Marie Pier, là, qui est ma consœur
ici, là, qui est justement fiscaliste. Donc, on a aussi une très grande
responsabilité professionnelle. Donc, on se doit d'informer nos clients, de
leur parler de tous les impacts possibles de chaque geste qu'ils vont poser,
que ce soit au niveau de l'acquisition, que ce soit au niveau de leur
testament-mandat, en cas de mariage. On a une responsabilité vis-à-vis la
fiscalité, même si on n'est pas fiscaliste, donc, au niveau du droit des
affaires également. Donc, on les accompagne dans toutes sortes d'étapes de leur
vie. Donc... Et, quand je dis qu'on est très diversifiés, c'est qu'on est
présent à peu près partout. Donc, la majorité des gens qu'on va rencontrer, on
développe vraiment un lien personnel avec eux puis on va les accompagner pour
chaque grande étape de leur vie.
M. Lemieux : D'accord,
je comprends que vous avez beaucoup à offrir à la magistrature de l'avenir. Et
je note, parce que vous l'avez dit, monsieur, en vous saluant, mesdames,
monsieur, que nous ne serons pas déçus.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le
député de Saint-Jean. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, s'il vous
plaît.
Mme Bourassa : Oui.
Merci beaucoup, maîtres, de vous prêter à l'exercice. J'aimerais qu'on parle de
la formation parce que, bon, les avocats, c'est une profession peut-être plus
connue, on connaît tous l'examen du Barreau, on en entend parler. Quelle est la
formation des notaires? C'est quoi, la similitude aussi avec celle que
reçoivent les avocats?
M. Dolhan (George Andrei) : Si
je peux aller là-dessus, il ne faut pas oublier que les deux, avant de choisir
vers le Barreau ou vers la Chambre des notaires, d'aller dans une direction ou
dans l'autre, on est tous obligés de faire un bac en droit, trois ans
d'études où on touche à toutes les sphères du droit, que ce soit le droit
pénal, le droit criminel, droit des sociétés, famille, et autres, soit il y a
des branches plus spécifiques, par exemple le droit immobilier, où les cours au
bac ne sont pas très avancés. C'est pour ça que, comme notaires, nous, avant de
pouvoir déposer notre candidature à la Chambre des notaires, nous devons aller
chercher une maîtrise. Avant, c'était un diplôme de deuxième cycle, maintenant,
c'est une maîtrise, depuis 2007, une maîtrise qui comporte ces cours plus
spécifiques en fiscalité, comptabilité, finance, droit immobilier, succession,
famille. Et par la suite on va pouvoir aller passer les examens, les
évaluations de la Chambre des notaires, qui sont, entre autres, une opinion
juridique. Je vais vous parler de 2016 et non de 2022, possiblement que ça a
changé, mais, depuis 2016, il y avait l'évaluation, les trois gros projets dans
chacun des domaines, que ce soit immobilier, succession et tout ce qui est
droit des sociétés. À ce moment-là, on nous évalue dans chacun des domaines
afin de s'assurer qu'on a toutes les compétences pour occuper le titre de
notaire.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le
député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour. Merci. Merci de participer aux travaux de la
commission, Mes Labrecque, Thivierge et Dolhan.
Je vous le dis d'emblée, moi, j'appartiens
au Barreau. Alors, <écoutez...
M. Morin :
...Dolhan.
Je vous le dis d'emblée, moi, j'appartiens au Barreau. Alors, >écoutez...
Mme Thivierge (Marie Pier) : On
vous aime quand même.
M. Morin : ...à entendre
parler des notaires depuis ce matin, on ne peut pas être tous parfaits, moi, je
suis avocat, mais, quand même, quand même, on travaille tous pour un accès à la
justice, n'est-ce pas?
M. Dolhan (George Andrei) : Exactement.
M. Morin : J'ai quelques
questions pour vous, parce qu'on va entendre la Chambre des notaires... Ce
matin, on a entendu l'Association professionnelle des notaires. Vous, vous êtes
l'Association des jeunes notaires. Donc, il y a beaucoup d'associations chez
les notaires. Je comprends que vous n'êtes pas la chambre... l'ordre
professionnel, qui est la Chambre des notaires, donc vous n'avez pas le même
mandat. Qu'est-ce qui vous distingue de l'association professionnelle? Vous
militez seulement pour les jeunes notaires ou y a-tu d'autres choses qui vous
distinguent?
Mme Labrecque (Jessie) : Bien,
en fait, c'est sûr que nous, on est vraiment pour la protection des jeunes
notaires, donc des 15 ans et moins de pratique. Puis l'association a été
créée il y a quelques années parce qu'en fait, vu le bassin grandissant des
jeunes notaires, donc, dans la proportion de la communauté notariale, on s'est
vraiment rendu compte qu'il y avait un manque à gagner au niveau de la
formation, de l'encadrement des plus jeunes notaires. Donc, c'est pour ça, là,
notamment, que l'association a été créée, donc vaiment pour répondre à un
besoin qui était existant, là, de prendre en charge un peu plus les jeunes
membres de l'ordre professionnel.
Mme Thivierge (Marie Pier) : Je
voudrais juste ajouter. En fait, les jeunes notaires cherchaient beaucoup de la
collaboration avec leurs pairs, de pouvoir aider de nouvelle façon puis innover
ensemble avec le droit puis de pouvoir collaborer, s'entraider. C'est des
professions qui sont réparties au Québec. Donc, les réseaux professionnels
d'entraide, c'est un besoin, là, des jeunes notaires, justement, pour connaître
les confrères, les consoeurs qui sont spécialisés puis qui ont des expertises
vraiment différentes puis qui peuvent les aider dans leurs dossiers ou
intervenir au besoin pour leurs clients.
M. Morin : Merci. Depuis ce
matin, on a discuté bien sûr du projet de loi, et je vous dirais qu'il y a une
partie importante du temps qui a été consacrée à l'accès potentiel à la
magistrature pour les notaires, alors, ça semble être un volet hyperimportant
d'améliorer l'accès à la justice au Québec.
Néanmoins, moi, j'aurais des questions à
vous poser sur le projet de loi, parce que j'aimerais avoir votre opinion pour
éventuellement peut-être bonifier le projet de loi. J'attire votre attention
sur l'article... c'est 7 du projet de loi, qui réfère à l'article 535.6 et
qui dit que le défendeur a 85 jours, de la signification de l'avis, pour
compléter son dossier. Est-ce que vous pensez que 85 jours, c'est
suffisant, dans les circonstances, pour permettre à un défendeur de bien se
défendre et bien préparer sa cause, compte tenu que le demandeur, lui, a
habituellement plus de temps pour se préparer?
• (15 h 30) •
M. Dolhan (George Andrei) : Du
côté du 85 jours, le délai, il est, selon moi, sans avoir analysé
l'ensemble des délais ou des reports de dossiers, parce qu'on se rend compte
qu'il y a plusieurs... même si le dossier n'est pas préparé à 100 %, on
peut reporter un dossier à une date ultérieure. Est-ce que le délai est juste
ou non? C'est très difficile à dire, vite de même, sans une analyse. Mais il ne
faut pas oublier que 85 jours, c'est pas mal, là, deux mois et demi.
Alors, en sachant très bien qu'il y a une situation problématique dans un ou
l'autre, qu'on soit défendeur au demandeur, je pense qu'un deux mois et demi
pour préparer un dossier, sauf cas de force majeure ou dans des dossiers
importants, je pense qu'un délai de 85 jours, ça pourrait être
raisonnable.
M. Morin : OK. Je vous
remercie. Autre question que j'ai pour vous... et là je ne veux pas vous
induire en erreur, donc c'est toujours à l'article 7, mais qui va apporter
une modification à l'article 535.14 du Code de procédure civile, qui se
lit comme suit : «Une partie peut, pour tenir lieu [de] témoignage de l'un
de ses témoins sur les faits du litige, produire une déclaration écrite de ce
dernier, pourvu que cette déclaration ait été préalablement notifiée aux autres
parties.» Elle ne peut excéder cinq pages.
Or, on sait que, si je comprends bien le
projet de loi, donc, une partie pourrait déposer une déclaration écrite qui,
éventuellement, va faire la preuve de quelque chose, mais il ne semble pas y
avoir de contre-interrogatoire de prévu. Est-ce que c'est quelque chose qui
vous inquiète, compte tenu du fait que le contre-interrogatoire est une façon
de vérifier la <véracité...
>
15 h 30 (version révisée)
<19253
M.
Morin :
...de vérifier la >véracité, ou l'authenticité,
ou l'exactitude de ce qu'un témoin peut rapporter à la cour?
M. Dolhan (George Andrei) : Oui,
ça peut être problématique dans le cas où on a des doutes sur la véracité de
ces documents-là, en effet, ça peut être problématique.
Mme Labrecque (Jessie) : C'est
sûr qu'il ne faut pas oublier non plus que la bonne foi se présume. Donc, si je
peux faire le parallèle, par exemple, avec les demandes conjointes de divorce,
quand c'est déposé, c'est déposé avec une déclaration solennelle, dans le fond,
par laquelle les parties vont faire certaines déclarations et déclarer
également que ce qu'on va retrouver dans la demande conjointe, c'est véridique.
Donc, à moins vraiment d'éléments probants, il n'y a pas lieu de douter, dans
le fond, par rapport aux déclarations qui sont faites, donc on se doit toujours
de présumer la bonne foi.
M. Morin : Je vous remercie.
J'aimerais aussi vous entendre, parce qu'avec beaucoup d'enthousiasme, c'est
tout à votre honneur, vous parlez beaucoup de la magistrature et la possibilité
pour les notaires d'accéder à la magistrature. Or, évidemment, dans une société
où prime la primauté du droit, l'indépendance de la magistrature est
fondamentale, on s'entend là-dessus.
Il y a une disposition du projet de loi, l'article 36,
qui pourrait permettre dorénavant au Vérificateur général d'aller vérifier les
comptes du Conseil de la magistrature et qui va forcer le conseil à publier sur
son site Internet différentes informations, dont les «sommes requises dans l'exercice
de ses fonctions, [...], notamment celles requises pour la conclusion de
contrats de services ou d'approvisionnement ou le paiement [d'autres] charges».
Est-ce que ça, pour vous, ça pose un problème? Est-ce que ça soulève une
inquiétude quant à l'indépendance du Conseil de la magistrature?
M. Dolhan (George Andrei) : Pour
répondre là-dessus, je ne pense pas. Il faut être... Il ne faut pas oublier que
les salaires, que ce soit des conseillers de la magistrature ou autres, c'est
les citoyens qui le paient avec des fonds publics. À ce moment-là, il faut être
le plus transparent possible envers le public. Le fait de l'afficher et que le
public puisse en prendre connaissance, ça ne veut pas dire automatiquement qu'il
va y avoir des problèmes. Je pense que les fonds sont très bien gérés
actuellement. À ce moment-là, je ne verrais pas pourquoi les rendre publics
serait un problème là-dessus.
M. Morin : D'accord. Je vous
remercie. Pour revenir à la possibilité pour les notaires d'accéder à la
magistrature, vous avez mentionné, si j'ai bien compris, que, dans d'autres
pays, des notaires peuvent accéder à la magistrature. Est-ce que vous avez des
exemples qui pourraient nous servir de précédents?
M. Dolhan (George Andrei) : Je
sais que la Chambre des notaires va faire des représentations là-dessus, alors
je vais laisser la chambre en parler plus en détail.
M. Morin : Très bien. Je vous
remercie. Vous avez également mentionné qu'il y avait des notaires qui
occupaient, présentement, des fonctions de juge administratif, je crois. Est-ce
que vous avez une idée de leur nombre, de leurs fonctions, des tribunaux où ils
sont nommés et de la formation qu'ils reçoivent?
M. Dolhan (George Andrei) : Je
n'ai pas de liste, mais c'est sûr et certain que, dans le mémoire que nous
voulons déposer, du côté de l'AJNQ, on va pouvoir vous mentionner ce type d'information
là sans problème.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la
députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Moi, je ne suis pas membre du Barreau, contrairement à beaucoup de
gens ici. J'entends vos arguments à l'effet que vous êtes prêts à accéder à la
magistrature, mais, de toute évidence, il semble que le Barreau n'est pas
convaincu, pour sa part, de ces arguments-là. C'est assez tendu, puis ça me
fait craindre des tensions internes au sein de la magistrature, éventuellement,
si le projet de loi va de l'avant puis que les notaires accèdent à la
magistrature. Il semble que vous avez une bonne expertise dans le règlement des
différends. Qu'est-ce que vous pensez qu'on peut faire pour éviter ces
tensions-là? Est-ce qu'il y a déjà un dialogue d'amorcé, quand même, pour faire
avancer un peu cette tension-là avec le Barreau?
Mme Labrecque (Jessie) : Bien,
en fait, il ne faut pas oublier que le Barreau doit défendre l'intérêt de ses
membres, donc c'est sûr que de voir arriver d'autres professionnels,
possiblement, dans des fonctions qui leur étaient exclusives, c'est sûr que ce
n'est pas quelque chose qui leur plaît. Sauf que, dans l'exercice de notre
profession, de dire qu'il y a des tensions avec les avocats... En fait, on collabore
déjà beaucoup avec des <avocats...
Mme Labrecque (Jessie) :
...beaucoup
avec des >avocats, donc je ne pense pas qu'il va y avoir de tension
palpable. Je pense que le Barreau répond simplement à sa mission en protégeant
l'intérêt de ses membres.
Mais personnellement, compte tenu que... Si
on regarde nos membres, nos membres à nous, il y en a plusieurs, il y a
beaucoup d'esprit de collaboration, quand même, avec les avocats. Donc, tu sais,
comme on expliquait, il y a des champs d'expertise différents, donc ça va
vraiment se compléter, je ne pense pas que ça va impacter le système
judiciaire. Donc, ce n'est pas une crainte que, pour ma part... que moi, j'ai
face aux notaires qui pourraient accéder à la magistrature.
Mme Thivierge (Marie Pier) : Juste
rappeler des statistiques, là : on est à peu près 4 000 quelques
notaires, il y a je ne sais pas exactement combien d'avocats, mais c'est...
Est-ce qu'on est une si grande menace que ça versus les bénéfices que la
société va en retirer? Je vous laisse peser le pour et le contre là-dessus, là,
mais, pour moi, c'est une évidence, là.
Mme Labrie : Mais il semble...
M. Dolhan (George Andrei) : Mais,
pour rajouter...
Mme Labrie : Allez-y.
M. Dolhan (George Andrei) : Excusez-moi.
Pour rajouter là-dessus, il ne faut pas oublier qu'il y a un règlement qui
s'appelle le Règlement sur les procédures de sélection des candidats à la
fonction de juge de la Cour du Québec, de juge d'une cour municipale et de juge
de paix magistrat. On ne demande pas la modification des critères d'admission
des juges, on demande seulement qu'on augmente le bassin et d'appliquer les
mêmes critères qui sont spécifiés dans un règlement. Alors, ce n'est pas tous
les notaires qui vont devenir juges, ce n'est pas tous les avocats qui
deviennent juges, mais bien ils sont sélectionnés en vertu de leur expertise,
de leur expérience, du bagage qu'ils détiennent et non juste du fait qu'ils
sont avocats ou notaires.
Mme Labrie : Donc, ça ne vous
inquiète pas qu'une fois le changement effectif, votre reconnaissance, la
diversité de votre bagage, ça va être reconnu par vos collègues qui auraient
accédé à la magistrature par un autre chemin?
M. Dolhan (George Andrei) : Non.
Mme Thivierge (Marie Pier) :
Non, pas du tout.
Mme Labrie : C'est beau.
Le Président (M.
Bachand) :...
Mme Nichols : Merci.
Peut-être pour rester sur la même thématique, on comprend que les notaires sont
emballés, que c'est une belle surprise, que ça ne faisait définitivement pas
partie d'un plan de carrière, pour les notaires, de devenir juges un jour. Et
d'ailleurs, les jeunes notaires, vos études, quand vous avez fait vos études,
vous le saviez parce que... Bon, je l'avoue, moi aussi je ne suis pas du bon
bord, je suis avocate, je suis membre du Barreau puis, quand j'ai fait mon
choix, je le savais que, si je choisissais le notariat, que je ne pouvais pas
aller à la magistrature, je savais qu'en étant avocate ça me permettait aussi
de plaider, que, si je m'en allais notaire, je ne pourrais pas plaider. Donc,
vous étiez au courant de tout ça aussi quand vous avez fait vos choix de
carrière.
Mme Thivierge (Marie Pier) : Oui,
mais pour...
Mme Nichols : Tout comme Me
Bibeau ce matin, là.
Mme Thivierge (Marie Pier) : Oui.
Si je peux répondre pour moi-même, quand j'ai fait le choix entre devenir
avocate ou notaire, moi, ce que je voulais, c'est faire du conseil juridique,
donc ce n'est pas nécessairement de plaider ou non, c'était le conseil,
accompagner mon concitoyen, mon voisin, l'entrepreneur dans toute sa... dans
tout son cheminement de vie, donc, du début jusqu'à la fin. Donc, je ne pense
pas qu'il n'y ait personne qui décide de devenir avocat parce qu'il a le plan
de devenir juge.
Mme Nichols : Ah! C'est encore
drôle, mais...
M. Dolhan (George Andrei) : C'est
une heureuse conclusion pour plusieurs, mais le nombre de juges...
Mme Nichols : C'est encore
drôle, mais... Bien, j'ai juste une question, là, au niveau de la formation. Parce
qu'on sait que, oui, ils ont la même formation, tout le monde, ils ont un bac
en droit, puis après ça on décide, on va au Barreau ou on fait le notariat.
C'est là où la formation devient un peu différente. Qu'est-ce qu'ils
manqueraient, selon vous, les notaires, comme formation? Parce que ça va
prendre, mettons, une formation d'appoint ou une... Qu'est-ce que, selon vous,
ça prendrait comme formation supplémentaire ou d'appoint?
• (15 h 40) •
Mme Labrecque (Jessie) : En
fait, aucune. On est tout à fait habilités, avec les connaissances qu'on a déjà
et la spécialisation qu'on va prendre dans l'exercice de la profession, avec
l'accompagnement client, on a déjà toutes les habiletés nécessaires pour avoir
accès. Donc, ça ne prend pas de formation d'appoint, on la connaît, la
procédure, on maîtrise le droit, on est déjà aptes.
Mme Nichols : Même ceux qui
n'ont jamais plaidé en chambre? Puis là c'est parce que je ne veux pas être
juste là-dessus, je voulais vous parler de médiation aussi, mais même ceux qui
n'ont jamais plaidé en chambre, qui ne connaissent pas nécessairement les
interros, les contre-interros, de la procédure pure, là, en tant que telle? Ça
va, tout est beau, les...
Mme Thivierge (Marie Pier) : Ce
n'est pas dans les conditions d'accès, dans le règlement. Donc, tu sais, si
vous questionnez le règlement qui est déjà en place, c'est une chose, là, mais
je pense qu'on se qualifie déjà là-dessus.
M. Dolhan (George Andrei) : Puis,
si je peux renchérir là-dessus, il y en a plusieurs, avocats, qui ne sont...
Excusez.
Mme Nichols : Non, non, c'est
parce que j'aurais aimé ça vous entendre vite, vite, vite sur la médiation, puis
M. le président m'indique qu'il reste 20 secondes.
M. Dolhan (George Andrei) : Je
vous écoute.
Mme Nichols : Sur la
médiation, votre avis? Les notaires, la médiation, ça va bien? Le temps, c'est
trop long. Qu'est-ce qu'on fait, on en rajoute beaucoup?
M. Dolhan (George Andrei) : ...pas
compris la question.
