(Onze heures trente-trois minutes)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour à tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte.
La commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8, Loi visant à améliorer l'efficacité et
l'accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et
l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec.
Avant de débuter, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par Mme Labrie
(Sherbrooke).
Auditions
Le Président (M.
Bachand) : Donc, merci beaucoup. Ce matin,
nous allons entendre le Barreau du Québec. Mais, d'abord, il nous fait plaisir
d'accueillir Me Gagnon, de Juripop.
Alors, Me
Gagnon, merci beaucoup d'être avec nous. Comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation, et après on aura une période d'échange
avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous, Me Gagnon.
Juripop
Mme Gagnon
(Sophie) : Je vous remercie. M. le Président, MM. et Mmes les
députés, bonjour. Merci beaucoup pour votre... pour l'invitation à
partager les observations de Juripop ce matin. J'aurais beaucoup aimé pouvoir
me déplacer et être avec vous, mais, à défaut, je suis, donc, en
visioconférence à vos côtés.
Avant de commencer, quelques mots pour
contextualiser l'intervention de Juripop sur le projet de loi n° 8. Comme
vous le savez sans doute, Juripop est un organisme à but non lucratif dont la
mission est d'améliorer l'accès à la justice. Notre intervention aujourd'hui
s'inscrit dans le cadre de la mission historique de Juripop qui est d'offrir des services juridiques abordables aux personnes
qui sont en situation financière précaire, donc qui ne sont pas en mesure
de faire valoir leurs droits aux côtés d'avocats ou notaires et qui ne sont pas
admissibles à l'aide juridique.
Donc, ça fait près de 15 ans, chez Juripop,
qu'on offre des services juridiques abordables à des milliers de citoyens qui,
autrement, seraient contraints de se représenter seuls ou de ne pas faire
valoir leurs droits. C'est donc avec cette
lunette, là, qu'on a analysé le projet de loi n° 8. Et certaines de nos
observations sont également basées sur notre expertise en matière
d'accompagnement des personnes victimes de violence à caractère sexuel ou de
violence conjugale.
Notre intervention porte sur quatre des thèmes
du projet de loi, donc, quatre sections. Et, avant de conclure, on va également
vous communiquer une recommandation plus globale qui, à notre avis, est
nécessaire pour assurer la mise en oeuvre du projet de loi.
Le premier thème de notre intervention concerne
les dispositions qui visent à rendre la médiation obligatoire ou, du moins, qui
visent à offrir des avantages aux parties qui se prévalent d'une médiation et
qui obtiennent une attestation délivrée par un médiateur ou une médiatrice
accrédité.
Le principe cardinal... Deux des principes
cardinaux de la médiation consistent d'abord en le caractère volontaire de la
médiation et, d'autre part, en une égalité des pouvoirs entre les personnes ou
les parties qui participent à la médiation. Cette égalité-là est nécessaire
pour assurer le caractère libre et volontaire du consentement à la médiation et
à une éventuelle entente mais aussi pour faire valoir sa position librement.
Évidemment, on se questionne sur la compatibilité entre les dispositions du
projet de loi qui visent à rendre la médiation obligatoire et le caractère
volontaire de la médiation. Dans certains cas, on serait... on se questionne
sur l'efficacité d'une médiation qui serait imposée aux parties, qui pourrait
résulter non pas en une accélération de la procédure, mais plutôt en l'ajout
d'une étape qui serait, dans tous les cas, vouée à l'échec.
Mais les deux considérations qu'on voulait vous
partager concernent plus spécifiquement les personnes qui sont non représentées
ou qui sont à faibles revenus et qui ont déjà tendance à être dans l'angle mort
du système de justice. Plusieurs des personnes se tournent vers les tribunaux
et vers la procédure adversariale non pas par choix, mais plutôt parce que
c'est le seul moyen qui est financé par l'État afin de résoudre leurs
différends. Et, bien qu'on salue l'intention du législateur de favoriser les
modes alternatifs de règlement des différends, dans la mesure où l'accès à la
médiation ou à l'arbitrage demeure conditionnel à la capacité de pouvoir
défrayer les honoraires des médiateurs et des arbitres, ce sont encore une fois
les personnes qui, à la base, sont déjà incapables de rémunérer un avocat qui
seraient également incapables de rémunérer les honoraires d'un médiateur ou
d'un arbitre, et qui seraient donc dans
l'incapacité d'obtenir l'attestation de médiation, et qui pourraient voir
l'instruction de leurs dossiers retardée, en comparaison
aux parties qui, elles, seraient en mesure... qui auraient non seulement la
volonté d'aller en médiation, mais qui auraient aussi la capacité de
payer pour la médiation.
Donc, notre recommandation pour la commission,
c'est qu'il y ait un motif d'exonération pour l'instruction plus rapide. Le
motif d'exonération devrait être, à notre avis, l'incapacité de défrayer les
coûts de la médiation. Une autre alternative
serait de limiter la rapidité de l'instruction aux personnes morales. Dans
certains districts, notamment à Montréal, il existe déjà un rôle qui est réservé
aux personnes physiques et un autre qui est appliqué lorsqu'il y a une
partie qui est une personne morale. Donc, l'incitatif pourrait être limité aux
personnes morales seulement et non pas aux
individus, qui, dans la forte majorité des cas, n'auront pas les moyens de
payer pour les honoraires d'un médiateur.
Évidemment, on ne peut pas passer sous silence
le caractère particulier des personnes qui se trouvent en situation de violence
conjugale. Chez Juripop, on décommande systématiquement l'appel à la médiation
quand il y a une situation de contrôle
coercitif ou de violence conjugale, pour des raisons que je pourrais détailler
en question, mais que je présume que
vous connaissez bien, vu les travaux qui vous ont occupés dans les dernières
années. On considère qu'il est vraiment essentiel que la simple
allégation d'une situation de violence conjugale soit un motif d'exonération à
la médiation obligatoire aux petites créances ou encore à l'instruction en
priorité à la Cour du Québec.
Puis j'insiste vraiment sur la nécessité que la
simple allégation d'une violence conjugale soit suffisante pour ne pas être
assujettie aux dispositions prévues par le projet de loi. Dans notre
expérience, chez Juripop, de manière hebdomadaire, malheureusement, notre
constat, c'est qu'à l'heure actuelle, malgré les bonnes intentions, les
tribunaux ne sont pas outillés pour dépister la violence conjugale et qu'il y a
plusieurs dossiers où, à notre avis, la violence
conjugale, les risques homicidaires sont bien présents, mais qu'ils ne sont pas
considérés comme tels par le système de justice. Donc, on vous met en
garde, là, quant à la tentation de laisser à la discrétion du tribunal le
pouvoir de déterminer s'il y a de la violence conjugale ou non dans un dossier
aux fins de la médiation.
• (11 h 40) •
Le deuxième thème concerne la procédure
simplifiée aux demandes en matière civile. Alors, le projet de loi propose
notamment, là, la mise en place de délais statutaires au lieu de l'habituel
protocole de l'instance, propose également que
certaines procédures soient assujetties à l'autorisation du tribunal, et le
projet de loi propose également que certains actes de procédure soient limités,
que ce soit dans leur longueur ou dans leur nombre. Puis, sans énumérer
ces dispositions-là, chez Juripop, évidemment, tout ce qui contribue à
l'enflure des procédures, à l'enflure des délais constitue, à notre avis, des
obstacles d'accès à la justice qui doivent être éliminés ou amoindris. Donc, on
salue les dispositions du projet de loi qui visent à introduire une procédure
simplifiée aux demandes en matière civile et puis on invite la commission à les
conserver tels quels ou à les bonifier mais définitivement à poursuivre sur
cette lancée.
On salue également, troisièmement, les
modifications qui concernent la division des petites créances. La division des
petites créances est un véhicule d'accès à la justice très efficace pour les
personnes qui n'ont pas les moyens de faire valoir leurs droits. Alors, Juripop
accueille favorablement tout ce qui favorise l'accès aux petites créances ou
encore qui est de nature à accélérer le traitement des dossiers. Vous le savez
sans doute, mais, il y a quelques années seulement, on recommandait aux parties
de se tourner vers les petites créances non seulement parce que c'était moins
onéreux, mais aussi parce que c'était plus rapide. Malheureusement, depuis
quelques années, ce n'est plus le cas. C'est parfois plus long de faire des
demandes aux petites créances qu'à la Cour du Québec ou à la Cour supérieure.
Et la disposition qu'on salue tout
particulièrement, mais pour laquelle on souhaiterait des précisions, est celle
qui prévoit que certaines décisions peuvent être prises sur le vu du dossier.
On en déduit que ce qui est souhaité, c'est qu'un greffier ou un juge puisse
notamment prononcer le rejet partiel ou total d'une demande au simple vu du dossier, donc, sans entendre les parties. Et, dans
notre expérience, il y a plusieurs... Ce n'est pas anormal que des demandes
aux petites créances soient, évidemment, mal fondées en droit ou en fait. Or, à
l'heure actuelle, il est impossible pour une
partie de faire une demande en rejet, impossible pour une partie de faire une
demande en précision. Donc, il y a des parties qui se voient contraintes
à déployer des ressources en temps, en énergie pour contester des demandes qui
sont vouées à l'échec et qui embourbent les petites créances de manière
inutile. Donc, on salue la disposition, mais on recommande qu'elle soit précisée pour rendre sa portée plus claire.
Donc, la disposition pourrait se lire : «Certaines décisions
peuvent être prises sur le vu du dossier, notamment le rejet partiel ou total
d'une demande.»
On salue également l'indexation de la compétence
et la revendication d'un bien qui est permise, accessoire à une demande.
Le temps
file, donc, très rapidement, Juripop appuie également les modifications au
Conseil de la magistrature qui permettraient la nomination d'un
non-juriste qui serait nommé après consultation des organismes qui oeuvrent
auprès des victimes.
Et, avant de
conclure, on souhaite porter à votre attention que, pour que le projet de loi
atteigne véritablement ses objectifs, il est, à notre avis, essentiel que le
projet de loi soit accompagné soit d'un investissement auprès des
cliniques juridiques ou des organismes à but non lucratif qui offrent des
conseils juridiques ou de la représentation, ou encore que le projet de loi
mette à profit deux fonds qui existent déjà, à savoir le Fonds d'études
notariales et le Fonds d'études juridiques,
dont l'administration est confiée, par la Loi sur le notariat et la Loi sur le
Barreau, à la Chambre des notaires et au Barreau du Québec.
En ce moment, les deux lois précitées
restreignent l'utilisation du Fonds d'études notariales et du Fonds d'études
juridiques au financement de services d'information et d'éducation juridiques.
On vous soumet que, dans la foulée du projet de loi n° 34
de la session dernière et du projet de loi n° 8 de cette session, on sent
que le législateur reconnaît l'importance d'accompagner et de représenter de
manière gratuite ou à coût modique les personnes qui sont en situation financière précaire. Or, au Québec, il n'existe aucune
source de financement pour de tels programmes. Alors,
que ce soit par le Fonds Accès Justice ou encore par une modification de ces
lois pour permettre au Barreau ou à la chambre de financer des services de
représentation ou de conseils juridiques, ça permettrait non seulement d'avoir
une loi efficace en théorie, mais aussi efficace en pratique...
Le Président (M.
Bachand) : Merci...
Mme Gagnon (Sophie) : ...en donnant
aux cliniques juridiques les outils pour la mettre en oeuvre.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, Me Gagnon.
On est rendus à la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bonjour, M. le
Président. Merci. Bonjour, chers collègues. Bonjour, Me Gagnon. Merci beaucoup
de participer aux travaux du projet de loi n° 8.
Merci de votre présence.
D'entrée de jeu, Me Gagnon, relativement aux
interventions que vous avez faites, je tiens à vous rassurer sur deux éléments,
là. Premier élément, relativement à l'obligation de médiation en matière de
violence conjugale, on a pris bien note de vos commentaires, puis c'était déjà
notre intention, par voie réglementaire, de prévoir certaines exceptions,
notamment celles relativement à la violence conjugale. Donc, on prend bien en
note vos commentaires. Vous, vous
dites : Lorsqu'il y a allégation de violence conjugale aussi. Donc, on le
prend et on va s'assurer de bien prévoir les dispositions par voie réglementaire attachées à ça, parce que, bien
entendu, on ne veut pas mettre en péril la sécurité d'un individu puis
on veut aussi que la médiation, ce soit un endroit où les gens se sentent à
l'aise. Donc, vous comprendrez l'objectif de la médiation.
Deuxième élément sur lequel je tiens à vous
rassurer, le dossier... en fait, la gestion du dossier, la décision sur vu du
dossier. Donc, dans le cadre de la disposition, il faut que les deux parties
soient en accord pour que le juge puisse se prononcer uniquement sur le vu du
dossier. C'est une demande, notamment, qui a été faite afin de réduire les
coûts pour les justiciables. Ça limite le nombre de vacations de représentation
pour des petits dossiers jusqu'à 3 000 $. Mais, je tiens à vous
rassurer, ça prend véritablement le consentement des deux parties. Donc, si une
partie n'est pas d'accord, bien, ça ne se retrouvera pas sans être entendu
devant le juge, en présence physique. Donc, il faut que les deux parties acceptent
de le faire.
Relativement au financement, je vous entends
bien sur le Fonds d'études notariales, le fonds également du Barreau. Il y a déjà le Fonds Accès Justice qui
permet de financer certains projets. Puis, vous le dites bien, le gouvernement
a été ambitieux en faisant en sorte de permettre aux organismes à but non
lucratif de donner des conseils et des avis juridiques. Le règlement devrait
rentrer en vigueur dans les prochains mois, suite à l'adoption du projet de loi
n° 34. Et on est très fiers de cela, justement, parce qu'on est pas mal en
retard, au Québec, notamment pour les cliniques juridiques universitaires,
qu'on avait fait adopter préalablement. Donc, maintenant, dans les cliniques
juridiques universitaires, les étudiants peuvent donner du conseil et des avis
juridiques. Les organismes à but non lucratif vont pouvoir faire de la
représentation aussi, on va mettre à contribution les avocats à la retraite,
donc, toujours dans des mesures d'accès à la
justice. Je comprends que vous dites : Il faut le financer. Alors, on va
travailler avec mon collègue des Finances pour vous entendre à ce
niveau-là.
Je voudrais vous entendre, Me Gagnon, sur
la place qu'on fait au Conseil de la magistrature pour... dans le fond, pour
les personnes victimes, pour qu'elles aient une voix au chapitre. Qu'est-ce que
vous en pensez, de ça, le fait qu'il y ait un poste qui soit réservé à une
personne qui oeuvre auprès des personnes victimes?
Mme Gagnon (Sophie) : C'est une
modification qu'on salue et qu'on appuie. C'est une modification qui est de
nature, ne serait-ce que symboliquement, à contribuer à renforcer la confiance
des personnes victimes envers le système de justice. Bien évidemment, puis je
suis convaincue que vous le savez, ce qui va réellement rebâtir la confiance,
ça va être la formation et la réelle compréhension des juges quant aux réalités
des personnes victimes. Par contre, on ne peut pas être contre une telle
modification, là. On considère que c'est une belle exposition.
M. Jolin-Barrette : OK.Puis
je ne vous apprends rien en vous disant que le Conseil de la magistrature est
responsable de la formation des juges aussi, là.
Mme Gagnon (Sophie) : Évidemment.
M. Jolin-Barrette : OK. Donc,
justement, la personne qui siégera désormais au Conseil de la magistrature
pourra sensibiliser l'ensemble du Conseil de la magistrature par son expertise,
par son expérience également, puis ça va permettre, justement aussi, de
développer des programmes de formation qui sont en lien aussi avec la réalité
des personnes victimes, parce que c'est pour ça, justement, qu'on fait ça, pour
faire en sorte que, bien, tout le monde soit outillé d'une façon adéquate, avec
la réalité terrain telle que vous, vous la connaissez lorsque vous représentez
des personnes victimes puis cette différente réalité là. Donc, vous êtes à
l'aise avec ça, avec cette approche-là.
Mme Gagnon
(Sophie) : Oui, absolument, parce que c'est... l'écart entre
les connaissances de la magistrature et la réalité des personnes
victimes de violence sexuelle, violence conjugale demeure beaucoup trop grand
et nuit, en ce moment, là, pas juste à la confiance, mais aussi à la sécurité
des personnes victimes qui font valoir leurs droits devant les tribunaux.
M.
Jolin-Barrette : OK. Je vous amènerais, Me Gagnon, sur la
question de la médiation. Vous avez dit, dans votre document puis dans votre
allocution tout à l'heure : Bien, la médiation doit être volontaire. C'est
un des principes, généralement, qui est invoqué. Mais là ce qu'on fait, c'est
qu'on la rend obligatoire aux petites créances, justement, pour faire en sorte
que les parties aient un endroit où se parler, qu'il y ait une première étape
puis qu'on n'attende pas en bout de course, rendu devant le juge, pour, là,
être assis dans la salle d'audience.
Je comprends que vous
nous dites : Bon, bien, ça ne devrait peut-être pas être obligatoire.
Mais, d'une autre façon, si on veut asseoir les parties ensemble, lorsque les
circonstances s'y prêtent... Dans les cas des projets pilotes, on a près de 60 % des dossiers qui se règlent
en médiation, beaucoup aux petites créances. Les gens, ils veulent que l'autre
partie entende ce qu'elles ont à dire aussi.
Dans
cette optique-là, ne croyez-vous pas que c'est une approche qui permettra,
justement, de réduire les délais, de
désengorger les tribunaux puis de faire en sorte que, peut-être, les parties
vont davantage apprécier leur expérience dans le système judiciaire,
parce qu'elles auront contribué à la solution de leur litige?
• (11 h 50) •
Mme Gagnon
(Sophie) : C'est une intuition qui est sensée. Ce que les études sur
la médiation indiquent, c'est que, pour
qu'un... bien, sur la médiation... sur les programmes de
règlement des différends, c'est que, pour qu'une médiation ou une
négociation fonctionne, les parties doivent être disposées à régler leur
différend autrement que devant un juge ou
une juge. Normalement, lorsque les parties décident de se tourner vers les
tribunaux pour faire valoir leurs droits, c'est qu'elles ne sont plus
disposées à négocier, parce qu'elles ont tenté de régler leur différend à l'amiable et que ça a échoué, d'où, généralement,
le principe voulant que c'est aux parties de décider si elles souhaitent
entreprendre une médiation ou non et d'où le taux de succès élevé des
médiations qui résultent de la volonté des parties. Donc, à notre avis, il
faudra évaluer, là, la mise en oeuvre de... le taux de succès des médiations
qui résultent de l'opposition puis le
comparer au taux de succès qui prévalait lorsque les médiations résultaient de
la volonté des parties.
M.
Jolin-Barrette : OK. Je vous entends bien. Un autre élément, dans la
simplification de la procédure, vous disiez :
Bien, il y a beaucoup de parties non représentées. Souvent, aussi, vous les
conseillez. Un des objectifs, également, de la procédure simplifiée à la
Cour du Québec, c'est que ce soit le plus simple possible, puis qu'il n'y ait
pas de nombreuses vacations à la cour, puis de faire en sorte que ce soit
simple aussi. On réduit la demande à cinq pages. On réduit la défense à deux
pages. Il n'y aura plus d'interrogatoire au préalable en bas de
50 000 $. On fait en sorte également qu'il y ait une conférence de
règlement à l'amiable, justement, pour que ce soit le plus simple possible et à
moindre coût pour les citoyens. Qu'est-ce que vous pensez de la conférence de
règlement à l'amiable?
Mme Gagnon
(Sophie) : C'est une bonne disposition qui est... Les conférences de
règlement à l'amiable sont aussi très efficaces. Donc, c'est une mesure qu'on
appuie. Puis, non seulement pour les personnes qui se représentent seules, mais également pour les personnes qui sont
représentées par avocat, ça va aussi contribuer à réduire les
honoraires.
M.
Jolin-Barrette : OK. En termes... Tu sais, vous faites de
l'information, mais vous faites également du conseil,
des avis juridiques. On a reçu Éducaloi hier. Ils nous disaient, grosso modo,
qu'on a beaucoup de travail à faire en termes d'information au niveau
des droits des citoyens. C'est quoi, votre son de cloche sur le terrain en
matière de connaissance des droits, des
obligations des citoyens, quand vous accompagnez les gens dans les différents
domaines, que ce soit en matière civile, mais que ce soit dans les
domaines où vous avez une spécialisation, en matière d'agressions sexuelles? C'est quoi, votre son de cloche à vous,
là, sur le terrain?
Mme Gagnon (Sophie) : Alors, Juripop, Éducaloi,
on est des organisations aux missions très complémentaires, parce qu'on intervient dans des moments
différents, là, dans la vie des différends, des différends avec un d.
Normalement, les gens vont se tourner vers l'information juridique quand
ils cherchent à anticiper ou à régler un litige, et puis les gens vont cogner à la porte de Juripop lorsque les
tentatives de comprendre leurs droits ou de les exercer par eux-mêmes ou
elles-mêmes ont échoué. Et, nous, notre constat sur le terrain, c'est que,
passé un certain seuil de complexité ou un certain seuil de conflit, les
citoyens ont besoin de professionnels qui vont leur expliquer leurs droits, et
surtout qui vont rendre un avis quant à l'application du droit à leur situation
particulière, et qui vont les aider à les faire valoir.
Puis je porterais à
votre attention les recherches qui ont été faites par la Pre Emmanuelle
Bernheim dans le cadre du projet ADAJ, Accès au droit et à la justice. La
professeure Bernheim a fait de la recherche empirique sur la Clinique juridique du Mile-End, puis sa
conclusion, c'était que les personnes dont le différend était judiciarisé, même
les personnes qui s'étaient tournées vers des ressources d'information
juridique, étaient incapables de faire valoir leurs droits et se
sentaient désemparées face aux tribunaux. Puis ce qui faisait une différence
pour ces personnes-là, c'était vraiment la présence d'un accompagnateur, donc,
d'un professionnel du droit qui rendait des conseils juridiques et qui faisait
de l'accompagnement, et puis, donc, ce qui s'ensuit, d'où notre dernière
recommandation, là, à l'effet qu'il est nécessaire, vraiment, que l'État
investisse des ressources pour qu'il y ait des services de conseils juridiques
et de services juridiques à coût modique qui soient accessibles aux citoyens,
parce qu'en ce moment ce ne sont que des services d'information juridique qui
sont mis à leur disposition.
M.
Jolin-Barrette : OK. Je vous remercie grandement, Me Gagnon, pour
votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la parole à mes
collègues. Un grand merci.
Mme Gagnon (Sophie) : Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci.
Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré. Non? Mme la députée d'Anjou—Louis-Riel, tiens.
Mme Boivin Roy : Merci, M. le
Président. Bon matin à vous. Merci pour la présentation, Me Gagnon. Question pour vous. On entend que vous êtes
favorables à ce qu'il y ait l'insertion d'une personne issue d'un organisme communautaire
qui aide les victimes au Conseil de la magistrature. Vous y voyez là une
collaboration constructive, une façon de
pouvoir créer des ponts entre les organismes qui sont sur le terrain, qui
oeuvrent à tous les jours, une façon aussi,
là, de peut-être... de rebâtir la confiance dans le système judiciaire.
Qu'est-ce que vous pensez des réfractaires qui disent qu'on vient jouer là dans la présomption d'innocence et le devoir
d'impartialité, qu'il y aurait une incompatibilité?
Mme Gagnon (Sophie) : La présomption
d'innocence, c'est un droit prévu à la charte qui s'incarne quand une personne
est accusée puis qu'elle cherche à faire valoir ses droits ou à se défendre
dans le cadre d'un dossier. À mon avis, la présence d'un représentant
d'organisme au sein du Conseil de la magistrature n'est pas de nature à faire
échec à la présomption d'innocence.
Par contre, je peux comprendre les
préoccupations par rapport à l'indépendance judiciaire qui sont soulevées par certains organismes, mais on considère
néanmoins que les avantages dépassent les inconvénients et que, vu l'écart
qu'on constate entre la formation, puis la compréhension des juges, puis les
réalités des personnes victimes, c'est une action qui peut être de nature à
améliorer l'accès à la justice pour les personnes victimes.
Mme Boivin Roy : Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : D'autres questions du côté gouvernemental?
M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Merci. Merci, M. le
Président. Bonjour, maître. Ça fait deux fois qu'on en parle, mais toujours par
la bande. Et je me souviens que, dans la dernière législature, pour l'étude du
PL n° 92, on avait beaucoup parlé de la formation des juges, mais, à ce moment-là,
on était vraiment dans le tribunal spécialisé, les questions d'agressions
et de crimes sexuels et conjugaux. Quand on repense à ça aujourd'hui puis qu'on
se replace dans le contexte qu'on est en
train d'étudier, c'est-à-dire de simplifier ça, de nommer des notaires juges,
est-ce que ça vous allume des spécificités, par rapport à où on s'en va,
avec ce qu'on s'est dit la dernière fois au sujet de la formation des juges?
Mme Gagnon (Sophie) : Je ne suis pas
certaine de comprendre la question exacte.
M. Lemieux : Bien, c'est que, quand
il est question d'avoir quelqu'un au Conseil de la magistrature, un
représentant, c'est pour être capable d'influencer en partie la formation des
juges. En fait, on est toujours en train de marcher sur des oeufs. On veut de
la formation, mais il ne faut pas leur dire exactement quoi, comment, quand.
C'est un peu ça, le problème, là. Alors,
dans le contexte de ce qu'on est en train d'étudier, comment vous voyez ça,
vous, là? Est-ce que c'est assez de juste nommer quelqu'un au Conseil de
la magistrature?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien, la
réponse, c'est non. C'est sûr que ce n'est pas la nomination d'un membre issu
d'une consultation des organismes qui sera suffisante.
Par contre, ce qu'on avait mentionné lors de
l'étude du projet de loi n° 92, c'est le fait que les
matières civiles étaient dans l'angle mort des réformes qui étaient faites pour
le bénéfice des personnes victimes. Puis, nous, chez Juripop, notre expertise, c'est de représenter les personnes
victimes en matière civile, puis on constate que, vraiment, les
tribunaux maîtrisent très mal, là, les situations de violence sexuelle,
violence conjugale. Puis, quand je dis «les maîtrisent mal», c'est qu'ils ne
sont pas outillés pour les dépister et que, trop souvent, on se fait débouter
dans nos arguments lorsqu'on tente de convaincre le tribunal qu'il y a non
seulement une présence de violence conjugale... Cette semaine, c'est arrivé où,
à notre avis, il y a un risque homicidaire dans un dossier, puis ça a tout
simplement été écarté, là, de la part de la juge qui nous a entendus.
Donc, c'est essentiel qu'en matière civile les
tribunaux soient aussi formés et sensibilisés à ces enjeux-là. Puis je salue les efforts ont été faits, notamment
de la part de la magistrature, mais on constate qu'il y a encore du chemin à
faire.
M. Lemieux : Merci beaucoup. La
question n'était pas bonne, mais c'est la réponse que je cherchais.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de
Laval-des-Rapides. Il reste deux minutes pour questions et
réponses.
Mme Haytayan : Parfait. Merci, M. le
Président. Merci, Me Gagnon, pour votre temps, pour votre présence. Question sur la formation des juges : Sur
quoi pourrait porter, justement, la formation des juges en matière de violence
conjugale, de violence sexuelle?
Mme Gagnon
(Sophie) : Bien, d'abord, savoir la reconnaître. Ensuite, une
fois qu'elle est reconnue, de rendre des ordonnances qui sont de
nature... évidemment, tout en respectant les droits des parties, mais qui sont
de nature à assurer la protection des personnes victimes.
Ce qu'on demandait, par exemple, cette semaine, c'était de permettre à une
intervenante d'une maison d'hébergement de témoigner à visage couvert pour
assurer sa sécurité, ce qui n'a pas été
permis par le tribunal et qui, à notre avis, met en péril tout le filet de
sécurité autour de la personne victime. Donc, vraiment, de les
sensibiliser à reconnaître la violence puis ensuite à rendre des ordonnances
qui sont de nature à diminuer les risques de violence puis à assurer la
sécurité des parties.
Mme Haytayan : Parfait. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de l'Acadie, s'il
vous plaît.
• (12 heures) •
M.
Morin : Voilà. Alors, merci. Merci, M. le Président, M. le
ministre, distingués collègues. Bonjour, Me Gagnon. Merci. Merci
d'être là avec nous.
Ma première question pour vous, elle est large.
Compte tenu de votre expérience et du mandat, de la mission de Juripop, on a
devant nous un projet de loi qui vise à améliorer l'accessibilité de la
justice, donc, basé sur votre expérience, c'est quoi, le plus grand enjeu pour
l'accès de la justice?
Mme Gagnon (Sophie) : Impossible de
poser la question au singulier. Il faudrait la poser au pluriel parce que, des
enjeux d'accès à la justice, il y en a beaucoup plus qu'un.
Donc, je vais répondre dans le contexte de
l'expertise de Juripop, puis, à notre avis, c'est vraiment le manque de
ressources en matière de conseils juridiques et d'accompagnement devant les
tribunaux. Les personnes qui se représentent seules, en ce moment, sont
laissées à elles-mêmes. Puis ce que les études, encore, du projet Accès au
droit et à la justice démontrent, c'est que les personnes qui font valoir leurs
droits seules réussissent moins bien que les personnes qui sont représentées
par avocat, leurs arguments sont rejetés plus fréquemment que les personnes
représentées, leur sentiment de justice en est diminué, et ils sont plus
nombreux à penser que les moyens financiers d'une
partie est de nature à influencer le résultat d'une délibération. Donc,
vraiment, d'investir... oui, de simplifier les procédures, mais aussi d'investir dans des ressources pour conseiller
et accompagner les personnes devant les tribunaux.
M. Morin : Merci. Donc, je comprends
que c'est aussi le mandat de Juripop et plein d'autres organismes.
Mme Gagnon (Sophie) : Oui,
absolument.
M. Morin : On a, dans ce projet de
loi, plusieurs initiatives innovantes. Bien, moi, j'aimerais ça qu'on parle du
financement des organismes comme le vôtre, parce que, si ce projet de loi est
adopté, et il y a des bonnes chances qu'il le soit, à un moment donné, le problème
va se déplacer ailleurs. Donc, vous risquez d'avoir plus de demandes. Est-ce que vous allez être capables de répondre à
cette demande? Parce qu'on aura beau adopter toutes les lois de la planète,
si les justiciables ne sont pas plus capables de se rendre là, ça ne va pas
aider personne et ça ne va pas diminuer le cynisme. Alors, j'aimerais ça vous
entendre là-dessus, s'il vous plaît.
Mme Gagnon (Sophie) : Oui, vous avez
tout à fait raison, Me Morin. Puis un premier obstacle qu'on avait auparavant, c'était un obstacle législatif, à
savoir, les OBNL ne pouvaient pas offrir de conseils juridiques. Ça a été
résolu.
Par contre, en ce moment, puis je le répète, il
n'existe aucun, pas peu mais aucun programme de financement pour les organismes
qui font du conseil ou de la représentation. Ce n'est que l'information
juridique ou la médiation qui est financée. Les sources de financement
existent. Il y a le Fonds Accès Justice, mais, là où on voulait porter votre
attention aujourd'hui, c'est vraiment le Fonds d'études juridiques et le Fonds
d'études notariales, qui sont administrés par le Barreau du Québec et par la
chambre mais qui, à l'heure actuelle, ne peuvent servir qu'à financer de l'information et de l'éducation juridiques.
Donc, le projet de loi pourrait modifier la Loi sur le notariat et la Loi sur
le Barreau pour permettre au Barreau et à la chambre, via les fonds qu'ils
administrent, de financer les cliniques juridiques.
Donc, chez Juripop, on reçoit de l'argent de ces
fonds-là, mais on ne peut pas les utiliser pour financer nos activités de conseil et de représentation. Donc,
vous avez tout à fait raison que ça va être un obstacle à la mise en oeuvre du
projet de loi, cette absence de financement là.
M. Morin : Et je comprends...
Êtes-vous d'accord avec moi qu'éventuellement une disposition dans le projet de
loi qui permettrait un financement différent pourrait vous aider à remplir
votre mission?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien oui, tout
à fait. Puis il y a des précédents au Québec, là. Je pense, entre autres, au
PSOC, au programme de financement qui finance les organismes en matière de
santé et d'éducation. L'État québécois reconnaît la pertinence du filet
communautaire en matière de justice sociale, mais, malheureusement, quand les
réformes ont eu lieu, au début des années 2000, il n'existait pas de
clinique juridique, donc les cliniques juridiques
n'ont pas été incluses dans la volonté de l'État de financer les organismes
communautaires. La conséquence, c'est qu'on a un réseau de cliniques
juridiques qui est très pauvre comparé aux autres domaines de la justice
sociale. Et c'est directement lié, là, au manque de financement à la mission,
là.
M.
Morin : Merci. Dans le projet de loi, on parle beaucoup de
médiation, d'arbitrage. Avec votre expérience, ces services-là,
présentement, ils sont gratuits ou il faut payer pour? Puis, s'il faut payer
pour, comment des gens vont pouvoir avoir accès à la
justice s'ils n'ont pas les moyens? Est-ce que l'État ne devrait pas prendre en
charge ces services-là, compte tenu de ce que le gouvernement veut faire avec
le projet de loi?
Mme Gagnon
(Sophie) : Certains programmes de médiation sont gratuits, notamment
ceux aux petites créances. Il y a également
un programme en matière de droit de la famille pour les personnes,
initialement, qui avaient des enfants, ensuite en projet pilote même
pour les couples sans enfant. Ces programmes de médiation là, dans notre
expérience, sont très appréciés de la clientèle puis fonctionnent dans la
majorité des cas.
Par contre, pour le
programme de médiation familiale, le nombre d'heures n'est pas toujours
suffisant. Puis parfois, par faute de moyens, les parties vont tout simplement
aller devant un juge, pas parce qu'ils souhaitent régler leur différend de
manière adversariale, mais tout simplement parce que c'est le seul mode de
règlement qui est financé gratuitement par l'État.
Donc, oui, il y a...
plus de médiation gratuite dans d'autres domaines de droit serait de nature à
favoriser la mise en oeuvre du projet de loi.
M. Morin : Parfait.
Je vous remercie beaucoup. J'aimerais maintenant vous poser une question et
vous entendre sur... Parce qu'on parle, encore une fois, de la médiation. M. le
ministre nous disait qu'en ce qui a trait, évidemment, à l'impossibilité, parce
que ce n'est absolument pas approprié de demander à des personnes qui ont été victimes de violence conjugale, ou de violence, ou
d'agression sexuelle d'aller en médiation, le gouvernement semble privilégier
la voie réglementaire. Ne serait-il pas plus approprié de l'indiquer clairement
dans le projet de loi pour que ce soit bien clair pour tout le monde?
J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Gagnon
(Sophie) : Bien, ce serait... C'est certain que cette protection-là ou
que cette exemption-là... Le fait qu'elle soit enchâssée dans la loi serait une
garantie plus sécuritaire que si ce l'était par voie réglementaire, pour les raisons que vous connaissez, donc,
évidemment, là, pour les questions de violence sexuelle, violence conjugale. L'important, à notre avis, c'est que ce soit
reconnu, mais ce serait, effectivement, plus efficace, là, par voie législative
que réglementaire.
M. Morin : Je
vous remercie. La composition du Conseil de la magistrature serait changée,
c'est ce qui est écrit dans le projet de loi, pour avoir un représentant des
victimes, ce qui est... ce qui est une très bonne chose, on le reconnaît d'emblée. Cependant, avez-vous des
suggestions quant aux critères qui pourraient être utilisés pour éventuellement
nommer quelqu'un au Conseil de la magistrature dans ce domaine-là précis?
Mme Gagnon
(Sophie) : On n'a pas eu cette... cette réflexion-là. Donc, à ce
stade-ci, non. On voit que le projet de loi suggère que ce ne soit pas un
avocat ou un notaire. À notre avis, il existe des juristes, là, qui travaillent
dans des organismes qui... L'important, ce
n'est pas tant la formation professionnelle de la personne que son expertise
auprès des personnes victimes et des survivantes puis... Mais ce qu'on salue,
c'est le fait qu'elle soit nommée après la
consultation des organismes. Puis il existe des tables de concertation. C'est
un réseau qui est... qui est bien maillé, qui serait en mesure de se
concerter pour faire une recommandation.
M. Morin : Et,
quand vient le temps pour le gouvernement de nommer les membres au Conseil de
la magistrature, avec votre expérience, est-ce que vous trouvez que c'est assez
publicisé ou c'est un processus qui reste un peu obscur?
Mme Gagnon
(Sophie) : On n'a pas d'expertise sur cette question-là. Je ne serais
pas en mesure de répondre à votre question.
M. Morin : Parfait.
Je vous remercie. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci,
M. le Président. Bonjour, Mme Gagnon. Ça fait plaisir de vous retrouver
pour ce projet de loi. Vous avez dit que vous aviez besoin de précisions par
rapport aux décisions qui peuvent être prises à la vue du dossier. Le ministre
me semble avoir partiellement répondu à votre préoccupation là-dessus, parce
qu'il a fait allusion au fait que, bon, il faudrait que les deux parties
acceptent de le faire. Vous, vous nous parliez plutôt de la question de pouvoir
rejeter une demande. J'aimerais ça que vous expliquiez un petit peu plus votre
pensée puis que vous nous disiez si le ministre a répondu, à votre sens.
Mme Gagnon
(Sophie) : Oui. Bien, en fait, il a clarifié. Le ministre a répondu
partiellement, mais c'est parce que notre intervention découlait d'une mauvaise
compréhension du projet de loi. On a eu très peu de temps pour en prendre
connaissance. Donc, après avoir entendu la réponse du ministre, notre
recommandation serait que la disposition soit élargie pour les dossiers dont la
demande est supérieure à 3 000 $, là. Peu importe la valeur de la
créance, à notre avis, la disposition qui est prévue par le projet de loi est
de nature à accélérer puis à rendre les petites créances plus efficaces, et ça
devrait donc être ouvert aux parties dont la créance est supérieure à
3 000 $.
Mme Labrie : Et
vous voudriez qu'on ajoute aussi la possibilité de rejeter une demande. Parce
que ça ne me semblait pas clair que le ministre allait dans ce sens-là, moi,
dans sa réponse.
Mme Gagnon
(Sophie) : Oui. À notre avis, ce serait une avancée, là, pour
accélérer le traitement des dossiers aux petites créances.
Mme Labrie : OK. Puis j'ai une autre
question pour vous. Bon, les notaires qui sont venus nous ont dit que, bon, ils
vont se joindre potentiellement au Conseil de la magistrature, puis certains
ont dit que, pour avoir le même poids que
les avocats, ils recommandaient qu'ils soient deux au Conseil de la
magistrature. Je ne sais pas si le ministre va aller dans ce sens-là,
mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Par rapport aux représentants
d'organismes communautaires qui représentent
les victimes, est-ce que vous pensez qu'ils devraient également avoir deux
membres au Conseil de la magistrature?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien
franchement, on ne s'est pas posé cette question-là. On est aussi soucieux de
l'indépendance judiciaire puis on reconnaît que ce ne sont pas tous les
dossiers qui aboutissent devant les tribunaux qui
ont des composantes en matière sexuelle ou conjugale. Donc, voilà, on n'a pas
de position ferme sur cette question. On
salue tout simplement l'initiative de vouloir leur faire une place, quelle
soit-elle, au sein du Conseil de la magistrature.
Mme Labrie : Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
• (12 h 10) •
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Bonjour, Me Gagnon. Merci de votre présence parmi nous. Deux
petites questions. Vous avez commencé le début de votre exposé en parlant de la
médiation obligatoire. Je sentais, là, une
certaine, là... une certaine réticence. Bien, vous avez fait référence à
l'angle mort, l'angle mort de ne pas oublier, là, les personnes à plus
faibles revenus. Ça fait que, là, je comprends que, dans le fond, vous l'avez
déjà vécu, là, chez Juripop, où, en fait, il
y a certainement des personnes qui ont refusé d'aller plus loin parce qu'il y
avait un coût associé à ça. Est-ce
que vous pouvez peut-être préciser un peu cet angle mort là afin qu'on ne
l'oublie pas puis qu'on le soulève, justement, dans l'élaboration du
projet de loi?
Mme Gagnon
(Sophie) : Oui, tout à fait. Donc, chez Juripop, une partie
de nos services consiste à représenter les personnes qui sont en
situation financière précaire mais qui ne sont pas admissibles à l'aide
juridique. Donc, c'est des gens qui vont gagner un 25 000 $,
30 000 $ par année ou qui ont de l'argent de côté pour leurs enfants,
donc, qui n'ont pas de revenus mais qui ne sont pas admissibles à l'aide
juridique. Puis on les représente à raison de 65 $ de l'heure en matière civile, en matière familiale.
Puis, déjà, 65 $ de l'heure, même si c'est le tiers, le quart, le
cinquième des honoraires qu'on trouve normalement sur le marché, c'est
astronomique pour ces personnes-là. Puis, à ma connaissance, je vais m'avancer,
là, mais je ne pense pas qu'aucun de nos clients n'ait jamais retenu les
services d'un médiateur, pas parce qu'ils ne le souhaitent pas, mais tout
simplement parce que les honoraires des médiateurs, c'est des centaines de
dollars de l'heure. Alors, c'est vraiment... C'est inaccessible, d'un point de
vue financier, pour ces personnes-là.
Puis ce que le projet de loi propose, puis là je
ne parle pas des petites créances mais vraiment de l'instruction accélérée,
c'est que ces personnes-là verraient leurs dossiers instruits en second temps.
Donc, elles seraient... C'est des personnes
qui ont déjà une confiance fragile envers le système, qui ont déjà de la
difficulté à faire valoir leurs droits, et là les délais pour faire valoir
leurs droits seraient prolongés, là, de leur incapacité financière à faire
appel à la médiation. Donc, ce serait un effet pervers qui est sans doute non
souhaité par le législateur, là, mais qu'on considère bien tangible.
Mme Nichols : Oui, en effet, je
pense que ça ne va pas dans le même sens que la volonté du ministre. Vous
parliez aussi d'un incitatif pour les personnes morales, parce que j'imagine
que Juripop aussi voit que les personnes morales se disent : On s'en va
tout de suite devant le juge, on ne veut pas nécessairement passer par la
médiation.
Mme Gagnon (Sophie) : Donc, ce qu'on
voulait dire par là, c'est qu'une des raisons pour lesquelles les... Les
tribunaux sont, depuis les années 80, de plus en plus monopolisés par
l'État et par les personnes morales, et puis le projet de loi ne fait pas la
distinction entre les personnes morales et les personnes physiques dans la
disposition qui propose d'instruire en
priorité les dossiers qui bénéficient d'une attestation délivrée par un médiateur
ou par une médiatrice.
Donc, notre première recommandation, ce serait
de faire une exonération pour les personnes en situation financière précaire
ou, de manière alternative, de faire en sorte que, quand il y a une personne
physique au dossier, l'instruction n'est pas accélérée ou ralentie de par la
présence ou l'absence d'une attestation, mais que ce soit seulement quand il y
a une personne morale qui est partie au dossier que, là, il y ait un incitatif
à faire appel à la médiation.
Mme Nichols : Merci.
Dernière question. On a parlé beaucoup hier, puis vous l'avez abordé un peu...
Au niveau de l'accompagnement,
souvent, justement, c'est gros, là, pour les personnes qui s'en vont en
médiation. Qu'est-ce que vous suggérez au niveau de l'accompagnement?
Mme Gagnon
(Sophie) : Il existe des organismes sur le terrain. Il y a Juripop,
mais il y en a plusieurs autres. Je sais que les centres de justice de
proximité sont venus devant vous ou viendront devant vous. Donc, il existe des
organismes qui n'ont pas suffisamment de ressources pour offrir de
l'accompagnement.
Donc, ce qu'on veut dire par accompagnement,
c'est... Sans aller jusqu'à être l'avocat ou l'avocate ad litem au dossier, sans comparaître au dossier, il y a
moyen pour des professionnels du droit d'établir une relation avocat-client,
de prendre connaissance du dossier, de rendre des avis juridiques et
d'accompagner la personne, c'est-à-dire de la conseiller à travers le temps sur
ses droits, sur ses recours, de l'aider à préparer son allocution d'ouverture
avant une médiation, d'être disponibles sur
appel pendant une médiation ou d'être présents pendant la médiation. On le fait
beaucoup, nous, pour des dossiers de harcèlement au travail.
Puis, on le voit, quand on accompagne, quand il
y a un professionnel du droit qui est présent soit dans la salle ou par téléphone, les médiations sont plus
efficaces, se règlent davantage, et surtout les personnes sont plus satisfaites
du règlement parce qu'elles ont le sentiment d'avoir compris ce qui se passait
puis d'avoir vraiment pu mettre de l'avant une proposition qui reflète
leurs besoins. Autrement, elles sont dépassées, là, par le langage juridique
puis par les possibilités qui s'ouvrent à elles, là.
Mme
Nichols : Donc, un accompagnement, là, parallèle, parallèle
à la médiation puis qui servirait à vulgariser aussi un peu le tout, là,
pour le citoyen.
Mme Gagnon (Sophie) : Oui, parce
qu'il y a une limite à ce que les médiateurs peuvent faire. Oui.
Mme Nichols : Exactement. Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Sur ce, Me Gagnon, merci
beaucoup. Très, très, très agréable de vous avoir eue avec nous
aujourd'hui. Je suis convaincu que, durant le mandat, on va avoir la chance de
vous revoir en commission parlementaire. Alors, sur ce, merci beaucoup.
Mme Gagnon (Sophie) : Ça me fait
plaisir. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. À bientôt.
Et il nous
fait plaisir d'accueillir immédiatement notre prochain groupe, le Barreau du Québec, alors, entre autres, avec Me Claveau, bâtonnière. Alors,
merci beaucoup d'être ici. Alors, Me Claveau, je vous laisse la parole,
mais, d'abord, peut-être présenter les gens qui vous accompagnent, après ça,
faire une présentation de 10 minutes, et on procédera à la période d'échange.
Mais, avant, j'aurais besoin d'un consentement
pour ajouter cinq minutes à la séance.
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Merci beaucoup.
Me Claveau, s'il vous plaît.
Barreau du Québec
Mme
Claveau (Catherine) : Merci, M. le Président, alors, M. le ministre de
la Justice, Mmes et MM. les députés. Je suis, évidemment, Catherine
Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Réa
Hawi à ma gauche, avocate aux affaires juridiques au Barreau du Québec, et de
Me Emmanuelle Poupart, qui est membre de notre
groupe d'experts en procédure civile au Barreau. Alors, nous vous remercions
d'avoir invité le Barreau du Québec à participer aux consultations
particulières entourant ce projet de loi important.
Le Barreau du Québec joue un rôle de premier
plan dans la protection du public, la promotion de la primauté du droit et la
saine administration de la justice. La réalisation de cet objectif passe, entre
autres, par la promotion et le maintien de
tribunaux accessibles, efficaces et qui assurent aux citoyens une justice de
qualité. Ainsi, le Barreau du Québec est un partenaire naturel du gouvernement
et de la magistrature dans la recherche de solutions pour améliorer
l'accès et l'administration de la justice.
Plusieurs réformes importantes ont été mises en
oeuvre, et le Barreau du Québec y a toujours participé activement afin de
fournir un éclairage pratique sur les impacts anticipés ou potentiels, ou pour
formuler des recommandations visant à mieux atteindre les objectifs. Le Barreau
du Québec salue donc le projet de loi audacieux et accueille favorablement les
initiatives proposées visant à améliorer l'accès à la justice, dont plusieurs
font suite aux demandes qu'il a formulées.
Alors, tout d'abord, le projet de loi n° 8 propose une compétence concurrente entre la Cour du
Québec et la Cour supérieure, tout en
instaurant une procédure simplifiée à la Cour du Québec. Le Barreau est
favorable à l'établissement d'une
compétence concurrente entre la Cour du Québec et la Cour supérieure. La Cour
du Québec revêt une importance dans l'administration de la justice au
Québec et possède, comme la Cour supérieure, les caractéristiques essentielles
à la protection du public.
Le Barreau du
Québec félicite l'introduction des dispositions au Code de procédure civile visant à encourager le recours au mode
privé de prévention et de règlement des différends, entre autres en permettant
aux dossiers ayant fait l'objet d'une médiation ou d'un protocole préjudiciaire
d'être entendus en priorité. Ces mesures permettront de donner
des effets concrets à l'élaboration d'une telle entente par les parties ainsi
qu'un incitatif fort important, puisque leurs demandes pourront être instruites
plus rapidement. Ces nouvelles mesures prônées par le Barreau du Québec
contribueront sans aucun doute à améliorer l'efficacité de la justice.
Malgré
tout, le Barreau du Québec réitère sa proposition d'aller plus loin et
d'introduire au Code de procédure civile l'obligation de convenir d'un
protocole préjudiciaire dans certains domaines, par exemple, la responsabilité
civile ou médicale et les recours pour vices cachés, avant de pouvoir saisir le
tribunal. Cette proposition n'a pas été retenue
dans le cadre de ce projet de loi. Ceci fait en sorte que les parties devront,
sans avoir pu bénéficier d'un forum d'échange et de divulgation de la preuve,
procéder dans des délais plus serrés pour mettre en état leurs dossiers.
Nous sommes d'avis que de telles mesures
auraient contribué à la mise en oeuvre d'un réel changement de culture de
règlement des différends.
Le Barreau du Québec
salue la proposition d'une voie procédurale simplifiée pour les demandes en
matière civile introduites à la Cour du Québec mais recommande certaines
modifications. Tout d'abord, le Barreau accueille favorablement l'absence de
protocole de l'instance, l'encadrement de la demande introductive d'instance et
la tenue d'une conférence de gestion dans les cas où l'une des parties ne
serait pas représentée ainsi que la possibilité qu'elle soit tenue en présence
des parties. Cependant, le Barreau du Québec est d'avis que le délai accordé au
défendeur afin d'exposer ses moyens de
défense et de déposer ses pièces est insuffisant. Et le Barreau recommande de
prévoir un délai de 120 jours à
compter de la signification de l'avis d'assignation. Bien que nous soyons en
faveur de raccourcir les délais de mise en état du dossier, il faut également
permettre, et ce, de façon équitable, à chacune des parties de bénéficier
d'un temps nécessaire pour faire valoir ses droits. En tenant compte du fait
que le demandeur a 30 jours pour compléter sa demande, le défendeur ne
dispose que de 55 jours pour exposer les éléments de sa contestation et
déposer ses pièces. Cela irait à l'encontre de l'objectif d'accessibilité du
projet de loi.
• (12 h 20) •
Le projet de loi propose
également l'interdiction des interrogatoires oraux préalables dans les affaires
de moins de 50 000 $. Le Barreau est d'avis que les limites actuelles
qui sont prévues au Code de procédure civile sont amplement suffisantes et
devraient être maintenues. En effet, ces interrogatoires sont interdits dans
les affaires pour lesquelles la valeur en litige est considérée comme peu
élevée, et une limite de temps à l'interrogatoire est également en place. Ces
restrictions permettent déjà un contrôle des coûts liés à une demande en
justice. Il est aussi important de rappeler que ces interrogatoires ne
consomment aucun temps judiciaire, et, lorsqu'ils ne mènent pas au règlement du
dossier, ils permettent tout de même de circonscrire les questions en litige et
ainsi d'écourter le temps d'audition. Il serait donc contre-productif de
limiter les moyens disponibles aux parties, alors que nous visons à rendre la
justice efficace et accessible.
Le projet de loi
propose la production d'une déclaration écrite pour tenir lieu du témoignage
d'une partie. Le Barreau est en accord avec cette mesure à condition de prévoir
un délai pour la notification aux autres parties et la possibilité de
contre-interroger le déclarant.
Maintenant, les
petites créances. Le Barreau du Québec salue l'ajout des dispositions visant à
favoriser la médiation et l'arbitrage aux petites créances. Les délais pour
obtenir une audition à la division des petites créances s'allongent de façon
inquiétante. Les mesures proposées répondent d'ailleurs à la recommandation du
Barreau de rendre la médiation obligatoire. Le nombre de dossiers ayant fait
l'objet d'une médiation demeure faible, alors que les avantages de la médiation sont indéniables et qu'elle connaît un
taux de réussite intéressant. Le Barreau du Québec attend avec grand
intérêt les précisions quant aux dossiers qui seront assujettis à ces nouvelles
mesures et offre sa collaboration pour l'élaboration des dispositions
réglementaires à venir.
Dans le même ordre
d'idées, l'offre d'arbitrage à la division des petites créances sans frais
additionnels est une mesure très prometteuse qui répond également à l'objectif
du projet de loi. Le Barreau du Québec salue cette nouveauté qui va
certainement avoir un effet considérable sur les délais et, ultimement, l'accès
à la justice. Nous demandons que cette option soit offerte de manière
automatique, mais que les parties puissent bénéficier d'un droit de retrait. Il
s'agit d'un point essentiel, puisque l'arbitrage devra être consensuel. L'accès
aux tribunaux doit, bien entendu, être maintenu pour les parties qui le
souhaitent, et il faut éviter qu'une telle mesure ne brime de quelque manière
que ce soit ce droit qui est fondamental.