Mme Nichols : Bien, les
médiateurs, la <médiation...
Mme Nichols :
Bien,
les médiateurs, la >médiation, vous faites beaucoup de médiation. On
devrait ajouter beaucoup de notaires comme médiateurs?
M. Dolhan (George Andrei) : En
fait, ce n'est pas une question de rajouter beaucoup de notaires comme
médiateurs ou non...
Mme Nichols : Bien, il en
manque, il en manque dans le milieu.
M. Dolhan (George Andrei) : C'est
ça, il en manque, des médiateurs. Il y en a de plus en plus, d'avocats, qui
sont occupés à d'autres tâches, puis ils ne veulent pas se spécialiser, par
exemple, en médiation. À ce moment-là, pourquoi ne pas utiliser un autre
juriste qui peut faire de la médiation, qui est formé en médiation? Pourquoi ne
pas l'utiliser quand on en a besoin, de médiation? Je pense que c'est un
problème à diminuer l'attente.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Labrecque,
Me Thivierge, Me Dolhan, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui,
c'est très, très, très apprécié.
Et, sur ce, je suspends les travaux
quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 42)
(Reprise à 15 h 45)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir d'accueillir les
représentants d'Option Consommateurs. Alors, bienvenue à vous deux. Très, très,
très honorés de vous avoir aujourd'hui avec nous.
Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes
de présentation. Après ça, on aura un échange avec les membres de la
commission. Alors, je vous cède la parole et je vous demande d'abord de vous
présenter, s'il vous plaît.
Option Consommateurs (OC)
M. Corbeil (Christian) : Oui.
Bonjour. Christian Corbeil, directeur général d'Option Consommateurs. M. le
Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie de nous
donner l'occasion de vous présenter nos observations aujourd'hui.
Créé en 1983, Option Consommateurs est une
association à but non lucratif qui a pour mission d'aider les consommateurs et
de défendre leurs droits. Depuis près de 40 ans, la question de l'accès à
la justice des consommateurs a toujours été au cœur de nos préoccupations. À
travers les années, nous avons accompagné des consommateurs qui avaient besoin
de soutien, à travers différents projets, notamment ceux s'adressant aux aînés.
Notre expérience sur le terrain nous a permis d'être témoins des obstacles
auxquels peuvent faire face les consommateurs lorsque vient le temps de faire
valoir leurs droits.
Nous avons réfléchi à ces questions dans
le cadre de plusieurs projets de recherche. Nous sommes ainsi en mesure
d'affirmer que certains d'entre eux auraient abandonné leur recours s'ils
n'avaient pas bénéficié d'un certain accompagnement. Nous sommes donc bien
placés pour analyser les pratiques susceptibles d'affecter positivement ou
négativement les <consommateurs...
M. Corbeil (Christian) :
...négativement
les >consommateurs quand vient le temps d'obtenir justice.
En tant qu'association de consommateurs,
notre préoccupation est que les consommateurs aient un sentiment de justice à
l'issue des recours qui leur sont proposés pour obtenir justice. On le sait,
les consommateurs sont des justiciables hétérogènes, ils ne font pas tous face
aux mêmes barrières, devant le système de justice, il est donc nécessaire
d'adapter les solutions qui leur sont proposées afin de répondre à leurs
besoins. C'est dans cette perspective que nous accueillons favorablement les
différentes options d'accès à la justice présentées par le projet de loi n° 8.
Il s'agit, pour nous, d'un pas dans la bonne direction. Aussi, nous espérons
que les ressources nécessaires seront disponibles au moment de l'entrée en
vigueur de ces mesures pour faciliter ce virage.
Je vous laisse ma collègue, Clarisse
N'Kaa, avocate et analyste, vous exposer l'essentiel de nos commentaires.
Merci.
Mme N'Kaa (Clarisse) : Bonjour
et merci à tous. Merci pour l'invitation. Alors, comme l'a mentionné M. Corbeil,
nous considérons que le projet de loi n° 8 est un pas dans la bonne
direction, sous réserve, évidemment, de certaines observations que je vais vous
présenter tantôt.
Mais, tout d'abord, nous apprécions la
possibilité pour les tribunaux de rendre des jugements sur le vu du dossier, la
limitation des interrogatoires préalables aux réclamations de 50 000 $
et plus. Nous apprécions aussi la limitation à cinq du nombre de pages des
énoncés des demandes introductives d'instance pour les réclamations de 100 000 $
et moins, la possibilité aussi de revendiquer un bien aux petites créances
lorsque cette demande est accessoire à une demande de la compétence de cette
cour, et finalement le fait d'encourager le recours à la médiation, l'arbitrage
et la conférence de règlement à l'amiable comme modes pour régler les
différends. Cependant, nous considérons que des améliorations pourraient être
apportées au projet de loi pour atteindre les objectifs qui sont visés
d'améliorer l'efficacité, l'accessibilité à la justice et de simplifier les
procédures.
Nos observations s'articulent en six
points et se rapportent principalement aux mesures prévues à la Cour des
petites créances parce qu'il s'agit, dans le fond, de la clientèle avec
laquelle nous traitons.
Donc, premièrement, nous considérons qu'il
y a un grand absent, dans ce projet de loi, c'est le pont entre la médiation
préjudiciaire et la Cour des petites créances. Alors, comme vous le savez,
l'article 2 du projet de loi prévoit qu'un dossier accompagné d'une attestation
délivrée par un médiateur accrédité sera instruit en priorité. Sauf que le
projet de loi vise les demandes déposées à la Cour des petites créances. Or,
nous savons qu'en matière de consommation il existe déjà de la médiation à
l'étape préjudiciaire. Je pense ici à la plateforme de règlement de litiges
Parle consommation qui est chapeautée par l'Office de la protection du
consommateur. Nous nous demandons, en fait, ce qu'il adviendra des dossiers non
réglés à cette étape. Devront-ils participer à une autre médiation, une fois
devant la Cour des petites créances?
Alors, ce que nous recommandons, c'est de
prévoir un mécanisme de transfert des dossiers qui ont bénéficié d'une
médiation sur la plateforme Parle vers la Cour des petites créances ou simplement
de permettre des médiateurs qui oeuvrent sur cette plateforme de pouvoir
émettre une attestation qui sera jugée valable dans l'appréciation de la
priorité accordée au dossier à la cour.
• (15 h 50) •
Deuxièmement, le projet de loi introduit
le principe selon lequel les dossiers qui passent par la médiation seront
priorisés dans l'instruction à la cour, un peu comme dans notre première
observation, en cas d'absence de règlement. Nous avons quand même des
observations sur le plan pratique. Dans les faits, en rendant la médiation
obligatoire, tous les dossiers seront prioritaires. Quelle serait alors la
valeur ajoutée si, dans le fond, tous les dossiers passent par la médiation
obligatoirement et qu'au final, bien, ces dossiers sont priorisés?
Deux, le projet de loi prévoit qu'il y
aura des exceptions au caractère obligatoire de la médiation. Les dossiers qui
seront exemptés d'aller en médiation seront-ils instruits en priorité au même
titre que les autres? Nous pensons que oui. Nous pensons que la... cet article
devrait être clarifié, évidemment, dans le projet de règlement, là, à venir.
Troisièmement, nous désirons souligner la
particularité des modes privés de règlement des différends en droit de la
consommation. En matière de consommation, comme vous le savez, la médiation se
déroule dans un contexte d'une loi d'ordre public et de déséquilibre de pouvoirs
entre les parties. Donc, il y a les commerçants d'un bord, et, de l'autre bord,
on a les consommateurs. Nous considérons qu'un accompagnement est nécessaire,
spécialement en cas de risque de renoncer à un droit, afin que cela se fasse de
façon libre et <éclairée...
Mme N'Kaa (Clarisse) :
...
fasse de façon libre et >éclairée.
Si on prend l'exemple en médiation
familiale, il existe une disposition qui invite un médiateur qui constate qu'un
projet d'entente est susceptible de causer un différend futur ou un préjudice à
l'une des parties de remédier à la situation et, le cas échéant, d'inviter les
parties à aller prendre conseil. Nous pensons qu'une disposition similaire
pourrait être prévue en matière de consommation.
Pour nous, l'accompagnement des
consommateurs est une condition importante pour que la médiation soit
obligatoire en matière de consommation. Pour les mêmes raisons, et considérant
le caractère final d'une sentence arbitrale, nous recommandons que, s'il y a
arbitrage en matière de consommation, que le processus soit chapeauté par l'Office
de la protection du consommateur et que les arbitres aient une expertise en
droit de la consommation.
Quatrièmement, la qualification des
médiateurs et arbitres. Considérant que les droits des justiciables sont en
jeu, nous souhaitons que l'exigence voulant que la médiation soit présidée par
un avocat ou un notaire accrédité par son ordre professionnel soit maintenue.
Par ailleurs, en matière de formation de nouveaux arbitres, nous proposons de
s'inspirer de ce qui se fait en médiation familiale en ce qui a trait à la
supervision nécessaire entre l'accréditation temporaire et l'accréditation
permanente.
Et, en cinquième lieu, nous proposons de
clarifier l'article 2 du Code de procédure civile eu égard au caractère
volontaire des modes privés, afin d'éviter toute apparence de contradiction
avec l'article 13 du projet de loi, qui introduit le caractère obligatoire
de ces modes.
Nous accueillons... En sixième lieu, nous
accueillons très favorablement la possibilité, pour les justiciables, d'obtenir
des jugements sur le vu du dossier. Cependant, considérant que, dans les litiges
de consommation, il existe un déséquilibre des pouvoirs entre les commerçants
et les consommateurs. Nous considérons qu'il serait approprié que le jugement
soit rendu sur le vu du dossier, à la demande du consommateur.
En conclusion, pour que le public adhère
au mécanisme de règlement des différends prévu dans le projet de loi, il est
important qu'il en comprenne l'essence et la pertinence. Par conséquent, si le
message qu'on véhicule ne mentionne que la seule finalité de ces modes privés
est de désengorger les tribunaux, le danger est que ces mécanismes soient
perçus comme une justice à rabais où les droits ne sont pas respectés. Il sera
alors difficile de tirer le plein potentiel de ces processus. La finalité des modes
PRD est non seulement de régler un problème, mais aussi d'aider à prendre
conscience des éléments à la source d'un problème. Cette prise de conscience
est importante. Une meilleure vulgarisation de modes privés de règlement des
différends au sein de la population est nécessaire. Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Me N'Kaa, M. Corbeil,
merci infiniment. M. le ministre, s'il vous plaît, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Oui.
M. Corbeil, Me N'Kaa, bonjour. Merci beaucoup de participer aux travaux de
la commission parlementaire sur le projet de loi n° 8.
Je vais répondre à une de vos
interrogations. Je comprends que, quand... Vous donnez l'exemple d'un dossier
qui n'irait pas en médiation obligatoire. Exemple : un litige en matière
de violence conjugale, on n'enverrait pas le litige en médiation obligatoire,
justement, on va l'exclure par voie réglementaire. Vous, vous nous dites :
Il ne devrait pas être... bien, en fait, il ne devrait pas être défavorisé, il
ne devrait pas être pénalisé, pour être fixé par priorités, parce qu'il n'a pas
accédé à la médiation. Et donc, là, supposons, dans le cadre de la procédure
simplifiée, là, à la Cour du Québec, donc, on n'est pas aux petites créances, donc,
dans ce cas-là, on ne devrait pas pénaliser les individus à cause de la nature
du dossier, parce qu'on l'a nommément exclu. Donc, c'est bien ça?
Mme N'Kaa (Clarisse) : C'est
exactement ça. Parce que, voilà, le dossier a été exclu par règlement, et ce
n'était vraiment pas la volonté des parties, dans ce cas-là.
M. Jolin-Barrette : OK.
Bien, on se prend une note par rapport à ça, c'est un très bon commentaire, donc,
on va s'assurer de spécifier le tout dans le cadre du règlement. Donc, en
termes de procédure simplifiée à la Cour du Québec, je comprends que vous
accueillez favorablement le fait, pour les justiciables, qu'il n'y ait plus
d'interrogatoire en bas de 50 000 $, que les tribunaux peuvent rendre
jugement sur le vu du dossier à 3 000 $, la procédure aussi, qui est
maximum cinq pages, puis la défense, maximum deux pages également, vous êtes
d'accord avec ça. Donc, ces éléments-là, vous trouvez que c'est favorable aux
justiciables, puis ça génère moins de coûts pour lui, là. C'est pour ça que
vous appuyez ces mesures-là?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Oui,
en effet, on considère que, pour parler spécifiquement des cas des
consommateurs, tu sais, pour tous... pour ceux qui ont l'habitude des cours et
tribunaux, ce n'est pas... c'est facile d'y aller, mais, pour un consommateur
qui est à sa première expérience, ça peut être très intimidant. Alors, de
pouvoir faciliter l'accès, je trouve que c'est un bon pas parce que,
premièrement, il y aura moins de travail, ils auront peut être moins <tendance...
Mme N'Kaa (Clarisse) :
...
auront peut être moins >tendance à aller voir des avocats, parce qu'on
sait que ça coûte des sous, puis, deuxièmement, ça enlève un stress qui, tu sais,
je veux dire, qui vient avec le fait de présenter une demande en justice. Donc,
nous, on considère que c'est une... ce sont des mesures qui sont... qui sont
bonnes.
Et nous, la mesure-phare, c'est vraiment
celle de pouvoir rendre des jugements sur le vu du dossier. Alors, ce que nous,
on demande au ministre, c'est vraiment que cela soit fait à la demande des
consommateurs, parce qu'on ne veut pas que les consommateurs soient défavorisés
parce qu'un commerçant, par exemple, refuse d'y aller. Donc, il y a
tellement... je suis sûre que vous êtes au courant, il y a tellement la théorie
sur les obstacles rencontrés par les consommateurs pour accéder à la justice,
et, même, c'est ce qui amène beaucoup... beaucoup de consommateurs à ne même
pas se rendre à la cour et à abandonner leur recours. Et on ne veut pas ça. Donc,
dans un cas comme ça, nous pensons qu'il serait préférable qu'à la demande du consommateur
qu'un jugement soit rendu sur le vu du dossier.
M. Jolin-Barrette : OK. Je
comprends très bien. Vous aviez une préoccupation également avec les dossiers
qui sont sur la plateforme Parle, actuellement.Ça a été développé, dans
le fond, par le Laboratoire de cyberjustice. Là, l'Office de la protection du
consommateur en a fait l'acquisition. Donc, ça fait partie des réflexions. Vous
savez, en Colombie-Britannique, ce qu'ils ont fait, ils ont un tribunal virtuel,
maintenant, notamment pour les litiges en matière de consommation. On a
peut-être des enseignements à tirer de ce qui a été fait en
Colombie-Britannique depuis les dernières années, c'est une avenue que je
trouve intéressante. Là, on débute vraiment avec des médiateurs pour les
petites créances de moins de 5 000 $, mais éventuellement on pourrait
se diriger vers une solution informatique de cette façon-là.
Tout à l'heure, on nous a dit :
Écoutez, il y a un avantage à avoir la médiation obligatoire aux petites
créances. Et là je veux vous poser une question relativement à votre expertise.
Les grandes compagnies, il y en a certaines qui ont participé à Parle, qui se
sont inscrites, mais ça arrive, des fois, on nous a dit tantôt, il y a des
grandes compagnies qui ne veulent pas aller en médiation puis qui amènent les
gens directement à procès. Donc, le fait d'avoir une médiation obligatoire,
pensez-vous que ça va favoriser les justiciables, les personnes physiques,
justement, pour que, quand il y a des grands groupes, ils vont pouvoir
s'asseoir en médiation puis qu'on va se retrouver avec davantage de règlements
au niveau de la médiation pour les justiciables?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Merci,
M. le ministre. Et le fait que vous soulevez est tellement important. Puis ce
qui se passe actuellement avec les compagnies qui refusent de régler en
médiation, bien, se passait davantage il y a quelques années. Historiquement,
comme vous le savez, il y a eu plusieurs tentatives, à l'Office de la
protection du consommateur, juste pour pouvoir offrir la médiation en matière
de litige, quand il était question de la Loi sur la protection du consommateur.
Sauf qu'historiquement les commerçants... ce sont les commerçants qui
refusaient d'aller en médiation. Et, à une certaine époque, dans un des
rapports rendus publics par l'Office de la protection du consommateur, on
recommandait, en fait, que la médiation soit obligatoire, à la demande du
consommateur. Et actuellement, évidemment, ce qui est suggéré dans... ce qui
est prévu dans le projet de loi n° 8, c'est de rendre
obligatoire la médiation dans tous les cas.
Dans un cas comme celui-là, ce n'est pas
qu'on s'oppose. Nous, ce qu'on dit, c'est que les consommateurs ont besoin
d'accompagnement. Les consommateurs ont souvent besoin d'informations pour
pouvoir être en mesure de bien... de bien défendre leur situation. Tu sais,
vous savez très bien qu'en médiation, oui, c'est vrai qu'il y a un médiateur
qui est là pour équilibrer les pouvoirs, mais les parties ne sont pas
représentées. Donc, ça prend un accompagnement, de l'information, une
préparation, avant d'aller en médiation, tu sais, comment est-ce qu'on négocie,
qu'est-ce que je pourrais aller tirer de la médiation. Alors, ça, ça met les
consommateurs en confiance pour pouvoir être en mesure de traiter d'égal à égal
avec les consommateurs.
• (16 heures) •
Actuellement, par exemple, si on prend
l'exemple de la plateforme Parle, il y a déjà quand même de l'information qui
est offerte aux consommateurs, et quand on va sur le site de l'office, il y a
des résumés de jugements. Donc, les justiciables... bien, les consommateurs qui
vont sur cette plateforme ont quand même des outils. Mais tous les consommateurs
qui se rendent à la Cour des petites créances ne passent pas par l'Office de la
protection du consommateur. Certains ne connaissent même pas l'Office de la
protection du consommateur. Donc, dans ce cas-là, ça prendrait un certain
accompagnement. Et qui ferait cet accompagnement-là? Bien, ce sont les
associations de consommateurs. Alors, je pense que ça vaut la peine, tu sais?
Oui, la médiation peut être obligatoire, mais ça prendrait un accompagnement
pour les consommateurs.
M. Jolin-Barrette : OK. Je
comprends très bien votre point. Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait
que, si on envoie davantage de dossiers en médiation, ça risque de désengorger
le système de justice?
Mme N'Kaa (Clarisse) : En
fait, je pense que... <Écoutez...
>
16 h (version révisée)
< Mme N'Kaa (Clarisse) :...en
fait, je pense que... >Écoutez, normalement, si les dossiers vont en
médiation et qu'ils se règlent en médiation, la conséquence logique est que ça
désengorge les tribunaux.
Maintenant, ce qu'on dit, c'est qu'il ne
faudrait pas que ce soit la seule finalité qu'on attende de la médiation. Oui,
on sait que la médiation a le potentiel de désengorger les tribunaux s'il y a
entente. Maintenant, si on présente cette médiation-là comme seule possibilité
de pouvoir désengorger les tribunaux, bien, la réaction des gens va être de ne
pas y adhérer. Pourquoi? Parce qu'ils vont avoir l'impression de passer par un
système qui est un système à rabais, ce qui n'est pas tout à fait vrai, parce
qu'il y a des dossiers qui sont bons pour un jugement puis il y a des dossiers
qui sont bons aussi pour la médiation. Ce qu'on va chercher en médiation, bien,
on peut très bien en tirer le plein potentiel en expliquant très bien la
différence entre ce qu'on pourrait retirer en médiation et ce qu'on pourrait
retirer devant un juge. La médiation s'adresse à un conflit, alors qu'un juge
va traiter du litige, qui est la traduction juridique du problème.