Afin que ces mesures
atteignent leur objectif, il faudra toutefois s'assurer que la rémunération des
médiateurs et des arbitres soit adéquate et
à la hauteur des services qu'ils seront appelés à rendre. Il est essentiel de
s'assurer que la rémunération ne devienne pas un facteur dissuasif pour
ces professionnels de la justice qui seraient disposés à rendre leurs services
aux petites créances.
Les arbitres jouent
un rôle de décideur et doivent trancher un litige. Ils sont ainsi appelés à
effectuer des tâches différentes de celles des médiateurs. Ils doivent
également suivre une formation particulière et adaptée à leurs fonctions.
Ainsi, le Barreau du Québec est d'avis que seuls les avocats membres du Barreau
devraient agir à titre d'arbitres, parce qu'ils sont les seuls à avoir les
compétences requises en matière de litiges devant les tribunaux judiciaires. Rappelons que les décisions
arbitrales sont finales et sans appel. Une justice accessible doit aussi être
une justice de qualité.
Le projet de loi
propose également plusieurs modifications afin de permettre la nomination de
notaires à la magistrature. Ainsi, un notaire pourrait être nommé juge à la
Cour du Québec, juge de paix magistrat ou même juge municipal. Il pourrait donc
agir en matière civile, pénale et criminelle et en protection de la jeunesse.
Le Barreau du Québec
est très étonné de voir une telle mesure et s'y oppose. Il y a lieu de
s'interroger sur les objectifs de cette proposition. Non seulement elle ne vise
pas l'amélioration du système de justice, mais elle est complètement étrangère aux objectifs du projet de loi. Au surplus, il
n'existe actuellement aucun enjeu de candidature ni de problématique
particulière sur la qualité des juges au Québec.
Nous estimons que cette
question revêt un caractère fondamental compte tenu de la place unique de la
magistrature dans notre société et de son rôle dans la saine administration de
la justice. En effet, une magistrature forte et indépendante est essentielle à
la confiance du public dans l'administration de la justice. C'est pourquoi nous
sommes d'avis que seuls les avocats ont les compétences et l'expérience
nécessaires pour maintenir cette confiance. En
effet, bien que les avocats et les notaires aient le même diplôme universitaire
de premier cycle, leurs choix de cours universitaires, le reste de leur
formation, les actes qu'ils peuvent poser, leur parcours, leur pratique et leur
expérience divergent grandement par la suite. Les compétences et les habiletés
acquises en 10 ans ne sont tout simplement pas comparables. Il est également très surprenant de considérer que des professionnels
qui ne sont ni habilités ni autorisés à agir en matière litigieuse
puissent accéder à la magistrature.
Au demeurant, cette mesure, qui s'appliquerait
seulement à la magistrature de nomination provinciale, est aussi hautement
paradoxale, car elle crée deux catégories de juges. En effet, les juges de la
Cour supérieure et de la Cour d'appel y échapperaient. Couplée à la juridiction
concurrente de la Cour du Québec et de la Cour supérieure, nous jugeons que cette situation comporte un
risque élevé de miner la confiance du public, qui aurait l'impression qu'il
existe deux catégories de juges.
Nous
réitérons donc que cette mesure ne répond aucunement à l'objectif d'améliorer
l'efficacité et l'accessibilité à la justice et qu'elle risque de miner
la confiance des justiciables en notre système de justice.
En conclusion, le Barreau du Québec salue le
dépôt du projet de loi n° 8 et se réjouit des efforts
soutenus du ministère de la Justice pour l'amélioration de l'accès à la justice
au Québec, bien que certaines bonifications soient nécessaires afin de
s'assurer qu'il réponde à son objectif. Nous vous remercions. Et nous sommes
maintenant prêts à recevoir vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Mme la bâtonnière,
Me Claveau, un plaisir de vous retrouver. Me Hawi,
Me Poupart, merci beaucoup de vous être déplacées à Québec pour venir en
commission parlementaire sur le projet de loi n° 8.
D'entrée de jeu, sur la question de l'arbitrage,
vous aviez des préoccupations. L'objectif que nous avons, bon, c'est de rendre la médiation obligatoire aux
petites créances. Par la suite, si jamais le dossier ne se règle pas au stade
de la médiation, on offrirait l'arbitrage d'une façon qui serait automatique,
avec une présomption, dans les 30 jours, que les parties consentent à
aller en arbitrage. Mais, bien entendu, la partie pourra toujours se retirer,
parce qu'on ne peut pas les obliger complètement
à aller en arbitrage. Le recours au tribunal sera toujours possible. Cependant,
notre objectif est justement de
favoriser les modes alternatifs de règlement des différends et enlever un
volume de dossiers à la cour pour que les parties puissent contribuer à
la solution de leur litige.
Donc, sur la
question de la médiation, le Barreau est en accord, puis vous trouvez que c'est
une formule qui va permettre aux justiciables de... je dirais, d'être
mieux servis par la justice, peut-être.
Mme Claveau (Catherine) : Oui, parce
que le fait, pour les deux parties, de se rencontrer au moins une fois en
présence d'un tiers neutre, soit un avocat ou un notaire, qui peut, avec des
techniques bien reconnues, les amener à régler leur différend, bien, pour nous,
si leur problème est résolu, c'est l'objectif qu'ils visent. Lorsqu'on décide
d'intenter un recours judiciaire, donc, on veut que notre problème se règle. Si
on est capables, à deux, aidés d'un médiateur, de régler le problème, tant
mieux.
Et le double
avantage de ça, c'est qu'en même temps ça enlève un dossier de la pile des
dossiers de la Cour du Québec, division des petites créances, qui,
malheureusement... On sait que c'est une division, surtout dans plusieurs...
dans certains districts, où est-ce que les
délais sont devenus très longs, et donc stress pour le justiciable qui est en
attente de tout, et tout. Donc, pour nous, c'est une mesure vraiment
très avantageuse.
M. Jolin-Barrette : OK. Au niveau du
nombre de médiateurs, on en a environ 500 qui sont accrédités actuellement. Au
Barreau du Québec, vous donnez une formation pour accréditer les membres du
Barreau en tant que médiateurs. Vous avez souligné tout à l'heure un point sur
la question du tarif. Actuellement, c'est 114 $ de l'heure. Je comprends
que vous nous dites : Vous devriez augmenter le tarif pour que ce soit
plus attractif. Donc, j'entends votre commentaire. Est-ce que vous pensez que,
le fait de rendre la médiation obligatoire, il y a plus d'avocats qui vont s'intéresser puis qui vont vouloir s'accréditer?
Nonobstant, là, la question du tarif, on isole la question du tarif, là,
mais, sur cette mesure-là, pensez-vous qu'on va encore augmenter notre bassin
de médiateurs, puis ça va intéresser des gens?
Mme Claveau
(Catherine) : Bien, nous l'espérons. Puis c'est certain que le
Barreau va offrir sa collaboration au ministère de la Justice pour
promouvoir davantage à nos membres, là, d'accéder à cette façon-là, là, d'aider le citoyen à un meilleur accès à la
justice et à trouver une solution. Mais évidemment, comme j'ai dit, pour ça,
il faut qu'on soit quand même attractifs au
niveau des honoraires, que ce soit assez compétitif pour en avoir le plus
possible.
M. Jolin-Barrette : OK.
Vous avez souligné tout à l'heure... Sur la question du délai pour la défense,
donc, vous souhaiteriez avoir un délai de 120 jours. Ce qu'on souhaite
faire avec la procédure simplifiée à la Cour du Québec, c'est justement de
permettre de réduire les coûts, de permettre de réduire les délais aussi. Ça
fait part, notamment, qu'il n'y aura plus d'interrogatoire en bas de
50 000 $. Vous, vous dites : Bien, on devrait quand même
maintenir ça à 30 000 $.
Souvent,
les gens ont tendance, dans la procédure civile, à se dire : Coudon, mon
dossier, il ne chemine pas, mon dossier,
c'est long. C'est notamment un des objectifs, pourquoi on compresse un peu les
délais, pour que les dossiers soient entendus plus rapidement et soient
en état plus rapidement, notamment le fait que la demande, maintenant, c'est
uniquement cinq pages, la défense, deux pages, question de coût,
question d'accessibilité, question d'efficacité. Mais je voudrais vous entendre
davantage sur le nombre de jours supplémentaires pour la défense.
Mme Claveau
(Catherine) : Et ça, je vais laisser Me Poupart répondre à cette
question.
• (12 h 30) •
Mme Poupart
(Emmanuelle) : Je pense qu'il y a des réalités sur le terrain qui font
en sorte qu'il y a des documents, par exemple, qui prennent du temps à obtenir,
qui sont essentiels à la défense. Donc, le délai de 55 jours est extrêmement court, surtout si certains
éléments de preuve sont entre les mains de tiers. Je peux prendre un exemple
très concret. Dans la responsabilité professionnelle, par exemple, si on a
besoin des dossiers médicaux, qui sont à la base
des recours en responsabilité médicale, actuellement, au niveau des archives de
nos hôpitaux, qui sont bien occupés à beaucoup de choses, comme vous le
savez, il y a des délais substantiels à obtenir les dossiers médicaux. Donc,
c'est juste pour s'arrimer avec une réalité du terrain qui fait en sorte qu'il
y a des délais à obtenir des documents qui sont essentiels à l'exercice d'une
défense pleine et entière.
M. Jolin-Barrette : OK. Puis vous croyez
qu'on n'y arrivera pas avec le délai de 55 jours. Parce que je... Je vous
proposerais l'idée suivante, là : Est-ce que tous les dossiers...
Supposons qu'on prenait le délai que vous proposez, là, est-ce que la problématique que vous me
présentez, elle est réglée nécessairement par ce délai-là ou ça arrive aussi
que, des fois, les gens n'ont pas leurs documents dans ces délais-là? Parce
que, voyez-vous, on est comme un peu...
Mme Poupart
(Emmanuelle) : Oui, bien, je pense que c'est un délai qui est plus
réaliste. Est-ce que, dans tous les cas, ça va rencontrer ces exigences-là?
Peut-être pas, mais je pense que c'est plus réaliste de penser qu'on va y arriver dans ces délais-là. Puis je pense que
l'expérience... Vous savez, quand, initialement, le Code de procédure civile a été changé puis qu'on visait de mettre
les dossiers en état dans les six mois, on a vu ce que ça a donné. Ça a été une
multiplication de requêtes en prolongation de délai, puis on se rend compte que
c'était déjà difficile. Alors, le fait qu'on soit dans une procédure
simplifiée, avec un nombre de pages limité, et tout ça, je pense que ça, ça
peut être réaliste. Mais 55 jours, c'est vraiment, vraiment court, là.
M. Jolin-Barrette : OK. Sur la question du
jugement sur le vu du dossier, donc, dans le cadre du projet de loi, on
prévoit les dossiers de 3 000 $, du consentement des parties. Je
comprends que, si... de votre avis, si les parties consentaient, on pourrait
amener ça jusqu'à 15 000 $ et qu'il n'y aurait pas d'enjeu pour que
le juge puisse rendre jugement sur le vu du dossier, si ce n'est pas complexe,
même si la créance, elle est plus haute.
Mme
Hawi (Réa) : On n'a pas de position
là-dessus, malheureusement, sur cette question-là.
M.
Jolin-Barrette : OK. Vous n'avez pas de position. OK. Puis... Bien,
d'abord, je vous pose la question : Sur le 3 000 $, êtes-vous à
l'aise avec ça ou vous n'avez pas de...
Mme
Hawi (Réa) : Ça, même réponse.
Malheureusement, on n'a pas de position là-dessus.
M. Jolin-Barrette : OK. Sur la question des
conférences de règlement à l'amiable, vous accueillez ça favorablement,
le fait que les parties doivent, avant d'aller à procès, s'asseoir, conférence
de règlement à l'amiable.
Mme Claveau
(Catherine) : Oui.
M.
Jolin-Barrette : OK. Est-ce que... Tout à l'heure, on avait Juripop
qui nous parlait beaucoup des gens qui étaient
non représentés. Comment est-ce que, dans le système... Parce que ça va en
augmentation. Comment est-ce que, dans le système de justice, on peut
faire en sorte que les gens se renseignent davantage ou aillent chercher
davantage l'avis d'un professionnel, comme un avocat, ou qu'ils soient mieux
accompagnés? Ce serait quoi, les pistes de solution que vous diriez : Il
faudrait agir sur ce niveau-là? Parce que, bon, on a fait les cliniques
universitaires. Vous, à la clinique du Barreau, que vous avez lancée comme
projet pilote puis qui va rentrer permanent à partir de la prochaine rentrée...
rentrée... bien, j'allais dire scolaire, là, mais rentrée à l'École du Barreau,
la plus grosse clinique juridique, qu'est-ce que ce qu'on pourrait faire, selon
vous?
Mme Claveau
(Catherine) : Il y a aussi les Centres de justice de proximité. Encore
une fois, peut-être, essayer d'être le plus imaginatif possible dans des campagnes
de promotion de ces services-là. Évidement, grâce au projet de loi n° 34,
ça permet à de plus en plus de justiciables à être... pouvoir être accompagnés
d'un avocat ou d'un notaire, conseiller juridique soit à moindre coût ou à peu
de frais. Je pense qu'effectivement il faut aller davantage dans la promotion
de ces services- là.
M. Jolin-Barrette : OK. Puis
Juripop, tout à l'heure, nous disait : Écoutez, vous devriez modifier la
loi sur le Fonds d'études notariales ou sur le fonds du Barreau pour pouvoir
financer pas uniquement de l'information juridique mais également des conseils,
avis juridiques, représentations aussi.
Mme Claveau
(Catherine) : Bien, j'avoue qu'on ne s'est pas penchés sur cette
question-là. Je l'ai entendue comme vous.
C'est très... C'est original. Je pense que ça mériterait, effectivement, d'y
réfléchir de manière plus approfondie, parce qu'effectivement nos fonds
respectifs d'études juridiques sont très encadrés, et on ne peut pas les
utiliser pour ce genre de dossiers là, à
moins d'extensionner la règle, là, à son plus haut niveau. Mais effectivement,
si c'était peut-être plus souple, ça nous permettrait davantage, là,
d'utiliser ces fonds pour accompagner le justiciable sans capacité financière.
M. Jolin-Barrette : OK. Sur la
question de l'accession à la magistrature par les notaires, tout à l'heure,
vous avez souligné, puis c'est dans votre mémoire, que nous avons besoin d'une
magistrature qui est forte, qui est indépendante.
Je suis d'accord avec vous. J'aimerais mieux comprendre en quoi le fait que les
notaires soient admissibles à la profession de juge va faire en sorte
que la magistrature soit moins forte, moins indépendante, considérant,
supposons, déjà le devoir d'impartialité du notaire dans le cadre de ses
fonctions ou son rôle d'officier public.
Mme Claveau (Catherine) : Je vous
remercie pour... que vous me posiez cette question-là. Moi, le... Quand on
parle d'une magistrature forte, c'est en lien avec le droit du justiciable, du
public qui choisit de se présenter devant un
tribunal d'avoir devant lui le juriste le mieux formé, le plus... Puis je le
dis vraiment entre guillemets, là, parce que, tu sais, on ne remet pas en question du tout les compétences des
notaires à titre de conseillers juridiques, conseillers en loi. Mais
toutes les compétences pour les débats contradictoires devant un tribunal,
toutes les règles particulières d'administration de la preuve, interrogatoire,
contre-interrogatoire, tout ça, bien, on l'apprend déjà à la fin du bac si on choisit des cours, genre, Tribunal-école. À
l'École du Barreau, c'est enseigné. Il y a des... En formation continue, c'est
enseigné. C'est toutes des façons, pour le juriste qui, un jour, aspire à
devenir membre de la magistrature, à acquérir toutes
les compétences au niveau de la formation, en formation continue également.
Puis, en plus, il choisit, la majorité du
temps, de travailler dans un milieu de travail qui lui permet d'expérimenter le
débat contradictoire, donc, de se présenter devant les tribunaux à titre
de représentant d'une partie.
Donc, selon nous, pour la protection du public,
pour la confiance, pour avoir une magistrature forte, bien, ça milite pour que
ce soient les juristes les mieux formés et les plus expérimentés dans le
domaine pour être admissibles à ce poste-là.
15 359
M. Jolin-Barrette :
Je comprends votre point. Je vous soumettrais, par contre, qu'il arrive
qu'il y ait, à la magistrature, des avocats qui n'ont pas eu l'expérience des
débats contradictoires, que ce soit à la Cour du Québec, à la Cour supérieure,
à la Cour d'appel ou à la Cour suprême du Canada aussi. Donc, il y en a, des
cas d'exemple, puis je ne pense pas que
c'est nécessairement des mauvais juges parce qu'ils n'ont pas eu l'expérience
de représenter, dans le cadre d'un
litige contradictoire, des justiciables. Ça aussi, on vit déjà avec ça, des
avocats qui n'ont pas... qui n'ont pas plaidé devant les tribunaux. Ça
arrive.
Mme Claveau (Catherine) : Effectivement,
ça arrive, mais, à la Cour du Québec, il n'y en a... par exemple, des professeurs d'université, il n'y en a que
trois. Sur l'ensemble des juges, nous sommes 29 000 avocats...
29 500 avocats membres du
Barreau, un bassin de 4 000, à peu près, 500 notaires, il y a
quand même... Tu sais, au niveau de la proportion et du nombre d'avocats qui
vont passer à travers le concours, répondre à la grille de la meilleure façon
pour vérifier les compétences, bien, on a un plus grand bassin et un
plus grand choix.
Puis aussi il
faut penser que, dans certaines régions, petites régions, je vais
donner, par exemple, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, lorsqu'on nomme un
juge à la Cour du Québec, la plupart du temps, il va falloir qu'il se prépare à
aller entendre des dossiers en protection de la jeunesse et en droit criminel, et,
le lendemain, il peut aller en droit civil. Donc, toute l'expérience du débat
en chambre criminelle, pénale et en chambre de la jeunesse, bien, malheureusement, les membres de la Chambre des
notaires ne l'ont pas, cette expérience-là, pour, encore une fois, là, être...
peut-être, une courbe d'apprentissage plus courte, être plus à l'aise
rapidement pour entendre ces causes-là.
15 359
M. Jolin-Barrette :
Mais je vous soumettrais que, dans le cadre de multichambres, il arrive
qu'il y ait des membres du Barreau qui sont nommés à la magistrature qui ne
pratiquaient pas dans ces domaines de droit là. Même à la Cour supérieure, où est-ce qu'ils font du droit familial, il y a
beaucoup de gens de grands bureaux qui sont nommés qui n'ont jamais
touché un litige en matière familiale aussi. Bien, on pourrait échanger
longtemps là-dessus, mais je comprends très bien.
Mme Claveau (Catherine) : Non,
mais ils ont fait du litige puis ils ont administré de la preuve.
15 359
M. Jolin-Barrette :
Pas toujours.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
dans les exemples que vous venez de me donner, là, on peut s'entendre que c'est
la... la grande majorité.
• (12 h 40) •
15 359
M. Jolin-Barrette :
Juste pour terminer sur ce point-là, vous avez dit tout à l'heure : On
vient... si on permet aux notaires d'accéder
à la magistrature, on vient créer deux catégories de juges, notamment sur le
fait de pouvoir être nommé aux tribunaux supérieurs dans... si vous êtes
à la Cour du Québec, l'accessibilité à la Cour d'appel ou à la Cour supérieure,
sauf que, depuis l'arrêt Nadon qui a été rendu par la Cour suprême...
Prenez mon exemple. Moi,
demain matin, si M. Lametti me faisait cet honneur, je pourrais être nommé
directement à la Cour suprême. Je suis un avocat de 10 ans de pratique.
Direct. Par contre, un juge de la Cour du Québec qui a plus de 10 ans de
pratique, qui a été nommé par le gouvernement du Québec à la magistrature, qui
est juge, supposons, depuis 15 ans à la
Cour du Québec ne peut pas accéder à la Cour suprême du Canada. Donc, on a déjà deux catégories de juges
aussi. Dans le fond, si vous voulez accéder à la Cour suprême du Canada puis
que vous êtes un avocat, vous êtes mieux de ne pas être nommé juge à la Cour du
Québec, à moins d'être nommé par la suite à la Cour supérieure ou à la Cour
d'appel. Il y a déjà une incongruité actuellement dans notre système pour les
juges de nomination québécoise.
Mme Claveau
(Catherine) : Bien, je ne crois pas qu'on en a besoin d'une de
plus. Et aussi, bien, j'ajouterais... Tu sais, revenons à l'objectif de
cette loi-ci, qui est d'améliorer l'efficacité de la justice, de la rendre plus
accessible. Donc, on pense... On s'adresse ici à des juges du Québec qui ont
une compétence et le savoir-être, le savoir-faire pour entendre la population,
souvent des plus vulnérables, là, en Cour des petites créances. Alors, selon
nous, encore une fois, cette... Les membres
du public qui font partie de cette catégorie-là, qui ont des dossiers à faire
entendre devant la Cour du Québec, méritent d'avoir les juristes les plus formés et
les plus expérimentés en débat contradictoire.
M. Jolin-Barrette : OK. Bien,
écoutez, je crois qu'on s'entend qu'on ne s'entendra pas sur ce point-là, mais
je respecte votre opinion. Puis je pense que vous exprimez clairement la
position du Barreau, puis c'est très clair également.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci, M. le ministre. Alors
donc, on va passer maintenant au député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme la bâtonnière. Bonjour, Me Hawi, Me Poupart.
Dans votre exposé, vous avez parlé qu'il pourrait être avantageux d'avoir un
protocole préjudiciaire. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage sur ce
concept-là, s'il vous plaît?
Une voix : Bien sûr.
Me Poupart.
Mme Poupart (Emmanuelle) : Alors, le
protocole préjudiciaire, c'est, essentiellement, un protocole, une entente
entre les parties où on favorise la communication d'information de façon assez
rapide. Donc, on va prévoir la communication des pièces, on peut même prévoir
certains interrogatoires hors cour, la communication et les expertises, pour
que l'ensemble des informations qui permettent à des parties de prendre
position sur un litige se fassent rapidement, dans un processus un peu plus
informel et surtout qui permet de déterminer rapidement qu'est-ce qu'on fait
avec ce dossier-là. Est-ce qu'on le dirige vers le judiciaire ou plutôt on se
dirige vers une discussion pour en arriver à une entente hors cour? Alors, ça,
c'est le concept du protocole préjudiciaire.
Et l'avantage, donc, c'est vraiment la
communication rapide d'information qui permet aux deux parties, bien
franchement, de prendre position plus facilement sur leur litige puis de les
catégoriser. Alors, c'est ça, le phénomène du protocole préjudiciaire. Et, si
tant est qu'on se rende compte qu'on n'est pas en mesure de faire un règlement
et qu'on doit judiciariser, bien, à ce moment-là, on transfère ce qui a déjà
été fait à l'extérieur du processus judiciaire dans le processus judiciaire, et
donc c'est, encore une fois, plus rapide. Et là, évidemment, les délais sont
très courts pour la mise en état du dossier parce qu'essentiellement tout est
prêt.
M.
Morin : Donc, je comprends qu'on parle, dans le projet de
loi, beaucoup d'arbitrage, de médiation, mais, si cet élément-là était ajouté,
ça favoriserait également non pas uniquement la rapidité, mais l'accès à la
justice en général.
Mme Poupart (Emmanuelle) : Absolument.
Et je pense que ça favoriserait beaucoup les règlements également, parce que c'est sûr que, la médiation, l'arbitrage, il y a...
bien, je dirais, la médiation, là, les taux de réussite sont quand même
élevés. On voit la même chose aussi dans les conférences de règlement à
l'amiable. Bien, le simple fait de pouvoir
échanger dans un forum sur les éléments cruciaux d'un litige puis même juste de
déterminer c'est quoi, les vraies questions en litige... Parce que ça,
ça fait une différence énorme. On peut avoir une action qui commence avec cinq questions en litige, mais on se rend
compte, finalement, que le noeud de l'affaire, c'est une question en litige.
Donc, par définition, on identifie cette question-là et on va faire en sorte
que le débat éventuel, si tant est qu'il soit nécessaire, va être beaucoup plus
court.
M. Morin : Donc, en fait, c'est une
étape qui pourrait arriver avant même la conférence de gestion et donc qui
permettrait de mieux cerner, finalement, les points les plus litigieux dans le
conflit qui oppose deux parties.
Mme Poupart (Emmanuelle) : Exact.
M. Morin : Merci. On parle beaucoup
de médiation, d'arbitrage également dans le projet de loi. Vous avez parlé des
tarifs pour les arbitres. Il y a certains forums où, évidemment, ces
services-là sont payés par l'État, mais ce n'est pas le cas partout. Alors, si
on augmente les tarifs, par exemple, pour avoir accès aux arbitres, est-ce que
vous pensez que ça n'aurait pas un effet dissuasif sur les gens qui veulent
avoir recours à l'arbitrage, et donc ça va permettre à
moins de gens d'avoir accès à ces services-là? Est-ce que l'État ne devrait pas
financer davantage ces services-là, compte tenu de l'option et de l'idée
maîtresse, finalement, du projet de loi?
Mme Claveau
(Catherine) : Oui. Il faut comprendre que, lorsqu'on parle de
majoration de tarifs, on comprend que c'est... à l'instar des tarifs pour la
médiation aux petites créances, on s'attend à ce que ce soit offert par le ministère de la Justice, ce ne soit pas aux
parties à payer le tarif de l'arbitre, mais que ça fasse partie aussi des
tarifs offerts par l'État. Ça, c'est... Je pensais que c'était clair, mais
c'est dans ce sens-là qu'on fait... qu'on fait la demande.
M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Vous avez parlé aussi du
délai pour déposer une défense. Et effectivement le demandeur, lui, à un
moment donné, a même un 30 jours pour envoyer ses documents, ce qui réduirait le temps, à peu près, à 55 jours.
Je comprends qu'avec le projet de loi le gouvernement veut agir vite. Selon
votre expérience, présentement, là,
pour avoir un dossier complet, ça prend combien de temps à la cour? 150, 200,
250 jours?
Mme Poupart (Emmanuelle) :
Bien,
je vous dirais que, réalistement, le plus rapide... Puis encore, ça dépend vraiment
de la complexité du dossier. Ça, ça va de soi. C'est très variable. Mais moi,
je peux vous dire que, depuis qu'on a tenté de raccourcir les délais à la Cour
supérieure dans l'espoir d'arriver dans les six mois, je n'ai eu aucun dossier
qui a pu être mis en état dans les six mois. Je vais être bien... bien
transparente sur ce point-là. La réalité puis, je dirais, le plus rapide, c'est un an. Mais tout dépend, encore une
fois, de la complexité. Puis je sais que la complexité ne va pas toujours avec la valeur en litige. Ça
dépend toujours des questions. Mais, dans certains dossiers, quand même, avec
des expertises de responsabilité, tout ça, on réussit à le faire en un an.
Mais, déjà, six mois, là, c'est tout un défi.
M. Morin : Donc,
si on augmentait le délai un peu... un peu plus que 120 jours, on gagne
quand même sur la réalité sur le terrain maintenant.
Mme Poupart
(Emmanuelle) : Exactement. Puis, du point de vue de la défense, ce
qu'il faut garder également en tête, c'est que le demandeur, à partir du moment
où il sait qu'il y a un litige, il n'a pas juste 30 jours pour préparer son dossier. Il a plusieurs années,
même, à la rigueur, parce que, le délai de prescription étant de trois ans... Il
y a comme un certain déséquilibre ici entre la demande et la défense.
M. Morin : Bien.
On a entendu hier beaucoup d'associations de notaires. Je ne vous le cacherai
pas, qu'ils voient d'un très bon oeil la
possibilité qu'ils puissent accéder à la magistrature. Mais j'aimerais vous
entendre là-dessus, parce qu'il y a des associations de notaires qui ont
dit qu'ils n'étaient pas surpris que le Barreau ne soit pas en faveur, parce
que le Barreau est là pour protéger ses membres. Et pouvez-vous éclairer
davantage les membres de la commission sur le mandat du Barreau?
Mme Claveau
(Catherine) : Alors, évidemment, nous sommes... je suis tout à fait en
désaccord avec cet énoncé-là. Le Barreau, c'est un ordre professionnel. La
mission d'un ordre professionnel, c'est de protéger le public. Et, nous, au Barreau,
c'est ce qu'on a à coeur. Et je l'ai dit tout à l'heure et je le répète, c'est
dans cette optique-là que nous estimons que, pour avoir la confiance du public
en la magistrature, bien, il faut viser une magistrature qui a été... de gens
qui ont été formés pour des débats contradictoires, qui en ont une compétence,
formation et expérience.
M. Morin : Je
comprends qu'à la Cour du Québec il y a des comités qui sont formés pour des
concours, pour éventuellement soumettre des candidatures au ministre de la
Justice. Je comprends que le Barreau participe à ces comités-là. Avec votre...
De votre expérience, est-ce que, quand il y a des concours qui sont lancés, il
manque des candidats juges? Est-ce qu'il y a
des... il y a des régions où ils sont obligés d'annuler des
concours parce qu'il n'y a pas assez
de personnes? Donc, évidemment, l'ajout de notaires aiderait à faire
fonctionner les concours rapidement. Est-ce que c'est ce que vous vivez
dans votre expérience?
Mme Claveau
(Catherine) : Pas du tout. On a fait nos vérifications, et, à notre
connaissance, il n'y a aucun concours qui a été annulé par manque de candidats.
M. Morin : Parfait.
Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps, M. le Président? Deux minutes.
Dans le projet de
loi, on parle beaucoup de médiation, accès à la justice. C'est très bien. Le
principe est excellent. Mais, dans votre pratique, à votre connaissance, est-ce
qu'il y a suffisamment, présentement, d'employés dans les palais de justice
pour être capables de mettre en oeuvre ce projet-là ou si on ne va pas
simplement déplacer le problème d'un côté vers l'autre?
• (12 h 50) •
Mme Claveau (Catherine) : Bien, malheureusement, à
l'heure où on se parle, puis ça a fait l'objet, là, de sorties dans les médias
de divers acteurs du système judiciaire, il y a un manque de personnel au
niveau du greffe de la cour, des constables spéciaux ou même un manque de
juges. Donc, c'est certain que cette problématique-là, elle existe.
Donc, l'ajout de
mesures comme ça doit aussi s'accompagner d'ajout de mesures d'attraction, je
dirais, pour aller chercher le plus de membres de personnel possible, et de
rétention, donc, améliorer les conditions de travail des gens qui sont déjà en
place pour les garder dans nos palais de justice.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) : Merci.
Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci,
M. le Président. Je me suis inspirée de vos propos. J'ai tenté de cerner le noeud
du litige, et il me semble que c'est l'accès à la magistrature. Donc, je vais
revenir là-dessus avec vous. Je présume que vous avez confiance quand même dans
le processus actuel de nomination des juges.
Mme Claveau
(Catherine) : Oui, parce qu'il est quand même... Tu sais, il y a quand
même... Il est très réglementé, et il y a un
processus... D'abord, les membres qui font partie du comité de sélection, ce ne
sont pas n'importe qui. Il y a toujours un juge en chef adjoint, des
avocats qui connaissent le domaine. Puis il y a une grille de questions aussi qui sont propres à la... tu sais, à la
spécialité du juge, par exemple, recherché. Donc, si on a un juge en protection
de la jeunesse, on va avoir des questions
sur la pratique en protection de la jeunesse. Si c'est quelqu'un qui va venir
faire du civil général, il va y avoir des questions en ce sens-là. Donc,
pour nous, au moment où on se parle, le processus est très bien organisé, très
étanche.
Mme Labrie : Parfait.
Donc, j'entends votre confiance réitérée envers le système de nomination des
juges. À ce moment-là, j'avoue que j'ai du
mal à comprendre votre inquiétude par rapport au fait qu'on créerait la
possibilité théorique, là, qu'un notaire ait accès à la magistrature
dans la mesure où... Si, de votre point de vue, les plus expérimentés et ceux
qui ont la meilleure formation, ceux qui répondent le plus, finalement, aux
exigences pour être juges, ce sont les avocats et puis que, comme vous venez de
le dire à mon collègue, il n'y a jamais eu de pénurie de candidatures du côté
des avocats, et il semble que ça ne devrait pas changer à court terme, à ce
moment-là, qu'est-ce qui vous inquiète? Le processus, si on lui fait confiance,
devrait permettre de sélectionner les personnes les plus expérimentées, celles
qui ont le meilleur bagage, finalement, et puis on verra, à la fin, qui est
sélectionné. Mais, si on fait confiance au processus, c'est ça qui protège le
public, au fond.
Mme Claveau (Catherine) : Oui, mais, tu sais,
j'aurais le goût, là... Tu sais, je pense que la question qui va se poser,
bien, c'est : Pourquoi? Tu sais, il n'y en a pas, de besoin, puis il y a
un nombre... Tu sais, on est 29 500 avocats. Parmi nos
29 500 membres, on a plusieurs membres qui souhaitent devenir membres
de la magistrature et estiment qu'ils ont la compétence pour. Puis, comme je
l'ai dit, on n'a pas d'exemple de concours où est-ce qu'il n'y a pas eu
suffisamment de juges.
Si on enchâsse cette
disposition-là dans un... et qu'on la met en vigueur, et qu'au final il n'y en
aura pas, de notaires, qui vont être nommés, à quoi bon? Tu sais, je veux dire,
pourquoi on la fait, cette mesure-là? Si, au final, étant donné les règles de
sélection, il n'y en a pas, bien, tu sais, c'est comme faire une mesure pour
faire une... ajouter une disposition pour ajouter une disposition. Ça n'aura
pas d'utilité, là.
Mme Poupart
(Emmanuelle) : Puis, si je peux me permettre de rajouter un point,
c'est que ce qu'on vise avec le projet de
loi, c'est de faire en sorte que ça roule bien, que les procès soient plus
courts. Alors, toute l'expertise dans l'administration de la preuve, la
décision d'objection qui est soulevée au fur et à mesure, il y a un monde de
différence entre quelqu'un qui l'a fait pendant 10 ans puis quelqu'un qui
n'a jamais pratiqué, qui n'a pas été formé, et tout ça. Donc, moi, je pense que
ça va... ça va faire une différence sur l'administration et la durée des
procès, par définition.
Mme Labrie : Mais le processus en lui-même devrait être
suffisant pour permettre de choisir des candidatures qui ont ce bagage,
cette expertise, pour qu'on ne ralentisse pas la cour.
Mme Poupart
(Emmanuelle) : Bien, c'est-à-dire, je pense que, comme dit Me Claveau,
sans... ça va revenir à faire ça pour finalement ne pas atteindre l'objectif,
parce que, si on regarde les compétences, l'expertise dans le processus de
sélection, c'est difficile de faire la comparaison entre quelqu'un qui a fait
10 ans de procès, 10 ans...
Mme Labrie : Vous,
vous pensez qu'il y aura peu de notaires nominés, en fait.
Mme Poupart
(Emmanuelle) : Bien, effectivement, je me questionne. Je me questionne
sur cet objectif-là.
Mme Labrie : OK.
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : ...Mme la députée de Vaudreuil, s'il
vous plaît.
Mme Nichols :
Merci, M. le Président. Merci de
votre présence. Pour faire du pouce sur la question de ma collègue, qui
peut changer les règles, les règles de sélection?
Mme Claveau (Catherine) : Écoutez, c'est déterminé
dans un règlement que j'oublie le nom. Malheureusement, je ne peux pas
vous répondre en détail, là, à cette question-là, à moins que Me Hawi soit
en mesure d'y répondre.
Mme Hawi (Réa) : C'est prévu par règlement, en fait. Je suis en train d'essayer de voir
si j'ai le règlement, là.
Mme Claveau (Catherine) : Oui, c'est
ça, c'est prévu par règlement. Donc, le législateur.
Mme Hawi (Réa) : On a
toute la procédure, les critères de sélection. C'est le Règlement sur la
procédure de sélection des candidats à la fonction de juge à la Cour du Québec.
Donc, c'est réglementé.
Mme Claveau
(Catherine) : Donc, pour changer les critères, c'est au gouvernement
de les changer.
Mme Nichols :
Oui, c'est réglementé, mais un règlement, ça se change puis ça change...
Mme Claveau
(Catherine) : Oui, ça se modifie.
Mme Nichols :
Oui, puis ça se modifie plus facilement que la loi. J'ai deux petites
questions. Vous avez parlé de la compétence
concurrente. Vous dites que le Barreau
du Québec est favorable à
l'établissement de la compétence concurrente, là, entre la Cour du
Québec puis la Cour supérieure. Je me demandais s'il y a un lien à faire avec
les deux catégories, parce qu'on parle de... Vous avez parlé un peu de création
de deux catégories de juges. Est-ce qu'il y
a un lien à faire, en supposant que les notaires auront la possibilité...
voyons, que ce soit accessible à la magistrature? Est-ce qu'il y a un
lien à faire entre les deux?
Mme Claveau
(Catherine) : Bien oui, c'est... Le lien à faire, il est vraiment avec
la proportion concurrente. Comment le projet de loi est fait, c'est que les
créances jusqu'à 75 000 $, c'est la Cour du Québec, mais, entre
75 000 $ et 100 000 $, le justiciable peut choisir s'il
prend le chemin plus raccourci pour aller à la Cour du Québec ou suivre les
règles qui ne sont pas prévues à ce projet de loi là puis aller en Cour
supérieure.
Mme Nichols :
Ça fait qu'à votre avis, le fait que les notaires soient admissibles ou
qu'il y ait un notaire, quelqu'un pourrait décider de choisir, justement, en
fonction de ce critère-là.
Mme Claveau
(Catherine) : Ça pourrait être un critère aussi si...
Mme Nichols :
Bien, c'est ça, je me demandais si vous faisiez un lien entre les deux,
entre la compétence concurrente puis la...
Mme Claveau
(Catherine) : Bien, disons que le lien ne se fait pas jusque-là, mais,
tu sais, on trouve quand même que ça crée quand même une certaine incohérence,
parce que c'est le même litige, c'est le même dossier, puis, s'il choisit
d'aller en Cour supérieure, il est certain qu'il n'y aura pas un notaire qui va
l'entendre, puis, s'il va à la Cour du Québec, il y a un risque que ça va être
un notaire.
Mme
Hawi (Réa) : Si vous le permettez, si je
peux juste ajouter, la compétence concurrente, avec laquelle on n'est pas en
désaccord, là, ça va quand même venir créer de la confusion auprès du public,
qui vont devoir choisir entre : Est-ce que je mène mon recours à la Cour supérieure
ou à la Cour du Québec pour un même montant? Donc, ça va déjà être un certain
questionnement qu'ils vont avoir à faire, un certain cheminement.
Bien là, ils vont
aussi devoir considérer, bien, pourquoi est-ce que ce sera aussi, en plus de
ça... En plus que ce soit une procédure
différente, bien, le juge pourrait être différent aussi. Alors, pourquoi avoir
ce questionnement-là auprès de la population, qui pourrait venir, en
fait, miner, là, la confiance qu'ils ont dans une cour qu'on veut rendre,
essentiellement, plus efficace?
Mme Nichols :
En terminant, peut-être rapidement, là, très rapidement, la reconfiguration
du Conseil de la magistrature par rapport à l'indépendance judiciaire, est-ce
que, pour vous, il y avait un problème?
Mme Claveau
(Catherine) : Bien, pour nous... Nous ne nous prononcerons pas
là-dessus. Nous estimons que nous ne sommes pas les meilleurs interlocuteurs
pour vous en parler. Alors, nous vous invitons à rencontrer les gens du Conseil
de la magistrature, qui pourraient vous en dire davantage.
Mme Nichols :
Très bien. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Alors, merci d'avoir été avec nous aujourd'hui. C'est très, très, très
apprécié.
Et je suspends les
travaux jusqu'à 14 heures. Donc, bon lunch rapide. On recommence à
14 heures. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 58)
(Reprise à 14 h 02)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Alors, bonjour à tout le monde. La Commission des institutions
reprend ses travaux. Merci.
Des voix : ...
Le Président (M. Bachand) : S'il
vous plaît! Je sais que vous avez hâte de discuter entre vous.
Nous poursuivons les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8...
Une voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : ... — M. le ministre, s'il vous
plaît! — Loi
visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment en
favorisant la médiation et l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile à
la Cour du Québec.
Cet
après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la Fédération des
maisons d'hébergement pour femmes, la Chambre des notaires du Québec.
Mais on a le privilège de commencer avec les représentants de l'Association du
Barreau canadien, division du Québec.
Bienvenue
à vous deux. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de
présentation. Alors, je vous inviterais à vous présenter puis à débuter votre exposé, et, par après, on aura un
échange avec les membres. Merci encore d'être ici avec nous.
Association du Barreau canadien, division Québec
(ABC-Québec)
Mme Burelle
(Martine) : Merci. Alors, mon nom est Martine Burelle. Je suis la
présidente de l'Association du Barreau canadien, division du Québec. Je suis
accompagnée aujourd'hui de Me Jérémy Boulanger-Bonnelly, qui est le
président du Comité législation et réforme du droit de l'ABC.
Alors,
l'ABC est la seule association à regrouper sous une même bannière tous les
juristes du Québec, c'est-à-dire les
étudiants en droit, les professeurs d'université, les juges... des juges, en
fait, pas tous les juges, de même que des avocats et des notaires. Nous
avons donc des avocats et des notaires dans notre association. L'ABC compte
37 000 membres à travers tout le Canada.
Parallèlement à la
présidence, je pratique en droit municipal et en droit immobilier public dans
le district de Longueuil. Selon les
statistiques du ministère de la Justice, il s'agit du district où les
justiciables attendent le plus longtemps pour l'audition de leurs
dossiers aux petites créances, soit plus de 1 000 jours. Je me
réjouis donc des mesures présentées par le ministre de la Justice, qui auront
certainement pour effet d'amener une solution concrète et rapide à ce problème.
J'insiste sur le mot «rapide», car le délai entre l'adoption du principe et la
présentation d'aujourd'hui fut assez court. Étant moi-même, toutefois, d'une
nature très enthousiaste, j'admire l'empressement à aller de l'avant avec la
mise en place de cette réforme.
Relativement à
l'accession des notaires à la magistrature, l'ABC est toutefois d'opinion
qu'une réflexion plus profonde devrait être
faite au préalable. L'ABC comprend, par ailleurs, qu'un important
réinvestissement dans le système de justice devrait accompagner la mise
en place de plusieurs des mesures annoncées et en profite pour suggérer la
modification à la hausse du nombre de juges à la Cour supérieure et à la Cour
du Québec, la modification proposée dans le projet de loi n° 8
se limitant au nombre de juges à la Cour d'appel.
Je
laisse la parole à Me Boulanger-Bonnelly, corédacteur du mémoire avec
Me Bundaru, qui, malheureusement, n'a pu se présenter aujourd'hui
puisqu'il est retenu... Il a tenté de régler ce matin, mais il est toujours
retenu à la Cour supérieure au moment où on se parle. Donc, je laisse la parole
à Me Boulanger, qui vous présentera notre mémoire et pourra répondre à vos
questions.
M.
Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bonjour, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés. Donc,
effectivement, je suis président du Comité législation et réforme du droit de
l'ABC-Québec. Je suis également... J'enseigne à l'Université McGill, à
la Faculté de droit, et mes recherches portent sur l'accès à la justice. C'est
donc un projet qui me tient personnellement à coeur.
Pour commencer, je
voulais, moi aussi, souligner que c'est surtout Me Bundaru, Horia Bundaru,
qui est le président sortant de l'ABC-Québec, qui a piloté vraiment la
rédaction de ce mémoire. Donc, malheureusement, il n'a pas pu être avec nous, mais le crédit lui revient également. Je ne vais
pas répéter toutes les recommandations que nous avons exposées en détail
dans notre mémoire, mais je voulais attirer votre attention sur quelques points
qui nous semblent particulièrement importants.
Premièrement,
en ce qui concerne le protocole préjudiciaire, c'est, évidemment, un outil qui
est très important et qui est, en fait, de plus en plus utilisé par les
justiciables et leurs avocats, avocates au Québec. Et donc, selon nous, c'est
louable de vouloir lui faire une plus grande place dans le système de justice
québécois. Par contre, il faut, selon nous,
que le Code de procédure civile définisse un peu mieux la notion de protocole
préjudiciaire, et ce, pour deux raisons.
Premièrement, c'est
important d'un point de vue pédagogique. On a entendu les représentants et
représentantes d'Éducaloi, entre autres, nous parler de l'importance d'avoir
des lois qui peuvent être comprises par les citoyens. Et donc notre suggestion
s'inscrit en ce sens-là, de mieux définir le protocole préjudiciaire pour que
les citoyens et citoyennes puissent le comprendre. Bien, d'un point de vue
pratique, c'est aussi important de le définir, parce que, désormais, en
fonction du projet de loi, le fait de convenir un protocole préjudiciaire
permettra d'avoir accès à une instruction
par priorité. Donc, il faut savoir à l'avance quel contenu devrait avoir ce
protocole pour que le dossier
bénéficie de la nouvelle priorité qui est proposée. Du même souffle, on
souligne qu'il ne faut pas que la définition soit, toutefois, trop restrictive, parce qu'un des avantages du
protocole préjudiciaire, c'est justement sa flexibilité pour les
parties.
Notre deuxième point, c'est concernant
l'instruction par priorité, justement. Donc, nous sommes entièrement favorables
à cette idée d'instruire en priorité les dossiers qui ont passé par une
médiation ou par un protocole préjudiciaire. Par contre,
comme ma consoeur le mentionnait, les ressources accordées aux tribunaux doivent
être suffisantes pour que la réforme fonctionne, parce que, si on donne
priorité à ces dossiers-là sans qu'aucune ressource additionnelle soit investie
dans le système, les autres dossiers vont forcément être retardés, incluant
certains dossiers qui ont déjà une priorité
en fonction du Code de procédure
civile, comme les dossiers en matière
d'intégrité des personnes, par exemple, ou les contrôles judiciaires.
Donc, à notre avis, il faut ajouter de nouveaux juges et du personnel pour les soutenir pour que cette instruction en
priorité fonctionne réellement, ce que le projet de loi ne fait pas
actuellement.
Dans le même ordre d'idées, la médiation
obligatoire aux petites créances est une bonne réforme, mais elle doit
s'accompagner de ressources suffisantes pour éviter qu'elle ne tombe à l'eau.
Dans un troisième temps, on est aussi favorables
à l'adoption d'une procédure simplifiée en Cour du Québec. Vous aurez peut-être noté, par contre, dans notre
mémoire, qu'on a identifié plusieurs incohérences ou certains défauts de
rédaction dans les articles proposés, et donc on croit que c'est pertinent
d'amender le projet de loi pour rectifier ces quelques points-là. Vous allez
peut-être croire que ces points sont plus techniques, mais, à notre avis, ils
sont quand même essentiels pour que les nouveaux articles qui sont proposés
s'intègrent de façon harmonieuse dans le Code de procédure civile et que le
tout soit clair également. Donc, on a fait des recommandations en ce sens dans
notre mémoire.
Quatrièmement, l'idée d'un arbitrage gratuit aux
petites créances doit être révisée, selon nous, pour protéger la publicité des
débats judiciaires. On a entendu beaucoup d'interventions en commission
parlementaire sur le sujet de l'arbitrage gratuit. Et nous sommes tout à fait
d'accord qu'il faut désengorger les petites créances, et on salue l'initiative
du ministre en ce sens. Par contre, ce que le projet de loi propose, dans les
faits, c'est, essentiellement, de privatiser aux frais de l'État un certain
nombre de litiges qui vont devenir assujettis aux règles de l'arbitrage et qui
vont donc demeurer confidentiels. Selon nous, il y a d'autres solutions qui
doivent être envisagées et qui peuvent être envisagées par le législateur.
Donc, si on prend un seul exemple qu'on a mentionné
dans notre mémoire, c'est l'Ontario qui a recours à des avocates et à des
avocats qui agissent à temps partiel comme juges suppléants aux petites
créances. Et donc cette solution-là s'apparente à l'arbitrage, parce qu'elle
utilise la force des avocates et des avocats, qui sont des juristes chevronnés
et qui sont accrédités, effectivement, pour mettre l'épaule à la roue et
désengorger les petites créances. Mais ce
que cette solution-là ne fait pas comparativement à l'arbitrage, c'est de
privatiser tout un pan de notre système de justice. Donc, on croit qu'on
peut atteindre l'objectif que le projet de loi poursuit en ce sens sans pour
autant avoir les effets négatifs de la mesure proposée.
Cinquièmement, sur l'éligibilité des notaires à
la magistrature, nous sommes ouverts à ce qu'une réflexion sur le sujet soit
amorcée, comme ma collègue l'a mentionné, mais nous sommes d'avis que
l'amendement proposé est un peu trop précipité. Il y a des arguments en faveur
de l'éligibilité des notaires, puis vous en avez entendu beaucoup en commission
parlementaire, mais aussi certaines préoccupations qui peuvent être légitimes.
Donc, vu l'importance de l'enjeu de préserver une magistrature de qualité, une
telle réforme, selon nous, devrait être adoptée seulement après avoir consulté
sérieusement toutes les parties prenantes. Et ce qu'on vous demande, donc,
c'est de retirer cette portion du projet de loi pour l'étudier ultérieurement.
• (14 h 10) •
Dans notre mémoire, on aborde également les
modifications qui touchent le Conseil de la magistrature, notamment en ce qui
concerne l'accès à l'information. Et puis l'élément le plus important à
mentionner, c'est que c'est essentiel, avant
d'aller de l'avant avec de telles modifications, de consulter la présidente du
Conseil de la magistrature, donc, la juge en chef de la Cour du Québec,
ce qui, selon ce qu'on comprend, n'a pas été encore fait.
Et puis, dernier point en terminant, on le note
dans notre mémoire, mais c'est essentiel de mesurer de façon empirique l'impact
des réformes proposées. L'Ontario l'a fait, par exemple, après avoir adopté le
programme de médiation obligatoire il y a déjà plusieurs années. Et, selon
nous, c'est essentiel que le Québec aussi fasse cette... ce pas-là, en fait, pour, après l'adoption du projet
de loi n° 8, vérifier que les réformes fonctionnent et les
ajuster au besoin en se basant sur des données solides et sur de la
recherche empirique.
Donc, en conclusion, nous accueillons de façon
très favorable la plupart des mesures proposées par le projet de loi et son
impact sur l'accès à la justice, mais nous vous invitons à tenir compte des
quelques recommandations qu'on a formulées dans notre mémoire pour bonifier le
projet de loi et s'assurer qu'il ait l'impact souhaité. Donc, je vous remercie
au nom de l'ABC-Québec. Et évidemment ça nous fera plaisir de discuter avec
vous et de répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Donc, M. le
ministre, vous avez la parole, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Me Burelle,
Me Boulanger-Bonnelly, bonjour. Merci de participer aux travaux de
la commission parlementaire sur le projet de loi n° 8.
Écoutez, d'entrée de jeu, allons-y sur
l'accession des notaires à la magistrature. Vous avez dit... vous avez
dit : C'est important de maintenir une magistrature de qualité. Donc, par
vos propos, est-ce à dire que, si un notaire accède à la magistrature, la
magistrature ne sera plus de qualité?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Pas
du tout. Donc, je faisais référence à certains arguments qui ont été mentionnés
de part et d'autre. Et puis, comme Me Burelle l'a mentionné, nous avons des
notaires, des avocats, des avocates dans notre membrariat. Et donc je pense que
c'est important d'entendre toutes les parties en cause avant de faire cette
réforme-là. Mais je relatais des propos, là, de part et d'autre, sans prendre
position sur ce point-là.
M.
Jolin-Barrette : OK. Parce que...
Mme Burelle
(Martine) : Si je peux compléter, M. le ministre...
M.
Jolin-Barrette : Oui, allez-y.
Mme Burelle
(Martine) : En fait, puisque nous côtoyons des notaires dans notre
organisation, il est bien entendu que l'on connaît leurs forces et leurs
faiblesses. Au niveau des forces, il est évident que plusieurs... qu'ils
détiennent une formation qui serait très utile. Si je pense en Cour du Québec,
puisque je pratique en droit municipal, il y
a énormément de dossiers de contestation de droits de mutation. Leur formation
est faite pour entendre ces dossiers-là, c'est évident. Il y a une
chambre. Toute la division administrative, les appels en provenance des
décisions de Revenu Québec, c'est sûr qu'on peut voir un atout dans le fait
d'avoir des notaires qui siégeraient dans cette division-là. Mais, puisqu'on
les connaît aussi et qu'ils font partie de nos membres, on peut aussi voir
d'autres faiblesses, comme par exemple le manque d'expérience en matière
criminelle et pénale. Toutefois, c'est aussi quelque chose que les... Pas tous
les avocats ont cette expérience-là.