Donc, en médiation, on tient compte de
tout ce qui touche, tout ce qui entoure le problème qui est vécu par les
personnes qui sont en médiation, et, justement, les solutions qui sont créées
relèvent des problèmes qui auront été nommés durant la séance de médiation, ce
qui fait de la médiation un processus qui pourrait être très riche et pour
lequel les parties pourraient en sortir très gagnantes.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie. Juste avant de céder la parole à mes collègues, j'aurais une question
pratico-pratique, là. Vous, vous conseillez beaucoup les consommateurs en
matière de litiges en matière de consommation. Qu'est-ce qui ressort le plus
dans les gens que vous aidez, que vous accompagnez en matière de litiges en
matière de consommation? C'est quels types de contrats de consommation que
vous... que... pour lesquels vous êtes le plus sollicités?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien,
écoutez, on entend un peu de tout, mais, je vous dirais, la grande gagnante
parmi les questions, c'est beaucoup la garantie légale qui revient souvent.
Donc, oui, on a une très belle loi sur la protection du consommateur.
Maintenant, dans les faits, comment faire honorer la garantie légale, ce n'est
pas évident. Tu sais, les consommateurs peuvent se rendre chez un commerçant
puis lui expliquer la loi. Des fois, ils ne comprennent tout simplement pas. Alors,
c'est pour ça qu'un accompagnement va permettre, premièrement, au consommateur
de comprendre, bon, premièrement, c'est quoi, la loi, puis, deuxièmement, qu'est-ce
que ça signifie dans sa situation, et comment le consommateur pourrait l'obtenir
dans le cas d'une médiation. C'est un peu ça, là.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie. Merci pour votre participation en commission.
Le Président (M. Bachand) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré,
s'il vous plaît.
Mme Bourassa : J'ai deux
petites questions pour vous. D'abord, dans votre mémoire, page 7, vous
parlez de la formation des arbitres et des médiateurs. Vous parlez d'une
formation qui est adéquate, d'expérience significative. Donc, si je comprends
bien, pour vous, la formation, elle est bonne, ce n'est pas ça, un enjeu, mais
vous aimeriez un style de mentorat par la suite.
Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien,
en fait, pour ce qui est de l'arbitrage, dans le fond, c'est un peu nouveau, OK?
La médiation, c'est quand même un peu plus connu que l'arbitrage. Puis les
gens, quand ils vont en arbitrage, souvent, vont rechercher l'expertise, et on
sait, quand même, qu'en matière de consommation on est dans le cadre d'une loi
d'ordre public. Donc, c'est important que les arbitres puissent connaître bien
la loi pour éviter que... bien, pour s'assurer que les droits vont être
respectés, puis les nouveaux arbitres... Bon, on comprend quand même que l'arbitrage,
c'est un processus qui est quasi judiciaire. Donc, un nouvel arbitre a
peut-être besoin d'un certain mentorat.
D'ailleurs, il se fait de plus... Tu sais,
dans certains domaines, comme en matière sportive, il y a un mentorat. Dans le
mémoire, ce dont on parlait, c'était... on a parlé de l'exemple de la médiation
familiale. En médiation familiale, les médiateurs suivent une formation de 60 heures,
obtiennent une accréditation qui est temporaire et ont l'obligation de pouvoir
réaliser 10 mandats sous la supervision d'un médiateur qui a une
accréditation temporaire et qui a déjà réalisé x nombre, mettons, 40 mandats
de médiation. Alors, à l'intérieur de cette période-là, le médiateur qui a une
accréditation temporaire a l'opportunité de pouvoir bénéficier du mentorat de
son superviseur, et d'en apprendre davantage, et d'être plus à l'aise quand il
va s'asseoir puis être en mesure, dans le fond, de pouvoir présider seul.
Mme Bourassa : Ma deuxième
question :On dit toujours qu'un règlement négocié vaut <mieux...
Mme Bourassa :
...règlement
négocié vaut >mieux qu'un règlement imposé; justement, pour le
contribuable, pour le citoyen, quels sont les avantages à être partie prenante
des démarches dans une médiation, de pouvoir apporter aussi son grain de sel
puis d'avoir l'impression d'avoir un certain contrôle sur sa cause, selon vous?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien,
écoutez, c'est sûr que chaque cas est un cas d'espèce. Bon, vous l'avez dit, la
négociation est parfois meilleure parce que ça ne sert à rien d'avoir un
jugement que l'on peut juste encadrer chez nous, là. Alors, dans le cadre d'un
processus qui n'est pas un... qui est un processus volontaire, l'avantage,
c'est que les gens, quand ils s'engagent, ils sont justement portés à respecter
leurs engagements, contrairement à une décision qui est imposée, par exemple.
Alors, ça, c'en est un, avantage. Puis, deuxièmement, dans les litiges de
consommation, tu sais, des fois, c'est des situations au quotidien, puis on a
besoin d'avoir un règlement rapidement. Mon frigo brise, bien, je veux avoir
une solution rapidement. Est-ce que je veux attendre deux ans avant d'être
entendu par un juge? Non. Alors, quand il y a une possibilité pour les
justiciables de pouvoir essayer... Par exemple, Parle, il y a la possibilité,
d'abord, de négocier avant d'aller en médiation. Donc, les gens peuvent obtenir
des solutions rapidement à leur problème.
Mme Bourassa : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Jean, 2 min 50 s.
M. Lemieux : Merci, M. le
Président. Bonjour, monsieur, madame. Vous en avez parlé avec le ministre tout
à l'heure, mais je veux revenir là-dessus parce que c'est important pour les
consommateurs et pour la loi. J'espère qu'on va l'adopter, le PL n° 8.
On s'est fait dire ce matin, et je l'avais bien compris, que les compagnies...
je ne peux pas utiliser le mot «abusent» parce que je... En tout cas, les
compagnies faisaient souvent... refusaient souvent de se présenter en
médiation, ce qui forçait un peu le consommateur à courir après, puis qu'au
bout du compte il y avait beaucoup d'abandons. Vous nous avez expliqué ça et la
logique de ça, autour de ce que la médiation obligatoire va forcer le jeu. Je
suis curieux. Juste pour que vous nous donniez des arguments quand on va
négocier article par article, je suis curieux de savoir jusqu'à quel point
c'est commun, jusqu'à quel point il y en a beaucoup. Il y en a-tu beaucoup, des
abandons de recours? Il y en a-tu beaucoup, des cas où on pourrait, si ça
passait à la médiation, forcer la compagnie, minimalement, à commencer à
discuter au moins?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Moi,
je vous dirais que c'était vrai. C'était plus vrai il y a quelques années.
Donc, comme on peut... Je pense que le rapport de l'office date peut-être de
2010, si je ne m'abuse, mais aujourd'hui l'office a été capable d'aller
chercher quand même des commerçants participant à la plateforme. Donc, il y a
quand même une ouverture par rapport à il y a 10 ans ou il y a 15 ans.
Les commerçants ont évolué. Les commerçants souhaitent... Tu sais, je veux
dire, ce n'est pas tous les commerçants non plus qui ne souhaitent pas régler.
Quand ils vont obtenir un jugement, ce n'est pas toujours en leur faveur.
Alors, je pense qu'il faut faire comprendre aux gens, aussi bien aux
consommateurs qu'aux commerçants, la valeur ajoutée, tu sais, d'aller en
médiation. Tu sais, il y a, par exemple, toute la question de la réputation
aussi, là.
M. Lemieux : Mon temps est
presque écoulé, mais, une fois que vous m'avez dit ça, vous me posez la
question, alors je vous la pose. Est-ce que ça vaut la peine de pousser la
médiation? Est-ce que ça va faire tomber, entre guillemets, le dernier morceau
des récalcitrants?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien,
je pense que ça vaut la peine quand même d'offrir la médiation parce qu'il y a
toujours une possibilité de régler. Maintenant, je pense qu'il faut quand même
qu'il y ait des approches comme... Je pense que la réussite de Parle, c'est
parce que l'office a fait des démarches en amont pour pouvoir intéresser les
commerçants.
M. Lemieux : C'est très
clair. Merci.
• (16 h 10) •
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bon après-midi, Me N'Kaa, M. Corbeil. Très heureux que vous
soyez là. Merci. Merci pour votre mémoire également.
On parle, dans le projet de loi, et vous
le soulevez dans votre mémoire, de toute la question de la médiation
obligatoire, et, en fait, est-ce que ça existe, de la médiation obligatoire, ou
c'est un concept qui, en soi, ne peut pas fonctionner. Puis vous soulevez un
élément intéressant en lien avec l'esprit du Code de procédure civile, où on
favorise la médiation, mais sur une base volontaire, et vous soulevez qu'il
semble y avoir une contradiction ou, enfin, une incohérence entre le projet de
loi et le Code de procédure civile. On a besoin évidemment de vos lumières, de
votre expertise pour voir comment on pourrait bonifier éventuellement le projet
de loi puis faire des recommandations au gouvernement. Comment vous voyez ça? Si
on avait à modifier quelque chose, qu'est-ce que vous nous <suggéreriez...
M. Morin :
...quelque
chose, qu'est-ce que vous nous >suggéreriez?
Mme N'Kaa (Clarisse) : OK, en
fait, je pense que vous référez à la page 8 de notre mémoire. Pour le
bénéfice de tout le monde, en fait, ce qu'on a relevé, c'est que, bon,
l'article 2 du Code de procédure civile prévoit, dans le fond... en fait,
énonce que la médiation... une procédure de prévention et règlement des différends
est volontaire, dans un sens, OK, alors que l'article 13 actuel dit aux...
énonce que les parties doivent privilégier la médiation et l'arbitrage.
Donc, on comprend que l'idée, ici, c'est
de pouvoir mettre en œuvre l'obligation de considérer les modes de prévention
et règlement des différends prévus à l'article 1, sauf que, quand on lit
l'article 13 et l'article 2, l'article 13 du projet de loi et
l'article 2, on a l'impression qu'il y a une contradiction. La façon de
régler ça pourrait tout simplement être «sauf des cas prévus par règlement»,
pour pouvoir... pour que ce soit clair. Je sais qu'à l'article 15 du
projet de loi il y a des... on énonce clairement qu'il va y avoir des
exceptions dans le règlement pour ce qui est de la médiation obligatoire, mais
on est loin. Quand une personne lit la loi, bien, ce qu'il comprend, ce que... bien,
le processus de médiation est volontaire dans tous les cas, et il n'y aura
aucune exception. Donc, pour pallier à ça, je pense qu'il faudrait simplement
ajouter un élément comme ça puis ça devrait régler la chose.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Maintenant, dans votre expérience de la médiation dans la protection,
l'information que vous faites pour les consommateurs, j'imagine que, de temps à
autre, vous devez aussi transiger avec des commerçants ou des compagnies. Règle
générale, en médiation, ça donne des résultats? Les compagnies ne veulent pas?
Le consommateur est pris tout seul? Dans votre pratique, quels sont les enjeux
que vous rencontrez à ce niveau-là?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien,
écoutez, moi, je vous dirais, la plupart... dans mon expérience à moi, la
plupart des commerçants qui participent de façon volontaire à une médiation,
ils y vont parce qu'ils veulent régler, et, généralement, quand un commerçant
prend un engagement, il le respecte. L'enjeu, c'est la... l'enjeu principal,
c'est souvent des commerçants ou des fabricants qui sont situés hors Québec,
qui connaissent peut-être peu la Loi sur la protection du consommateur,
l'application, qu'ils vont, des fois, interpréter d'une façon erronée la loi et
risquer de faire perdre des droits aux consommateurs. Donc, cela demande
peut-être plus d'explications puis plus de travail, là, pour qu'ils comprennent
c'est quoi qui s'applique au Québec.
M. Morin : Je vous remercie.
À la page 9 de votre mémoire, vous soulevez un point important, et vous
devez le vivre, le rencontrer dans votre pratique, j'imagine, à l'effet qu'il serait
bénéfique que les consommateurs qui participent à des séances soient bien
accompagnés, considérant le risque de renoncer à des droits, puis évidemment on
veut qu'une renonciation soit éclairée. Est-ce que vous avez des suggestions
que l'on pourrait insérer dans le projet de loi pour s'assurer que, quand le
consommateur... ou bien il est accompagné, ou bien, s'il y a renonciation, il y
a un mécanisme qui fait qu'il comprend clairement ce à quoi il va s'engager,
pour protéger le consommateur?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Bon, alors,
bon, premièrement, pour ce qui est de l'accompagnement, comme je l'ai dit au
départ, je pense qu'il y a des associations de consommateurs qui peuvent très
bien accompagner les consommateurs qui s'en vont en médiation. Puis, deuxièmement,
il peut être possible, pour un médiateur qui fait le constat qu'il y a risque
de perte des droits, de simplement l'indiquer, parce qu'on comprend que la
médiation, tu sais, c'est un espace où est-ce que les gens, normalement, sont
supposés être égaux, mais, dans un cas où est-ce qu'il y a un déséquilibre de
pouvoir, le médiateur doit agir, et donc il doit être directif et... pour
s'assurer qu'il n'y a pas de perte de droits, ne serait-ce que pour l'expliquer
aux parties, et, s'il y a vraiment un risque, je pense que le médiateur
pourrait simplement se retirer ou demander aux parties d'aller... tu sais,
d'aller s'informer, d'aller s'informer avant et revenir, par la suite, en
médiation pour prendre une décision sur une base d'une information qui est
juste. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Morin : Oui, je vous
remercie. À la page 11 de votre mémoire, en lien avec le jugement sur le
vu, le projet de loi, présentement, indique que le jugement peut être rendu sur
le consentement des parties. Vous, vous suggérez que le jugement soit <rendu...
M. Morin :
...suggérez
que le jugement soit >rendu à la demande du consommateur et non pas des
parties. Pouvez-vous expliquer davantage?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien,
comme je l'ai dit au ministre de la Justice tantôt... puis on a évoqué toutes
les difficultés, OK, historiquement, qu'on avait à tenter de régler, mettons,
d'aller... d'amener les commerçants en médiation, ce que les consommateurs
disaient, ce que, bon, eux autres, ils étaient ouverts... mais, quand venait le
temps d'aller en médiation, les commerçants ne le souhaitaient pas, ce qui fait
qu'il y avait moins de médiation qui se faisait. Nous ne voulons pas que la
même situation se reproduise dans le cas de ce mécanisme. Nous considérons que
c'est un bon mécanisme et nous souhaitons que les consommateurs puissent en
bénéficier.
Pourquoi que c'est un bon mécanisme? Parce
que, premièrement, ça fait gagner du temps, puis, deuxièmement, il y a
tellement des barrières, là, d'accès à la justice, et le consommateur... que de
pouvoir... de ne pas être obligé de se rendre en cour, bien, c'est déjà, en soi,
une façon de pouvoir pallier à ces obstacles-là. Donc, nous souhaitons que ce
soit fait à la demande du consommateur parce que, premièrement, on est dans un
cas d'ordre public, et la Loi sur la protection du consommateur est là pour
pouvoir équilibrer les pouvoirs, normalement. Alors, c'est un peu, pour nous,
une façon d'équilibrer les pouvoirs.
M. Morin : Je vous remercie.
Dans votre expérience, parce qu'évidemment avec le projet de loi tel qu'il est
on met beaucoup l'accent sur tous les modes alternatifs de règlement des
conflits, médiation, conciliation, selon vous, est-ce qu'il y a suffisamment de
médiateurs? Parce qu'évidemment l'idée, c'est de désengorger les tribunaux,
mais, si on envoie des dossiers ailleurs, puis qu'il n'y a pas assez de monde
pour traiter, ça ne va pas avancer l'accès à la justice. Alors, dans votre
expérience, pensez-vous qu'il y a une chose qui devrait être faite de ce
côté-là? Puis, vous, comme organisme, est-ce que vous pensez que vous allez
avoir un surcroît de demandes de conseils, compte tenu de l'objectif visé par
le projet de loi?
Mme N'Kaa (Clarisse) : C'est
clair que c'est un bon projet de loi, mais c'est clair que, quand il va être
mis en application, bien, il va y avoir des ressources à mettre parce que
les... Pour ce qui est des médiateurs, il y a quand même... Et je ne sais pas
combien de médiateurs il y a au Québec, tu sais, je vais être transparente avec
vous, mais par contre on sait... Par exemple, au niveau de l'arbitrage, il
suffit d'aller sur le site de l'Institut de médiation et d'arbitrage du Québec
pour constater qu'il y a 14 % seulement d'arbitres parmi les membres de
l'Institut de médiation et d'arbitrage du Québec. Donc, il y a peu... Je pense
qu'il y a encore plus de besoins en matière d'arbitrage qu'en matière de
médiation parce que la médiation est un peu plus connue. Il y a beaucoup plus
d'avocats et de notaires qui sont sensibilisés à la médiation puis qui sont
formés à la médiation.
Il y a quand même plusieurs projets, au
niveau de la médiation, qui impliquent les médiateurs et les notaires. Je pense
aux médiations le jour de l'audience. Je pense aux médiations en gestion
d'instance. Je pense... En fait, il y a tellement eu de projets pour faire
connaître la médiation qu'il y a eu... je pense qu'il y a eu plus de formation
depuis ce temps-là, mais, pour ce qui est de l'arbitrage, ce n'est pas la
même... ce n'est pas le cas. Et, pour nous, en tant qu'association de
consommateurs, c'est sûr que, premièrement, avec l'indexation, là, de la Cour
du Québec... de la Cour des petites créances, c'est bien, mais sauf que ça va
générer des besoins. Nous, c'est sûr que ça va augmenter nos... les demandes,
et donc on va être... tu sais, on va avoir besoin d'augmenter nos ressources
aussi pour être en mesure de répondre à la demande. C'est exactement ça. Donc,
voilà.
M. Morin : Merci beaucoup.
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Sherbrooke, s'il vous plaît.
• (16 h 20) •
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. J'ai accroché en particulier... Dans votre présentation, quand vous
avez dit qu'il y avait un danger que ce soit perçu comme une justice à rabais
parce qu'on évite d'aller devant les tribunaux, ça fait écho, quand même, à ce
qui a été nommé par les Centres de justice de proximité, là, qui nous disaient
que les gens voulaient être entendus par un juge. Donc, c'est une préoccupation
qui est importante, puis, dans votre mémoire, vous dites qu'il faut mieux
vulgariser les modes de règlement des différends. J'aimerais ça, peut-être, que
vous soyez un peu plus clairs sur vos attentes envers le ministre à cet
égard-là. Est-ce que vous souhaitez, vous-même, par exemple, comme
organisation, et les autres organisations similaires à la vôtre, être mieux
financés pour pouvoir faire vous-même cette vulgarisation? Est-ce que vous vous
attendez à ce que le ministère prenne en charge une campagne d'information
nationale? Est-ce que vous vous attendez à ce que le ministère produise de la
documentation? Quelle forme ça peut prendre, pour vous, ces actions-là, concrètes,
là, pour éviter que les gens aient une impression de justice à rabais, par
exemple?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Oui,
je pense que c'est un ensemble de toutes ces choses, là, parce qu'il faut... oui,
la médiation, pour beaucoup... Pour les professionnels, bon, on connaît la <médiation...
Mme N'Kaa (Clarisse) :
...bon,
on connaît la >médiation, mais, dans la population, il y a beaucoup de gens
qui pensent qu'on n'a que la médiation, mais qui ne savent pas c'est quoi, la
médiation, en réalité. Donc, je pense que c'est la somme de toutes ces actions
qui va faire en sorte que les gens vont mieux comprendre de quoi il est
question. Oui, ça prendrait, effectivement, un financement pour des organismes
comme les nôtres, qui vont pouvoir être en mesure de bien vulgariser la
médiation aussi bien par des pistes d'information que par des rencontres.