Donc,
je pense qu'une réflexion est requise à ce sujet-là. On n'est pas du tout
contre l'idée. En fait, de notre côté, nous sommes ouverts. On voit les
forces que les notaires pourraient apporter à la magistrature. Mais, au niveau
des faiblesses, bien, bien entendu, c'est
les 10 ans de formation. Dans le fond, l'administration de la preuve et
tout le côté procédural, il y a une
grosse partie qui est quand même apprise dans la salle de cour au cours des
10 dernières années.
M.
Jolin-Barrette : OK. Donc, je comprends que vous n'êtes pas fermés,
vous êtes ouverts, mais vous nous dites : Écoutez, il y a peut-être
certains enjeux, tout ça. Puis on a entendu beaucoup d'arguments de part et
d'autre, puis je vous résumerais ça ainsi : Les notaires sont en faveur
puis les avocats sont contre. C'est à peu près ça. Grosso modo, si on met ça,
là, d'une façon dichotomique, ça ressemble pas mal à ça. Mais, en tout cas...
Mme Burelle
(Martine) : Hier, j'ai entendu quelqu'un, j'ai pu entendre une partie,
là, j'étais en déplacement le reste de la journée, j'ai entendu quelqu'un, dans
les remarques préliminaires, qui disait : Je suis avocate, mon frère est notaire, et nous avons eu beaucoup de
discussions en famille pendant la fin de semaine. Eh bien, nous avons... nous
sommes cette famille, l'ABC. Nous avons eu beaucoup de discussions en famille.
M. Jolin-Barrette : Excellent. Bien, j'espère
qu'il n'y a pas de chicane de famille chez vous. C'est important de
se... de discuter mais de ne pas rester choqué, hein? Ça, c'est bien important.
Cela étant, vous
m'avez dit, Me Burelle : Bien, écoutez, en matière criminelle et
pénale, bien là, c'est une faiblesse pour les notaires. Bien, il y a plein
d'avocats qui n'ont jamais pratiqué en matière criminelle et pénale. Je donne
un exemple. Mon estimé confrère est un spécialiste en matière criminelle et
pénale, pas moi. Donc, il serait davantage compétent que moi pour siéger en
chambre criminelle et pénale.
Par
contre, quand on prend la magistrature en général, bien, ça arrive qu'il y a
multichambre. Ça arrive qu'il y a des
civilistes qui sont nommés pour siéger en chambre de la jeunesse puis en
chambre criminelle et pénale ou qu'il y a des postes qui sont ouverts,
criminelle et jeunesse. Alors, il y a différentes variétés. Puis il y a même
des avocats qui sont nommés qui ne plaidaient pas. Il y a des profs
d'université. Il y a des gens qui travaillent en contentieux municipaux qui ont
été nommés puis qui ne faisaient pas de litige, qui étaient greffiers dans des
municipalités. Alors, je comprends que, pour vous, ça mérite réflexion. Alors,
je retiens votre commentaire.
Peut-être des
éléments plus techniques, là, par rapport au projet de loi. L'article sur le
fait de pouvoir rendre jugement sur le vu du dossier à 3 000 $, vous,
vous êtes ouverts à élargir ça d'une façon plus large.
M.
Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exactement. Puis en fait je pense que
les discussions ont déjà eu lieu à ce niveau-là en commission parlementaire.
Mais, dans la mesure où le consentement des parties est obtenu de part et
d'autre, à notre avis, il n'y a aucun obstacle à ce qu'un dossier soit décidé
sur le vu du dossier. Et puis le montant en litige,
finalement, est parfois un bien mauvais indicateur de la complexité d'un litige
ou de la possibilité de le résoudre sur dossier. On peut penser à des
actions sur compte qui vaudraient 15 000 $ mais qui demeureraient,
somme toute, simples. Donc, on est d'avis,
effectivement, que ça pourrait être étendu, tant que le consentement demeure
une exigence.
M.
Jolin-Barrette : OK. Bien, je retiens bien votre suggestion. Sur la
question de la médiation, là, dans le modèle qu'on propose, on propose une
médiation obligatoire, arbitrage automatique, mais une partie va pouvoir se retirer. Vous, vous avez un enjeu avec le fait
que... Pour l'arbitrage, vous dites : Bon, c'est un rapport de nature privée
entre les parties, ce ne serait pas assujetti à la publicité des débats. Là, je
comprends qu'en Ontario ils créent un système avec des avocats juges, si on
veut, un peu.
Nous, notre souhait,
c'est véritablement de désengorger le système de justice, mais aussi que les
dossiers se règlent plus rapidement pour le justiciable et qu'il participe à la
solution de leur litige. Donc, sur la question de la médiation comme telle, là,
puis même sur la procédure civile, je fais le deuxième volet du projet de loi
également, procédure civile simplifiée, le fait de fixer par priorité les
dossiers qui auront eu recours à un mode alternatif de règlement des
différends, ça, vous êtes à l'aise avec ça.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui.
Il y a plusieurs éléments dans votre question. En ce qui concerne l'arbitrage,
je pense que c'est quand même un élément distinct de la médiation, dans le sens
où les parties ne vont pas régler leur différend en
participant... vraiment comme la médiation. C'est beaucoup plus similaire à la
résolution des différends par les tribunaux. Donc, à notre avis, c'est là qu'il
faut repenser un peu la réforme proposée.
La médiation obligatoire, à notre avis, c'est
une excellente réforme. Puis on a vu, en fait, en Ontario, que, malgré le fait
qu'on déroge au principe du consensualisme, hein, de la volonté des parties de
se soumettre à la médiation, le taux de
succès a été immense. Puis la réforme est là depuis plusieurs années. Donc, on
ne voit pas pourquoi ce serait différent au Québec.
Puis, sur l'instruction en priorité, c'est sûr
qu'il peut survenir certains problèmes. On a entendu certains de nos membres
dire : Certaines compagnies, peut-être, vont décider de ne pas aller en
médiation dans les cas où ce n'est pas obligatoire pour, finalement, causer des
délais dans le dossier, hein, reporter le moment de l'instruction, en disant : Bien non, on n'ira pas en médiation,
et donc, comme ça, on ne passera pas en priorité. Donc, on ne voudrait pas que
ce soit utilisé comme étant un moyen, finalement, de... un moyen dilatoire par
certaines parties. Mais, ceci dit, on veut encourager la médiation, et donc, en
ce sens-là, c'est une bonne mesure tout de même.
M.
Jolin-Barrette : Sur votre dernier commentaire, là, vous pensez
vraiment qu'il y a des parties qui utiliseraient des moyens dilatoires
de cette façon-là. Vous voyez un enjeu là-dessus.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Il
y a certaines personnes qui nous l'ont...
M. Jolin-Barrette : Je pensais que
la bonne foi se présumait.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Ah!
tout à fait. Puis on ne dit pas que ça va être, finalement, dans tous les cas que ça va survenir, mais certaines parties
qui ont intérêt à ce qu'un litige dure plus longtemps pourraient peut-être vouloir utiliser cette mesure-là pour causer des
délais. Donc, il faut juste faire attention de bien cerner cette mesure-là,
bien la circonscrire, pour s'assurer qu'elle ait l'effet voulu.
M. Jolin-Barrette : OK. Je voudrais
vous entendre, peut-être... Il n'y a personne qui nous a parlé, à date, des plafonds, donc, compétence exclusive, jusqu'à
75 000 $, Cour du Québec, compétence concurrente, 75 000 $,
100 000 $. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bien,
en fait, on est favorables, là, dans le sens que... Dans le mémoire, je pense
qu'on l'a expliqué. On prend acte de cette réforme-là, puis ça ne pose pas de
problème particulier, à notre avis. Puis on
comprend que ça répond aussi aux exigences, là, de l'arrêt de la Cour suprême,
sans prendre avis... sans prendre position sur la constitutionnalité de
la réforme, là, mais on comprend que c'est une réponse à cet arrêt-là.
M. Jolin-Barrette : OK. Certains
groupes sont venus nous dire : Bon, médiation obligatoire, ça va. Vous,
vous nous dites : Bien, écoutez, oui, normalement, c'est la forme d'un
consensualisme, mais, en Ontario, ce n'est pas le cas, puis ils ont bien
réussi. Donc, oui, normalement, la médiation, il faut que les deux parties y
aillent, mais, avec une petite tape dans le dos pour dire : Allez-y, en médiation,
ça va peut-être vous aider, vous êtes d'accord avec ça.
Sur la question du volume de dossiers, vos
membres, j'imagine, il y en a beaucoup qui sont médiateurs également,
pensez-vous qu'il va y avoir une attractivité du fait qu'on rende ça obligatoire,
que, de vos membres, ils vont être intéressés à devenir médiateurs ou à prendre
davantage de dossiers?
• (14 h 20) •
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Je
pense qu'il faut quand même que le tarif soit attirant pour ces personnes-là,
parce que les avocats, avocates ont quand même... ou les notaires ont une
pratique, là, qui peut être intéressante
ailleurs. Et donc, pour les convaincre d'aller en médiation, il faut quand même
avoir des tarifs intéressants. Donc, ça, c'est un élément.
Mais je pense, effectivement, qu'avec un
changement de culture comme ça qui rend la médiation beaucoup plus présente ça
pourrait avoir un effet et convaincre des gens de devenir, là, effectivement,
médiateurs, médiatrices. Martine, je ne sais pas si tu voulais compléter.
Mme Burelle (Martine) : Bien, en
fait, il existe déjà un tarif au niveau des avocats et des notaires qui travaillent à l'externe. On l'appelle le décret,
le tarif du décret. Je ne sais pas si c'est à ce tarif-là que vous pensiez pour
les médiateurs. Mais moi, je pense que, pour répondre à la question, tout va
dépendre du tarif.
M. Jolin-Barrette : OK. Me Burelle,
Me Boulanger-Bonnelly, merci beaucoup. Je vais céder la parole à mes collègues.
Alors, merci beaucoup pour votre passage en commission parlementaire.
Mme Burelle (Martine) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré,
s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour. Je vais me
limiter à une question pour laisser à mes collègues la chance de vous parler aussi. Alors, je voudrais parler de la
proposition portant sur une plus grande représentativité des personnes victimes
au sein du Conseil de la magistrature. On n'a pas entendu beaucoup de
commentaires à ce sujet-là. J'aimerais savoir si, selon
vous, c'est susceptible d'avoir un impact, là, sur le système de justice,
notamment sur la sensibilité requise dans le cheminement des dossiers, la
formation, peut-être, continue qui est également offerte aux juges. Comment
vous voyez, là, cette modification?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : On
se positionne favorablement sur cette modification-là parce que ça permet,
justement, une plus grande représentativité puis que ça permet d'apporter un
éclairage nouveau au sein des activités du Conseil de la magistrature,
notamment au niveau de la formation. Puis on pense que c'est un équilibre
adéquat, là, qui a été atteint avec la réforme qui est proposée. Puis il y a
d'autres exemples, si je peux me permettre, ailleurs dans le monde. Par
exemple, en Angleterre, il y a certains modèles de réglementation
professionnelle qui incluent des personnes
de la communauté, qui incluent des citoyens, citoyennes. Donc, ce n'est pas non
plus inusité, là, d'inclure des citoyens, citoyennes sur ce genre
d'organisme là.
Mme Bourassa : Parfait. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée d'Anjou—Louis-Riel,
s'il vous plaît.
Mme Boivin Roy : Merci, M. le
Président. Alors, merci à vous pour la présentation. Je comprends que vous nous
avez suivis hier dans les travaux. Vous avez relevé certains commentaires de
nos membres. Peut-être avez-vous eu la chance de prendre connaissance des
documents, entre autres, ceux de la Chambre des notaires, qui nous disent que 51 % des gens ne connaissent pas, à
toutes fins pratiques, là, les modes alternatifs de résolution de conflit, comme
la médiation. Alors, comment voyez-vous votre rôle à ce niveau-là pour
sensibiliser le public à ces autres offres qui se présentent à eux?
Mme Burelle (Martine) : Bien, c'est
sûr que l'ABC a un rôle. C'est une situation qui pourrait être comparée à un
syndicat, dans le fond, au niveau... Elle représente ses membres. Elle n'a pas
un rôle spécifique au niveau de la protection du public. Elle a toutefois des
programmes. Donc, on a un programme qui est très intéressant, dans les écoles,
où on se déplace d'école en école pour expliquer qu'est-ce qu'est un procès, de
quelle façon ça fonctionne. Et on a des juges qui participent à ça avec nous,
des bénévoles qui y mettent des centaines d'heures par année, qui sont très, très,
très impliqués. Donc, c'est sûr qu'un volet par rapport à la médiation pourrait
être ajouté à nos programmes à ce sujet-là, au niveau de la sensibilisation
dans les écoles, de notre côté.
Mme Boivin Roy : Merci beaucoup.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Puis,
si je peux me permettre aussi, l'ABC-Québec et l'ABC nationale aussi ont
beaucoup de formation, hein, auprès des membres. C'est un des rôles de
l'association. Donc, évidemment, des formations sur la médiation, par exemple,
pourraient être envisagées, là, pour renforcer les capacités, finalement, des
membres de l'ABC-Québec.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides.
Non? Alors, M. le député de Saint-Jean. OK.
M. Lemieux : Oui. Merci, M. le
Président. Il nous reste combien de temps?
Le Président (M.
Bachand) : Trois minutes.
M. Lemieux : C'est bon. Alors, avant
d'aller à ma dernière question, j'en avais une au cas où que j'aie un peu de
temps. C'est au sujet de votre recommandation et de votre remarque au sujet de
l'arbitrage sans frais, qui pourrait avoir des effets pervers. Gardez-moi une
petite minute ou deux pour finir, après ça, sur les notaires juges, mais
parlez-moi de ça, parce que j'avoue que vous m'avez surpris avec celle-là. Il y
a un effet pervers à plein de choses, là, mais, celle-là, expliquez-moi ça.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui,
bien, en fait, le principe fondamental de notre système de justice, un des principes fondamentaux, c'est la publicité
des débats judiciaires. Puis ça, ça existe pour s'assurer que la justice est
transparente, qu'elle soit accessible, que les gens puissent la regarder et
s'assurer qu'elle soit bien faite. En matière de petites créances, même si les
dossiers sont peut-être un peu moins importants, c'est un principe qui est
quand même fondamental et qui existe tout de même dans notre système de
justice. C'est un principe constitutionnel à certains égards, même. Et donc,
selon nous, de permettre à l'État, finalement, de financer l'arbitrage, ça va
un pas, peut-être, trop loin, en utilisant
les ressources de l'État pour financer un système qui déroge à ce principe de
publicité là et qui privatise, à toutes fins pratiques, un certain
nombre de litiges.
L'arbitrage est très utile. On n'était pas en
train de critiquer l'arbitrage de façon générale. Mais on se dit : Si
l'État est pour financer des avocats, avocates, d'autres arbitres pour faire ce
genre d'arbitrage là, bien, peut-être qu'on est mieux de le faire à même le
système de justice pour garder la publicité des débats.
M. Lemieux : Très intéressant. Merci
d'avoir réexpliqué ce que vous aviez dit tout à l'heure.
Mme
Burelle (Martine) : Je peux peut-être vous donner un exemple concret.
M. Lemieux : Oui,
oui.
Mme Burelle (Martine) :
Dans le fond, il arrive souvent que les gens, avant de faire affaire avec
un entrepreneur quelconque... Maintenant, les gens connaissent CanLII. Donc,
ils vont sur CanLII et tapent le nom pour s'assurer que la personne n'a pas
25 jugements pour vices, par exemple, dans les travaux. Maintenant, si cet
entrepreneur-là décidait de toujours avoir accès à l'arbitrage, eh bien, dans
le fond, il n'aurait pas la publicité par rapport
à tout cet historique-là de mauvais service. Donc, c'est une des utilités de la
publicité des jugements, là, en tant que
telle. C'est un exemple, puis il y en aurait sûrement des meilleurs, là, mais
c'est le seul auquel je pense pour le moment.
M. Lemieux : Bien,
je veux vous parler des notaires à la magistrature, parce que le temps court,
il me reste une minute. Tous les avocats ne deviennent pas et ne veulent pas
nécessairement devenir juges. C'est vrai aussi, probablement, pour les notaires lorsqu'on leur en donnera la capacité.
Je note votre ouverture, grande ouverture, mais, à la fin, vous dites : «Dans l'éventualité où
le législateur décidait de rendre les notaires éligibles à la magistrature
provinciale, l'ABC-Québec souligne l'importance de préserver la
robustesse du processus.» Il n'est jamais question d'alléger le processus, là. Pourquoi vous prenez le temps de
dire : Il va falloir que vous gardiez les règles où elles sont? Il n'est
pas question de les réduire.
Le
Président (M. Bachand) : Rapidement, parce
qu'il reste très peu de temps.
M. Boulanger-Bonnelly
(Jérémy) : Oui, bien, effectivement, le processus est robuste, et on
pense qu'il doit le demeurer. C'est simplement un mot, peut-être, pour
s'assurer que ce ne soit pas quelque chose qui est envisagé par le législateur.
Mais le... C'est là que... À notre avis, là, ça situe la robustesse du
processus de sélection.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le
député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci,
M. le Président. Bonjour, Me Burelle et Me Boulanger-Bonnelly. Vous
transmettrez mes salutations à
Me Bundaru également. Merci d'être là. Je trouve les informations que vous
nous donnez particulièrement pertinentes, très crédibles, parce
qu'effectivement, au sein de votre association, il y a des magistrats, des
juges, des notaires et des avocats. Donc, évidemment, vous êtes capables de
parler au nom de tous ces gens-là. J'ai quelques questions pour vous.
Ce projet-là,
évidemment, en principe, il est... on ne peut pas être contre. On ne peut pas
être contre l'accès à la justice. On ne peut pas être contre le fait que la
justice veuille aller plus vite. Mais, vous l'avez évoqué un peu en entrée de jeu, ça ne fonctionnera pas, je pense,
s'il n'y a pas les ressources suffisantes qui viennent avec. Donc, on parle
beaucoup de médiation, d'arbitrage. S'il n'y a pas plus de personnel dans les
greffes, s'il n'y a pas plus de personnel dans les palais de justice, est-ce que la justice va aller plus vite
même avec le projet de loi ou s'il n'y aura pas d'impact positif,
d'après vous?
M. Boulanger-Bonnelly
(Jérémy) : Il y a certaines parties du projet de loi qui permettront
de simplifier la procédure. Par exemple, en Cour du Québec, évidemment, ça, ça
va être utile, là, qu'il y ait des ressources ou non additionnelles qui soient
investies. Mais, pour la grande majorité, je pense, des mesures qui sont dans
le projet de loi, ça prend des ressources additionnelles pour permettre au
système de justice de mettre en oeuvre ces réformes-là et de s'assurer qu'elles
aient l'impact voulu, parce que sinon on va se ramasser avec peut-être des
délais, dans certains dossiers, qu'on ne voudrait pas avoir non plus ou,
finalement, une médiation qui est, en théorie, accessible mais qui, en
pratique, ne l'est pas réellement.
M. Morin : C'est
ça. Alors, si je vous comprends bien, si ce projet de loi là fonctionne et va
rondement au Parlement, on l'adopte, mais que le restant de l'appareil
judiciaire ou le personnel des palais de justice ne suit pas, finalement, on n'ira pas plus vite. Et, si je vous
comprends bien, Me Burelle, vous avez souligné, si j'ai bien compris,
que le délai pour les petites créances à Longueuil, c'est
1 000 jours. Est-ce que j'ai bien compris?
• (14 h 30) •
Mme Burelle
(Martine) : C'est les données de statistiques... c'est les statistiques
du ministère de la Justice, mais ceux de l'année dernière. Donc, je ne peux pas
vous dire, pour cette année, où est-ce qu'on en était. Toutefois, à Longueuil,
c'est particulièrement long.
M. Morin : OK.
Très bien. Je vous remercie. J'aimerais attirer votre attention sur des
dispositions du projet de loi comme tel, parce qu'on en a parlé avec d'autres
témoignages, c'est l'article 7 qui va modifier l'article 535.6, et on parle d'un délai de 85 jours pour le
défendeur pour composer, finalement, son dossier. Si on regarde le délai qui
est alloué au demandeur, il doit
envoyer un avis au défendeur dès qu'il va intenter son action. Il peut, par la
suite, parfaire son dossier dans les 30 jours. Le défendeur, lui,
n'a que 85 jours, donc, théoriquement, dès qu'il reçoit l'avis. Donc,
théoriquement, s'il reçoit de la documentation du demandeur 29 jours
après, bien, ça ne fait plus... ça ne lui fait plus 85 jours, ça lui en
fait 56 pour préparer son dossier. Est-ce que vous pensez que c'est suffisant
ou s'il n'y aurait pas lieu d'augmenter ce délai-là pour permettre au défendeur
de bien préparer son dossier et d'assurer une défense, évidemment, pleine et
entière, si... Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Boulanger-Bonnelly
(Jérémy) : Bien, effectivement, il y a plusieurs considérations ici.
Ça dépend de la complexité des dossiers, hein? Il n'y a aucun dossier qui est
identique. Donc, on essaie de fixer une durée qui, dans certains cas, va être
adéquate, dans d'autres, ne le sera pas. Puis il y a aussi un impact,
peut-être, auquel on ne pense pas toujours, mais qui risque d'arriver,
c'est-à-dire que, si la durée n'est pas adéquate, il y aura des demandes qui
seront faites au tribunal de prolonger ces délais-là ou peut-être de relever
des parties du défaut de ne pas avoir respecté les délais. Donc, on va engorger
le système aussi avec ces demandes-là de prolonger les durées qui sont prévues
dans la procédure simplifiée. Donc, il faut, effectivement, y réfléchir.
Honnêtement, on n'a pas... on ne sait pas si la durée précise est adéquate ou
non, mais c'est des considérations qu'il faut prendre en compte pour établir
cette durée-là.
M. Morin : Je vous remercie... Oui.
Mme Burelle (Martine) : On peut
noter que, dans la pratique, on remplit un protocole de l'instance, et, après
l'interrogatoire hors cour, s'il n'y a pas d'autre moyen préliminaire,
habituellement, c'est rare que la défense va être produite plus tard que 90 jours.
Donc, c'est sûr qu'ici le fait qu'on a un système où est-ce qu'il n'y aura pas
d'interrogatoire hors cour va faire en sorte qu'il y aura... le défendeur
devrait avoir besoin de moins de temps pour préparer sa défense.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Donc, c'est très, très utile. J'attire votre attention sur la
page 4 de votre mémoire, quand vous parlez de la publicité ou de la
possibilité pour les justiciables d'avoir accès aux conférences de gestion, les
conférences préparatoires. Est-ce que vous parlez des parties ou du public en
général?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Non,
le commentaire se situe vraiment au niveau des parties en tant que telles.
Notre commentaire, en fait, est à l'effet que ce n'est pas clair, dans ces
dispositions-là, si ce sont les parties elles-mêmes ou leurs avocats, là, qui
vont être... qui vont devoir se présenter. Puis il y a un avantage, selon nous,
à ces étapes-là du dossier, à ce que les
justiciables eux-mêmes soient présents à la conférence de gestion ou à la conférence
préparatoire à l'audition, pour être bien conscients, là, des enjeux du dossier
puis de ce que ça implique. Donc, selon nous, on pourrait préciser ces
articles-là pour que les parties doivent... soient présentes à ces
événements-là, un peu comme l'article 163, là, du Code de procédure
civile, qui parle à la fois des parties et de leurs avocats.
M. Morin : Donc, pour vous,
évidemment, ce serait important que non seulement les avocats, mais les
personnes, donc les parties comme telles, soient présentes à cette étape-là, et
il y aurait lieu de clarifier le projet de loi à cet effet-là.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exact.
Puis en fait c'est utile, à ces étapes-là, que les parties soient présentes. L'article prévoit, pour la conférence
de gestion, que ce soit si le tribunal l'exige, là. Donc, c'est simplement
de clarifier que les parties, c'est vraiment les justiciables eux-mêmes, à ce
niveau-là.
M.
Morin : Parfait. Je vous remercie. On a peu parlé des
dispositions qui portent sur le Conseil de la magistrature, mais, si ma
compréhension est bonne, le projet de loi diminuerait le nombre de juges qui...
en fait, les juges adjoints qui pourraient être présents lors des
audiences du conseil. Vous suggérez de garder le même nombre de juges.
Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui,
bien, en fait, cette recommandation-là vient du fait qu'on se demande pourquoi,
en ajoutant des nouveaux membres du Conseil de la magistrature, on doive nécessairement
en retrancher d'autres. Selon nous, le Conseil de la magistrature a beaucoup de
travail à accomplir. On connaît les défis en
matière de formation, par exemple, des juges, les dossiers disciplinaires,
évidemment. Donc, selon nous, il n'y aura pas trop de personnes, là,
pour s'occuper de ces dossiers-là. Donc, on est favorables aux ajouts qui sont
proposés par le projet de loi, mais on juge qu'on pourrait conserver les
nombres de juges qui siègent sur le conseil actuellement.
M. Morin : Parfait. Je vous ai bien
entendu également sur votre position relativement à la possibilité pour les
notaires d'accéder à la magistrature. Le projet de loi vise l'accessibilité de
la justice en favorisant une procédure simplifiée, notamment. Est-ce que, d'après
vous, nommer des notaires juges va diminuer les délais dans le domaine de la
justice?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bien,
c'est une bonne question, en fait. C'est sûr que, comme plusieurs personnes l'ont mentionné, il n'y a pas de pénurie
de candidats à la magistrature actuellement. Donc, le débat ne se situe
pas nécessairement au niveau de l'accès à la justice pour ce qui est de ce
pan-là du projet de loi. Mais il y a, évidemment, d'autres considérations qu'on
a mentionnées qui doivent être prises en compte, mais pas au niveau de l'accès
à la justice en tant que tel, non.
M. Morin : Très bien. Je vous
remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée
de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme
Labrie : Merci, M. le Président. Je veux revenir sur la question de
l'arbitrage, parce qu'à moins que j'aie
échappé quelque chose je pense que vous êtes les premiers à nous parler de cet
enjeu-là. Puis j'avoue que, quand on
parle de privatisation du système de justice, ça m'inquiète. Vous m'apprenez
que, quand c'est un arbitrage, le dossier reste confidentiel. Donc, si
je comprends bien, ça veut dire que ça ne s'ajoute pas non plus à la
jurisprudence, là, la façon dont ce
dossier-là a été traité. Est-ce qu'il y a des manières de privilégier
l'arbitrage puis quand même de faire en sorte que, ces dossiers-là,
l'issue puisse en être publique?