Tu sais, je veux dire, nous, on a réalisé...
Comme vous l'avez vu, en 2018, on a déposé un projet de recherche au Fonds
Accès Justice sur le modèle idéal en médiation de consommation. Alors, on a
réfléchi. On a préparé des fiches, par exemple, de préparation pour les
consommateurs qui se préparent à aller en médiation afin justement de leur
permettre, premièrement, de comprendre de quoi il est question, puis,
deuxièmement, d'être à l'aise. Alors, on peut... tu sais, je veux dire, on
pourrait très bien, si on est financés, être en mesure d'offrir ça. Maintenant,
on n'est pas... Tu sais, je veux dire, ça prend plusieurs actions. Le ministère
de la Justice devrait aussi mieux vulgariser.
Pourquoi est-ce que j'ai mentionné ce
point? Parce que, quand l'annonce du projet de loi est arrivée, ce qu'on a vu,
ce qui a été véhiculé dans les médias, c'est : Bon, le Québec propose de
désengorger les tribunaux par la médiation et l'arbitrage. Alors, on voit très
bien que, même dans les médias, ce qui est compris, c'est que c'est uniquement
une solution technique à un problème technique, mais ce n'est pas ça, la
médiation. On peut obtenir, effectivement, une autre justice par la médiation,
puis il faut que les gens comprennent ça. Il y a des dossiers... tu sais, il y
a des collègues médiateurs, tu sais, qui ont pu régler des dossiers qui étaient
prescrits, donc ce qui signifie qu'on perd le droit par l'écoulement du temps.
Donc, si on y va avec la norme juridique,
ce dossier-là ne sera jamais entendu par le juge, et la personne n'aurait même
pas eu la possibilité d'obtenir ce qu'elle souhaite, mais, parce que ça s'est
fait en médiation, les parties ont décidé de pouvoir discuter, donc, de pouvoir
régler leur situation à partir d'une autre norme, qui est peut-être une norme
morale. Donc, ils ont décidé : OK, parfait, c'est prescrit, mais, quand
même, ça traite... pour toutes sortes de raisons, et cela ne signifie pas que,
parce qu'on est en médiation, la loi ne s'applique pas. Non. La loi s'applique,
mais les autres normes aussi s'appliquent, et on respecte l'ordre public. Donc,
je pense que c'est très important que les gens comprennent ça puis que les gens
comprennent ce que ça signifie, justement, dans leur dossier spécifique.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci
infiniment. Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Merci
beaucoup. Merci de votre participation. Vos réponses sont très, très
éclairantes. Deux petites questions, la première concernant les preuves
authentiques. Dans votre mémoire, là, vous faites la suggestion à l'effet que
l'article 535.10 ne soit pas introduit au Code de procédure civile du
Québec. Ce qu'on en comprend, c'est que l'intégrité va être présumée reconnue,
puis ça, ça pourrait être un point embêtant?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien,
en fait, on cherchait de l'information, OK, nous, et notre compréhension, c'est
que, oui, on veut simplifier. On comprend qu'on veut simplifier la procédure,
mais il ne faut pas que ce soit fait au détriment des gens, au détriment de
l'authenticité des documents. Alors, on est à l'ère Internet. C'est très facile
de falsifier les documents. Alors, c'est quoi, l'intérêt de mettre cet article
dans le code? C'est ça, notre question, parce que, s'il n'y a pas d'intérêt,
même si les gens ne... tu sais, il n'y a pas de contestation en lien avec
l'authenticité des documents, tu sais, ce n'est pas nécessaire. À notre avis,
selon notre compréhension à ce jour, cet article-là n'est pas nécessaire pour
la protection des gens.
Mme Nichols : Ça fait
que la solution en tant que telle, c'est de reconnaître le document, là, dans
le cadre de la médiation, mais...
Mme N'Kaa (Clarisse) : Bien,
c'est de le laisser tel qu'il est, c'est de laisser le Code de procédure civile
tel qu'il est.
Mme Nichols : OK, parfait.
Une autre petite question, c'est parce qu'on a parlé beaucoup d'accompagnement.
On disait que vous appuyez, entre autres, la médiation obligatoire, à condition
d'un accompagnement... d'un accompagnement. On parle d'accompagnement, puis je
comprends que vous pouvez aussi accompagner les gens. L'accompagnement, c'est
quoi, c'est l'avis juridique, c'est l'accompagnement à tous les niveaux,
l'accompagnement vers la médiation? Je ne suis juste pas sûre du type
d'accompagnement que vous parlez.
Mme N'Kaa (Clarisse) : Oui,
bien sûr. Écoutez, bon, premièrement, chaque cas est un cas d'espèce, mais,
quand on parle d'accompagnement, ce qu'on a dit dans notre mémoire, c'est que,
premièrement, il y a beaucoup de... il peut... il y a risque de renonciation à
des droits, donc c'est de pouvoir expliquer très clairement le droit applicable
à la situation de la personne, dans un premier temps, puis comment il
s'applique dans sa situation, parce que c'est beau d'avoir... de référer une <personne...
Mme N'Kaa (Clarisse) :
...de
référer une >personne à l'article 37, sur la garantie légale, mais
c'est quoi pour lui? Est-ce que c'est une réparation? Est-ce que c'est un
remboursement? Puis c'est un remboursement de quel ordre? Donc, ça prend quand
même des... Tu sais, je veux dire, il y a des jugements. Tu sais, il faut aller
chercher des jugements pour être en mesure de le lui expliquer. Il y a cette
information-là.
Mme Nichols : Donc,
l'accompagnement, ça va être une personne-ressource à qui il peut se référer
pour avoir l'information légale, juridique?
Mme N'Kaa (Clarisse) : Oui, il
y a ça, puis il y a aussi la possibilité de pouvoir préparer la personne à la
médiation pour que l'on puisse en tirer le plein potentiel. Tu sais, un
exemple, tu sais, on avait préparé des petites fiches, OK? Donc, on explique...
On l'aide un peu à préparer son dossier, mais aussi à comment est-ce qu'on peut
atteindre un objectif qui est beaucoup plus de l'ordre sociétal, OK? Si je
prends un exemple simple, là, en matière de consommation, les gens vont souvent
se plaindre du service à la clientèle. Bon, on sait très bien que, dans la Loi
sur la protection du consommateur, il n'y a pas vraiment une loi qui demande
aux commerçants d'être supergentils, là, avec les gens, mais, ça, si on
l'adresse en médiation, les gens... tu sais, le commerçant, il va... tu sais,
il va l'entendre, puis, s'il l'entend souvent, bien, ça peut l'amener peut-être
à modifier ses pratiques. Donc, ça, ça va bénéficier... à qui ça va bénéficier?
À la communauté, en plus du consommateur qui va en retirer quelque chose. Donc,
c'est un peu comme ça qu'on voit les choses.
Mme Nichols : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Me N'Kaa,
M. Corbeil, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'est extrêmement
apprécié.
Et, sur ce, je suspends les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 28)
(Reprise à 16 h 30)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Il me fait plaisir d'accueillir Me Michel
Beauchamp, notaire émérite. Alors, Me Beauchamp, merci beaucoup encore une fois
d'être avec nous aujourd'hui. C'est très apprécié.
Alors, je vous cède la parole. Vous avez 10 minutes
de présentation, et après on aura un échange avec les membres de la commission.
Alors, la parole est à vous, Me Beauchamp.
M. Michel Beauchamp
M. Beauchamp (Michel) : Merci
beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés membres de la commission,
je voudrais tout d'abord remercier la commission de m'avoir invité à faire part
de mes commentaires sur le projet de loi n° 8.
Je me présente, Michel Beauchamp, notaire
de pratique privée depuis 33 ans. Je suis également chargé de cours au
baccalauréat en droit à la Faculté de droit de l'Université de Montréal depuis
30 ans. Je suis également auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages dans
divers domaines de droit civil québécois et en procédure civile, notamment le Précis
de procédure civile, du Pr Ferland et du juge Emery, et du Grand
collectif, qui regroupe l'expertise de 28 auteurs, juges, professeurs
et avocats.
Mon propos, aujourd'hui, sera divisé en
deux parties. Une première partie brève concernera les articles du projet de
loi sur la médiation et l'arbitrage, et la seconde sera sur l'article 30,
qui modifie la Loi sur les tribunaux judiciaires afin d'ajouter les notaires
comme possibles candidats à la magistrature. J'aimerais, avant de vous <exposer...
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Beauchamp (Michel) :...J'aimerais, avant de vous >exposer mon point de vue, féliciter le
ministre de la Justice pour cette initiative de changement. En lisant
attentivement le projet de loi, on peut y constater de belles avancées... pour
l'amélioration, pardon, et l'accessibilité à la justice.
Commençons, tout d'abord, par la médiation
et l'arbitrage. D'emblée, je souligne la proposition du projet de loi de
simplifier certaines procédures à la Cour du Québec afin d'accélérer le
traitement des dossiers. De plus, le projet de loi réitère l'importance des
modes alternatifs de résolution des conflits. Lors de la réforme de la
procédure civile, à laquelle j'ai participé à partir de 2009, il était clair qu'il
fallait, autant que faire se peut, favoriser et encourager la résolution des
conflits par des modes alternatifs. Un citoyen qui participe activement à la
résolution de son conflit en sort toujours gagnant. La médiation permet aux
citoyens de pouvoir s'exprimer pleinement que dans un cadre plus formel. De
plus, comme la médiation obligatoire a fait ses preuves en matière familiale
depuis de nombreuses années, nous pouvons penser que les effets en matière
civile seront les mêmes.
J'arrive maintenant au deuxième sujet de
ma présentation, les notaires candidats à la magistrature. L'article 30 du
projet de loi propose d'ajouter à l'article 87 de la Loi sur les tribunaux
judiciaires le mot «notaire». Par cet ajout, un notaire pourrait déposer sa
candidature afin d'occuper un poste de juge à la Cour du Québec. Je crois qu'il
est important, ici, de préciser que cette modification ne constitue pas une
deuxième voie pour l'accès à la magistrature. Un notaire qui désire devenir
juge à la Cour du Québec devra, comme l'avocat, déposer sa candidature. Cette
candidature sera évoluée... évaluée, pardon, au mérite, suivant les règles
prévues au Règlement sur la procédure de sélection des candidats à la fonction
de juge de la Cour du Québec.
Les critères de sélection se trouvent à l'article 25
du règlement. Je me permets, ici, de vous faire lecture de ces articles :
«Pour évaluer la candidature d'un
candidat, le comité tient compte des critères suivants :
«les compétences du candidat,
comprenant :
«ses qualités personnelles et
intellectuelles, son intégrité, ses connaissances, qui ne peuvent comprendre sa
connaissance d'une langue autre que la langue officielle, si cette exigence est
prévue dans l'avis, et son expérience générale;
«le degré de ses connaissances juridiques
et son expérience dans les domaines du droit dans lesquels il serait appelé à
exercer ses fonctions;
«sa capacité de jugement, sa perspicacité,
sa pondération, sa capacité d'établir des priorités et de rendre une décision
dans un délai raisonnable ainsi que la qualité de son expression dans la langue
de la justice au Québec [qu'est] le français;
«la conception que le candidat se fait de
la fonction de juge;
«la motivation du candidat pour exercer
cette fonction;
«les expériences humaines,
professionnelles, sociales et communautaires du candidat;
«le degré de conscience du candidat à
l'égard des réalités sociales; et finalement
«la reconnaissance par la communauté
juridique des qualités et des compétences du candidat.»
Depuis deux semaines, j'ai entendu
plusieurs commentaires sur le fait que, comme le notaire n'a jamais plaidé
devant un tribunal dans le cadre de litiges, il ne pourrait pas être juge à la Cour
du Québec. Ces commentaires m'ont fait réfléchir à la situation suivante.
Prenons l'exemple d'une avocate qui fait
son stage dans un cabinet qui oeuvre exclusivement dans un domaine de pratique
qui ne requiert jamais d'aller devant le tribunal. Cette même avocate pratique
dans ce domaine depuis son assermentation il y a 15 ans. Elle a développé une
expertise particulière et est reconnue comme une sommité dans son domaine. Elle
est invitée à plusieurs tribunes pour donner des conférences et des formations.
Elle a écrit plusieurs textes sur le sujet et est même citée par les tribunaux.
Sa pratique ne l'a jamais amenée à plaider devant les tribunaux. Elle s'implique
aussi dans son milieu communautaire. Si cette avocate au parcours d'exception
dépose sa candidature comme juge, va-t-on lui imposer une fin de non-recevoir
parce qu'elle n'a jamais participé à des procès? Bien sûr que non. Sa
candidature sera évaluée au mérite, et la question sera plutôt : Est-ce
que cette candidate possède les qualités professionnelles et personnelles
requises pour occuper la fonction de juge? Et que pourra-t-elle apporter comme
expertise additionnelle et particulière à la cour?
La force d'un tribunal, comme tout
organisme, vient essentiellement de la diversité d'expériences et de parcours
de ses membres. Les juges proviennent de plusieurs horizons. Certains juges
proviennent du milieu communautaire, d'autres, d'institutions <publiques...
M. Beauchamp (Michel) :
...d'autres,
d'institutions >publiques ou d'entreprises privées, certains, de la
pratique privée, et d'autres, d'anciens professeurs d'université. Ils ont en
commun leur capacité à remplir la mission d'un juge, leur dévouement envers le
système de justice et les justiciables, et une connaissance approfondie du
droit, en général. Le notaire pourrait justement contribuer à cette diversité
par son expérience et son expertise.
Lorsqu'on lit les critères de sélection de
l'article 25 du règlement, à aucun endroit, comme nous l'avons vu, il est
précisé que le candidat doit avoir participé à un procès. Depuis plusieurs
années, un notaire peut être nommé comme décideur au tribunal administratif.
Les notaires exerçant comme décideurs administratifs appliquent avec rigueur
les règles de preuve et de procédure civile et sont en mesure de promouvoir
l'administration de la justice.
Je tiens à souligner que la notion
d'impartialité attendue d'un juge a toujours été dans l'ADN du notaire. Depuis
toujours, le notaire se doit d'agir avec impartialité en présence de plusieurs
parties et il ne peut prendre fait et cause pour l'une des parties. Il doit
concilier les intérêts de tous. Ces éléments se trouvent d'ailleurs dans la Loi
sur le notariat. Les articles 10 et 11 de la Loi sur le notariat sont
clairs à cet égard. Le notaire collabore à l'administration de la justice et il
est également un conseiller juridique. Le notaire doit toujours agir avec
impartialité.
On a aussi entendu certains intervenants
affirmer que la formation d'accession à la profession des notaires et des
avocats diffère au point qu'un notaire ne puisse exercer la fonction de juge.
J'ai pris connaissance des activités de formation de l'École du Barreau et je
vous soumets que, selon mon expérience passée de chargé de cours à la maîtrise
en droit notarial à l'Université de Montréal et de maître de stage, les
objectifs de formation de la Chambre des notaires sont particulièrement alignés
sur celles du Barreau.
On pourrait aussi invoquer qu'un notaire
n'est pas habitué d'être confronté aux litiges. La majeure partie de ma
pratique est dédiée au droit successoral et à la liquidation des successions,
et je peux vous dire que je suis quotidiennement confronté à des situations
conflictuelles entre justiciables, où je dois naviguer toutes sortes de
négociations en lien avec la résolution de conflit. Le rôle du notaire est
d'ailleurs souvent de trouver des solutions pour que le dossier ne se
judiciarise pas. Le notaire n'a aucun intérêt à ce que le dossier se judiciarise
et jouit d'une place privilégiée de par son impartialité pour favoriser le
règlement des différends.
Vous savez, la pratique notariale a
beaucoup évolué dans les 30 dernières années. Depuis 1999, le notaire
exerce déjà des fonctions quasi judiciaires par les procédures devant notaire
sans qu'il n'y ait eu aucun problème à ma connaissance. Le travail du notaire a
d'ailleurs été reconnu par le Code de procédure civile de 2016 en prévoyant de
nouvelles matières dans lesquelles le notaire peut exercer ses fonctions quasi
judiciaires. Le notaire peut également déposer devant le tribunal des projets
d'accord dans le cadre d'une procédure en séparation de corps ou en divorce. À
mon sens, le notaire peut agir dans tous les domaines du droit civil ou
presque, ce qui en fait un expert du droit civil devant les tribunaux.
Vous savez, le notariat est un fondement
du droit civil au Québec et dans les juridictions de droit civil à l'échelle
internationale. Ce projet de loi constitue une excellente occasion de créer un
précédent qui pourrait être suivi par d'autres juridictions de droit civil.
D'ailleurs, notre droit civil est quelque chose qui nous distingue des autres
juridictions canadiennes. Permettre aux notaires d'accéder à la magistrature
serait un signal fort de l'importance de cette institution et du droit civil
québécois, en général. Selon moi, il n'existe aucune objection à ce qu'un
notaire puisse accéder à la magistrature, évidemment, si le candidat notaire
possède les qualités requises pour être juge telles que décrites, comme nous
l'avons vu, à l'article 25 du règlement.
En terminant, lorsque j'ai pris
connaissance du projet de loi, je ne me suis jamais demandé : Est-ce qu'un
notaire pourrait être juge? Je me suis plutôt dit : Bien, pourquoi pas?
• (16 h 40) •
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Me Beauchamp. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bonjour,
Me Beauchamp. Merci beaucoup de participer aux travaux de la commission. C'est
apprécié.
J'aimerais qu'on revienne sur le début de
votre introduction. Vous disiez... vous, vous avez contribué notamment à
l'ouvrage Précis de procédure civile du Québec, sous la direction de
Denis Ferland et du juge Benoît Emery. C'est bien ça?
M. Beauchamp (Michel) : C'est
bien ça.
M. Jolin-Barrette : Donc,
dans cet ouvrage-là... Pouvez-vous nous dire qu'est-ce qu'il y a dans cet
ouvrage-là? C'est quoi, un précis de procédure civile?
M. Beauchamp (Michel) : Un
précis de procédure civile, c'est un outil autant pour <enseigner...
M. Beauchamp (Michel) :
...c'est
un outil autant pour >enseigner à l'université que pour un praticien,
pour démystifier la procédure civile. Alors, ce sont des auteurs qui analysent
chaque article du Code de procédure civile et qui donnent leur avis sur
l'interprétation par rapport, évidemment, à la jurisprudence et la doctrine.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends que les juges, qu'on soit à la Cour du Québec, qu'on soit à la Cour
supérieure, utilisent le Code de procédure civile sur des questions pour
trancher parfois des objections, parfois des jugements interlocutoires, ils se
servent de la procédure, ou les avocats, également, se servent du Code de
procédure civile. Puis vous, vous avez analysé le Code de procédure civile,
puis, dans le fond, les praticiens et les juges peuvent se servir de l'ouvrage
avec lequel vous avez contribué pour rendre des jugements.
M. Beauchamp (Michel) : Effectivement,
le Précis de procédure civile du professeur Ferland et du juge Emery est
un des volumes les plus cités en procédure civile.
M. Jolin-Barrette : Donc, ça
veut dire que, vous, comme notaire, vous avez rédigé de la doctrine, donc un
ouvrage de référence que beaucoup de membres du Barreau... en fait, que, je
vous dirais, pratiquement tous les avocats en litige civil se sont sûrement
référés au moins une fois dans leur carrière, lorsqu'ils avaient une
interrogation par rapport à la procédure civile, se sont référés à un ouvrage
que vous avez coécrit.
M. Beauchamp (Michel) : Effectivement.
Bien, ça fait prétentieux de dire ça, là, mais je crois que oui.
M. Jolin-Barrette : OK. Donc,
quand j'entends des commentaires à l'effet que ça serait compliqué pour les
notaires de comprendre la procédure civile, puis qu'ils n'ont pas touché à la
procédure civile, trouvez-vous que c'est un argument qui est solide?
M. Beauchamp (Michel) : Bien,
respectueusement, je ne crois pas que c'est un argument solide. Vous savez, on
a parlé, aujourd'hui, que les notaires faisaient des procédures non
contentieuses, mais ça reste une procédure civile. On doit évaluer la preuve,
on doit préparer une demande au tribunal. Pourquoi cette demande-là? Bien, pour
obtenir du tribunal une décision favorable pour notre client. Et, même en
procédure non contentieuse, ce sont des procédures où on doit aller faire des
représentations devant le tribunal. Et même le nouveau Code de procédure civile
de 2016 permet à ce que, sans que ça soit contesté, les parties soient
représentées quand même par avocats dans un dossier où il n'y a pas de litige,
mais qu'une partie voudrait faire une représentation.
Il m'est arrivé souvent de faire des
représentations à la Cour supérieure devant un juge, et une des parties était
représentée par avocat, et on échangeait des éléments pour que le juge puisse
trancher. Mais il n'y avait pas de litige. C'est juste que chaque partie
voulait faire part de son point.
M. Jolin-Barrette : OK. Je
comprends très bien. Écoutez, l'Association professionnelle des avocates et
avocats du Québec a émis un mémoire, et même un communiqué, commentaire, puis
je vais vous citer deux paragraphes. Vous me permettrez de le citer puis vous
me direz vos commentaires, ce que vous en pensez : «Le notaire, qui n'a
pour ainsi dire jamais mis les pieds dans un palais de justice, devra être en
mesure de faire ce travail et de rendre des décisions conformes à la jurisprudence,
et ce, bien souvent face à des avocats aguerris qui, eux, maîtrisent les règles
de preuve et de procédure, règles qui, doit-on le souligner, servent à
s'assurer que les auditions soient équitables, que les décisions soient rendues
sur la base de preuves crédibles et que la justice serve les justiciables et ne
compromette pas leur confiance dans le système.
«Selon le ministre — en
l'occurrence, moi — les notaires peuvent apprendre une fois sur le
banc», je ne me souviens pas avoir dit ça, mais on rapporte ça, «mais aux frais
et sur le compte de qui? Encore une fois, ce sera sur le compte du justiciable
et du système, qui deviendront des cobayes. Notre société est en droit d'exiger
une justice de grande qualité, avec des juges d'expérience et de grandes
compétences dès leur nomination. Ces exigences sont garantes de l'efficacité du
système et de la satisfaction des citoyens. Les droits judiciaires ne sont-ils
pas des droits garantis par la Charte des droits et libertés de la personne?»
Alors, ma question, Me Beauchamp :
Est-ce que le fait de nommer des notaires comme juges va affecter la qualité de
la justice? Est-ce que les notaires ne sont pas de grandes compétences dès le
moment de leur nomination? Parce que l'Association professionnelle des avocats
nous laisse prétendre ça par la voix de sa présidente. Qu'est-ce que vous en
pensez?
M. Beauchamp (Michel) : Malheureusement,
je crois que c'est mal connaître la procédure pour désigner un juge à la Cour
du Québec. J'ai lu tantôt l'article 25 du règlement qui prévoit des
critères. Donc, il y a un comité de sélection qui analyse chaque candidature,
notaires, avocats, pour s'assurer d'avoir le bon candidat, qui possède les
habiletés nécessaires pour devenir juge. Alors, pas parce qu'un notaire serait
désigné juge à la Cour du Québec qu'il n'aurait pas les compétences. C'est
comme de présumer que le comité n'aurait pas fait son travail.
M. Jolin-Barrette : OK. Un
autre des arguments de l'Association professionnelle des avocats est le fait de
dire que ce n'est pas possible, en vertu de la Loi constitutionnelle de <1867...
M. Jolin-Barrette :
...Loi constitutionnelle de >1867, de nommer un notaire à la
magistrature. Est-ce que c'est votre lecture?
M. Beauchamp (Michel) : Non,
ce n'est pas ma lecture du tout.
M. Jolin-Barrette : OK.
Pensez-vous que votre lecture est partagée par d'autres personnes dans le
milieu juridique?
M. Beauchamp (Michel) : Oui.
Je me souviens, lorsqu'on a adopté les procédures devant notaire en 1999, il y
avait eu, encore une fois, cette objection constitutionnelle là. Parce que vous
savez que, par les procédures devant notaire, le notaire, son procès-verbal est
souvent exécutoire en matière de vérification de testament, en matière de
constitution de conseil de tutelle et même de nomination d'un tuteur à un
enfant mineur, le procès-verbal du notaire est exécutoire. Et il y avait eu
l'argument constitutionnel, et, je me souviens, à l'époque, le professeur
Frémont avait émis un avis à l'effet qu'il n'y avait pas de problème
constitutionnel.
M. Jolin-Barrette : Donc, le
professeur Frémont qui a été à l'Université de Montréal et qui a été président
de la Commission des droits de la personne.
M. Beauchamp (Michel) : Et
qui est recteur à l'Université d'Ottawa.
M. Jolin-Barrette : OK. Donc,
je pense que, par votre témoignage aujourd'hui, on a fait la démonstration que
vous connaissez la procédure civile et que vous êtes un notaire, donc que ce
n'est pas incompatible, les deux, de connaître la procédure civile et d'être un
notaire.
J'aimerais vous poser des questions sur la
médiation. Le fait de rendre la médiation obligatoire, pensez-vous que ça va
aider le système de justice à être plus efficace et à permettre aux
justiciables d'avoir une meilleure expérience avec le système de justice?
M. Beauchamp (Michel) : Je vais
faire une analogie avec ma pratique en droit successoral, qui malheureusement
relève de la Cour supérieure, donc ce n'est pas applicable à la Cour du Québec,
mais je pense que ça s'applique également à l'exemple. Lorsque les parties
s'assoient pour discuter, ça évite un litige dans la majorité des cas. Vous
savez qu'en matière successorale, là, 80 % de psychologie, 20 % de
droit, tout le monde est braqué, il y a des émotions. Mais le fait de s'asseoir
et de discuter, souvent, va nous empêcher d'aller en litige, qui... de toute
façon, le litige, va décevoir tout le monde, en bout de piste.
M. Jolin-Barrette : Même
question sur la conférence de règlement à l'amiable, parce qu'on rend la
médiation obligatoire aux petites créances, ensuite avec arbitrage. Là, les
notaires sont déjà médiateurs, sont déjà arbitres. Pour vous, il n'y a pas
d'enjeu à continuer dans cette direction-là?
M. Beauchamp (Michel) : Le
notaire, de par sa formation, essaie toujours de médier entre les parties, tout
le temps, tout le temps. Donc, en médiation, en conférence de règlement à
l'amiable, le notaire ou le notaire devenu juge va exercer la même chose,
c'est-à-dire de trouver une solution. Parce que, je l'ai dit dans mon exposé,
lorsque le citoyen participe à la solution, il en sort gagnant et il en sort
surtout satisfait.
M. Jolin-Barrette : Un des
enjeux qui sont soulevés, là je reviens sur l'accession des notaires à la
profession de juge, là, c'est le fait de dire que le juge doit trancher des
litiges. Pensez-vous que les notaires sont aptes à trancher des litiges? Parce
que supposons, là, qu'on rend l'arbitrage automatique, et même le fait qu'ils
seraient sur le banc pour trancher des litiges, pensez-vous que les notaires
ont cette aptitude-là?
M. Beauchamp (Michel) : Que
doit faire un juriste pour trancher un litige? Le juriste analyse la loi, la
jurisprudence, la doctrine et donne son conseil ou tranche pour son client.
Lorsqu'on rend un avis juridique, et ça
m'arrive souvent en matière successorale, les parties me demandent de rendre un
avis juridique pour connaître l'état du droit et de trancher sur
l'interprétation d'une clause pour savoir si après ça fait leur affaire ou ça
ne fait pas leur affaire. Et souvent les parties se disent : Bien, nous,
on est satisfaits parce que vous avez fait le tour du dossier au complet, vous
avez analysé la loi, la doctrine, la jurisprudence pour arriver à cette
conclusion.
Donc, je ne vois pas d'objection pour que
le notaire, qui est un juriste, fasse comme l'avocat-juriste, puisse rendre une
décision lorsqu'il deviendra juge.
M. Jolin-Barrette : OK. Sur
la simplification de la procédure à la Cour du Québec, le fait d'instaurer les
conférences de règlement à l'amiable d'une façon obligatoire, avez-vous un
enjeu à ce qu'on diminue le nombre de vacations à la cour, qu'on oblige à avoir
une conférence de règlement à l'amiable avant d'arriver à procès?
• (16 h 50) •
M. Beauchamp (Michel) : Ça
participe de ce que le Code de procédure civile prévoit à l'article 1. Il
faut essayer de s'entendre avant d'aller dans un procès. Puis, nous connaissons
tous les conséquences, les dommages collatéraux à un long procès pour les
parties. Donc, le fait de favoriser la médiation, favoriser des conférences de
règlement à l'amiable, je pense que, pour le justiciable, c'est la meilleure
chose qui pourrait lui arriver.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Je vous remercie beaucoup, Me Beauchamp. Je vais céder la parole à mes
collègues. Merci beaucoup pour votre passage en commission parlementaire. C'est
apprécié.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré,
s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour. Vous
savez que tout ce qu'on dit ici peut être écouté par les gens à la maison, les
gens dans les gradins. Et, si j'étais un citoyen chez nous, je me poserais la
question : Quels sont les avantages à ce qu'un notaire accède à la
fonction de juge pour moi, là? Quels sont... Je ne sais pas, une vision
différente, l'expertise plus poussée, la compréhension des dossiers? Qu'est-ce
que les <notaires...
Mme Bourassa : ...des
dossiers. Qu'est-ce que les >notaires qui deviendraient juges pourraient
apporter de plus à la magistrature?
M. Beauchamp (Michel) : Bien,
tout d'abord, le notaire a toujours comme objectif d'essayer de solutionner un
problème, hein, de solutionner le conflit.
Deuxièmement, est-ce qu'on ne pourrait pas
plutôt dire : Qu'est-ce qui désavantagerait le système judiciaire d'avoir
un notaire comme juge? Parce qu'à la base un notaire est un juriste. Donc,
est-ce que le tribunal ne devrait pas plutôt choisir les meilleurs juristes
pour devenir juges, qu'ils soient notaires ou qu'ils soient avocats?
Mme Bourassa : Parfait.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Pour quatre, cinq minutes?
Le Président (M.
Bachand) :Cinq minutes, M. le député de
Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci. Mon
chronomètre fonctionne. Bonjour, Me Beauchamp. Vous nous avez beaucoup
parlé des notaires. Ça se comprend, on l'entend. Mais je veux revenir à la base,
parce qu'il y a quatre volets fondamentaux au projet de loi n° 8,
je voudrais les regarder rapidement avec vous. Vous y avez déjà touché par
rapport à la médiation et arbitrage, mais il y a les règlements des différends
de manière efficace, réduction des délais judiciaires. Est-ce que, ça, par
rapport à ce que vous savez, connaissez de notre système, ce qu'on propose dans
le projet de loi n° 8 pour accomplir médiation et
arbitrage, ça vous convient, ou on a manqué un détour quelque part, ou on en a
pris un de trop?
M. Beauchamp (Michel) : C'est
un excellent pas en avant.
M. Lemieux : D'accord.
M. Beauchamp (Michel) : Je
pense que c'est un message clair qu'il faut solutionner nos conflits.
M. Lemieux : J'aime ça, parce
que je voulais faire le tour des quatre. Vous m'avez vu venir, hein? Je voulais
le tour des quatre volets avec vous, et vous avez des réponses courtes. Merci
beaucoup. Ça me gêne, elles sont plus courtes que mes questions. En tout cas.
Simplification de la procédure civile à la
Cour du Québec. Ça, je vous avoue que, pour le commun des mortels, 50 000,
75 000, 100 000, on y perd un petit peu de notre latin et puis on
espère ne pas avoir à aller là de toute façon. Mais quelqu'un qui connaît ça,
il voit ça comment?
M. Beauchamp (Michel) : Quelqu'un
qui connaît ça, qui regarde... Évidemment, ça prend un niveau parce que, ça,
c'est une question constitutionnelle. Et d'ailleurs il y a eu une décision de
la Cour suprême, comme vous le savez, récemment sur ce sujet-là. Ça prend des
niveaux : Cour du Québec, Cour supérieure, et tout ça.
Deuxièmement, le citoyen, lui,
essentiellement, ce qu'il veut, c'est une solution à son litige. Alors, que ce
soit la Cour supérieure, la Cour du Québec, c'est sûr et certain qu'il y a des
niveaux. Et les organismes qu'on a vus avant moi font un excellent travail pour
donner des conseils. Et même, à l'université, il y a la clinique juridique qui
conseille adéquatement les gens, justement, qui les informent... non pas
conseiller, ce n'est pas encore le cas, mais ils les informent sur les niveaux.
Donc, si tu as une réclamation de 25 000 $, c'est la Cour du Québec,
si tu as une réclamation entre 75 000 $ et 100 000 $, tu as
le choix, et plus de 100 000 $, c'est la Cour supérieure. Mais ce que
les gens retiennent surtout, c'est qu'en bas de 15 000 $ ils peuvent
eux-mêmes aller à la division des petites créances.
M. Lemieux : C'est clair. On
continue le résumé parce que c'est ce que je voulais faire avec vous. Conseil
de la magistrature. Tiens, tiens. Plus grande représentativité des personnes
victimes au sein du Conseil de la magistrature, diffusion chaque année d'un
rapport sur ses activités, vérification des livres et des comptes au moins une
fois tous les cinq ans, amélioration de l'accès à l'information pour le public.
On avance? On recule?
M. Beauchamp (Michel) : On
avance. On est dans l'ère de l'imputabilité, et je ne pense pas que ça va toucher
à l'indépendance requise pour le Conseil de la magistrature. Qu'est-ce qu'on va
faire comme rapport annuel? Bien, comme les ordres professionnels font un
rapport annuel de leur gestion de sommes, du nombre de plaintes, comment ça
fonctionne, moi, je ne vois pas de problème au niveau de l'indépendance. On ne
dit pas, ici, que... on ne devra pas traiter pourquoi qu'on a accepté tel
dossier puis pourquoi qu'on l'a refusé, puis pourquoi tel juge n'a pas été
invité devant le conseil de discipline puis pourquoi tel juge l'a été, et tout
ça. Ce n'est pas ça. Lorsqu'on lit le projet de loi, on parle de la finance et
on parle d'un rapport d'activité global sur combien de plaintes qu'on a eues,
combien qu'on en a traité, et tout ça. Je pense que, dans un souci d'efficacité
et de transparence pour les citoyens, c'est excellent.
M. Lemieux : Ma question à
moi par rapport aux notaires qui auraient donc l'accès à la magistrature...
Vous êtes enseignant, en tout cas, à temps partiel, sinon, à temps plein, je ne
sais pas, là. On n'est jamais enseignants à temps partiel. On l'est toujours...
Est-ce que le cursus... Tu sais, on se l'est fait dire trois fois aujourd'hui,
minimum : Oui, on fait tous la même chose puis après ça on part chacun
notre bord, notaires d'un côté, avocats de l'autre. Mais est-ce que ce tronc
commun là est assez gros, assez fort pour que ça vaille la peine de dire que
c'est la même chose?
M. Beauchamp (Michel) : Ça me
fait sourire parce que... Je vais vous donner l'exemple de l'Université de
Montréal, que je connais bien. Tous les étudiants qui terminent leur bac en
droit à l'Université de Montréal ont suivi les mêmes cours de procédure civile <obligatoires...
M. Beauchamp (Michel) :
...cours
de procédure civile >obligatoires, hein? On commence par ça. Et tous les
étudiants choisissent des cours à option selon leurs intérêts. C'est sûr
qu'autant le Barreau que la Chambre des notaires suggèrent un tronc commun,
mais ce n'est pas obligatoire. Et, si je prends mon propre exemple à moi, j'ai
suivi tous mes cours de pénal, de conditionnel et d'administratif à
l'université et je suis notaire aujourd'hui. Donc, cet argument-là, je ne suis
pas sûr qu'il tienne la route beaucoup.
M. Lemieux : D'accord. J'ai
fini. Le président me regarde avec des gros yeux. Mais vous avez fini, vous, en
disant : Pourquoi pas, n'est-ce pas?
M. Beauchamp (Michel) : Exactement.
M. Lemieux : Pourquoi ça a
pris tout ce temps-là, M. Beauchamp... Me Beauchamp?
M. Beauchamp (Michel) : Ah! je
pense que c'est une question... c'est une question historique, pourquoi ça a
pris tout ce temps-là. Vous savez que, malheureusement, avant le XXe siècle,
pour devenir notaire, on n'avait qu'à suivre des examens de la Chambre des
notaires et on devenait notaires. Alors, c'est comme ça qu'est devenue
l'histoire que le notaire ne fait pas de cours de droit. Mais ça fait plus de
120 ans que c'est fini, ça, cette histoire-là, et je pense qu'il y a eu
quatre notaires au Québec seulement qui sont devenus notaires seulement par des
examens.
M. Lemieux : Merci, Me
Beauchamp.
Le Président (M.
Bachand) :Me Beauchamp, merci beaucoup.
M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, Me Beauchamp. Merci d'être avec nous cet après-midi. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention. Je comprends que vous êtes un notaire
émérite, donc qui avez évidemment transcendé d'autres notaires, pleins d'autres
notaires dans votre profession, compte tenu de votre parcours et de vos
réalisations. Est-ce qu'on peut dire que vous êtes une sommité en procédure
civile au Québec?
M. Beauchamp (Michel) : Tellement
gênant, ce type de question là, puis de répondre : Oui, oui, je suis une
sommité, ça a l'air prétentieux, mais, oui, je suis... mes écrits en procédure
civile sont souvent cités devant les tribunaux, encore récemment. Sur la
question de la possibilité de demander une copie d'un testament, j'ai écrit sur
les règles à suivre, et ça a été cité par les tribunaux.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Parce qu'en fait, compte tenu de votre expertise avec le Code de
procédure civile, puis toujours dans le but, évidemment, de bonifier des projets
de loi, c'est pour ça qu'on est ici, le projet de loi n° 8 accorde une
importance particulière à l'arbitrage, à la médiation, la rendant parfois
obligatoire ou, en tout cas, l'encourageant très fortement, alors que, comme
vous le savez, le principe, dans le Code de procédure civile, c'est de
favoriser une médiation volontaire, n'y voyez-vous pas là une contradiction ou
une incohérence? Et comment pourrait-on, finalement, bonifier le projet de loi
pour qu'il soit peut-être plus conforme aux principes énoncés par le Code de
procédure civile?
M. Beauchamp (Michel) : La
médiation familiale est mandatoire. On n'a pas le choix, en matière familiale,
de passer par la médiation. On est tous au courant de cas où est-ce que la
médiation ne s'applique pas, hein? Le ministre parlait en début de journée de
la violence conjugale, et tout ça, et que tout le monde avait peur de la
médiation obligatoire. Il y a des mécanismes qui existent, des conférences de
coparentalité qui existent pour pallier au fait que, malheureusement, on ne
pourra pas aller en médiation. Alors, je crois qu'effectivement ces mêmes
mécanismes-là devraient exister en matière de médiation.