M.
Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui. On pourrait prévoir que
l'arbitrage, qui est financé par l'État dans les petits... en matière de
petites créances, soit assujetti à la publicité des débats. Donc, les arbitres
devraient, à ce moment-là, par exemple, fournir leurs sentences arbitrales, les
rendre publiques. Donc, ça atténuerait les impacts du projet de loi. Mais, à cet égard-là, on se demande pourquoi ne pas tout
simplement intégrer ces arbitres-là en tant que juges suppléants à la
cour, comme le fait l'Ontario. Donc, ça nous semblerait plus simple que
d'assujettir l'arbitrage aux petites créances à la publicité des débats
judiciaires.
Mme Labrie : OK.
Mais les deux...
Mme Burelle
(Martine) : Je vous donne un autre exemple, si vous voulez. Au niveau
du Tribunal administratif du Québec, il y a des séances de conciliation. Donc,
tout ce qui se dit pendant la séance de conciliation, c'est confidentiel, mais,
au terme de celle-ci, il y a une entente de conciliation qui est signée, et
celle-ci équivaut à jugement en vertu de la Loi sur la justice administrative.
Elle est déposée au greffe et elle est publique. Toute personne peut y accéder.
Mme Labrie : Et
donc ce serait possible de prévoir une disposition comme celle-là. Il faudrait
l'ajouter dans la loi pour que... si l'arbitrage est financé par l'État, que ce
soit aussi assujetti à la publicité des débats.
M.
Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exact. Parce que sinon l'article 4
du Code de procédure civile prévoit la confidentialité des modes privés de
règlement des différends.
Mme Labrie : Donc,
il faudrait prévoir une exclusion, là, pour ces types de cas là. Merci.
J'ai une autre
question pour vous. Vous avez dit, bon, que vous vous... — voyons! — que
vous n'alliez pas vous positionner sur le Conseil de la magistrature, l'ajout
des notaires. Vous nous avez invités à faire une plus grande consultation pour entendre toutes les parties. À mon sens, on
entend quand même plusieurs parties concernées, là, en ce moment dans
les auditions. Est-ce qu'il y a des gens qu'on n'a pas entendus, que vous
estimez qu'on devrait entendre et qui ne se sont pas exprimés, là, sur le
sujet?
Mme Burelle
(Martine) : En fait, je pense que c'est plus le temps qui nous a été
alloué pour réfléchir à la question, de notre côté.
Mme Labrie : OK. Donc, c'est le délai trop rapide depuis
l'adoption du projet de loi qui fait que vous n'avez pas eu le temps de
vous positionner. D'accord.
Mme Burelle
(Martine) : Bien, c'est difficile de consulter même nos propres
membres notaires au sein de l'association pour savoir ce qu'ils en pensent en
sept jours, là.
Mme Labrie : Je
comprends. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la
députée de Vaudreuil.
Mme Nichols :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence. Merci de votre
mémoire. C'est technique. Je trouve que vous allez dans des précisions qui
seront fort utiles rendu à l'étude détaillée.
Je veux juste vous
entendre sur les articles, là, puis je ne me souviens pas par coeur des
numéros, mais en lien avec la notification.
Vous avez apporté des précisions en lien avec la notification. Pouvez-vous nous
expliquer, dans le fond, là, le point de vue que vous apportez au niveau
juridique sur la notification, l'importance de la notification?
M.
Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui, tout à fait. En fait, les
articles 535.4, 535.6 et 535.7, ils prévoient le dépôt de certains avis au
greffe du tribunal, mais, normalement, dans la pratique, on a besoin également
de notifier ces avis-là à l'autre partie avant de les déposer. Puis ça, c'est
pour que l'autre partie soit au courant, finalement, de ce qu'on allègue contre elle ou de ce qu'on dépose au tribunal, parce
que le tribunal ne va pas envoyer lui-même les avis à la partie de l'autre
côté. Donc, selon nous, c'est un petit ajustement qui n'est pas très compliqué
mais qui permettrait aux parties d'être au courant de ce qui est déposé au
greffe, et, à notre avis, il faudrait l'ajouter, là, à ces articles-là.
Mme Nichols :
Parfait. Puis est-ce que la
notification ici avait un lien avec... quand on commence à compter, là, le
nombre de jours pour produire tel ou tel... pour produire soit la défense ou
un... Est-ce qu'il y avait un lien avec des délais ou c'était simplement pour
en aviser les autres parties?
• (14 h 40) •
M. Boulanger-Bonnelly
(Jérémy) : C'est vraiment une exigence pour aviser les autres parties.
Il n'y a pas nécessairement d'impact sur les délais si on les calcule à partir
du moment du dépôt, oui.
Mme Nichols : Parfait. Moi, je
n'avais pas d'autre question, à moins que vous ayez autre chose à ajouter. Il
doit bien me rester un... une minute.
Le Président (M.
Bachand) : Deux minutes.
Mme Nichols : Deux minutes, quand
même.
Le
Président (M. Bachand) :
Et je vous rappelle que la
députée de Vaudreuil est la députée qui a... qui elle-même est avocate,
et son frère est notaire. Alors donc...
Mme Nichols : Oui. Je suis contente.
Je suis contente d'élargir ma famille avec vous.
Le Président (M.
Bachand) : Exact.
Mme Nichols : Les débats...
Mme Burelle (Martine) : On vous
comprend.
Mme Nichols : On prendra une plus
grande salle pour en débattre.
Le Président (M.
Bachand) : Oui. Alors, Me Burelle, Me
Boulanger-Bonnelly, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'était un grand
plaisir. Puis on se dit à très bientôt. Merci beaucoup.
Et je suspends les travaux quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 41)
(Reprise à 14 h 46)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les
représentantes de la Chambre des notaires du Québec, donc, Me Hélène
Potvin, présidente, et Me Boily, conseillère, Relations institutionnelles.
Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. C'est très apprécié.
Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et par
après on aura un échange avec les membres. Donc, la parole est à vous pour 10 minutes.
Merci.
Chambre des notaires du
Québec (CNQ)
Mme Potvin (Hélène) : Parfait. Merci
beaucoup. Bonjour à tous, alors, M. le Président, M. le ministre de la Justice,
MM. et Mmes les députés. Alors, je vous remercie de nous accueillir dans le
cadre de l'étude du projet de loi n° 8. Alors, c'est avec beaucoup
d'enthousiasme que nous avons accueilli le dépôt de ce projet de loi, qui
s'inscrit, comme vous le savez, et selon nous, en parfaite continuité avec le
grand chantier, lancé il y a quelques années, qui vise à améliorer le système de justice par l'adoption de
mesures innovantes et plus efficientes au bénéfice de tous les citoyens.
Lors du dépôt du projet de loi, le ministre
affirmait : Les Québécois ont droit à des services de justice efficaces,
accessibles, plus rapides et moins coûteux. Alors, nous y croyons aussi. Le PL n° 8 cherche à favoriser la médiation et l'arbitrage, et vise aussi à simplifier la procédure civile
à la Cour du Québec. La chambre a toujours milité pour que les citoyens
bénéficient d'un meilleur accès à la justice. Il faut vraiment simplifier les
procédures et trouver des méthodes alternatives efficaces pour résoudre des
conflits, et c'est ce que fait le PL n° 8.
Selon nous, l'une des plus grandes forces de ce
projet réside dans le recours à la médiation en introduisant des mesures-phares au Code de procédure civile. Le
PL n° 8 prévoit la médiation obligatoire en certaines
circonstances pour le recouvrement des petites créances.
Nous savons, et plusieurs études le démontrent,
que la médiation est appréciée du public et que son taux de réussite est élevé.
En impliquant activement les parties dans la recherche d'une solution à leur
litige, on favorise ainsi le règlement d'un
conflit à l'amiable. Cependant, et à ce propos, la chambre, dans sa mission de
protection du public, recommande d'accorder au médiateur un pouvoir
discrétionnaire lui permettant de considérer qu'un dossier n'est pas propice à
la médiation. En d'autres mots, le médiateur doit aider le tribunal à détecter
des situations qui seraient non adaptées à la médiation. Par exemple, on
pourrait... le médiateur pourrait détecter des signes laissant croire à une
captation ou à de l'intimidation qui rendrait impossible une discussion par des
parties de forces égales.
Aussi, le projet de loi reconnaît la primauté de
la volonté des parties et de leur engagement mutuel en permettant au tribunal
de renvoyer les parties à la médiation en présence d'une convention de
médiation. Alors, nous croyons que
l'introduction de ces mesures signifie que la médiation et les autres modes
privés de règlement de différends ne sont plus considérés seulement
comme une alternative qu'on invite à prendre en compte, mais comme le moyen prioritaire qui permet
vraiment la résolution de différends. Alors, ça, c'est un changement de culture
significatif et positif.
• (14 h 50) •
Autre mesure à souligner du projet de loi...
consiste à permettre aux notaires d'accéder à la magistrature à la Cour du
Québec. Il y a déjà des notaires juges dans les tribunaux administratifs, et
cette mesure s'inscrit dans une continuité de la reconnaissance de son
expertise. C'est une très bonne nouvelle pour les tribunaux de droit commun. Le
PL n° 8 reconnaît l'apport des notaires au système
judiciaire du Québec, et ce, pour le mieux-être de la société.
Rappelons que les notaires ont une solide
formation tant au niveau du baccalauréat en droit qu'à la maîtrise en droit notarial, donc, diplôme de deuxième
cycle. Par la suite, son parcours professionnel l'amène à perfectionner ses connaissances et ses compétences dans différents
champs de pratique. Les notaires connaissent bien le Code de procédure civile. Et, à ce propos, soulignons que la Chambre
des notaires a imposé une formation obligatoire à tous ses membres en
2016, lors de la réforme du Code de procédure civile. Ceci illustre bien
l'importance des règles de procédure pour les notaires, qui l'utilisent dans
leur pratique quotidienne.
Depuis toujours, les notaires sont des juristes
qui bénéficient d'un niveau de confiance très élevé auprès de la population. On
parle ici d'environ 90 %. Alors, ce n'est pas surprenant étant donné que
le notaire est un juriste rigoureux, intègre et assujetti à des règles strictes
de déontologie et de pratique. De plus, c'est connu, le notaire est le juriste
de l'entente. Il est le juriste de proximité qui fait preuve d'une grande
écoute, d'empathie et de bienveillance. Alors, ce sont toutes des qualités qui
permettront au notaire qui accédera à la magistrature d'être un excellent juge.
Pour terminer ce point, rappelons que le
notaire, à titre d'officier public, doit agir avec impartialité et comme
conseiller désintéressé de toutes les parties. Ceci aussi le rapproche de la
mission du juge, qui, lui, doit disposer des litiges de façon impartiale. La
chambre est convaincue que plusieurs notaires possèdent déjà toutes les
aptitudes et les connaissances pour être d'excellents juges et permettre à la
Cour du Québec de s'adjoindre des juristes provenant d'une diversité plus grande, tant de milieux que de spécialités. La
chambre fait entièrement confiance au comité de sélection pour analyser
les candidatures et proposer les candidats le plus aptes à être nommés juges.
Nous tenons maintenant à porter à votre
attention une préoccupation concernant le financement de la justice et son accessibilité. Comme nous l'indiquons dans
notre mémoire, la mise en oeuvre du PL n° 8 devra nécessairement
être accompagnée d'un financement adéquat
pour promouvoir et mieux faire connaître les différents moyens de régler un
différend de nature juridique sans avoir recours aux tribunaux. Alors, des
études révèlent qu'un Québécois sur deux ne connaît pas ces autres modes
alternatifs au tribunal. Alors, nous pensons qu'il sera nécessaire de mettre en
place une stratégie ministérielle de promotion et de développement des modes de
prévention et de règlement des différends pour
bien informer les citoyens et ainsi permettre d'atteindre les objectifs
souhaités. Nous croyons donc que le gouvernement se doit d'augmenter le
budget consacré à la justice pour favoriser la mise en oeuvre des différentes
mesures introduites par le PL n° 8.
En terminant, la Chambre des notaires est d'avis
que l'adoption du PL n° 8 sera un pas de plus
vers l'objectif que le gouvernement s'est donné, soit de mettre la justice au
service des citoyens. La chambre ne peut qu'appuyer cette mesure plus humaine
et elle sera là pour la mise en oeuvre de ce projet de loi. Alors, je vous
remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. M. le
ministre, s'il vous plaît. Vous avez la parole.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Me Potvin, bonjour. Merci d'être présents aujourd'hui,
Me Boily également. Ça me fait plaisir de vous recevoir en commission
parlementaire.
Écoutez, d'entrée de jeu, commençons avec
l'élément qui, je crois, a suscité le plus de commentaires et le plus d'enthousiasme dans le cadre du projet de loi n° 8, le fait que les notaires pourraient accéder à la fonction de juge. On
a entendu le Barreau, avant vous, qui disait : Écoutez, on est contre
parce qu'il faut maintenir une magistrature forte et indépendante, et il
y a seulement les avocats qui ont l'expérience et la compétence pour devenir
juges.
Autre élément, écoutez, l'association professionnelle
des avocats, puis vous me permettrez de les citer, je vais citer la présidente,
là, disait, là : «Le notaire, qui n'a, pour ainsi dire, jamais mis les
pieds dans un palais de justice, devra être en mesure de faire ce travail et de
rendre des décisions conformes à la jurisprudence, et ce, bien souvent, face à
des avocats aguerris qui, eux, maîtrisent les règles de preuve et de procédure,
règles qui, doit-on le souligner, servent à s'assurer que les auditions soient
équitables, et que les décisions soient rendues sur la base de preuves
crédibles, et que la justice serve les justiciables et ne compromette pas leur
confiance dans le système. Selon le ministre — moi, en l'occurrence, ce que
je n'ai pas dit, mais... — les
notaires peuvent apprendre une fois sur le banc, mais aux frais et sur le
compte de qui? Encore une fois, ce sera sur le compte du justiciable et du
système, qui deviendront des cobayes. Notre société est en droit d'exiger une
justice de grande qualité avec des juges d'expérience et de grande compétence
dès leur nomination. Ces exigences sont garantes de l'efficacité du système et
de la satisfaction des citoyens.»
Alors, ma question pour vous : Est-ce que
les notaires ont si peu de compétences qu'ils vont nuire à une justice de qualité,
comme le prétend l'association professionnelle des avocats?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
j'aurais le goût de m'insulter, mais je ne le ferai pas. Je pense que... et ça,
on vous l'a dit hier, on vous l'a démontré,
je pense que les notaires possèdent une formation en droit solide. Leur parcours
professionnel les amène à acquérir des connaissances, des compétences. On a, je
crois, démontré que les notaires connaissent la procédure, sont déjà dans les
palais de justice. Il ne faut pas oublier que les notaires représentent déjà
des clients. Alors, à cet effet-là, on a des notaires aussi qui ont des
expertises très pointues. Nous avons des notaires qui travaillent en droit de
l'environnement. Nous avons des notaires qui travaillent dans les municipalités,
dans les villes. Alors
donc, la compétence, la formation initiale, tout est là pour donner toutes...
Tous les éléments sont là pour que les notaires puissent accéder à la
magistrature sans problème.
Il ne faut pas
oublier aussi que les notaires, peu importe dans quel domaine ils travaillent,
sont soumis à un code de déontologie, le code de déontologie qui les oblige,
justement, à faire preuve de rigueur. Ils sont des conseillers, et c'est écrit
comme ça, des conseillers désintéressés, francs et honnêtes de ses clients ou
des parties. Alors, la Loi sur le notariat prévoit aussi un devoir
d'impartialité, que le notaire, qui est officier public, se doit de faire
preuve. Alors, ça le rapproche vraiment beaucoup du rôle du juge, M. le
ministre. Alors, pour ça, il n'y a aucun souci. Peut-être, Catherine, je te
laisserais continuer.
Mme Boily
(Catherine) : Oui. Je pourrais ajouter que la Chambre des notaires
fait entièrement confiance au système, aux processus en place des comités de
sélection des meilleurs candidats, des juges. C'est un système, comme le disait
le Barreau un peu plus tôt aujourd'hui, qui est un système strict, qui est un
système fiable, qui est un système qui a fait ses preuves. Donc, nous, nous
considérons que les comités de sélection sont bien placés pour trouver les meilleurs candidats et faire les
recommandations sur les meilleurs candidats, selon les postes qui seront
ouverts.
M.
Jolin-Barrette : C'est clair.
Mme Potvin
(Hélène) : Excusez-moi. Je vais peut-être juste rajouter que, quand on
revoit, on relit les critères qui sont dans le règlement, on note qu'on n'a pas
besoin de connaître les litiges. On n'a pas besoin de plaider pour être nommé juge. Ça ne fait pas partie des
critères, donc, de sélection des juges. Alors, pour nous, il n'y a aucune
problématique à ce niveau-là.
M. Jolin-Barrette : OK. Peut-être une
dernière question sur ce sujet-là avant de passer à une autre : Qu'est-ce
qui explique, selon vous, autant de réticences, de la part d'autres
intervenants, à permettre aux notaires d'accéder à la fonction de juge? Parce
que ça se peut qu'il y en ait, des notaires, mais ça se peut qu'il n'y en ait
pas non plus, qui soient recommandés. Dans le fond, c'est en fonction de qui
sont les candidats, puis le comité de sélection fait son choix. Qu'est-ce qui
explique cette peur, cette... c'est ça, cette peur-là?
Mme Potvin
(Hélène) : Bien, dans un premier temps, je dirais qu'effectivement on
va élargir le bassin de candidatures partout au Québec. On sait que, bon, il y
a des notaires partout au Québec. Alors, on va élargir le bassin de
candidatures. Et effectivement le comité de sélection va avoir peut-être, dans
certains cas, plusieurs candidatures, et là,
oui, on va choisir le meilleur candidat. Est-ce qu'il va être notaire? Est-ce
qu'il sera avocat? On ne le sait pas. Là n'est pas la question. C'est qu'on
veut travailler pour le meilleur de la société. Et on sait que c'est le gouvernement
qui nomme, au final, les juges. Donc, on fait confiance aussi au gouvernement
pour choisir les meilleurs juges.
• (15 heures) •
À savoir quelles sont
les raisons d'opposition, moi, je crois que, des fois, de changer les choses,
ça perturbe peut-être aussi certaines notions, certaines bases, où on a
l'impression que, pour être juge, il faut connaître le litige. Donc... Mais qui
qui a dit qu'on avait besoin de connaître le litige pour être capable de
trancher un différend entre deux personnes? Alors, c'est la base de notre
système. Je pense qu'on est habitués à penser avec cette conception-là. Mais
sinon je pense qu'on peut aller de l'avant et penser la justice autrement pour
qu'elle soit, encore une fois, plus humaine, et où le justiciable va y gagner.
M.
Jolin-Barrette : OK. Parlant que le justiciable puisse y gagner dans
le système de justice, au niveau de la médiation,
il y a déjà des notaires qui sont des médiateurs. Qu'est-ce que vous pensez que
ça va apporter dans le système de justice, le fait de rendre la
médiation obligatoire aux petites créances et le fait également de fixer par
priorité les dossiers avec la procédure simplifiée, ceux qui auront eu recours,
notamment, à un mode alternatif de règlement incluant la médiation?
Mme Potvin
(Hélène) : Bien, on le sait, que les litiges aux petites créances, ça
pourrit la vie à plusieurs de nos citoyens. Ça les empêche d'être... d'avoir
une vie agréable, de par leurs chicanes de clôture avec leurs voisins, de par
des chiens qui jappent, qui les dérangent. Alors, les citoyens veulent que ces
conflits-là se règlent. Ils veulent être tranquilles. Ils veulent voir leurs
conflits vraiment réglés. Alors, moi, je pense que ça va vraiment... Nous
pensons que la médiation obligatoire va vraiment améliorer ça, et ça va
améliorer les délais. Et, pour le citoyen, il va voir une fin, une fin à sa
problématique, une fin à son conflit. Alors, je pense que, ça, toute la société
va être vraiment... va bénéficier de ça. Si on veut travailler sur une société
aussi qui est plus pacifique, qui est plus juste, alors, qui est plus... qui
vient régler les conflits autrement, alors, pour nous, c'est une bonne... une
bonne nouvelle.
M.
Jolin-Barrette : OK. Le fait qu'on amène une diversité sur le Conseil
de la magistrature, dans le fond, qu'un notaire y siégera, mais aussi qu'un
représentant... en fait, quelqu'un qui travaille auprès des victimes d'infractions criminelles, l'accompagnement,
comment vous recevez ça, cette modification-là au Conseil de la magistrature?
Mme Potvin
(Hélène) : Écoutez, pour nous, on ne s'est pas vraiment penchés sur cette
question-là, mais je pense que le fait, effectivement, d'apporter une
diversité, un côté humain aussi, une vision, une vision autre du litige, de la
conception de la justice... alors, je pense que ça, ça amène vraiment un plus
aussi pour la... pour la société, pour le citoyen.
M.
Jolin-Barrette : OK. Un dernier point avant de céder la parole à
mes collègues. Vous dites : Le médiateur, on devrait lui donner un pouvoir discrétionnaire de dire : Ce
dossier-là, non, il ne devrait pas venir en médiation. Est-ce que vous pensiez, exemple, aux dossiers de
violence, présence de violence conjugale, tout ça? Parce que nous, on pensait
le mettre par voie réglementaire, d'en exclure nommément certains. Mais,
au-delà de ça, est-ce qu'il y a d'autres types d'exclusion qu'on devrait
prévoir?
Mme Potvin (Hélène) : Bien, vous
savez que la médiation, c'est vraiment un processus où, pour réussir, les
parties doivent être impliquées, doivent être capables de s'impliquer, doivent
avoir... doivent être disposées à le faire. Donc,
on peut être dans une période émotivement difficile, donc, on peut avoir une
vulnérabilité qui est temporaire ou qui
est permanente, et est-ce que c'est... est-ce que ça entre nécessairement dans
ce qui sera dans les... dans les critères qui sont déjà établis dans le
règlement? C'est pour ça que nous, on le voyait plus avec une discrétion qui
est accordée au médiateur pour que... Lui,
avec sa formation, avec son senti, pourra détecter des choses qui ne sont pas
nommément inscrites dans le règlement. Alors, pour nous, je pense que
c'était... c'était mieux comme ça.
Mme Boily (Catherine) : Peut-être
ajouter sur ce point-là, si je peux me permettre. Le règlement, oui, pourrait
lister une série de situations, et c'est à privilégier, je crois. Il faudrait
peut-être prévoir aussi un motif sérieux,
donc, d'une façon un peu plus large, justement, pour aller chercher des
situations particulières, hein, qui ne peuvent pas être nommées.
Difficile de mettre un nom sur une situation, hein, bien sûr, de qualifier une
situation donnée.
Mais, au-delà du règlement, au-delà de cette
liste qui pourrait avoir... être mise dans un règlement, nous croyons, et je
répète ce que Me Potvin mentionnait, nous croyons que le médiateur doit
être les yeux et les oreilles du tribunal.
Il doit être capable d'avoir la discrétion qui lui permet de revenir au
tribunal et de dire : Non, cette situation-là n'était pas dans les
critères mentionnés au règlement, mais, pour moi, selon ma lecture, on est dans
une situation d'intimidation, par exemple,
on est dans une situation où le rapport de force n'est pas équilibré et qui...
la médiation ne pourra pas être faite de manière correcte. Donc, c'est
de là, notre recommandation du pouvoir discrétionnaire pour le médiateur.
M. Jolin-Barrette : Excellent. Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de
Charlevoix—Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour.
Contrairement à plusieurs collègues, je ne suis pas notaire, je ne suis pas
avocate non plus. Moi, ce qui m'intéresse, c'est surtout l'intérêt du public. Lorsqu'on
a entendu les gens du Barreau dire que, si les notaires accèdent à la
magistrature, ça pourrait créer deux catégories de juges, ça pourrait miner la
confiance du public... Pourtant, quand on
regarde un sondage, là, qui a été fait par Léger, on voit que les gens ont
confiance en votre profession à la hauteur de 85 %, versus
49 % pour les avocats. Alors, je me dis : Est-ce qu'au contraire vous
croyez que ça ne pourrait pas, peut-être, renforcer la confiance envers le
système de justice? Comment vous voyez ça?
Mme Potvin (Hélène) : Bien, en fait,
pour revenir à ce qu'on disait tout à l'heure, on fait confiance au comité de
sélection. Alors, je ne crois pas que... Une fois qu'on est nommé juge, on
n'est ni avocat ni notaire. Ce qu'il faut lancer comme message, c'est que le
gouvernement se soucie d'offrir à la population le meilleur des candidats qui
sont là. Alors, je pense que c'est ça, le message, c'est ça qui... que je pense
que nos citoyens doivent comprendre, que nous tous, ensemble, on travaille dans
leur intérêt puis dans le meilleur de ce qu'on a à offrir.
Mme Bourassa : Et je me permets une
petite question rapide.
Le Président (M. Bachand) : Allez-y, allez-y.
Mme Bourassa : Qu'est-ce que vous
pourriez apporter, avec un oeil de notaire, qui pourrait être bénéfique pour le
justiciable?
Mme Potvin (Hélène) : Bien, vous
savez, c'est dans... Encore une fois, je fais référence aux critères, parce que
le notaire a une approche, vraiment, qui est particulière. Donc, nous, on est
toujours en prévention. Les notaires sont en
prévention, ils sont vraiment dans une approche non conflictuelle, et ça, ça
teinte, ça teinte les discours, ça teinte les situations. Alors, je
pense que c'est ça. C'est ça qu'on amène, je pense, comme notaires.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée d'Anjou—Louis-Riel,
s'il vous plaît.
Mme Boivin Roy : Merci, M. le
Président. Alors, je vais prendre la balle au bond sur les derniers propos
qu'on vient d'échanger avec la collègue. En passant, merci pour la
présentation. Le comité de sélection, vous nous avez dit que, finalement, vous
faites confiance au processus et puis aux comités qui sont mis en place.
Pourtant, dans votre recommandation 6, vous demandez à ce qu'il y ait deux
notaires qui fassent partie des comités de sélection. Est-ce que vous pouvez
développer davantage là-dessus?
Mme Boily
(Catherine) : Bien, c'est une simple question qu'actuellement il y a
deux personnes nommées par le Barreau à ces
comités de sélection là. Donc, le fait d'ajouter les notaires à la
magistrature, bien sûr, la Chambre des notaires devrait avoir, oui,
également le droit d'avoir des représentants, dont un notaire et une personne
qui n'est pas notaire, comme c'est le cas actuellement, là, dans le règlement
pour la sélection des membres du comité.
Mme Boivin Roy : Parfait. Merci
beaucoup. De manière générale, on sent votre enthousiasme sur le projet de loi n° 8 et puis comme quoi ça s'inscrit, finalement, dans le
changement de culture depuis 2016 avec le nouveau Code de procédure. Est-ce que
vous pensez... Au niveau de la stratégie ministérielle, est-ce que vous aviez
des choses précises en tête dans
votre recommandation 3, quand vous dites qu'on doit davantage sensibiliser
la population, avec le pourcentage
que vous nous avez donné à l'effet qu'un Québécois sur deux ne serait pas au
courant des modes alternatifs de résolution de conflits?
Mme Potvin (Hélène) : Oui. Si on
veut... si on veut informer la population que leur dossier sera priorisé s'ils
font... s'ils utilisent d'autres modes de règlement de conflits, il faut qu'ils
le sachent. Alors, ça, je pense que c'est un défi. Il y a beaucoup
d'informations qui circulent, il y a beaucoup d'organismes aussi qui offrent
différents services, et je pense que c'est
compliqué pour le citoyen de savoir à quelle porte on frappe pour répondre à
mon besoin. Alors, ça, je pense qu'il
y aurait aussi quelque chose à développer ou... pour vraiment démontrer où le
citoyen peut-il s'adresser pour avoir la bonne ressource rapidement.
Alors, ça, je pense, il y a l'information, puis de diriger aussi le citoyen.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
• (15 h 10) •
M. Morin : Merci. Merci, M. le
Président. Merci d'être là, d'être là avec nous pour nous aider, évidemment, à
bonifier ce projet de loi.
Le Code de procédure civile fait de la médiation
un aspect important mais un aspect volontaire. Dans le projet de loi, on veut en faire un aspect obligatoire. D'après vous,
est-ce qu'il y a des enjeux particuliers qu'un médiateur pourrait
rencontrer si on force les parties à aller en médiation? Quelles sont les
chances de succès? Est-ce que ça représente des défis?
Mme Potvin (Hélène) : On sait, donc,
on avait répertorié quand même que la médiation obligatoire avait fait sa trace dans d'autres provinces canadiennes, et
les résultats étaient vraiment concluants. Donc, on peut aussi aller voir
là-bas qu'est-ce qui se fait puis comment on
peut améliorer ou venir... venir colliger certaines failles dans la médiation
obligatoire. C'est pour ça aussi qu'on fait
la... qu'on fait la recommandation aussi de laisser une certaine discrétion au
médiateur. Est-ce que tu veux...
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, la médiation, qu'elle soit obligatoire ou qu'elle soit volontaire, ça
demeure de la médiation. Donc, les critères et... Le processus de médiation
avec le médiateur reste le même. C'est certain que, nous, en faisant la
recommandation du pouvoir discrétionnaire, là... de la discrétion, devrais-je
dire, là, pour le médiateur, bien, c'est sûr que, pour nous, c'est très
important, justement, pour aller cerner les situations qui pourraient ne pas
être propices, étant donné que les personnes, au départ, on leur a imposé
d'aller s'asseoir, tu sais, à tout le moins pour une rencontre. Donc, de ce
côté-là...
Mais, pour nous, la médiation, qu'elle soit
obligatoire ou volontaire, reste de la médiation. Et la médiation, elle a un
taux de succès important. On l'a vu avec la médiation volontaire aux petites
créances, hein? Il y a quand même un taux de succès jusqu'à 60 % dans les
dernières années. Donc, c'est une belle statistique sur laquelle on doit se
reposer, là, pour la suite, là.
Mme Potvin (Hélène) : Il ne faut pas
oublier aussi... pardon, de... que le médiateur est formé pour ça, donc, de prendre des parties qui sont un peu
réfractaires, qui sont en conflit, hein, il ne faut pas l'oublier. Alors, c'est
le rôle du médiateur aussi d'amener les parties à voir autrement, donc, à
s'impliquer dans ce processus-là. Alors, je pense aussi, le rôle du
médiateur, sur le terrain, fait toute la différence, là, bien entendu.
M. Morin : Puisqu'on parle de
médiation obligatoire, il y a des parties, il y a des situations qui font en
sorte que ce n'est pas approprié. Vous avez évoqué des cas de harcèlement, des
poursuites entre ex-conjoints avec des... en fait, de la violence conjugale. M.
le ministre suggérait de mettre certains critères dans le règlement. Ne
serait-il pas préférable de le mettre directement dans la loi? Comme ça, ça
enverrait un message très clair. Et une loi se change moins facilement qu'un
règlement. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, pour nous, tel qu'on l'a mentionné précédemment, que ce soit dans un
règlement ou dans une loi, pour nous, l'important, c'est que l'exception soit
là et que le pouvoir... et qu'on donne le pouvoir au médiateur. Donc, à partir
de là, on laisse le soin au législateur de faire les recommandations qu'il
souhaite, là, à cet effet-là.
M. Morin : Je vous remercie.
J'attire votre attention sur l'article 2 du projet de loi, qui va modifier
l'article 7 du code, où on parle que, si une des parties a une attestation
délivrée par un médiateur accrédité et qui répond aux conditions prévues par
règlement, son dossier pourrait être instruit en priorité. Donc, je comprends
que, dans un cas comme
celui-ci, un organisme offrant la médiation ou un médiateur accrédité, évidemment,
il y a des frais, là. Ce n'est pas gratuit. Est-ce que vous ne pensez
pas qu'il y a un danger que des gens plus fortunés se ramassent avec un meilleur service de justice, plus vite que les
gens moins fortunés, qui n'auront pas cette opportunité-là puis qui vont
attendre la décision ou d'être entendus par le tribunal?
Mme Potvin
(Hélène) : Bien, je crois qu'il y a beaucoup d'organismes,
présentement, qui offrent des services à
moindre coût. Ils sont très, très accessibles. Alors, je pense qu'il y a une
façon d'aborder cette problématique-là en utilisant les organismes qui
travaillent sur le terrain avec des gens, justement, moins fortunés, alors, pour... justement, pour qu'ils puissent
rencontrer un médiateur et avoir, dans ce cas-là, l'attestation ou la
rencontre.
M. Morin : On
a entendu plusieurs associations de notaires, donc, pas la chambre, mais
d'autres organismes, et, quand on a parlé de
la composition du Conseil de la magistrature, il y en a qui suggéraient deux
notaires plutôt qu'un. On suggère un dans le projet de loi. Est-ce que
vous avez une position là-dessus? Deux, un, est-ce que ça fait une différence?
Mme Boily
(Catherine) : Bien, écoutez, nous, on y allait, comme on disait
précédemment, on y allait selon ce que c'est actuellement dans le règlement,
qu'il est prévu qu'il y ait deux personnes nommées par le Barreau. Actuellement, c'est ça. Donc, pour nous, bien,
deux personnes nommées par la Chambre des notaires, dont un notaire,
est-ce que... On reviendrait à dire... Une personne, à ce moment-là, nommée par
le Barreau et une personne nommée par la chambre pourraient être une option
également, là.
M. Morin : On
a entendu le Barreau, des associations d'avocats, de notaires, et la question
de la nomination possible de notaires à la magistrature nous amène sur un
terrain qui est assez, je dirais, polarisé, divisé. Le projet de loi s'appelle
la Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice. En
quoi nommer des notaires juges va améliorer l'accessibilité de la justice? Ça
va améliorer l'accessibilité de la magistrature aux notaires, ça, c'est sûr,
mais, pour le public en général, où est le bénéfice?
Mme Potvin
(Hélène) : Bien, écoutez, je pense que le fait que le gouvernement
veut offrir à la population une plus grande diversité dans les milieux, dans
les spécialités... je pense que ça, c'est gagnant. Le fait... Vous savez, on
peut prendre un exemple que tout le monde connaît. On sait que les notaires travaillent
en immobilier. Alors, on peut penser que... Un notaire juge qui aurait à
traiter des causes de vices cachés, on s'entend aussi qu'il serait très
efficace. Il comprend les situations. Il en a vécu plusieurs. Alors donc, moi,
je pense que c'est relié à l'accès aussi à une meilleure administration de la
justice.
Et le fait aussi que,
dans certains cas, il peut y avoir des... un peu moins de candidatures, donc,
ça aussi, ça permet d'avoir un meilleur
bassin et d'avoir... de s'assurer qu'il y ait des juges qui soient disponibles
puis que les citoyens aient accès à ces juges-là. Alors, c'est... Dans
ce sens-là, ça fait du sens.
M. Morin : Je
vous remercie. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la
députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci,
M. le Président. Bien, d'abord, je veux vous remercier pour la suggestion de
prévoir un pouvoir discrétionnaire pour le médiateur, parce qu'on s'est
questionnés là-dessus, puis c'était clair qu'il était pour y avoir des
exceptions... approprié d'aller en médiation, puis c'est impossible, là, de
faire une liste exhaustive de toutes ces situations-là. Puis vous êtes les
premiers à nous suggérer cette avenue-là. Donc, je vous remercie. J'espère que
le ministre était à l'écoute de ça. Puis je me permets de vous suggérer
peut-être, si vous avez une suggestion de formulation, là, pour un amendement
qui va dans ce sens-là, peut-être de nous de le faire suivre, parce que ça
m'apparaît une avenue vraiment intéressante.
Moi, la question que
je veux vous poser, c'est sur l'arbitrage. Nos invités précédents ont porté à
notre attention que, quand le dossier se règle avec un arbitre, l'issue n'est
pas publique. Et puis je l'ai appris, donc, aujourd'hui.
Est-ce que vous, vous seriez favorables à ce qu'on prévoie dans la loi que,
quand c'est l'État qui défraie les frais pour l'arbitre... que le
dossier soit assujetti à la publicité des débats?
Mme Boily
(Catherine) : Écoutez, on ne s'est pas penchés sur cette question-là,
donc c'est difficile pour nous d'y répondre, là.
Mme Labrie : Mais
est-ce que c'est quelque chose qui vous achalait aussi, le fait qu'on risque de
multiplier quand même, là, en grande quantité, le nombre de dossiers qui vont
se régler par arbitrage? Puis le fait que ce ne soit pas soumis à la publicité
des débats, est-ce que c'est quelque chose qui vous achale un peu?
Mme Boily
(Catherine) : Bien, écoutez, je pense que l'important, au départ,
c'est d'assurer une solution, une résolution du litige entre les parties. À
partir du moment, ensuite, où il y a un intérêt à ce que ces litiges-là
deviennent... ou ces débats-là deviennent publics, bien, écoutez, encore une
fois, je pense qu'il y a une façon de le faire
et il y a une façon d'obtenir aussi le consentement des parties, étant donné,
bon, comme vous dites, que c'est défrayé en partie par... ou c'est
défrayé par l'État, là, en matière de petites créances, là.
Mme Potvin (Hélène) : Et,
sans avoir peut-être toute l'entente de publique, peut-être aussi qu'on peut
travailler avec un avis. Donc, il y a peut-être d'autres façons. Mais
c'est sûr que, quand on parle des modes... des différents modes de règlement de conflits, on dit «privé»
parce que... Dans certains cas, vous savez, ça peut être avantageux. Ça peut
être un élément qui va faire que la partie va s'impliquer aussi dans tout ce
processus-là. Donc, de garder les ententes privées...
Mme Labrie : Bien,
je pose la question, parce que l'exemple qui nous avait été apporté était quand
même très pertinent, tu sais, le cas, par exemple, d'un entrepreneur, là, qui
multiplie, là, les dossiers qui finissent en litige puis qui choisit
l'arbitrage à chaque fois pour que, finalement, il n'apparaisse jamais nulle
part, là, publiquement qu'il a beaucoup de
problèmes à livrer ses engagements. Là, actuellement, si ça va en cour, bon,
bien, c'est possible pour un citoyen de savoir que, cet entrepreneur-là,
ça ne va pas toujours bien. Dans l'intérêt de la protection du public, ça me
semble peut-être pertinent de réfléchir à ça, là.
• (15 h 20) •
Mme Boily
(Catherine) : C'est une bonne... c'est une bonne question. Comme on
vous a dit, on ne s'est pas penchés sur la question. Il faudrait y penser.
Mme Labrie : OK.
Bien, vous nous reviendrez si jamais vous réfléchissez. Merci beaucoup.
Mme Boily
(Catherine) : OK.
Mme Potvin
(Hélène) : Parfait. D'accord. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la
députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols :
Merci. Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci de votre présence.
Merci de votre mémoire. Moi aussi, je trouve intéressante, là, la partie sur le
pouvoir discrétionnaire de recommander ou pas, là, la médiation en fonction
de... Ils ont quand même une expertise, là, les notaires.
D'ailleurs, je tiens
à souligner, là, je pense que tout le monde ici, autour de la table, est
d'accord pour reconnaître l'expertise des notaires, reconnaître les qualités
des notaires aussi, là, moi la première. J'en ai dans ma famille. Je le dis, ça fait deux jours. Donc, tu
sais, on reconnaît, là, on reconnaît qu'ils ont une bonne formation. On
reconnaît qu'ils sont rigoureux, bienveillants, qu'ils ont plein de qualités,
qu'ils sont même plus populaires que les avocats. Donc, ça, définitivement, on le reconnaît puis on... C'est
du bon monde. Je ne peux pas dire le contraire, là. Ma mère ne serait pas
contente. Ça fait que c'est... c'est du bien bon monde.
Je
trouve, par exemple, dommage... je trouve, par exemple, dommage qu'on
entretienne ici, là, la confrontation entre
les notaires puis les avocats. Puis c'est ma mère qui m'a envoyé un texto, qui
a dit : Dis au ministre qu'il lâche la confrontation entre notaires, avocats. Ça fait que... Bien, je trouve ça
dommage qu'on entretienne... qu'on entretienne ça ici.
La question, tu sais,
la question... Puis la question que moi, je me pose relativement aux notaires,
accéder à la magistrature... Tu sais, c'est plutôt rare qu'on apporte... qu'on
apporte un changement quand il n'y a pas nécessairement de besoins qui sont
soulevés. Puis, présentement, tous les groupes à qui on demande est-ce qu'il y
a un besoin, est-ce qu'il manque de juges au
Québec, est-ce que la banque de juges est vide, est-ce qu'il n'y a pas de juge,
est-ce que les juges appliquent quand...
est-ce que les avocats appliquent quand un poste est ouvert, tu sais, la réponse,
c'est oui, là. Ça fait qu'il n'y a pas... On n'a pas de problème à combler
cette partie-là.
Donc, ce n'est pas
envers vous, chers notaires, mais c'est plutôt... Tu sais, c'est plutôt cette
question-là qui nous revient en tête, là, tu sais : Pourquoi apporter ce
changement-là? Le ministre pourra y répondre ou pourra nous expliquer, du
moins, son intérêt, ou sa volonté, ou sa motivation à apporter ce
changement-là, quand le besoin... le besoin ne s'est pas fait sentir. Je
comprends que c'est une belle surprise, une belle surprise, là, pour
l'ensemble... l'ensemble des notaires du Québec. Mais, bon, est-ce que... est-ce
que c'est nécessaire, maintenant, d'entretenir de la confrontation? À mon avis,
je pense que non.
Maintenant que ça,
c'est dit, j'avais une petite question. Vous avez parlé d'offrir à la
population une plus grande diversité. Je n'étais juste pas certaine de
comprendre. Qu'est-ce que vous voulez dire par offrir une plus grande
diversité?
Mme Boily
(Catherine) : Plus grande diversité des parcours professionnels, plus
grande diversité de l'expertise également. Donc...
Mme Nichols :
OK. C'est bon. Merci. Pour le reste, on a le mémoire. Merci beaucoup.
Merci.
Le Président (M. Bachand) : Sur ce, Me Potvin, Me Boily, merci beaucoup d'avoir été avec
nous cet après-midi. C'est très apprécié.
Et, sur ce, je
suspends les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 24)
(Reprise à 15 h 27)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Alors, il me fait plaisir maintenant de recevoir
Mme Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons
d'hébergement pour femmes. Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi.
C'est un grand plaisir. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de
présentation, puis après on aura un échange avec les membres. Alors, la parole
est à vous. Merci encore d'être ici.
Fédération des maisons
d'hébergement pour femmes (FMHF)
Mme Monastesse (Manon) : D'accord.
Alors, merci beaucoup, M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés, de
m'accueillir au sein de cette Commission des institutions sur le projet de loi n° 8.
Alors, la Fédération des maisons d'hébergement
pour femmes accueille avec enthousiasme le dépôt du projet de loi n° 8 qui propose une modification importante à
l'article 248, soit l'ajout, au sein du Conseil de la magistrature, d'une
personne qui n'est ni juge, ni avocat, ni notaire, et qui oeuvre dans un
organisme qui a pour effet d'aider les personnes victimes d'infractions
criminelles, et qui sera nommée après consultation de tels organismes. La FMHF
et ses membres espèrent que cette modification aura un véritable impact sur les
femmes victimes de violence et leurs enfants.
Depuis plusieurs années déjà, nous demandons au
Conseil de la magistrature une collaboration constructive avec les groupes
terrain qui interviennent quotidiennement auprès des femmes violentées et leurs
enfants dans le cadre de leurs programmes de perfectionnement ou tout autre
lieu de collaboration possible. En effet, créer des ponts entre les organismes
représentant les victimes et la magistrature est, pour nous, un élément central
dans le processus de prise en compte des besoins afin de rebâtir la confiance
des victimes envers notre système de justice.
Actuellement, les maisons d'hébergement membres
de la fédération hébergent en moyenne près de 3 000 femmes,
1 500 enfants chaque année. Cependant, un tiers de ces femmes ont
refusé de porter plainte à la police en
2021‑2022, une tendance qui se maintient d'année en année.
Par conséquent, le traitement judiciaire et l'accompagnement des
victimes par des équipes spécialisées sont extrêmement importants pour rebâtir
leur confiance envers le système de justice. Ainsi, une plus grande
représentativité des personnes victimes au sein du Conseil de la magistrature
est essentielle afin de prendre en compte les réalités de toutes les femmes
violentées. La concrétisation et l'application des mesures recommandées à la
fois dans le rapport Rebâtir la confiance émis par le conseil... le
Comité d'experts sur l'accompagnement des victimes d'agressions sexuelles et de
violence conjugale ainsi que les rapports du coroner en chef sont... entre
autres, sont nécessaires afin d'améliorer la réponse du système de justice.
• (15 h 30) •
La FMHF travaille en continu pour garantir un
meilleur accompagnement des femmes violentées et salue la volonté affirmée du
ministre de restaurer la confiance des victimes envers notre système de
justice, entre autres, via la modification de l'article 248.
En plus de la création des tribunaux spécialisés
en matière de violence sexuelle et conjugale, la formation des juges en ces
matières est primordiale. Plusieurs tribunaux aux États-Unis et en Australie
démontrent l'importance de la formation des
juges, comme indiqué dans notre mémoire de la FMHF qui avait été déposé dans le
cadre de la loi n° 96 pour l'instauration des tribunaux
spécialisés.
Nous
considérons qu'en complémentarité à la formation de la magistrature une
représentativité des personnes victimes au sein du conseil est un
élément charnière afin de prendre en compte les réalités de toutes les femmes violentées. La personne experte de l'intervention
auprès des victimes apportera un éclairage indéniable quant à l'analyse
et aux décisions qui seront prises par le conseil.
Nous souhaitons aborder la question qui est au
coeur de la résistance dans l'implantation des tribunaux spécialisés et d'une
collaboration plus étroite entre la magistrature et les organismes oeuvrant
auprès des victimes. D'emblée, plusieurs études menées sur les tribunaux
spécialisés à travers le monde ont démontré que, même si ces tribunaux adoptent
une approche qui est centrée sur la victime, qu'ils contribuent à une
augmentation des taux de condamnation et que l'appellation «spécialisés» est
perçue comme une certaine menace au concept de présomption d'innocence, et à l'impartialité, et
l'indépendance des acteurs du système judiciaire, il n'en demeure pas moins
que, dans les faits, le processus de
détermination de la peine est appliqué de la même façon que dans un tribunal
criminel traditionnel et que le principe de fardeau de la preuve reste
inchangé. En ce sens, il incombe toujours, entre autres, aux procureurs de la
couronne de prouver la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable.
De nombreuses expériences terrain s'entendent
pour affirmer, preuves à l'appui, que les tribunaux spécialisés permettent aux
professionnels du système de justice pénale, en particulier aux juges, de
situer les principes juridiques dans le
cadre de connaissances contextualisées pertinentes pour la question en jeu et
de les appliquer à ces connaissances. Par
exemple, au sein du tribunal spécialisé de Southport, en Australie, le
rôle des magistrats spécialisés a été essentiel pour faciliter le
processus de changement collaboratif dans l'établissement du tribunal
spécialisé. Les entretiens et les discussions de groupe au sein du tribunal
spécialisé ont clairement révélé un fort consensus sur le fait que le rôle des
magistrats spécialisés était vital pour le fonctionnement du tribunal,
notamment pour assurer la cohérence du processus et des résultats. Les
magistrats ont été perçus comme ayant une approche axée sur la sécurité et ont
fait preuve d'un fort sentiment
d'appropriation des causes dont ils étaient saisis. Les discussions de groupe
ont révélé que cette expertise et cette compréhension étaient
perceptibles dans le comportement des magistrats. Ainsi, les magistrats ont été
décrits comme étant proactifs à plusieurs égards, par exemple, en cherchant à
obtenir plus d'informations des parties et d'autres personnes dans la salle d'audience, en étant prêts à
suspendre les causes pour solliciter des informations auprès d'autres
tribunaux et agences, et en gérant la salle d'audience de manière à alléger le
stress des parties. Grâce à l'expertise et à la formation, les magistrats de la
cour spécialisée ont été, selon les personnes interrogées, en mesure d'obtenir
une cohérence dans le processus et le résultat du tribunal.
D'autre part, les magistrats et les procureurs
du tribunal spécialisé ont reconnu que le potentiel de partialité pouvait
exister, mais ont également souligné que différents types de tribunaux
spécialisés fonctionnent dans tout le pays — on
parle toujours en Australie — sans
que des accusations de partialité soient lancées. Plusieurs ont indiqué que
les magistrats étaient très conscients de ce problème potentiel et qu'ils
répondaient de manière appropriée.
Finalement, il a été mis en évidence que le
magistrat ou juge spécialisé était considéré comme un leader important pour
faciliter l'amélioration du traitement des affaires de violence conjugale et
familiale.
En conclusion, nous constatons les impacts
structurants identifiés en Australie dans le fonctionnement des tribunaux spécialisés,
qui ont été générés, entre autres, par la formation des magistrats et le
développement de liens plus collaboratifs avec les intervenants
sociojudiciaires. En tenant compte de cet état de fait, nous considérons que la
nouvelle disposition à l'effet d'inclure une personne oeuvrant auprès des
victimes au sein du conseil est un élément fondamental qui favorisera une
pratique renouvelée des juges au sein des tribunaux, entre autres, spécialisés.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup pour votre
présentation. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, Mme Monastesse. Merci beaucoup de votre présence ici, en
commission parlementaire, pour les consultations du projet de loi n° 8.
Je vais débuter par la fin de votre
intervention, relativement au fait qu'on ajoute une personne qui n'est ni juge,
ni avocat, ni notaire et oeuvrant dans un organisme qui a pour objet d'aider
les personnes victimes d'infractions criminelles,
nommée après consultation de tels organismes, dans le fond, pour siéger sur le
Conseil de la magistrature. Le Conseil de la magistrature agit,
notamment, en matière de déontologie judiciaire. Donc, ils prennent des
décisions également en matière de formation des juges ou de perfectionnement
des juges. J'aimerais vous entendre là-dessus. Quelle va être la plus-value de la nomination de cette personne-là? Puis
j'aimerais vous entendre sur la formation ou le perfectionnement des
juges relativement aux violences sexuelles puis relativement à la violence
conjugale. Quelle est votre opinion relativement à ça?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
je crois que c'est un élément vraiment fondamental, parce que cette personne qui sera choisie est quand même une
experte du terrain, et sûrement qu'elle sera choisie parce que son expérience
est significative. Et elle fera en sorte, vraiment, de pouvoir éclairer la
magistrature sur plusieurs points, sur quels seront...
quelles seraient possibles les formations les plus indiquées, de par son
expérience, puisqu'elle amène le point de vue des victimes. Et, en ayant
une longue expérience, même sur le terrain, d'avoir été en cour, d'avoir
soutenu des victimes tout au long du processus judiciaire, elle sera à même de
pouvoir identifier des formations qui seraient, entre autres, les plus
pertinentes possible pour soutenir le juge au niveau de l'analyse des dossiers,
des enjeux, et le fait d'émettre des jugements ou un encadrement, entre autres,
dans la question du suivi des contrevenants. Alors, de par son expérience et de
par sa vision globale et intégrée, elle va être à même de pouvoir... de pouvoir
soumettre des formations possibles, d'envisager aussi le mode de formation qui
serait le plus approprié, de par son expérience.
M. Jolin-Barrette : OK.
Pensez-vous que le point de vue d'une personne oeuvrant auprès des victimes,
aussi, va apporter un éclairage puis un cadre d'analyse différent quand ça va
être d'aborder les questions de déontologie judiciaire? Parce
qu'actuellement le processus fait en sorte que, lorsque la plainte, elle est
déposée, bien, elle est entendue en
plénière, donc avec tous les membres du Conseil de la magistrature, pour
déterminer : Est-ce qu'on l'envoie en enquête? Est-ce que c'est
justifié? Pensez-vous que le fait d'avoir une personne qui oeuvre auprès des
personnes victimes sur le comité pour
évaluer : Ça, est-ce qu'on l'envoie en enquête, la plainte en matière
déontologique?, ça va avoir une incidence?
• (15 h 40) •
Mme Monastesse (Manon) : Tout à
fait. De par son expérience et de son analyse du cas qui va être soumis, de la
plainte qui va être soumise, ça va permettre d'avoir un éclairage, en termes
d'expertise sociale, de l'impact que le
jugement a eu sur les victimes, de l'impact... justement, quand on parle de
rebâtir la confiance, de l'impact que ça peut avoir sur la confiance des
victimes dans notre système de justice. Donc, de par sa formation, bien, elle
va être à même de dire, d'un point de vue
social, d'un point de vue des victimes, oui ou non, ça devrait... le cas
devrait être vraiment analysé en déontologie.