Mais, quand on parle d'obligation de la
médiation, on parle surtout de l'obligation de s'asseoir puis d'essayer de
discuter. La médiation, ce n'est pas qu'on est obligés de passer à travers
plusieurs séances puis de trouver une solution à tout prix, c'est d'au moins
commencer par s'asseoir et de discuter ensemble.
M. Morin : Parfait.
Justement, vous parliez de la violence conjugale, et le ministre, un peu plus
tôt aujourd'hui, parce qu'on lui a posé la question, évidemment, faire une
médiation dans un cas de litige entre deux ex-conjoints, ce n'est pas quelque
chose qui est souhaitable, et le ministre nous disait qu'il allait y voir
éventuellement par règlement. Mais, compte tenu de l'importance, vous ne pensez
pas que ce ne serait pas mieux de l'inclure directement dans le projet de loi
et de prévoir ça immédiatement pour lancer un message clair à la population?
• (17 heures) •
M. Beauchamp (Michel) : Effectivement,
mais aussi, l'important, c'est que quelque part se trouve, dans notre corpus
législatif, de prévoir que, dans certaines circonstances, bien, il n'y en aura
pas, de médiation, pour toutes sortes de raisons, mais il pourrait y avoir une
conférence sur les modes de règlement alternatifs, et tout ça.
M. Morin : Parfait.
J'aimerais avoir vos commentaires en lien avec l'article 7 du projet de
loi, qui va apporter une modification à l'article 535.14 du... et qui dit
qu'une partie, pour tenir lieu du témoignage, peut produire une déclaration
écrite de ce dernier. Il faut que la déclaration ait été notifiée. Sauf que le
projet de loi ne semble pas prévoir aucune garantie quant à l'authenticité de
la déclaration. Si on produit une déclaration écrite, il n'y a pas de
possibilité de contre-interroger l'auteur. Est-ce que vous n'y voyez pas un
danger? Et comment pourrait-on améliorer cette façon de <faire...
>
17 h (version révisée)
<19253
M.
Morin :
...vous n'y voyez pas un danger? Et comment pourrait-on
améliorer cette façon de >faire? Je comprends qu'on veut aller vite, là,
mais il y a quand même l'importance que l'adjudicateur puisse évaluer
correctement la véracité des faits qui sont devant lui.
M. Beauchamp (Michel) : Ça
existe déjà en matière de procédure non contentieuse. La preuve en matière non
contentieuse, c'est une preuve documentaire. Exemple, un témoin à un testament
ne vient pas témoigner au tribunal en personne, il signe une déclaration sous
serment. Cette déclaration sous serment là pourra toujours être contestée par
une partie. Alors, je crois que l'esprit ici, c'est de limiter le nombre de
témoignages et, si une partie peut témoigner par écrit et le déposer, je n'ai
pas vu nulle part d'empêchement de contester cette déclaration écrite.
M. Morin : Je vous remercie.
Il y a d'autres groupes qui nous ont dit, et j'aimerais vous entendre là-dessus,
que parfois il y a des parties qui veulent aller à la cour et que parfois l'arbitrage
ou la médiation, ce n'est finalement pas la panacée. On a même entendu des gens
qui nous ont dit : Ça pourrait même être une justice à rabais. Donc, vous
n'êtes pas inquiet de l'impact que ça pourrait avoir sur la crédibilité du système
de justice?
M. Beauchamp (Michel) : L'intervention
juste avant moi parlait de la méconnaissance, justement, de la médiation, la
méconnaissance de l'arbitrage. Souvent, quand on parle de médiation, mes
clients me disent : Ah! c'est ça, il va falloir que je mette de l'eau dans
mon vin, ça n'a pas d'allure, puis ce n'est pas ça, puis moi, j'ai des
principes, et tout ça. C'est n'est pas ça, la médiation. La médiation, c'est de
s'asseoir puis de discuter, puis d'essayer de trouver un terrain d'entente. Il
n'y a personne qui entre en médiation avec l'idée d'aller en chercher le plus
possible de l'autre côté. C'est surtout de l'idée d'arriver à une solution pour
éviter d'aller s'entredéchirer devant le tribunal.
Je pense que lorsque les gens se parlent
et discutent entre eux, bien, ça va être une solution. Puis je ne peux pas...
je ne peux pas penser qu'on parle de justice à rabais, parce que ça n'exclut
pas du tout de recourir aux tribunaux. Et, lorsque le citoyen sera au courant
de tous ces modes alternatifs de résolution de conflit, je pense qu'il va de
plus en plus les utiliser.
Voilà une vingtaine d'années, la médiation
familiale... une trentaine d'années, c'était nouveau, tout le monde disait :
Ça n'a pas d'allure. Qu'est-ce que c'est ça? Et on voit les succès aujourd'hui
de la médiation familiale.
M. Morin : On nous a dit
également qu'il faudrait plusieurs arbitres ou médiateurs parce qu'évidemment,
si on envoie des dossiers devant un autre forum, bien, il va falloir des
personnes pour les traiter. Selon vous, est-ce qu'on a assez d'arbitres au
Québec ou assez de médiateurs pour être capable de remplir à la demande? Parce
qu'on ne veut pas non plus décevoir les citoyens et citoyennes en adoptant ce
projet de loi là.
M. Beauchamp (Michel) : Je
pense que présentement il y a beaucoup de médiateurs et d'arbitres qui n'exercent
pas. La raison est bien simple, c'est que le volume n'est pas là. Et comme le
volume n'est pas là, bien, à un moment donné... Moi, je connais des médiateurs
qui sont médiateur familial et qui n'exercent pas là-dedans parce que,
malheureusement, les volumes ne sont pas là. Et, quand les volumes ne sont pas
là, bien, nous sommes tous praticiens en pratique privée, vous comprenez qu'il
faut qu'il y ait un lien avec le volume et un lien aussi avec tous les frais qu'on
a à payer.
M. Morin : Tout à l'heure,
quand vous parliez de la médiation en matière familiale, si je vous ai bien
compris, est-ce que c'est la médiation qui est obligatoire ou la session d'information
pour les parties?
M. Beauchamp (Michel) : Bon,
ce qui est obligatoire, c'est la médiation, mais on peut se soustraire de la
médiation, d'aller faire un... pardon, une rencontre sur la coparentalité.
M. Morin : Vous avez parlé
beaucoup de la possible accession, si le projet de loi est adopté, des notaires
à la magistrature et vous nous avez parlé de votre expérience en droit civil.
Les juges de la Cour du Québec, lorsqu'ils ont à siéger, ne siègent pas
uniquement en droit civil. Je vous pose la question, compte tenu de votre
expertise : Un notaire qui serait appelé, trois jours après sa nomination,
à présider un procès en matière criminelle, est-ce qu'il aurait besoin de
formation particulière ou s'il peut y aller puis il n'y a pas de souci?
M. Beauchamp (Michel) : Un
avocat qui a fait du droit civil toute sa vie puis qui est désigné juge à la
Cour du Québec, il lui arrive le même scénario. Que fait-il? Est-ce que... Pour
lui, ça fait 30 ans qu'il n'a jamais fait de criminel ou 20 ans qu'il
n'a jamais fait de droit pénal, est-ce que le juge en chef va lui attribuer
cette cause-là, sachant très bien qu'il n'a pas l'expertise? Je ne crois pas.
M. Morin : D'accord. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous
plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Bon, vous n'êtes pas membre du Barreau, M. Beauchamp, mais, de
toute évidence, vous êtes un habile plaideur. Pour être bien honnête avec vous,
je ne veux pas vous manquer de respect, mais je trouve que vous avez bien
défendu vos arguments et je n'ai pas de question, moi, à vous <poser...
Mme Labrie :
...question,
moi, à vous >poser. Votre démonstration, elle est claire. Vous avez
répondu à d'abondantes questions de mes collègues avec efficacité. Je vous
laisse mon temps, si jamais il y avait des éléments que vous n'avez pas eu le
temps de mentionner encore et que vous jugez pertinent de porter à notre
attention pour le projet de loi. Donc je vous invite à le faire maintenant.
M. Beauchamp (Michel) : Merci
beaucoup, Mme la députée, mais vous l'avez dit, je pense que tout était là et
je pense que c'était clair au niveau de plusieurs articles : médiation,
arbitrage et surtout la nomination potentielle. Parce que je pense, je vais le
répéter, merci de me le permettre, ce n'est pas demain matin que les 4 000 notaires
du Québec vont devenir juges. C'est demain matin que les 4 000 notaires
du Québec vont pouvoir déposer leur candidature, comme les 29 000 avocats
peuvent déposer leur candidature, et ce sera au comité qui jugera au mérite
pour avoir les meilleurs juristes comme juges à la Cour du Québec.
Mme Labrie : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Merci, Me Beauchamp. En effet, on comprend... on comprend
clairement la position des notaires. On entendra bientôt le Barreau, là, mais
c'est unanime, là, les notaires. Vous plaidez très, très bien votre cause, ça,
ça ressort beaucoup des prestations que vous faites devant nous. Puis je trouve
ça dommage parce j'ai l'impression qu'on fait la Chambre des notaires contre le
Barreau, un est plus compétent ou... Ça fait que je trouve ça... je trouve ça,
à la limite, là, dommage qu'on se rende là. Mais, d'un autre côté, je me dis,
c'est comme si on demandait aux chargés de cours de devenir professeur,
j'imagine que ça ferait pas mal le même débat. Donc, j'imagine que c'est comme
ça dans pas mal... pas mal tous les domaines. Je ne suis pas sûre que, comme
professeur, vous apprécieriez qu'un chargé de cours puisse avoir le titre aussi
de professeur, puis ça amènerait, de part et d'autre, certains arguments. Mais
je ne veux pas aller sur cette partie-là, là, je pense qu'on a pas mal entendu
tous les mêmes commentaires de la part des groupes précédents.
Moi, j'ai seulement qu'une question. Le
groupe Option Consommateurs, entre autres, là, qui a passé juste avant vous,
nous recommandait, entre autres, que l'article 535.10, puis il est à
l'article 7 du projet de loi, il recommandait, en fait, que cet article-là
ne soit pas codifié dans le Code de procédure civile. Puis ça a un lien avec...
parce que, là, je pense que vous cherchez dans le Code de procédure civile, mais
ça a un lien, entre autres, avec les preuves authentiques, comme quoi, là, on
reconnaît, là, ou on présume l'intégrité du document qui est déposé. Avez-vous
un avis, étant expert en procédure civile?
M. Beauchamp (Michel) : On
parle ici de présomption simple, ça veut dire qu'on pourrait contester
l'intégrité de ce document. Deuxièmement, ça se fait déjà devant les tribunaux.
On dépose des copies de documents, et c'est seulement lorsque les parties
contestent qu'on va sortir l'original du document. Donc, l'article 535.10
ne fait pas que demain matin on n'aura que des photocopies puis on n'est pas
sûr si c'est vrai ou pas vrai, ce sera toujours possible de contester
l'authenticité d'un document. Mais je pense que... je pense juste à une demande
en reconnaissance judiciaire d'un droit de propriété, c'est à la Cour
supérieure, bien sûr, mais l'analogie se fait, où on doit déposer
27 titres de propriété... c'est-à-dire 27 actes notariés, à un coût
de 200 $ la copie, pour démontrer que la personne est propriétaire. Bien,
souvent, on demande au bureau de la publicité des droits de nous émettre des
copies à 1 $ la copie, et je pense que ce serait suffisant pour le
justiciable, mais c'est toujours possible de le contester si jamais on doute de
l'authenticité du document.
Mme Nichols : Un peu comme à
535.10, si une des parties s'y oppose, il y aura... il n'y aura pas... la
présomption ne s'appliquera pas.
M. Beauchamp (Michel) : Exactement.
Mme Nichols : Très bien.
M. Beauchamp (Michel) : On
parle de présomption simple ici.
Mme Nichols : Simple.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup.
Me Beauchamp, merci beaucoup de votre participation cet après-midi. Ce fut
très intéressant.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 10)
(Reprise à 17 h 16)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses
travaux.
Il nous fait plaisir de recevoir les
représentants et représentantes d'Éducaloi. Alors, merci d'être ici cet
après-midi, c'est très apprécié.
Alors, comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation, et après il y aura une période d'échange avec
les membres de la commission. Donc, d'emblée, je vous demanderais de vous
identifier et de débuter votre présentation, s'il vous plaît.
Éducaloi
Mme Charbonneau (Ariane) : Très
bien. Merci, M. le Président. En fait, on est très heureux d'être avec vous
aujourd'hui. On sait que ça a été une longue journée pour vous. Alors, on a
l'intention de vous faire finir ça en beauté avec l'équipe d'Éducaloi.
Je suis Ariane Charbonneau, je suis la
directrice générale de l'organisation, puis je suis accompagnée de deux des
37 magnifiques personnes qui composent notre équipe, Me Guillaume
Rondeau, qui est expert en communication claire, et notre pédagogue en
résidence, Mme Isabelle Bourgeois, qui est conseillère en éducation.
Donc, déjà ici, vous avez représenté ce
qui est notre double mission. On est là, nous, concrètement, en accès à la
justice depuis déjà 23 ans, et c'est pour vulgariser, clarifier,
simplifier le droit, d'un côté, et, de l'autre, de développer les compétences
puis les réflexes juridiques des gens au Québec.
Alors, c'est quoi, la bibitte Éducaloi?
Bien, je pense qu'on nous connaît beaucoup à cause de notre site Web, qui
attire aujourd'hui plus de 8 millions de visites par an. Donc, au Québec,
c'est presque une personne sur deux qui utilise nos contenus. Alors, vous dire
qu'on est incontournable dans le paysage québécois, ça va de soi, je dirais.
Mais on est surtout un organisme de bienfaisance enregistré, indépendant,
c'est-à-dire qu'on est non gouvernemental. Par exemple, on nous compare à la
structure des CJP, qui sont venus vous voir plus tôt aujourd'hui. Ce n'est pas
tout à fait la même chose.
On est un organisme neutre aussi, donc ce
n'est pas vraiment notre rôle à nous de commenter ou de critiquer une loi, un
projet de loi ou même une décision de la cour. Mais ce qu'on fait, par exemple,
c'est de rendre le droit accessible, à la portée des femmes et des hommes du
Québec. Donc, c'est une phrase que j'aime dire, là, mais «le droit, ça
appartient aux gens». Ce serait normal qu'ils le comprennent puis qu'ils
puissent agir en pleine connaissance de cause, puis idéalement plus en
prévention que quand on a des problèmes puis des situations conflictuelles.
Alors, nous, on salue l'intention du PL n° 8 qui vise à modifier la loi, la procédure, pour la
rendre, la justice, là, plus efficace, plus accessible. Puis on a vraiment en
tête les deux premiers volets du projet de loi. On ne portera pas de
commentaire sur le Conseil de la magistrature ou l'accession des notaires à la
magistrature.
Donc, le projet de loi, c'est clairement
un point de départ qui est intéressant, mais ce n'est certainement pas le point
d'arrivée, parce que, pour que le public bénéficie de l'efficacité puis de
l'accessibilité qui est souhaitée par le projet de loi, il faut absolument, Mmes
et MM. les députés, M. le ministre, il faut absolument travailler d'autres
aspects de l'accès à la justice. C'est le Pr Roderick Macdonald qui
l'exprimait bien dans son rapport, qui fait toujours autorité en matière
d'accès à la justice au Québec, 30 ans plus tard : il faut que ce
soit aussi associé à des actions qui sont porteuses en information puis en
éducation juridique. Puis c'est ça, notre mission, en fait.
Donc, d'abord, pour commenter davantage,
là, sur la question de l'accès à l'information claire, fiable, accessible, je
vais laisser mon collègue Guillaume poursuivre dans notre présentation.
M. Rondeau (Guillaume) : Merci
beaucoup, Ariane. Bonjour, tout le monde. Merci de nous avoir invités. Alors,
simplifier la procédure civile, offrir des services juridiques plus efficaces,
c'est nécessaire, c'est souhaitable, mais, peu importent les mesures qui vont
être mises de l'avant, c'est essentiel que les communications juridiques qui
vont accompagner les mesures soient, elles aussi, simples, claires et
efficaces.
Pourquoi? Bien, avoir accès à la justice, c'est
aussi avoir accès à l'information. Et, pour avoir un véritable accès à
l'information, il faut que l'information permette aux gens de prendre des
décisions de manière éclairée pour que les gens puissent ultimement agir. Il
faut donc que l'information mène à l'action.
• (17 h 20) •
Je vous propose un exemple de madame, monsieur
qui pense intenter un recours devant les tribunaux sans avocat, sans avocate.
Donc, à différents moments de son parcours, madame, monsieur va devoir traiter
de l'information juridique. Madame, monsieur va trouver des dizaines de sites
Web qui offrent de l'information sur les procédures judiciaires. On peut penser
au site de Services Québec, la Cour du Québec, Éducaloi, SOQUIJ, Barreau... la
liste est très longue. Madame, monsieur peut se rendre dans un palais de
justice, un centre de justice de proximité, un organisme communautaire ou
ailleurs. Il va se faire offrir des dépliants, des guides, des aide-mémoire et
d'autres outils pratiques. Éventuellement, madame, monsieur va devoir consulter
le Code de procédure civile, va devoir consulter les règlements qui
l'accompagnent, remplir des formulaires, des demandes, des protocoles, pleins
de documents officiels comme ceux-là. Monsieur, madame va devoir parler avec le
greffe, tenter de comprendre les lettres, les avis, les autres communications
que la cour va lui envoyer dans son dossier. Et tout ça, je parle uniquement
des informations en lien avec la procédure civile. Je ne vous parle même pas
des notions juridiques liées à son conflit sur le fond. Donc, c'est très
complexe. Je ne vous parle pas non plus de l'état d'esprit et de la situation
de vie de madame, monsieur, qui vit peut-être du stress au travail, des
difficultés familiales, des problèmes de santé, plein d'éléments qui vont
certainement diminuer sa <capacité...
M. Rondeau (Guillaume) :
...certainement
diminuer sa >capacité à traiter toutes ces informations-là.
Donc, l'exemple que je viens de vous
donner, ça démontre bien que les justiciables font face à un défi extrêmement
exigeant pour traiter et utiliser toute l'information juridique qui se dresse
sur leur parcours, même si la procédure est simplifiée. Donc, même si c'est
plus simple, ça demeure très complexe quand on considère tout le reste.
Alors, pour que les intentions du projet
de loi n° 8 se concrétisent, c'est essentiel que
l'information qui va être offerte au public soit suffisamment simple, claire et
vulgarisée pour que les gens puissent l'utiliser.
Maintenant, pour que les gens puissent
utiliser l'information, l'information doit être adaptée aux réalités et aux
enjeux du grand public. Et, comme le grand public est composé de profils qui
sont très variés, bien, il faut aussi varier les initiatives et les différentes
approches qu'on va utiliser pour les informer.
On peut, par exemple, consulter
directement les personnes, donc la consultation, c'est un excellent moyen pour
produire des outils qui sont plus clairs, qui sont plus efficaces. On peut
aussi tester les outils auprès des différents publics avant de publier les
outils pour savoir si c'est vraiment efficace dans les faits, est-ce que les
gens sont capables de les utiliser. On peut prévoir aussi, de manière
explicite, dans la loi, dans la réglementation, que l'information qui
accompagne la procédure soit offerte aux gens de manière claire, de manière
vulgarisée et plus uniforme. Par exemple, la réglementation pourrait prévoir
que toute convocation en médiation obligatoire soit formulée de manière claire
et accompagnée d'outils d'information qui sont vulgarisés. Le même principe s'applique
au reste de la procédure civile qui sera simplifiée.