On a vu, dernièrement, certains jugements qui
nous semblent, d'un point de vue de représentant des victimes, hautement
questionnables, alors, où est-ce qu'on se demande comment le juge a analysé la
situation. Oui, il y a les points de vue
juridiques, mais, quand même, comme agent de changement dans notre système
de... système de justice et de par la volonté du gouvernement à faire en
sorte... Dans un point de vue d'humaniser la justice et de rendre de
meilleurs jugements, il y a beaucoup de... même au fédéral, mais il y a
beaucoup de jugements, dans le court terme ou dans le long terme, il y a
beaucoup de cas qu'on pourrait soumettre qui nous semblent très problématiques
au niveau de la décision qui a été rendue.
M. Jolin-Barrette : OK. J'aimerais ça qu'on
aborde la question, là, de la formation des juges, parce que, bon, c'est
le Conseil de la magistrature qui est chargé de la formation des juges. Les
magistrats, eux, ils ne parlent pas de formation, ils
parlent de perfectionnement. J'aimerais ça avoir votre point de vue, là, parce
que vous, vous oeuvrez quotidiennement avec des femmes victimes de violence
conjugale, de violence sexuelle également. On a mis en place... On est en train
de déployer le tribunal spécialisé également pour faire en sorte que tout le
monde ait de la formation. On a confié au Conseil de la magistrature
l'obligation, également, de faire de la formation en matière de violence sexuelle, de violence conjugale pour les
juges qui siègent au tribunal spécialisé. C'est quoi, votre perception, votre
analyse par rapport à la réalité que les femmes victimes de violence sexuelle
et conjugale vivent, lorsqu'elles vont à
la cour, par rapport aux différents jugements, que ce soit en matière
criminelle, mais que ce soit également en matière familiale, en matière
civile? J'aimerais ça avoir votre point de vue, ce que les gens que vous aidez
vivent, là, quand ils vont dans nos tribunaux.
Mme Monastesse
(Manon) : Malheureusement, souvent, elles se sentent vraiment... De
par le fait même, de par la procédure, de par l'analyse qui est faite de leur
situation, elles se sentent vraiment lésées par l'analyse qui est faite, que ce
soit au criminel, que ce soit au civil, où la fédération a produit un rapport
de recherche, en collaboration avec une
professeure en sciences juridiques, où on a vraiment épluché 250 jugements
papier et où on a voulu voir à quel point la prise en compte de la
violence conjugale était actualisée au niveau du tribunal de la famille, parce
que, dans la réalité, on s'est aperçus qu'il
y avait vraiment une mécompréhension des enjeux de pouvoir, de rapport de
domination, de contrôle coercitif qui étaient mal perçus et mal analysés
par les juges et que ça, ça avait des impacts directs au niveau de la sécurité
des femmes et des enfants. Alors, on a vu, dans le rapport où... Et même on
cite des jugements où on faisait... le juge faisait fi de l'impact des
violences sur la mère et sur les enfants, où est-ce que, pour lui... parce que
monsieur a peut-être été un mauvais conjoint, il est toujours un bon père, ce
qui pourtant, dans les 50 dernières années,
a été documenté scientifiquement, que ce n'était pas possible. Donc, on arrive
à des jugements qui mettent en danger les femmes et les enfants.
Et là je parle du
civil. Je ne parle pas du Tribunal de la jeunesse et du criminel, où est-ce
qu'on se retrouve encore plus... où la... je
veux dire, l'application de la loi peut être, même, en silo, où est-ce que le
criminel va reconnaître que monsieur est très dangereux, qu'il faut
mettre en place des mesures restrictives, mais, au civil, on dit : Ah!
bien, pour ce qui concerne les enfants,
monsieur a un accès illimité, sans surveillance. Et même, au Tribunal de la jeunesse, on arrive avec une
autre forme de jugement.
C'est tout à fait...
c'est tout à fait anxiogène et infernal de... pour une mère, d'avoir à jauger
avec ces différents jugements qui, dans la réalité, de son point de vue, sont
totalement contradictoires. Et il y a eu un rapport pancanadien, fédéral,
territorial, provincial à cet effet qui faisait état, justement, de manque de
coordination des différents tribunaux.
M.
Jolin-Barrette : Puis là c'est pour ça qu'on met en place le
coordonnateur judiciaire...
Mme Monastesse
(Manon) : Exactement.
M. Jolin-Barrette : ...puis qu'on a modifié, dans le droit... la première phase du droit de
la famille, le fait d'inclure, dans l'intérêt de l'enfant, la notion de
violence familiale, incluant la violence conjugale. On avait eu des discussions
avec Mme la députée de Sherbrooke.
Juste avant de céder
la parole à mes collègues, j'aurais peut-être une dernière question qui est
quand même d'actualité, puis je voulais
avoir votre opinion là-dessus. Le projet de loi C-5, qui est rendu une loi, au
fédéral, qui fait en sorte qu'en matière d'agressions sexuelles, désormais, le
gouvernement libéral fédéral a permis, maintenant, que des agresseurs
sexuels purgent leurs peines dans la collectivité, qu'est-ce que vous en
pensez?
Mme Monastesse
(Manon) : Bien, pour nous, c'est totalement... c'est insultant. Il n'y
a pas d'autre mot. Comment un contrevenant, un accusé peut, dans des crimes
aussi graves... puisse être assigné à domicile? Ça envoie un message... Ça, ça
va à l'encontre de... Moi, ça fait plus de 30 ans que je suis dans ce domaine.
Ça va à l'encontre de tous les efforts qui
ont été faits pour qu'on ait vraiment un engagement clair de notre système
judiciaire envers... envers les
victimes puis envers aussi... On parle souvent de tolérance zéro envers les
violences faites aux femmes. Il faut que notre système de justice envoie
un message clair à cet effet.
M.
Jolin-Barrette : Je vous remercie pour votre présence en commission.
Mme Monastesse
(Manon) : Merci.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa :
J'aimerais savoir... Parce que,
dans le mémoire, vous posez... bon, on comprend que vous êtes en accord avec l'ajout d'une personne au Conseil
de la magistrature, mais vous posez la question : Comment va-t-on choisir
cette personne-là? Et je veux vous entendre, parce que vous avez brièvement
abordé ça lors de votre présentation. Quels
seraient les critères qui seraient les plus importants à considérer pour
choisir la bonne personne qui représente le bon organisme?
Mme
Monastesse (Manon) : C'est une bonne question. On en aimerait
plusieurs, mais là on en est à un. Bien, je crois que cette personne-là devrait être choisie en fonction de son
expérience terrain, de ses connaissances aussi sur plusieurs
années, là, ça prend une expérience sur plusieurs années, qui ait des
expériences aussi auprès des différents tribunaux. Moi, je pense qu'il faut y
aller beaucoup sur l'expertise qu'elle a et sur sa vision aussi de la
collaboration avec la magistrature, comment
elle perçoit, comment elle envisage la collaboration, et en quoi cette personne
peut amener un éclairage nouveau et un éclairage plus pertinent de la
réalité des... du vécu des victimes.
Mme Bourassa : Et donc une personne
aussi qui y a de bonnes compétences en matière juridique, qui est capable de...
Mme Monastesse (Manon) : Pas
nécessairement.
Mme Bourassa : Non?
Mme Monastesse (Manon) : Pas
nécessairement, parce que, là, on parle vraiment d'une représentante des
victimes, alors, oui, qui connaît bien le domaine du juridique, mais surtout de
son expérience auprès des victimes et auprès du... dans l'accompagnement des
victimes dans le système de justice et dans les différents liens qu'elle a eus aussi avec des partenaires, avec les juges, avec
les services de police, avec les procureurs, donc, mais pas... Notre domaine,
ce n'est pas la gestion juridique. On n'a pas... Nous ne sommes pas des
avocats, mais nous avons une vision sociale de l'intervention sociale qui
devrait être privilégiée auprès des victimes.
Mme Bourassa : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Autres questions du côté
gouvernemental?
M. Lemieux : Ça dépend de combien de
temps il reste, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Je vous donne 3 min
22 s, M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Vous êtes trop bon pour
moi, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y, allez-y.
M. Lemieux : Vous êtes beaucoup trop
bon pour moi. À moins que madame... C'est bon?
Mme Monastesse, c'est toujours une joie de vous
entendre. Vous êtes tellement inspirante que j'aimerais parfois que vous restiez parmi nous quand on entre dans la partie
article par article de ces lois qu'on est en train de faire, parce que
votre terre-à-terre fait toute la différence par rapport à ce qu'on peut envisager.
• (15 h 50) •
Mme Monastesse (Manon) : Merci.
M. Lemieux : De toute évidence, même
si je vous parlais notaires, avocats, ça, ça ne changera pas grand-chose dans
votre discours et dans votre perception, mais, dans le reste de la loi... Parce
que, je comprends, là, la partie pour le Conseil de la magistrature, avoir un
représentant, pour vous, ça change tout. Mais on a quand même fait beaucoup de
chemin depuis quatre ans, là. Le premier... À la législature précédente, avec
tout ce qu'on a fait, on a intégré plein de
choses. Et je me demandais dans quelle mesure vous considérez que... Si
vous vous êtes donné la peine de
venir ici aujourd'hui, c'est parce qu'on est en train de placer, équilibrer ce
qu'on est en train de faire. C'est-tu un peu ça que vous vivez sur le
terrain?
Mme Monastesse (Manon) : Bien oui,
dans la perspective de l'implantation des tribunaux spécialisés, c'est comme un
élément du casse-tête qu'il faut mettre en place pour rebâtir la confiance. Et,
de par mon expérience aussi à l'international, que ce soit à l'ONU ou que ce
soit avec nos consoeurs d'à travers le monde... C'est pour ça qu'on regarde
beaucoup l'Australie, parce que c'est notre même système de droit, c'est les
mêmes... Ils ont aussi des enjeux au niveau des populations aborigènes, comment
mieux intervenir avec... C'est le même enjeu qu'on a ici, au Québec. Donc, moi,
je parle par l'expérience que je regarde ailleurs. Je regarde aussi à l'ONU,
où, de plus en plus, il y a des guides aussi
à l'attention des juges pour qu'ils prennent mieux en compte le vécu des
victimes. Donc, on... Oui.
M.
Lemieux : Bien, je vous interromps là-dessus parce que mon
temps est fini, mais c'est justement là-dessus que je voulais vous entendre. M.
le ministre l'a dit, les juges, ils n'appellent même pas ça de la formation,
ils appellent ça du perfectionnement. Il en reste-tu beaucoup à faire?
Mme Monastesse (Manon) : Bien, je
pense qu'il y a des juges qui ont vraiment une analyse très appropriée et qui, vraiment, vont tenir compte... Quand on
parle de violences faites aux femmes, là, que ce soit violence sexuelle,
que ce soit violence conjugale... Puis il ne
faut pas oublier que c'est une même femme qui peut vivre ces violences-là. Et c'est notre spécialité, à la fédération. Ce qui
est important... Là, je suis en train de faire mon idée. Mais, au niveau des
juges, on voit la sensibilité. Il y a des
juges qui, vraiment, vont prendre en compte tout ce qui est la question du
contrôle coercitif, des rapports de domination, qui, pourtant, est la
définition qui est inscrite dans notre politique d'intervention, mais qui n'est pas
nécessairement suivie par bon nombre d'intervenants sociojudiciaires, qui ne va
pas... qui ne vont pas prendre en
compte toute la question des rapports de force, de domination et de contrôle
coercitif. Parce que, dès qu'on fait fi de ces rapports-là, on entre
dans une analyse qui, malheureusement, ne va pas protéger les victimes et,
c'est ça, qui ne va...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci.
M. Lemieux : Merci. Merci, Mme
Monastesse.
Le Président (M.
Bachand) : Je dois céder la parole au
député d'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci, M. le
Président. J'aimerais... j'aimerais un peu reprendre un peu où ma collègue
députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré...
Parce qu'elle vous a posé une question que j'ai trouvée très pertinente. Vous
accueillez favorablement la modification à l'article 248 qui compose le
Conseil de la magistrature. C'est l'article 34 du projet de loi. Et ma
collègue vous demandait c'est quoi, des critères pour, justement, aller trouver
la bonne personne qui va siéger au Conseil de la magistrature. On a parlé
beaucoup de formation, parce qu'évidemment le
Conseil a un volet disciplinaire, ça, c'est une chose, mais il y a aussi toute
la formation. Personnellement, je préfère appeler ça de la formation ou
du perfectionnement, mais, enfin, on se comprend. Avez-vous des critères plus
précis de la personne qui devrait... ou des critères qui devraient être dans la
loi pour s'assurer que le gouvernement va aller choisir la bonne personne?
Mme Monastesse (Manon) : Bien, comme
je le disais, ça dépend énormément. C'est évident que ça prend quelqu'un qui a
minimalement, comme, 20 ans d'expérience, qui a traversé toutes les
modifications qui ont été faites en matière législative et au niveau du droit,
parce que, quand même, on a fait un très grand bout de chemin. Il faut se
rappeler qu'il y a 50 ans la question de la violence conjugale, c'était
quelque chose du privé. Ce n'était même pas criminalisé. Donc, ça prend
quelqu'un qui a suivi cette... cette évolution du droit, qui a suivi
l'évolution aussi de la prise en compte, de la prise en charge des victimes,
qui a une solide expérience, comme je le disais, auprès des victimes, qui a
des... qui a entretenu, tout au long de sa carrière professionnelle, aussi, des
liens avec la magistrature, avec les intervenants sociojudiciaires. Qu'est-ce
que je pourrais vous dire de plus?
Comme je disais, ce n'est pas nécessairement
quelqu'un qui a un background en droit ou quoi que ce soit. Ça, le droit, c'est
une chose, mais ce n'est pas ce qui intéresse la personne qui va représenter
les victimes. Mais je vous vois hausser les sourcils. Je ne sais pas si...
M.
Morin : Non. C'est parce que je vous écoute avec beaucoup,
beaucoup d'attention. Et puis effectivement... D'ailleurs, c'est ce
que... c'est ce que la disposition dit. La personne ne peut pas être ni juge ni
avocat, parce que ce n'est pas ce qui est recherché. Alors, ça, c'est... Ce que
vous dites, c'est hyperimportant, là, tout à fait.
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
tout à fait. Ça prend une sensibilité, mais ça prend quelqu'un qui a beaucoup
côtoyé le système de justice, comme je le dis, au niveau du suivi, de
l'accompagnement, de toutes sortes de dossiers, je veux dire, qui est en lien
avec toutes sortes de tables au niveau de l'amélioration des lois. Il y a
aussi... On en parle très peu, mais le comité d'experts que réunit le coroner
en chef, c'est notre deuxième rapport. Qu'il y ait toutes sortes de liens comme
ça, de différentes perspectives, du soutien des victimes, je crois que ça
devrait faire partie des critères d'évaluation pour le choix de la personne.
M. Morin : Je
vous remercie. Puis M. le ministre faisait référence... Quand on parlait de
formation, on a parlé, évidemment, des victimes d'agression sexuelle, de
violence conjugale, ce sont tous des crimes terribles, mais il y a aussi
toutes les victimes de violence sexuelles, des gens qui sont victimes de
proxénètes. Il y a aussi toute la question de la violence chez les peuples
autochtones, dans les familles. Donc, est-ce que vous pensez qu'il y aurait
aussi des modules ou une amélioration de la formation à donner éventuellement
et que cette personne devrait apporter cet éclairage-là au sein du conseil?
Mme Monastesse (Manon) : Tout à
fait. Comme nous, on travaille beaucoup dans la... On accueille des femmes pas
seulement pour un motif de violence conjugale. Alors, une femme que nous
accueillons, qui est victime de violence de
son proxénète, elle est à la fois victime de violence conjugale, d'exploitation
sexuelle, d'agression sexuelle. Il
faut avoir une formation qui va... ou un éclairage, ou un perfectionnement qui
va bien faire comprendre ces différentes intersections des violences que
vivent les femmes. Nous, nous accueillons des femmes... C'est impossible
qu'elles ne vivent qu'une seule forme de violence. Elles ont vécu de multiples
formes de violence et des...
C'est pour ça que moi non plus, je n'aime pas
tellement le terme «formation», parce que c'est plus comme une... une
perspective réflexive sur les pratiques. Toutes nos formations sont axées sur
le savoir-être. Et je crois que les juges,
dans l'exercice de leurs fonctions, dans le cadre juridique, peuvent bénéficier
d'une formation réflexive sur le savoir-être.
Ça,
c'est un peu comme, aussi, notre... Une de nos spécialisations, c'est toute la
question de la prise en compte de
l'intervention auprès des femmes immigrantes. Bien, ce n'est pas parce que vous
parlez 10 langues que... L'intervention auprès des femmes immigrantes, il faut le voir globalement, d'une façon
intégrale. Et ça ne vous demande pas de parler 10 langues, de connaître toutes les cultures,
et tout. Ce n'est pas ça qui est l'enjeu principal. C'est... L'enjeu principal,
c'est de comprendre les enjeux qu'elles vivent. Et, on le sait, elles dénoncent
très peu. Elles ne sont pas... elles ne sont pas prises en compte dans notre
système de justice parce que, pour toutes sortes de raisons, qu'elles ne
veulent pas porter plainte, qu'elles ne veulent pas passer à travers le système
de justice... Alors... alors, la question est... c'est de comprendre les enjeux, de comprendre qu'est-ce qui les motive et de
mieux les soutenir dans les besoins qu'elles ont pour porter plainte et
traverser le système judiciaire.
• (16 heures) •
Donc, c'est ça qu'il
faut comprendre. Et ça, c'est seulement dans une approche qui est réflexive et
qui est dans la... dans l'amélioration du savoir-être et de toujours avoir,
quand on parle de violences faites aux femmes, de toujours avoir une vision
intégrée de tous les enjeux, de tous les aspects que vivent les femmes, qui
n'est pas seulement un aspect, où il y a victime de violence. On accueille des
femmes qui ont été parrainées par leur conjoint, qui sont victimes de violence
conjugale, que leur conjoint les force à être exploitées sexuellement, des
enjeux qui sont multiples, multiples, et il faut...
Et, pour nous, il
serait important que les juges comprennent vraiment l'ampleur et toutes les
facettes des enjeux... des enjeux qui touchent les victimes qui sont devant
eux, parce que, souvent, on parle de résistance, la victime ne veut pas
collaborer, mais il faut comprendre le pourquoi de la situation pour mieux
l'accompagner. Et c'est pour ça qu'avec des tribunaux spécialisés on a un grand
espoir qu'on peut... qu'on puisse arriver à une vision globale, intégrée, afin
que... Et, on l'a vu en Australie, je veux dire, les sentences, je veux dire,
ça a grandement amélioré, un, la confiance des victimes, et, un, le... tout ce
qui est de la poursuite, et très peu d'abandons en cour dans le processus
judiciaire.
M. Morin : Merci.
J'aurais une autre question rapide. Dans le projet de loi, on parle beaucoup de
médiation obligatoire. Il y a des... Avec
certaines personnes, à mon avis, ce n'est pas approprié, des gens, justement,
qui auraient vécu des cas de
harcèlement ou de violence sexuelle intrafamiliale. M. le ministre disait qu'il
voulait exclure ces cas-là par règlement. Est-ce que vous pensez que,
par règlement, c'est suffisant ou on ne serait pas mieux de le dire carrément
dans la loi pour que ça ait plus de poids?
Mme Monastesse
(Manon) : Bien, je pense que, par expérience et avoir témoigné il y a
je ne sais plus combien d'années, là, quand
la médiation a été mise en place, le fait que... Ça devrait être dans la loi,
parce que ce n'est pas toujours clair. Et même certains organismes qui
présentent la médiation, ou quoi que ce soit, font très peu état du fait
que, quand on est victime de violence conjugale ou de multiples formes de
violence, familiale et autres, on a le droit d'être exempté de ce processus.
M. Morin : Merci
beaucoup, madame. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.
Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci,
M. le Président. Bien, merci de vous être déplacée pour nous rencontrer
aujourd'hui. Votre position sur le projet de loi est très claire. Ça fait que
je vais me permettre de faire un peu comme le ministre puis de déborder du
contenu du projet de loi.
Vous avez parlé de
rebâtir la confiance, de tout ce qu'il restait à faire, même, en dehors de ce
projet de loi ci, puis j'ai le goût de vous
demander... La reconnaissance du contrôle coercitif dans le Code criminel, c'est quelque chose qui contribuerait à rebâtir la confiance. Est-ce
que vous aimeriez voir l'Assemblée nationale envoyer un message clair,
comme on l'a fait dans les derniers jours par rapport aux peines de prison à
domicile? Est-ce que vous aimeriez nous voir
ici, à l'Assemblée, nous positionner clairement, demander au gouvernement
fédéral d'inclure le contrôle coercitif au Code criminel?
Mme Monastesse
(Manon) : Tout à fait. Il y a eu des projets de loi à cet effet qui
ont été déposés. Il y a eu des projets de loi fédéraux à cet effet. Et, tout à
fait, je crois que ça envoie aussi un message, un message très important. Et on
voit les bénéfices d'avoir intégré dans le Code criminel la question du
contrôle coercitif. On le voit dans des
juridictions comme en Angleterre et en Écosse, où ça a eu un effet important,
parce qu'on sait qu'en matière de contrôle... de violences faites aux
femmes, souvent... Et le contrôle coercitif, c'est l'élément qui nous permet,
justement, de démontrer qu'il y a violence parce qu'il y a contrôle.
Et souvent il y a
très peu de violence physique, qui est la violence qui est, malheureusement, la
seule violence qui est criminalisable, mais il y a souvent... C'est vraiment
des situations où il y a très peu de violence physique, mais un contrôle
absolu, absolu, à tous les points de vue, là, même psychologique. Nous, on a
des femmes qui arrivent en maison d'hébergement, puis on leur demande ce
qu'elles veulent porter, ce qu'elles veulent manger, elles sont incapables de nous répondre parce que, toute leur vie,
toute... elles n'ont vécu qu'à travers les volontés et les directives de leur conjoint violent. Alors, c'est
un effet dévastateur. Et, en Angleterre et en Écosse, il y a eu, justement, une
amélioration et une augmentation des plaintes avec cet effet de pouvoir mieux
prouver le contrôle et la violence, avec le fait de reconnaître le
contrôle coercitif.
Le
Président (M. Bachand) : 45 secondes, Mme
la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Donc,
ça favoriserait la confiance envers le système de justice mais également
l'accès au système de justice aussi, parce que ça permettrait à des gens qui,
en ce moment, ne sont pas capables de porter plainte
au criminel de le faire, si on faisait ce changement-là. Je pense, votre
message est très clair à l'intention de mes collègues et du ministre,
notamment, que vous souhaiteriez nous voir prendre cette position envers le
gouvernement fédéral. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Merci beaucoup, M. le
Président. Merci beaucoup de votre présence. Et c'est quand même bouleversant
d'entendre une personne aussi proche nous parler des réalités comme ça. Ce
n'est pas... En fait, ça vient beaucoup nous chercher.
Vous parlez
beaucoup, là, d'établir la confiance avec le système de justice. C'est sûr que
donner une formation aux juges, ça va peut-être... là, je ne veux pas dire un
côté plus humain, mais leur apporter la réalité, là, qu'on entend, même nous
ici. Mais c'est juste à quel point ça peut changer le... ça peut ramener le
lien de confiance. Il va falloir, je pense, aller, même, plus loin que
ça. Il va falloir aller...
Puis je regardais, vous avez... Ce qui est
intéressant, vous avez mis des références. Vous parlez beaucoup de l'Australie puis vous avez mis aussi les
références. Ça fait qu'on va sûrement pouvoir aller consulter ces documents-là pour
voir qu'est-ce qu'ils font de plus puis quels... qu'est-ce qu'on peut apporter
de plus, justement, pour leur permettre
d'être... en fait, de rétablir, là, cette confiance-là en elles-mêmes aussi,
là, pas juste envers le... envers tout ça, mais... Vous avez, en partie,
là, répondu à l'ensemble des questions en lien avec... avec le projet de loi n° 8, mais, si jamais il y a une suggestion qu'on voit
ailleurs, qu'on pourrait apporter ici...
Mme Monastesse (Manon) : Bien, comme
je le disais, en ce moment, c'est beaucoup, pour les juges, des formations qui sont didactiques. Et certains
juges, même, m'ont dit : On les a toutes faites, là, les formations en
violence conjugale, on le sait, là,
on le sait. Mais qu'est-ce qu'ils savent exactement? C'est pour ça que, quand
on parle... Nous, on mise beaucoup sur des formations qui soient
réflexives.
Tout est dans la question du savoir-être et du
savoir interpréter les agissements ou les paroles de victimes qui semblent
contradictoires. Quand on attaque la crédibilité d'une victime, on va
l'attaquer sur des éléments qui, en fait, et
c'est prouvé scientifiquement, n'ont pas force de preuve. Quelqu'un qui a
été... qui vit des traumatismes récurrents, qui vit un stress post-traumatique chronique, c'est évident que, quand
elle va venir témoigner en cour, elle a les flash-back. Il y a des...
Elle va avoir une amnésie sélective. Et on va l'attaquer là-dessus pour
attaquer sa crédibilité quand ce sont des
éléments qui ne sont pas scientifiquement basés. On ne peut pas l'attaquer
là-dessus, le fait qu'elle ne se souvienne pas. Moi, j'ai vu en cour un avocat de la défense demander 10 fois
de quel côté la porte du frigo s'ouvrait pour attaquer la crédibilité de
la victime.
Alors, c'est... ce sont ces éléments-là qu'on
peut faire part aux juges, et que, quand ils vont être sur le banc, ils vont
pouvoir avoir cette analyse-là et mieux évaluer la situation et les agissements
ou les réactions des victimes. Puis, que ce
soit au criminel, que ce soit devant les tribunaux de la famille, où est-ce
que, souvent, on va taxer les mères de vouloir empêcher les liens avec
le parent, il y a des éléments à tenir compte, là. Ce n'est pas... C'est faux
de dire que les mères veulent empêcher les
contacts. Toute la documentation scientifique... Même des femmes qui sont
victimes de violence conjugale ne veulent pas empêcher les contacts,
parce qu'elles disent : C'est le père. Alors, c'est toute cette question-là d'avoir des formations qui
soient beaucoup plus axées sur le savoir-être et le savoir-faire que sur les
savoirs. Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Ça a été un grand
plaisir de vous avoir avec nous cet après-midi.
Mémoires déposés
Avant de conclure les auditions, je procède au
dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus
lors des auditions publiques.
Sur ce, la
commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci
beaucoup. Bon week-end.
(Fin de la séance à 16 h 10)