On peut aussi diversifier la manière
d'offrir de l'information, ne pas se contenter de l'écrit, surtout quand on
pense au fait qu'il y a beaucoup de gens qui ont des limitations fonctionnelles,
ne serait-ce qu'en termes de littératie. On peut aussi créer des outils
pratiques qui vont aider les gens à prendre des décisions, des listes de
ressources, des listes de vérification, des aide-mémoire, des parcours guidés.
Donc, c'est ce genre d'initiatives là qu'on peut produire, qu'on peut utiliser
pour, donc, offrir une information qui est plus facile à trouver, à comprendre
et à utiliser.
Mais, malgré tout ça, même si on a des
outils qui sont en théorie faciles à utiliser, ça ne veut pas dire que les gens
vont être en mesure de le faire parce que, pour agir, ça prend plus que de
l'information. Et là je vais céder la parole à ma collègue Isabelle pour vous
en parler un peu plus.
Mme Bourgeois (Isabelle) : Merci,
Guillaume. Donc, de mon côté, je vais vous parler un peu de l'importance
d'intégrer l'éducation juridique dans le développement et la mise en œuvre du
projet de loi n° 8. Comme conseillère en éducation
chez Éducaloi, je ne suis pas juriste, puis on me donne souvent comme rôle
d'être la gardienne des profanes chez Éducaloi. Donc, c'est un peu vers ça que
je vais vous amener pour ramener le citoyen, la citoyenne au centre de notre
conversation aujourd'hui.
Donc, par exemple, une personne engage un
paysagiste pour refaire sa cour arrière. Le paysagiste exige un paiement
complet, bien que les services ne sont pas complétés, l'hiver est arrivé ou une
autre raison quelconque. Madame, monsieur n'est pas d'accord, se sent un peu
frustré, ne veut pas payer, est surtout très stressé et très perdu par rapport
à tout ce qu'elle peut faire avec la situation. Cette personne-là, dans la vie
de tous les jours, ne sait peut-être pas reconnaître les dimensions juridiques
de son problème, encore moins savoir qu'elle a des droits dans la situation.
Elle ne sait peut-être pas c'est quoi, les mots-clés qu'elle peut utiliser pour
trouver l'information sur Internet.
Personnellement, avant de travailler chez
Éducaloi, «petites créances» et «médiation» étaient des mots qui m'étaient
complètement inconnus, oui, oui. Et cette personne-là, elle ne sait peut-être
pas comment se préparer à la médiation, comment... Est-ce qu'il faut un avocat?
Est-ce que ça va coûter cher? Est-ce qu'il y a 472 formulaires à remplir?
Elle ne le sait pas et, surtout, elle n'a peut-être pas confiance en elle. Elle
veut peut-être éviter la chicane, ce qui va l'amener à juste vouloir payer, au
risque de ne pas faire respecter ses droits.
Ça fait que, là, vous vous dites peut-être :
Bien, c'est quoi, le lien entre cet exemple-là et le projet de loi n° 8? En fait, pour que les gens puissent agir,
juridiquement, ils doivent être en mesure de développer des compétences, des
attitudes. Il faut aller au-delà de l'information qui est simplement... qui est
simplifiée, puis c'est là qu'entre en rôle l'éducation juridique, qui est une
des expériences clés d'Éducaloi.
L'éducation juridique, ce n'est pas juste
sur les bancs d'école, ça n'a pas d'âge, ça n'a pas de genre, ça n'a pas de
nationalité. Toute personne ne peut développer des réflexes juridiques et
développer la confiance qui est nécessaire pour faire valoir ses droits.
Quelques exemples concrets dans le cadre
du projet de loi n° 8. Par exemple, il pourrait y
avoir une formation en ligne très interactive, où les personnes se
familiarisent avec le processus de médiation, font des mises en situation pour
se préparer, se préparer à écouter, à dialoguer, à faire des compromis, bref
des attitudes qui sont essentielles dans un processus de médiation. Ça pourrait
être une formation qui est préalable au dépôt d'une demande de médiation, qui
pourrait être complémentaire aux rencontres de prémédiation que vous parlez,
les centres de justice de proximité.
Un autre exemple <pourrait...
Mme Bourgeois (Isabelle) :
Un
autre exemple >pourrait être de développer des ateliers, des outils
pratiques pour les intervenants qui sont sur le terrain, qui accompagnent au
quotidien des personnes dans leur parcours juridique. Par là, on parle des
groupes communautaires, des juristes, des cliniques juridiques, des
travailleurs sociaux, et j'en passe. Ces personnes-là doivent développer des
compétences pour être capables de relayer les informations juridiques, pour
être capables de préparer la personne qui vit des problèmes à différents
scénarios, aider à accueillir des émotions qu'ils peuvent vivre, à animer des
séances d'information.
En résumé, ce que j'essaie de vous dire,
c'est que le projet de loi et la mise en œuvre, ils doivent prévoir des outils,
des services, des formations qui sont nécessaires pour que les personnes aient
les compétences pour utiliser l'information simplifiée puis agir de manière
éclairée et surtout adaptée à sa situation. C'est aussi ça, l'accès à la
justice.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. Période
d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Charbonneau, Me Rondeau, Mme Bourgeois,
bonjour. Merci beaucoup de venir en commission parlementaire pour nous donner
votre opinion sur le projet de loi n° 8.
Je retiens bien, avec votre dernière
intervention, Mme Bourgeois, que vous nous dites : C'est bien beau,
modifier les lois, c'est bien beau, améliorer la procédure civile, mais il faut
que ça vienne avec des moyens, puis surtout, ce qui est important, c'est que la
population comprenne et que les informations juridiques soient disponibles.
Et je suis assez d'accord avec vous.
Lorsqu'on parle d'accessibilité à la justice, on peut mettre en place les
différentes balises légales pour simplifier la procédure, mais c'est vrai que
c'est important d'être bien accompagné, d'être bien informé. Vous le faites
bien, les centres de justice de proximité le font bien, on a lancé le site JuridiQC
également, avec la Société québécoise d'information juridique. Désormais, ils
ont lancé un nouveau service pour faire en sorte que les couples mariés qui
souhaitent se divorcer à l'amiable, désormais, peuvent remplir leurs documents
en ligne. Et ça génère... par le biais de l'intelligence artificielle, ça
génère la procédure de consentement avec les affidavits des époux. Et là, à ce
moment-là, les ex-conjoints peuvent déposer ça au greffe de la cour, ils
peuvent faire la procédure, puis il y a de l'information aussi. Alors, on
accompagne les gens dans leur divorce, là, c'est drôle à dire, là, mais ça
permet de donner des outils.
Alors, écoutez, je voulais vous poser la
question : Le niveau, dans votre expérience, là, dans le cadre de votre
réalité de tous les jours, là, le niveau de connaissance juridique de la
population, les gens que vous renseignez, là, comment vous l'évaluez? Vous
diriez, là, que les gens connaissent un peu le système de justice, pas du tout,
c'est un... Parce qu'on le sait, souvent, les gens ne vont pas nécessairement
au palais de justice, ne fréquentent pas nécessairement le domaine de la
justice fréquemment, c'est souvent des situations où on se sépare, il nous
arrive un litige avec un voisin. C'est quoi, votre expérience terrain, là, sur
le niveau de connaissance juridique des justiciables puis leur perception par
rapport au système de justice?
Mme Charbonneau (Ariane) : Oui,
Isabelle, est-ce que tu réponds?
Mme Bourgeois (Isabelle) : Oui.
Tout à fait. Ce dont vous nous parlez, c'est de la littératie juridique. Puis,
à ce qu'on peut observer dans le travail qu'on fait dans les écoles, qu'on fait
avec les organismes communautaires, il est très, très faible. Souvent, amener
les personnes à simplement réaliser qu'il y a du droit dans la situation qu'ils
vivent, c'est très difficile, parce qu'ils sont pris par certaines émotions,
parce qu'ils n'ont pas... ils n'ont pas un niveau d'éducation qui est peut-être
suffisant pour être capable d'analyser les lois qui sont liées à une situation.
Et puis là je passe un petit message en même temps, et il y a, dans... nos
écoles ne forment pas suffisamment, en fait, en matière d'éducation juridique.
Les jeunes sont plus ou moins conscientisés par rapport aux droits et
responsabilités qui les touchent.
Donc, par ce qu'on a observé, c'est quand
même... la première étape, de juste leur faire reconnaître le niveau,
reconnaître la dimension juridique d'une situation, c'est déjà un gros travail.
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette : OK.
Est-ce que la population connaît les modes alternatifs de règlement des
différends?
Mme Charbonneau (Ariane) : Bien,
je pense que ça va dépendre, ça ou d'autres notions juridiques, d'abord,
d'avoir un intérêt a priori. Moi, ce que je rajouterais à ce qu'Isabelle
vous a dit, M. le ministre, c'est que les gens vont chercher de l'information
juridique quand, souvent, ils sont dans une situation problématique, parce que
l'attention des gens, de tout citoyen est quand même assez limitée. Dédier du <temps...
>
17 h 30 (version révisée)
< Mme Charbonneau (Ariane) :...Dédier du >temps, de l'énergie et des ressources à s'informer. Il
faut vraiment être très habile au niveau de la sensibilisation pour aller
distiller toute l'information avant que ce soit dans une situation
conflictuelle.
Alors, ça, je vais vous dire, pour nous, c'est
un des défis de toutes les bonnes intentions derrière le projet de loi, c'est
comment on va arriver, d'abord, au-delà du moment du lancement, où on va
indiquer qu'il y a des nouvelles choses qui s'en viennent. Puis on a le même
effet que la réforme du droit de la famille, là, ça va être la même chose, comment
faire en sorte que, les gens, on va les intéresser à cette matière-là, qu'ils
vont vouloir s'informer puis qu'ils vont, après ça, intégrer puis vraiment
comprendre les nouvelles dispositions législatives qui s'en viennent.
Donc, je ne pense pas qu'a priori les gens
connaissent les PRD. D'ailleurs, plus tôt, il y avait un membre de la séance
qui indiquait ne pas connaître l'expression quand, je pense, une collègue de
CJP l'a mentionné. PRD, c'est notre jargon, les modes de prévention et de
résolution des différends, c'est une section superbelle... c'est un superbeau
concept qui a été instigué il y a sept ans, avec la réforme du Code de
procédure civile, qui est superimportant pour améliorer l'expérience de justice
pour les citoyens, mais, a priori, ce n'est pas nécessairement... ça ne fait
pas partie du quotidien des gens.
Donc, on a un défi, je vous dirais, d'intéresser
la population à la matière juridique, puis c'est pour ça que, nous, ce qu'on
fait, quand on va dans les écoles puis qu'on réussit à avoir intégré les cours
par nos trousses pédagogiques, les jeunes, par nos juristes qui vont dans les
écoles, c'est de leur montrer, sans qu'ils s'en rendent nécessairement compte,
qu'il y a du droit dans les situations de vie de tous les jours, puis c'est ça,
développer des réflexes. Tu n'as pas besoin de nommer que c'est un réflexe
juridique. Tu as juste besoin d'avoir le réflexe puis de savoir que, dans une
situation comme ça, ce serait bien que je pense à m'informer. Je ne sais pas si
je réponds à votre question, là, M. le ministre.
15 359
M. Jolin-Barrette :
Oui. On a fait le choix de rendre la médiation obligatoire aux petites créances
dans un objectif, notamment, que les citoyens puissent s'approprier leur
dossier, qu'ils puissent participer à la solution du dossier, puis que ça ne
soit pas uniquement le système de justice qui l'impose. Éducaloi renseigne
beaucoup les gens dans différents domaines de droit. Par rapport aux petites
créances, c'est quoi, les commentaires que vous recevez du terrain, les
demandes d'information? Qu'est-ce qui... Qu'est-ce qui vous a...
Mme Charbonneau (Ariane) : Bien,
moi, je voudrais que le... La rétroaction que je peux avoir, la plus directe,
là-dessus, M. le ministre, c'est des capsules qui sont consultées sur notre
site. Donc, ça fait partie des dossiers qui sont d'intérêt, je vous dirais, puis
pourquoi c'est d'intérêt? Bien, habituellement, c'est parce que tu es pris
comme partie à une situation... Tu es en Cour des petites créances. Tu ne vas
pas aller t'informer, habituellement, juste parce que ça te tente. Alors, je ne
suis pas certaine que les gens ont une connaissance de la Cour des petites
créances. D'ailleurs, Isabelle vous le disait de façon tout à fait candide
tantôt, avant de joindre Éducaloi, ce n'était même pas un tribunal, hein, je
pense, Isabelle, que tu connaissais dans ton... Pourtant, on a ici une femme
qui a une maîtrise, qui a un haut niveau de littératie. Donc...
Mme Bourgeois (Isabelle) : J'ai
beaucoup de qualités. Si tu peux... Ce que tu peux ajouter à ça, c'est que,
dans le fond, ce qu'on réalise... C'est souvent par plein de petites
thématiques qui... liées aux petites créances qu'on amène le sujet de la
médiation qui est possible, des rencontres d'essai que les CJP font déjà, mais
souvent les mots-clés que les gens vont chercher ne seront pas «petites
créances». Ils vont écrire «problème avec un service», «problème avec la
consommation», «mon voisin ne veut pas me rembourser mon 2 000 $». Tu
sais, ils vont chercher des mots-clés parce que c'est comme un... C'est comme
un travail, en fait, ardu, qu'on fait à Éducaloi, d'à la fois développer ces
réflexes-là de comment trouver la bonne information, quels sont les bons
messages, les bons mots-clés, puis, nous, d'être là au bon moment, lorsque
survient un problème, pour pouvoir, finalement, leur transmettre l'information.
15 359
M. Jolin-Barrette :
C'est intéressant, ce que vous dites relativement aux mots-clés. Vous
savez, les lois sont écrites d'une certaine façon. Je suis entouré de légistes
et je les remercie d'être avec nous. Même chose au niveau de la procédure, c'est
des termes quand même techniques. Si on veut permettre aux gens, là, de s'approprier
davantage le droit, le système de justice, avez-vous des propositions pour qu'on
puisse vulgariser... Vous, vous le faites à votre niveau, mais, nous, là, en
tant que législateurs, avez-vous des suggestions pour nous, en <termes...
M. Jolin-Barrette :
...avez-vous
des suggestions pour nous, en >termes de vulgarisation?
Mme Charbonneau (Ariane) : Je
pense que, Guillaume, tu as envie de répondre ici?
M. Rondeau (Guillaume) : Oui,
tout à fait. En fait, ce qui peut être un excellent point de départ, c'est
quand la source première du droit, donc, quand la loi elle-même, quand la
réglementation est rédigée de manière plus claire, et c'est tout à fait
possible. Je sais que la légistique est un domaine extrêmement complexe. Je ne
suis pas un expert là-dedans, mais, s'il y a une chose qui est sûre, c'est
qu'avec l'expérience que j'ai je peux vous dire qu'avoir des phrases de 70, 80,
90 mots et plus, ce n'est pas nécessaire pour conserver une rigueur juridique.
Donc, il y a moyen, avec des techniques
assez simples, là, je vous parle juste de la longueur des phrases, là, c'est
beaucoup plus complexe que ça, bien, de rendre les textes de loi plus faciles à
comprendre, plus faciles à digérer, puis ça, c'est autant pour M. et Mme
Tout-le-monde qui ne sont pas assistés par avocat que pour les juristes
eux-mêmes, qui peuvent avoir de la difficulté à comprendre la loi.
Donc, on peut travailler... Il y a... D'ailleurs,
je vous réfère, là, à un guide qui... le Guide pour la rédaction de textes
législatifs clairs, qui a été publié en 2019 par la Direction générale des
affaires juridiques et de l'accès à la justice du Québec, qui prévoit
différentes manières pour que la loi elle-même soit rédigée plus clairement.
Donc, ce qu'on se rend compte, c'est qu'en pratique ce n'est pas nécessairement
facile à faire, mais il y a des approches qui existent, et ça a été fait
ailleurs aussi. Donc, c'est une des avenues.
Mme Bourgeois (Isabelle) : Si
je peux... Oups! pardon, désolée, si je peux ajouter en mettant encore mon
chapeau, là, de non-juriste, on avait cette conversation-là tout à l'heure avec
mes collègues, à savoir comment la rédaction de la loi pourrait être plus
simple elle-même. Je me demande s'il y a cette possibilité d'être novateur, en
fait, dans notre façon de rédiger cette loi-là puis se dire : Bien, il va
y avoir des gens qui ne sont pas représentés par un avocat, qui vont utiliser,
qui vont la lire, cette loi-là, est-ce qu'il y a possibilité de faire des groupes
tests avec certaines de ces personnes-là pour qu'ils puissent nous identifier,
bien, des mots qui sont moins accessibles, des phrases qui sont un petit peu
plus complexes pour un peu ramener ces citoyennes puis ces citoyens-là au cœur,
là, de la rédaction de la loi?
M. Jolin-Barrette : Je
comprends très bien. Je vous remercie pour votre présence à la commission
parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Puis j'ai été informé
également que le guide provient du ministère de la Justice, donc, sous Me
Paradis.
Mme Charbonneau (Ariane) : Du
MJQ, oui.
M. Jolin-Barrette : Alors, je
vais en prendre connaissance.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré,
s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Oui, bonjour.
Moi, je suis d'accord avec vous. J'ai aussi un chapeau de non-juriste, et
vulgariser, c'est très important. Je vais faire un peu du pouce sur ce que M.
le ministre a dit. Si on vote des lois, si on présente des projets de loi, mais
qu'on ne les vulgarise pas, et que les gens ne les comprennent pas, on rate la
cible. Alors, dans votre document, vous avez dit : Bien, il existe déjà
plusieurs sources, la Cour du Québec, Éducaloi, le Barreau, après ça, il y a
des dépliants, il y a des guides, il y a des aide-mémoire. Puis là vous, pour
vulgariser, justement, ces nouvelles lois là, vous proposez, bon, des dépliants
tests, qu'il y ait des informations, notamment, en audio, pas juste en écrit,
d'envoyer de la préformation avant la médiation. Vous n'avez pas peur de noyer
le poisson, tu sais, de dire que trop, ce n'est comme pas assez? Comment... Si
vous aviez une mesure à choisir pour tenter de vulgariser, quelque chose qui
aiderait les citoyens, vous qui travaillez avec les citoyens, ce serait quoi?
Mme Charbonneau (Ariane) : Bien,
moi, je dois vous dire, Mme la députée, on ne peut pas en faire trop, là, parce
que le public... On n'a pas 8 millions de Québécois, qui est un gros, gros
public homogène. On a différents publics cibles avec différents... tantôt, mes
collègues l'ont dit, différents niveaux de littératie, de... C'est des horizons
très, très, très différents. Donc, vous allez avoir besoin, je vous le dis,
d'utiliser différentes sortes de façons de vous rendre à ces personnes-là.
Alors, vous avez vu, dans notre mémoire,
on vous indique que ce serait bien de les consulter. C'est d'ailleurs ce
qu'Isabelle disait, même pour écrire la loi, ce ne serait pas mauvais d'avoir
comme des espèces de groupes témoins de ces personnes non assistées par avocat
parce qu'à quelque part on le sait, qu'ils sont nombreux. Ce n'est pas juste
les avocats, les avocates ou les notaires qui vont lire ce projet de loi là,
c'est les gens qui ce ne sont pas assistés.
• (17 h 40) •
Alors, consulter les gens, c'est important,
après ça, faire des documents, puis les CJP vous en ont parlé, des documents qui
vont être en langage clair, puis un langage clair, c'est plus que la langue,
c'est plus que le niveau de vocabulaire, c'est vraiment la structure des
documents. Il faut que l'information soit facile à trouver, il faut qu'elle
soit facile à comprendre puis il faut que ce soit facile ensuite d'agir. C'est
vraiment complexe.
Donc, j'aimerais vous dire : Voici le
livre de recettes, c'est ABC, puis ensuite on a fini. Mais moi, je suis plus
portée à vous dire : Envisageons beaucoup de choses, puis il faut
consulter, parce que, nous, c'est vraiment notre expertise, des 20 plus
dernières années, qui nous dit : Il faut être près des intervenants
relayeurs, près des gens qui travaillent avec ces gens-là. Il faut qu'on ait
aussi la possibilité, dans les appels de projets, à avoir ce soutien-là,
financièrement, pour nous permettre de <valider...
Mme Charbonneau (Ariane) :
...pour
nous permettre de >valider que les outils qu'on développe, bien, ils
sont adéquats.
Mme Bourgeois (Isabelle) : Puis,
si je peux me permettre, j'ajouterais aussi...
Le Président (M.
Bachand) :Excusez-moi, Mme Bourgeois,
parce qu'il reste tellement peu de temps, il reste deux petites minutes pour la
députée d'Anjou—Louis-Riel, question, réponse. Désolé.
Mme Boivin Roy : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci pour la présentation. Je vais faire du pouce
sur mes deux derniers collègues, là, relativement aux communications claires,
simples et efficaces, là, ce que vous disiez, faire un passage, finalement, là,
que le projet de loi soit un point de départ, mais qu'on doit aller plus loin,
là. Si on prend, par exemple, l'article 35 du Code civil, là, le droit à
la vie privée, le droit à la réputation, quand on le dit en tant que tel, ça
semble un concept bien évident, mais, après ça, comme on le sait, il y a des
pages et des pages de rédaction de la Cour suprême sur les concepts. Donc, le droit,
en tant que tel, là, hormis le langage qui est utilisé, c'est complexe, là.
Alors, comment vous voyez le pont entre le droit tel qu'il est vécu, là, au
niveau de l'analyse jurisprudentielle qu'on en fait, puis l'apport que vous
pourriez avoir dans le projet de loi?
M. Rondeau (Guillaume) : Bien,
si je peux...
Mme Charbonneau (Ariane) : Vas-y,
Guillaume.
M. Rondeau (Guillaume) : Bien,
c'est-à-dire, en fait, en aucun cas la vulgarisation ne va pouvoir remplacer
l'expertise juridique. Donc, si une personne est dans une situation où les
enjeux de vie privée sont complexes et nécessitent d'analyser de la
jurisprudence, de la doctrine, et tout ça, ce n'est évidemment pas la
vulgarisation qui va permettre à la personne de s'en tirer, donc, et je dirais
même que, souvent, un des objectifs de la vulgarisation, c'est que la personne
se rende compte de la complexité de son enjeu et ait consulté un professionnel.
Donc, le but, ce n'est pas de faire en sorte que tout le monde va être en
mesure de s'improviser juriste, loin de là, mais que la personne ait le réflexe
de dire : OK, il y a des enjeux plus complexes que je pensais dans mon cas,
j'ai des droits, j'ai des obligations, il y a des gens qui peuvent m'aider à
faire ça. Et aussi la vulgarisation peut aider la personne avant de rencontrer
l'avocat ou l'avocate... bien, de se préparer un peu puis de connaître un peu
mieux comment ça fonctionne, ce qui va aussi faciliter le travail des
professionnels du droit.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Alors, je passe la parole maintenant au
député de l'Acadie... d'Acadie, pardon.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, Me Charbonneau, heureux de vous revoir, Me Rondeau
et Mme Bourgeois. On connaît la réputation de votre organisme et le
travail exceptionnel que vous faites pour les gens au Québec, les citoyens, les
citoyennes. C'est particulièrement important de vous entendre parce que
l'essence même de ce projet de loi là, c'est de rendre la justice plus
accessible. Et, M. le ministre en a parlé, les collègues députés également, si
vous regardez le document, parce que je sais que vous avez une expertise en
langage clair, est-ce qu'il y a des mots qu'on devrait utiliser plutôt que
d'autres pour permettre justement aux citoyens qui vont être confrontés à ce
document-là... On parle ici de la Cour des petites créances. Donc, souvent, les
gens n'ont pas d'avocat. Ils doivent comprendre, et, pour bonifier ce projet de
loi puis pour aller à son objectif ultime, évidemment, vos conseils à ce
sujet-là sont très appréciés. Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on pourrait
changer?
Mme Charbonneau (Ariane) : Oui.
Tantôt, Guillaume vous a parlé de la légistique, mais c'est sûr que de parler
de protocole préjudiciaire ou de parler de... qu'un dossier va être analysé au
vu, qu'on va prendre une décision au vu du dossier, ça, on se comprend entre
nous, là, mais ce n'est pas la personne qui n'est pas assistée par avocat qui
va vraiment être à l'aise avec ça. Alors, il y a des petites choses qu'on pourrait...
Ça nous ferait plaisir de faire peut-être une étude un peu plus détaillée.
Je vous donne deux petits exemples. Tantôt,
Guillaume vous a aussi mentionné des phrases de 70 ou 90 mots, il y en a,
quelques articles dans le projet de loi, qui sont comme ça, alors c'est
vraiment, en fait, pour faire du pouce sur ce qu'Isabelle a dit, d'avoir envie
ou avoir l'audace d'essayer d'écrire quelque chose d'un peu différent. Le
projet de loi n'est quand même pas très long. Ça pourrait peut-être être
intéressant d'essayer quelque chose puis de dire : Aïe! Ce projet de loi
là, il est vraiment fait pour améliorer l'efficacité puis l'accès à la justice.
Bien, tu sais, il faudrait peut-être qu'on «walk the talk», là, peut-être qu'on
essaie quelque chose d'un peu plus innovant puis... mais je lance ça comme ça,
là, peut-être que la structure, les contraintes, au sein du gouvernement, ne
permettent pas ça, là. Moi, je lance des idées, puis on pense ensemble, là, mais
ça pourrait, si on rêve, être quelque chose qui serait vraiment inspirant, de
dire : Le projet de loi est à l'image de ce qu'il propose comme intention.
M. Morin : Bien, c'est
magnifique parce que moi, j'ai le privilège de ne pas être au gouvernement. Présentement,
je suis le porte-parole de l'opposition officielle, alors je suis très
audacieux. Donc, tous vos commentaires à ce niveau-là, évidemment, pour être...
pour <faire...
M. Morin :
...niveau-là,
évidemment, pour être... pour >faire en sorte que l'Assemblée nationale,
éventuellement, va être capable d'adopter une loi qui va permettre aux gens de
bien comprendre et de bien saisir, bien, écoutez, j'accueille ça avec beaucoup,
beaucoup d'enthousiasme. Et, pour avoir lu, évidemment, le projet de loi et
certains paragraphes, je vous dirai qu'il y en a que je n'ai pas été capable de
finir. La phrase était tellement longue, j'étais en train de m'étouffer
moi-même. Alors, je comprends que, pour les justiciables, ça peut être un peu
compliqué. Maintenant, un jour, ce document-là va devenir une loi. Vous avez
besoin de quoi? Est-ce que le gouvernement doit vous aider pour être capable de
vulgariser, de produire des capsules pour faire en sorte que vous allez
disséminer l'information auprès de la population? Avez-vous besoin d'argent, de
financement? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Charbonneau (Ariane) : Il
faut savoir, M. le député, qu'on travaille déjà de près avec le ministère de la
Justice à plein de niveaux. Donc, je pense que M. le ministre est déjà au
courant qu'il peut utiliser Éducaloi. On a... Nous, on n'offre pas juste au
gouvernement, mais à toute entité, qu'elle soit publique, privée, parapublique,
OBNL, la capacité de supporter les organisations dans leurs communications
juridiques.
Donc, on aime aussi beaucoup faire du
coaching, de la formation, c'est-à-dire passer notre savoir à l'interne pour
que, de plus en plus, les gens... Puis c'est un peu la différence avec l'entreprise
privée qui veut garder son expertise, sa niche et fructifier ce... faire... en
fait, monétiser son expertise. Nous, c'est tout le contraire, nous, c'est du
prosélytisme, nous, c'est... Si on peut convertir le maximum de gens aux
habiletés que ça prend pour faire de la communication claire et de l'éducation
juridique, on va être là, au rendez-vous.
Donc, de plus en plus, nous, ce qu'on
fait, c'est apprendre à pêcher plutôt que donner le poisson, mais on peut être
là dans toutes les étapes, donc, à partir de ce que c'est, les principes de
base en communication claire, jusqu'à appuyer, valider et accompagner les
livrables qui sont faits là-dedans.
M. Morin : Je vous remercie.
Autre chose, parce qu'on parle d'accès à la justice et qu'on parle du rôle des
citoyens, c'est fondamental, est-ce que vous avez, dans votre documentation,
des capsules qui sont rédigées en anglais et est-ce que vous avez des modules
pour les peuples autochtones, les Premières Nations?
Mme Charbonneau (Ariane) : Bon,
écoutez, nous, c'est à peu près miroir, tout ce qu'on a, français-anglais. Donc,
les communautés anglophones du Québec sont très, très bien desservies.
Maintenant, pour ce qui est des communautés autochtones, on est dans une tout
autre situation. C'est extrêmement complexe, M. le député, de se rendre à un
service d'accès à la justice qui est à la hauteur de ce que les différentes
communautés auraient besoin, ces différentes langues, différents dialectes.
On a travaillé... Depuis 20 ans, à
quelques reprises, et plus récemment encore, on a fait un projet qui était
particulier, dans ces eaux-là, mais ça, ça prendrait vraiment un soutien et un
financement particuliers pour réussir notre objectif d'information vulgarisée,
accessible. Les modes de communication sont différents. Les plateformes
utilisées sont différentes. On est beaucoup moins dans l'imprimé. On va
utiliser les réseaux communautaires. On est vraiment ailleurs, là, mais il faut
connaître notre persona, comme on dit en communication, là, il faut bien, bien
identifier notre public cible puis travailler, après ça, adéquatement les
outils qui seraient pertinents.
M. Morin : Et pour faire
face...
Mme Charbonneau (Ariane) : Je
ne sais pas si, Guillaume, tu aimerais rajouter quelque chose, là?
M. Rondeau (Guillaume) : Non,
mais c'est... Bien, tu sais on ne peut pas uniquement prendre des contenus en
français ou en anglais puis les traduire dans des langues autochtones. Vraiment,
l'approche est complètement différente. Il faut repartir du début, le processus
de conception, de consultation, c'est totalement autre chose.
M. Morin : Et est-ce que vous
avez...
Mme Bourgeois (Isabelle) : Si
je peux ajouter avec une... Oh! pardon.
M. Morin : Oui, allez-y, je
vous en prie.
Mme Bourgeois (Isabelle) : Si
je peux ajouter, avec mon chapeau de pédagogue, ce qui a prouvé, en fait,
certains succès avec les communautés autochtones, c'est de venir faire de la
formation, d'avoir des activités collaboratrices avec des gens qui sont sur le
terrain, avec des personnes autochtones, pour outiller ces personnes-là à
pouvoir simplifier l'information juridique dans leur propre langue également.
Ça fait que ça, c'est une approche, là, qu'on est en train d'explorer
présentement.
• (17 h 50) •
M. Morin : Et, compte tenu de
tout ce dont on parle, est-ce que, votre équipe, vous avez suffisamment de gens
pour faire tout ou si des personnes supplémentaires vous aideraient, compte
tenu de vos budgets?
Mme Charbonneau (Ariane) : Bien,
c'est sûr qu'on prendra tout soutien parce que, pour nous, c'est additionnel à
ce qu'on fait, là. Il ne faut pas se le cacher, là, je n'ai pas une équipe
dédiée aux communautés autochtones. J'en ai une dédiée aux communautés
anglophones, par ailleurs, qui est financée par Justice Canada, donc, mais il
faudrait probablement l'aide plus précise des ministères appropriés pour ça,
effectivement.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Bon, à vous <entendre...
Mme Labrie :
...merci,
M. le Président. Bon, à vous >entendre, je pense que la manière la plus
simple de faciliter l'accès à la justice, c'est d'abord de rédiger des lois de
la bonne manière, là. Le ministre de la Justice vient d'apprendre, devant nos
yeux, qu'il existe un guide de rédaction claire de textes législatifs. Donc, on
peut penser qu'il n'a peut-être pas été utilisé pour ce projet de loi là ou, en
tout cas, de toute évidence, pas assez, parce que vous nous avez donné des
exemples concrets d'éléments du projet de loi n° 8
qui ne sont pas rédigés de manière suffisamment claire. Là, on est dans un
projet de loi qui vise à améliorer l'accès à la justice. Est-ce que ça vous
semblerait approprié d'ajouter dans ce projet de loi là un article pour obliger
le législateur à utiliser le Guide pour la rédaction de textes législatifs
clairs dans tous les projets de loi qui seront déposés à l'avenir?
Mme Charbonneau (Ariane) : J'ai
peut-être l'impression, Mme la députée, qu'il y a des considérations ou des
contraintes qui me dépassent, là, dans ma connaissance de l'administration.
Juste pour votre information, nous, on fait partie, au sein de l'IQRDJ,
l'Institut québécois de réforme du droit et de la justice, d'un sous-comité sur
l'accès aux lois. On travaille de près avec les légistes de Justice Québec
là-dessus, et je sais qu'ils et elles savent que le guide existe. Donc, moi, je
ne lance pas du tout la pierre à l'équipe des rédacteurs de ce projet de loi
là. Je pense que, parfois, il y a des contraintes de temps. Il y a des
contraintes qui sont peut-être, là...
Mme Labrie : Non, mais, sans
lancer la pierre, en fait, c'est parce que c'est un peu comme l'analyse
différenciée selon les sexes, là, il y a des guides qui existent pour ça. Après
ça, est-ce que les ministères le font? Rarement. Comme ce guide-là existe,
c'est une excellente chose, mais est-ce qu'on devrait rendre plus systématique
le recours à ce guide-là pour la rédaction des lois? Est-ce qu'on devrait
ajouter ça au projet de loi n° 8?
Mme Charbonneau (Ariane) : Il
faudrait évaluer si c'est l'approche la plus efficace pour le faire. Je ne sais
pas si ce serait de cette façon-là, mais c'est sûr que je vais supporter toute
initiative qui fait en sorte qu'on est... on se resensibilise toujours à se
demander si notre public cible est atteint, parce que, dans le fond, c'est ça
aussi, c'est qui, le public cible? Est-ce que, quand on écrit une loi, le
public cible, c'est les avocats ou les notaires qui vont lire la loi, est-ce
que c'est la cour qui aura à interpréter les dispositions législatives ou
est-ce que c'est, comme je le disais tantôt, les citoyennes et citoyens qui
sont censés... à qui c'est censé, théoriquement, être destiné? Parce que les
règles de droit, c'est nos règles de jeu en société. Donc, c'est pour ça que je
vous dis que ce serait normal qu'on les comprenne un peu, nos règles, là, mais,
dans la réalité, je pense que, concrètement, écrire des lois, ça ne s'adresse
bien souvent peut-être pas à madame, monsieur, pour plein de raisons, qu'elles
soient bonnes ou pas, là. Donc, en ce qui a trait à ajouter une disposition pour
obliger qu'on utilise le guide, il faudrait qu'on analyse un peu plus la proposition.
M. Rondeau (Guillaume) : Oui,
bien, en fait, ce que je dirais, c'est que je ne sais pas à quel point le guide
serait suffisant en soi. C'est-à-dire que, bon, il y a un certain mouvement...
On entend parler de l'accès universel à l'information, qui fait appel à
différentes limitations fonctionnelles que les gens peuvent avoir. La
littératie n'est pas reconnue, par exemple, comme étant un handicap en ce
moment, mais, clairement, les gens qui ont un faible niveau de littératie, ils
vont avoir de la difficulté à consulter l'information, à traiter l'information.
Donc, vous parliez d'analyse différenciée.
Il y aurait d'autres critères, qui ne sont pas présentement dans le guide de
rédaction législative claire, qui doivent être pris en considération. Puis là
il y a des études sur les différentes facettes de l'accès à l'information,
l'acceptabilité d'une information, l'abordabilité. Bon, il y a plein
d'éléments, et je pense que ça déborde le contenu du guide. Donc, ça pourrait
aller plus loin que ça aussi si on souhaite vraiment un accès plus universel à
l'information, le but étant de fournir une information que le plus grand... la
plus grande diversité de profils vont être en mesure de comprendre, et pas
nécessairement le plus grand nombre.
Mme Labrie : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Bien, d'abord, merci d'être présents parmi nous. Merci de... merci, Éducaloi,
pour le travail auprès de la population, auprès des citoyens. Même nous, dans
nos bureaux de comté, souvent, on les réfère au site Internet d'Éducaloi parce qu'il
y a des... vraiment, il y a des capsules pertinentes qui vulgarisent certains
principes. Donc, vous faites vraiment un excellent travail. Donc, je vous
remercie.
Oui, on comprend, de rendre la justice
plus accessible, c'est le défi qu'on a, ici, les législateurs. Ça passe aussi
par l'information, puis c'est... là on comprend que c'est là où c'est plus
difficile, de rendre... de rendre l'information accessible à tout le monde.
J'ai pris connaissance, là, du résumé de vos interventions. J'ai pris
connaissance aussi de l'ensemble des initiatives, là, que vous faites, que vous
offrez. Je ne sais pas quoi dire de plus. Je pense que tout le monde ici,
autour de la table, on cherche les outils, justement, pour... On a compris... On
a bien compris ce que vous avez soulevé puis on est avec vous. On cherche les
outils. Même, je me demande, tu sais, comment qu'on pourrait créer des
multiplicateurs <Éducaloi ou faire la promotion...
Mme Nichols :
...créer
des multiplicateurs >Éducaloi ou faire la promotion d'Éducaloi, où
est-ce qu'Éducaloi pourrait devenir une référence, un lien dans nos différents...
dans nos différents projets de loi, là, quitte à... Tu sais, on va au projet de
loi, il pourrait y avoir une capsule qui s'en va vers Éducaloi, je lance ça
comme ça. Je sais que c'est un peu plus compliqué, puis ce n'est pas un
organisme gouvernemental. Ça fait que je sais qu'il y a plusieurs contraintes
autour de tout ça aussi, mais je pense que notre objectif, c'est aussi de
rendre l'information disponible aux citoyens, au public. Vous nous aidez
beaucoup dans ce sens-là, et je vous en remercie. Si vous avez d'autres choses
à ajouter, on vous écoute.
Mme Charbonneau (Ariane) : Bien,
écoutez, nous, on sera... Moi, ce que j'ai envie de dire là-dessus, on sera
toujours là pour aider. Que ça soit par une capsule qui est rajoutée dans des
documents officiels, tout est possible, tout est envisageable. J'ai surtout une
équipe très créative. La créativité fait partie de nos valeurs
organisationnelles, comme la neutralité, depuis 23 ans. Donc, rien n'est
impossible, et puis, moi, c'est de la musique à mes oreilles si on peut faire
davantage pour soutenir les parlementaires, le gouvernement et pour soutenir la
population en général.
Mme Nichols : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, Mme Bourgeois,
Me Charbonneau, Me Rondeau, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet
après-midi. C'est très, très intéressant, puis continuez votre magnifique
travail.
Mme Charbonneau (Ariane) : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, la commission ajourne
ses travaux au jeudi 16 février 2023, après les avis touchant les
commissions. Merci, belle soirée.
(Fin de la séance à 17 h 58)